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Centre Sèvres | « Archives de Philosophie »
ISBN 9770003963008
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2014-4-page-721.htm
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Revue critique des études spinozistes pour l’année 2013 1
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LIMINAIRE
clairement marqué le travail sur Spinoza de Perler (Perler 2006/2011a, et, notam-
ment, 2011b).
L’interprétation de della Rocca, résumée à grands traits, consiste à soutenir que
la philosophie de Spinoza toute entière se constitue autour de l’application omnipré-
sente du « principe de raison suffisante » – dans ce contexte, le plus souvent abrégé
en PSR (Principle of Sufficient Reason), ce qui permet d’éviter la confusion avec le
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principe homonyme de Leibniz. Pour della Rocca, le principe de raison suffisante
est le principe rationaliste par excellence ; il en donne une formulation générique qui
élimine les éléments théologiques qui se trouvent invariablement à la base du prin-
cipe dans les diverses formulations leibniziennes. Selon della Rocca, le PSR se réduit
ainsi à la thèse qu’« il n’existe pas de fait brut » (della Rocca 2003). tout ce qui existe
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toutefois, sur deux points au moins, l’analyse de della Rocca diffère de toutes
ces interprétations. d’abord, della Rocca généralise la thèse de façon à soutenir que
le PSR ne gouverne pas seulement la construction de base de la métaphysique spi-
noziste, mais également sa théorie des passions (della Rocca 2008a, et 2008b), et
même sa théorie politique (della Rocca 2008a, et 2010b). Ensuite, et plus important,
della Rocca donne un tour supplémentaire à la thèse en soutenant l’idée d’un dou-
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ble usage du PSR selon lequel non seulement tout est intelligible et concevable, mais
tout est intelligible et concevable en termes d’intelligibilité et de concevabilité. Par
cela, il entend dire non seulement que les rapports conceptuels s’expliquent épisté-
mologiquement par eux-mêmes, mais qu’ils constituent pour eux-mêmes leur pro-
pre fondement ontologique, donc que les rapports conceptuels constituent la base
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Spinoza, les relations conceptuelles sont « neutres » à l’égard des attributs. Il ne s’agit
donc pas nécessairement de relations mentales, en tant que relations qui se consti-
tuent dans l’attribut de la pensée. Les relations conceptuelles s’expriment en tant
que telles simultanément dans tous les attributs. Bref, afin d’éviter que le concep-
tualisme spinoziste ne se réduise à un idéalisme, Newlands sépare ainsi la conception
de la représentation idéale (Newlands 2012).
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Si on s’en remet à l’article « the Sirens of Elea », Yitzhak Melamed, quant à lui,
estime que della Rocca se rend coupable d’un « mauvais usage » du PSR contre lequel
Spinoza lui-même nous met en garde dans l’Éthique quand il critique, dans l’appen-
dice de la première partie, ceux qui « ne cesseront de demander les causes des
causes ». Parfois, selon Spinoza, aucune cause ou raison ne nous est accessible et, en
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ce sens-là, il n’y a pour lui rien de scandaleux dans les faits inexplicables, contraire-
ment à ce qu’implique l’appel heuristique au PSR que della Rocca fait souvent pour
choisir entre plusieurs options interprétatives (Melamed 2012b). En outre, pour
Melamed, il y a des limites à l’univocité des notions de cause et de raison chez
Spinoza. Ainsi, il existe dans le système de l’Éthique ce qu’il désigne comme des
« bifurcations légitimes » : d’une part, une bifurcation radicale dans la notion de « cau-
salité » en causalité immanente et causalité transitive et, de l’autre, une bifurcation
radicale dans la notion de « conception » qui sépare la relation conceptuelle entre une
chose et l’essence de dieu, de la relation conceptuelle entre une idée et sa cause
externe (Melamed 2013a : 108 ; Melamed 2012a).
Actuellement, les discussions de l’interprétation de della Rocca semblent
conduire la recherche dans deux directions distinctes. d’un côté, du point de vue
historique, elles ont déclenché un intérêt renouvelé pour les interprétations idéalistes
de Spinoza, chez les idéalistes allemands, Hegel notamment (Melamed 2010 et 2012b ;
Förster et Melamed 2012 ; Newlands 2011a), mais aussi chez les idéalistes britan-
niques, par exemple chez l’élève de Bradley, Harold Joachim (Newlands 2011b ; della
Rocca 2013 ; Joachim 1901). de l’autre côté, le rationalisme radical, comme d’ail-
leurs aussi le monisme spinoziste, sont en voie de devenir des positions respectables
dans la métaphysique analytique contemporaine, et il représente une opposition puis-
sante à toute méthode s’appuyant sur le sens commun plutôt que sur la raison seule.
dans « the taming of Philosophy », della Rocca propose ainsi une critique appro-
fondie du principe d’« équilibre réflexif » développé par John Rawls et presque uni-
versellement accepté dans la tradition analytique, et il s’en prend aux fameuses
« intuitions pré-philosophiques » dont ce principe permet de justifier l’utilisation
(della Rocca 2013). Il suggère également comment les philosophes historiques – en
prenant comme exemple Bradley et Spinoza – peuvent nous aider à « désapprivoi-
ser » (untame) une philosophie contemporaine trop soumise à cette « méthode des
intuitions ». Chez Yitzhak Melamed, dans son article intitulé « Charitable Interpre-
tations », on trouve une critique analogue du « principe de charité » de donald
davidson, tel qu’il a été employé pour justifier des interprétations des philosophes
du passé que Melamed juge réductrices, en particulier l’interprétation de Spinoza
défendue par Edwin Curley (Melamed 2013).
Mogens LæRKE 2
2. Nous sommes ici redevable à Michael della Rocca, Samuel Newlands, Yitzhak Melamed,
ursula Renz et Martin Lin pour leurs différentes contributions.
Bulletin de bibliographie spinoziste 725
BIBLIoGRAPHIE
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Philosophical Topics 31 : 1-2, 75-94.
—. 2005. « Meaning in Spinoza’s Method, by Aaron V. Garrett » [recension], Mind 114 : 453,
150-154.
