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261 QU'EST-CE QUE LEXPERIENCE FREUDIENNE? JEAN CLAVREUL NOSOLOGIE ET STRUCTURES* Je suis tombé dans les piéges de V’écriture, c’est-d-dire que je n’ai pas réussi & condenser suffisamment mon propos. Je serai donc trés bref sur ce que je voulais dire de la psychiatrie comme carrefour oi se croisent discours médical et discours juridique. De la médecine, je voudrais seulement souligner ce qui la marque. Car les psy- chanalystes ont I"habitude de renverser les choses en disant que la clinique psycha- nalytique commence avec la prise en compte du transfert et que c’est la leur grande découverte, Or, c'est tout le contraire : Crest la médecine qui se marque de ce qu’elle refuse toute prise en considération du transfert et ceci se fait en écoutant d’une certaine facon la question que pose le malade. Pour étre bref, je dirai avec Benoit que pour la médecine, le malade c'est une somme : Malade = Homme + maladie, C’est-i-dire que pour le médecin, ce nest pas le malade comme tel qui le sollicite, le choisit, est demandeur, c'est V’homme sain en lui, ancien et futur, conscient des mérites de la médecine. (Notons que la théorie psychanalytique du Moi sain y a pris ses sources). C'est important de le préciser : parce que c’est trés différent de ce que dit Balint, qui isole trois éléments : le malade, la maladie, le médecin ; parce que c'est trés clairement dit des Hippocrate, qui isole trois éléments : "homme, la maladie, le médecin. On peut jouer d’ailleurs avec l’algébre : l’équation : malade = Homme + maladie ca peut s’écrire : Homme = malade — maladie. ‘C'est-i-dire qu’on y voit la solidarité avec un certain humanisme : "homme naissant des scories qu'on lui aura retirées. Ce n'est certainement pas comme ca qu’en parlerait la théorie analytique qui dirait plucét : "Homme se constitue de ce que lui a extrait, amputé, le discours (discours médical en particulier) Mais 12 ne s’arrdie pas ce qu’induit la médecine. Du c6té du médecin : celui-ci n’existe que dans sa référence constante au Savoir médical, au Corps médical, a l"institution médicale, Le médecin ne s’autorise que de n’&re pas lui-méme, que d'étre le moins possible lui-méme. U1 doit étre un fonctionnaire du discours médical. Aussi, est-ce dans la logique des choses qu’a I’hopital par exemple, le malade n’ait pas affaire a un médecin, mais A une équipe médicale finalement anonyme, aussi anonyme que le malade lui-méme. L'aboutissement idéal du discours médical est donc la relation : institution médicale - maladie ce qui peut se dire aussi que, pour la médecine il n'y a pas de * La séance est présidée par André Rondepierre. 262 JEAN CLAVREUL relation médecin-malade. Dans la logique médicale, il ne peut y avoir dautre souci que de se débarrasser de cette contingence, qu’est la relation médecin-malade. Ce qui se joue comporte donc quatre élements "Homme, la maladie, le médecin, |'institution médicale. Cette partie a trouvé ration de la seule anatomie pathologique. La, des médecins y voient la réalité de la maladie, ce qui n’est d'ailleurs pas exact. Et je dirais plutot qu'ils y voient une écriture, ce qui renvoie sans doute au réel, mais autrement que le croient générale. ment les médecins. Au moins, devons-nous remarquer que, exactement depuis anatomie patholo- sigue, la séméiologie médicale s'est séparée de la linguistique, et que des mots rele Que signes ou symptémes doivent étre entendus dans un sens différent, La psychiatrie occupe en médecine une place 4 part qu’elle partageait jusqu’a Pasteur avec les fiévres dites essentielles pour une raison : elle n’a pas recu la grande legon de I'anatomie pathologique. Aussi, quand nous parlons des rapports de le Psychiatrie avec la médecine, nous ne devons pas oublier que ses modéles doivent ttre recherchés dans la médecine du 18e siécle, qui pour ’essentiel, stait une médecine ontologique Je ne crois pas que la querelle de l'ontologie soit morte pour la médecine avec Nanatomie-pathologique, mais elle ne lest sirement pas pour la psychiatrie, Aw ‘moins, pouvons-nous en dire que sa nosologie reste marquée de cette comptabili. sation, de ce chiffrage du symptome sur quoi on étayait le diagnostic, en y voyant s’y asseoir I'8tre de la maladi Or, une médecine ontologique, c'est finalement une démonologie, ce qui la rat- tache & un monde théologique et juridique bien plus que scientifique. 