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Sous la direction de

2e édition 2e édition
Claude Martin
PHYSIOLOGIE Bruno Riou

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE


HU MAI N E Benoît Vallet

APPLIQUÉE U ne nouvelle édition enrichie et actualisée pour apprendre, pour


comprendre et pour aider à mieux soigner.
Parmi les connaissances de base essentielles à la pratique médicale, la physiologie
occupe une place de premier plan. Un ouvrage, moderne et actualisé, consacré au
fonctionnement des organes et à la physiologie de l’organisme est indispensable aux
médecins (non seulement l’étudiant mais aussi le médecin confirmé).
Mais au-delà de la connaissance physiologique, il faut comprendre le passage du normal

PHYSIOLOGIE
au pathologique. La physiopathologie est la clef de voûte d’une médecine de qualité
fondée sur la logique de restitution du fonctionnement des mécanismes physiologiques.
L’ambition de cet ouvrage est de permettre de mieux appréhender les conséquences des

H U MA INE
modifications physiologiques. Son originalité est de faire le lien entre la physiologie et
les situations pathologiques impliquant les grandes fonctions de l’organisme. Ainsi,
prévaut l’idée que la connaissance de la physiopathologie peut aider à prévenir la dégra-
dation de la fonction d’organe et les conséquences qui en découlent pour le patient.

APPLIQUÉE
Cette nouvelle édition a été corrigée et actualisée dans cette optique. De nombreuses
informations permettent ainsi de passer du normal à la maladie comme le fait au quoti-
dien le praticien au chevet de son patient. Les auteurs de chaque chapitre sont des 2e édition
référents pour traiter leur section. Cet ouvrage s’inscrit dans une démarche complète :
qualité de la pédagogie, information pointue et optimisation de la pratique médicale.
Un effort particulier a été fait pour que tout soit clairement illustré.
Utile à tous les spécialistes ou internes de spécialités cardiologues, pneumologues,
neurologues, hépato-gastroentérologues, immunologistes, hématologistes, néphrolo-
gues, etc.), au médecin interniste ou généraliste, ce traité s’avérera essentiel à la pratique Claude Martin
de l’anesthésie-réanimation, de la médecine d’urgence, de soins intensifs spécialisés ou
de la réanimation médicale. Bruno Riou
Benoît Vallet


Claude Martin
Bruno Riou
Benoît Vallet
D’une qualité reconnue par tous, il fait l’objet de la très honorifique mention
“d’incontournable” dans les bibliothèques des jeunes et moins jeunes spécialistes.
Le lien et l’application des concepts physiologiques vers la pathologie clinique est
un des atouts forts de l’ouvrage.
(AJAR)

ISBN : 978-2-7184-1421-8
Sous la direction de
2e édition 2e édition
Claude Martin
PHYSIOLOGIE Bruno Riou

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE


HU MAI N E Benoît Vallet

APPLIQUÉE U ne nouvelle édition enrichie et actualisée pour apprendre, pour


comprendre et pour aider à mieux soigner.
Parmi les connaissances de base essentielles à la pratique médicale, la physiologie
occupe une place de premier plan. Un ouvrage, moderne et actualisé, consacré au
fonctionnement des organes et à la physiologie de l’organisme est indispensable aux
médecins (non seulement l’étudiant mais aussi le médecin confirmé).
Mais au-delà de la connaissance physiologique, il faut comprendre le passage du normal

PHYSIOLOGIE
au pathologique. La physiopathologie est la clef de voûte d’une médecine de qualité
fondée sur la logique de restitution du fonctionnement des mécanismes physiologiques.
L’ambition de cet ouvrage est de permettre de mieux appréhender les conséquences des

H U MA INE
modifications physiologiques. Son originalité est de faire le lien entre la physiologie et
les situations pathologiques impliquant les grandes fonctions de l’organisme. Ainsi,
prévaut l’idée que la connaissance de la physiopathologie peut aider à prévenir la dégra-
dation de la fonction d’organe et les conséquences qui en découlent pour le patient.

APPLIQUÉE
Cette nouvelle édition a été corrigée et actualisée dans cette optique. De nombreuses
informations permettent ainsi de passer du normal à la maladie comme le fait au quoti-
dien le praticien au chevet de son patient. Les auteurs de chaque chapitre sont des 2e édition
référents pour traiter leur section. Cet ouvrage s’inscrit dans une démarche complète :
qualité de la pédagogie, information pointue et optimisation de la pratique médicale.
Un effort particulier a été fait pour que tout soit clairement illustré.
Utile à tous les spécialistes ou internes de spécialités cardiologues, pneumologues,
neurologues, hépato-gastroentérologues, immunologistes, hématologistes, néphrolo-
gues, etc.), au médecin interniste ou généraliste, ce traité s’avérera essentiel à la pratique Claude Martin
de l’anesthésie-réanimation, de la médecine d’urgence, de soins intensifs spécialisés ou
de la réanimation médicale. Bruno Riou
Benoît Vallet


Claude Martin
Bruno Riou
Benoît Vallet
D’une qualité reconnue par tous, il fait l’objet de la très honorifique mention
“d’incontournable” dans les bibliothèques des jeunes et moins jeunes spécialistes.
Le lien et l’application des concepts physiologiques vers la pathologie clinique est
un des atouts forts de l’ouvrage.
(AJAR)
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PHYSIOLOGIE
HUMAINE
APPLIQUÉE
2e édition
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PHYSIOLOGIE
HUMAINE
APPLIQUÉE
2e édition

Claude Martin
Bruno Riou
Benoît Vallet
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Éditions Arnette
John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge

John Libbey Eurotext Limited


34 Anyard Road, Cobham
Surrey KT11 2LA
Grande-Bretagne

© John Libbey Eurotext, Paris, 2017

ISBN 978-2-7184-1421-8

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent
ouvrage, faite sans autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions
strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les analyses ou courtes
citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (loi du 11 mars 1957,
art. 40 et 41, et Code pénal, art. 425).
Toutefois des photocopies peuvent être réalisées avec l’autorisation de l’éditeur. Celle-ci pourra être obtenue auprès du Centre français
du copyright, 20, rue des Grands-Augustins – 75006 Paris, auquel l’éditeur a donné mandat pour le représenter auprès des utilisateurs.
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Liste des auteurs

Frédéric Adam Cécile Bétry


Centre d’évaluation et traitement de la douleur, Service d’endocrinologie, diabétologie et de nutrition
Hôpital Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt et Centre de recherche en nutrition humaine Rhône-Alpes,
Centre hospitalier Lyon-Sud, Hospices civils de Lyon
Pierre Albaladejo et Université Claude-Bernard Lyon 1, Lyon
Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Grenoble
Laurent Beydon
Jacques Albanèse Département d’anesthésie-réanimation, CHU, Angers
Département d’anesthésie-réanimation,
Hôpital de la Conception, Marseille Marc Biard
Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
Julie Alingrin Hôpital Saint-Vincent-de-Paul,
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Nord, Marseille Université René-Descartes (Paris-V), Paris

Djillali Annane Yvonnick Blanlœil


Service de réanimation médicale, Hôpital Raymond-Poincaré, Service d’anesthésie-réanimation, CHU-Hôpital Laënnec, Nantes
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
Gilles Boccara
Antoine G.M. Aya Service d’anesthésie
Pôle anesthésie-réanimation-douleur-urgences, et réanimation chirurgicale cardiothoracique,
université Montpellier-I, CHU, Nîmes Hôpital américain, Neuilly-sur-Seine
Olivier Baldesi Marcel Bonay
Service d’anesthésie-réanimation, Service de physiologie-explorations fonctionnelles,
CHU Nord, Aix-Marseille Université, Marseille Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne
et INSERM U1179, Laboratoire de physiologie,
Cindy Barnig Université de Versailles, Montigny-le-Bretonneux
Service de pneumologie, d’allergologie
et de pathologie respiratoire de l’environnement, Nicolas Bruder
Fédération de médecine translationnelle,
Département d’anesthésie-réanimation, CHU Timone, Marseille
Hôpitaux universitaires et Université de Strasbourg
Yvon Camus
Valérie Beauvieux
Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Antoine,
Centre d’évaluation et traitement de la douleur,
université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), Paris
groupe hospitalo-universitaire Caremeau, Nîmes ;
faculté de médecine de Montpellier-Nîmes
Cyrielle Caussy
Hélène Belœil Service d’endocrinologie, diabétologie et de nutrition
Pôle d’anesthésie-SAMU-urgences-réanimations, et Centre de recherche en nutrition humaine Rhône-Alpes,
CHU Rennes, Rennes Centre hospitalier Lyon-Sud, Hospices civils de Lyon
et Université Claude-Bernard Lyon 1, Lyon
Sadek Beloucif
Service d’anesthésie, Hôpital Avicenne, Jean-Marc Cavaillon
Université Paris XIII, Bobigny Unité Cytokines et Inflammation, Institut Pasteur, Paris

Yvon Berland Luc de Chaisemartin


Service de néphrologie, Hôpital Conception, Laboratoire d’immunologie « Auto-immunité et hypersensibilités »,
Université de la Méditerranée, Marseille Hôpital Bichat, Paris

Emmanuel Besnier Sylvie Chollet-Martin


Service de réanimation cardiaque, Laboratoire d’immunologie « Auto-immunité et hypersensibilités »,
département d’anesthésie-réanimation, CHU Rouen, Rouen Hôpital Bichat, Paris

Sophie Besse Bernard Cholley


Unité de biologie intégrative des adaptations à l’exercice, Service d’anesthésie-réanimation,
Université d’Évry-Val d’Essonne-Genopole, Évry hôpital Européen Georges Pompidou,
et Université Paris-Descartes, Paris Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité

V
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE

Thomas Clavier Bertrand Dureuil


Pôle réanimation-anesthésie-SAMU, CHU Charles-Nicolle, Rouen Département d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Charles-Nicolle, Rouen
Matthieu Conseil
Département d’anesthésie-réanimation, Frédéric Ethuin
Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Louis,
université Denis-Diderot (Paris-VII), Paris
Pascal Crenn
Département de médecine aiguë spécialisée, Daniel Eyraud
Hôpital Raymond-Poincaré, Garches Service de chirurgie digestive, hépato-bilio-pancréatique
et de transplantation hépatique,
Philippe Cuvillon Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris
Groupe hospitalier universitaire Caremeau, Nîmes
Xavier Forceville
Luc Cynober Service de réanimation médico-chirurgicale,
Service de biochimie et nutrition, Hôpital Cochin, Paris ; CH de Meaux, Grand hôpital de l’Est francilien, Meaux
Faculté de pharmacie Paris-Descartes, Paris
Charles Garabedian
Frédéric De Blay Pôle femme-mère-enfant, Hôpital Jeanne de Flandre,
Service de pneumologie, d’allergologie Centre hospitalier régional et universitaire, Lille
et de pathologie respiratoire de l’environnement,
Fédération de médecine translationnelle, Thomas Geeraerts
Hôpitaux universitaires et Université de Strasbourg Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse,
Université Paul-Sabatier (Toulouse 3),
Vincent Degos équipe d’accueil « Modélisation de l’agression traumatique »,
Université Paris 6 Pierre et Marie Curie, Paris ; Toulouse
Département d’anesthésie-réanimation, AP-HP,
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris Vanessa Granger
Laboratoire d’immunologie « Auto-immunité et hypersensibilités »,
Paul Delval Hôpital Bichat, Paris
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Cochin, Paris
Pierre Gildas Guitard
Danièle Denis
Pôle réanimation-anesthésie-SAMU, CHU Charles-Nicolle, Rouen
Service d’ophtalmologie, CHU Nord, Marseille
Jamil Hamza
Anne Denizot
Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
Service de chirurgie générale, digestive et endocrinienne,
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul,
Hôpital Nord, Marseille
Université René-Descartes (Paris-V), Paris
Philippe Deruelle
Département de périnatalogie, Hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille Jean-Luc Hanouz
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale-SAMU,
Yvan Devaux Pôle réanimations-anesthésie SAMU, CHU de Caen, Caen
Cardiovascular Research Unit, Luxembourg Institute of Health,
Luxembourg Carole Ichai
Service de réanimation, hôpital Pasteur 2, Nice ;
Nicolas Devos IRCAN (INSERM U1081, CNRS UMR 7284), Université de Nice,
Clinique de l’Europe, Rouen Nice

Sylvie Di Filippo Samir Jaber


Service de cardiologie C, Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Éloi,
Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, Lyon CHU de Montpellier, Montpellier ;
INSERM U1046 et CNRS 9214, Université Montpellier 1,
Anne-Sophie Ducloy-Bouthors Université Montpellier 2, CHU Arnaud-de-Villeneuve,
Pôle anesthésie-réanimation, Hôpital Jeanne de Flandre, Montpellier
Centre hospitalier régional et universitaire, Lille
Laurent Jacob
Véronique Ducros Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Louis,
Département de biochimie, toxicologie et pharmacologie, université Denis-Diderot (Paris-VII), Paris
UM de biochimie-hormonologie & nutrition,
CHU Grenoble, Grenoble Didier Journois
Service d’anesthésie-réanimation,
Caroline Duracher Hôpital européen Georges-Pompidou,
Département d’anesthésie réanimation, université René-Descartes, Paris
Hôpital Necker-Enfants malades,
université René-Descartes (Paris-V), Paris Boris Jung
Département d’anesthésie-réanimation,
Jacques Duranteau Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier ;
AP-HP, Hôpitaux universitaires Paris-Sud, INSERM U1046 et CNRS 9214, Université Montpellier 1,
Département d’anesthésie-réanimation, Université Montpellier 2, CHU Arnaud-de-Villeneuve,
Université Paris-Sud XI, Le Kremlin-Bicêtre Montpellier

VI
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Liste des auteurs

François Kerbaul Marc Lilot


SAMU 13, Groupe hospitalier Timone, Service d’anesthésie-réanimation,
UMR MD 2 Aix-Marseille Université, Marseille Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, Lyon

Éric Krejci Yann Loncar


Cognition Action Group, UMR8257 CNRS, Service de chirurgie digestive, hépato-bilio-pancréatique
COMUE Sorbonne-Paris Cité, et de transplantation hépatique,
Université Paris-Descartes, Paris Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris

Jean-Emmanuel de La Coussaye Dan Longrois


Pôle anesthésie-réanimation-douleur-urgences, Département d’anesthésie-réanimation,
université Montpellier-I, CHU, Nîmes Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris ;
Cardiovascular Research Unit, Luxembourg Institute of Health,
Karim Lakhal Luxembourg
Service d’anesthésie-réanimation,
CHU-Hôpital Laënnec, Nantes Martin Mahul
Département d’anesthésie-réanimation,
Dominique Lasne Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier
Laboratoire d’hématologie,
Hôpital Necker-Enfants-malades, Paris Jean Mantz (†)
Service d’anesthésie-réanimation,
Martine Laville Hôpital européen Georges-Pompidou,
Service d’endocrinologie, diabétologie et de nutrition Université Paris Descartes, Paris
et Centre de recherche en nutrition humaine Rhône-Alpes,
Centre hospitalier Lyon-Sud, Hospices civils de Lyon Claude Martin
et Université Claude-Bernard Lyon 1, Lyon Département d’anesthésie-réanimation CHU Nord,
université Aix-Marseille-II, Marseille
Daniel Le Bars
Neurosciences Paris-Seine, INSERM UMRS 1130, Jean Marty
CNRS 8246, université Pierre et Marie-Curie, Pôle réanimation-anesthésie, SAMU-SMUR 94,
Faculté de médecine, Paris
groupe hospitalier Henri-Mondor, Créteil
Pierre Lebranchu
Virginie Maxime
Service d’ophtalmologie, CHU, Nantes
Service de réanimation médicale,
Hôpital Raymond-Poincaré,
Gilles Lebuffe
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
Pôle d’anesthésie-réanimation, CHRU, Lille
Nicolas Mayeur
Frédérique Le Corre
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, SAMU-SMUR 94, Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse,
groupe hospitalier Albert-Chenevier-Henri-Mondor, Créteil Université Paul-Sabatier (Toulouse 3),
équipe d’accueil « Modélisation de l’agression traumatique »,
Jean-Jacques Lehot Toulouse
Service d’anesthésie-réanimation,
Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Hospices civils de Lyon Aurélien Mazeraud
et Université Claude-Bernard Lyon 1 Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Beaujon, Paris

Louis-Marie Leiber Jean-Xavier Mazoit


Département de radiologie, CHU d’Angers, Angers Département d’anesthésie, Hôpital Bicêtre
et laboratoire d’anesthésie UMR 1195,
Vincent Lejeune Université Paris-Sud (Paris-XI), Le Kremlin-Bicêtre
Pôle d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Roger-Salengro, CHRU, université Lille-II, Lille Alexandre Mebazaa
Département d’anesthésie-réanimation-SMUR,
Marc Leone hôpitaux universitaires Saint-Louis Lariboisière Paris,
Service d’anesthésie-réanimation, université Denis-Diderot (Paris VII), Paris,
CHU Nord, Aix-Marseille Université, Marseille U942 INSERM, Paris

Jacques Levraut Claude Meistelman


Pôle urgences SAMU SMUR, hôpital Pasteur, Nice Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
Hôpitaux de Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy
André Lienhart
Service d’anesthésie-réanimation,Hôpital Saint-Antoine, Christian Mélot
université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), Paris Service des urgences,
Hôpital universitaire Érasme, Bruxelles
Thomas Lieutaud
Équipe TIGER, CNRS-INSERM, Paul-Michel Mertes
Centre de recherche en neuroscience, Pôle anesthésie, réanimations chirurgicales, SAMU,
Université Claude-Bernard, Lyon Hôpitaux universitaires et Université de Strasbourg

VII
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE

Fabrice Michel Laure Pain


Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique, INSERM U666 (GRERCA) et Hôpitaux universitaires, Strasbourg
Hôpital Timone 2, Université Aix-Marseille, Marseille
Laurent Papazian
Alexandre Mignon Réanimation médicale, Hôpital Sainte-Marguerite,
Département d’anesthésie-réanimation, université Aix-Marseille-II, Marseille
Hôpital Nord, Marseille
Tiffany Pascreau
Xavier Monnet Laboratoire d’hématologie,
Service de réanimation médicale, CHU de Bicêtre, Hôpital Necker-Enfants-malades, Paris
AP-HP, Université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre
Vincent Piriou
Marion Monnin Département d’anesthésie-réanimation,
Département d’anesthésie-réanimation, centre hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite
Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier
Benoît Plaud
Philippe Montravers Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
Département d’anesthésie-réanimation, GHU Saint-Louis Lariboisière Fernand Widal
CHU Bichat-Claude-Bernard – HUPNVS – AP-HP, et Cognition Action Group UMR8257, CNRS,
Université Paris-Diderot-Sorbonne-Cité, Paris COMUE Sorbonne-Paris Cité, Université Paris-Descartes, Paris
Pierre-Henri Moury Hélène Prigent
Département d’anesthésie-réanimation, Service d’explorations fonctionnelles,
Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier Hôpital Raymond-Poincaré,
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
Christine Mouton
Laboratoire d’hématologie, CHU de Bordeaux, Pessac Astrid Quessard
Service d’anesthésie-réanimation II,CHU Bordeaux, Pessac
Ségolène Mrozek
Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse,
Antoine Rauch
Université Paul-Sabatier (Toulouse 3), équipe d’accueil
Institut d’hématologie-transfusion, CHR universitaire, Lille
« Modélisation de l’agression traumatique », Toulouse
Mathieu Raux
Robert Naeije
Département d’anesthésie-réanimation,
Département de cardiologie,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
Hôpital Érasme, Bruxelles, Belgique

Yann Nguyen Aymeric Restoux


Service d’otorhinolaryngologie, unité d’otologie, Service d’anesthésie-réanimation SMUR,
implants auditifs et chirurgie de la base du crâne, Hôpital Beaujon, Université Denis-Diderot (Paris-VII), Clichy
AP-HP, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris ;
Université Paris 6 Pierre et Marie Curie, Paris ; Bruno Riou
UMR-S 1159 INSERM, Université Paris 6 Pierre et Marie Curie, Service d’accueil des urgences, CHU Pitié-Salpêtrière,
Paris Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

Bastian Nucci Jacques Ripart


Pôle anesthésie-réanimation-douleur-urgences, Groupe hospitalier universitaire Caremeau, Nîme
université Montpellier-I, CHU, Nîmes
Antoine Roch
Charles Oliver Réanimation médicale, hôpital Sainte-Marguerite,
Faculté de médecine de Marseille ; université Aix-Marseille-II, Marseille
service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques,
CHU Timone, Marseille Antoine Roquilly
Service d’anesthésie-réanimation, CHU-Hôtel Dieu,
Jean-Christophe Orban NantesSébastien Rousseau
Pôle d’anesthésie réanimation, Département d’anesthésie-réanimation CHU Nord,
réanimation polyvalente, hôpital Pasteur, Nice université Aix-Marseille-II, Marseille

Denis Ortega Bertrand Rozec


Département d’anesthésie-réanimation, Service d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Nord, Marseille CHU-Hôpital Laënnec, Nantes

Haikel Oueslati Dominique Santelli


Département d’anesthésie-réanimation-SMUR, Anesthésie et réanimation des cardiopathies
hôpitaux universitaires Saint-Louis Lariboisière Paris, congénitales, hôpitaux de la Timone, Marseille ;
université Denis-Diderot (Paris VII), Paris, Département d’anesthésie et réanimation,
U942 INSERM, Paris Hôpital Nord Marseille

Alexandre Ouattara Diana Saptefrat


Service d’anesthésie-réanimation II, CHU Bordeaux, Service d’anesthésie-réanimation,
Université de Bordeaux et Unité INSERM 1034 Hôpital européen Georges-Pompidou,
Biologie des maladies cardiovasculaires, Pessac Université Paris Descartes, Paris

VIII
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Liste des auteurs

Christophe Soltner Benoît Veber


Département d’anesthésie-réanimation, CHU, Angers Pôle réanimation-anesthésie-SAMU, CHU Charles-Nicolle, Rouen

Laurent Storme Lionel Velly


Département de périnatalogie,Hôpital Jeanne-de-Flandre, Lille Département d’anesthésie-réanimation,
CHU Timone, Marseille
Christian Straus
Service d’explorations fonctionnelles de la respiration, Éric Viel
de l’exercice et de la dyspnée (département « R3S »), Centre d’évaluation et traitement de la douleur,
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles-Foix, groupe hospitalo-universitaire Caremeau, Nîmes ;
AP-HP, Paris ; et Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, faculté de médecine de Montpellier-Nîmes
INSERM, UMRS1158 Neurophysiologie respiratoire
expérimentale et clinique, Paris Jean-Louis Vincent
Department of Intensive Care, Erasme University Hospital,
Sophie Susen Brussels
Institut d’hématologie-transfusion, CHR universitaire, Lille
Pierre Visintini
Fabienne Tamion Département d’anesthésie-réanimation, CHU Nord, Marseille
Service de réanimation médicale,
pôle réanimation-anesthésie SAMU, Benoît Vivien
Hôpital Charles-Nicolle, CHU Rouen, Rouen Service d’anesthésie-réanimation-SAMU,
Hôpital universitaire Necker-Enfants malades,
Benoît Tavernier Université Paris-Descartes (Paris V), Paris
Pôle d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Roger-Salengro, CHRU, université Lille-II, Lille Pierre Wary
Hôpital Saint-Joseph, Marseille
Jean-Louis Teboul
Service de réanimation médicale, CHU de Bicêtre, Éric Wiel
AP-HP, Université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre Pôle de l’urgence, SAMU régional de Lille, CHRU, Lille

Aram Ter Minassian Nathalie Zappella


Département d’anesthésie-réanimation, Département d’anesthésie-réanimation,
réanimation chirurgicale B, CHU d’Angers, Angers ; CHU Bichat-Claude-Bernard – HUPNVS – AP-HP,
LARIS, EA 7315, Image Signal et Sciences du Vivant, Université Paris-Diderot-Sorbonne-Cité, Paris
Université d’Angers
Jean-Fabien Zazzo
Antoine Tesnière CLAN central de l’AP-HP, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Cochin, Paris
Julien Textoris Laurent Zieleskiewicz
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Nord, Marseille Pôle anesthésie-réanimation,
Assistance publique des hôpitaux de Marseille
Henri Vacher-Coponat
Service de néphrologie, Hôpital Conception,
université de la Méditerranée, Marseille

Benoît Vallet
Université Lille-II, Lille et Direction générale de la santé,
ministère des Affaires sociales et de la Santé, Paris

IX
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Sommaire

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XV

I. Physiologie cardio-circulatoire

1. Électrophysiologie cardiaque
Antoine G.M. Aya, Bastian Nucci, Jean-Emmanuel de La Coussaye . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

2. Contraction cardiaque
Benoît Tavernier, Vincent Lejeune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3. Fonction cardiaque droite


Vincent Piriou, Sylvie Di Filippo, Marc Lilot, Jean-Jacques Lehot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

4. Fonction cardiaque gauche


Gilles Boccara, Bruno Riou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

5. Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation


Sébastien Rousseau, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

6. Nouvelles techniques de mesure du débit cardiaque


Bernard Cholley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

7. Physiologie vasculaire et microcirculatoire


Éric Wiel, Gilles Lebuffe, Benoît Vallet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

8. Physiologie de la circulation coronaire


Alexandre Ouattara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

9. Fonction péricardique
Sadek Beloucif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

10. Interactions cœur-poumons : physiopathologie et implications cliniques


Xavier Monnet, Jean-Louis Teboul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

11. Régulation et mesure de la pression artérielle


Pierre Albaladejo, Frédérique Le Corre, Jean Marty . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

12. Physiologie du système nerveux autonome


Thomas Geeraerts, Nicolas Mayeur, Jacques Duranteau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

13. Physiologie de l’hémostase


Antoine Rauch, Tiffany Pascreau, Sophie Susen, Dominique Lasne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

II. Oxygénation tissulaire

14. Respiration cellulaire


Ségolène Mrozek, Thomas Geeraerts, Jacques Duranteau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

15. Transport et utilisation de l’oxygène


Pierre Visintini, Benoît Vallet, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

XI
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE

16. Ischémie-reperfusion
Jean-Luc Hanouz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

17. Physiopathologie du choc hémorragique


Benoît Vivien, Bruno Riou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

18. Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique


Dan Longrois, Yvan Devaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

19. Physiopathologie de l’état de choc cardiogénique


Haikel Oueslati, Alexandre Mebazaa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

20. Physiologie de la réanimation cardio-circulatoire


Julie Alingrin, Julien Textoris, Jacques Albanèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205

21. Physiopathologie de l’assistance circulatoire de courte durée type ExtraCorporeal Life Support
Alexandre Ouattara, Astrid Quessard, Christine Mouton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

III. Physiologie respiratoire

22. Mécanique ventilatoire


Bertrand Dureuil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

23. Contrôle de la ventilation


Christian Straus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

24. Échanges gazeux


Laurent Beydon, Christophe Soltner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241

25. Physiologie bronchique


Mathieu Raux, Caroline Duracher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253

26. Physiologie alvéolaire


Marcel Bonay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261

27. Physiologie de la circulation pulmonaire


Robert Naeije, François Kerbaul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273

28. Physiopathologie de la ventilation mécanique


Thomas Clavier, Pierre Gildas Guitard, Nicolas Devos, Benoît Veber . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

29. Physiopathologie du syndrome de détresse respiratoire aiguë et de l’œdème pulmonaire


Antoine Roch, Laurent Papazian . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287

30. Dysfonction diaphragmatique


Boris Jung, Martin Mahul, Marion Monnin, Pierre-Henri Moury, Matthieu Conseil, Samir Jaber . . . . . . . . . 301

IV. Physiologie du milieu intérieur

31. Régulation de la volémie


Bertrand Rozec, Karim Lakhal, Antoine Roquilly, Yvonnick Blanlœil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313

32. Équilibre acide-base


Jacques Levraut, Jean-Christophe Orban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329

33. Eau et électrolytes


Carole Ichai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347

34. Métabolisme phosphocalcique


Carole Ichai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367

XII
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Sommaire

35. Fonction surrénalienne


Dominique Santelli, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 379

36. Fonction thyroïdienne


Dominique Santelli, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399

37. Physiologie de l’albumine


Jean-Louis Vincent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417

38. Stress et hormones


Virginie Maxime, Hélène Prigent, Djillali Annane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421

39. Glucocorticoïdes et sepsis


Virginie Maxime, Hélène Prigent, Aurélien Mazeraud, Djillali Annane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 431

40. Équilibre thermique


André Lienhart, Yvon Camus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 439

41. Physiologie de l’appareil glomérulo-tubulaire


Henri Vacher-Coponat, Yvon Berland . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453

42. Circulation rénale


Frédéric Ethuin, Laurent Jacob . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 461

43. Physiopathologie de l’épuration extrarénale


Didier Journois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 473

V. Physiologie de l’appareil digestif et de la nutrition

44. Digestion et absorption des nutriments


Pascal Crenn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 483

45. Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs


Daniel Eyraud, Yann Loncar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 491

46. Métabolisme hépatique


Fabrice Michel, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515

47. Physiologie métabolique intégrée


Carole Ichai d’après le texte original de Xavier Leverve (†) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523

48. Besoins nutritionnels


Jean-Fabien Zazzo, Luc Cynober, Xavier Forceville, Véronique Ducros,
Emmanuel Besnier, Fabienne Tamion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 529

49. Sources d’énergie, réserves de l’organisme, dépense énergétique, dénutrition


Cécile Bétry, Martine Laville, Cyrielle Caussy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 557

50. Physiopathologie du péritoine


Nathalie Zappella, Philippe Montravers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 567

VI. Physiologie du système nerveux

51. Mémorisation
Diana Saptefrat, Aymeric Restoux, Jean Mantz, d’après le texte original de Laure Pain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583

52. Axe hypothalamo-hypophysaire


Charles Oliver, Anne Denizot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593

53. La conscience et ses troubles


Christian Mélot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 601

XIII
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE

54. Veille-sommeil
Aymeric Restoux, Jean Mantz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 617

55. Circulation cérébrale et physiologie du liquide céphalorachidien


Lionel Velly, Nicolas Bruder . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 627

56. Physiologie de la conduction nerveuse


Jean-Xavier Mazoit, Hélène Belœil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 645

57. Physiologie de la moelle épinière. Nociception, douleur et neuroplasticité


Éric Viel, Valérie Beauvieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655

58. Voies de la douleur


Frédéric Adam, Daniel Le Bars . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 663

59. Physiologie de la transmission neuromusculaire


Benoît Plaud, Claude Meistelman, Éric Krejci . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 675

60. Physiopathologie de l’agression cérébrale


Aram Ter Minassian, Thomas Lieutaud, Louis-Marie Leiber . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687

61. Physiologie de l’audition et de l’équilibre


Yann Nguyen, Vincent Degos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 721

62. Physiologie oculaire


Danièle Denis, Pierre Wary, Pierre Lebranchu, Jacques Ripart, Philippe Cuvillon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 729

VII. Physiologie de l’immunité

63. Immunité cellulaire et humorale


Sylvie Chollet-Martin, Luc de Chaisemartin, Vanessa Granger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 745

64. Médiateurs de l’inflammation


Jean-Marc Cavaillon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 757

65. Réponse inflammatoire systémique et immunoparalysie


Marc Leone, Olivier Baldesi, Claude Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 775

66. Anaphylaxie
Paul-Michel Mertes, Cindy Barnig, Frédéric De Blay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 785

VIII. Physiologie de la maturation et de la sénescence

67. Physiologie de la grossesse


Laurent Zieleskiewicz, Anne-Sophie Ducloy-Bouthors, d’après le texte original de Marc Biard et Jamil Hamza . . . . 803

68. Physiologie de l’accouchement


Charles Garabedian, Anne-Sophie Ducloy-Bouthors, d’après le texte original de Denis Ortega . . . . . . . . . . . . . . . 823

69. Physiologie de la naissance


Philippe Deruelle, Laurent Storme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 849

70. Physiologie de la sénescence


Sophie Besse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 857

71. Mort cellulaire


Paul Delval, Antoine Tesnière, Alexandre Mignon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 883

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 895

XIV
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Avant-propos

Pourquoi un nouveau livre de physiologie humaine ? Les médecins en formation ou confirmés ont-ils besoin de mieux
connaître le fonctionnement normal de l’organisme ? Pour les auteurs qui ont coordonné cet ouvrage, les réponses sont
évidentes : un ouvrage moderne et actualisé est indispensable aux médecins, quel que soit leur stade de formation,
pour mieux comprendre et donc mieux faire leur métier. Parmi les connaissances de base indispensables aux médecins,
la physiologie devrait représenter une place de premier plan, sans doute supérieure à celle qui lui est accordée actuel-
lement dans les facultés de médecine, aux dépens de sciences plus « dures » telles que la biophysique, la biochimie ou
les statistiques. Non seulement l’étudiant mais aussi le médecin confirmé comprendront et apprendront mieux les
diverses pathologies ; ils utiliseront mieux leurs connaissances pour soigner les malades s’ils disposent d’un socle solide
de connaissances du fonctionnement des organes et de la physiologie de l’organisme. Cet ouvrage a été rédigé et mis
à jour dans cette optique. Un effort particulier a été fait pour que tout soit clairement expliqué et illustré.

Mais au-delà de la connaissance physiologique, il faut comprendre le passage du normal au pathologique. La physio-
pathologie est la clef de voûte d’une médecine de qualité fondée sur la logique de restitution du fonctionnement des
mécanismes physiologiques. Sa connaissance élève le niveau de compréhension indispensable à la mémorisation des
symptômes et syndromes, et des choix thérapeutiques. L’ouvrage que vous avez entre les mains a voulu prendre en
compte cet aspect des choses. Les auteurs sont tous des spécialistes du fonctionnement normal de l’organisme, mais ce
sont aussi des praticiens au contact des malades, des soignants bien au fait de la maladie et de sa prise en charge. De
nombreuses informations physiopathologiques, voire des chapitres entiers, permettent ainsi de passer du normal à la
maladie comme le fait au quotidien le praticien au chevet de son patient. Certains concepts sont présentés plusieurs
fois, et dans des chapitres différents. La pédagogie étant l’art de la répétition, il nous a semblé intéressant, chaque fois
que c’était possible, de signaler au lecteur les chapitres auxquels il peut se reporter pour trouver une autre approche,
éventuellement plus détaillée, d’un élément essentiel des connaissances physiologiques ou physiopathologiques.

Un livre de physiologie pour apprendre, pour comprendre et pour aider à mieux soigner, voilà une ambition que les
auteurs sollicités nous ont aidés à réussir, transformant l’idée en réalité. Les coordinateurs et l’éditeur remercient cha-
leureusement les auteurs qui les ont accompagnés dans cette aventure et qui ont accepté de réactualiser les textes de
la première édition. Nous avons ajouté trois thématiques qui n’y étaient pas abordées : la dysfonction diaphragmatique,
l’audition et l’équilibre ainsi que la vision. Nous souhaitons aux lecteurs autant de plaisir à lire cet ouvrage que nous en
avons eu à le réaliser, et d’apprendre avec lui autant que nous avons nous-mêmes appris en le réalisant.

Claude Martin
Bruno Riou
Benoît Vallet

XV
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I
PHYSIOLOGIE
CARDIO-CIRCULATOIRE
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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

1
Électrophysiologie
• Canaux ioniques membranaires
• Potentiels d’action des cellules cardiaques cardiaque
• Conduction au sein du tissu cardiaque
• Repolarisation du tissu cardiaque
Antoine G.M. Aya, Bastian Nucci,
• Régulation de l’activité électrique cardiaque
par le système nerveux autonome Jean-Emmanuel de La Coussaye
Pôle anesthésie-réanimation-douleur-urgences,
université Montpellier-I, CHU, Nîmes

électrophysiologie cardiaque est l’étude des phosphate [ATP], etc.) et ceux dont l’activation est liée à
processus par lesquels l’activité bioélectrique du une variation de la différence de potentiel transmembra-
tissu cardiaque apparaît, se propage et se péren- naire (canaux ioniques voltage-dépendants). Si les canaux
nise. Elle est une base essentielle à la compréhen- ioniques ligand-dépendants sont impliqués dans les pro-
sion des mécanismes de survenue et de maintien cessus d’adaptation du tissu cardiaque aux variations de
des troubles du rythme cardiaque et des principes son environnement biochimique (ischémie, acidose, etc.),
de leurs traitements. Les différences de concentra- l’activité des canaux ioniques voltage-dépendants est prin-
tions ioniques entre les milieux intra- et extra- cipalement responsable des propriétés électrophysio-
cellulaires et le gradient électrochimique trans- logiques des cellules normales. Quatre types de canaux
membranaire sont responsables du potentiel mem- ioniques voltage-dépendants sont impliqués dans l’appa-
branaire des cellules. Ils sont maintenus par des rition et la propagation du potentiel d’action, de même
pompes et échangeurs réclamant de l’énergie. Ces que la restauration de l’excitabilité cellulaire : les canaux
structures concentrent les ions K+ à l’intérieur de la sodiques, calciques, potassiques et chlore, désignés ainsi en
cellule, y maintiennent une faible concentration fonction de l’ion auquel ils sont le plus sélectivement per-
d’ions Na+ et régulent la concentration intracellu- méables. De manière schématique, on peut considérer que
laire de Ca2+. L’activation membranaire entraîne les courants sodiques et calciques sont dépolarisants, tandis
des échanges transmembranaires de ces différents que les courants potassiques assurent la repolarisation
ions, qui sous-tendent l’activité électrique cellu- rapide de la cellule. Le principal canal sodique voltage-
laire. Ces transferts ioniques transmembranaires dépendant exprimé par les cardiomyocytes est Nav1.5, et
s’établissent à travers des structures spécialisées, son activité (courant INa) contribue aux processus de géné-
les canaux ioniques membranaires. ration et de conduction de l’activité électrique membra-
naire [3]. Le principal canal calcique voltage-dépendant
exprimé par les cardiomyocytes est Cav1.2, et son activité

Canaux ioniques
(courant ICaL) initie le phénomène de calcium-induced cal-
cium release et permet le couplage-excitation [4]. Certains

membranaires types de canaux ioniques comportent des sous-types


distincts par leur fonction au cours des processus électro-
chimiques membranaires et par leurs propriétés pharma-
Les canaux ioniques peuvent être considérés comme des cologiques. C’est particulièrement le cas des canaux
médiateurs des signaux électriques au niveau des cellules calciques (ICaL et ICaT) [5] et des canaux potassiques (Ito, IKur
nerveuses, musculaires et endocrines, et sont modulés par IKr, IKs, IK1, IKACh, IKATP, IKp) (tableau 1) [6]. Pour d’autres
les hormones. Leur dysfonction peut être à l’origine de types cellulaires, des sous-populations différentes ont été
pathologies parfois létales. Ils constituent des cibles phar- identifiées en fonction de leur localisation sur la surface
macologiques privilégiées pour de nombreux médicaments membranaire. Ainsi, des études expérimentales ont
cardiotropes. Ce sont des structures dynamiques qui inter- conduit à l’identification d’au moins deux sous-populations
agissent dans l’espace et dans le temps (de leur biosynthèse de canaux sodiques distinctes par leurs propriétés élec-
à leur dégradation) avec des centaines de protéines cellu- triques, l’une dans les complexes macromoléculaires situés
laires avec lesquelles ils forment des complexes macro- sur la membrane latérale des cardiomyocytes, l’autre au
moléculaires. Ceux-ci ont un rôle majeur dans les processus niveau des disques intercalaires [7]. Si le rôle fonctionnel
de fourniture d’énergie à la cellule, de génération et de au niveau de la membrane latérale est imprécis, les canaux
propagation de l’activité électrique membranaire, dans le sodiques des disques intercalaires participent à la conduc-
couplage excitation-contraction et dans la communication tion intercellulaire, entre autres par leur interaction avec
intercellulaire [1, 2]. On distingue trois groupes de canaux les canaux ioniques de structures spéciales de basse résis-
ioniques : ceux dont l’activation est due à la sensibilité de tance impliquées dans la communication intercellulaire,
récepteurs spécifiques aux modifications de l’environne- appelées “gap junctions” (jonctions lacunaires). Les canaux
ment physique (étirement, par ex.), ceux dont l’activation des gap junctions sont constitués d’une protéine spéci-
est due à l’action d’un ligand (acétylcholine, adénosine tri- fique, la connexine. Les gap junctions sont impliquées dans

3
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Tableau 1 / Principaux courants ioniques impliqués dans le potentiel d’action membranaire

Courant Rôle fonctionnel

Courants sodiques
Courant entrant par les canaux sodiques voltage- Dépolarisation (phase 0) et conduction des cellules
INa dépendants à conduction rapide
IbNa Courant sodique de base Contribue à la DDL spontanée des cellules automatiques
Courants calciques
ICaL Courant entrant calcique lent Dépolarisation des cellules à conduction lente
ICaT Courant entrant calcique transitoire Déclenche la dépolarisation des cellules à conduction lente
If Courant funny calcique entrant Contribue à la DDL spontanée des cellules automatiques
Courants potassiques
Responsable de la repolarisation initiale (phase 1) des cellules
Ito Courant transitoire sortant (transient outward) à conduction rapide
Courant tardif, de rectification, jouant un rôle majeur
IKur Courant ultrarapide sortant dans la repolarisation des cellules auriculaires
Composante rapide du courant sortant tardif Phase tardive de repolarisation des cellules auriculaires
IKr de rectification IK et ventriculaires
Composante lente (slow) du courant sortant tardif Phase tardive de repolarisation des cellules auriculaires
IKs de rectification IK et ventriculaires
IK1 Courant entrant de rectification Maintient le potentiel de repos, prolonge la phase de plateau
Courant entrant de rectification activé Hyperpolarise le tissu cardiaque, ralentit le pacemaker sinusal,
IKACh par l’acétylcholine raccourcit le potentiel d’action auriculaire
Courant entrant de rectification activé par la baisse Protection myocardique dans les situations de déficit
IKATP de la concentration intracellulaire d’ATP énergétique
DDL : dépolarisation diastolique lente ; ATP : adénosine triphosphate

l’excitabilité, la conduction intercellulaire et dans le cou- ce segment vers l’extérieur de la cellule permettrait l’ou-
plage excitation-contraction [8]. Enfin, les nécessités phy- verture du pore canalaire mais induirait également l’inac-
siologiques expliquent la co-localisation et la régulation tivation du canal. Chaque segment est une chaîne
mutuelle de plusieurs types de canaux ioniques au sein de glycoprotéique disposée en hélice, dont la production est
mêmes complexes macromoléculaires. Il en est ainsi de cer- codée par un gène spécifique selon le type de canal. Cette
tains canaux sodiques et potassiques dans le cadre du chaîne glycoprotéique constitue donc la structure primaire
contrôle de l’excitabilité cellulaire [9]. du canal ionique. Les segments d’une part, et les domaines
transmembranaires d’autre part sont reliés par des anses
D’un point de vue structural, les canaux ioniques sont
glycoprotéiques se déployant sur les versants intra- ou
de larges glycoprotéines membranaires dont la production
extracellulaires de la sous-unité a. Certaines anses intra-
est régulée par plusieurs gènes. Un canal ionique est formé
cellulaires et l’extrémité C-terminale portent les sites
de plusieurs sous-unités : une sous-unité dite a considérée
d’interaction avec d’autres protéines du complexe macro-
comme principale parce que de haut poids moléculaire et
moléculaire participant à la régulation du canal ionique.
portant le port canalaire, et des sous-unités de plus petit
L’anse qui relie les domaines III et IV et la portion proximale
poids moléculaire considérées comme accessoires ou auxi-
de l’extrémité C-terminale participent à l’inactivation
liaires, dénommées b, a2-d ou g… La sous-unité a est géné-
rapide du canal en obstruant le pore sur son versant intra-
ralement constituée de 4 sous-unités ou domaines
cellulaire [13]. La sous-unité b est souvent considérée
transmembranaires (I, II, III et IV) délimitant un ionophore,
comme accessoire. Pourtant, il est actuellement établi
pore à travers lequel passe un flux ionique entrant ou sor-
qu’elle comporte des molécules multifonctionnelles ayant
tant selon la nature du canal [10, 11]. Ces domaines sont
un rôle important dans les cellules excitables et non exci-
unis par des liaisons covalentes dans les canaux sodiques
tables, en présence comme en l’absence de sous-unité a
et calciques, formant alors un ensemble unique, alors qu’ils
[14]. Si le canal Nav1.5 est constitué d’une sous-unité a et
sont reliés par des liaisons non covalentes au niveau des
d’une sous-unité b, le canal Cav1.2 comporte en outre une
canaux potassiques. Chaque domaine est constitué de
sous-unité a2-d et une sous-unité g. Quant aux canaux
6 segments hydrophobes transmembranaires a hélicoïdaux
potassiques, trois architectures ont été décrites [6, 15] : une
nommés S1 à S6, reliés par des anses de nature glycopro-
semblable à un seul domaine transmembranaire d’un canal
téique (figure 1). Les résidus protéiques situés entre les seg-
sodique ou calcique (canaux potassiques voltage-dépen-
ments S5 et S6 bordent le pore du canal. Ils sont les seuls
dants, Kv), une comportant 2 segments dits M1 et M2 cor-
éléments constitutifs de certains canaux dont la structure
respondant aux segments S5 et S6 d’un canal sodique ou
est simple. Par exemple, le canal potassique Kir (canal tra-
calcique (canaux potassiques, Kir), et une comportant
versé par un courant entrant de rectification) est constitué
4 segments correspondant à deux fois les segments S5 et S6
de sous-unités ; elles comportent 2 et non 6 segments
qui bordent alors 2 pores canalaires.
transmembranaires qui sont les homologues de S5 et S6
[12]. Le segment S4 de chaque domaine porte plusieurs Les canaux ioniques existent sous trois états : état de
résidus chargés positivement constituant le capteur de dif- repos (canaux fermés et activables), état activé (canaux
férence de potentiel (voltage sensor). La mobilisation de ouverts) et état inactivé (canaux bouchés et non activables)

4
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page5

Électrophysiologie cardiaque 1

Versant
extracellulaire
Figure 1 / Représentation schématique
d’un domaine transmembranaire constituant
l’unité de structure secondaire de la sous-
unité a des canaux ioniques +
Le domaine est constitué de segments Membrane
identifiés par des numéros allant de S1 à S6. sarcoplasmique S1 S2 S3 S4 S5 S6
Les segments S5 et S6 et l’anse réentrante +
qui les relie bordent le pore canalaire.
Le segment S4 constitue le détecteur
de différentiel de potentiel et sa mobilisation Versant
lors de l’activation du canal permet intracellulaire
l’ouverture du pore canalaire. Le domaine
est constitué de segments identifiés
par des numéros allant de S1 à S6.
Les segments S5 et S6 et l’anse réentrante
qui les relie bordent le pore canalaire.
Le segment S4 constitue le détecteur N
de différentiel de potentiel et sa mobilisation C
lors de l’activation du canal permet
l’ouverture du pore canalaire.

[11, 12]. Du point de vue fonctionnel, les canaux ioniques • les canaux sodiques, qui sont responsables de l’ex-
sont en règle générale fermés et s’ouvrent à l’occasion citabilité et de la conduction des cellules à conduc-
d’une stimulation induite par un ligand extracellulaire, une tion rapide ;
variation de la différence de potentiel transmembranaire • les canaux calciques, qui jouent un rôle détermi-
ou un second messager intracellulaire (processus d’activa- nant dans l’excitabilité et la conduction des cel-
tion). L’ouverture du canal est un événement aléatoire lules à conduction lente ;
dépendant tant du potentiel membranaire (voltage- • les canaux potassiques, qui assurent la repolarisa-
dépendance) que du temps écoulé depuis la modification tion de ces deux types de cellules.
du potentiel membranaire (temps-dépendance). La durée Un canal ionique interagit dans l’espace et dans le
moyenne d’ouverture est caractéristique du type de canal,
temps avec des centaines de protéines cellulaires
allant par exemple de 1 ms pour les canaux sodiques à plu-
avec lesquelles il forme un complexe macromolécu-
sieurs centaines de millisecondes pour les canaux potas-
laire.
siques. Après ouverture, le canal s’inactive. Le processus
d’inactivation rapide du canal est couplé à l’activation car
il est induit par les modifications de la conformation du
canal liées à la mobilisation des segments S4 pendant l’ac-
tivation. Cependant, un canal au repos peut également
Potentiels d’action
s’inactiver sans passer par l’état activé. Physiologiquement,
l’inactivation est médiée par plusieurs effecteurs intracel-
des cellules cardiaques
lulaires dont les actions concourent à l’obstruction du pore
[16]. Ensuite, le canal se ferme et devient réfractaire à Cellules cardiaques
toute stimulation pendant un temps variable, nécessaire à
la récupération de son activabilité (processus de récupéra- Le cœur est constitué de plusieurs types de cellules. Les
tion). Il revient alors à l’état de repos, jusqu’à l’activation myocytes cardiaques représentent 70 % du volume tissu-
suivante. L’activation d’un canal permet le passage d’un laire, mais seulement 30 à 40 % du nombre total de cel-
flux ionique relativement sélectif, dont la nature définit la lules. Le reste du volume cardiaque est principalement
classe du canal (sodique, calcique, potassique ou chlore). constitué de fibroblastes, les cellules endothéliales et les
La direction entrante ou sortante du flux ionique dépend cellules musculaires lisses vasculaires ne représentant
du gradient électrochimique transmembranaire. qu’une faible population. Bien que les fibroblastes, en
modulant l’homéostasie des protéines de la matrice extra-
Canaux ioniques membranaires cellulaire et en répondant à de nombreux signaux méca-
niques ou chimiques, puissent participer à l’activité
Un canal ionique est une large glycoprotéine for-
électrique cardiaque [17, 18], trois types de cellules en
mée de plusieurs sous-unités. La plus importante, la
constituent le support principal :
sous-unité , porte le pore canalaire.
• les cellules nodales, qui sont de petites cellules fascicu-
Les canaux ioniques existent sous trois états : activé,
inactivé et repos. laires constituant les nœuds sino-auriculaire et auriculo-
L’activation du canal peut être voltage-dépendante ventriculaire. Elles ont une automaticité intrinsèque
ou ligand-dépendante. hiérarchisée, la fréquence du nœud sino-auriculaire
L’activation du canal conduit à l’ouverture du pore. (environ 75 impulsions/min) étant supérieure à celle du
Un courant ionique transmembranaire s’établit nœud auriculo-ventriculaire (environ 60 impulsions/min).
alors. La nature de l’ion responsable du courant Les cellules nodales conduisent lentement le potentiel
transmembranaire définit la famille du canal. d’action membranaire ;
Trois familles de canaux déterminent les propriétés • les cellules musculaires cardiaques, qui constituent la
d’excitabilité et de conduction des cellules car- paroi des oreillettes et des ventricules. Ce sont des cel-
diaques : lules allongées, fusiformes, organisées en faisceaux. Elles

5
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

sont dépourvues d’automaticité, conduisent rapidement repos des cellules à conduction rapide est stable parce que
le potentiel d’action et leur contraction assure la fonction les flux transmembranaires entrant de sodium et sortant
muscle du cœur ; de potassium s’équilibrent parfaitement, les mouvements
• les cellules du tissu spécialisé de conduction (faisceau de du calcium et du chlore étant négligeables. Aussi, la dépo-
His, cellules de Purkinje), qui ressemblent aux myocytes larisation des cellules à conduction rapide nécessite une sti-
cardiaques sur les plans de la structure et des propriétés mulation extérieure à la cellule (stimulus électrique, onde
électrophysiologiques. Elles s’en distinguent par le fait de dépolarisation provenant d’une cellule adjacente). Dans
qu’elles sont douées d’automaticité. Leur fréquence de les cellules du système His-Purkinje (et dans les cellules
dépolarisation étant inférieure à celle des cellules nodales), le flux net en diastole n’est pas nul, mais entrant.
nodales, elles constituent des pacemakers accessoires. De ce fait, ces cellules n’ont pas de potentiel de repos sta-
ble, mais un potentiel diastolique maximum (jusqu’à
D’un point de vue électrophysiologique, ces cellules se
– 90 mV), à partir duquel apparaît une dépolarisation lente
répartissent dans deux groupes en fonction de leur vitesse
spontanée qui définit leur automaticité. Lorsque la dépo-
de conduction : les cellules dites à conduction rapide (myo-
larisation diastolique lente spontanée atteint le potentiel
cytes cardiaques et cellules du système His-Purkinje) et les
seuil, elle donne lieu à un potentiel d’action.
cellules dites à conduction lente (cellules nodales).
Cependant, dans chaque type cellulaire, il existe des Le potentiel d’action est la variation dans le temps du
nuances de comportement électrophysiologique, en fonc- potentiel transmembranaire de la cellule cardiaque au
tion de la topographie au sein du cœur, qui conduisent à cours d’un cycle cardiaque. C’est donc un cycle électrique
identifier des sous-types. Ces nuances sont liées à des varia- constitué par un ensemble de variations du potentiel de
tions qualitatives et quantitatives de l’équipement en membrane à partir du potentiel de repos, liées à des mou-
canaux ioniques et rendent compte des variations des pro- vements ioniques transmembranaires passifs (suivant les
priétés électrophysiologiques et des réponses cellulaires gradients de concentration respectifs), puis actifs (grâce à
aux stimuli physiologiques (variation de température, par des pompes ioniques). Le potentiel d’action des cellules à
ex.) ou aux agents pharmacologiques [19-21]. Ainsi, on dis- conduction rapide est induit par un stimulus exogène et
tingue dans la paroi ventriculaire gauche au moins trois est caractérisé par l’existence de quatre phases (figure 2) :
types de myocytes : les cellules endocardiques, les cel- • au cours de la phase 0 dite de dépolarisation rapide, le
lules M et les cellules épicardiques. Les cellules M se carac- potentiel membranaire est amené du niveau de repos à
térisent par une durée de repolarisation plus longue que une valeur seuil (environ – 60 mV) à laquelle les canaux
les autres types cellulaires du ventricule [16, 22] et il a été sodiques sont activés. Leur ouverture transitoire donne
montré que le propranolol et la tétrodotoxine raccourcis- lieu à un flux entrant de sodium (courant INa) qui dépo-
sent la durée du potentiel d’action des cellules endocar- larise la membrane, positivant le potentiel membranaire
diques alors qu’ils allongent celle des cellules épicardiques (environ + 30 mV). La vitesse maximale de dépolarisation
[23]. Enfin, les zones de jonction entre les différents types pendant la phase 0 (Vmax) est bien corrélée à l’impor-
cellulaires sont des zones de vulnérabilité électrique dans tance du flux sodique entrant (courant INa) et à la vitesse
lesquelles l’altération du couplage cellulaire par les agents de conduction de l’onde de dépolarisation le long de la
pharmacologiques est volontiers plus marquée. À titre membrane considérée [25]. La Vmax varie avec le potentiel
d’exemple, l’halothane ralentit plus la conduction au de repos : sa pente est d’autant plus importante que le
niveau de la jonction Purkinje-myocarde qu’au niveau des potentiel de repos est négatif. Aussi, tout phénomène
cellules de Purkinje ou du myocarde ventriculaire [24]. entraînant une dépolarisation partielle des cellules
(ischémie, hypoxie, acidose, etc.) diminue la Vmax et
ralentit la conduction membranaire ;
Courants ioniques et • pendant la phase 1, l’inactivation progressive d’INa et,
potentiel d’action des cellules surtout, l’activation d’un courant sortant transitoire de
nature essentiellement potassique (courant Ito) ramènent
à conduction rapide le potentiel membranaire vers 0 mV. Le courant Ito est
plus marqué sur les cellules de Purkinje et les myocytes
Comme toutes les cellules vivantes, les cellules car- ventriculaires épicardiques. C’est un des éléments
diaques sont polarisées, c’est-à-dire qu’il existe au repos différenciant les cellules endocardiques et épicardiques
une différence de potentiel entre l’intérieur et l’extérieur ventriculaires sur les plans électrophysiologique et phar-
de la cellule. Cette différence de potentiel transmembra- macologique [26, 27] ;
naire est due à une différence de concentration en • la phase 2 représente un plateau. Elle est liée à la persis-
ions Na+ et K+ de part et d’autre de la membrane plas- tance d’un courant entrant de nature sodique et, surtout,
mique. Elle est maintenue stable par l’action des pompes à l’activation d’un courant calcique entrant par les
Na+-K+ ATPase qui régulent les concentrations extracellu- canaux calciques de types T et L (courants ICaT et ICaL), qui
laires d’ions Na+ et intracellulaires d’ions K+, ces deux ions contrebalancent l’effet repolarisant du courant Ito ;
étant sujets à des transferts transmembranaires continus • la phase 3 est celle de la repolarisation. Au cours de cette
suivant leur gradient de concentration transmembranaire phase, l’inactivation progressive des courants entrants
respectif. En effet, la concentration extracellulaire d’ions calciques et l’activation de plusieurs courants sortants de
Na+ (environ 142 mEq/L) est 10 fois supérieure à sa concen- nature principalement potassique (IKdr et IKir) permettent
tration intracellulaire (environ 14 mEq/L) et la concentra- le retour du potentiel membranaire à sa valeur de repos,
tion extracellulaire d’ions K+ (environ 4 mEq/L) est plus de rétablissant alors l’excitabilité membranaire ;
30 fois inférieure à sa concentration intracellulaire (environ • la phase 4 constitue la diastole, phase de repos élec-
140 mEq/L). Le potentiel de membrane à un instant donné trique, sauf dans les cellules de Purkinje. Cette phase se
est la résultante des flux traversant l’ensemble des canaux caractérise par la restauration de la répartition normale
ioniques ouverts à cet instant. Au repos, les cellules à des ions de part et d’autre de la membrane cellulaire.
conduction rapide ont une proportion importante de Ceci impose des transferts ioniques contre les gradients
canaux potassiques ouverts, permettant une diffusion libre de concentration transmembranaires normaux, donc des
du potassium à travers la membrane selon son gradient de transports actifs au moyen de pompes ioniques. Parmi les
concentration. De ce fait, le potentiel de repos de ces cel- principales, la pompe Na+-K+ fait sortir 3 Na+ en faisant
lules (de – 85 à – 70 mV) est proche du potentiel d’équilibre entrer 2 K+, et la pompe Na+-Ca2+ fait entrer 3 Na+ en fai-
électrochimique du potassium (– 98 mV). Le potentiel de sant sortir 1 Ca2+. La phase 4 des cellules du système His-

6
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Électrophysiologie cardiaque 1

mV
40 1
20 2
12
0
20 3
0 3
40 0 4
Figure 2 / Représentation graphique
et comparative des potentiels d’action 60
des cellules à conduction rapide (à gauche)
80 4
et à conduction lente (à droite)
La contribution des différents courants 100
ioniques aux différentes phases
du potentiel d’action est présentée
sous chaque courbe. Noter la pente INa ICaL
moins abrupte de la phase 0, l’absence ICaL ICaT
d’une phase de plateau, et l’existence ICaT If
d’une dépolarisation diastolique lente
spontanée au cours du potentiel d’action IK IK
des cellules à conduction lente. IK1 IbNa
La dénomination des courants est présentée
Ito
dans le tableau 1.

Purkinje se caractérise par une dépolarisation lente spon- fréquence cardiaque par le système nerveux autonome
tanée dont le mécanisme est identique à celui de la dépo- (SNA) [29]. Des canaux ioniques spécifiques lui sont attachés
larisation diastolique lente spontanée des cellules à (canaux f) et constituent des cibles pharmacologiques
conduction lente. Sa pente est cependant plus faible, puisqu’un inhibiteur spécifique, l’ivabradine, est actuelle-
expliquant le caractère latent de l’activité automatique ment commercialisé et a montré son intérêt en thérapeu-
des cellules du système His-Purkinje. tique. Cette théorie membranaire a été appelée « horloge
membranaire » (“M-clock”) [30, 31] ;

Courants ioniques et • la théorie alternative dite « horloge calcique intracellu-


laire » est basée sur la mise en évidence d’une libération
potentiel d’action des cellules spontanée de calcium à partir du réticulum sarcoplas-
mique sous le contrôle du récepteur de la ryanodine, libé-
à conduction lente ration précédant la dépolarisation diastolique et le
potentiel d’action sinusal [32-34]. Cette libération pério-
Les phases du potentiel d’action des cellules à conduc- dique de calcium activerait l’échangeur Na+/Ca2+, géné-
tion lente sont moins marquées que celles des cellules à
rant un courant entrant de sodium responsable de la
conduction rapide (figure 2). Le potentiel diastolique maxi-
dépolarisation diastolique lente spontanée.
mum est moins négatif (environ – 60 mV), la pente de la
dépolarisation est plus douce, la Vmax plus faible et donc la In fine, l’électrogenèse cardiaque est probablement le
conduction plus lente que dans les cellules à conduction résultat d’une subtile combinaison de ces deux mécanismes
rapide. Le courant dépolarisant (phase 0) est un flux cal- théoriques survenant au sein de chaque cellule sinusale
cique entrant à travers les canaux calciques de type T puis L [35]. Physiologiquement, l’activité pacemaker sinusale
(courants ICaT et ICaL). La dépolarisation n’est pas suivie d’un résulte de la dépolarisation synchrone des milliers de cel-
vrai plateau. La repolarisation (phase 3) est liée à l’activa- lules qui constituent le nœud sino-auriculaire. Celui-ci
tion d’un flux potassique sortant (courant IK) qui ramène le ayant la pente de dépolarisation la plus abrupte est le pre-
potentiel de membrane à sa valeur diastolique maximale. mier à atteindre le seuil du potentiel d’action, ce qui lui
Pendant la phase 4 survient une dépolarisation lente spon- confère le rôle de pacemaker principal. L’activité du nœud
tanée, qui amène progressivement le potentiel membra- sino-auriculaire détermine la fréquence cardiaque, les
naire à la valeur seuil d’activation des canaux calciques, autres cellules automatiques constituent des pacemakers
initiant alors le potentiel d’action. Le mécanisme intime de accessoires, prenant le relais en cas de défaillance sinusale
cette dépolarisation diastolique n’est pas complètement
ou de perturbation de conduction du potentiel d’action.
connu. Deux théories non mutuellement exclusives sont
actuellement proposées, l’une d’origine membranaire, l’au-
tre impliquant des facteurs de signalisation intracellulaire : Potentiel d’action membranaire
• au niveau membranaire, les études expérimentales ont
montré que la dépolarisation diastolique spontanée est le Le potentiel d’action est un cycle de variations du
résultat d’une dizaine de courants ioniques de diverse potentiel membranaire résultant de la perméabilité
nature [sodique, calcique (ICaT et ICaL), potassique (IKr)], par- sélective de la membrane aux différents ions, du
fois redondants sur le plan fonctionnel pour assurer la sécu- gradient de concentration ionique transmembra-
rité de l’activité automatique en cas de défaillance de l’un naire et des transferts ioniques transmembranaires.
d’eux [28]. Deux de ces courants ont une importance parti- Deux types de potentiels d’action caractérisent les
culière dans la dépolarisation membranaire : le courant IbNa deux types électrophysiologiques de cellules car-
(b pour background), très faible courant de fond, dépolari- diaques :
sant, de nature sodique, et le courant If (f pour funny), porté • le potentiel d’action des cellules à conduction
principalement par les ions Na+ (de manière prédominante rapide (myocytes des parois auriculaire et ventri-
à des potentiels physiologiques) et K+. Le courant If est culaire), qui se singularise par une dépolarisation
activé par l’hyperpolarisation du potentiel membranaire et rapide due à une entrée massive de sodium dans
constitue un médiateur important de la régulation de la la cellule, une phase de plateau à laquelle contri-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

bue une entrée de calcium, et l’absence de dépo- Les résistances doivent être vaincues pour que l’onde de
larisation diastolique spontanée ; dépolarisation soit transmise d’une cellule à l’autre. La
• le potentiel d’action des cellules à conduction conduction intercellulaire se fait préférentiellement au
lente (cellules du nœud sino-auriculaire et du niveau des gap junctions, structures de faible résistance du
nœud auriculo-ventriculaire), qui se caractérise par fait de leur richesse en canaux ioniques, dits canaux jonc-
une dépolarisation lente liée à une entrée de cal- tionnels. Aussi, dans les conditions physiologiques, la
cium dans la cellule, l’absence de phase de plateau conductance des gap junctions est un des paramètres les
et l’existence d’une dépolarisation diastolique plus pertinents dans la régulation de la conduction au sein
lente spontanée responsable de l’automatisme. du tissu cardiaque. Chaque canal jonctionnel est constitué
Cette dépolarisation serait due à la fois à une acti- de 2 hémicanaux appelés connexons (un dans la membrane
vité membranaire répétitive générant des cou- de chaque cellule) qui assurent la continuité des comparti-
rants ioniques dépolarisants et à une libération ments cytoplasmiques de 2 cellules adjacentes, permettant
spontanée et répétitive de calcium à partir du réti- alors la transmission intercellulaire de signaux électriques
culum sarcoplasmique. et de substances biochimiques de l’une à l’autre. Chaque
connexon correspond à l’assemblage de 6 protéines trans-
membranaires appelées connexines. Les connexines sont
identifiées par leur masse moléculaire. Une vingtaine de
Conduction gènes régulent la synthèse de connexines chez l’homme.

au sein du tissu cardiaque


Quatre connexines ont cependant une importance particu-
lière dans la conduction cardiaque : la Cx30,2, la Cx40, la
Cx43 et la Cx45. Chacune d’elles forme un canal distinct par

Conduction sa conductance unitaire, sa sensibilité au voltage et sa per-


méabilité aux ions et aux colorants [43, 44] :
à l’échelle cellulaire • la Cx43 est la connexine majeure du tissu cardiaque. Elle
participe au processus de conduction au niveau du tissu
À l’échelle de la cellule, la conduction est considérée ventriculaire, et son absence complète (déficit homozy-
comme continue et se fait selon la « théorie du câble » [36, gote) s’accompagne de cardiopathies létales [45, 46]. À
37]. La conduction est unidimensionnelle et dépend alors l’inverse, la diminution de son expression de 50 % (déficit
quasiment exclusivement des propriétés de la membrane, hétérozygote) s’accompagne d’un élargissement du com-
principalement de son niveau de repolarisation et de la plexe QRS et d’un ralentissement de la conduction ven-
conductance ionique au sodium pour les cellules à conduc- triculaire, la conduction auriculaire demeurant normale.
tion rapide et au calcium pour les cellules à conduction Ceci suggère que l’importance fonctionnelle de la Cx43
lente. En effet, il existe une bonne corrélation entre l’am- est plus grande au niveau ventriculaire qu’au niveau auri-
plitude du courant dépolarisant (INa ou ICa), la Vmax de la culaire [47] ;
phase 0 et la vitesse de conduction membranaire [25]. Ceci • la Cx40 est impliquée dans la conduction au niveau du
explique que la Vmax soit souvent considérée comme un myocarde auriculaire et du tissu de conduction ;
indice de la disponibilité des canaux ioniques impliqués • la Cx30,2 intervient dans le ralentissement de la conduc-
dans la dépolarisation membranaire [38]. Cependant, au tion à travers le nœud auriculo-ventriculaire.
niveau des cellules à conduction rapide, la Vmax dépend de • quant à la Cx45, elle est importante à la phase d’embryo-
la cinétique de récupération des canaux sodiques, de la genèse.
taille des cellules environnantes et de l’importance du cou- D’une manière générale, la composition en connexines
rant dépolarisant. Aussi, sa relation avec le courant INa est et l’importance quantitative et fonctionnelle de chacune
non linéaire [39-42]. Quoi qu’il en soit, schématiquement, d’elles varient avec l’âge, d’un tissu cardiaque à l’autre
tout agent pharmacologique inhibant le courant INa dimi- (oreillette vs ventricule vs tissu nodal vs tissu spécialisé de
nue la Vmax et ralentit la conduction membranaire. Comme conduction), contribuant à différencier les caractéristiques
dit précédemment, la Vmax est d’autant plus importante de conduction. Les propriétés de conduction au sein d’un
que le potentiel de repos est négatif [38]. Aussi, tout phé- tissu sont donc déterminées par le nombre et la disposition
nomène responsable d’un potentiel de repos moins négatif spatiale des gap junctions, mais également par le type de
(dépolarisation partielle : ischémie, hypoxie, acidose, etc.) connexine entrant dans leur composition.
entraîne une diminution de la Vmax de la phase 0 et donc
un ralentissement de la conduction du potentiel d’action La densité des gap junctions est plus importante au
le long de la membrane cellulaire. Ceci aboutit à un élar- niveau des disques intercalaires et il est établi qu’elles sont
gissement du complexe QRS (bloc intraventriculaire). En plus nombreuses aux extrémités des cellules musculaires
effet, en dehors des blocs de branche, la largeur du QRS cardiaques [48]. Aussi, le temps nécessaire au franchisse-
est inversement proportionnelle à la vitesse de conduction ment des gap junctions explique que, pour une même dis-
ventriculaire. tance parcourue, le temps de conduction soit de 2 à 3 fois
plus court dans le grand axe des myocytes (conduction lon-
gitudinale) que dans l’axe perpendiculaire (conduction
Conduction transversale) [49, 50]. La taille des cellules contribue éga-
lement de manière importante à cette variation axiale de
à l’échelle du tissu cardiaque la conduction [51]. L’existence de ces deux axes de conduc-
tion définit l’anisotropie de la conduction myocardique,
La conduction à l’échelle du tissu cardiaque nécessite la caractérisée par le rapport anisotropique qui est celui de
transmission du potentiel d’action d’une cellule à la cellule la conduction longitudinale et de la conduction transver-
voisine. La possibilité de cette transmission et sa vitesse sale (figure 3). L’anisotropie du myocarde normal se carac-
dépendent des propriétés de la membrane et de l’architec- térise par le fait qu’elle est uniforme à cause de la présence
ture complexe du tissu cardiaque. Ainsi, outre l’excitabilité régulière de communications intercellulaires sur l’axe trans-
membranaire, les résistances intracellulaires (cytoplasme, versal de conduction [48]. Cependant, l’architecture du
communications intercellulaires) et extracellulaires (milieu myocarde et l’existence de barrières anatomiques ou fonc-
extracellulaire, autres types cellulaires) ainsi que des bar- tionnelles au sein du tissu myocardique déterminent le pro-
rières structurelles, comme les vaisseaux sanguins, condi- fil rectiligne ou incurvé de propagation de l’onde
tionnent la propagation de l’onde de dépolarisation [37]. d’activation [52]. Ainsi, comme le montre la figure 3, la pro-

8
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page9

Électrophysiologie cardiaque 1

pagation de l’onde d’activation obtenue par stimulation en


un point unique d’un tissu anisotropique (épicarde du ven-
tricule gauche) décrit une ellipse, avec un front d’activation
incurvé de forme convexe sur l’axe longitudinal. En pra-
tique, les effets de l’anisotropie et du profil de propagation
sont intriqués et déterminent conjointement le caractère
normal ou pathologique de la conduction, de même que la
susceptibilité aux troubles du rythme cardiaque. IVA VG
La transmission de l’onde de dépolarisation d’une cel-
lule dépolarisée à une cellule adjacente dépend de la
charge générée par la première et de celle nécessaire à la
dépolarisation de la seconde. Le rapport de ces deux para-
mètres définit la conduction et est appelé facteur de main-
tien de la conduction (safety factor for conduction) [37].
Ce concept, d’abord utilisé pour décrire la conduction au
niveau neuronal [53], a été ensuite appliqué à la conduc- θL : 84,7 cm/s
tion cardiaque [49]. Dans un système linéaire ayant des Apex θT : 39,7 cm/s
propriétés cellulaires uniformes, l’efficacité de la conduc-
tion est caractérisée par un facteur de maintien supérieur Figure 3 / Cartographie épicardique montrant l’anisotropie
à 1. Le facteur multiplicatif de cette valeur indique donc la de la conduction ventriculaire gauche
marge de sécurité de la conduction [54]. Du fait de l’ani- IVA : artère interventriculaire antérieure,
sotropie, le facteur de maintien de la conduction est diffé- VG : paroi libre du ventricule gauche.
rent dans les axes longitudinal et transversal. En effet, il Le point au centre représente le site de stimulation épicardique,
les chiffres représentent les temps d’activation
est plus grand pour la conduction transversale que pour la
des différentes électrodes. Les isochrones sont tracées
conduction longitudinale [55-57], ce qui explique que la toutes les 10 ms et révèlent le profil ellipsoïdal de propagation
seconde puisse être bloquée plus facilement sous l’effet de l’onde d’activation et les axes longitudinal et transversal
d’un agent pharmacologique alors que la première est de conduction ventriculaire.
maintenue [54]. En fait, il faut distinguer deux types d’al- Les vitesses de conduction sont calculées dans ces axes,
tération de la conduction : celle qui est due à une diminu- entre des couples d’électrodes dont on connaît la distance
tion de l’excitabilité et celle qui résulte d’un découplage et les temps d’activation respectifs.
cellulaire. Dans le premier cas, le facteur de maintien dimi-
nue, conduisant à l’apparition précoce d’un bloc de
conduction, après un ralentissement relativement modéré.
Dans le second cas, le facteur de maintien augmente, per-
et des cellules de transition. Les cellules nodales sont de
mettant la poursuite de la conduction malgré un ralentis-
petites cellules rondes ou ovoïdes accolées les unes aux
sement majeur. Ceci s’explique par le rôle majeur que joue
autres sans membrane basale et disposées en petits amas
le courant ICaL dans la conduction en cas de découplage
limités par une membrane basale. Les cellules de transition
cellulaire [54]. En effet, cette augmentation du facteur de
sont longues et fines, plus longues et plus fines que les
maintien disparaît lorsque l’on augmente la concentration
myocytes auriculaires. Cependant, leur morphologie se
intracellulaire de calcium. Sur tissu ventriculaire, la conduc-
rapproche progressivement de celle des myocytes au fur et
tion longitudinale est corrélée à la Vmax et au courant INa
à mesure que l’on s’éloigne du centre du nœud sino-auri-
et traduit essentiellement le rôle de l’excitabilité membra-
culaire. Les cellules transitionnelles ont au moins deux
naire dans la conduction, tandis que la conduction trans-
versale reflète la conduction à travers les communications fonctions : d’une part, elles constituent un réseau d’inter-
intercellulaires, c’est-à-dire le couplage cellulaire [58]. connexion entre les amas de cellules nodales, qui vraisem-
Aussi, toute diminution de l’excitabilité s’accompagne blablement permet de synchroniser l’électrogenèse
d’un ralentissement, voire d’un bloc, de la conduction lon- sinusale ; d’autre part, elles assurent la liaison anatomique
gitudinale, tandis que les agents découplants cellulaires et fonctionnelle des cellules nodales avec les myocytes auri-
induisent préférentiellement un ralentissement de la culaires, les isolant les unes des autres. Outre ces deux
conduction transversale. Les modifications de l’anisotropie types cellulaires, les fibroblastes et les fibres de collagène
qui en résultent peuvent faciliter la survenue de troubles constituent le tissu de soutien du nœud sino-auriculaire et
du rythme par réentrée dite anisotropique [59, 60]. contribuent à isoler les cellules nodales des myocytes car-
diaques, de sorte que les cellules de transition sont le seul
lien électrique entre ces deux types cellulaires. Le nœud
Conduction sino-auriculaire reçoit une riche innervation parasympa-
thique, du nerf vague droit, et sympathique, par le gan-
à l’échelle du cœur entier glion stellaire droit. Il existe également de nombreux
ganglions nerveux au voisinage du nœud sino-auriculaire,
Bases anatomiques pratiquement toujours de nature vagale.
La genèse du potentiel d’action cardiaque et sa propa- Le nœud auriculo-ventriculaire est situé au-dessus de
gation à l’ensemble du myocarde se font à travers des enti- l’insertion septale de la valve tricuspide, près de l’ostium
tés particulières : le nœud sino-auriculaire (ou sinusal) et du sinus coronaire, en position sous-endocardique. Il com-
le tissu spécialisé de conduction que constituent le nœud porte les mêmes types de cellules que le nœud sino-
auriculo-ventriculaire, le faisceau de His et ses branches, auriculaire et a une structure proche. Cependant, les
ainsi que le réseau de Purkinje [61, 62]. La structure histo- cellules nodales sont ici soit isolées, soit regroupées en très
logique de ces entités varie de la naissance à l’âge adulte. petits amas disséminés à travers tout le nœud auriculo-ven-
Aussi, seuls les aspects observés chez le sujet adulte seront triculaire, et elles tendent à s’agréger à l’approche de la
envisagés. Le nœud sino-auriculaire est une structure com- zone de jonction avec le faisceau de His, le tout étant
plexe située près de la jonction de la veine cave supérieure encerclé par les cellules transitionnelles [61, 62]. Comme
avec l’oreillette droite. Il est constitué de deux principaux pour le nœud sino-auriculaire, il existe également une
types de cellules : des cellules « nodales » proprement dites riche innervation, sympathique, grâce à de petits filets ner-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

veux disséminés dans le nœud auriculo-ventriculaire et Parkinson-White. Le faisceau de His comporte trois
allant jusque dans le faisceau de His, et vagale par l’inter- branches dans lesquelles l’onde d’activation chemine de
médiaire de ganglions situés dans la région septale, en par- manière simultanée, permettant la dépolarisation syn-
ticulier entre le nœud auriculo-ventriculaire et l’ostium du chrone du tissu ventriculaire qui se traduit par le caractère
sinus coronaire. Le faisceau de His prolonge le nœud auri- fin des complexes QRS sur l’électrocardiogramme de sur-
culo-ventriculaire et constitue la voie exclusive de commu- face. Lorsque la transmission est entravée, voire interrom-
nication des étages auriculaire et ventriculaire. À partir de pue, au niveau d’une ou de plusieurs branches, il apparaît
sa connexion avec le nœud auriculo-ventriculaire, le fais- un bloc de branche dont témoigne l’élargissement du com-
ceau de His constitue un tronc qui descend jusqu’au bord plexe QRS. Les branches du faisceau de His conduisent
supérieur du septum interventriculaire et se divise en don- l’onde d’activation au réseau de Purkinje qui la transmet
nant ses branches postérieures et antérieures qui vont assu- au myocarde ventriculaire. La zone de jonction Purkinje-
rer la dépolarisation du ventricule gauche, et sa branche myocarde ventriculaire est peuplée de cellules dites de
droite qui va permettre celle du ventricule droit. Du point transition, assurant le transfert de l’onde d’activation du
de vue cytologique, le tronc et les branches du faisceau de réseau de Purkinje au myocarde ventriculaire [63]. Leurs
His sont principalement constitués de cellules transition- caractéristiques électrophysiologiques font de cette région
nelles disposées longitudinalement, parallèlement les unes une zone de forte résistance, assurant le ralentissement de
aux autres, chacune étant gainée de collagène, ce qui les l’onde d’activation avant sa transmission au myocarde ven-
isole d’une extrémité à l’autre. De plus, le tronc du faisceau triculaire. Enfin, la propagation de l’onde d’activation à
de His chemine dans le squelette fibreux du cœur, jusqu’au l’ensemble du myocarde ventriculaire déclenche la contrac-
pôle supérieur du septum interventriculaire, et il a été sug- tion ventriculaire.
géré que ses branches cheminent également dans des man-
chons fibreux dans le septum interventriculaire. Ce système La conduction est l’ensemble des processus permet-
d’isolement du tissu spécialisé de conduction permet d’évi- tant la propagation de l’onde de dépolarisation
ter l’activation prématurée du tissu ventriculaire. Le fais- d’origine sinusale à l’ensemble du tissu cardiaque.
ceau de His reçoit une innervation vagale par des filets À l’échelle cellulaire, la conduction dépend quasi-
nerveux provenant de ganglions nerveux intracardiaques ment exclusivement des propriétés de la membrane,
et extracardiaques. Les études animales ont permis d’établir principalement de son niveau de repolarisation et de
que les branches du faisceau de His se terminaient par un la conductance ionique à l’ion dépolarisant (Na+ ou
réseau de fibres de Purkinje, et il a été montré que la trans- Ca2+).
mission de l’onde d’activation du réseau de Purkinje au À l’échelle du tissu cardiaque, les résistances intra-
myocarde ventriculaire était assurée par des cellules transi- cellulaires (cytoplasme, communications intercellu-
tionnelles [63]. Chez l’homme, la seule certitude de leur laires) et extracellulaires (milieu extracellulaire,
existence proviendrait de leur mise en évidence sur des autres types cellulaires) et des barrières structurelles
tumeurs cardiaques [64]. comme les vaisseaux sanguins doivent être vain-
cues pour permettre la propagation de l’onde de
dépolarisation.
Processus La conduction intercellulaire se fait préférentielle-
de la conduction myocardique ment au niveau des gap junctions (jonctions lacu-
naires), structures de faible résistance du fait de leur
L’activité électrique cardiaque provient du nœud sinu-
richesse en canaux ioniques.
sal. En fait, les foyers d’automatisme sont souvent multi- La taille des cellules et l’architecture du tissu car-
ples dans l’oreillette droite [65], mais leur activité diaque conduisent à l’existence d’une anisotropie
électrique est synchrone, permettant une électrogenèse de la conduction myocardique : pour une même dis-
coordonnée comme lorsqu’elle provient d’une structure tance parcourue, le temps de conduction est de 2 à
anatomiquement unique. L’onde de dépolarisation d’ori- 3 fois plus court dans le grand axe des fibres myo-
gine sinusale se propage à l’ensemble du cœur selon un cardiques (conduction longitudinale) que dans l’axe
schéma très précis [62]. Elle se propage d’abord à l’ensem- perpendiculaire (conduction transversale).
ble du myocarde auriculaire et déclenche la contraction À l’échelle de l’organe, le circuit de propagation de
des oreillettes. La conduction interauriculaire est facilitée l’onde de dépolarisation est très précis : après sa
par l’existence de voies transseptales de conduction naissance au niveau du nœud sino-auriculaire,
spécialisées, dont le faisceau de Bachmann [66-68]. l’onde chemine à travers le myocarde auriculaire
Parallèlement, l’onde de dépolarisation est transmise au jusqu’au nœud auriculo-ventriculaire, puis s’engage
nœud auriculo-ventriculaire. Les modalités de la conduc- dans le tronc et les branches du faisceau de His, tra-
tion internodale sont discutées. Si certains auteurs plaident verse le réseau de Purkinje pour, enfin, atteindre le
en faveur de la transmission de l’onde de dépolarisation myocarde ventriculaire.
via le myocarde auriculaire [69], d’autres mettent en avant La voie nodo-hissienne est la seule voie de commu-
le rôle de voies spécialisées de conduction internodale [68, nication électrique entre l’étage auriculaire et
70]. Le temps de conduction intranodale entraîne un ralen- l’étage
2 ventriculaire.
tissement de l’onde d’activation par le nœud auriculo-ven-
triculaire, ce délai étant nécessaire au remplissage actif des
ventricules par la contraction auriculaire. L’onde d’activa- Repolarisation
du tissu cardiaque
tion s’engage ensuite dans le faisceau de His qui est la
seule voie de communication électrique physiologique
entre oreillettes et ventricules. En effet, un volumineux
anneau fibro-graisseux occupe la zone de jonction anato- À l’échelle cellulaire, la repolarisation correspond à la
mique entre les tissus myocardiques auriculaire et ventri- phase 3 du potentiel d’action membranaire et se caracté-
culaire et les isole l’un de l’autre sur le plan électrique. Cet rise par l’inactivation des courants entrants, notamment
isolement électrique concerne également le tronc et les ICaL, et l’activation de courants sortants, principalement de
branches du faisceau de His, ce qui évite l’activation pré- nature potassique, IKr, IKs puis IK1 en particulier. Ceci per-
maturée du myocarde ventriculaire. Toute faille de ce sys- met le rétablissement du gradient électrique transmem-
tème d’isolation conduit à un syndrome de préexcitation branaire, le gradient ionique n’étant restauré que plus
ventriculaire dont le plus connu est le syndrome de Wolff- tard, par suite de la mise en jeu des pompes ioniques. La

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Électrophysiologie cardiaque 1

repolarisation des cellules ventriculaires prend une impor- Chez l’homme, la repolarisation peut être évaluée par
tance considérable, son altération étant à l’origine de la mesure de la durée du potentiel d’action monophasique
manifestations pathologiques graves, notamment dans le et celle de la période réfractaire effective ventriculaire
cadre des syndromes du QT long. Aussi, elle servira de pendant les explorations électrophysiologiques endocavi-
modèle de description. Le potentiel d’action ventriculaire taires. Cependant, en pratique clinique, la repolarisation
se singularise, entre autres caractéristiques, par l’existence est habituellement évaluée par la durée de l’intervalle QT,
d’un plateau (phase 2). La durée de ce plateau contribue à qui est principalement déterminée par celle du potentiel
déterminer la durée du potentiel d’action. En fait, les mou- d’action ventriculaire. Ainsi, l’étude de la durée de l’inter-
vements ioniques entrants et sortants au cours de cette valle QT est utilisée pour l’évaluation des conséquences
phase de plateau sont faibles en valeur absolue [71], de cardiaques de certains troubles électrolytiques, de certains
sorte qu’une variation même discrète d’un des courants traitements, de certaines canalopathies et des troubles du
dépolarisants ou repolarisants conduit à une prolongation SNA [77-80]. De plus, elle permet, dans les études épidé-
ou à un raccourcissement significatif de la durée du poten- miologiques, l’identification des patients à risque de mort
tiel d’action. La phase de repolarisation des cellules ventri- subite [81]. Cet intervalle est mesuré sur l’électrocardio-
culaires se compose de deux périodes successives. La gramme de surface, du début du complexe QRS à la fin de
première, qui correspond à la phase initiale, est caractéri- l’onde T. Comme la durée du potentiel d’action, celle de
sée par l’impossibilité pour la cellule de générer un poten- l’intervalle QT varie avec la fréquence cardiaque. Aussi, il
tiel d’action quelle que soit la stimulation (période est nécessaire de corriger la valeur de l’intervalle QT en
réfractaire absolue). Ceci est dû au fait que le gradient fonction de la fréquence cardiaque. Plusieurs formules ont
transmembranaire de l’ion responsable de la dépolarisa- été proposées depuis 1920 [82]. Malgré ses limites, la for-
tion (Na+ ou Ca2+) n’est pas suffisant pour générer un cou- mule la plus fréquemment utilisée est celle de Bazett :
rant ionique (INa ou ICa) d’amplitude suffisante. Dans la QTc = QT/(RR)1/2
phase finale et avant la repolarisation complète, les cel- où RR est la durée de l’intervalle RR précédent exprimée
lules sont capables de générer un potentiel d’action, mais en secondes [83]. Malgré des limites méthodologiques liées
celui-ci est partiel du fait de la baisse de l’excitabilité mem- notamment à l’acquisition et à l’analyse des tracés électro-
branaire (période réfractaire relative). Le potentiel d’ac- cardiographiques, à la taille et à la structure des effectifs
tion partiel généré en période réfractaire relative se étudiés, des valeurs normales de l’intervalle QTc ont été
caractérise alors par une pente de dépolarisation moins proposées (par ex., inférieure à 430 ms chez l’homme et à
abrupte, une Vmax et donc une vitesse de conduction plus 450 ms chez la femme) [84]. Leur utilisation stricte en pra-
tique quotidienne est cependant hasardeuse, car des
faibles, et sa propagation se fait avec un faible facteur de
études sur de larges effectifs ont clairement montré que la
maintien. Le potentiel d’action partiel est donc susceptible
valeur normale varie avec l’âge et le sexe [85, 86]. Ces deux
de mettre en péril l’équilibre électrique des structures dans
paramètres doivent donc être pris en compte pour consi-
lesquelles il se propage et explique que la période réfrac-
dérer une valeur extrême de l’intervalle QTc comme anor-
taire relative soit considérée comme une période de vul-
male. Les anomalies de l’intervalle QT ont en effet une
nérabilité électrique du myocarde. En effet, un ou
pertinence clinique et sont associées à une vulnérabilité du
plusieurs potentiels d’action partiels générés de manière
tissu cardiaque à des troubles du rythme cardiaque grave.
consécutive peuvent conduire à un bloc de conduction
Deux syndromes ont notamment été décrits, le syndrome
autour duquel peut se former un circuit de réentrée [60].
du QT long [87, 88] et le syndrome du QT court [89, 90].
Chaque potentiel d’action est ainsi conduit avec un facteur
Les valeurs de l’intervalle QT de ces sujets sont situées aux
de maintien plus faible que le précédent, du fait de la dimi-
extrémités de la distribution normale de ce paramètre dans
nution progressive de la disponibilité des canaux ioniques la population générale et sont génétiquement détermi-
participant à la dépolarisation. Ce phénomène est connu nées [91, 92]. La valeur du QT varie peu d’une dérivation
sous le nom de fréquence-dépendance (use-dependance). électrocardiographique à l’autre, témoignant de l’homo-
À l’échelle du tissu cardiaque, la repolarisation est éva- généité spatiale de la repolarisation ventriculaire. La sur-
luée par la mesure de la durée du potentiel d’action mono- venue d’une dispersion (variation importante d’une
phasique ou par la durée de la période réfractaire. Le temps dérivation à l’autre) des valeurs de l’intervalle QT est éga-
nécessaire à la repolarisation diminue avec l’augmentation lement un facteur majeur de vulnérabilité du cœur aux
de la fréquence de dépolarisation, l’élévation de la tempé- troubles du rythme graves.
rature et la diminution du pH. Cependant, à l’état physio-
logique, la période réfractaire est un paramètre stable et À l’échelle cellulaire, la repolarisation correspond à
homogène, la fin de la période réfractaire coïncidant avec la phase 3 du potentiel d’action membranaire et se
la fin de la repolarisation. Cette homogénéité existe dans caractérise par l’inactivation des courants entrants
l’espace car il n’y a pas, pour un même type tissulaire, de et l’activation de courants sortants, principalement
différence importante de durée du potentiel d’action d’une de nature potassique. Ceci permet le rétablissement
zone à une autre du tissu. Cependant, certains états patho- du gradient électrique transmembranaire, le gra-
logiques, comme l’ischémie myocardique, ou certains dient ionique n’étant restauré que plus tard, par
agents pharmacologiques peuvent entraîner des diffé- suite de la mise en jeu des pompes ioniques.
rences spatiales de la période réfractaire [72-75]. La phase de repolarisation des cellules ventriculaires
L’hétérogénéité de la conduction ainsi créée favorise la sur- se compose de deux périodes successives : la
venue de blocs de conduction fonctionnels et de circuits de période réfractaire absolue et la période réfractaire
réentrée [73, 75]. La période réfractaire est également relative.
homogène dans le temps parce qu’il n’y a pas de décalage Chez l’homme, la repolarisation peut être évaluée
dans le moment de survenue de la repolarisation entre par la mesure de la durée du potentiel d’action
deux zones plus ou moins éloignées d’un même tissu, du monophasique et celle de la période réfractaire
fait de la grande vitesse de propagation de l’onde d’acti- effective ventriculaire pendant les explorations
vation. Cependant, à la faveur d’un ralentissement impor- électrophysiologiques endocavitaires. En pratique
tant de la conduction ou d’un bloc de conduction, une clinique, la repolarisation est habituellement éva-
hétérogénéité dans le temps peut apparaître et favoriser luée par la durée de l’intervalle QT. La valeur nor-
également la survenue d’une réentrée [76]. male de cet intervalle varie avec l’âge et le sexe.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Régulation de l’activité Les fibres nerveuses mises en évidence dans le cœur sont
les filets terminaux de fibres postganglionnaires sympa-
électrique cardiaque thiques ou parasympathiques destinées à contrôler l’acti-
vité cardiaque. Il est classique de considérer que l’activité
par le système nerveux cardiaque normale résulte d’une balance entre les influx
sympathiques stimulants et les influx parasympathiques fré-
autonome nateurs, provenant de centres nerveux et transmis au cœur
via des nerfs dits accélérateurs ou inhibiteurs. En fait, l’in-
Le cœur reçoit une riche innervation sympathique et terférence du SNA avec l’activité cardiaque est beaucoup
parasympathique formant un plexus à la base du cœur, le plus complexe, portant autant sur l’électrogenèse car-
plexus cardiaque. L’utilisation des techniques de mar- diaque que sur la fonction du nœud auriculo-ventriculaire,
sur celle du tissu de conduction, sur la conductivité et sur
quage histochimique et immuno-histochimique ainsi que
l’inotropisme du myocarde auriculaire et ventriculaire. Par
des techniques de scintigraphie et d’immunofluorescence
des épreuves de stimulation vagale ou de sympathectomie
a permis de mettre en évidence de nombreux filets ner-
étagée, on a pu montrer que l’hypertonie parasympathique
veux au sein des différentes structures du cœur humain.
s’accompagnait d’une bradycardie, d’un ralentissement,
Leur densité varie d’une structure à l’autre avec, en ordre
voire un bloc de la conduction du nœud auriculo-ventricu-
de densité décroissante, le nœud sino-auriculaire, le nœud
laire. L’effet frénateur du système nerveux parasympa-
auriculo-ventriculaire, le tronc et les branches du faisceau thique semble plus marqué au niveau du nœud
de His et, enfin, le myocarde auriculaire et ventriculaire sino-auriculaire que sur le nœud auriculo-ventriculaire [98].
[93]. La densité varie aussi en fonction de l’âge, avec en De plus, le nerf vague droit module préférentiellement la
particulier une diminution chez le sujet âgé [94]. La répar- fonction du nœud sino-auriculaire, donc la fréquence car-
tition des neurones sympathiques et parasympathiques au diaque, alors que le gauche régule davantage la conduction
niveau du tissu cardiaque est différente. La distribution du nœud auriculo-ventriculaire. Avec le même profil asy-
des neurones sympathiques à l’ensemble du tissu car- métrique, la stimulation des fibres sympathiques accélère
diaque est relativement uniforme, bien que la concentra- la fréquence cardiaque et la conduction du nœud auriculo-
tion de noradrénaline soit 3 fois plus importante au ventriculaire, et augmente l’inotropisme.
niveau du nœud sino-auriculaire, du nœud auriculo-
ventriculaire et du myocarde auriculaire qu’au niveau du Si l’attention est habituellement portée sur l’activité
myocarde ventriculaire. La stimulation sympathique s’ac- efférente du SNA au cœur, des afférences en provenance
compagne d’une augmentation de la fréquence de du cœur participent à la régulation de l’activité cardiaque.
En effet, 85 à 90 % des fibres du nerf vague sont afférentes,
décharge du nœud sino-auriculaire et accélère la conduc-
et les afférences d’origine viscérale qu’elles transmettent
tion au sein du nœud auriculo-ventriculaire. Le résultat est
sont intégrées au niveau des centres supérieurs comme le
une accélération de la fréquence cardiaque. La distribution
thalamus, l’hypothalamus et l’amygdale cérébrale [99, 100].
des neurones parasympathiques au tissu cardiaque est plus
Ainsi, des informations issues de récepteurs localisés dans
hétérogène que celle des neurones sympathiques.
la paroi de la veine cave, des veines pulmonaires, des oreil-
L’innervation parasympathique est plus dense au niveau lettes ou des ventricules (récepteurs sensibles à l’étirement,
des nœuds sino-auriculaire et auriculo-ventriculaire qu’à chimiorécepteurs) sont transmises aux centres supérieurs et
celui du myocarde auriculaire. Elle est éparse au niveau contribuent à l’adaptation réflexe de l’activité cardiaque,
ventriculaire. La stimulation parasympathique ralentit la notamment de la fréquence sinusale, la conduction et la
fréquence cardiaque en diminuant la fréquence de force contractile du myocarde [101]. Ce mécanisme est
décharge du nœud sino-auriculaire et en freinant la impliqué dans la physiologie du baroréflexe.
conduction au sein du nœud auriculo-ventriculaire. Le SNA
régule l’activité électrophysiologique cardiaque via ses
médiateurs, principalement la noradrénaline et l’acétyl- Le cœur reçoit une riche innervation sympathique
choline [95, 96]. En agissant sur des récepteurs membra- et parasympathique formant un plexus à la base du
naires (adrénergiques et muscariniques) couplés à la cœur, le plexus cardiaque.
protéine G, ces médiateurs modulent la concentration L’interférence du SNA avec l’activité cardiaque est
intracellulaire d’adénosine monophosphate cyclique complexe, portant sur l’électrogenèse cardiaque, la
(AMPc) et régulent les courants ioniques impliqués dans la fonction du nœud auriculo-ventriculaire, celle du
tissu de conduction, la conductivité et l’inotropisme
genèse et la propagation du potentiel d’action cardiaque.
du myocarde auriculaire et ventriculaire.
Par exemple, l’acétylcholine diminue les courants ICaL et If
La stimulation sympathique s’accompagne d’une
au niveau du nœud sino-auriculaire, contribuant ainsi à la
augmentation de la fréquence de décharge du
survenue d’une bradycardie. À l’inverse, la noradrénaline
nœud sino-auriculaire et accélère la conduction au
et l’adrénaline stimulent les récepteurs b-adrénergiques,
sein du nœud auriculo-ventriculaire.
amplifient les courants ICaL et If et induisent une accéléra- La stimulation parasympathique ralentit la fré-
tion de la fréquence cardiaque. La comparaison de la quence cardiaque en diminuant la fréquence de
densité des deux systèmes montre que le système para- décharge du nœud sino-auriculaire et en ralentis-
sympathique est prédominant au niveau auriculaire tandis sant la conduction au sein du nœud auriculo-ventri-
que le système sympathique l’est au niveau ventriculaire. culaire.
De plus, près des deux tiers des filets nerveux cardiaques Le système parasympathique est prédominant au
sont cholinergiques, témoignant de la prépondérance du niveau auriculaire tandis que le système sympa-
tonus parasympathique dans la régulation de l’activité thique l’est au niveau ventriculaire.
électrique cardiaque. D’autres fibres, principalement Cependant, le tonus parasympathique est prépon-
situées dans le tissu de conduction, sont peptidergiques, dérant dans la régulation de l’activité électrique car-
leurs médiateurs étant des peptides sympathiques (comme diaque.
le neuropeptide Y ou la tyrosine carboxylase) ou autres Des afférences d’origine cardiaque transmises aux
(comme la substance P). La libération locale de ces peptides centres nerveux supérieurs permettent, par voie
participe à la modulation nerveuse de l’activité du tissu de réflexe, d’adapter l’activité cardiaque aux condi-
conduction [97]. tions physiques et biologiques en présence.

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Électrophysiologie cardiaque 1

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14
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page15

PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

2
Contraction cardiaque
• Propriétés mécaniques fondamentales
• Couplage excitation-contraction-relaxation
• Régulation du cycle contraction-relaxation
Benoît Tavernier, Vincent Lejeune
Pôle d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Roger-Salengro, CHRU, université Lille-II, Lille

e cœur est une pompe à débit intermittent dont Longueur


le but est d’assurer une perfusion tissulaire permet- cellule
20
tant l’oxygénation cellulaire, mais également le 1000
transport de gaz carbonique, de composés métabo- 0
liques, hormonaux et immunologiques indispensa-
bles aux cellules et aux différentes fonctions -20
organiques. Cette fonction de pompe n’est assurée Em (mV)
que si les cavités cardiaques se contractent de façon -40 [Ca2+]
(nM)
coordonnée et à une fréquence adéquate. Chaque
contraction est déclenchée par un phénomène élec- -60
trique : il s’agit du couplage excitation-contraction
(voir chapitre 1). La contraction résulte de phéno- -80 100
mènes déclenchés par l’entrée dans le cardiomyo- 0 100 200 300 400 500
cyte de calcium (Ca2+) dont la concentration Durée (ms)
intracellulaire ([Ca2+]i) passe de moins de 100 nM à
près de 1 mM en moins de 100 ms. Elle est suivie de Figure 1 / Relation temporelle entre le potentiel d’action
la relaxation, pendant laquelle la [Ca2+]i retourne à (en bleu), le transitoire calcique (en noir) et le raccourcissement
sa valeur initiale. La séquence contraction-relaxation (en gris) d’un cardiomyocyte ventriculaire
n’est pas strictement superposable au pic de Ca2+
(figure 1). Elle doit être différenciée du cycle systole-
diastole cardiaque puisque la relaxation débute et
se termine avant la diastole ; de plus, la relaxation,
un myocyte ou un faisceau de cellules, volume éjecté par
comme la contraction, résulte de phénomènes actifs
un ventricule) de façon indépendante des autres détermi-
(consommateurs d’énergie) alors que la diastole est
nants de cette performance que sont les conditions de
une phase passive. Le cœur n’éjecte au repos que 4
charge (précharge et postcharge) et la fréquence de
à 5 litres de sang par minute alors que, au cours d’un
contraction. La précharge est la charge déterminant la lon-
exercice important, il peut en éjecter de 4 à 7 fois
gueur initiale de la fibre myocardique juste avant la
plus. Pour s’adapter à de telles augmentations, il dis-
contraction, c’est-à-dire en télédiastole. La postcharge
pose de deux types de mécanisme. Le premier est
représente l’ensemble des forces ou des charges contre les-
une régulation intrinsèque de la pompe cardiaque quelles la fibre myocardique va lutter pour se raccourcir
secondaire aux modifications de volume ventricu- pendant la systole. L’élément contractile du myocyte est le
laire, le second est dû au contrôle exercé par les sys- sarcomère, composé principalement des filaments d’actine
tèmes neuro-humoraux sur le cœur. Ce chapitre et de myosine (cf. infra). La contraction cardiaque résulte
décrit les principaux mécanismes cellulaires sous- en fait de l’enchaînement rapide de cycles d’attachement
tendant la contraction cardiaque et sa régulation. La et de détachement des myofilaments cardiaques entre eux.
fonction ventriculaire et le débit cardiaque sont trai- Expérimentalement, la contraction (inotropisme) et la
tés dans les chapitres suivants. relaxation (lusitropisme) sont caractérisées au mieux ex
vivo, à partir de préparations musculaires isolées qui per-
mettent de s’affranchir de paramètres tels que l’activité du
Propriétés mécaniques système nerveux autonome, les conditions de charge, la
géométrie des cavités cardiaques ou la circulation coro-
fondamentales naire.

Généralités : inotropisme Contraction isotonique


et lusitropisme et isométrique
La notion d’inotropisme, ou contractilité du myocarde, Dans des conditions expérimentales, la contraction
désigne la « performance mécanique » du tissu myocar- musculaire peut être isotonique ou isométrique. Lors de la
dique (par ex., raccourcissement ou tension développés par contraction isotonique, le muscle se raccourcit (ce que l’on

15
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

mesure) sans modification de sa tension. Lors de la contrac-


tion isométrique, le muscle développe une tension (que
Relation
l’on mesure) à longueur constante (il ne se raccourcit pas). force passive-longueur
Les caractéristiques de la contraction isotonique (raccour-
cissement) dépendent notamment de la grandeur et de À l’état basal, une fibre myocardique peut être étirée.
l’inertie de la charge contre laquelle le muscle se contracte. Il s’établit alors une relation entre la force passive et la lon-
En revanche, le système isométrique permet d’évaluer les gueur. Lorsqu’on étire progressivement une fibre myocar-
variations de la force de contraction en soi. Ces conditions dique, cette force augmente dans un premier temps de
très standardisées permettent l’étude de la contraction et façon linéaire, puis de façon exponentielle. Les variations
de la relaxation de façon fiable et reproductible. de longueur de la fibre entraînent des variations de lon-
gueur des sarcomères. Pour une force nulle, les sarcomères
mesurent 1,65 mm. Au-delà de 2,60 mm, des lésions irréver-
sibles se produisent, expliquant qu’après relâchement, la
A fibre myocardique ne reprend pas sa longueur initiale. La
1,0 relation force passive-longueur caractérise les propriétés
Force relative (% force max)

diastoliques du myocarde ; elle est le plus souvent expri-


0,8 mée par la compliance (pente de la relation force-lon-

0,6
gueur) ou la distensibilité (qui prend en compte l’ensemble
de la relation).