—. 2006 (2011a). « Explaining Explanation and the Multiplicity of the Attributes », in M.
Hampe, R. Schnepf, in collaboration with u. Renz (dir.), Ethik in geometrischer Ordnung
dargestellt, coll. Klassiker Auslegen, Berlin, Akademie Verlag, 17-35 (réédité dans
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—. 2010. « Acosmism or Weak Individuals ? Hegel, Spinoza, and the Reality of the Finite »,
Journal of the History of Philosophy 48 : 1, 77-92.
—. 2012a. « Inherence, Causation, and Conceivability in Spinoza », Journal of the History of
Philosophy 50, 365-386.
—. 2012b « ‘omnis determinatio est negatio’: determination, Negation, and Self-Negation
in Spinoza, Kant, and Hegel », in E. Förster and Y. Melamed (dir.), Spinoza and German
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Instruments de travail
Textes et traductions
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2.1. Baruch SPINozA : Compendio di Grammatica della Lingua Ebraica, a cura
e con introduzione di Pina totaro, traduzione italiana e note di Massimo Gargiulo,
Firenze, olschki, 204 p.
Pendant longtemps, l’Abrégé de Grammaire de la langue Hébraïque a été un
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ouvrage difficile, et le moins lu parmi les écrits de Spinoza. Cependant cette récente
traduction italienne démontre qu’il commence à gagner sa juste place dans l’inté-
rêt des historiens et des chercheurs intéressés par la pensée du philosophe hollan-
dais.
Au cours des dernières décennies ont paru la traduction française de
Joël Askénazi et Jocelyne Askénazi-Gerson (Vrin, Paris, 1966), la traduction anglaise
de Samuel Shirley dans le volume édité par M. Morgan, Spinoza Complete Works
(Hacket, Indianapolis, 2002), la traduction espagnole de Guadalupe González
diéguez, Compendio de gramática de la lengua hebrea (Editorial trotta, Madrid,
2005), et une première traduction italienne par Maria Elena Buslacchi dans le
volume édité par Andrea Sangiacomo, Spinoza. Tutte le opere (Bompiani, Milano,
2010).
La traduction de Gargiulo se caractérise par la fidélité au texte latin et la richesse
des notes, qui rendent compte de façon détaillée des choix linguistiques et souvent
des enjeux philologiques et philosophiques du texte. Il est très intéressant de noter
que celles-ci montrent en particulier la connaissance que Spinoza avait du grec.
Comme l’explique par exemple Gargiulo dans une note : « le Compendium montre,
d’une façon qu’on ne trouve pas ailleurs dans son œuvre, que Spinoza était compé-
tent en grec. Par exemple, il explique le son des lettres dans l’analyse de l’alphabet
(comme le kaf hébraïque comparé au chi grec). Puis, comme pluriel de scheva, il
utilise la forme schevata, clairement formée sur les substantifs en -ma, -matos de la
troisième déclination en grec. Puisque l’infinitif substantivé ne nécessite pas d’arti-
cle en latin, il choisit celui en grec et le décline aussi. dans la citation des livres des
Chroniques il n’utilise pas ce titre mais celui de la Bible grecque, Paralipomeni. Pour
expliquer l’usage des prépositions dans le chapitre Ix, il utilise une analogie avec
l’usage du génitif grec, et il emploie le pronom indéfini grec pour rendre certain liens
prépositionnels. Ainsi il se sert du parallèle entre le latin et le grec pour justifier sa
classification des conjugaisons des verbes hébraïques » (p. 36-37).
de son côté, Pina totaro montre dans son introduction les raisons qui enracinent
le Compendium dans l’œuvre de Spinoza, en soulignant en particulier l’affinité et la
dépendance de celui-ci avec le projet développé dans le Traité théologico-politique
(p. 1-32). totaro note aussi comment l’examen de la bibliothèque de Spinoza nous
apprend l’importance qu’il attribuait « à la nécessité de se doter d’instruments de
consultation adéquats, d’éditions fiables, de dictionnaires, de concordances, d’ou-
vrages grammaticaux, de répertoires et lexiques de différents genres » (p. 21-22).
Finalement, totaro nous offre une reconstruction très intéressante pour compren-
728 Archives de Philosophie
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dié : Tolle et lege.
Andrea SANGIACoMo
2.2. Baruch SPINozA : Tratatu politikoa. (Sarrera : Javier Peña ; Itzulpena :
P. Ezkiaga, E. Antxustegi arg.), Bilbao : Euskal Herriko unibersitatea, 218 p. –
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Recueils collectifs
3.1. Filip BuYSE (ed.) : « Galileo and Spinoza. Special issue », Intellectual History
Review, 23 (1), 157 p.
3.2. Francesco CAMERA, Andrea SANGIACoMo (a cura di), La ragione della
parola. Religione, ermeneutica e linguaggio in Baruch Spinoza, Padova, Il Prato,
298 p.
Ce recueil interroge la question du rapport entre raison et religion, question qui
constitue le véritable noyau conceptuel du Traité théologico-politique, mais qui
anime aussi la pensée de Spinoza depuis ses premiers écrits. Ce livre se présente
comme une occasion de sonder le rôle de la parole dans la philosophie spinozienne,
en montrant les multiples faces qu’elle revêt en tant que parole révélée ou parole des
prophètes, parole d’un langage, parole qui naît dans un contexte socio-historique et
qui est donc principalement liée aux réseaux de l’imagination. En outre, le choix du
titre du livre, « la raison de la parole », signifie une démarche plus ample, qui aborde
le problème de l’autonomie d’une théologie « amendée » ou d’une religion « libérée »,
déclinée selon les notions de justice et charité.
