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Henri Poincaré
L’arithmétique.
Les progrès de l’Arithmétique ont été plus lents que ceux de
l’Algèbre et de l’Analyse, et il est aisé de comprendre
pourquoi. Le sentiment de la continuité est un guide précieux
qui fait défaut à l’arithméticien ; chaque nombre entier est
séparé des autres, il a pour ainsi dire son individualité propre ;
chacun d’eux est une sorte d’exception, et c’est pourquoi les
théorèmes généraux seront plus rares dans la Théorie des
nombres ; c’est pourquoi aussi ceux qui existent seront plus
cachés et échapperont plus longtemps aux chercheurs.
Si l’Arithmétique est en retard sur l’Algèbre et sur
l’Analyse, ce qu’elle a de mieux à faire, c’est de chercher à se
modeler sur ces sciences afin de profiter de leur avance.
L’arithméticien doit donc prendre pour guide les analogies
avec l’Algèbre. Ces analogies sont nombreuses, et si, dans bien
des cas, elles n’ont pas encore été étudiées d’assez près pour
devenir utilisables, elles sont au moins pressenties depuis
longtemps, et le langage même des deux sciences montre qu’on
les a aperçues. C’est ainsi qu’on parle de nombres
transcendants, et qu’on se rend compte que la classification
future de ces nombres a déjà pour image la classification des
fonctions transcendantes, et cependant on ne voit pas encore
très bien comment on pourra passer d’une classification à
l’autre ; mais, si on l’avait vu, cela serait déjà fait, et ce ne
serait plus l’œuvre de l’avenir.
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est la théorie des
congruences, où l’on trouve un parallélisme parfait avec celle
des équations algébriques. Certainement, on arrivera à
compléter ce parallélisme, qui doit subsister, par exemple,
entre la théorie des courbes algébriques et celle des
congruences à deux variables. Et, quand les problèmes relatifs
aux congruences à plusieurs variables seront résolus, ce sera un
premier pas vers la solution de beaucoup de questions
d’Analyse indéterminée.
L’algèbre.
La géométrie.
Le cantorisme.
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Que de tendances diverses ! Faut-il les combattre ? Faut-il
nous en servir ? Et si nous voulions les combattre, laquelle
faudrait-il favoriser ? Est-ce à ceux qui se contentent de la
logique pure qu’il faut montrer qu’ils n’ont vu qu’une face des
choses ? Ou bien faut-il dire à ceux qui ne se satisfont pas à si
bon marché que ce qu’ils réclament n’est pas nécessaire ?
En d’autres termes, devons-nous contraindre les jeunes gens
à changer la nature de leur esprit ? Une pareille tentative serait
vaine ; nous ne possédons pas la pierre philosophale qui nous
permettrait de transmuter les uns dans les autres les métaux qui
nous sont confiés ; tout ce que nous pouvons faire c’est de les
travailler en nous accommodant à leurs propriétés.
Bien des enfants sont incapables de devenir mathématiciens,
auxquels pourtant il faut enseigner les mathématiques ; et les
mathématiciens eux-mêmes ne sont pas tous coulés dans le
même moule. Il suffit de lire leurs ouvrages pour distinguer
parmi eux deux sortes d’esprits, les logiciens comme
Weierstrass, par exemple, les intuitifs comme Riemann. Même
différence parmi nos étudiants. Les uns aiment mieux traiter
leurs problèmes « par l’analyse » comme ils disent, les autres
« par la géométrie ».
Il est bien inutile de chercher à y changer quelque chose, et
cela d’ailleurs serait-il désirable ? Il est bon qu’il y ait des
logiciens et qu’il y ait des intuitifs ; qui oserait dire s’il
aimerait mieux que Weierstrass n’eût jamais écrit, ou qu’il n’y
eût pas eu de Riemann. Il faut donc nous résigner à la diversité
des esprits, ou mieux, il faut nous en réjouir.
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Nous voilà donc obligés de revenir en arrière ; sans doute il
est dur pour un maître d’enseigner ce qui ne le satisfait pas
entièrement ; mais la satisfaction du maître n’est pas l’unique
objet de l’enseignement ; on doit d’abord se préoccuper de ce
qu’est l’esprit de l’élève et de ce qu’on veut qu’il devienne.