0,4

0,2
Relation force active-longueur
0,0
L’augmentation passive de la longueur initiale du mus-

1,6 1,8 2,0 2,1 2,2


cle induit une augmentation de la force isométrique déve-
loppée jusqu’à ce qu’une longueur optimale d’étirement
Longueur sarcomère (µm) (Lmax) soit atteinte. Au niveau du sarcomère, la Lmax est
d’environ 2,2 mm. Au-delà, une augmentation de la lon-

B
gueur aboutit à une diminution de la contraction. Cette

120
relation se retrouve au niveau des ventricules, elle corres-
pond à la loi de Frank-Starling d’adaptation intrinsèque du
Force relative (% force max)

100 cœur (figure 2) [1-2]. Du fait du caractère non linéaire de

80
la relation force passive-longueur (voir supra), la relation
force active-longueur n’est pas superposable à la relation
60 force active-force passive (ou pression dans les cas d’un

40
ventricule), en particulier dans sa phase descendante.
Physiologiquement, les ventricules travaillent sur la partie
20 ascendante de la courbe. Les mécanismes cellulaires sous-

0
jacents à la loi de Frank-Starling sont décrits plus loin.

85 90 95 100 105 110


Longueur (% Lmax) Relation force active-vitesse
de raccourcissement-longueur
C L’indice qui caractérise le mieux la contractilité « intrin-
80 sèque » du muscle isolé est la vitesse maximale de raccour-
Pression développée (mmHg)

cissement à charge nulle (Vmax). Sur muscle papillaire isolé


70 en isotonie, lorsqu’on supprime brutalement la précharge
imposée au muscle immédiatement après la stimulation
60 électrique, le muscle se raccourcit avec sa vitesse maximale.
La Vmax est indépendante de la longueur initiale du muscle
50 pour des longueurs physiologiques. Elle est corrélée à l’ac-

40
tivité ATPasique de la myosine. Il a été suggéré que l’ana-
lyse complète de la contraction musculaire nécessitait de
prendre en compte quatre variables : le temps, la longueur
0 initiale, la vitesse de raccourcissement et la force dévelop-
50 100 150 200 250 300 pée [3]. La présentation tridimensionnelle de la force, de
Ballon intraventriculaire (µl) la vitesse et de la longueur permet de visualiser le parcours
d’une contraction. La contraction cardiaque décrit toujours
Figure 2 / Exemples expérimentaux illustrant la relation une partie commune sur une surface tridimensionnelle,
entre la force active et la longueur au niveau (A) du cardiomyocyte isolé, indépendamment de la longueur initiale lorsque celle-ci
(B) du muscle papillaire, et (C) du ventricule gauche (loi de Frank-Starling) varie dans une certaine limite (de Lmax à – 12,5 % de Lmax).
Lmax : longueur du muscle pour laquelle la force maximale est obtenue
(conditions d’isométrie). La position de cette surface dans l’espace tridimensionnel
caractérise un niveau donné de contractilité.

16
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Contraction cardiaque 2

Couplage excitation- bande A dont la taille ne varie pas, la bande I diminue au


cours de la contraction. Ce principe fondamental est à la
contraction-relaxation base de la théorie du glissement des filaments.

• Structure du filament épais


Structures impliquées Chaque filament épais est composé de près de
Le myocarde ventriculaire est constitué essentielle- 300 molécules de myosine se terminant chacune par
ment de myocytes, de tissu interstitiel et de vais- une tête globuleuse bilobée. Au sein du filament
seaux. Le cardiomyocyte est la cellule contractile épais, la moitié des têtes de myosine sont orientées
fondamentale du myocarde, représentant environ vers chaque extrémité du sarcomère. Par consé-
75 % du volume myocardique. Les myocytes ventri- quent, la région centrale du filament épais est
culaires représentent plus de la moitié du poids dépourvue de têtes de myosine.
total du cœur.
Au microscope optique, les cardiomyocytes sont des
cellules striées en relation étroite avec les myocytes
Myosine
voisins via l’intermédiaire de connexions latérales La myosine est une protéine de haut poids moléculaire
et terminales spécialisées. Les myocytes ventricu- (520 kDa) capable de catalyser l’hydrolyse de l’ATP ; elle est
laires sont des cellules de forme cylindrique mesu- constituée de deux chaînes lourdes et de deux paires de
rant de 40 à 100 mm de longueur et 10 à 25 mm de chaînes légères. Elle est divisée en trois régions : le corps,
diamètre. Ils sont limités par une membrane basale la charnière et la tête. Le corps de la molécule de myosine
ou sarcolemme. L’intérieur du myocyte est constitué est constitué par l’extrémité des deux chaînes lourdes
d’organites cellulaires : un ou plusieurs noyaux, de enroulées en double hélice (figure 4). L’ensemble formé
nombreuses mitochondries (de 20 à 30 % de la cel- par la zone charnière et la tête de myosine est subdivisé
lule), dont le rôle principal consiste à produire de en deux fragments : S1 (tête de la myosine) et S2 (zone
l’énergie sous forme d’adénosine triphosphate charnière). La tête de la myosine est porteuse de l’activité
(ATP), et des ribosomes. D’autres éléments sont plus
ATPasique et des sites d’interaction avec l’actine. Deux
spécifiques des cellules musculaires : les myofibrilles
chaînes légères sont associées à chaque chaîne lourde : la
(de 50 à 60 % du volume cellulaire), comprenant les
filaments fins d’actine et épais de myosine, et un chaîne légère dite essentielle (MLC-1) et la chaîne légère
réticulum sarcoplasmique (RS) très développé. dite régulatrice (MLC-2). Les chaînes légères jouent un rôle
direct dans la mobilité des têtes de myosine mais n’influen-
cent pas l’hydrolyse de l’ATP.
Sarcomère
Autres éléments
Le sarcomère est l’unité fonctionnelle contractile du
cardiomyocyte. Il mesure de 2,0 à 2,5 mm de longueur. Les La connectine, aussi appelée titine, est une protéine de
microscopies optique et électronique permettent de voir structure du sarcomère d’environ 3 000 kDa s’étendant du
que les myofibrilles sont constituées de bandes sombres disque Z à la ligne M. Elle est considérée comme le troi-
(bandes A ou anisotropes) et de bandes claires (bandes I sième type de myofilament constituant le sarcomère. Elle
ou isotropes), d’où le nom de fibres striées. Un sarcomère stabilise les filaments épais en attachant son extrémité aux
est délimité par deux disques (ou bandes Z). Les filaments protéines du disque Z. En outre, elle est en grande partie
épais de myosine (1,50 mm de long) sont situés au centre responsable des forces de rétraction passive du muscle car-
du sarcomère et s’intriquent avec les filaments fins d’actine diaque lorsque ce dernier est étiré [4-6].
(1,15 mm de long) attachés aux disques Z (figure 3). De
nombreuses protéines de structure [microtubules, actinine, La PKC appartient à la famille des immunoglobulines
intégrine, vinculine, protéine kinase C (PKC), titine ou intracellulaires. Elle participerait au maintien et à la struc-
connectine] assurent la cohésion de cet ensemble. Les fila- ture du sarcomère grâce à des liaisons avec la myosine et
ments intermédiaires du cytosquelette sont organisés en avec la connectine. Par ailleurs, elle semblerait jouer un
un réseau tridimensionnel assurant le maintien des fais- rôle de régulation de l’activité ATPasique de la myosine,
ceaux de myofibrilles en les entourant. À l’inverse de la ainsi qu’au niveau des interactions actine-myosine [7, 8].

Bande A Bande A
Bande I

Filaments fins Filaments fins


Figure 3 / Représentation Disque Z Filaments épais Disque Z
schématique de deux
sarcomères contigus Un sarcomère

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

TnT est une protéine allongée, asymétrique. Elle assure


principalement le lien entre le complexe TnI-TnC et la
molécule de tropomyosine.

Sarcolemme
Le sarcolemme est constitué d’une bicouche phospho-
lipidique similaire dans sa composition à la plupart des
membranes des autres cellules de l’organisme. Son rôle
premier est de former une barrière entre les milieux intra-
cellulaires et extracellulaires, mais il joue également un
rôle prépondérant dans les échanges entre ces deux
milieux. Les invaginations de cette membrane, appelées
tubules transverses (ou tubules T ou système tubulaire
transverse), permettent d’augmenter cette surface
d’échange et sont particulièrement développées dans les
cellules ventriculaires alors qu’elles sont absentes dans les
oreillettes. Ces tubules représentent à eux seuls près des
deux tiers de la surface totale du sarcolemme myocytaire.
Le système tubulaire transverse forme un réseau entrete-
Figure 4 / Représentation schématique des principaux éléments nant des relations étroites avec le RS. Les tubules trans-
des filaments fins et épais composant le sarcomère verses facilitent la diffusion du potentiel d’action à
TnC : troponine C ; TnI : troponine inhibitrice ; TnT : troponine liée l’intérieur de la cellule et facilitent la diffusion de l’oxy-
à la tropomyosine ; M : tête de myosine ; MLC-1 : chaîne légère essentielle ;
gène et des nutriments au cœur de la cellule.
MLC-2 : chaîne légère régulatrice.
Plusieurs complexes protéiques transmembranaires sont
impliqués dans la contraction-relaxation. Les principaux
sont (figure 5A) :
• les canaux ioniques (sodique, potassique, calcique, etc.)
• Structure du filament fin impliqués dans la genèse du potentiel d’action. Le canal
sodique (INa) est responsable de l’entrée rapide de
Le filament fin est constitué par l’association de
molécules d’actine, de tropomyosine et de tropo- sodium après la dépolarisation et de la phase rapide du
nines (figure 4). Chaque brin du filament d’actine potentiel d’action. Le canal calcique lent (ICaL), ou canal
correspond à la succession d’unités régulatrices récepteur des dihydropyridines, est responsable de la
composées de 7 monomères d’actine G, de 1 molé- phase de plateau du potentiel d’action et joue un rôle
cule de tropomyosine et d’un complexe hétérotri- essentiel dans le couplage excitation-contraction ;
mérique de troponines. • l’ATPase Na+-K+, qui participe à l’homéostasie des ions
Na+ et K+ en faisant sortir 3 ions Na+ et entrer 2 ions K+
contre le gradient de concentration, grâce à l’énergie
Actine provenant de l’hydrolyse de l’ATP. Cette pompe est étroi-
Le filament fin d’actine (actine F) mesure près de 1 mm tement couplée à l’échangeur Na+-Ca2+ et peut intervenir
de longueur et seulement de 5 à 7 nm d’épaisseur. Il est sur les mouvements calciques par son intermédiaire [12] ;
constitué de deux brins entourés en double hélice, chaque • l’échangeur Na+-Ca2+ qui transporte de façon opposée
brin étant composé de monomères d’actine G reliés par des 3 ions Na+ et 1 ion Ca2+. Dans les conditions physiolo-
liaisons non covalentes fortes. Les monomères d’actine G giques, l’échangeur fonctionne dans le sens d’une entrée
possèdent des sites de liaison pour des cations divalents de Na+ pour une sortie de Ca2+ de la cellule ;
(Ca2+, Mg2+), pour l’ATP ainsi que deux sites de liaison pour • la Ca2+-ATPase : sa capacité de transport réduite ne per-
la tête de myosine : l’un de faible affinité et l’autre de met pas de lui attribuer un rôle important dans la dimi-
forte affinité. nution du Ca2+ intracellulaire au cours de la relaxation ;
• les différents récepteurs, dont les plus connus sont ceux
Tropomyosine permettant la régulation par le système nerveux auto-
La tropomyosine est composée de deux filaments pro- nome de la contraction myocardique. Ils sont essentielle-
téiques de 284 acides aminés chacun formant une double ment de trois types : a-adrénergique, b-adrénergique et
hélice a. Le filament de tropomyosine est proche de la muscarinique (voir infra). D’autres récepteurs ont été
gorge de la double hélice d’actine, et la modification de identifiés, comme le récepteur de l’histamine H2, de
sa position par l’intermédiaire du complexe des troponines l’adénosine A1, de la dopamine DA1, du glucagon et des
permet de masquer ou de démasquer les sites de liaison à prostaglandines (PGE2).
forte affinité pour la myosine [9, 10].

Troponines Réticulum sarcoplasmique


Le complexe des troponines est un hétérotrimère asso- Le RS constitue un réservoir intracellulaire de Ca2+
ciant la troponine C (TnC), la troponine inhibitrice (TnI) et mobilisable par le myocyte. Il joue un rôle essentiel dans
la troponine liée à la tropomyosine (TnT). La TnC (C pour la régulation de la concentration intracellulaire en Ca2+ et,
Ca2+) est une protéine en forme d’haltère composée de donc, dans le cycle contraction-relaxation (figure 5A). C’est
deux domaines globulaires reliés par une portion centrale une structure formée d’un réseau de tubules entourant les
fine. Elle possède trois sites de liaison, dont un est spéci- myofibrilles et qui présente des contacts avec le sarco-
fique du Ca2+. La TnI est une protéine dont les deux extré- lemme. Il est délimité par une membrane lipidique de
mités en forme d’anneau sont reliées par un axe central structure similaire à celle du sarcolemme. Une différencia-
hélicoïdal. Elle possède de multiples sites de contacts avec tion anatomique et fonctionnelle du RS apparaît en fonc-
la TnC, la TnT et la tropomyosine [10, 11]. L’isoforme car- tion des différentes zones des sarcomères qu’il enveloppe.
diaque de la TnI possède de façon spécifique des sites de En regard des bandes A, le RS forme un réseau anastomosé
phosphorylation permettant de moduler son activité. La très riche réalisant un véritable collier fenêtré autour des

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Contraction cardiaque 2

A B

Figure 5 / (A) Représentation schématique des structures


impliquées dans la contraction – relaxation du cardiomyocyte.
(B) La contraction résulte de l’activation des protéines
contractiles par la fixation du calcium (Ca2+) sur la troponine C
(TnC). Ce Ca2+ provient du milieu extracellulaire et surtout
du réticulum sarcoplasmique (RS). (C) La relaxation résulte
C de la dissociation du Ca2+ de la TnC et de la diminution
du Ca2+ intracytoplasmique par recaptage par le RS
et extrusion hors de la cellule
Voir dans le texte pour plus de détails.
Canal RyR : canal calcique – récepteur de la ryanodine.

sarcomères. Entre les bandes A et les stries Z, il s’organise • la calséquestrine qui fixe le Ca2+ et qui est localisée à l’in-
en tubules longitudinaux autour des myofibrilles (RS lon- térieur des citernes terminales et des différentes parties
gitudinal). Le RS longitudinal est plus particulièrement du RS jonctionnel ;
impliqué dans le recaptage du Ca2+ cytosolique au moment • les récepteurs de la ryanodine (RyR) qui constituent les
de la relaxation du myocyte. En regard des stries Z, les canaux de relargage du Ca2+ lors de la phase de contrac-
extrémités du RS se dilatent et viennent à proximité de la tion et qui sont situés dans la membrane jonctionnelle.
face interne du sarcolemme au niveau des tubules T. C’est Le RS jonctionnel est impliqué dans le stockage puis le
là que sont observées les « dyades », zones de proximité relargage massif du Ca2+ lors de la phase de contraction
du tubule T et d’un tubule de RS. Ce dernier contient dif- et plus particulièrement dans le phénomène de relargage
férentes protéines impliquées dans le couplage contrac- du Ca2+ induit par le Ca2+ lui-même (Ca2+-induced
tion-relaxation : Ca2+ release) décrit par Fabiato [13].
• la Ca2+-ATPase (ou SERCA, sarcoplasmic reticulum
Ca2+ ATPase) qui fait « entrer » dans le RS 2 ions Ca2+ Autres organites intracellulaires
contre le gradient de concentration pour l’hydrolyse de
1 molécule d’ATP et dont l’activité est régulée dans le
impliqués : les mitochondries
cœur par la phosphorylation d’une protéine membra- Les mitochondries représentent les seconds organites
naire, le phospholamban. La SERCA et le phospholamban intracellulaires en termes de volume occupé (30 % environ
sont localisés essentiellement dans le RS longitudinal ; de la cellule). Les mitochondries sont de grande taille, le

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

plus souvent allongées entre les myofibrilles et près du sar- Cycle des ponts actine-myosine
colemme. Cette proximité vis-à-vis des myofibrilles permet
une diffusion rapide des molécules riches en énergie telles • Interactions actine-myosine au repos
que l’ATP. Le rôle principal des mitochondries est la pro-
À une faible concentration intracellulaire de Ca2+, il
duction de l’énergie nécessaire aux processus biochimiques
existe un blocage des sites de liaison de l’actine pour la
de la contraction et de la relaxation. En outre, elles peu-
myosine empêchant la formation des ponts avec la myo-
vent également stocker une certaine quantité d’ions Ca2+
sine. Cependant, une partie des molécules de myosine est
par l’intermédiaire d’un échangeur Ca2+-H+ et d’une Ca2+-
liée par des liaisons faibles au filament d’actine [21, 22]. La
ATPase spécifique. Cependant, le captage des ions Ca2+ par
liaison faible entre l’actine et la myosine n’est génératrice
les mitochondries est lent et le rôle physiologique exact de
ni de force ni de mouvement. Ainsi, au repos, il existe à la
cette fonction reste mal connu. Les mitochondries ne sem- fois des ponts actine-myosine bloqués et des ponts actine-
blent pas impliquées dans la régulation rapide de Ca2+ myosine dans un état de liaison faible, le nombre de ponts
cytosolique, mais pourraient participer au stockage d’une bloqués étant supérieur à celui des ponts en liaison faible.
partie du Ca2+ accumulé, par exemple, lors de l’ischémie.
• Déclenchement du cycle
Contraction des ponts actine-myosine
L’activation du cycle des ponts actine-myosine est le
Mouvements calciques résultat d’une série d’étapes aboutissant au mouvement
du complexe troponines-tropomyosine sur le filament fin
La contraction est fondamentalement liée à l’activation d’actine, libérant ainsi les sites d’interaction forte entre
des protéines contractiles par le Ca2+. Le déclenchement l’actine et la myosine. La première étape est la liaison du
de la contraction cardiaque est lié à la propagation du Ca2+ sur le site de liaison N-terminal de la TnC induisant un
potentiel d’action à l’ensemble du myocarde. L’excitation changement conformationnel de la molécule de TnC [23].
débute par une onde de dépolarisation en provenance du Ce changement induit un déplacement de la TnI par ren-
nœud sinusal qui se propage le long de la membrane des forcement de sa liaison à la TnC [24]. Ce mouvement de la
cellules ventriculaires et à l’intérieur de la cellule, le long TnI induit, d’une part, un mouvement de l’ensemble tro-
des invaginations du sarcolemme. Cette dépolarisation ponine T-tropomyosine et, d’autre part, la libération de
induit une entrée de sodium par les canaux sodiques vol- l’interaction entre le peptide inhibiteur de la TnI et l’ac-
tage-dépendants conduisant à l’ouverture des canaux cal- tine. Ces changements multiples au niveau du filament fin
ciques de type L et à l’entrée de Ca2+ dans la cellule. Ce aboutissent à la libération des sites d’interaction entre l’ac-
Ca2+ d’origine extracellulaire est insuffisant pour activer tine et la myosine, permettant la réalisation du cycle des
directement les protéines contractiles. La contraction n’in- ponts actine-myosine.
tervient donc qu’après libération des stocks de Ca2+ conte-
nus dans le RS (Ca2+-induced Ca2+ release). Le Ca2+ libéré • Ponts actine-myosine au travail
va alors se fixer sur la TnC, entraînant une modification
La génération de force et de mouvement est la consé-
conformationnelle du complexe troponine-tropomyosine
quence de la formation cyclique de ponts actine-myosine
qui permet l’interaction actine-myosine et, donc, la
avec hydrolyse d’ATP [25]. La force totale développée est
contraction cellulaire (figure 5B).
déterminée par le nombre de ponts actine-myosine et la
force exercée par chaque pont. La force et le déplacement
Régulation du Ca2+-induced générés par un pont actine-myosine sont indépendants de
Ca2+ release la concentration d’ATP présente dans le milieu [26], tandis
que la durée moyenne de raccourcissement et la vitesse de
Le Ca2+ peut à la fois déclencher, moduler et inhiber son raccourcissement sont influencées par la concentration
relargage à partir du RS. Cependant, l’amplitude du cou- d’ATP.
rant calcique entrant et, par conséquent, le nombre d’ions
Ca2+ entrant dans la cellule par les canaux calciques de Le modèle du cycle des ponts actine-myosine proposé
type L sont les déterminants principaux de la quantité de par Rayment et al. divise le cycle des ponts actine-myosine
en plusieurs étapes [27] : fixation entre l’actine et la tête
Ca2+ libérée par le RS [14, 15]. Au niveau du cardiomyocyte,
de myosine, puis flexion de cette dernière, ce qui entraîne
la régulation du Ca2+-induced Ca2+ release passerait par un
le glissement du filament fin le long du filament épais ; la
contrôle local, où un canal calcique de type L pourrait acti-
tête se détache alors et retourne à sa position initiale pour
ver un seul récepteur RyR ou, plus probablement, un
un nouveau cycle (figure 6). Chaque cycle nécessite la liai-
groupe de ces récepteurs (cluster) [16-18]. Cet ensemble
son puis l’hydrolyse d’une molécule d’ATP par tête de myo-
formé par le canal calcique de type L et les récepteurs RyR
sine.
qu’il contrôle fonctionnerait comme une synapse calcique
séparée anatomiquement et/ou fonctionnellement des
autres. La microscopie confocale permet de visualiser les Phénomène de coopération
variations de Ca2+ intracellulaire au sein des micro-espaces La fixation du Ca2+ sur le site de liaison de la TnC car-
cellulaires, sous forme d’étincelles calciques spontanées, diaque déclenche l’activation des cycles actine-myosine par
liées à l’ouverture de plusieurs récepteurs RyR et portant le biais d’interactions moléculaires complexes impliquant
le nom de sparks [18]. La probabilité d’apparition de ces les différentes protéines du filament fin. Les modifications
étincelles calciques augmente lors de l’ouverture des des interactions entre les protéines des myofilaments exer-
canaux calciques de type L. La vitesse et la quantité de Ca2+ cent un rétrocontrôle positif sur l’activation de ces mêmes
libérée par le RS sont étroitement contrôlées par l’intensité myofilaments [9]. Ces phénomènes de coopération ampli-
et la durée du courant calcique de type L [19, 20]. Ainsi, si fient l’effet mécanique secondaire à l’activation des pro-
le Ca2+ intracellulaire est le déterminant de la contraction, téines contractiles par le Ca2+ et diminuent les besoins
le contrôle de la libération du Ca2+ par le RS est, quant à énergétiques liés à la contraction et à la relaxation. Le pre-
lui, plus localisé. Ce contrôle utilise notamment le caractère mier phénomène de coopération est le contrôle de 12 à
modulable du canal RyR par de nombreuses kinases et 14 molécules d’actine par un seul complexe troponines-tro-
phosphatases. pomyosine [9, 28]. Le second résulte de la formation des

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Contraction cardiaque 2

ponts actine-myosine qui, lorsqu’ils sont dans un état de


liaison forte, induisent une augmentation de l’affinité de
la TnC pour le Ca2+ [29]. Ce phénomène est lié à la défor-
A
mation imposée au filament d’actine, à un déplacement
supplémentaire de la tropomyosine ainsi qu’à la modifica-
tion de la liaison du complexe des troponines avec l’actine
[9, 30]. Ainsi, la formation de ponts actine-myosine dans
un état de liaison forte est une condition nécessaire à l’ac-
tivation complète du filament fin.

Relaxation
Après la phase de contraction, la phase de relaxa- B
tion permet au muscle de revenir à son état initial
de tension et de longueur. C’est un processus actif
consommant de l’énergie.

La relaxation myocardique est liée à trois facteurs


interdépendants : la dissociation du Ca2+ de la TnC, la dimi-
nution de la [Ca2+]i et les contraintes mécaniques extrin-
sèques et intrinsèques. La diminution de la [Ca2+]i est liée
au recaptage calcique par la SERCA, à l’extrusion par
l’échangeur Na+-Ca2+ et, en faible partie, par la Ca2+-
ATPase du sarcolemme (figure 5C). Les forces élastiques
internes, liées à la compression des sarcomères lors du C
raccourcissement, tendent à ralentir la contraction et à
favoriser la relaxation. Les forces élastiques externes secon-
daires à l’étirement du cytosquelette et des structures
extracellulaires tendent à ramener le muscle à son état ini-
tial.
L’essentiel du Ca2+ cytosolique est recapté par la SERCA.
À l’état de repos, le phospholamban (voir supra) n’est pas
phosphorylé et inhibe la SERCA. En revanche, à l’état
phosphorylé, il permet la levée de l’inhibition de SERCA,
autorisant ainsi le recaptage du Ca2+ dans le RS. Sa phos-
phorylation dépend de protéines kinases activées par le D
Ca2+ et les agonistes de récepteurs b-adrénergiques (voir
infra).
Le fonctionnement de l’échangeur Na+-Ca2+ dépend du
potentiel de membrane. Au repos, lorsque celui-ci est infé-
rieur à – 60 mV, l’échangeur fait entrer 3 ions Na+ dans la
Figure 6 / Représentation schématique des étapes
cellule et sortir 1 ion Ca2+. Le rôle de cet échangeur lors de
du cycle des ponts actine-myosine
la relaxation reste cependant encore mal défini. À partir de la position de repos (A), la tête de myosine
Enfin, la Ca2+-ATPase du sarcolemme participerait à l’ex- se fléchit et se fixe à une unité d’actine (B). L’amplification
de la flexion induit un glissement du filament fin
trusion du Ca2+ hors de la cellule lors de la relaxation pour le long du filament de myosine (C), avant détachement
une faible part (< 1 %), sa capacité de transport étant fai- du pont (D). La tête de myosine reprend sa position initiale
ble (1 ion Ca2+ par molécule d’ATP hydrolysée). et peut interagir avec un nouvel élément d’actine (A).
Ce cycle se reproduit plusieurs fois pendant la phase de contraction
(elle-même déterminée par la fixation du Ca2+ au filament fin).
Régulation du cycle
contraction-relaxation
Système nerveux autonome kinases, en phosphorylant certains acides aminés des pro-
téines contractiles, des canaux ou des pompes ioniques,
La force et la fréquence cardiaques sont régulées par modifient l’activité de ces protéines fonctionnelles et
les hormones et les neurotransmetteurs. Cette régulation modifient ainsi la contraction et/ou la relaxation car-
repose sur une voie de signalisation « type » associant un diaque. D’une façon générale, la régulation physiologique
récepteur de surface (a- ou b-adrénergique) couplé à une répond à des phénomènes de phosphorylation et déphos-
protéine kinase G (PKG). Celle-ci module l’activité d’en- phorylation, ces dernières étant liées à l’effet de phospha-
zymes membranaires (en particulier adénylate cyclase, gua- tases également régulées par les voies neuro-humorales.
nylate cyclase et phospholipase C) catalysant la formation
de seconds messagers [respectivement l’adénosine mono- Régulation a-adrénergique
phosphate cyclique (AMPc), la guanosine monophosphate
cyclique (GMPc) et le diacylglycérol (DAG)] capables d’ac- Les récepteurs a-adrénergiques sont subdivisés en
tiver des protéines kinases [respectivement protéine kinase deux types, a1 et a2, eux-mêmes composés de plu-
AMPc-dépendante (PKA), PKG et PKC]. Les protéines sieurs sous-types.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

• Récepteurs a1-adrénergiques Récepteur b3-adrénergique :


de multiples voies de signalisation
La stimulation a1-adrénergique active une protéine
Gq/11, stimulant une phospholipase C, induisant la forma- Ce récepteur peut se coupler en fonction des organes à
tion de phosphatidyl inositol triphosphate (IP3) et de DAG Gs ou à Gi/o pour respectivement activer ou inhiber l’adé-
nylate cyclase mais aussi, via le complexe bg de Gi/o, activer
à partir de phosphatidyl inositol biphosphate [31]. La liai-
la voie des MAP kinases (mitogen-activated protein
son de l’IP3 à son récepteur au niveau du RS favorise la
kinases) [38]. Au niveau myocardique, la stimulation du
libération de Ca2+ hors du RS. La part de ce mécanisme par
récepteur b3-adrénergique active une protéine Gi/o, puis
rapport au Ca2+ libéré par le canal RyR est cependant très
une monoxyde d’azote synthétase (NOS), en particulier de
modeste [32]. La stimulation a1-adrénergique augmente
type endothélial (eNOS) dont l’activation est responsable
également l’influx calcique trans-sarcolemmal, induit une
d’une augmentation de la production de GMPc [39]. Tous
alcalinisation intracellulaire via l’activation de l’échan-
les éléments de cette voie de signalisation sont présents au
geur Na+/H+, ainsi qu’une phosphorylation des chaînes niveau du cardiomyocyte, suggérant un effet autocrine du
légères de la myosine par des kinases spécifiques ou par monoxyde d’azote.
la PKC [31, 33], à l’origine d’une augmentation de la sen-
sibilité des myofilaments au Ca2+. La stimulation des • Régulation b-adrénergique
récepteurs a1-adrénergiques tend donc à augmenter la
contractilité myocardique. Seuls les sous-types a1A et a1B
de la contraction cardiaque
jouent un rôle dans cette réponse avec, toutefois, des La stimulation des récepteurs b1 et b2-adrénergiques
mécanismes d’activation différents. La stimulation du provoque une augmentation du courant calcique de
récepteur a1A-adrénergique s’accompagne d’une prolon- type L, du transitoire calcique et donc de l’amplitude de la
gation de la durée du potentiel d’action résultant essen- contraction. De plus, la stimulation b1-adrénergique accé-
tiellement d’une entrée de Ca2+ extracellulaire [34]. Le lère la relaxation myocardique. Ces effets relaxants sont
récepteur a1B-adrénergique est responsable de la voie de liés, d’une part, à la phosphorylation du phospholamban,
sensibilisation au Ca2+ de l’appareil contractile. ce qui active la SERCA, et, d’autre part, à la phosphoryla-
tion de la TnI, diminuant ainsi la sensibilité des myofila-
• Récepteurs a2-adrénergiques ments au Ca2+. Seule la stimulation b1-adrénergique
semble responsable d’une réponse intracellulaire diffuse,
Expérimentalement, l’activation des récepteurs expliquant ainsi son rôle prépondérant dans la modulation
a2-adrénergiques module l’activité de certains canaux pharmacologique de la séquence contraction-relaxation.
potassiques, inhibe les canaux calciques voltage-dépen- Enfin, le rôle du récepteur b3-adrénergique semble plutôt
dants et favorise la libération intracellulaire de Ca2+. Leur en faveur d’un effet inotrope négatif. Ainsi, la stimulation
implication dans la régulation de la contraction est cepen- des récepteurs b1 et b2-adrénergiques potentialise la
dant très modeste. contraction alors que la stimulation b3-adrénergique
module les effets des catécholamines sur les récepteurs b1
Régulation b-adrénergique et b2-adrénergiques.

• Récepteurs b-adrénergiques
Trois gènes codant trois sous-types de récepteurs
Relation force-longueur :
b-adrénergiques (b1, b2, b3) ont été identifiés. Le récep- loi de Frank-Starling
teur b1 est présent dans toutes les régions du cœur. Le
récepteur b2 est localisé au niveau des oreillettes et des Dans les limites physiologiques, et de façon identique
ventricules [35]. Dans le myocarde humain, les à ce qui est observé sur la fibre myocardique isolée, la loi
récepteurs b1-adrénergiques sont prédominants : 80 % de Frank-Starling gouverne la fonction ventriculaire, per-
pour seulement 20 % de récepteurs b2-adrénergiques. mettant d’assurer une éjection ventriculaire adaptée au
retour veineux (figure 2). Cette augmentation de la per-
• Voies de signalisation formance myocardique peut être expliquée par plusieurs
mécanismes à l’échelle ultrastructurale. Selon la théorie
des récepteurs b-adrénergiques des filaments glissants décrite par Huxley, la Lmax du muscle
Récepteur b1-adrénergique : la voie de la PKA correspondrait au meilleur affrontement possible entre les
têtes de myosine et les filaments d’actine. Cette superpo-
La stimulation du récepteur b1-adrénergique par son
sition optimale des myofilaments correspond à une lon-
ligand active la voie protéine Gs-adénylate cyclase-AMPc
gueur des sarcomères d’environ 2,2 mm et permettrait la
(PKA). Elle aboutit à la phosphorylation des canaux cal-
réalisation du nombre maximum de ponts actine-myosine.
ciques de type L, du phospholamban, des myofilaments
Cependant, cette théorie ne permet pas d’expliquer qu’un
(TnI) et de la glycogène phosphorylase kinase [36].
changement relativement faible de longueur induise une
augmentation importante de la force développée. Le
Récepteur b2-adrénergique :
mécanisme principal est en fait une augmentation « lon-
de multiples voies de signalisation
gueur-dépendante » de la sensibilité des myofilaments au
Ce récepteur est à la fois capable de se lier à la pro- Ca2+. Ainsi, pour une même quantité de Ca2+ disponible
téine Gs (aboutissant à la production d’AMPc) et à la pro- pour se fixer sur la TnC, la contraction produite par le sar-
téine Gi (induisant une inhibition de l’adénylate cyclase et, comère variera avec la longueur de ce dernier. Ceci résulte
par conséquent, une diminution de l’AMPc). Les récep- de mécanismes encore incomplètement identifiés et pro-
teurs b2-adrénergiques sont également couplés à la phos- bablement multiples au niveau des interactions entre pro-
pholipase A2 cytosolique (cPLA2). Ainsi, il existerait une téines contractiles. Une diminution de l’espace entre
corrélation entre l’altération du couplage des récepteurs filaments fins et épais (directement liée à l’étirement), une
b-adrénergiques (b1 et b2) à l’adénylate cyclase et le recru- accentuation des phénomènes de coopération ou encore
tement de la cPLA2 par les b2-adrénergiques [37]. une implication de la titine sont autant d’hypothèses par-

22
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Contraction cardiaque 2

tiellement validées [40]. De plus, l'étirement des cardio- Une régulation fine des trois isoformes de monoxyde
myocytes conduit, via des « mécanorécepteurs » et de mul- d’azote synthétase (NOS) permet des effets limités à une
tiples voies de signalisation intracellulaires, à une cible intracellulaire en réponse à une stimulation spéci-
augmentation du transitoire calcique, en particulier via fique. Cette spécificité disparaît lors de la production exces-
une augmentation du Ca2+ libéré par le RS. Ceci concourt sive de monoxyde d’azote par l’isoforme inductible de la
à une augmentation de la contraction cellulaire. Cet effet NOS (iNOS) à partir de cellules de l’inflammation (ou des
est légèrement retardé par rapport au mécanisme de cardiomyocytes eux-mêmes, en cas de stimulation par des
Frank-Starling à proprement parler et a été décrit expéri- cytokines), résultant alors en une altération sévère de la
mentalement comme une « réponse lente », renforçant la fonction contractile. Physiologiquement, la NOS endothé-
réponse immédiate à l'étirement [41]. liale (eNOS) est l’isoforme prédominante dans le cœur, où
elle est exprimée dans les cellules endothéliales vasculaires
et endocardiques et dans les myocytes cardiaques [42-45].
Régulation autocrine La stimulation du courant calcique par les agonistes b-adré-
et paracrine : rôle du monoxyde nergiques peut activer l’eNOS, le monoxyde d’azote endo-
gène agissant comme un régulateur physiologique pour
d’azote dans la régulation limiter l’effet inotrope positif des catécholamines au

de la fonction contractile
niveau du cœur [42, 43]. Cette production de monoxyde
d’azote ferait intervenir le récepteur b3-adrénergique [49].
Plusieurs médiateurs sont capables de moduler la La NOS neuronale (nNOS) est plus spécifiquement loca-
contraction et/ou la relaxation de façon autocrine lisée près du RS, à proximité du canal RyR et de SERCA. Le
(production dans le myocyte lui-même) ou paracrine monoxyde d’azote ainsi produit stimulerait la libération
(production à proximité, en particulier dans les cel- du Ca2+ (effet inotrope positif) et son recaptage (effet lusi-
lules endothéliales). Certains agiraient à court terme trope) par le réticulum.
(le monoxyde d’azote, la bradykinine, le « facteur
La production de monoxyde d’azote par l’iNOS peut
désensibilisant des myofilaments ») et d’autres à
typiquement inhiber la contractilité basale ou atténuer la
plus long terme (endothéline et angiotensine II)
réponse contractile aux agonistes b-adrénergiques par acti-
[42]. L’effet de ces différents médiateurs n’est pas
vation de la guanylyl cyclase [42-45]. L’activation d’iNOS
toujours caractérisé de façon univoque car il varie
peut aussi inhiber la respiration cellulaire et l’utilisation de
souvent en fonction des conditions expérimentales
l’oxygène [48] mais aussi générer des peroxynitrites, aux
(notamment l’activité basale du système nerveux
propriétés oxydantes participant au stress oxydatif [44].
autonome ou, plus largement, des autres média-
teurs). Le mieux connu, en tant que régulateur de

Conclusion
la contraction myocardique, est aujourd’hui le
monoxyde d’azote.

Dans le tissu cardiaque, le monoxyde d’azote participe Le tissu myocardique possède des propriétés méca-
non seulement à la régulation du tonus vasculaire corona- niques intrinsèques, dont la finalité est la production de la
rien mais aussi à celle de la contractilité myocardique. Ses contraction cardiaque assurant débit cardiaque et oxygé-
effets modulateurs sur la fonction cardiaque sont com- nation tissulaire. À l’échelle de la cellule, de nombreuses
plexes (pour une revue plus complète, voir [42-45]). Il pos- structures spécifiques du muscle cardiaque sont impliquées
sède des effets directs sur de nombreux éléments impliqués et participent au couplage excitation-contraction-relaxa-
dans la contraction-relaxation et sur le contrôle par le sys- tion à l’origine de la production de cette force contractile.
tème nerveux autonome. À l’état basal, son effet sur l’ino- La bonne gestion de ce couplage fait intervenir différents
tropisme semble bimodal : à faible concentration, il stimule types de régulation, parmi lesquels une régulation via le
le courant calcique et la contraction [42, 43] ; à plus forte système nerveux autonome. Le calcium y joue un rôle cen-
concentration, il semble inotrope négatif, via la fermeture tral. Les voies a et b-adrénergiques possèdent des méca-
des canaux calciques de type L du sarcolemme et la désen- nismes de régulation et de transduction faisant intervenir
sibilisation protéine kinase G dépendante de la réponse un ensemble de phosphorylations via des protéines
des myofilaments au Ca2+ [43]. Ce dernier mécanisme expli- kinases. La loi intrinsèque du cœur de Frank-Starling reste
querait également un effet lusitrope positif. En cas de sti- l’un des mécanismes régulateurs clés de cette fonction
mulation b-adrénergique, le monoxyde d’azote inhibe le contractile cardiaque. Enfin, certains médiateurs, avec
courant calcique et réduit l’effet inotrope positif des ago- notamment la production du monoxyde d’azote, sont
nistes b-adrénergiques [42-45]. Enfin, il joue un rôle sur le impliqués dans ces mécanismes de régulation. De la sorte,
métabolisme des myocytes en inhibant directement la le cœur dispose d’une variété de cibles structurales
créatine kinase [47] et en réduisant l’activité de la chaîne et moléculaires ainsi que de mécanismes régulateurs
respiratoire mitochondriale, au moins in vitro [48]. Ainsi, spécifiques permettant le fonctionnement adéquat de la
en entrant en compétition avec l’oxygène au niveau du fonction pompe via la contractilité myocardique. Des dys-
cytochrome oxydase, il modulerait la sensibilité apparente fonctionnements de ces structures cellulaires et/ou de ces
des mitochondries pour l’oxygène, d’une manière indépen- voies de signalisation participent directement à la dysfonc-
dante du GMPc. tion contractile de l'insuffisance cardiaque [50].

23
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

3
Fonction cardiaque droite
• Étapes du développement
et ses anomalies Vincent Piriou*, Sylvie Di Filippo**,
Marc Lilot***, Jean-Jacques Lehot****
• Cœur droit adulte
• Traitement * Département d’anesthésie-réanimation,
centre hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite
de l’hypertension artérielle pulmonaire ** Service de cardiologie C,
Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, Lyon
*** Service d’anesthésie-réanimation,
Hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, Lyon
**** Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital neurologique Pierre-Wertheimer,
Hospices civils de Lyon et Université Claude-Bernard Lyon 1

lors que l’insuffisance cardiaque gauche est Retours veineux


la plus fréquente chez l’adulte, l’insuffisance car- La veine cave supérieure (VCS) assure 22 % du retour
diaque droite prédomine chez l’enfant. Nous en veineux, dirigé pour 98 % dans le ventricule droit et pour
exposerons les raisons avant d’aborder la fonction 2 % dans le foramen ovale et le ventricule gauche.
cardiaque droite de l’adulte et sa pathologie.
La VCI assure 67 % du retour veineux et dirige 40 % de
ce retour vers le ventricule gauche par le foramen ovale ;

Étapes du développement
elle reçoit 60 % du débit de la veine ombilicale directe-
ment par le canal d’Arantzius.
et ses anomalies Le retour veineux pulmonaire dans l’oreillette gauche
ne compte que pour 8 % du retour veineux total et est
Il est important de connaître le fonctionnement hémo- entièrement dirigé vers le ventricule gauche.
dynamique anténatal afin de comprendre les modifica- Le retour veineux coronaire assure 3 % du retour vei-
tions postnatales normales et pathologiques [1, 2]. neux total.

Fœtus
Circulation fœtale
• Anatomie
La circulation fœtale se distingue de la circulation post-
natale par la présence de la circulation ombilicale et des
communications vasculaires (figure 1) :
• le ductus venosus (ou canal d’Arantzius), qui relie la veine
ombilicale directement à la veine cave inférieure (VCI) ;
• le foramen ovale au niveau de la cloison interauriculaire ;
• le canal artériel reliant l’artère pulmonaire et l’aorte tho-
racique (voir chapitre 69).

• Direction des flux


La circulation fœtale place en parallèle les deux sys-
tèmes ventriculaires et fait intervenir la circulation placen-
taire. Le ventricule gauche assure le débit dans l’aorte
ascendante. Le ventricule droit l’assure dans l’aorte des-
cendante, par le canal artériel. L’oxygénation sanguine est
assurée par le placenta ; le sang saturé en oxygène est
drainé par la veine ombilicale qui s’abouche dans la VCI
par le canal d’Arantzius.
Le débit cardiaque (ou débit ventriculaire combiné) est Figure 1 / Circulation fœtale (d’après Fouron [1])
assuré par les deux systèmes parallèles ; le débit ventricu- OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche ;
laire droit est supérieur de 28 % au débit ventriculaire OD : oreillette droite ; VD : ventricule droit.
gauche.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Circulation pulmonaire ventricule gauche et l’aorte ascendante (et donc le cer-


Les résistances pulmonaires sont élevées pendant la vie veau) est de 65 %. Une partie passant dans l’isthme aug-
fœtale et le flux pulmonaire est faible. Le lit vasculaire pul- mente la saturation sanguine dans l’aorte descendante à
monaire se développe progressivement au cours de la ges- 60 %.
tation.
Fonction myocardique
Circulation placentaire
En situation normale, la fonction ventriculaire systo-
Il s’agit d’un système vasculaire à résistances très basses,
lique est identique chez le fœtus et le nouveau-né. La fonc-
dont le débit est de 200 mL/min/kg.
tion diastolique ventriculaire est influencée par la carence
Toute modification du régime des pressions placen- en éléments contractiles du myocyte fœtal. La maturation
taires influe sur le débit ventriculaire droit. fœtale voit l’amélioration de la relaxation ventriculaire.

Shunts • Précharge ventriculaire droite


Foramen ovale Les paramètres composant la précharge du ventricule
Au niveau du foramen ovale, le shunt se fait de l’oreil- droit sont :
lette droite vers l’oreillette gauche, sous l’influence du gra- • le flux de la VCS : 98 % du flux cave supérieur est dirigé
dient de pression interauriculaire et de la position de la vers le ventricule droit ;
membrane du foramen ovale qui dévie le flux de la droite • le flux de la VCI : 60 % du flux cave inférieur est dirigé
vers la gauche. En fin de gestation, le shunt par le foramen dans le ventricule droit ; le reste passe par le foramen
ovale diminue et le retour veineux pulmonaire augmente ; ovale vers le ventricule gauche.
le débit ventriculaire gauche reste stable et le débit ven-
triculaire droit augmente. Si le diamètre du foramen ovale devient insuffisant, ce
shunt droite-gauche est diminué et le débit du flux cave
Canal artériel inférieur dirigé vers le ventricule droit augmente, ce qui
Le canal artériel est une structure dynamique qui prend entraîne une dilatation du ventricule droit.
en charge la majeure partie du débit venant du ventricule Toute élévation de la POG entraîne une diminution ou
droit en raison des niveaux élevé des pressions pulmonaires inversion du shunt à travers le foramen ovale. Cette situa-
et bas des pressions placentaires. Ce shunt représente 60 % tion, observée dans les pathologies restrictives du cœur
du débit cardiaque, il est saturé à 50 %. Il permet la répar- gauche, entraîne une dilatation du ventricule droit avec
tition du travail ventriculaire : le ventricule droit assure le tendance à la fermeture prématurée du foramen ovale.
débit dans l’aorte descendante et n’a pas à forcer le bar-
rage pulmonaire, le ventricule gauche assure le débit dans • Postcharge ventriculaire droite
le tiers supérieur du corps.
Le ventricule droit est plus sensible que le ventricule
Le maintien de la perméabilité du canal artériel in utero gauche aux variations de la postcharge. Il éjecte le débit
est un phénomène actif faisant intervenir plusieurs fac- dans l’artère pulmonaire qui communique directement,
teurs, dont principalement les prostaglandines sécrétées par le canal artériel, avec le système placentaire dont les
par le placenta et la concentration basse en oxygène du résistances sont physiologiquement très basses ; de 60 à
sang circulant dans ce canal artériel. Ces facteurs agissent 70 % du débit ventriculaire droit passe ainsi sans résistance
sur des récepteurs spécifiques situés à la surface ces cellules dans le canal artériel. En conséquence, la circulation pla-
musculaires lisses, qui constituent le seul composant de la centaire est un déterminant majeur de la postcharge du
paroi du canal artériel (appelée aussi « tissu ductal »). ventricule droit.
Isthme aortique
Situé entre l’artère sous-clavière gauche et l’implanta-
tion aortique du canal artériel, l’isthme aortique permet la
Nouveau-né
communication entre les deux circulations parallèles. La naissance se caractérise par une modification radi-
cale de l’état circulatoire (voir chapitre 69). La suppression
• Pressions de la circulation placentaire et la mise en fonction de la
Les pressions dans les deux systèmes ventriculaires sont circulation pulmonaire conduisent à la baisse des pressions
égalisées (environ 60 mmHg). La pression dans l’artère pul- droites et à l’augmentation des pressions gauches.
monaire est un peu supérieure à la pression dans l’aorte et L’oxygène pénétrant dans le poumon entraîne la vasodila-
les pressions placentaires d’aval sont très faibles, ce qui tation des vaisseaux pulmonaires avec baisse brutale des
favorise le shunt droite-gauche par le canal artériel. résistances et des pressions pulmonaires par sécrétion de
substances vasodilatatrices. L’augmentation du retour vei-
La pression auriculaire droite (POD) est supérieure de 2 neux pulmonaire par mise en fonction de la circulation pul-
à 3 mmHg à la pression auriculaire gauche (POG), ce qui monaire élève la POG à 4 mmHg.
favorise le shunt droite-gauche par le foramen ovale (POD
= 4 mmHg, POG = 2 mmHg). Le ventricule droit assure donc Les changements secondaires plus progressifs se dérou-
un régime de pression un peu plus élevé que le ventricule lent dans le premier mois de vie :
gauche pendant la vie fœtale. • la baisse de la POD par suppression du retour veineux
placentaire entraîne l’inversion du shunt interauricu-
• Oxygénation laire ; la membrane du foramen ovale placée du côté
gauche du septum interauriculaire est poussée contre le
Le ventricule droit reçoit le sang très désaturé venant septum et vient ainsi fermer le foramen ovale ;
de la VCS (30 %) et une partie du sang mélangé venant de • la fermeture du canal artériel est fonctionnelle dans un
la VCI [drainant la veine ombilicale très saturée en oxygène premier temps sous l’effet de l’augmentation de la pres-
(70 %) et le sang désaturé issu du système cave inférieur sion partielle en oxygène et de la chute du taux de pros-
et de la veine porte]. La saturation sanguine dans le ven- taglandines (secondaire à la suppression du placenta),
tricule droit est de 55 %. Le ventricule gauche reçoit le puis anatomique et définitive ;
sang mélangé de la VCI, et la saturation sanguine dans le • la fermeture du canal d’Arantzius.

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Fonction cardiaque droite 3

Le résultat de ces modifications conduit à un circuit en • Obstacles dynamiques


série, et non plus en parallèle, entre circulations pulmo-
naire et systémique. Le ventricule droit assure alors la cir- Le niveau des pressions pulmonaires conditionne la
culation pulmonaire et le ventricule gauche la circulation postcharge ventriculaire droite, en l’absence d’obstacle sur
systémique. En conséquence, la postcharge du ventricule la voie d’éjection du ventricule droit. L’hypertension arté-
droit est déterminée par la pression dans le système pul- rielle pulmonaire (HTAP) peut être :
• primitive, par vasculopathie pulmonaire primitive ;
monaire, sa précharge est modifiée par les retours veineux
• secondaire, par hyperdébit dans les shunts gauche-droite
systémiques caves supérieur et inférieur.
(communication interauriculaire ou interventriculaire,
canal atrio-ventriculaire, retour veineux pulmonaire
Situations pathologiques [2] anormal) ou postcapillaire dans les obstacles gauches
(coarctation aortique, rétrécissement valvulaire aortique
Nous citerons les cardiopathies du nouveau-né et du ou mitral, hypoplasie du ventricule gauche) ;
nourrisson retentissant sur le ventricule droit. • causée par la persistance de la circulation fœtale par
absence de baisse des résistances et des pressions pulmo-
naires, secondairement à une hypoxie aiguë néonatale :
Obstacles droits le canal artériel reste ouvert et est le siège d’un shunt
Il s’agit d’un obstacle anatomique à l’éjection du ven- droite-gauche. Le ventricule droit garde sa fonction sys-
tricule droit ou d’un obstacle dynamique par élévation de témique anténatale.
la pression pulmonaire, réalisant une augmentation de la L’élévation de la postcharge provoque une hypertro-
postcharge du ventricule droit. phie concentrique avec dilatation du ventricule droit. Le
traitement est celui de la cause dans les HTAP secondaires
• Obstacles anatomiques et doit être précoce pour éviter l’évolution vers une vascu-
lopathie pulmonaire précapillaire fixée. Celui de la persis-
Rétrécissement pulmonaire valvulaire tance du canal artériel est d’induire la baisse des
C’est une anomalie anatomique de la valve pulmonaire résistances pulmonaires par ventilation sous monoxyde
qui crée un défaut d’ouverture de la valve en systole. d’azote et oscillation à haute fréquence.
L’obstacle à l’éjection provoque une hypertrophie concen-
trique du ventricule droit, l’élévation de la pression intra-
ventriculaire et la dilatation du ventricule droit.
Shunts : élévation de la précharge
L’hypertrophie et l’hyperpression intraventriculaire droite du ventricule droit
entraînent un trouble de remplissage responsable du shunt • Retour veineux pulmonaire anormal total
droite-gauche auriculaire par le foramen ovale. La valvu-
loplastie percutanée est indiquée en cas de pression ven- Les veines pulmonaires s’abouchent par un collecteur
triculaire droite systémique et permet un traitement commun au niveau du cœur droit (VCS, VCI ou oreillette
définitif. droite). C’est un shunt gauche-droite massif avec une sur-
charge volumétrique avec dilatation majeure du ventricule
Atrésie pulmonaire valvulaire droit. Le débit ventriculaire gauche n’est assuré que par la
C’est l’absence complète d’ouverture de la valve pulmo- perméabilité du foramen ovale qui permet le shunt droite-
naire. L’absence d’éjection du ventricule droit provoque gauche interauriculaire. L’hyperdébit pulmonaire et la sté-
une élévation suprasystémique de la pression intraventri- nose du collecteur veineux pulmonaire, engendrent une
HTAP avec hypertrophie du ventricule droit. Le traitement
culaire, ce qui inhibe son remplissage dès la période anté-
est urgent dans les formes néonatales, semi-urgent chez le
natale et cause son hypodéveloppement. Le retour veineux
nourrisson, et consiste en la réimplantation chirurgicale
dans l’oreillette droite est dévié totalement par le foramen
des veines pulmonaires dans l’oreillette gauche.
ovale vers l’oreillette gauche. La décompression du ventri-
cule droit se fait par des néovaisseaux communiquant
entre le ventricule droit et la circulation coronaire. Seul le
• Communication interauriculaire
canal artériel permet la vascularisation des artères pulmo- Le shunt interauriculaire gauche-droite réalise une sur-
naires. Le traitement consiste en la réalisation d’une anas- charge volumétrique diastolique du ventricule droit avec
tomose palliative systémico-pulmonaire néonatale, puis en dilatation, sans hypertrophie. L’évolution vers l’HTAP d’hy-
la dérivation cavo-pulmonaire ultérieure. perdébit est tardive.

Tétralogie de Fallot et atrésie pulmonaire Le traitement par fermeture chirurgicale ou percutanée


est indiqué dans les shunts significatifs, mais rarement
à septum interventriculaire ouvert
avant l’âge de 2 ans.
La cardiopathie associe une communication interventri-
culaire, une hypoplasie de la voie pulmonaire ou une atré- • Communication interventriculaire
sie complète et une dextroposition de l’aorte. L’obstacle à
l’éjection du ventricule droit provoque l’hypertrophie ven- Il s’agit d’un shunt gauche-droite interventriculaire sys-
triculaire ; la présence d’une communication interventricu- tolique. Il y a un retentissement ventriculaire droit en cas
laire empêche l’élévation suprasystémique de la pression d’HTAP. La fermeture est chirurgicale, indiquée selon le
ventriculaire droite. Le shunt droite-gauche interventricu- niveau des pressions pulmonaires et le débit du shunt
laire dépend du niveau de la sténose pulmonaire. Au cours gauche-droite.
de l’évolution, un obstacle dynamique se développe par
hypertrophie de la zone infundibulaire du ventricule droit. • Canal atrio-ventriculaire complet
Le traitement comporte la réalisation d’une anastomose C’est la cardiopathie la plus fréquente de l’enfant tri-
systémico-pulmonaire néonatale en cas d’obstacle sévère somique ; elle associe une communication interventricu-
précoce ou d’atrésie complète. La correction complète est laire, une communication interauriculaire et une anomalie
réalisée avant l’âge de 2 ans, selon l’anatomie de la voie mitro-tricuspide. Le shunt gauche-droite est massif, à la
pulmonaire. fois diastolique et systolique. L’HTAP est précoce, due à

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

l’hyperdébit. Le ventricule droit est donc à la fois dilaté et malie valvulaire en cas d’Ebstein. Le flux de remplissage
hypertrophié. La correction chirurgicale est réalisée avant veineux systémique est dévié à gauche par le foramen
l’âge de 6 mois. ovale, réalisant un shunt droite-gauche interauriculaire. Le
traitement chirurgical est palliatif par dérivation cavo-pul-
Obstacles gauches : élévation monaire dans les atrésies tricuspides ou les formes sévères
de la maladie d’Ebstein.
des précharge et postcharge
du ventricule droit Transposition des gros vaisseaux
• Coarctation aortique Cardiopathie rapidement symptomatique chez le nou-
Elle est définie par une sténose de l’isthme aortique qui veau-né, l’aorte naît du ventricule droit qui garde donc un
crée une augmentation du débit dans les vaisseaux céré- niveau de pression systémique et reçoit le sang désaturé
braux en amont, responsable de l’élévation du retour vei- des veines caves ; l’artère pulmonaire naît du ventricule
neux systémique dans la VCS et, donc, dans le ventricule gauche qui reçoit le sang oxygéné par les veines pulmo-
droit pendant la période fœtale, réalisant une dilatation naires. Cette cardiopathie n’est viable que par la présence
anténatale du ventricule droit. Après la naissance, l’obsta- de communications entre ces deux circulations parallèles,
cle gauche favorise la persistance d’une pression pulmo- par le canal artériel et le foramen ovale. Le traitement
naire élevée et l’hypertrophie du ventricule droit. comporte l’atrioseptostomie de Rashkind en urgence puis
la correction par détransposition anatomique de switch.
La réparation de l’aorte est nécessaire dans un délai
variable après la naissance, selon la tolérance fonctionnelle
et le niveau des pressions pulmonaires. Les cardiopathies congénitales sont expliquées par
les anomalies de développement de la circulation
• Hypoplasie du ventricule gauche fœtale et néonatale et impliquent presque constam-
et rétrécissement valvulaire aortique ment la fonction cardiaque droite. Leur diagnostic
est fait de plus en plus souvent en période anté-
L’hypoplasie du cœur gauche associe un hypodévelop- natale et leur traitement est fréquemment chirurgi-
pement du ventricule gauche, de la valve mitrale, de la cal. En phase postopératoire, les poussées d’HTAP
valve aortique et de l’aorte ascendante. Le rétrécissement sont traitées par hyperventilation et monoxyde
valvulaire aortique isolé est localisé à l’anomalie valvulaire d’azote inhalé, avec relais par des vasodilatateurs
aortique qui provoque un obstacle à l’éjection du ventri-
plus ou moins sélectifs.
cule gauche.
L’élévation de la pression gauche provoque une inver-
sion du shunt par le foramen ovale en période anténatale
avec diminution du flux de la VCI dirigé vers l’oreillette Cœur droit adulte
gauche et surcharge volumétrique avec dilatation du ven-
tricule droit. Après la naissance, l’HTAP persistante due à Le rôle du cœur droit a longtemps été ignoré par les
l’obstacle gauche entraîne une hypertrophie du ventricule physiologistes. Il est actuellement mieux compris bien que
droit. L’hypoplasie du cœur gauche n’est accessible à aucun son action soit plus complexe que celle du ventricule
traitement efficace actuellement. Le rétrécissement valvu- gauche. Il joue un rôle majeur en physiologie et physiopa-
laire aortique bénéficie d’une valvuloplastie chirurgicale thologie cardiaques. Le rôle du ventricule droit est d’assu-
ou percutanée. rer un débit dans un système à basse pression. Il dépend
du ventricule gauche car les deux ventricules travaillent en
Anomalies tricuspides série et sont inclus dans un même sac péricardique.

L’anomalie de la valve tricuspide par atrésie complète


ou par anomalie d’Ebstein avec fuite valvulaire massive Cœur droit non pathologique
entraîne un hypodéveloppement du ventricule droit. Celui-
ci n’est pas fonctionnel en cas d’atrésie tricuspide. Son Anatomie
développement est variable selon l’importance de l’ano-
L’oreillette droite, qui reçoit les deux veines caves,
éjecte le sang dans le ventricule droit à chaque systole à
travers la valve tricuspide. Le ventricule droit se trouve sur
la face antérieure du ventricule gauche. Contrairement au
ventricule gauche qui est épais et musclé, le ventricule
droit est fin. Son poids représente 1/6 de celui du ventricule
gauche. Il se présente en coupe transverse comme un crois-
sant fin s’apposant sur un cylindre épais et musclé (ventri-
cule gauche) (figure 2). Il présente trois faces dans son
grand axe (septale, antérieure et postérieure). Il est divisé
en deux parties anatomiques et fonctionnelles complé-
mentaires séparées par une entité musculaire appelée
crista supraventricularis. Le sinus (chambre d’admission)
permet le remplissage et l’éjection du sang sous pression,
le conus (chambre de chasse) a pour rôle de protéger la cir-
culation pulmonaire d’une surpression en amortissant
l’énergie produite par le sinus. Lors de sa contraction, le
ventricule droit décrit un mouvement complexe de torsion
Figure 2 / Coupe transversale du cœur normal péristaltique autour du ventricule gauche qui, lui, se
(ventricule droit à gauche, ventricule gauche à droite) contracte de façon concentrique. Le sinus commence sa
contraction quelques millisecondes avant le conus [3].

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Fonction cardiaque droite 3

La vascularisation du ventricule droit s’effectue par le La POD n’est pas corrélée avec le volume télédiastolique
réseau coronaire, mais aussi de façon directe par la cavité ventriculaire droit (VTDVD) ou le volume systolique (VS) en
ventriculaire par les vaisseaux de Thébésius. La coronaire présence d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë [5].
droite vascularise l’oreillette droite et notamment le nœud En outre, le VTDVD s’affranchit de la pression transmurale
sinusal, la partie antérieure du ventricule droit, ainsi que pour estimer la précharge, ce qui n’est pas le cas de la POD.
les deux tiers antérieurs du septum interventriculaire. Il existe cependant une corrélation entre le VTDVD, d’une
Contrairement au ventricule gauche qui génère des pres- part, et le VS et le travail systolique ventriculaire droit
sions systoliques supérieures à la pression aortique, le ven- (WSVD), d’autre part. Le rôle de la systole atriale droite est
tricule droit génère des pressions basses, ce qui permet sa peu connu. Cependant, l’ischémie du ventricule droit rend
vascularisation aux deux temps du cycle cardiaque, systo- la performance ventriculaire droite dépendante de la sys-
lique et diastolique (lors de la systole, il persiste un gra- tole atriale ; de plus, l’ischémie atriale droite compromet
dient aorte-ventricule droit). Le retour veineux se fait dans la performance biventriculaire [6].
le sinus coronaire et directement dans le ventricule droit
par les veines de Thébésius. La consommation en oxygène Chez le chien anesthésié, une élévation de la pression
du ventricule droit est environ la moitié de celle du ventri- télédiastolique ventriculaire droite de 2 à 8 mmHg diminue
cule gauche [4]. Le débit peut s’adapter temporairement le débit coronaire droit de 21 % [7]. Ainsi, une élévation
à une augmentation des besoins en oxygène par vasodila- modérée de la précharge peut favoriser l’ischémie de la
tation de la coronaire droite. paroi ventriculaire droite.
Pour les voies de conduction, nous renvoyons au chapi-
tre 1. Soulignons seulement le rôle important de la coro- • Postcharge
naire droite dans la vascularisation du tissu de conduction. Le ventricule droit est très compliant du fait de sa faible
De plus, une distension brutale des cavités droites peut épaisseur. Devant une augmentation de la postcharge, il
entraîner une asystolie par bloc atrio-ventriculaire, en par- va se dilater sans augmenter la pression télédiastolique.
ticulier chez le nourrisson. Enfin, la branche droite du fais- L’échographie, qui mesure des volumes (ou des surfaces),
ceau de His a un trajet sous-endocardique au niveau du
est donc plus adaptée que la mesure des pressions par
septum. À la base du muscle papillaire antérieur du ven-
cathétérisme pour apprécier la postcharge ventriculaire
tricule droit, elle se divise pour donner des fibres en direc-
droite. En outre, cette dilatation provoque une insuffi-
tion de la paroi libre du ventricule droit et en direction de
sance tricuspidienne (IT) fonctionnelle.
la partie septale droite. Ce trajet sous-endocardique
explique l’apparition possible d’un bloc de branche droit
lors de l’insertion d’un cathéter artériel pulmonaire, entraî- • Dépendance ventricule gauche/
nant une asystolie s’il préexistait un bloc de branche ventricule droit
gauche.
Les deux ventricules sont en série dans un sac péricar-
dique inextensible. Lorsque le ventricule droit se dilate, par
Physiologie suite d’une augmentation de postcharge par exemple, il le
fait aux dépens du ventricule gauche par bombement du
Bien qu’évoluant en série, les rôles du ventricule droit
et du ventricule gauche sont opposés. Le ventricule droit a septum, augmentation des pressions de remplissage et
pour rôle de travailler en débit dans un circuit pulmonaire diminution du VS gauche. On observe une ballonisation du
compliant à basse pression ; le ventricule gauche a pour ventricule droit, le ventricule gauche prenant alors un
rôle de produire une pression élevée au sein d’un système aspect en croissant. Un mouvement inverse du septum
vasculaire résistif. peut être provoqué si l’on diminue la précharge du ventri-
cule droit chez l’insuffisant cardiaque [8]. Enfin, certaines
• Contractilité
Le ventricule droit se contracte en même temps que le
ventricule gauche, avec une participation importante du
ventricule gauche. Retour
veineux
(L/min)
• Précharge
Le retour veineux au cœur est déterminé, d’une part, DC
par la volémie et le tonus vasomoteur (essentiellement)
veineux et, d’autre part, par le débit du cœur droit.
L’équilibre entre ces deux facteurs détermine le niveau de
genou
la POD proche de la pression veineuse centrale (figure 3).
C
La valeur de la POD pour laquelle il n’y a plus de débit
a été appelée pression systémique moyenne (PSM) par A
Guyton. Le retour veineux est proportionnel à la différence
(PSM – POD). La relation PSM/POD s’inscrit sur une courbe B
comportant un genou. Une hypovolémie ou une augmen-
tation de capacitance veineuse provoquée par un veinodi-
latateur tel qu’un dérivé nitré réduira la PSM. Rappelons
que l’anesthésie médullaire et la plupart des hypnotiques
sont aussi veinodilatateurs. À l’inverse, une expansion volé-
mique ou l’utilisation d’un sympathomimétique veinocons- Pression auriculaire droite (mmHg)
tricteur comme l’éphédrine augmente la PSM. Le débit Figure 3 / Superposition des courbes de retour veineux
sanguin devant être très proche du retour veineux, il en (A : moyenne, B : abaissée, C : augmentée)
résulte des déplacements sur la courbe de Frank-Starling, et de la courbe de débit cardiaque (DC)
induisant par conséquent des modifications de débit car- en fonction de la pression auriculaire droite
diaque (figure 3).

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

observations font suggérer qu’en présence d’une défail- Le cœur pulmonaire aigu tel qu’on peut l’observer dans
lance cardiaque, la stimulation électrosystolique biventri- l’embolie pulmonaire aiguë se caractérise par des modifi-
culaire concomitante (resynchronisation) serait bénéfique. cations transitoires. L’anomalie la plus commune est une
modification non spécifique des ondes T ou une dénivella-
tion du segment ST. L’aspect le plus classique (S1-Q3-T3,
Exploration clinique bloc de branche droit, déviation axiale droite et onde T
pulmonaire) ne se retrouve que chez un quart des patients.
Électrocardiogramme La dilatation atriale aiguë accompagnée d’ischémie myo-
cardique est probablement responsable des arythmies
Bien qu’une anomalie atriale implique souvent une atriales fréquentes. La comparaison avec un ECG préalable
dilatation ou une hypertrophie, les modifications des augmente la sensibilité de cet examen. L’aspect de cœur
ondes P peuvent refléter des modifications de la pression, pulmonaire chronique tel qu’il est rencontré dans les bron-
du volume ou de la conduction atriale. De plus, une modi- chopneumopathies chroniques obstructives provient d’une
fication du site d’origine de l’onde P avec une anomalie de association de modifications positionnelles, d’une augmen-
conduction intra-atriale peut simuler un état patholo- tation du volume pulmonaire et d’une hypertrophie ven-
gique. La dilatation de l’oreillette droite se manifeste par triculaire droite. Ces modifications comportent une
un vecteur atrial de taille augmentée et dévié vers la déviation axiale droite de l’onde P, une augmentation de
droite. L’onde P est normale en durée, microvoltée en déri- son amplitude dans les dérivations périphériques et en V1,
vation D1 et de taille augmentée en dérivation D2, D3 et l’amplitude des ondes R précordiales est réduite en V5 et
aVF. Les ondes P en dérivation V4r, V1 et V2 peuvent être V6, des ondes R proéminentes peuvent apparaître en V1 et
augmentées en amplitude. Chez l’adulte, la cause la plus V2. Au total, la sensibilité de l’ECG est relativement faible.
commune d’anomalie atriale droite est la bronchopneu-
mopathie chronique obstructive. L’aspect P2 > P3 > P1 est Contrairement au bloc de branche gauche, le bloc de
classique. Cependant, la valeur prédictive de l’amplitude branche droit n’est pas un prédicteur de mortalité d’ori-
de l’onde P pour détecter une dilatation de l’oreillette gine cardiovasculaire. La dépolarisation ventriculaire droite
droite en échocardiographie bidimensionnelle est faible. est retardée par rapport à celle du ventricule gauche.
La dilatation bi-atriale entraîne une onde P biphasique en Enfin, le bloc de branche droit est la forme la plus com-
dérivation V1 et éventuellement V2. mune d’aberration de conduction intraventriculaire et est
fréquemment associé à un hémibloc antérieur gauche.
L’apparition d’une fibrillation auriculaire (ou plus exac-
tement attirable) signe la perte de la systole auriculaire et,
donc, un trouble majeur du remplissage ventriculaire, en Cathétérisme droit
particulier lorsqu’il existe une dysfonction diastolique ven-
triculaire. Ceci peut entraîner une diminution du débit car-
• Cathéter de Swan-Ganz
diaque allant jusqu’à 50 % et gêne l’interprétation Ce cathéter permet de mesurer la POD, la pression arté-
échocardiographique. rielle pulmonaire (PAP), la pression artérielle pulmonaire
d’occlusion (PAPO) et le débit cardiaque par thermodilu-
L’hypertrophie ventriculaire droite doit être marquée
tion. En divisant ce dernier par la fréquence cardiaque, on
pour entraîner des signes électrocardiographiques. Par
obtient le VS. L’index de travail systolique ventriculaire
conséquent, l’hypertrophie ventriculaire droite électrique
droit (IWSVD) peut être calculé :
est d’une spécificité importante mais sa sensibilité est rela-
IWSVD = (PAPm – POD) × IS × 0,014
tivement faible. En outre, les causes de cette hypertrophie
où PAPm représente la pression artérielle pulmonaire
entraînent le plus souvent des altérations propres de
moyenne et IS l’index systolique. Sa valeur normale
l’électrocardiogramme (ECG). La déviation axiale droite
indexée à la surface corporelle est de 35 à 45 mL/m2.
dépasse alors 90°, l’onde R devient dominante en dériva-
tion V1. En présence d’hypertrophie ventriculaire droite, le
segment ST est sous-décalé et l’onde T inversée en V1 et
• Cathéter à fraction d’éjection droite
éventuellement en V2. La loi de Frank-Starling stipule que l’énergie de la
contraction myocardique est proportionnelle à la longueur
initiale de la fibre myocardique. Cette longueur dépend à
95 % son tour de la précharge, c’est-à-dire du volume télédias-
tolique. Dans une certaine limite, une augmentation de
Baisse de la 80 %
température
volume télédiastolique augmente la contractilité.
La pente descendante de la courbe de thermodilution
dans l’artère pulmonaire présente des plateaux successifs
correspondant aux diastoles ventriculaires (figure 4). La
30 %
variation de température (C) entre deux cycles cardiaques

15 %
est proportionnelle à la quantité de sang éjecté et donc à
Curve la fraction d’éjection (FE). Il est donc possible de calculer
Onset celle-ci (FR étant la fraction résiduelle) :
Intervalles RR
FE = 1 – FR
FR = (FR1 + FR2)/2
FR1 = C2/C1

Évaluation de la fraction
FR2 = C3/C2.

Baseline d'éjection Pour enregistrer ces variations de température, il faut


disposer d’une thermistance rapide. Un enregistrement
électrocardiographique simultané facilite la détection des
Figure 4 / Courbe de thermodilution à l’aide d’une thermistance
plateaux, qui sont corrélés aux ondes R. Actuellement, un
à réponse rapide et enregistrement des intervalles RR calculateur utilisant un algorithme de calcul original per-
de l’électrocardiogramme permettant au logiciel de calculer met une mesure automatisée de la FE, couplée à celle du
la fraction d’éjection ventriculaire droite débit cardiaque (calculateur REF 2, Edwards). La validité de
cette mesure a été vérifiée par rapport à la scintigraphie.

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Fonction cardiaque droite 3

Cependant, la FE, qui est un paramètre de perfor- ventricule droit sévère [13]. L’épaisseur des parois du ven-
mance, dépend de plusieurs facteurs (conditions de charge, tricule droit en diastole est augmentée en cas d’élévation
inotropisme). En revanche, la FE permet le calcul des chronique de la postcharge droite. Une valeur supérieure
volumes ventriculaires droits : à 6 mm est pathologique (mesure en TM [mode temps-
VTDVD = VS/FE mouvement], vue parasternale, grand ou petit axe) [14].
VTSVD = VTDVD – VS
VTSVD étant le volume télésystolique ventriculaire droit. L’analyse du septum est importante, notamment dans les
cas de cœur pulmonaire aigu. Cette analyse est réalisée en
Le VTDVD estime mieux la précharge que ne le fait la incidence parasternale petit ou grand axe, mode TM [13].
pression veineuse centrale. La corrélation du VTSVD et de En l’absence de pathologie, on observe une symétrie de
la pression télésystolique du ventricule droit (PTSVD) obte- contraction entre la paroi septale et la paroi libre du ventri-
nue en positionnant un orifice du cathéter de Swan-Ganz cule gauche. Une augmentation de la précharge droite se
dans le ventricule droit donne la formule : traduit par un allongement de la systole ventriculaire droite
PTSVD = E × VTSVD + constante. qui persiste pendant le temps de protodiastole ventriculaire
gauche, produisant l’aspect de septum paradoxal [13].
La pente E de la relation est l’élastance ventriculaire qui
est proportionnelle à l’inotropisme ventriculaire. Les progrès en échocardiographie transthoracique ont
permis l’utilisation d’outils quantitatifs d’évaluation de la
Cette méthode présente cependant des limites : le site
fonction ventriculaire droite. La diminution de la FE du
d’injection doit être au centre de l’oreillette droite, l’injec-
ventricule droit, de l’excursion systolique du plan de l’an-
tat doit être froid, il faut considérer les variations dans le
neau tricuspide en TM et de la vélocité systolique de l’an-
cycle respiratoire, un rythme cardiaque régulier est préfé-
neau tricuspide en Doppler tissulaire signe une dysfonction
rable. De plus, une régurgitation tricuspidienne (IT) modi-
ventriculaire droite au lit du patient [14].
fie les résultats ; or, cette éventualité est très fréquente en
présence d’une HTAP. Enfin, chez les patients atteints de dysfonction ventri-
culaire gauche chronique, la dysfonction ventriculaire
Moniteur PiCCO droite reste un prédicateur indépendant puissant de mor-
talité, une FE isotopique inférieure à 37 % et un pic de
L’utilisation de la technique de dilution d’un double vélocité systolique de l’anneau tricuspide inférieur à
indicateur (PiCCO, Pulsion) peut également fournir le 9,7 cm/sec étant de mauvais pronostic [15].
VTDVD et le volume sanguin intrathoracique. Seul le
volume sanguin intrathoracique refléterait les modifica- • Aval du ventricule droit :
tions induites de volémie et serait indépendant de la pression artérielle pulmonaire
contractilité myocardique [9]. La technique du double indi-
cateur a été remplacée par la thermodilution transpulmo- La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) est
naire qui utilise un bolus froid et dont la performance appréciée par le gradient d’IT mesuré en Doppler continu
semble satisfaisante (voir chapitre 6). Elle permettrait le (flux rapide) en coupe 4 cavités ou en coupe parasternale
calcul du volume sanguin maximal contenu dans les quatre gauche petit axe. En effet, il existe une IT physiologique
cavités cardiaques, appelé volume télédiastolique global chez presque tous les patients. La formule simplifiée de
[10]. Ce dernier est un indice volumétrique de précharge Bernouilli (DP = 4 v2) permet de calculer le gradient entre
biventriculaire qui peut constituer une aide à la décision ventricule droit et oreillette droite (avec v = vitesse maxi-
d’expansion volémique [11]. male de l’IT). En l’absence de rétrécissement pulmonaire :
PAPs = PVDs = DP + POD
Échocardiographie [12] où PVDs représente la pression ventriculaire droite systo-
lique.
• Ventricule droit La POD se situe entre 5 et 15 mmHg en fonction de la
Du fait des deux chambres du ventricule droit, de sa dis- mesure directe ou du flux des veines sus-hépatiques. Lors
position anatomique et de ses mouvements contractiles de la mesure du flux d’IT, il faut s’assurer d’obtenir l’enve-
particuliers, son appréciation échographique est plus dif- loppe entière, de bien s’aligner sur le flux d’IT, de moyen-
ficile que celle du ventricule gauche. Il s’agit généralement ner les flux en cas d’arythmie et de ne pas se laisser abuser
d’une approche semi-quantitative permettant d’apprécier par un flux d’insuffisance mitrale.
son degré de dilatation et de contractilité. Par voie trans- La pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd)
thoracique, le ventricule droit s’étudie selon trois coupes : peut aussi être calculée par la mesure du flux d’insuffisance
• la coupe apicale 4 cavités (qui visualise les parois septale pulmonaire (IP) obtenue en coupe parasternale petit axe.
et latérale, avec possibilité d’enregistrer le Doppler tri- En fin de diastole :
cuspidien) ; DP = 4 v2
• la coupe parasternale petit axe au sein de laquelle les cavi- avec v = vitesse télédiastolique de l’IP,
tés droites s’enroulent autour de l’axe aortique ; elle per- DP = PAPd – PVDd
met l’enregistrement des flux tricuspidien et pulmonaire ; où PVDd représente la pression ventriculaire droite diasto-
• la voie sous-costale, qui permet une bonne visualisation lique.
des deux chambres ventriculaires droites.
En fin de diastole :
Globalement, le ventricule droit s’étudie par cinq para- PVDd = POD
mètres : son volume, sa forme, l’excursion systolique du (en l’absence de sténose tricuspide).
plan de l’anneau tricuspide, la regurgitation tricuspide (IT)
et la VCI. Donc,
PAPd = 4 (vtd IP)2 + POD
Lorsque le ventricule droit est dilaté, il perd sa forme
où vtd IP est la vitesse télédiastolique de l’IP.
triangulaire pour devenir arrondi. En coupe apicale 4 cavi-
tés, il est possible de comparer les surfaces ventriculaires Le temps d’accélération pulmonaire (TACCpulm, temps
droite et gauche. Le rapport de surface ventricule entre le début de l’onde pulmonaire et son pic) est inver-
droit/ventricule gauche est normalement inférieur à 0,6. sement proportionnel à la PAP. Un TACCpulm inférieur à
Un rapport supérieur à 1 témoigne d’une dilatation du 100 ms est en faveur d’une PAPm supérieure à 20 mmHg.

31
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

• Amont du ventricule droit : veine cave Signes cliniques et paracliniques


inférieure et veine sus-hépatique Les signes cliniques d’insuffisance ventriculaire droite
La VCI est appréciée par la voie sous-costale qui permet associent des signes de stase droite. À la phase aiguë, on
d’observer les veines sus-hépatiques qui partent perpendi- observe une turgescence jugulaire associée à une hépato-
culairement et qui sont alors évaluées en Doppler pulsé. mégalie douloureuse. Des signes biologiques de défail-
Le diamètre de la VCI varie pendant le cycle respiratoire lance droite font leur apparition avec élévation des
(mesure transversale en TM). Les variations sont de l’ordre transaminases, de la bilirubine conjuguée et risque d’hypo-
de 40 % en ventilation spontanée ; chez les patients ven- glycémie, en particulier chez l’enfant. Cette stase veineuse
tilés, elles prédisent de façon très médiocre la POD [16]. Un se traduit par une élévation de la pression veineuse cen-
diamètre inférieur à 12 mm prédit une POD inférieure à trale. Après chirurgie cardiaque, la dysfonction rénale est
associée à une élévation de la pression veineuse centrale
10 mmHg mais avec une sensibilité médiocre [17].
sans nécessairement de diminution de l’index cardiaque
L’analyse des veines sus-hépatiques repose sur le même [14]. Ceci illustre l’importance du concept de pression de
principe que celle des veines pulmonaires pour l’apprécia- perfusion :
tion des pressions de remplissage du ventricule gauche. Ce Pression de perfusion d’un organe =
flux se décompose en une onde systolique (S), une onde Pression artérielle – Pression veineuse centrale.
diastolique dans la même direction (D) et une onde atriale Dans les états chroniques, on observe une stase vei-
(A) de direction opposée. L’indice systolique calculé sur les neuse des membres inférieurs provoquant des œdèmes et
intégrales temps-vitesse (ITV [S]/ITV [S + D)]) prédit une des manifestations cutanées (dermite ocre). Une ascite est
POD inférieure à 8 mmHg lorsqu’il est supérieur à 55 % fréquemment associée, de même qu’une prise de poids.
avec une bonne sensibilité et une spécificité satisfaisante
[18].
Étiologies
• Échographie transœsophagienne • Défaillances droites primitives
L’oreillette droite est bien visualisée dans son grand ou Coronaropathie
son petit axe. Chez les patients intubés, il est possible de
Les infarctus du ventricule droit [20] sont dus à l’occlu-
faire des épreuves de contraste en injectant des micro-
sion de la coronaire droite ; ils se voient dans 50 % des
bulles afin de mettre en évidence un foramen ovale per- infarctus inférieurs. Ils sont le plus souvent silencieux, un
méable. Cet examen est sensibilisé par des manœuvres pouls paradoxal de Kusmaul est parfois observé. Il n’y a pas
visant à élever les pressions droites par rapport aux pres- d’œdème pulmonaire. Sur l’ECG, on observe un sus-déca-
sions gauches, par exemple en relâchant brutalement une lage de ST ou une disparition des ondes R dans le territoire
hyperpression intrathoracique. La coupe bicavale, mettant droit (V3R et V4R). L’échocardiographie confirmera l’at-
en évidence les deux veines caves, l’oreillette droite et teinte droite et septale. Les infarctus du ventricule droit
l’oreillette gauche, est particulièrement indiquée dans ce entraînent une hypokinésie ou une akinésie du ventricule
cas. droit associée à une dilatation droite. Il se produit un bom-
bement du septum interventriculaire qui gêne le remplis-
Le ventricule droit peut être examiné en petit axe
sage gauche. En outre, il existe une dysfonction systolique
(coupe transgastrique) : il prend alors son aspect en crois-
gauche associée [21]. Ceci conduit à diminuer la précharge
sant. Cette coupe permet de mesurer la fraction de rac-
ventriculaire gauche, ce qui peut favoriser un bas débit car-
courcissement de surface. Elle permet aussi l’analyse de la diaque. Sur un modèle canin expérimental, il a été montré
cinétique du septum. L’examen en grand axe est obtenu qu’un traitement par remplissage (augmentation de la pré-
sur une coupe 4 cavités. Le ventricule droit a un aspect charge ventriculaire gauche) et par péricardotomie (qui
triangulaire ; il est alors possible de mesurer la fraction de permet au ventricule gauche de s’expandre et donc de se
raccourcissement de surface, la surface télédiastolique et remplir) améliorait la pression artérielle systémique et le
le rapport entre l’anneau tricuspidien et l’anneau mitral. débit cardiaque [22]. L’effet du remplissage chez l’homme
L’artère pulmonaire peut être visualisée en retirant en présence d’un infarctus du ventricule droit ne semble
pas constant [23] et semble dépendre du degré d’atteinte
légèrement la sonde et en visualisant la coupe de la base
septale. Le traitement des patients présentant un infarctus
du cœur. Il est alors possible de mesurer son flux.
du ventricule droit est fondé sur la reperfusion la plus pré-
coce possible, par angioplastie ou fibrinolyse [23, 24]. Le
Le cathétérisme droit et le moniteur PiCCO sont des traitement symptomatique repose sur une amélioration de
outils de diagnostic et de suivi extrêmement pré- la contractilité ventriculaire gauche, notamment au niveau
cieux. Cependant, l’échocardiographie Doppler du septum interventriculaire, et de la pression artérielle
apporte des données morphologiques et mesure les systémique associée à un éventuel essai de remplissage.
pressions pulmonaires, ce qui la rend irremplaçable L’hypovolémie est délétère chez de tels patients qui pré-
dans toutes les dysfonctions droites. sentent des cavités droites dilatées et hypocontractiles et
des cavités gauches rigides qui n’arrivent pas à se remplir.
Il importe donc de ne pas laisser ces patients en hypovolé-

Défaillances du cœur droit


mie et un test de remplissage est recommandé, notam-
ment si la POD est basse (< 15 mmHg). La dobutamine a
été proposée dans cette indication [23] ; cependant, en cas
Lorsque le ventricule droit se trouve brutalement face d’hypotension associée, l’utilisation d’amines pressives
à une augmentation de postcharge, il présente une dys- telles que la noradrénaline paraît justifiée afin d’augmen-
fonction qui se manifeste par une hypokinésie, une dilata- ter la pression artérielle et d’élever le gradient de perfu-
tion et un dyssynchronisme, la systole ventriculaire droit sion ventriculaire droit. Le débit cardiaque étant ici
étant retardée et se terminant lors de la protodiastole ven- dépendant de la fréquence, il importe de traiter la brady-
triculaire gauche. Une dilatation du ventricule droit, même cardie par de l’atropine ou un entraînement électrosysto-
chronique, préserve la contractilité intrinsèque des myo- lique. En cas de résistance à l’atropine, il est possible de
fibrilles du ventricule droit [19]. recourir à l’aminophylline [25].

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Fonction cardiaque droite 3

Valvulopathies assistance mécanique ventriculaire droite rétablit les condi-


Les IT primitives sont rares mais entraînent une dilata- tions hémodynamiques alors qu’une assistance gauche
tion du ventricule droit. demeure inefficace [34].

Chirurgie cardiaque • Défaillances droites


Une défaillance droite aiguë après circulation extracor- par augmentation de la postcharge
porelle (CEC) est précipitée par un défaut de protection Augmentation aiguë de postcharge
myocardique. En effet, le ventricule droit, du fait de sa fai-
ble épaisseur, peut se réchauffer lors d’une CEC en normo- L’augmentation aiguë de postcharge est très mal sup-
thermie si la cardioplégie froide est intermittente. De plus, portée par le ventricule droit qui se dilate. Il s’ensuit le
après CEC, les résistances vasculaires pulmonaires peuvent développement d’un cercle vicieux qui associe une gêne au
s’accroître par activation du complément, hémodilution, remplissage du ventricule gauche, une diminution du débit
transfusion autologue [26] avec atteinte de la fonction cardiaque et de la pression artérielle systémique, une dimi-
endothéliale. Après transplantation cardiaque, l’ischémie nution de la perfusion coronaire gauche et droite, une
du greffon et l’HTAP contribuent au développement d’une perte de l’interdépendance ventriculaire et une augmen-
défaillance droite [26]. De même, durant une assistance tation de la pression ventriculaire droite responsable d’une
mécanique monoventriculaire gauche, la décharge ventri- diminution du gradient aorte-ventricule droit et, donc, de
culaire gauche déplace le septum vers la gauche. Dans ces la perfusion coronaire droite.
conditions, la compliance du ventricule droit augmente, Embolie pulmonaire
avec baisse de sa contractilité et de sa postcharge [27]. La
défaillance droite diminue le remplissage du ventricule L’embolie pulmonaire aiguë représente le cas typique
gauche assisté et entraîne un bas débit systémique dans 20 d’un ventricule droit soumis à une augmentation brutale
à 30 % des cas. de la postcharge. Les signes échographiques de cœur pul-
monaire aigu sont une dyskinésie septale, une dilatation
Après pontages coronaires sous CEC, la FE du ventricule ventriculaire droite [13] et un rapport E/A inférieur à 1 du
droit s’abaisse de 48 % en moyenne avant l’induction anes- flux mitral en Doppler pulsé [35].
thésique à 37 % 4 heures après la fin de l’intervention [28].
Après chirurgie de revascularisation myocardique, l’écho- L’échographie transœsophagienne peut mettre en évi-
cardiographie transœsophagienne permet d’objectiver dence des emboles dans l’artère pulmonaire et visualiser
l’atteinte du ventricule droit [29] par les signes suivants : des thrombus intraventriculaires. Le diagnostic d’embolie
• diminution de la fraction de raccourcissement en grand pulmonaire peut être étayé par tomodensitométrie thora-
et petit axes ; cique avec injection de produit de contraste. L’existence
• diminution de la cinétique de l’anneau tricuspide ; d’un cœur pulmonaire aigu signe la gravité de l’embolie
• et, en Doppler veineux hépatique, diminution du flux pulmonaire. Une métalangue montre que la présence de
antérograde systolique et augmentation du flux rétro- signes échographiques ou l’élévation plasmatique des pep-
grade télésystolique. tides natriurétiques est associée à la mortalité à court
terme [36]. Le traitement des embolies pulmonaires graves
Selon une étude [30], les patients présentant une FE est fondé sur la désobstruction artérielle pulmonaire par
ventriculaire gauche inférieure ou égale à 25 % et une fibrinolyse, ou chirurgicalement dans les cas rebelles.
fraction de raccourcissement de surface ventriculaire droite L’efficacité du traitement fibrinolytique peut alors être sui-
inférieure ou égale à 35 % en phase préopératoire ont des vie sur les paramètres échocardiographiques du ventricule
durées de ventilation artificielle, de séjour en réanimation droit [37]. Un support inotrope symptomatique par dobu-
et à l’hôpital prolongées par rapport à ceux ayant une tamine, noradrénaline ou adrénaline et l’inhalation de
fonction ventriculaire droite moins altérée ; les premiers monoxyde d’azote peuvent parfois être nécessaires. Les
sont tous décédés de cause cardiaque dans les 2 ans suivant patients ayant une pression atriale droite inférieure à
l’intervention. Ainsi, la réserve ventriculaire droite apparaît 10 mmHg pourront bénéficier d’un remplissage sous
comme un facteur déterminant du pronostic en chirurgie contrôle échocardiographique [38].
cardiaque.
Syndrome de détresse respiratoire aiguë
Dans les défaillances droites sévères suivant immédia-
tement la chirurgie de revascularisation coronaire, les Le profil hémodynamique sous ventilation mécanique
patients peuvent bénéficier d’une assistance droite (et avec pression expiratoire positive moyenne à 9 mmHg
éventuellement gauche) en pont vers la transplantation comporte une tachycardie, une HTAP, des résistances vas-
cardiaque [31]. En cas de contre-indication à cette der- culaires systémiques basses et un rapport WSVD/WSVG
nière, les mêmes auteurs ont proposé une chirurgie d’ex- (WSVG : travail systolique ventriculaire gauche) élevé à
clusion du ventricule droit. l’admission et à la 48e heure [39]. Ce rapport, qui reflète
l’association d’une HTAP et de résistances systémiques
La chirurgie coronaire sans CEC suppose la verticalisa- basses, serait de mauvais pronostic. Par ailleurs, une éléva-
tion du cœur pour les sutures sur l’artère interventriculaire tion de VTDVD, une baisse de la FE ventriculaire droite ou
postérieure et le réseau circonflexe, avec baisse de la pres- une déviation vers la droite de la boucle pression-volume
sion artérielle systémique. Durant cette manœuvre, le ven- du ventricule droit représente la réponse du ventricule
tricule droit est comprimé car sa paroi est plus fine que droit pour s’adapter à la surcharge.
celle du ventricule gauche. Il s’ensuit également une baisse
des débits coronaires [32]. Ainsi, en utilisant un stabilisa-
teur, une réduction de la taille du ventricule droit est La ventilation assistée provoque une diminution de
observée, s’accompagnant d’une élévation de la POD de la précharge droite, une augmentation de la post-
167 % et de la pression télédiastolique ventriculaire droite charge droite, une augmentation de la précharge
de 151 % alors que la POG et la pression télédiastolique gauche et une diminution de la postcharge gauche.
ventriculaire gauche n’augmentent que de 59 % [33]. La Chez le sujet sain, l’effet prédominant est essentiel-
mise en position de Trendelenburg à 20° permet une dila- lement une diminution de la précharge droite, alors
tation des cavités droites et le rétablissement de la pression que chez le patient insuffisant cardiaque gauche,
artérielle systémique. Expérimentalement, la mise sous l’effet principal est l’effet sur la postcharge gauche.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

En cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë, - chronique : maladie thromboembolique, shunts


l’augmentation importante des pressions pulmo- gauche-droite, insuffisance respiratoire chronique,
naires peut entraîner une défaillance droite. valvulopathies, HTAP primitive.

Choc septique
La fonction cardiaque est altérée dans 30 à 50 % des
cas [40, 41] à la phase aiguë du choc septique. Il est habi-
Traitement
tuellement admis que cette atteinte est biventriculaire et de l’hypertension artérielle
pulmonaire
en général réversible mais certains auteurs rapportent des
observations échocardiographiques pouvant faire évoquer
une réponse différente du ventricule droit. Poelaert et al.
[41], dans une étude rétrospective, retrouvent une dys-
fonction droite prédominante chez les patients septiques Traitement
dans 38 % des cas. Kimchi et al. [42] font état d’une pro- en fonction du contexte
portion de 25 % des patients en choc septique où l’altéra-
tion de la fonction ventriculaire droite, cette fois explorée La prise en charge de l’HTAP dépend de son caractère
par le cathétérisme droit avec FE ventriculaire droite, est primitif ou secondaire.
plus marquée que celle de la fonction gauche. Ces auteurs
remarquaient que cette atteinte était d’autant plus nette Hypertension pulmonaire
que la défaillance respiratoire et l’HTAP étaient marquées.
En effet, expérimentalement [43-45], le déclenchement secondaire
d’un sepsis entraîne une augmentation de la PAP, des résis- Dans les maladies pulmonaires hypoxémiantes où
tances vasculaires pulmonaires et une baisse de la FE du l’HTAP est modérée (PAPs < 45 mmHg), la prise en charge
ventricule droit. Cette baisse de performance est réversible par ventilation non invasive ou oxygénothérapie d’une
après inhalation de monoxyde d’azote. La réponse du ven- insuffisance respiratoire chronique, d’une bronchopneu-
tricule droit n’est pas comparable à celle du ventricule mopathie chronique obstructive, d’une pathologie du som-
gauche en cas de choc septique. À une augmentation de meil ou d’une pneumopathie interstitielle peut être un
sa postcharge, le ventricule droit s’adapte en se dilatant élément stabilisant. De même, en cas d’HTAP secondaire à
rapidement, augmentant ainsi son VS. Ces phénomènes une cardiopathie gauche, la correction d’une valvulopathie
adaptatifs sont limités par la compliance de l’ensemble car- ou d’une maladie congénitale peut être curative.
diopéricardique et par la contractilité intrinsèque ventri-
culaire. Le dépassement de ces phénomènes adaptatifs est Hypertension pulmonaire primitive
favorisé par un remplissage vasculaire excessif, surtout
quand une pathologie pulmonaire se surajoute, aboutis- Deux phénomènes concourent à l’augmentation des
sant à une défaillance droite. résistances vasculaires pulmonaires : une vasoconstriction
et une obstruction par pathologie endothéliale de la
lumière artérielle. La vasoconstriction est due à une ano-
Plus qu’un profil différent du ventricule droit au malie de la balance entre substances vasodilatatrices
cours du choc septique, on peut suggérer que l’aug- (monoxyde d’azote, prostacycline) et substances vasocons-
mentation de la postcharge associée à des capacités trictrices (endothéline 1). La vasoconstriction est aggravée
d’adaptation limitées rend la fonction droite parti- progressivement par une prolifération cellulaire et par
culièrement exposée au cours du choc septique. l’augmentation des taux de sérotonine par hyperactivation
plaquettaire. Une prise en charge précoce est donc indis-
Augmentation chronique de la postcharge pensable.
Contrairement au phénomène brutal de l’embolie pul-
monaire, le ventricule droit s’adapte progressivement à
l’augmentation de la PAP qui peut atteindre des valeurs
Stratégie thérapeutique
suprasystémiques. Les étiologies peuvent être évidentes,
comme dans le cas des embolies pulmonaires chroniques,
Thérapeutique symptomatique
des shunts gauche-droite, des insuffisances respiratoires Elle nécessite un traitement anticoagulant de façon à
chroniques, une cardiopathie gauche, ou mal connues éviter toute embolie surajoutée. Ceci est important en cas
comme dans l’HTAP primitive [46]. Dans ce dernier cas, le de mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire. Un trai-
ventricule droit présente des signes d’hypertrophie asso- tement diurétique est associé en cas de surcharge hydro-
ciée à une dilatation. Le septum présente un mouvement sodée, voire d’anasarque avec ascite. En cas d’aggravation
paradoxal secondaire à l’hyperpression qui règne dans la de l’insuffisance ventriculaire droite, et sous couvert du
chambre droite. Cette hyperpression peut parfois être res- maintien de la pression coronarienne droite, les inhibiteurs
ponsable de l’ouverture d’un foramen ovale qui crée un de la phosphodiestérase III peuvent être associés [47]. Une
shunt droite-gauche à l’étage atrial. Le cathétérisme droit baisse de la perfusion coronarienne droite peut précipiter
montre une PAP élevée associée à une PAPO basse (HTAP ces patients en situation irrécupérable. L’utilisation d’adré-
précapillaire). naline ou de noradrénaline à forte posologie est alors la
seule solution médicamenteuse. Dans des situations aiguës
et ne devant pas conduire à une transplantation cardiaque
Causes de défaillance droite : qui est ici contre-indiquée, mais éventuellement à une
• primitive : coronaropathie, chirurgie cardiaque transplantation cardiopulmonaire, une assistance circula-
avec ou sans CEC, maladies dégénératives du ven- toire mécanique droite est possible. Les systèmes utilisables
tricule droit (dysplasie arythmogène) ; sont souvent des pompes à effet vortex (Biomedicus®,
• secondaire à une HTAP : Sarns®) après canulation chirurgicale ou percutanée de
- aiguë : embolie pulmonaire, syndrome de détresse l’oreillette droite et réinjection dans l’artère pulmonaire
respiratoire aiguë, choc septique, cardiopathie ou dans la circulation systémique en utilisant un oxygéna-
gauche aiguë, teur (ExtraCorporeal Life Support).

34
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Fonction cardiaque droite 3

Thérapeutique spécifique – le bosentan (Tracleer®), antagoniste des récepteurs de


l’endothéline, qui diminue le remodelage vasculaire [46].
de l’hypertension artérielle L’administration est orale à la posologie de 62,5 mg
pulmonaire toutes les 12 heures pouvant être augmentée progressi-
Elle comporte la mise en évidence d’une réponse au vement. Les effets indésirables comportent en outre un
monoxyde d’azote, vasodilatateur pulmonaire plus spéci- risque de céphalée, d’anémie ainsi que la nécessité d’un
fique que les dérivés nitrés, le monoxyde d’azote inhalé suivi hépatique ;
étant utilisé à la posologie de 5 à 20 parties par million – le sildénafil (Revatio®), qui est un inhibiteur puissant et
(ppm). Il est utilisable plus facilement chez un patient sélectif de la phosphodiestérase de type V, spécifique de
intubé, agissant dans les zones ventilées. La principale toxi- la guanosine monophosphate cyclique. Une étude [51] et
cité du monoxyde d’azote est la production de radicaux des cas cliniques chez l’adulte confirment qu’une poso-
oxygénés aboutissant à un risque de méthémoglobinémie logie de 50 mg peut diminuer significativement la PAP et
qui doit être monitorée [48]. En cas de réponse, les patients les résistances vasculaires pulmonaires. Il est possible d’as-
chroniques et sans défaillance cardiaque droite peuvent socier prostacycline et sildénafil. Des essais ont été menés
bénéficier d’un traitement par inhibiteur calcique. Le dil- dans les cardiopathies congénitales du nourrisson en
tiazem peut être utilisé si la fréquence cardiaque est supé- relais du monoxyde d’azote inhalé [52] avec un intérêt
rieure à 80 bpm. La posologie peut atteindre de 240 à économique à la clé.
360 mg par jour. Si la fréquence cardiaque est inférieure à
80 bpm, il est préférable d’utiliser la nifédipine. En l’ab-
sence de réponse au monoxyde d’azote, le bénéfice en
termes de mortalité de la prostacycline ou de ses dérivés Conclusion
est démontré [46]. L’indication concerne essentiellement
les patients présentant des critères de gravité avec des Si les défaillances cardiaques droites sont plus fré-
résistances pulmonaires totales supérieures à 20 UI/m2, une quentes chez l’enfant que chez l’adulte, elles sont à pré-
saturation du sang veineux mêlé en oxygène inférieure à sent plus souvent reconnues qu’avant chez l’adulte depuis
63 % ainsi qu’un index cardiaque inférieur à 2,5 L/min/m2. l’utilisation de l’échocardiographie. Le ventricule droit
Les agents utilisés sont : étant de faible épaisseur, l’élévation brutale de sa post-
– l’époprosténol (Flolan®), molécule de synthèse chimique charge entraîne sa dilatation et sa défaillance précoce
de la prostacycline utilisable à posologie croissante de 1 (cœur pulmonaire aigu). L’élévation progressive de sa post-
à 20 ng/kg/min. La dose efficace est en général supé- charge entraîne l’hypertrophie de sa paroi (cœur pulmo-
rieure à 5 ng/kg/min [49]. Les effets secondaires sont
naire chronique). Le traitement du cœur pulmonaire aigu
essentiellement une accélération de la fréquence car-
passe par, entre autres, le maintien ou le rétablissement de
diaque, une diminution de la pression artérielle diasto-
la perfusion coronaire droite. Enfin, le remplissage vascu-
lique et une inhibition de l’agrégation plaquettaire. Les
effets vasodilatateurs se manifestent par des rashs cuta- laire doit se garder de distendre le ventricule droit sous
nés, des céphalées, voire des douleurs abdominales. peine d’écraser le ventricule gauche par déplacement sep-
L’époprosténol nécessite une perfusion continue sur un tal à l’intérieur du sac péricardique.
cathéter implantable ou peut être utilisé en aérosol [50] ;
– l’ilomédine (Iloprost®), analogue de la prostacycline, éga- Remerciements
lement utilisable par voie intraveineuse ou par aérosol. Les auteurs remercient le Pr Olivier Bastien et le
L’action est similaire avec une demi-vie plus longue ; Dr Serge Duperret pour leur précieuse contribution.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

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36
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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

4
• Anatomie du cœur gauche Fonction cardiaque
• Activité mécanique : la fonction de pompe
• Perfusion de la circulation systémique
gauche
• Fonction cardiaque gauche
et perfusion myocardique
Gilles Boccara*, Bruno Riou**
• Facteurs d’adaptation
de la pompe cardiaque gauche * Service d’anesthésie et réanimation chirurgicale cardio-thoracique,
Hôpital américain, Neuilly-sur-Seine
• Approche des stratégies thérapeutiques ** Service d’accueil des urgences, CHU Pitié-Salpêtrière,
Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

es cellules de notre organisme pour assurer est donc constitué de deux systèmes de circulation distincts
leurs fonctions — mitose, croissance, différencia- et séparés par une cloison, le septum interventriculaire :
tion et rôle(s) spécifique(s) — requièrent de l’éner- les ventricule et oreillette gauches et les ventricule et oreil-
gie procurée par l’oxygène et les éléments nutritifs. lette droites. Anatomiquement, l’oreillette gauche reçoit
L’apport d’oxygène aux cellules requiert donc un le sang du poumon à travers les veines pulmonaires et l’in-
transporteur (l’hémoglobine) à travers des voies de jecte dans le ventricule gauche (VG), après avoir franchi la
circulation (les vaisseaux) à partir d’un fournisseur valve mitrale. Le ventricule éjecte alors le sang dans l’aorte
d’oxygène (les poumons). Cependant, la circulation à travers les valves sigmoïdes aortiques (figure 1). Le cycle
du transporteur dans les voies menant des pou- cardiaque correspond aux différentes phases d’expulsion
mons aux différents tissus nécessite un organe du sang des ventricules (systole) ou de remplissage de ceux-
moteur, le cœur. La fonction du cœur gauche est la ci (diastole) (figure 2).
propulsion ininterrompue et adaptée du sang oxy-
géné vers tous les organes de notre organisme à L’alimentation en oxygène du cœur se fait par les
l’exception des poumons. Ainsi, le système cardio- artères coronaires issues de l’aorte thoracique ascendante
vasculaire se divise en deux circuits : par des ostiums situés à environ 1 ou 2 cm au-dessus des
• la circulation pulmonaire dont le sang, pauvre en valves aortiques. L’artère coronaire droite se dirige vers les
oxygène, est éjecté du ventricule droit vers l’oreil- cavités droites alors que l’artère coronaire gauche, se divi-
lette gauche après avoir traversé les structures sant en artère interventriculaire antérieure et en artère cir-
pulmonaires ; conflexe, se dirige vers les cavités gauches (figure 3). La
• la circulation systémique dont le sang, riche en perfusion en sang oxygéné du muscle cardiaque gauche
oxygène, est éjecté par le ventricule gauche vers
tous les autres organes avant de revenir au cœur
droit par l’oreillette droite.
Le ventricule gauche comme le droit assurent donc
une fonction propulsive ou « pompe » pour éjecter
le sang à travers l’ensemble de notre circulation
artérioveineuse [1-4].