L’analyse du conflit entre imagination et raison est d’abord mise en œuvre par
Filippo Mignini, qui fait ressortir le double jugement de Spinoza envers la théologie :
d’une part, celle-ci apparaît comme un instrument autoritaire qui gouverne les pas-
sions des hommes, d’autre part, l’obéissance théologique garantit une voie pour le
salut de tous les hommes, à travers un parcours qui est d’ailleurs soumis aux renver-
sements de la fortune. de la même façon, la fonction pratique de la religion révélée
est envisagée par Alessandro dini, qui attribue une origine commune aux deux
genres de connaissance, prophétique et naturelle, sans toutefois négliger leurs diffé-
rences. Par ailleurs, Letterio Mauro intervient sur la duplicité du chemin du salut :
selon lui, la figure de Christ, qui ne se superpose pas à celle du sage, répond à la
même exigence de salut que la philosophie spinozienne, dont les principes rationnels
trouvent confirmation dans l’itinéraire de perfection et de sagesse tracé une fois pour
toutes par cette figure extraordinaire. La possibilité d’une traduction des catégories
Bulletin de bibliographie spinoziste 729
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L’approche interdisciplinaire de l’ouvrage, évoquée dans la préface, devient plus
évidente avec les autres études de ce volume : daniele Rolando, avec la notion de
« credo minumum », pose la question de l’ambiguïté du langage spinozien, tandis que
donatella di Cesare présente Spinoza comme le premier « grammarien » de la langue
hébraïque vivante, tout en reconduisant l’« amphibolia » de ses concepts à l’influence
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de la pensée juive. C’est sur la langue hébraïque en tant que langue parlée que prend
aussi appui l’examen d’Andrea Sangiacomo, qui remarque la conciliation de l’ima-
gination avec la raison dans la démarche de reconstruction du langage menée par le
Compendium. Pour sa part, Francesco Camera distingue les différents moments de
la théorie spinozienne de l’interprétation selon les critères de l’« hermeneutica gene-
ralis ».
Il faut signaler enfin la contribution de Pierre-François Moreau, qui ouvre ce
recueil et synthétise ainsi les trois axes de recherche mentionnés dans le sous-titre
du livre, c’est-à-dire « religion, herméneutique, langage ». Sa contribution contex-
tualise l’accusation d’athéisme subie par Spinoza au xVIIe siècle et l’analyse selon
trois niveaux de lecture, suggérant d’ailleurs une méthode interprétative des
concepts – y compris celui de dieu – qui considère les effets intra-textuels de l’usage
des paroles.
Sandra MANzI-MANzI
3.3. Juan Vicente CoRtèS et Sophie LAVERAN (éd.) : Spinoza. La raison à
l’épreuve de la pratique, Paris, Publications de la Sorbonne, 164 p.
édité par deux doctorants de l’université Paris 1, le présent recueil rassemble
les sept interventions prononcées lors d’une journée d’études tenue à la Sorbonne en
juin 2011. S’y ajoutent deux textes qui en « poursuivent » les « interrogations »
(Préface, p. 8). Il s’agissait de « poser en de nouveaux termes le problème de la
confrontation de la raison à la pratique dans l’œuvre de Spinoza ». La première par-
tie (« Questions de méthode ») comprend ainsi des textes de Andrea Sangiacomo
(« débat sur la méthode : du bon usage de l’expérience selon R. Boyle et B. Spinoza »),
Luis Placencia (« Le rationalisme de Spinoza et la méthode d’interprétation
biblique ») et J. Vicente Cortés (« Expérience politique et scientificité dans le Traité
Politique »). La seconde partie (« Applications pratiques ») comprend des textes de
Paolo Cristofolini (« Sur le rôle du troisième genre de connaissance dans la philoso-
phie politique spinozienne »), Nicolas Bouteloup (« L’actualité de l’acte libre : l’éter-
nité spinoziste à l’épreuve de la durée ») et éric delassus (« Santé du corps et santé
de l’esprit. Penser le corps malade : Spinoza et l’éthique médicale »). La troisième et
dernière partie (« Contrepoints et prolongements ») comprend enfin des textes de
Ilaria Gaspari (« une éthique, au lieu d’une Satire. Le rôle de la raison dans le traité
Politique »), Laurent Martinet (« Le spinozisme du langage ») et Sophie Laveran
(« Notions communes et vie commune : le caractère fondamentalement pratique de
la raison chez Spinoza »).
730 Archives de Philosophie
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œuvre remarquable, le Diccionario de música, mitología, magia y religión
(Acantilado, 2012).
Le livre dont il s’agit ici reproduit le paysage culturel de la Hollande au xVIIe siè-
cle à travers le fil conducteur de la peinture et de la musique dont l’écho résonne dans
le métier des luthiers. d’une érudition éclatante, il nous transporte au cœur des sons.
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Le lecteur parvient ainsi à pénétrer dans l’atelier des luthiers pour apprendre les
secrets de leur savoir-faire. Le point de suture d’un parcours aussi riche est le tableau
de Carel Fabritius : Vue de Delft et l’Échoppe d’un marchand d’instruments, qui
introduit à la lecture du livre. L’A. reviendra à ce tableau en rappelant que la meil-
leure façon d’entendre le son des luthiers est de contempler la peinture. Cela explique
le grand nombre de reproductions picturales de l’époque reprises dans le livre, qui
donne de l’ampleur aux évocations de l’A.
Par ailleurs, apparaissent des tonalités « wébériennes » quant au rôle joué par les
femmes dans les tâches ménagères – fait qui a été magnifié par le calvinisme. Ramón
Andrés ne passe pas sous silence les mauvaises conditions de vie de la société, dues
aux épidémies, aux guerres ou à une hygiène inadéquate, mais il s’arrête sur les inté-
rieurs picturaux, intimes, sereins pour les décrire avec soin : Vermeer est le peintre
qui revient le plus souvent, et la musique symbolisée par les instruments est le motif
central des tableaux retenus. Cet ensemble artistique constitue donc un musée pré-
cieux, où se montrent les enjeux imaginatifs du monde d’alors.
Pour ce qui est du sous-titre du livre, bien que les références à Vermeer soient
incontournables en ce qui concerne la peinture, les clins d’œil à Spinoza n’ajoutent
rien d’essentiel. Le métier de polisseur de lentilles pratiqué par le philosophe juif
devient un lieu où se déploient les connaissances du musicologue sur l’optique et
d’autres avancées scientifiques. de temps en temps, le nom de Spinoza apparaît à tra-
vers quelques données biographiques ou certains clichés à propos de la géométrie,
de la raison, de la joie ou de l’unité, dans une démarche qui renvoie à deleuze. Au
moins, on perçoit bien la complicité de l’A. avec Spinoza, fruit de son admiration
pour l’idéal de vie spinoziste.