11 n’est pas aussi facile qu’on le croit de faire la distinction entre ordre juri- dique et Pordre scientifique pour une simple raison ; c’est que la science apparait comme un progrés et qu’on veut la protéger. Un progrés dans la pensée d’abord, un progrés dans la facon de traiter les gens ensuite. On dit ainsi qu’autrefois, on mettait les calamités naturelles et particu. ligrement les maladies sur le compte d'une faute commise par l'individu, ou le groupe, ou un voisin maiveillant. 1! fallait done trouver le coupable et le punir. C’étair Vordre juridique. Accuser un démon était donc déja un progrés. Considérer la maladie comme un tre malfaisant allait dans le méme sens. Mais c’était toujours un systéme juri Que, c’est-a-dire d'impuration, Or, la science ne procéde pas autrement La mise en cause qui est le travail du savant pourrait se dire accusation. Le mot greco.if (o< signifiait indifféremment cause et faute. Et on a remargué Que la formule d’Héraclite ot on s'accorde a voir la naissance de la pensée causa- liste est bien ambigué : «Si le soleil ne se maintient pas dans le chemin gui lui est prescrit, les Erinyes, instrument de la Justice, sauront le remetire dans le droit chemin.» Je ne pense pas que le probléme soit d'une autre époque. Je vous rappelle qu’au début de l'ére scientifique, au 16e siécie, Inquisiteur venait juger les sorciéres flanqué de deux personnages, le théologien, le médecin. C'est 4 la demande du JEAN CLAVREUL 263 théologien que venait le médecin, pour reconnaitre sur le corps de la sorciere les marques du diable. Vous voyez que l'anatomie pathologique a ses débuts avait des références pieuses Mais, ce qui s'est passé, c'est que le médecin a déclaré que les sorciéres étaient folles. Chacun y voit un progrés, celui-la méme de la Science, Et il est vrai qu'on ne brille pas du méme feu a lasile et sur un biicher. Mais alors ! Applaudissons au méme progrés en U.R.S.S. of les procés aux sorciéres de 1935 n’existent plus, mais od on interne les opposants politiques, C'est-d-dire ceux qui ne reconnaissent pas la scientificité du matérialisme historique. Pour ma part, je n’en suis pas convaincu. Au moins, ca entraine beaucoup de confusion. Le passage n'est pas simple du biicher ou de la balle dans la nuque a Pasile, passage de la Bastille Charenton pour Sade. Pour la victime, ce nest pas la méme chose, mais elle, a-telle vraiment changé ? Ce transfert de domicile est en tout eas un transfert de compétence : celui qui va du théologien au psychiatre, du juriste au scientifique. Je vous parle de transfert, parce que c'est la notre pain quotidien. Mais il ne suffit pas qu’il y ait transfert pour que I'intéressé soit tiré d'affaire, ninon plus pour Que nous ayons trouvé pour nous-méme une justification scientifique Voyez Jean Wier, qui fut le principal responsable de la médicalisation psychi- {ave des sorciéres, ce fut aussi un grand démonologue qui fit une étude trés sericuse, trés documentée sur la monarchie de Satan. Elle comprenait 72 princes avec leurs noms et leurs surnoms et 7.405.975 dia- bles. Quelle nosologie ¢a promettait !!! Comme la remarqué Lancre, il ne pouvait savoir tout cela que du fait de son fPparienance @ Satan lui-méme. Ca ne lui a pas valu le bicher, que ca nous apprenne 4 ne pas dire n'importe quoi. Aujourd'hui comme toujours, le Commistere dc Peuple, incarnation moderne des Erinnyes saura remettre dans les chemins dy Dro celui qui a quitté les chemins de la science. Sous cette menace constante, ol éxt la consultation psychiatrique ? Ceci au: moins me justifie & vous parler du Droit. SUR L'ORDRE JURIDIQUE je dirai évidemment peu de choses, d’abord parce que c'est un domaine peu “amilier au psychanalyste, et aussi parce que ce ne sont pas les théoriciens du Doon Bul abondent : ce n'est certainement pas Legendre qui me démentira, lui qui fait ‘eure d’exception quelque peu scandaleuse. Nous avons pourtant pour nous guide: tweldues auteurs, et en particulier ceuvre monumentale de Kelsen dont Conte appeiait récemment l’importance.

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