Anatomie du cœur gauche


Le cœur est situé dans la cavité thoracique de façon
médiane et orienté dans son grand axe vers la gauche. Il
est entouré d’un feuillet séreux, le péricarde, sac de glisse-
ment contenant un liquide lubrifiant. Le cœur est un
ensemble de cavités dans lesquelles circule le sang. Les
parois sont constituées de l’endocarde ou endothélium
(épithélium au contact du sang), du myocarde (cellules
musculaires striées myocardiques) et de l’épicarde au
contact du feuillet péricardique.
En fait, il s’agit schématiquement d’un muscle constitué
en différentes cavités : les cavités gauches recevant le sang
du poumon et le propulsant vers tous les autres tissus, et
les cavités droites recevant le sang de l’ensemble des tissus Figure 1 / Anatomie des cavités cardiaques
et le projetant vers le poumon. Le cœur, organe unique,

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Figure 2 / Évolution des cavités cardiaques (oreillettes et ventricules) ainsi que des valves au cours des phases systoliques
et diastoliques du cycle cardiaque
La première phase (A) est dite de remplissage ventriculaire passif (diastole) par l’ouverture des valves mitrales et tricuspides,
suivie de la contractilité auriculaire (active) (B). La contraction ventriculaire isovolumétrique qui suit (C) permet la fermeture
des valves auriculo-ventriculaires (début de systole), suivie par la contraction ventriculaire complète, permettant l’ouverture
des valves aortiques et pulmonaires et l’éjection du sang dans les structures vasculaires (systole) (D). Enfin, la dernière phase
(E) est la relaxation isovolumétrique par fermeture des valves ventriculo-artérielles (début de diastole).

Figure 3 / Aspect anatomique des artères coronaires qui assurent la perfusion sanguine des structures cardiaques
A. Vue antérieure. B. Vue latérale gauche. Les cavités cardiaques gauches sont perfusées essentiellement par le réseau
coronaire gauche : l’artère interventriculaire antérieure (IVA) et l’artère circonflexe.

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Fonction cardiaque gauche 4

est donc essentiellement issue du tronc artériel coronaire Ainsi, le passage d’une zone à l’autre doit se faire selon
commun gauche, avec une reprise parfois rétrograde par trois étapes consécutives : il doit y avoir en premier lieu une
une artère coronaire droite dominante. Cette perfusion ne communication entre la zone d’amont et le sas, puis un
peut être fonctionnelle que lors de la relaxation du muscle compartiment isolé pour le changement de niveau d’eau
cardiaque et donc en phase diastolique. et, enfin, un couplage entre le sas et la zone d’aval. Le cœur
gauche fonctionne de façon similaire en respectant cepen-
Enfin, et afin d’assurer une organisation rythmique et
un automatisme de la contraction-relaxation et donc de dant un principe d’éjection unidirectionnelle :
l’éjection-remplissage pour le muscle cardiaque, le tissu • la communication auriculo-ventriculaire pour le remplis-
myocardique est constitué d’un système de conduction sage ventriculaire ;
spécialisé ou tissu nodal (du nœud sinusal aux branches du • le compartiment ventriculaire isolé (valves occluses) pour
faisceau de His). les variations de régime de pression ;
• enfin la communication ventriculo-aortique pour l’éjec-
tion sanguine.

Activité mécanique : La fonction de propulsion du contenu sanguin repose sur

la fonction de pompe
le ventricule mais l’oreillette a un rôle essentiel d’optimisa-
tion du remplissage ventriculaire en diastole. Ainsi, la
contraction de l’oreillette gauche (systole auriculaire) en
Le myocarde est un tissu constitué de cellules muscu- phase télédiastolique assure un remplissage complé-
laires striées, se contractant et se relaxant automatique- mentaire du ventricule gauche représentant de 15 à 25 %
ment, organisées selon un rythme régi par le système de du remplissage total de celui-ci [11, 12]. Les fonctions systo-
conduction intracardiaque. La fonction de pompe du cœur lique comme diastolique sont parfaitement résumées dans
gauche repose sur la capacité contractile du myocarde qui, les courbes de pression-volume (figure 4) : la fonction sys-
en diminuant le volume de la cavité cardiaque, projette tolique est donc la capacité d’éjection du volume sanguin
son contenant vers l’orifice auriculo-ventriculaire puis ven- adapté à la demande systémique et la fonction diastolique
triculo-aortique (ventricule gauche et aorte). Le cœur est la compétence cardiaque à son remplissage optimal ven-
gauche agit comme une pompe qui reçoit du sang prove- triculaire et à la vidange de la circulation pulmonaire.
nant des veines pulmonaires ou de l’oreillette gauche et
qui l’éjecte vers l’aorte selon un débit sanguin qui est le En pratique, les ventricules gauche et droit sont simul-
produit du volume éjectionnel par la fréquence cardiaque, tanément en systole et en diastole, et leurs volumes d’éjec-
et dont la relation entre le remplissage et l’éjection est tion systolique (VES) sont identiques. Cependant, les
essentiellement régie par la loi de Frank-Starling [5-7]. pressions enregistrées dans le ventricule droit et l’artère
Cette pompe suit le rythme de la contraction-relaxation ou pulmonaire sont plus faibles qu’à gauche car les parois des
« cycle cardiaque » (figure 2) : la période de contraction cavités droites sont plus minces et la compliance du sys-
ventriculaire est la systole et celle de relaxation ventricu- tème circulatoire pulmonaire plus basse, considérée
laire la diastole [8-10]. comme un régime à basse pression (figure 5).
Par analogie, la fonction propulsive du cœur gauche est Les différentes valves entres les cavités sont en fait des
souvent comparée à une écluse avec trois compartiments valves unidirectionnelles permettant un flux sanguin dirigé
individualisés : la zone d’amont, le sas et la zone d’aval. sans régurgitation à la relaxation de l’organe d’amont :

P
(mmHg) Éjection

VTS

Relaxation Contraction
isovolumique isovolumique

Remplissage
VTD
V
VES (mL)

Remplissage Contraction Éjection Relaxation


isovolumique isovolumique
P P P P

VTS

Figure 4 / Courbes de relation


pression-volume (P-V) aux différents
temps du cycle cardiaque VTD
VES : volume d’éjection systolique ;
VTD : volume télédiastolique ;
VTS : volume télésystolique. V V V VES V

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

A
Cl Éjection RI RVR RVL SA
P V

Volume VG

Pression VG

Temps

B
P Systole Diastole
Cl Éjection RI RVR RVL SA
Figure 5 / A. Évolution des pressions (P)
et volumes (V) dans le ventricule gauche
FA (VG) selon les différentes phases
du cycle cardiaque. B. Évolution
OA de la pression dans le ventricule gauche
PAo et des pressions aortique (PAo)
et de l’oreillette gauche (POG)
Diastole passive
OA : ouverture des valves aortiques ;
OM : ouverture des valves mitrales ;
Diastole active
FA : fermeture des valves aortiques ;
FM : fermeture des valves mitrales ;
CI : contraction isovolumétrique ;
OM RI : relaxation isovolumétrique ;
Temps RVR : remplissage ventriculaire rapide ;
POG
RVL : remplissage ventriculaire lent ;
PVG FM
FM SA : systole auriculaire.

Phase lors de la diastole, le sang pénètre passivement de l’oreil-


2 3 4 5 6 7 lette gauche vers le ventricule gauche avec une valve
120 mitrale ouverte puis, lors de la dépolarisation induite par
PAo le nœud sinusal, l’oreillette se contracte et remplit bruta-
lement le ventricule, induisant une élévation de pression
80 intraventriculaire supérieure à celle de l’oreillette, ce qui
P provoque alors la fermeture de la valve mitrale (pression
(mmHg)
PVG télédiastolique) (figure 6).
40
POG Chacune de ces phases peut occasionner une
a c v insuffisance de la perfusion sanguine systémique : ainsi, il
0 peut s’agir d’une dysfonction diastolique par anomalie de
relaxation et/ou de la compliance du ventricule gauche
120 VTD (lusitropisme), liée à ces propriétés viscoélastiques, source
d’altération du remplissage et donc, finalement, du
V volume d’éjection systolique [13, 14]. La dysfonction dias-
(mL) 80 tolique peut être secondaire à une anomalie de distensibi-
lité du ventricule gauche (la plus fréquente), à une
VTS obstruction au remplissage du ventricule gauche ou à une
40 compression externe de la cavité gauche. Cette dysfonction
ECG peut être isolée ou combinée à la dysfonction systolique.
IV I II III L’échocardiographie est un excellent moyen diagnostique.
Bruits
Par ailleurs, et de façon plus connue, il peut s’agir d’une
dysfonction systolique par anomalie des propriétés de
0,0 0,4 0,8 contraction du muscle cardiaque (exemple de l’ischémie
Temps (s) myocardique) ou obstacle à l’éjection de celui-ci par éléva-
tion de la postcharge ou modifications structurelles de la
Figure 6 / Relation des courbes de pression (P) ventriculaire communication ventriculo-artérielle (exemple du rétrécis-
gauche (PVG), aortique (PAo) et de l’oreillette gauche (POG), sement aortique) (figure 7).
de l’électrocardiogramme (ECG) et des bruits auscultatoires
au cours du cycle cardiaque La finalité de la pompe cardiaque gauche est d’assurer
VTS : volume télésystolique ; VTD : volume télédiastolique. une distribution minimum de sang oxygéné aux différents
tissus de la grande circulation afin d’en préserver les fonc-

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Fonction cardiaque gauche 4

tions. Ainsi, 15 à 20 % du débit sanguin total vont aux A Insuffisance diastolique


structures cérébrales et 5 % à sa propre perfusion par les
Pression
artères coronaires [15].
La fonction pompe cardiaque gauche est alors exprimée Télésystole
par son débit cardiaque (DC) qui est le produit du volume
d’éjection systolique par la fréquence cardiaque (FC) :
DC = VES × FC.
Le débit cardiaque – ou volume de sang injecté par le
cœur en 1 minute – est d’environ 4,5 à 7 L/min chez un Télédiastole
adulte sain. Il correspond plus à la réalité physiologique s’il Volume
est ajusté à la surface corporelle (SC) et définissant l’index
cardiaque (IC) exprimé en en mL/min/m2 : B Insuffisance systolique

DC Pression
IC = .
SC
Télésystole
Le volume d’éjection systolique est le reflet de la force
de contractilité ventriculaire. En fait, il est dépendant de
la contractilité mais aussi de la précharge (volémie) et de
la postcharge (tonus artériel systémique).
Par ailleurs, la fraction d’éjection du ventricule gauche Télédiastole
(FEVG) est le pourcentage du volume télédiastolique éjecté Volume
à chaque systole. Elle représente un indice de la fonction C Insuffisance systolique et diastolique
cardiaque très utilisé et complémentaire de l’information
Pression
procurée par le débit cardiaque. Une fraction d’éjection du
ventricule gauche inférieure à 50 % traduit une dysfonc- Télésystole
tion systolique du ventricule gauche. Elle est calculée à par-
tir du volume télédiastolique (VTD) et du volume
télésystolique (VTS) :
VTS
FEVG = VTD – .
VTD Télédiastole
Volume
Les différents volumes cardiaques peuvent être mesurés
Figure 7 / Modification des relations pression-volume
à l’aide de méthodes échocardiographiques, angiogra-
en fonction d’anomalies du remplissage ou de la relaxation
phiques ou scintigraphiques. À titre d’exemple, au repos, (A : dysfonction diastolique) et/ou de la contractilité
les volumes constatés dans le ventricule gauche chez un ou d’obstacle à l’éjection (B : dysfonction systolique).
adulte sain sont : En pratique, ces deux formes sont souvent associées,
• pour le volume télédiastolique du ventricule gauche, de notamment au cours des épisodes
135 mL ; d’insuffisance cardiaque aiguë (C)
• pour le volume télésystolique du ventricule gauche, de Les lignes continues décrivent l’état physiologique,
les lignes pointillées l’état pathologique.
65 mL ;
• pour le volume d’éjection systolique, de 70 mL ;
• pour la fraction d’éjection systolique, de 50 à 75 %.
La circulation sanguine repose sur le principe d’un écou-
lement de liquide, dans un conduit, d’une pression élevée
En fait, la fonction du cœur gauche est propulsive
vers une pression plus basse. Cette différence de pression
afin de perfuser suffisamment en sang oxygéné
est procurée par la propulsion cardiaque dans le système
chaque organe de la circulation systémique en fonc- artériel. Le cœur, de par la contraction de son ventricule,
tion de leur demande ou de la consommation tissu- propulse donc un volume sanguin, dit d’éjection systo-
laire en oxygène, que ce soit au repos comme à lique, qui se propage dans les artères : il existe alors un
l’effort. débit sanguin (DS) ou volume de sang propulsé dans les
vaisseaux par unité de temps. Selon la longueur, le diamè-
tre et l’élasticité des vaisseaux, ceux-ci offrent une résis-
Perfusion de tance variable à l’écoulement sanguin. Ainsi la résistance
artérielle systémique (RAS) correspond à :
la circulation systémique RAS =
dP
DS
Il s’agit de la circulation systémique, ou « grande circu- où dP est la différence tensionnelle dans le circuit, soit :
lation », permettant l’apport de sang riche en oxygène POD
(rouge), provenant de la circulation pulmonaire, éjecté par RAS = PAM –
DC
le ventricule gauche dans l’aorte et dirigé vers les diffé-
où PAM est la pression artérielle moyenne et POD la pres-
rents tissus [15]. Le cœur gauche doit fournir la perfusion
sion de l’oreillette droite.
sanguine d’organes à travers un réseau artériel d’environ
100 000 km dans notre corps adulte. Les échanges se font
dans les capillaires tissulaires, où les cellules y excrètent La distribution du sang vers les différents organes
leurs produits du métabolisme (essentiellement le gaz car- est alors proportionnelle à la consommation en oxy-
bonique, ou CO2), avant de rejoindre les cavités cardiaques gène de chaque tissu et donc à leur demande liée à
droites par les veines caves inférieure et supérieure leur masse mais aussi à leur fonction propre et
(figure 8). ponctuelle.

41
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Ainsi, pour un débit cardiaque moyen de 5,8 L/min, la


distribution de la perfusion serait, au repos, de :
• 750 mL vers le cerveau ;
• 250 mL vers le cœur ;
• 1 200 mL vers les muscles ;
• 500 mL vers la peau ;
• 1 100 mL vers les reins ;
• 1 400 mL vers le système digestif ;
• 600 mL vers les autres organes.
Cette distribution sanguine est donc modifiée en fonc-

̇ 2)au repos et selon l’augmentation de leur acti-


tion de la demande des organes ou de la consommation en
oxygène (VO
vité spécialisée (exemples de la phase de digestion et tractus

̇ 2 maximale
digestif, de la perfusion musculaire périphérique au cours
d’une activité sportive) jusqu’à atteindre la VO
(figure 9) [3, 16-18]. Pour un effort physique, l’aug-
mentation de la fréquence cardiaque et la loi de Frank-

pour une augmentation de V̇O2 cependant inférieure à


Starling permettent une augmentation du débit cardiaque

50 % de la VO ̇ 2 maximale ; au-delà, seule l’augmentation


de la fréquence cardiaque est impliquée [3, 17].

Fonction cardiaque gauche


et perfusion myocardique
L’apport d’oxygène et de nutriments au muscle car-
diaque se fait par ses propres artères dites coronaires. En
traversant, dans l’ordre, l’épicarde puis le myocarde, leurs
capillaires vont confluer en sinus veineux coronaire se
jetant dans l’oreillette droite. La perfusion myocardique
par les coronaires est de 250 mL/ min, représentant environ
5 % du débit cardiaque global. La perfusion des artères
coronaires se fait lors de la diastole puisque la contraction
systolique ventriculaire entraîne un écrasement musculaire
de la section intramyocardique distale de ces artères. Plus
la diastole sera longue, plus la perfusion myocardique sera
donc efficace.

Facteurs d’adaptation de
la pompe cardiaque gauche
L’activité automatique du cœur est réelle au repos mais
nécessite une régulation intrinsèque (lois de Frank-Starling
Figure 8 / Schéma de la pompe cardiaque et de Bowditch) et extrinsèque (système nerveux auto-
au sein de la circulation générale nome, réponse humorale). Le système nerveux autonome
permet ainsi l’adaptation aux conditions environnantes

76 %

Exercice
Muscle strié 20 L/min
squelettique
16 %
5% Myocarde 5%
8% Peau
15 % 5%
Cerveau
Repos 22 % 3,5 %
5 L/min Rein
4%
28 % Circulation Figure 9 / Redistribution du débit sanguin dans
hépato-splanchnique 5,5 %
6% Reins 1% les différents organes en fonction de leur activité

42
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page43

Fonction cardiaque gauche 4

comme l’effort musculaire [17]. La fonction propulsive du Débit cardiaque


cœur gauche est donc dépendante de nombreux facteurs (L/min)
[19], principalement de la force contractile myocardique et
de la compliance de la circulation systémique, reflétée par Stimulation sympathique
les résistances artérielles systémiques sous la forme de la 15

Débit cardiaque (L/min)


postcharge.

10
Force contractile myocardique Normal

La force contractile myocardique est dépendante elle- 5


même de plusieurs paramètres essentiels : Insuffisance cardiaque
• la relation à la précharge (volume de remplissage ou
retour veineux) ou loi du cœur de Frank-Starling
(figure 10) : « Une augmentation du volume ou de la A
pression ventriculaire télédiastolique étire les fibres myo- 0 8 16 24 Pression télédiastolique
(mmHg)
cardiques entraînant une contraction musculaire plus
énergique et par là même une augmentation aiguë du
débit cardiaque » [1, 5-7]. Sur le plan physiologique cel- 15
lulaire, il s’agit en fait d’une relation à l’étirement des
fibres myocardiques ;

Débit cardiaque (L/min)


• les effets de la fréquence cardiaque et du retour veineux.
Une augmentation de la fréquence cardiaque permet 10
une adaptation initiale du retour veineux avec améliora-
tion du volume d’éjection systolique et, donc, du débit
cardiaque. Cependant, plus la fréquence cardiaque aug-
mente et plus la phase diastolique est réduite avec une 5
altération du remplissage actif de ventricule (télédiasto-
lique) et de la perfusion coronaire aboutissant finale-
ment à une réduction du débit cardiaque (figure 11) ; 0
• l’état contractile du myocarde (responsable de la régu- B 50 100 150 200 250 300
lation homéométrique), qui est un paramètre de la
fonction cardiaque gauche. En effet, il existe des pro- Volume ventriculaire (mL)
priétés intrinsèques des performances contractiles dites
contractilité résultant de la contraction myocytaire du 200
myocarde. Il existe différentes caractéristiques des pro-
priétés contractiles du myocarde dont l’effet Bowditch :
une augmentation modérée de la contractilité induite Volume d'éjection
par une augmentation de la fréquence cardiaque systolique
(figure 12) ;
• les effets du système nerveux autonome et des facteurs
humoraux, métaboliques et thermiques. Ainsi, le cœur 100
possède une innervation extrinsèque dont les fibres
aboutissent à tous les niveaux du tissu nodal et, plus par- Valeurs
ticulièrement, sur le nœud sinusal [20, 21]. Le système physiologiques
nerveux autonome parasympathique est prédominant au
niveau cardiaque. Il s’agit des nerfs pneumogastriques ou
vagues (Xe paire des nerfs crâniens), dont la stimulation
diminue la fréquence (chronotropisme négatif) et la 0
force de contraction cardiaque (inotropisme négatif). 100 200 300 400
L’acétylcholine libérée par les fibres postganglionnaires
C Volume télédiastolique
du système nerveux autonome parasympathique aug- = étirement des fibres
mente la perméabilité plasmique des cellules myocar-
diques au potassium. Le système nerveux autonome Figure 10 / Relation du débit cardiaque à la pression de remplissage
sympathique provient des centres médullaires thora- sous trois formes selon la loi de Frank-Starling
ciques sympathiques de T1 à T5. La libération de catécho-
lamines par les fibres postganglionnaires du système
nerveux autonome sympathique active les récepteurs
spécifiques a et b-adrénergiques, aboutissant à l’entrée
de calcium dans la cellule, ce qui a pour effet une aug-
mentation de la force de contraction (inotropisme posi- De plus, certains facteurs aussi bien métaboliques
tif) et de la fréquence cardiaque (chronotropisme positif). qu’humoraux interviennent dans la régulation de la
Sa particularité est d’innerver les cellules du tissu nodal pompe cardiaque gauche par un effet direct (catéchola-
mais également du tissu myocardique ordinaire. mines endogènes, calcium, hypoxémie, acidose, hyperka-
liémie) ou indirect sur la contractilité (système rénine-
Le tonus parasympathique permet une activité car- angiotensine, hormones thyroïdiennes).
diaque gauche végétative ou dans les conditions de repos,
tandis que l’activation par le système nerveux autonome La concentration sanguine des ions peut également
sympathique permet, par la stimulation des performances influencer l’inotropisme : le calcium induit une augmenta-
cardiaques, une adaptabilité aux efforts (exercice muscu- tion de la force contractile tandis que l’hyperkaliémie dimi-
laire) ou à une augmentation d’un métabolisme organique nue la fréquence cardiaque et l’apport massif de sodium
(digestion, frissons). peut réduire l’inotropisme. mHg)

43
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page44

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

4 Ainsi, cette tension artérielle en amont de l’éjection du


ventricule gauche est traduite comme les résistances arté-
rielles systémiques, dont la formule a été rapportée plus
Débit cardiaque (L/min)

3 haut :
POD
RAS = PAM –
DC
2 en unités internationales (UI) ou en dynes/s/cm5 (× 80). La
pression auriculaire droite peut être remplacée dans cette
formule par la pression veineuse centrale.
1
Les résistances artérielles systémiques sont le reflet
de la postcharge du ventricule gauche en état d’équili-
0 bre, mais la pompe cardiaque gauche étant de type pul-
0 60 120 180 satile, de nombreux facteurs interfèrent dans cette
Fréquence cardiaque (bpm) relation simplifiée : l’âge, l’athérosclérose et autres
pathologies vasculaires, la tachycardie et l’exercice ainsi
Figure 11 / Relation entre la fréquence cardiaque que toute autre anomalie de la compliance du circuit
et le débit cardiaque au cours d’une stimulation
artériel. La postcharge du ventricule gauche est un
électrique du cœur
déterminant important du rendement de la pompe car-
diaque gauche : une élévation brutale de la postcharge
peut engendrer une augmentation provisoire de la fonc-
tion contractile du ventricule gauche pendant quelques
10 minutes (effet Anrep).
Fréquence cardiaque ³ 60 Ainsi, le flux sanguin et la pression artérielle sont très
8
Débit cardiaque (L/min)

étroitement liés et cette relation est déterminée comme


l’impédance d’entrée artérielle. Il est donc possible de
6 mesurer la pression aortique initiale et le flux spontané au
même point afin de calculer le spectre d’impédance d’en-
Fréquence cardiaque trée selon la transfotion de Fourier. Cette relation est
4 ≤ 40 cependant très difficile à obtenir en pratique clinique et
l’interaction entre la propulsion du ventricule gauche et la
2 circulation artérielle est plutôt évaluée selon les courbes
de pression-volume comme décrites précédemment.
0 Le système artériel est donc décrit comme la relation
–2 0 2 4 6 8 100 entre le volume d’éjection systolique, ou déformation, et
la pression télésystolique, ou contrainte, selon un modèle
Pression veineuse centrale (mmHg)
hookien [22, 23] : plus le volume d’éjection systolique est
Figure 12 / Relation entre la fréquence cardiaque élevé et plus la pression ventriculaire gauche augmente, se
et le débit sanguin à pressions de remplissage identiques traduisant par une pente Ea qui reflète l’élastance télésys-
tolique artérielle effective (figure 13). L’élastance Ea peut
être calculée selon le produit de la pression télésystolique
par le volume d’éjection. Ea (ou pente de relation entre la
pression artérielle télésystolique et volume d’éjection sys-
tolique) est donc tracée sur les courbes pression-volume
mais peut également être estimée selon la formule :
2 x (PAS + PAD) /3
Compliance Ea =
VES
de la circulation systémique où PAS est la pression artérielle systolique, PAD la pression
artérielle diastolique et VES le volume d’éjection systo-
La pompe cardiaque gauche a pour rôle d’éjecter le lique. L’élastance Ea peut être également calculée par
sang vers l’ensemble de la circulation systémique, c’est-à- approximation selon :
dire du couplage ventriculo-aortique au retour veineux Ea = RAS × FC.
dans l’oreillette droite. Cette phase débute dès l’ouverture
L’élastance artérielle effective télésystolique (Ea) corres-
des valves aortiques par l’augmentation des pressions dans
pond à l’impédance d’entrée du système artériel, tandis
le ventricule gauche supérieures à la pression diastolique
que l’élastance télésystolique du ventricule gauche (Evg)
de l’aorte. Cette pression est générée par la contraction du
correspond à l’impédance à la sortie du système. Les deux
muscle cardiaque ventriculaire gauche mais est donc aussi
pentes peuvent être tracées sur des courbes pression-
dépendante de la pression d’aval de la circulation arté-
volume avec pour point d’intersection le volume télésysto-
rielle : cette pression dans la circulation systémique corres-
lique (VTS) (figures 14 et 15).
pond donc à la postcharge au cœur gauche. La fonction
systolique du ventricule gauche est dépendante de la post- Ainsi, ces courbes de pression-volume sont le meilleur
charge de celui-ci : reflet des mécanismes de couplage ventriculo-artériel, en
• la pression artérielle systolique est fonction à la fois des l’occurrence de la relation de la pompe cardiaque gauche
performances de la pompe gauche et des propriétés à la postcharge. Selon ces courbes, la pente Evg représente
contractiles et élastiques de la circulation artérielle ; l’inotropisme tandis que la postcharge et le couplage ven-
• les sarcomères myocardiques doivent se raccourcir d’au- triculo-artériel sont représentés par la pente Ea. Le travail
tant plus que la tension artérielle est élevée en aval et d’éjection du ventricule gauche est donc défini selon l’aire
que la cavité cardiaque est de dimension élevée (loi de sous la courbe (figure 13D). Certains auteurs décrivent
Laplace). donc la pompe cardiaque gauche comme un générateur

44
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page45

Fonction cardiaque gauche 4

Modèle hookien

Contrainte (pression)
σ

σ0 Modèle non hookien


Élasticité

A
Déformation (volume)

PTS PTS
(mmHg) (mmHg) Ea2 Ra

Ea
Ea1

VES (mL) B
VES (mL) VES2 VES1

Inotropisme
Figure 13 / Détermination de la relation Evg
P
entre la pression et le volume d’éjection (A) (mmHg) P +
selon la pente Ea (B) et la relation entre –
pression télésystolique et volume VTS
télésystolique selon la pente Evg (C)
et leur interaction (D)
A. Modèle hookien de la relation entre
une déformation et une contrainte
définissant l’élasticité du système.
B. Variation de la pente Ea (ou élastance
artérielle effective télésystolique) en
fonction de l’augmentation des résistances VTD
artérielles (Ra) et retentissement sur le V C
volume d’éjection systolique (VES1 à VES2). Vd VES (mL) Vo V
PTS = pression télésystolique.
C. Détermination de la pente Evg
(ou élastance télésystolique du ventricule
gauche) selon la courbe pression-volume P Evg
et variation de l’élastance télésystolique (mmHg)
du ventricule gauche selon l’inotropisme.
Vd : volume diastolique. VTS
VTS : volume télésystolique.
VTD : volume télédiastolique.
D. Après inversion du sens de variation
des volumes dans le couplage pression-
volume de l’élastance effective artérielle
télésystolique Ea, l’intersection de cette Ea
pente avec celle de l’élastance télésystolique
du ventricule gauche au point du volume
VTD
télésystolique (VTS), permet de définir l’aire
V D
sous la courbe ou le travail d’éjection Vd VES (mL)
du ventricule gauche (zone bleue).

45
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page46

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Ea Ea Ea
Evg Evg
Evg

PTS
PTS
PTS

Pression
Pression

Pression
Vo Vo Vo VTS
VTS VTD VTS VTD VTD
A Volume B Volume
C Volume

Figure 14 / Couplage ventriculo-artériel gauche évalué selon les courbes pression-volume, la relation
pression-volume télésystolique du ventricule gauche (Evg) et la détermination de l’élastance effective
artérielle télésystolique (Ea)
Les pentes Ea et Evg sont déterminées dans différentes situations cliniques : augmentation
de la précharge (A), augmentation de la postcharge (B), et augmentation de la contractilité (C).
Vo : volume pour une pression nulle ; VTD : volume télédiastolique ; VTS : volume télésystolique.

Fonction ventriculaire gauche normale Dysfonction ventriculaire gauche modérée


Evg Evg
150 150

100 100
PTS
PTS
Ea
50 Ea
50

0
Volume d’éjection 0
A VES
inchangé Donc baisse du
B VES
volume d’éjection

Dysfonction ventriculaire gauche sévère


150

Evg Figure 15 / Altération du travail


100 éjectionnel du ventricule gauche
PTS lors de l’augmentation de l’élastance
artérielle Ea (B) selon différents
niveaux de fonction ventriculaire
50 Ea gauche (C)
Ea : élastance artérielle effective
télésystolique ;
Evg : élastance télésystolique
0 du ventricule gauche ;
50 100 150
Donc baisse très importante PTS : pression télésystolique ;
C VES VES : volume d’éjection systolique.
du volume d’éjection

de puissance qui délivre une quantité d’énergie fixe à la contractiles (activateur des récepteurs b1 et a1-adrénergi-
circulation artérielle systémique. Le couplage ventriculo- ques, de la conductance calcique, etc.), un soulagement à
artériel est alors caractérisé par l’obtention du meilleur l’éjection ventriculaire gauche (vasodilatateurs artériels,
rendement mécanique, plus que le meilleur travail d’éjec- contrepulsion intra-aortique), voire un remodelage du
tion systolique du ventricule gauche. tissu myocardique lésé (système rénine-angiotensine, bêta-
bloquants, etc.) et de la configuration et de l’organisation
du ventricule gauche (resynchronisation) [24, 25]. Outre le
Approche des stratégies traitement étiologique, une insuffisance cardio-circulatoire

thérapeutiques
induite par une dysfonction de type systolique est
essentiellement corrigée par une augmentation des per-
formances contractiles à l’aide d’agents inotropes adréner-
Sur le plan thérapeutique, cette fonction de pompe du giques directs (adrénaline, dobutamine) ou indirects
cœur gauche peut être améliorée par une optimisation du (dopéxamine), et autres inodilatateurs (inhibiteurs des
volume de remplissage, une stimulation des propriétés phosphodiestérases, sensibilisateurs calciques, lévosimen-

46
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page47

Fonction cardiaque gauche 4

dan) [26], en même temps que l’optimisation de la volé- [28]. Les différents choix thérapeutiques sont orientés
mie. En ce qui concerne une défaillance circulatoire d’ori- selon le type de dysfonction (systolique ou diastolique) et,
gine diastolique, la stratégie repose essentiellement sur évidemment, de son étiologie (tableau 1). Ainsi, il est inté-
l’amélioration des conditions de remplissage et de relaxa- ressant de noter que le mécanisme d’une instabilité ten-
tion du ventricule gauche, en optimisant la fréquence car- sionnelle en réanimation est souvent complexe,
diaque et la volémie [27], voire en utilisant de faibles multifactoriel et impose d’en déterminer le type afin d’op-
posologies de vasoconstricteurs tels que la noradrénaline timiser son traitement (tableau 2) [27, 29].

Tableau 1 /Principales classes thérapeutiques cardiovasculaires indiquées selon le type de dysfonction du ventricule gauche

Dysfonction systolique Dysfonction diastolique

Titration lente Titration rapide


Bêtabloquants Augmentation de l’inotropisme Augmentation du temps de relaxation
Baisse du remodelage et de la mortalité

Inhibiteurs du système rénine- Rôle prouvé Rôle potentiel en cours d’évaluation


angiotensine (IEC, ARAII)
Diurétiques Doses élevées Doses plus faibles

Effets indirects par :


Non contributifs
Inhibiteurs calciques - contrôle de la fréquence cardiaque
sauf si la postcharge est élevée - contrôle de l’ischémie myocardique

Rôle potentiel par la réduction


Réduction de la postcharge
Dérivés nitrés de pression veineuse pulmonaire
Action sur le débit coronaire Faible posologie

Digitaliques Rôle prouvé sur symptômes Pas de rôle bien défini


IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion ; ARAII : antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II

Tableau 2 /Répartition des mécanismes cardiovasculaires diagnostiqués en échocardiographie et à l’origine d’une instabilité
tensionnelle postopératoire dans un service de réanimation (d’après Costachescu et al. [29])

Type de dysfonction Répartition


Deux causes ou plus d’instabilité tensionnelle 82 %
Dysfonction systolique du ventricule gauche 38 %
Dysfonction systolique du ventricule droit 45 %
Dysfonction diastolique du ventricule gauche 72 %
Hypovolémie 29 %

Conclusion d’un effort physique peut induire une augmentation du


débit cardiaque de 5 à 20 L/min (figure 16). Les phases sys-
tolique et diastolique ainsi que les cavités auriculaires et
Ainsi, la fonction du cœur gauche est de procurer un ventriculaires sont donc indispensables à la fonction du
débit de perfusion sanguine suffisant pour les organes sys- cœur gauche. Une défaillance au remplissage du ventricule
témiques, telle une pompe continue, ajustable et inusable. gauche se traduit par une dysfonction diastolique tandis
En raison de sa fonction, cela impose une régulation per- qu’une altération de la capacité d’éjection du ventricule se

̇ 2), au repos comme en activité maximale. En


manente aux différentes demandes du métabolisme des traduit par une dysfonction systolique lesquelles aboutis-
organes (VO sent, dans les deux cas, à une inadéquation de la perfusion
premier lieu, il s’agit de la régulation intrinsèque dépen- des organes périphériques, source d’ischémies tissulaires
dant du retour veineux ou précharge cardiaque (loi de [30]. D’autres facteurs intrinsèques et extrinsèques décrits
Frank-Starling) : une augmentation du retour veineux lors plus hauts sont détaillés dans le chapitre 5.

47
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

IC DAV
18 120
(L/min/m2) O2
(mL/L)
.
Courbe DAV 18 × VO2
9 de repos 80

6
40

Décès
Courbe IC Figure 16 / Courbes de corrélation
1 de la variation de l’indice cardiaque (IC)

̇ 2) exprimée sous
en fonction de la consommation
Normal
en oxygène (VO
Défaillance myocardique Augmentation de la demande forme de la différence artérioveineuse
en oxygène (exercice) en oxygène (DAV)

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48
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page49

PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

5
• Anatomie et électrophysiologie
Débit cardiaque.
• Géométrie des chambres cardiaques Facteurs, régulation
• Déterminants dynamiques
de la fonction ventriculaire et évaluation
• Interactions ventricule-vaisseaux
• Régulation extrinsèque du débit cardiaque
• Évaluation clinique de la fonction Sébastien Rousseau, Claude Martin
ventriculaire et du débit cardiaque
Département d’anesthésie-réanimation
CHU Nord, université Aix-Marseille-II, Marseille

Anatomie plasmique et induit le relargage de grandes quantités de


Ca2+. Dès que la concentration de Ca2+ myoplasmique
et électrophysiologie excède 1 mmol/L, le Ca2+ se lie à la troponine C pour entraî-
ner un changement conformationnel de la tropomyosine
permettant l’interaction actine-myosine et le raccourcisse-
Le cœur est considéré comme un organe unique alors ment des fibres. Dès que le stimulus de largage du Ca2+
qu’il est composé de deux pompes interdépendantes cesse, la réabsorption du Ca2+ par le réticulum sarcoplas-
connectées en série et contenues dans une même enve- mique conduit à une baisse rapide des concentrations
loppe, le péricarde. intracellulaires de Ca2+ qui facilite la dissociation de la tro-
Les oreillettes sont similaires en termes de taille et de ponine et du Ca2+ ainsi que la relaxation. La réabsorption
volume alors que les ventricules sont très différents. Le ven- du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique est énergie-
tricule droit (VD) est un croissant largement enroulé autour dépendante et implique la Ca2+-adénosine triphosphatase
du septum qui, lui, représente la paroi médiale du ventri- et sa protéine de régulation, le phospholamban. De nom-
breux facteurs, pharmacologiques notamment, influencent
cule gauche (VG), elliptique. Ces caractéristiques sont adap-
la contractilité myocardique en altérant le cycle intracellu-
tées au régime de pression régnant à l’intérieur des cavités.
laire du Ca2+. De nombreux facteurs intrinsèques influen-
D’un point de vue fonctionnel, la contraction du ven- cent le couplage excitation-contraction, le processus de
tricule gauche est assez homogène avec un raccourcisse- relaxation et, au final, la performance myocardique. Ils
ment longitudinal et transversal simultané. Le ventricule agissent en modifiant la longueur initiale du sarcomère, le
droit se contracte, lui, séquentiellement de la chambre de nombre de ponts actine-myosine, le taux de jonction des
remplissage vers la chambre de chasse. L’intérêt de ce type ponts et la vitesse du cycle activation-inactivation (voir cha-
de contraction n’est pas clair mais ce qui est sûr, c’est pitres 1 et 2). In vivo, l’interaction entre ces facteurs intrin-
qu’elle peut être altérée par la stimulation sympathique, sèques et les facteurs extrinsèques de la fonction des
les médicaments inotropes et les anesthésiques volatils, myocytes dicte la performance cardiaque en tant que
entre autres. pompe (figure 1).

Au niveau cellulaire, le myocarde de chaque ventricule


contient des myofibrilles indépendantes reliées par des
jonctions spécialisées formant un syncytium permettant la
conduction rapide de l’influx électrique. Fondamentale-
ment, chaque myocyte possède cinq propriétés : excitabi-
lité (bathmotropie), conductivité (dromotropie), rythmicité
(chronotropie), contractilité (inotropie) et relaxation (lusi-
tropie).

Couplage
excitation-contraction
La mécanique cardiaque est dominée par le processus
de couplage excitation-contraction. La dépolarisation des
myocytes conduit à un influx de calcium (Ca2+) extracellu- Figure 1 / Filaments contractiles et protéines régulatrices
laire par des canaux Ca2+ voltage-dépendants et, dans une La liaison du Ca2+ avec la troponine C provoque une bascule
moindre mesure, à des échanges sodium-calcium voltage- de la tropomyosine qui démasque les sites de fixation de l’actine.
dépendants. L’entrée de Ca2+ stimule le réticulum sarco-

49
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Parmi les facteurs extrinsèques, l’activation des récep- • les canaux de relargage du calcium du réticulum sarco-
teurs b-adrénergiques est très liée à la quantité de calcium plasmique, appelés aussi récepteurs à la ryanodine. Leur
disponible pour la contraction (figure 2). phosphorylation dissocie le composant régulateur qu’est
la protéine de fixation du FK 506 et conduit ainsi à un
Au niveau moléculaire, après stimulation des récep-
accroissement de l’activité de ces canaux.
teurs b1, la protéine Gs est activée. Cette protéine est
constituée de trois sous-unité : a, b, g. La sous-unité as asso- Tout ceci accroît le relargage du calcium du réticulum
ciée à la guanosine-5’-diphosphate, se dissocie de la pro- sarcoplasmique vers le cytoplasme, réduisant ainsi le gra-
téine Gs et la guanosine diphosphate (GDP) est remplacée dient de concentration ; encore une fois, cela conduit à
par de la guanosine triphosphate (GTP) ; ce complexe as- l’augmentation du calcium disponible pour la contraction.
GTP se lie à l’adénylcyclase qui est ainsi activée et permet Les événements suivants surviennent alors :
la synthèse de l’adénosine monophosphate cyclique • la troponine I augmente la contraction. Le phospholam-
(AMPc) à partir d’adénosine triphosphate (ATP) et l’activa- ban entraîne une désinhibition des pompes à calcium du
tion de la protéine kinase A (PKA). Celle-ci phosphoryle et réticulum sarcoplasmique et, donc, une augmentation de
active de nombreuses structures cellulaires : l’entrée de calcium du cytoplasme vers le réticulum sarco-
• les canaux calciques voltage-dépendants de type L de la plasmique. La décroissance du calcium intracytoplasmique
membrane du sarcolemme, en allongeant le temps d’ou- entraîne un accroissement de la relaxation (lusitropie) ;
verture des canaux et en augmentant la concentration • la stimulation des récepteurs b2-adrénergiques conduit à
intracellulaire de calcium, ce qui conduit à une plus l’activation des protéines Gi ou Gq (différentes de la pro-
grande stimulation des canaux sarcoplasmiques de relar- téine Gs couplée aux récepteurs b1-adrénergiques). Gi a
gage du calcium et, donc, à une plus grande disponibilité pour rôle important d’inhiber l’adénylcyclase et, donc,
du calcium pour la contraction ; d’opposer ses effets à ceux de la protéine Gs. Gq active la
• les canaux d’échange Na+/H+ du sarcolemme ; phospholipase C qui, en séparant le phosphatidyl-inositol
• les pompes Na+/K+ du sarcolemme ; biphosphate, va libérer deux messagers intracellulaires :
le diacylglycérol (DAG) et l’inositol triphosphate (IP3).
(L’IP3 est l’équivalent, pour le récepteur b2, de l’AMPc
pour les récepteurs b1) ;
• l’IP3 se fixe sur le récepteur à l’IP3 du réticulum sarcoplas-
mique, ce qui entraîne un relargage du calcium de ce
réticulum vers le cytoplasme. Le calcium se combine avec
la calmoduline et active les pompes à calcium du sarco-
lemme, permettant la sortie du calcium intracellulaire,
ainsi que plusieurs protéines kinases calmoduline-dépen-
dantes.
Cette voie de signalisation conduit à :
• la phosphorylation du phospholamban (augmentation
de l’activité de la pompe calcique du réticulum sarcoplas-
mique, ce qui induit un transfert calcique du cytoplasme
vers le réticulum sarcoplasmique) ;
• la phosphorylation de l’échangeur Na+/Ca2+ du sarco-
é
lemme. Le calcium intracellulaire est échangé contre du
sodium extracellulaire ;
• la phosphorylation de la chaîne légère de la myosine.
Le diacylglycérol et la calmoduline activent conjointe-
ment la protéine kinase C. Cette voie de signalisation
conduit à :
• la phosphorylation des canaux K+ ATP-dépendants mito-
chondriaux ;
• la phosphorylation de la chaîne légère de la myosine.
Enfin, les protéines kinases A et C affectent l’expression
des gènes dans le noyau cellulaire par l’intermédiaire de
la voie de signalisation de la protéine kinase activée par le
mitogène (PKAM) qui inclut une GTPase monomérique
(Ras), une autre PKAM (Raf), une kinase extracellulaire
régulée par le signal et activée par le mitogène (KEM) et
une kinase extracellulaire régulée par le signal (KER).

Figure 2 / Cascade de la signalisation au sein du cardiomyocyte


AC : adénylcyclase ; AMPc : AMP cyclique ; Cam : calmoduline ; Géométrie des chambres
CamK : protéine kinase calmoduline-dépendante ;
CCVD : canaux calcium voltage-dépendants ; cardiaques (figure 3)
CRC : canaux de relargage du calcium ;
CL2M : chaîne légère 2 de la myosine ; CtnI : calcium-troponine I ; Tandis que chaque myocyte est capable de se contracter
DAG : diacylglycérol ; IP3 : inositol triphosphate ; (de modifier sa longueur et de se mettre en tension), c’est
KEM : kinase extracellulaire activée par le mitogène ; l’association de milliers de myocytes en trois dimensions
KER : kinase extracellulaire régulée par signal ; qui permet au cœur de développer une pression et d’exer-
PFFK : protéine de fixation du FK 506 ; PLB : phospholamban ;
PLC : phospholipase C ; PKA : phosphokinase A ;
cer sa fonction de pompe. Considérer le ventricule gauche
PKC : phosphokinase C ; RAb1 : récepteurs adrénergiques b1 ; comme une sphère à paroi fine permet de caractériser la
RAb2 : récepteurs adrénergiques b2 ; RS : réticulum sarcoplasmique. relation entre la pression intraventriculaire et la tension
pariétale dans le cadre de la loi de Laplace :

50
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page51

Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

Pr = sh (2 + h/r)
où P est la pression intraventriculaire, r le rayon interne de
la sphère, s la tension pariétale et h l’épaisseur de la paroi.
En simplifiant cette équation, on obtient :
s = Pr/2h.
Ainsi, c’est la tension pariétale qui représente la charge
contre laquelle le muscle cardiaque doit se contracter pour
éjecter le volume systolique. Sinus des
veines coronaires
Cependant, l’application de la loi de Laplace à un
modèle sphérique du ventricule gauche nécessite trois
conditions :
• l’épaisseur de la paroi et le diamètre interne restent
constants ;
• la paroi est fine par rapport au rayon interne et la ten-
sion pariétale est constante en chaque point de la paroi ;
• la chambre est au repos.
En réalité, le ventricule gauche est plus une ellipse étirée
qu’une sphère et la tension pariétale n’est pas équivalente
en tout point de la paroi. Néanmoins, la loi de Laplace
apporte des informations intéressantes sur les fondements
des altérations pathologiques de la tension pariétale.
Par exemple, alors que le rétrécissement aortique et
l’insuffisance aortique augmentent la tension pariétale,
l’hypertrophie concentrique associée au rétrécissement
conduit à un épaississement de la paroi responsable d’une Figure 3 / Géométrie des chambres cardiaques
diminution de la tension pariétale malgré l’augmentation Coupe longitudinale (A) et transversale au niveau ventriculaire (B).
du rayon et de la pression. Ceci a des implications cliniques
du fait de la relation directe entre tension pariétale et
consommation d’oxygène myocardique.
La conformation en croissant et les caractéristiques de A B C D A
la contraction du ventricule droit empêchent toute modé- 100
lisation. Même si la relation entre tension pariétale et pres-
sion intraventriculaire persiste, il est impossible d’intégrer Pression
la notion de rayon interne ou d’homogénéité de la tension ventriculaire
pariétale. Conceptuellement, même si la pression systo- gauche (mmHg)
lique du ventricule droit équivaut à 20 % de celle du ven-
tricule gauche, le volume du ventricule droit étant plus
0
grand et sa paroi plus fine, les tensions pariétales ne doi- Volume VFD
vent pas être très différentes. ventriculaire 100
gauche (mL)
VFS
0
Déterminants dynamiques
de la fonction ventriculaire RPVFS
ouverture
100 C valve aortique
Les déterminants fondamentaux de la fonction de la
pompe ventriculaire sont la fréquence, le rythme car- Pression
diaque, la précharge, la postcharge et la contractilité. ventriculaire
Précharge, postcharge et contractilité sont des concepts gauche (mmHg)
dérivés d’études sur le muscle isolé et sont difficiles à
apprécier in vivo. La meilleure connaissance de la physio- 50 D
logie, l’accès de plus en plus répandu aux techniques B RPVFD
VFD
d’imagerie en temps réel et l’amélioration des techniques VFS
d’évaluation des volumes intracavitaires ont permis aux cli-
niciens d’améliorer la connaissance de ces déterminants.
A
L’appréciation de la façon dont ces déterminants 0
influent sur la performance myocardique peut être amé- 100 200
liorée en analysant les courbes pression-volume cardiaque. Volume ventriculaire gauche (mL)
Ces courbes ont été élaborées dès la fin du XIXe siècle par
Frank à partir du cœur de la grenouille. La figure 4 (partie Figure 4 / Création d’une courbe pression-volume (partie basse)
à partir des changements de pression et de volume
basse) décrit une courbe pression-volume du ventricule
au cours du cycle cardiaque (partie haute)
gauche dans laquelle les différentes phases du cycle car- A : remplissage ventriculaire ; B : contraction isovolumétrique ;
diaque sont facilement identifiées. Deux zones de cette C : éjection ventriculaire ; D : relaxation isovolumétrique.
courbe sont particulièrement importantes : VFS : volume de fin de systole ; VFD : volume de fin de diastole ;
• le « coin » en haut à gauche traduit la fin de l’éjection et RPVFD : relation pression-volume de fin de diastole ;
la fermeture des sigmoïdes aortiques et est largement RPVFS : relation pression-volume de fin de systole.
utilisé pour déterminer la contractilité du ventricule

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

gauche fondée sur la relation pression-volume de fin de (mais pas forcément l’activité électrique) des contractions
systole (RPVFS), qui est précharge-dépendante ; segmentaires peuvent influencer les performances de la
• le « coin » en bas à droite est le point de fin de diastole. pompe cardiaque.
Il est utilisé pour évaluer la fonction diastolique fondée
sur la relation pression-volume de fin de diastole (RPVFD) Dans les conditions normales, une partie du travail du
et la contractilité fondée sur la relation entre volume de ventricule droit est en fait réalisé par le ventricule gauche
fin de diastole (VFD) et le travail éjectionnel (voir chapi- et le septum. Vingt à 40 % de la pression du ventricule
tre 4). droit sont générés par la contraction du ventricule gauche
et les mouvements du septum (interaction ventriculaire).
La fin de l’éjection n’est pas toujours facile à identifier,
en particulier sur la courbe pression-volume du ventricule Il faut savoir que dans les conditions physiologiques,
droit qui est plus triangulaire avec un coin supérieur l’augmentation de la fréquence cardiaque n’entraîne pas
gauche moins marqué et une période de relaxation isovo- d’augmentation du débit cardiaque. Cette augmentation
lumétrique plus courte (figure 5, partie gauche). ne survient que si le volume d’éjection ne diminue pas.
Cette condition n’est remplie que si l’accélération de la fré-
quence s’accompagne d’une augmentation de la force de
Ventricule droit Ventricule gauche contraction et/ou d’une diminution de la postcharge. C’est
ce qui se produit au cours de l’effort musculaire où la sti-
mulation sympathique produit ces deux effets.
C C

Précharge
B La précharge représente le volume (et, par extension,
la pression) que produit l’allongement des myofibrilles et
D elle détermine la longueur du sarcomère avant la contrac-
D tion. Elle est directement corrélée à la tension pariétale de
B
fin de diastole. Les limites de la mesure des volumes intra-
cardiaques ont conduit à utiliser les pressions comme indi-
cateur indirect de la précharge. Des avancées récentes dans
A A les techniques de mesure des volumes intraventriculaires
ont considérablement amélioré l’évaluation clinique des
Figure 5 / Comparaison des courbes pression-volume
du ventricule droit et du ventricule gauche relations pression-volume diastolique et, donc, de la fonc-
tion diastolique. La pression et le volume de fin de diastole
sont déterminés par de nombreux facteurs qui influent de
manière extrinsèque sur le retour veineux et de manière
intrinsèque sur la relaxation et la capacité du cœur à se
remplir (tableau 1).
Tableau 1 / Facteurs influençant la compliance
et le remplissage ventriculaire Le ventricule passe normalement par quatre phases en
Pression intrathoracique
diastole : la relaxation isovolumétrique, le remplissage pré-
coce rapide, le diastasis et la systole auriculaire.
Extrinsèques Inflammation ou épanchement péricardique
De toutes ces phases, seule la relaxation isovolumé-
Masse intrapéricardique trique est active et requiert une dépense énergétique par
Hypertrophie concentrique les myocytes ventriculaires. Cette relaxation ventriculaire,
(HTA chronique ou sténose valvulaire) appelée lusitropie, peut être quantifiée par la valeur mini-
Cardiomyopathie chronique male de la dérivée de la pression ventriculaire par rapport
Intrinsèques au temps (– dP/dt) ou, plus précisément, comme une
Ischémie aiguë constante de temps de réduction isovolumétrique de la
Infarctus du myocarde pression (t). Le calcul de ces deux paramètres nécessite une
mesure extrêmement précise de la pression ventriculaire
HTA : hypertension artérielle
et l’utilité du calcul de (– dP/dt) est limitée par sa dépen-
dance à la pression développée par le ventricule et du fait
que le maximum de la réduction de pression est déterminé
par un seul point. Le calcul de t est fondé sur la diminution
Fréquence mono-exponentielle de la pression pendant la phase iso-
volumétrique du cycle. Cette phase débute à partir de la
et rythme cardiaques fin de l’éjection (définie comme le point de pic de – dP/dt)
jusqu’à l’ouverture de la valve mitrale. On peut ainsi obte-
Il est évident que la fréquence et le rythme cardiaques nir l’équation suivante :
interviennent sur la performance de la pompe. Cependant, P = A– t/t
certaines subtilités existent : dans laquelle P est la pression ventriculaire, A est la
• par exemple, sur un cœur normal, lorsque la fréquence pression ventriculaire à – dP/dt, t est l’instant après – dP/dt
cardiaque (FC) augmente, la force de contraction aug- et t est la constante de temps de la relaxation.
mente aussi initialement (relation positive force-fré-
Le remplissage passif rapide suit cette période de
quence) ;
relaxation isovolumétrique et commence lorsque la pres-
• dans le cas d’un cœur défaillant, une augmentation de
sion dans l’oreillette dépasse la pression intraventriculaire.
la fréquence peut conduire à une diminution de la force
Pendant cette période, le retrait élastique du myocarde
contractile (relation négative force-fréquence).
combiné avec la relaxation crée un gradient de pression
De façon identique, alors que l’impact d’une arythmie ventriculo-atrial (effet de succion) qui facilite le remplis-
sur le remplissage et l’éjection est facilement mise en évi- sage ventriculaire. Comme le gradient de pression ventri-
dence, des facteurs subtils qui altèrent la synchronisation culo-atrial diminue, la phase de diastasis (remplissage lent)

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:57 Page53

Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

commence et se poursuit jusqu’à la systole auriculaire. Le posants de la postcharge ventriculaire quand on analyse
remplissage passif rapide fournit normalement 75 à 80 % cela pour déterminer la situation et la magnitude de
du volume ventriculaire de fin de diastole, les périodes de l’onde de réflexion et quand cela correspond à un modèle
diastasis et de systole auriculaire fournissant respective- à trois éléments de la circulation imitant un circuit élec-
ment 3 à 5 et 15 à 25 % de ce volume. De nombreux fac- trique. Un tel modèle contient :
teurs peuvent altérer le processus de remplissage : la • un composant courant continu (indépendant de la fré-
stimulation par le nœud auriculo-ventriculaire, l’échappe- quence) qui représente la charge non pulsatile et est
ment ventriculaire et les anomalies de compliance ventri- caractérisé par l’impédance Z0 à la fréquence 0 ;
culaire. Les caractéristiques de la compliance ventriculaire • un composant courant alternatif, fréquence dépendant,
dans les états pathologiques peuvent être quantifiées en qui représente la charge pulsatile et caractérisé par Zc à
mesurant la résistance de la chambre (relation exponen- une fréquence moyenne de 3 Hz ou plus ;
tielle pression-volume de la chambre) et la résistance myo- • un condensateur qui est caractérisé par la compliance de
cardique (propriété du myocarde reflétant sa résistance à l’aorte proximale ou de l’artère pulmonaire qui, par la
l’étirement). rétraction élastique, transmet l’énergie en aval durant la
diastole.
La meilleure compréhension des relations entre relaxa-
tion ventriculaire, résistance de la chambre, remplissage Ce modèle de wind kessel (réservoir à air) a été décrit
diastolique et longueur du sarcomère révèle que la défail- par Frank en 1899. Il est fondé sur les similarités avec les
lance cardiaque se manifestant par un débit cardiaque bas premiers systèmes des pompiers qui permettaient le pom-
et une congestion vasculaire pulmonaire peut résulter page de l’eau à la main (travail pulsatile correspondant au
d’anomalies de la fonction systolique mais aussi diastolique. courant alternatif) dans une chambre pouvant se distendre
(élément de stockage de l’énergie) permettant la distribu-
tion de l’eau en flux continu.
Postcharge
Malgré l’intuitivité du concept de postcharge, c’est en Contractilité
fait un principe difficile à appliquer au cœur entier.
L’éjection est opposée à la charge hydraulique variable La contractilité reflète la capacité des myocytes à géné-
imposée par la circulation « sortante ». rer une tension en fonction d’une charge spécifique.
Quand la relation est telle que la tension est développée
Le plus proche parallèle de la postcharge défini sur le mus-
plus rapidement et/ou à un degré plus élevé pour la
cle isolé est peut-être la tension pariétale instantanée, mais
charge, la contractilité est augmentée. Starling, en 1918,
ce paramètre est difficile à quantifier en pratique clinique.
énonçait « la loi du cœur » : la fibre myocardique,
Par conséquent, la postcharge ventriculaire est couramment
lorsqu’elle est étirée, se contracte plus énergiquement
résumée comme étant la relation entre la pression moyenne jusqu’à une distension optimale au-delà de laquelle la
et le débit moyen et exprimée en termes de résistance vascu- force développée est moindre.
laire systémique et/ou pulmonaire (RVS et/ou RVP).
Alors qu’elle est relativement facile à quantifier sur un
Les résistances vasculaires seules sont en tout cas une muscle isolé ou sur un cœur intact battant à volume
expression incomplète de la postcharge ventriculaire étant constant (donc lorsque les conditions de charge peuvent
donné que la pression et le flux générés par le cœur ne être contrôlées), la quantification de la contractilité sur le
sont pas stables et continus mais intermittents et pulsatiles. cœur éjectant est plus difficile. Les méthodes d’évaluation
De surcroît, en plus des forces résistives à l’état d’équilibre, de la contractilité sur cœur intact indépendantes de la
l’éjection s’oppose à des forces élastiques (les gros vais- charge ont prouvé l’extrême fiabilité sur des préparations
seaux dont la paroi se distend à chaque battement) et à expérimentales mais les applications en clinique n’ont pas
des forces réflectives (l’onde de pression se reflète de façon toutes été couronnées de succès. En général, les indices de
rétrograde). Pour incorporer les composantes pulsatiles et contractilité peuvent être obtenus à partir de la phase de
non pulsatiles en un seul indice de postcharge, on a intro-
duit le concept d’élastance artérielle effective (variation
totale de pression au sein de l’aorte ou de l’artère pulmo-
naire divisée par la variation de volume survenant au cours 2 000 Z0
Amplitude (dyn.s.cm– 5)

d’un cycle cardiaque). Toutefois, ceci permet une approche


globale mais ne dissocie pas les composantes pulsatiles et 1 500

non pulsatiles. IMPÉDANCE


1 000
CARACTÉRISTIQUE
Pour réaliser cette dissociation, les pressions aortique
et artérielle pulmonaire proximale doivent être considé-
rées comme des composants individuels (chaque onde 500

représentant en fait la somme des ondes antérogrades et


rétrogrades de fréquence multiple) et être utilisées pour 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
calculer l’impédance d’entrée (Zin).
Fréquence (Hz)
L’analyse (dans le domaine des fréquences) de la pres-
sion et du flux au cours du cycle cardiaque permet la créa-
tion d’un spectre d’impédance dans lequel les amplitudes
Phase (radians)

1
pression-flux et la phase sont classées en fonction du niveau
de fréquence, la phase désignant en fait la relation pha-
0
sique entre la pression et l’onde de flux à chaque fré-
quence. Lorsqu’elle est négative, le flux précède la pression. –1
Ce paramètre est un élément important pour l’évaluation
des caractéristiques de l’onde réfléchie (figure 6).
Figure 6 / Spectre de l’impédance d’entrée généré à partir
Les composants spécifiques de l’impédance d’entrée d’enregistrements des pressions et débits à la racine de l’aorte
peuvent alors être utilisés pour représenter différents com-

53
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

relaxation isovolumétrique, de la phase d’éjection ventri- déterminer la fraction d’éjection à partir de mesures de
culaire, de la relation pression-volume de fin de systole ou volume réalisées par imagerie (échographie, angiographie,
de la relation entre travail éjectionnel et volume de fin de IRM, scanner en TEP) ou par thermodilution.
diastole. Alors que la fraction d’éjection apporte des renseigne-
ments importants en termes de fonction systolique, elle est
Indices dérivés de la phase lourdement influencée par la postcharge, ce qui réduit sa
de contraction isovolumétrique valeur à un simple indice de contractilité. Cette dépen-
dance par rapport à la charge est commune virtuellement
Un des indices le plus simple et les plus utiles est l’étude à tous les indices de contractilité fondés sur la phase d’éjec-
de la première dérivée de la pression développée, dP/dtmax, tion. Un seul indice fait peut-être exception, le taux maxi-
qui est suffisamment sensible pour détecter des altérations mal de rendement, qui représente le produit de la pression
aiguës de la contractilité. Elle est facile à interpréter et par le débit par unité de temps pendant l’éjection. Dans ce
relativement indépendante de la postcharge. paramètre, la relation entre la pression et le débit est lar-
gement déterminée par la postcharge (c’est-à-dire qu’à
Les désavantages sont la nécessité d’avoir des enregis- postcharge basse, plus de débit et moins de pression sont
trements de pression de haute qualité, les distorsions du générés) et le taux maximal de rendement est donc moins
fait des propriétés de la paroi, les anomalies valvulaires et sensible aux altérations de la postcharge (quand celle-ci
l’influence non négligeable de la précharge. Pour compen- reste dans les normes physiologiques).
ser la dépendance vis-à-vis de la précharge, on peut utiliser
dP/dt comme la pression développée à partir d’une pression Indices dérivés
donnée ou en étudiant la relation entre dP/dtmax et le de la relation pression-volume
volume de fin de diastole (VFD).
À la fin des années 1970, Suga et Sagawa commencent
à décrire l’utilisation de la relation pression-volume de fin
Indices dérivés de systole pour caractériser la contractilité ventriculaire
de la phase d’éjection dans un modèle indépendant de la charge fondé sur le
concept de l’élastance en volume (E). E est définie par
L’indice clinique global de la fonction contractile le plus DP/DV, soit l’inverse de la compliance. C’est le concept de
utilisé est la fraction d’éjection (FE). Calculé comme le rap- time variying elastance.
port du volume éjecté au volume de fin de diastole, sa
valeur normale est de 60 à 70 % et la fraction d’éjection Le cœur vide étant considéré comme un ballon élas-
normale du ventricule droit est de 45 à 50 %. Les tech- tique, le remplissage commence par une période où le
niques invasives et non invasives ont été utilisées pour volume augmente sans augmentation (significative) de
pression. Un volume V0 est atteint pour lequel le conte-
nant passe d’un état à pression zéro à un état sous pres-
sion. Et la pression commence à augmenter au fur et à
mesure de l’augmentation de volume. Si la courbe pres-
PPE PE
sion-volume réalisée est linéaire, la pente en chaque point
P et V Volume VG de volume V et la pression correspondante P permettent
Pression VG d’avoir :
E = P/(V – V0).
A
Dans tous les cas, à la différence d’un ballon, le cœur
augmente activement sa tension pariétale au cours de la
Temps contraction. Comme la paroi se rigidifie, la relation pres-
P/V sion-volume et donc E changent. Le rapport pression-
volume augmente au cours de la contraction pour
atteindre un maximum en fin de systole (figure 7).
B Sur le cœur intact, l’élastance en fin de systole peut être
déterminée en modifiant les conditions de charge (occlu-
sion de la veine cave). On peut ainsi produire un panel de
Temps
courbes pression-volume et obtenir, par régression logis-
δP/δt tique, le point de fin de systole. La pente de cette régres-
sion est l’élastance de fin de systole (EFS) et l’intersection
avec l’axe des abscisses représente V0 (figure 7).
C
Cette méthode table sur le fait que V0 reste relativement
Temps constant et que la pente P/(V – V0) reste linéaire, ce qui est
Élastance EFS vrai dans la plupart des situations physiologiques. Les alté-
rations aiguës de la contractilité (par ex., les effets inotropes
négatifs des agents halogénés) peuvent altérer la pente de
D la relation pression-volume de fin de systole mais aussi l’in-
tersection de la courbe V0 (figure 8).
Temps
De plus, des relations non linéaires de la relation pres-
sion-volume de fin de systole ont été décrites. Ainsi, l’EFS
Figure 7 / Paramètres ventriculaires gauches peut être influencée par la façon dont la fin de systole est
au cours d’un cycle cardiaque
PPE : période pré-éjectionnelle ; PE : période éjectionnelle ; définie. On énonce souvent que celle-ci survient au point
EFS : élastance de fin de systole ; VG : ventricule gauche ; de quotient P/V maxi appelé également Emax. Ainsi, de
VD : ventricule droit. nombreux chercheurs utilisent Emax à la place d’EFS. La
pente de la droite reflète ainsi l’inotropisme.

54
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Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

Une alternative à l’EFS est le travail éjectionnel recru- entre le Ca2+ et la troponine mais le mécanisme commun
table par la précharge (TERP) qui représente en fait une dépend de la disponibilité du Ca2+ et de la sensibilité de
linéarisation de la relation de Frank-Starling. Pour le mesu- la troponine au Ca2+. Les altérations de la contractilité peu-
rer, on pratique expérimentalement une diminution aiguë vent être aiguës ou chroniques et un changement de
du retour veineux au cœur intact. L’aire de chaque courbe réponse à l’utilisation de certains médicaments est très sou-
pression-volume représente le TERP fourni à chaque bat- vent la conséquence d’un changement au niveau des
tement. La dérivée de ce travail en fonction du volume de récepteurs de membrane (nombre ou affinité) ou de l’in-
fin de diastole est calculée et représentée sur la figure 9. terruption des phénomènes survenant en aval de ces
La pente de cette relation détermine le travail que peut récepteurs.
fournir le cœur pour une précharge donnée. Quand la
contractilité augmente ou diminue, la pente augmente ou
diminue lorsque le cœur fournit plus ou moins de travail
pour une précharge donnée. Courbe pression-volume du VG
Dans le cas d’une altération aiguë de la contractilité,
cette technique apparaît plus fiable que le calcul de V0 et
comme plus sensible en termes de variation de la pente
qu’Emax.

Pression VG
De nombreux facteurs physiologiques ou pharmacolo-
giques altèrent directement la contractilité (tableau 2)
alors que d’autres agissent de manière indirecte en stimu-
lant la réponse régulatrice du système nerveux autonome
(vasodilatateurs). La base de la contraction est le couplage

Volume VG

TERP
Pression
VG
Travail éjectionnel

1 2

V0 V0 Volume
VG
VFD
Figure 8 / Courbe pression-volume du ventricule gauche (VG)
au cours d’une réduction aiguë de la précharge (occlusion Figure 9 / Travail éjectionnel recrutable par la précharge (TERP)
de la veine cave) à l’état basal (1) et sous halothane à 1 % (2) VFD : volume de fin de diastole ; VG : ventricule gauche.

Tableau 2 / Facteurs affectant la contractilité

Premier effet Deuxième effet Contractilité


Glycosides cardiaques Inhibition de la NA+/K+ ➚ Ca2+ intracellulaire Augmentée
(digoxine, digitoxine, etc.) ATPase

➚ AMPc ➚ Relargage de Ca2+ par le RS


Agonistes b-adrénergiques,
➚ Affinité de la troponine C pour Ca2+
agonistes H2 Augmentée
Glucagon, inhibiteurs Activation de la PKA
de la phosphodiestérase
Active la phospholipase C ➙ ➚ Sensibilité des myofilaments au Ca2+
➚ IP3 et DAG ➚ Peut-être le relargage
Agonistes a-adrénergiques
Angiotensine II, Augmentée
endothéline Activation de la PKC et la réabsorption de Ca2+ par le RS
Agonistes ➚ Transitoirement le Ca2+ ➚ Relargage de Ca2+ par le RS Augmentée
des canaux calciques lors de la dépolarisation

➚ Transitoirement le Na+ ➚ Expression


Stimulation mitochondriale Altération des iso-enzymes de la myosine

➚ Ca2+ intracellulaire
Hormones thyroïdiennes Augmentée
des récepteurs b-adrénergiques
➘ Réabsorption de Ca2+ par le RS
➘ ATP ➚ Niveau de repos du myoplasme
Diminuée, augmente
Hypoxie la tension de repos

Acidose ➘ Transitoirement ➚ Entrée de Na+ après amélioration Diminuée


Ca2+ intracellulaire des échanges H+/Na+
AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; ATP : adénosine triphosphate ; DAG : diacylglycérol ; IP3 : inositol triphosphate ; PKA : protéine kinase A ;
PKC : protéine kinase C ; RS : réticulum sarcoplasmique

55
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Interactions est basse. À haute résistance, ce travail est faible car le


débit est faible. Entre les deux, si la contractilité est main-
ventricule-vaisseaux tenue constante, il existe un point au niveau duquel le pro-
duit pression × débit est maximal et la postcharge est alors
dite correspondante de façon optimale avec la contracti-
À chaque battement, le cœur dépense une certaine
lité. Comme on l’a vu au chapitre 2, la postcharge est
quantité d’énergie contre le développement d’une tension
pour produire une pression et le raccourcissement des déterminée non seulement par les résistances à l’état
myocytes entraînant la création d’un flux. d’équilibre mais aussi par les facteurs pulsatiles générés par
les gros vaisseaux élastiques.
La balance entre tension et raccourcissement dicte les
performances et l’efficience de la chambre en tant que Par extension de ce concept d’adaptation idéale ventri-
pompe. Elle est donc influencée à la fois par la postcharge culo-vasculaire, on peut considérer le travail en situation
et la contractilité. Comprendre l’interaction entre les deux pulsatile et non pulsatile. Cela permet de quantifier le tra-
peut être très important en clinique dans le traitement des vail généré par le système pour faire progresser le sang et
patients à fonction ventriculaire compromise. Un certain le travail perdu en pulsatilité (c’est-à-dire utilisé pour dis-
nombre de méthodes ont été décrites pour caractériser les tendre le système). La puissance de sortie qui représente
interactions ventricule-vaisseaux. Depuis longtemps, la plus le travail par unité de temps est calculée en multipliant la
utilisée est la fraction d’éjection qui apporte des informa- pression instantanée par le débit. Pour chaque cycle car-
tions générales sur la pompe cardiaque mais pas sur l’effi- diaque, l’aire sous la courbe ainsi représentée est la puis-
cacité du travail cardiaque. sance totale pour ce cycle (WT). Pour une série de cycles,
Une approche relativement simple de cette question est des valeurs moyennes peuvent être calculées et l’on peut
d’examiner le travail hydraulique fourni par le ventricule ainsi obtenir la puissance à l’état d’équilibre (Wss). Comme
(pression × débit) à plusieurs niveaux de résistance. À basse WT = Wss + Wos
résistance, le travail hydraulique est faible car la pression (puissance oscillatoire), Wos peut être obtenue par sous-
traction. Ainsi, en examinant la quantité de travail néces-
saire pour déplacer 1 mL de sang à travers le système
pendant une unité de temps et la distribution de WT entre
Wss et Wos, on obtient un moyen aisé pour établir l’éner-
gie réellement transmise du ventricule à la circulation.
Peut-être l’approche la plus complète pour évaluer les
interactions ventricule-vaisseaux est-elle fondée sur l’ex-
pression de la contractilité et de la postcharge en termes
d’élastance. Comme on l’a vu précédemment, l’élastance
vasculaire résume la postcharge totale et l’élastance ven-
triculaire de fin de systole la contractilité. Lorsque le ratio
élastance vasculaire/élastance ventriculaire de fin de sys-
tole est de 0,5 (postcharge basse comparée à la contracti-
lité), l’efficacité cardiaque est maximale en termes de
travail réalisé par rapport à la consommation d’oxygène.
Lorsqu’il est égal à 1, le cœur effectue le travail d’éjection
maximal. Comme les mesures d’élastance de fin de systole
représentent les relations pression-volume, il est possible
de calculer la fraction d’éjection par :
FE = élastance ventriculaire/
(élastance vasculaire + élastance ventriculaire).

Lorsque la relation est telle que le cœur effectue le tra-


vail maximal (ratio = 1), il est évident que la fraction d’éjec-
tion est égale à 50 %.

Régulation extrinsèque
du débit cardiaque
Des facteurs humoraux extracardiaques peuvent
influencer la contractilité du cœur : oxygène, gaz carbo-
nique, pH, électrolytes, température, catécholamines cir-
culantes. Les facteurs les plus importants de la régulation
sont les nerfs cardiaques : fibres orthosympathiques et
parasympathiques (voir chapitre 12).
Les barorécepteurs envoient en permanence des influx
inhibiteurs aux centres bulbaires. L’augmentation de pres-
sion entraîne une augmentation des influx frénateurs et la
stimulation du X. Une baisse des influx (baisse de pression
détectée par les barorécepteurs) entraîne une stimulation
du sympathique et de la médullosurrénale.
Figure 10 / Régulation extrinsèque du débit cardiaque
MS : médullosurrénale ; NTS : noyau du tractus solitaire ; Les centres bulbaires reçoivent des informations d’au-
GG : ganglion ; MET : moelle épinière thoracique. tres origines qui peuvent participer à la régulation du débit
cardiaque (figure 10).

56
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:58 Page57

Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

Évaluation clinique tivement constants, le débit sanguin est inversement pro-


portionnel à l’aire sous la courbe de dilution. La précision
de la fonction ventriculaire et la reproductibilité de la méthode de thermodilution
dépendent des caractéristiques de l’injection et de l’injec-
et du débit cardiaque tat (vitesse, volume propre, moment du cycle ventilatoire),
des caractéristiques de mélange de l’injectat dans le ven-
tricule droit et d’une calibration satisfaisante du système
Parmi les multiples techniques disponibles, certaines
de mesure. Lorsque les conditions de mesure sont respec-
sont uniquement diagnostiques alors que d’autres sont
tées, les mesures par thermodilution sont extrêmement
applicables en monitorage cardiaque au lit du patient. Une
précises. Néanmoins, les variations dans la technique de
variété de méthodes fondées sur l’estimation des volumes
mesure, un volume injecté inapproprié et des anomalies
a été décrite.
physiologiques comme l’insuffisance tricuspide peuvent
Les techniques d’imagerie des chambres (angiographie, conduire à des erreurs significatives. La capacité à mesurer
échographie, résonance magnétique) sont les plus com- des changements de la température sanguine à chaque
munes. Elles sont bien meilleures pour le ventricule gauche cycle permet aux thermistances à réponse rapide d’estimer
que pour le ventricule droit étant donné la géométrie de la fraction d’éjection du ventricule droit à partir de la dif-
la chambre. férence entre les plateaux de température diastolique suc-
cessifs. Cette mesure est utilisée parallèlement à la mesure
Les techniques scintigraphiques (évaluation de la
du volume systolique (VS) pour calculer le volume de fin
radioactivité en fonction du temps) sont indépendantes de
de systole (VFS) et le volume de fin de diastole (VFD) par
la géométrie de la chambre. Elles permettent la détermi-
la relation :
nation de la fraction d’éjection mais aussi du taux de rem-
VFD = VS/FE
plissage et du temps d’éjection. Elles ont, de plus, été
VFS = VFD – VS.
largement utilisées pour l’évaluation préopératoire et
postopératoire de la fonction ventriculaire. Néanmoins, comme cette technique utilise la méthode
de dilution, les mesures en clinique de la fraction d’éjection
Deux méthodes principales sont utilisables en réanima-
du ventricule droit sont sujettes à des erreurs liées à la posi-
tion et au bloc opératoire : le cathéter artériel pulmonaire
tion du cathéter, à la dilatation du ventricule droit et à
et l’échocardiographie.
l’existence d’une insuffisance tricuspidienne (IT).
Des données ont été rapportées à partir d’un cathéter
Techniques modifié permettant des mesures à chaque cycle. Ce dispo-
sitif a été commercialisé puis retiré du marché. Il compor-
Cathéter artériel pulmonaire tait deux sondes Doppler et deux transmetteurs
ultrasoniques de mesure du temps de transit positionnés à
Depuis l’introduction du cathéter de Swan-Ganz en pra- 12-13 cm de l’extrémité. Une fois positionnés à la racine de
tique clinique au début des années 1970, ce dispositif est l’artère pulmonaire, ces transmetteurs mesurent en
devenu la référence pour l’évaluation de la fonction car- continu la vélocité sanguine, l’angulation du cathéter et le
diaque en réanimation et en période per-opératoire. Le diamètre interne du vaisseau. Le diamètre corrigé en fonc-
cathéter permet la mesure directe des pressions droites tion de l’angulation du cathéter permet de calculer l’aire
(oreillette droite, ventricule droit et artérielles pulmonaires), de section du vaisseau qui, multipliée par la vélocité, per-
la mesure indirecte des pressions de l’oreillette gauche et la met d’obtenir un débit sanguin instantané.
mesure du débit cardiaque par thermodilution. Des amélio-
rations récentes permettent d’avoir des thermistances à • Précharge
réponse rapide, des transducteurs de pression de haute fidé-
lité, des fibres optiques pour mesure en continu de la satu- Même si la précharge est plus fonction du volume que
ration du sang veineux mêlé en oxygène (SvO2) et des de la pression, celle du ventricule droit peut être indexée
dispositifs électroniques miniaturisés pour mesurer le débit sur les mesures de pression atriale droite moyennes et les
artériel pulmonaire. mesures de pression du ventricule droit de fin de diastole.
Une grande variété de paramètres peut ainsi être obte- Les pressions atriales droites devraient être interprétées
nue à partir de ces cathéters pour caractériser la fonction prudemment et en fonction de la morphologie de la
bi-ventriculaire. courbe de pression. Par exemple, une courbe amortie ne
reflétera pas de façon précise la pression du ventricule
• Débit sanguin artériel pulmonaire droit de fin de diastole, et des perturbations rythmiques
comme l’ectopie auriculo-ventriculaire provoqueront une
Un paramètre important du cathétérisme artériel pul- distorsion de la courbe et une pression de l’oreillette droite
monaire est la mesure du débit cardiaque par thermodilu- moyenne substantiellement plus élevée que la vraie pres-
tion. Comme les débits aortique et pulmonaire sont sion du ventricule droit de fin de diastole.
couplés à l’état d’équilibre, le débit artériel pulmonaire
représente un bon équivalent du débit cardiaque. Comme La précharge du ventricule gauche est évaluée en pra-
la fréquence cardiaque peut influencer de façon impor- tique par la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire
tante le débit cardiaque, le calcul du volume systolique (PAPO). Elle est déterminée en mesurant la pression en aval
(VES ou volume d’éjection systolique) est souvent une d’un ballonnet gonflé dans une branche de l’artère pulmo-
valeur plus fiable en clinique que le débit cardiaque seul. naire. La PAPO reflète la pression atriale gauche transmise
La méthode de thermodilution pour la mesure des débits a retro par les veines pulmonaires, les capillaires et la cir-
utilise une adaptation de l’équation de Stewart-Hamilton culation artérielle distale. Ces pressions atriales apportent
qui considère la gravité spécifique, la chaleur spécifique, une estimation mais pas une mesure directe de la pression
la température de l’injectat et du sang, le volume injecté de l’oreillette gauche moyenne qui est elle-même une esti-
et un facteur de correction pour compenser le réchauffe- mation et non une mesure directe du volume ventriculaire
ment de l’injectat le long du cathéter. Au dénominateur gauche de fin de diastole. Étant donné le caractère indirect
de l’équation, on trouve l’aire sous la courbe de dilution de la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire comme
de l’injectat froid avant son retour à la température basale. estimation de la précharge, les facteurs qui affectent la cir-
Alors que les autres paramètres de l’équation restent rela- culation pulmonaire (par ex., les lésions pulmonaires, la

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

ventilation mécanique) peuvent influencer l’utilité de la formation qu’un cathéter artériel pulmonaire. De récentes
valeur numérique obtenue. De même, pour que la mesure améliorations comme la détection automatique des limites
soit fiable, le cathéter doit être placé dans une zone où la des structures et l’imagerie en trois dimensions ont encore
pression artérielle pulmonaire est toujours supérieure à la amélioré la qualité des informations apportées par ce type
pression alvéolaire (zone 3 de West, voir chapitre 27). Ainsi d’échographie.
lorsque les conditions de mesure sont conservées, les chan-
gements de la PAPO au cours du temps apportent des • Débits sanguins
informations intéressantes.
De nombreuses techniques ont été décrites pour calcu-
ler le débit cardiaque à partir des mesures Doppler de la
• Postcharge
vélocité sanguine et des mesures ultrasoniques temps-
La postcharge des ventricules droit et gauche est com- mouvement (TM) des sections des vaisseaux ou des valves.
munément exprimée comme les résistances vasculaires pul- Depuis que l’ETO est capable de déterminer les vélocités
monaires et systémiques. Alors que ces données sont sanguines dans l’artère pulmonaire, à travers la valve
insuffisantes pour exprimer la postcharge globale, elles mitrale, à travers la chambre de chasse du ventricule
sont tout de même utiles en clinique lorsque l’on connaît gauche et dans la racine de l’aorte, des mesures de débit
leurs limites. dans ces différents sites ont pu être réalisées. Toutefois, en
raison des variations anatomiques et de problèmes tech-
La valeur de RVP est calculée comme :
niques liés à l’obtention de l’image optimale, des taux
PAPm – PCP/DC
d’échec de 24 % ont pu être rapportés à partir de mesures
et la valeur de RVS comme :
réalisées dans l’artère pulmonaire et en transmitral. Peut-
PAM – PVC/DC
être le meilleur site de mesure est-il la chambre de chasse
où PAPm est la pression artérielle pulmonaire moyenne,
du ventricule gauche qui produira la meilleure source de
PCP la pression capillaire pulmonaire, DC le débit car-
vélocité Doppler et permet l’application de différents
diaque, PAM la pression artérielle moyenne et PVC la pres-
modèles de calcul de l’aire de la valve aortique.
sion veineuse centrale.
La pression veineuse centrale étant faible comparée à • Précharge
la pression artérielle moyenne, les anomalies de la courbe
La capacité à observer l’aire de la section du ventricule
ont habituellement peu d’incidence sur les résistances vas-
gauche en continu par ETO a conforté l’idée que la pré-
culaires systémiques. En revanche, la pression capillaire pul-
charge est une manifestation du volume de fin de diastole
monaire est souvent plus élevée par rapport à la pression
et pas seulement de la pression. En effet, les données ETO
artérielle pulmonaire moyenne et peut significativement
sur les dimensions du ventricule gauche dans différentes
influencer le calcul des résistances vasculaires pulmonaires.
conditions opératoires ont clairement démontré que les
De plus, la mesure de ces résistances pulmonaires est beau-
changements dans les dimensions du ventricule gauche de
coup plus lourdement influencée par le calcul du débit car-
fin de diastole ne sont pas forcément corrélés à des modi-
diaque au point que même en l’absence d’effet direct sur
fications de PAPO. Cette observation souligne l’importance
la circulation pulmonaire, une baisse importante du débit
de considérer la compliance du ventricule gauche dans
cardiaque peut entraîner une forte augmentation des
l’évaluation de la fonction diastolique.
résistances vasculaires pulmonaires. Des améliorations
apportées aux cathéters artériels pulmonaires permettent En plus de l’imagerie directe de la chambre, l’évaluation
maintenant une caractérisation de la postcharge du ven- Doppler du flux veineux pulmonaire systolique (composant
tricule droit par calcul du diamètre interne de l’artère pul- systolique et diastolique) dans l’oreillette gauche et l’ins-
monaire et de la vélocité sanguine dans cette artère. pection visuelle des mouvements du septum interauricu-
L’utilisation de ce type de cathéter n’est pas répandue. laire vont apporter des informations sur les pressions de
remplissage du ventricule gauche. Ceci peut être particu-
• Contractilité lièrement intéressant quand l’interprétation des dimen-
sions du ventricule gauche appréciées directement est
Malgré leur utilité, les cathéters artériels pulmonaires
compliquée par des mouvements anormaux significatifs de
fournissent peu d’indications sur la contractilité du ventri-
certains segments de la paroi. En général, quand le com-
cule gauche. En revanche, en raison de l’accès direct qu’ils
posant systolique du flux veineux pulmonaire est inférieur
permettent aux cavités droites et à l’artère pulmonaire, des
à 55 % ou quand le septum interauriculaire ne montre pas
techniques ont été décrites pour évaluer la contractilité du
de mouvement paradoxal pendant la phase initiale de l’ex-
ventricule droit et ce, par deux approches :
piration suivant une inspiration en pression positive, la
• mesure du débit par Doppler et de la pression de l’artère
pression atriale gauche est au moins à 15 mmHg.
pulmonaire pour indexer la production de puissance du
ventricule droit ; L’ETO permet également l’évaluation des caractéris-
• mesures dérivées de la thermodilution des volumes de fin tiques du remplissage diastolique en se fondant en premier
de diastole et de fin de systole pour calculer le travail lieu sur les données du flux transmitral. Dans les conditions
éjectionnel recrutable par la précharge, comme nous normales, la majorité du remplissage du ventricule gauche
l’avons évoqué au chapitre 2. s’effectue pendant la phase précoce du remplissage rapide
de la diastole ainsi que pendant la systole auriculaire. En
Échocardiographie conséquence, les flux transmitraux montrent deux pics de
vélocité reflétant ces deux phases et désignées par E (early)
L’imagerie et la technique Doppler sont toutes deux et A (atrial ejection). Le rapport de ces deux ondes fournit
utiles pour monitorer la fonction ventriculaire. un moyen pratique d’évaluation du remplissage du ventri-
L’échographie trans-œsophagienne (ETO), en particulier, cule gauche ; dans un ventricule gauche normal et com-
est facilement utilisable en salle d’intervention et, avec des pliant, le rapport E/A est bien supérieur à 1. En revanche,
coupes transversales standard, elle apporte des images lorsque la compliance est réduite, la systole auriculaire
relativement claires de la morphologie, de la structure et devient plus importante pour le remplissage du ventricule
de la fonction ventriculaire locale et régionale des deux gauche et E/A est inférieur à 1. Cependant, lorsqu’il existe
ventricules. Quand il est réalisé avec précaution et adresse, une pathologie cardiaque avancée, ces paramètres peu-
un examen par ETO peut apporter quasiment autant d’in- vent être moins évidents (figure 11).

58
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Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

Fonction Dysfonction Dysfonction Dysfonction


diastolique diastolique diastolique diastolique
normale faible modérée sévère
(pseudo-normal) (restrictif)

Figure 11 / Caractéristiques du remplissage


diastolique du ventricule gauche 2 E A
en échocardiographie Doppler standard
Une relaxation anormale (dysfonction E A E A E A
diastolique faible) est due à une relaxation
anormalement lente du ventricule gauche

Vélocité du flux transmitral (m/s)


(VG), une vélocité de remplissage précoce
diminuée (onde E), un accroissement
de la vélocité associée à la contraction
atriale (onde A) et un ratio E/A diminué.
Pour une pathologie cardiaque plus avancée, 1
lorsque la pression auriculaire gauche a
augmenté, la vélocité de l’onde E et le ratio
E/A sont similaires aux valeurs normales
(pseudo-normal). Pour une pathologie plus
grave encore, des anomalies dans la
compliance ventriculaire surviennent
(décrites initialement dans les cardio-
myopathies restrictives). Dans ces deux
dernières situations, l’onde E de vélocité
normale ou augmentée est le produit 0
d’une augmentation de la pression
auriculaire gauche et d’un gradient Relaxation Normale î î î
transmitral élevé en début de diastole. VG
Ainsi, l’utilisation des vélocités transmitrales Compliance
seules pour évaluer les pressions de Normale Normale à î îî îîî
VG
remplissage du ventricule gauche peut poser
problème chez les patients présentant une Pression Normale Normale à ì ìì ììì
défaillance cardiaque diastolique. atriale

• Postcharge et des courbes de volumes obtenues à partir de l’ETO pour


construire des courbes qui rejoignent la portion systolique
Les résistances vasculaires sont un indicateur incomplet d’une vraie courbe pression-volume du ventricule gauche.
de la postcharge du fait qu’elles considèrent le cœur Ces techniques ont montré qu’elles pouvaient prédire des
comme un générateur de pression (débit) à l’état d’équili- tendances en termes de contractilité. Cependant, leur uti-
bre. L’ETO permet le calcul de la dérivée de la tension
lisation pour comparer des valeurs absolues entre un indi-
pariétale de fin de systole (à partir des dimensions ventri-
vidu et un autre peut s’avérer problématique.
culaires, de l’épaisseur de la paroi et de la pression) et
apporte ainsi potentiellement un indicateur plus complet.
• Interaction ventricule-vaisseaux
• Contractilité Alors que la fraction d’éjection reflète les forces de
Alors que la visualisation en continu des images car- contractilité et de postcharge, elle apporte un moyen
diaques donne à l’observateur une impression générale sur quantifiable d’évaluation des rapports entre cœur et vais-
la contractilité, la quantification de celle-ci en temps réel seaux.
n’est pas fiable en ETO. De nombreuses techniques d’éva- La précision de la fraction d’éjection par ETO rapportée
luation ont été décrites, notamment la relation de la ten- est évaluée comme passable à excellente mais probable-
sion pariétale de fin de systole avec les dimensions de la ment moins bonne que par échographie transthoracique,
chambre ou la fraction de raccourcissement pariétale.
probablement à cause de l’imagerie limitée de l’apex du
Malheureusement, ces indices sont dépendants de la
ventricule gauche. Des techniques d’imagerie affinées
charge. L’application des techniques d’analyse pression-
apportent maintenant une meilleure vision de l’apex et
dimensions ou pression-volume aux images produites par
devraient permettre d’améliorer la fiabilité de ces deux
échocardiographie a été améliorée par l’introduction de
logiciels permettant la détection automatique des types d’échographie. D’autres techniques peuvent être uti-
contours des structures qui autorisent la mesure en continu lisées pour évaluer la fraction d’éjection, en particulier la
des dimensions du ventricule gauche et donc de son mesure de la variation de l’aire fractionnée du ventricule
volume. Ceci permet la création de courbes de volume ou gauche mesurée au niveau de la papille dans le petit axe.
de taille en fonction du temps. Avec ces données, des C’est une approximation raisonnable de la fraction d’éjec-
courbes pression-volume ont pu être générées comme tion qui est maintenant largement utilisée. Une autre tech-
celles réalisées avec des techniques plus invasives et, ainsi, nique mesure la distance entre le point de coaptation du
être utilisées pour calculer la contractilité de façon indé- feuillet mitral et le septum interventriculaire à la fin de la
pendante de la charge. Pour prévenir la nécessité d’avoir systole. Cette méthode, quoique complexe, apporte des
la pression du ventricule gauche, certains investigateurs données (en millimètres) qui ont une grande valeur pré-
ont décrit l’utilisation d’un cathéter artériel périphérique dictive de dysfonction du ventricule gauche.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Interprétation des variations lyse ou une diminution de la clairance du lactate.


Néanmoins, toute élévation nécessite d’être prise en
du débit cardiaque compte et de rechercher rapidement l’étiologie.

La connaissance des techniques de mesure du débit car-


diaque, de leur précision et de leurs limites est indispensa-
SvO2
 2
VO
ble afin de ne pas générer de données douteuses. La valeur DC =

où V̇O2 est la consommation en oxygène, CaO2 le contenu


brute du débit cardiaque ainsi obtenue doit être interpré- (CaO2 – Cvo2 )
tée comme un élément instantané quantitatif et qualitatif
qui doit être intégré dans une évaluation plus générale du sang artériel en oxygène et CvO2 le contenu du sang
d’une adéquation avec la circulation globale et les circula- veineux en oxygène.
tions régionales. Ainsi, l’obtention d’une valeur doit-elle
amener plusieurs questions : le transport en oxygène est-il À partir du principe de Fick (voir chapitre 15), on voit
suffisant pour les besoins métaboliques du patient ? Est-il qu’un débit cardiaque bas ou une consommation excessive
en adéquation avec les pressions de perfusion ? Le patient d’oxygène peut être partiellement compensé par une aug-
est-il capable d’utiliser l’oxygène apporté ? Et si la réponse mentation de la différence artérioveineuse d’oxygène. Ceci
à une de ces questions est négative, pourquoi ? se traduit habituellement par une diminution de la SvO2
car le sang artériel est le plus souvent pleinement saturé
Plusieurs paramètres sont nécessaires pour évaluer et la part dissoute est minime. C’est un mécanisme com-
l’adéquation du débit cardiaque aux besoins en oxygène. pensatoire précoce qui précède l’augmentation du lactate.

Lactate
V̇O2 = (CaO2 – Cvo2) × DC
Du principe de Fick à la SvO2
Depuis 10 ans, le développement des machines permet-
tant la mesure automatisée du lactate a permis des
mesures fiables et simples à réaliser. Une augmentation du Or :
lactate représente un métabolisme anaérobie qui survient CaO2 = (1,39 × Hb × SaO2) + (0,0031 × PaO2)
lorsque l’apport d’oxygène ou son métabolisme par la cel- CvO2 = (1,39 × Hb × SvO2) + (0,0031 × PvO2)
lule est altéré. D’autres facteurs entrent cependant en jeu

V̇O2 ≃ (SaO2 – SvO2) × Hb × 1,39 × DC)


négligeable
et doivent être pris en compte dans l’analyse de la valeur
D’où

̇ 2
de lactate : la possibilité d’une augmentation de la glyco-

VO
SaO2 – SvO2 ≃

̇ 2
Hb × 1,39 × DC
VO
SaO2 – SvO2 ≃
Hb × 1,39 × DC
100

̇ 2 (consommation moyenne en oxygène) et satura-


(en pourcentage de la valeur de base)

90
À VO
80
tion artérielle en oxygène (SaO2) constantes, la relation
70
Index cardiaque

entre la SvO2 et le débit cardiaque n’est pas linéaire et


60 chaque baisse de la SvO2 correspond à une baisse plus
importante du débit cardiaque (figure 12).
50
Idéalement, le prélèvement en vue d’obtenir la SvO2
40
doit être réalisé dans l’artère pulmonaire. Cependant, un
30 prélèvement dans un cathéter veineux central permet
20 d’obtenir une saturation du sang veineux central en oxy-
gène (SvcO2) dont la corrélation avec la SvO2 est de 96 %
10
tant en situation physiologique que pathologique. Ainsi,
le monitorage de la SvcO2 est simple et peut, en outre, être
effectué en continu depuis l’apparition des cathéters vei-
10 20 30 40 50 60 70 80
neux centraux à fibre optique. Le monitorage de la SvO2 a
SvO2 (%) récemment montré sa supériorité par rapport à la surveil-
Figure 12 / Relation entre débit cardiaque lance usuelle (diurèse, pression artérielle) dans la prise en

̇ 2)
et saturation du sang veineux mêlé en oxygène (SvO2) charge du sepsis sévère à la phase aiguë. La mesure de la
On considère que la consommation en oxygène (VO SvO2 et son interprétation (mesures inférieures à 65 %)
est égale à 180 mL/min/m2, que le taux d’hémoglobine comme le témoin probable d’un flux sanguin systémique
est égal à 12 g/dL, que la saturation artérielle en oxygène insuffisant permet d’apporter des mesures correctives sim-
(SaO2) est égale à 98 % et que ces valeurs restent constantes. ples et rapides.
Pour une chute de la SvO2 de 70 à 50 % (soit 20 % de réduction
en valeur absolue), on a une chute du débit cardiaque de 42 %. Dans tous les cas, l’interprétation du débit cardiaque et
L’index cardiaque de base est de 4 L/min/m2. de son adéquation aux besoins en oxygène nécessite d’en-
visager l’organisme en globalité (figure 13).

60
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Débit cardiaque. Facteurs, régulation et évaluation 5

Précharge Postcharge

Figure 13 / Interprétation du débit


cardiaque et de son adéquation
à la consommation d’oxygène (O2)
A-V : auriculo-ventriculaire ;
PA : pression artérielle ;
RVS : résistance vasculaire systémique ;
SvO2 : saturation du sang veineux
mêlé en oxygène ;
VG : ventricule gauche.

LECTURES COMPLÉMENTAIRES

• Bassenge E, Busse R. Endothelial modulation of coronary tone. • Nathan HJ. Coronary physiology. In : Kaplan JA (ed). Cardiac anes-
Prog Cardiovasc Dis 1988 ; 30 : 349-80. thesia. Philadelphia, PA : Saunders,1993 : 235-60.
• Berne RM, Levy MN. Principles of physiology. London : Mosby, • Nyhan D, Blanck TJJ. Cardiac physiology. In : Hemings Hjr, Hopkins
1990 : 215. P (eds). Foundations of Anesthesia Basic and clinical sciences.
• Langer GA. The myocardium. San Diego, CA : Academic Press, London : Mosby, 2000 : 361-70.
1997. • Olsson RA, Bunger R. Metabolic control of coronary blood flow.
• Lynch CIII. Mycoardial excitation-contraction coupling. In : Yaksh Prog Cardiovasc Dis 1987 ; 29 : 369-87.
et al. (eds). Anesthesia: biologic foundation. Philadelphia, PA : • Opies LH. Regulation of myocardial contractility. J Cardiovasc
Lippincott-Raven, 1997 : 1041-79. Pharmacol 1995 ; 26 : S1-9.
• Lynch CIII, Vogel S, Sperelakis N. Halothane depression of myo- • Pagel PS, Grossman W, Haering JM, Warltier DC. Left ventricular
cardial slow action potentials. Anesthesiology 1988 ; 55 : 360-8. diastolic function in the normal and diseased heart.
• Marcus ML, Chilian WM, Kanatsuka H. Understanding the coro- Anesthesiology 1993 ; 79 : 836-54.
nary circulation through studies at the microvascular level.
Circulation 1990 ; 81 : 1-7.

61
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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:58 Page63

PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

6
Nouvelles techniques
• Doppler œsophagien
de mesure
• Principe de Fick du débit cardiaque
• Analyse de l’onde de pouls
• Bio-impédance et bioréactance thoracique
Bernard Cholley
Service d’anesthésie-réanimation,
Hôpital européen Georges-Pompidou,
Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité

e réanimateur et l’anesthésiste partagent au au moyen d’un transducteur de 4 MHz placé à l’extrémité


moins un objectif commun : maintenir à tout d’une sonde flexible avec une inclinaison de 45° lui per-
moment une perfusion « adéquate » pour les mettant de « regarder » le flux aortique. Il peut s’agir d’un
organes de leurs patients. Une perfusion adéquate Doppler continu (CardioQ®, Deltex Medical, Royaume-Uni)
sous-entend deux phénomènes physiques distincts : ou pulsé (Waki®, Atys Medical, France). Dans le cas du
• une pression intraluminale suffisante pour empê- Waki®, le Doppler est couplé à un transducteur temps-
cher que le vaisseau ne soit écrasé par la pression mouvement qui facilite le positionnement de la sonde et
tissulaire extravasculaire ; de la fenêtre de Doppler pulsé en visualisant le flux d’éjec-
• un débit suffisant pour satisfaire les besoins méta- tion aortique.
boliques (oxygène, substrats divers, etc.) et épu-
rer le gaz carbonique (CO2) et les autres produits
dérivés du métabolisme (lactate, ions H+, etc.). Obtention du signal
En fait, dans bien des cas, seule la pression est
étroitement « monitorée » alors qu’on ignore tout La sonde peut être introduite par la bouche chez des
du débit qui perfuse les tissus. Une des explications patients anesthésiés et ventilés mécaniquement plutôt que
à cet état de fait réside dans la difficulté à obtenir par la narine du fait du risque d’épistaxis. Elle est ensuite
des mesures de débit en pratique clinique. Depuis enfoncée dans l’œsophage jusqu’à ce que son extrémité
une vingtaine d’années, l’utilisation du monitorage soit située dans le tiers moyen et orientée de façon à ce
hémodynamique par cathéter artériel pulmonaire qu’un signal de flux aortique caractéristique soit visible
a été décriée et son usage a progressivement été (figure 1). Le gain est ajusté pour obtenir l’enveloppe de
délaissé. Cependant, les techniques nouvelles per- vitesse la mieux définie et le minimum de bruit (figure 2).
mettant de mesurer le débit cardiaque de façon La position de la sonde est alors optimisée en modifiant la
plus simple et moins invasive qu’avec le cathéter rotation le long du grand axe de façon à générer la repré-
artériel pulmonaire peinent à s’imposer malgré sentation spectrale la plus brillante possible (figure 3),
l’accumulation des données confirmant l’intérêt de attestant que le capteur est bien face à l’aorte. De plus, il
la mesure du débit, notamment pour la gestion faut rechercher le meilleur pic de vélocité possible en
per-opératoire des apports liquidiens [1]. Le but de modifiant la profondeur d’insertion de la sonde de façon
ce chapitre est de rappeler les différentes tech- à garantir le meilleur alignement possible avec le flux.
niques de mesure du débit cardiaque actuellement Cette étape est capitale pour les sujets chez qui l’aligne-
disponibles sur le marché en décrivant leur principe ment varie avec la profondeur d’insertion (figure 4). En
de fonctionnement et en précisant leurs limites. effet, la recherche systématique de la vitesse maximum
Nous verrons successivement les méthodes fon- avant chaque acquisition de données est la seule façon de
dées sur : garantir qu’une variation de débit n’est pas due à un sim-
• la vélocimétrie Doppler du flux aortique descen- ple déplacement de la sonde.
dant ;
• le principe de Fick ;
• l’analyse de l’onde de pouls ; Estimation
• la bio-impédance ou la bioréactance thoracique.
du volume d’éjection systolique
et approximations nécessaires
Doppler œsophagien La mesure du volume d’éjection systolique par le
Doppler œsophagien est calquée sur le principe bien établi
La technique du Doppler œsophagien est fondée sur la de la mesure du volume d’éjection systolique par écho-
mesure de la vélocité sanguine dans l’aorte descendante cardiographie et Doppler transthoracique [2]. Au niveau

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

de la chambre de chasse du ventricule gauche, ce volume • l’angle entre le faisceau ultrasonore et le flux sanguin est
est calculé comme le produit de la distance parcourue par le même que celui que fait le transducteur avec l’axe de
les globules rouges en systole (= intégrale temps × vitesse) la sonde ;
par la surface de section de la chambre de chasse (figure 5). • le profil de vitesse est « plat » dans l’aorte descendante ;
Plusieurs approximations sont nécessaires pour transposer • la surface de section aortique descendante estimée ou
dans l’aorte descendante ce principe bien validé dans la calculée est proche de la « vraie » surface aortique
chambre de chasse du ventricule gauche. En effet, il faut moyenne pendant la systole ;
admettre que : • la répartition du flux entre aorte descendante (70 %) et
troncs supra-aortiques (30 %) est exacte et constante ;
• le débit est négligeable durant la diastole dans l’aorte
descendante.

Figure 1 / En haut, représentation schématique d’une sonde


de Doppler œsophagien en place, illustrant la proximité anatomique Figure 2 / Le réglage du gain est une étape
entre l’œsophage et l’aorte thoracique descendante. essentielle de l’obtention du signal Doppler
En bas, profil de vitesses Doppler caractéristique obtenu au niveau Le « bruit » doit être minimisé de façon à ce que
de l’aorte thoracique descendante la détection du contour (ligne blanche) dessine
La représentation spectrale montre que la plupart des globules rouges exactement l’enveloppe des vélocités.
(bande de couleur blanche) se déplacent à la vitesse maximum L’exemple du panneau du haut montre
(proche de l’enveloppe bleue) pendant la systole un excès de gain alors que le réglage
et que le flux diastolique est minime. est correct dans le panneau du bas.

Faisceau US

Aorte

Figure 3 / En effectuant
des mouvements de rotation
de la sonde autour de son axe,
on recherche le spectre
le plus brillant possible
Quand le faisceau ultrasonore (US)
« regarde » l’aorte en face,
un grand nombre de globules rouges
Faisceau US peuvent rétrodiffuser les ultrasons
émis et le spectre aura le maximum
de brillance (panneau du haut).
Aorte Si au contraire, le faisceau US ne fait
pas strictement face au vaisseau,
la rétrodiffusion des ultrasons sera
moins intense (moins de globules)
et le spectre moins brillant.