L’un des meilleurs chapitres est « L’entrée dans l’atelier », où l’unité harmonique
devient audible. Le chapitre « un musée musical » est également intéressant, voire
amusant, avec le rappel des vies imprévisibles de quelques peintres hollandais. Malgré
le sujet, il s’agit, d’une certaine façon, d’un livre autant leibnizien – Leibniz s’y trouve
présent – que spinozien. Cela explique la diversité des nuances déployées, comme la
difficulté à organiser une somme d’informations considérable. Pour y parvenir, l’A.
propose d’accorder les contraires, s’inspirant de la sonorité du contrepoint de Jan
Pieterszoon Sweelinck, précurseur de Bach et créateur d’une musique solide et bien
construite, « d’ordre géométrique », en quête d’immanence. Pour Ramon Andrés, « il
est passionnant d’observer comment cet homme discret et affable, réticent aux
voyages et aux solennités, a créé et réalisé sa musique comme un écoulement des
contraires, comme une métaphore de l’unité de la multiplicité et, à la fois, comme sa
Bulletin de bibliographie spinoziste 731
désintégration : une vision avec laquelle Spinoza et Leibniz, venus plus tard, auraient
été en accord » (p. 232).
En fin de compte, outre la curiosité pour la peinture et le grand amour pour la
musique que ce livre suscite, le plus remarquable reste le choix bibliographique.
Pilar BENIto oLALLA
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4.2. Inmaculada HoYoS : « La presencia de la filosofía antigua en el pensamiento
de Spinoza : las referencias explícitas », Anales del seminario de historia de la filo-
sofía, 30 (2), p. 431-460.
4.3. Giovanni LICAtA : La via della ragione. Elia del Medigo e l’averroismo di
Spinoza, Macerata, Edizioni università di Macerata, 422 p.
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approfondie de L’examen. Pour explorer la complexité de ce texte (p. 287-378) la tra-
duction et les commentaires de Licata sont très précieux.
Le lien entre Spinoza et Averroés nous permet d’approfondir la véritable signifi-
cation et la racine historique plus profonde des « lumières radicales » dont Spinoza
est le symbole. Comme l’explique si bien Filippo Mignini dans son introduction,
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l’averroïsme est « une voie ouverte dans la civilisation arabe, dans l’esprit du plus
grand commentateur d’Aristote. […] La voie averroïste de la raison a été historique-
ment configurée comme prémisse et prodrome des Lumières, et des soi-disant
Lumières radicales en particulier » (p. xI-xII). de ce point de vue, le livre de Licata
peut servir de point de départ à l’exploration des idées et des racines de la philoso-
phie spinozienne, qui mérite encore de profondes recherches.
Andrea SANGIACoMo
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réhabiliter ou réévaluer le statut de la conscience (« consciousness ») chez Spinoza,
un concept souvent injustement négligé et incompris, selon lui.
dans son premier chapitre, l’A. aborde une question préliminaire : les idées adé-
quates sont-elles acquises ? Si oui, comment ? Le problème est fondamental. Les idées
adéquates sont censées définir la part éternelle de l’esprit ; toutefois, nous pouvons
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les méconnaître. La solution consiste alors à expliquer que les idées adéquates sont
« innées » mais « latentes ». Aussitôt la question principale devient : quels sont les
mécanismes qui font qu’elles « deviennent manifestes » ? Ainsi l’A. va-t-il chercher
dans son deuxième chapitre à expliquer « comment les idées constituent l’esprit »,
comment « chaque idée, de même que l’esprit lui-même, a et exerce sa puissance »,
et comment « les idées qui ont exercé leur pouvoir d’une manière particulière devien-
nent des affects » (p. 57). Il se trouvera enfin que le concept de conscience est au car-
refour de tout cela, qu’il est comme un autre nom plus précis de « l’affectivité », et
que tous nos mécanismes mentaux et affectifs sont enveloppés dans le moindre état
de conscience. Selon l’A., une idée devient un affect quand elle entre dans un rap-
port précisément déterminé avec toutes les autres idées de notre esprit et, ce faisant,
augmente ou diminue la puissance de l’esprit tout entier. Autrement dit, l’idée elle-
même, aussi puissante soit-elle, n’est pas encore un affect si, pour ainsi dire, elle
n’entre pas en réseau. C’est aussi à ce moment que la conscience est engendrée ; elle
est comme l’autre nom du devenir affect de l’idée. C’est pourquoi l’A. préfère par-
ler de « l’affectivité » plutôt que des « affects », dans la mesure ou les affects eux-
mêmes ne seraient que des espèces d’un genre d’événement mental plus universel
et fondamental.
Ayant donc tissé les liens entre les notions d’adéquation, d’affect et de conatus,
l’A. réaffirme dans son troisième chapitre que Spinoza entame et développe la notion
de conscience par le biais de la notion d’« affectivité », celle-ci étant donc « une pro-
priété » des idées, « principalement mais pas exclusivement exemplifiée par ces modes
de la pensée que Spinoza appelle les affects » (p. 105). L’A. laisse entendre que la
valeur de l’étude des affects est dérivée, et que c’est la valorisation de la conscience
qui y est réellement visée, celle-ci étant seule capable de fonder une éthique intellec-
tualiste. dans son quatrième chapitre, il examine ce qu’est la servitude selon Spinoza ;
selon lui, elle concernerait notre « échec à agir à partir de nos idées adéquates et de
nos désirs rationnels » plutôt que le fait « d’avoir des idées inadéquates ». on trouve
au cœur de cette interprétation (p. 170 sq.) un examen du statut de l’acrasie chez
Spinoza. Le dernier chapitre examine la conception spinoziste de la liberté : l’action
mentale consciente d’elle-même dans et par ses affects.
L’index est appréciable, les références à la littérature secondaire anglophone sont
abondantes, mais une confrontation avec la bibliographie secondaire française aurait
été utile. de façon générale, il est dommage que l’intérêt du livre soit affaibli par un
style trop souvent terne et répétitif.
