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Les pays en

développement face
à la mondialisation
Françoise Nicolas

J
usqu’à une date récente, les deux phénomènes ce qu’elles peuvent en craindre et quelles mesures
parallèles de mondialisation et d’émergence il conviendrait de mettre en place pour leur per-
économique apparaissaient comme les deux mettre de tirer le meilleur profit de ce nouvel envi-
faces d’une même pièce, et l’intégration dans l’éco- ronnement économique et de ces nouvelles
nomie mondiale était vantée comme l’une des clefs contraintes.
du développement. La succession de crises dont
certaines économies émergentes ont été victimes 61
au cours des dernières années a amené à s’inter-
roger sur les bienfaits de la mondialisation, en par- 1. PED et mondialisation :
ticulier dans sa dimension financière. Par ailleurs, état des lieux
l’aggravation apparente des inégalités entre pays
riches et pays pauvres est de plus en plus fré-
quemment imputée au mouvement de mondiali- LES PED AU CŒUR DE LA
sation qui profiterait à un groupe limité d’écono- MONDIALISATION
mies dans le monde. L’hostilité ouverte au processus
de mondialisation, qui s’est manifestée à l’occa- Comme le remarquait le FMI (1997), « la par-
sion de la conférence de Seattle en novembre 1999, ticipation accrue des pays en développement repré-
témoigne de ce type de convictions. sente l’un des traits saillants de l’expansion du
Plusieurs considérations théoriques suggèrent commerce et des flux de capitaux observée dans
que les économies en développement ont intérêt à le monde au cours des dix dernières années ». De
participer plus activement à la mondialisation. l’avis unanime, la montée en puissance de la mon-
Cependant, cette dernière impose des ajustements dialisation constitue l’un des faits marquants de la
complexes et coûteux qui suscitent des craintes fin du XXe siècle1. Le rythme de l’intégration éco-
fondées. Alors que les résistances à la mondiali-
sation se multiplient et que le risque d’un retour 1. La mondialisation se traduit par un maillage extrêmement serré des
en arrière est de plus en plus fréquemment évo- activités économiques au plan international et par des structures d’inter-
qué, le moment semble venu de faire le point sur dépendance accrue. Ce mouvement s’est appuyé sur la libéralisation des
politiques économiques, sur une accélération des progrès techniques en
ces diverses questions. matière de transports et de communications et sur l’internationalisation
Après un bref examen de la réalité de la mon- croissante des activités des entreprises. Il a en outre de fortes chances de
se confirmer au cours des prochaines années, sous l’effet combiné de la
dialisation pour les PED, ce chapitre s’efforcera poursuite de la libéralisation des échanges commerciaux sous l’égide de
de préciser ce que les économies en développe- l’OMC et des flux de capitaux, mais aussi de la chute des coûts de trans-
ports, et du maintien de la dynamique de libéralisation et de privatisa-
ment peuvent espérer de ce processus, mais aussi tion.
RAMSES 2001

nomique mondiale s’est en effet considérablement Graphique 2


accéléré au cours des dernières décennies, avec Flux nets de capitaux privés à destination des PED
une intensification et un approfondissement des
échanges, à travers l’ensemble de la planète, quelle milliards de dollars
que soit la nature de ces échanges, c’est-à-dire 200

qu’ils concernent des marchandises ou encore des 1998


services et des capitaux. Ce mouvement n’est pas 150 1990
complètement inédit et un phénomène comparable
a déjà pu être observé à la fin du XIXe siècle (plus 100
précisément de 1870 à 1914)2 ; toutefois, la mon-
dialisation affecte aujourd’hui de manière profonde 50
un nombre beaucoup plus grand de pays en dehors
de l’Europe, de l’Amérique du Nord et du Japon 0
Flux publics Flux privés Flux de IDE
(Goto et Barker 1999). C’est donc l’ampleur géo- créateurs de portefeuille
graphique du mouvement actuel qui lui confère dette
toute son originalité. Note : Les flux privés créateurs de dette incluent les prêts bancaires et
Le degré d’ouverture des pays en développement, les obligations.
La Corée du Sud est incluse dans les chiffres des pays en développement.
défini comme le rapport entre le commerce exté- Source : World Bank (1999), Global Development Finance, Washington, D.C.
rieur et le PIB, est passé de 22,8 à 38 % entre 1985
et 1997, ce qui leur a permis d’augmenter leur part taculaire dans le volume et la nature des flux de
du commerce mondial de 23 à 30 % au cours de la capitaux à destination des pays en développement.
même période (OMC 1998). En outre, ces pays ont En termes de volume, la reprise des flux de fonds
considérablement diversifié leurs relations com- à destination de ces pays est clairement sensible à
merciales, du point de vue tant géographique que compter du milieu des années 80, une fois apaisées
62
sectoriel. La part des produits manufacturés dans les craintes engendrées par la crise de la dette latino-
leurs exportations est passée de 47 % en 1985 à américaine. Les flux de capitaux à destination des
70 % en 1998. Ils détiennent aujourd’hui environ PED sont passés d’à peine 35 milliards de dollars
25 % des exportations mondiales de produits manu- en 1980 à 60 milliards en 1990 et près de 200 mil-
facturés (contre moins de 7 % au début des liards en 1996 (FMI 1998). Rapportées au PIB, les
années 70), ce qui reflète la force du mouvement entrées de capitaux ont approximativement doublé
d’industrialisation de cette partie du monde. entre 1986 et 1996. Les flux de capitaux privés
Autre trait important, le mouvement de mon- l’emportent désormais très nettement sur les flux
dialisation s’est accompagné d’un changement spec- publics, avec en outre une montée en puissance des
titres de participation et des investissements de por-
tefeuille au détriment des prêts bancaires, qui étaient
Graphique 1
la norme dans les années 70. Les investissements
Croissance des échanges (en % du PIB)
directs étrangers, vecteurs par excellence de la mon-
% 50 dialisation3 à côté des flux commerciaux, ont connu
PED des taux de croissance particulièrement spectacu-
laires ; les PED ont accueilli jusqu’à 37 % des flux
mondiaux d’IDE en 19974. Cette modification dans
la nature des flux à destination des PED reflète le
40
regain de confiance dont ces pays bénéficient. Après
Pays industrialisés

2. Voir FMI (1997) ou encore Crafts (2000) en particulier sur ce point.


3. C’est en effet à travers les IDE que s’organise la nouvelle division
internationale du travail qui permet de resserrer les structures d’interdé-
30 pendance.
1981 83 85 87 89 91 93 95 97 4. L’inflexion observée en 1998 (26 % des flux mondiaux d’IDE) résulte
d’une part des bonnes performances enregistrées par les économies
Source : World Bank (1999), World Development Indicators, Washington, industrialisées, mais aussi, et peut-être surtout, du contrecoup de la crise
D.C. asiatique.
Les pays en développement face à la mondialisation