64
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Nouvelles techniques de mesure du débit cardiaque 6

Sonde
Aorte Doppler
Figure 4 / Exemple illustrant l’importance de rechercher
de la localisation œsophagienne où la vélocité aortique
est la plus grande possible
Chez cette patiente, quatre positions différentes dans
l’œsophage ont donné quatre valeurs de vélocité maximale
et donc quatre valeurs de volume d’éjection systolique
différentes. La valeur obtenue le plus loin dans l’œsophage
(panneau du bas) était double de celle obtenue au plus haut
(panneau du haut). Ceci s’explique parfaitement si l’on admet
que la patiente n’a pas un parallélisme strict entre son aorte
thoracique et son œsophage. Ainsi, comme représenté
sur le schéma de droite, l’alignement du faisceau Doppler
avec le flux aortique varie avec la profondeur d’insertion.
Plus l’angle est faible et plus grande sera la vitesse calculée,
alors que la vélocité sanguine « réelle » est la même dans
toutes les positions. Il faut donc impérativement vérifier
que l’on est toujours placé à l’endroit fournissant
la meilleure vitesse, seul moyen d’être sûr que l’on mesure
une vraie variation hémodynamique et non l’effet Œsophage
d’un simple déplacement de la sonde.

La connaissance de l’angle entre le faisceau d’ultrasons


et le flux est une condition de la précision de la mesure de
ECG
vélocité, puisque la vitesse calculée est proportionnelle au
cosinus de cet angle, comme l’indique la formule de
Doppler : VAo
2∆F cos θ
v= 100 (cm/s)
c
où v est la vitesse du flux, DF la fréquence Doppler (diffé-
rence entre la fréquence émise et la fréquence reçue), q
l’angle entre le faisceau ultrasonore et l’axe du flux, et c la
vitesse de propagation des ultrasons dans les milieux bio-
logiques. On admet que l’aorte descendante et l’œsophage
ITV
sont à peu près parallèles et quand la sonde est rectiligne
dans l’œsophage, l’angle est le même que celui que fait le
transducteur avec l’axe de la sonde (45°). Mais, en pratique,
0
il n’y a aucun moyen de savoir si l’angle diffère de l’angle
théorique. Une erreur de ± 10° sur l’angle aboutira à une
erreur de + 16 à – 19 % si le capteur est incliné à 45°. Temps (s)

Le profil de vitesse « plat », qui signifie que tous les glo-


bules se déplacent à la même vitesse, autorise à calculer la ITV (cm) = intégrale temps (s) × vitesse (cm/s)
= distance parcourue par la colonne de sang durant la systole
distance systolique à partir de l’enveloppe des vitesses
maximales instantanées. Ceci est robuste au niveau des
valves aortiques mais probablement moins vrai au niveau
de l’aorte descendante. Si le profil est légèrement parabo-
lique, utiliser l’enveloppe des vitesses maximales revient à
ITV
surestimer la distance systolique et donc le volume d’éjec-
tion systolique. Quant à l’estimation de la surface de sec-
tion de l’aorte thoracique descendante, la seule technique
permettant de la mesurer réellement au lit du malade est
l’échographie trans-œsophagienne. Malheureusement, V S DAo = diamètre aortique
cette technique est invasive et n’est pas disponible partout.
Les fabricants d’appareils de Doppler œsophagien (Atys et
Deltex) se contentent d’une simple estimation de cette sur-
face sur la base d’un nomogramme fondé sur l’âge, le
poids et la taille du sujet. Les erreurs systématiques dues à S Surface de section aortique = (π × DAo2)/4
une différence entre surface estimée et surface réelle
affectent la valeur absolue du débit cardiaque mais pas ses V ITV × S = volume éjecté dans l'aorte
variations avec le temps [3]. Une variation importante de
débit ne peut qu’être sous-estimée par le fait de ne pas Figure 5 / Principe du calcul du volume d’éjection systolique
tenir compte des variations concomitantes du diamètre à partir des mesures de vitesses aortiques (VAo)
aortique qui vont nécessairement dans la même direction. La surface sous l’enveloppe des vitesses maximales aortiques (VTI)
Enfin, si le résultat final est exprimé sous forme de débit représente la distance parcourue par les hématies pendant l’éjection
ventriculaire. En considérant que tous les globules rouges se
cardiaque systémique et non de débit aortique descen- déplacent à la même vitesse et que la surface de section de l’aorte
dant, il faut appliquer un facteur de correction en fonction est constante pendant la systole, le volume éjecté dans l’aorte
de la fraction du débit dévolue à l’aorte descendante. thoracique descendante peut être obtenu en multipliant la VTI par la
Celle-ci est estimée à 70 %, les 30 % restants allant aux surface de section de l’aorte à l’endroit de la mesure [13].
troncs supra-aortiques. Cette répartition est supposée

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

constante quelle que soit la situation hémodynamique systématiquement le caractère optimal du signal avant de
et les valeurs de débit aortique descendant sont divisées noter et d’interpréter les données du moniteur sous peine
par 0,7 pour obtenir les 100 % du débit systémique. d’obtenir des informations erronées et trompeuses.
Cependant, si cette répartition est réaliste chez le sujet sain
au repos, on ne sait pas si elle est toujours valide en situa-
tion de choc ou lors d’infusion de catécholamines par Validation de la mesure
exemple [3-5]. Enfin, pendant la diastole, le flux aortique
descendant est toujours à basse vitesse et représente donc
du débit cardiaque
un débit très faible, voire inexistant chez les personnes par Doppler œsophagien
âgées dont l’aorte ascendante est peu compliante.
Les techniques de référence pour la mesure du débit
cardiaque (débitmétrie aortique par bague électromagné-
Courbe d’apprentissage tique ou par temps de transit des ultrasons) sont haute-
et reproductibilité ment invasives et ne peuvent pas être utilisées chez
certains patients. Les techniques disponibles en pratique
Le Doppler œsophagien est une technique simple et la clinique sont le principe de Fick, la dilution d’indicateurs
plupart des utilisateurs admettent qu’il est assez aisé de colorés, la thermodilution et l’échocardiographie Doppler
placer la sonde correctement et d’obtenir des résultats transthoracique. Elles sont moins précises et reproductibles
reproductibles [6, 7]. Les auteurs qui ont étudié la courbe que les techniques de référence et aucune d’entre elles n’a
d’apprentissage de cette technique ont noté qu’un plateau jamais été validée, chez des patients de réanimation sous
était atteint après avoir posé une dizaine de sondes [8, 9]. ventilation mécanique, par rapport à la débitmétrie élec-
La variabilité interobservateur est inférieure à 10 % et la tromagnétique ou par temps de transit des ultrasons. La
variabilité intra-observateur n’est que de 8 %, alors qu’on thermodilution avec un cathéter artériel pulmonaire, de
observe 12 % avec la thermodilution [3, 6, 10]. La sonde par son usage très répandu, s’est imposée comme tech-
peut bien sûr se déplacer au cours d’un monitorage pro- nique de référence en dépit de ses limites et de son
longé pour de multiples raisons (soins de nursing, dégluti- manque de précision bien connus [11]. C’est pourquoi
tion, etc.), ce qui entraîne une altération, voire une perte, toutes les études ayant validé la mesure du débit cardiaque
du signal. Il est par conséquent indispensable de vérifier par le Doppler œsophagien ont comparé celui-ci à la ther-
modilution. Ces travaux ont retrouvé, de manière géné-
rale, un agrément assez médiocre entre les deux
techniques mais ont souligné que les variations de débit
12 cardiaque observées avec l’une et l’autre allaient dans le
même sens [3, 6, 8, 12]. Une étude multicentrique a com-
paré plusieurs techniques de mesure du débit cardiaque au
Doppler œsophagien [10]. Des mesures couplées de débit
cardiaque par thermodilution et par Doppler œsophagien
9
ont été réalisées chez des patients originaires de trois ser-
vices de soins intensifs. De plus, chez quelques patients
d’un des trois centres, le débit cardiaque a été mesuré
simultanément par Doppler suprasternal et par calorimé-
6 trie indirecte (principe de Fick). Une bonne corrélation
entre la thermodilution et le Doppler œsophagien était
retrouvée (R = 0,95), avec une sous-estimation systéma-
tique (biais = 0,24 L/min) par le Doppler œsophagien. Les
∆CO (L/min)

limites d’agrément entre thermodilution et Doppler œso-


3 phagien étaient de + 2 L/min et de – 1,5 L/min. Les varia-
tions de débit cardiaque entre deux mesures consécutives,
qu’elles aient été obtenues par thermodilution ou par
Doppler œsophagien, allaient dans le même sens et étaient
tout à fait comparables (biais = 0 L/min ; limites d’agrément
0
= ± 1,7 L/min) (figure 6) [13]. Le Doppler suprasternal et la
calorimétrie indirecte, réalisés simultanément chez
quelques patients, fournissaient des corrélations et des
agréments similaires. Ces résultats confirment que le
-3 Doppler œsophagien est une technique suffisamment fia-
ble pour être utilisable en clinique. Il permet d’estimer le
débit cardiaque et ses variations aussi bien que les autres
techniques disponibles chez des patients ventilés en service
de soins intensifs.
-6
TH ED

Figure 6 / Diagramme représentant les variations de débit Méthodes utilisant


le principe de Fick
cardiaque (ΔCO) entre deux mesures réalisées avec la
méthode de thermodilution couplée au cathétérisme droit
(TH) et le Doppler œsophagien (ED) (88 paires de mesures)
L’agrément idéal entre les deux mesures correspond
En 1870, Fick a décrit la première méthode permettant
à une ligne horizontale. Des informations contradictoires
ont été observées avec les deux techniques dans d’estimer le débit cardiaque (DC) chez l’homme [14]. Son
seulement trois cas [10]. postulat était que l’oxygène transitant par les poumons
était intégralement transféré dans le circuit sanguin. Ainsi,

66
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Nouvelles techniques de mesure du débit cardiaque 6

entre la consommation d’oxygène (V̇O2) et la différence


le débit cardiaque peut être calculé comme le rapport plus fidèlement de la forme de la courbe de pression aor-
tique, il est nécessaire d’y incorporer d’autres éléments. Par
artérioveineuse en oxygène (DAVO2). exemple, l’adjonction d’une capacitance (C, représentant
la compliance artérielle globale) permet d’obtenir une
L’équation de Fick est la suivante :
amplitude de pulsation physiologique (figure 7, modèle 2),
 ( mLO / min)
VO et ajouter une autre résistance (Z, représentant l’impé-
2 2
DC (mL/min) = .
DAVO2( mLO2 / mL ) dance caractéristique aortique) permet d’obtenir une
Ce postulat est valable lorsque le débit cardiaque et le courbe de pression « prédite » très semblable à celle effec-
débit participant aux échanges gazeux sont identiques, tivement mesurée in vivo (figure 7, modèle 3) [17].
c’est-à-dire en l’absence de shunt intrapulmonaire signifi- La méthode de l’analyse de l’onde de pouls fonctionne
catif. De plus, le statut hémodynamique doit être suffisam- selon le schéma présenté dans la figure 7, mais c’est la
ment stable pour permettre une diffusion constante du courbe de pression artérielle mesurée qui est utilisée
gaz lors du temps de transit du sang à travers les poumons. comme signal d’entrée dans le modèle qui estime le débit
Des appareils mesurant la consommation d’oxygène par instantané. Il faut noter que la forme de la courbe de pres-
calorimétrie indirecte comme le Delta-Trach II® (Datex sion utilisée n’est pas celle de l’aorte elle-même mais celle
Ohmeda) peuvent être utilisés pour calculer le débit car- d’une artère périphérique (fémorale de préférence, ou
diaque avec le principe de Fick. Mais cette technique a plu- radiale), ce qui suppose certaines hypothèses pour tenir
sieurs limites : compte des variations de la forme de l’onde de pouls entre
• elle requiert un cathéter veineux central et un cathéter ces différents sites de mesure. Le type de modèle utilisé
artériel pour prélever les gazométries veineuses mêlées pour représenter la circulation artérielle systémique peut
et artérielles et calculer la DAVO2 ; varier : l’exemple de la figure 7 (modèle 3) illustre le
• elle ne peut être utilisée chez des patients ventilés avec modèle de « Windkessel » à trois éléments utilisé par le
une fraction inspirée en oxygène (FiO2) supérieure à PiCCO® (Pulsion Medical systems) [18], mais il peut s’agir de
60 %, en raison du manque de précision des capteurs modèles plus sophistiqués permettant notamment de pren-
paramagnétiques mesurant les fractions inspirées et expi- dre en compte le caractère fini de la vélocité de l’onde de
rées d’oxygène au-delà de ce niveau de FiO2 [15]. pouls et les phénomènes de réflexion de celle-ci, comme
dans le cas du PULSECO® (LiDCO Ltd.) [19]. Les valeurs attri-
La calorimétrie indirecte est donc souvent inutilisable buées aux paramètres du modèle (résistance, compliance
chez les patients de soins intensifs qui nécessitent des hauts et impédance caractéristique, dans le cas du « Windkessel »)
niveaux de FiO2 et/ou dont l’état hémodynamique est sont d’abord estimées en fonction des caractéristiques du
instable. sujet (âge et sexe) et à partir de la forme de l’onde de pres-
sion. Ces valeurs sont ensuite corrigées et affinées automa-
Le principe de Fick peut être appliqué à tout gaz diffu-
tiquement, après calibration par une mesure du débit
sant à travers les poumons, en particulier au dioxyde de
cardiaque moyen en utilisant une technique de dilution
carbone. L’équation de Fick appliquée au dioxyde de car-
d’indicateur. Il peut s’agir soit de la technique de thermo-
bone s’écrit (avec CvCO2 et CaCO2 : contenu du sang res-
dilution transpulmonaire (utilisée par le PiCCO®, Pulsion
pectivement veineux et artériel en dioxyde de carbone) :
Medical systems, et l’EV1000®, Edwards) [20], soit de la
VCO2 technique de dilution du chlorure de lithium (utilisée par
DC = .
CvO2 - CaCO2 le PULSECO®) [21]. Quel que soit l’appareil utilisé, la fiabi-
Ce principe a été utilisé en combinaison avec une ré- lité de prédiction du débit est grandement accrue après
inhalation partielle intermittente des gaz expirés pour une calibration initiale [22]. En fournissant une valeur de
obtenir le débit cardiaque moyen de façon totalement non référence pour le débit cardiaque moyen et la résistance
invasive et indépendante de l’opérateur. Le moniteur basé périphérique R (calculée comme le rapport entre pression
sur ces principes a toutefois été abandonné récemment car artérielle moyenne et débit cardiaque moyen), cette cali-
de nombreuses limitations réduisaient son intérêt pour la bration permet au système de calculer plus précisément les
pratique clinique, notamment l’obtention de mesures dis- autres paramètres (C et Z) et, ainsi, d’obtenir une estima-
crètes toutes les 3 minutes seulement. tion plus fiable du volume d’éjection systolique. Il faut
ensuite répéter les calibrations toutes les 4 heures, ou au
moins avant chaque acquisition importante, afin d’aug-

Analyse de l’onde de pouls menter la précision de la mesure du débit cardiaque, en


particulier chez les patients de réanimation qui sont sus-
ceptibles d’avoir des variations de leur tonus vasoconstric-
Les premières tentatives d’estimation du volume d’éjec- teur, spontanément ou induites par l’usage d’agents
tion systolique à partir de la forme de la courbe du pouls vasoactifs [19, 23]. Plusieurs études ont comparé la ther-
artériel remontent à 1904 [16]. Dès cette époque, il avait modilution et l’analyse de l’onde de pouls et ont trouvé un
été suggéré que la pression pulsée était proportionnelle assez bon agrément entre les valeurs de débit cardiaque
au volume d’éjection systolique. La forme de la courbe de obtenues par les deux techniques [19, 24, 25]. Dans ces
pression aortique résulte de l’interaction entre le volume études, les patients qui étaient arythmiques ou bien ceux
d’éjection systolique et les propriétés mécaniques de l’ar- dont la courbe de pression artérielle n’était pas parfaite-
bre artériel qui le reçoit. De nombreux modèles ont été ment régulière (artefacts, extrasystoles ventriculaires)
proposés pour décrire les propriétés physiques de l’arbre étaient exclus puisque, dans ces conditions, l’analyse de
artériel. Le modèle le plus simple, utilisé quotidiennement l’onde de pouls ne peut donner de résultats fiables. Les
en pratique clinique, assimile la circulation systémique à limites d’agrément étaient toujours assez étroites, autour
une simple résistance (R, résistance artérielle périphérique) de ± 1,5 L/min, comme c’est habituellement le cas lorsque
représentant le tonus vasoconstricteur artériolaire, lequel la thermodilution est utilisée comme technique de réfé-
détermine la valeur de la pression artérielle moyenne pour rence. Un agrément similaire a aussi été retrouvé dans un
un débit donné. Cependant, une résistance isolée ne per- groupe de patients en état de choc septique et qui rece-
met pas de rendre compte à elle seule de la forme de la vaient des catécholamines, indiquant que cette technique
courbe de pression aortique (figure 7, modèle 1). Afin d’analyse de l’onde de pouls semble assez fiable pour être
d’améliorer le modèle artériel, pour qu’il rende compte retenue chez les patients de réanimation [18, 26].

67
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Q(t) mesuré P(t) mesurée


160 130

Circulation

mmHg
mL/s

artérielle
systémique

0
80

P(t) prédite
500

mmHg
Q(t)
P(t) R

Figure 7 / Diagramme illustrant l’importance


P(t) prédite des diverses propriétés mécaniques
130 artérielles dans la genèse
de la courbe de pression aortique
En utilisant le débit instantané [Q(t)] comme
Q(t)

mmHg
signal d’entrée, un modèle artériel constitué
P(t) R C
d’une simple résistance (R) (modèle 1)
générerait une courbe de pression [P(t)]
dont la morphologie serait identique à celle
de la courbe de débit, mais dont l’échelle
80 aurait été multipliée par un facteur R.
P(t) prédite Quand un élément capacitif (C) représentant
130 la compliance artérielle globale est incorporé
au modèle (modèle 2), la courbe de pression
« prédite » commence à présenter plusieurs
Z
Q(t) des caractéristiques de la courbe de pression
mmHg

P(t) R C « mesurée ». Enfin, si un troisième élément


représentant l’impédance caractéristique (Z)
est introduit (modèle 3), les morphologies
des courbes de pression « prédite » et
80 « mesurée » deviennent très similaires [17].

Des techniques simplifiées d’estimation du débit car- deux systèmes commercialisés sont le Clearsight® (Edwards
diaque basées sur l’analyse de l’onde pouls mais ne faisant lifesciences, États-Unis) et le CNAP® (CNSystems, Autriche).
pas appel à une calibration ont aussi été développées L’estimation de la pression artérielle par ces systèmes n’est
(Vigileo®, Edwards ; ProAqt®, Pulsion Medical systems, pas forcément le strict miroir de la pression radiale invasive
Allemagne ; LiDCOrapid, LIDCO, Royaume-Uni). Du fait de [29, 30]. La tonométrie d’aplanation de l’artère radiale
l’absence de calibration, ces moniteurs sont pris en défaut (T-Line, Tensys, États-Unis) utilise un transducteur piézo-
en cas de changement de résistance artérielle (du fait de électrique appliqué sur l’artère radiale de façon à l’aplanir
la pathologie du patient ou de l’introduction de médica- mais sans l’écraser pour enregistrer la forme de l’onde de
ments vasoactifs [23]. Ils semblent donc inappropriés pour pression qui sera ensuite calibrée au moyen d’un algo-
le monitorage hémodynamique des patients de réanima- rithme spécifique au moniteur [31]. Cette technique n’est
tion. En revanche, ils semblent permettre un monitorage pas non plus interchangeable avec les techniques invasives,
relativement fiable chez les patients stables, par exemple et elle est aussi moins simple d’utilisation en routine quo-
au bloc opératoire [27]. tidienne au bloc opératoire ou en réanimation [32, 33].
L’utilisation de ces courbes de pression non invasives pour
Ces dernières années, des techniques entièrement non estimer le volume d’éjection systolique est proposée sur les
invasives d’enregistrement de la pression artérielle instan- moniteurs photopléthysmographiques. Les limites inhé-
tanée ont été mises à la disposition des cliniciens [28]. Ces rentes à la validité de la courbe de pression artérielle, à
techniques sont basées sur deux principes différents : la l’absence de calibration et aux facteurs locaux (œdème,
photopléthysmographie digitale et la tonométrie d’apla- vasoconstriction périphérique, etc.) font que l’estimation
nation. La photopléthysmographie digitale utilise l’absorp- du débit n’est pas non plus interchangeable avec les
tion de la lumière infrarouge associée à un système de valeurs obtenues par des techniques plus invasives [34, 35].
contre-pression volumique (volume clamp). Ce dernier Néanmoins, même si ces techniques ne sont pas interchan-
fonctionne au moyen d’un mini-brassard digital connecté geables avec les techniques habituelles de mesure du débit
à un insufflateur à réponse rapide, qui peut à chaque ins- cardiaque, elles offrent une possibilité de monitorage de
tant faire varier la pression péridigitale de façon à main- la perfusion instantanée dans une population de patients
tenir l’absorption lumineuse infrarouge constante. La habituellement surveillés par simple mesure intermittente
pression instantanée nécessaire reflète précisément la pres- de la pression au brassard (femmes enceintes, patients des
sion dans l’artère digitale, laquelle peut être convertie en urgences, patients bénéficiant d’endoscopies digestives
pression radiale au moyen d’une fonction de transfert. Les sous sédation, etc.). Il faut donc évaluer l’apport de ces

68
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Nouvelles techniques de mesure du débit cardiaque 6

monitorages continus dans les groupes de patients habi-


tuellement surveillés par des mesures de pression intermit-
tentes. En cas d’apport d’informations « nouvelles » ECG
fournies par ces outils, il restera à faire la preuve de leur Z
utilité en démontrant que des interventions thérapeu-
tiques basées sur ces données améliorent le pronostic des
patients. dZ/dt

Bio-impédance PAS

et bioréactance thoracique
PAP

Temps

Descriptions Figure 8 / Enregistrements simultanés de l’électro-


cardiogramme (ECG), de l’impédance thoracique (Z),
de sa dérivée première par rapport au temps (dZ/dt),
La bio-impédance thoracique est une technique qui vise de la pression artérielle systémique (PAS)
à estimer le volume d’éjection systolique à partir des varia- et pulmonaire (PAP) [36]
tions cycliques de l’impédance électrique du thorax. Les
principaux conducteurs dans le thorax sont les liquides
physiologiques (principalement le sang) et, par consé-
quent, un courant électrique traversant le thorax d’un indi-
vidu sain emprunterait surtout les gros vaisseaux
médiastinaux et les cavités cardiaques. Leurs variations de risque » [42]. Les auteurs ont trouvé un biais
volume durant le cycle cardiaque entraînent des variations de – 0,124 L/min/m2 et une précision de 0,75 L/min/m2 (ou
de résistivité électrique synchrones des battements car-
14 % de la valeur moyenne). Cela correspondrait pour le
diaques (figure 8) [36]. Kubicek fut le premier en 1966 à
débit cardiaque à des limites d’agrément d’au moins
proposer d’utiliser ces variations d’impédance pour estimer
± 2,5 L/min. Les auteurs notaient que lorsque l’impédance
le volume d’éjection systolique avec l’équation suivante
thoracique de base était supérieure à 15 ohm et que le
[36] :
−ρ s × ( dZ / dt )max × TEVG × l 2 dZ/dt max était supérieur à 0,3, le coefficient de corrélation
VES = était meilleur (r = 0,93) ainsi que la précision
Z2
(0,54 L/min/m2). Une impédance thoracique basse corres-
où VES est le volume d’éjection systolique (cm3), rS la résis- pond à une augmentation de la conductivité électrique du
tivité du sang (Wcm), Z l’impédance thoracique (W), thorax, comme c’est le cas en présence d’un œdème ou
dZ/dtmax le pic de sa dérivée par rapport au temps (Wsec–1), d’un épanchement pleural. Un rapport (dZ/dt)max plus
TEVG le temps d’éjection ventriculaire gauche (sec), et l la élevé indique des variations plus brutales de l’impédance
hauteur du thorax (cm). thoracique et pourrait correspondre à une plus grande
Cette équation a été ensuite maintes fois remaniée, les variation systolique du volume sanguin thoracique. Dans
modifications les plus marquantes ayant été proposées par l’ensemble, les travaux ayant étudié la corrélation et
Sramek et Bernstein [37, 38]. Sramek a éliminé le facteur l’agrément entre la bio-impédance thoracique et les autres
de la résistivité sanguine (rS) en l’exprimant sous la forme méthodes de mesure du débit cardiaque ont souvent été
d’une fonction de l’impédance de base Z0 et du volume décevants. Deux méta-analyses ont rassemblé les résultats
modélisant le thorax. Bernstein a modifié la formule de d’un grand nombre de ces études et confirment l’absence
Sramek en ajoutant un facteur correctif qui prend en d’interchangeabilité avec les techniques invasives habi-
compte la corpulence du patient. tuelles, surtout chez les patients de réanimation [43, 44].
Les facteurs modifiant l’impédance thoracique de base
L’intérêt majeur de l’impédancemétrie réside dans sa (comme l’obésité, l’œdème pulmonaire ou la condensation
simplicité de mise en œuvre et son caractère totalement alvéolaire) et les propriétés mécaniques de l’arbre artériel
non invasif. Son apprentissage est facile et la reproducti- dont dépend (dZ/dt)max sont donc autant de causes
bilité intra- et interobservateur est bonne [39-41].
d’inexactitude de l’impédancemétrie. Les modifications de
contenu hydrique du thorax, qui retentissent sur ses pro-
Validation priétés inductives et conductrices, sont une limite impor-
tante à la fiabilité des techniques de bio-impédance. Une
Les nombreuses études qui ont évalué les mesures de évolution récente de la technique appelée « bioréactance »
débit cardiaque par bio-impédancemétrie ont été effec- (Starling®, Cheetah medical Inc., Israël) se base sur les varia-
tuées en utilisant différents types d’appareils et sur des tions de phase (et non d’impédance) d’un courant de faible
populations de patients variées ou chez des volontaires voltage appliqué au thorax [45]. Les promoteurs de cette
sains. Les appareils utilisés peuvent être classés selon qu’ils technique suggèrent que cette approche améliore beau-
utilisent l’équation de Kubicek (Minnesota Impedance coup le rapport signal/bruit et la fiabilité de leur mesure
Cardiograph), l’équation de Sramek-Bernstein (NCCOM3, [46-48]. Comme pour les techniques non invasives d’ana-
Bomed, dont il a existé jusqu’à 7 révisions), et les autres lyse de l’onde de pouls, ces moniteurs doivent être évalués
appareils pour lesquels l’équation utilisée n’est pas connue dans des populations chez qui aucun monitorage du débit
(Renaissance Technology, Physioflow, et BioZ.com). La n’est utilisé en pratique courante. Les comparaisons avec
majorité des études a comparé l’impédance à la thermodi- les techniques invasives ne permettront jamais d’établir
lution. L’une des principales études de validation a com- l’interchangeabilité. En revanche, l’apport de ces mesures
paré les mesures d’index cardiaque effectuées chez et surtout l’impact sur la prise en charge péri-opératoire
680 patients des urgences, de réanimation et de chirurgie méritent d’être évalués dans les populations « à haut
avant, pendant et après une intervention dite « à haut risque » et peu monitorées en routine.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Conclusion non invasives. Celles-ci ne doivent pas être vues comme des
substituts aux techniques invasives auxquelles les anesthé-
sistes-réanimateurs sont bien habitués et dont ils connais-
Plusieurs techniques sont maintenant disponibles pour
sent les limites. En revanche, elles ouvrent la possibilité de
mesurer le débit cardiaque et faciliter le monitorage de la
monitorer le débit chez des patients qui ne bénéficient
perfusion tissulaire ou guider le remplissage vasculaire. En
surveillant le volume d’éjection systolique, on peut détec- habituellement que de mesures itératives de la pression
ter précocement des épisodes d’hypoperfusion, guider la artérielle au brassard. Il n’est pas exclu que des patients
titration des apports liquidiens ou arrêter ceux-ci en cas de fragiles puissent bénéficier d’une prise en charge plus per-
non-réponse au remplissage. Les avancées récentes concer- formante grâce aux informations de ces moniteurs, mais
nent l’émergence de nouvelles techniques entièrement ceci reste à établir.

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

7
Physiologie vasculaire
et microcirculatoire
• Histophysiologie
et propriétés physiques du vaisseau
• Microcirculation
Éric Wiel*, Gilles Lebuffe**, Benoît Vallet***
* Pôle de l’urgence, SAMU régional de Lille, CHRU, Lille
** Pôle d’anesthésie-réanimation, CHRU, Lille
*** Université Lille-II, Lille et Direction générale de la santé,
ministère des Affaires sociales et de la Santé, Paris

a fonction principale du système vasculaire est peu dans l’aorte. Il comporte des fibres élastiques (nom-
d’assurer la répartition du débit sanguin d’origine breuses chez l’enfant et disparaissant au cours du dévelop-
cardiaque entre les organes en fonction de leur pement), des fibroblastes, des fibres de collagène, des
état de repos ou d’activité grâce au maintien d’une lymphatiques (dont le rôle est l’évacuation de substances
pression de perfusion contrôlée par une modifica- provenant du sang), et est traversé par des vasa vasorum
tion du diamètre des vaisseaux, elle-même soumise qui ne sont retrouvés que dans les vaisseaux de plus de
à des mécanismes de régulation. 200 µm. Ces vasa vasorum assurent une partie de la nutri-
Le système vasculaire comporte trois étages : tion de la paroi, l’autre partie étant assurée à partir du
• le système macrovasculaire, dit de conduction, sang. À l’exception de l’aorte abdominale humaine (où la
comportant des artères de plus de 1 mm de dia- média est totalement avasculaire malgré son épaisseur de
mètre jouant un rôle modeste dans les résistances plus de 0,5 mm) [1], les vasa vasorum s’étendent jusqu’à la
artérielles périphériques ; partie externe de la média lorsque cette dernière a une
• le réseau des artères de résistance, de diamètre épaisseur supérieure à 0,5 mm. Cette tunique reçoit par ail-
compris entre 1 mm et 150 µm, participant au leurs des terminaisons du système nerveux sympathique, à
mécanisme de résistance systémique ; de rares exceptions près, jusqu’à la limite de la média. Elles
• la microcirculation aux vaisseaux dont le diamè- contrôlent la vasomotricité, c’est-à-dire le calibre des vais-
tre est inférieur à 150 µm. seaux. Ainsi, l’effet est soit vasodilatateur, via les récep-
Il n’existe pas de véritable limite anatomique entre teurs b-adrénergique, soit vasoconstricteur, via les
la macrocirculation et la microcirculation mais plu- récepteurs a. Cette tunique permet une communication
tôt une limite conventionnelle correspondant à une dite centripète entre les tissus métaboliquement actifs et
inclusion de la microcirculation dans le parenchyme les vaisseaux.
tissulaire. La première partie de ce chapitre sera
consacrée à la physiologie de la paroi vasculaire
axée sur l’artère. La microcirculation sera abordée Média ou compartiment effecteur
dans la deuxième partie. Ce compartiment, compris entre la limitante élastique
externe et la limitante élastique interne, est constitué de
cellules musculaires lisses (30 % du volume de la média) et
Histophysiologie d’éléments extracellulaires tels que les fibres élastiques, de

et propriétés physiques collagène et les protéoglycanes de la substance fondamen-


tale. Du cœur vers les artérioles, il existe une diminution
du vaisseau de la quantité de matrice au profit d’une augmentation
des cellules musculaires lisses. On distingue ainsi deux types
d’artères : les artères élastiques (aorte et ses branches) et
Structure de la paroi artérielle les artères musculaires (vaisseaux de distribution dits résis-
tifs : petites artères et artérioles).
La paroi artérielle est composée de trois compartiments
concentriques : la tunique la plus externe est l’adventice, la Les cellules musculaires lisses sont comprises entre les
couche médiale est appelée média, la tunique la plus lames élastiques et constituent la classique unité lamellaire
interne est l’intima. Cette compartimentation est commune [2] ou, plus précisément, les feuillets musculo-élastiques
à tous les vaisseaux mais l’importance relative de chacun de [3]. Elles jouent un rôle majeur dans la vasomotricité (pro-
ces éléments, variable d’une paroi à l’autre, détermine des priétés contractiles et élasticité de la paroi) par stimulation
propriétés différentes à chacun des secteurs vasculaires. nerveuse directe puis propagation par couplage électrique
entre les cellules. Les cellules musculaires lisses assurent
Compartiment externe ou adventice aussi un rôle dans la synthèse des composants de la paroi
vasculaire. Elles reposent, via des récepteurs de surface
L’importance de ce compartiment est variable selon la encore appelés intégrines, sur les protéines de la matrice
localisation dans le système vasculaire : ainsi, il est très extracellulaire (fibronectine, collagène, thrombospondine)
développé au niveau de l’artère mésentérique et rénale et qui permettent de moduler leur croissance.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Intima ou compartiment interne Propriétés physiques


Elle est constituée de l’endothélium reposant sur une du réseau vasculaire
membrane basale et une couche sous-endothéliale de sou- Le réseau vasculaire forme des segments coniques com-
tien séparée de la média par la limitante élastique interne. portant plusieurs bifurcations. De l’aorte vers les artères
C’est un organe volumineux couvrant une surface de fémorales, le rayon externe des vaisseaux diminue et leur
700 m2 pour un poids de 1,5 kg pour 70 kg de poids cor- épaisseur relative augmente [5]. Ce réseau a un comporte-
porel. Les cellules endothéliales font l’interface avec le ment viscoélastique qui est un phénomène de non-linéarité
sang circulant dont elles reçoivent des signaux transmis, ou hystérésis. En effet, le vaisseau est constitué à la fois de
dans la majorité des cas, vers les cellules musculaires lisses ; fibres élastiques qui permettent de résister sans dépense
la communication dite « endothélium-dépendante » est d’énergie à la force de distension produite par la pression
centrifuge. L’endothélium est une barrière de diffusion sanguine (pour des faibles niveaux de pression), mais aussi
engagée dans le catabolisme ou le métabolisme de subs- de fibres de collagène qui s’opposent par leur propriété de
tances circulantes dans le sang [4]. Dans les conditions phy- non-extensibilité à la distension du vaisseau [6, 7].
siologiques, il forme une couche imperméable hétérogène
en fonction des tissus. Les contacts entre les cellules endo- Ces propriétés physiques du réseau artériel peuvent
théliales sont soit des jonctions serrées (tight junctions), être mesurées à partir de la relation liant le volume à la
organisées en réseau discontinu, soit des nexus (réseau de pression, ou compliance, d’un segment d’artère isolé. La
plaques), soit des jonctions communicantes (gap junctions). compliance (C) est le rapport d’une variation de volume
L’endothélium occupe une position stratégique dans la (DV) par une variation de pression (DP) transmurale :
vasomotricité en modulant le tonus vasculaire. De plus, C = DV/DP.
dans les conditions basales, il n’exprime que très peu de
molécules d’adhésion à sa surface conférant des propriétés Cette compliance permet un stockage de l’énergie sous
anticoagulantes (antithrombotique et profibrinolytique), forme d’énergie potentielle. La distensibilité (D) d’un vais-
renforcées par la présence du glycocalyx (protéine chargée seau est le rapport de la compliance et du volume de ce
négativement) et la sécrétion de monoxyde d’azote ou vaisseau :
oxyde nitrique (NO), de prostacycline (PGI2), d’a-macro- D = C/V.
globuline, de thrombomoduline et la présence d’héparane Puisque la relation volume-pression d’une artère n’est
sulfate se conjuguant avec l’antithrombine. pas linéaire (hystérésis), la compliance varie avec le niveau
de pression de distension. Elle est représentée par la pente
Le vaisseau est constitué, de l’extérieur vers l’inté- de la courbe volume-pression (figure 1). L’association de la
rieur, de l’adventice (fibres de collagène et vasa résistance artérielle – définie par le rapport de variation
vasorum), de la média (cellules musculaires lisses) de pression (DV) sur le débit (Q) ou :
et de l’intima (endothélium). Les vaisseaux élas- R = DP/Q
tiques (aorte et ses branches) ont une média princi- permettant une dissipation de l’énergie – à la compliance
palement constituée de fibres élastiques et de permet l’amortissement des différences de pression systo-
collagène alors que les vaisseaux musculaires dits lique et diastolique mais aussi de transformer le débit. En
résistifs (petites artères et artérioles) ont une média effet, les propriétés élastiques du vaisseau vont intervenir
à composante musculaire lisse prédominante. La sur la vitesse de propagation d’une onde de pression dans
communication endothélium-dépendante est cen- le système artériel. Les vaisseaux élastiques ont une faible
trifuge alors que la communication adventicielle est résistance au débit sanguin. Une partie du volume d’éjec-
centripète. tion systolique est stockée dans les gros vaisseaux (phéno-
mène de distension) pendant la systole et restituée en
diastole (parois élastiques revenant en position diastolique
Propriétés physiques et permettant le maintien de la pression artérielle diasto-
lique). Ainsi, à la sortie du ventricule gauche dans l’aorte
Le réseau vasculaire est en permanence soumis à des (élastique), la courbe de débit sanguin est pulsée pour
contraintes hémodynamiques. Les interactions entre le devenir plus continue dans les artères périphériques
sang et le vaisseau vont contrôler le tonus et le dévelop- (artères rigides). Ce phénomène a été modélisé mathéma-
pement physiologique du vaisseau mais aussi intervenir tiquement sous le nom de modèle de Windkessel.
dans la physiopathologie de l’hypertension artérielle, de Cependant, ce modèle est inexact car il suppose une trans-
l’athérosclérose, du sepsis et du vieillissement. mission instantanée de l’onde de pression du cœur aux
artérioles, alors qu’elle se fait sur un mode de propagation.
C’est pourquoi a été mise au point l’équation de Moens-
Korteweg définie par la formule suivante :
2 E×h
C0 = ρ × d
C = ∆V/∆P où C0 est la vitesse de propagation de l’onde de pression
Volume

(m/s), E le module de Young ou module d’élasticité de la


paroi du vaisseau (Pa) – plus il est grand, plus l’artère est
rigide –, h l’épaisseur du vaisseau (m), d le diamètre (m) et
r la masse volumique du contenu du vaisseau (kg/m3).
Ainsi, plus l’artère est rigide, plus la vitesse de propagation
de l’onde de pression est grande. Cette vitesse d (corres-
pondant à un transfert d’énergie) ne doit pas être confon-
Pression
due avec la vitesse du sang dans les artères. Cette dernière
Figure 1 / Relation volume-pression est définie par le rapport du débit sur une surface de sec-
Le rapport d’une variation de volume (DV) par une variation de tion (en m/s) :
pression (DP) transmurale définit la compliance vasculaire (C) telle Q
que C = DV/DP. v= .
S

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Physiologie vasculaire et microcirculatoire 7

Cette vitesse d’écoulement du sang est maximale pen- (Ca2+) intracellulaire, d’inositol triphosphate (IP3) et de dia-
dant la systole. Elle diminue de l’aorte (0,35 m/s) aux arté- cylglycérol (DAG), une activation des canaux cationiques,
rioles (0,05 m/s) pour un débit constant. une diminution de la synthèse et de la sécrétion d’endo-
théline [10]. Tout concourt donc à une relaxation des cel-
Contraintes mécaniques lules musculaires lisses (intima) avec augmentation du
diamètre du vaisseau puis une normalisation de la
hémodynamiques contrainte de cisaillement. Cette vasodilatation augmente
La paroi vasculaire est soumise à une certaine tension à son tour la contrainte pariétale circonférentielle et par-
et à des contraintes de cisaillement. ticipe à l’hypertrophie de la média dont le but est de dimi-
nuer cette contrainte.
• Contraintes pariétales (figure 2) Il existe deux types d’écoulement. Celui de Poiseuille est
un écoulement laminaire parabolique à faible débit
La tension pariétale se définit comme la force circonfé-
constant dans un vaisseau régulier sans bifurcations où
rentielle par unité de longueur. La pression sanguine,
s’établit la couche limite correspondant à l’endroit où le
quant à elle, exerce des forces perpendiculaires sur la paroi
gradient de vitesse existe (figure 3). Il faut garder à l’esprit
du vaisseau. La loi de Laplace lie la tension et la pression
que le régime artériel n’est pas continu mais a un profil
et s’exprime par :
oscillatoire, qu’il évolue avec le temps et qu’il est donc
T=P×r
générateur d’une énergie cinétique. Le rapport entre les
où T est la tension pariétale, P la pression sanguine et r le forces d’inertie et les forces de viscosité est appelé para-
rayon du vaisseau. Cette tension circonférentielle est sup- mètre a de Wormesley. Il s’exprime par :
portée par toute l’épaisseur de la paroi du vaisseau. On
parle de contrainte pariétale circonférentielle (s) comme d ω
α= ×
une tension rapportée à l’unité d’épaisseur : 2 ν
P×r où d est le diamètre du vaisseau, n la viscosité cinématique
σ=
h (n = m/r où r est la masse volumique) et w la pulsation de
où h est l’épaisseur de la paroi. Cette contrainte pariétale l’écoulement (= 2pf, où f est la fréquence). Plus a est grand,
peut aussi se définir comme la force qui s’exerce par unité plus le profil est plat, plus l’énergie cinétique est grande
de surface.
Il existe une relation étroite entre la contrainte parié-
tale circonférentielle et la structure de la paroi notamment
impliquant les cellules musculaires lisses [8]. Ainsi, une aug-
mentation de contrainte comme celle rencontrée au cours
du vieillissement ou de l’hypertension artérielle est respon-
sable d’une hypertrophie des cellules musculaires lisses n
avec modification du rapport élastine/collagène. À l’op- yo
Ra
posé, une diminution de contrainte entraîne une atrophie
de paroi [9]. La différence entre ces modèles d’hypertro-
phie musculaire lisse réside au niveau des protéines de la Épaisseur Pression
matrice extracellulaire avec diminution du contenu en élas-
tine au cours du vieillissement et une augmentation du
contenu en collagène dans l’hypertension artérielle.

• Contraintes de cisaillement
Nous avons vu qu’à débit constant, la vitesse d’écoule-
ment du sang est plus faible dans un vaisseau de grand dia- Tension pariétale
mètre. Cependant, cette vitesse n’est pas uniforme au sein Figure 2 / Loi de Laplace
de la lumière vasculaire. L’écoulement du sang est fonction Tension pariétale (T) et pression sanguine (P) sont liées par la loi
de deux types de forces de frottement : la force interne (la de Laplace qui s’exprime par T = P × r, où r est le rayon du vaisseau.
viscosité du sang) et la force appliquée sur la paroi (créa-
tion d’un gradient de vitesse). En effet, il existe des forces
de frottement du sang mobile sur la paroi artérielle immo-
bile concernant l’endothélium (shear stress) où la vitesse
est plus faible qu’au centre de l’écoulement. Ces forces de
frottement constituent une contrainte de cisaillement (t)
s’exprimant par :
t = µ × (dv/dr),
où µ est la viscosité du sang, v la vitesse du sang, r la dis-
tance radiale et dv/dr le taux de cisaillement. La contrainte
de cisaillement a une action sur les phénomènes de crois-
sance vasculaire. Dans les conditions physiologiques, est
égal à 15 dyn/cm2 que ce soit dans le réseau artériel, vei-
neux ou capillaire. Toute augmentation de t entraîne des
modifications du comportement de l’endothélium résul-
tant en un alignement et une élongation des fibres d’ac-
Figure 3 / Écoulement de Poiseuille
tine, une augmentation du recaptage des LDL (low density L’écoulement de Poiseuille est un écoulement
lipoproteins, lipoprotéines de basse densité), de l’adhésion laminaire parabolique à faible débit constant
plaquettaire, de la sécrétion de monoxyde d’azote, de dans un vaisseau régulier sans bifurcation ; l’endroit
PGI2, de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA), où le gradient de vitesse existe correspond à la couche limite.
d’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), de calcium

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

et plus on s’éloigne d’un écoulement de Poiseuille. Pour qui évoluent proportionnellement en sens inverse
un écoulement laminaire, les contraintes de cisaillement de l’aorte jusqu’aux artérioles.
peuvent s’exprimer par : En clinique, on mesure la pression artérielle et non
4 ×µ ×Q la tension artérielle. La tension pariétale rend
τ= .
τ × r3 compte de la force circonférentielle par unité de lon-
gueur du vaisseau (loi de Laplace : T = P × r).
Ainsi, à débit constant, une diminution de diamètre La tension est perçue par les cellules musculaires
d’un facteur 2 augmente les contraintes de cisaillement lisses alors que les forces de cisaillement impliquent
d’un facteur 8. directement les cellules endothéliales.
L’écoulement du sang peut aussi être turbulent (défini
comme un écoulement erratique) ou former des tour-
billons (défini comme un écoulement organisé) principale- Régulation vasculaire
ment au niveau des bifurcations, des courbures ou des
sténoses (figure 4). Le nombre de Reynolds (Re) est défini
neuro-humorale et
comme le rapport des forces d’inertie sur les forces de vis- signalisation intracellulaire
cosité :
v ×d ×ρ Le contrôle de la perfusion des organes se fait par une
Re =
ν modification du diamètre des vaisseaux et, donc, du tonus
où v est la vitesse du sang (cm/s), d le diamètre du vaisseau musculaire sous contrôle nerveux mais aussi chimique. Le
(cm), r la masse volumique du sang (g/cm3) et n la viscosité contrôle nerveux est centripète par rapport à la surface
du sang (Poise où 1 Poise = 0,1 N/s/m2). Il permet de distin- luminale du vaisseau (le signal agit de l’adventice vers la
guer les écoulements turbulents (Re > 2 300) des écoule- lumière vasculaire), à l’inverse du contrôle humoral qui est
ments laminaires (Re < 2 300). centrifuge (le signal produit par les hormones vasoactives
part de la lumière vasculaire vers l’adventice). Au niveau
À l’état physiologique, il existe très peu de turbulences des artères de gros diamètre (élastiques), le tonus est prin-
dans l’arbre vasculaire hormis les premiers centimètres de cipalement sous contrôle humoral via les catécholamines
l’aorte thoracique et lors de l’éjection systolique. circulantes et ce, d’autant plus que ces artères sont très peu
innervées comparées aux petites artères et artérioles. À de
La distension d’un vaisseau dépend, pour des fai- rares exceptions près, le contrôle nerveux passe par le sym-
bles niveaux de pression, de ses fibres élastiques et, pathique (contrôlant 70 % des résistances artérielles péri-
pour des niveaux élevés de pression, de ses fibres phériques) dont les terminaisons postganglionnaires vont
de collagène. avoir un effet sur des récepteurs (a : vasoconstricteur, et b :
Il ne faut pas confondre vitesse de propagation de vasodilatateur). Dans la majorité des cas, la contraction est
l’onde sanguine et vitesse d’écoulement du sang modulée par des médiateurs noradrénergiques. Le tonus
vasoconstricteur a un caractère diffus et est impliqué dans
la régulation de la pression. Les communications vasocons-
trictrices sont homogènes, c’est-à-dire qu’elles touchent
l’ensemble de l’organisme. À l’opposé, les communications
vasodilatatrices sont locorégionales. Elles adaptent l’ap-
port sanguin en fonction des besoins métaboliques. Elles
sont plus impliquées dans la régulation du flux que de la
pression.

Contraction des vaisseaux


La contraction des vaisseaux implique les voies de mobi-
lisation du calcium (Ca2+) intracellulaire dans les cellules
musculaires lisses et la voie des phospholipases. À la diffé-
rence du myocyte cardiaque, la contraction de la cellule
musculaire lisse vasculaire est orientée sur un versant
tonique et ne dépend pas d’une dépolarisation primaire
de la membrane. Elle se décompose en deux phases. La
phase initiale est régulée par la libération de Ca2+ des
stocks intracellulaires via les phospholipases (figure 5). La
phase tardive soutenue de la contraction est liée aux mou-
vements de Ca2+ extracellulaire entrant dans la cellule via
l’activation d’une protéine kinase C alors que le taux intra-
cytosolique de Ca2+ est redevenu normal. Le Ca2+ ne
signale pas directement sur les protéines contractiles mais
par l’intermédiaire du complexe Ca2+-calmoduline produit
dans le cytosol activant la kinase de la chaîne légère de la
myosine (MLCK, myosin light chain kinase) aboutissant à
la formation de ponts actine-myosine (figure 6).
À côté de la noradrénaline, d’autres substances d’ori-
gine endothéliale peuvent être responsables d’une vaso-
constriction comme l’endothéline ou l’angiotensine II.
Figure 4 / Écoulement turbulent
L’écoulement du sang devient turbulent (écoulement erratique) Cette dernière, après couplage à son récepteur AT1A,
ou forme des tourbillons (écoulement organisé) au niveau active une protéine G (a13b1g3) qui, par l’intermédiaire de
des bifurcations, des courbures ou des sténoses. sa fraction b1g3 active une phospholipase C ou une phos-
pholipase D transformant la phosphatidylcholine en dia-

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Physiologie vasculaire et microcirculatoire 7

Figure 5 / Action de la noradrénaline


A. Le récepteur a1A activé par la noradrénaline (NA) est
couplé de manière spécifique aux phospholipases (PLC)
membranaires par la protéine Gq. Cette protéine est
constituée de 3 sous-unités (aqb1g3). La sous-unité aq
présente une forte affinité pour la guanosine diphosphate
(GDP). L’activation du récepteur va entraîner un
changement conformationnel, la sous-unité aq se liera
à la guanosine triphosphate (GTP), la séparant des sous-
unités b et g. La sous-unité aq activera la PLC qui dégrade
le phosphatidyl inositol biphosphate (PIP2) en inositol
triphosphate (IP3) et diacylglycérol (DAG). L’IP3 est le
principal agent de la signalisation. Il agit sur le canal
à l’IP3 (appartenant à la même famille que le canal
à la ryanodine) du réticulum sarcoplasmique. L’ouverture
de ce canal entraîne la libération de calcium
sarcoplasmique. Ce calcium intracellulaire (Ca2+i) va activer
le canal au chlore (Cl–), entraînant une dépolarisation
membranaire (qui est donc un événement secondaire) et
une ouverture des canaux calciques voltage-dépendants
(VOC). Ce dernier événement permet le maintien du
plateau de contraction.
B. Le DAG, quant à lui, reste dans la membrane.
Il présente un site de liaison aux protéines kinases C (PKC).
Ces dernières permettent l’entrée intracellulaire de
calcium extracellulaire (Ca2+e). La noradrénaline est
également capable d’activer le récepteur a2A couplé
à une protéine Gi (PGi). Cela provoque l’hydrolyse de la
phosphatidylcholine (PC) en DAG par action de la
phospholipase C (PLC) ou D (PLD). La PLD est responsable
d’une augmentation du stress oxydant dans les cellules
musculaires lisses qui est un phénomène important
impliqué dans le remodelage vasculaire chronique.
Elle est responsable d’une modification phénotypique
des cellules musculaires lisses en réponse à des agonistes.
Elle joue un rôle de modulation au long cours.

Figure 6 / Action du calcium sur les protéines contractiles


Dans le cytosol, le Ca2+ signale par l’intermédiaire du
complexe Ca2+-calmoduline qui active la kinase de la
chaîne légère de la myosine (MLCK) aboutissant à la
formation de ponts actine-myosine.
MLCK : myosin light chain kinase ;
MLCP : myosin light chain phosphatase.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

cylglycérol agissant sur une protéine kinase C permettant La voie de signalisation vasorelaxante la plus étudiée
l’entrée intracellulaire de Ca2+, elle-même responsable est la voie d’activation endothéliale par l’acétylcholine
d’une sortie de Ca2+ du réticulum sarcoplasmique. (ACh). Celle-ci se fixe sur son récepteur transmembranaire
de type M3 activant une protéine Gq puis la phospholi-
Le parasympathique a un effet vasoconstricteur direct
pase C responsable d’une augmentation du Ca2+ dans le
sur le muscle lisse via les récepteurs muscariniques M3 (de
cytosol (figure 7). La cible de mobilisation de ce Ca2+ est
façon prédominante). Les effets sont médiés par des pro-
une enzyme Ca2+-calmoduline-dépendante : la monoxyde
téines G (Gp) activant une phospholipase C. La stimulation
d’azote synthétase (NOS) constitutive endothéliale. Cette
des récepteurs M2 du muscle lisse active une protéine Gi
synthétase catalyse la transformation de la L-arginine en
diminuant le taux d’AMPc allant contre l’effet relaxant
L-citrulline avec production de monoxyde d’azote [11, 12].
médié via les récepteurs b.
Ce dernier diffuse vers le muscle lisse et active la guanylate
cyclase transformant la guanosine triphosphate (GTP) en
Vasorelaxation GMPc. Celle-ci phosphoryle (active) de manière réversible
(à la différence de la phosphorylation de la protéine
Les communications responsables de la vasorelaxation
kinase C qui est irréversible) la G kinase 1 qui diminue le
sont locorégionales. Elles sont de deux types : centripète
taux de Ca2+ intracytosolique par pompage vers le réticu-
(signaux provenant des tissus métaboliquement actifs vers
lum sarcoplasmique et entraîne une vasorelaxation.
la lumière endoluminale via la production d’adénosine),
L’acétylcholine (injectée par voie intraveineuse par ex.) a
comme dans les vaisseaux de résistance, et centrifuge
donc des effets relaxants indirects via la libération de
(signalisation endothélium-dépendante). Il existe une
monoxyde d’azote mais présente des effets vasoconstric-
synergie entre ces deux types de communication.
teurs directs sur le muscle lisse (via une stimulation ner-
La relaxation du muscle lisse dépend du recaptage par veuse cholinergique), comme la sérotonine, l’histamine, la
le réticulum sarcoplasmique du Ca2+ présent dans le cyto- bradykinine... Ces autres neurotransmetteurs du système
sol, par activation des ATPases Ca2+-dépendantes. Les parasympathique sont impliqués dans l’innervation vaso-
seconds messagers impliqués sont l’AMPc et la guanosine dilatatrice. Ainsi, la bradykinine se fixe sur ses récepteurs
monophosphate cyclique (GMPc). BK2 entraînant une libération endothéliale de monoxyde
d’azote. L’adénosine triphosphate (ATP) est également est
un puissant vasodilatateur via une action sur les récepteurs
à l’adénosine A2 dont l’activation augmente le taux
d’AMPc dans la cellule musculaire lisse mais aussi par pro-
duction endothéliale de monoxyde d’azote. La prostacy-
cline (PGI2) stimule l’adénylate cyclase responsable de la
production d’AMPc et de la relaxation. Le facteur hyper-
polarisant (et, pour une moindre part, le monoxyde
d’azote et la PGI2) produit une ouverture des canaux
ioniques au potassium responsable d’une hyperpolarisa-
tion du muscle lisse vasculaire et d’une inhibition de l’en-
trée du Ca2+ dans la cellule musculaire lisse vasculaire.
Le potentiel de membrane de la cellule musculaire lisse
joue un rôle crucial dans la régulation du tonus vasculaire.
Le potentiel de repos oscille normalement entre – 30
et – 60 mV selon le type de vaisseau. Une dépolarisation
(augmentation du potentiel) ouvre les canaux calciques
voltage-dépendants favorisant l’entrée de calcium et la
contraction [13]. À l’inverse, une hyperpolarisation (dimi-
nution du potentiel) s’oppose à l’ouverture des canaux cal-
ciques et s’accompagne d’une relaxation. Les canaux
potassiques de la cellule musculaire peuvent influencer le
potentiel de membrane. En favorisant l’extrusion du potas-
sium intracellulaire, ils négativent le potentiel et induisent
une relaxation musculaire lisse. Parmi les quatre types de
canaux potassiques, les canaux potassiques calcium-dépen-
dants (KCa) et ATP-dépendants (KATP) sont d’un intérêt
particulier dans la compréhension de la physiopathologie
de la défaillance vasculaire du choc septique [14]. Le
monoxyde d’azote peut également entraîner la vaso-
dilatation par l’activation des canaux potassiques de la
membrane du muscle lisse. Le canal KCa est d’un intérêt
tout particulier dans le contexte du choc septique puisque
son rôle physiologique est de contrer les effets de vaso-
Figure 7 / Schéma général des propriétés fonctionnelles constricteurs tels que les catécholamines. Celles-ci indui-
de la cellule endothéliale
sent l’augmentation du Ca2+ intracellulaire, lequel favorise
L’acétylcholine (ACh) ou la bradykinine se fixent sur leur récepteur
transmembranaire spécifique (de type muscarinique [M] ou de l’ouverture des canaux KCa, ce qui entraîne une hyper-
type B2) activant une protéine Gq puis la phospholipase C (PLC) polarisation qui tend à s’opposer à la contraction du muscle
responsable d’une augmentation du Ca2+ dans le cytosol et d’une lisse. L’augmentation de la synthèse de monoxyde d’azote
activation de l’enzyme monoxyde d’azote (NO) synthétase s’accompagne donc d’une résistance à la vasoconstriction.
constitutive endothéliale qui catalyse la transformation
de la L-arginine en L-citrulline avec production de monoxyde La libération de ces autacoïdes à partir des cellules
d’azote. L’utilisation d’un Ca2+ ionophore tel que l’A23187 endothéliales n’est pas seulement induite par des stimuli
entraîne le même type de réponse en provoquant l’entrée de Ca2+ activant les récepteurs de la membrane endothéliale ; elle
dans la cellule endothéliale. peut être activée par des phénomènes physiques ou par
des modifications de l’environnement chimique telles que

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Physiologie vasculaire et microcirculatoire 7

la modification de la pression tissulaire en oxygène (PO2).


En fait, la synthèse de ces autacoïdes est véritablement Microcirculation
modulée par la quantité d’oxygène moléculaire disponible.
Alors que l’oxygène est un facteur limitatif de la synthèse
du monoxyde d’azote, l’hypoxie, favorisant un certain
Histologie
degré de vasoconstriction par suppression du tonus dilata- La microcirculation est caractérisée par de nombreuses
teur du monoxyde d’azote, induit une vasodilatation par bifurcations formant une arborescence organisée en unités
une augmentation de l’hyperpolarisation et/ou une aug- fonctionnelles.
mentation de la production et/ou de l’activité de la PGI2
[15]. Par des mécanismes différents et complémentaires en
ce qui concerne la régulation de la perfusion, vasoconstric-
Artérioles
tion et vasodilatation vont ainsi se succéder au cours de la Les artérioles primaires (diamètre compris entre 50 et
diminution de la PO2 tissulaire. 120 mm) sont celles qui se ramifient directement depuis les
artères et sont innervées majoritairement par les fibres
Le stimulus le plus important de la libération endo- nerveuses sympathiques. Elles donnent progressivement
théliale de monoxyde d’azote reste les contraintes de naissance à des artérioles dites de deuxième, troisième et
cisaillement précédemment décrites (shear stress). quatrième ordres de distribution statistique des diamètres
L’augmentation du flux sanguin augmente les contraintes de 50-90, 25-50 et 8-25 mm, respectivement. Les artérioles
de cisaillement et la production endothéliale de monoxyde terminales, qui sont très peu innervées, vont donner nais-
d’azote (accompagnée d’une diminution de la sécrétion sance aux métartérioles débouchant soit sur le lit capillaire,
d’endothéline [16]) entraînant une relaxation du muscle soit directement dans les veinules par un shunt de jonction.
lisse avec augmentation du diamètre du vaisseau. Cette Les métartérioles possèdent plusieurs couches de cellules
endothélium-dépendance est nécessaire pour l’adaptation musculaires lisses circulaires formant un quasi-sphincter
des vaisseaux de conductance aux besoins énergétiques. précapillaire dont l’activité principale est la régulation du
débit sanguin. Son activité de contraction et de relaxation,
Dans de nombreuses situations physiopathologiques,
encore appelée vasomotricité, dépend du système nerveux
cette vasorelaxation endothélium-dépendante est altérée. végétatif et de la concentration locale de métabolites.
Au cours du sepsis expérimental, l’existence d’une dysfonc- Cette activité précapillaire présente vraisemblablement des
tion endothéliale marquée par une diminution de la caractéristiques variables selon les tissus concernés.
réponse vasculaire à l’acétylcholine a été démontrée [17,
18]. L’hypercholestérolémie constitue une autre source
physiopathologique de dysfonction endothéliale [19]. De Capillaires
même, au décours de l’angioplastie coronaire endolumi- Les capillaires ont un diamètre de 3 à 10 mm. Ils consti-
nale, qui a été un champ thérapeutique important de ces tuent le véritable lieu des échanges métaboliques. Leur
dernières décennies, il a été montré que la dysfonction structure est composée d’une simple couche de cellules
endothéliale résiduelle jouait un rôle crucial dans le phé- endothéliales entourée d’une membrane basale avec
nomène de vasospasme et de resténose postdilatation [20]. quelques fibres de collagène mais dépourvue de cellules
Enfin, le diabète ou le vieillissement prédispose les sujets musculaires lisses. La paroi des capillaires est très fine
à l’hypertension artérielle et à l’émergence de désordres (0,5 mm). Les cellules endothéliales comportent des dispo-
vasomoteurs et d’ischémie tissulaire. sitifs de jonction complexes. Il existe des jonctions étanches
de type occludens, des jonctions d’ancrage de type adhae-
rens via la VE-cadhérine (vascular endothelium cadherin),
Le contrôle de la perfusion des organes se fait par des jonctions communicantes (gap junctions) et des molé-
une modification du tonus musculaire sous contrôle cules d’adhérence comme la PECAM-1 (platelet endothelial
neuro-humoral. Le contrôle nerveux est centripète cell adhesion molecule 1). On distingue ainsi trois types de
(de l’adventice vers la lumière vasculaire). Le capillaires :
contrôle humoral est centrifuge (de la lumière vers • les capillaires continus dont les parois sont composées
l’adventice). Le tonus vasoconstricteur a un carac- d’une couche de cellules endothéliales jointives reposant
tère diffus et est impliqué dans la régulation de la sur une lame basale continue. Il existe cependant
pression. Les communications vasoconstrictrices d’étroites fentes entre les cellules constituant des ouver-
sont homogènes et systémiques. Elles sont impli- tures potentielles. Ces capillaires sont principalement
quées dans la régulation de pression. À l’opposé, les retrouvés au niveau des muscles, du tube digestif et des
communications vasodilatatrices sont locorégio- poumons. Dans le système nerveux central, ils ont la
nales et impliquées dans la régulation de flux. particularité d’être constitués de jonctions de type
À la différence du myocyte cardiaque, la contraction occludens, l’endothélium constituant la barrière hémato-
de la cellule musculaire lisse vasculaire est orientée encéphalique ;
sur un versant tonique et ne dépend pas d’une • les capillaires fenêtrés caractérisés par la présence de cel-
dépolarisation primaire de la membrane. Elle est lules endothéliales perforées de petits pores circulaires
directement dépendante de la concentration intra- de 70 nm reposant sur une lame basale continue. On les
cytosolique de Ca2+. Celui-ci ne signale pas directe- retrouve dans les tissus ayant d’importants échanges
ment sur les protéines contractiles mais par moléculaires (eau et sel) comme les intestins, les glomé-
l’intermédiaire du complexe Ca2+-calmoduline pro- rules rénaux, les plexus choroïdes et les glandes exocrines
duit dans le cytosol. et endocrines ;
À l’opposé, la vasorelaxation est régulée par le • les capillaires discontinus ou sinusoïdes possédant des ori-
recaptage sarcoplasmique de ce Ca2+. Cette vaso- fices transcytoplasmiques suffisamment larges pour le
relaxation est endothélium-dépendante dans sa passage de protéines plasmatiques et reposant sur une
membrane basale discontinue. Ils sont principalement
majeure partie. Elle passe par la libération de
retrouvés dans le foie (absence de membrane basale), la
monoxyde d’azote, de PGI2 ou d’un facteur hyper-
rate et la moelle osseuse.
polarisant par l’endothélium. Le stimulus le plus
important de cette libération est l’existence de Les capillaires se vident dans les veinules post
contraintes de cisaillement. capillaires.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Veinules tomique, représentant la structure morphologique du


réseau pouvant être modifiée à long terme (par ex., aug-
Les veinules postcapillaires sont formées de la réunion mentation par l’entraînement musculaire), et la densité
de plusieurs capillaires. Leur paroi est fine, continue et capillaire fonctionnelle qui est le nombre de capillaires
dépourvue de cellule musculaire lisse, comme les capil- effectivement perfusés à un instant t, pouvant être modi-
laires. Cette particularité leur permet d’être le siège fiée sur une courte période pour permettre l’adaptation à
d’échanges libres entre le plasma et le fluide interstitiel. une augmentation de la demande métabolique.
L’ordre des veinules est symétrique aux ordres artériolaires.
Ces veinules convergent dans des veinules dites collectrices Selon le principe de régulation métabolique intrin-
de diamètre supérieur à 30 mm et pourvues de cellules mus- sèque, la vasodilatation dans les tissus à haut métabolisme
culaires lisses. Deux veinules irriguent le même territoire s’oppose au tonus vasoconstricteur sympathique permet-
qu’une artériole. Le diamètre des veinules est supérieur de tant ainsi un ajustement de la balance au niveau tissulaire
20 % à celui des artérioles de même ordre. local entre la demande et le transport en oxygène
(figure 8). Bien que la nature des structures sensibles à
l’oxygène impliquées au niveau tissulaire local ne soit pas
Rôles physiologiques complètement élucidée, les cellules endothéliales en

des différentes unités contact direct avec le sang ont un certain nombre de pro-
priétés les prédestinant à être des capteurs efficaces [15].
fonctionnelles L’endothélium et le muscle lisse des artères et des artérioles
semblent être couplés entre eux à la fois structurellement
Réseau artériolaire et fonctionnellement. Le système capteur met en jeu des
phénomènes locaux de dépolarisation/hyperpolarisation
Le réseau artériolaire intervient dans la régulation des cellules endothéliales capillaires, et la communication
locale de la perfusion (vasomotricité) et de l’apport de s’effectue par le biais d’un courant électronique se propa-
l’oxygène aux tissus. C’est un véritable système résistif. geant de cellule en cellule par les gap junctions entre l’en-
L’essentiel du gradient de pression hydrostatique artério- dothélium et le muscle lisse vasculaire [17, 21]. Lors d’un
veineux se fait à ce niveau. Il joue un rôle dans l’amortis- stimulus hypoxique, l’habileté du tissu à extraire l’oxygène
sement de la pulsatilité cardiaque qui disparaît dans les – et à minimiser le shunt dans des régions à haute perfu-
artérioles de troisième ordre. sion par rapport à leur extraction d’oxygène – peut donc
être considérée comme un test d’intégrité de la fonction
Réseau capillaire endothéliale et de la coordination microcirculatoire [22].
L’hyperpolarisation (comme la dépolarisation) est un
Le réseau capillaire assure la distribution de l’oxygène moyen de communication entre les cellules dans la vaso-
aux tissus. La densité capillaire est un des éléments fonda- dilatation ascendante et rétrograde, et dans le recrute-
mentaux de l’oxygénation tissulaire. Elle est variable d’un ment capillaire et la coordination microcirculatoire. Il est
organe à l’autre (de 300 à 600 capillaires par millimètre important de souligner que le couplage intercellulaire
carré dans les muscles périphériques et de 2 000 à 3 500 implique exclusivement les cellules endothéliales. Au cours
dans le myocarde). On distingue la densité capillaire ana- du sepsis, une situation caractérisée par une altération de
perfusion tissulaire et d’une extraction en oxygène anor-
male, il a été démontré qu’il existait un couplage anormal
entre les cellules endothéliales et une diminution de la
réponse de conduction artériolaire [23].
Le réseau capillaire assure l’essentiel des échanges entre
le secteur intravasculaire et le secteur interstitiel. L’échange
de molécules entre ces secteurs intervient principalement
par un mécanisme passif de diffusion simple. Le sens de dif-
fusion dépend de deux facteurs :
• le gradient de concentration transcapillaire, tel que
décrit par la loi de la diffusion de Fick qui définit le taux
de diffusion comme le produit de la surface disponible
pour la diffusion par le gradient de concentration par le
coefficient de diffusion (qui devient de plus en plus petit
au fur et à mesure que la taille de la molécule aug-
mente) ;
• la perméabilité capillaire qui détermine la vitesse de dif-
fusion. Ainsi, des substances liposolubles (oxygène, gaz
carbonique) diffusent rapidement à travers les cellules
endothéliales (échange transcellulaire) ; les électrolytes
et le glucose, peu solubles, diffusent aussi rapidement
bien qu’ils ne passent pas à travers les cellules endothé-
liales mais au niveau des espaces intercellulaires (échange
paracellulaire). Le taux de diffusion reste limité par le
Figure 8 / Régulation de la perfusion microcirculatoire poids moléculaire de la substance. Ainsi, les protéines
La vasodilatation artériolaire, induite par l’hyperpolarisation ascendante plasmatiques diffusent lentement.
et la régulation métabolique locale (libération locale d’adénosine),
renforcée par la relaxation dépendante de l’endothélium médiée La pinocytose (exocytose, endocytose) des cellules
par le monoxyde d’azote (NO) et la prostacycline (PGI2), s’oppose au endothéliales est un mode de transport pour les grosses
tonus vasoconstricteur neuro-humoral descendant ainsi qu’à la réponse molécules jouant un rôle mineur.
myogénique des cellules musculaires lisses (CML) et permet, au niveau
tissulaire local, un ajustement de la balance entre la demande et le Le sens des mouvements des fluides entre le secteur
transport en oxygène. intravasculaire et le secteur interstitiel dépend de la pres-
sion capillaire, de la pression interstitielle, de la pression

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Physiologie vasculaire et microcirculatoire 7

oncotique (pression osmotique générée par les protéines agrégés entre eux), le taux de cisaillement est faible et
plasmatiques) et de la pression osmotique exercée par les donc la vitesse de propagation est importante – cet état
protéines dans l’interstitium, définissant des gradients. Le définit l’effet Fahraeus –, à la différence du manchon plas-
gradient de pression hydrostatique est défini par la diffé- matique situé en périphérie créant une couche de glisse-
rence entre les pressions capillaire et interstitielle. Étant ment réduisant la viscosité apparente (les globules rouges
donné que la pression capillaire est supérieure à la pression sont désagrégés) et créant l’effet Fahraeus-Lindquist [26].
interstitielle, il y a une tendance à la sortie des liquides des
Une autre caractéristique de l’écoulement sanguin dans
capillaires par un mécanisme de filtration. Le gradient de
le réseau microcirculatoire est la particularité des phéno-
pression oncotique est le résultat d’une paroi agissant
mènes survenant au niveau des bifurcations. En effet, le
comme une membrane très peu perméable aux protéines
flux de globules rouges sera plus élevé dans les branches
plasmatiques provoquant une résistance entre la pression
recevant un fort débit. Ce phénomène va provoquer une
osmotique qu’elles exercent et la pression hydrostatique
hétérogénéité des hématocrites locaux. L’effet Fahraeus
qui tend à la sortie des liquides des capillaires [24]. Ce gra-
est responsable de ce phénomène. La couche plasmatique
dient est donc la différence entre la pression oncotique
stagnante sur la paroi va créer un phénomène d’autodilu-
plasmatique et la pression oncotique interstitielle. Puisque
tion quand un flux de globules rouges arrive : c’est l’écré-
la concentration en protéines est plus élevée dans le
mage plasmatique. Plusieurs éléments interviennent dans
plasma, le gradient de pression oncotique induit un pas-
la répartition des globules rouges dans les bifurcations
sage de liquide dans les capillaires, neutralisant une partie
comme la répartition du débit sanguin, le rapport taille des
de la pression osmotique des protéines plasmatiques. On
globules rouges/taille du vaisseau, le profil de distribution
peut alors définir le gradient de pression de filtration nette
des globules rouges dans la lumière du vaisseau parent,
comme la différence entre les gradients de pression hydro-
l’hématocrite, la géométrie de la bifurcation et des vais-
statique et oncotique, définissant le sens du transfert liqui- seaux, les propriétés de déformabilité des globules rouges,
dien. Un gradient de pression de filtration nette positif la vitesse de l’écoulement et la présence de leucocytes dans
signifie un mouvement de fuite capillaire de liquide ou fil- certaines conditions pathologiques. L’élasticité des leuco-
tration. Un gradient négatif correspond à un mouvement cytes est 1 000 fois inférieure à celle des globules rouges.
inverse ou absorption. Ces éléments forment l’hypothèse Cette propriété peut empêcher le flux de globules rouges
de Starling. L’efficacité des échanges de liquides dans un dans certaines branches. Dans des conditions physiolo-
tissu définit le coefficient de filtration capillaire. Le taux giques, il n’existe pas d’effet significatif sur les écoule-
de filtration est élevé dans les capillaires fenêtrés (glomé- ments sanguins. Mais lorsque les leucocytes sont activés,
rule rénal, glandes exocrines) et modeste dans les capil- comme dans les processus inflammatoires et septiques, des
laires continus. molécules d’adhésion seront exprimées et entraîneront
une adhésion des leucocytes sur l’endothélium, principale-
Réseau veinulaire ment au niveau des parois veinulaires, gênant les écoule-
ments – les globules rouges « glissent » entre les leucocytes
Le réseau veinulaire joue un rôle dans les transferts et la paroi. La paroi veinulaire est le siège d’un œdème
d’eau et de molécules mais aussi de modulation de la modifiant ses propriétés physiques et la régulation de la
perméabilité, comme dans les capillaires. Il est aussi le site vasomotricité est altérée par la sécrétion de cytokines
privilégié pour l’interaction entre les cellules immuno- inflammatoires.
logiquement actives et le système microvasculaire.
L’atteinte de l’endothélium occupe une place centrale
dans la physiopathologie du choc septique [18]. Des
Physiologie hémodynamique atteintes morphologiques sont très rapidement observées,

et rhéologie sanguine à l’origine d’une diffusion hydro-électrolytique et de


médiateurs de l’inflammation vers le secteur interstitiel. Ces
lésions de désendothélialisation, secondaires en particulier
Physiologie hémodynamique aux ruptures des gap junctions interendothéliales, s’accom-
pagnent d’un défaut de couplage électronique intercellu-
Il existe un véritable gradient de pression dans le réseau
laire et d’un défaut de recrutement capillaire. Il existe
microcirculatoire. À l’extrémité artériolaire, la pression est
également une altération de la fonction endothéliale, évo-
de 30 mmHg et passe à 10 mmHg au niveau veinulaire. La
luant en deux temps, dans laquelle le métabolisme du
vitesse d’écoulement varie de 10 à 40 mm/s dans les arté-
monoxyde d’azote joue un rôle majeur. En effet, de nom-
rioles primaires à une centaine de micromètres par seconde
breux éléments suggèrent que le sepsis est associé à :
dans les capillaires [25]. Il existe une variabilité des vitesses
• une diminution rapide de l’activité de la NOS constitutive
entre les capillaires (hétérogénéité spatiale) mais aussi au
endothéliale associée à une dysfonction de la relaxation
sein d’un même capillaire dans le temps (hétérogénéité
dépendante de l’endothélium, diminution qui persiste de
temporelle). À cette double hétérogénéité vient se greffer
quelques jours à plusieurs semaines ;
une caractéristique particulière du sang : la viscosité.
• une augmentation différée dans le temps (quelques
heures) de l’expression d’une NOS inductible associée à
Rhéologie sanguine une vasoplégie et à une altération de la réponse du mus-
cle lisse aux hormones vasoconstrictrices.
À la différence du plasma et de l’eau, le sang est un
liquide non newtonien, c’est-à-dire que sa viscosité n’est
pas constante. La viscosité est définie par le rapport de la Le réseau microcirculatoire est constitué d’arté-
contrainte de cisaillement correspondant à la force géné- rioles, de capillaires et de veinules. Le réseau arté-
rée par les globules rouges par unité de surface sur le taux riolaire intervient dans la régulation locale de la
de cisaillement correspondant à la différence de vitesse perfusion (vasomotricité) et de l’apport de l’oxy-
entre les deux couches de la colonne sanguine circulant gène aux tissus. Le réseau capillaire assure la distri-
dans les vaisseaux pour une distance infinitésimale entre bution de l’oxygène aux tissus et assure l’essentiel
ces deux couches. L’écoulement sanguin dans la colonne des échanges entre le secteur intravasculaire et le
sanguine présente un agencement spatial particulier. Au secteur interstitiel, fonction qu’il partage avec le
centre de l’écoulement, la densité de globules rouges est réseau veinulaire. La majorité des échanges se fait
plus grande qu’en périphérie (les globules rouges sont très par diffusion.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Le réseau veinulaire est aussi le site privilégié pour des cellules de l’endothélium a permis de pénétrer les
l’interaction entre les cellules immunologiquement mécanismes de la régulation de la perfusion tissulaire et
actives et le système microvasculaire. des échanges au niveau microcirculatoire. L’endothélium
L’écoulement de la colonne sanguine dans ce réseau vasculaire constitue un véritable organe qui régule de
microcirculatoire est dépendant de la viscosité du nombreuses fonctions vasculaires grâce à des capacités de
sang dont un des paramètres important est l’héma- synthèse et de sécrétion de substances vasoactives qui dif-
tocrite qui présente une forte hétérogénéité au sein fusent vers le muscle lisse sous-jacent et provoquent sa
du réseau microcirculatoire. contraction ou sa relaxation. Il joue également un rôle cen-
tral dans le contrôle du flux microcirculatoire. L’étude des
conséquences de l’inflammation et du sepsis au niveau vas-
culaire a permis de mieux caractériser les propriétés de

Conclusion
l’endothélium : protection du sous-endothélium, modula-
tion de la coagulation et de la fibrinolyse, régulation de
l’expression des molécules d’adhésion, intervention dans
Les connaissances en physiologie vasculaire ont connu la vasomotricité et la coordination du réseau microcircula-
depuis un peu plus de 30 ans des progrès importants liés toire. L’ensemble de ces propriétés concourt à faciliter la
notamment à la découverte du facteur relaxant dérivé de perfusion, réguler la distribution tissulaire de l’oxygène et
l’endothélium [11] et à la compréhension du métabolisme participer aux échanges gazeux et hydro-électrolytiques
du monoxyde d’azote [12]. L’approche de la physiologie tissulaires.

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

8
Physiologie
de la circulation
• Anatomie de la circulation coronaire
• Déterminants du débit coronaire
coronaire
• Régulation du débit sanguin coronaire

Alexandre Ouattara
Service d’anesthésie-réanimation II, CHU Bordeaux,
Université de Bordeaux et Unité INSERM 1034
Biologie des maladies cardiovasculaires, Pessac

a circulation coronaire, circulation nourricière


du myocarde, assure la délivrance en oxygène et Anatomie
en métabolites au myocarde afin que ce dernier
assure un débit cardiaque adapté aux différentes
de la circulation coronaire
conditions physiopathologiques. Le métabolisme
La circulation coronaire est constituée de deux troncs
énergétique du myocarde étant quasi exclusive-
coronaires, le tronc commun de l’artère coronaire gauche
ment aérobique, toute inadéquation entre la déli-
et l’artère coronaire droite, qui prennent tous deux nais-
vrance et les besoins myocardiques en oxygène est
sance à la base de l’aorte dans le sinus de Vasalva. Ils che-
susceptible d’engendrer rapidement une hypoxie minent à la surface du myocarde pour donner naissance à
tissulaire. La complexité de cette circulation réside un réseau vasculaire coronaire [1]. Le réseau veineux coro-
dans son originalité puisqu’elle vascularise l’organe naire se jette majoritairement dans le sinus coronaire situé
qui participe, pour une grande partie, à sa pression dans l’oreillette droite (figure 1). Une petite partie du
de perfusion. La contraction cardiaque, à l’origine retour veineux coronaire se déverse directement dans les
d’une variation des pressions intramyocardiques, cavités ventriculaires via les veines de Thébéisus et consti-
entraîne des variations cycliques du flux coronaire tue ainsi un shunt anatomique physiologique [1-3]. Le
[1-3]. L’extraction myocardique en oxygène étant réseau vasculaire coronaire est classiquement divisé en
d’emblée maximale (70 à 80 % vs 25 % pour le artères de conductance et en microvaisseaux intramyocar-
reste du corps humain), une augmentation des diques (figure 2). Ces derniers contribuent à la majorité des
besoins en oxygène du myocarde n’est satisfaite résistances vasculaires coronaires et sont impliqués dans la
que par une augmentation du débit sanguin coro- régulation du débit sanguin coronaire. Toutefois, ce
naire. Ainsi, le débit sanguin coronaire est intime- concept de réseau microvasculaire homogène a été remis
ment lié à la consommation myocardique en en question par des études démontrant qu’un certain
oxygène [2]. À l’état basal, le débit sanguin coro-
naire oscille entre 220 et 250 mL/min, soit 4 à 5 %
du débit cardiaque. En cas d’augmentation des
besoins en oxygène du myocarde, le débit sanguin
coronaire peut être significativement augmenté. La
réserve coronaire se définit comme le rapport entre
le débit sanguin coronaire maximal et celui de
repos. Chez le sujet sain, ce rapport est de l’ordre
de 4 à 8 [1-3]. À noter que l’augmentation du débit
sanguin coronaire peut indépendamment augmen-
ter la contractilité et la demande en oxygène par
l’étirement diastolique des fibres myocardiques,
c’est l’effet Gregg. Les possibilités adaptatives du
débit sanguin coronaire sont le fruit de méca-
nismes régulateurs et/ou de rétrocontrôles inté-
grant principalement la demande en oxygène du
cardiomyocyte à l’origine d’une vasodilatation
artériolaire. Nous nous proposons de détailler dans
ce chapitre ces principaux mécanismes régulateurs
après un bref rappel des particularités anato-
miques de la circulation coronaire. Figure 1 / Anatomie coronaire

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

nombre d’artères de faible calibre (< 400 mm) qui ne sont Poiseuille (débit sanguin coronaire = DP/R où R = 8 L ×
pas assujetties à la régulation coronaire participent à une m/pr4 avec L = longueur du vaisseau, r = rayon du vaisseau
part non négligeable (jusqu’à 40 %) des résistances vascu- et m = viscosité) dans laquelle le rayon du vaisseau élevé
laires coronaires. Il est donc classique de diviser le réseau à la puissance 4 possède un impact majeur sur les résis-
vasculaire coronaire en trois catégories de vaisseaux [4] : tances. Ces artérioles sont sensibles aux modifications des
• les artères coronaires larges de conductance épicardiques besoins métaboliques du myocarde [5]. Le diamètre
(> 400 mm) dont la fonction est d’acheminer le sang aux moyen d’un capillaire coronaire est de 3 à 4 mm tandis
vaisseaux de plus faible calibre. En absence de lésions que la distance intercapillaire est de 17 mm et peut attein-
athéromateuses, ces artères de conductance saines ne dre 14 mm en cas de vasodilatation coronaire [1].
contribuent qu’à 5 % des résistances vasculaires coro-
naires totales ;
• les petites artères (de 100 à 400 mm), siège d’un tonus
vasomoteur, ne sont pas sous l’influence du contrôle
Déterminants
métabolique mais contribuent aux résistances vasculaires
coronaires. Certaines de ces artères de calibre intermé-
du débit coronaire
diaire, portant le nom d’artères pénétrantes, traversent
Si le débit coronaire est généré par le gradient de pres-
la paroi myocardique et font communiquer les artères
sion qui existe entre l’aorte et l’abouchement de la circu-
épicardiques avec le réseau microvasculaire sous-endo-
lation coronaire, en l’occurrence la pression de l’oreillette
cardique ;
droite, celui-ci ne sera possible que si la pression qui règne
• enfin, les artérioles (< 100 mm), c’est en leur sein que
à l’intérieur du vaisseau coronaire reste toujours supé-
réside la majeure partie des résistances vasculaires coro-
rieure à la pression extrinsèque, c’est-à-dire intramyocar-
naires. Ceci est la conséquence directe de la loi de
diaque. En raison de contractions responsables de larges
variations de pression intramyocardique, le réseau coro-
naire intramyocardique est le siège d’importantes varia-
tions cycliques de pression transluminale au cours du cycle
cardiaque. Ces dernières sont responsables de variations
du débit coronaire différentes selon que l’on s’intéresse au
réseau coronaire gauche ou droit (figure 3) [1, 3]. Le flux
coronaire gauche diminue de façon importante dès la
contraction isovolumétrique ventriculaire qui est respon-
sable d’une chasse veineuse se traduisant par un flux vei-
neux coronaire essentiellement systolique, c’est la notion
de pompe intramyocardique. Les variations cycliques de
flux sont amplifiées dans les couches sous-endocardiques,
conséquences d’une variation de pression intramyocar-
dique et de déformations géométriques plus importantes
[6], pouvant aboutir à une possible redistribution des
débits des couches sous-endocardiques plus profondes vers
les couches sous-épicardiques plus superficielles au cours
Figure 2 / Représentation schématique de l’anatomie du lit vasculaire de la contraction cardiaque. Toutefois, des mécanismes
coronaire artériel intramyocardique adaptatifs permettent de compenser les contraintes méca-
Les artères pénétrantes de type A vascularisent les deux tiers externes niques extravasculaires et maintiennent un débit sanguin
de la paroi myocardique tandis que les artères de type B sont nourricières coronaire moyen plus important dans les couches sous-
pour le réseau microvasculaire sous-endocardique et participent à la endocardiques [5]. Le flux coronaire gauche durant la dias-
vascularisation du tiers interne de la paroi (d’après Duncker et al. [4]). tole est substantiellement augmenté, il représente ainsi 65
à 80 % du flux total de l’artère coronaire gauche (figure 3).
Le débit sanguin coronaire gauche est donc en opposition
de phase avec la courbe de pression artérielle et ventricu-
laire gauche (figure 3). Au cours d’une surcharge en
120 pression ventriculaire gauche, comme au cours de la car-
Pression
aortique diopathie hypertensive, le flux systolique coronaire gauche
(mmHg) peut à l’extrême s’inverser, c’est le flux rétrograde systo-
80
lique [1]. L’éjection ventriculaire droite se faisant à des
niveaux de pression intracavitaire plus bas, le flux coro-
100
Débit naire droit durant la systole est moins affecté par la
coronaire contraction et est, en proportion, plus importante que
gauche dans l’artère coronaire gauche (figure 3). Le flux de l’artère
(mL/min) coronaire droite et la pression artérielle évoluent donc en
0 phase. Ainsi, la pression aortique systolique constitue la
pression motrice efficace dans l’artère coronaire droite et
Débit 15 devra être impérativement maintenue pour limiter le
coronaire risque de défaillance cardiaque droite dans les états de
droit choc. La surcharge systolique du ventricule droit peut être
(mL/min) 0
responsable d’une diminution de la part systolique du flux
coronaire droit.
Systole Diastole
Figure 3 / Variation des débits coronaires gauche et droit
au cours du cycle cardiaque
La phase diastolique est la phase prépondérante de la
On note que le flux coronaire gauche est en grande partie perfusion coronaire. L’augmentation de la fréquence
diastolique et est en opposition de phase avec la pression cardiaque étant à l’origine d’une réduction plus impor-
aortique. tante du temps diastolique, elle réduit inexorable-
ment le temps de perfusion coronaire [1, 3].

84
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Physiologie de la circulation coronaire 8

Régulation Tableau 1 / Mécanismes de régulation du tonus vasculaire

du débit sanguin coronaire


de la microcirculation coronaire (d’après Toyota et al. [5])

Calibre des microvaisseaux Mécanismes prédominants


L’ensemble du réseau microvasculaire coronaire est le
> 400 mm Débit-dépendance et neuro-hormonal
siège de processus régulateurs du débit coronaire.
Toutefois, les différents domaines microvasculaires, que 400-100 mm Débit-dépendance et neuro-hormonal
l’on peut aisément individualiser selon le calibre de l’ar- 100-50 mm Myogénique
tère, vont être assujettis à des processus régulateurs pré-
férentiels [5,7] (tableau 1). Si la régulation métabolique < 50 mm Métabolique
siège préférentiellement au niveau des artérioles de faible
calibre (< 150 mm) [8], d’autres processus comme le
contrôle myogénique ou la vasodilatation débit-dépen- molécules d’ATP qui peut dépasser les capacités de régé-
dante (le shear-stress) vont préférentiellement intéresser nération de la phosphorylation oxydative induit une aug-
les vaisseaux de calibre supérieur [5]. Pendant de nom- mentation des taux intracytosoliques d’adénosine
breuses années, il était admis que l’adaptation du tonus diphosphate (ADP). À partir de 2 molécules d’ADP, l’adé-
vasculaire coronaire résultait quasi exclusivement de la nylate kinase permet la formation d’adénosine triphos-
libération par le cardiomyocyte et/ou l’endothélium de phate (ATP) et d’AMP. Cette dernière ainsi formée est alors
médiateurs vasodilatateurs ; des études plus récentes métabolisée en adénosine par l’AMP 5’-nucléotidase.
démontrent que la vasodilatation métabolique, par exem- Lorsque le taux intracytosolique d’adénosine atteint le
ple, est le fruit d’un équilibre entre une libération de seuil critique, celle-ci est métabolisée par l’adénosine dés-
médiateurs vasodilatateurs et une inhibition de médiateurs aminase (ADA) ou transportée en dehors du cardiomyocyte
vasoconstricteurs comme l’endothéline [9]. À ce jour, les où elle va provoquer l’hyperpolarisation de la cellule mus-
mécanismes impliqués dans la régulation du débit sanguin culaire lisse artériolaire coronaire par ouverture des canaux
coronaire restent incomplètement élucidés. potassiques ATP-dépendants via les récepteurs à l’adéno-
sine de type A2A–, A2B– et A3– [11]. Toutefois, des études
plus récentes suggèrent que l’adénosine n’a pas un rôle
Principaux médiateurs indispensable à l’adaptation du débit coronaire au cours
et effecteurs impliqués de la régulation coronaire métabolique [12, 13]. Ces résul-
tats laissent supposer de possibles interactions entre les
dans la régulation principales voies de signalisation mises en jeu au cours de

du débit sanguin coronaire


la vasodilatation métabolique. Toutefois, son rôle semble
être indispensable au cours de la vasodilatation coronaire
ischémique [13].
Oxygène
La chute de la pression partielle artérielle en oxygène Monoxyde d’azote
est probablement le stimulus le plus puissant de la vasodi- L’existence du monoxyde d’azote (NO) a été suggérée
lation coronaire et survient dans de nombreuses situations par Furchgott et al. [14] qui soulignaient le rôle indispen-
pathologiques. Néanmoins, le rôle de ce stimulus dans des sable de l’endothélium intact dans la vasodilatation de
conditions physiologiques, tel que l’exercice physique, l’acétylcholine. Initialement dénommé facteur relaxant
reste à ce jour incertain. Enfin, il n’est pas encore claire- dérivé de l’endothélium (EDRF pour endothelium-derived
ment établi si la chute de la pression partielle artérielle en relaxing factor), il a été clairement identifié en 1987 [15].
oxygène a un effet direct ou indirect par le biais de méta- Le monoxyde d’azote est une substance diffusible et labile
bolites vasodilatateurs comme l’adénosine, le monoxyde qui est synthétisée par l’endothélium vasculaire coronaire
d’azote ou les prostaglandines. Toutefois, l’hypoxémie à partir d’un acide aminé, la L-arginine, sous l’action d’une
peut affecter intrinsèquement la fonction endothéliale, enzyme, la NO synthétase constitutive endothéliale. Il
des canaux ioniques des muscles lisses ou encore les canaux induit une relaxation de la cellule musculaire lisse par aug-
potassiques ATP-dépendants [2]. mentation du taux intracellulaire de guanosine monophos-
phate cyclique (GMPc) via l’activation d’une guanylate
Adénosine cyclase soluble (voir chapitre 7). La synthèse du monoxyde
d’azote est induite par des stimuli neuro-humoraux comme
En vasodilatant de façon prédominante les artérioles l’acétylcholine, la bradykinine et l’histamine via l’activation
de calibre inférieur à 150 mm, l’adénosine est depuis de des récepteurs spécifiques ou par des stimuli physiques
longues années reconnue comme le médiateur principale- comme les contraintes de cisaillement (shear stress) obser-
ment impliqué dans la régulation du tonus vasculaire arté- vées à l’interface entre le torrent sanguin et la paroi endo-
riolaire coronaire en réponse aux besoins métaboliques du théliale via des intégrines [5]. Le monoxyde d’azote est
myocarde [10]. Les artérioles coronaires sous-endocar- impliqué dans la vasomotricité des artères coronaires de
diques semblent plus sensibles à l’adénosine [8]. Dans des toute taille. Toutefois, l’inhibition de la NO synthétase n’al-
conditions basales, la principale source de synthèse d’adé- tère pas l’augmentation du débit sanguin coronaire en
nosine est interstitielle à partir de l’adénosine monophos- réponse à l’exercice physique [16]. Ces résultats peuvent
phate (AMP) et de la S-adénosylhomocystéine via, être expliqués par la sécrétion de médiateurs vasodilata-
respectivement, l’AMP 5’-ectonucléotidase et la S-adéno- teurs compensant l’inhibition de la NO synthétase ou par
sylhomocystéine hydrolase. L’adénosine nouvellement for- une vasodilatation artériolaire compensatrice d’une vaso-
mée est captée par le cardiomyocyte pour former de l’AMP constriction des petites artères (> 100 mm) [7].
via l’adénosine kinase. À côté de cette production d’adé-
nosine extracellulaire indépendante de l’état métabolique
du myocarde, une production intramyocytaire accrue
Prostacycline
d’adénosine est observée au cours d’une augmentation du La prostacycline est formée par activation de la phos-
travail cardiaque, responsable d’une augmentation des pholipase A2, de la cyclo-oxygénase et de la prostacycline
besoins myocardiques en oxygène. L’hydrolyse accrue des synthétase des cellules endothéliales en réponse aux

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

contraintes de cisaillement, à l’hypoxie et à de nombreux Espèces réactives de l’oxygène


médiateurs [4]. Elle est synthétisée à partir de l’acide ara-
chidonique et induit une vasodilatation coronaire par Comme pour le dioxyde de carbone, la production
ouverture des canaux potassiques ATP-dépendants. Si elle d’anion surperoxyde et de peroxyde d’hydrogène par l’ef-
ne semble pas jouer un rôle majeur dans le maintien du fet de la superoxyde dismutase (SOD) est proportionnelle
débit coronaire à l’état basal [17], son rôle est néanmoins à la consommation en oxygène du myocarde [2]. Les pro-
primordial dans le maintien du débit sanguin coronaire priétés vasodilatatrices du peroxyde d’hydrogène sur la
lorsque la voie du monoxyde d’azote est inhibée [18]. microcirculation coronaire ont été mises en évidence. Leurs
mécanismes restent incertains mais pourraient impliquer
les canaux potassiques voltage-dépendants ou encore les
Facteurs hyperpolarisants prostanoïdes.
dérivés de l’endothélium
Il s’agit de facteurs hyperpolarisants et vasorelaxants Neurotransmetteur sympathique
dérivés de l’endothélium, distincts du monoxyde d’azote et parasympathique
et de la prostacycline, qui sont impliqués dans la vasodila-
L’acétylcholine, en se fixant sur les récepteurs muscari-
tation endothélium-dépendante de la bradykinine et de
niques, induit une vasodilatation endothélium-dépen-
l’acétylcholine [19]. Du fait de leurs propriétés vasodilata-
dante des artères coronaires de résistance. Cet effet
trices par une hyperpolarisation de la cellule musculaire
vasodilatateur est médié par la libération endothéliale de
lisse via l’ouverture de canaux potassiques calcium-dépen-
monoxyde d’azote ou d’EDHF. La stimulation adréner-
dants, ils ont été appelés facteurs hyperpolarisants déri- gique, via la libération de noradrénaline et adrénaline,
vant de l’endothélium (EDHF pour endothelium-derived induit in vivo une vasoconstriction coronaire. Toutefois, des
hyperpolarizing factor). Ce facteur EDHF n’a pas encore été études in vitro rapportent l’absence d’effet vasoconstric-
clairement identifié à ce jour bien que les acides époxyci- teur coronaire à la stimulation a-adrénergique [22].
cosatiéniques, métabolites de l’acide arachidonique via le L’hypothèse de ces résultats serait que la vasoconstriction
cytochrome P450, puissent se révéler des candidats poten- observée in vivo ne soit pas la conséquence d’une stimula-
tiels. L’effecteur de l’EDHF est formé par les canaux potas- tion directe des récepteurs a-adrénergiques vasculaires
siques calcium-dépendants [19]. Le rôle de ces canaux a été mais l’effet de l’angiotensine II libérée par le cardiomyo-
récemment illustré sur les artérioles humaines. Toutefois, cyte secondaire à la stimulation a-adrénergique.
il semblerait que cette voie de signalisation ne soit activée L’angiotensine II induirait une vasoconstriction artériolaire
que lorsque celle du monoxyde d’azote est altérée [20]. coronaire via la libération in situ d’endothéline [22, 23].
Cette vasoconstriction joue un rôle régulateur dans la dis-
Bradykinine tribution du débit sanguin coronaire en limitant la vasodi-
latation coronaire excessive et le possible vol coronaire.
Il s’agit d’une kinine vasoactive qui provient de la trans-
formation de kininogènes tissulaires ou kallicréines plas-
matiques. La bradykinine est synthétisée dans la paroi
Canaux potassiques
vasculaire et exerce un effet vasodilatateur de l’artère ATP-dépendants
coronaire de toute taille via la stimulation des récepteurs L’ouverture de ces canaux est responsable d’un courant
B2 via une libération de monoxyde d’azote, de prostacy- potassique sortant qui induit une hyperpolarisation du sar-
cline et d’EDHF [21]. colemme de la cellule musculaire lisse. Celle-ci induit une
fermeture des canaux calciques voltage-dépendants qui
Sérotonine aboutit à une diminution de l’influx calcique et, donc, à
une vasodilatation. Le rôle des canaux potassiques ATP-
La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) induit dépendants a été démontré dans le tonus vasodilatateur
une vasoconstriction des artères de plus de 100 mm tandis coronaire au repos et au cours de l’exercice physique [24].
qu’elle induit une vasodilatation artériolaire coronaire. Sur Les mécanismes régulateurs de ces canaux sont multiples.
le cœur normal, l’infusion intracoronaire de 5-HT induit L’état métabolique de la cellule musculaire lisse stimule
une vasodilatation coronaire au repos et au cours de l’exer- leur activité via la diminution du rapport ADP/ATP, l’aci-
cice et ce, même si ce dernier avait déjà induit une aug- dose, l’hypoxie et l’hypercapnie (cf. supra). La prostacy-
mentation significative du débit coronaire. Cette cline, l’adénosine et les b2-récepteurs augmentent leur
vasodilatation coronaire est endothélium-dépendante via activité via l’AMPc et la protéine kinase A tandis que le
la stimulation du récepteur 5-HT2B. L’effet vasoconstricteur monoxyde d’azote les active via la GMPc. Au cours d’une
des artères épicardiques implique les récepteurs 5-HT1B ou hypoperfusion myocardique, ils jouent un rôle majeur dans
5-HT2A localisés sur la cellule musculaire lisse. le tonus vasodilatateur des artérioles coronaires. Ainsi, des
arguments scientifiques suggèrent qu’ils jouent un rôle
majeur dans de nombreux processus de régulation de la
Dioxyde de carbone circulation coronaire.
Sa production myocardique est proportionnelle à la
consommation en oxygène du myocarde. L’augmentation
de concentration de dioxyde de carbone est à l’origine Mécanismes de régulation
d’une augmentation de protons qui possède des effets
vasodilatateurs coronaires directs [2]. Les divers travaux
du débit sanguin coronaire
semblent attribuer un rôle relativement faible au dioxyde Vasodilatation métabolique
de carbone dont les effets vasodilatateurs pourraient être
contrecarrés par les effets vasoconstricteurs de la stimula- coronaire
tion adrénergique. Bien que les conclusions des travaux L’extraction myocardique en oxygène étant quasi maxi-
soient différentes selon les espèces, l’effet vasodilatateur male à l’état de base, toute augmentation des besoins en
coronaire du dioxyde de carbone pourrait impliquer l’adé- oxygène du myocarde, en réponse à une augmentation du
nosine, le monoxyde d’azote et aurait comme effecteur le travail cardiaque, devra impérativement être satisfaite par
récepteur potassique ATP-dépendant. une adaptation fine et rapide du débit sanguin coronaire

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Physiologie de la circulation coronaire 8

afin d’augmenter les apports en oxygène et en substrats ment liée à une vasoconstriction coronaire via les récep-
métaboliques [25]. Cette régulation du débit sanguin coro- teurs a1. Les mêmes auteurs rapportent un rôle accessoire
naire est appelée « régulation métabolique ». Elle est le des récepteurs b dans la régulation du débit coronaire à
fruit d’une vasomotricité des artérioles coronaires l’état basal comme le suggère la diminution parallèle du
(< 100 mm) via l’activation de phénomènes vasodilatateurs débit sanguin coronaire et de la consommation myocar-
associés à une inhibition de phénomènes vasoconstricteurs dique en oxygène sans modification de l’extraction en oxy-
[2, 26]. Si de nombreux médiateurs comme l’adénosine gène [30]. Ces résultats sont tout autres s’ils sont réalisés
[10], le monoxyde d’azote ou encore la prostacycline ont au cours d’un exercice physique durant lequel le rôle des
été identifiés comme des médiateurs potentiellement récepteurs -adrénergiques semble primordial [30].
impliqués dans la régulation métabolique, il est intéressant
de constater que l’inhibition de l’un d’entre eux ne modifie
que modérément le processus. Ces résultats suggèrent que
Autorégulation coronaire
chacun des médiateurs, à lui seul, n’est pas indispensable Il s’agit d’une régulation indépendante de la demande
à la régulation métabolique et qu’il existe des interactions métabolique du myocarde. Elle permet, dans des inter-
entre les médiateurs permettant de parer efficacement valles de pression de perfusion coronaire allant de 60 à 140
l’inhibition de l’un d’entre eux. La littérature médicale mmHg, de maintenir à un niveau constant le débit sanguin
semble s’accorder sur le fait que l’effecteur principal des coronaire par des modifications du tonus vasculaire coro-
voies d’activation de la régulation métabolique est le canal naire (figure 4). Bien que son mécanisme précis ne soit pas
potassique ATP-dépendant [27]. Toutefois, à l’issue d’un parfaitement connu, il implique probablement un contrôle
blocage des canaux potassiques ATP-dépendants, l’adéno- de type myogénique qui se traduit par une modification
sine semble jouer un rôle majeur [24]. Des résultats simi- du tonus vasculaire en réponse à une variation de pression
laires ont été obtenus avec la voie du monoxyde d’azote intraluminale [31]. Parmi les divers médiateurs potentiel-
[16]. À côté de l’adénosine, d’autres vasodilatateurs lement impliqués dans ce processus de régulation, on
artériels coronaires pourraient être impliqués dans la régu- retrouve le monoxyde d’azote, l’adénosine ou encore le
lation métabolique. Ainsi, l’hypoxémie, l’acidose intra- dioxyde de carbone ayant probablement pour effecteurs
cellulaire et l’hypercapnie induisent de façon directe ou les canaux potassiques ATP-dépendants [32]. L’hypoxie et
indirecte une vasodilatation métabolique coronaire. Enfin, l’acidose, observées lors d’une chute de pression de perfu-
les protons H+ formés au cours du métabolisme anaérobie sion, ont une action sur les canaux potassiques et pour-
induisent une vasodilatation coronaire directe et sensibili- raient donc jouer aussi un rôle dans ce processus.
sent les vaisseaux aux effets de l’adénosine. L’adénosine ne semble pas jouer un rôle important dans
l’autorégulation coronaire. En effet, les taux d’adénosine
Vasodilatation débit-dépendante interstitielle ne sont pas modifiés au cours de l’autorégu-
lation coronaire et le blocage des récepteurs à l’adénosine
La vasodilatation débit-dépendante (shear stress vaso- ne modifie en rien l’autorégulation [33]. Des résultats simi-
dilation) est un phénomène vasculaire coronaire ubiqui- laires ont été obtenus avec des inhibiteurs de la NO syn-
taire mais qui semble être prédominant pour les artérioles thétase et suggèrent l’absence d’un rôle primordial du
au diamètre compris entre 80 et 130 mm [5]. Il s’agit d’une monoxyde d’azote dans l’autorégulation [34]. Toutefois,
modification du tonus vasculaire induite par des forces de ces résultats doivent être interprétés avec beaucoup de
cisaillement exercées à la surface de l’endothélium par le précaution : comme nous l’avons déjà souligné, l’absence
torrent sanguin. La contrainte de cisaillement dépend du d’effet d’une inhibition d’un médiateur sur la régulation
calibre du vaisseau, du débit sanguin et de la viscosité san- ne signifie pas nécessairement que ce dernier ne soit pas
guine (t = 4mQ/pr3 où t est la contrainte de cisaillement, m impliqué. En effet, des interactions entre les voies de signa-
la viscosité sanguine, Q le débit sanguin et r le rayon du lisation peuvent avoir lieu afin de suppléer la défaillance
vaisseau). Il s’agit de l’un des plus importants stimuli de la de l’une d’entre elles [18, 20].
libération des facteurs vasoactifs dérivés de l’endothélium.
Les contraintes de cisaillement sont détectées par l’endo-
thélium via des intégrines ou d’autres mécanorécepteurs.
Bien que les voies de signalisation de la vasodilatation
débit-dépendante ne soient pas parfaitement connues, il
semblerait que les contraintes de cisaillement soient régu-
lées via la voie du monoxyde d’azote [28]. Une étude
récente rapporte le rôle également de l’EDHF via les
canaux potassiques calcium-dépendants dans ce processus
de régulation [29].
Débit sanguin coronaire (mL/min)

Contrôle neuro-hormonal
Le tonus vasculaire coronaire est modulé par le système Vasodilatation
maximale
nerveux autonome par un effet direct des neurotransmet-
teurs sur la circulation coronaire, mais essentiellement par
un effet indirect via des modifications du métabolisme
myocardique. La stimulation des récepteurs a-adréner- Vasoconstriction
Autorégulation coronaire maximale
giques limite le tonus vasodilatateur coronaire en réponse
à une demande accrue en oxygène myocardique. La stimu-
lation des récepteurs a2-présynaptiques induit un rétrocon-
trôle (feedback) négatif sur la libération de noradrénaline
par la terminaison sympathique, ce qui a pour effet de
diminuer la stimulation des récepteurs b-adrénergiques et, 0 50 100 150 200 250
donc, de limiter l’augmentation du débit sanguin coro-
Pression de perfusion coronaire (mmHg)
naire secondaire à l’augmentation de la consommation
myocardique en oxygène [30]. Toutefois, la limitation de Figure 4 / Autorégulation coronaire
la vasodilatation coronaire métabolique est principale-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Conclusion tation métabolique, mécanisme régulateur préférentiel


des petites artérioles, induit une diminution de la pression
intraluminale des artérioles de calibre supérieur à l’origine
La circulation coronaire est dotée de plusieurs méca- d’une vasodilatation d’origine myogénique. Cette dernière
nismes régulateurs permettant le maintien du débit coro- va provoquer une augmentation du débit des territoires
naire au cours de diverses situations physiopathologiques. en amont à l’origine d’une vasodilatation débit-dépen-
Chacun de ces mécanismes, que nous venons de détailler, dante des artérioles les plus larges [7]. Si, comme dans cet
exerce une action préférentielle sur un domaine micro- exemple ces interactions peuvent aboutir à des effets addi-
vasculaire que l’on peut aisément définir par le calibre du tifs voire synergiques, dans certains cas, ces effets peuvent
vaisseau concerné (tableau 1). Il apparaît évident que se révéler antagonistes. Enfin, soulignons que les princi-
l’adaptation optimale du débit coronaire provient d’inter- pales notions de physiologie de la régulation du débit san-
actions entre les mécanismes régulateurs de différents guin coronaire que nous venons de survoler sont de nos
domaines microvasculaires mais également au sein d’un jours explorées en cardiologie interventionelle dans l’en-
même domaine microvasculaire [2, 26]. Ainsi, la vasodila- vironnement de la maladie athéromateuse coronaire [35].