Jack StEttER
734 Archives de Philosophie
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de Spinoza, centrée notamment sur la première et, subsidiairement, la deuxième par-
tie de l’Éthique. Ancien élève de Michael della Rocca, et connu comme l’un des inter-
venants les plus importants dans les débats récents autour du « PSR » chez Spinoza
(le principe de raison suffisante, dans une acception particulière – cf. le liminaire de
ce bulletin), Melamed se distingue par une méticulosité qui rappelle Martial
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Gueroult, tout en allant au-delà du commentaire de texte pour contribuer aux débats
sur la métaphysique analytique contemporaine. dans le premier chapitre, il se
penche sur la question, toujours vivante dans la tradition de commentaire anglo-amé-
ricaine, de savoir s’il faut ou non comprendre le rapport substance-mode chez Spinoza
sur le modèle du rapport logico-grammatical entre un sujet et ses prédicats. En s’op-
posant notamment à l’interprétation d’Edwin Curley, il conclut de façon affirmative,
tout en insistant sur la nature à la fois surprenante et audacieuse de la position spi-
noziste. Il se tourne ensuite vers le problème classique de « l’acosmisme » : il souligne
la « faiblesse » de l’individu spinoziste, tout en résistant aux conclusions de Hegel et
de Leibniz qui ne voient dans la substance de Spinoza qu’une unité sans distinctions
internes véritables. dans le chapitre III, consacré aux notions de « cause » et de
« concept », il s’attache à distinguer sa propre position de celle de della Rocca, en
soutenant notamment des « bifurcations légitimes » entre ces notions que della Rocca
tient pour absolument indissociables. Le chapitre IV souligne l’originalité de la thèse
spinoziste des modes infinis. Melamed tente notamment de jeter une lumière nou-
velle sur ces entités mystérieuses en établissant de façon purement formelle les pro-
priétés qu’elles doivent avoir, à partir des indications données par la symétrie et la
constitution du système lui-même. Enfin, les chapitres V et VI, consacrés respecti-
vement au parallélisme spinoziste et à la théorie des idées, analysent de façon sophis-
tiquée une « double doctrine du parallélisme » et une conception des idées « à multi-
ples facettes » qui ne sont pas sans analogie avec les analyses proposées autrefois par
Gilles deleuze et Martial Gueroult.
Mogens LæRKE
5.10. Yitzhak MELAMEd : « Charitable Interpretations and the Political
domestication of Spinoza, or, Benedict in the Land of the Secular Imagination », in
M. Laerke, J. E. H. Smith, E. Schliesser (dir.), Philosophy and Its History. Aims and
Methods in the Study of Early Modern Philosophy, oxford et New York, oxford
university Press, p. 258-277.
5.11. Yitzhak MELAMEd : « Mapping the Labyrinth of Spinoza’s Scientia
Intuitiva », in Johannes Haag und Markus Wild (ed), Übergänge – diskursiv oder
intuitiv ? Essays zur Eckart Försters die 25 Jahre der Philosophie, Frankfurt am
Main, Vittorio Klostermann, p. 99-116.
5.12. Josep MoNSERRAt : « La autoridad del poder en el t.P. de Spinoza », Agora :
Papeles de Filosofía, 32, (2), p. 7-28.
Bulletin de bibliographie spinoziste 735
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Espinosa, Lisbonne, Esfera do Caos Editores, com apoio do Centro de Filosofia da
universidade de Lisboa, e da Fundação para a Ciência e a tecnologia, 282 p.
Maria-Luísa Ribeiro Ferreira a publié de nombreux ouvrages sur Spinoza : A dinâ-
mica da razão na filosofia de Espinosa, Uma suprema Alegria, Spinoza. Ser e agir
(coord.) Elle propose aussi des études croisées sur les philosophes de la modernité ;
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ainsi dans Razão et paixão, o percurso de um curso, elle esquisse un dialogue entre
l’auteur des Passions de l’âme et Spinoza par l’intermédiaire des questions
d’Elisabeth dans sa correspondance avec descartes ; dans Diálogo e controvérsia na
modernidade pré-crítica, elle fait le bilan de Spinoza en dialogue avec d’autres pen-
seurs. L’auteure a contribué également à la didactique de la philosophie, à la réflexion
sur l’écologie et sur la théorie du genre.
Le recueil d’articles intitulé Uma meditação de vida est une présentation kaléi-
doscopique des points de résistance de la pensée de Spinoza aux interprétations mul-
tiples selon les époques et les tendances du contexte théologico-politique, éthique et
épistémique. dans une première partie, les lieux sensibles des études spinoziennes,
tels le rapport tout/parties, l’athéisme versus le mysticisme, le statut de la mens
humana, sont revus de façon claire et concise au croisement du judaïsme, du chris-
tianisme, de la pensée politique laïque et républicaine et, enfin, de la nouvelle science.
dans la seconde partie, l’A. interroge les diverses réceptions de cette œuvre rare et
dérangeante ; partant de la correspondance, d’abord amicale puis de plus en plus
inquiète avec oldenburg, puis des relations ambivalentes avec Leibniz, elle propose
ensuite des rencontres inattendues avec Kierkegaard ou Simone Weil. Puis, elle
reprend des lectures contemporaines de l’œuvre de Spinoza, celles de Michel Henry
ou de Paul Ricœur, par exemple. Elle fait état des discussions récentes opposant l’in-
terprétation matérialiste de Jean-Pierre Changeux à celle de Paul Ricœur. Elle insiste
sur la double lecture d’Emmanuel Levinas à dix ans d’intervalle, entre condamna-
tion et compréhension. La recension des interprétations se clôt par quelques
remarques critiques à propos de l’utilisation des concepts spinoziens par Antonio
damasio, occasion pour l’A. de clarifier les rapports du mind body problem et des
neuro-sciences.