avoir littéralement explosé au cours de la première ont recueilli 55 % du total des IDE en 1998, contre
moitié des années 90, les entrées de capitaux au 41 % en 1990. La participation de l’Afrique au
titre de prise de participation ont quelque peu reflué mouvement d’expansion des IDE est particulière-
pour être compensées par une reprise des prêts ban- ment limitée. Selon la CNUCED, la part de cette
caires5. région dans l’ensemble des IDE à destination des
PED serait passée de 11 % pour la période 1986-
DES SITUATIONS CONTRASTÉES 1990 à 5 % pour la période 1991-1996, puis à 3,8 %
en 1996. La Malaisie à elle seule reçoit plus d’IDE
Cette évolution globale largement positive que l’ensemble du continent africain. Par ailleurs,
témoigne d’une insertion active des PED dans le au sein du continent africain, la répartition est très
mouvement de mondialisation. Toutefois, elle dis- inégale entre les pays : ainsi le Nigeria totalise
simule des disparités importantes. Jusqu’à présent, 44 % du total des IDE entrants de la région. De
les fruits de la mondialisation ont été répartis de manière plus générale, les pays les moins avancés
manière extrêmement inégale, ce qui a conduit à ne participent pas au mouvement général d’ac-
une hétérogénéisation croissante du monde en déve- croissement des flux d’IDE et leur part dans les
loppement6. Alors que certaines économies (en flux mondiaux demeure inférieure à 1 %.
particulier en Asie de l’Est) ont su tirer profit de En fait, les modalités d’intégration des PED aux
la mondialisation en adoptant des stratégies de circuits financiers internationaux diffèrent nette-
développement fondées sur l’ouverture écono- ment d’une région à l’autre et reflètent, dans cer-
mique et les exportations7, d’autres semblent être tains cas, la persistance d’une véritable situation
restées en marge. de dépendance. Ainsi, dans le cas des économies
Ces disparités sont perceptibles dans les diffé- africaines, les flux officiels continuent de domi-
rentes dimensions de la mondialisation (financière ner largement, même si la part des flux privés a eu
et réelle). À titre d’exemple, la part de l’Afrique tendance à s’accroître quelque peu au cours des
dans le total des flux nets de capitaux à destina- 5 dernières années. 63
tion des PED n’a cessé de diminuer depuis les
années 80, passant de 27 % en 1980 à 17 % en
1990 pour atteindre à peine 8 % en 1996 (FMI 5. Cette inversion de tendance s’est produite à partir de la crise mexi-
1998). Parallèlement, l’extrême concentration des caine, qui a entraîné une chute des flux de portefeuille.
6. Voir le chapitre « La fin de l’aide au développement ? » dans
flux d’IDE à destination d’un petit nombre de pays RAMSES 98.
n’a fait que s’accentuer au cours des dernières 7. Les stratégies de forte croissance fondées sur la croissance des expor-
tations ne sont cependant pas l’apanage des économies d’Asie de l’Est,
années puisque les 5 principaux pays destinataires elles ont également été le fait du Chili depuis le milieu des années 80 et
(Chine, Brésil, Mexique, Singapour et Indonésie) de la Chine depuis le milieu des années 70.

Tableau 1
Commerce mondial des marchandises par région, 1948-1998 (en pourcentage du total)

1948 1953 1963 1973 1983 1993 1998

Exportations
Amérique latine 12,3 10,5 7,0 4,7 5,8 4,4 5,2
Afrique 7,4 6,5 5,7 4,8 4,4 2,5 2,0
Moyen-Orient 2,1 2,1 3,3 4,5 6,8 3,4 2,6
Asie de l’Est 3,0 2,6 2,4 3,4 5,8 9,7 9,6

Importations
Amérique latine 10,6 9,3 6,8 5,1 4,4 5,0 6,2
Afrique 7,6 7,0 5,5 4,0 4,6 2,6 2,4
Moyen-Orient 1,7 2,0 2,3 2,8 6,3 3,2 2,6
Asie de l’Est 3,0 3,4 3,1 3,7 6,1 10,0 8,0

Source : OMC (1999).


RAMSES 2001

Graphique 3 la mondialisation est source de marginalisation,


Répartition des exportations des pays d’Afrique dans la mesure où l’accroissement des échanges
subsaharienne non producteurs de pétrole, 1990-1997 ne concernerait par exemple qu’un petit nombre
de pays, en majorité industrialisés. Même si la part
% 80 de certains PED dans les échanges mondiaux a
60 baissé, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont
40 restés de côté mais simplement que les autres ont
20
davantage bénéficié de la mondialisation qu’eux10.
La baisse de la part de certaines économies dans
0
1990 1994 1995 1996 1997
les échanges mondiaux ne signifie pas nécessai-
Agriculture Métaux et minéraux Produits manufacturés rement qu’il y ait eu réduction du montant absolu
de leurs échanges ; en fait le niveau absolu des
Source : Banque mondiale, repris de Global Economic Prospects 2000, 1999. échanges a fréquemment augmenté, mais moins
fortement que dans d’autres régions. La mondia-
Graphique 4 lisation ne semble donc pas avoir entraîné une mar-
Taux de croissance des exportations ginalisation systématique des PED.
de marchandises, 1987-1997 Même s’il n’est pas possible d’affirmer que la
marginalisation est inhérente à la mondialisation,
%14
12
force est de constater que ce mouvement s’est
10
accompagné de la persistance de graves inégali-
8
tés entre pays riches et pays pauvres. L’Asie de
6
Moyenne monde = 6,6%
l’Est est la seule région à avoir enregistré une
4
convergence de son niveau de vie vers celui observé
2
dans les économies industrialisées : le niveau de
64 0
revenu par tête a augmenté dans cette région de
s - t e t
mie es sub l'Es ud tin e e le NA 6 % par an en moyenne au cours de la dernière
no lisé que nne de que du S e la es Europentra ME
Écoustria Afri harie AsiePacifi Asie riquaraïb e c
ind sa et
é
Am et C Asi
décennie11, alors qu’il a chuté dans le cas des éco-
Source : Banque mondiale, repris de Global Economic Prospects 2000, 1999.
nomies africaines sur la même période (– 0,3 %
par an pour la période 1989-1998). Le revenu moyen
par tête de cette région en termes réels était en
La situation n’est guère plus favorable en matière 1998 sensiblement inchangé par rapport au niveau
de commerce international, une douzaine de PED de 197012. Au sein du groupe des économies en
regroupant à eux seuls 70 % des exportations en développement, seuls les pays arabes enregistrent
provenance du monde en développement8. La part des performances aussi médiocres.
de l’Afrique dans les échanges mondiaux de biens
et services n’a cessé de s’amenuiser, passant de
5 % en 1950 à 2 % en 1998 (OMC 1999)9. Le ratio 8. Ce même groupe de pays (Argentine, Brésil, Chili, Mexique, Chine,
exportations sur PIB est également en baisse ; de Hong-Kong, Malaisie, Corée, Singapour, Taiwan, Thaïlande, Indonésie)
absorbe 80 % des flux d’investissement et plus de 90 % des flux de por-
plus, les exportations sont toujours concentrées tefeuille à destination des PED (Nayyar 2000).
sur les produits de base, et les termes de l’échange 9. La part de l’Afrique dans le commerce des marchandises est passée de
près de 7 % dans les années 50 à 2,4 % en 1998, alors que parallèlement
ne cessent de se détériorer. Le principal problème celle des 6 pays commerçants d’Asie de l’Est a augmenté de 3 à près de
auquel les économies africaines ont à faire face 10 % (OMC 1999).
10. Dans un article récent, Low et al (1998) cherchent à établir si la mon-
tient à la structure de leur production manufactu- dialisation a débouché sur une plus forte concentration des flux de com-
rière et de leur spécialisation. merce et de capitaux. Ils constatent d’une part que la concentration du
commerce mondial a peu évolué au cours de la période 1976-1995, et
d’autre part que, si l’on tient compte de l’accroissement du commerce
INÉGALITÉS ET MARGINALISATION mondial, cette concentration a diminué.
11. Sous l’effet de la crise financière de 1997-1998, le revenu par tête a
toutefois connu une croissance négative (– 1,1 %) en 1998.
Les observations qui précèdent méritent d’être 12. En ce qui concerne les pays d’Afrique subsaharienne, les perfor-
mances en termes de croissance du PIB, qui semblent s’être améliorées,
interprétées avec prudence. Ainsi elles ne doivent sont trompeuses dans la mesure où elles ne sont pas accompagnées
pas nécessairement conduire à la conclusion que d’une meilleure maîtrise de la croissance démographique.
Les pays en développement face à la mondialisation

Tableau 2
Taux de croissance réels du PIB

Région 1966-1973 1974-1990 1991-1998

Croissance du PIB
Monde 5,2 3,0 2,5
Économies à revenu élevé 5,0 2,8 2,3
Économies à revenus faible et intermédiaire 6,2 3,8 3,2
Asie 5,8 6,5 7,6
Amérique latine 6,2 2,6 3,6
MENA1 7,8 1,4 2,9
Afrique subsaharienne 4,5 2,1 2,8

Croissance du PIB par tête


Monde 3,1 1,2 1,0
Économies à revenu élevé 4,1 2,1 1,6
Économies à revenus faible et intermédiaire 3,7 1,8 1,6
Asie 3,1 4,5 6,0
Amérique latine 3,5 0,4 1,8
MENA 4,9 – 1,7 0,6
Afrique subsaharienne 1,8 – 0,8 0,1

1. Moyen-Orient et Afrique du Nord.


Source : Banque mondiale, repris de Global Economic Prospects 2000, 1999.

