Sie sind auf Seite 1von 8

Commentaire

Article 47 de la Constitution marocaine du 29 juillet 2011

Othmane Bentaouzer
M1, Sciences politiques et action publique

***

« La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».


- Abraham Lincoln

Dès le lendemain de l’indépendance, le défunt roi Hassan II a opté pour une Constitution
« octroyée » qui fait le choix d’une monarchie gouvernante ou exécutive, faisant ainsi fi des
réclamations des partis issus du Mouvement national. De 1962 jusqu’à 2011, le gouvernement
ne constituait qu’un organe exécutif nommé entièrement par le roi et révoqué par lui.

En 2011, le contexte du « printemps arabe » et les manifestations dirigées par le Mouvement


du 20 Février contraignent le monarque de prononcer, le 9 mars, un discours annonçant une
réforme de la Constitution. En outre de l’extension de certains droits et libertés, le roi promet
la nomination du premier ministre, qui devient chef du gouvernement, du parti arrivé en tête
des élections de la chambre basse et l’élargissement d’un ensemble de prérogatives au profit
du gouvernement qui se transforme en un pouvoir exécutif. Rédigée par des experts nommés
par le roi, la Constitution sera adoptée par référendum à 98,5% des suffrages.

Avec l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale, l’espoir de voir Mohamed VI emprunter la


voie du roi espagnol Juan Carlos s’est envolé. Il est vrai en effet que le gouvernement dispose
dorénavant de pouvoirs élargis, mais il n’est toujours pas question de mettre en place une
monarchie qui règne mais qui ne gouverne pas, même si l’article premier dispose que le
Maroc est une « monarchie parlementaire ».

La nouvelle Constitution du royaume oblige désormais le chef de l’Etat de nommer le chef du


gouvernement au sein du « parti arrivé en tête des élections de la chambre des représentants »,
mais il s’agit toujours d’une procédure excluant tout rôle du parlement. De surcroit, la loi
fondamentale a sauvegardé au roi son pouvoir de nomination et de révocation des membres
du gouvernement. En effet, le chef du gouvernement désigné sur la base des résultats

Page 1 sur 8
électoraux ne dispose que d’un pouvoir de proposition des ministres et secrétaires d’Etat. Il ne
peut ni nommer ces derniers, ni mettre fin à leurs fonctions.

Toutefois, la nouvelle Constitution marocaine s’est distinguée par rapport à ses précédentes en
retirant au roi le pouvoir de révocation du chef du gouvernement ou de tout le gouvernement.
Alors que le texte de 1996 énonçait que le roi peut, à son initiative, mettre fin aux fonctions
du premier ministre et des membres du gouvernement. L’actuel article 47 ne mentionne nulle
part un quelconque pouvoir reconnu au roi pour révoquer le chef du gouvernement. L’avant
dernier alinéa du même article se contente de nous apprendre que « suite à la démission du
Chef du gouvernement, le Roi met fin aux fonctions de l’ensemble du gouvernement ».

I. Un gouvernement nommé

Le roi est désormais tenu, en vertu de la nouvelle Constitution, de nommer le chef du


gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections de la Chambre des représentants. Le
constituant lui a donc supprimé son plein pouvoir de nomination dont il disposait avant.
Toutefois, le chef du gouvernement désigné sur la base des résultats des urnes ne fait que
proposer au roi des candidats à la tête des différents ministères ; ce qui laisse par conséquent
au chef de l’Etat un champ d’action assez large pour peser sur les négociations de formation
du gouvernement ou pour nommer des personnes « proches du palais » à la tête de certains
ministères stratégiques.

a. La nomination du chef du gouvernement

La nouvelle Constitution de 2011 a bien évidemment initié une avancée considérable en


matière de formation du gouvernement par rapports aux précédentes lois fondamentales du
royaume. Le roi n’a plus le libre choix de nommer quiconque au poste du premier ministre et
aux autres départements ministériels. Alors que le texte Constitutionnel de 1996 disposait que
« le Roi nomme le premier ministre », le premier alinéa de l’actuel article 47 contraint le chef
de l’Etat de nommer le chef du gouvernement « au sein du parti arrivé en tête des élections
des membres de la chambre des représentants ». Le constituant a donc supprimé le pouvoir
discrétionnaire dont disposait le roi dans son choix du premier ministre pour privilégier la
mise en place un gouvernement « issu des urnes » et représentant la « volonté populaire »1.