À propos du titre de l’ouvrage, nous retiendrons le jeu de langage, repris dans le
chapitre : « Espinosa, uma filosofia da vida, uma filosofia de vida ». La référence à la
proposition LxVII de la quatrième partie de l’Éthique, « Homo liber de nulla re
minùs, quam de morte cogitat, et ejus sapientia non mortis sed vitae meditatio est »,
est revendiquée par sa mise en exergue au début du livre. Comme le français, le por-
tugais traduit le génitif vitae meditatio par « meditação da vida », méditation de la
vie. La vie est en effet l’objet de la méditation de l’homme sage. Mais ce que l’A. sug-
gère par la répétition en trompe-l’œil : « meditação da vida » / « meditação de vida »,
c’est que par la méditation consacrée au « vivre », la pensée spinozienne prend une
tournure existentielle. L’acte même de méditer constitue une autre manière de vivre :
méditation de la vie pour (une autre manière de) vivre. Prend alors tout son sens
736 Archives de Philosophie
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Jonas, « Spinoza and the theory of organism » (in Marjory Green ed., Spinoza. A
Collection of Critical Essays, Notre dame, Indiana, university of Notre dame
Press, 1979). dans le chapitre qui interroge l’hypothèse d’un « Spinoza écologiste
avant la lettre », les références à l’écologie « profonde » de George Sessions, ou à celle
plus réformiste d’Arne Naess, l’A. reprend certaines critiques de Luc Ferry contre
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en passant par la définition de la liberté humaine dans la cinquième partie de
l’Éthique, impliquerait toujours une conception radicale de la puissance immanente.
dans la seconde partie de son ouvrage, moins historique que la première, l’A. se
concentre sur les usages et les « applications » de la théorie de la puissance en privi-
légiant trois domaines principaux : l’imperium, l’imaginatio et la multitudo. Il s’agit
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sans doute de la partie la plus dense et la plus riche de l’ouvrage. Martin Saar consi-
dère en effet que la puissance spinozienne doit être interprétée comme une « capa-
cité de réalisation » (Wirkmächtigkeit), selon une signification proche de celle
d’Aristote, plutôt que comme une réalisation en acte ou une force toujours actuelle
(p. 137). dans cette optique, une puissance n’a de sens que par rapport à un contexte
et à une structure (le pouvoir, l’imagination, la multitude), qu’elle peut sans doute
partiellement modifier mais qu’elle ne peut jamais réellement dépasser. La puissance
est une force d’effectuation qui ordonne et qui « s’ordonne » à une réalité donnée
(p. 155). L’auteur engage à ce propos une discussion très serrée et très critique avec
Antonio Negri et Michael Hardt, notamment au sujet de leurs thèses les plus récentes
sur la « puissance des multitudes ». on peut ainsi affirmer en conclusion que le tra-
vail de Martin Saar ouvre des perspectives interprétatives inédites, qui bousculent
souvent l’horizon de l’herméneutique spinoziste reconnue en proposant une lecture
originale du système.
Saverio ANSALdI
5.17. Andrea SANGIACoMo : Gli occhiali di Spinoza, Le Mani, Recco, 84 p.
5.18. Andrea SANGIACoMo : « La parola tra immaginazione e ragione. un ipotesi
di lettura del Compendio di Grammatica della Lingua ebraica di Spinoza », in F.
Camera and A. Sangiacomo (ed.), La ragione della parola. Religione, ermeneutica
e linguaggio in Baruch Spinoza, Padova, Il Prato, p. 195-221.
5.19. Christopher SKEAFF : « ‘Citizen jurisprudence’ and the people’s power in
Spinoza », Contemporary Political Theory, 12 (3), p. 146-165.
5.20. diane StEINBERG : « Spinoza on Representation in Human Mind », History
of Philosophy Quarterly, 30 (1), p. 1-18.
5.21. Claude tRoISFoNtAINES : « Psychologie déterministe et projet éthique chez
Spinoza », Revue philosophique de Louvain, 111(1), p. 53-67.
6.2. Filip BuYSE : « Spinoza, Boyle, Galileo : Was Spinoza a Strict Mechanical
Philosopher ? », Intellectual History Review, 23 (1), p. 45-65.
6.3. Filip BuYSE : « Boyle, Spinoza and the Hartlib Circle : A Correspondence
which never took place », Society and Politics, vol. 7, No. 2 (14), 2013, 34-53.
6.4. Simone d’AGuStINo : Sistemi filosofici moderni. Descartes, Spinoza, Locke,
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Hume, Pisa, EtS edizioni, 320 p.
Le chapitre II est consacré à l’Éthique de Spinoza (p. 89-149). Points traités : 1.
Nozioni prime ; 2. dio ; 3. La mente humana ; 4. Gli affetti o moti dell’animo ;
Schiavitù et libertà ; 6. L’eternità della mente ; Bibliografia.
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6.5. Alexander douGLAS : « Spinoza and the dutch Cartesians on Philosophy and
theology », Journal of the History of Philosophy, 51 (4), p. 567-588.
6.6. Julie HENRY : « Les enjeux éthiques du statut des corps vivants. La critique
spinoziste de descartes », in delphine Kolesnik-Antoine (dir.). Qu’est-ce qu’être car-
tésien ? Préface de denis Kambouchner, Lyon, ENS éditions, p. 231-256.
6.7. Jean-Claude MILNER : Le sage trompeur. Libres raisonnements sur Spinoza
et les Juifs. Court traité de lecture I, Lagrasse, Verdier, 127 p.
dans une bibliographie spinoziste qui cherche par définition à promouvoir une
connaissance exacte et approfondie de l’œuvre de Spinoza, il y aura peu à dire de cet
ouvrage. La thèse se ramène à ceci : à partir d’un paragraphe du Traité théologico-
politique, on pourrait montrer que Spinoza s’efforce, par des procédures d’écriture
cryptées, de défendre l’apostasie pure et simple de tous les juifs et le choix, par
défaut, de la conversion à l’islam.
Cette thèse ne semble pas pouvoir être corroborée par d’autres passages du cor-
pus ni par l’esprit d’ensemble de sa doctrine. Elle nous en apprend davantage, comme
l’aurait dit Spinoza, de son auteur que de la nature de la chose elle-même. L’A. « fait
montre de son esprit » – Spinoza l’aurait dit – en multipliant les arguments à partir
d’une lecture par extrapolation du paragraphe 12 du chapitre III du TTP.