La prudence est une fois encore de mise dans macroéconomiques des économies les moins avan-
l’interprétation de ces données. Il n’existe pas cées a été enregistrée durant la deuxième moitié 65
nécessairement un lien de causalité entre mondia- des années 90. Parallèlement, il semble que ces
lisation et inégalités des revenus. Tout d’abord, économies commencent aussi à s’intégrer à l’éco-
contrairement à ce qui est fréquemment avancé, nomie mondiale, même si les résultats sont encore
les inégalités de revenu au niveau mondial ont eu précaires – l’augmentation de plus de 50 % entre
tendance à s’amenuiser au cours des 20 dernières la première et la deuxième moitié de la décennie
années, sous l’effet combiné de la hausse des 90 de la part dans le PIB des flux de capitaux à
niveaux de vie de la Chine et de l’Inde (Boltho et destination de ces économies en est une illustra-
Toniolo 1999)13. Par ailleurs, l’évolution régionale tion. L’augmentation des flux d’IDE rapportés au
des revenus semble avoir suivi un cours parallèle PIB ne doit cependant pas tromper : elle peut sim-
à celui de l’intégration définie par exemple en fonc- plement refléter un niveau extrêmement bas du
tion des parts du commerce mondial (FMI 1997), PIB mais aussi s’expliquer par le fait qu’une bonne
ce qui suggère que l’intégration à l’économie mon- partie de ces flux sont destinés aux secteurs des
diale, loin d’être un facteur d’appauvrissement, est ressources naturelles qui n’ont pas grand rapport
un puissant facteur de croissance. avec la taille ou le dynamisme du marché local.
Au cours de la dernière décennie, les efforts
réformateurs se sont intensifiés dans certains des L’ÉMERGENCE D’UN DIKTAT
PED les moins avancés. Nombre de pays africains IDÉOLOGIQUE
ont par exemple profondément modifié leurs légis-
lations relatives aux IDE en augmentant le nombre En matière de politique de développement, depuis
des secteurs ouverts aux étrangers, en assouplis- la mise en place des institutions de Bretton Woods,
sant les conditions d’accès, en simplifiant les pro- un consensus s’est progressivement forgé autour
cédures ou encore en supprimant les restrictions
sur le rapatriement des profits (FMI 1999). Suite
à la mise en place de vastes programmes d’ajus- 13. Cette estimation s’appuie sur le calcul d’un indice de Gini, qui
montre, au niveau agrégé, une diminution de l’inégalité de la distribution
tement, une légère amélioration des performances des revenus.
RAMSES 2001

Tableau 3
Indicateurs d’intégration à l’économie mondiale 1990-1998

Région Ouverture1 Flux de capitaux privés IDE en pourcentage du PIB


en pourcentage du PIB

1990-1994 1995-1998 1990-1994 1995-1998 1990-1994 1995-1998

Asie 21,3 24,4 2,8 2,3 1,8 2,8


dont NEI asiatiques2 60,1 68,4 - -1,3 - -
Hémisphère occidental 14,2 15,7 3,0 3,6 1,1 2,4
MENA3 et Europe 31,4 32,2 5,3 1,5 0,5 0,8
Afrique subsaharienne 27,8 31,6 0,6 3,0 0,8 1,9

1. Ratio moyen des exportations et importations de biens et services sur le PIB.


2. Hong-Kong, Singapour, République de Corée, Taiwan.
3. Moyen-Orient et Afrique du Nord.
Source : IMF, World Economic Outlook, octobre 1999.

de la supériorité des mécanismes de marché comme tion optimale des ressources au niveau internatio-
mode d’organisation économique favorable à la nal. En outre, la mondialisation est également fré-
croissance, l’efficacité et la flexibilité. quemment vantée comme constituant un facteur
Parallèlement, la participation à la mondialisation de transparence à même d’accroître l’efficacité
(via en particulier la libéralisation, l’ouverture et économique en améliorant le fonctionnement des
la déréglementation) constituait, selon cette thèse, marchés et des institutions (Institut Aspen 1998).
un facteur-clef de la solution des problèmes de L’expérience des économies dynamiques d’Asie
66
développement. Cette logique de déréglementa- de l’Est a, dans une certaine mesure, validé empi-
tion, de libéralisation et d’ouverture a dominé les riquement cette vision. Même si les principes néo-
recommandations de politique économique des libéraux originels n’ont pas toujours été respectés
institutions de Bretton Woods et reflète ce qu’il est à la lettre par ces économies (certaines d’entre elles
convenu d’appeler le consensus de Washington14. ayant maintenu un degré assez élevé d’interven-
Comme le fait remarquer Nayyar (2000), la notion tionnisme d’État16), il est vrai que l’intégration à
de mondialisation n’est donc pas exclusivement la mondialisation a été un facteur essentiel dans
employée dans un sens positif, pour décrire un pro- leur essor économique. En effet, leur croissance a
cessus d’intégration croissante, mais aussi dans un été fondée sur une politique volontariste de pro-
sens normatif pour prescrire une stratégie de déve- motion des exportations, mais aussi, dans de nom-
loppement fondée sur l’intégration rapide à l’éco- breux cas, sur des flux importants d’investisse-
nomie mondiale15. ments directs étrangers17. Au-delà de la seule
Du point de vue théorique, une participation expérience des économies du « miracle asiatique »,
plus active aux différents circuits de l’économie les économies les plus étroitement intégrées à l’éco-
mondiale est censée engendrer un certain nombre
d’effets positifs. C’est un moyen d’améliorer l’al- 14. Voir par exemple Williamson (1991) ou Arditto-Barletta (1994) pour
location des ressources en les concentrant vers les un exposé détaillé des recommandations du consensus de Washington.
activités où le pays possède un avantage compa- 15. Khor (2000) y voit pour sa part la manifestation de la prédominance
du discours des institutions de Bretton Woods et de l’OMC sur celui des
ratif, mais aussi d’accroître l’efficacité grâce à l’in- agences des Nations unies.
tensification de la concurrence, et enfin de favo- 16. Ces interventions sont toutefois considérées comme n’étant pas
contraires aux prescriptions du consensus de Washington, dans la mesu-
riser la diffusion du savoir et de la technologie. De re où elles « vont dans le sens du marché ».Voir sur ce point Banque
même, la libéralisation financière et l’intégration mondiale (1993).
17. L’ouverture aux IDE a été plus systématique et a joué un rôle plus
dans les circuits financiers internationaux per- important dans le cas des économies dynamiques d’Asie de l’Est de la
mettent de lever les contraintes imposées par la deuxième génération. Pour de plus amples détails sur l’évolution de ces
politiques et leur contribution aux stratégies de développement, voir
capacité d’épargne locale et de favoriser l’alloca- OCDE (1999).
Les pays en développement face à la mondialisation