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 11:31 Page89

PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

• Relation pression-volume péricardique


9
• Pression péricardique
• Relation pression-volume cardiaque droite Fonction péricardique
• Implications cliniques :
estimation de la précharge ventriculaire droite
• Contrainte péricardique Sadek Beloucif
lors de la tamponnade cardiaque
Service d’anesthésie, Hôpital Avicenne,
• Contrainte péricardique Université Paris XIII, Bobigny
lors de la péricardite constrictive
• Influence de la ventilation

e péricarde est une enveloppe fibreuse qui obtenus pour des pressions plus basses (figure 2) [9, 10]. Le
apparemment ne semble pas avoir de fonction péricarde exerce donc une contrainte sur le ventricule
bien nette puisqu’il peut être congénitalement gauche et ce, même pour des volumes relativement faibles.
absent sans grandes perturbations physiologiques Du fait de la relation pression-volume particulière du
[1]. Cependant, il peut exercer en physiologie un péricarde, la contrainte exercée sur les cavités cardiaques
certain degré de contrainte cardiaque [2-4] et, en peut devenir importante en cas d’augmentation aiguë du
pathologie, entraîner des signes cliniques particu- volume contenu dans le sac péricardique. Le péricarde a
liers (tels que le signe de Kussmaul ou le pouls ainsi des effets protecteurs contre une distension car-
paradoxal) et des désordres hémodynamiques diaque brutale : s’il était absent, une hypervolémie aiguë
graves dans les cas de tamponnade ou de péricar- pourrait entraîner une distension cardiaque telle qu’elle
dite constrictive. En physiologie, la quantité de s’accompagnerait d’hémorragies myocardiques ou d’insuf-
liquide présent dans l’espace péricardique est très fisances valvulaires avec dysfonction myocardique persis-
faible, de l’ordre de 30 à 50 mL chez l’adulte [5]. La tante, même si le péricarde est alors refermé. En
surface péricardique externe est au contact de la pathologie, en cas d’insuffisance valvulaire aiguë ou d’in-
plèvre, expliquant les interactions proches obser- farctus du ventricule droit, l’augmentation de la contrainte
vées entre le cœur, le péricarde et les poumons, péricardique évite une surdistension cardiaque, permet-
tant au cœur de s’adapter à cette nouvelle condition. Par
particulièrement lors de la respiration.
analogie, on peut comprendre qu’après chirurgie car-
diaque, il peut être intéressant de réapproximer le péri-
carde chez des patients porteurs en préopératoire d’une
Relation pression- insuffisance cardiaque sévère. Chez le sujet antérieure-
ment sain en conditions pathologiques, le rôle du péri-
volume péricardique carde est débattu, bien que certains travaux de médecine
vétérinaire aient proposé d’accroître la tolérance à un
effort maximal de chiens lévriers en leur enlevant le péri-
Les propriétés élastiques particulières du péricarde font carde [11].
que le degré de contrainte qu’il exerce augmente avec le
volume intracardiaque. La relation pression-volume péri-
cardique est curvilinéaire [6, 7] : pour de faibles volumes
intracardiaques, le péricarde est relativement distensible
mais devient extrêmement peu compliant à partir d’un cer-
Pression (mmHg)
tain degré de distension (genou de la courbe), de telle
sorte que de faibles augmentations ultérieures de volume
intrapéricardique s’accompagnent d’élévations impor-
tantes de pression (figure 1). Dès lors, la contrainte externe
exercée par le péricarde sur le cœur augmente avec le
volume intrapéricardique [8].
Spotnitz a analysé l’influence de la contrainte péricar-
dique physiologique en mesurant la courbe pression-
volume ventriculaire gauche, avant et après ablation du
péricarde, sur des cœurs isolés dont le volume ventriculaire
était progressivement accru par gonflement d’un ballon- 0
net de latex introduit dans le ventricule gauche [9]. La péri- Volume
cardiotomie s’accompagne d’un déplacement vers le bas
et la droite de la relation pression-volume : le ventricule Figure 1 / Relation pression-volume d’une structure biologique
gauche étant plus distensible, des volumes similaires sont

89
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

En cas de dilatation chronique des cavités cardiaques, Le péricarde est une membrane dont les propriétés
la surface péricardique totale s’accroît, s’adaptant à la dila- mécaniques sont telles qu’il est distensible lorsque
tation cardiaque, mais la morphologie particulière de la le volume intrapéricardique est faible, et inextensi-
relation pression-volume avec une partie compliante suivie ble quand le volume intrapéricardique est plus
d’une partie relativement peu extensible est conservée, important, prévenant ainsi une surdistension car-
l’ensemble de la courbe étant déplacé vers la droite [12] diaque aiguë. C’est enfin une structure dynamique
(figure 3). Dans un groupe de chiens au cœur hypertrophié qui peut croître lorsqu’elle est soumise à un étire-
par une surcharge chronique de volume, Freeman et al. ment chronique, de telle sorte que la pression de
[12] ont montré que la surface péricardique totale grandit travail intrapéricardique régnant entre le péricarde
en même temps que le cœur grossit, s’adaptant ainsi à la et les cavités cardiaques reste faible.
dilatation cardiaque. On peut donc considérer le péricarde
comme une structure dynamique : dans les conditions phy-
siologiques habituelles, le cœur fonctionne sur la partie
plate de la relation pression-volume péricardique et ne sti-
mule pas la croissance du péricarde. Lorsque le cœur, en
Pression péricardique
revanche, atteint la limite supérieure de sa taille physiolo- Les relations existant entre pression et volume auricu-
gique, le péricarde le contraint, limitant ainsi les brusques laire droit nécessitent un rappel des notions de pression
à-coups dus à l’augmentation importante de précharge ou transmurale et de compliance/élastance des cavités car-
de postcharge. Le péricarde gardera donc sa capacité à diaques. Par rapport à la pression intraluminale, la pression
limiter les à-coups de précharge ou de postcharge en cas transmurale est la véritable pression de distension d’une
de dilatation cardiaque aiguë brutale. structure, corrélée au volume de cette cavité. Les cavités
cardiaques étant situées à l’intérieur de la cage thoracique,
les modifications de pression intrathoracique peuvent
moduler le niveau de pression transmurale (pris comme
indice de volume de ces cavités). Une telle contrainte méca-
nique peut aussi être exercée par le péricarde et modifier
Pression (mmHg)
la précharge ventriculaire. La compliance d’une structure
30
(DV/DP) est la pente de sa relation pression-volume avec,
en abscisse, la pression (variable indépendante) et, en
ordonnée, le volume (variable dépendante). C’est la repré-
20 sentation habituelle de la littérature pneumologique : la
pression d’une structure est mesurée et son volume en est
Péricarde intact
déduit au prorata de sa compliance (distensibilité). Dans la
littérature cardiologique, la représentation habituelle uti-
10
lise le volume (variable indépendante) en abscisse et la
Après péricardiotomie pression (variable dépendante) en ordonnée. Dans ce for-
mat, la pente de la relation obtenue entre volume et pres-
0
sion, DP/DV, a les unités d’une élastance ou inverses de la
5 10 15 20 25 compliance. C’est par exemple le schéma classique des
courbes pression-volume ventriculaire permettant de
Volume (cc) décrire l’élastance diastolique minimale et l’élastance
– 10
maximale, indice d’inotropisme décrit par Suga et Sagawa.
Figure 2 / Relations pression-volume d’un ventricule gauche isolé
avant (péricarde intact) et après péricardiotomie Comparé au cœur gauche, le ventricule droit est une
(d’après Spotnitz et Kaiser [9]) chambre relativement compliante pouvant être influencée
par toute contrainte externe surajoutée comme lors d’une
péricardite constrictive, d’une tamponnade ou d’une ven-
tilation artificielle. Le volume télédiastolique ventriculaire
droit, qui représente la précharge, est déterminé par la
Pression (mmHg) compliance ventriculaire et sa pression transmurale (Ptm,
ou pression de distension). La Ptm est égale à la pression
auriculaire droite intraluminale (PODil) moins la pression
péricardique (Ppe) :
20 PODtm = PODil – Ppe.
Cette équation peut être réécrite sous la forme :
PODil = PODtm + Ppe.
Chien
normal Ce format exprime la pression auriculaire droite mesu-
Surcharge
volumétrique rée (PODil) comme égale à la pression auriculaire droite
10 transmurale (reflétant le degré de tension exercé sur le
ventricule droit, fonction du volume ventriculaire droit et,
donc, de la précharge), plus toute contrainte additionnelle
externe produite par le péricarde et/ou le poumon.
La mesure précise de la pression intrapéricardique est
0
essentielle à la quantification du degré de contrainte péri-
100 200 300 400 500 600 cardique. La méthode optimale de mesure reste cependant
Volume (mL) controversée [13], la pression péricardique étant, en phy-
Figure 3 / Relations pression-volume péricardiques d’un chien normal siologie, représentée plus par une pression « de surface »
et d’un chien soumis à une surcharge volumétrique que par une pression « liquidienne » [6, 14, 15]. Une pres-
(d’après Freeman et LeWinter [12]) sion liquidienne représente une pression hydrostatique
mesurable par une colonne liquidienne. À l’opposé, une

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Fonction péricardique 9

pression de surface représente une force par unité de sur- volume surviennent pour de faibles variations de pression.
face. Elle est la somme d’une éventuelle pression liqui- Ainsi, une valeur normale ou petite de pression correspond
dienne, et d’un stress régional, c’est-à-dire une pression à un volume normal ou faible. Dans la seconde partie de
régionale due à des forces résultant de l’apposition de la courbe, pour des volumes plus élevés, des modifications
deux surfaces [16]. similaires de volume vont entraîner des augmentations
notables de pression. Dès lors, une pression télédiastolique
Le péricarde étant physiologiquement en contact avec élevée peut être secondaire à un volume télédiastolique
la surface cardiaque, la contrainte péricardique est donc élevé ou à une compliance ventriculaire réduite (augmen-
essentiellement transmise sous la forme d’une telle pres- tation de rigidité).
sion de surface et est supérieure à la pression péricardique
liquidienne. Ce n’est qu’en cas d’accumulation de liquide À l’opposé du ventricule gauche, la très grande com-
dans le péricarde (épanchement péricardique ou tampon- pliance initiale du ventricule droit fait qu’il n’existe pas de
nade cardiaque) que la surface péricardique perd son relation entre la pression auriculaire droite et le VTDVD,
contact avec la surface cardiaque et que la pression péri- et donc avec la précharge. Cette grande compliance ven-
cardique de surface devient égale à la pression péricar- triculaire droite pourrait être très utile car elle autorise,
dique liquidienne [17]. Ainsi, un cathéter à conduction par exemple lors de la respiration, que des modifications
liquide inséré dans un espace péricardique normal (en l’ab- aiguës du retour veineux systémique puissent instantané-
sence d’épanchement péricardique) sous-estime la vérita- ment s’accompagner de modifications proportionnelles du
ble pression péricardique. En conditions physiologiques, volume d’éjection systolique ventriculaire droit. Une aug-
cette pression est au mieux mesurée à l’aide d’un petit bal- mentation significative des pressions de remplissage secon-
lonnet plat de latex sensible aux forces de contact existant daires à l’augmentation inspiratoire du retour veineux est
entre les surfaces péricardiques et cardiaques [16]. ainsi évitée. La relation de Frank-Starling définit la pré-
charge comme la longueur télédiastolique des fibres myo-
À l’aide de tels ballons, il a ainsi pu être montré que la cardiques, la force de contraction augmentant avec la
pression péricardique variait au cours du cycle cardiaque tension télédiastolique de la fibre musculaire. La pression
[3, 6, 13, 15, 18, 19], avec une courbe qualitativement de remplissage ventriculaire droite (Pvd), définie comme
superposable aux variations de volume ventriculaire, avec la Pvd transmurale, est faible et varie peu lors du remplis-
des valeurs minimales en télésystole et maximales en télé- sage du ventricule droit. Dès lors, si la pression de disten-
diastole [15]. Des différences régionales de pression péri- sion ventriculaire droite est pratiquement inchangée, la
cardique existent toutefois, particulièrement autour du modification de contrainte pariétale ventriculaire droite
ventricule gauche et du ventricule droit [3, 15, 18], la pres- doit également être petite avec, donc, un impact modéré
sion péricardique étant principalement influencée par le de la relation de Frank-Starling. En physiologie, pour
volume du ventricule correspondant. En utilisant de tels réconcilier le fait que les modifications de pression auricu-
ballons intrapéricardiques, le degré de contrainte exercé laire droite ne reflètent pas les modifications de VTDVD,
sur le cœur a pu être précisé, mais la valeur exacte de la on doit donc admettre que le remplissage diastolique ven-
pression régnant à l’intérieur du péricarde, et donc de la triculaire droit survient en dessous de l’“unstressed
pression transmurale des cavités droites, est controversée. volume” ventriculaire droit. L’augmentation de volume
Pour certains [4, 17, 20], la pression péricardique mesurée ventriculaire droit lors de la diastole résulte alors de modi-
à l’aide de ballons remplis de liquide est pratiquement fications de conformation géométrique de la cavité ventri-
égale à la pression auriculaire droite, suggérant une très culaire et non d’un accroissement de la tension pariétale.
faible pression transmurale. Dès lors, le remplissage dias- Ceci implique donc qu’en conditions normales :
tolique des cavités droites serait plus limité par les carac- • la précharge ventriculaire droite est indépendante du
téristiques élastiques du péricarde que par l’oreillette ou VTDVD ;
le ventricule droits. En conséquence, la relation de Frank- • la force d’éjection ventriculaire droite est indépendante
Starling serait relativement inopérante pour le cœur droit du volume et de la pression télédiastolique ventriculaires
(cf. infra). D’autres auteurs, utilisant principalement des droits.
ballons remplis à l’air [14, 15, 18, 21] ou mesurant l’in-

Implications cliniques :
fluence de la pression péricardique sur un cœur arrêté
(avant et après péricardiotomie [22]), ont retrouvé une
pression péricardique de l’ordre de 1/3 à 2/3 de la pression
intraluminale des cavités droites, suggérant l’existence estimation de la précharge
d’une participation de la relation de Frank-Starling pour le
cœur droit. Au-delà de cette controverse sur l’importance
ventriculaire droite
du degré de constriction par le péricarde, cet effet semble L’estimation de la précharge ventriculaire droite à partir
exister même lors de conditions physiologiques. d’une mesure de pression auriculaire droite doit prendre
en compte la relation pression-volume individuelle. Sur le

Relation pression-volume
plan clinique, une PODil normale ou basse peut être utili-
sée pour prédire ou estimer la précharge ventriculaire

cardiaque droite droite. Dans ce cas, malgré les incertitudes sur le degré de
contrainte péricardique physiologique, on peut raisonna-
blement penser que le ventricule droit opère toujours sur
La relation entre pression télédiastolique et volume la partie compliante de sa courbe pression-volume, avant
télédiastolique ventriculaire est curvilinéaire, et sa pente son point d’inflexion. Les manipulations de précharge
(DV/DP) définit la compliance de la cavité. En raisonnant en autour de ce point en monitorant l’évolution de la pression
termes d’élastance (c’est-à-dire avec la pression en ordon- auriculaire droite lors de manœuvres thérapeutiques dyna-
née et le volume en abscisse), on observe que les modifi- miques permettront alors de mieux estimer le degré de
cations de volume télédiastolique ventriculaire droit précharge que l’évaluation d’une mesure isolée de pres-
(VTDVD) entraîneront des modifications quantitativement sion auriculaire droite. Si la pression auriculaire droite est
différentes de pression selon leur localisation sur cette élevée, il est parfois difficile d’estimer la précharge ventri-
courbe curvilinéaire. Habituellement, ces modifications se culaire droite. L’analyse des modifications qualitatives des
font sur la partie relativement plate de la courbe (la cavité modifications de pression auriculaire droite peut alors être
étant distensible) et des modifications importantes de utile.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

La courbe de pression auriculaire droite peut être affichée ponnade, cette allure biphasique est remplacée par un flux
selon différents formats, donnant chacun des informations veineux systolique prédominant, avec un flux veineux
différentes [23] : quasi nul en diastole [30, 32].
• une petite vitesse de déroulement (par ex., 5 mm/min)
Ces modifications sont directement liées à la contrainte
permet d’analyser la réponse des variations de pression
particulière qu’exerce le péricarde sur le cœur pendant la
auriculaire droite aux manœuvres thérapeutiques tamponnade. L’accumulation de liquide à l’intérieur de la
(remplissage, surélévation des jambes, utilisation d’une cavité péricardique augmente la contrainte péricardique
combinaison antigravité ou mise en position de par augmentation du volume intrapéricardique. La pres-
Tredelenbourg) et aider ainsi à déterminer la précharge ; sion péricardique devient proche des pressions intralumi-
• une vitesse intermédiaire (par ex., 5 mm/s) permet d’ana- nales auriculaires ou diastoliques ventriculaires, avec
lyser les variations de la pression auriculaire droite en diminution vers zéro des pressions transmurales. En outre,
fonction de la respiration. Les patients hypervolémiques la présence de liquide à l’intérieur du péricarde abolit les
ou souffrant de pathologie péricardique peuvent parfois inhomogénéités régionales physiologiques de pression
présenter un signe de Kussmaul [24]. Il a pu être démon- intrapéricardique, les remplaçant par une pression liqui-
tré que cette augmentation « paradoxale » de la pression dienne uniforme. Du fait de cette transmission par la
auriculaire droite lors de l’inspiration est secondaire à colonne liquidienne présente dans le sac péricardique, les
une augmentation du retour veineux abdominal lors de modifications de pression péricardique autour d’une cavité
l’inspiration [25] (cf. infra). Chez ces patients, lorsque l’in- cardiaque seront automatiquement et instantanément
terdépendance ventriculaire est réduite, l’augmentation transmises aux autres cavités.
du volume ventriculaire droit due à une augmentation
La pression péricardique étant augmentée et uniforme
du retour veineux abdominal lors de l’inspiration ne sera
lors de la tamponnade, l’interdépendance ventriculaire
pas atténuée par une diminution du volume ventriculaire
sera exagérée et un pouls paradoxal sera présent. Mais la
gauche et une augmentation de pression auriculaire présence du liquide à l’intérieur du sac péricardique va
droite sera observée malgré la baisse de la pression pleu- également entraîner, en plus de l’interdépendance ventri-
rale lors de l’inspiration. Chez des patients en respiration culaire (ou interaction « horizontale » entre les ventri-
spontanée, Magder et al. [26] ont pu montrer que les cules), une interaction « verticale » ou « auriculo-
patients ayant une précharge ventriculaire droite élevée ventriculaire ». L’interaction auriculo-ventriculaire traduit
ne modifiaient pas leur pression auriculaire droite lors de le fait que les modifications de volume auriculaire et ven-
la respiration, bien que la pression artérielle pulmonaire triculaire vont être « couplées » au cours du cycle car-
d’occlusion diminuât avec la pression pleurale lors de diaque par la contrainte péricardique accrue de la
chaque inspiration. Cette absence de baisse de la pression tamponnade, expliquant les modifications particulières
auriculaire droite avec l’inspiration peut alors être assi- observées sur les courbes de pression auriculaire et de flux
milée à un équivalent de signe de Kussmaul ; veineux [32]. En cas de tamponnade, lors de la systole,
• une vitesse rapide (par ex., 25 mm/s) permet d’analyser l’éjection ventriculaire diminue le volume total du sac
les modifications de pression auriculaire droite au cours intrapéricardique. Cette baisse de volume va abaisser la
du cycle cardiaque. En physiologie, deux nadirs distincts pression péricardique liquidienne de manière « uniforme »
existent. La descente systolique x correspond à l’associa- autour des cavités cardiaques, c’est-à-dire aussi bien autour
tion : des ventricules que des oreillettes. Les pressions auricu-
– d’un mouvement de descente de l’anneau auriculo- laires intraluminales étant principalement déterminées par
ventriculaire vers la pointe lors de l’éjection ventricu- le niveau de pression péricardique, elles diminueront paral-
laire, lèlement à la baisse de la pression péricardique, avec une
– et de la relaxation auriculaire, qui survient lors de la sys- descente systolique x marquée, facilitant le retour veineux
tole ventriculaire. La descente diastolique survient après et conduisant alors à un flux veineux systolique positif. Au
l’ouverture de la valve auriculo-ventriculaire. fur et à mesure que le retour veineux s’effectue en systole
pour remplacer le volume éjecté par les ventricules lors du
cycle cardiaque précédent, les pressions péricardiques et

Contrainte péricardique auriculaires s’élèvent pour revenir, à la fin de la systole, à


leurs niveaux initiaux et les flux veineux cesseront en télé-
systole. Pendant la diastole, l’oreillette va se vider et le ven-
Lors de la tamponnade tricule se remplir. Ce transfert de volume à travers les
valves auriculo-ventriculaires ne s’accompagne pas de
cardiaque modification du volume intrapéricardique total et les pres-
sions intrapéricardiques et auriculaires vont donc rester
Le profil hémodynamique classique de la tamponnade inchangées. La pression auriculaire sera constante, sans
associe une égalisation des pressions de remplissage droite descente diastolique y et, donc, sans gradient de pression
et gauche à la pression péricardique, et une diminution du pour le retour veineux pendant la diastole. Il n’y aura donc
débit cardiaque avec hypotension et pouls paradoxal [27]. pas de flux diastolique dans les veines caves ou pulmo-
De plus, il existe des modifications qualitatives des courbes naires [32].
de pression auriculaire, avec une descente systolique x exa- En utilisant ce modèle et avec la même instrumenta-
gérée et une atténuation ou une absence de la descente tion, l’influence de la contrainte péricardique physiolo-
diastolique y [27, 30]. En physiologie, la descente systolique gique (c’est-à-dire en présence d’un péricarde intact) a été
x de la courbe de pression auriculaire est secondaire à la étudiée. Lors de la constitution d’une tamponnade, les
relaxation auriculaire et, du moins pour le ventricule modifications des modes de remplissage auriculaire indi-
gauche, à l’attraction de l’anneau valvulaire mitral vers la quent que l’interdépendance auriculo-ventriculaire s’ac-
pointe pendant l’éjection ventriculaire gauche ; la descente croît au fur et à mesure que la quantité de liquide présent
diastolique y est contemporaine de l’ouverture des valves dans l’espace péricardique augmente. Le degré de
auriculo-ventriculaires. Correspon-dant à ces deux nadirs contrainte péricardique physiologique présent en situation
de pression, les flux veineux entrant aux oreillettes (flux normale peut être quantifié en comparant la distribution
veineux cave et pulmonaire) sont biphasiques avec un pic systolo-diastolique du retour veineux avant et après péri-
systolique et un pic diastolique [25, 31-33]. Lors de la tam- cardiotomie. Celle-ci s’est accompagnée d’une diminution

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Fonction péricardique 9

modérée des pressions auriculaires intraluminales, avec autour des autres cavités cardiaques. Dès lors, le retour
une légère augmentation associée de la composante dias- veineux et le remplissage cardiaque surviennent principa-
tolique des flux veineux [32]. Les rapports des volumes sys- lement pendant la diastole lorsque les valves auriculo-
toliques et diastoliques par battement cardiaque ventriculaires s’ouvrent et que la relaxation des ventricules
augmentent dans la veine cave supérieure (mais non dans diminue les pressions auriculaires. Ceci entraîne une des-
la veine cave inférieure et la veine pulmonaire). Ces diffé- cente diastolique y importante sur les courbes de pressions
rences quantitativement modérées de la distribution sys- auriculaires (correspondant au dip-plateau ventriculaire),
tolo-diastolique du remplissage auriculaire suggèrent qu’à avec des flux veineux diastoliques importants.
l’état physiologique, une contrainte péricardique est pré-
sente mais qu’elle est probablement de faible importance
dans des conditions normales. Le degré de couplage auri-
culo-ventriculaire présent en physiologie doit donc être
Influence de la ventilation
déterminé par une contrainte myocardique intrinsèque
Dans des conditions physiologiques à thorax fermé, les
plus que par le péricarde.
poumons sont directement en contact avec la surface péri-
cardique, produisant une pression de surface pleurale sur
Lors de la péricardite le cœur [14, 19, 37-39] qui s’ajoute à la contrainte produite
par le péricarde, pour représenter la contrainte totale
constrictive externe appliquée sur le cœur. La mesure de la pression
péricardique inclut donc la contrainte pulmonaire (influen-
À la différence de la tamponnade, au cours de la péri- çant la pression pleurale extrapéricardique), tandis que la
cardite constrictive, le péricarde est épaissi, non compliant composante purement péricardique de la contrainte car-
et adhérant au cœur, entraînant une restriction au remplis- diaque peut être appréciée par la mesure de la pression
sage des cavités cardiaques. Ainsi, si la péricardite constric- transpéricardique (pression intrapéricardique moins pres-
tive entraîne, comme la tamponnade, une diminution du sion extrapéricardique).
débit cardiaque avec hypotension artérielle et élévation
des pressions de remplissage droites et gauches, des diffé- Lors de la ventilation en pression positive, et particuliè-
rences sémiologiques importantes existent avec la tampon- rement si une pression télé-expiratoire positive (PEEP) est
nade. Le pouls paradoxal est beaucoup plus rare en cas de employée, l’influence de la contrainte pulmonaire sur la
péricardite [34] alors qu’un signe de Kussmaul, ou éléva- performance cardiaque peut devenir apparemment indé-
tion paradoxale des pressions veineuses jugulaires et auri- pendante de l’augmentation inspiratoire de pression intra-
culaires droites, a pu être observé dans la péricardite thoracique globale [19]. Cette différence entre contrainte
constrictive mais rarement dans la tamponnade [29, 35]. pulmonaire et pression intrathoracique peut être appré-
Enfin, les modifications qualitatives des courbes de pres- ciée dans la condition thorax ouvert, où la pression intra-
sion auriculaire et les profils des flux cave et veineux pul- thoracique est égale à la pression atmosphérique mais où
monaires sont opposés à ceux rencontrés en tamponnade. l’insufflation pulmonaire s’accompagne d’une contrainte
La péricardite constrictive s’accompagne d’une petite des- pulmonaire. Dans ce cas, la contrainte pulmonaire est bien
cente systolique x et d’une descente diastolique y prédo- indépendante de la pression intrathoracique. La différence
minante, avec une prédominance diastolique des flux cave quantitative entre les contraintes péricardique et pulmo-
et veineux pulmonaires [30, 36]. naire lors de la ventilation en PEEP a ainsi pu être évaluée
[19]. En l’absence de PEEP, l’essentiel de la pression péri-
Ces données peuvent être expliquées en considérant les cardique est le fait de la pression transpéricardique, c’est-
différences existant entre les deux types de contraintes. à-dire de la contrainte pulmonaire. À l’opposé, quand une
Lors de la péricardite constrictive, si la contrainte péricar- PEEP est appliquée, la pression péricardique devient prin-
dique est accrue, il n’existe pas, à la différence de la tam- cipalement le fait d’une augmentation de pression pleu-
ponnade, de pression péricardique liquidienne homogène rale extrapéricardique, avec baisse de la valeur de la
autour des cavités cardiaques. Du fait de cette absence de pression transpéricardique, témoignant de la prédomi-
couplage entre les modifications de volume des cavités car- nance de la contrainte pulmonaire sur le remplissage ven-
diaques, les modifications de pression de surface péricar- triculaire. Enfin, lorsque la pression intrathoracique
dique autour d’une cavité cardiaque ne seront pas devient négative (inspiration spontanée), elle facilite le
transmises aux autres cavités. Ainsi, l’interdépendance ven- retour veineux par baisse de la pression auriculaire droite.
triculaire est moindre que lors de la tamponnade et le Cependant, en cas d’augmentation exagérée du volume
pouls paradoxal moins fréquent. La plus grande fréquence pulmonaire (comme lors d’une crise d’asthme ou d’un
d’un signe de Kussmaul est également la conséquence de emphysème pulmonaire), le cœur peut être comprimé,
cette absence de couplage entre les cavités cardiaques. Le avec une pression de surface positive malgré une négati-
principal mécanisme physiopathologique du signe de vité de pression pleurale.
Kussmaul est une augmentation de retour veineux venant
du secteur abdominal vers le cœur droit lors de l’inspira- Une pression intrathoracique négative facilite le retour
tion [25]. Les volumes ventriculaires droit et gauche étant veineux systémique [15, 25, 33], avec augmentation du
relativement indépendants l’un de l’autre lors de la péri- volume ventriculaire droit et diminution du volume
cardite constrictive, l’augmentation de volume ventricu- ventriculaire gauche (interdépendance ventriculaire).
laire droit ne sera pas amortie par une diminution du La diminution du volume ventriculaire gauche et, secon-
volume ventriculaire gauche, avec donc une plus faible fré- dairement, de son volume d’éjection systolique par inter-
quence du signe de Kussmaul. dépendance ventriculaire est accentuée en cas de patho-
logie péricardique avec présence d’un pouls paradoxal. La
De même, l’interaction auriculo-ventriculaire lors de la survenue d’un pouls paradoxal peut également être expli-
péricardite constrictive sera moindre que lors de la tam- quée par une majoration de la postcharge ventriculaire
ponnade, les modifications de volume auriculaire et ven- gauche. La plus grande négativité de la pression intratho-
triculaire n’étant pas couplés au cours d’un cycle cardiaque. racique conduit à une augmentation de la pression trans-
Dans ce cas, les modifications de volume auriculaire et ven- murale ventriculaire gauche et, donc, à une diminution du
triculaire au cours du cycle cardiaque ne produisent prati- volume d’éjection systolique. Cette dernière semble donc
quement que des modifications de leurs pressions de la résultante d’une diminution de précharge et d’une aug-
surface régionales sans modifier les pressions de surface mentation de postcharge ventriculaire gauche.

93
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Toutefois, le péricarde peut moduler les effets de la remplissage auriculaire droit ne se faisant qu’en systole.
ventilation sur la postcharge ventriculaire gauche. Takata L’absence de flux diastolique dans les veines caves semble
et Robotham [19] ont pu montrer que lors d’une baisse reliée de manière spécifique à la physiopathologie de la
importante de pression intrathoracique, la pression intra- tamponnade, expliquant son utilité en tant que signe
péricardique autour du ventricule gauche s’abaissait moins échocardiographique spécifique de la tamponnade.
que ne le faisait la pression pleurale extrapéricardique ou
la pression œsophagienne, avec une augmentation de la À l’opposé, la contrainte péricardique produite par la
pression transpéricardique (pression intrapéricardique péricardite constrictive peut présenter des inhomogénéités
moins pression pleurale extrapéricardique) à la fois en télé- régionales autour des oreillettes et des ventricules. Cette
systole et en télédiastole. En effet, l’augmentation du contrainte péricardique « non couplée » s’accompagne de
retour veineux contemporaine de la baisse de pression modifications indépendantes des volumes auriculaires et
intrathoracique a augmenté le volume ventriculaire total, ventriculaires, avec des courbes de pression auriculaire et
entraînant une augmentation de la contrainte péricar- des caractéristiques des flux caves différentes de celles
dique et donc de la pression transpéricardique. Ainsi, dans observées lors de la tamponnade. La contrainte cardiaque
le péricarde, la véritable pression régnant autour du ven- externe va entraîner des répercussions plus grandes sur les
tricule gauche est moins négative que la pression intratho- oreillettes que sur les ventricules, gênant la relaxation auri-
racique, permettant de conclure que la présence du culaire et diminuant le gradient de pression du retour vei-
péricarde atténue l’augmentation de postcharge ventricu- neux cave systolique (disparition de la descente systolique x).
laire gauche lors d’une baisse de la pression intrathora- La persistance d’une descente diastolique y sur la courbe de
cique. pression auriculaire traduit la moindre répercussion de la
contrainte péricardique sur les ventricules, le retour veineux
systémique et pulmonaire étant maintenu en diastole lors
Conclusion de la relaxation ventriculaire.
Cette distinction entre contrainte « couplée », exercée
En conditions normales, l’influence de la contrainte par une pression péricardique liquidienne uniforme autour
péricardique sur le couplage auriculo-ventriculaire est du cœur (tamponnade), et contrainte « non couplée »,
minime, autorisant les oreillettes et les ventricules à être exercée par une pression régionale de surface autour du
relativement indépendants en termes de remplissage. En cœur (péricardite constrictive), a été vérifiée à l’aide d’un
revanche, lors de la tamponnade, un haut degré de cou- modèle mathématique [40], permettant d’offrir une inter-
plage auriculo-ventriculaire est retrouvé, du fait de la pré- prétation uniciste des profils hémodynamiques rencontrés
sence d’une pression péricardique liquidienne uniforme, le cliniquement.

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

10
• Interaction cœur-poumons
Interactions cœur-poumons :
et décompensation aiguë
de bronchopneumopathie chronique obstructive physiopathologie
• Asthme aigu grave
• Insuffisance cardiaque gauche
et implications cliniques
• Syndrome de détresse respiratoire aiguë
• Prédiction de la réponse à l’expansion Xavier Monnet, Jean-Louis Teboul
volémique par la variabilité respiratoire
des signaux hémodynamiques Service de réanimation médicale, CHU de Bicêtre,
Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
Université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre

es conséquences hémodynamiques des inter- nomènes pathologiques « initiateurs » qui participent tous
actions cœur-poumons résultent du fait que, dans au retentissement hémodynamique de la ventilation :
l’espace clos qu’est le thorax, le système cardio- l’hyperinflation pulmonaire dynamique, la négativation
vasculaire, d’une part, et le système respiratoire, excessive de la pression intrathoracique et l’augmentation
d’autre part, sont soumis à des régimes de pression de la pression intra-abdominale.
différents. Lors de la respiration normale et dans
des circonstances physiologiques, ces interactions
n’entraînent pas de conséquences hémodyna-
• Hyperinflation pulmonaire dynamique
miques significatives. Ce n’est pas le cas en pré- L’hyperinflation dynamique résulte des anomalies bron-
sence de certaines pathologies, telles que la chiques liées à cette maladie. L’altération des propriétés
décompensation aiguë de bronchopneumopathie élastiques de la paroi des bronches est responsable de leur
chronique obstructive (BPCO), l’insuffisance car-
collapsus pendant l’expiration. L’occlusion bronchique télé-
diaque gauche aiguë ou encore lors du sevrage de
la ventilation mécanique. Dans ces circonstances, expiratoire emprisonne dans l’espace alvéolaire un volume
les interactions cœur–poumons ont un retentisse- de gaz qui n’a pas été expiré et qui est responsable d’une
ment hémodynamique dont le caractère néfaste ou pression télé-expiratoire (PEP) des voies aériennes anorma-
bénéfique dépend des phénomènes physiopatho- lement positive, appelée auto-PEP [1]. Ce phénomène, pré-
logiques parfois complexes qui sont impliqués. sent même à l’état stable chez les patients souffrant de
Plutôt que de décrire les effets bruts de la ventila- BPCO, est exagéré lors des décompensations aiguës à
tion sur le système cardiovasculaire, nous aborde- cause, d’une part, de l’inflammation de la paroi bron-
rons les interactions cardio-pulmonaires au travers chique et, d’autre part, de l’accélération de la fréquence
de ces quelques exemples non seulement parce respiratoire et du raccourcissement de l’expiration [1].
qu’elles en constituent une parfaite illustration,
Ainsi, lors d’une décompensation aiguë de BPCO, la capa-
mais aussi en raison de l’impact clinique qui peut
être produit. cité résiduelle fonctionnelle (CRF) est-elle très augmentée,
toute inspiration entraînant une augmentation impor-
tante du volume pulmonaire.

Interaction cœur-poumons • Négativation excessive


et décompensation aiguë de la pression intrathoracique

de bronchopneumopathie La négativation excessive de la pression intrathoracique


à l’inspiration est due :
chronique obstructive • à l’augmentation de la résistance des voies aériennes à
l’inspiration, d’une part ;
Nous envisagerons les interactions cœur-poumons qui • à l’auto-PEP, d’autre part. En effet, pour créer un gra-
surviennent en ventilation spontanée avant d’aborder le dient de pression qui permette l’admission de gaz dans
cas de la ventilation mécanique. les alvéoles, les muscles respiratoires doivent d’abord
générer une dépression qui compense l’auto-PEP avant

En ventilation spontanée d’y ajouter une dépression thoracique qui permette fina-
lement l’admission de gaz dans les alvéoles. Ainsi, l’ins-
piration spontanée lors d’une décompensation aiguë de
Phénomènes initiateurs BPCO associe une augmentation excessive du volume pul-
Lors d’une décompensation aiguë de BPCO en ventila- monaire et une négativation considérable de la pression
tion spontanée, l’inspiration est responsable de trois phé- intrathoracique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

• Augmentation lors de la décompensation aiguë de BPCO augmente


de la pression intra-abdominale encore le gradient de pression qui favorise le retour vei-
neux systémique [5]. Toutefois, en cas de dépression inspi-
La négativation de la pression intrathoracique se fait ratoire très marquée, la pression intra-abdominale peut
essentiellement par l’intermédiaire du diaphragme qui devenir si positive par rapport à la pression de l’oreillette
s’abaisse à l’inspiration et qui augmente la pression intra- droite qu’elle entraîne un collapsus de la veine cave infé-
abdominale : le thorax et l’abdomen ont à l’inspiration des rieure dans son segment immédiatement sous-diaphrag-
régimes de pression opposés [2]. matique. Ce phénomène interrompt alors l’augmentation
inspiratoire du retour veineux systémique [6]. Il est proba-
Ce sont les trois phénomènes précédents qui sont à
blement accru en cas d’hypovolémie associée [7].
l’origine des effets de la ventilation spontanée sur le sys-
tème cardiovasculaire. On peut schématiquement séparer
ces effets selon qu’ils concernent le cœur droit ou le cœur
• Augmentation
gauche. de la postcharge ventriculaire droite
Simultanément à l’augmentation de la précharge VD,
À l’inspiration en ventilation spontanée lors de la les phénomènes initiateurs inspiratoires augmentent la
décompensation aiguë de BPCO, trois phénomènes postcharge VD et gênent son éjection. Trois mécanismes
initiateurs sont responsables de l’interaction entre sont à l’origine de cette augmentation de postcharge.
le cœur et les poumons : l’hyperinflation pulmo-
naire dynamique, la négativation excessive de la L’aggravation de l’hypertension
pression intrathoracique et l’augmentation de la artérielle pulmonaire chronique
pression abdominale. L’obstacle précapillaire pulmonaire à l’éjection VD est
accru lors des décompensations aiguës du fait de la vaso-
constriction hypoxique.
Retentissement sur le cœur droit
La compression des vaisseaux pulmonaires
Lors de la décompensation aiguë de BPCO en
par l’hyperinflation pulmonaire
ventilation spontanée, l’inspiration est responsable de
l’augmentation du retour veineux systémique et d’une Si on considère la circulation pulmonaire comme un sys-
augmentation de la postcharge ventriculaire droite (VD) tème monté en série, la circulation pulmonaire peut être
(figure 1). divisée en vaisseaux intra-alvéolaires et en vaisseaux extra-
alvéolaires [8]. Expérimentalement sur le poumon isolé et
• Augmentation en situation normale, la relation entre les résistances arté-
rielles pulmonaires en ordonnée et le volume pulmonaire
du retour veineux systémique
en abscisse décrit une forme en U : si le volume pulmonaire
Le retour veineux systémique vers l’oreillette droite se passe du volume résiduel expiratoire à la CRF, l’inspiration
fait selon le gradient de pression qui existe entre, en déplisse les alvéoles et les vaisseaux extra-alvéolaires,
amont, le système veineux capacitif où règne la pression réduisant la résistance du circuit artériel dans les poumons
systémique moyenne et, en aval, l’oreillette droite. Ainsi, [8, 9]. Le nadir de la courbe est atteint à la CRF. Au-delà,
le retour veineux systémique est linéairement corrélé à la l’inspiration a un effet différent sur les deux types de
pression auriculaire droite : plus celle-ci diminue, plus le vaisseaux pulmonaires : la négativation de la pression
retour veineux augmente [3]. À l’inspiration, la négativa- intrathoracique augmente la pression transmurale des vais-
tion de la pression intrathoracique se transmet à la cavité seaux extra-alvéolaires et diminue la résistance à l’écoule-
auriculaire droite, augmentant ainsi le gradient de pres- ment dans ces vaisseaux. En revanche, l’augmentation du
sion entre le territoire veineux extrathoracique en amont volume dans les alvéoles comprime les vaisseaux intra-
et l’oreillette droite en aval. Simultanément, l’augmenta- alvéolaires dans les septa [8, 9]. Ce dernier phénomène est
tion de la pression intra-abdominale participe à l’augmen- majoritaire et, au total, l’inspiration augmente de façon
tation de ce gradient et chasse le sang veineux vers le modérée la résistance artérielle pulmonaire. Dans cette
thorax [3, 4]. Enfin, la vasoconstriction du territoire veineux situation normale, l’expiration passive n’entraîne d’autre
splanchnique provoquée par la stimulation adrénergique retentissement sur les résistances artérielles pulmonaires

Insufflation en ventilation mécanique


insufflationen normo-hypervolémie
envent
ilation mécanique enhypovolémie

ì Pression ì Pression ì Volume


intrathoracique intra-abdominale pulmonaire

Compression
Sédation par substances vaisseaux
vasodilatatrices intra-alvéolaires
î Retour veineux ì Retour veineux
systémique systémique
Figure 1 / Schéma physiopathologique
expliquant les conséquences
Précharge
préchargeVD
VD?? ì Postcharge VD hémodynamiquesnéfastes
? de la ventilation en pression positive
en cas de normovolémie
î Volume d'éjection systolique VD VD : ventricule droit.

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Interactions cœur-poumons : physiopathologie et implications cliniques 10

que leur retour à la valeur de base. Les phénomènes sont • Diminution


bien différents lors de la décompensation aiguë de BPCO. de la compliance ventriculaire gauche
Dans cette situation, le volume pulmonaire est constam-
ment supérieur à la CRF. À l’inspiration comme à La diminution de la compliance VG est due à une inter-
l’expiration, l’hyperinflation pulmonaire entraîne une dépendance entre les deux ventricules. Lors d’une décom-
compression majeure des vaisseaux intra-alvéolaires par les pensation aiguë de BPCO, l’augmentation inspiratoire de
alvéoles distendues. À l’expiration de surcroît, l’augmen- la précharge (effet retour veineux) et de la postcharge VD
tation de la pression intrathoracique entraîne cette fois-ci entraîne une dilatation du ventricule droit qui, se produi-
une diminution de la pression transmurale des vaisseaux sant dans la poche inextensible qu’est le péricarde, déplace
extra-alvéolaires, dont l’effet néfaste sur les résistances le septum interventriculaire vers la gauche et réduit d’au-
artérielles pulmonaires s’ajoute à celui de la compression tant le volume de la cavité VG [11]. Chaque inspiration s’ac-
des vaisseaux intra-alvéolaires. compagne donc d’une diminution importante de la
compliance VG qui peut aussi, comme nous allons le voir,
Si on considère le système vasculaire pulmonaire résulter de l’apparition d’une ischémie myocardique.
comme monté en parallèle, la microcirculation pulmonaire
dite « intra-alvéolaire » est distribuée selon un gradient de • Diminution
pression de différence alvéolo-vasculaire gravitationnel :
de la contractilité ventriculaire gauche
dans les zones élevées (zones I de West), la pression alvéo-
laire est supérieure à la pression intravasculaire et occlut Une diminution de la contractilité VG peut être, dans
les vaisseaux intra-alvéolaires ; dans les zones déclives ce contexte, secondaire à une ischémie myocardique. Elle
(zones III de West), la pression intravasculaire est supé- peut être due à la fois à une diminution des apports en
rieure à la pression alvéolaire et les résistances vasculaires oxygène et à une augmentation des besoins énergétiques
sont faibles, le régime étant intermédiaire dans les zones du myocarde.
moyennes (zones II de West). L’effet de l’hyperinflation
La diminution des apports en oxygène peut résulter
pulmonaire se traduit par un dérecrutement des capillaires
d’une désaturation artérielle marquée, surtout en présence
pulmonaires et une augmentation de la proportion des
d’une coronaropathie athéromateuse, fréquente sur ce ter-
zones I et II de West aux dépens de la zone III.
rain. De plus, le déplacement septal vers la gauche aug-
La négativation de la pression intrathoracique mente la pression télédiastolique VG et réduit d’autant le
gradient de perfusion coronaire. L’augmentation des
Lors de l’inspiration, la pression alvéolaire (pression besoins myocardiques en oxygène est due à l’augmentation
extramurale des microvaisseaux pulmonaires) diminue du travail cardiaque, elle-même secondaire à la tachycardie,
moins que la pression intrathoracique (pression extramu- à l’accroissement du travail des muscles respiratoires [12] et
rale du ventricule droit et des gros vaisseaux pulmonaires). aux contraintes hémodynamiques qui accompagnent la
Ainsi, le ventricule droit ressent-il une gêne à son éjection, décompensation aiguë de BPCO. Enfin, l’hypothèse selon
uniquement conséquence du gradient de pression extra- laquelle l’acidose respiratoire peut réduire la contractilité
murale qui s’établit entre le secteur alvéolaire et le secteur myocardique chez l’homme reste controversée [13].
intrathoracique lors de l’inspiration et ce, indépendamment
des phénomènes d’augmentation des résistances intravas- • Augmentation
culaires énoncés précédemment. L’ampleur de ce phéno-
de la postcharge ventriculaire gauche
mène lors des exacerbations de BPCO pourrait être limitée
s’il existe une hypertrophie de la paroi libre du ventricule La postcharge VG peut être assimilée à l’effort que doit
droit, conséquence d’un cœur pulmonaire chronique. fournir la pompe cardiaque, située au niveau de la pression
intrathoracique, pour éjecter le sang jusqu’au niveau de la
Les augmentations inspiratoires de la précharge et de pression des vaisseaux extrathoraciques (pression atmo-
la postcharge VD lors de la décompensation aiguë d’une sphérique pour les vaisseaux du cou et des membres
BPCO conjuguent leurs effets pour augmenter le volume supérieurs, pression intra-abdominale pour l’aorte abdo-
télé-diastolique VD, comme cela a été démontré par écho- minale). À l’inspiration, lors de la décompensation aiguë
cardiographie [10]. Lorsque débute l’expiration, les phéno- de BPCO, la pression intrathoracique peut être excessive-
mènes s’inversent : la précharge VD diminue ainsi que ment négative, ce qui place le ventricule gauche à un
l’obstacle à son éjection : la fraction d’éjection VD aug- étage inférieur et rend son effort éjectionnel plus impor-
mente. Cependant, si l’expiration est forcée et entraîne tant : la postcharge VG est augmentée. La différence de
une augmentation importante de la pression intrathora- « hauteur » est encore accentuée par l’augmentation de
cique, la diminution du retour veineux systémique peut la pression abdominale pour ce qui concerne l’éjection vers
entraîner une diminution expiratoire du débit cardiaque l’aorte sous-diaphragmatique [14]. L’obstacle à l’éjection
droit, identique à celle observée durant l’insufflation en VG provoqué par une pression intrathoracique très néga-
ventilation mécanique que nous détaillerons plus loin. tive a ainsi des effets hémodynamiques identiques à ceux
provoqués par une sténose aortique [15].
À l’inspiration en ventilation spontanée lors de la Cette augmentation de la postcharge doit théorique-
décompensation aiguë de BPCO, l’augmentation du ment s’accompagner d’une dilatation VG inspiratoire.
retour veineux systémique et l’augmentation de la Cependant, si celle-ci a été retrouvée pour des pressions
postcharge VD conduisent à une dilatation du ven- intrathoraciques très négatives par certaines études lors de
tricule droit. manœuvres d’inspiration forcée [16], elle ne l’a pas été par
d’autres [17]. On peut cependant raisonnablement
conclure que dans cette situation pathologique, la post-
Retentissement sur le cœur gauche charge VG est élevée.
Lors de la décompensation aiguë de BPCO, l’inspiration
spontanée induit une diminution du volume d’éjection sys- À l’inspiration en ventilation spontanée lors de la
tolique du ventricule gauche. Elle résulte de trois méca- décompensation aiguë de BPCO, la compliance VG
nismes : une diminution de la compliance ventriculaire est augmentée, une ischémie myocardique peut
gauche (VG), une diminution de la contractilité VG et, altérer la contractilité du ventricule gauche et sa
enfin, une augmentation de la postcharge VG. postcharge est augmentée.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Retentissement clinique le retour veineux systémique (pression auriculaire droite –


pression systémique moyenne) s’en trouve diminué.
Les phénomènes complexes survenant au cours de la Cependant, la mise sous ventilation mécanique induit à
ventilation spontanée lors de la décompensation aiguë de chaque insufflation un mouvement diaphragmatique pas-
BPCO entraînent rarement une défaillance hémodyna- sif qui tend à augmenter la pression intra-abdominale. Ceci
mique vraie. En effet, au cours d’un cycle respiratoire com- pourrait théoriquement augmenter la pression systémique
plet, les effets hémodynamiques survenant lors de moyenne et compenser les effets de l’augmentation de
l’inspiration sont plus ou moins inversés lors de l’expiration pression auriculaire droite sur le gradient de pression du
suivante. Cependant, en cas de dépression inspiratoire mar- retour veineux. Cependant, lors de la mise sous ventilation
quée et de forte auto-PEP, la présence d’un pouls paradoxal
mécanique, l’utilisation de substances sédatives vasodila-
(cf. infra) qui témoigne du degré d’interaction cardio-pul-
tatrices qui annulent le baroréflexe, d’une part [4], et
monaire est un signe à prendre en considération pour la
l’existence d’une hypovolémie, d’autre part, contribuent à
décision thérapeutique, en particulier du recours à la ven-
diminuer la pression systémique moyenne. Dès lors, l’aug-
tilation invasive. Par ailleurs, les conséquences sur le cœur
gauche sont parfois telles que la pression télédiastolique mentation de pression abdominale par la ventilation méca-
VG peut s’élever, en particulier chez les patients ayant une nique est insuffisante pour contrer ses effets néfastes sur
cardiopathie gauche préexistante. Dans ce cas, un œdème le retour veineux systémique qui peut chuter considérable-
pulmonaire peut s’associer à la décompensation de BPCO. ment. L’atténuation du baroréflexe risque aussi de
Son diagnostic est difficile dans ce contexte car la sympto- diminuer la réaction vasoconstrictrice compensatrice abou-
matologie peut être trompeuse ou intriquée. C’est dans ces tissant à une diminution de la pression artérielle parallèle
situations douteuses que le dosage plasmatique du B-type à celle du débit cardiaque.
Natriuretic Peptide (BNP) peut être utile afin de décider de
l’option thérapeutique la plus judicieuse. • Augmentation
de la postcharge ventriculaire droite
En ventilation mécanique La mise sous ventilation mécanique peut entraîner une
augmentation brutale du volume pulmonaire. Celle-ci s’ex-
Lors de la ventilation mécanique, l’expiration et l’insuf- plique tout d’abord par le recrutement d’alvéoles qui
flation se font en pression positive. Les mécanismes de l’in- étaient collabées en ventilation spontanée. Elle peut sur-
teraction cœur-poumons sont de ce fait différents de ceux tout avoir pour cause une hyperinflation pulmonaire dyna-
opérant en ventilation spontanée. Deux situations mique. En effet, si la ventilation mécanique est réalisée
cliniques fréquemment rencontrées, conséquences de avec un haut volume courant et avec un temps expiratoire
l’interaction cœur-poumons, méritent d’être détaillées : le trop court, elle aggrave considérablement le trapping de
collapsus de reventilation lors de l’instauration de la ven- gaz alvéolaire en fin d’expiration dû à l’obstruction bron-
tilation mécanique et la dysfonction VG lors du sevrage chique : le phénomène d’auto-PEP détaillé plus haut [1]
ventilatoire (figures 1 et 2). peut s’en trouver accru [18].

Collapsus de reventilation L’augmentation du volume pulmonaire accroît les résis-


tances artérielles pulmonaires et la postcharge VD par les
L’instauration brutale de la ventilation en pression posi- mêmes mécanismes que ceux impliqués en ventilation
tive est susceptible d’induire, chez les patients présentant spontanée : compression des vaisseaux intra-alvéolaires,
une décompensation aiguë de BPCO, un collapsus dit « de augmentation de la proportion prise par les zones I et II de
reventilation » qui correspond à une chute du débit car- West aux dépens de la zone III.
diaque due à plusieurs mécanismes.
C’est l’association d’une diminution du retour vei-
• Diminution du retour veineux systémique neux systémique et d’une augmentation de la résis-
La brusque augmentation de la pression intrathora- tance à l’éjection VD qui induit la baisse du débit
cique lors de la mise en ventilation mécanique se transmet cardiaque lors de la mise en ventilation en pression
à l’oreillette droite. Le gradient de pression dont dépend positive.

Insufflation en ventilation mécanique


enilat
insufflation envent hypovolémie
ion mécanique enhypovolémie

ì Pression ì Pression ì Volume


intrathoracique intra-abdominale pulmonaire

Collapsus veine Compression


Sédation par substances cave inférieure vaisseaux
vasodilatatrices intra-alvéolaires
î Retour veineux
systémique
Figure 2 / Schéma physiopathologique
expliquant les conséquences
î Précharge
préchargeVD
VD?? ì Postcharge VD hémodynamiques néfastes
de la ventilation en pression positive
en cas d’hypovolémie
î Volume d'éjection systolique VD VD : ventricule droit.

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Interactions cœur-poumons : physiopathologie et implications cliniques 10

• Conséquences thérapeutiques résistance excessive des voies aériennes peut induire une
forte négativation de la pression intrathoracique à l’inspi-
Les moyens utilisés pour prévenir et traiter de collapsus ration [20] alors que le volume pulmonaire et la pression
de reventilation découlent des mécanismes physiopatho- intra-abdominale augmentent. Toutes ces conditions
logiques détaillés plus haut. La mise en ventilation méca- amplifient les interactions cardio-pulmonaires. Le retour
nique doit se faire chez un patient dont la volémie efficace veineux systémique augmente, la postcharge VD est élevée
est correcte et en utilisant des substances sédatives peu et la fraction d’éjection VD peut s’abaisser. Celle-ci est d’ail-
vasodilatatrices. Les conséquences de la ventilation méca- leurs conservée chez les patients pour lesquels le sevrage
nique sur l’hyperinflation pulmonaire seront limitées si l’on de la ventilation mécanique se fait avec succès [24]. La dila-
prend la précaution d’insuffler un faible volume courant tation VD résultant des précédents mécanismes réduit la
et de conserver un temps expiratoire long pour atténuer compliance VG par déplacement du septum interventricu-
le phénomène d’hyperinflation dynamique. Si malgré ces laire. Du côté de l’éjection gauche, la négativation exces-
précautions, le collapsus de reventilation apparaît, son trai- sive de la pression intrathoracique peut augmenter
tement repose sur l’expansion volémique qui, en augmen- considérablement la postcharge VG, d’autant que l’aug-
tant la pression systémique moyenne, restaure un retour mentation de la pression abdominale accroît encore l’im-
veineux satisfaisant. Cependant, l’utilisation de substances pédance à l’éjection VG. Ce mécanisme d’augmentation de
sédatives vasodilatatrices peut nécessiter le recours à des postcharge VG a été mis en évidence au cours du sevrage
vasopresseurs qui peuvent restaurer la pression systémique d’une série de patients avec BPCO mais sans insuffisance
moyenne et, partant, le retour veineux systémique. VG [25]. Dans d’autres populations de malades, l’appari-
L’observation d’une pression artérielle diastolique basse tion d’une ischémie myocardique lors du sevrage de la ven-
peut aider à identifier les situations où le tonus artériel est tilation mécanique a été bien documentée et jouerait dans
abaissé et où le recours aux agents vasopresseurs est néces- cette circonstance un rôle fondamental [26]. Elle reconnaît
saire. Il faut noter que l’application d’une PEP externe chez plusieurs causes modifiant la balance besoins/apports
un patient déjà ventilé mécaniquement peut avoir des d’oxygène. L’augmentation des besoins en oxygène du
conséquences hémodynamiques néfastes similaires à celles myocarde est due à l’augmentation du travail cardiaque
de la mise sous ventilation [19], surtout s’il existe une hypo- par contrainte de charge ainsi qu’à la stimulation
volémie concomitante. adrénergique observée lors du passage de la ventilation
mécanique à la ventilation spontanée [20]. Le stress adré-
Dysfonction ventriculaire gauche nergique augmente les besoins en oxygène en augmen-
lors du sevrage de la ventilation tant la fréquence cardiaque et l’inotropisme et en
augmentant la pression artérielle moyenne, c’est-à-dire la
mécanique postcharge VG. À l’étage de l’organisme entier, le cœur
C’est, à l’inverse, lors du sevrage de la ventilation méca- doit faire face à une augmentation importante de la
nique que l’interaction cœur-poumons peut être égale- consommation en oxygène [27], notamment due au travail
ment néfaste, en entraînant une dysfonction VG [20-22] des muscles respiratoires mais aussi à l’effet thermogé-
qui peut conduire à un œdème pulmonaire cardiogénique nique des catécholamines sécrétées. Parallèlement à l’aug-
responsable de l’échec du sevrage ventilatoire (figure 3). mentation des besoins, une diminution des apports en
oxygène est possible en raison de l’augmentation de la
pression télédiastolique VG, qui réduit le gradient de per-
• Mécanismes physiopathologiques
fusion coronaire. De surcroît, la diminution de la saturation
Lors du débranchement du ventilateur et de la mise en artérielle en oxygène est la conséquence de l’aggravation
ventilation spontanée sur pièce en T, réapparaissent les de l’hétérogénéité des rapports ventilation/perfusion pen-
mécanismes initiateurs de l’interaction cœur-poumons que dant le sevrage [28], de l’œdème pulmonaire qui apparaît
nous avons décrits lors de la décompensation aiguë de et de la diminution de la saturation veineuse concomitante
BPCO. Ces mécanismes sont exacerbés par la résistance à [29]. L’ischémie myocardique qui peut résulter de ces méca-
l’écoulement de gaz dans la sonde d’intubation [23] : une nismes altère la fonction contractile du ventricule gauche

Insufflation en ventilation spontanée sur pièce en T

ì Volume ì Résistance voies î Pression ì Pression


pulmonaire aériennes par sonde intrathoracique intra-abdominale
d'intubation

Compression vaisseaux ì Retour


intra-alvéolaires veineux systémique

ì Précharge VD
ì Postcharge VD
Dilatation VD
Ischémie
myocardique
Déplacement septum
interventriculaire
vers la gauche

Figure 3 / Schéma physiopathologique î Compliance VG ì Postcharge VG î Contractilité VG


expliquant la dysfonction cardiaque gauche
lors du sevrage de la ventilation mécanique
VD : ventricule droit ; î Volume d'éjection
VG : ventricule gauche. systolique VG

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

et participe à la diminution de la compliance VG. Elle peut sur le dosage répété du BNP avec la consigne d’une restric-
aussi élever les pressions de remplissage VG en entraînant tion liquidienne et d’emploi de diurétiques en cas de BNP
une insuffisance mitrale par dysfonction contractile de anormalement élevé, l’autre ne reposant sur aucun proto-
pilier [30]. cole prédéfini et laissant toute liberté au réanimateur,
« aveugle » par rapport aux résultats des mesures de BNP
Lors du sevrage de la ventilation mécanique, les [38]. La stratégie basée sur le BNP était associée à une aug-
deux phénomènes essentiels que sont l’augmenta- mentation de l’emploi de diurétiques, une balance
tion de la postcharge VG et la survenue possible hydrique plus négative et une durée plus courte de la ven-
d’une ischémie myocardique expliquent la dysfonc- tilation mécanique, surtout chez les patients avec dysfonc-
tion VG et la survenue d’un œdème pulmonaire de tion VG préalable [38].
sevrage.

• Retentissement clinique Asthme aigu grave


L’œdème pulmonaire cardiogénique qui peut résulter
des mécanismes précédents est susceptible d’empêcher le Mécanismes physio-
sevrage ventilatoire. Sa probabilité de survenue est impos-
sible à chiffrer précisément mais elle est probablement plus pathologiques initiateurs
importante s’il existe une altération préalable de la fonc-
Les phénomènes hémodynamiques observés lors de la
tion VG [21].
décompensation aiguë de BPCO se reproduisent lors de la
La mise en évidence de l’œdème pulmonaire repose crise d’asthme aigu grave. En effet, l’augmentation de la
idéalement sur la mesure de la pression artérielle pulmo- résistance bronchique permet aux trois phénomènes initia-
naire d’occlusion [20], et dès lors qu’un œdème pulmonaire teurs décrits lors de la décompensation aiguë de BPCO de
est suspecté, le monitorage hémodynamique du sevrage survenir : négativation excessive de la pression intrathora-
de la ventilation mécanique représente encore pour cer- cique, hyperinflation pulmonaire et augmentation de la
tains une indication reconnue du cathétérisme artériel pul- pression intra-abdominale.
monaire [31]. La baisse de la saturation en oxygène du
La négativation de la pression intrathoracique peut
sang veineux mêlé serait d’ailleurs également prédictive
sembler paradoxale au cours de l’asthme aigu grave au vu
de l’échec du sevrage [29]. L’utilité de la saturation vei-
de la sémiologie clinique. En fait, il est clairement démon-
neuse centrale en oxygène dans ce contexte reste à
tré que la ventilation à haut volume pulmonaire induit une
démontrer. Une élévation de l’eau extravasculaire pulmo-
mise en jeu permanente des muscles inspiratoires et que,
naire mesurée par thermodilution transpulmonaire pen- plus la CRF est élevée, plus la dépression thoracique induite
dant une épreuve de ventilation spontanée est également par l’inspiration est importante [35, 36].
de bonne valeur pour permettre le diagnostic d’œdème
pulmonaire de sevrage [32]. L’échocardiographie peut
aider au diagnostic d’œdème pulmonaire de sevrage par
la mise en évidence d’une élévation des pressions de rem-
Pouls paradoxal
plissage qui peuvent être estimées à partir du flux trans- C’est au cours de la crise d’asthme grave que la diminu-
mitral et du Doppler tissulaire [33]. L’intérêt du dosage du tion inspiratoire de la pression artérielle systolique ou
BNP dans cette indication est encore incertain comme en pouls paradoxal, conséquence caricaturale de l’interaction
témoignent des résultats cliniques divergents [32, 34, 35]. cœur-poumons, survient de la façon la plus caractéristique
En revanche, une façon aisée de faire le diagnostic [39].
d’œdème pulmonaire de sevrage est de suivre l’évolution
des marqueurs biologiques sanguins d’hémoconcentration Au cours de l’asthme aigu grave, l’apparition d’un pouls
(protides, hémoglobine) au cours d’un test de sevrage [36]. paradoxal est due à deux phénomènes initiateurs : la néga-
Leur élévation traduisant une hémoconcentration fait sus- tivation très importante de la pression intrathoracique et
pecter très fortement un œdème pulmonaire de sevrage la ventilation à très haut volume pulmonaire [40]. La dimi-
qui s’accompagne en général d’un transfert vers l’intersti- nution majeure de la pression intrathoracique (–20
tium pulmonaire d’un liquide pauvre en protéines et en à –30 mmHg) entraîne une baisse de la pression artérielle
hémoglobine [32, 36]. Enfin, il a été rapporté plus récem- systolique par deux phénomènes [40]. L’un, direct, est la
ment l’intérêt de pratiquer un test de lever de jambes pas- transmission de la pression intrathoracique à l’arbre arté-
sif avant l’épreuve de sevrage. Un test négatif (absence de riel intrathoracique. Le deuxième, indirect, est la diminu-
précharge-dépendance) est fortement associé à la surve- tion du volume d’éjection VG. Cette diminution du volume
nue d’un œdème pulmonaire de sevrage en cas d’échec du d’éjection VG peut s’expliquer par les mécanismes évoqués
test de sevrage [37]. plus haut. Premièrement, l’augmentation de la précharge
cardiaque droite due à l’augmentation du gradient de
• Conséquences thérapeutiques pression du retour veineux systémique, apparue à l’inspi-
ration, ne se transmettra au ventricule gauche qu’après le
Le traitement symptomatique de l’œdème de sevrage temps nécessaire au transit à travers la circulation pulmo-
repose sur les diurétiques et sur les dérivés nitrés pour limi- naire, c’est-à-dire à l’expiration. Deuxièmement, l’augmen-
ter l’augmentation du volume sanguin central ainsi que sur tation du volume pulmonaire avec une CRF vient
les vasodilatateurs artériels (dérivés nitrés, inhibiteurs de comprimer les vaisseaux intra-alvéolaires et augmenter la
l’enzyme de conversion de l’angiotensine) lorsque l’aug- résistance à l’éjection VD. Les augmentations de la post-
mentation de la postcharge VG est fortement suspectée. charge et de la précharge VD concourent à la dilatation du
L’emploi des inotropes positifs de type bêta-agoniste est ventricule droit qui, dans l’espace péricardique, comprime
illogique car, d’une part, la dysfonction VG induite par le le ventricule gauche, gêne son remplissage et diminue son
sevrage est rarement liée à une réduction de contractilité volume d’éjection systolique [41]. Si le ventricule gauche
et, d’autre part, ces agents augmentent la consommation est précharge-dépendant, ceci conduit à une baisse du
myocardique en oxygène. Une étude multicentrique ran- volume d’éjection systolique à l’inspiration. Enfin, la baisse
domisée a comparé deux stratégies thérapeutiques au du volume d’éjection systolique VG à l’inspiration peut être
cours du sevrage de la ventilation mécanique : l’une basée due à l’augmentation de la postcharge VG.

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Interactions cœur-poumons : physiopathologie et implications cliniques 10

Au cours de l’asthme aigu grave, le pouls paradoxal Enfin, comme évoqué plus haut, l’augmentation de la
est un marqueur de sévérité dont la mesure est pression intrathoracique produite par la ventilation en
recommandée. pression positive réduit la postcharge VG [44, 45]. Cet effet
pourrait être le mécanisme prédominant pour expliquer
l’amélioration de la fonction VG [43, 46]. En effet, alors
Mise que pour le cœur normal, le volume d’éjection dépend
beaucoup de la précharge, il est influencé majoritairement
sous ventilation mécanique par les variations de postcharge en cas de défaillance ven-
triculaire. Ainsi, alors que la ventilation en pression positive
Comme pour la décompensation aiguë de BPCO, l’in- diminue le volume d’éjection d’un cœur normal, elle l’aug-
teraction cœur-poumons retentit sur l’état hémodyna- mente en cas de dysfonction VG [43, 47].
mique, essentiellement lors de l’instauration de la
ventilation mécanique qui risque d’induire un collapsus de Lors de l’insuffisance cardiaque gauche congestive,
reventilation. L’utilisation de substances sédatives aux la mise en ventilation mécanique exerce un effet
propriétés vasodilatatrices aggrave le retentissement bénéfique en diminuant la précharge et la post-
hémodynamique des interactions cœur-poumons dans ce charge du ventricule gauche et en atténuant une
contexte. éventuelle ischémie myocardique.
Au plan thérapeutique, ces données incitent à s’assurer
d’une volémie efficace lors de la mise sous ventilation
mécanique. Celle-ci doit se faire avec de faibles volumes Implications thérapeutiques
courants, une pression expiratoire nulle et un temps expi-
Les avantages théoriques de la ventilation en pression
ratoire long afin d’empêcher une limitation du débit expi-
positive lors de l’insuffisance cardiaque gauche ont été
ratoire et de limiter l’hyperinflation pulmonaire.
confirmés par la démonstration d’un bénéfice clinique
chez l’homme [45-53]. La ventilation en pression positive,

Insuffisance cardiaque
administrée sous forme de continuous positive airways
pressure (CPAP) au masque facial, permet d’accélérer

gauche l’amélioration clinique et gazométrique et de diminuer le


recours à la ventilation invasive si elle est adjointe au trai-
tement médicamenteux standard de l’œdème pulmonaire
L’insuffisance cardiaque gauche congestive est une cardiogénique. Cet effet est surtout marqué chez les
situation où l’interaction cœur-poumons induit des effets patients présentant une hypercapnie [50] et a aussi été
hémodynamiques bénéfiques. Ceci justifie le recours à la démontré dans la population des patients âgés [51]. La
ventilation en pression positive lors de l’œdème pulmo- ventilation par aide inspiratoire aurait la même efficacité
naire. clinique que la CPAP [48, 52, 53] mais permettrait une dimi-
nution plus importante du travail inspiratoire [54]. La ven-
tilation non invasive avec PEP est indiquée le plus tôt
Mécanismes possible et dans toutes les formes d’insuffisance cardiaque
physiopathologiques gauche aiguë [55].

La ventilation en pression positive est susceptible


d’améliorer les trois composantes de la fonction VG, c’est- Syndrome de détresse
à-dire la précharge, la contractilité et la postcharge VG.
L’augmentation de la pression intrathoracique diminue
respiratoire aiguë
le remplissage du ventricule droit et le volume sanguin Du fait de la réduction du volume et de la compliance
central par diminution du gradient de pression du retour pulmonaire, il est postulé que l’interaction cœur-poumons
veineux systémique. Ces effets sont bénéfiques chez les est peu intense au cours du syndrome de détresse respira-
patients souffrant d’œdème pulmonaire cardiogénique car toire aiguë (SDRA). En fait, l’instauration de la ventilation
ils doivent résulter en : 1) une réduction de la pression mécanique et l’application d’une PEP sont susceptibles de
hydrostatique motrice de la filtration et donc une réduc- contredire ce postulat si les précautions d’usage en termes
tion de la formation de novo de l’œdème et 2) une réduc- de réglage du ventilateur ne sont pas prises.
tion de la pression du canal thoracique, ce qui facilite la
résorption de l’œdème interstitiel déjà formé. On rappro- En effet, le recrutement alvéolaire, corollaire de la ven-
chera volontiers ces effets des conséquences bénéfiques de tilation artificielle avec PEP, augmente volume pulmonaire
l’administration des diurétiques et des dérivés nitrés. et pression alvéolaire. Dans ces conditions où la réduction
de compliance pulmonaire limite l’élévation de la pression
L’amélioration de la contractilité myocardique ne passe intrathoracique, la pression transpulmonaire augmente, ce
pas par un effet inotrope positif direct de la ventilation en qui devrait résulter en une augmentation de postcharge
pression positive [42]. En revanche, la mise sous ventilation VD (cf. supra) [56]. Au maximum, un tableau de cœur pul-
artificielle permet d’atténuer une éventuelle ischémie monaire aigu peut survenir si la précaution n’a pas été
myocardique. En restaurant l’oxygénation artérielle, la prise de limiter le volume courant comme il est désormais
ventilation augmente les apports en oxygène vers le myo- conseillé dans cette affection. Cet effet « postcharge VD »,
carde. En permettant une diminution du travail des mus- combiné avec la diminution du retour veineux systémique
cles respiratoires [43] qui, en situation de détresse en rapport avec l’augmentation de la pression intra-
respiratoire, ont une consommation en oxygène considé- thoracique, doit résulter en une baisse du débit cardiaque.
rable [12], la ventilation artificielle restaure un transport Cependant, il serait simpliste de croire que la PEP serait à
en oxygène supérieur à destination du myocarde. tout coup délétère sur le plan hémodynamique chez les
L’augmentation de la contractilité VG pourrait également patients en SDRA. En fait, les études cliniques publiées ont
résulter d’une diminution de l’asynchronisme de la rapporté des résultats quelque peu divergents quant au
contraction de la chambre VG [42]. retentissement hémodynamique de la PEP dans cette situa-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

tion : le débit cardiaque chute parfois dès le moindre d’éjection, ou sur la portion distale et plate, où la même
niveau de PEP [57] ou ne s’abaisse significativement que variation de précharge induit une variation minime du
pour des valeurs de l’ordre de 10 cmH2O [58]. Parfois enfin, volume d’éjection.
il ne chute que pour des niveaux bien plus élevés [59]. Ces
L’étude des conséquences hémodynamiques de la ven-
différences sont en fait largement attribuables à la varia-
tilation mécanique permet de prédire la réponse à l’expan-
bilité patient-dépendante des effets de la PEP sur la com-
sion volémique par deux méthodes [66, 67].
pliance pulmonaire et le recrutement alvéolaire. Par
exemple, un niveau de PEP bénéfique peut, par recrute-
ment alvéolaire, abaisser plutôt qu’augmenter les résis-
tances vasculaires pulmonaires, en rapprochant le volume
Variabilité de la pression
pulmonaire de fin d’expiration du niveau de la CRF où les artérielle pulsée
résistances vasculaires pulmonaires sont les plus basses [9].
De surcroît, l’amélioration de l’oxygénation artérielle qui Comme nous l’avons vu plus haut, chez un patient sous
peut résulter du recrutement alvéolaire peut réduire les ventilation mécanique, l’insufflation entraîne une diminu-
résistances vasculaires pulmonaires du fait de la réduction tion de la précharge cardiaque droite. Si le ventricule droit
de la vasoconstriction hypoxique. Ainsi, un niveau de PEP est précharge-dépendant, il en résulte une baisse du
bénéfique en termes de recrutement peut tout à fait volume d’éjection systolique VD. L’augmentation du
réduire la postcharge VD plutôt que l’augmenter, comme volume pulmonaire, qui comprime la circulation pulmo-
en témoigne l’augmentation de la fraction d’éjection VD naire et gêne l’éjection VD, participe à cette baisse inspira-
retrouvée chez certains patients [60, 61]. D’un autre côté, toire du volume d’éjection systolique VD. Après le temps
l’augmentation de la compliance pulmonaire par un niveau nécessaire au transit pulmonaire, c’est-à-dire à l’expiration,
de PEP « recruteur » peut amplifier la réduction de retour la précharge VG baisse en conséquence. Si le ventricule
veineux en rapport avec l’élévation de pression intrathora- gauche est également précharge-dépendant, il en résulte
cique induite par la PEP. En montrant une correction (par une baisse du volume d’éjection VG. Ainsi, en cas de pré-
charge-dépendance des deux ventricules, la ventilation
expansion volémique) de la baisse du débit cardiaque
mécanique s’accompagne de variations respiratoires mar-
induite par la PEP, des études cliniques ont suggéré que ce
quées du volume d’éjection systolique. Ces variations peu-
mécanisme pouvait jouer un rôle important [62-64].
vent être appréciées par différentes variables accessibles
En fait, le niveau de la volémie influence aussi les effets cliniquement, comme la pression artérielle pulsée (systo-
hémodynamiques de la PEP. Il a été montré que l’augmen- lique – diastolique). De nombreuses études ont démontré
tation des résistances artérielles pulmonaires qui faisaient qu’une variabilité importante de la pression artérielle pul-
suite à une élévation de la PEP était contrecarrée si on aug- sée prédit la réponse à l’expansion volémique avec une très
mentait le volume sanguin intrathoracique par un test de bonne fiabilité [66-69]. Il en est de même pour la variabilité
lever de jambes passif [64]. Le mécanisme en est probable- respiratoire d’autres paramètres tels le débit de l’aorte tho-
ment que l’augmentation de la volémie intrathoracique racique descendante mesurée par Doppler œsophagien, la
recrute des vaisseaux pulmonaires préalablement collabés vélocité sous-aortique mesurée en échocardiographie ou le
par la PEP : la proportion des régions fonctionnant sous le contour de l’onde de pouls [66, 67]. Il existe cependant de
régime des zones II et III de West augmente, l’écoulement nombreuses limites d’utilisation des paramètres de variabi-
sanguin est facilité et les résistances vasculaires diminuent lité respiratoire (ventilation spontanée, arythmie cardiaque,
[65]. bas volume courant, compliance pulmonaire basse) [66, 67],
qui rendent leur utilisation clinique plus fiable au bloc opé-
Lors de la ventilation mécanique du SDRA, l’inter- ratoire qu’en unité de réanimation.
action entre le cœur et les poumons peut conduire
à l’apparition d’un cœur pulmonaire aigu si les pré-
cautions d’usage en termes de réglage du ventila- Test d’occlusion
teur ne sont pas prises. télé-expiratoire
Cet autre test de précharge-dépendance fondé sur les

Prédiction de la réponse interactions cœur-poumons repose sur le principe suivant.


Lors d’une pause ventilatoire survenant en télé-expiration,

à l’expansion volémique la diminution cyclique de la précharge cardiaque droite qui


survient à chaque insufflation par le ventilateur est abolie.
par la variabilité Si le ventricule droit est précharge-dépendant, son volume
d’éjection augmente en conséquence. Si l’occlusion télé-
respiratoire des signaux expiratoire est assez prolongée (en pratique de plus de
15 secondes), l’augmentation du volume d’éjection VD se
hémodynamiques transmet au ventricule gauche. Si celui-ci est également
précharge-dépendant, le volume d’éjection systolique VG
Les conséquences des interactions cœur-poumons per- augmente. Ainsi, si le volume d’éjection systolique (ou le
mettent aussi de prédire la réponse à l’expansion volé- débit cardiaque) augmente significativement lors d’une
mique chez les patients qui présentent une défaillance occlusion télé-expiratoire de 15 secondes, il est fort proba-
hémodynamique. ble que les deux ventricules soient précharge-dépendants
et la réponse à l’expansion volémique peut être prédite
L’expansion volémique ne peut entraîner une augmen- avec fiabilité [70], même en cas de compliance pulmonaire
tation du volume d’éjection systolique que si les deux basse [71] ou de PEP élevée [72].
ventricules fonctionnent dans un état de précharge-
dépendance [66, 67]. Prédire la réponse à l’expansion volé- Les variations du volume d’éjection systolique pen-
mique revient à prédire la portion de la relation de Frank- dant la ventilation mécanique ou survenant pen-
Starling sur laquelle fonctionnent les ventricules : sur la dant une occlusion télé-expiratoire de 15 secondes
portion initiale et raide, où une augmentation de pré- permettent de prédire la réponse à l’expansion
charge induit une augmentation substantielle du volume volémique.

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Interactions cœur-poumons : physiopathologie et implications cliniques 10

Conclusion devenir considérables dans certaines circonstances patho-


logiques, l’aggravation ou l’amélioration de l’état hémo-
dynamique par la ventilation dépendant de la maladie en
Les variations du volume et des pressions intrathora- cause et du régime ventilatoire, spontanée ou en pression
cique et transpulmonaire induites par la ventilation ont sur positive. Une application plus récente de ces interactions
le volume d’éjection VG des effets minimes dans les condi- est venue de la prédiction clinique de la réponse à l’expan-
tions physiologiques. Ces effets peuvent en revanche- sion volémique.

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

11
Régulation et mesure
de la pression artérielle
• Régulation de la pression artérielle
• Mesure de la pression artérielle Pierre Albaladejo*, Frédérique Le Corre**,
Jean Marty***
* Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Grenoble
** Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale, SAMU-SMUR 94,
groupe hospitalier Albert-Chenevier-Henri-Mondor, Créteil
*** Pôle réanimation-anesthésie, SAMU-SMUR 94,
groupe hospitalier Henri-Mondor, Créteil

Régulation Contrôle baroréflexe


de la pression artérielle de la pression artérielle
Le principal effecteur de la régulation à court terme de
Le but de l’homéostasie circulatoire est d’assurer un la pression artérielle est le baroréflexe par le biais du sys-
débit tissulaire et donc un apport en substrats et en oxy- tème nerveux autonome (systèmes sympathique et para-
gène suffisant quel que soit l’état hémodynamique. Le sympathique). Il permet l’adaptation rapide (en quelques
débit dépend de la pression artérielle et des résistances secondes à quelques minutes) en cas de nécessité physio-
vasculaires périphériques. L’autorégulation assure le débit logique urgente (hypovolémie aiguë, changement de pos-
tissulaire à l’échelon local, par la modulation des résis- ture). Son effet n’est cependant pas prolongé, l’organisme
tances par la demande métabolique et en oxygène. À considérant que le nouveau seuil atteint est le nouveau
l’échelon de l’organisme, c’est le contrôle de la pression point de référence.
artérielle qui permet de maintenir les débits régionaux. Ce On peut décrire le système comme une boucle compre-
contrôle s’exerce sur les trois déterminants de la pression nant les afférences, les centres intégrateurs et les effé-
artérielle : les résistances vasculaires, la volémie et le débit rences [1, 2].
cardiaque.
Pendant la systole, l’arbre aortique est distendu et la Boucle du baroréflexe
pression hydraulique augmente. La distensibilité de l’arbre
Les afférences réflexes reposent sur les barorécepteurs,
artériel détermine la pression pulsée en réponse à un
que l’on peut classer en deux catégories : les récepteurs à
volume d’éjection systolique. Ainsi, un volume d’éjection
haute pression et les récepteurs à basse pression.
systolique donné est associé à une pression pulsée faible
dans une aorte très distensible. L’âge, l’hypertension arté- Les récepteurs à haute pression se situent essentielle-
rielle ou différentes pathologies vasculaires sont associés à ment au niveau des sinus carotidiens (ce sont les plus sen-
une diminution de la distensibilité aortique. Dans ces sibles) et de l’arche aortique (figure 1). La jonction vers le
conditions, la pression artérielle moyenne et la pression système nerveux central est assurée par le nerf de Hering,
pulsée sont augmentées. Pendant la diastole, l’arbre arté- branche du pneumogastrique (Xes paires crâniennes) et les
riel délivre l’énergie cinétique nécessaire à une distribution nerfs glossopharyngiens pour les sinus carotidiens. Ils sont
sensibles aux modifications géométriques du vaisseau.
continue du flux sanguin aux tissus. Le débit sanguin
dépend du gradient de pression et des résistances arté- Les récepteurs à basse pression (ou cardiopulmonaires)
rielles périphériques. Les deux déterminants majeurs de la sont d’origine cardiaque et réagissent à la systole auricu-
pression artérielle (le débit cardiaque et les résistances laire, au volume cardiaque ou à certaines substances chi-
totales périphériques) sont régulés par une combinaison miques (nicotine, etc.) (figure 2). Ils empruntent les
de mécanismes à court et à long terme. Ces mécanismes Xes paires crâniennes.
sont d’origine neuro-humoraux (baroréflexes, système Les centres intégrateurs se situent au niveau du bulbe,
rénine-angiotensine, etc.). Le débit cardiaque est déter- essentiellement au niveau du tractus solitaire (figure 3).
miné par le retour veineux, régulé par la pression systé- Cependant, d’autres relais existent avec d’autres noyaux
mique moyenne, qui dépend du volume sanguin et de la au niveau bulbaire. Le tractus solitaire a une action cardio-
capacitance (cardio-)vasculaire totale. Le volume sanguin vasculaire permanente, qu’elle soit excitatrice (noyaux réti-
est directement lié au volume hydrosodé extracellulaire, culés latéraux et ventro-latéraux) ou inhibitrice. L’action
qui dépend in fine de l’intégration de l’équilibre hydro- excitatrice passe par le biais d’une stimulation des
sodé (voir chapitre 31). neurones préganglionnaires médullaires sympathiques.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

L’action inhibitrice passe par une activation du système préganglionnaires du sympathique intramédullaire, puis
parasympathique cardiaque et par l’action inhibitrice de dans la racine antérieure jusqu’à la chaîne sympathique
l’activité sympathique. Les autres afférences du noyau du paravertébrale. Le neurotransmetteur est la noradrénaline.
tractus solitaire, constitué essentiellement de neurones
noradrénergiques, sont notamment l’hypothalamus Les efférences parasympathiques sont exclusivement
(action inhibitrice ou excitatrice provoquée par exemple extramédullaires et cheminent par l’intermédiaire des
par les émotions), du locus coeruleus, du gyrus cingulaire, ramifications des nerfs vagues jusqu’aux synapses gan-
des zones orbitaires du cortex frontal, des paires crâ- glionnaires des organes destinataires. Le neurotransmet-
niennes (facial, trijumeau) et de la corne latérale de la teur est l’acétylcholine.
moelle..., et il reçoit des influences de facteurs sanguins ou
Il existe une inhibition des neurones préganglionnaires
du liquide céphalorachidien (LCR) (voir chapitre 12).
sympathiques induite par le biais du tractus solitaire par
Les efférences du système sympathique sont constituées l’action d’interneurones noradrénergiques situés égale-
par les faisceaux circulant dans la corne latérale de la ment dans la corne latérale de la moelle.
moelle aux niveaux dorsal et lombaire jusqu’aux neurones
Effets du baroréflexe
Le système à haute pression est prédominant. Les effets
du baroréflexe se situent à deux niveaux (figures 3 et 4) :
• au niveau cardiaque, il s’agit essentiellement d’une
modulation de la fréquence cardiaque et de la contracti-
lité (augmentation de la fréquence cardiaque en cas
d’élévation de la pression artérielle, liée à la levée du
tonus vagal, et réaction inverse en cas de diminution). La
part constituée par la modulation de la contractilité dans
les effets du baroréflexe est relativement modérée par
rapport aux autres effets. Les effets cardiaques ont leurs
limites et leur efficacité est maximum dans la tranche de
pression artérielle moyenne de 50 à 180 mmHg, soit la
situation physiologique quotidienne ; elle perd de son
efficacité en dehors de ces limites, selon le modèle d’une
courbe sigmoïde : absence de baisse supplémentaire de
la fréquence cardiaque au-delà d’un certain niveau
d’hypertension, limitation de la tachycardie en cas
d’hypotension. L’aspect de cette courbe est conservé chez
le patient hypertendu, mais elle est déplacée vers la par-
tie inférieure de la courbe ;
• au niveau vasculaire, la régulation s’effectue par la modi-
fication des résistances vasculaires périphériques, soit par
vasodilatation (diminution du tonus sympathique) en cas
d’hypertension artérielle, soit par vasoconstriction arté-
rielle dans le cas inverse. La stimulation sympathique per-
met la vasoconstriction des artères et artérioles, et
l’action sur les gros vaisseaux, en particulier veineux, per-
met une modulation du volume vasculaire et donc du
retour veineux.
Il existe une interaction permanente entre les systèmes
Figure 1 / Schéma des principaux barorécepteurs artériels de haute et de basse pression, avec prédominance de l’ac-
tivité parasympathique, celle-ci diminuant avec l’âge.
Certains effets sur les vascularisations régionales sont prin-
cipalement ou partiellement régis par le baroréflexe ; il
s’agit par exemple de la vasomotricité musculocutanée
(barorécepteurs cardiopulmonaires surtout, mais aussi
d’autres facteurs liés à une régulation centrale et locale),
de la vasomotricité splanchnique (à la fois sous l’influence
des récepteurs à haute et à basse pression) et de la vaso-
motricité rénale (vasoconstriction en cas de stimulation
simultanée des récepteurs à haute et à basse pression) [3].

Chimiorécepteurs
Il s’agit d’un autre système de régulation rapide dont
les récepteurs sont également des barorécepteurs ou des
chimiorécepteurs carotidiens ou aortiques, qui ont donc un
effet excitateur sur l’activité sympathique et, par consé-
quent, sur la pression artérielle. Celle-ci peut d’ailleurs se
traduire par une hypertension artérielle pour faire face à
Figure 2 / Représentation des principaux volorécepteurs la demande métabolique. Leur efficacité peut être meil-
A. Vue latérale du cœur. B. Vue postérieure. leure que le baroréflexe, par exemple dans les cas d’hypo-
tension artérielle majeure.

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Régulation et mesure de la pression artérielle 11

Régulation intégrée
L’action du système sympathique est renforcée, sup-
pléée ou modulée par les autres systèmes participant à la
régulation de la pression artérielle.

• Système rénine-angiotensine-aldostérone
(SRAA)
Au niveau du rein, la production de rénine active sur le
substrat angiotensinogène est stimulée par le trafic des
efférences sympathiques (récepteurs b-adrénergiques), par
la réduction de pression dans l’artériole afférente et par la
charge sodée urinaire au niveau de l’appareil juxtaglomé-
rulaire. La voie réflexe empruntant les efférences sympa-
thiques rénales est intégrée dans la boucle baroréflexe à
basse pression d’origine cardiopulmonaire, sensible au
volume sanguin central, et dans la boucle du réflexe
mésentérico-rénal d’origine hépatique et mésentérique,
sensible à la pression sinusoïdale et porto-mésentérique.
Les territoires vasculaires hépatosplanchniques sont plus
concernés que les territoires musculo-cutanés par la contri-
bution du système rénine-angiotensine à l’homéostasie
cardiovasculaire. Au travers du système rénine-angio-
tensine et des fonctions glomérulo-tubulaires, le gain de
la contribution rénale à la régulation de la pression arté-
rielle est infini.

Système hypothalamus-vasopressine-
hormone antidiurétique (figure 5)
Le système hypothalamus-vasopressine est également
important dans cette adaptation cardiovasculaire à l’agres-
sion. La levée du tonus inhibiteur du noyau du tractus soli- Figure 3 / Action du système nerveux autonome sur le cœur
taire et la libération du locus coeruleus provoquent la
libération d’arginine-vasopressine dans le système porte
hypophysaire, puis dans la circulation systémique. Au tra-
vers de récepteurs spécifiques V1, la vasopressine exerce
ses effets vasoconstricteurs et antidiurétiques. Cette mise
en jeu centrale de la libération de vasopressine est facilitée
par les signaux transmis par les « volorécepteurs » auricu-
laires aux afférences vagales, bien intégrés dans la boucle
réflexe à basse pression. L’homéostasie du volume circulant
est toujours prioritaire sur l’homéostasie osmotique, ce qui
explique le développement d’une hypotonie plasmatique
avec hyponatrémie au cours des hypovolémies relatives,
souvent qualifiée de sécrétion inappropriée d’hormone
antidiurétique. La vasopressine facilite également l’action
des catécholamines au niveau des organes cibles, en parti-
culier des vaisseaux hépatosplanchniques.

Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
Cet axe est au centre de la modulation du système sym-
pathique et de la réponse inflammatoire. La production de
cortisol par la corticosurrénale est favorisée par la libéra-
tion antéhypophysaire d’hormone corticotrope hypophy-
saire (ACTH, adrenocorticotropic hormone). Cette
libération est sous la dépendance de la corticolibérine
(CRH, corticotropin-releasing hormone) hypothalamique
et de la vasopressine. Le rôle du système sympathique dans
la production de cortisol est également lié, d’une part, à
la production de CRH sous l’influence d’une stimulation
a-adrénergique et, d’autre part, à la facilitation de l’action
de l’ACTH au niveau de la glande surrénale par la stimula-
tion des fibres sympathiques à destinée surrénalienne. Les
deux parties de la surrénale (cortex et médullaire) ont des
interactions fonctionnelles étroites en termes de plasticité
structurelle et de mise en circulation d’hormones. Le corti-
sol facilite l’action des catécholamines au niveau de la
synapse neuro-effectrice et permet l’expression de nou- Figure 4 / Action vasoconstrictrice du système nerveux autonome
velles protéines réceptrices adrénergiques.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

X droit Hypothalamus

Centres bulbaires ADH


vasomoteurs

Posthypophyse

VOLORÉCEPTEURS Système nerveux


autonome

ADH
Volume sanguin central
et distention des parois
de l'oreillette gauche

Volume sanguin Retour veineux Veinomotricité


total

Diurèse Rein
Figure 5 / Schéma du principal système
de contrôle du volume sanguin
ADH : hormone antidiurétique.