Auparavant, l’A. nous gratifie d’une analyse de la devise Caute, qu’il rattache à
une formule du Courtisan de Castiglione : Si non caste, sed caute (sinon de manière
chaste, du moins de manière prudente). En tronquant la citation, Spinoza aurait
crypté son projet essentiel, marqué par une « éthique de l’indécence »…
dans le paragraphe en question, sobrement intitulé « manifeste », Spinoza témoi-
gnerait d’une pleine adhésion à la politique espagnole de Ferdinand d’Aragon qui
ordonne l’expulsion des juifs en 1492 ; et la référence à la Chine (factuellement fausse
selon l’auteur) aurait pour objet essentiel d’infuser l’argument crucial – et donc
encore plus crypté –, qui convoquerait la figure de Sabbataï tsevi. Ce bref Messie
putatif entre 1665 et 1666, date à laquelle il est converti à l’islam à la cour de Mehmed
IV, serait le modèle à suivre selon Spinoza. S’ils veulent la stabilité politique, les juifs
devront se dissoudre eux-mêmes en tant que tels. Il n’y aura plus ici que les lecteurs
très avisés, ou les partisans acharnés de la méthode straussienne – dont on peut voir
ici les heureux effets méthodologiques, qui accepteront de lire ce sous-texte dans le
paragraphe en question qui n’a pour objet que de montrer que l’élection des juifs est
d’ordre temporel.
Bulletin de bibliographie spinoziste 739
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pas au prix de l’abaissement de ceux qui les poursuivent. » (p. 102-103)
Abstraction faite de l’incongruité de la thèse elle-même, qui suscite des senti-
ments contraires, on ne peut malgré tout cacher sa perplexité devant une argumen-
tation qui se targue de restituer la logique du texte tout en l’amputant préalablement
de son objet propre, donné dans le paragraphe précédent – comme l’auteur le recon-
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l’ont provoqué. S’il en va ainsi, c’est qu’il ne se présente plus, comme dans le théâ-
tre antique, sous la forme d’une rupture dans l’ordre du cosmos provoquée par l’in-
tervention des dieux, mais consiste plutôt dans la confrontation de l’individu avec
son incapacité et son impuissance.
Le tragique se retrouve donc chez les philosophes lorsqu’ils se voient confrontés
à ce type de problématiques qu’ils vont s’efforcer de résoudre en sortant de ce que
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M. Morvan nomme le « cercle tragique ».
Ainsi descartes rencontre-t-il l’expérience tragique lorsqu’ayant l’intuition de la
science admirable, il n’est pas certain de disposer des capacités pour l’atteindre. Cette
expérience est exposée dans l’étude des Olympica et l’analyse des trois songes. Il
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s’agit de mieux saisir l’étendue des capacités de la mens pour défaire le nœud tra-
gique qui l’empêche de progresser. C’est donc dans une démarche d’effacement que
s’inscrit l’exploration des possibilités qu’offre la raison pour nous éloigner de l’obs-
curité tragique qui aveugle l’esprit. Ainsi, l’homme égaré dans la forêt, plutôt que
de courir en tous sens peut échapper à son sort tragique en s’orientant méthodique-
ment dans une direction dont il ne déviera jamais. La méthode est ici un des éléments
déterminant de l’effacement du tragique. Cette figure du tragique n’est pas la seule
que l’on puisse rencontrer dans le corpus cartésien ; d’autres formes apparaissent,
entre autres lorsque se pose le problème de l’action. Ainsi, la question de la morale
provisoire comme le Traité sur les passions de l’âme sont également abordés. L’un
des mérites du livre de M. Morvan étant justement de ne pas réduire le tragique à
une forme unique, mais d’insister sur ses différents visages dans les œuvres de cha-
cun des penseurs étudiés.
Le traitement de l’œuvre de Pascal se fait quant à lui sous l’angle du dépassement.
Si l’apologétique pascalienne n’est pas une pensée tragique, il y a, malgré tout, une
dimension tragique de la double nature de l’homme. Cependant, la raison n’ayant
pas pour Pascal les vertus salvatrices que lui prêtent descartes et Spinoza, le tragique
ne peut être dépassé, et non effacé, que par la foi. C’est d’ailleurs sur le dilemme
entre foi et raison, effacement ou dépassement, que M. Morvan fait porter sa conclu-
sion.
Chez Spinoza, le tragique est abordé sous plusieurs angles : l’évitement, la libé-
ration et l’effacement. L’évitement concerne le Court Traité : la notion de conatus
n’y étant pas encore constituée, la difficulté pour l’homme de vaincre sa faiblesse
reste présente. En revanche, les traités politiques s’inscrivent dans une dynamique
de libération : il s’agit de rechercher des solutions institutionnelles aux conflits qui
déchirent les hommes confrontés à la nécessité de vivre en société et à la difficulté
de résister aux passions qui sèment la discorde – tandis que l’Éthique contribue à
effacer le tragique de la perception de notre condition de mode fini en éliminant la
crainte d’une mort qui n’est pas inscrite dans notre nature mais à laquelle nous ne
pouvons échapper.
Ainsi, l’intérêt du livre de M. Morvan permet de mieux comprendre en quoi des
philosophies pour qui le tragique ne constitue en rien une dimension essentielle de
la condition humaine n’en sont pas moins en capacité d’en créer implicitement des
concepts pertinents.
éric dELASSuS
Bulletin de bibliographie spinoziste 741
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466.
6.12. Eric SCHLIESSER : « on reading Newton as an Epicurean : Kant, Spinozism
and the changes to the Principia », Studies in History and Philosophy of Science,
44 (3), p. 416-428.
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6.13. david WoLLENBERG : « Nietzsche, Spinoza and the Moral Affects », Journal
of the History of Philosophy, 51 (4), p. 617-649.
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A.6.2. Sandra FIELd : « A democracy of the Multitude : Spinoza against Negri »,
Theoria : A Journal of Social and Political Theory, 59 (131), p. 21-40.
A.6.3. Eckhart FöRStER, Yitzhak MELAMEd (eds.) : Spinoza and German
Idealism, 298 p.