nomie mondiale sont celles qui ont enregistré les donc exercer des effets bénéfiques sur la crois-
performances les plus remarquables (Banque mon- sance (Alonso-Gamo et al. 1999). Forts de cette
diale 1996). conviction, les pays latino-américains en particu-
La récente crise financière qui a secoué l’Asie lier se sont détournés des stratégies de substitu-
a contribué à raviver les doutes quant aux effets tion aux importations caractéristiques des
systématiquement bénéfiques de l’intégration à années 60, pour adopter des stratégies de promo-
l’économie mondiale. Au-delà de ces inquiétudes tion des exportations. Parallèlement, ces pays sont
passagères, bien des incertitudes plus fondamen- passés d’une approche de la régionalisation fon-
tales demeurent, car, dans certaines circonstances, dée sur l’extension au niveau régional des pre-
l’ensemble de ces bénéfices peuvent demeurer mières stratégies, à un nouveau mode de régiona-
théoriques. Dès lors, il n’est pas étonnant que des lisation censé leur permettre de mieux s’intégrer
craintes s’expriment dans les PED et qu’une résis- à la mondialisation.
tance à la domination idéologique des institutions D’un point de vue théorique, la libéralisation
financières internationales se soit intensifiée au commerciale peut stimuler la croissance, soit en
cours des dernières années. permettant d’accroître l’investissement, soit en
améliorant l’efficacité de la production. Par ailleurs,
l’élimination des barrières aux échanges peut exer-
cer un effet particulièrement positif sur les petites
2. Des bénéfices ambigus économies en leur donnant accès à des marchés
pour les PED plus vastes. Sur le plan empirique, nombre d’études
confirment effectivement l’existence d’un lien
Les difficultés que rencontrent les PED, d’une positif entre libéralisation commerciale et crois-
part à s’intégrer à l’économie mondiale et de l’autre sance, en particulier pour les PED18. En fait, l’ou-
à tirer les bénéfices théoriquement escomptés de verture paraît toutefois plus être un catalyseur qu’un
cette intégration, de même que les risques liés à véritable moteur de la croissance. En particulier, 67
l’instabilité qui semble nécessairement accompa- la diversification des exportations est nécessaire
gner la mondialisation financière, sont autant de pour que l’ouverture soit favorable au décollage
raisons de s’interroger sur la réalité des bénéfices économique. À l’inverse, la persistance d’une
à attendre de ce processus pour les économies hors logique de division traditionnelle du travail peut
de l’OCDE. L’objectif est ici d’examiner les rai- ne pas être favorable au développement durable
sons pour lesquelles les bénéfices attendus pour- (Arditto-Barletta 1994).
raient ne pas se concrétiser pour les PED. Il s’agit L’absence d’automaticité des gains de la libé-
en d’autres termes d’analyser les risques et les ralisation commerciale constitue toutefois un défi
coûts de la mondialisation pour ces pays afin de considérable pour les pays qui adoptent une telle
mieux comprendre les fondements de leurs craintes stratégie. Les enseignements de la théorie tradi-
face à ce processus. tionnelle du commerce international, qui veut que
l’ouverture commerciale constitue un jeu à somme
OUVERTURE COMMERCIALE globalement positive, ne sont pas toujours validés
ET COÛTS D’AJUSTEMENT dans la réalité, tout au moins pas à court terme ni
pour tous les secteurs d’une économie19. En effet,
Le principal moteur de l’intégration économique
mondiale est incontestablement le commerce inter-
18. Voir Levine et Renelt (1992), Edwards (1992), Baldwin et Seghezza
national. De nombreuses études empiriques mon- (1995) par exemple, ou encore OMC (1998) pour une revue succincte de
trent que les stratégies de développement auto- la littérature sur ce sujet. Si les résultats de ces études ont récemment été
contestés, en particulier par Rodriguez et Rodrik (1999), ce que ces
centrées, qui consistaient au contraire à maintenir auteurs remettent en cause, ce n’est pas tant la réalité d’un lien positif
une économie à l’écart des circuits commerciaux entre ouverture commerciale et croissance que la validité des méthodes
utilisées pour le tester empiriquement.
internationaux, ont été des échecs extrêmement 19. Il est fait allusion ici à la théorie ricardienne des avantages compa-
coûteux en termes de croissance tant en Amérique ratifs, selon laquelle la spécialisation des pays en fonction de leurs avan-
tages comparatifs permet une meilleure allocation des ressources au
latine qu’en Afrique (Taylor 1998, Collier, Gunning niveau global et débouche donc sur une amélioration générale du niveau
1999). À l’inverse, l’ouverture commerciale devrait de richesse.
RAMSES 2001

dans la mesure où elle impose des restructurations ouverture aux échanges. Tout d’abord, la libérali-
et des modifications dans l’affectation des res- sation commerciale peut comporter des coûts bud-
sources, la spécialisation qui accompagne tout gétaires importants en provoquant une chute consi-
mouvement d’ouverture et de libéralisation com- dérable des recettes douanières, qui constituent
merciale20 peut s’avérer coûteuse21. Dans son rap- souvent dans les PED une part non négligeable des
port annuel 1998, qui consacre un chapitre à la revenus de l’État. Par ailleurs, il est fréquent que
mondialisation et au commerce international, la libéralisation commerciale se fasse de manière
l’OMC (1998) recommande, pour faire face à ces asymétrique, c’est-à-dire qu’elle impose aux seuls
problèmes d’ajustement, de « mettre en place des PED de libéraliser l’accès à leurs marchés, dès
filets de sécurité et [de] faciliter l’adaptation à un l’instant qu’ils avaient eux-mêmes d’ores et déjà
monde en évolution par la formation et la flexibi- accès aux marchés de leurs partenaires industria-
lité du marché du travail et du marché des capi- lisés. La répartition dans le temps des gains de
taux ». Cette recommandation reflète une certaine l’échange vient également accroître l’impression
candeur. Dans le cas des économies en dévelop- que la libéralisation peut être coûteuse.
pement, le mauvais fonctionnement des marchés, Enfin, la promotion forcenée des exportations
qui est une caractéristique fréquente (et précisé- peut également comporter des risques pour l’équi-
ment liée à l’état de mal-développement), peut soit libre de l’économie et de la société. Ainsi elle peut
entraver la formation des gains de l’échange soit conduire à une surexploitation des ressources natu-
accroître les coûts d’ajustement auxquels les pou- relles, mais aussi éventuellement de la main-
voirs publics doivent faire face. Si le marché du d’œuvre bon marché (notamment féminine, mais
travail est peu efficace par exemple, l’ouverture aussi enfantine), et enfin des ressources environ-
commerciale détruira des emplois sans en créer nementales. De ce point de vue, la mondialisation
nécessairement de nouveaux, tout au moins pas ne paraît pas nécessairement aisément compatible
rapidement (Stiglitz 1999). De même, les coûts de avec l’objectif de développement durable.
68
la libéralisation sont d’autant plus élevés que le
pays est mal armé pour compenser les perdants LIBÉRALISATION FINANCIÈRE
éventuels ou encore que le chômage et le niveau ET INSTABILITÉ
d’inégalité des revenus sont élevés. Dans le monde
en développement, l’inégalité de la répartition La participation à la mondialisation financière,
interne des bénéfices de la mondialisation est encore qui se traduit par une hausse spectaculaire des flux
plus problématique dans la mesure où le mouve- de capitaux à destination des PED, peut être une
ment de mondialisation a lui-même des chances source de croissance dans la mesure où elle per-
d’entamer les capacités redistributives, déjà faibles, met une affectation plus efficace de l’épargne et
des États (Onis, Aysan 1999). de l’investissement au niveau mondial. Outre l’in-
Par ailleurs, l’ouverture complète peut exposer tégration commerciale, l’intégration financière
un pays à un plus grand risque de chocs extérieurs, semble effectivement exercer une influence posi-
or les pays pauvres sont moins bien armés que les tive sur le taux de croissance d’une économie,
autres pour faire face à ces difficultés. L’ensemble comme l’ont montré en particulier King et Levine
de ces implications rendent la participation au mou- (1992) ou Levine et Zervos (1996). L’argument
vement de mondialisation par le biais de l’ouver- théorique sur lequel s’appuient ces analyses tient
ture aux échanges relativement délicate pour les à la capacité du secteur financier à accroître l’ef-
PED. Ces coûts d’ajustement sont sans conteste l’un ficacité microéconomique, à travers la stimulation
des principaux facteurs qui suscitent une résistance de l’épargne et l’amélioration de l’affectation de
à la libéralisation des échanges et plus généralement cette épargne à l’investissement. Dans un envi-
à la mondialisation. Il ne faut pas en conclure que
la libéralisation commerciale est à proscrire mais
20. Cette spécialisation est d’ailleurs l’objectif même de la libéralisation
que les conditions doivent être réunies pour per- puisque tout l’intérêt de l’ouverture commerciale est de permettre une
mettre aux PED de faire face à ces coûts et ces chocs. meilleure exploitation des avantages comparatifs ou encore des écono-
mies d’échelle et des hausses de productivité qui en résultent.
D’autres facteurs viennent encore accroître l’im- 21. Ce problème n’est bien entendu pas exclusivement observé dans les
pression d’inégalité dans les gains d’une éventuelle pays en développement mais il s’y manifeste avec une plus grande acuité.
Les pays en développement face à la mondialisation