Les zoologistes prétendent que le développement
embryonnaire d’un animal résume en un temps très court toute
l’histoire de ses ancêtres des temps géologiques. Il semble
qu’il en est de même du développement des esprits.
L’éducateur doit faire repasser l’enfant par où ont passé ses
pères ; plus rapidement mais sans brûler d’étape. À ce compte,
l’histoire de la science doit être notre premier guide.
Nos pères croyaient savoir ce que c’est qu’une fraction, ou
que la continuité, ou que l’aire d’une surface courbe ; c’est
nous qui nous sommes aperçus qu’ils ne le savaient pas. De
même nos élèves croient le savoir quand ils commencent à
étudier sérieusement les mathématiques. Si, sans autre
préparation, je viens leur dire : « Non, vous ne le savez pas ; ce
que vous croyez comprendre, vous ne le comprenez pas ; il faut
que je vous démontre ce qui vous semble évident », et si dans
la démonstration je m’appuie sur des prémisses qui leur
semblent moins évidentes que la conclusion, que penseront ces
malheureux ? Ils penseront que la science mathématique n’est
qu’un entassement arbitraire de subtilités inutiles ; ou bien ils
s’en dégoûteront ; ou bien ils s’en amuseront comme d’un jeu
et ils arriveront à un état d’esprit analogue à celui des sophistes
grecs.
Plus tard, au contraire, quand l’esprit de l’élève, familiarisé
avec le raisonnement mathématique, se sera mûri par cette
longue fréquentation, les doutes naîtront d’eux-mêmes et alors
votre démonstration sera la bienvenue. Elle en éveillera de
nouveaux, et les questions se poseront successivement à
l’enfant, comme elles se sont posées successivement à nos
pères, jusqu’à ce que la rigueur parfaite puisse seule le
satisfaire. Il ne suffit pas de douter de tout, il faut savoir
pourquoi l’on doute.
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Arithmétique.
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Ces principes pourraient-ils être considérés comme des
définitions déguisées ? Pour cela il faudrait que l’on eût le
moyen de démontrer qu’ils n’impliquent pas contradiction. Il
faudrait établir que, quelque loin qu’on poursuive la série des
déductions, on ne sera jamais exposé à se contredire.
On pourrait essayer de raisonner comme il suit : Nous
pouvons vérifier que les opérations de la nouvelle logiques
appliquées à des prémisses exemptes de contradiction ne
peuvent donner que des conséquences également exemptes de
contradiction. Si donc après n opérations, nous n’avons pas
rencontré de contradictions, nous n’en rencontrerons pas non
plus après la n + 1ème. Il est donc impossible qu’il y ait un
moment où la contradiction commence, ce qui montre que nous
n’en rencontrerons jamais. Avons-nous le droit de raisonner
ainsi ? Non, car ce serait faire de l’induction complète ; et, le
principe d’induction complète, rappelons-le bien, nous ne le
connaissons pas encore.
Nous n’avons donc pas le droit de regarder ces axiomes
comme des définitions déguisées et il ne nous reste qu’une
ressource, il faut pour chacun d’eux admettre un nouvel acte
d’intuition. C’est bien d’ailleurs, à ce que je crois, la pensée de
M. Russell et de M. Couturat.
Ainsi, chacune des neuf notions indéfinissables et des vingt
propositions indémontrables (je crois bien que si c’était moi
qui avais compté, j’en aurais trouvé quelques-unes de plus) qui
font le fondement de la logique nouvelle, de la logique au sens
large, suppose un acte nouveau et indépendant de notre
intuition et, pourquoi ne pas le dire, un véritable jugement
synthétique a priori. Sur ce point tout le monde semble
d’accord, mais ce que M. Russell prétend, et ce qui me paraît
douteux, c’est qu’après ces appels à l’intuition, ce sera fini ;
on n’aura plus à en faire d’autres et on pourra constituer la
mathématique tout entière sans faire intervenir aucun élément
nouveau.
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VII
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XII
XIII
X.
XII. Conclusions.
Marc
Carmillaburana
Enmerkar
Pikinez
Paul-Eric Langevin
VIGNERON
1. ↑ http://fr.wikisource.org
2. ↑ http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr
3. ↑ http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html
4. ↑ http://fr.wikisource.org/wiki/Aide:Signaler_une_erreur