Interaction entre monoxyde d’azote tide) ont été isolés. L’ANP et le BNP sont synthétisés princi-
et système nerveux autonome palement dans les cellules auriculaires, alors que le CNP est
principalement synthétisé dans l’endothélium vasculaire.
Cette interaction joue un rôle important dans la régu- L’ANP et le BNP modulent les fonctions cardiovasculaires
lation des fonctions cardiovasculaires. Le monoxyde de différentes manières. La sécrétion d’ANP et de BNP est
d’azote (NO) interagit avec le système nerveux autonome principalement induite par une augmentation des condi-
aussi bien au niveau central qu’en périphérie [4]. tions de charge (aiguë ou chronique) [8]. Tous deux dimi-
L’administration de N-monométhyl-L-arginine (L-NMMA, nuent le tonus vasomoteur en augmentant la perméabilité
inhibiteur de la NO synthétase) chez l’homme induit une capillaire. L’ANP diminue l’activité des chimiorécepteurs et
augmentation de pression artérielle d’environ 10 %, sans
des barorécepteurs cardiopulmonaires, induisant une sup-
augmentation détectable de l’activité sympathique mus-
pression des influx sympathiques cardiaques. Ainsi, une
culaire, alors qu’une telle augmentation de pression
diminution de l’activité sympathique et un renforcement
induite par de la phényléphrine diminue le trafic sympa-
thique musculaire d’environ 50 %. L’administration simul- de l’activité parasympathique entraînent une diminution
tanée de L-NMMA et de nitroprussiate de sodium, sans de la fréquence cardiaque et du débit cardiaque. L’ANP et
modifier le niveau de pression artérielle, augmente signi- le BNP diminuent le volume extracellulaire en réduisant
ficativement l’activité sympathique musculaire. Ces expé- l’appétit au sel et à l’eau. L’ANP supprime la réabsorption
riences illustrent l’effet sympatho-excitateur d’une d’eau libre en inhibant la sécrétion de vasopressine par la
inhibition de la NO synthétase, masqué par une inhibition posthypophyse. L’ANP et le BNP diminuent la réabsorption
du baroréflexe [5]. L’augmentation du débit sanguin mus- sodée en bloquant l’activité sympathique au niveau du
culaire induite par l’administration d’insuline est un exem- rein. Ils ont de puissants effets inhibiteurs du système
ple d’interaction périphérique entre le système nerveux rénine-angiotensine [9].
sympathique et la voie du monoxyde d’azote. La vasodila-
tation induite par l’insuline est médiée par une libération
endothéliale de monoxyde d’azote et par le sympathique. Système rénine-angiotensine
Un autre exemple de l’interaction périphérique entre
monoxyde d’azote et système sympathique est l’augmen- Le système rénine-angiotensine est un système com-
tation de la réponse vasoconstrictrice du L-NMMA lors de plexe de régulation qui joue un rôle clé dans le maintien
sympathectomie thoracique [6]. La voie du monoxyde de l’homéostasie de la pression sanguine ainsi que l’équi-
d’azote pourrait interagir avec les mécanismes sympa- libre hydrosodé chez les mammifères. Dans le modèle clas-
thique et parasympathique de contrôle de la fréquence sique, l’activation de la cascade de réactions enzymatiques
cardiaque. du système rénine-angiotensine aboutit à la génération du
principal effecteur, l’angiotensine II. La rénine, sécrétée par
Fonctions endocrines du cœur les cellules de l’appareil juxtaglomérulaire du rein au
Les fonctions endocrines du cœur participent à la régu- niveau de l’artériole afférente, clive l’angiotensinogène,
lation de la pression artérielle. Ainsi, l’injection d’extrait produit par le foie, en angiotensine I (décapeptide). Ce
d’oreillette entraîne une natriurèse, une diurèse, une peptide est hydrolysé en angiotensine II (octapeptide) par
hypotension artérielle et une augmentation de l’hémato- l’enzyme de conversion située sur la face luminale de l’en-
crite [7]. Ces effets ont été attribués au facteur atrial dothélium vasculaire et d’autres enzymes telles que les chy-
natriurétique (FNA et plus tard ANP, pour atrial natriuretic mases dans les tissus. L’enzyme de conversion désactive les
peptide). Par la suite, les peptides natriurétiques de type B peptides vasodilatateurs : la bradykinine et la kallidine.
(BNP, brain natriuretic peptide) et C (CNP, C natriuretic pep- Ainsi, l’activation du système rénine-angiotensine aboutit

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Régulation et mesure de la pression artérielle 11

à une réponse vasopressive en bloquant l’action hypoten- L’ECA2 a été récemment identifiée comme un homo-
sive de la voie de la kinine bradykinine et à la production logue de l’ECA, exprimée par le cœur, le rein et le testicule,
d’angiotensine II [10]. sur l’endothélium, l’épithélium des cellules tubulaires
rénales et occasionnellement identifiée sur les cellules mus-
Deux types de récepteurs couplés à la protéine G à l’an-
culaires lisses. Les inhibiteurs classiques de l’ECA, tels que
giotensine II ont été caractérisés chez l’homme : AT1 et AT2.
le captopril et l’enalapril, n’affectent pas l’activité de
Ces récepteurs sont distribués de façon hétérogène dans
l’ECA2. Celle-ci hydrolyse l’angiotensine I en angiotensine
les tissus périphériques et le cerveau. Le récepteur AT1 est
(1-9) qui, a son tour, peut être convertie par l’ECA en
exprimé de façon prédominante dans les reins, les surré-
angiotensine (1-7), peptide ayant une action vasodilata-
nales, les cellules musculaires lisses et le cœur. C’est par son
intermédiaire que l’angiotensine II exerce son action régu- trice sur l’apoptose et la croissance cellulaire [10].
latrice sur la pression artérielle et la balance hydrosodée. L’ECA2 a par ailleurs d’autres actions enzymatiques (sur
Le récepteur AT2 semble contrebalancer les effets médiés les métabolites des kinines) qui pourraient jouer un rôle
par le récepteur AT1 : il aurait une action vasodilatatrice et important sur la réponse inflammatoire secondaire aux
serait impliqué dans le contrôle de la prolifération, de la lésions cellulaires, sur les apelines, qui semblent jouer un
différenciation cellulaire et de l’angiogenèse [11]. rôle vasomoteur sur les coronaires désendothélialisées et
L’angiotensine II est dégradée par différentes enzymes dans la neurotransmission de la douleur [16].
en métabolites ayant une activité biologique : l’angioten- Le rôle joué par l’ECA2 dans la régulation de la pression
sine III, qui a une action similaire à l’angiotensine II sur les artérielle est étayé par plusieurs arguments :
récepteurs AT1 et AT2 ; l’angiotensine (1-7), qui a une • plusieurs traits génétiques associés à l’hypertension arté-
action vasodilatatrice ; l’angiotensine IV, métabolite de rielle essentielle ont été caractérisés. Les régions chromo-
l’angiotensine III, qui augmente la natriurèse ainsi que le somiques codant pour ECA2 sont superposées aux QTL de
débit sanguin rénal et facilite certaines fonctions cogni- différentes souches de rats hypertendus (SHR, SPSHR, salt
tives [12-14]. sensitive sabra). Chez ces modèles, les taux d’ARN messa-
Le système rénine-angiotensine est un des régulateurs gers et de protéines codant pour l’ECA2 sont réduits et
essentiels reliant les volumes extracellulaires à l’homéosta- inversement corrélés à la pression artérielle [17] ;
sie de la pression artérielle. Une diminution de la pression • les souris déficientes en ECA2 se développent normale-
de perfusion dans les artérioles afférentes rénales, résul- ment et ont une pression artérielle et une histologie
tant d’une baisse de la pression artérielle, d’une diminu- rénale normales (contrairement aux souris déficientes en
tion du volume extracellulaire ou d’une altération des gènes codant pour la rénine ou l’ECA). Cependant, leur
artères rénales, entraîne une diminution de la filtration taux d’angiotensine II est plus élevé.
glomérulaire et une réduction de l’entrée de sodium dans
Ainsi, l’ECA2 pourrait jouer un rôle dans la régulation
le tubule proximal et, par un mécanisme appelé feedback
de la pression artérielle en contrebalançant les effets de
(ou rétrocontrôle) tubulo-glomérulaire (FTG), une sécré-
l’angiotensine II, par son action sur des peptides tels que
tion de rénine est induite [15]. L’angiotensine II augmente
l’angiotensine (1-7), les métabolites de la kinine ou le sys-
la pression artérielle par une vasoconstriction périphérique
tème des apelines.
et une réabsorption sodée, soit par une action indirecte
par l’intermédiaire de l’aldostérone sécrétée par le cortex
surrénalien, soit par une action directe sur les
récepteurs AT1.
Mécanismes rénaux
Il semble qu’un système bien plus complexe que celui de régulation
décrit précédemment permette un contrôle fin de la
pression artérielle et des débits sanguins locaux. Dans ce
de la pression artérielle
système complexe, les enzymes de conversion de l’angio- Le contrôle rénal des liquides de l’organisme intervient
tensine (ECA et ECA2) jouent un rôle clé. Chez l’homme, dans la pression artérielle et explique les variations à long
deux iso-enzymes de l’ECA ont été caractérisées : une terme de la pression artérielle par différents mécanismes
forme abondante, somatique fixée sur la surface endothé- [18].
liale dans les poumons, sur la bordure en brosse des cel-
lules rénales, dans l’intestin, le placenta et le plexus Chez les sujets normaux, une augmentation de l’apport
choroïde ; une forme germinale retrouvée uniquement en chlorure de sodium aboutit à des ajustements appro-
dans le testicule. Ces deux iso-enzymes sont des protéines priés par différents mécanismes neuro-humoraux et para-
fixées à la membrane cellulaire, des ecto-enzymes qui crines. Ces mécanismes modifient l’hémodynamique
hydrolysent les peptides circulants. Il existe une forme cir- systémique et rénale et conduisent à une augmentation de
culante dont l’importance biologique n’est pas claire. La l’excrétion sodée sans augmentation de la pression arté-
principale fonction attribuée à l’ECA est de cliver l’angio- rielle. Une diminution des capacités d’excrétion sodée face
tensine I en angiotensine II. De plus, elle hydrolyse le méta- à un apport sodé normal ou élevé entraîne une augmen-
bolite inactif, l’angiotensine (1-9), en peptide vasodilatateur, tation chronique du volume extracellulaire et sanguin et
l’angiotensine (1-7), et inactive le peptide vasodilatateur : conduit à une hypertension artérielle. Quand ces altéra-
bradykinine et kallidine. La découverte de l’action de l’ECA tions sont associées à une mise en jeu des facteurs neuro-
ainsi que la caractérisation de sa structure tridimensionnelle humoraux entraînant une vasoconstriction, on observe
a conduit à la mise au point d’inhibiteurs de l’ECA qui ont alors une augmentation des résistances vasculaires systé-
deux actions principales : miques et une réduction de la capacitance vasculaire. Par
• une baisse de la pression artérielle par une diminution un mécanisme couplant la natriurèse à la pression arté-
de la formation d’angiotensine II et par une réduction de rielle (natriurèse de pression), l’augmentation de la pres-
la dégradation de bradykinine et de kallidine ; sion artérielle entraîne une augmentation de l’excrétion
• une amélioration du pronostic des patients insuffisants sodée et, donc, une restauration de l’équilibre hydrosodé
cardiaques, aux antécédents d’infarctus du myocarde et au prix d’une augmentation chronique de la pression arté-
porteurs d’une néphropathie diabétique. rielle.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Relation entre l’équilibre sodé cace. La pression de filtration efficace est déterminée par
la pression glomérulaire (Pg), la pression dans l’espace de
et le volume extracellulaire Bowman (Pb) et la pression oncotique (osmotique colloïde)
L’équilibre hydrosodé est intimement lié au volume du plasma dans les capillaires glomérulaires (pg). Celle-ci
extracellulaire par de puissants mécanismes qui régulent augmente progressivement le long du capillaire gloméru-
l’osmolalité plasmatique. La vasopressine est le principal laire au fur et à mesure que du plasma est filtré. Les pres-
régulateur de cette osmolalité en déterminant la rétention sions s’exerçant sur le glomérule, la pression de filtration
ou l’excrétion d’eau libre par le rein. efficace et le débit sanguin rénal sont régulés par l’inter-
médiaire du tonus vasculaire des artérioles afférentes et
Relation entre le volume extra- efférentes, et des cellules mésangiales. Le coefficient de fil-
tration est régulé par les mécanismes neuro-humoraux et
cellulaire et le volume sanguin paracrines. Les modifications de la réabsorption tubulaire
En conditions normales, il existe une relation nette sont le résultat de différents processus gouvernant les
entre le volume extracellulaire et le volume sanguin. Cette transports actifs et passifs le long des éléments néphro-
relation existe tant que la pression oncotique est régulée niques. Le flux entrant dans les capillaires péritubulaires
et que la capacité de la microcirculation à limiter la fuite est dépendant de la différence de pression oncotique. En
protéique vers l’interstitium est intacte. Une augmentation raison de la filtration de plasma pauvre en protéines, la
chronique de la quantité hydrosodée totale conduit à une pression oncotique dans les premiers segments des capil-
augmentation du volume extracellulaire, proportionnelle- laires péritubulaires est élevée. Le gradient osmotique ainsi
ment distribué dans le compartiment sanguin. Lorsque constitué est supérieur au gradient hydrostatique.
l’accumulation est excessive, une distribution dispropor- Les changements d’un ou de plusieurs de ces méca-
tionnée vers l’interstitium conduit à la constitution d’un nismes permettent au rein de répondre rapidement à une
œdème. L’augmentation chronique du volume sanguin
charge sodée.
provoque une augmentation de la pression systémique
moyenne et, donc, du débit cardiaque et de la pression
artérielle. Mécanismes d’autorégulation rénale
Ces mécanismes sont nécessaires car le débit de filtra-
Natriurèse de pression tion glomérulaire est très sensible à toute modification des
forces appliquées sur le glomérule. Lors de changements
En principe, l’équilibre sodé est dépendant des apports
de pression artérielle, le débit de filtration glomérulaire et
et de l’excrétion. Cependant, les apports sont dépendants
le débit sanguin rénal sont autorégulés par des ajuste-
des préférences diététiques. L’équilibre ne repose donc que
ments des résistances vasculaires des artérioles préglomé-
sur l’excrétion sodée. À cet égard, le mécanisme qui lie la
rulaires. Il existe des mécanismes régulant les résistances
pression artérielle à la natriurèse est fondamental. Ainsi,
pour un environnement neuro-humoral donné, une aug- des artérioles efférentes mais ils ne participent pas de
mentation aiguë de la pression artérielle entraîne une aug- façon significative à l’autorégulation du débit sanguin
mentation de la natriurèse, alors qu’une diminution de la rénal.
pression artérielle entraîne une antinatriurèse. Lorsque la
fonction rénale est normale, en situation d’équilibre, la Rétrocontrôle tubulo-glomérulaire
natriurèse est adaptée aux apports. Dans des conditions
normales, une augmentation de l’apport sodé est ajustée
et mécanismes myogéniques
par le rein au prix d’une minime augmentation de la pres- Lorsque le débit tubulaire distal augmente, un signal
sion artérielle et du volume extracellulaire. Les reins ont issu des cellules de la macula densa entraîne une vasocons-
une grande capacité à ajuster la pente de la relation pres- triction de l’artériole afférente. La réponse du mécanisme
sion/natriurèse. En revanche, lorsqu’ils sont dans l’incapa- de FTG est modulée par les apports sodés et le volume
cité de le faire, l’équilibre sodé est établi pour des niveaux extracellulaire. Lorsque ceux-ci sont élevés, la sensibilité du
plus élevés de pression artérielle. FTG est faible, permettant une excrétion du trop-plein
sodé au niveau du tubule distal. Lorsque les apports sodés
Réponse intrarénale à différentes sont faibles et le volume extracellulaire contracté, la sensi-
bilité du FTG est élevée et permet de réduire le débit tubu-
pressions artérielles laire distal et d’augmenter la réabsorption sodée.
Le débit de filtration glomérulaire est autorégulé. Ces Il existe des mécanismes myogéniques permettant de
valeurs ne sont pas significativement modifiées par des
réguler le tonus vasculaire en réponse à une augmentation
changements de pression artérielle ou de charge sodée.
de la tension de la paroi vasculaire. Ces mécanismes exis-
Ainsi, l’excrétion sodée est sous la dépendance de la réab-
tent pour les artérioles afférentes mais pas pour les arté-
sorption tubulaire. La fraction sodée réabsorbée est très
rioles efférentes. Lorsque les mécanismes de FTG sont
élevée, proche de 98 à 99 %. Elle est réduite lors de
bloqués expérimentalement, la capacité d’autorégulation
l’augmentation des apports sodés, entraînant une aug-
résiduelle est due à ces mécanismes myogéniques.
mentation de la fraction excrétée. Les mécanismes de ré-
absorption tubulaire du sodium permettent de moduler la
pente de la relation pression/natriurèse. Mécanismes cellulaires
de contraction
Mécanismes hémodynamiques des cellules musculaires lisses
régulant l’excrétion sodée Les mécanismes cellulaires de contraction des cellules
L’excrétion sodée peut être modulée par des modifica- musculaires lisses mis en jeu sont différents selon le type
tions de la charge filtrée et de la réabsorption tubulaire. d’artériole rénale. Sur les artérioles afférentes, l’augmen-
La charge filtrée dépend principalement de mécanismes tation du calcium cytosolique est principalement due à des
hémodynamiques qui régulent les forces appliquées au canaux calcium-dépendants. Ainsi, en réponse à l’angio-
glomérule. Le débit de filtration glomérulaire dépend du tensine II, il y a vasoconstriction des artérioles afférentes
coefficient de filtration (Kf) de la pression de filtration effi- et efférentes. Les bloqueurs des canaux calciques vaso-

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Régulation et mesure de la pression artérielle 11

dilatent et bloquent la vasoconstriction induite par l’an- oscillomètre (oscillations de la paroi artérielle) ou par un
giotensine II uniquement sur les artérioles afférentes et pas Doppler. Plusieurs erreurs liées au matériel, aux conditions
sur les artérioles efférentes. de mesures ou à l’état du patient sont décrites [19]. Le
manomètre à mercure est la référence. Les manomètres
Monoxyde d’azote anéroïdes doivent être étalonnés régulièrement.
L’adaptation de la taille du brassard est essentielle. La lar-
et pression-natriurèse geur de la poche gonflable doit correspondre environ aux
L’augmentation des forces de cisaillement sur l’endo- deux tiers de la distance séparant le creux axillaire du
thélium artériolaire induite par une augmentation de pres- coude (environ 15 cm pour la plupart des adultes) et sa lon-
sion artérielle entraîne une augmentation de la production gueur doit être égale à au moins 80 % de la circonférence
de monoxyde d’azote. Celui-ci augmente la guanosine du bras. L’utilisation d’un brassard standard chez un obèse
entraîne une surestimation de la pression artérielle.
monophosphate cyclique (GMPc) dans les cellules tubu-
L’inflation doit être rapide et suffisante pour éviter le
laires qui entraîne une diminution de la réabsorption tubu-
piège du trou auscultatoire (disparition temporaire du son
laire par les canaux sodiques.
après sa première apparition). Le dégonflage doit être
d’autant plus lent que la fréquence cardiaque est lente (de
La pression artérielle n’est pas contrôlée par un sys- 2 à 3 mmHg/s ou 2 mmHg par battement). Chez les sujets
tème unique qui commande son niveau mais par ayant un état hémodynamique hyperkinétique, la dispari-
plusieurs systèmes interdépendants dévolus cha- tion des bruits ne survient qu’à proximité de zéro. C’est la
cun à une fonction spécifique. Le premier méca- phase IV qui détermine alors la pression artérielle diasto-
nisme (le contrôle nerveux) est un mécanisme de lique. Chez les sujets âgés ou diabétiques, les artères calci-
survie. Il permet de restaurer rapidement le niveau fiées peuvent être rendues incompressibles par le brassard.
de pression artérielle. Le deuxième permet de res- Les pressions artérielles systolique et diastolique sont alors
taurer un volume sanguin circulant pour permettre surestimées.
un fonctionnement normal du système circulatoire Cette méthode, la plus simple et la moins chère, est la
(figure 6). base du diagnostic d’une hypertension artérielle. C’est sur
elle que repose la majorité des grandes études épidémio-
logiques sur l’hypertension artérielle, malgré les nom-
Mesure breuses limitations :
• grande variabilité des mesures en consultation, liées aux
de la pression artérielle conditions de mesure et de position du bras ;

La première mesure de la pression artérielle a été faite


en 1732 par le révérend Stephen Hales grâce à l’introduc-
tion d’une tubulure dans l’artère d’une jument reliée à un
tube de verre. Son manomètre a été amélioré par
Poiseuille en 1828 qui introduisit le mercure et imposa ainsi
l’unité de mesure de la pression artérielle, le millimètre de
mercure (mmHg). L’apparition de la méthode non invasive
est liée à l’utilisation, par l’Italien Riva-Rocci en 1896, d’un
bandage pneumatique pour assurer une contre-pression
artérielle.

Mesure non invasive


intermittente
de la pression artérielle
Méthode manuelle
Toutes les méthodes de mesure indirecte de la pression
artérielle sont dérivées du sphygmomanomètre de Riva-
Rocci : le gonflage d’un brassard pneumatique contenant
une artère jusqu’à interruption du flux sanguin et un cap-
teur permettant de détecter une modification physique
(son, flux, oscillation) lorsque le brassard se dégonfle.
La méthode auscultatoire est la méthode classique.
Cinq phases de bruit ont été décrites par Korotkoff :
• apparition des premiers bruits artériels (pression arté-
rielle systolique) (phase I) ;
• augmentation de l’intensité et de la durée (phase II) ;
• bruits nets et forts (phase III) ;
• assourdissement du son (phase IV) ;
• disparition des bruits (pression artérielle diastolique)
(phase V). Figure 6 / Principales conséquences neuro-hormonales
d’une chute brutale de la pression artérielle
D’autres méthodes peuvent être utilisées pour le recueil AVP : vasopressine ; FAN : facteur natriurétique auriculaire ;
des signaux. Le pouls peut être enregistré par un pléthys- SNC : système nerveux central.
mographe (variations de volume), à la palpation, par un

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

• utilisation de moins en moins fréquente des colonnes de sion dans l’artère digitale. Des calibrations itératives sont
mercure en raison des risques toxiques ; nécessaires pour redéfinir régulièrement le diamètre « non
• effet « blouse blanche ». contraint » de l’artère digitale.
Différentes approches ont été proposées pour affiner
Par rapport à une mesure de référence (artère bra-
ou confirmer le diagnostic d’hypertension artérielle telles
chiale), les mesures obtenues par cette méthode présen-
que la mesure ambulatoire de la pression artérielle et
tent un certain nombre de différences :
l’automesure.
• l’onde de pression artérielle subit des modifications de
forme le long de l’arbre artériel. Cette distorsion est due
Méthodes automatiques aux changements de compliance artérielle et aux ondes
de réflexion. La conséquence en est une amplification de
La technique la plus communément utilisée est la l’onde de pouls (pression pulsée), en particulier une pres-
méthode oscillométrique. Les oscillations de la paroi arté- sion artérielle systolique plus élevée sur l’artère digitale
rielle sont détectées par un capteur lors du dégonflage du que sur l’artère brachiale ;
brassard. Le maximum d’amplitude correspond à la pres- • la pression artérielle moyenne digitale est plus basse que
sion artérielle moyenne. Les pressions artérielles systolique la pression moyenne mesurée sur l’artère brachiale en
et diastolique sont estimées au moyen d’un algorithme raison du gradient de pression le long de l’arbre artériel.
fondé sur l’augmentation et la diminution des oscillations. Ce gradient de pression devient significatif lorsque le dia-
Le point systolique correspond à la pression à 25 à 50 % mètre des artères diminue de façon significative en par-
des oscillations maximales. Le point diastolique est le plus ticulier au niveau de la main [22]. Il est particulièrement
difficile à estimer. Il correspond à la pression lorsque les sensible lorsque la pression pulsée est élevée et la pres-
oscillations diminuent à 80 % des oscillations maximales sion artérielle moyenne basse [23]. Il est particulièrement
[20]. élevé après administration d’agents vasoactifs.
L’utilisation de cette méthode en clinique et, en parti-
Mesure ambulatoire culier, dans des situations exposant à de grandes variations
hémodynamiques est limitée. La présence d’un manchon
de la pression artérielle gonflé autour d’une phalange peut avoir des consé-
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) quences délétères sur la circulation locale (vasospasme,
est un outil important dans l’approche clinique de l’hyper- ischémie) et la fiabilité de la mesure est faible dans ces
tension artérielle. Plusieurs études ont mis en évidence la situations (utilisation de drogues vasoactives, hypotension
supériorité des mesures des pressions artérielles moyennes artérielle) [24].
ainsi obtenues sur celles mesurées au cabinet médical pour
le diagnostic et le pronostic de l’hypertension artérielle. Tonométrie artérielle
Cette méthode permet de s’affranchir des facteurs en
cause dans l’effet « blouse blanche ». Les mesures ainsi La tonométrie d’aplanation est une technique fondée
sur le principe d’aplanissement permettant de mesurer la
obtenues permettent de décrire les variations nycthémé-
pression pulsée sur des segments d’artères proches des
rales de la pression artérielle. Celle-ci diminue pendant la
structures osseuses (artère radiale). Lorsque la corde d’un
nuit et remonte le matin. Plusieurs anomalies sont
cylindre est rendue plane par un capteur de pression plan,
décrites : l’absence de diminution semble associée à des
la pression qu’il enregistre est égale à la pression transmu-
événements cardiovasculaires, les diminutions brutales de
rale [25]. Le signal étant dépendant de la position du cap-
la pression artérielle nocturne seraient associées à des acci-
teur plan sur l’artère, plusieurs capteurs sont disposés en
dents vasculaires cérébraux, son augmentation le matin
regard de l’artère radiale. Ce sont les capteurs mesurant la
coïncide avec le pic matinal d’événements cardiovasculaires pression pulsée la plus élevée qui sont pris en compte. La
(augmentation du stress hémodynamique ou activation du mesure de la pression artérielle nécessite une calibration
système sympathique) [19]. par un brassard classique permettant de mesurer la pres-
La mesure ambulatoire de la pression artérielle permet sion artérielle moyenne.
d’étudier certaines composantes de la variabilité de cette Comme les autres techniques de mesure continue non
pression. Des variations apparemment erratiques de la invasive de la pression artérielle, la technique de tonomé-
pression artérielle, associées à des facteurs comportemen- trie artérielle ne peut remplacer la mesure invasive de la
taux et exprimées sous forme de déviations standard ont pression artérielle chez les patients susceptibles de présen-
été corrélées à l’hypertrophie ventriculaire gauche. ter de grandes variations hémodynamiques [26-30].
Plusieurs autres paramètres comme la vitesse de variation
de la pression artérielle sont actuellement à l’étude.
Mesure invasive
Mesure non invasive continue de la pression artérielle
de la pression artérielle Bien que la mesure intra-artérielle de la pression arté-
rielle soit la méthode de référence à laquelle toutes les
autres méthodes sont comparées, son exactitude est
Photopléthysmographie digitale dépendante d’un certain nombre de facteurs techniques.
La pression d’une artère digitale est mesurée par la Si l’on tient compte des lois régissant la mécanique des
méthode du ”volume clamp” [21]. Dans cette méthode, le fluides, l’énergie mécanique totale d’un fluide en mouve-
volume de l’artère digitale est maintenu constant par un ment est égale à la somme de l’énergie liée à la pression,
petit manchon rigide et gonflable disposé autour de la de l’énergie potentielle liée à la gravitation et de l’énergie
deuxième phalange. Les changements de diamètre sont cinétique. Ainsi, pour mesurer une pression artérielle, l’ori-
détectés au moyen d’un capteur infrarouge incorporé au fice d’un cathéter devrait logiquement être en position
manchon digital. Pendant la systole, si une augmentation latérale par rapport à l’axe du vaisseau. En effet, si l’orifice
du diamètre de l’artère est détectée, le manchon digital se est face au flux, l’énergie cinétique enregistrée entraîne
gonfle pour maintenir un diamètre constant. Ainsi, la pres- une surestimation de la mesure, cette erreur étant d’au-
sion mesurée à l’intérieur du manchon est égale à la pres- tant plus importante que le débit cardiaque est élevé.

114
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Régulation et mesure de la pression artérielle 11

Le système de mesure de la pression intra-artérielle doit extérieures ou les variations hémodynamiques. Chez un
permettre de reproduire fidèlement le contour de l’onde même patient et a fortiori au sein d’un groupe de patients,
de pouls en convertissant un signal mécanique en un signal les méthodes testées sont sujettes à des variations bidirec-
électrique. Un signal pulsatile peut être décomposé en une tionnelles.
somme de plusieurs ondes sinusoïdales de fréquence et
La méthode statistique le plus souvent utilisée pour tes-
d’amplitude différentes. La qualité des capteurs de pres-
ter l’interchangeabilité des méthodes de mesure de pres-
sion utilisés en clinique dépend de deux facteurs princi-
sion artérielle est la représentation de Bland et Altman qui
paux : la réponse dynamique et la fréquence naturelle du
permet de définir, sur une fourchette de pression artérielle,
système.
un biais et une concordance entre les deux méthodes [32].
La réponse dynamique dépend de la fréquence natu- L’American National Standard of the Association for the
relle et du coefficient d’atténuation (damping) de l’ensem- Advancement of Medical Instrumentation recommande
ble du système de mesure (cathéter, tubulure, robinets, que le biais maximal entre deux mesures non invasives ne
capteur). Une altération de ces coefficients peut entraîner dépasse pas 5 ± 8 mmHg chez au moins 85 patients
une mesure erronée comme, par exemple, une surestima- (http ://www.aami.org) [33].
tion de la pression artérielle systolique ou une amplifica-
tion des artefacts.
La fréquence naturelle du système est celle à laquelle
Mesures de paramètres
le rapport entre l’amplitude du signal d’entrée et l’ampli- dérivés de l’onde de pouls
tude du signal de sortie est le plus élevé. Habituellement,
la réponse en fréquence de ce système est constante pour Il existe plusieurs approches pour évaluer l’état hémo-
des fréquences basses puis augmente pour atteindre sa fré- dynamique d’un patient par l’analyse d’un signal de pres-
quence naturelle. Cette fréquence doit être la plus élevée sion artérielle mesurée en périphérie. L’une d’elles consiste
possible pour reproduire fidèlement des ondes de pouls en l’analyse des variations respiratoires de la pression arté-
pour des fréquences cardiaques élevées. Par exemple, pour rielle. En effet, les variations de pression intrathoracique
reproduire fidèlement une onde de pouls (jusqu’à la transmises au système circulatoire pendant la ventilation
10e harmonique) à la fréquence cardiaque de 120 bpm, la mécanique entraînent des fluctuations de pression arté-
fréquence naturelle doit être supérieure à 20 Hz (2 Hz, rielle. Des paramètres dérivés tels que les variations de
10e harmonique). Les systèmes de transduction ont géné- pression artérielle systolique (delta down) ou pulsée (delta
ralement une fréquence naturelle dans des fourchettes de PP) sont utilisés pour prédire les effets d’un remplissage
100 à 500 Hz. En revanche, cette fréquence diminue très vasculaire sur le débit cardiaque [34].
rapidement avec la longueur des tubulures ou en présence Différents modèles ont été élaborés afin d’obtenir, à
de bulles d’air. Ainsi, une pression artérielle systolique peut partir d’une onde de pression artérielle, une estimation
être surestimée si la longueur de tubulure est trop longue directe du débit cardiaque [35]. Ces modèles supposent
ou en présence de petites bulles d’air dans le système. que l’aorte a des caractéristiques « normales » et que la
Dans la plupart des systèmes, les oscillations diminuent valve aortique fonctionne correctement. Ils supposent aussi
en fonction du temps en raison des frictions (ou amortis- que la pression transmurale de l’aorte thoracique est peu
sement, damping). L’importance de l’amortissement est influencée par la pression intrathoracique ou intra-abdo-
exprimée en coefficient de 0 à 1. L’amortissement peut être minale. Les facteurs influençant le flux aortique sont l’im-
observé par la réponse du système à une purge liqui- pédance caractéristique de l’aorte et la compliance
dienne. Dans un système peu amorti, la purge va entraîner artérielle qui dépendent des caractéristiques de distensibi-
plusieurs oscillations avant que la pression ne reste lité aortique. L’impédance caractéristique de l’aorte est le
constante. Dans un système trop amorti, aucune oscillation facteur reliant un flux pulsatile à la pression pulsatile à
ne sera observée [31]. l’entrée de l’aorte. Elle représente l’opposition aortique à
un influx pulsatile issu du ventricule gauche. La compliance
décrit l’augmentation de pression aortique pour une quan-
Interchangeabilité tité donnée de sang. Elle représente l’opposition aortique

des méthodes à une augmentation de volume. La résistance vasculaire


périphérique est le rapport entre la pression moyenne et
le débit moyen. Le diamètre aortique ne suit pas une rela-
La comparaison des méthodes de mesure de pression
tion linéaire avec l’augmentation de pression aortique. Il
artérielle aboutit inévitablement à des différences. La
s’agit d’une relation arctangente décrite par Langewouters
mesure sur différents segments artériels est associée à des
[36]. Cette relation dépend du sexe, de l’âge et de carac-
différences en termes de vélocité de l’onde de pouls, impé-
téristiques morphologiques.
dance, réflexions, résonances et distribution de flux. Les
principes de mesure non invasive partagent peu de simila- Différents modèles ont été élaborés pour estimer un
rités avec les bases de la mesure invasive de la pression flux aortique à partir de courbes de pressions artérielles
artérielle. Bien que la méthode de mesure intra-artérielle mesurées en périphérie. Un modèle non linéaire prenant
soit la technique de référence, sa précision dépend de fac- en compte trois facteurs d’impédance aortique permet, à
teurs techniques. La différence entre deux méthodes est partir d’ondes de pouls mesurées en intra-artériel, de
accentuée par les facteurs liés au patient, les influences reproduire une onde de flux intra-aortique [35, 37].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

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116
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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

12
Physiologie du système
• Organisation anatomique et fonctionnelle
• Régulation du fonctionnement
nerveux autonome
du système nerveux autonome
• Intégration du système nerveux autonome :
les réflexes autonomes Thomas Geeraerts*, Nicolas Mayeur*, Jacques Duranteau**
• Interaction du système nerveux autonome * Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse,
avec d’autres systèmes Université Paul-Sabatier (Toulouse 3),
équipe d’accueil « Modélisation de l’agression traumatique », Toulouse
** AP-HP, Hôpitaux universitaires Paris-Sud,
Département d’anesthésie-réanimation,
Université Paris-Sud XI, Le Kremlin-Bicêtre

e système nerveux autonome (SNA) (ou sys-


tème nerveux végétatif) a pour principale fonction
Efférences sympathiques
la régulation et la modulation de l’homéostasie, Le système sympathique préganglionnaire est myélinisé
c’est-à-dire le fonctionnement harmonieux du (fibres de type B) et sort de la moelle au niveau de la pre-
milieu intérieur. Son action s’exerce principalement mière racine dorsale (D1) jusqu’aux deuxième et troisième
sur les fonctions circulatoire, respiratoire, digestive, racines lombaires (L2-L3). Les corps cellulaires sont situés
endocrinienne et métabolique. Classiquement, on dans la substance grise au niveau du tractus intermediola-
le divise en deux systèmes efférents à la fois com- teralis, et son axone gagne la racine antérieure puis la
plémentaires et antagonistes : le système parasym- chaîne des ganglions sympathiques paravertébraux (il en
pathique et le système sympathique. Le système existe 24 paires). Il est donc essentiellement thoraco-lom-
sympathique, dont l’action s’exerce grâce à la nora- baire. Il peut toutefois exister des neurones provenant de
drénaline, est destiné à produire une réponse au la huitième racine cervicale. Approximativement, les fibres
stress. Le système parasympathique libérant de provenant de D1 se dirigent vers la tête, celles de D2 vers
l’acétylcholine est un système de conservation le cou, celles de D3 à D6 vers le thorax, celles de D7 à D11
d’énergie et de maintien des fonctions organiques. vers l’abdomen et celles de D12 à L2 vers les membres infé-
C’est l’équilibre entre ces deux systèmes qui per- rieurs. C’est au niveau des ganglions sympathiques que se
met une réaction adaptée de l’organisme à l’envi- fait la synapse avec le neurone postganglionnaire qui, lui,
ronnement. Cependant cette séparation peut n’est pas myélinisé (fibres de type C). La neurotransmission
dans le neurone préganglionnaire est cholinergique. En
paraître artificielle tant les interactions entre eux
revanche, elle est adrénergique dans le neurone postgan-
sont grandes. De plus, la connaissance plus récente
glionnaire. Il existe cependant des exceptions comme pour
au sein de ce système d’une transmission « non
les fibres destinées aux glandes sudoripares ou pour les
adrénergique, non cholinergique » tempère cette fibres vasodilatatrices des muscles squelettiques pour qui
distinction. Toutefois pour des raisons didactiques, le neurone postganglionnaire est cholinergique bien
nous continuerons à décrire séparément ces deux qu’appartenant au SNA sympathique. Les fibres sympa-
systèmes tout en précisant leurs interactions. thiques préganglionnaires sont relativement courtes et les
ganglions sont donc éloignés de l’organe effecteur.

Organisation anatomique Efférences parasympathiques


Les corps cellulaires des neurones sont situés dans le
Le SNA s’organise à partir de centres nerveux, de gan-
tronc cérébral pour le contingent crânien (III ou nerf ocu-
glions et de nerfs végétatifs [1, 2] (figure 1). Il est divisé
lomoteur, VII ou nerf facial, IX ou nerf glosso-pharyngien,
anatomiquement en deux systèmes : le système sympa-
X ou nerf vague) et dans la corne latérale de la moelle de
thique (orthosympathique ou catécholaminergique) et le la deuxième à la quatrième racine sacrée (S2 à S4) pour le
système parasympathique (vagal ou cholinergique). Sa contingent sacré. Le système parasympathique est donc
principale caractéristique anatomique est de posséder une essentiellement crânio-sacré. Les fibres provenant de la
organisation à deux neurones, contrairement à l’innerva- IIIe paire des nerfs crâniens, dont le corps cellulaire est situé
tion squelettique qui ne possède qu’un seul neuron e. Le dans le noyau d’Edinger-Westphal, innervent la pupille et
corps cellulaire du neurone préganglionnaire est situé dans les muscles ciliaires de l’œil. Celles provenant du VII inner-
le système nerveux central (SNC) et celui du neurone post- vent les glandes lacrymales, nasales et sous-mandibulaires.
ganglionnaire dans les ganglions du SNA. Les efférences Le contingent de la IXe paire innerve la glande parotide.
des corps cellulaires des neurones permettent une distinc- Le contingent sacré innerve le côlon gauche et le rectum,
tion entre SNA sympathique et parasympathique. la vessie, le bas des uretères et les organes génitaux

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Figure 1 / Organisation anatomique du système nerveux autonome


(d’après Constant [2]).

externes. Sur le plan anatomique, le nerf vague assure la Le système non adrénergique-non cholinergique
majorité de la transmission parasympathique (environ module la neurotransmission du sympathique et du
75 %). Il permet l’innervation parasympathique du cœur, parasympathique.
des bronches, de l’œsophage, de l’estomac, du foie, des L’hypothalamus est un véritable centre intégrateur
reins et du côlon proximal. Contrairement au système sym- qui module l’activité du SNA tout en recevant des
pathique, le ganglion parasympathique se trouve à proxi- afférences corticales.
mité des viscères innervés, et les synapses pré- et
postganglionnaires parasympathiques sont cholinergiques.
Organisation fonctionnelle
Organisation générale
du système nerveux autonome La neurotransmission repose sur un codage chimique
Le SNA est un système de contrôle des muscles de l’information dans le système nerveux par un nombre
lisses, du cœur, des vaisseaux, du tube digestif et des limité de molécules appelées neurotransmetteurs qui agis-
glandes qui permet le maintien de l’homéostasie. sent sur des récepteurs spécifiques. Les effets sont ainsi
Il possède une organisation à deux neurones. conditionnés par l’activation d’un récepteur par ces neuro-
Le système sympathique est thoraco-lombaire et transmetteurs.
possède une neurotransmission postganglionnaire
noradrénergique dont le neurone est long.
Le système parasympathique naît de certains Neurotransmission sympathique
noyaux des paires crâniennes, est essentiellement
crânio-sacré et possède une neurotransmission Neurotransmetteurs du système
postganglionnaire cholinergique dont le neurone
est court.
sympathique : les catécholamines
Le système sympathique permet la réponse au Le caractère commun à ces différentes molécules est de
stress, le système parasympathique permet la posséder un noyau catéchol et une chaîne latérale d’acides
conservation de l’énergie. aminés (figure 2).

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Physiologie du système nerveux autonome 12

• Noradrénaline +
CH3
C’est le principal neuromédiateur du système sympa- CH3 C O CH2 CH2 N
thique. Sa synthèse s’effectue dans les terminaisons ner-
O CH3
veuses adrénergiques grâce à une série d’hydroxylations à Acétylcholine CH3
partir de la phénylalanine. Il existe un rétrocontrôle néga-
tif de la synthèse de ces deux neurotransmetteurs : la tyro-
HO
sine hydroxylase (enzyme qui permet la synthèse de la
dopa à partir de la tyrosine) est en effet inhibée par l’aug-
mentation des taux de dopamine et de noradrénaline dans HO CH2 CH2 NH2
la terminaison axonale. La libération dans la fente synap- Dopamine
tique s’effectue par un phénomène d’exocytose qui sur-
vient au décours de la transmission d’un potentiel d’action.
HO
La dégradation de la noradrénaline se fait grâce à la
monoamine-oxydase (MAO) et la catéchol-O-méthyl trans-
férase (COMT). Un recaptage actif permet le recyclage de HO CH CH2 NH2
la noradrénaline au niveau de la synapse préganglion-
OH
naire. Enfin, une faible partie de la noradrénaline diffuse Noradrénaline
dans le sang pour y être dégradée à distance (foie, rein et
plasma) par la MAO et la COMT. Le produit final de cette HO
dégradation est l’acide vanylmandélique (VMA).
HO CH CH2 NH CH3
• Adrénaline
Sa synthèse s’effectue uniquement dans la médullo- OH Adrénaline
surrénale, à partir de la noradrénaline qui est elle-même Figure 2 / Structure biochimique
synthétisée dans les cellules chromaffines de la médullo- des différents neurotransmetteurs
surrénale.

• Dopamine
La dopamine est produite par la même voie métabo-
lique que la noradrénaline. C’est un métabolite intermé- tion artérielle [9]. La vasoconstriction veineuse contribue
diaire et donc un précurseur de la noradrénaline. plutôt d’une activation conjointe des récepteurs a1 et a2
postsynaptiques [10].

Récepteurs catécholaminergiques Récepteurs a2


ou adrénergiques Les a2-AR sont plutôt présynaptiques et sont présents
au niveau des terminaisons nerveuses périphériques et du
Les récepteurs adrénergiques, ou adrénorécepteurs SNC. Les récepteurs a2 présynaptiques régulent la libéra-
(AR), sont classés pharmacologiquement selon leur sensi- tion de noradrénaline et d’adrénaline. Ils sont majoritaire-
bilité à l’adrénaline, à la noradrénaline et à l’isoprénaline. ment couplés à l’adénylate cyclase et, par l’intermédiaire
On distingue ainsi les récepteurs a- et b-adrénergiques [3, de la protéine G, la production d’adénosine monophos-
4]. Ils appartiennent à la famille des récepteurs à phate cyclique permet la transmission intracellulaire du
7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G. message. Il existe des récepteurs centraux dont la stimula-
Le tableau 1 est un résumé des effets de la stimulation des tion diminue l’activité sympathique et la réponse adréner-
récepteurs postsynaptiques a et b [5]. gique aux stimuli nociceptifs. En effet, ils sont couplés
majoritairement à une protéine G inhibitrice (Gi) qui dimi-
• Récepteurs a-adrénergiques nue l’activité de l’adénylate cyclase. La stimulation de ces
L’action principale des récepteurs a-adrénergiques se récepteurs entraîne donc un rétrocontrôle négatif de la
porte sur le tonus vasomoteur. Il existe deux sous-classes sécrétion de noradrénaline et, par conséquent, une vaso-
de récepteurs a : a1 et a2 [6, 7]. dilatation [11]. La clonidine est l’exemple d’un agoniste a2-
adrénergique central utilisable en pratique clinique pour
Récepteurs a1 le traitement de l’hypertension artérielle. Il existe égale-
ment des a2-AR postsynaptiques qui participent à la vaso-
Les a1-AR, essentiellement postsynaptiques, sont pré-
constriction veineuse.
sents sur les fibres musculaires lisses vasculaires et intesti-
nales mais également sur le myocarde (effet inotrope
positif). La classification consensuelle actuelle des a1-AR
• Récepteurs b-adrénergiques
comporte trois sous-types (a1A, a1B et a1D) qui se distin- Il en existe trois sous-types clonés et caractérisés phar-
guent par des différences dans la longueur de leur extré- macologiquement : b1, b2 et b3 [12, 13]. Les b1-AR sont
mité C-terminale [8]. Les a1A semblent avoir un rôle impliqués dans les effets sympathiques cardiaques (chrono-
proéminent dans la régulation endogène de la pression tropes et inotropes) et la stimulation de la lipolyse. Les b2-
artérielle, alors que les a1B et a1D seraient activés par les AR ont une action de relaxation des fibres musculaires lisses
agonistes exogènes. Les a1B régulent la vasoconstriction vasculaires et bronchiques, dans la stimulation de la glyco-
artérielle mésentérique. Les a1D régulent la vasoconstric- génolyse mais également de relaxation utérine [14]. Les b3-
tion aortique, fémorale et iliaque. L’activation de ces AR sont principalement présents sur les adipocytes et les
récepteurs a provoque l’hydrolyse des phospho-inositides fibres musculaires lisses des voies aériennes. Récemment,
par le biais d’une action sur la phospholipase C. Les seconds l’existence de b3-AR a été démontrée sur les cardiomyocytes
messagers (inositol triphosphate et diacylglycérol) provo- ventriculaires humains [15]. L’activation de ces récepteurs
quent l’afflux intracytoplasmique de calcium. L’activation produit un effet inotrope négatif [16]. Au niveau des vais-
de ces récepteurs produit principalement une vasoconstric- seaux, les b3-AR ont un rôle de vasodilatation. Ils sont

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Tableau 1 / Effets de l’activation des récepteurs adrénergiques et cholinergiques

Récepteur Récepteur
Organe cible Effet Effet
adrénergique muscarinique
Cœur
Fréquence cardiaque b-1 Augmentée M2 Diminuée
b-1 Augmentée M2 Diminuée
Contractilité b-3 Diminuée
Conduction b-1 Augmentée M2 Diminuée
Vasoconstriction
Coronaire a-1
des gros troncs
Vaisseaux
a-1 Vasoconstriction M3 et M1 Vasodilatation
Artères a-2 Vasodilatation
b-2 Vasodilatation
a-2 Veinoconstriction
Veines b-2 Vasodilatation
Bronches
Muscle lisse bronchique b-2 Bronchodilatation M3 Bronchoconstriction
Sécrétions b-2 Augmentées M3 Augmentées
Tube digestif
a-1 Relaxation M3 Tonus et sécrétions
a-2 Relaxation M3 augmentés
Appareil urogénital
Utérus b-2 Relaxation
a-1 Contraction
Canaux déférents a-1 Contraction
Capsule prostatique a-1 Contraction
Rein b-1 Rénine augmentée
Trigone et sphincter vésical a-1 Contraction M3 Relâchement
Détrusor b-2 Relaxation M Contraction
Uretère a-1 Contraction M3 Contraction
Organes génitaux externes a-1 Éjaculation M Érection
Œil
Pupille a-1 Mydriase M3 Myosis
Muscle cillaire b-2 Relaxation M3 Accommodation
Métabolisme
a-1, a-2 Diminuée M3 Augmentée
Insulinosécrétion b-1 Augmentée
Lipolyse b-1 Augmentée
Foie a-1, b-2 Glycolyse augmentée M Synthèse de glycogène
Glandes salivaires a-1 Sécrétion augmentée M Sécrétion augmentée
Glandes sudoripares a-1 Sécrétion augmentée M Sécrétion augmentée

retrouvés sur les artères systémiques et pulmonaires, ainsi Régulation des récepteurs
que sur le réseau veineux. De plus, les b3-AR présynap-
tiques modulent la libération des catécholamines. catécholaminergiques
Le messager intracellulaire de la stimulation des récep- Les adrénorécepteurs présentent la caractéristique
teurs b est l’adénosine monophosphate cyclique par l’in- d’être influencés par la quantité de noradrénaline pré-
termédiaire d’une protéine G [17]. Les récepteurs b1 et b2 sente dans la fente synaptique ou par la présence d’un
sont couplés majoritairement à une protéine Gs, les récep- agoniste exogène. L’activité et le nombre des récepteurs
teurs b3 sont eux couplés à une protéine Gi qui diminue peuvent varier avec l’intensité et la durée de leur stimula-
l’activité de l’adénylate cyclase. Le tableau 2 résume les tion, conduisant à une régulation de la transmission du
effets des neurotransmetteurs sur les adrénorécepteurs. signal.

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Physiologie du système nerveux autonome 12

Tableau 2 / Effets des neurotransmetteurs sur les récepteurs adrénergiques

Récepteurs
Catécholamines
a-1 a-2 b-1 b-2 D1 D2
Noradrénaline ++++ ++++ ++ + 0 0
Adrénaline ++ +++ ++++ +++ 0 0
Dopamine + ? + + ++ ++

Une diminution de la transduction du signal peut résul- présents au niveau du cortex surrénal, et leur stimulation
ter d’une diminution du nombre de récepteurs (par déré- inhibe la sécrétion d’aldostérone. Il existe également des
gulation ou down-regulation, voire par séquestration des récepteurs D2 centraux dont la stimulation provoque nau-
récepteurs) ou par une altération du fonctionnement du sées et vomissements. Ces récepteurs ont des rôles com-
récepteur par modification du couplage à la protéine G plexes dans le SNC de contrôle de la locomotion, de la
[18]. Une seconde étape intervient après le découplage à cognition et des fonctions neuro-endocrines (sécrétion de
la protéine G : c’est la disparition des récepteurs de la prolactine en particulier).
membrane ou internalisation.
La désensibilisation (par internalisation ou découplage) Il existe cinq types d’adrénorécepteurs :
s’observe au cours de stimulations adrénergiques prolon- • les a1-AR induisent une vasoconstriction principa-
gées comme pour les b1-AR au cours de l’insuffisance car- lement artérielle grâce à la production d’inositol
diaque congestive avec hypercatécholaminergie [12]. Dans triphosphate et de diacylglycérol ;
le choc septique également, on observe une dérégulation • les a2-AR :
des b1-AR et une augmentation du couplage des récep- - les a2-AR présynaptiques localisés dans le SNC
teurs à une protéine Gi [19]. D’une manière générale, les exercent un rétrocontrôle négatif de la libération
b1-AR sont plus sensibles à ces régulations négatives que de neurotransmetteur,
les autres adrénorécepteurs. La diminution de la transduc- - les a2-AR postsynaptiques vasculaires ont un effet
tion du signal explique la tachyphylaxie (diminution de vasoconstricteur ;
l’effet pour les mêmes doses) observée lors d’expositions • les b1-AR ont une localisation principalement car-
prolongées aux b-agonistes. diaque et ont des effets inotrope, bathmotrope,
La transduction du signal peut par ailleurs être aug- dromotrope et chromotrope positifs ;
mentée par régulation positive (up-regulation) de ces • les b2-AR, de localisation majoritairement vascu-
récepteurs, résultant soit d’une externalisation des récep- laire et bronchique, induisent une vasodilatation
teurs, soit d’une synthèse de novo. La sensibilité des récep- et une bronchodilatation ;
teurs b est augmentée après une administration prolongée • les b3-AR sont couplés à une protéine Gi et possè-
de b-bloquants, une dénervation cardiaque, lors d’hyper- dent des effets inotropes négatifs et vasodilata-
thyroïdie ou d’un traitement par corticoïdes. Ceci résulte- teurs.
rait principalement d’une possibilité d’externalisation des Il existe deux familles de récepteurs dopaminer-
récepteurs, qui dans des conditions normales, constituent giques (D1 et D2) :
la réserve intracellulaire de récepteurs. • dans le SNC, ils participent, entre autres, au
contrôle de la locomotion, de la cognition et des
fonctions neuro-endocrines ;
Récepteurs dopaminergiques • en périphérie, l’activation des récepteurs dopami-
nergiques vasculaires conduit à une vasodilata-
Bien que ne faisant pas partie à proprement parler du tion, en particulier dans les territoires rénaux et
SNA, il nous paraît important de citer ici ces récepteurs du mésentériques ;
système nerveux. Cinq sous-types de récepteurs ont été clo- • au niveau rénal, les récepteurs dopaminergiques
nés mais les récepteurs D1 et D2 sont les plus importants. diminuent la réabsorption proximale du sodium et
possèdent ainsi des effets diurétiques.
Récepteurs D1
Sur les vaisseaux, les récepteurs D1 en position postsy-
naptique ont une action vasodilatatrice sur les territoires
Neurotransmission para-
vasculaires, rénaux, mésentériques, coronaires et céré- sympathique (ou cholinergique)
braux. Au niveau rénal, des récepteurs D1 sont localisés au
niveau des tubules proximaux et distaux. Leur activation Ici, le seul neuromédiateur est l’acétylcholine (ACh), que
par des agonistes sélectifs inhibe la réabsorption tubulaire ce soit au niveau pré- ou postganglionnaire.
de l’eau et du sodium [20]. L’activation des récepteurs D1
situés au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire entraîne Acétylcholine
une diminution modérée de la sécrétion de rénine [21].
L’acétylcholine est synthétisée dans les terminaisons
Récepteurs D2 nerveuses cholinergiques à partir de l’acétyl-CoA et de la
choline grâce à la choline acétyl transférase. Elle est
Les récepteurs D2 en position présynaptique exercent stockée par un transport actif dans des vésicules qui vont
un rôle d’inhibition présynaptique de la libération de migrer vers la terminaison nerveuse grâce à un système
sodium. Ils ont une action vasodilatatrice indirecte au pro- contractile de microtubules microfilaments. Cette migra-
rata du tonus sympathique de base. Les récepteurs D2 sont tion est dépendante de la concentration intracellulaire de

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

calcium. La dépolarisation membranaire consécutive de la confusionnel, voire délire et bradycardie paradoxale


stimulation nerveuse entraîne une augmentation du cal- (action initiale plutôt bradycardisante alors que l’on s’at-
cium intracellulaire et favorise donc le transport des vési- tend à un effet tachycardisant) dont le mécanisme est
cules d’acétylcholine. De petites quantités d’acétylcholine encore mal connu (probablement un sous-groupe de
appelées quanta sont ainsi libérées en permanence, et des récepteurs muscariniques). Les actions sur l’appareil uri-
quantités beaucoup plus importantes seront libérées lors naire et sur l’œil motivent les contre-indications que sont
de l’arrivée d’un potentiel d’action grâce en partie à l’af- l’adénome de prostate et le glaucome. Utilisée à fortes
flux calcique intracellulaire. doses (de 1 à 2 mg), l’atropine permet de bloquer les effets
muscariniques des anticholinestérasiques utilisés pour l’an-
La dégradation de l’acétylcholine non liée au récepteur
tagonisation des curares.
se fait en quelques secondes par l’acétylcholinestérase. Les
métabolites produits sont la choline et l’acide acétique, la
choline pouvant être recyclée dans la terminaison ner- Le seul neurotransmetteur est l’acétylcholine.
veuse. L’activation des récepteurs muscariniques entraîne
une baisse de la fréquence cardiaque, un effet ino-
Récepteurs trope négatif et une réduction de la conduction
auriculo-ventriculaire.
du système parasympathique Les récepteurs nicotiniques de la jonction neuro-
On distingue ici deux classes de récepteurs : muscari- musculaire sont bloqués par les curares.
niques et nicotiniques. Ils sont appelés ainsi en raison de L’atropine est un antagoniste muscarinique compé-
leur réponse différente à des alcaloïdes de plantes : la nico- titif.
tine et la muscarine. L’acétylcholine active les deux types
de récepteurs.

• Récepteurs muscariniques
Neurotransmission
Ils ont la propriété d’être bloqués par l’atropine. Il s’agit
non adrénergique-
d’une population hétérogène de cinq sous-types (M1 à M5) non cholinergique
[22]. Leurs effets sont rappelés dans le tableau 1. On peut
noter les effets sur l’appareil cardiovasculaire Dans le SNA, de multiples neurotransmetteurs n’appar-
(récepteur M2) avec une baisse de la fréquence cardiaque, tenant ni au système adrénergique ni au système choliner-
un effet inotrope négatif et une réduction de la conduc- gique peuvent moduler la transmission nerveuse. Ainsi, la
tion auriculo-ventriculaire. On observe également des libération simultanée de neurotransmetteurs « classiques »
effets sur la bronchoconstriction et sur la sécrétion bron- et de peptides comme le neuropeptide Y [23] ou le peptide
chique (M3), des effets digestifs avec augmentation du vasoactif intestinal (VIP), de la substance P ou de facteur
tonus gastro-intestinal et un relâchement sphinctérien de croissance comme le Nerve Growth Factor (NGF) permet
(M3), des effets urinaires avec contraction du muscle detru- de nuancer le simple antagonisme adrénergique-choliner-
sor et un relâchement du trigone vésical. La transmission gique. Une synapse n’est que rarement purement adréner-
du signal se fait par l’intermédiaire d’une protéine G avec gique ou cholinergique. Au sein d’une même terminaison
une grande similitude avec les adrénorécepteurs. nerveuse cohabitent plusieurs neurotransmetteurs, avec
une multitude d’effets possibles en fonction des combinai-
• Récepteurs nicotiniques sons. Le neuropeptide Y agirait principalement en modu-
lant la transmission adrénergique (réduction modérée de
Ils sont sensibles à la nicotine et à l’acétylcholine et sont la libération de noradrénaline), et le VIP agirait en favori-
situés principalement dans la synapse ganglionnaire du sys- sant la transmission cholinergique [24].
tème sympathique et parasympathique. À faible concen-
tration, la nicotine induit une stimulation des ganglions du
SNA et une libération des catécholamines surrénaliennes.
À plus forte dose, elle devient un bloqueur ganglionnaire. Régulation du
L’action intracellulaire se fait par un couplage du récepteur
avec un canal ionique qui permet l’entrée dans la cellule
fonctionnement du système
du sodium et du calcium et la sortie du potassium. Ces
récepteurs sont présents dans les synapses ganglionnaires
nerveux autonome
du sympathique et du parasympathique, ainsi que dans des
De nombreuses structures du SNC fonctionnant en véri-
terminaisons nerveuses n’appartenant pas au SNA comme
tables réseaux neuronaux influencent de façon importante
la jonction neuromusculaire. Ces récepteurs sont bloqués
le SNA [25]. Le tronc cérébral (substance réticulée, pont et
par les curares.
mésencéphale) possède les centres régulateurs de la pres-
sion artérielle, de la fréquence cardiaque et de la respira-
• Atropine tion (centre pneumotaxique). Ces centres sont influencés
Cette molécule (antagoniste muscarinique exogène) par des signaux provenant de l’hypothalamus ou du cortex
entre en compétition avec l’acétylcholine au niveau des [24]. L’hypothalamus, structure suprabulbaire, influence
récepteurs muscariniques. Ces effets chronotropes positifs ainsi de façon majeure le fonctionnement du SNA. Des cen-
seront utilisés en cas de bradycardie consécutive à un excès tres intégrateurs et modulateurs comme celui du contrôle
de tonus vagal. La baisse des sécrétions et les effets bron- de la température ou celui de la faim s’y trouvent.
cho-pulmonaires des atropiniques sont très utilisés pour le L’hypothalamus reçoit des afférences corticales, en parti-
traitement des asthmatiques ou des bronchitiques chro- culier du cortex cingulaire, afin de permettre une intégra-
niques sécrétants. Cependant, des effets secondaires tion des stimuli émotionnels et comportementaux et une
importants peuvent limiter l’utilisation de l’atropine : interaction des fonctions végétatives avec des processus
sécheresse buccale, hyperthermie chez l’enfant, syndrome cognitifs plus complexes.

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Physiologie du système nerveux autonome 12

Intégration du système thique est donc une restauration d’une pression de perfu-
sion et une redistribution des débits régionaux. Le système
nerveux autonome : sympathique, par le biais des systèmes baroréflexes, per-
met une régulation à court terme de la pression artérielle.
les réflexes autonomes L’activation du système sympathique permet également la
mise en jeu du système rénine-angiotensine-aldostérone
Les principaux effets du SNA agissent de façon incons- qui assure la régulation à moyen terme de la pression arté-
ciente. Les signaux issus d’un organe (côlon, vessie, vais- rielle. Lors d’une élévation de la pression artérielle, les
seaux) arrivent dans le ganglion du SNA, dans le tronc phénomènes inverses sont observés : l’activation des baro-
cérébral ou dans l’hypothalamus, et une boucle de récepteurs entraîne une augmentation du trafic nerveux
contrôle opère via les efférences du SNA pour la régulation afférent qui augmente la stimulation du NTS induisant une
de l’activité de l’organe sans intégration du message au stimulation supplémentaire des noyaux parasympathiques
niveau de la conscience. Ces réflexes autonomes contrôlent et une plus grande inhibition des noyaux sympathiques.
de nombreuses fonctions comme le système cardiovascu-
laire ou digestif.
Réflexes autonomes
Réflexes autonomes intestinal et vésical
cardiovasculaires Les neurones de SNA à destinée digestive contrôlent
étroitement le fonctionnement du tractus intestinal [28].
Ces systèmes permettent le contrôle de manière perma- Par exemple, la distension du rectum par la présence de
nente de la pression artérielle et assurent l’intégration de matière fécale entraîne une activation du SNA parasympa-
toutes les composantes afférentes et efférentes de ces thique sacré. Cette stimulation entraîne une augmentation
réflexes d’homéostasie cardiovasculaire au niveau des cen- du péristaltisme colique aboutissant à la défécation.
tres régulateurs. Classiquement, les systèmes baroréflexes
(sensibles à la pression) sont divisés en baroréflexes sino- De même, la distension de la vessie provoque l’activa-
carotidiens et aortiques (systèmes dits à haute pression) et tion des mêmes voies parasympathiques sacrées entraînant
en systèmes cardio-pulmonaires (dits à basse pression) [26]. une contraction du detrusor et un relâchement des sphinc-
Les barorécepteurs sont des mécanorécepteurs situés dans ters de la vessie pour permettre la vidange vésicale [29].
la paroi des artères et sensibles à la déformation de ces
vaisseaux. Cette déformation peut être secondaire à des
variations de pression et/ou de volume [27]. Les barorécep-
teurs sont constitués par des terminaisons nerveuses de
Interaction du système
fibres myélinisées et non myélinisées de faible calibre qui nerveux autonome
avec d’autres systèmes
s’entrelacent au sein de la couche adventicielle des vais-
seaux. Au niveau de la crosse aortique et du sinus caroti-
dien, les fibres nerveuses empruntent le trajet du nerf
vague et du glosso-pharyngien. Les barorécepteurs cardio-
pulmonaires sont situés dans les quatre cavités cardiaques, Système immunitaire
la veine cave, les artères pulmonaires et les poumons. Les
afférences d’origine cardiaque sont de nature vagale. Des découvertes récentes ont permis de découvrir que
Toutes ces afférences, que ce soient celles des barorécep- le SNA est impliqué dans la régulation et la modulation de
teurs à haute ou à basse pression, font relais au niveau du l’immunité [30]. Les organes lymphoïdes sont innervés par
noyau du tractus solitaire (NTS), situé dans le bulbe. Ce de nombreuses fibres du SNA. Les fibres préganglionnaires
noyau reçoit, en plus des afférences des baroréflexes arté- du SNA peuvent faire synapse avec les ganglions collaté-
riels et cardio-pulmonaires, des influx suprabulbaires. Ces raux. La rate est également innervée par des fibres nora-
deux systèmes exercent en permanence un tonus inhibi- drénergiques. La libération de noradrénaline pourrait y
teur sur les efférences sympathiques par l’intermédiaire influencer la compartimentalisation lymphocyte B-lympho-
des centres régulateurs de la pression artérielle. En perma- cyte T. De plus le système non adrénergique-non choliner-
nence, le NTS est stimulé par un tonus nerveux en prove- gique innerve également la rate et y libère le neuro-
nance des afférences baroréflexes. Cette stimulation active peptide Y.
les neurones parasympathiques et inhibe les neurones sym-
Les lymphocytes expriment à leur surface les adrénoré-
pathiques. Ainsi, le NTS, stimulé par les afférences baroré-
cepteurs a2 et b2, mais pas les b1 [31]. Les cellules NK
flexes, exerce une action frénatrice sur les noyaux
(Natural Killer) et les lymphocytes B expriment les b2-AR de
sympathiques. Lors d’une baisse de la pression artérielle,
façon importante. L’activation de ces récepteurs couplés à
la désactivation des baroréflexes conduit à une diminution
du trafic nerveux afférent et à une moindre stimulation du l’adénylate cyclase conduit à une diminution de la
NTS. Il se produit alors une diminution de l’inhibition exer- réponse T et NK in vitro et in vivo. Le neuropeptide Y est
cée par le NTS sur les efférences sympathiques conduisant également capable d’inhiber la réponse NK [32].
à une augmentation de l’activité sympathique (augmenta- L’activation chronique du tonus sympathique conduit donc
tion de l’inotropisme, du chronotropisme, vasoconstriction à une réduction de l’activité NK, à une diminution de la
artérielle et veineuse, stimulation du système rénine- production d’anticorps et à une diminution de la prolifé-
angiotensine) et à une baisse du tonus parasympathique ration lymphocytaire. Ainsi, l’effet principal du SNA sur le
(tachycardie). La vasoconstriction induite par la stimulation système immunitaire serait une action immunosuppressive
sympathique touche préférentiellement la circulation mus- via le système adrénergique. Cette immunomodulation
culo-cutanée et la circulation splanchnique et permet une pourrait avoir des traductions cliniques comme la réactiva-
redistribution du débit cardiaque et du transport artériel tion d’herpès lors de stress prolongés. Un des mécanismes
en oxygène vers les circulations dites protégées que sont complémentaires évoqué pour expliquer cette immuno-
les circulations coronarienne et cérébrale, assurant ainsi les suppression est la libération de corticotropin-releasing fac-
besoins métaboliques de ces circulations lors de cette tor (CRF) par l’hypothalamus, qui conduit à une sécrétion
période d’hypotension. L’effet de la stimulation sympa- de corticoïdes surrénaliens.

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D’autre part, l’immunité innée semble également nution d’activité du système sympathique induit une vaso-
modulée par le SNA. L’acétylcholine et la nicotine ainsi que dilatation artérielle et veineuse, associée à une diminution
la stimulation du nerf vague atténuent l’activation des de la commande sympathique cardiaque [37-39]. En consé-
macrophages [33]. Cette voie anti-inflammatoire choliner- quence, le baroréflexe est modifié sous anesthésie géné-
gique a probablement un rôle majeur dans la modulation rale. Dans le cadre du choc hémorragique, il a même été
du système immunitaire par le SNA. montré que la chute de pression artérielle au cours d’une
hémorragie était identique chez les chiens dont les fibres
participant au baroréflexe avaient été sectionnées à ceux
Douleur sous anesthésie générale barbiturique [26]. Ceci est globa-
lement transposable à l’ensemble des produits anesthé-
Le SNA semble également jouer un rôle important dans siants, y compris ceux administrés par voie inhalée [37].
la modulation des processus sensoriels. Des études ani- Seul l’étomidate préserve l’activité sympathique centrale
males ont montré la participation du système sympathique et périphérique sans modifier l’équilibre sympatho-vagal
postganglionnaire dans des modèles d’hyperalgésie ou de cardiaque et le baroréflexe [40]. L’utilisation d’agonistes
douleur inflammatoire. Des syndromes douloureux comme sympathiques est donc fréquente au cours d’une anesthé-
l’algoneurodystrophie (ou les syndromes complexes régio- sie générale. Actuellement, d’autres axes de recherche
naux) ont des manifestations cliniques d’atteinte du SNA appliquée concernant le SNA sont en développement [41] :
(modification de la chaleur locale, de la sudation et de la en rythmologie cardiaque, des travaux récents semblent
pilosité). Dans des modèles animaux de douleur neuropa- révéler l’intérêt de la stimulation vagale dans le contrôle
thique ou inflammatoire, une régulation positive et une de la fibrillation auriculaire [42]. De même, dans le
hypersensibilité des a-AR ainsi qu’un couplage fonctionnel domaine de la neurologie, la stimulation du nerf vague est
entre les afférences sensorielles et les efférences sympa- désormais considérée comme une modalité efficace de
thiques ont été retrouvés [34]. Le blocage sympathique par contrôle des épilepsies réfractaires [43]. En urologie, un
infiltration a donc été proposé pour le traitement de ces traitement chirurgical restaurant un contrôle du SNA chez
douleurs. les patients présentant une dysfonction vésico-sphincté-
rienne d’origine neurologique semble également réalisa-
ble [44]. À l’inverse, les résultats semblent moins
Applications en médecine prometteurs dans le cadre du contrôle de l’obésité [45].
Enfin, en oncologie, l’importance du SNA a été également
Depuis le début des années 2000, un intérêt croissant mise en évidence : les conséquences cardiovasculaires délé-
pour le système neurovégétatif en tant que cible thérapeu- tères des traitements anticancéreux intensifs semblent
tique a été observé. Une recherche sur le nombre de publi- ainsi liées à une dégradation de l’équilibre du système
cations concernant « therapeutics and autonomic nervous autonome [46, 47].
system » révèle que les années 2010 à 2014 sont toutes
parmi les huit plus prolifiques depuis 70 ans concernant
cette thématique. Avant cette période, des applications
thérapeutiques diverses impliquant des agonistes ou anta-
Conclusion
gonistes des récepteurs du système sympathique et para- Les termes utilisés pour définir le système nerveux que
sympathique avaient été validées dans des domaines nous venons de décrire sont « autonome », « végétatif »
médicaux variés tels que la cardiologie, la gastro-entéro- ou « neurovégétatif ». Cependant, et comme nous venons
logie, l’anesthésie-réanimation, l’urologie ou la pneumo- de le voir, aucun de ces termes n’est parfaitement adéquat
logie. Par exemple, dans le domaine de l’anesthésie, le SNA [48]. Le caractère « autonome » est en effet rendu illusoire
est un centre d’intérêt capital car les médicaments hypno- par la réponse et l’adaptation de ce système aux variations
tiques utilisés pour l’anesthésie générale modifient l’ho- somatiques. Par ailleurs, l’influence du SNC sur le SNA
méostasie neuro-végétative : en premier lieu, l’anesthésie modère fortement la classique caractéristique « végéta-
générale provoque une abolition transitoire des oscilla- tive ». L’intégration, au sein de réseaux complexes, de pro-
tions de la pression artérielle systolique et de la fréquence cessus réflexes autonomes influencés par des structures
cardiaque réapparaissant au réveil, ce qui est en faveur suprabulbaires permet à la fois une réponse rapide et effi-
d’une inhibition, concomitante à l’anesthésie, du SNA [35, cace pour le contrôle de l’homéostasie et une adaptation
36]. Plus précisément, la plupart des agents anesthésiants certaine aux conditions environnementales. Le SNA n’est
induisent une inhibition du tonus sympathique, alors que pas un système isolé mais il possède de nombreuses inter-
leur effet parasympathique est plutôt variable. Cette dimi- actions, en particulier avec le système immunitaire.

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PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

13
Physiologie
• Hémostase primaire
de l’hémostase
• Coagulation plasmatique
• Fibrinolyse Antoine Rauch*, Tiffany Pascreau**,
Sophie Susen*, Dominique Lasne**
*Institut d’hématologie-transfusion, CHR universitaire, Lille
**Laboratoire d’hématologie,
Hôpital Necker-Enfants-malades, Paris

râce à une très grande capacité d’adaptation Les cellules endothéliales sont largement impliquées
régulatrice, le système de l’hémostase contrôle la dans la régulation de l’hémostase [1]. Elles tapissent la
fluidité du sang au sein de l’arbre vasculaire et l’ar- paroi des vaisseaux sanguins et constituent une barrière de
rêt du saignement lors d’une blessure vasculaire. perméabilité sélective qui régule les échanges de molé-
Il s’agit d’un des systèmes enzymatiques et cellu- cules entre le sang et les tissus. Les cellules endothéliales
laires les plus complexes de l’organisme. Les prin- au repos au contact du sang constituent une surface non
cipaux intervenants sont les facteurs plasmatiques thrombogène. Plusieurs facteurs assurent cette thrombo-
de la coagulation, les plaquettes sanguines (mais
résistance : l’endothélium prévient l’activation plaquettaire
aussi les autres éléments figurés du sang) et la
(exposition de phospholipides neutres vis-à-vis des pla-
paroi vasculaire. Les trois phases – hémostase pri-
maire, coagulation et fibrinolyse – que l’on dis- quettes, synthèse et sécrétion de molécules maintenant les
tingue classiquement sont en fait étroitement plaquettes au repos : prostacycline, monoxyde d’azote,
liées, et de leur bonne coordination dépendent le ecto-ADPase), régule négativement la coagulation [via la
contrôle de l’hémorragie et le retour ad integrum synthèse et la sécrétion de thrombomoduline, de pro-
de la circulation sanguine. De ce fait, dans la situa- téine S, de l’inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (TFPI
tion physiologique normale, un équilibre fragile pour tissue factor pathway inhibitor) et l’expression de gly-
prévient à la fois la thrombose et l’hémorragie. cosaminoglycanes] et synthétise des agents profibrinoly-
Des anomalies acquises ou héréditaires ainsi que tiques [activateur tissulaire du plasminogène (t-PA pour
des agents thérapeutiques peuvent modifier cet tissue plasminogen activator), activateur du plasminogène
équilibre. de type urokinase (u-PA pour urokinase plasminogen acti-
vator)].

Hémostase primaire
Cette homéostasie peut être rompue en cas de lésion
ou dysfonction endothéliale. Au contraire de l’endothé-
lium, le sous-endothélium est en effet spontanément
L’hémostase primaire correspond à l’ensemble des thrombogène car il contient des molécules impliquées
interactions entre la paroi vasculaire, les plaquettes et les dans l’adhésion plaquettaire, notamment le collagène et
protéines adhésives qui aboutissent à l’obturation de la le facteur Willebrand (vWF pour von Willebrand factor).
brèche vasculaire grâce à la formation d’un thrombus Une activation endothéliale peut également être induite
blanc essentiellement plaquettaire.
sous l’effet de la thrombine ou de molécules pro-inflam-
matoires (cytokines, endotoxines). La surface endothéliale
Acteurs peut alors acquérir une propriété prothrombotique en
lien avec l’expression de molécules d’adhésion (permet-
de l’hémostase primaire tant le recrutement de plaquettes, leucocytes), l’exposi-
tion luminale de phospholipides anioniques, la formation
Paroi vasculaire de microparticules endothéliales, la sécrétion d’agents
La paroi vasculaire comprend trois tuniques concen- vasoconstricteurs (angiotensine II), d’activateurs plaquet-
triques : intima, média et adventice. L’intima, tunique au taires [thromboxane A2 (TXA2), PAF pour platelet activa-
contact de la lumière vasculaire, est elle-même composée ting factor], de facteurs de la coagulation (facteur
de l’endothélium constitué d’une monocouche de cellules tissulaire) et d’inhibiteurs de la fibrinolyse [inhibiteur de
endothéliales et d’un sous-endothélium formé de tissu l’activateur du plasminogène (PAI pour plasminogen acti-
conjonctif et de cellules musculaires lisses. vator inhibitor)].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Plaquettes sanguines facteurs de croissance (PDGF pour platelet derived growth


factor, VEGF pour vascular endothelial growth factor)…
Les plaquettes sont des fragments cytoplasmiques anu- Une fois libérées, ces protéines agissent dans le milieu
cléés provenant des mégacaryocytes. Leur durée de vie est extracellulaire ou se fixent sur des récepteurs de la mem-
de 8 à 10 jours. Elles circulent sous une forme discoïde de brane plasmique. Les lysosomes contiennent une grande
2 mm de diamètre, à raison de 150 à 400 G/L de sang. La variété d’hydrolases acides qui interviendraient dans la
plaquette est un acteur essentiel de l’hémostase primaire dégradation du caillot.
mais aussi de la coagulation.
La plaquette est constituée d’un système membranaire Protéines adhésives
complexe (membrane plasmique, système canaliculaire
ouvert et système tubulaire dense), d’un cytosquelette
et leurs principaux récepteurs
(microtubules et microfilaments d’actine et myosine) et de Le collagène, le vWF et le fibrinogène sont les princi-
granules intraplaquettaires (granules denses, granules a et pales protéines adhésives impliquées dans l’hémostase pri-
lysosomes). maire.
La membrane plasmique est composée d’une bicouche
lipidique faite de lipides neutres, de glycolipides et de • Le collagène
phospholipides. Ces derniers jouent un rôle fondamental Le collagène (essentiellement de type I et III) est un
dans la physiologie plaquettaire en tant que précurseurs composant majeur du sous-endothélium vasculaire. En cas
de seconds messagers et en tant que supports de l’activité de lésion endothéliale, le collagène est exposé à différents
procoagulante plaquettaire. Dans la plaquette au repos, de ses ligands présents dans le sang circulant : le vWF et
ces phospholipides sont distribués de façon asymétrique
les plaquettes. Ces dernières se lient au collagène par l’in-
entre les deux feuillets membranaires, avec une prépondé-
termédiaire de récepteurs plaquettaires spécifiques : a2b1
rance de phospholipides anioniques chargés négativement
et GPVI. La signalisation intraplaquettaire déclenchée par
dans le feuillet interne. Ces phospholipides sont riches en
l’engagement du récepteur GPVI joue un rôle important
acide arachidonique qui, en cas d’activation plaquettaire,
dans la mobilisation du calcium intraplaquettaire, la sécré-
est libéré par la phospholipase A2 et sert de précurseur à
la formation de TXA2, sous l’action successive de la cyclo- tion des granules, la synthèse du TXA2 et l’activation de
oxygénase 1 (COX-1) et de la thromboxane synthétase. La l’intégrine aIIbb3 (récepteur GPIIb-IIIa) [4].
membrane plasmique contient également une grande
quantité de glycoprotéines (GP) essentielles pour la phy- • Le facteur Willebrand
siologie plaquettaire (récepteurs de protéines adhésives, Le vWF, glycoprotéine multimérique synthétisée par les
récepteurs d’agonistes solubles, systèmes de transport cellules endothéliales et les mégacaryocytes, est le média-
transmembranaire ou enzymes) [2]. Certains de ces récep- teur principal de l’adhésion plaquettaire au sous-endothé-
teurs deviennent fonctionnels uniquement après activa- lium et joue également un rôle essentiel dans l’agrégation
tion plaquettaire.
plaquettaire en présence de forces de cisaillement élevées.
Le système canaliculaire ouvert correspond à des inva- Il intervient également dans la coagulation en permettant
ginations profondes de la membrane plasmique au travers la stabilisation du facteur VIII. L’endothélium constitue la
du cytoplasme, ce qui permet à la plaquette de disposer principale source de vWF circulant dont la concentration
d’une surface membranaire importante en contact avec plasmatique est de 5 à 10 mg/mL. Le vWF est synthétisé sous
l’extérieur. Ce réservoir de membranes facilite l’étalement forme de monomères de 250 kDa qui s’assemblent ensuite
plaquettaire et l’exocytose rapide du contenu des granules en dimères de 500 kDa puis en multimères de très grande
intraplaquettaires en cas d’activation plaquettaire. Le sys- taille dits multimères de très haut poids moléculaire
tème tubulaire dense, reliquat du réticulum endoplas- (MTHPM) (pouvant inclure jusqu’à 60 sous-unités dimé-
mique des mégacaryocytes, est un système membranaire riques) via la formation de ponts disulfures inter-chaînes.
non connecté à la surface qui contient différentes enzymes Ces MTHPM sont stockés dans les corps de Weibel-Palade
intervenant dans le métabolisme lipidique et la régulation des cellules endothéliales [5].
du transport du calcium intracellulaire.
Les multimères de vWF en circulation dans le plasma
Le cytosquelette plaquettaire, composé de microtu- ont une taille moyenne inférieure (de 2 à 40 sous-unités
bules et de microfilaments d’actine et de myosine, inter- dimériques) aux MTHPM stockés au sein des corps de
vient en cas d’activation plaquettaire dans le changement Weibel-Palade. Ceci témoigne de l’activité d’une métallo-
de forme de la plaquette et la centralisation des granules protéase, l’ADAMTS-13 (a-disintegrin and metalloprotease
intraplaquettaires.
with thrombospondin motif), qui clive les MTHPM dès leur
De nombreux organites sont dispersés dans le cyto- libération dans le plasma. L’ADAMTS13 a ainsi pour fonc-
plasme. Trois populations de granules de stockage intra- tion de limiter la taille des multimères de vWF en circula-
plaquettaires contiennent de nombreuses molécules tion et, de ce fait, leur propriété adhésive vis-à-vis des
solubles très actives, dont la libération après activation plaquettes, qui est corrélée à la taille des multimères de
plaquettaire, amplifie le processus d’hémostase [3]. Les vWF. Le clivage des MTHPM génère des multimères de
granules denses, au nombre de 5 à 6 par plaquette, taille inférieure, qui adoptent une conformation globu-
contiennent des nucléotides adényliques [adénosine laire, prévenant toute liaison spontanée aux plaquettes et
diphosphate et triphosphate (respectivement ADP et ATP)], toute dégradation supplémentaire par l’ADAMTS13 [6]. Le
du pyrophosphate, de la sérotonine, du calcium et une fai- purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), micro-
ble concentration de catécholamines. Les granules denses angiopathie thrombotique d’origine constitutionnelle ou
sont les premiers à libérer leur contenu au cours de l’acti- acquise observée en cas de déficit fonctionnel sévère en
vation plaquettaire. Les granules a sont le lieu de stockage ADAMTS13, témoigne de l’importance de cette régulation
de nombreuses protéines, certaines spécifiques de la pla- enzymatique [7].
quette (b-thromboglobuline, facteur 4 plaquettaire), d’au-
tres de localisations diverses comme le vWF, le fibrinogène, Le vWF peut interagir, dans certaines conditions, avec
la fibronectine, la thrombospondine et certaines protéines les plaquettes par l’intermédiaire de deux récepteurs pla-
de la coagulation (facteurs V, XI et XIII, protéine S, etc.) ou quettaires : les glycoprotéines GPIb-V-IX et GPIIb-IIIa.

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Physiologie de l’hémostase 13

• Le complexe GPIb-V-IX est un récepteur d’adhésion exclu- Agonistes solubles


sivement exprimé à la surface des mégacaryocytes et des
plaquettes. La GPIb est composée de deux sous-unités a et leurs récepteurs plaquettaires
et b associées formant un complexe non covalent avec la La thrombine joue un rôle majeur dans l’hémostase.
GPIX et la GPV selon une stœchiométrie 2/2/1. Elle est Elle intervient dans l’ultime étape de la cascade de la
exprimée de façon constitutive à la surface des pla- coagulation en catalysant la transformation du fibrino-
quettes à raison d’environ 25 000 copies par plaquette. gène soluble en fibrine insoluble et dans différentes bou-
Le site de liaison pour le vWF est localisé sur la partie N- cles de rétrocontrôle permettant d’amplifier sa formation.
terminale de la GPIba. La liaison du vWF à la GPIba néces- La liaison de la thrombine aux plaquettes via les récepteurs
site un changement conformationnel du vWF qui PAR (Protease-Activated Receptor), principalement le PAR-
s’observe lorsque le vWF est lié au collagène sous-endo- 1, et la GPIb-IX induit également une forte activation pla-
thélial et en présence de forces de cisaillement élevées. quettaire [10].
Ces conditions permettent l’exposition au niveau du
Le TXA2 est un agoniste plaquettaire qui est synthétisé
domaine A1 du vWF du site d’interaction à la GPIba pla- à partir de l’acide arachidonique lors de l’activation pla-
quettaire [8]. Les multimères de vWF constituent alors quettaire, via l’intervention de différentes enzymes dont
une surface adhésive pour les plaquettes circulantes la phospholipase A2 et la COX-1. Il est ensuite libéré par
favorisant leur “rolling” puis leur adhésion réversible au diffusion au travers la membrane plasmique. Il agit au
sous-endothélium. Parallèlement, l’engagement du niveau de deux récepteurs à sept domaines transmembra-
récepteur GPIba par le vWF induit une signalisation naires couplés à des protéines G : TPa et TPb. L’aspirine,
intraplaquettaire à l’origine d’une activation de la phos- anti-agrégant le plus utilisé en pathologie cardiovasculaire,
pholipase Cg (PLCg) et de la production d’inositol-1,4,5- acétyle de façon irréversible le site catalytique de la COX-
trisphosphate (IP3) et de diacylglycérol (DAG) activant 1, et inhibe ainsi la synthèse du TXA2 [11].
respectivement la mobilisation du calcium et la protéine
kinase C (PKC) nécessaires à l’activation de la GPIIb-IIIa. L’ADP est un important agoniste plaquettaire présent
en forte concentration dans les granules denses de la pla-
• Le complexe GPIIb-IIIa est un hétérodimère calcium- quette au repos. L’activation plaquettaire par différents
dépendant qui appartient à la famille des intégrines. Il agonistes induit sa sécrétion dans le milieu extracellulaire.
est uniquement présent dans la lignée mégacaryocytaire Il agit alors au niveau du récepteur P2Y12, permettant
mais la GPIIIa (b3) est aussi exprimée par de nombreuses d’amplifier l’activation et l’agrégation plaquettaire. Deux
cellules dont les cellules endothéliales. La GPIIb-IIIa est familles d’inhibiteurs du récepteur P2Y12 sont actuelle-
exprimée de façon constitutive à la surface des pla- ment disponibles : les thiénopyridines (clopidogrel et pra-
quettes au repos à raison de 50 000 copies par plaquette, sugrel) et les non-thiénopyridines (ticagrélor, cangrélor).
dans un état de faible affinité incapable de lier le fibri- Les thiénopyridines sont des prodrogues devant être
nogène et le vWF. L’expression membranaire de la GPIIb- converties en métabolites actifs par le cytochrome P450
IIIa est augmentée après activation plaquettaire via la hépatique pour inhiber de manière irréversible le récep-
fusion des membranes des granules avec la membrane teur P2Y12. Les non-thiénopyridines sont des molécules
plasmique. L’activation plaquettaire par différents ago- directement actives sur le récepteur P2Y12 qu’elles inhi-
nistes (thrombine, ADP, collagène, TXA2) induit égale- bent de manière réversible [11].
ment un changement de conformation de la GPIIb-IIIa
(signalisation “inside-out”), qui acquiert alors la capacité
de se fixer au fibrinogène ainsi qu’à d’autres protéines Physiologie
adhésives comme le vWF et la fibronectine, protéines dis-
posant d’une séquence peptidique commune (arginine-
de l’hémostase primaire
glycine-acide aspartique = RGD) par laquelle elles sont La vasocontraction réflexe du vaisseau lors d’une lésion
reconnues. vasculaire constitue un premier mécanisme contribuant à
l’arrêt du saignement en favorisant les interactions entre
• Le fibrinogène plaquettes et sous-endothélium. La formation du caillot
plaquettaire intervient ensuite selon trois étapes princi-
Le fibrinogène est une glycoprotéine plasmatique solu- pales : l’adhésion, l’activation et l’agrégation plaquettaire
ble d’origine hépatique, présente en grande quantité (figure 1). Parallèlement, les plaquettes subissent rapide-
dans le plasma et dans les granules des plaquettes. Le ment des changements morphologiques et biochimiques
fibrinogène est composé de 6 chaînes polypeptidiques dès qu’elles entrent en contact avec la matrice sous-endo-
(2 chaînes Aa, 2 chaînes Bb et 2 chaînes g). Compte tenu théliale exposée par la blessure vasculaire.
de son importante concentration plasmatique et de sa
grande affinité pour la GPIIb-IIIa activée, le fibrinogène est L’adhésion plaquettaire est une étape de contact de la
le principal ligand in vivo de la GPIIb-IIIa pour laquelle il plaquette avec des substances thrombogènes permettant
possède trois sites d’interaction. Les chaînes Aa compor- son recrutement au niveau de la lésion vasculaire. Les struc-
tent des motifs RGD qui supportent sa liaison à la GPIIb- tures sous-endothéliales mises à nu lors d’une lésion de la
IIIa. Un dodécapeptide spécifique du fibrinogène présent paroi vasculaire (microfibrilles, membrane basale, colla-
sur la partie C-terminale de la chaîne g permet également gène), la fibrine polymérisée à la suite d’une activation de
la liaison du fibrinogène à la GPIIb-IIIa. En se fixant sur le la coagulation, une plaque d’athérosclérose rompue
récepteur GPIIb-IIIa à la surface des plaquettes activées, le constituent des supports de l’adhésion plaquettaire.
fibrinogène sert de pont entre différentes plaquettes et Les plaquettes adhèrent au sous-endothélium par l’in-
est ainsi responsable de l’agrégation plaquettaire propre- termédiaire des récepteurs GPVI et GPIb-V-IX impliqués res-
ment dite [9]. Par ailleurs, la transformation par la throm- pectivement dans l’interaction avec le collagène et le vWF.
bine du fibrinogène soluble en réseau stable de fibrine La contribution relative de ces récepteurs dans l’adhésion
polymérisée est l’étape finale de la coagulation, qui per- plaquettaire varie selon l’intensité des forces de cisaille-
met la consolidation du thrombus plaquettaire. ment. Ainsi, l’adhésion plaquettaire dans les petits vais-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

velles plaquettes. L’activation plaquettaire entraîne une


augmentation de l’expression membranaire et un jeu com-
plexe de signalisation intraplaquettaire (signalisation dite
“inside-out”) qui induit un changement de conformation
du récepteur spécifique de l’agrégation : la GPIIb-IIIa. Les
récepteurs GPIIb-IIIa activés, regroupés en clusters à la sur-
face plaquettaire, acquièrent alors la capacité de fixer le
fibrinogène et le vWF, ce qui permet la formation de ponts
inter-plaquettaires. La fixation du fibrinogène et l’agréga-
tion qui en résulte sont également à l’origine d’une voie
de signalisation induite par la GPIIb-IIIa (signalisation dite
“outside-in”), qui intervient dans des événements plus tar-
difs tels que la stabilité de l’agrégat, l’émission de micro-
particules et la rétraction du caillot [14].
Par ailleurs, une très forte activation plaquettaire
conduit à l’exposition de phospholipides anioniques pro-
coagulants (phosphatidyl sérine) sur le feuillet externe de
Figure 1 / Hémostase primaire la membrane plasmique et à l’émission de microparticules
La lésion endothéliale expose le sous-endothélium riche en protéines [15]. L’exposition de phospholipides anioniques procoagu-
adhésives. Les plaquettes adhèrent en particulier au collagène
exposé par l’intermédiaire des multimères de facteur Willebrand lants à la surface des plaquettes activées et des micropar-
(vWF). Les plaquettes activées libèrent de nombreux agonistes dont ticules plaquettaires sert de surface catalytique pour
l'adénosine diphosphate (ADP) et activent leurs récepteurs GPII-IIIa. l’activation des facteurs de la coagulation et amplifie consi-
Ceux-ci sont capables d’agréger les plaquettes entre elles de façon dérablement la génération de thrombine. Cette étape est
irréversible par l’intermédiaire de ponts fibrinogènes. ainsi primordiale pour la coagulation, permettant égale-
En flux sanguin rapide, le recrutement des plaquettes se fait par ment de cibler la génération de thrombine au niveau de
l’intermédiaire des multimères de haut poids moléculaire de facteur la brèche vasculaire. L’importance de ce mécanisme est
Willebrand. illustrée par le syndrome de Scott, pathologie hémorra-
gique secondaire à un défaut d’externalisation des phos-
pholipides anioniques plaquettaires [16].

L’hémostase primaire est un processus complexe qui


permet le recrutement et l’activation des plaquettes
seaux, là où les forces de cisaillement sont élevées, est en vue de la formation d’un thrombus au contact de
essentiellement dépendante du vWF. Ces conditions de flux la brèche vasculaire. Les plaquettes adhèrent à
sont en effet favorables à un changement conformation- différentes protéines adhésives sous-endothéliales
nel du vWF, qui acquiert alors la capacité à se lier à la GPIb par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques.
plaquettaire, et défavorables aux interactions entre le col- L’adhésion induit une signalisation intraplaquet-
lagène sous-endothélial et les récepteurs plaquettaires taire qui déclenche un changement de forme des
GPVI ou a2b1, qui ne résistent pas à la présence de forces plaquettes, la sécrétion d’agonistes solubles et l’ac-
de cisaillement élevées. tivation de la GPIIb-IIIa qui, une fois activée, peut se
L’engagement des récepteurs plaquettaires GPIb-V-IX lier au fibrinogène et au vWF, ce qui constitue le
et GPVI déclenche l’activation plaquettaire via une cascade support de l’agrégation plaquettaire. L’activation
de signalisation intracellulaire, impliquant des enzymes plaquettaire s’accompagne également d’un rema-
effectrices (phospholipases, kinases), à l’origine d’une aug- niement de la membrane plasmique, avec une
mentation du calcium intracytoplasmique [12]. L’activation externalisation de phospholipides anioniques qui
plaquettaire s’accompagne d’une modification de la mor- constitue une surface procoagulante essentielle à la
phologie plaquettaire, indispensable aux réactions de génération de thrombine.
sécrétion et d’agrégation. Selon la nature et l’intensité du
stimulus, ces changements sont plus ou moins importants
et peuvent être réversibles [13]. De discoïde, la plaquette Exploration
de l’hémostase primaire
devient sphérique avec émission de pseudopodes et cen-
tralisation des organelles intracellulaires. La centralisation
des granules puis la fusion de leurs membranes avec celle
du système canaliculaire ouvert permettent une sécrétion Tests globaux
rapide du contenu granulaire et notamment d’ADP. La
Le temps de saignement n’est désormais quasiment plus
sécrétion constitue un reflet de l’activation plaquettaire et
utilisé dans l’exploration de l’hémostase primaire. Ce test
peut être suivie, in vitro, par la mesure des produits libérés
consistait à mesurer la durée du saignement induit par une
dans le milieu extérieur et spécifiques de chaque granule
incision au niveau de l’oreille (technique de Duke) ou de
ou par la mise en évidence de protéines granulaires expri-
la face antérieure de l’avant-bras (technique d’Ivy). Le
mées à la surface des plaquettes activées et qui n’existent
temps de saignement s’est avéré peu sensible, peu repro-
pas sur la plaquette au repos (par ex., P-sélectine témoin
ductible et inopérant pour prédire le risque hémorragique
de la dégranulation des granules a). Parallèlement à cette
lors d’une intervention chirurgicale.
réaction de dégranulation, les plaquettes activées synthé-
tisent et sécrètent des substances pharmacologiquement Plus récemment, un dispositif in vitro, l’automate PFA
très actives comme le TXA2 et le facteur d’activation pla- 100™, a été proposé pour une exploration globale de l’hé-
quettaire (PAF). Les plaquettes activées libèrent ainsi mostase primaire. Ce test en sang total permet d’étudier
secondairement différents agonistes (ADP, TXA2, etc.), pos- la capacité des plaquettes à s’activer et s’agréger en condi-
sédant leurs propres récepteurs à la surface plaquettaire, tions de flux en présence de forces de cisaillement élevées.
qui vont amplifier la formation du clou plaquettaire en La particularité rhéologique de ce test lui confère une
favorisant le recrutement et l’activation in situ de nou- bonne sensibilité à la maladie de Willebrand en lien avec

130
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Physiologie de l’hémostase 13

le rôle essentiel du vWF dans l’agrégation plaquettaire en ressort de laboratoires spécialisés. L’utilisation en
présence de forces de cisaillement élevées. L’intérêt cli- routine de tests de réactivité plaquettaire pour le
nique de ce test est validé dans le dépistage de la maladie monitoring des traitements antiplaquettaires n’est
de Willebrand (à l’exception du variant 2N) ou de certaines pas recommandée actuellement.
thrombopathies sévères de type Glanzmann ou de
Bernard-Soulier où il a une bonne valeur prédictive néga-

Coagulation plasmatique
tive. Cependant, son utilisation systématique pour le dépis-
tage d’une thrombopathie n’est pas justifiée en raison
d’une sensibilité et d’une spécificité insuffisantes pour les
formes modérées [17]. Comme le temps de saignement, il La coagulation plasmatique est une succession de réac-
ne permet pas de prédire le risque de saignement en cas tions enzymatiques qui aboutit à la formation d’un réseau
d’intervention chirurgicale. de fibrine consolidant l’amas de plaquettes fixé sur la
brèche vasculaire. Ces réactions enzymatiques font inter-
Tests analytiques venir des facteurs de la coagulation, des inhibiteurs et une
protéine membranaire, le facteur tissulaire. Les phéno-
La numération plaquettaire fait partie intégrante de mènes de coagulation plasmatique interviennent de façon
l’hémogramme, et les automates utilisés aujourd’hui per- simultanée et complémentaire de l’hémostase primaire.
mettent de recueillir certains signes d’alerte en cas d’agré-
gation in vitro ou de morphologie plaquettaire très
anormale. La visualisation des plaquettes sur frottis au Caractéristiques et propriétés
microscope optique permet aussi de repérer certaines ano-
malies qualitatives (micro- ou macroplaquettes, présence des protéines de la coagulation
de corps de Döhle, plaquettes grises, etc.) et d’éliminer la
présence ou non d’agrégats parfois observés en présence Facteur tissulaire
d’acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA). Le bilan Le facteur tissulaire est une protéine membranaire
de première intention en cas de suspicion de maladie de exprimée de façon constitutive à la surface de différentes
Willebrand associe au minimum un dosage du facteur VIII cellules localisées dans le compartiment extravasculaire
et une exploration du vWF plasmatique associant dosage comme les fibroblastes, péricytes et cellules épithéliales,
antigénique et mesure de son activité fonctionnelle qui se retrouvent au contact du sang en cas de brèche vas-
(mesure de l’activité cofacteur de la ristocétine vWF:RCo culaire. Les cellules directement au contact du sang n’ex-
ou test apparenté) et, éventuellement, la réalisation d’une priment pas de facteur tissulaire afin de prévenir une
agrégation plaquettaire aux faibles concentrations de ris- activation permanente de la coagulation. Dans certaines
tocétine (RIPA) si ce test est disponible. circonstances, l’expression du facteur tissulaire peut être
Des moyens d’exploration biologique importants, dis- induite à la surface des monocytes circulants et des cellules
ponibles seulement dans des centres spécialisés, sont par- endothéliales [21]. Les leucocytes, plaquettes et cellules
fois nécessaires pour le diagnostic d’une thrombopathie, endothéliales sont capables de générer des vésicules mem-
qui peut s’avérer complexe [18]. Les fonctions plaquettaires branaires de petite taille (< 1 mm) appelées microparticules.
peuvent en effet être analysées de façon approfondie au Ces microparticules ont un pouvoir procoagulant car elles
moyen de tests variés : étude de l’agrégation plaquettaire expriment des phospholipides anioniques tels que la phos-
à différents agonistes in vitro en agrégométrie optique, phatidylsérine ainsi que du facteur tissulaire. Chez les
étude de l’expression des glycoprotéines membranaires sujets sains, on retrouve majoritairement des microparti-
plaquettaires avant et après activation (GPIb, GPIIbIIIa, P- cules d’origine plaquettaire [22].
sélectine) en cytométrie de flux, étude morphologique des
granules plaquettaires en microscopie électronique. Facteurs de la coagulation
L’approche « exome-sequencing » par séquençage à haut
débit constitue une nouvelle approche dans le diagnostic Les facteurs de la coagulation sont des protéines plas-
des thrombopathies en cas de famille informative [19]. matiques synthétisées par le foie. Les facteurs V, XI, XIII et
le fibrinogène sont également présents dans les pla-
Monitoring quettes. Les facteurs de la coagulation circulent sous une
forme inactive et sont activés en cascade. Parmi les facteurs
des traitements antiplaquettaires de la coagulation, on distingue le fibrinogène, les zymo-
gènes de sérine protéases (facteurs II, VII, IX, X, XI, XII et la
Différents tests de réactivité plaquettaire, comme
prékallikréine), les cofacteurs [facteurs V, VIII et le kinino-
l’agrégométrie optique, le VerifyNow® et le VASP®, ont été
gène de haut poids moléculaire (KHPM)] et un zymogène
proposés pour dépister les patients « mauvais répondeurs »
de transglutaminase (facteur XIII) (tableau 1). La cascade
et individualiser la posologie des anti-agrégants plaquet-
de la coagulation aboutit à la transformation du fibrino-
taires. Il existe, par exemple, une variabilité d’origine mul-
gène soluble en fibrine insoluble. Certains facteurs néces-
tifactorielle de la réponse au clopidogrel, responsable,
sitent, pour être actifs, d’être synthétisés en présence de
chez certains patients, de la persistance sous traitement
vitamine K (facteurs vitamine K-dépendants : II, VII, IX
d’une hyperréactivité plaquettaire associée à une augmen-
et X). En effet, la vitamine K sous sa forme réduite est un
tation du risque d’événements cardiovasculaires isché-
cofacteur indispensable à la carboxylation des acides glu-
miques. L’utilisation en routine de ces tests n’est pas
tamiques (Glu) en résidus g-carboxyglutamiques (Gla) capa-
recommandée en raison de leur manque de standardisa-
bles de se lier aux phospholipides anioniques en présence
tion et de leur faible valeur prédictive [20].
de calcium. En absence de vitamine K, cette g-carboxylation
ne se fait pas, empêchant la liaison des facteurs vitamine K-
L’exploration de l’hémostase primaire est indiquée dépendants aux phospholipides. En cas d’avitaminose K ou
en présence d’une symptomatologie hémorragique de traitement par antivitamines K (AVK), on observe ainsi
de nature cutanéomuqueuse. Après avoir éliminé à une diminution de ces facteurs g-carboxylés au profit de
l’interrogatoire une cause médicamenteuse, elle facteurs non carboxylés, inactifs, appelés PIVKA (Protein
repose en première intention sur un nombre limité Induced by Vitamin K Absence/Antagonist) que l’on
de tests. Le diagnostic des thrombopathies est du retrouve dans le sang circulant.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

Tableau 1 / Caractéristiques des protéines de la coagulation

Nom Propriétés Demi-vie in vivo (heures)


Facteurs de coagulation
Fibrinogène ou facteur I Substrat 100-150
Zymogène d’une sérine protéase
Facteur II ou prothrombine 50-120
Synthèse vitamine K-dépendante
Facteur tissulaire (FT) (ex-facteur III) Récepteur, cofacteur
Facteur V ou pro-accélérine Cofacteur 12-36
Zymogène d’une sérine protéase
Facteur VII ou proconvertine 4-6
Synthèse vitamine K-dépendante
Facteur VIII ou anti-hémophilique A Cofacteur 10-16
Zymogène d’une sérine protéase
Facteur IX ou anti-hémophilique B 24
Synthèse vitamine K-dépendante
Zymogène d’une sérine protéase
Facteur X ou facteur Stuart 36-48
Synthèse vitamine K dépendante
Zymogène d’une sérine protéase,
Facteur XI ou facteur Rosenthal 40-80
facteur contact
Zymogène d’une sérine protéase,
Facteur XII ou facteur Hageman 50-70
facteur contact
Facteur XIII ou facteur stabilisant de la fibrine Zymogène d’une transglutaminase 150-300
Prékallicréine (facteur Fletcher) Zymogène d’une sérine protéase 35
Kininogène de haut poids moléculaire Cofacteur 150
(facteur Fitzgerald)
Inhibiteurs de la coagulation
Antithrombine (ex-antithrombine III) Serpine 50-70
Protéine C Zymogène d’une sérine protéase 6-8
Protéine S Cofacteur ND
Inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (TFPI) Inhibiteur de type Kunitz ND
Thrombomoduline Récepteur, cofacteur
Récepteur endothélial pour la protéine C (EPCR) Récepteur

Inhibiteurs la coagulation est déclenchée par le contact entre le fac-


teur tissulaire (FT) et des traces de facteur VIIa en circula-
de la coagulation plasmatique tion : le complexe FT-FVIIa ainsi formé permet l’activation
Les principaux inhibiteurs physiologiques de la coagu- du FVII en facteur VIIa (figure 2). Le facteur tissulaire est
lation sont l’antithrombine (AT), le système de la pro- exprimé par les cellules endothéliales à l’occasion d’une
téine C et le TFPI. L’antithrombine est une serpine brèche vasculaire ou à la surface des monocytes activés,
(inhibiteur de sérine protéase) inhibant de façon irréversi- lors d’une infection par exemple. Le couple facteur VIIa-FT
ble la thrombine et les facteurs X, IX, XI et XII. Le système est capable d’activer le facteur X en facteur Xa, mais aussi
de la protéine C comprend deux protéines membranaires le facteur IX en facteur IXa qui activera ensuite le
(la thrombomoduline et l’EPCR pour endothelial protein C facteur X. La génération du Xa nécessite la liaison du X à
receptor) exprimées à la surface des cellules endothéliales, des phospholipides anioniques, fournis par la membrane
et deux protéines plasmatiques, la protéine C et la pro- plaquettaire, et la présence de calcium. Les premières
téine S. Le système de la protéine C inhibe les cofacteurs Va traces de thrombine (IIa) ainsi générées vont permettre la
et VIIIa. Le TFPI, présent à la fois dans le sang et fixé sur les propagation et l’amplification de la coagulation. En effet,
glycosaminoglycanes, forme un complexe avec le par l'intermédiaire d'une boucle de rétrocontrôle positive,
facteur Xa qui va se fixer sur le complexe FT-FVIIa et empê- la thrombine active les cofacteurs Va et VIIIa, ce qui
cher l’initiation de la coagulation. L’antithrombine, la pro- accélère considérablement la cinétique . Les facteurs anti-
téine C et la protéine S sont synthétisées par le foie, et la hémophiliques A et B (facteur VIII et facteur IX) garantis-
synthèse des protéines C et S est vitamine K-dépendante. sent donc la formation de facteur Xa en quantité suffisante
et sont indispensables à l’hémostase normale.

Physiologie et régulation Il existe une autre voie d’activation des facteurs IX et X,


appelée voie intrinsèque, qui fait intervenir les facteurs de
de la coagulation la phase contact, c’est-à-dire les facteurs XII et XI. La phase
contact est déclenchée par contact entre le sang et une sur-
Le système de la coagulation est capable de s’autoacti- face mouillable ou chargée négativement, qui déclenche
ver et de s’autoréguler, permettant d’aboutir à la forma- l’activation du XII en XIIa en présence de prékallicréine et
tion d’un caillot suffisamment solide pour arrêter un de KHPM [24]. Le facteur XIIa est capable d’activer le fac-
saignement sur une brèche vasculaire limitée [23]. In vivo, teur XI en facteur XIa. Le facteur XIa est un activateur du

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Physiologie de l’hémostase 13

facteur IX. In vivo, cette voie d’activation ne participe pas


au déclenchement de la coagulation comme en témoigne
l’absence totale de saignement dans les déficits complets
en facteur XII, en prékallicréine ou en KHPM. Le rôle du
FXII in vivo n’est pas clairement établi ; des travaux récents
suggèrent un rôle dans certains processus pathologiques
comme la thrombose, l’inflammation et les infections [25].
Le facteur Xa s’associe aux phospholipides, au
facteur Va et au calcium pour former le complexe pro-
thrombinase qui active la prothrombine (facteur II) en
thrombine (facteur IIa). La thrombine scinde une liaison
peptidique sur chacune des deux chaînes Aa et Bb du fibri-
nogène, détachant 2 fibrinopeptides A et 2 fibrinopep-
tides B pour transformer le fibrinogène en monomères de
fibrine. Les nouvelles extrémités amino-terminales des
chaînes a (gly-pro-arg) et b (gly-his-arg) se lient à des struc-
tures complémentaires de monomères de fibrine voisins,
entraînant une polymérisation de la fibrine. Dans une der-
nière étape, le polymère de fibrine est stabilisé par le fac-
teur XIIIa après activation du facteur XIII par la thrombine.
Le facteur XIIIa rend insoluble le polymère de fibrine en
établissant des liaisons covalentes entre 2 monomères de
fibrine adjacents.
Le système de la coagulation, capable de s’auto-ampli-
fier, est soumis à une régulation complexe (figure 3). Figure 2 / Activation de la coagulation
Certains de ces mécanismes ne sont pas spécifiques (dilu- II : prothrombine ; IIa : thrombine ;
tion des facteurs activés dans le flux sanguin, adsorption FT : facteur tissulaire ; FBG : fibrinogène.
de la thrombine par la fibrine). Parmi les mécanismes spé-
cifiques, l’antithrombine est le principal inhibiteur physio-
logique de la thrombine, mais elle inhibe aussi les
facteurs Xa, IXa, XIa et XIIa. Elle inactive ces enzymes en
formant avec elles un complexe équimoléculaire qui
implique le site actif de la sérine protéase et le site réactif
de l’antithrombine. L’antithrombine possède deux
domaines importants, le site réactif (RS) qui interagit avec
le site actif de la protéase de la coagulation et le site de
fixation de l’héparine (HBS pour heparin binding site) qui
permet l’interaction de l’antithrombine avec l’héparine et
les protéoglycanes de l’endothélium vasculaire. Cette inter-
action avec l’héparine potentialise considérablement (d'un
facteur 2 000 environ) l'activité anti-coagulante de l'anti-
thrombine. Un deuxième inhibiteur de la thrombine, le
cofacteur II de l’héparine (HCII pour heparin cofactor II),
semble avoir moins d’importance physiologique. Il s’agit
également d’une serpine dont l’action est potentialisée par
un autre glycosaminoglycane : le dermatane sulfate. Le sys-
tème « thrombine, thrombomoduline, protéine C, pro-
téine S » intervient également pour limiter la génération
de thrombine. La protéine C activée par la thrombine fixée
à la thrombomoduline en présence de protéine S dégrade
les cofacteurs Va et VIIIa. La liaison de la protéine C à son
récepteur endothélial, l’EPCR, potentialise l’activation de
la protéine C par le complexe thrombine-thrombomodu-
line [26]. Le TFPI est un inhibiteur du couple FT-FVIIa qu’il
inhibe après avoir formé un complexe quaternaire avec ces
deux facteurs et avec le facteur Xa.
En 2000, une protéine vitamine K-dépendante, la pro-
téine Z, a été décrite comme un inhibiteur du facteur Xa,
dont l’importance dans la physiopathologie thrombotique
chez l’homme est probable mais reste à préciser [27]. Figure 3 / Régulation de la coagulation
IIa : thrombine ; AT : antithrombine ;
EPCR : récepteur endothélial pour la protéine C ;
La coagulation permet de consolider le thrombus FT : facteur tissulaire ; PAR-1 : protease activated receptor 1,
plaquettaire. Elle met en jeu différents facteurs de récepteur activé par les protéases de type 1 ;
coagulation qui subissent une activation en cascade PC : protéine C ; PCa : protéine C activée ; Plg : plasminogène ;
pour aboutir à la formation de thrombine catalysant PS : protéine S ; TM : thrombomoduline.
la transformation du fibrinogène soluble en fibrine

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

insoluble. L’événement initial est l’exposition du lisée. Ces anticorps allongent le TCA sans entraîner de
facteur tissulaire qui se lie au facteur VIIa. La throm- risque hémorragique. Lorsqu’ils sont symptomatiques, ils
bine, capable de recruter de nouvelles plaquettes et exposent à un risque thrombotique.
d’activer les cofacteurs V et VIII, joue un rôle central Le test de génération de thrombine est un test global
dans l’amplification et la propagation de la coagu- qui mesure la quantité de thrombine générée au cours du
lation. Différents systèmes inhibiteurs (antithrom- temps par méthode fluorimétrique. Il intègre à la fois les
bine, système de la protéine C et TFPI) régulent phases d’initiation et de propagation de la coagulation et
négativement la génération de thrombine. la mise en jeu des systèmes inhibiteurs décrits précédem-
ment. Ce test n’est pas utilisé en routine par manque de
standardisation et reste pour l’instant du domaine de la
Exploration de la coagulation recherche [28].
En cas de maladie thrombo-embolique veineuse (a for-
Une exploration de la coagulation est indiquée en tiori en cas de survenue chez le sujet jeune, d’antécédents
présence d’une symptomatologie hémorragique ou throm- familiaux, d’événements inexpliqués ou récidivants), un
botique inhabituelle. La prescription d’un bilan de coagu- bilan de thrombophilie peut être réalisé, comprenant le
lation avant un geste chirurgical doit être systématique dosage des inhibiteurs de la coagulation (antithrombine,
chez l’enfant avant l’acquisition de la marche. À l’inverse protéine C, protéine S), la recherche d’un anticoagulant
chez l’adulte, un bilan de coagulation préopératoire n’est circulant de type lupique et la recherche de polymor-
recommandé que lorsque l’anamnèse et l’examen clinique phismes génétiques prédisposant à la thrombose (facteur V
font suspecter un trouble de l’hémostase. Leiden, mutation G20210A du gène de la prothrombine).
L'exploration de la coagulation est réalisée à partir d’un Le TCA est utilisé pour la surveillance des héparines non
tube de sang prélevé sur citrate, un chélateur calcique, puis fractionnées, l’INR pour la surveillance des AVK. En ce qui
centrifugé à grande vitesse pour obtenir un plasma concerne les héparines, elles peuvent aussi être détectées
dépourvu en plaquettes (qui ne contient donc ni phospho- et mesurées dans le plasma par des tests de mesure de l’ac-
lipides, ni calcium). La réalisation des tests de coagulation tivité anti-Xa, puisque toutes les héparines, non fraction-
au laboratoire nécessite donc l’apport de calcium et de nées ou de bas poids moléculaire, ont une activité anti-Xa.
phospholipides en plus des réactifs spécifiques. Il faut insis- Les anticoagulants oraux directs comme le dabigatran
ter sur la nécessité absolue de respecter les règles de pré- (anti-IIa direct) ou les rivaroxaban, apixaban, édoxaban
lèvement suivantes sous peine d’obtenir des résultats (anti-Xa directs) présentent l’avantage de ne pas nécessiter
de surveillance biologique contrairement aux AVK. En
ininterprétables. Le sang doit être prélevé en artériel ou
revanche dans certaines situations (contexte hémorragique
en veineux (mais, dans ce cas, sans pose de garrot prolon-
ou chirurgical, par ex.), un dosage biologique est néces-
gée), sans contamination par des liquides de perfusion, en
saire [29].
particulier des anticoagulants, par ponction franche de
façon à limiter la contamination tissulaire. Il est classique- L’existence d’une activation anormale de la coagulation
ment recommandé de prélever le tube de coagulation en dans la circulation peut être détectée par différents tests
deuxième position. Un bon remplissage du tube est pri- (complexe thrombine-antithrombine, dosage des peptides
mordial car le rapport entre le volume de sang et le volume d’activation de certains facteurs). En pratique, c’est le
d’anticoagulant (1 volume de citrate pour 9 volumes de dosage des D-dimères de fibrine, résidus issus de la dégra-
sang) doit être respecté, de manière à ce que les tests dation par la plasmine de fibrine stabilisée par le
soient réalisés dans des conditions de concentration cal- facteur XIIIa, qui est utilisé pour détecter l’existence d’une
activation in vivo de la coagulation et de la fibrinolyse. Les
cique standardisées. Le délai entre le prélèvement et la réa-
D-dimères peuvent être dosés de façon plus ou moins sen-
lisation des tests est compris entre 1 et 4 heures, en
sible. Les techniques les moins sensibles (agglutination de
fonction des tests. Tout traitement anticoagulant doit être
particules de latex en présence de dilutions croissantes de
renseigné lors d’une prescription de bilan d’hémostase, y
plasma) sont bien adaptées à la détection d’une coagula-
compris pour ceux qui ne nécessitent pas de surveillance tion intravasculaire disséminée. Les techniques les plus sen-
biologique, comme les anticoagulants oraux directs étant sibles (ELISA ou équivalent) sont adaptées à l’exclusion du
donné leur interférence sur certains tests d’hémostase. diagnostic de thrombose veineuse profonde chez des
Le bilan de coagulation standard associe la réalisation patients présentant une suspicion de thrombose ou d’em-
d'un temps de céphaline activée (TCA) et d'un temps de bolie pulmonaire avec une faible probabilité clinique [30].
Quick (TQ) exprimé en secondes, en pourcentage [taux de
prothrombine (TP)] ou en INR (international normalized Une exploration de l’hémostase peut être indiquée
ratio). Le TCA explore la voie intrinsèque (facteurs contact, dans le cadre d’un syndrome hémorragique, de
facteurs anti-hémophiliques VIII et IX) et la voie commune thromboses inexpliquées ou, dans certaines circons-
(facteurs II, V, X et fibrinogène). Le TQ explore le facteur VII tances, lors d’un bilan préopératoire. Chez un
et la voie commune. patient qui saigne ou en préopératoire, on réalisera
au minimum une numération plaquettaire et un
En cas de perturbation de l’un ou l’autre de ces tests TCA auxquels pourra être ajouté le temps de Quick.
(allongement du TCA et/ou du TQ), le dosage individuel de L’INR permet de suivre les patients sous AVK tandis
chaque facteur de la coagulation peut être réalisé, permet- que l’activité anti-Xa est adaptée au suivi des trai-
tant éventuellement d’identifier un déficit d’un ou de tements par héparine. Les nouveaux anticoagulants
plusieurs facteurs. En cas de contexte de maladie auto- oraux ne nécessitent pas de surveillance biologique
immune ou de contexte de thrombose, une recherche systématique mais, dans certains contextes particu-
d’anticoagulant circulant de type lupique pourra être réa- liers, ils peuvent être dosés par des tests appropriés.