ronnement de forte mobilité internationale des marchés financiers sont étroitement intégrés, la
capitaux, les PED ont particulièrement à gagner transmission des chocs est aussi plus facile, ce qui
dans la mesure où leur capacité d’épargne est par expose les pays participants à des tensions plus
définition inférieure à leurs besoins d’investisse- importantes. Le système financier international
ment (Knight 1998). Dans ces conditions, les pres- est intrinsèquement instable, ce qui peut se révé-
criptions en faveur de la libéralisation financière ler particulièrement coûteux pour des économies
et de l’ouverture des économies en développement dont la croissance n’est pas solidement assise. Tel
aux capitaux étrangers paraissent s’imposer. est l’enseignement que l’on peut tirer des expé-
Si la mondialisation peut, dans certains cas, être riences de plusieurs économies dites émergentes
à l’origine d’un cercle vertueux dans lequel les qui ont été victimes des excès des marchés : le
flux de capitaux alimentent la croissance en ren- Mexique, la Turquie et certaines des économies
forçant la discipline des marchés et la solidité du dynamiques d’Asie de l’Est (Onis et Ayzan 1999).
secteur financier, cet enchaînement est là encore Dans de telles conditions, la discipline dans la ges-
loin d’être automatique et un cercle vicieux peut tion macroéconomique apparaît d’autant plus néces-
aussi s’instaurer. Les bénéfices à tirer d’une par- saire. Si la sanction est utile en présence de déra-
ticipation à la mondialisation financière ne vont pages des politiques économiques, l’histoire récente
donc pas de soi. Tout d’abord, la preuve n’a pas suggère toutefois que la mondialisation peut pré-
été établie avec certitude que l’abolition des senter des risques considérables pour les écono-
contrôles sur les mouvements de capitaux permet mies en développement, même en l’absence de
d’accroître le taux de croissance (Grilli, Milesi- déséquilibres macroéconomiques majeurs. Dans
Feretti 1995). Bien au contraire, certaines études le cas des économies d’Asie de l’Est, l’inadéqua-
empiriques donnent de bonnes raisons de penser tion entre le rythme de la déréglementation finan-
que la mise en place de la libéralisation financière cière et de l’ouverture du compte de capital d’une
accroît le risque de crises financières et de crises part et le degré de maturité du système financier
de change (Kaminsky et Reinhart 1999). Certes, local d’autre part s’est avérée particulièrement dan- 69
il peut ne s’agir que de perturbations à court terme gereuse. Les économies qui ont été frappées par
qui ne remettent pas nécessairement en cause le les crises étaient toutes dans ce qu’il est convenu
potentiel de croissance à long terme ; les coûts d’appeler une zone grise, dans laquelle certains
immédiats qu’elles engendrent posent néanmoins facteurs de vulnérabilité peuvent à juste titre inci-
problème. Plusieurs raisons contribuent à rendre ter les spéculateurs à lancer des attaques sur les
la gestion de la mondialisation financière parti- monnaies. En d’autres termes, ces économies
culièrement problématique pour les économies en n’étaient pas parfaitement irréprochables, même
développement. Premièrement, l’augmentation des si les « fondamentaux » traditionnels paraissaient
flux bruts de capitaux s’accompagne nécessaire- sains. La responsabilité de la crise tient donc en
ment d’un risque élevé d’inversion massive et bru- partie à l’incapacité de ces économies à faire face
tale de ces flux, surtout s’ils sont en forte propor- aux contraintes imposées par la mondialisation.
tion de nature privée. D’autre part, la gestion des Ce sont toutefois les dysfonctionnements des « mar-
flux de capitaux peut s’avérer délicate au niveau chés » qui expliquent la violence et l’ampleur des
macroéconomique en raison des risques de sur- récentes crises financières. Si la globalisation finan-
chauffe qu’ils engendrent, mais aussi du fait de la cière ne doit certainement pas être condamnée en
difficulté que les économies bénéficiaires peuvent soi, force est de constater que certaines mesures
avoir à utiliser ces flux à bon escient. Sur ce der- mériteraient d’être mises en place au niveau inter-
nier point, la crise asiatique a marqué un tournant national afin que des excès puissent être évités.
incontestable en mettant en évidence les risques Dans un contexte de forte mondialisation où les
qui peuvent accompagner la mondialisation finan- informations, mais aussi les capitaux, circulent
cière et les excès auxquels elle peut conduire, alors rapidement d’une économie à l’autre, la marge de
que jusque-là ces effets pervers avaient eu ten- manœuvre des dirigeants économiques est réduite.
dance à être minimisés. Ainsi, en matière de politique de change, les auto-
Dans une économie mondiale où les structures rités des économies qui sont étroitement intégrées
d’interdépendance sont plus développées et où les aux circuits financiers internationaux se verront
RAMSES 2001