Certes, cette disposition se rapproche un peu de certaines Constitutions de pays dits


démocratiques ; l’article 187 de la Constitution portugaise énonce que « Le premier ministre
1
Mohamed Amine Benabdellah, « Le gouvernement dans la nouvelle Constitution marocaine », REMALD,
numéro double 112-113, septembre-décembre 2013, p14

Page 2 sur 8
est nommé par le président de la République en fonction des résultats électoraux, après que
celui-ci ait entendu les partis représentés à l’Assemblée de la République »2. Curieux que
nous sommes, nous croyons cependant que la comparaison doit aller plus loin. L’article 99 de
la Constitution espagnole dispose qu’ « après chaque renouvellement du Congrès des députés
et dans les autres cas prévus à cet effet par la Constitution, le Roi, après consultation des
représentants désignés par les groupes politiques ayant une représentation parlementaire,
proposera, par l’intermédiaire du Président du Congrès, un candidat à la Présidence du
Gouvernement ». D’autre part, l’article 63 de la Loi fondamentale allemande précise que « Le
Chancelier fédéral est élu sans débat par le Bundestag sur proposition du Président fédéral ».
Dans ces deux régimes parlementaires, le chef de l’Etat ne propose qu’un candidat au poste
du chef du gouvernement que le Parlement doit élire. Or, au Maroc – bien que le premier
alinéa du premier article dispose que « le Maroc est une monarchie Constitutionnelle,
démocratique, parlementaire et sociale » – le gouvernement et son chef sont nommés par le
roi sans aucune implication du parlement dans cette procédure. Ce dernier n’est toutefois
appelé à intervenir qu’au moment de l’investiture, où on lui présente un gouvernement déjà
établi qui n’attend que la validation de la première chambre pour entamer toutes ses
fonctions3.

Par ailleurs, si l’article 47 exclut toute implication des forces parlementaires dans le processus
de nomination du chef du gouvernement, il ne détaille pas non plus les conditions de
désignation au sein du parti gagnant aux élections de la chambre basse. Autrement, le
constituant ne précise pas les critères hiérarchiques ou de compétence dont doit disposer le
nouveau chef du gouvernement, ce qui laisse par conséquent au chef de l’Etat la liberté de
nommer n’importe quel membre dudit parti à ce poste. Quoique, la pratique nous a appris à
deux reprises que le roi a nommé M. Benkirane qui dispose du statut de secrétaire général au
sein du Parti Justice et développement – parti arrivé successivement en tête des élections
législatives de 2011 et 2016. Ainsi, le chef du gouvernement étant désigné, il propose au roi
les membres du gouvernement qui les nomme.

2
Bien qu’ils présentent certaines convergences, les articles 47 de la Constitution marocaine et 187 de la Loi
fondamentale portugaise ne sont pas identiques. Le président portugais est tenu de recourir à une sorte de
« concertation » avec les partis représentés à l’Assemblée avant qu’il nomme le premier ministre sur la base
des résultats des élections électoraux. Tandis que le chef de l’Etat marocain nomme le chef du gouvernement
« au sein du parti arrivé en tête des élections de la chambre des représentants » sans aucune consultation
quelconque avec les formations politiques présentes au Parlement.
3
L’article 38 de la loi organique relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et du
statut de ses membres dispose que « le nouveau gouvernement nommé par le Roi sur proposition du Chef de
gouvernement … et non encore investi par la Chambre des représentants, est chargé d’exercer les missions
suivantes… »

Page 3 sur 8
b. La nomination des membres du gouvernement :

« Sur proposition du chef de gouvernement, le Roi nomme les membres du gouvernement ».


Tel est le deuxième alinéa de l’article 47 qui ne fait que reprendre le contenu de l’article 24,
alinéa 2 de la Constitution de 1996. Ceci dit, si le chef du gouvernement est désigné sur la
base des résultats obtenus par les urnes, ce dernier ne dispose que d’un pouvoir de proposition
des membres du gouvernement. On trouve cette même disposition dans la Constitution
française de la Vème république ; le deuxième alinéa de son article 8 dispose que « sur la
proposition du Premier ministre, il (Président) nomme les autres membres du Gouvernement
et met fin à leurs fonctions ». Entre ce pouvoir de proposition incombant au chef du
gouvernement et le pouvoir de nomination appartenant au chef de l’Etat, on laisse la place à
des négociations qui aboutissent généralement à un compromis entre les deux acteurs.

Cependant, on imagine mal le rapport des forces entre le chef du gouvernement et le roi qui
devrait garantir le déroulement de négociations équilibrées. Les ministres de certains
départements stratégiques, à l’instar des ministères de l’Intérieur, des Habous ou des Affaires
étrangères, sont généralement des technocrates ou des « proches » du palais. On pourrait par
conséquent difficilement admettre le caractère démocratique de la formation du gouvernement
si son « chef » est dépourvu du pouvoir de nommer les membres de l’exécutif.