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Physiologie de l’hémostase 13

Fibrinolyse
Physiologie de la fibrinolyse
La fibrinolyse est le troisième temps de l’hémostase cor-
respondant à la solubilisation du thrombus fibrineux, limi-
tant son extension à distance de la brèche vasculaire. La
fibrinolyse fait intervenir la plasmine, enzyme protéoly-
tique générée à partir d’une protéine circulante inactive,
le plasminogène, lié et adsorbé sur la fibrine (figures 3
et 4).
Le plasminogène, synthétisé par le foie, a une forte affi-
nité pour la fibrine, par l’intermédiaire de boucles (les
Figure 4 / Physiologie de la fibrinolyse
« kringles ») caractérisés par une grande affinité pour la
PAI : inhibiteur de l’activateur du plasminogène ;
lysine. La plasmine est générée par clivage peptidique, sous t-PA : activateur tissulaire du plasminogène ;
l’action d’activateurs du plasminogène. Le principal activa- u-PA : activateur du plasminogène de type urokinase.
teur est le t-PA, synthétisé principalement par les cellules
endothéliales, qui possède également 2 kringles, ce qui lui
confère une grande affinité pour la fibrine. Le t-PA est
sécrété localement sous l’action de l’histamine, de l’adré-
naline, de la thrombine, du facteur Xa et de l’hypoxie. Le
deuxième activateur du plasminogène est l’u-PA ou l’uro-
kinase, synthétisée par de nombreuses cellules : fibro-
Exploration de la fibrinolyse
blastes, cellules épithéliales, placenta. La forme native, L’exploration de la fibrinolyse en pratique courante est
pro-urokinase, monocaténaire, est transformée en uroki- limitée. Des tests globaux sont employés comme les temps
nase par la plasmine, bicaténaire. Le rôle physiologique de de lyse d’un caillot. Le temps de lyse en sang total est peu
l’urokinase est secondaire par rapport au t-PA. Les facteurs utilisé car peu sensible ; en revanche, le temps de lyse des
contact (facteur XII, prékallicréine, KHPM) sont également euglobulines, plus sensible que le précédent, consiste à
capables d’activer la pro-urokinase.
évaluer l’activité fibrinolytique d’un plasma déplété en
La génération de plasmine sous l’action du t-PA est inhibiteurs par précipitation en milieu acide. Le précipité
contrôlée par un inhibiteur du t-PA, le PAI, qui existe sous d’euglobulines (facteurs de coagulation, plasminogène,
deux formes. La plus importante est le PAI-1, synthétisé par plasmine, t-PA, u-PA) est recalcifié et le temps de lyse du
les cellules endothéliales, les hépatocytes et les fibro- caillot formé est ensuite mesuré. Un temps de lyse des
blastes. Le PAI-1 existe en excès dans le plasma et forme euglobulines normal est supérieur à 3 heures. À noter
un complexe covalent inactif avec le t-PA et l’u-PA. Il aug- toutefois que le temps de lyse des euglobulines n’est pas
mente au cours des syndromes inflammatoires, dans l’in- sensible aux déficits en inhibiteur de la fibrinolyse, notam-
sulinorésistance et l’obésité. Le PAI-2 est synthétisé par le ment les déficits en PAI-1 ou en a2-antiplasmine impliqués
placenta et son rôle semble moins important. dans certains syndromes hémorragiques.
Il existe aussi des inhibiteurs directs qui neutralisent les
Les dosages du plasminogène, du t-PA, de l’a2-antiplas-
traces de plasmine en excès : l’a2-antiplasmine et l’a2-
mine, du PAI-1 et des autres inhibiteurs sont possibles.
macroglobuline.
Quant aux techniques d’enregistrement thrombo-élasto-
Enfin, un autre facteur régulant la fibrinolyse a été graphiques, elles reviennent en force après plusieurs
décrit, il s’agit de l’inhibiteur de la fibrinolyse activable par décennies d’oubli et pourraient apporter des possibilités
la thrombine (TAFI pour thrombin activable fibrinolysis d’exploration rapide de la fibrinolyse chez des patients sus-
inhibitor), sécrété par le foie, qui agit en diminuant la fixa- pects d’hyperactivation du système fibrinolytique, notam-
tion du plasminogène à la fibrine. Il s’agit d’une protéine ment chez les polytraumatisés ou en cas d’hémorragie du
inactive qui, après activation par la thrombine en présence post-partum [28].
de thrombomoduline, acquiert une activité enzymatique
éliminant les résidus arginine et lysine exposés à la surface
de la fibrine. Des taux élevés de TAFI pourraient constituer La fibrinolyse correspond à la lyse du caillot de
un facteur de risque de thrombose [31]. fibrine par la plasmine. La plasmine résulte de l’ac-
La protéolyse du fibrinogène et de la fibrine par la plas- tivation du plasminogène par le t-PA et l’u-PA.
mine conduit à des produits de dégradation appelés PDF Différents systèmes inhibiteurs (le PAI-1, l’a2-anti-
(produits de dégradation de la fibrine), dont les D-dimères plasmine, l’a2-macroglobuline et le TAFI) permettent
sont spécifiques de la dégradation de la fibrine stabilisée. de limiter la diffusion du processus fibrinolytique.
Le spectre d’action de la plasmine est assez large Très peu d’examens permettent l’exploration de la
puisqu’elle dégrade aussi les facteurs V et VIII, le facteur fibrinolyse. Les mesures de temps de lyse restent
Willebrand, le facteur XIIIa ainsi que certains composants peu sensibles et les techniques thrombo-élastogra-
de la matrice extracellulaire. phiques sont en cours d’évaluation.

135
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE I – PHYSIOLOGIE CARDIO-CIRCULATOIRE

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136
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II
OXYGÉNATION
TISSULAIRE
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OXYGÉNATION TISSULAIRE

14
• Glycolyse Respiration cellulaire
• Cycle de Krebs
• Transport d’électrons
Ségolène Mrozek*, Thomas Geeraerts*, Jacques Duranteau**
• Phosphorylation oxydative
*Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Toulouse,
• Bilan énergétique Université Paul-Sabatier (Toulouse 3),
• Applications cliniques équipe d’accueil « Modélisation de l’agression traumatique », Toulouse
**AP-HP, Hôpitaux universitaires Paris-Sud, Département d’anesthésie-
réanimation, Université Paris-Sud XI, Le Kremlin-Bicêtre

epuis l’apparition des bactéries et la libération


dans l’atmosphère de quantité massive d’oxygène La glycolyse, voie
en rapport avec le développement de la photosyn- initiale du métabolisme
des hydrates de carbone
thèse, les organismes vivants ont eu l’obligation de
s’adapter et de se protéger des effets délétères de
l’oxygène (oxydation d’un grand nombre de molé-
cules). L’évolution a permis, grâce à la respiration La glycolyse (ou dégradation du glucose, synonyme de
cellulaire, l’utilisation très avantageuse de l’oxy- voie d’Embden-Meyerhof) se produit dans tous les orga-
gène et la production d’une grande quantité nismes (anaérobies ou aérobies). C’est un processus univer-
d’énergie utilisable par la cellule. sel, probablement vieux de plus de 3 milliards d’années
(depuis les cellules procaryotes), qui permet à toutes les
La respiration cellulaire permet la formation d’adé-
cellules de produire de l’énergie à partir des sucres [2]. Le
nosine triphosphate (ATP), principal composant glucose (molécule à 6 carbones) est dégradé pour produire
énergétique utilisable par la cellule, grâce au flux 2 molécules de pyruvate (molécule à 3 carbones). Cette
d’électrons. Chez les eucaryotes, la plus grande voie ne nécessite pas la présence d’oxygène, elle est donc
partie de la formation d’ATP aérobie se déroule purement anaérobie. Le produit de la glycolyse, le pyru-
dans la mitochondrie, véritable usine énergétique. vate, peut être réduit en lactate dans des conditions anaé-
Pour beaucoup d’organismes, l’accepteur ultime robies par la lactate déshydrogénase (LDH) ou acheminé
d’électrons est l’oxygène. La forme réduite de cet dans la mitochondrie pour y être oxydé quand l’oxygène
accepteur est l’eau, qui est donc le produit final de est disponible. Dans la fermentation, le pyruvate et le nico-
ce métabolisme. Ce processus qui consomme de tinamide adénine dinucléotide réduit (NADH) peuvent être
métabolisés de façon anaérobie en lactate dans les bacté-
l’oxygène dans ses étapes finales est appelé respi-
ries (par ex., pour la production des produits lactés) ou en
ration aérobie. Au contraire, les métabolismes qui
éthanol et dioxyde de carbone (CO2) par des levures. Dans
mettent en jeu des accepteurs d’électrons qui ne les organismes animaux aérobies, le pyruvate entre dans
nécessitent pas d’oxygène correspondent à la res- le cycle de Krebs et le NADH est oxydé par l’oxygène
piration anaérobie. durant la phosphorylation oxydative. Le métabolisme
Pour les organismes aérobies que nous étudierons humain est principalement aérobie, et dans des conditions
dans ce chapitre, les étapes successives qui condui- normales, le lactate et le pyruvate sont en équilibre dyna-
sent à l’utilisation de l’oxygène par la cellule sont mique. Cependant, en conditions anaérobies telles que
la glycolyse, le cycle de l’acide citrique (ou cycle de l’effort musculaire intense ou l’hypoxie, le pyruvate
Krebs), le transport d’électrons et la phosphoryla- devient l’accepteur d’électrons pour l’oxydation du NADH
tion oxydative. La division en différentes étapes en NAD+ et peut être converti en lactate du fait de la
carence en oxygène. Dans ces conditions, la seule possibi-
est un artifice permettant de mieux décrire les phé-
lité pour la cellule de régénérer du NAD+ est alors de pro-
nomènes, mais elle ne représente sans doute pas duire du lactate par la LDH.
la réalité in vivo [1]. Par exemple, certaines
enzymes de la glycolyse sont ancrées à la surface
mitochondriale, lieu du transport d’électrons. On Description de la glycolyse
comprend alors l’importance fonctionnelle pour la
cellule de maintenir un lien étroit entre les diffé- Toutes les étapes de la glycolyse se déroulent dans le
rentes étapes énergétiques afin de permettre un cytoplasme. Le glucose pénètre dans les cellules par diffu-
apport énergétique adapté. sion facilitée au travers de transporteurs du glucose. Dans
certains tissus comme les muscles striés, l’insuline stimule
l’entrée du glucose dans la cellule.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Le schéma général de la glycolyse est représenté sur la


figure 1. La première étape de la glycolyse est la phospho-
Régulation de la glycolyse
rylation du glucose par une hexokinase. Cette réaction Comme tous les métabolismes, la glycolyse est régulée
consomme une molécule d’ATP. Le glucose 6-phosphate et de façon à assurer un fonctionnement cellulaire adapté au
les molécules ainsi produites restent dans la cellule car la besoin énergétique [3]. Trois enzymes semblent régulées
membrane cellulaire ne possède pas de transporteur spé- de façon importante. D’une part, l’activité de la phospho-
cifique pour ces molécules. Le glucose 6-phosphate est fructokinase est stimulée par la présence de fortes quanti-
modifié en fructose 6-phosphate grâce à une isomérase. Le tés d’adénosine diphosphate (ADP) ou monophosphate
fructose peut également entrer dans la glycolyse à ce (AMP) qui témoignent du peu de réserve énergétique,
niveau. La phosphofructokinase consomme ensuite une favorisant de cette manière la glycolyse. D’autre part, l’ac-
ATP pour produire le fructose 1,6-diphosphate. Cette tion de la pyruvate kinase est freinée par la présence de
dépense énergétique va permettre l’action de l’aldolase fortes quantités d’ATP. Toutefois, les stocks d’ATP dimi-
afin de couper en deux cette molécule et produire 2 molé- nuant rapidement, un contrôle négatif efficace ne peut se
cules à 3 carbones : le dihydroxyacétone-phosphate et le baser uniquement sur la quantité intracellulaire de subs-
phosphoglycéraldéhyde. Chaque molécule de phosphogly- trat hautement énergétique comme l’ATP. C’est pourquoi
céraldéhyde est alors oxydée par une molécule de NAD+ l’activité de la phosphoglycérate kinase est régulée princi-
pour former le 1,3-diphosphoglycérate. Ensuite, une molé- palement par la présence de son substrat, l’ADP. Si la cel-
cule d’ATP est générée en formant le 3-phosphoglycérate. lule est très pourvue en énergie et par conséquent pauvre
Puis les actions successives de la phosphoglycérate mutase en ADP, l’activité de cette enzyme est fortement diminuée,
et de l’énolase permettent la formation de phosphoénol- ralentissant ainsi la glycolyse qui n’est pas nécessaire dans
pyruvate et, enfin, une phosphorylation permet la forma- cette situation énergétique. Ce contrôle fondé sur la quan-
tion de pyruvate et d’ATP grâce à la pyruvate kinase. tité d’ADP présente est un point important dans la régula-
tion de cette voie énergétique [4].

Bilan de la glycolyse
La réaction globale de la glycolyse est donc :
Glucose + 2 NAD+ + 2 ADP + 2 Pi →
2 NADH + 2 pyruvate + 2 ATP + 2 H2O + 4 H+
où Pi représente le phosphate inorganique.
La glycolyse permet en effet la formation de 2 molé-
cules de pyruvate à partir d’une molécule de glucose. Une
petite partie de l’énergie libre du glucose devient disponi-
ble pour la cellule pendant la glycolyse (seulement 2 molé-
cules d’ATP). La plus grande partie de l’énergie reste
stockée dans le pyruvate qui va pouvoir pénétrer dans la
mitochondrie en condition aérobie ou produire du lactate
en condition anaérobie.
Dans des conditions aérobies, c’est-à-dire quand l’oxy-
gène est disponible pour être l’accepteur final d’élec-
trons, la respiration aérobie peut avoir lieu. Après l’étape
initiale qui permet la conversion du glucose et pyruvate
(glycolyse) dans le cytoplasme, on distingue trois étapes
qui ont lieu dans la mitochondrie : le cycle de l’acide tri-
carboxylique (ou cycle de Krebs) qui permet la conserva-
tion de l’énergie sous forme de coenzymes réduites, le
transport d’électrons et le pompage de protons (ions H+)
au travers de la membrane interne mitochondriale et,
enfin, la synthèse d’ATP dépendante de l’oxygène (ou
phosphorylation oxydative).

La glycolyse
Glucose + 2 NAD+ + 2 ADP + 2 Pi →
2 NADH + 2 pyruvate + 2 ATP + 2 H2O + 4 H+
• Lieu : le cytoplasme.
• Série de 10 étapes enzymatiques.
• Le glucose (molécule à 6 carbones) produit 2 molé-
cules de pyruvate (molécule à 3 carbones).
• La 1re étape utilise l’énergie de l’ATP (2 ATP) pour
déstabiliser le glucose.
Figure 1 / Schéma de la glycolyse • La 2e étape libère de l’énergie : 4 ATP et 2 NADH
CoA : coenzyme A ; ADP : adénosine diphosphate ; + 2 H+ sont produits.
ATP : adénosine triphosphosphate ; AMP : adénosine monophosphate ;
• Les produits nets de la glycolyse sont donc :
H : hydrogène ; H2O : eau ; NAD : nicotinamide adénosine dinucléotide ;
NADH : nicotinamide adénine dinucléotide réduit ; P : phosphate ; - 2 ATP ;
Pi : phosphate inorganique ; PCr : phosphocréatine. - 2 NADH ;
- 2 pyruvate.

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Respiration cellulaire 14

Cycle Les électrons portés par le NADH seront par la suite une
source potentielle d’énergie pour la synthèse d’ATP dans
de l’acide tricarboxylique la membrane interne mitochondriale.

ou cycle de Krebs Le cycle commence donc réellement avec son substrat


principal qui est l’acétyl-CoA. Cette molécule est produite
soit par décarboxylation du pyruvate comme nous venons
Le cycle de Krebs est une série de réactions enzyma- de le voir, soit par oxydation des acides gras (b-oxydation).
tiques qui a un rôle central dans la respiration cellulaire de Par l’intermédiaire de l’oxaloacétate, l’acétyl-CoA est trans-
toutes les cellules qui utilisent l’oxygène [5]. Chez ces orga- formé en citrate (d’où l’appellation « cycle de l’acide
nismes aérobies et en présence d’oxygène, le pyruvate est citrique »). L’énergie nécessaire à cette réaction est fournie
complètement oxydé grâce à un processus cyclique : le
cycle de l’acide tricarboxylique (ou TCA cycle pour
Tricarboxylic acid cycle), également appelé cycle de l’acide
citrique, qui fût pour la première fois décrit en 1937 par
Hans Adolf Krebs (prix Nobel de médecine en 1953).

Mitochondrie
Le cycle de Krebs se déroule dans la matrice mitochon-
driale. La mitochondrie est, chez la plupart des animaux,
le lieu essentiel de production de l’énergie (ATP). Cette
organelle a une structure particulière (figure 2). La mito-
chondrie possède deux membranes : la membrane externe
qui est lisse et perméable à de nombreuses molécules et la
membrane interne qui est rugueuse et moins perméable.
Cette dernière possède des transporteurs pour le pyruvate,
les acides gras, l’ADP ou l’ATP, ainsi que les complexes pro- Figure 2 / La mitochondrie
téiques du transport d’électrons et de la synthèse d’ATP. ATP : adénosine triphosphate.
L’espace intermembranaire est situé entre les membranes
externe et interne. À l’intérieur de la membrane interne,
on décrit la matrice mitochondriale, milieu semi-liquide où
se trouve l’ADN mitochondrial et de nombreuses protéines
hydrosolubles. L’ADN mitochondrial circulaire double-brin
code la synthèse de protéines mitochondriales qui peuvent
s’intégrer à la membrane interne. Les mitochondries sont
présentes en quantité importante dans les cellules qui ont
des besoins énergétiques élevés comme les cellules muscu-
laires striées.

Description du cycle de Krebs


Le cycle de Krebs (figure 3) se déroule dans la matrice
mitochondriale chez les eucaryotes et dans le cytoplasme
chez les procaryotes (nous ne décrirons ici que son dérou-
lement chez les eucaryotes).
Le pyruvate produit par la glycolyse peut pénétrer dans
la mitochondrie car les deux membranes mitochondriales
lui sont perméables. Sur la membrane interne mitochon-
driale, il existe un co-transport pyruvate-H+ permettant
l’entrée du pyruvate dans la matrice, en utilisant le gra-
dient de protons créé durant l’étape suivante de la respi-
ration cellulaire (transport d’électrons). Ainsi, l’entrée du
pyruvate dans la cellule dépend de la concentration de
protons dans l’espace intermembranaire. Cette concentra-
tion étant elle-même le résultat du métabolisme oxydatif
dont le point de départ est le pyruvate, on entrevoit ici une
régulation simple de la production énergétique.
Le premier substrat du cycle de Krebs n’est pas le pyru-
vate, mais l’acétyl coenzyme A (acétyl-CoA). La première
étape consiste en effet à transformer le pyruvate en acé- Figure 3 / Schéma du cycle de Krebs
tyl-CoA par l’intermédiaire d’un gros complexe enzyma- ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphosphate ;
AMP : adénosine monophosphate ; CoA : coenzyme A ;
tique : la pyruvate déshydrogénase (PDH). Cette réaction CO2 : dioxyde de carbone ; FAD : flavine adénosine dinucléotide ;
de décarboxylation oxydative (libération de CO2 et trans- FADH2 : FAD oxydée ; H : hydrogène ; H2O : eau ;
fert de 2 électrons) est très importante dans le métabo- NAD : nicotinamide adénosine dinucléotide ;
lisme oxydatif. Au cours de cette réaction, un CO2 est NADH : NAD réduit ; NADH2 : NAD oxydé.
dégagé et un NAD+ est réduit sous forme de NADH + H+.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

par le clivage de la liaison avec la coenzyme A. Le citrate


subit ensuite deux décarboxylations successives et plusieurs
Rôle central du cycle de Krebs
oxydations afin de régénérer l’oxaloacétate et de permet- Le glucose est le substrat principal de la respiration.
tre le déroulement d’un nouveau cycle. En détail, le citrate Cependant, d’autres substrats énergétiques ont également
va être transformé en isocitrate par l’aconitase. L’isocitrate
un rôle important. Le cycle de Krebs est en effet capable
est ensuite décarboxylé puis oxydé pour produire l’a-céto-
de jouer un rôle central dans le catabolisme de molécules
glutarate avec réduction d’un NAD+ en NADH + H+. L’a-
énergétiques comme les acides gras ou les protéines.
cétoglutarate est ensuite décarboxylé et une coenzyme A
est greffée à la molécule pour produire le succinyl- Les graisses sont stockées sous forme de triglycérides,
coenzyme A, par l’action de l’a-cétoglutarate déshydrogé- qui sont une association de glycérol et d’acides gras à
nase. La libération de la coenzyme A pour produire le longue chaîne. Les triglycérides peuvent être hydrolysés en
succinate va produire de l’énergie et générer une molécule glycérol et en acides gras. Dans le foie, le glycérol est trans-
d’ATP à partir de l’ADP et de phosphate inorganique. Le formé en glucose par l’intermédiaire du phosphate de
succinate va alors subir une déshydrogénation par la suc- dihydroxyacétone et du glycéraldéhyde-3-phosphate par
cinate déshydrogénase pour produire du fumarate. Deux la voie de la gluconéogenèse. Dans de nombreux tissus
hydrogènes sont ainsi récupérés par la flavine adénosine comme le cœur, la dégradation des acides gras se fait par
dinucléotide (FAD) pour donner du FADH2. Cette enzyme oxydation afin de produire de l’acétyl-CoA, qui est un subs-
est intégrée à la membrane mitochondriale interne et sera trat majeur du cycle de Krebs. Cette séquence est appelée
engagée dans l’étape ultérieure de la respiration dans la b-oxydation et permet la formation de 3 molécules de
chaîne respiratoire (complexe II). Le fumarate va être NADH, 3 molécules de FADH2 et 4 molécules d’acétyl-CoA.
hydraté en malate par la fumarate déshydrogénase. Le
malate va ensuite être oxydé en oxaloacétate avec réduc- Les protéines peuvent également être catabolisées pour
tion d’un autre NAD+ par la malate déshydrogénase. générer de l’ATP. Cette protéolyse (hydrolyse des protéines
L’oxaloacétate est donc régénéré et un nouveau cycle peut réalisée par des protéases) produit de petits peptides et
redémarrer en présence d’acétyl-CoA. des acides aminés libres. Des endopeptidases et exopep-
tides peuvent hydrolyser ces petits peptides afin de géné-
rer des acides aminés libres, qui peuvent ensuite être
Régulation du cycle de Krebs catabolisés et produire de l’énergie. Ces processus de trans-
amination et de désamination oxydative conduisent entre
Afin d’assurer un niveau énergétique adapté à l’activité autres à la formation de trois précurseurs qui peuvent
cellulaire, le cycle de Krebs est fortement régulé [4]. Ce entrer dans le cycle de Krebs : alanine, aspartate et gluta-
cycle est très sensible au niveau relatif de coenzymes mate. Ils peuvent en effet être convertis respectivement en
réduites (haute énergie) et de coenzymes oxydées (faible pyruvate, en acide oxaloacétique et en acide a-cétogluta-
énergie). La production d’acétyl-CoA est principalement rique, tous des substrats du cycle de Krebs.
déterminée par l’activité de la PDH. Ce complexe enzyma-
tique peut être désactivé par une phosphorylation ATP-
dépendante quand le niveau intramitochondrial d’ATP est
Le cycle de Krebs
élevé. L’activité de la PDH est stimulée par le NAD+, l’AMP Acétyl-CoA + 3 H2O + 3 NAD+ + FAD
et le CoA. Ainsi, la production d’acétyl-CoA est régulée par + ADP + Pi → 2 CO2 + 3 NADH + 3 H+
les ratios acétyl-CoA/CoA et NADH/NAD+ dans la mitochon- + FADH2 + CoA-SH + ATP + H2O
drie. Le ratio NAD+/NADH intramitochondrial régule plu- Le pyruvate est transformé en acétyl-CoA et entre
sieurs déshydrogénases du cycle. Cette régulation dans le cycle pour former l’acide citrique.
cinétique repose sur le fait que ces enzymes nécessitent le Une décarboxylation libère 2 carbones sous forme
substrat NAD+ et libèrent NADH. Par conséquent, l’absence de CO2.
de NAD+, témoin de bonnes conditions énergétiques, dimi- La régénération complète de l’oxaloacétate permet
nuera l’activité de certaines déshydrogénases, par le simple de compléter le cycle.
fait qu’il est indispensable à leur fonctionnement. Le résul- Pour chaque cycle :
tat sera une diminution de la production énergétique. • 2 carbones entrent sous la forme réduite de l’acé-
tyl-CoA ;

Bilan énergétique • 2 carbones ressortent oxydés sous la forme du


CO2 ;
du cycle de Krebs • 3 molécules de NAD+ sont réduites en NADH + H+ ;
• 1 molécule de FAD est réduite en FADH2 ;
Le cycle de Krebs à lui seul produit donc seulement • 1 seule molécule d’ATP est produite.
2 molécules d’ATP. Les coenzymes oxydées (NAD et FAD)
entrent ainsi dans le cycle et en sortent réduites (NADH
+ H+ et FADH2). Elles constituent une réserve d’énergie qui
sera utilisable pour les étapes suivantes de la respiration Transport d’électrons :
cellulaire qui se dérouleront dans l’épaisseur de la mem-
brane interne mitochondriale. De la sorte, le cycle de Krebs 3e étape du métabolisme
permet de générer des composés hautement énergétiques,
sans produire de déchets métaboliques de façon impor-
respiratoire
tante grâce à un recyclage de l’oxaloacétate. Chaque cycle
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent,
libère 2 carbones sous forme de CO2. Par ailleurs, on peut
le cycle de Krebs n’a directement produit qu’une ATP. Les
remarquer que le cycle de Krebs par lui-même n’utilise pas
coenzymes réduites comme NADH ou FADH2, générées lors
d’oxygène.
du cycle de Krebs, représentent une source importante
Ainsi, pour les 2 molécules de pyruvate produites par d’énergie libre. Ces composés hautement énergétiques
une molécule de glucose, on obtient : 6 NADH + 6 H+, vont être utilisés pour produire de l’ATP en grande quan-
2 FADH2 + 2 H+, 2 ATP, et 4 CO2. tité [6].

142
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Respiration cellulaire 14

Les oxydations successives qui se déroulent durant la


glycolyse et le cycle de Krebs peuvent se perpétuer unique-
ment si les accepteurs d’électrons, que sont les coenzymes
oxydées, sont régénérés et de ce fait disponibles. La réoxy-
dation continue des coenzymes réduites est donc indispen-
sable. Cette réoxydation des coenzymes par le transfert des
électrons est appelée le transport d’électrons (figure 4). Le
transport d’électrons et la synthèse d’ATP sont des étapes
intimement liées.

Oxydation des coenzymes


et transport d’électrons
Les coenzymes sont des accepteurs d’électrons. Les
réoxydations des coenzymes consomment de l’oxygène et
produisent de l’eau. Le bilan de ces réactions peut en effet
s’écrire :
NADH + H+ + ½ O2 → NAD+ + H2O
FADH2 + ½ O2 → FAD + H2O.
L’oxydation du NADH ou du FADH2 libère de l’énergie. Figure 4 / Représentation des membranes mitochondriales
Le couple NAD+/NADH est en effet un couple d’oxydoré- et de la chaîne respiratoire
CoQ : coenzyme Q ; Cyt : cytochrome ;
duction. Le NAD+ ou le FAD sont des accepteurs d’électrons
FAD : flavine adénosine dinucléotide ; FADH2 : FAD oxydée ; Fe : fer ;
libres (NAD+ + H+ + 2e– → NADH, et FAD + 2H+ + 2e– → FMN : flavine mononucléotide ; H : hydrogène ; H2O : eau ;
FADH2). Le potentiel redox de NAD+/NADH est fortement NAD : nicotinamide adénosine dinucléotide ; O2 : oxygène ; S : souffre.
négatif (– 0,32 V) signifiant que la forme oxydée est un fai-
ble accepteur d’électrons (faible affinité pour les élec-
trons). De même, le potentiel redox de FAD/FADH2 est
d’environ – 0,18 V.
Krebs. Le complexe III qui contient le cytochrome b, un cen-
Le transport d’électrons se fera au travers de protéines tre fer-soufre et le cytochrome c1 est appelé coenzyme Q-
ayant un potentiel d’oxydoréduction croissant. Avec, au cytochrome c oxydoréductase. Les électrons sont transférés
départ, les molécules aux potentiels redox les plus négatifs vers le cytochrome c qui se déplace dans l’espace inter-
et, à la fin, celle aux potentiels redox les plus positifs. Le membranaire. Le complexe IV qui contient les cyto-
transport d’électrons est donc une suite de transporteur chromes a et a3 et des protéines fer-cuivre est appelé
d’électrons dont la participation est dictée par leurs poten- cytochrome c oxydase. Les électrons provenant du cyto-
tiels respectifs d’oxydoréduction. Les électrons sont trans- chrome c sont transférés vers l’oxygène provenant d’une
portés des molécules avec la plus faible affinité vers les simple diffusion à partir des capillaires. La réduction de
molécules les plus affines pour les électrons. Les flavopro- l’oxygène produit de l’eau qui est de ce fait le produit final
téines [comme la flavine mononucléotide (FMN)], les pro- de ce métabolisme oxydatif.
téines contenant du fer et/ou du soufre, la coenzyme Q
(autrement appelée ubiquinone), les différents cyto-
chromes, les protéines contenant du fer et cuivre et, enfin, Création du gradient de protons
l’oxygène vont successivement jouer le rôle de ces molé-
cules transporteuses d’électrons avec des potentiels redox Ces complexes de la chaîne de respiration mitochon-
croissants. Les potentiels redox sont approximativement driale ne sont pas seulement des transporteurs d’électrons,
pour la FMN de – 0,30 V, pour le soufre de – 0,23 V, pour la mais également des pompes à protons (H+). Le gradient de
coenzyme Q de + 0,04 V, pour le cytochrome b de + 0,03 V, potentiel redox entre les différentes molécules et, ainsi, la
pour le cytochrome c de + 0,25 V, pour le cytochrome a de libération d’énergie qui résulte du saut de potentiel sont
+ 0,38 V, pour le cytochrome a3 de + 0,55 V, pour le fer utilisés pour pomper les protons de la matrice vers l’espace
+ 0,77 V et pour l’oxygène de + 0,816 V. intermembranaire mitochondrial (figure 5). Le pompage
de protons est donc couplé aux réactions d’oxydoréduc-
La plupart de ces molécules sont ancrées dans la mem- tion. Le pompage des protons va conduire à leur accumu-
brane interne de la matrice mitochondriale. La coen- lation dans l’espace intermembranaire et à la création d’un
zyme Q et le cytochrome c sont quand à eux mobiles et potentiel de membrane mitochondrial.
indépendants de la membrane. Il est probable que ces
deux petites molécules mobiles servent à transporter les
électrons vers les gros complexes protéiques immobiles.
L’énergie perdue dans cette cascade énergétique est pour
une grande partie transformée en chaleur et contribue au Phosphorylation oxydative,
maintien à 37 °C de la température corporelle. Le rende-
ment énergétique de ce processus est toutefois assez élevé, une synthèse de l’ATP
comparable à celui d’un moteur à explosion. dépendante de l’oxygène
Les transporteurs d’électrons sont organisés sur la mem-
brane interne mitochondriale en complexes respiratoires L’étape ultime de la respiration aérobie consiste à utili-
[7]. Le complexe I qui contient la FMN et des cofacteurs ser le gradient de protons afin d’utiliser son énergie pour
comme les centres fer-soufre est appelé NADH déshydro- synthétiser de l’ATP [8]. Cette production d’ATP est
génase. L’hydrogène, qui est le substrat de l’enzyme, étroitement dépendante du transport d’oxygène et des
est apporté par le NADH, puis est transféré vers la co- réactions d’oxydation précédemment décrites. La phospho-
enzyme Q. Le complexe II transfert également les électrons rylation oxydative (figure 5) produit la majeure partie de
à la coenzyme Q à partir du FAD produit dans le cycle de l’ATP dans le processus de la respiration cellulaire.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

motrice des protons, créée par le gradient électrochimique


formé lors du transport d’électrons, pousse les ions H+ à
travers l’ATP synthétase vers la matrice et permet la syn-
thèse d’ATP.
Le transport vers le cytosol de l’ATP formée dans la
matrice mitochondriale est réalisé par l’ATP/ADP translo-
case. Cette protéine facilite le transport de l’ATP de la
matrice vers l’espace intermembranaire, en échange d’ADP.
Ensuite, une porine permet à l’ATP de sortir de l’espace
intermembranaire pour gagner le cytoplasme où il pourra
être utilisé. Ces transports vers le cytoplasme ont une
vitesse limitée et peuvent, lors de demande massive d’ATP,
être un facteur limitant à l’utilisation de l’ATP dans le cyto-
plasme.

Transport d’électrons, gradient de protons


et synthèse d’ATP
La phosphorylation oxydative produit la majeure
partie de l’ATP dans le processus de la respiration
cellulaire.
Lors de ce processus, le NADH + H+ et le FADH2
cèdent leurs électrons à une série d’accepteurs
situés dans la membrane interne de la mitochondrie
L’accepteur final est l’oxygène.
Le produit final est l’eau.
La chaîne de transport d’électrons pompe les pro-
Figure 5 / Création du gradient de protons tons de la matrice vers l’espace intermembranaire.
et phosphorylation oxydative Le gradient de protons crée une force motrice.
ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphosphate ; Les protons sont ramenés vers la matrice en utili-
CoG : coenzyme G ; Cyt : cytochrome ; sant cette force motrice et en passant par l’ATP syn-
FAD : flavine adénosine dinucléotide ; H : hydrogène ; H2O : eau ; thétase.
NAD : nicotinamide adénosine dinucléotide ; NADH : NAD réduit ;
O2 : oxygène ; P : phosphate ; Pi : phosphate inorganique.
Le passage des protons est couplé avec la phospho-
rylation des ATP.

Bilan énergétique global


Chaque molécule de NADH contribue à générer un gra-
Le transport d’électrons est couplé à la phosphoryla- dient de protons capable de permettre la formation de
tion : la respiration des mitochondries est limitée par leur 3 ATP. Chaque molécule de FADH2 peut, de la même
capacité de phosphorylation de l’ADP ; or, non seulement manière, produire 2 ATP. Les 10 NADH et les 2 FADH2 pro-
la production d’ATP dépend du gradient de protons créé duits par la glycolyse, la conversion du pyruvate en acétyl-
par le transport d’électrons, mais le flux d’électrons n’est CoA et le cycle de Krebs vont ainsi permettre la production
possible que quand l’ATP est produite [9]. Ce processus est d’environ 34 ATP.
appelé chimiosmose. Le transport d’électrons et la synthèse
d’ATP seront inhibés quand la concentration d’ADP sera Le processus complet d’oxydation aérobie d’une molé-
faible, et favorisés quand elle sera haute. Des protéines cule de glucose (glycolyse, cycle de Krebs et phosphoryla-
découplantes peuvent altérer ce couplage. C’est dans les tion oxydative) est capable de produire 36 molécules d’ATP,
mitochondries des adipocytes bruns qu’une protéine dont seulement deux sont produites en dehors de la mito-
découplante a été pour la première fois décrite : l’UCP 1 chondrie (lors de la glycolyse).
(uncoupling protein 1). Il s’agit d’un transporteur de pro- La figure 6 résume, au niveau d’une cellule, les diffé-
tons, activé par les acides gras libres et inhibé par des rentes voies énergétiques envisagées dans ce chapitre.
nucléotides, localisé dans la membrane interne des mito-
chondries. Activée, cette protéine permet la diminution du
gradient des protons et court-circuite l’ATP synthétase. La
chute du gradient de protons et du potentiel de mem- Applications cliniques
brane accélère la respiration qui, n’étant pas couplée à la
phosphorylation de l’ADP, devient un processus purement
et situations énergétiques
thermogénique [10]. particulières
L’ATP synthétase (ou complexe V) est la dernière
enzyme de la chaîne respiratoire mitochondriale. Son rôle Chez l’homme, en pratique clinique, des situations
est, au contraire des autres complexes de la chaîne, d’uti- énergétiques « inhabituelles » sont souvent rencontrées,
liser le gradient de protons, de les ramener vers la matrice telles que l’hypoxie, le choc septique ou le traumatisme
mitochondriale et d’utiliser l’énergie ainsi libérée pour syn- crânien. Le métabolisme énergétique cellulaire se retrouve
thétiser de l’ATP à partir d’ADP et de phosphate inorga- alors modifié de par une diminution d’apport ou d’utilisa-
nique. Ce complexe enzymatique est une association d’un tion de l’oxygène et/ou des perturbations enzymatiques
translocateur de protons et d’une ATP synthétase. La force spécifiques.

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Respiration cellulaire 14

Figure 6 / Schéma général de la respiration cellulaire


ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphosphate ; CoA : coenzyme A ;
CO2 : dioxyde de carbone ; e : électron ; FADH2 : flavine adénosine dinucléotide oxydée ;
H : hydrogène ; NAD : nicotinamide adénosine dinucléotide ; NADH : NAD réduit ;
O2 : oxygène ; P : phosphate ; Pi : phosphate inorganique.

Hypoxie La réaction conduite par la LDH peut s’écrire :


Pyruvate + NADH + H+ ↔ Lactate + NAD+.
L’ATP, composé hautement énergétique, est générée Cette réaction est capable de produire du NAD+,
dans la mitochondrie durant la phosphorylation oxydative. permettant de satisfaire la demande pour la réaction de la
En présence d’oxygène, le glucose est complètement méta- glycéraldéhyde 3-phosphate déshydrogénase et par consé-
bolisé avec formation de CO2 + H2O et de grandes quanti- quent de maintenir le potentiel redox NAD+/NADH, et
tés d’ATP. Chez l’homme, environ 90 % de la production autorise la régénération d’ATP à partir de la glycolyse. Par
d’ATP est aérobie. En l’absence d’oxygène, il existe égale- ailleurs, pour chaque pyruvate métabolisé en lactate par
ment une production d’ATP par le biais de la glycolyse (et la LDH, un proton est consommé. Cette réaction est donc
très accessoirement de la voie de la créatine kinase). Mais un tampon pour l’accumulation intracellulaire de protons.
cette production est limitée à 2 ATP. De plus, le lactate est transporté à l’extérieur de la cellule
par un monocarboxylate transporteur et peut être utilisé
Le déficit en oxygène empêche la réalisation de la phos- comme substrat par d’autres tissus comme le muscle sque-
phorylation oxydative, de sorte que la synthèse d’ATP et la lettique, le foie, les reins ou le cerveau. Ce transport étant
réoxydation du NADH sont inhibées. Comme nous l’avons un symport avec H+, il permet également l’élimination des
vu dans la régulation de la glycolyse, ceci aboutit à une protons du milieu intracellulaire. Ainsi, l’apparition d’une
augmentation de la glycolyse par stimulation de la phos- hyperlactatémie lors de période d’hypoxie est interprétée
phofructokinase et à une diminution de l’utilisation du comme un phénomène qui retarde l’apparition d’une aci-
pyruvate en inhibant la pyruvate carboxylase, qui convertit dose intracellulaire, et non qui l’aggrave [11].
le pyruvate en oxaloacétate. De même, l’élévation du
rapport NADH/NAD+ inhibe le complexe pyruvate déshy-
drogénase actif. Le pyruvate s’accumule donc par augmen-
Le sepsis
tation de sa production et diminution de son catabolisme. Le choc septique s’accompagne souvent d’une acidose
En anaérobie, la seule possibilité pour la cellule de régé- lactique ou d’une hyperlactatémie. La physiopathologie
nérer du NAD+ est de métaboliser le pyruvate en lactate exacte est encore peu claire dans la littérature et reste
grâce à la LDH. Le lactate étant un acide fort, son accumu- complexe mais l’hyperlactatémie ne serait pas uniquement
lation entraîne une acidose métabolique. un marqueur d’hypoxie tissulaire, de dette en oxygène ou

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

de glycolyse anaérobie. Le lactate pourrait également être d’études cliniques et expérimentales de traumatisme crâ-
un important métabolite intermédiaire aérobie, consé- nien, ont été décrites des modifications du métabolisme
quence d’une augmentation ou d’une accélération de la énergétique cellulaire comme une accélération de la gly-
glycolyse aérobie et de la réponse au stress [12]. En effet, colyse [24] ou une dysfonction mitochondriale [25] malgré
l’hypoxie tissulaire qui peut être observée dans ces états un apport suffisant en oxygène et glucose et indépendam-
de choc ne suffit pas à expliquer l’hyperlactatémie [12, 13]. ment du débit sanguin cérébral [26]. Après traumatisme
De nombreuses études humaines n’ont pas mis en évidence crânien, un relargage excessif de neurotransmetteurs exci-
de relation entre l’hyperlactatémie du choc septique et des tateurs se produit, dont le principal intervenant semble
marqueurs d’hypoxie tissulaire ou d’altération de l’oxygé- être le glutamate. Cette concentration extracellulaire
nation cellulaire. En outre, les traitements qui augmentent importante de glutamate entraîne un afflux massif d’ions
le transport en oxygène ne modifient pas la lactatémie [14, calcium (Ca2+) et sodium (Na+) dans les neurones et cellules
15]. Un défaut d’utilisation de l’oxygène au niveau mito- gliales [27]. Pour maintenir l’homéostasie cytoplasmique
chondrial avait été avancé, or les composés hautement calcique, cette augmentation intracellulaire de Ca2+ résulte
énergétiques comme l’ATP restent constants dans le milieu en une séquestration de Ca2+ dans la mitochondrie, à l’ori-
intracellulaire et le pH cytosolique intracellulaire ne dimi- gine d’une altération directe du processus de phosphory-
nue pas dans différentes études cliniques et expérimen- lation oxydative [25] et d’une augmentation de la
tales de chocs septiques [16, 17]. Par ailleurs, les activités perméabilité membranaire mitochondriale. L’excès de Ca2+
de la phosphofructokinase et de la PDH seraient modifiées mitochondrial inhibe le transfert d’électrons de la chaîne
lors du sepsis [18] mais il existerait également une inhibi- respiratoire et la transduction énergétique. En outre, l’eau
tion de la PDH en augmentation sa forme inactive. Certains pénétrant passivement dans la mitochondrie par l’aug-
incriminent plus précisément une up-regulation de la pyru- mentation de perméabilité, altère d’autant plus son fonc-
vate déshydrogénase kinase, enzyme appartenant au com- tionnement. Ainsi, la phosphorylation oxydative et la
plexe de la PDH et diminuant le flux de pyruvate à travers production d’ATP se retrouvent compromises après trau-
ce complexe [17]. Le pyruvate serait de ce fait incapable de matisme crânien [28]. La glycolyse est une source rapide
se convertir en acétyl-CoA et d’entrer dans le cycle de d’ATP lors d’une réponse au stress telle que le traumatisme
Krebs. Toutefois, d’autres équipes ont constaté une stabi- crânien. Une augmentation de la concentration de lactate
lité, voire une augmentation de l’activité de la PDH lors du et du ratio lactate/pyruvate a été retrouvée dans le liquide
sepsis [19]. Son implication reste donc une hypothèse, céphalorachidien des patients traumatisés crâniens malgré
néanmoins de nombreux travaux ont montré l’efficacité la présence de substrats suffisants (oxygène et glucose).
du dichloroacétate, composé stimulant l’activité du com- L’augmentation du ratio lactate/pyruvate (> 25) traduit
plexe de la PDH, afin de diminuer les taux de lactate plas- une activité glycolytique importante, résultante d’une
matiques et intracellulaires et d’augmenter le taux hypoxie ou d’une dysfonction mitochondriale. Cette aug-
d’oxydation du pyruvate lors d’états septiques [20]. mentation de lactate au niveau cérébral pourrait résulter
D’autres conséquences énergétiques du sepsis ont été de la dysfonction mitochondriale, forçant les cellules à uti-
décrites, comme l’accélération de la glycolyse aérobie. liser la glycolyse pour générer de l’ATP [29]. Sans le fonc-
Ainsi, l’hyperlactatémie refléterait une modification de tionnement de la chaîne de transport des électrons, la
l’état métabolique. En effet, une augmentation de l’utili- conversion du pyruvate en lactate est nécessaire pour recy-
sation du glucose entraînerait une augmentation de la cler le NADH en NAD+ et permettre à la glycolyse de conti-
production de pyruvate, plus importante que la capacité nuer. Certaines études rapportent l’élévation du lactate
de la PDH à le transformer en acétyl-CoA. Et l’augmenta- extracellulaire au niveau cérébral à une origine essentiel-
tion de la concentration cellulaire de pyruvate serait à l’ori- lement « glycolytique » et faiblement « hypoxique » [30].
gine d’une production plus importante de lactate. Cette D’autres auteurs soulèvent la question d’une partie prove-
hypothèse repose sur la constatation d’une augmentation nant de la voie du pentose phosphate (production de lac-
du turn-over du glucose et du lactate (méthode de dilution tate via la déviation du glucose-6-phosphate) [31] plutôt
isotopique) et d’une corrélation entre l’augmentation que de la glycolyse directement [29]. Il faut par ailleurs sou-
de la production de lactate et l’hyperlactatémie [21]. ligner qu’au niveau cérébral, le lactate (provenant des
L’augmentation de la production de pyruvate provient astrocytes après métabolisme du glucose) est probable-
également de l’augmentation du catabolisme protéique ment un substrat énergétique important des neurones, uti-
induit par le sepsis avec une augmentation des taux lisé via le cycle de Krebs lors d’agressions aiguës pour
d’acides aminés telle l’alanine, transformée en pyruvate produire de l’énergie.
par l’alanine aminotransférase [22]. Les catécholamines, De plus, ces perturbations métaboliques mitochon-
qu’elles soient exogènes ou endogènes, sont aussi à l’ori- driales participent sans doute à la vulnérabilité cérébrale
gine d’une augmentation de l’AMP cyclique, stimulant la post-traumatique. En effet, des études expérimentales ont
glycogénolyse et la glycolyse avec production d’ATP et acti- montré un effet additif et délétère d’agressions systé-
vation d’une pompe Na+/K+ ATPase-dépendante. Cette miques secondaires, telles l’hypoxie et l’hypotension, sur
activation consomme de l’ATP, donc produit de l’ADP qui, le métabolisme énergétique cérébral après traumatisme
par stimulation de la phosphofructokinase, active la glyco- crânien [26].
lyse et par conséquent la production de pyruvate [23].
Ainsi, la respiration cellulaire présenterait une réponse
adaptative métabolique au sepsis à l’origine d’une aug-
mentation de production de lactate. Conclusion
La respiration cellulaire permet d’optimiser la produc-
Traumatisme crânien grave tion d’énergie en utilisant l’oxygène et en recyclant les
transporteurs d’énergie. La respiration aérobie est le pro-
La respiration cellulaire est le centre d’intérêt de nom- cessus énergétique le plus efficace. L’oxygène est l’accep-
breuses études concernant le traumatisme crânien teur terminal d’électrons, et le produit final de ce
puisqu’elle interviendrait dans le développement de métabolisme est l’eau, sans production d’autre déchet que
l’œdème cérébral cytotoxique post-traumatique, ce qui en du CO2. L’intégration remarquable et la régulation fine de
fait une cible thérapeutique potentielle. En effet, lors ces métabolismes énergétiques permettent à la cellule de

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Respiration cellulaire 14

s’adapter à toutes les situations physiologiques de l’oxygène ou l’induction de la mort cellulaire retardée doit
demande énergétique. La mitochondrie est le véritable nous faire considérer son extrême importance dans la phy-
« organe » de la respiration cellulaire. Le rôle clé de la siologie cellulaire des organismes aérobies. Elle est la pierre
mitochondrie dans la production de radicaux libres de angulaire de nombreuses situations physiopathologiques.

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OXYGÉNATION TISSULAIRE

15
Transport et utilisation
• Transport de l’oxygène
• Transport artériel de l’oxygène
de l’oxygène
et diffusion au niveau de la cellule
• Physiologie de la relation
transport-consommation de l’oxygène Pierre Visintini*, Benoît Vallet**, Claude Martin*
* Département d’anesthésie-réanimation, CHU Nord, Marseille
** Université Lille-II, Lille et Direction générale de la santé,
ministère des Affaires sociales et de la Santé, Paris

e métabolisme cellulaire repose sur la dégrada- Si le transport de l’oxygène ne reposait que sur sa
tion oxydative de substrats (glucides, lipides et forme dissoute dans le sang et si l’on supposait que l’en-
protéines) et sur la récupération de l’énergie conte- semble de l’oxygène était extrait au niveau tissulaire (c’est-
nue dans leurs liaisons chimiques. à-dire que le contenu veineux en oxygène était nul), la
Les cellules disposent de réserves de substrats mais consommation moyenne en oxygène (VO2) au niveau des
pas de réserves d’oxygène, ce qui implique un tissus périphériques ne pourrait dépasser, au repos :
apport constant d’oxygène aux mitochondries. VO2 = Q × CaO2,
La pression partielle de l’oxygène au niveau de la Q étant le débit cardiaque (en situation physiologique,
5 000 mL/min) et CaO2 la concentration artérielle en oxy-
mer est de 159,2 mmHg (21,2 kPa), et quelle que
gène, soit :
soit la pression atmosphérique (760 mmHg au
VO2 = 5 000 × 0,0031 = 15 mL O2/min.
niveau de la mer), on retrouvera toujours la même
proportion (20,95 %) d’oxygène. La consommation moyenne d’oxygène d’un adulte au
Dans la mitochondrie, où l’oxygène sera finale- repos est d’environ 250 mL/min.
ment utilisé, la pression partielle de ce gaz est très Ainsi, en pratique, il faudrait que le débit cardiaque soit
faible (de l’ordre de 1 mmHg). Il existe donc un augmenté d’un facteur de 17 (250/15) pour répondre aux
important gradient de pression partielle qui est besoins métaboliques tissulaires, ce qui est bien sûr incom-
entretenu de proche en proche entre le milieu exté- patible avec un état cardiocirculatoire physiologique. Cette
rieur et la mitochondrie. situation est d’autant plus aggravée que la VO2 est aug-
Cette chute de la pression partielle en oxygène de mentée par un effort, une infection ou une douleur.
l’air atmosphérique vers la mitochondrie constitue
la « cascade de l’oxygène » (figure 1).

PO2 [mmHg] PO2 influencée par

Transport de l’oxygène 150


Pression atmosphérique
(Extérieur) : Air sec

(Trachée) : + H2O

La capacité du sang à transporter de l’oxygène, ou pou- FiO2


voir oxyphorique, dépend de deux facteurs :
• l’oxygène transporté sous forme dissoute ; Ventilation alvéolaire
• l’oxygène transporté par l’hémoglobine. 100 Ventilation/perfusion
(a)
Oxygène dissous Shunts droit-gauche
(A) : + CO2

D’après la loi de Henry, la quantité d’un gaz présent


dans un liquide dépend de la pression partielle exercée par Perfusion tissulaire
50 Capillaires ? Hct
ce gaz à la surface du liquide et de sa solubilité dans celui-
40 ( v̄ )
ci. Pour une température constante : Extraction locale d’O2
[O2] Dis = kO2 × PO2 27 (a) Minimum vital
19 ( v̄ ) Minimale
où kO2 représente la constante de solubilité de l’oxygène Cytoplasme
dans le sang (0,03). 0 Mitochondries 1-10 mmHg
La pression partielle en oxygène étant de 104 mmHg au Figure 1 / La cascade de l’oxygène
niveau de l’alvéole, on aura donc : Po2 : pression partielle en oxygène ; FiO2 : fraction inspirée en
[O2] Dis = (0,03 mL O2 × 104)/100 oxygène ; Hct : hématocrite ; A : alvéolaire ; a : artériel ; v : veineux.
= 0,31 mL/O2 pour 100 mL de sang.

149
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

La quantité d’oxygène dissous dans le sang étant Hémoglobine


très faible, plus de 98 % de l’oxygène est ainsi
transporté par l’hémoglobine contenue dans les L’hémoglobine est le principal composant de l’hématie
globules rouges. à laquelle elle donne, en présence d’oxygène, sa couleur
rouge. Un globule rouge contient 280 millions de molé-
cules d’hémoglobine. L’hémoglobine humaine est une pro-
Rôle de l’érythrocyte téine tétramérique, la globine, d’un poids moléculaire de
68 kDa. Ses 4 chaînes polypeptidiques se répartissent en
et propriétés de l’hémoglobine 2 chaînes alpha (141 acides aminés) et bêta (146 acides
aminés).
Les érythrocytes sont des cellules anucléées produites
au niveau de la moelle osseuse, elles disposent de Chaque groupe hème est constitué d’un noyau porphy-
structures intracellulaires et métaboliques extrêmement rine résultant de la coalescence de 4 noyaux pyrroles reliés
réduites. Leur durée de vie est d’environ 120 jours. L’hémo- entre eux par 4 ponts méthylènes. Le noyau porphyrine a
globine occupe l’essentiel de leur volume. L’encapsulement la propriété de se combiner avec l’ion ferreux (Fe2+). Cet
de l’hémoglobine permet de réduire la viscosité et la pres- ion a 6 liaisons covalentes, il en utilise 4 pour se fixer sur
sion oncotique du sang et les voies métaboliques rési- les 4 ions azote des groupes pyrroliques. Cette association
duelles de l’érythrocyte permettent le contrôle de la constitue l’hème.
concentration intracellulaire en ions H+ et en 2,3-diphos- L’atome de fer se trouve à l’état ferreux et le demeure
phoglycérate (2,3-DPG). au cours des phénomènes d’oxygénation, évitant la réac-
tion d’oxydation qui l’aurait transformé en ion ferrique
Fe3+ (figure 2).
L’une des deux liaisons libres est utilisée pour relier
l’hème à la globine (4 hèmes pour 1 molécule de globine),
l’autre étant disponible pour former une liaison réversible
Hème avec l’oxygène. Une molécule d’hémoglobine peut ainsi
CH2
O transporter 4 molécules d’oxygène. Cette capacité de
transport peut être modifiée si :
O
CH3
• une molécule de monoxyde de carbone se fixe de
CH
manière compétitive avec l’Hb (affinité supérieure à celle
de l’oxygène) ;
H 3C CH CH2 • l’hémoglobine est anormale ;
N N • le Fe2+ devient ferrique Fe3+, constituant la méthémoglo-
binémie.
Fe++

N N Stéréochimie de l’hémoglobine
H 3C CH3
On décrit 4 types de structures.
La structure primaire concerne la séquence des acides
CH2 CH2 aminés, la secondaire décrit la conformation hélicoïdale
des chaînes (7 segments hélicoïdaux pour les chaînes a et
CH2 CH2 8 pour les chaînes b).

COO¯
La structure tertiaire correspond à l’arrangement spa-
COO¯ tial des 4 monomères qui composent la molécule complète.
Le groupe hème est placé dans une sorte de cavité sur
Figure 2 / Structure de l’hémoglobine chaque chaîne protidique à la surface de la molécule. Lors
de la fixation de l’oxygène, 2 des 4 chaînes se déplacent
d’avant en arrière, ce qui les rapproche ; lorsque l’oxygène
quitte la molécule, on constate un mouvement inverse
avec un éloignement des 2 chaînes.
L’hémoglobine est ainsi un exemple de réagencement
Molécule d’O2 fixée spatial en fonction de l’activité chimique de la molécule [1].

Pont salin fragilisé La fixation d’oxygène suit un certain nombre de


séquences. En l’absence d’oxygène, les 4 chaînes sont
Chaîne polypeptidique reliées par des ponts salins et l’affinité de l’hémoglobine
pour l’oxygène est très faible.
α1 α2
Pont salin brisé La fixation d’une molécule d’oxygène induit le réagen-
β2 β1 cement spatial que nous avons envisagé, avec rupture d’un
pont salin et facilitation de la fixation de la molécule d’oxy-
gène suivante.
2,3-DPG
Au fur et à mesure que l’oxygène se fixe sur l’hémoglo-
Groupe hème bine, l’affinité de celle-ci pour l’oxygène augmente et la
Pont salin quatrième molécule se fixerait 200 fois plus facilement que
Figure 3 / L’oxygène, en se fixant sur la molécule
la première. On dit ainsi que l’oxygène est un effecteur
d’hémoglobine, brise les ponts salins, facilitant ainsi allostérique de sa propre réaction de fixation. Ce processus
la fixation des autres molécules d’oxygène de combinaison ou de dissociation ne nécessite que
2,3-DPG : 2,3-diphosphoglycérate. quelques millisecondes, ce qui est essentiel vu la brièveté
du passage du sang dans les capillaires (figure 3).

150
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:58 Page151

Transport et utilisation de l’oxygène 15

Pour aller plus loin... de lumière. Cette absorption possède deux compo-
santes :
Autres formes de l’hémoglobine
• l’une, constante, correspondant aux tissus et au
Plus de 500 variants d’hémoglobine humaine struc-
sang non pulsatile dans les capillaires et les
turellement différents ont été décrits dans le
veines ;
monde. Environ un tiers de ces mutants d’hémoglo-
• l’autre représentant le sang, artériel et artério-
bine sont associés à des manifestations cliniques laire, pulsatile.
significatives [2]. La différence d’absorption de lumière est donc due
On peut schématiquement classer les hémoglobines à la composante pulsatile du sang, c’est-à-dire à la
avec retentissement clinique : forme artérielle, oxygénée du sang.
• syndromes drépanocytaires ; Les deux formes, oxygénées et désoxygénées, de
• variants instables de l’hémoglobine (anémie l’hémoglobine absorbant les lumières rouges et
hémolytique congénitale avec corps de Heinz) ; infrarouges différemment, l’oxymètre de pouls peut
• variants avec affinité accrue pour l’oxygène (poly- déterminer la saturation artérielle en oxygène. Les
globulie familiale) ; résultats sont bien corrélés avec ceux obtenus par
• hémoglobines M (méthémoglobinémies). l’analyse d’échantillons de sang.
Substitut du sang humain Les capillaires systémiques et les veines n’étant pas
Les risques infectieux de la transfusion, les pulsatiles, ils ne contribuent pas à la mesure.
contraintes immunologiques (règles de groupage)
et de conservation du sang motivent de nombreux
laboratoires de recherche pour mettre au point un
substitut de sang humain [3].
Courbe de dissociation
L’objectif n’est pas de reproduire toutes les proprié- de l’hémoglobine
tés du sang mais seulement sa capacité de transport
de l’oxygène. Une des difficultés est que l’hémoglo- Les mécanismes complexes de fixation de l’oxygène
bine en dehors des globules rouges se dissocie en auprès des 4 sites de l’hémoglobine expliquent la forme
fragments qui ne libèrent plus aussi facilement sigmoïde de la courbe de dissociation de l’oxy-hémoglo-
l’oxygène que l’hémoglobine stockée dans les glo- bine, également appelée courbe de Barcroft.
bules rouges. De plus, ces fragments peuvent Cette courbe met en relation la saturation de l’hémo-
entraîner des tubulopathies rénales. Une des voies globine et la pression partielle en oxygène (PO2) (figure 4).
de recherche est donc la production d’hémoglobine On distingue deux phases principales.
humaine modifiée par génie génétique, stable en
dehors des globules rouges et capable de libérer de
l’oxygène.
Une autre voie de recherche est celle des substituts SaO2
synthétiques de l’hémoglobine comme les fluoro-
100 %
carbones disposant d’importantes capacités de
transport de l’oxygène.
50 %

Saturation de l’hémoglobine
0%
La saturation de l’hémoglobine (Hb) correspond à la 0 20 40 60 80 100 120 140 160
proportion de molécules présentes sous forme oxygénée. P50 PaO2 (mmHg)
Elle se note SO2 (saturation oxy-hémoglobinée) et elle est
exprimée en pourcentage : Figure 4 / Courbe de dissociation de l’hémoglobine
PaO2 : pression partielle en oxygène dans le sang artériel ;
SO2 = HbO2/Hb totale.
SaO2 : saturation artérielle en oxygène.
L’oxy-hémoglobine (HbO2) présente une couleur rouge,
tandis que l’hémoglobine est violette, les deux formes de
la molécule présentent des spectres d’absorption de la
lumière différents, ce qui permet d’en mesurer les propor-
tions relatives dans un échantillon de sang par des
méthodes colorimétriques comme l’oxymétrie.
À partir d’une certaine proportion d’hémoglobine, la Phase ascendante
couleur du sang change, donnant un aspect clinique de
cyanose. Dans cette phase, de faibles différences de PO2 entraî-
nent d’importants échanges d’oxygène et, donc, de
grandes modifications de SO2.
Application clinique : oxymétrie de pouls
Cela correspond aux zones de PO2 des capillaires systé-
Les différences de couleur entre le sang veineux et miques, c’est-à-dire les zones où l’hémoglobine va libérer
artériel reflètent la différence d’absorption de la l’oxygène. Dans les capillaires systémiques, l’équilibre entre
lumière entre l’hémoglobine oxygénée et désoxy- la PO2 artérielle et des tissus est d’environ 40 mmHg.
génée. L’hémoglobine transportée par le sang est saturée à 97,5 %
L’oxymétrie de pouls est un dispositif fixé sur une pour une PO2 de 100 mmHg. À la sortie des capillaires, la
extrémité du corps (doigt, oreille...) où les vaisseaux saturation de l’hémoglobine est en moyenne, puisqu’il
pulsatiles sont accessibles. s’agit de sang veineux mêlé, de 75 % (correspondant,
Sur l’une des extrémités de ce vaisseau, le dispositif d’après la courbe, à une PO2 de 40 mmHg) ; près de 25 %
envoie une lumière rouge et infrarouge. Sur l’autre de l’oxy-hémoglobine a donc libéré de l’oxygène. Dans cer-
extrémité, il détecte la lumière transmise à travers tains territoires, l’extraction de l’oxygène est bien plus
le lit vasculaire tout en calculant ainsi l’absorption importante : jusqu’à 60 % (figure 5).

151
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

En cas de métabolisme tissulaire accru, la PO2 du sang


veineux peut s’abaisser à 20 mmHg, correspondant alors à
Phase en plateau
une saturation de l’hémoglobine de 30 %. Ainsi, plus les Ce segment correspond à la zone de PO2 régnant dans
valeurs de PO2 sont basses, plus l’hémoglobine libère aisé- les capillaires pulmonaires, là où l’hémoglobine se charge
ment l’oxygène qu’elle transporte. en oxygène. La PO2 du sang artériel systémique, qui a
atteint l’équilibre avec la PO2 alvéolaire, est normalement
de 100 mmHg. Sur la courbe, on constate que pour une
PO2 artérielle à 100 mmHg, la saturation de l’hémoglobine
est de 97,5 %, donc quasi complète. Si la PO2 baisse de 100
à 60 mmHg, la saturation de l’hémoglobine demeure
encore élevée (de l’ordre de 90 %). Ainsi, le contenu total
en oxygène du sang diminue peu puisque l’hémoglobine
est encore presque totalement saturée et que, comme
nous l’avons vu, l’essentiel de l’oxygène est transporté par
l’hémoglobine plutôt que dissous.
À l’inverse, si la PO2 est fortement augmentée (à
600 mmHg dans une situation d’administration d’oxygène
pur), la quantité d’oxygène dissous augmentera mais la
saturation de l’hémoglobine augmentera seulement de
2,5 %, passant de 97,5 à 100 %.
Le plateau de la courbe de dissociation correspond en
quelque sorte à une marge de sécurité pour le transport
de l’oxygène par le sang.
On définit par ailleurs la P50 comme le point correspon-
dant à une saturation de 50 % : il s’agit du point d’in-
flexion de la courbe sigmoïde avec une valeur de PO2 de
27 mmHg.
La P50 est dite normalisée ou standard lorsque la pres-
sion partielle de gaz carbonique (PCO2) est égale à
40 mmHg et le pH à 7,38.

Plusieurs facteurs
sont en mesure de modifier
la courbe de dissociation
Déplacement vers la droite :
diminution de l’affinité
de l’hémoglobine pour l’oxygène
Les tissus disposant d’un métabolisme actif consom-
ment beaucoup d’oxygène, produisent de la chaleur, du
dioxyde de carbone et développent un certain degré d’aci-
dose. L’hémoglobine est sensible à chacun de ces trois fac-
Figure 5 / Vue des différentes saturations artérielles teurs, qui diminuent tous l’affinité de l’oxygène pour
et veineuses selon les territoires du système vasculaire l’hémoglobine.
La finalité physiologique est alors de délivrer plus d’oxy-
gène aux tissus dotés d’un métabolisme actif (figure 6).
SaO2
Chez le sujet normal, la PCO2 artérielle est égale à
100 % 40 mmHg, alors que la PCO2 veineuse est supérieure. Une
relative alcalose respiratoire dans le sang artérialisé tend
Normale à déplacer vers la gauche la courbe de dissociation et, ainsi,
Déviation droite à fixer un peu plus d’oxygène au niveau pulmonaire. Au
contraire, l’acidose tissulaire tend à déplacer la courbe vers
50 % la droite et favorise la libération d’oxygène.
L’oxygénation des chaînes libère des ions H+ lors de la
rupture de leurs ponts salins et en fixe lors de la reconsti-
tution de ces ponts, lorsque l’oxygène est libéré.
0%
0 20 40 60 80 100 120 140 160 L’hémoglobine réduite se comporte donc comme un tam-
pon des ions H+. Réciproquement, un environnement acide
P50 plus grande PaO2 (mmHg)
défavorise la formation d’HbO2. Pour chaque millimole
Figure 6 / Déviation à droite. Augmentation de la PCO2, d’oxygène libérée, 2,4 mEq de H+ peuvent être fixés.
diminution du pH, augmentation de la température
PaO2 : pression partielle en oxygène dans le sang artériel ; Cette relation entre libération d’oxygène et fixation des
SaO2 : saturation artérielle en oxygène. ions H+ provenant du métabolisme cellulaire correspond à
l’« effet Bohr » :

152
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Transport et utilisation de l’oxygène 15

Hb + H+ ⇔ Hb – H+ On retrouve cette situation lors d’hypothermie, d’alca-


Hb(O2)4 + 2H+ ⇔ Hb (H+)2 + 4O2. lose, d’hypocapnie ou lorsque la concentration intra-éry-
throcytaire de 2,3-DPG est abaissée [7].
De même, le dioxyde de carbone peut se fixer sous
forme de carbamates sur les chaînes de l’hémoglobine Si l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène aug-
réduite (0,08 mmol de dioxyde de carbone par millimole mente, la quantité d’oxygène transportée augmente pour
d’oxygène libéré) ; cette réaction produit des ions H+ direc- une même PaO2, mais la libération d’oxygène diminue au
tement utilisés pour la reconstitution des ponts salins lors niveau tissulaire. En revanche, physiologiquement, du fait
de la libération de l’oxygène : il y a donc également une de la baisse de la PaCO2 au niveau des capillaires longeant
facilitation de la libération d’oxygène du fait de la pré- les alvéoles pulmonaires, cette situation permet d’obtenir
sence de dioxyde de carbone [4]. une captation accrue de l’oxygène.

Cette coopération entre libération d’oxygène, capta-


tion de dioxyde de carbone et fixation de protons est Monoxyde de carbone
appelée « effet Haldane » :
Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz incolore et
H+ CO2 H+ inodore qui dispose d’une affinité beaucoup plus
importante (environ 240 fois plus) pour l’hémoglobine que
Hb– NH3+ Hb– NH2 → Hb– NH– COO– l’oxygène. Il provient de la combustion incomplète des
composés hydrocarbonés, notamment lors du dysfonction-
(O2)4 Hb– NH3+ + CO2 ↔ (O2)3 Hb– NH– COO– + O2+ 2H+.
nement d’appareils domestiques de chauffage. Sa fixation
Ainsi une augmentation de dioxyde de carbone sera un sur l’hémoglobine produit la carboxyhémoglobine (HbCO).
facteur de libération de l’oxygène, ce qui est important au
La présence de carboxyhémoglobine provoque une
niveau tissulaire, alors qu’une augmentation de la pression
importante déviation vers la gauche de la courbe de disso-
artérielle partielle en oxygène (PaO2) conduira à une libé- ciation de l’HbO2 et une absence de libération correcte de
ration du dioxyde de carbone, en particulier au niveau des l’oxygène aux tissus. Le traitement de l’intoxication au
alvéoles pulmonaires. monoxyde de carbone repose sur l’augmentation de la
PaO2 afin de déplacer le monoxyde de carbone de l’hémo-
• Effet de la température globine et de le remplacer par de l’oxygène, la demi-vie de
Une augmentation de 1 °C de la température provoque la carboxyhémoglobine étant d’autant plus courte que la
également un déplacement vers la droite de la courbe de PO2 ambiante est élevée. On procède donc systématique-
ment à une oxygénothérapie normobare, voire hyperbare,
dissociation avec une augmentation de la P50 d’environ
mais ceci n’est pas validé, dans certaines situations, dans le
1,5 mmHg.
but d’augmenter la concentration de l’oxygène dans l’air
À l’inverse, une diminution de la température, lors inspiré (FiO2) ambiante [8].
d’une hypothermie provoquée ou accidentelle, augmen-
tera l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, avec une Les propriétés de l’hémoglobine et le mode de fixa-
diminution de la libération tissulaire d’oxygène et ainsi tion de l’oxygène sur la molécule expliquent l’as-
une diminution de leur activité métabolique. pect de la courbe de dissociation de l’oxygène.
Cette réduction importante du métabolisme tissulaire, Celle-ci peut être déplacée vers la droite lors de
en particulier cérébral, lors d’une hypothermie, explique conditions rencontrées au niveau des capillaires de
les bonnes récupérations cliniques que l’on a pu décrire tissus dotés d’un métabolisme actif (acidose, aug-
chez des patients hypothermes et victimes d’arrêts cardio- mentation du dioxyde de carbone et de la tempé-
circulatoires prolongés [5]. rature), cette déviation entraînant une diminution
de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, la
finalité physiologique étant d’exercer un contrôle
• 2,3-diphosphoglycérate érythrocytaire concernant la libération d’oxygène au niveau des
Le 2,3-DPG est un produit de la glycolyse anaérobie tissus les plus demandeurs. Au contraire, dans des
dans le globule rouge (celui-ci ne contenant pas de mito- situations où le métabolisme est diminué, cette
chondries, son énergie provient uniquement des réactions courbe sera déplacée vers la gauche avec, dans ce
anaérobies de la glycolyse, ce qui contribue au niveau cas, une augmentation de l’affinité de l’hémoglo-
plasmatique de lactates au repos). Ce composé pourrait se bine pour l’oxygène.
lier faiblement à des sous-unités de la molécule d’hémo-
globine, réduisant ainsi son affinité pour l’oxygène. Les
sujets vivant en altitude ou souffrant de pathologies
cardio-pulmonaires chroniques disposent d’une concen-
Transport artériel
tration en 2,3-DPG plus importante que les autres. Cette de l’oxygène et diffusion
au niveau de la cellule
adaptation faciliterait ainsi la libération d’oxygène aux tis-
sus [6].
Une concentration normale en 2,3-DPG maintient la
courbe légèrement déplacée vers la droite. Une hypoxie de Principaux intervenants
quelques heures augmente la concentration en 2,3-DPG et
déplace encore la courbe de dissociation vers la droite, per- Comme nous l’avons déjà envisagé, les apports en oxy-
mettant ainsi de préserver la libération d’oxygène tissu- gène (ou transport de l’oxygène, TO2) correspondent au
laire. produit du débit cardiaque (Q) par la concentration arté-
rielle en oxygène (CaO2) et peuvent être déterminés par la
relation :
À l’inverse, un déplacement vers la gauche de la TO2 = Q × CaO2,
courbe de dissociation impliquera une augmenta- soit :
tion de l’affinité pour l’oxygène. CaO2 = (SO2 × Hb × 1,34) + PO2 × 0,031.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Chaque gramme d’hémoglobine peut fixer 1,34 mL La diffusion (D) dépend donc, pour simplifier, du gra-
d’oxygène (voire 1,36 ou 1,39 selon les auteurs), le coeffi- dient de PO2 entre le capillaire et la mitochondrie (DPO2),
cient de solubilité de l’oxygène dans le sang est 0,031 mL de la distance d séparant le capillaire des cellules, de la
d’oxygène par mmHg de PO2 et par L. vitesse de circulation du flux sanguin dans le capillaire (v)
et du coefficient de solubilité de l’oxygène dans les liquides
Avec Q estimé à 5 L/min, on retrouve :
interstitiels :
TO2 = 1 000 mL O2/min.
D = 𝑓 (DPO2 × V × d × k).
Ainsi, dans des conditions normales le TO2 équivaut à
Le DPO2 dépend également de la consommation locale
environ 4 fois les besoins métaboliques de base d’un adulte
(250 mL d’O2/min). De ce fait, le sang veineux mêlé quit- d’oxygène et de la dissociation d’oxyhémoglobine variant,
tant les tissus est saturé à 75 % : comme nous l’avons vu, avec les conditions locales de pH,
SvO2 = 75 %. de PCO2 ou de température.

Le contenu en oxygène du sang veineux s’obtient par L’oxygène diffuse en suivant la différence de pressions
la formule précédemment utilisée : partielles entre la PO2 du sang artériel arrivant dans les
CvO2 = 148 mL O2/L. capillaires systémiques (100 mmHg) et celle des cellules
adjacentes (40 mmHg), et ceci jusqu’à l’obtention d’un
Il existe une extraction tissulaire en oxygène très iné- équilibre. Ainsi la PO2 du sang veineux quittant les capil-
gale selon les organes (figure 5). Les reins reçoivent un laires systémiques est égale à la PO2 des tissus (40 mmHg).
important débit sanguin justifié plus par leur fonction de
filtration que par leurs besoins métaboliques. Très peu Le dioxyde de carbone diffuse rapidement hors des cel-
d’oxygène sera donc soustrait par millilitre de sang et la lules (PCO2 : 46 mmHg) vers le sang entrant dans les capil-
SvO2 au niveau des veines rénales sera de l’ordre de 90 %.À laires (PCO2 : 40 mmHg) en raison de la différence de
l’opposé, le sang veineux provenant de la circulation coro- pression partielle due à la production continue de dioxyde
naire n’est que de 40 %. de carbone. Le transfert de dioxyde de carbone continue
jusqu’à ce que la PCO2 du sang soit en équilibre avec celle
La différence entre les transports artériels et veineux en des tissus, soit environ 46 mmHg.
oxygène représente la quantité d’oxygène délivrée aux tis-
sus, laquelle doit compenser en permanence la consomma-
tion d’oxygène. Utilisation de l’oxygène
au niveau de la mitochondrie
Principe de la diffusion
de l’oxygène dans la cellule
L’oxygène moléculaire est l’accepteur terminal d’élec-
trons de la chaîne respiratoire mitochondriale, constituée
d’une succession de couples redox. La forme oxydée d’un
L’oxygénation tissulaire est la dernière étape du trans-
couple est réduite par la forme réduite du couple qui la
port de l’oxygène et de la « cascade de l’oxygène »
précède et réduit la forme oxydée du couple suivant. Le
(figure 1), de même que, dans les capillaires pulmonaires,
réducteur initial est le NADH (forme réduite), l’oxydant
le transport d’oxygène et de dioxyde de carbone entre le
final est l’oxygène moléculaire (voir chapitre 14).
sang des capillaires systémiques et les cellules des tissus se
fait par simple diffusion le long d’une différence de pres- Durant cette série d’oxydoréductions, l’énergie pro-
sion. Le sang artériel qui arrive dans les capillaires systé- duite par le transfert d’électrons occasionné assure, par
miques est pratiquement identique à celui qui sort des une réaction couplée, la phosphorylation de l’ADP pour
poumons par les voies pulmonaires car les deux seuls sièges former de l’ATP [9]. Avec l’oxydation totale de 1 mole de
d’échanges gazeux sont les capillaires pulmonaires et sys- glucose, on obtient 36 molécules d’ATP ; 80 % de la
témiques. La PO2 artérielle est de 100 mmHg et la PCO2 consommation totale de l’oxygène sont utilisés dans ce
artérielle de 40 mmHg, comme au niveau des alvéoles pul- mécanisme de phosphorylation oxydative, 20 % sont utili-
monaires. sés en dehors de la mitochondrie pour la biosynthèse ou
Du fait du métabolisme oxydatif, les cellules consom- la dégradation de substances issues du métabolisme inter-
ment de l’oxygène et produisent du dioxyde de carbone médiaire. La PO2 mitochondriale est de l’ordre de 1 mmHg,
de façon continue. La PO2 cellulaire est d’environ 40 mmHg pression partielle correspondant à l’ultime étape de la
(elle est beaucoup plus basse, de l’ordre de quelques milli- « cascade de l’oxygène », qui est suffisante pour assurer un
mètres de mercure au niveau des mitochondries) et la PCO2 métabolisme aérobie.
d’environ 46 mmHg, ces valeurs étant d’ailleurs très varia-
bles selon le niveau d’activité du métabolisme cellulaire.
Utilisation de l’oxygène dans
Extraction de l’oxygène les cellules musculaires
La myoglobine est une globine monomérique consti-
EO2 = VO2/TO2.
tuée d’unités a. On la retrouve de manière abondante
La valeur normale d’extraction de l’oxygène (EO2) au dans le tissu musculaire.
repos est de 20 %, mais elle peut s’élever à 80 % lors
La myoglobine peut capter l’oxygène à des PO2 consi-
d’exercices intenses.
dérablement plus basses que l’hémoglobine, sa P50 étant
L’extraction de l’oxygène par les tissus dépend de la dif- inférieure à 5 mmHg. Sa courbe de dissociation se situant
fusion de l’oxygène du capillaire vers la cellule, de la répar- plus à gauche que celle de l’hémoglobine, cela favorise le
tition des débits régionaux et microcirculatoires ainsi que transfert de l’oxyhémoglobine vers la myoglobine et la
des capacités de la mitochondrie à utiliser l’oxygène (voir constitution d’une réserve intermédiaire d’oxygène immé-
chapitre 7). diatement disponible pour la cellule musculaire.

154
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 09:05 Page155

Transport et utilisation de l’oxygène 15

Physiologie de la relation Lorsque le transport systémique d’oxygène diminue


durant une hémorragie [12] ou d’une hypoxémie [13], la
transport-consommation régulation de l’oxygénation coordonne la redistribution
du transport d’oxygène entre les différents organes. Le sys-
de l’oxygène tème nerveux sympathique provoque à la fois une veino-
constriction, qui augmente le retour veineux et le débit
cardiaque, et une vasoconstriction artérielle, qui maintient
Les tissus périphériques ne disposant pas de réserves en
une pression de perfusion suffisante et permet une régu-
oxygène, l’organisme doit ajuster en permanence l’apport lation métabolique.
d’oxygène nécessaire au métabolisme cellulaire. Cet ajus-
tement s’effectue grâce à un contrôle constant de la ven- La vasoconstriction est moins intense au niveau des lits
tilation et du débit cardiaque. vasculaires coronaires et cérébraux qu’à d’autres niveaux.
La fraction du débit cardiaque redistribuée à la peau, aux
L’étude de la relation entre le transport et la consom- reins ou au territoire splanchnique diminue alors que celle
mation de l’oxygène permet de mesurer l’efficacité avec qui est redistribuée au cerveau et au myocarde augmente :
laquelle les systèmes cardiovasculaires et respiratoires il existe une redistribution du transport de l’oxygène au
transfèrent l’oxygène aux tissus en fonction de leurs profit de ces organes vitaux.
besoins. La survenue d’une inadéquation entre les besoins
et l’apport d’oxygène conduit à un état d’hypoxie tissu- Au sein même des tissus, lors d’une diminution d’apport
laire, au développement d’un métabolisme anaérobie et à d’oxygène, on retrouve une réponse microcirculatoire per-
une production d’acide lactique. Ce déséquilibre peut mettant un accroissement de l’extraction tissulaire en oxy-
résulter d’une diminution de l’apport ou d’une augmenta- gène. La baisse de la PO2 au niveau précapillaire provoque
tion de la demande en oxygène, les deux pouvant être un réflexe métabolique issu des cellules parenchymateuses,
associés. En pratique clinique, l’hypovolémie, l’anémie, une responsable d’une vasodilatation des artérioles terminales
diminution du débit cardiaque... seront autant de facteurs et aboutissant à une augmentation du nombre de capil-
laires perfusés (voir chapitre 7). Ce phénomène de recru-
qui réduiront l’apport d’oxygène.
tement capillaire en réponse à une hypoxie locale réduit
Sur de petites distances, dans le poumon entre le gaz les distances intercapillaires et augmente le temps de tran-
alvéolaire et le sang ou dans les tissus entre le sang capil- sit des globules rouges dans les capillaires. L’optimisation
laire et les cellules, l’oxygène se déplace par simple diffu- de la diffusion de l’oxygène au niveau des tissus facilite
sion. En revanche, entre les poumons et les organes, la ainsi l’extraction d’oxygène. Ce mécanisme régional cor-
circulation assure ce transport par un mécanisme de respond à une régulation métabolique locale.
convection.
En situation physiologique de repos, c’est plus la
demande tissulaire en oxygène que les apports d’oxygène
qui détermine la consommation (VO2) tissulaire. 6
Oxygène consommé (mL/kg/min)

Au cours d’un état de choc, lorsque le sang transporte 5


une quantité moindre d’oxygène (diminution de CaO2) ou
lorsque le débit cardiaque diminue, des mécanismes com- 4
pensateurs apparaissent afin de satisfaire les besoins en 3
oxygène [10]. Transport
critique 2
2
Il existe une augmentation de l’extraction en oxygène Transport
permettant de maintenir VO2 jusqu’à ce qu’un point de 1 critique 1
valeur critique de TO2 soit atteint (voir chapitre 7). Dans
certaines situations physiopathologiques, telles que le sep- 0
0 4 8 12 16 20 24 28
sis ou le syndrome de détresse respiratoire aiguë de
l’adulte, on ne retrouve pas cette notion de plateau cri- Oxygène transporté (mL/kg/min)
tique (figure 7).
1,0
Extraction de l’oxygène (mL/kg/min)

Au-delà de cette valeur critique, toute nouvelle dimi- 0,9


nution de TO2 s’accompagne d’une diminution de VO2 et 0,8
de l’apparition d’un métabolisme anaérobie. Cette dépen- 0,7
dance entre VO2 et TO2 définit l’état de choc qui peut aussi 0,6
être assimilé à une insuffisance respiratoire tissulaire aiguë. 0,5
0,4
Maintenir l’oxygénation tissulaire étant un des objectifs
0,3 Extraction
essentiels de la prise en charge d’un patient en état de
0,2 critique 1
choc hémodynamique, certaines équipes ont proposé un
0,1 Extraction critique 2
concept de « transport supranormal » de l’oxygène, en éle-
0,0
vant en particulier l’index cardiaque au-delà de 0 4 8 12 16 20 24 28
4,5 L/min/m2, mais aucune étude n’a retrouvé de bénéfice
Oxygène transporté (mL/kg/min)
à ce concept [11].
Figure 7 / Relation normale (courbes du bas) et anormale
La régulation de l’extraction en oxygène dépend d’une
entre oxygène transporté et consommé et relations
activation simultanée d’un mécanisme central et d’un correspondantes entre oxygène transporté
mécanisme régional. Le mécanisme central dépend princi- et extraction d’oxygène
palement de la mise en œuvre du tonus sympathique La demande d’oxygène est supposée constante.
vasoconstricteur, complété par l’activité du système rénine- La valeur critique du transport d’oxygène (transport critique 1)
angiotensine. est augmentée (transport critique 2) lorsque
l’extraction de l’oxygène diminue
Le mécanisme central induit une redistribution régio- (extraction critique 2 versus extraction critique 1).
nale du débit sanguin entre les différents organes.

155
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Pour résumer, les capacités d’extraction tissulaire de la SO2 ou de l’hémoglobine. L’augmentation du


l’oxygène peuvent être altérées à plusieurs niveaux [14] : débit cardiaque peut nécessiter l’usage de médica-
• au niveau systémique : ments ionotropes positifs, entraînant, cela dit, une
- atteinte du système sympathique, augmentation de la consommation d’oxygène. Par
- développements de shunts artérioveineux ;
ailleurs, l’usage de médicaments vasoactifs aug-
• au niveau microcirculatoire (hétérogénéité de la perfu-
sion tissulaire) : mente le transport de l’oxygène mais occasionne
- lésions endothéliales, aussi une redistribution des débits régionaux avec
- micro-embolies ; des effets variables selon l’étiologie de l’état de
• au niveau cellulaire (défaut d’utilisation de l’oxygène) : choc et le niveau de remplissage vasculaire [15].
atteinte mitochondriale.
Enfin, l’optimisation du transport de l’oxygène par
Application clinique l’augmentation de l’hémoglobine et de l’hématocrite peut
induire des troubles rhéologiques et diminuer la diffusion
Le transport de l’oxygène est l’un des facteurs
de l’oxygène tissulaire [16]. L’optimisation du transport de
déterminant qu’il faut optimiser dans le cadre de la
prise en charge de patients victimes d’insuffisance l’oxygène lors d’un état de choc pourra donc faire appel à
circulatoire aiguë. différentes thérapeutiques, qui ne devront toutefois pas
L’augmentation du transport de l’oxygène peut s’ef- dispenser de l’étude des circulations régionales et de l’oxy-
fectuer par l’augmentation du débit cardiaque, de génation tissulaire.

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156
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page157

OXYGÉNATION TISSULAIRE

16
• Conséquences cellulaires de l’ischémie
• La reperfusion, un mal nécessaire
Ischémie-reperfusion
• Mort cellulaire
au cours de l’ischémie-reperfusion
Jean-Luc Hanouz
• Programme cellulaire de tolérance
à l’ischémie-reperfusion Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale-SAMU,
Pôle réanimations-anesthésie SAMU, CHU de Caen, Caen
• Ischémie-reperfusion
appliquée aux différents organes

ischémie est définie par la réduction du flux


sanguin, dans un territoire vasculaire donné, com- Conséquences cellulaires
promettant les apports en oxygène (O2) et en subs-
trats énergétiques nécessaires aux fonctions et à la
de l’ischémie
survie cellulaire. Il y a donc une inadéquation entre La production d’énergie est indispensable au maintien
la demande et les apports énergétiques. La reper- de l’intégrité cellulaire et nécessaire aux fonctions cellu-
fusion est définie par la restauration du flux san- laires spécifiques de chaque organe. Dans les cellules,
guin dans un territoire vasculaire donné ayant été l’énergie est fournie par les liaisons riches en énergie
préalablement soumis à une ischémie. Les consé- contenues dans l’adénosine 5’-triphosphate (ATP) produite
quences de ces deux phénomènes sont regroupées par les mitochondries et, à un moindre degré, dans la
sous le terme de lésions d’ischémie reperfusion. phosphocréatine (PCr) dégradée par la créatine kinase.
L’ischémie-reperfusion contribue à la physiopatho- L’ischémie interrompt brutalement les mécanismes biochi-
logie de nombreuses situations cliniques telles que miques à l’origine de la synthèse des composés riches en
l’arrêt cardiaque, l’infarctus du myocarde, l’acci- énergie. Il en résulte une cascade d’événements aboutis-
dent vasculaire cérébral, l’ischémie aiguë de mem- sant à la mort cellulaire (tableau 1) et à l’altération ou l’ar-
bre, l’insuffisance rénale aiguë, la transplantation rêt des fonctions cellulaires et d’organe. Chaque organe
d’organe, les chirurgies cardiaques et vasculaires, ou groupe cellulaire possède une sensibilité propre à
les situations d’inadéquation entre la consomma- l’ischémie-reperfusion qui dépend du métabolisme et des
tion et les apports en O2, et les défaillances circu- réserves énergétiques disponibles. Par ailleurs, des méca-
latoires aiguës quelle que soit leur origine [1]. Dans nismes de défense endogènes sont activés par l’ischémie-
ces situations, les thérapeutiques mis en œuvre ont reperfusion par l’expression d’un programme génétique
particulier dont le but ultime est de limiter les lésions cel-
pour objectif de restaurer la perfusion d’organe
lulaires. Les données disponibles à ce jour sur les consé-
soit directement (thrombolyse, angioplastie, chirur-
quences cellulaires de l’ischémie sont principalement issues
gie, etc.), soit indirectement par les manœuvres de
des travaux sur l’ischémie cérébrale et myocardique.
réanimation. Si la restauration du flux sanguin
dans le territoire ischémique est essentielle pour
éviter ou limiter les lésions cellulaires irréversibles,
la reperfusion induit par elle-même des lésions cel- Tableau 1 / Principales conséquences cellulaires de l’ischémie
lulaires spécifiques qui contribuent significative-
ment aux lésions définitives observées. En
Baisse de la concentration intracellulaire en PCr et ATP
particulier, il a été démontré la vulnérabilité parti-
culière de l’endothélium vasculaire, qui est une Glycolyse anaérobie, glycogénolyse
interface de communication majeure de l’orga- Acidose intracellulaire
nisme par son contact privilégié avec la circulation
Accumulation de Pi, créatine, lactate, hypoxanthine
sanguine. Au-delà des conséquences cellulaires
locales, il est admis que l’ischémie-reperfusion peut Altération des gradients ioniques transmembranaires
déclencher une réponse inflammatoire et immuni- Accumulation intracellulaire de Ca2+, de Na+
taire locale et systémique qui, à l’extrême, peut
Œdème cellulaire par accumulation de molécules osmotiquement actives
évoluer vers la défaillance multiviscérale [1, 2].
Après des notions générales sur les conséquences Désorganisation du cytosquelette
cellulaires de l’ischémie et de la reperfusion, ce cha- Activation de protéines régulant la transcription génique
pitre abordera les conséquences de l’ischémie et de
la reperfusion au niveau des différents tissus et Mort cellulaire par apoptose, nécrose, autophagie
organes impliqués dans la physiopathologie de Arrêt des fonctions cellulaires, dysfonction d’organe
nombreuses situations cliniques. PCr : phosphocréatine ; ATP : adénosine 5’-triphosphate ; Pi : phosphate inorganique ;
Ca2+ : ions calcium ; Na2+ : ions sodium

157
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Déplétion en ATP produite par la glycolyse anaérobie sont source de protons


qui contribuent au développement de l’acidose intracellu-
et phosphocréatine laire dont les conséquences délétères sont développées
plus loin.
La diminution ou la suppression de l’apport en O2
secondaire à l’ischémie stoppe les phosphorylations oxyda-
tives mitochondriales qui permettaient la synthèse d’ATP Glycogénolyse
et de PCr. Cette inhibition porte principalement sur les
complexes I (NADH déshydrogénase) et III (cytochrome bc1) Le glycogène est une source importante de glucose
de la chaîne mitochondriale de transport des électrons qui pour la glycolyse anaérobie. Parallèlement à l’activation de
sont les plus sensibles à l’ischémie [3]. La translocase la glycolyse anaérobie, l’accumulation d’AMP et de Pi
ADP/ATP (Adenine Nucleotide Translocator ou ANT) et le secondaire à l’ischémie va stimuler l’activité de la phospho-
complexe V (ATP synthase) sont également altérés par rylase b impliquée dans la glycogénolyse. Par ailleurs, la
l’ischémie. Grâce à l’acidose intracellulaire, à l’accumula- libération de catécholamines induite par l’ischémie permet
tion d’ions calcium (Ca2+) et à la production de radicaux la formation de phosphorylase a grâce à l’activation d’une
libres de l’O2, le fonctionnement mitochondrial se modifie protéine kinase A.
en faveur d’une hydrolyse de l’ATP. La première consé-
quence directe de l’ischémie est donc une baisse de la
concentration intracellulaire de PCr et d’ATP qui atteint
près de 90 % en quelques minutes dans les organes à forte
Acidose intracellulaire
consommation d’énergie tels que le cœur et le cerveau [4, L’ischémie induit rapidement une acidose intracellu-
5]. Cette baisse va stimuler la glycolyse anaérobie et la gly- laire. Le pH intracellulaire (pHi) baisse de 7,0 à moins de
cogénolyse. Parallèlement, l’hydrolyse de l’ATP induit une 6,0 dans les minutes qui suivent le début de l’ischémie. La
accumulation intracellulaire de phosphates inorganiques
principale source de protons au cours de l’ischémie est la
(Pi) et d’adénosine diphosphate (ADP) puisque cette
glycolyse anaérobie à l’origine de NADH2 dont la transfor-
dernière est produite sans pouvoir être à nouveau phos-
mation en NADH + ion hydrogène (H+) a lieu au cours de
phorylée en ATP. L’ADP est dégradée en adénosine mono-
phosphate (AMP) puis en adénosine. Il en résulte une la conversion du pyruvate en lactate. De plus, l’hydrolyse
baisse de 60 à 70 % du pool d’adénine nucléotidique cel- de l’ATP produite par la glycolyse anaérobie est source de
lulaire (ATP + ADP + AMP). Enfin, l’adénosine diffuse faci- protons. Enfin, l’accumulation extracellulaire de lactate
lement hors de la cellule où elle est métabolisée en inosine diminue l’extrusion des protons par inhibition du cotran-
et hypoxanthine qui s’accumulent. Le métabolisme de l’hy- sporteur lactate/H+ [2, 5].
poxanthine par la xanthine oxydase (XO) produit des radi- Les effets délétères de la baisse du pHi comportent
caux libres. l’augmentation de la concentration intracellulaire de
sodium ([Na+]i) par l’activation de l’échangeur Na+/H+ avec
La glycolyse anaérobie comme corollaire l’augmentation de la concentration
intracellulaire de Ca2+ ([Ca2+]i) par l’intermédiaire de
En l’absence d’O2, la glycolyse anaérobie devient la l’échangeur Na+/Ca2+, l’augmentation de la production de
source principale d’ATP pour la cellule. La glycolyse radicaux libres, la diminution des capacités d’extrusion du
anaérobie est un mécanisme adaptatif permettant une Ca2+, l’altération de l’affinité de certaines protéines pour
production d’énergie indépendante de l’O2. Cependant, le le Ca2+ (par ex., troponine C), l’altération de protéines de
rendement énergétique de la glycolyse anaérobie est structure et la modification du fonctionnement de nom-
beaucoup plus faible que celui de la voie oxydative puisque breuses enzymes [2, 5-7].
2 molécules d’ATP sont produites à partir d’une molécule
de glucose contre 36 molécules d’ATP en condition aéro-
bie. Modifications
Les deux enzymes clés de la glycolyse anaérobie sont la des concentrations ioniques
phosphofructo-1-kinase (PFK-1) et la glycéraldéhyde 3-
phosphate déshydrogénase (GADH). Selon sa sévérité, intracellulaires
l’ischémie a un effet biphasique sur la glycolyse anaérobie.
Au cours d’une ischémie modérée, la baisse de la concen- Les deux modifications majeures observées au cours de
tration intracellulaire en ATP et l’augmentation de la l’ischémie sont la dépolarisation membranaire et l’aug-
concentration intracellulaire en ADP, AMP et Pi augmen- mentation de la [Na+]i et de la [Ca2+]i.
tent l’activité de la PFK-1. En outre, la translocation vers le Une dépolarisation membranaire (courant négatif sor-
sarcolemme des transporteurs du glucose (GLUT-4 princi- tant de 10 à 30 mV) survient dans les secondes qui suivent
palement, GLUT-1 à un moindre degré) permet une aug- le début de l’ischémie en grande partie en raison de l’inhi-
mentation de la captation cellulaire du glucose. Enfin, il a
bition de la pompe sodium-potassium (Na+/K+) ATP-dépen-
été suggéré que l’ATP produite par la glycolyse anaérobie
dante. Le courant sortant de K+ par les canaux potassiques
pourrait être préférentiellement localisée près du sarco-
ATP-dépendants (canaux KATP) ainsi que des modifications
lemme afin de maintenir les gradients ioniques transmem-
branaires. Au cours d’une ischémie sévère, l’activité de la de la perméabilité membranaire seraient également impli-
PFK-1 est inhibée par la faible disponibilité du glucose, la qués.
déplétion en glycogène, l’acidose intracellulaire et la trans- L’augmentation de la [Na+]i est la conséquence des
location du cytosol vers le sarcolemme. effets combinés de l’acidose intracellulaire et de l’arrêt de
La glycolyse anaérobie aboutit à la production de pyru- la pompe Na+/K+ ATP-dépendante. L’augmentation de la
vate puis de lactate. Alors qu’en condition aérobie le pyru- concentration intracellulaire de H+ stimule l’échangeur
vate est décarboxylé puis intégré dans le cycle des acides Na+/H+ dans le sens d’une extrusion des ions H+ et d’une
tricarboxyliques (cycle de Krebs), en anaérobie le pyruvate entrée des ions Na+ conduisant à une augmentation de la
est transformé en lactate par la lactate déshydrogénase. [Na+]i [6]. La diminution de l’extrusion du Na+ par la
L’accumulation de lactate ainsi que l’hydrolyse de l’ATP pompe Na+/K+ ATP-dépendante, du fait de la déplétion en

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Ischémie-reperfusion 16

ATP, renforce l’augmentation de la [Na+]i. Enfin, l’augmen- de lysophospholipides [12, 13]. L’accumulation de ces com-
tation de la perméabilité au Na+ du sarcolemme pourrait posés amphiphiles modifie les propriétés physico-chi-
participer à l’augmentation de la [Na+]i. miques des membranes cellulaires, le fonctionnement des
canaux ioniques transmembranaires et de la pompe Na+/K+
L’augmentation de la [Na+]i provoque l’activation de ATP-dépendante (tableau 2) [12]. Cependant, l’importance
l’échangeur Na+/Ca2+ dans le sens d’une extrusion des des altérations induites par l’accumulation des composés
ions Na+ et d’une entrée des ions Ca2+ [7]. L’entrée de Ca2+ amphiphiles au cours de l’ischémie reste à déterminer.
dans les cellules exposées à une ischémie est associée à une
diminution des capacités de régulation de la [Ca2+]i. En
effet, l’activité des Ca2+ ATPases du sarcolemme et du réti-
culum sarcoplasmique est diminuée ou stoppée au cours Tableau 2 / Effets des lysophospholipides et de l’acylcarnitine
de l’ischémie [8]. En outre, au niveau neuronal, une entrée sur les canaux et pompes transmembranaires
directe de Ca2+ est secondaire à l’ouverture des récepteurs
du N-méthyl-D-aspartate (NMDA) [9]. Ainsi, au cours de
l’ischémie reperfusion, la [Ca2+]i est multipliée par un fac- Ouverture prolongée et inactivation retardée des canaux Na+
teur 10 à 100 [9]. Une fraction du Ca2+ cytosolique est alors Diminution du courant potassique rectifiant entrant
captée par les mitochondries. L’augmentation de la [Ca2+]i
Activation des canaux K+ ATP-dépendants
est au cœur des lésions cellulaires et des dysfonctions
induites par l’ischémie-reperfusion. Les autres mécanismes Diminution de l’activité des Ca2+ ATPases du sarcolemme
en jeu incluent l’activation des monoxyde d’azote (NO) et du réticulum sarcoplasmique
synthétases, de protéases (calpains, caspases, etc.), la géné- Diminution de l’activité de la Na+/K+ ATPase
ration de radicaux libres, l’ouverture de canaux de la mem-
Na+ : sodium ; K+ : potassium ; ATP : adénosine 5’-triphosphate ; Ca2+ : ions calcium
brane interne de la mitochondrie ainsi que les effets sur
l’intégrité du cytosquelette.