contraintes d’opter pour une certaine flexibilité développement des ressources humaines et des
(Jadresic, Masson, Mauro 1999). Ce n’est cepen- capacités technologiques locales s’impose pour
dant pas là le seul domaine dans lequel la mon- assurer l’absorption des technologies importées.
dialisation entrave la liberté de manœuvre des auto- Un certain niveau d’interventionnisme paraît dès
rités. La discipline exercée par les réactions des lors nécessaire pour assurer que les conditions sont
marchés financiers peut constituer une arme à mises en place pour maximiser les bénéfices et
double tranchant : si la mondialisation peut appa- minimiser les coûts de la mondialisation. Ces inter-
raître bénéfique dans la mesure où elle réduit les ventions viseraient par exemple à créer les infra-
possibilités de recourir à des politiques de type structures physiques nécessaires, mais aussi à
populiste qui déboucheraient sur des dérapages encourager la formation des ressources humaines,
budgétaires et inflationnistes rapidement sanc- qui seules permettront d’absorber les technologies
tionnés par les investisseurs internationaux et les importées. Enfin, les effets varient aussi en fonc-
marchés des capitaux, elle peut aussi limiter la tion du secteur dans lequel les multinationales sont
capacité des autorités de mettre en place des poli- impliquées : dans le cas des industries extractives
tiques contre-cycliques, utiles dans certaines cir- par exemple, rares sont les retombées positives sur
constances (Solimano 1999). le tissu industriel local du fait de la faiblesse des
liens en amont et en aval.
Parallèlement, les craintes liées à la présence
LE RETOUR DE LA DÉPENDANCE... PAR des entreprises multinationales refont périodique-
LA TECHNOLOGIE ment surface. La nouvelle division internationale
du travail, fondée en particulier sur la segmenta-
La mondialisation apparaît comme le vecteur tion du processus de production, contribuerait,
par excellence de l’accélération du rythme du pro- selon certains, à assurer la domination des entre-
grès technique. En effet, la participation aux réseaux prises multinationales, confinant les partenaires
de production internationale (à travers l’expansion des pays émergents ou en développement dans le
70
des IDE en particulier) offre un accès à une grande rôle de sous-traitants et les condamnant à demeu-
variété de technologies, de connaissances et de rer dans une situation de dépendance
savoirs, ce qui devrait permettre une croissance (Hochraich 1999)24.
rapide de la production et de la richesse22. Certaines L’absence d’automaticité des retombées posi-
études empiriques confirment cette hypothèse en tives des IDE dans certaines circonstances semble
mettant en évidence, d’une part, l’impact positif donner une certaine force à de tels arguments. En
de l’IDE sur la croissance du fait des liens de com- matière de diffusion de la technologie, la mise à
plémentarité entre investissement étranger et domes- profit optimale de la participation à la mondiali-
tique et, d’autre part, la supériorité, en termes d’ef- sation passe donc aussi par la mise en place de
ficacité, de l’IDE par rapport à l’investissement mesures d’accompagnement et par une coopéra-
domestique (Borenzstein et al. 1995). Les retom- tion plus étroite entre économies industrialisées
bées positives ne sont toutefois pas automatiques et économies en développement, ce qui ne va pas
et des effets d’éviction sont tout aussi plausibles. de soi.
Une étude récente (Agosin et Mayer 2000), qui
porte sur la période 1970-1996, établit par exemple
que l’impact des IDE sur l’investissement intérieur 22. Voir Moran (1998) pour une analyse complète des effets bénéfiques
est positif dans le cas de l’Asie, et dans une moindre de l’IDE pour les économies en développement.
23. Une revue des études empiriques sur les effets de l’IDE sur les pays
mesure de l’Afrique, alors qu’un effet d’éviction d’accueil, aux niveaux macroéconomique et microéconomique
(crowding out) domine en Amérique latine23. La (Blomström et Kokko 1997), met également en évidence l’ambiguïté de
l’impact des IDE sur la productivité des entreprises locales, le degré de
seule présence des multinationales ne garantit pas concurrence, les exportations, etc.
que les pays d’accueil en tirent systématiquement 24. Les craintes se sont encore accrues à l’issue de la crise asiatique
lorsque les entreprises multinationales étrangères ont été accusées de
avantage, en particulier en matière de progrès tech- vouloir racheter certaines entreprises à vil prix. Ces accusations sont tou-
nologique. Les entreprises multinationales se mon- tefois largement exagérées, d’une part, parce que les prix offerts reflé-
taient la situation des entreprises et, d’autre part, parce que les rachats
trent tout d’abord souvent réticentes à transférer par des étrangers sont demeurés moins importants que ce que l’on avait
de la technologie. En outre, un niveau minimal de initialement pu craindre.
Les pays en développement face à la mondialisation

merciale. Même s’il est vrai que le niveau général


3. Vers une meilleure des droits de douane a considérablement baissé
dans les pays industrialisés, les obstacles opposés
intégration des PED aux importations en provenance des PED ne sont
à la mondialisation pas le fruit de l’imagination. À titre d’exemple, la
mise en place lente ou ajournée des engagements
La mondialisation est souvent accusée d’être pris par les pays industrialisés, dans le cadre des
génératrice d’inégalités au niveau international, accords du cycle de l’Uruguay, en matière d’ou-
c’est-à-dire entre pays riches et pays pauvres, dans verture de leurs marchés aux exportations des PED,
la mesure où le système commercial et le proces- témoigne d’une mauvaise volonté manifeste. Dans
sus de mondialisation empêchent certains pays en les secteurs de l’agriculture ou des textiles, les pays
développement de s’intégrer dans l’économie inter- industrialisés ont eu tendance à repousser au maxi-
nationale et contribuent à aggraver l’inégalité des mum la mise en œuvre de leurs engagements, ou
revenus dans le monde (OMC 1998). Certains à reporter l’essentiel des allégements de droits dans
auteurs soutiennent par exemple que les pro- les dernières années du calendrier prévu, soit 2005
grammes d’ajustement structurels (PAS) auraient dans le cas de l’accord multifibres par exemple.
contribué à consacrer les situations de dépendance Finalement, l’application des mesures d’ouverture
en « gelant » les structures de spécialisation et par est demeurée extrêmement limitée jusque-là. À
conséquent en bloquant le processus de dévelop- titre d’exemple, en 1997 les droits de douane appli-
pement. Les politiques orthodoxes empêcheraient qués par les pays de l’Union européenne s’éle-
donc en quelque sorte les PED de s’intégrer de vaient à environ 15 % sur les importations de pro-
manière optimale dans l’économie mondiale, c’est duits agricoles non transformés et 25 % sur les
pourquoi la mondialisation, dans sa dimension nor- produits agricoles transformés, contre 4 % pour
mative, est fréquemment accusée d’avoir eu des les autres biens (à l’exclusion des textiles) (Sharer
effets pervers, en particulier pour l’Afrique, en 1999)25. De même, les crêtes tarifaires peuvent
exacerbant certaines de ses faiblesses structurelles dépasser 350 % dans certains cas, en particulier 71
(Stein 1999). Même si ces diverses accusations pour certains produits agricoles, les textiles et les
sont contestables, il ne fait guère de doute que l’in- vêtements. Les pays industrialisés apparaissent
tégration des PED au mouvement général de mon- donc opposés dans les faits à une libéralisation
dialisation n’est pas aisée et qu’un certain nombre équilibrée des échanges, ce qui traduit une cer-
d’obstacles s’y opposent, qu’ils soient le fait des taine hypocrisie, compte tenu des déclarations offi-
PED eux-mêmes ou des pays industrialisés. Par cielles (Stiglitz 1999). Cette résistance de la part
ailleurs, pour ceux des PED qui sont déjà parties des pays industrialisés résulte précisément des
prenantes au mouvement (en particulier les éco- craintes de certains secteurs ou groupes face à la
nomies émergentes), il convient de les aider à gérer mondialisation et à la concurrence des pays à bas
leur intégration afin de leur permettre de mieux la salaires en particulier.
maîtriser et de minimiser les risques et les coûts Au nombre des problèmes auxquels sont confron-
évoqués précédemment. tées les économies les moins avancées, certains ne
peuvent être résolus par les seules économies concer-
FACILITER L’INTÉGRATION nées. Tel est le cas pour la persistance du fardeau
de la dette, qui constitue certainement aujourd’hui
Vaincre l’hypocrisie des pays l’une des principales contraintes pour les pays qui
industrialisés sont près du bas de l’échelle mondiale des revenus
Outre les efforts consentis au niveau national
par les économies en développement elles-mêmes, 25. Comme le fait remarquer Sharer (1999), ces chiffres sous-estiment
des mesures doivent être prises par les économies quelque peu le niveau de protection réel, dans la mesure où les droits
sont généralement nuls ou presque sur les biens que les pays de l’UE ne
industrialisées pour créer des conditions plus favo- produisent pas eux-mêmes, comme le thé ou le café, alors qu’ils sont éle-
rables à l’insertion des PED dans la mondialisa- vés sur les produits qui sont en concurrence avec certaines productions
tion. Cette intégration se heurte en effet à certaines européennes. En outre, certaines barrières non tarifaires (soutien aux prix
à la production, subventions à l’exportation, etc.) doivent être prises en
résistances externes, notamment en matière com- compte.
RAMSES 2001