En revanche, la Constitution tunisienne de 2014 explicite d’une manière plus claire le


processus de formation du gouvernement. Ainsi, pour ce qui est de la nomination des
membres du gouvernement, le premier aliéna de l’article 89 de la Loi fondamentale tunisienne
énonce que les ministres et secrétaires d’Etat sont choisis par le chef du gouvernement, à
l’exception des ministères des affaires étrangères et de la défense qui exigent une concertation
préalable avec le président de la république. On voit clairement que la Constitution marocaine
ne prévoit pas un scénario semblable à celui du texte constitutionnel tunisien. De surcroit, au
Maroc, le roi non seulement nomme les ministres, mais peut les révoquer aussi.

II. La fin des fonctions :

La nouvelle Loi fondamentale marocaine permet toujours au roi de mettre fin aux fonctions
des membres du gouvernement, à la simple condition de consulter le chef du gouvernement.
Ce dernier, lui, ne peut procéder à une telle action. Il peut uniquement demander au chef de
l’Etat de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement.

Page 4 sur 8
Toutefois, s’il existe une nouveauté considérable que l’article 47 a initiée, c’est bel et bien
celle qui consiste à dépourvoir le roi de son ancien pouvoir qui lui permettait de révoquer le
premier ministre et tout le gouvernement. L’actuel texte constitutionnel prévoit uniquement
deux cas susceptibles de mettre fin aux fonctions du gouvernement, à savoir la démission du
chef du gouvernement ou le vote d’une motion de censure par le parlement.

a. La révocation des membres du gouvernement

Le troisième alinéa de la Constitution marocaine de 2011 précise que le « Roi peut, à son
initiative, et après consultation du Chef du Gouvernement, mettre fin aux fonctions d’un ou de
plusieurs ministres ». Cette disposition vient en nuance du caractère « moniste » de la
nouvelle Constitution. En effet, si le gouvernement est responsable devant le Parlement4, il
l’est aussi devant le roi à travers cet article5. Nadia Bernoussi nous écrit : « quand on était
dans la commission « Menouni », on a opté pour le monisme. Mais après, au fil des
arbitrages, on s’est dit que peut-être, si le chef de l’Etat n’a pas envie de travailler avec un
ministre ou deux, il faudrait ouvrir une porte. Donc la Constitution a précisé que le monisme
existe toujours de manière qu’aujourd’hui le chef du gouvernement ne peut pas être renvoyé
par le roi, mais ce dernier peut se dessaisir de deux ou trois ministres pour des raisons
particulières. Il s’agit donc d’un monisme soft »6. Par conséquent, le constituant n’a pas voulu
enlever au roi le pouvoir de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs ministres. Ce
dernier peut à tout moment révoquer des membres du gouvernement à la simple condition de
consulter préalablement le chef du gouvernement. Notons aussi que le dahir par lequel le chef
de l’Etat met fin aux fonctions d’un ou de plusieurs ministres n’est pas contresigné par le
chef du gouvernement7.

Par ailleurs, même la Constitution française – qui offre au chef de l’Etat la prérogative de
nommer les membres du gouvernement – conditionne la révocation des ministres par le
président à une proposition émanant du premier ministre. Il y a donc, en France, un équilibre
au niveau de la nomination et la fin des fonctions des membres du gouvernement. Elles se
font par le chef de l’Etat, mais sur proposition du premier ministre. Tandis qu’au Maroc, cet
équilibre est biaisé en faveur du chef de l’Etat qui nomme les membres du gouvernement sur

4
Article 103 de la Constitution de 2011.
5
Notons bien que dans les Constitutions précédentes du royaume, il était précisé que le Gouvernement est
responsable devant le roi et le parlement. Cette disposition n’est plus citée explicitement dans la nouvelle
Constitution.
6
Nadia Bernoussi, « Les rapports entre les pouvoirs dans la Constitution marocaine de 2011 », Les nouvelles
Constitutions arabes : Tunisie, Maroc, Egypte, KAS, 2015, p133-138
7
Dernier alinéa de l’article 42 de la nouvelle Constitution marocaine

Page 5 sur 8
proposition du chef du gouvernement, mais peut les révoquer à l’issue d’une simple
consultation de ce dernier.

Toutefois, les deux régimes Constitutionnels – français et marocain – convergent sur un point
essentiel : le chef de l’Etat ne peut révoquer le chef du gouvernement ou le gouvernement en
entier.

b. La fin des fonctions du gouvernement :

L’article 24 des Constitutions de 1992 et 1996 disposait que « Le Roi nomme le Premier
ministre. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du
gouvernement. Il peut mettre fin à leurs fonctions, Il met fin aux fonctions du gouvernement,
soit à son initiative, soit du fait de la démission du gouvernement ». Cependant, la nouvelle
Constitution a supprimé au roi le pouvoir de révoquer le chef du gouvernement ou de mettre
fin aux fonctions de tout le gouvernement. Désormais, ce dernier n’est révoqué que si le chef
du gouvernement démissionne ou si une motion de censure8 est votée à son égard par le
parlement.