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Spinoza chez les idéalistes britanniques du début du siècle dernier. or, comme cha-
cun le sait, dans l’appendice de la première partie de l’Éthique, Spinoza désigne ses
adversaires comme les « théologiens et les métaphysiciens ». La plupart des occur-
rences du terme « métaphysique » sont péjoratives. Il n’est donc pas dépourvu d’une
certaine ironie que les éditeurs proclament Spinoza « le métaphysicien par excellence
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de la philosophie moderne » (p. 2). Mais cela n’est pas faux pour autant : c’est en effet
ce que Spinoza est devenu dans le monde anglo-américain, à savoir le garant du fait
que l’on peut faire de la métaphysique après et avec la philosophie analytique, comme
le faisaient jadis les idéalistes allemands après et avec Kant.
Mogens LæRKE
A.6.4. Inmaculada HoYoS SáNCHEz : « La ontología naturalista de Spinoza como
ontología de la pasión », Logos : anales del seminario de metafisica, 45, p. 95-122.
A.6.5. Juliana MERçoN : « La filosofía de Spinoza y el pensamiento sistémico
contemporáneo », Revista de filosofia (Mexico), 44 (133), p. 83-101.
A.6.6. Joshua PARENS : Maimonides and Spinoza : Their Conflicting Views of
Human Nature, Chicago, uCP, 226 p.
Joshua Parens, spécialiste de la philosophie politique et de la philosophie musul-
mane du Moyen Âge, souhaite examiner et comparer les anthropologies respectives
de Maïmonide et Spinoza. Le livre se présente alors comme une suite d’examens com-
paratifs visant tous à analyser les différences entre ces deux penseurs. Il s’agit avant
tout de mesurer le grand écart qui les sépare, écart qui aurait été largement sous-
estimé à la suite des travaux importants de Wolfson.
dans son premier chapitre (« désir et colère vs. Conatus), l’A. analyse ce qu’il
estime être le contraste le plus décisif entre Spinoza et Maïmonide : tandis que
Spinoza tendrait à ramener les affects à une seule source primitive – le conatus –,
Maïmonide penserait qu’il y a au moins deux sources – le désir et la colère. L’A.
observe que Spinoza s’avère en cela nettement « moderne », car il voudrait poursui-
vre la voie frayée par descartes vers une mathesis universalis. dans son deuxième
chapitre (« Vénération vs. égalité »), l’A. examine la critique dite égalitariste que
Spinoza fait de la « vénération », mais c’est aussi une occasion de traiter un des motifs
centraux de l’ouvrage : l’« ésotérisme » spinoziste (cf. p. 55 sq.).
En effet, les chapitres suivants et centraux de l’ouvrage développent tous cette
thèse cardinale : Spinoza aurait pratiqué, comme dit Léo Strauss, « un art d’écrire »,
ce qui expliquerait également notre penchant à sous-estimer la portée si extrême de
ses critiques des philosophes antérieurs, dont Maïmonide. dans son troisième cha-
pitre (« Formes vs. lois de la nature »), l’A. compare les notions de forme chez
Maïmonide et de lois de la nature chez Spinoza. En fait, il entend déterminer le sta-
tut de la méthode « synthétique » de l’Éthique et démontrer à nouveau que son
« matérialisme » est caché derrière la façade géométrique. dans son quatrième cha-
744 Archives de Philosophie
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téléologie. Spinoza aurait entièrement dévalorisé les thèses téléologiques qui soute-
naient les philosophies des « pré-modernes », dont celle de Maïmonide, et son usage
des « idéaux imaginés » ne constitue pas une réhabilitation des notions téléologiques
« pré-modernes ». Enfin, dans son dernier chapitre (« Prudence vs. imagination »),
l’A. examine le statut de la prudence chez Maïmonide et de l’imagination chez
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Spinoza. Ce dernier aurait voulu pouvoir concéder certaines choses aux imagina-
tions de la multitude et aux besoins du langage ordinaire, sans pour autant dimi-
nuer la radicalité absolue de ses thèses matérialistes, déterministes et, dans l’ensem-
ble, « modernes ».
L’A. clôt son texte sur un appendice révélateur : « Richard Kennington et l’ésoté-
risme de la pensée spinoziste ». Sa vision globale de Spinoza – matérialiste, dissimu-
lateur, « moderne » –, se justifierait une dernière fois. toutefois, il nous semble que
le recours fréquent de l’A. à des généralités aussi vagues que « moderne » ou « pré-
moderne » ne contribue guère à soutenir l’analyse. En dépit d’études de textes sou-
vent pertinentes, on peut regretter un manque de rigueur quant au discours. Par ail-
leurs, il est intéressant de constater que « l’ésotérisme » de Spinoza, cher à l’A., semble
jouir actuellement en France d’un regain d’intérêt, vu l’actualité qui entoure le débat
Milner-Segré et le fait que chacun, comme l’A., revendique l’idée de la pratique spi-
noziste d’un « art d’écrire ». Cela indique une pertinence non négligeable de ce livre
quant à l’état actuel de la recherche sur Spinoza en France.
Jack StEttER
A.6.7. Antonio PéREz QuINtANA : « Spinoza y el positivismo jurídico : la crítica
de E. Bloch a la concepción spinoziana del derecho como potencia », Laguna : revista
de filosofia, 31, p. 95-122.
A.6.8. Alison PEtERMAN : « Spinoza on the Principles of Natural things », The
Leibniz Review, 22, p. 37-65.
Pour en faciliter la recension, les auteurs sont invités à envoyer leurs livres et
les tirés-à-part de leurs articles à l’adresse suivante :
Archives de Philosophie
« Bulletin Spinoza »
14 rue d’Assas
F-75006 PARIS
Bulletin de bibliographie spinoziste 745
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Activités :
– organisation de conférences
– Envoi du « Bulletin de bibliographie spinoziste » et du « Bulletin
de l’Association des Amis de Spinoza »
– Information sur les principales activités spinozistes en France
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Adhésion :
Envoi d’un chèque de 20 € (cette somme comprend l’envoi des
bulletins) à :
Jacqueline Lagrée — uFR de Philosophie
Campus de Beaulieu
F-35042 Rennes CEdEx
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