par habitant. Sur ce point, la mise en place de l’ini- couragement des flux de capitaux à long terme
tiative pour la réduction de la dette des pays pauvres comme les IDE) ; la deuxième approche consiste
très endettés (PPTE) devrait aider à faciliter les à s’en remettre à d’éventuelles réglementations
ajustements dès l’instant qu’elle s’accompagne d’un internationales censées réduire l’instabilité intrin-
ensemble de réformes structurelles internes. sèque du système financier international. Ces deux
pistes ne sont en aucune manière mutuellement
exclusives et devraient au contraire se compléter ;
Remédier aux défaillances internes toutefois, il ne fait guère de doute que la première
Enfin, une meilleure intégration des PED à l’éco- est plus facile à poursuivre car la mise en place
nomie mondiale passe aussi par la mise en place, d’une réglementation des flux de capitaux au niveau
dans ces économies, de mesures permettant de international a toutes les chances de se heurter à
remédier à certaines défaillances internes. de considérables difficultés (Feldstein 1999).
L’expérience de l’Asie de l’Est montre en parti- Pour ce qui est de l’ouverture commerciale et
culier que c’est le succès des stratégies nationales de la promotion des exportations, ces stratégies ne
de développement qui est à l’origine de la partici- doivent pas être mises en place en l’absence de
pation de ces économies au mouvement de mon- mesures d’accompagnement, qui seules permet-
dialisation26. Dans le cas de l’Afrique par exemple, tront de tirer profit des bénéfices potentiels et en
seul un accroissement de la capacité de produc- particulier d’assurer que les coûts d’ajustement
tion des économies devrait leur permettre de s’in- évoqués plus haut sont pris en charge. Ceci impli-
sérer dans les échanges internationaux. Les efforts querait toutefois d’autoriser des interventions actives
d’assainissement de la situation macroéconomique de la part de l’État, ce qui n’est pas nécessairement
demeurent donc prioritaires. Ils constituent une conforme aux prescriptions des institutions finan-
condition nécessaire, bien que loin d’être suffi- cières internationales. Sur ce point, il apparaît urgent
sante, de la réussite économique et de l’insertion qu’un dialogue soit engagé avec les autorités des
dans la mondialisation. Au-delà de la sphère éco- pays concernés et qu’un nouveau consensus émerge
72
nomique, les réformes doivent également concer- sur les orientations à donner en matière de poli-
ner l’environnement politique et institutionnel. Les tique économique, qui tiennent mieux compte des
problèmes politiques constituent en effet des fac- réalités des économies en développement.
teurs de blocage : l’instabilité, le manque de trans-
parence, probablement plus encore que l’absence Les PED et les institutions
de démocratie, tiennent par exemple les investis- internationales
seurs à l’écart.
Si les PED doivent absolument compter sur leurs
MIEUX GÉRER LA MONDIALISATION efforts propres pour réagir efficacement aux défis
de la mondialisation, cela ne signifie pas pour autant
Les stratégies nationales qu’aucun rôle ne doive être dévolu aux institutions
internationales. Bien au contraire, dans un environ-
Comme l’a montré l’expérience asiatique, la nement de mondialisation des échanges et des flux
prudence est de rigueur concernant l’insertion dans de capitaux, leur rôle est plus important que jamais.
la mondialisation. La libéralisation des mouve- À l’issue de la succession de crises dans les écono-
ments de capitaux ne doit pas être trop rapide ni mies émergentes, des interrogations se sont fait jour
se faire dans la hâte (Stiglitz 1999). En matière de sur la nécessité de réglementer ou tout au moins de
gestion des risques de la mondialisation financière, policer le processus. Une des tâches prioritaires des
deux approches sont possibles : la première consiste institutions financières internationales, Fonds moné-
à préparer, au niveau national, l’insertion dans les taire international et Banque des règlements inter-
circuits financiers internationaux en renforçant au nationaux en tête, devrait être d’édicter des règles
claires qui permettent d’éviter les dérapages et les
préalable la réglementation du secteur bancaire et
excès du type de ceux qui ont conduit aux récentes
en mettant en place un ensemble de mesures d’ac- crises financières des économies émergentes.
compagnement susceptibles de limiter les risques
liés à l’instabilité des entrées de capitaux à court
terme (ce qui peut passer par exemple par l’en- 26. Sur ce point, voir par exemple Nicolas (1997).
Les pays en développement face à la mondialisation