Généralement, dans les régimes dits démocratiques, on précise à quel moment les fonctions
d’un gouvernement prennent fin. Celles-ci se terminent généralement à l’issue de
l’organisation de nouvelles élections législatives. L’article 101 de la Constitution espagnole
énonce que « Les fonctions des membres du Gouvernement prennent fin à la suite d’élections
générales, dans les cas de perte de la confiance parlementaire, prévus par la Constitution, ou à
la suite de la démission ou du décès du Président du Gouvernement ». De surcroît, la
Constitution allemande dispose dans son article 69 que « les fonctions du Chancelier fédéral
ou d’un ministre fédéral prennent toujours fin avec la réunion d’un nouveau Bundestag ». La
Constitution marocaine de 2011, par contre, ne nous apprend pas grand-chose sur ce sujet.
L’article 47 nous fait part de son « mutisme » et son manque de détails par rapport aux
Constitutions étrangères citées supra, et nous précise que « suite à la démission du chef du
gouvernement, le roi met fin aux fonctions de l’ensemble du gouvernement ». En effet, cet
alinéa ne précise ni à quel moment les fonctions du gouvernement prennent obligatoirement
fin, ni la manière avec laquelle la transition gouvernementale se conçoit suite à la réunion
d’une nouvelle Chambre des représentants.

8
Article 105 de la Constitution de 2011

Page 6 sur 8
Dans le même sens, le dernier alinéa de l’article 47 indique que le « gouvernement dont il a
été mis fin aux fonctions expédie les affaires courantes, jusqu’à la constitution d’un nouveau
gouvernement ». Or, quel serait le statut d’un gouvernement dont le mandant a expiré ? Ni la
Constitution ni la loi organique relative à l’organisation et à la conduite des travaux du
gouvernement et du statut de ses membres ne répondent à cette question. Pourtant, M.
Benkirane a récemment refusé de se rendre à la deuxième Chambre pour une séance de
questions orales sous prétexte que le « gouvernement d’expédition des affaires courantes n’est
pas responsable devant le Parlement »9. Soit. La loi au Maroc interdit à un gouvernement
d’expédition des affaires courantes de prendre de mesure engageant de « manière durable le
prochain gouvernement »10. Elle limite le rôle de ce dernier à « l’adoption des décrets, des
arrêtés et des décisions administratives nécessaires, et des mesures urgentes requises pour
garantir la continuité de l’Etat »11. Or, une question s’impose : les dizaines de conventions
signées par certains ministres marocains lors de la tournée royale en Afrique Subsaharienne
en novembre 2016, relèvent-elles de l’expédition des affaires courantes ? M. Bousaid,
ministre des finances et de l’économie, nous apprend que « Constitution ou pas, il n’y a pas
de vacance des institutions au pays. Est-ce parce que le gouvernement expédie les affaires
courantes que tout doit s’arrêter ? »12. D’autre part, M. Menouni avance que « Le roi, en
vertu de la Constitution, est chargé de la détermination des grandes orientations stratégiques,
et la politique africaine en fait partie. Ce n’est pas du domaine des affaires courantes, mais
un domaine réservé au roi. Les ministres en question ont signé sous sa couverture »13.

Il semblerait qu’au Maroc, même l’expédition des affaires courantes se définit en se référant à
l’action royale.

9
Huffpost Maroc, Benkirane "pas responsable" devant le parlement jusqu'à l'investiture du nouveau
gouvernement, 19/10/16
10
Article 37 de loi organique relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et du statut
de ses membres
11
Ibidem.
12
Telquel, Affaires courantes: que dit la loi ?, 19 décembre 2016
13
Ibidem

Page 7 sur 8
Conclusion :

On a beau croire les discours se félicitant de l’adoption d’une Constitution marquant une
« révolution démocratique » par rapport aux pays arabes ou ayant mis en place les traits
fondamentaux d’une transition vers une véritable démocratie. Cependant, le roi conserve
toujours d’importantes prérogatives, ne serait-ce que celles relatives à la formation du
gouvernement. Dans un contexte marqué par une longue phase de monarchie exécutive qui
continue toujours de jouer son rôle, on ne pourrait prétendre à un gouvernement représentant
pleinement la volonté populaire si le chef du gouvernement ne se présente aucunement
comme l’architecte principal de l’exécutif.

Page 8 sur 8

Das könnte Ihnen auch gefallen