Par ailleurs, pour ce qui concerne la libéralisa- Encadré 1


tion des échanges et la mondialisation de la pro- La Xe Conférence des Nations unies
duction, une meilleure prise en compte des inté-
rêts des PED dans la détermination des ordres du
sur le commerce et le développement
jour est une absolue nécessité. En l’absence d’une
La Xe CNUCED s’est tenue à Bangkok du 12 au 19 février
telle mesure, les règles du jeu de la mondialisa- 2000. Après l’échec de la réunion ministérielle de l’OMC à
tion sont condamnées à demeurer asymétriques et Seattle, elle a été l’occasion pour les pays riches et les pays
les PED à voir leur autonomie toujours plus réduite pauvres de renouer le dialogue, mais aucun engagement
en matière de formulation de leurs politiques éco- ferme n’y a été pris.
nomiques. Le déficit de représentativité des PED À Bangkok, les discussions ont porté sur les diverses
au sein des grandes institutions de coopération pierres d’achoppement qui ont provoqué l’échec de la confé-
rence de Seattle. Ainsi, la question du champ d’un éventuel
multilatérales pose cependant problème et explique nouveau cycle de négociations commerciales, et en parti-
pour partie la défiance que les responsables de ces culier l’inclusion du dossier des subventions à l’agriculture,
économies peuvent ressentir à l’égard des déci- a été abordée. Ces discussions ont également porté sur cer-
sions qui y sont prises. L’ordre du jour du cycle de taines des revendications des pays en développement en
matière d’ouverture des marchés, qui avaient été exprimées
l’Uruguay était par exemple clairement favorable lors de la phase préparatoire de la conférence de Seattle et
aux intérêts des pays industrialisés et non à ceux qui n’avaient que très peu été prises en compte par la suite.
des PED27. Dans le prochain cycle de négociations,
Le plan d’action quadriennal de Bangkok (qui n’a aucune
il conviendrait d’intégrer les domaines qui inté- valeur normative, contrairement par exemple aux accords
ressent plus particulièrement les PED, notamment de l’OMC) reflète une certaine bonne volonté des pays riches,
les transports maritimes, les services de construc- en particulier en matière d’ouverture de leurs marchés. Ils
tion, les textiles, etc. Pour reprendre l’expression se sont en effet déclarés disposés à supprimer les taxes et
les quotas à l’importation des produits des 48 pays les moins
de l’ancien économiste en chef de la Banque mon- avancés, même s’il ne s’agit que d’un « engagement pos-
diale, Joseph Stiglitz, « il s’agirait de faire du pro- sible » et non d’un engagement ferme, qui les aurait contraints
chain cycle de négociation de l’OMC un véritable à intégrer rapidement ce sujet dans les négociations de
cycle du développement » (Stiglitz 1999). l’OMC. Par ailleurs, le texte limite cette concession à « l’es-
sentiel des produits », certains produits jugés sensibles
Cet objectif ne sera probablement pas facile à demeurant contingentés. 73
atteindre toutefois, car les PED ne sont pas néces- Sur la question des subventions à l’agriculture, certains
sairement prêts à faire front et à parler d’une seule progrès ont aussi été enregistrés : même s’ils n’ont pas
voix. Après le blocage de Seattle, la 10e assemblée retenu la notion d’effet de « distorsion significative », les
générale de la CNUCED, qui s’est tenue en pays riches ont reconnu que les subventions à l’exportation
des produits agricoles pouvaient « fausser » le régime com-
février 2000 à Bangkok, n’a, contre toute attente, mercial international au détriment des PED.
pas mis en évidence une position cohérente des
PED en vue de futures négociations. La conférence a enfin été l’occasion, pour les PED, d’af-
firmer clairement leur volonté de participer à de futures
Des mesures organisationnelles concrètes négociations commerciales multilatérales. Elle a donc per-
devraient cependant aider à faire droit aux demandes mis d’entamer le « processus de cicatrisation » souhaité par
et préoccupations des pays les moins avancés. Le le secrétaire général de la CNUCED à la suite de l’échec de
Seattle, même si aucun engagement n’a été pris quant à la
meilleur moyen de désamorcer les craintes de ces reprise des négociations de l’OMC.
pays est de les faire participer de manière plus éga-
litaire au processus de décision des institutions inter- Le plan quadriennal d’action peut être consulté sur le site
Web de la Xe CNUCED : http ://www.unctad-10.org. Il devrait
nationales, et en quelque sorte à la gestion de la être discuté lors du prochain sommet du G8 à Tokyo en
mondialisation (Michalopoulos 1999). À cet égard, juillet.
le fonctionnement des institutions internationales
est à revoir en faveur des PED. À l’OMC, les règles
sont en principe plus favorables aux PED qu’à la des Caraïbes et du Pacifique, qui ne disposent pas
Banque mondiale ou au FMI mais en fait le vote de mission diplomatique à Genève, de participer
par consensus favorise ceux des pays qui peuvent plus facilement aux négociations commerciales va
assurer une présence en continu. Or 19 des 42 incontestablement dans le bon sens.
membres africains de l’OMC ne possédaient pas de
représentant commercial auprès du siège de l’or-
ganisation à Genève (Stiglitz 1999). La décision de
27. Pour les PED, les coûts engendrés par la mise en œuvre de trois des
la Commission européenne de financer un bureau accords passés dans le cadre du cycle d’Uruguay ont été estimés à
ACP à Genève, qui permettra aux pays d’Afrique, 150 millions de dollars par la Banque mondiale (Sikhakhane 2000).
RAMSES 2001

Quel rôle pour les groupes régionaux ? ment différente de celle des économies industria-
lisées, mais le problème est que les premiers sont
Enfin, un troisième niveau d’intervention perti- moins bien armés pour faire face à ces coûts et que
nent pour répondre aux défis de la mondialisation les seconds ont la haute main sur les institutions
est le niveau régional. La coopération régionale peut financières internationales, ce qui les place en posi-
se révéler particulièrement utile aux PED pour faire tion plus favorable.
face aux conséquences de la mondialisation dans la Les réactions négatives à la mondialisation dans
sphère financière par exemple. Ainsi, une réponse les pays les plus avancés ne sont pas rares. Il ne
régionale aux chocs engendrés par la volatilité des faudrait pas cependant que ces difficultés, censé-
marchés financiers et de change serait sans doute ment passagères, rendent l’intégration à l’écono-
plus efficace que des réponses nationales disper- mie internationale des pays en développement
sées (Onis et Ayzan 1999). En Asie de l’Est, l’inté- encore plus douloureuse. Ces considérations
gration financière de fait, qui se manifestait par devraient être intégrées de manière plus évidente
l’augmentation de la circulation des capitaux étran- dans les réflexions des institutions financières inter-
gers entre les différents marchés monétaires et mar- nationales lorsqu’elles définissent les recomman-
chés des capitaux de la région, ne s’est pas accom- dations en matière de politique économique à des-
pagnée d’une coopération financière structurée et tination des PED. Elles ont, elles aussi, un rôle
volontariste. Certes, plusieurs forums de discussion important à jouer pour éviter que les opinions
existaient, à l’image de la réunion des dirigeants des publiques dans les PED ne deviennent toujours
banques centrales de l’Asie de l’Est et du Pacifique, plus hostiles à la mondialisation.
mais ils ne disposaient pas des instruments néces- L’histoire économique des dernières décennies,
saires pour intervenir en cas de difficultés, ce qui en particulier la réussite spectaculaire des écono-
explique qu’ils n’aient pu permettre d’éviter la crise. mies dynamiques d’Asie, suggère que la partici-
Depuis, des initiatives plus précises ont été lancées pation à la mondialisation présente in fine des béné-
pour assurer une coopération plus étroite en matière fices, même si elle comporte aussi des coûts et
de politiques financières et macroéconomiques, impose des contraintes. Aujourd’hui, une conver-
notamment dans le cadre de l’APEC. gence ponctuelle d’intérêts est apparue entre cer-
74 Des stratégies de coopération régionale peuvent tains groupes au sein des PED et des économies
également faciliter l’intégration des PED dans le industrialisées pour s’opposer au processus, voire
processus de mondialisation en leur permettant de l’enrayer. Le risque d’une opposition systématique
réaliser des économies d’échelle et donc des gains à la mondialisation qui débouche sur un recul du
en compétitivité dans certains secteurs. À cet égard, phénomène, voire une inversion de tendance et des
les pays africains auraient intérêt à s’inspirer de stratégies de repli sur soi, n’est pas exclu. Un tel
l’expérience latino-américaine (récente) plutôt que phénomène est intervenu au cours de l’entre-deux-
de l’expérience asiatique. La régionalisation comme guerres, mettant un terme à la première expérience
moyen de faire face plus efficacement à la mon- de mondialisation de l’économie. L’opposition qui
dialisation est la stratégie qui a été suivie en par- se manifeste à l’égard du mouvement tant dans les
ticulier par les économies latino-américaines dans pays de l’OCDE que dans le monde en dévelop-
le cadre du Mercosur28, mais aussi plus récemment pement doit donc être prise au sérieux.
par les économies d’Asie de l’Est au lendemain de La mondialisation est perçue par les PED comme
la crise financière de 1997-1998. étant déséquilibrée, ce qui explique leur hostilité
Enfin, les initiatives de regroupement régionales au processus. À cet égard, la responsabilité des
peuvent aider les PED à faire entendre leur voix et pays industrialisés est considérable : en refusant
à participer plus activement à la définition des de rééquilibrer la mondialisation, ils apportent de
règles du jeu de la mondialisation en leur donnant l’eau au moulin des opposants à la mondialisation
un poids plus important au sein des grandes dans les PED et condamnent ces pays à ne pas pou-
enceintes internationales. voir s’intégrer à l’économie mondiale. Dès lors,
une coopération plus équitable est nécessaire pour
UNE NÉCESSAIRE COOPÉRATION assurer les gains mutuels de la mondialisation.
Dans la mesure où elle implique des coûts éco-
nomiques et sociaux, la mondialisation pose des
problèmes d’ajustement à toutes les économies qui 28. Pour des développements plus complets sur ce point, voir notam-
ment Nicolas (1997).
y sont confrontées29. À cet égard, la situation des 29. C’est ce que Rodrik (1997) qualifie de risque de désintégration
pays en développement n’est pas fondamentale- sociale.
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