Altérations mitochondriales Modifications fonctionnelles


Les mitochondries occupent une place centrale dans la et structurelles
physiopathologie de l’ischémie-reperfusion. L’augmen-
tation de la [Ca2+] dans la matrice mitochondriale, la pro- Outre la modification du fonctionnement de multiples
duction de radicaux libres et la formation d’un pore de enzymes clés, l’ischémie induit une inhibition des synthèses
perméabilité spécifique sont les modifications majeures protéiques et une destruction du cytosquelette.
identifiées au cours des lésions d’ischémie-reperfusion. La synthèse protéique est un processus complexe
Lors de l’ischémie, l’augmentation de la [Ca2+]i entraîne dépendant de l’énergie disponible, de l’équilibre ionique
une augmentation du Ca2+ dans la matrice mitochondriale de la cellule, de la capacité de phosphorylation et de l’in-
par le biais des transporteurs mitochondriaux de la mem- tégrité de nombreuses protéines. De fait, la synthèse pro-
brane interne. L’inhibition des phosphorylations oxydatives téique est inhibée par l’ischémie. Cette inhibition est
est la conséquence directe de la privation en O2. Une isché- profonde et durable dans le temps après l’épisode isché-
mie de 30 minutes altère le fonctionnement de tous les mique initial. Bien que les mécanismes précis impliqués
complexes de la chaîne de transport des électrons, même dans l’inhibition de la synthèse protéique soient mal
si les complexes I et III sont les plus sensibles. Par ailleurs, connus, l’augmentation de la [Ca2+]i semble à l’origine de
l’ischémie diminue les capacités anti-oxydantes des mito- modifications de la phosphorylation de certains facteurs
chondries car la concentration de glutathion peroxydase d’initiation (eukaryotic Initiation Factors : eIF-2, eIF-4, et
et l’activité de la superoxyde dismutase (SOD) sont abais- Guanine Exchange Factor) [14].
sées. C’est surtout au cours de la reperfusion que survien- L’ischémie induit des modifications rapides et impor-
nent les événements déterminants pour la cellule. tantes du cytosquelette. La désorganisation du réseau des
microtubules peut être mise en évidence dès les premières
Altérations minutes de l’ischémie selon les tissus et les espèces consi-
dérées. L’augmentation de la [Ca2+]i participe en grande
des membranes cellulaires partie à l’activation des enzymes responsables des réac-
tions de phosphorylation et de protéolyse des protéines
Il a été mis en évidence des modifications de la compo- constituant ou stabilisant les microtubules. Outre l’altéra-
sition et des propriétés physico-chimiques des membranes tion de nombreuses fonctions cellulaires (phagocytose,
cellulaires dans le cadre de l’ischémie [10, 11]. Il est admis exocytose, cohésion cellulaire, etc.), la destruction du
que les altérations physico-chimiques des membranes cel- réseau des microtubules contribuerait au processus de la
lulaires sont susceptibles de modifier la perméabilité mem- mort cellulaire par apoptose ou par nécrose. D’autres pro-
branaire mais aussi la conformation et le fonctionnement téines du cytosquelette (spectrine, calspectine, troponines,
des protéines transmembranaires comme les pompes et myosines, etc.) subissent les effets des protéases activées
canaux ioniques. par l’augmentation de la [Ca2+]i. Le dosage plasmatique de
certaines de ces protéines libérées par les cellules mortes
est utilisé comme une aide diagnostique des lésions isché-
Modifications miques, en particulier myocardiques.

du métabolisme des lipides


L’ischémie inhibe l’oxydation des acides gras libres et
Effets immunitaires
aboutit une augmentation d’un facteur 4 à 5 de la concen- et géniques
tration intracellulaire d’acides gras libres, d’acyl-coen-
zyme A (acyl-CoA) et d’acylcarnitine. D’un autre point de L’ischémie-reperfusion induit l’activation d’une réponse
vue, l’activation des phospholipases C et A2 dès les pre- immunitaire et inflammatoire qui partage des points com-
mières minutes de l’ischémie produit une quantité accrue muns avec celles impliquées dans la réponse à l’invasion

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

par un micro-organisme. Cette réponse immunitaire, dite l’origine des altérations membranaires et des
stérile par opposition à l’infection par un micro-organisme, lésions du cytosquelette. Par ailleurs, les modifica-
implique l’activation des récepteurs Toll, le recrutement et tions induites par l’ischémie prédisposent aux
l’activation des cellules immunitaires et l’activation du sys- lésions induites par la reperfusion éventuelle.
tème du complément. Les effets de cette réponse immuni- L’activation des systèmes de l’immunité et de
taire sont à la fois bénéfiques et délétères. l’inflammation participe également aux lésions
d’ischémie-reperfusion. Enfin, l’ischémie assure la
Les récepteurs Toll sont activés par la reconnaissance de promotion ou répression de l’expression de gènes
motifs moléculaires associés aux lésions cellulaires et tissu- impliqués non seulement dans les lésions cellulaires
laires. Ces molécules (fragment d’ARN, protéines du noyau (nécrose, apoptose, autophagie) mais aussi dans les
et des chromosomes, molécules telles que l’ATP, etc.) nor- mécanismes de défense contre l’ischémie.
malement exclusivement présentes dans le milieu intracel-
lulaire sont libérées dans le milieu extracellulaire au cours
des lésions d’ischémie-reperfusion. L’activation des récep-
teurs Toll induit la production et la libération de cytokines La reperfusion,
« un mal nécessaire »
et de chimiokines pro-inflammatoires non spécifiques.
L’inflammation stérile survenant au cours de l’ischémie-
reperfusion est également caractérisée par le recrutement
La reperfusion après une période d’ischémie est indis-
et l’activation des cellules de l’immunité innée et adapta-
pensable à la sauvegarde tissulaire mais elle induit une
tive par des mécanismes antigéniques et non antigéniques.
accélération et une exacerbation des lésions cellulaires
Celles de l’immunité innée (monocytes, cellules dendri-
constituées pendant l’ischémie. Les principaux mécanismes
tiques, etc.) produisent et libèrent des cytokines anti-
impliqués dans les lésions induites par la reperfusion sont
inflammatoires et contribuent à diminuer la production
la production en excès de radicaux libres de l’O2 (RLO), une
locale de radicaux libres de l’O2. Celles de l’immunité adap-
réponse inflammatoire favorisée par les lésions endothé-
tative (lymphocytes T) produisent des cytokines pro- ou
liales locales. Il en résulte une évolution des lésions cellu-
anti-inflammatoires selon leur type. L’infiltration du tissu
laires encore réversibles vers des lésions irréversibles.
ischémique par les lymphocytes T survient dès les 24 pre-
mières heures et peut persister plusieurs semaines. Enfin,
au cours de l’ischémie-reperfusion, le système du complé-
ment (auto-immunité innée) est activé, en partie au moins,
Production de radicaux libres
par les motifs moléculaires associés aux lésions cellulaires de l’oxygène
et tissulaires.
Les RLO sont des espèces chimiques très réactives pos-
Dès le début de l’ischémie la promotion de la transcrip- sédant un électron libre sur l’orbitale externe (tableau 3).
tion de nombreux gènes a été mise en évidence par l’iden- Le radical hydroxyle est le composé le plus hautement réac-
tification des acides ribonucléiques messagers (mARN) tif, capable de diffuser facilement au travers du sarco-
spécifiques et des protéines synthétisées. Les mécanismes lemme. Le peroxyde d’hydrogène est un oxydant puissant
impliqués dans cette activation génique sont incomplète- qui réagit de façon lente avec différents substrats orga-
ment élucidés et peu de données existent sur la nature niques, mais pouvant conduire à la production de radical
exacte des protéines dont la synthèse est induite par hydroxyle lorsqu’il réagit en présence de fer ferrique (Fe3+).
l’ischémie. L’activation du Heat Shock transcription Factor 1
(HSF1) semble jouer un rôle clé dans la régulation de l’ex-
pression des gènes cibles dont l’expression est activée par Tableau 3 / Radicaux libres de l’oxygène
l’ischémie. La diminution de la concentration en ATP et générés au moment de la reperfusion
l’acidose intracellulaire favorisent la liaison du HSF1 avec
son site promoteur spécifique sur la double hélice d’ADN.
Le HSF1 active la transcription des protéines de stress (Hsp O2– Anion superoxyde
pour Heat Shock Proteins) et réprime celle de certaines H2O2 Peroxyde d’hydrogène
cytokines (interleukine 1-b, tumor necrosis factor-a) [15].
OH Radical hydroxyle
La famille des Hsp (en particulier Hsp70 et Hsp90) exerce
une fonction de défense contre l’ischémie par l’intermé- ROO Peroxyde lipidique (R)
diaire de son activité chaperon permettant de lutter contre ONOO– Peroxynitrite
les altérations structurelles des protéines et en bloquant
l’action des caspases impliquées dans le processus d’apop- R = chaîne lipidique
tose. D’un autre côté, la diminution de la quantité d’O2
moléculaire active directement l’Hypoxia-Inducible
Factor 1 (HIF-1) agissant comme promoteur de la transcrip-
tion de nombreux gènes participant aux mécanismes Pendant l’ischémie, la formation de RLO par la chaîne
d’adaptation ou de défense contre l’ischémie (NO synthase mitochondriale de transport des électrons est faible car
inductible, transporteurs du glucose, enzymes glycoly- l’O2 est peu ou pas disponible. Lorsque l’O2 est réintroduit
tiques, facteurs de croissance vasculaire, etc.) [15]. après une ischémie, des RLO (anion superoxyde, peroxyde
d’hydrogène, radical hydroxyle) sont générés très rapide-
ment (dans les secondes qui suivent la réintroduction de
La cascade des événements induits par l’ischémie
l’O2) et en très grande quantité. Au niveau cellulaire, les
cellulaire est complexe. Le point de départ est la
RLO sont produits par la XO, la NADPH oxydase et les mito-
déplétion des stocks énergétiques cellulaires (ATP
chondries. Les cellules endothéliales et les polynucléaires
et PCr) qui est le berceau de perturbations fonction-
neutrophiles sont les cellules qui participent de façon
nelles et structurelles multiples. L’arrêt des méca- importante à la production de RLO [16].
nismes de régulation dépendant de l’ATP (Na+/K+
ATPase), la dépolarisation membranaire, la glyco- En anaérobie, l’hypoxanthine secondaire à la dégrada-
lyse anaérobie, l’accumulation intracellulaire tion de l’ATP s’accumule. En aérobie, lors de la reperfusion,
d’ions H+, Na+ et Ca2+ sont les événements clés à l’hypoxanthine est oxydée en xanthine par la XO en

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Ischémie-reperfusion 16

produisant ainsi des RLO (anion superoxyde et peroxyde L’ouverture d’un MPTP favorise la formation et l’ouver-
d’hydrogène) [17]. La XO est une enzyme cytosolique ubi- ture en chaîne d’autres pores du même type car la dépola-
quitaire. risation mitochondriale est également une condition
facilitante. La membrane interne devenant ainsi très per-
La production de RLO par les mitochondries provient méable, la forte concentration en protéines de la matrice
de la chaîne mitochondriale de transport des électrons, en mitochondriale réalise alors un appel colloïdo-osmotique
particulier les complexesI et III. d’eau. La matrice mitochondriale augmente de volume, la
Les RLO proviennent également des polynucléaires neu- mitochondrie gonfle et se déforme, les membranes interne
trophiles activés qui infiltrent le tissu au moment de la puis externe finissent par se rompre. Ainsi, des molécules
reperfusion. L’activation des polynucléaires neutrophiles habituellement séquestrées dans la mitochondrie sont libé-
par certaines fractions activées du complément et par les rées dans le cytosol et vont déclencher les processus de
cytokines va induire une augmentation brutale de la mort cellulaire comme l’apoptose. Parmi les protéines libé-
consommation d’O2 et une libération accrue de RLO dans rées dans le cytosol, le cytochrome c et la protéine smac
le milieu extracellulaire. (second mitochondria-derived activator of caspases) ont
une action pro-apoptotique majeure.
La production explosive de grandes quantités de RLO
dès les premières secondes de la reperfusion induit des Les éléments constitutifs du MPTP sont multiples et
réactions de peroxydation des lipides membranaires abou- incluent des canaux voltage-dépendants de la membrane
tissant à une perte de l’intégrité des membranes cellulaires mitochondriale externe interagissant avec l’adénine
favorisant les altérations mitochondriales et la nécrose cel- nucléotide translocase de la membrane mitochondriale
lulaire. Les RLO participent à la dénaturation des protéines interne régulée par la cyclophiline D et l’ATP synthétase
(protéines de la chaîne de transport des électrons, (complexe F1-F0) qui semble être un composant essentiel
du MPTP.
enzymes, canaux ioniques, transporteurs membranaires,
etc.) et de l’ADN. Les mitochondries sont particulièrement
sensibles aux actions des RLO produits lors de la reperfu-
sion. Les RLO participent à l’attraction et l’activation des
Lésions
polynucléaires neutrophiles par le biais de l’activation de et dysfonction vasculaire
la phopholipase A2 à l’origine de la synthèse des eicosa-
noïdes (thromboxane A2, leukotriènes, etc.). Enfin, les RLO L’ischémie-reperfusion s’accompagne d’une dysfonction
sont susceptibles d’activer l’expression des gènes codant microvasculaire associant une augmentation de la perméa-
les molécules d’adhésion et les cytokines par l’intermé- bilité vasculaire, un déséquilibre entre les facteurs
diaire de l’activation du Nuclear Factor-kB (NF-kB). Le rôle vasoconstricteurs et vasodilatateurs, une réaction inflam-
des RLO dans les lésions induites par la reperfusion est sou- matoire endothéliale et une activation du système de la
tenu par de nombreux travaux montrant l’atténuation ou coagulation et du complément ainsi que des phénomènes
la prévention des lésions de reperfusion par l’administra- d’obstruction microvasculaire (phénomène du no-reflow).
tion d’anti-oxydants [1, 16, 17]. Cependant, les résultats Pendant la phase d’ischémie survient une augmenta-
controversés des études cliniques ne permettent pas, à ce tion de la perméabilité endothéliale d’origine multifacto-
jour, de proposer les agents anti-oxydants pour la préven- rielle et non spécifique secondaire aux lésions cellulaires
tion ou le traitement des lésions induites par la reperfusion directes induites par l’ischémie et à l’activation des sys-
chez les patients. tèmes de l’inflammation [2, 16].
Au moment de la reperfusion, les polynucléaires neu-
Lésions et dysfonction trophiles sont attirés et activés par l’expression de molé-

de la mitochondrie cules d’adhésion. Ce phénomène est dépendant des


sélectines exprimées à la surface des polynucléaires neu-
trophiles (L-sélectine) et des cellules endothéliales (P-sélec-
Il est maintenant bien admis que la mitochondrie est au tine et E-sélectine). Tandis que la L-sélectine est exprimée
centre des lésions d’ischémie-reperfusion. En conditions de façon constitutive à la surface des polynucléaires neu-
physiologiques, la membrane interne de la mitochondrie trophiles, la P-sélectine et la E-sélectine le sont par les cel-
n’est perméable que pour quelques molécules et certains lules endothéliales dans les heures qui suivent le début de
ions afin de maintenir un gradient électrochimique indis- la reperfusion. L’expression des sélectines permet aux poly-
pensable à la synthèse de l’ATP. Les conditions physico-chi- nucléaires neutrophiles de rouler le long de la paroi vas-
miques associées à la reperfusion (retour du pH vers des culaire (phénomène du “rolling”). Dans le même temps,
valeurs normales, augmentation de la [Ca2+] dans la l’expression de molécules d’adhésion (ICAM-1 pour
matrice mitochondriale, présence de RLO, accumulation de InterCellular Adhesion Molecule-1) par les cellules endo-
Pi, déplétion en nucléotide adénylique) induisent la for- théliales va permettre l’adhérence des polynucléaires
mation et l’ouverture prolongée d’un pore non spécifique neutrophiles puis leur migration vers le tissu. Les polynu-
au sein de la membrane interne de la mitochondrie. Ce cléaires neutrophiles activés sont capables d’induire des
pore est appelé pore de transition de perméabilité lésions tissulaires par l’intermédiaire de différents méca-
mitochondrial (MPTP pour Mitochondrial Permeability nismes tels que la libération de RLO et des enzymes cyto-
Transition Pore). Une fois ouvert, le MPTP laisse passer de toxiques contenus dans les lysosomes. Les protéases
façon non sélective toute molécule d’un poids moléculaire (collagénase, gélatinase) libérées dans le tissu infiltré par
inférieur à 1,5 kDa. Par conséquent, le passage libre des les polynucléaires neutrophiles vont altérer la perméabilité
protons à travers la membrane interne de la mitochondrie vasculaire en lysant les cellules endothéliales, en détruisant
diminue le potentiel électrochimique entre la matrice et la membrane basale servant de support à l’endothélium.
l’espace intermembranaire mitochondrial, ce qui stoppe le Les héparinases et élastases vont détruire les protéines de
fonctionnement de la chaîne mitochondriale de transport structure de la matrice extracellulaire et les constituants
des électrons et donc la synthèse d’ATP. De plus, cela favo- du glycocalyx des cellules environnantes. L’accumulation
rise l’inversion du fonctionnement de l’ATP synthase en des polynucléaires neutrophiles dans la lumière vasculaire
faveur d’une hydrolyse de l’ATP. La concentration en ATP va réaliser une obstruction mécanique participant au phé-
diminue, ce qui amplifie les lésions cellulaires initiées lors nomène de no-reflow. Enfin, les polynucléaires activés libè-
de l’ischémie. rent des substances vasoconstrictrices et le facteur

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

activateur des plaquettes (PAF pour Platelet Activating endothéliales et les polynucléaires neutrophiles
Factor). L’activation des plaquettes ainsi induite provoque sont les cellules clés des lésions induites par la
leur agrégation, renforçant l’obstruction vasculaire, et la reperfusion. L’activation du système du complé-
libération de facteurs vasoconstricteurs (thromboxane A2, ment va participer à l’initiation et à l’amplification
sérotonine, thrombine, etc.). de la réaction inflammatoire et induire des lésions
directes des membranes cellulaires.
Outre leurs fonctions dans l’adhésion et la migration
des polynucléaires neutrophiles, les cellules endothéliales
sont une source importante de molécules vasoactives. À la
phase initiale de l’ischémie-reperfusion, il existe une dimi-
nution importante de la production de NO par la NO
Mort cellulaire au cours
synthase constitutive. De manière concomitante, la produc-
tion d’anion superoxyde par la XO et une synthèse accrue
de l’ischémie-reperfusion
d’endothéline génèrent un tonus vasoconstricteur. Enfin, L’ischémie-reperfusion active les cascades de mort cel-
l’ischémie-reperfusion est le berceau d’une augmentation lulaire telles que la nécrose, l’apoptose et l’autophagie.
de l’expression de la NO synthase inductible produisant de
grandes quantité de NO à l’origine d’une toxicité directe La nécrose est caractérisée par la survenue d’un œdème
par formation de peroxynitrites et d’une toxicité indirecte cellulaire et des organites intracellulaires conduisant à la
par activation de facteurs de transcription, dont le NF-kB, rupture des membranes et à la dispersion de leur contenu.
régulant l’expression de gènes impliqués dans la réaction Les cellules nécrotiques sont de puissants stimulants des
inflammatoire. réponses immunitaire et inflammatoire comme décrit plus
haut. Au contraire, l’apoptose est caractérisée par une
signalisation intracellulaire spécifique aboutissant à la des-
Activation truction du cytosquelette, des organites et du noyau de la
du système du complément cellule avec conservation de l’intégrité de la membrane cel-
lulaire jusqu’à un stade tardif du processus. L’apoptose
stimule également les réponses immunitaire et inflamma-
Le système du complément est composé de plus de
toire, en particulier par la libération extracellulaire d’ATP
30 protéines retrouvées dans le plasma et les cellules. Il
par des canaux de la famille des pannexines.
s’agit d’un système physiologique de défense jouant un
rôle clé dans l’initiation des lésions tissulaires et de la réac- L’autophagie semble être une réponse adaptative à un
tion inflammatoire. En l’absence de reperfusion, l’activa- stress cellulaire subléthal moins bien connue et dépendant,
tion du complément est tardive et fait partie intégrante au moins en partie, de l’expression de gènes spécifique
des mécanismes impliqués dans la nécrose cellulaire. Au dont celui des protéines HIF et des protéines de la famille
contraire, lorsque survient la reperfusion, le complément mTOR (mammalian Target Of Rapamycin). L’autophagie est
est activé immédiatement et va participer aux lésions tis- une autodigestion des organites intracellulaires réalisée
sulaires induites par celle-ci. La production excessive de par des lysosomes ou la formation de vésicules autopha-
RLO à la phase initiale de la reperfusion est un des élé- giques riches en enzymes.
ments à la source de l’activation du complément.
La formation d’anaphylatoxines (particulièrement C3a
et C5a) va stimuler et amplifier la réaction inflammatoire Programme cellulaire
de tolérance
locale, induire la production de cytokines (IL-1, IL-6, TNF-a,
etc.), altérer la perméabilité vasculaire, induire une
contraction des cellules musculaires lisses vasculaires et
provoquer la libération d’histamine par les mastocytes et à l’ischémie-reperfusion
les polynucléaires basophiles. Par ailleurs, la fraction iC3b
obtenue après clivage du C3b participe à l’adhérence des À la fin des années 1980, le plus puissant mécanisme de
polynucléaires neutrophiles activés. Le complexe terminal tolérance aux lésions d’ischémie-reperfusion connu à ce
C5b-9, appelé aussi complexe d’attaque membranaire jour a été mis en évidence : le préconditionnement (Pré-
(Membrane Attack Complex), va favoriser la synthèse et C). Le Pré-C est défini par l’application, juste avant la sur-
l’expression des molécules d’adhésion à la surface des cel- venue d’une ischémie, d’un stimulus (ischémique,
lules endothéliales et induire directement des lésions du pharmacologique, physique) qui va réduire les lésions
sarcolemme [16]. d’ischémie-reperfusion. À la fin des années 1990, est décrit
le conditionnement à distance (CaD) ou remote conditio-
ning, réalisé par l’application d’un stimulus sur un organe
La reperfusion est le berceau d’une exacerbation et distant de celui qui est exposé. Au début des années 2000,
d’une accélération des lésions induites par l’isché- le postconditionnement (Post-C) a été décrit comme l’ap-
mie. La réintroduction de l’O2 génère une produc- plication, au tout début de la reperfusion, d’un stimulus
tion explosive de RLO source de lésions directes des qui va réduire les lésions d’ischémie-reperfusion.
membranes cellulaires et des protéines et de lésions
indirectes par initiation de la réaction inflamma- Quel que soit le principe appliqué (Pré-C, Post-C ou
toire. La mitochondrie est l’organite cellulaire qui CaD), la réduction des lésions observée est intense (réduc-
joue une fonction centrale dans les lésions de reper- tion de 50 à 70 % du volume final d’infarctus) et compara-
fusion. La formation d’un pore de perméabilité non ble. Toutes les cellules de l’organisme semblent pouvoir
spécifique aboutit au dysfonctionnement puis à la répondre à un stimulus conditionnant. Deux périodes de
rupture de la mitochondrie. Les protéines mitochon- tolérance ont été identifiées : la première, précoce et puis-
driales libérées dans le cytosol vont promouvoir sante, activée immédiatement après l’application du sti-
l’expression des programmes de mort cellulaire tels mulus et perdurant 2 à 4 heures ; la seconde, tardive et
que l’apoptose. La reprise du flux sanguin dans un modérée, débute dans les 12 à 24 heures suivant le stimu-
tissu préalablement soumis à une ischémie lus initial et peut durer plusieurs jours. Enfin, pour que l’ef-
déclenche une réaction inflammatoire locale à l’ori- fet du conditionnement s’exprime, il est indispensable que
gine de lésions tissulaires et d’une altération fonc- la reperfusion survienne avant que les lésions ischémiques
tionnelle de l’organe en cause. Les cellules soient irréversibles dans le tissu ou l’organe considéré.

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Ischémie-reperfusion 16

Cette capacité cellulaire ubiquitaire d’exprimer un phéno- ont été plus particulièrement identifiées : la voie RISK
type tolérant aux lésions d’ischémie-reperfusion a fait l’ob- (Reperfusion Induced Salvage Kinases), la voie SAFE
jet d’une recherche très intense avec l’espoir d’une (Survival Activating Factor Enhancement) et la voie du
transposition en clinique humaine. NO/PKG.
D’autres médiateurs tels que l’HIF-1a et certains micro-
Stimulus ARN sont impliqués dans le conditionnement mais leur rôle
exact reste à déterminer. Les micro-ARN sont des séquences
permettant l’expression non codantes de 22 nucléotides qui régulent l’expression
du conditionnement ou la répression de gènes spécifiques.
Le conditionnement tardif, s’exprimant dans les 24 à
Le premier stimulus décrit a été l’ischémie. Ainsi, une 48 heures après le stimulus initial, fait appel à l’expression
ou plusieurs périodes d’ischémie brève sont capables de de gènes et à la synthèse de protéines. Les principales pro-
déclencher le Pré-C, le Post-C ou le CaD selon le moment téines dont l’expression et la synthèse sont stimulées par
ou le lieu de leur application. Par la suite, de nombreux le conditionnement sont des enzymes : NO-synthétase
agents pharmacologiques et physiques ont été décrits induite, cyclo-oxygénase 2, la SOD, l’adolase réductase et
comme capables de déclencher le conditionnement. La l’hème oxygénase.
liste non exhaustive comprend les agonistes morphiniques,
les anesthésiques volatils halogénés, la kétamine, l’adéno-
sine, la bradykinine, les agonistes des récepteurs adréner-
giques, les statines, le NO, certains peptides endogènes
Effecteurs du conditionnement
(urocortine, endothéline, peptide natriurétique, etc.), la À ce jour, la mitochondrie est clairement identifiée
cyclosporine, le froid, la chaleur, le stretch cellulaire… comme essentielle dans l’ischémie-reperfusion et le condi-
Quel que soit le stimulus, le moment de son application tionnement. Cette place centrale s’explique, en partie au
et son intensité sont des éléments primordiaux pour l’effi- moins, par les fonctions clés que joue la mitochondrie dans
cacité du conditionnement. Ainsi, pour un stimulus isché- la synthèse de l’ATP, les processus de survie et mort cellu-
mique, la durée des cycles d’ischémie-reperfusion et le laire. Dans la mitochondrie, les canaux KATP et le MPTP
nombre de cycles appliqués sont déterminants. Pour les décrit plus haut semblent être les acteurs principaux du
agents pharmacologiques, ce seront la concentration appli- conditionnement.
quée et la durée de l’exposition. Enfin, un âge avancé, cer- Ce pore semble être une cible vers laquelle convergent
taines pathologies, certains traitements chroniques, certaines cascades enzymatiques sus-décrites. Ainsi, la
certaines conditions (hyperglycémie) peuvent modifier à la GSK3b (de la voie de signalisation RISK) inhiberait l’ouver-
fois le seuil de déclenchement et l’efficacité obtenue.
ture du MPTP. En effet, c’est l’ouverture prolongée du
MPTP au moment de la reperfusion qui est à l’origine des
Médiateurs impliqués lésions cellulaires.

dans le conditionnement Les canaux KATP sont retrouvés en grande quantité au


niveau du sarcolemme et de la membrane interne de la
Les mécanismes cellulaires impliqués dans le condition- mitochondrie. Ils semblent être la cible de la voie du
nement sont variés, complexes et font encore l’objet d’une NO/PKG. L’ouverture de ces canaux, secondaire à la baisse
recherche intense. Le principe simplifié est celui d’un sti- de la concentration en ATP, permet l’entrée de ions K+ dans
mulus activant un récepteur de voies de signalisation et de la matrice mitochondriale et la production de petites quan-
transduction d’un ou plusieurs effecteurs. Cependant, tités de RLO. Cette production locale de RLO phosphoryle
cette vision didactique ne permettra pas d’illustrer les et active la PKCe. Bien que cette dernière soit indispensable
interactions dynamiques spatiales (localisation et translo- au conditionnement précoce et tardif, ses actions exactes
cation d’enzymes) et temporelles (co-activation de voies de restent mal connues et dépendent de sa translocation vers
signalisation) qui existent. Nous aborderons succinctement des sites cellulaires (sarcolemme, mitochondrie, cytosol).
les principaux médiateurs et effecteurs cellulaires actuel- Celles qui ont été identifiées sont la phophorylation et l’ac-
lement connus. tivation des canaux KATP et d’autres isoformes de PKC.

La protéine kinase C (PKC), principalement la PKCa, a D’autres protéines mitochondriales jouent un rôle dans
été le premier médiateur identifié via la démonstration le conditionnement. Ainsi, la translocation de la connexine
pharmacologique de la suppression du conditionnement 43 vers la mitochondrie contribue à l’ouverture de canaux
par l’administration d’inhibiteurs de la PKC. La PKC peut KATP et favorise la production d’ATP. D’autres enzymes,
être phosphorylée et activée notamment par les voies de telles que l’hexokinase 2 et l’aldéhyde déshydrogénase,
signalisation associées aux récepteurs couplés aux pro- participent aux effets protecteurs du conditionnement sur
téines G. Il reste encore à élucider les très nombreuses les fonctions et la structure mitochondriale.
interactions entre la PKC et d’autres protéines kinases, le
rôle des différentes isoformes de PKC et les phénomènes
de migration intracellulaire et de co-localisation de la PKC. Transposition clinique
D’autres kinases comme les protéines kinases A, les pro- du conditionnement
téines kinases G, la phosphatidylinositol (4,5)-bisphosphate
3-kinase (PI3K), la Glycogen Synthase Kinase 3b (GSK3b), L’induction d’un conditionnement peut permettre
les Mitogen-Activated Protein Kinases (MAPK), en particu- d’augmenter la tolérance à une ischémie-reperfusion
lier la p38 MAPK, et les Jun-Activated Kinases (JAK), sont lorsqu’elle est prévisible ou probable ou lorsque le
également impliquées mais leurs fonctions restent à éclair- moment de la reperfusion est prévisible car résultant d’une
cir. L’ensemble des kinases identifiées dans le conditionne- thérapeutique. Les principales situations cliniques dans les-
ment forment un réseau complexe dans lequel des quelles une ischémie-reperfusion est prévisible sont la chi-
interactions multiples sont possibles. Des voies de signali- rurgie cardiaque avec mise en place d’une circulation
sation impliquant des interactions successives de kinases extracorporelle, les chirurgies avec clampage vasculaire et

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

les prélèvements d’organes destinés à être greffés. Enfin, après le stimulus initial) et l’autre tardive, prolon-
la reperfusion est prévisible lors des procédures d’angio- gée, mais moins puissante (24-48 heures après le
plastie ou de thrombolyse, notamment coronaires. stimulus initial).
Les applications cliniques du conditionnement sont
Les premières études cliniques réalisées ont testé les à l’étude dans de nombreuses situations cliniques
effets du pré-C ischémique et pharmacologique sur l’isché- exposées à une ischémie-reperfusion globale ou
mie-reperfusion myocardique per-opératoire en chirurgie locale. Les résultats encourageants devront être
coronaire programmée. Ces études ont montré que le Pré- confirmés.
C était efficace sur des critères de jugement intermédiaires
comme la libération de troponine postopératoire. De rares
études, incluant de petits collectifs de patients, suggèrent
un effet sur la fonction d’organe objectivée par la mesure Ischémie-reperfusion
appliquée
du débit cardiaque, la survenue des arythmies. Toutefois,
le clampage itératif d’artères pathologiques augmente le
temps de la procédure chirurgicale et expose à des risques
de lésion de la paroi artérielle et d’embolie. C’est pourquoi aux différents organes
le Pré-C pharmacologique est apparu comme une alterna-
tive. De nombreux agents ont été évalués dans des études
de faisabilité sans résultats probants. Les anesthésiques
Ischémie-reperfusion
volatils halogénés restent à ce jour les agents les plus étu- myocardique
diés. Les résultats des études cliniques réalisées dans le
cadre de la chirurgie cardiaque suggèrent un bénéfice des L’ischémie-reperfusion myocardique est source d’une
anesthésiques volatils halogénés pour le patient mais doi- mortalité et d’une morbidité importante. Ses principales
vent être confirmés par des études cliniques supplémen- manifestations cliniques sont représentées par les troubles
taires [18-21]. du rythme ventriculaire, la sidération myocardique, l’hiber-
nation myocardique et les arythmies de reperfusion.
Le Post-C ischémique ou pharmacologique a été exa-
miné dans le contexte du syndrome coronaire aigu. Ainsi,
lors d’une angioplastie coronaire, le Post-C ischémique ou Troubles du rythme ventriculaire
pharmacologique par administration de cyclosporine A Les troubles du rythme ventriculaire observés à la phase
(inhibant l’ouverture du MPTP par son interaction avec la initiale de l’ischémie myocardique sont secondaires à des
cyclophiline D) a révélé son efficacité pour réduire la libé- automatismes anormaux, à des ralentissements localisés de
ration de troponine, améliorer la fonction ventriculaire la conduction à l’origine de circuits de réentrée, à la dis-
gauche et l’incidence des arythmies en postprocédure. persion des périodes réfractaires et à des troubles de l’ex-
Comme pour le Pré-C, ces résultats devront être confirmés. citabilité (postdépolarisations précoces ou tardives). Les
Le Post-C est également étudié dans d’autres situations cli- mécanismes impliqués dans ces troubles du rythme sont la
niques (arrêt cardiaque réanimé avec succès, accident vas- dépolarisation membranaire et les modifications des
culaire cérébral, etc.). concentrations intra- et extracellulaire des ions induites par
l’ischémie.
Le CaD a été très étudié en pratique clinique du fait de
sa simplicité de mise en œuvre par l’intermédiaire de
séquences d’ischémie-reperfusion réalisées sur le membre Sidération myocardique
supérieur ou inférieur. Cette procédure est celle qui actuel-
La sidération myocardique (stunning) est une dysfonc-
lement réunit les études de plus grande envergure mettant
tion myocardique transitoire survenant après la reperfu-
en évidence un bénéfice du CaD en chirurgie coronaire
sion du myocarde ischémique et ce, malgré l’absence de
programmée sur le pronostic à long terme des patients.
lésions irréversibles. Elle est totalement réversible avec le
Dans les années à venir, il est probable que les temps même si des traitements inotropes positifs peuvent
méthodes de conditionnement montrent des bénéfices être nécessaires à la phase initiale. Les mécanismes impli-
pour les patients exposés à des situations d’ischémie-reper- qués sont principalement les lésions induites par la produc-
fusion. Chaque situation clinique devra faire l’objet tion explosive de RLO et les anomalies de l’homéostasie du
d’étude spécifique afin de déterminer la meilleure façon Ca2+. La diminution ou l’inadéquation de la synthèse d’ATP
de tirer profit du conditionnement ischémique ou pharma- à la phase initiale de la reperfusion et les lésions endothé-
cologique. liales et vasculaires à l’origine d’un vasospasme ou d’un
flux sanguin incomplètement restauré (no-reflow) sont
également impliquées. Les circonstances cliniques au cours
Le conditionnement ischémique ou pharmacolo- desquelles la sidération myocardique peut être observée
gique est le plus puissant mécanisme de protection sont la reperfusion à la phase aiguë de l’infarctus du myo-
endogène face aux lésions cellulaires et aux consé- carde, la chirurgie cardiaque avec circulation extracorpo-
quences fonctionnelles de l’ischémie-reperfusion. relle, l’angioplastie coronaire [22].
Les signaux déclenchant le conditionnement sont
multiples (ischémies-reperfusions brèves et répé-
tées, agents pharmacologiques, stress physique) et Myocarde hibernant
impliquent de nombreux types de récepteurs mem- Le myocarde hibernant est une dysfonction myocar-
branaires. Les voies de signalisation sont complexes dique persistante secondaire à une ischémie chronique,
et intriquées et font appel à des cascades d’activa- totalement réversible après la reperfusion myocardique.
tion d’enzymes. L’effecteur final est la mitochondrie L’hypothèse physiopathologique principalement avancée
avec, comme cible particulière, l’inhibition de l’ou- est une autorégulation de la fonction contractile du myo-
verture d’un pore de perméabilité à l’origine des carde due à un apport en substrat énergétique chronique-
signaux de mort cellulaire. ment insuffisant. La situation clinique principale
Le conditionnement procure deux fenêtres de pro- correspond aux patients présentant une atteinte sévère et
tection : l’une précoce et puissante (2-4 heures diffuse du réseau coronaire.

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Ischémie-reperfusion 16

Arythmies de reperfusion polarité et l’expression de molécules d’adhésion conduisent


à une obstruction tubulaire par formation de cylindre de
Les arythmies de reperfusion sont très fréquentes chez débris cellulaires. L’obstruction tubulaire gène l’excrétion de
les patients au cours de la reperfusion coronaire à la phase l’urine et provoque une rétrodiffusion de l’ultrafiltrat glo-
aiguë de l’infarctus du myocarde ou après chirurgie car- mérulaire dans l’interstitium, augmentant encore la com-
diaque avec circulation extracorporelle. Cependant, les pression extrinsèque des vaisseaux de la medulla.
arythmies de reperfusion sont le plus souvent sans gravité
car représentées en majorité par le rythme idioventriculaire
accéléré. Les mécanismes impliqués dans ces arythmies sont Ischémie-reperfusion
les anomalies de l’homéostasie du Ca2+ et les mouvements
rapides d’ions de part et d’autre du sarcolemme. hépatique
L’ischémie-reperfusion hépatique peut survenir au cours
Ischémie-reperfusion cérébrale de la chirurgie hépatique, de la chirurgie nécessitant une
circulation extracorporelle, de la transplantation hépa-
L’ischémie-reperfusion cérébrale peut survenir dans de tique, mais aussi lors d’un état de choc hémorragique, car-
nombreuses circonstances cliniques telles que l’accident diogénique ou septique. L’importance des lésions
vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique, le trau- hépatiques secondaires à l’ischémie-reperfusion dépend
matisme crânien grave, l’arrêt circulatoire, l’hémorragie principalement de l’existence de pathologies hépatiques
méningée et la cure chirurgicale d’une malformation arté- préexistantes et de la durée de l’ischémie. Lorsque les
rielle de la circulation cérébrale. lésions hépatiques parviennent à une insuffisance hépato-
cellulaire, la mortalité augmente de façon importante [23].
Les perturbations cellulaires non spécifiques induites En plus des effets non spécifiques liés à l’ischémie, les
par l’ischémie-reperfusion sont observées au niveau des lésions hépatiques sont principalement le fait des consé-
neurones. Toutefois, la libération de glutamate, la stimu- quences de la reperfusion. Les deux principaux effets délé-
lation des récepteurs du NMDA et de l’a-amino-3-hydroxy- tères de la reperfusion hépatique sont l’altération de la
5-méthyl-4 isoxazolepropionate (AMPA) pourraient jouer régulation du flux sanguin hépatique et l’activation de la
un rôle délétère spécifique. La complexité anatomique et réaction inflammatoire.
fonctionnelle du système nerveux central se retrouve au
niveau cellulaire où des populations neuronales d’origine La réaction inflammatoire hépatique induite par l’isché-
différente ont une susceptibilité différente vis-à-vis de mie-reperfusion est secondaire à l’activation des cellules
l’ischémie-reperfusion. Ceci témoigne, en partie au moins, de Kupffer. Celles-ci vont produire et libérer des cytokines
de la différence de fonction et de métabolisme des diffé- pro-inflammatoires et générer une quantité importante de
rentes populations neuronales. radicaux libres. Il en résulte une cascade d’événements
aboutissant à des lésions directes ou indirectes des cellules
Les particularités de l’ischémie cérébrale sont la perte de parenchymateuses et des cellules endothéliales des sinu-
l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique favorisant la soïdes hépatiques.
migration des cellules inflammatoires, le développement de
l’œdème cérébral (qui, du fait de l’inextensibilité de la boîte
crânienne, engendre une augmentation de la pression
intracrânienne) et la perte de l’autorégulation de la circu-
Ischémie-reperfusion
lation cérébrale [5]. La fonction protectrice de l’hypother- splanchnique
mie modérée est un domaine de recherche prometteur.
Son effet bénéfique est la conséquence de mécanismes L’ischémie du territoire splanchnique peut être associée
multiples dont la baisse de la consommation cérébrale en à de nombreuses situations cliniques où le débit sanguin
O2, la diminution de la libération des neurotransmetteurs est dirigé principalement vers le cerveau et le cœur (choc
délétères, de la production de RLO et de l’intensité de la hémorragique, septique ou cardiogénique, insuffisance
réaction inflammatoire et œdémateuse, et l’inhibition ou cardiaque, pression intra-abdominale augmentée, chirur-
le ralentissement des cascades biochimiques délétères. gie vasculaire et cardiaque avec mise en place d’une circu-
lation extracorporelle, etc.). La régulation du flux sanguin
splanchnique est complexe et les mécanismes physiopatho-
Ischémie-reperfusion rénale logiques impliqués sont mal connus. Toutefois, il est bien
établi que l’ischémie hépatique et splanchnique est à l’ori-
L’ischémie-reperfusion rénale survient principalement gine d’une morbidité et d’une mortalité particulièrement
au cours de la transplantation rénale et au cours de la élevée chez les patients en état critique [25].
période péri-opératoire, particulièrement en chirurgie vas-
La diminution du flux sanguin splanchnique peut être la
culaire. Elle est à l’origine d’une insuffisance rénale aiguë
conséquence d’une vasoconstriction intense par augmenta-
fonctionnelle qui augmente de façon significative la mor-
tion du tonus du système nerveux sympathique et du
bidité et la mortalité dans la période péri-opératoire et
système rénine-angiotensine ou par administration intravei-
peut aboutir à un échec de la transplantation.
neuse d’agonistes des récepteurs a-adrénergiques. Dans le
La grande hétérogénéité de la microcirculation rénale, cadre du choc hémorragique, la libération de vasopressine a
la complexité de l’irrigation des tubules dans la medulla et également été impliquée [25]. La principale conséquence
le débit sanguin relativement faible que reçoivent les délétère de l’ischémie splanchnique est l’augmentation de
tubules peuvent expliquer la grande vulnérabilité de la la perméabilité de la muqueuse digestive conduisant à la
région médullaire à la baisse de la perfusion. Les consé- translocation de bactéries pathogènes de la lumière diges-
quences non spécifiques de l’ischémie-reperfusion décrites tive vers le système lymphatique puis vers le compartiment
précédemment sont donc principalement observées au sanguin. L’ischémie splanchnique prolongée peut aboutir à
niveau des cellules tubulaires. L’œdème cellulaire participant la nécrose plus ou moins étendue du tube digestif, source
à la compression des vasa recta veineux de la medulla et la d’une mortalité très élevée. En pratique clinique, l’estimation
baisse de la pression de perfusion diminuant le flux sanguin du débit sanguin splanchnique est difficile et il n’existe pas
dans la partie artérielle induisent rapidement une baisse ou de preuves formelles concernant les différentes thérapeu-
un arrêt du débit de filtration glomérulaire. Par ailleurs, l’ex- tiques (fenoldopam, dopamine, dobutamine, enoximone)
foliation des cellules épithéliales tubulaires, la perte de leur utilisées pour l’augmenter ou limiter sa baisse.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

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OXYGÉNATION TISSULAIRE

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• Critiques des modèles expérimentaux Physiopathologie
• Réponse neuro-hormonale
• Modulation de la réponse neuro-hormonale du choc hémorragique
• Mouvements hydro-électrolytiques
et lymphatiques
• Conséquences du choc prolongé Benoît Vivien*, Bruno Riou**
• Conséquences pharmacologiques * Service d’anesthésie-réanimation-SAMU,
Hôpital universitaire Necker-Enfants malades,
• Conséquences des traitements Université Paris-Descartes (Paris V), Paris
du choc hémorragique ** Service d’accueil des urgences, CHU Pitié-Salpêtrière,
Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), Paris

e choc hémorragique représente la principale à une valeur prédéterminée (de l’ordre de 40 à 50 mmHg),
cause de détresse circulatoire chez le patient trau- qui est ensuite maintenue constante pendant une période
matisé grave et reste encore la principale cause de de durée variable (de 1 à 2 heures en général) (figure 1).
décès dans les 24 premières heures chez ces L’obtention et le maintien de la pression artérielle
patients [1]. C’est la première cause de mortalité moyenne prédéfinie nécessitent dans un premier temps de
maternelle dans le péri-partum, et c’est également poursuivre la spoliation sanguine puis, dans un second
une urgence vitale fréquente parmi les urgences temps, de retransfuser le sang soustrait ; à la fin de l’expé-
médicales et chirurgicales [2]. Comme tout état de rimentation, le sang prélevé est intégralement retransfusé.
choc, il est caractérisé par une diminution aiguë et Ce modèle d’hémorragie contrôlée présente l’intérêt de
durable de la perfusion tissulaire, liée à la réduc- permettre l’étude d’un choc hémorragique prolongé et, en
tion de la masse sanguine circulante, conduisant à particulier, de la phase dite irréversible du choc. Ainsi, sur
une réduction des apports nutritionnels aux cel- 100 chiens soumis à ce protocole, 20 % survivent (choc
lules, et donc à une inadéquation entre les besoins compensé), alors que 80 % décèdent (choc décompensé)
et les apports métaboliques, en particulier en oxy- [4]. Les perturbations observées dans ce type de modèle
gène. La physiopathologie du choc hémorragique hémorragique sont multiples, concernant surtout la micro-
peut sembler simple et bien connue au premier circulation (en particulier splanchnique) et la contractilité
abord, car elle a bénéficié de nombreuses études myocardique.
expérimentales et cliniques depuis de très nom-
Dans un autre type de modèle de choc hémorragique,
breuses années, mais elle est en fait complexe [1].
la spoliation sanguine est certes également contrôlée, mais
Cette complexité s’explique, d’une part, par la mul-
elle est progressivement croissante (figure 1). On observe
tiplicité des systèmes nerveux, hormonaux et
classiquement deux phases, la première correspondant à
immunitaires qui interviennent, volontiers redon-
dants et/ou interactifs, et, d’autre part, par la diffi- l’activation du système sympathique (phase sympatho-acti-
culté d’interprétation des études, les modèles vatrice), et la seconde à une inactivation de ce même sys-
utilisés étant différents et les résultats variables tème (phase sympatho-inhibitrice). Les deux phases se
selon l’espèce animale considérée. Néanmoins, succèdent dans le temps en fonction de l’importance de
seule une bonne compréhension de ces phéno- l’hypovolémie, sans que l’on puisse parler de phase de choc
mènes complexes peut permettre de définir les réversible ou non. L’intérêt de ce modèle est de pouvoir
priorités thérapeutiques et de mettre au point de étudier les mécanismes compensateurs mis en jeu en fonc-
nouveaux traitements efficaces pour éviter la sur- tion du degré d’hypovolémie, ainsi que les interférences
venue des complications du choc hémorragique possibles avec différentes interventions pharmacologiques
prolongé, en particulier le syndrome de défaillance (comme, par ex., l’utilisation d’agents anesthésiques).
multiviscérale. À l’opposé des deux précédents modèles d’hémorragie
contrôlée, des modèles d’hémorragie non contrôlée ont
été proposés plus récemment. Ils ont été élaborés pour

Critiques des modèles permettre de se rapprocher au mieux de la réalité clinique,


afin de comparer différentes techniques de réanimation
expérimentaux du choc hémorragique [5], les études cliniques étant
particulièrement difficiles à réaliser dans ce contexte habi-
tuellement dramatique. Dans ce type de modèle, le saigne-
Les différents modèles ment, une fois déclenché par l’expérimentateur, se
poursuit de façon non contrôlée et l’importance de l’hé-
Le modèle classique de Wiggers [3] est un modèle de morragie est fonction de l’état hémodynamique de l’ani-
choc hémorragique dans lequel une spoliation sanguine mal (en particulier de sa pression artérielle moyenne). Ces
est effectuée pour amener la pression artérielle moyenne modèles ont permis de mettre en évidence des résultats

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Figure 1 / Principaux modèles


expérimentaux de choc hémorragique
À gauche, une hémorragie d’importance
Hémorragies (% masse sanguine) croissante est réalisée et deux phases distinctes
sont observées : une phase initiale durant
40
40 laquelle la pression artérielle moyenne (PAM) est
maintenue (phase sympatho-excitatrice), puis
une phase secondaire durant laquelle la PAM
chute (phase sympatho-inhibitrice).
À droite, dans le modèle classique de Wiggers
[3], la PAM est amenée à une valeur pré-établie
0 0 (40-50 mmHg) par l’hémorragie, puis maintenue
à ce niveau pendant une période déterminée
PAM (mm Hg) (1 à 2 heures). Pour obtenir ce résultat, il faut
continuer à soustraire du sang dans un premier
80 temps, puis au contraire en retransfuser
80 CR dans un deuxième temps. Enfin, à la fin de
Phase 2 l’expérimentation, le sang est complètement
Phase 1 retransfusé. Certains animaux parviennent à
CI maintenir leur PAM après retransfusion et
survivent, on parle alors de choc réversible (CR) ;
d’autres animaux ne peuvent maintenir leur
0 0 pression artérielle moyenne et meurent, on parle
Modèle d’hémorragie croissante Modèle de Wiggers alors de choc irréversible (CI).

discordants de ceux obtenus avec les modèles d’hémorra- quantifiable mais, parfois, significative (jusqu’à 35 % de la
gie contrôlée, et donc de faire reconsidérer des données spoliation sanguine) [6], susceptible de modifier de façon
qui semblaient acquises. importante les résultats.
Il existe très probablement des interactions facilitatrices
Limites expérimentales ou inhibitrices entre les différents mécanismes afférents et
efférents de la réponse neuro-hormonale à l’hémorragie,
La première limite est liée, comme nous venons de le sans oublier que certains composants de cette réponse
peuvent être également en partie redondants. C’est pour-
voir, au type de modèle expérimental utilisé (hémorragie
quoi la suppression expérimentale de l’un des composants
contrôlée ou non), l’interprétation des résultats devant
ne permet pas forcément d’apprécier son importance
tenir compte absolument de cette caractéristique car des
réelle. Il ne faut pas non plus oublier les mécanismes de
résultats apparemment discordants peuvent être obtenus.
régulation locorégionaux qui peuvent différer complète-
La seconde limite tient à l’espèce animale utilisée, car la
ment d’une circulation à l’autre, un même protocole expé-
physiologie cardiovasculaire diffère parfois de façon rimental entraînant, par exemple, une vasodilatation dans
importante d’une espèce à l’autre. Bien que les méca- une circulation donnée et une vasoconstriction dans une
nismes des réponses neuro-hormonales à l’hémorragie autre.
soient assez similaires selon les espèces, l’importance des
différentes phases peut varier de façon importante, aussi Enfin, il convient de différencier les modèles de choc
bien en intensité qu’en durée. Une autre limite tient au hémorragique isolé des modèles dans lesquels des lésions
protocole expérimental lui-même et, en particulier, à l’uti- tissulaires sont réalisées conjointement (contusion pulmo-
lisation ou non d’animaux anesthésiés. En effet, l’anesthé- naire, lésions musculaires, lésions osseuses) de façon à
sie interfère de manière importante avec les mécanismes obtenir un choc à la fois hémorragique et traumatique [7].
compensateurs de l’hémorragie, rendant les résultats obte- Cette brève analyse des modèles expérimentaux
nus chez l’animal anesthésié très différents de ceux obte- d’étude du choc hémorragique montre combien l’analyse
nus chez l’animal conscient. De plus, l’anesthésie nécessite des résultats est difficile et qu’il faut rester très prudent
le plus souvent d’avoir recours à la ventilation mécanique, avant d’extrapoler à l’homme les résultats obtenus chez
dont les effets propres, et en particulier hémodynamiques, l’animal. Même si aucun modèle n’est parfait, il est proba-
ne sont pas négligeables, a fortiori en cas d’hypovolémie. ble que celui considérant des animaux conscients chroni-
quement appareillés se rapproche le plus de la réalité
Un point également important à considérer est le carac-
clinique. Les études expérimentales sont indispensables à
tère aigu ou chronique de l’expérience. Ainsi, un animal la compréhension de la physiopathologie du choc hémor-
appareillé immédiatement avant l’expérimentation n’aura ragique et nous aborderons donc la suite de ce chapitre en
pas subi le même stress aigu qu’un animal chroniquement gardant ces limites à l’esprit.
appareillé et habitué à l’environnement du laboratoire.
Cette donnée doit être prise en compte pour l’interpréta-
tion des résultats, puisque les tonus sympathique et para-
sympathique de base des animaux seront certainement Réponse neuro-hormonale
différents dans ces deux types de conditions expérimen-
tales. La réduction du volume sanguin par l’hémorragie
entraîne une baisse du retour veineux, donc du débit car-
Il faut également prendre en compte la réalisation diaque et de la pression artérielle. La survenue de l’état de
d’une splénectomie avant l’étude du choc hémorragique choc hémorragique est fonction de l’importance et de la
chez le chien. En effet, chez cet animal, la rate représente vitesse de la spoliation sanguine, mais également de l’effi-
un réservoir de sang important qui peut conduire, en cas cacité des mécanismes compensateurs. Ainsi, les méca-
d’hémorragie, à une autotransfusion ni contrôlable ni nismes de régulation de la pression artérielle entrent en

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Physiopathologie du choc hémorragique 17

jeu très rapidement pour maintenir celle-ci : la principale Cette vasoconstriction doit être considérée comme une
réponse à l’hémorragie est représentée par la réaction vasoconstriction non seulement artérielle mais aussi vei-
sympathique qui entraîne une vasoconstriction artériolaire neuse. Le retour veineux est assuré par le gradient de pres-
et veineuse. Ces phénomènes expliquent pourquoi la chute sion entre la pression veineuse périphérique et la pression
de pression artérielle, en général tardive, est un mauvais veineuse centrale. Le système veineux comprend 70 à 80 %
reflet de la sévérité de l’état de choc. La réponse à une
hémorragie progressivement croissante est biphasique :
après une phase initiale sympatho-excitatrice qui maintient Saignée Syncope
la pression artérielle, survient brutalement une phase de
sympatho-inhibition associant une chute de pression arté- 60 130
rielle et une baisse des résistances systémiques (figure 2)
[8].
RS
Phase sympatho-excitatrice

FC (bpm)
RS (%)
20 95
La baisse de pression artérielle provoque une stimula-
tion immédiate des barorécepteurs à haute pression situés
0
au niveau du sinus carotidien, de la crosse aortique et du
territoire splanchnique, ainsi que des barorécepteurs à FC
basse pression cardio-pulmonaires (ou volorécepteurs) – 20 60
(tableau 1) [9]. Ces récepteurs diminuent alors la fréquence 0 4 8 12 16
de leurs impulsions inhibitrices afférentes allant aux cen- 140
tres régulateurs vasculaires de la medulla oblongata [4].
Cette dernière est alors stimulée, entraînant l’augmenta-
tion de l’activité sympathique périphérique efférente. Le
système nerveux adrénergique périphérique est également
PAS (mmHg)

stimulé, par la voie des chimiorécepteurs aortiques, sino-


carotidiens et centraux, en réponse aux variations de pH,
de pressions partielles en oxygène (PO2) et en gaz carbo-
nique (PCO2) secondaires à l’ischémie tissulaire. Ainsi, les
barorécepteurs, les volorécepteurs et les chimiorécepteurs
vont répondre de manière synergique à l’hypotension arté-
rielle en activant le système nerveux adrénergique péri-
0
phérique, afin de déclencher une vasoconstriction 0 4 8 12 16
périphérique compensatrice dont l’objectif est de norma- 8
liser la pression artérielle [4].
La stimulation du système sympathique représente
donc la réponse principale à l’hémorragie. L’élévation de
DC (L/min)

la concentration plasmatique de noradrénaline est un


reflet de cette stimulation sympathique. La vasoconstric-
5
tion qui en résulte s’accompagne d’une redistribution vas-
culaire complexe, qui privilégie les circulations cérébrales,
coronaires et rénales dans un premier temps, aux dépens
de territoires non vitaux (peau, muscles squelettiques, cir-
culation splanchnique), puis uniquement les circulations
cérébrales et coronaires dans un deuxième temps. Les 2
conséquences de la vasoconstriction dans les territoires non 0 4 8 12 16
vitaux, en particulier la vasoconstriction splanchnique Temps (min)
lorsqu’elle se prolonge, sont particulièrement importantes
et pourraient être à l’origine du choc irréversible et du syn- Figure 2 / Démonstration des deux phases
drome de défaillance multiviscérale. La redistribution vas- du choc hémorragique chez l’homme
culaire participe également à l’optimisation de la Jusqu’à la fin de la saignée, la pression artérielle (PA)
est maintenue grâce à la vasoconstriction [augmentation
consommation globale d’oxygène (VO2) de l’organisme au
des résistances systémiques (RS)], alors que le débit cardiaque (DC)
cours du choc hémorragique, permettant d’abaisser le seuil diminue. Puis, au cours de la syncope, le DC ne baisse plus,
de transport de l’oxygène (TO2) critique, et donc de dépen- mais la PA s’effondre ainsi que les RS (d’après Barcroft et al. [8]).
dance de VO2 en fonction de TO2 [10] (voir chapitre 6).

Tableau 1 / Principaux mécanismes afférents de la réponse neuro-hormonale à l’hémorragie


(d’après Schadt et Ludbrook [9])

Phase sympatho-excitatrice Phase sympatho-inhibitrice


Chien Barorécepteurs artériels Inconnus
Rat Barorécepteurs artériels Récepteurs cardio-pulmonaires
Lapin Barorécepteurs artériels Récepteurs cardiaques
Homme Barorécepteurs artériels et récepteurs cardio-pulmonaires Inconnus

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

du volume sanguin total, les veinules contenant 50 à 70 % probablement pas essentielles et joueraient surtout un rôle
du volume sanguin microcirculatoire. Ce volume constitue important dans la récupération secondaire après la phase
donc une réserve de sang mobilisable, et la vasoconstric- de choc.
tion veineuse permet d’augmenter le retour veineux en
Les récepteurs cardio-pulmonaires semblent être à l’ori-
diminuant la capacitance de la circulation veineuse.
gine de la phase sympatho-inhibitrice (tableau 1) [9]. La
Au cours de cette phase normotensive ou peu hypoten- bradycardie observée est due à une boucle réflexe vago-
sive du choc hémorragique, la libération d’adrénaline par vagale, liée à la stimulation de mécanorécepteurs intracar-
la médullosurrénale ne joue pas un rôle important diaques. L’activation de ces récepteurs participerait
(tableau 2) [9, 11]. D’ailleurs, les autres facteurs hormo- également à une vasodilatation par inhibition centrale de
naux – comme l’hormone antidiurétique (ADH pour anti- l’activation sympathique. Il a été suggéré que ces mécano-
diuretic hormone) – ne semblent pas non plus très récepteurs étaient stimulés par les distorsions mécaniques
impliqués dans cette phase initiale, à l’exception du sys- du ventricule gauche dont le volume télésystolique devient
tème rénine-angiotensine (libération d’angiotensine II). pratiquement nul. La bradycardie pourrait permettre un
meilleur remplissage diastolique dans des conditions d’hy-
povolémie extrême. Ces bradycardies sont effectivement
Phase sympatho-inhibitrice observées au cours du choc hémorragique chez l’homme
[13].
Cette phase survient pour une réduction au-delà de 30
à 50 % de la masse sanguine et se traduit par une chute
de pression artérielle avec bradycardie paradoxale. Cette
chute de pression artérielle est liée à la chute brutale des
Modulation de la réponse
résistances systémiques [4]. En effet, la réduction du débit
cardiaque est globalement linéaire au cours de l’hémorra-
neuro-hormonale
gie (quelle que soit la phase considérée), et la baisse bru-
tale de pression artérielle observée ne s’accompagne pas Opioïdes endogènes
d’une baisse proportionnelle du débit cardiaque pouvant
l’expliquer (figure 2) [8]. Il arrive même, au contraire, que De nombreuses études expérimentales et cliniques sug-
l’on observe une discrète augmentation du débit car- gèrent que les opioïdes endogènes jouent un rôle impor-
diaque associée à cette chute initiale de pression artérielle tant dans la régulation de la fonction cardiovasculaire [14],
[9]. La baisse de la pression artérielle est indépendante de en particulier dans le cadre du choc hémorragique [15]. En
la bradycardie puisque l’atropine supprime celle-ci sans effet, l’administration de naloxone (antagoniste des récep-
modifier la chute de pression artérielle : seule la bradycar- teurs morphiniques) entraîne une élévation de pression
die est d’origine vagale. artérielle lors du choc hémorragique. Cet effet serait dû à
une levée de l’inhibition sympathique. Mais les doses consi-
Plusieurs phénomènes caractérisent cette phase sympa- dérables de naloxone nécessaires indiquent que l’action
tho-inhibitrice. Le plus important semble être une inhibi- n’est probablement pas médiée par les récepteurs m mais
tion centrale de l’activation sympathique présente au cours plutôt par les récepteurs d. À partir d’un modèle expéri-
de la phase initiale (tableau 2) [9]. Par ailleurs, la sécrétion mental de choc hémorragique traumatique chez le rat, Liu
médullosurrénalienne de catécholamines, en particulier et al. ont récemment conforté cette hypothèse en mon-
d’adrénaline, devient très importante au cours de cette trant que l’administration d’un antagoniste sélectif des
phase hypotensive [12]. Toutefois, le rôle de cette sécrétion récepteurs d (ICI 174,864) permettait d’augmenter, d’une
accrue reste très discuté [9]. Il semblerait que l’hyperacti- part, la pression artérielle et, d’autre part, la survie à
vité sympathique adrénergique persistante entraîne une 24 heures [16]. Une augmentation des concentrations plas-
synthèse et une libération secondaire de prostaglandine E2 matiques de b-endorphine a été observée au cours du choc
(PGE2) qui agirait en synergie avec les catécholamines au hémorragique expérimental [17] et, chez l’homme, au
niveau des récepteurs a2-adrénergiques présynaptiques cours de la phase sympatho-inhibitrice du choc hémorra-
pour entraîner une inhibition de la libération de noradré- gique [18]. Une action centrale des opioïdes endogènes est
naline, et donc une vasodilatation [4]. Au cours de cette démontrée chez l’animal, mais n’exclut pas des actions
deuxième phase du choc hémorragique, le système rénine- périphériques. En effet, des opioïdes endogènes sont libé-
angiotensine est particulièrement activé, libérant de l’an- rés en même temps que les catécholamines au niveau des
giotensine II, alors que l’ADH est également libérée de terminaisons sympathiques et de la médullosurrénale,
façon importante. Ces réponses hormonales participent ayant pour action principale une inhibition présynaptique
certes au maintien d’un certain degré de vasoconstriction de la libération de catécholamines. D’autres neuropeptides
au cours de cette phase hypotensive, mais elles ne sont endogènes, antagonistes physiologiques des opioïdes,

Tableau 2 / Principaux mécanismes efférents de la réponse neuro-hormonale à l’hémorragie


(d’après Schadt et Ludbrook [9])

Phase sympatho-excitatrice Phase sympatho-inhibitrice

Sympathique MS ADH AngII Sympathique MS ADH AngII


Chien + 0 + + – + + +
Rat + 0 0 + – + + +
Lapin + 0 0 + – + + +
Homme + 0 0 + – + + +
MS : médullosurrénale ; ADH : hormone antidiurétique ; AngII : angiotensine II

170
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Physiopathologie du choc hémorragique 17

comme la thyrolibérine (TRH pour thyrotropin releasing pourrait être intéressante [30, 34]. Toutefois, ces données
hormone), l’hormone corticotrope hypophysaire (ACTH sont pour l’instant limitées au domaine expérimental et
pour adrenocorticotropic hormone) ou la cholécystokinine, aucune application clinique n’a été encore tentée.
semblent également jouer un rôle bénéfique lors du choc
hémorragique [19, 20]. Néanmoins, le rôle des opioïdes
endogènes reste discuté chez l’homme [9]. Hormones sexuelles
Les hormones sexuelles mâles semblent exercer un rôle
Systèmes sérotoninergiques délétère lors du choc hémorragique, ce qui se traduit par
une dépression immunitaire plus importante [35, 36].
Les systèmes sérotoninergiques ont été impliqués dans L’utilisation d’agent bloquant les récepteurs de la testo-
la phase sympatho-inhibitrice. Ainsi, la déplétion en séro- stérone améliore l’hémodynamique et diminue les lésions
tonine (5-HT) limite la baisse de la pression artérielle, et hépatiques et cardiaques chez le rat en choc hémorragique
l’administration de méthysergide (inhibiteur des récepteurs [37]. Ceci a été confirmé dans l’espèce humaine, où le sexe
5-HT2 et de certains 5-HT1) augmente la pression artérielle mâle constitue un facteur de risque d’infection après chi-
au cours du choc hémorragique [21]. Inversement, il a été rurgie et/ou choc hémorragique post-traumatique [38, 39].
montré récemment que l’administration d’un agoniste
sélectif des récepteurs 5-HT1A pouvait permettre d’inverser
la phase sympatho-inhibitrice du choc hémorragique [22].
Hormones
Cet effet pourrait être lié à la présence de systèmes séroto- corticosurrénaliennes
ninergiques centraux activés lors du choc hémorragique et
participant à la phase sympatho-inhibitrice [9]. Le choc hémorragique active de façon importante l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Il existe en effet une
augmentation importante de la synthèse et de la libération
Oxyde nitrique de CRF (corticotropin-releasing factor) hypothalamique,
d’ACTH et de corticostérone (principal corticoïde surréna-
Le rôle de l’oxyde nitrique (NO) dans la physiopatholo- lien chez le rat) en réponse à l’hémorragie [40].
gie du choc hémorragique n’a été mis en exergue que
La stimulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-corti-
récemment. Une production augmentée d’oxyde nitrique
cotrope au cours des agressions est un phénomène clas-
est mise en évidence au cours du choc hémorragique et sique qui permet probablement de limiter l’importance de
serait même un marqueur précoce d’hypovolémie [23]. Le la stimulation de la cascade inflammatoire. Le choc hémor-
site de production de l’oxyde nitrique semble se situer sur- ragique et traumatique est une des causes reconnues de
tout au niveau de la circulation hépato-splanchnique et ce, stimulation de cette cascade inflammatoire. Au cours du
aux dépens d’une expression augmentée de la NO synthé- choc hémorragique et traumatique chez l’homme, il a été
tase inductible [24]. En revanche, l’oxyde nitrique ne sem- mis en évidence, comme au cours du choc septique, une
ble pas jouer un rôle important dans la redistribution défaillance de la sécrétion de cortisol stimulée par l’ACTH
vasculaire qui survient au cours du choc hémorragique [25], [41]. Cette insuffisance corticotrope, constatée chez près
ni être impliqué dans la décompensation hémodynamique de la moitié des traumatisés graves, semble corrélée à l’im-
qui survient au décours d’un choc hémorragique prolongé portance du processus inflammatoire déclenché, notam-
[26]. Ce dernier point a été contredit par Musser et al. [27] ment à la sécrétion d’interleukine 6 (IL-6), et s’associe à une
qui ont observé, chez le cochon en choc hémorragique, vasoplégie nécessitant l’administration de vasoconstric-
une augmentation importante de la synthèse de l’oxyde teurs [41, 42]. De plus, cette hyporéactivité vasculaire
nitrique, probablement responsable d’une activation des semble pouvoir être corrigée par l’administration d’hydro-
canaux potassiques ATP (adénosine triphosphate) dépen- cortisone, en particulier en augmentant la sensibilité des
dants et d’une hyporéactivité vasculaire à la noradréna- récepteurs a1-adrénergiques [43]. Il a également été mis
line ; mais il s’agissait d’un modèle que l’on peut qualifier en évidence une immunosuppression liée à l’interleu-
d’extrême avec 4 heures de choc hémorragique, enlevant kine 10 (IL-10) après choc hémorragique traumatique, qui
beaucoup de significativité clinique à celui-ci. De nom- serait également prévenue par l’administration d’hydro-
breux arguments laissent à penser que l’oxyde nitrique cortisone [44].
joue un rôle bénéfique au cours du choc hémorragique en
limitant la vasoconstriction de la circulation hépato-
splanchnique [28]. Ainsi, l’inhibition de la NO synthétase Lésions traumatiques
pendant la phase de choc hémorragique se traduit par une tissulaires
augmentation des lésions hépatiques, une accumulation
des polynucléaires neutrophiles dans les poumons [29] et Il existe une interaction complexe entre la réponse
une aggravation des lésions myocardiques ischémiques neuro-hormonale au choc hémorragique et les lésions tis-
[30]. À l’inverse, l’augmentation de la production d’oxyde sulaires traumatiques responsables de signaux adressés au
nitrique s’accompagne d’une diminution de la mortalité système nerveux central. Ces lésions peuvent être de
chez le rat en choc hémorragique [31]. nature traumatique et/ou chirurgicale et modifient notam-
ment la réponse cardiovasculaire à l’hémorragie. C’est la
En fait, le rôle de l’oxyde nitrique dans la physiopatho- raison pour laquelle on a tendance à individualiser, sur les
logie du choc hémorragique est biphasique : si la première plans expérimental et clinique, le choc hémorragique d’ori-
phase est globalement bénéfique, la seconde semble l’être gine traumatique pour tenir compte de ces interactions
beaucoup moins. En effet, l’oxyde nitrique joue un rôle complexes. Ainsi, des lésions musculaires réduisent la quan-
majeur dans le déclenchement de la réponse inflamma- tité de sang soustraite nécessaire à l’induction d’un choc
toire au choc hémorragique [32], conduisant à une aggra- hémorragique chez le porc [45]. Les mécanismes impliqués
vation des lésions cardiovasculaires, au syndrome de dans ces interactions sont variés et comprennent notam-
défaillance multiviscérale et au décès [33]. Certains travaux ment la stimulation des terminaisons nerveuses sensitives
expérimentaux laissent envisager que l’inhibition de périphériques, une accentuation de l’hypovolémie par
l’oxyde nitrique, après réanimation du choc hémorragique, perte de volume plasmatique, une diminution des capaci-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

tés d’extraction tissulaire en oxygène, et des modifications pitre 31). La vasoconstriction sympathique diminue la pres-
de la redistribution du flux sanguin au profit de territoires sion hydrostatique capillaire, facilitant le passage de
habituellement sacrifiés comme les muscles [45-47]. liquide interstitiel vers le secteur plasmatique, expliquant
ainsi l’hémodilution observée après hémorragie. De nom-
breux mécanismes sont activés pour maintenir la pression
Anesthésie oncotique : forte augmentation du débit lymphatique avec
mobilisation de l’albumine interstitielle, augmentation de
L’anesthésie modifie de façon importante la réponse à l’anabolisme et baisse du catabolisme de l’albumine [50].
l’hémorragie (figure 3) [48]. Quel que soit l’agent anesthé- Le transfert d’eau du milieu interstitiel est particulièrement
sique utilisé, on observe de manière quasi constante une important pendant les six premières heures. Mais, en cas
inhibition de la phase sympatho-activatrice à laquelle peu- de choc hémorragique prolongé, l’altération des mem-
vent se surajouter les effets propres de certains agents branes cellulaires conduirait à une entrée d’eau dans le
anesthésiques (vasodilatation, dépression myocardique). milieu intracellulaire et à une fuite plasmatique capillaire
Seuls les morphiniques comme le fentanyl et l’alfentanil vers le secteur interstitiel. Il existe également une déplé-
n’affectent pas la phase sympatho-activatrice. L’action tion sodée importante, en partie due à une adsorption de
exacte de l’anesthésie sur la phase sympatho-inhibitrice est sodium sur les fibres de collagène. Enfin, la réabsorption
en revanche plus difficile à analyser, du fait même de l’ab- rénale d’eau et de sodium par l’aldostérone et d’eau libre
sence de phase sympatho-activatrice. par l’ADH participe également à la restauration du volume
Les effets de l’anesthésie rachidienne sont assez super- sanguin.
posables à ceux de l’anesthésie générale, dépendant sur-
tout de l’extension du bloc sympathique. Toutefois, des
interactions plus complexes ont été suggérées récemment :
en effet, l’anesthésie péridurale semble améliorer le pro-
Conséquences
nostic du choc hémorragique expérimental (modèle de
Wiggers) [49]. Cet effet bénéfique pourrait être lié à la
du choc prolongé
diminution des effets des catécholamines sur des circula- Face à la diminution des apports énergétiques, diffé-
tions critiques comme la circulation splanchnique. rents mécanismes se mettent en place pour maintenir un
équilibre entre la production d’énergie (ATP) et les besoins
métaboliques. Dans un premier temps, l’augmentation de
l’extraction tissulaire en oxygène permet de maintenir la
0 consommation en oxygène. Au-delà d’un seuil critique, le
métabolisme anaérobie est utilisé pour maintenir la pro-
– 10 duction énergétique, ce qui entraîne la production de lac-
tates et d’ions H+ (voir chapitre 15). Par ailleurs, au niveau
intracellulaire, certaines voies métaboliques seraient sélec-
– 20 tivement diminuées pour faire face à cette situation cri-
PAM (mmHg)

tique dans le cadre d’un phénomène adaptatif appelé


– 30 « conformance », notamment déclenché par la production
mitochondriale de peroxyde d’hydrogène [50] (voir chapi-
Conscient tre 14). De toute façon, la baisse d’ATP se traduit à un
– 40
moment ou à un autre par une dépolarisation membra-
Anesthésié
naire, une ouverture des canaux voltage-dépendants, une
– 50 baisse du potentiel membranaire mitochondrial et, finale-
ment, une élévation du calcium intracellulaire. Des lésions
– 60
irréversibles cellulaires peuvent alors survenir. Au cours de
0 5 10 15 20 25 la reperfusion (ici la réanimation du choc hémorragique),
un intense stress oxydatif survient, pouvant largement
Pertes sanguines (mL/kg) dépasser les capacités de défense anti-oxydantes.
L’ensemble des phénomènes d’ischémie-reperfusion est un
Figure 3 / Effets de l’hémorragie sur la pression artérielle moyenne (PAM) puissant stimulant de la réponse inflammatoire. La prolon-
chez des chiens conscients et anesthésiés gation du choc hémorragique aboutit de façon quasiment
La PAM est maintenue chez les animaux conscients grâce au tonus
inéluctable à l’apparition d’anomalies plus ou moins réver-
sympathique jusqu’à des pertes sanguines de 25 mL/kg, alors qu’au
contraire elle diminue de manière proportionnelle à l’hémorragie sibles, favorisant l’apparition du syndrome de défaillance
chez les animaux anesthésiés (d’après Vatner et Braunwald [48]). multiviscérale. Les altérations de la microcirculation sem-
blent être au centre de ces différents phénomènes.

Altérations microcirculatoires
Deux phénomènes principaux ont été décrits au niveau
Mouvements de la microcirculation : la faillite de la vasoconstriction
sympathique [4] et les obstructions capillaires irréversibles
hydro-électrolytiques (no-reflow phenomenon) [51]. Plusieurs mécanismes

et lymphatiques
conduisent à cette obstruction irréversible microcircula-
toire : l’œdème des cellules endothéliales [52] et l’adhésion
des polynucléaires neutrophiles sur cet endothélium vas-
D’importants mouvements liquidiens surviennent au culaire [51]. La cellule endothéliale représente une cible
cours du choc hémorragique, visant à reconstituer le importante des phénomènes d’ischémie-reperfusion, qui
volume plasmatique. Les réponses hormonales (système constituent également une source importante de produc-
rénine-angiotensine, ADH), qui participent activement à tion de radicaux libres [53]. La cascade inflammatoire
cette action, ne sont pas efficaces à court terme (voir cha- libère des cytokines pro-inflammatoires qui sont responsa-

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Physiopathologie du choc hémorragique 17

bles de l’expression des molécules d’adhésion leucocytaires ponine est de faible amplitude et la durée de cette ascen-
(ICAM-1 pour intercellular adhesion molecule-1 et VCAM-1 sion reste brève, en général moins de 24 heures [62]. La
pour vascular cell adhesion molecule-1) facilitant l’agréga- physiopathologie de ce relargage des troponines car-
tion leucocytaire. Un véritable cercle vicieux s’instaure, diaques est probablement complexe car il est difficile de
l’adhésion des polynucléaires aux cellules endothéliales faire la part entre, d’une part, la souffrance myocardique
entraînant une production de radicaux libres et de pro- due à des conditions hémodynamiques coronaires pré-
téases, aggravant la dysfonction endothéliale. Les altéra- caires et, d’autre part, les conséquences d’une souffrance
tions endothéliales sont également responsables d’une du système nerveux central avec relargage intramyocar-
perte des propriétés anticoagulantes de l’endothélium, dique de catécholamines endogènes et de neuropeptide Y.
associée à une activation des facteurs procoagulants Toutefois, il convient de souligner que ce relargage de tro-
comme le facteur tissulaire. Tous ces phénomènes condui- ponines peut être important dans certains chocs hémorra-
sent à la mise en place d’un processus pouvant aboutir à giques, notamment dans le cadre des hémorragies graves
une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) partici- du post-partum [63], sans que l’on puisse dire si ces éléva-
pant également aux altérations microcirculatoires. tions marquées de troponines cardiaques sont en rapport
avec un choc hémorragique particulièrement sévère ou
avec un environnement hormonal et/ou hémodynamique
Circulation particulier à cette période.
hépato-splanchnique
Cette circulation est particulièrement critique lors du Vasodilatation
choc hémorragique car elle est sacrifiée très précocement.
Une des principales caractéristiques du choc hémorra-
Les conséquences de cette hypoperfusion hépato-splanch-
gique prolongé est la présence d’une vasodilatation qui
nique peuvent être catastrophiques : libération de facteurs
remplace la vasoconstriction de la phase initiale [4]. Ceci
dépresseurs myocardiques (MDF pour myocardial depres-
est d’autant plus important qu’il existe une hystérésis de
sant factor), translocation bactérienne, facilitation de
la courbe pression artérielle/volémie au décours d’une
l’endotoxinémie. L’administration de faibles doses d’inhi-
hémorragie traitée, qui se traduit par une pression arté-
biteurs de l’enzyme de conversion permet d’obtenir une
rielle plus importante après retranfusion (figure 4) [64]. En
meilleure circulation splanchnique sans modification
revanche, après un choc hémorragique prolongé, malgré
hémodynamique générale notable, associée à une diminu-
un retour à la normale de la volémie, il existe une vasodi-
tion de la libération de MDF et des enzymes lysosomiales,
latation qui empêche de retrouver la pression artérielle de
et diminue ainsi la mortalité expérimentale [54]. Par ail-
départ (figure 5) [65]. Ceci souligne la nécessité de recourir
leurs, le choc hémorragique prolongé peut entraîner des
à un vasoconstricteur pour corriger la pression artérielle
altérations profondes et durables des fonctions hépa-
dans ces conditions. En effet, le muscle lisse vasculaire reste
tiques, en particulier des fonctions métaboliques et de
sensible aux catécholamines exogènes [4].
détoxification.
Bien que les catécholamines ne constituent pas le trai-
tement du choc hypovolémique, dans certaines circons-
Contractilité myocardique tances, il peut être très utile de l’utiliser pour maintenir
transitoirement une pression artérielle qui s’est effondrée.
Lors de la phase initiale du choc hémorragique, la Ainsi, lors de l’induction d’une anesthésie générale, un col-
contractilité myocardique semble normale ou très discrè-
tement augmentée. En revanche, si le choc se prolonge, la
plupart des études expérimentales retrouvent une diminu-
tion de la contractilité myocardique, phénomène qui serait
au moins en partie lié à une activation de l’échangeur Na/H 100 * *
[55, 56]. Différents facteurs circulants dépresseurs myocar-
diques (CDF pour cardiodepressant factor, MDF) ont été
impliqués dans la pathogénie de cette dépression myocar- 75 *
dique [50]. Plus récemment, le rôle des cytokines, TNF-a
PAM (mmHg)

(tumor necrosis factor alpha) et IL-6 en particulier, a été *


mis en avant [56, 58]. Une sécrétion intramyocardique 50
d’IL-6 a même été incriminée chez le rat [58]. Il est fort pos- *
*
sible que les facteurs dépresseurs myocardiques circulants *
autrefois identifiés soient en fait des cytokines. *
25 *
L’altération de la compliance diastolique, et non pas de *
Hémorragie massive
la fonction pompe, semble être en grande partie à l’ori- Retransfusion
gine de la dysfonction ventriculaire gauche observée au
0
cours du choc hémorragique [59]. Ces résultats expérimen- 0 5 10 15 20 25 30 35
taux sont à rapprocher de ceux d’autres études montrant
clairement qu’il existe des anomalies de la perméabilité Pertes sanguines (mL/kg)
membranaire des myocytes conduisant à un œdème cellu-
Figure 4 / Évolution de la pression artérielle moyenne (PAM)
laire, surtout au niveau endocardique, et dans lequel l’ac-
au cours d’une hémorragie massive (cercles pleins)
tivation de l’échangeur Na/H pourrait jouer un rôle crucial et de sa retransfusion (cercles vides) chez le cochon anesthésié
[56, 60]. Il a en effet été montré que l’administration d’un La PAM est remarquablement corrélée au volume sanguin
inhibiteur de l’échangeur Na/H permet de limiter la dys- perdu dans la phase hémorragique. La phase de retransfusion
fonction myocardique induite lors d’un choc hémorra- s’accompagne d’une hystérésis pression-volume notable :
gique. les valeurs de PAM après retransfusion complète sont
significativement plus élevées que les valeurs initiales (* p < 0,05).
Le choc hémorragique peut s’accompagner d’un relar- Le retour à la valeur initiale de PAM est obtenu pour une
gage de troponines cardiaques, traduisant des lésions retransfusion incomplète (flèche) (d’après Dalibon et al. [64]).
ischémiques myocardiques [61]. L’augmentation de la tro-

173
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

100 catécholamines qui témoignent le plus souvent de la per-


sistance d’une hypovolémie, d’une hypocalcémie de dilu-
tion, voire d’un véritable choc septique.
*
75 Les catécholamines ne sont pas les seuls vasoconstric-
* teurs potentiellement intéressants dans le choc hémorra-
*
PAM (mmHg)

* gique. Voelckel et al. [72] ont montré que la vasopressine


*
* améliorait la survie de cochons soumis à une hémorragie
50
* non contrôlée de manière supérieure à celle obtenue par
* le remplissage seul ou l’adrénaline. La même équipe a
*
montré que la vasopressine permettait de limiter le saigne-
*
25 * ment, de maintenir une pression artérielle et d’obtenir la
* *
Hémorragie massive * survie de 8 cochons sur 9 dans un modèle de traumatisme
Retransfusion hépatique autrement létal même en présence d’un rem-
0
plissage vasculaire [73]. Une récente méta-analyse unique-
0 5 10 15 20 25 30 35 ment à partir d’études expérimentales animales suggère
même que la vasopressine serait le vasopresseur le plus
Pertes sanguines (mL/kg)
efficace pour améliorer la survie lors de la phase aiguë du
Figure 5 / Effet d’un choc hémorragique prolongé [1 heure à 35 mmHg choc hémorragique [74].
de pression artérielle moyenne (PAM)] sur l’hystérésis pression-volume
au cours d’une hémorragie massive et de sa retransfusion chez le cochon
anesthésié
Par comparaison avec la figure 4, le choc hémorragique prolongé est
Translocation bactérienne
responsable d’une disparition de l’hystérésis : la valeur de PAM après L’existence d’une translocation bactérienne au cours du
retransfusion complète est significativement plus basse que la valeur
choc hémorragique chez l’homme reste très débattue [75].
initiale (* p < 0,05). Le retour à la valeur initiale de la PAM
ne peut être obtenu (d’après Riou & Dalibon [65]). Dans de nombreux modèles expérimentaux, en particulier
chez le rat, le choc hémorragique est responsable d’une
ischémie intestinale qui altère la muqueuse intestinale,
entraînant rapidement une rupture de cette barrière bac-
tériologique et permettant le passage de bactéries vers le
système lymphatique mésentérique. Cette translocation
lapsus brutal provoqué par l’effet des agents anesthésiques bactérienne survient au cours de tout état de choc entraî-
associé à l’hypovolémie peut être combattu par l’adréna- nant une altération de la muqueuse intestinale, et en
line. En revanche, après la réanimation initiale du choc particulier lors du choc hémorragique [76]. Elle peut appa-
hémorragique, survient une phase hémodynamique carac- raître dès les premières heures (entre la 2e et la 4e heure)
térisée par un débit cardiaque augmenté et une vasodila- du choc hémorragique, et son incidence (jugée sur la posi-
tation. Cette vasodilatation est d’autant plus importante tivité des hémocultures) croît les jours suivants [77]. La
que le choc hémorragique a été prolongé (figure 5) et que vidange du contenu intestinal ne limiterait que partielle-
la cascade inflammatoire a été déclenchée, conduisant ment ce phénomène de translocation bactérienne [78]. De
éventuellement à un véritable syndrome de défaillance plus, le choc hémorragique pourrait faciliter le passage
multiviscérale. Certaines études ont évoqué le rôle d’un d’endotoxines bactériennes [79]. Toutefois, la réalité cli-
remplissage rapide et important dans l’accentuation de ce nique de ce phénomène reste très discutée car aucune
phénomène [66]. Chez le patient traumatisé grave, des preuve formelle de son existence chez l’homme n’a été
études échocardiographiques ont montré que le profil jusqu’ici apportée. D’aucuns considèrent en fait que les
hémodynamique caractéristique associe une diminution intestins constituent au cours du choc hémorragique un
modérée de la fonction cardiaque systolique à une dilata- formidable générateur de réaction inflammatoire avec
tion cardiaque modérée et à une vasoplégie [67]. Il semble production de cytokines, plutôt qu’une véritable porte
donc logique d’utiliser des vasoconstricteurs pour lutter d’entrée d’agents pathogènes [75].
contre cette vasodilatation, permettant alors une
limitation du remplissage vasculaire. Dans une étude
comparative historique, Smail et al. [68] avaient montré Immunomodulation
l’importante modification de la prise en charge hémody-
Le choc hémorragique induit une diminution de la
namique des patients traumatisés graves, avec un recours
réponse immunitaire innée et acquise, facilitant ainsi la
devenu bien plus fréquent à la noradrénaline. Il est difficile
survenue d’infections [80]. Il induit une dépression de l’en-
de conclure de cette étude non randomisée que cette atti-
semble des fonctions macrophagiques (phagocytose, pro-
tude ait été effectivement responsable de la diminution de
duction de radicaux libres, production de cytokines,
l’incidence du syndrome de défaillance multiviscérale et de
présentation des antigènes). Cette altération est observa-
la mortalité. Néanmoins, ces résultats sont intéressants et
ble dès les premières heures et persiste pendant 5 à 7 jours
suggèrent que l’utilisation des vasoconstricteurs est
[81, 82]. Il existe également une altération des fonctions
logique dans la réanimation du choc hémorragique. Des
lymphocytaires avec, notamment, une orientation vers la
travaux expérimentaux chez le rongeur ont montré un
production de cytokines anti-inflammatoires qui exercent
bénéfice de la noradrénaline en termes de survie au cours
un effet immunosuppresseur [42, 44, 83]. L’altération de la
d’un choc hémorragique non contrôlé [69, 70].
capacité des macrophages à présenter à leur surface des
En revanche, il est important de souligner les effets antigènes reconnus par les lymphocytes T est également
délétères possibles d’une utilisation inadéquate et abusive présente, dès les premières heures, et participe à l’immu-
des vasoconstricteurs lors du choc hémorragique [71]. Une nodépression induite par le choc hémorragique. Une dys-
vasoconstriction trop intense est susceptible de retentir sur fonction mitochondriale liée à la sécrétion d’IL-6 et de
les circulations rénales et splanchniques et ce, d’autant plus TNF-a serait également impliquée [80]. L’ensemble de ces
que l’hypovolémie n’est pas corrigée. L’utilisation des vaso- phénomènes explique la fréquence des infections chez les
constricteurs ne se conçoit donc qu’avec l’objectif d’obtenir patients en choc hémorragique, en particulier les trauma-
une volémie satisfaisante, en évitant des doses élevées de tisés graves. Les résultats d’études expérimentales sem-

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Physiopathologie du choc hémorragique 17

blent indiquer que c’est la sévérité du choc hémorragique, l’élévation de la demi-vie d’élimination des antibiotiques,
plus que sa durée, qui est responsable de l’importance de n’entraînait aucune modification des concentrations plas-
la dépression immunitaire observée [84]. Parmi les facteurs matiques moyennes. Les résultats des différentes études
à l’origine de cette réponse inflammatoire et immunitaire, concernant les modifications de volume de distribution des
l’oxyde nitrique semble jouer un rôle important, et les hor- médicaments au cours de l’état de choc hémorragique
mones mâles un rôle aggravant [32-36]. Enfin, les lésions semblent donc assez contradictoires, ceci probablement en
osseuses et tissulaires sont également susceptibles d’aggra- raison des différents protocoles d’étude, mais également
ver les conséquences immunologiques du choc hémorra- du degré de liposolubilité des médicaments étudiés. Une
gique [85, 86]. autre explication pourrait être que le choc hémorragique
entraîne, au moins initialement, une réduction du volume
initial de distribution et que, secondairement, les méca-
Conséquences nismes compensateurs associés à la réanimation aboutis-
sent à une augmentation du volume total apparent de
pharmacologiques distribution. Une dernière explication que l’on peut pro-
poser est l’influence de la vitesse d’injection du médica-

Modifications
ment. En effet, en cas d’injection rapide, le médicament se
distribue dans le petit volume de l’embole de l’injection et
pharmacocinétiques les capacités de liaison aux protéines sont vite saturées,
aboutissant à une élévation considérable de la fraction
Le choc hémorragique rend particulièrement difficile libre et à un risque de surdosage. À l’inverse, si le médica-
l’établissement de la relation entre la quantité de médica- ment est injecté lentement, il va commencer à se distribuer
ment administrée et la concentration qui en résulte au alors que son administration n’est pas finie, et le pic de
niveau du site d’action. Des anomalies importantes de la concentration apparaîtra plus tard et sera moins élevé.
distribution et de l’élimination des médicaments sont Le choc hémorragique s’accompagne le plus souvent
observées. d’une hypoalbuminémie de déplétion (catabolisme accru,
extravasation plasmatique) et de dilution. On peut donc
Distribution craindre que l’hypoalbuminémie qui en résulte induise une
augmentation de la forme libre, biologiquement active,
Bien qu’intuitivement on conçoive que le choc hémor-
des médicaments fortement liés à l’albumine, comme on
ragique puisse entraîner des modifications importantes de
l’observe en cas de dénutrition, de cirrhose ou d’insuffi-
la distribution des médicaments, en raison des modifica-
sance rénale. Ceci pourrait donc se voir avec les acides fai-
tions induites de concentration protéique, de pH plasma-
bles, comme le thiopental ou certaines benzodiazépines,
tique ou encore de volume de distribution, en fait peu
qui sont fortement liés à l’albumine, aboutissant à une
d’études ont clairement mis en évidence ces modifications.
augmentation de l’activité anesthésique initiale car la
Il a été également suggéré que l’insuffisance circula- pénétration intracérébrale est plus rapide quand la forme
toire, s’accompagnant de modifications de liaison pro- non liée augmente. C’est d’ailleurs une des raisons propo-
téique, de volémie, de répartition des liquides sées par Weiskopf et Bogetz [88] pour expliquer la réduc-
extracellulaires et de perfusion tissulaire, pouvait être asso- tion de la dose d’induction minimale efficace de thiopental
ciée à une modification du volume de distribution [87]. observée chez le cochon en cas de choc hémorragique
Ainsi, le choc hémorragique étant associé à une réduction (figure 6). Néanmoins, aucune confirmation de cette aug-
importante de la volémie, pourrait s’accompagner d’une mentation supposée de la forme libre de thiopental n’était
réduction du volume de distribution avec, comme consé- apportée dans cette étude, puisqu’aucun dosage de celle-
quence, l’élévation de la concentration plasmatique et ci n’avait été réalisé. Utilisant un modèle de choc hémor-
donc cérébrale du médicament administré, aboutissant ragique comparable chez le chien, Adams et al. [91] n’ont
ainsi à une accentuation de l’effet pharmacologique, avec pas mis en évidence de modification de la liaison protéique
des conséquences importantes pour des certains hypno- du midazolam après l’hémorragie. À l’inverse, lors de l’in-
tiques comme le thiopental, la kétamine et le propofol [88, suffisance circulatoire, on observe une élévation de la
89]. Cette hypothèse était soutenue par le modèle mathé- concentration en a1-glycoprotéine, qui est la protéine plas-
matique de Price [90]. Ce modèle permettait de prévoir matique à laquelle se fixent les bases faibles. Il a été mon-
qu’après une hémorragie suffisante pour réduire le débit tré que cette élévation de la concentration plasmatique en
cardiaque de 40 %, mais insuffisante pour modifier le débit a1-glycoprotéine, qui peut être majeure chez des trauma-
sanguin cérébral (puisque celui-ci est normalement auto- tisés graves (200-400 %), pouvait aboutir à une réduction
régulé), l’injection intraveineuse unique de thiopental importante (50 %) de la fraction libre d’un médicament
résulterait en une plus forte concentration du produit au fortement fixé à cette glycoprotéine comme la lidocaïne
niveau cérébral que la même dose injectée en normovolé- [94].
mie. Cependant, cette hypothèse n’a pas été confirmée par
Adams et al. [91], qui n’ont constaté aucune modification Le choc hémorragique conduit en général rapidement
du volume de distribution du midazolam après une spolia- à l’apparition d’une acidose métabolique, le plus souvent
tion sanguine de 30 %. De même, Johnson et al. n’ont rap- d’origine lactique. Compte tenu des effets du pH sur le
porté que des modifications pharmacocinétiques mineures degré d’ionisation des médicaments, on peut s’attendre à
après administration d’étomidate lors d’un choc hémorra- ce que la concentration de la forme non ionisée (donc dif-
gique chez l’animal [92]. Il a même été observé que le fusible) d’un acide faible augmente avec la baisse du pH
volume de distribution de certains antibiotiques, comme du milieu (et inversement pour une base faible). Ainsi,
la céfazoline ou la gentamicine, pouvait augmenter après Eisele et al. [95] ont observé expérimentalement une
un choc hémorragique expérimental suivi d’un remplissage réduction des besoins en anesthésique bien corrélée avec
vasculaire [93]. Il faut préciser, d’une part, qu’il s’agissait l’apparition d’une acidose centrale, mais aucun dosage des
d’un modèle d’hémorragie contrôlée, à pression artérielle formes ionisées et non ionisées n’a été pratiqué dans cette
moyenne constante (50 mmHg) et de durée relativement étude. Néanmoins, la modification du degré d’ionisation
courte avant le début de la réanimation (1 h), donc diffici- des médicaments par le choc hémorragique a été très peu
lement extrapolable à la réalité clinique, et, d’autre part, étudiée et les données sont insuffisantes pour conclure
que l’augmentation de volume de distribution, associée à définitivement sur l’importance réelle de cet effet.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

20 caments et de leurs métabolites (parfois actifs) s’il n’existe


Normovolémie
pas d’autres voies d’élimination. Il a été montré que cer-
tains antibiotiques (aminosides), les curares, les glycosides
Hypovolémie cardiaques et les métabolites actifs de certains opiacés s’ac-
15 cumulent en cas d’insuffisance rénale et voient la durée de
leurs effets thérapeutiques et toxiques se prolonger [87].
Dose (mg/kg)

*
Un point important à préciser concernant l’élimination
des médicaments est l’effet de la liaison protéique. Le choc
10 *
hémorragique peut diminuer la liaison protéique d’un
médicament en réduisant la concentration plasmatique
d’albumine, conduisant donc à une élévation de la fraction
libre diffusible. Mais cette fraction libre augmentée
5
devient ainsi disponible pour l’extraction hépatique et l’ex-
crétion rénale, ce qui tend ainsi à limiter la majoration des
effets pharmacodynamiques [100].
0
Kétamine Thiopental Clairance
Figure 6 / Réduction de la dose anesthésique minimale de kétamine Le choc hémorragique s’accompagne d’une modifica-
ou de thiopental au cours de l’hypovolémie (hémorragie de 30 % tion importante de la pharmacocinétique liée au saigne-
du volume sanguin) chez le cochon
La dose de kétamine est réduite de 40 ± 5 %, la dose de thiopental
ment. En effet, celui-ci modifie profondément le modèle
de 33 ± 5 % en hypovolémie. * p < 0,05 versus normovolémie compartimental de distribution et d’élimination des
(d’après Weiskopf & Bogetz [88]). médicaments en ajoutant une voie d’élimination supplé-
mentaire. Cette voie d’élimination supplémentaire, direc-
tement dépendante du débit hémorragique, est
susceptible de raccourcir la demi-vie, d’augmenter la clai-
rance et de diminuer la concentration efficace au site d’ac-
tion. Ce phénomène, dû au débit hémorragique, est
Élimination également modifié par le remplissage vasculaire et/ou la
transfusion qui participent, via l’hémodilution, à la dimi-
Le choc hémorragique s’accompagne d’une vasocons- nution des concentrations plasmatiques. Ces phénomènes
triction qui touche initialement le territoire hépato- ont été particulièrement bien mis en évidence pour l’ad-
splanchnique, puis secondairement rénal, aboutissant à la ministration du facteur VIII activé recombinant chez les
baisse du débit sanguin vers ces organes [96, 97] et donc à patients traumatisés en choc hémorragique.
leur défaillance si le choc se prolonge. Compte tenu de
l’importance du foie et des reins dans l’élimination des
médicaments, il n’est pas étonnant que des perturbations Modifications
de l’élimination des médicaments apparaissent.
Dans un modèle de choc hémorragique contrôlé chez
pharmacodynamiques
le cochon, des perturbations importantes et durables du L’action des agents anesthésiques est augmentée lors
métabolisme hépatique oxydatif ont été observées [97]. Le du choc hémorragique, et la plupart d’entre eux interfè-
métabolisme oxydatif hépatique étant altéré après un état rent avec les mécanismes compensateurs mis en jeu.
de choc hémorragique, l’administration de médicaments Weiskopf et Bogetz [88] ont montré expérimentalement
éliminés par cette voie doit être prudente et une adapta- que le choc hémorragique est associé à une réduction
tion de la posologie est nécessaire. La baisse du débit san- significative de la dose d’induction minimale efficace du
guin hépatique peut également modifier de façon thiopental et de la kétamine (figure 6). Johnson et al. ont
importante la clairance totale des médicaments qui ont un retrouvé des résultats similaires pour la dose d’induction
coefficient d’extraction hépatique élevé. En effet, pour ces de propofol [89]. A contrario, les mêmes auteurs ont mon-
médicaments, la clairance hépatique est proche du débit tré que la dose d’induction de l’étomidate ne doit pas être
sanguin hépatique, qui est donc ici le facteur limitatif. diminuée lors d’un choc hémorragique [92]. Par ailleurs,
Cette notion a été très bien mise en évidence par l’étude l’anesthésie perturbe fortement la réponse baroréflexe à
d’Adams et al. [91], dans laquelle le choc hémorragique l’hémorragie. Vatner et al. [48] ont montré expérimenta-
réduit la clairance du midazolam (médicament à extraction lement que l’anesthésie générale, contrairement à l’état
et donc à clairance hépatique élevées) et augmente sa conscient, est associée à une baisse de la pression artérielle
demi-vie d’élimination. De façon comparable, les opiacés proportionnelle à l’importance de l’hémorragie et que
comme la morphine, la péthidine ou le fentanyl, qui ont cette chute de pression artérielle est tout à fait superposa-
également un coefficient d’extraction hépatique élevé et ble à celle observée après dénervation des barorécepteurs
donc une clairance dépendant du débit sanguin hépatique, carotido-aortiques (figure 3). De façon assez comparable,
peuvent voir leur élimination être fortement perturbée en Adams et al. [91] ont observé que l’injection de midazolam
cas d’état de choc [98]. chez le chien normovolémique s’accompagne d’une dis-
Le choc hémorragique entraîne une réduction du débit crète baisse de pression artérielle avec tachycardie com-
sanguin rénal [96] qui peut modifier de façon majeure l’éli- pensatrice, alors qu’après une hémorragie cette même
mination des médicaments. Ainsi, les médicaments à excré- injection est à l’origine d’une hypotension artérielle sévère
tion rénale primaire voient leur élimination réduite lorsque associée à une bradycardie.
le débit de filtration glomérulaire chute [99]. D’autre part, L’utilisation des antibiotiques est particulièrement fré-
l’insuffisance rénale diminue non seulement l’excrétion quente chez les patients traumatisés. En cas de choc
rénale des médicaments mais également leur métabolisme hémorragique, il existe un risque accru de surinfection,
dans le foie et le rein, et elle modifie la liaison protéique même en cas de traitement antibioprophylactique bien
ainsi que le volume de distribution [99]. Finalement, l’in- conduit. Toutes les études expérimentales et cliniques
suffisance rénale peut aboutir à l’accumulation des médi- confirment que l’antibioprophylaxie conventionnelle est

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Physiopathologie du choc hémorragique 17

inefficace en cas de choc hémorragique [101], ce qui serait 30 mL/kg/24 h. Par ailleurs, ce risque de saignement accru
au moins en partie lié à une augmentation du volume de étant plus important avec les HEA de haut poids molécu-
distribution et de la vitesse d’élimination des antibiotiques laire, des solutions de bas poids moléculaire (200 000 Da)
[102]. Une des stratégies proposées, pour remédier à cette ont été proposées. Les HEA de bas poids moléculaire sem-
inefficacité des antibiotiques, est d’augmenter la dose et blent être, de par leurs propriétés pharmacologiques, les
la durée d’administration habituellement recommandées. colloïdes de synthèse les plus proches de l’albumine
L’efficacité de cette stratégie a été démontrée par humaine. Les produits disponibles en France en 2016 sont
Livingston et al. [103] sur un modèle de choc hémorra- le Voluven® et l’Isovol®. Il faut noter qu’à la suite de tra-
gique contrôlé chez le rat : l’administration prolongée de vaux anciens il existe un doute sérieux quant à la toxicité
fortes doses d’antibiotiques est plus efficace pour prévenir rénale des HEA [104,105], qui n’a pas été levé pour les nou-
l’infection bactérienne expérimentale après un choc veaux HEA.
hémorragique, en particulier lorsque l’inoculum bactérien Les cristalloïdes hypertoniques sont des solutés connus
est très important. depuis longtemps et qui connaissent depuis peu un vif
regain d’intérêt [106]. En effet, des études expérimentales
et cliniques ont montré l’intérêt de ce type de solutés pour
Conséquences le traitement du choc hémorragique [107]. Leurs méca-

des traitements
nismes d’action sont complexes et multiples : un remplis-
sage vasculaire avec transfert d’eau des secteurs interstitiel

du choc hémorragique et/ou intracellulaire vers le secteur plasmatique, une vaso-


dilatation précapillaire non spécifique (rénale, coronaire
et splanchnique), une vasoconstriction artérioveineuse
Remplissage vasculaire musculo-cutanée réflexe et une augmentation de la
contractilité myocardique. Leurs avantages consistent en
Le premier objectif de la réanimation du choc hémor- un faible volume de perfusion (4-6 mL/kg), un coût faible
ragique est de corriger l’hypovolémie, qui est moins bien et, surtout, une diminution de la pression intracrânienne
tolérée que l’anémie. Le remplissage vasculaire peut être et de l’eau pulmonaire. Enfin, expérimentalement, les cris-
réalisé par de nombreux solutés, qui peuvent être classés talloïdes hypertoniques entraînent une augmentation de
en deux grandes familles : les cristalloïdes et les colloïdes. la survie lors de la réanimation du choc hémorragique.
Toutefois, les données cliniques sur le chlorure de sodium
Les cristalloïdes isotoniques se caractérisent par une hypertonique sont encore trop limitées pour en recom-
expansion volémique faible (de 0,2 à 0,3 litre par litre per- mander l’usage systématique dans le choc hémorragique.
fusé), une mobilisation précoce de l’albumine interstitielle, De plus, dans des modèles expérimentaux de choc hémor-
l’absence d’effets indésirables (en particulier anaphylac- ragique non contrôlé, ce soluté, en augmentant la pression
tiques) et leur faible coût. Néanmoins, on préfère habituel- artérielle et donc le saignement, aboutit à une réduction
lement, en France, utiliser des solutés au pouvoir de la survie des animaux [5]. En revanche, de nombreuses
d’expansion volémique supérieur pour faire face aux hypo- publications récentes montrent que le chlorure de sodium
volémies importantes, en particulier en extra-hospitalier. hypertonique, utilisé non comme un produit de remplis-
Les colloïdes se caractérisent par une expansion volémique sage mais comme un médicament après la phase de réani-
élevée, mais d’importance et de durée variables selon le mation initiale du choc hémorragique, pourrait avoir des
colloïde considéré. Les dextrans sont des polymères de effets favorables dans cette indication. En effet, il prévient
sucrose qui possèdent un pouvoir oncotique très élevé (de la translocation bactérienne chez le rat [108], améliore les
2 à 3 fois celui du plasma pour les dextrans 40) et un pou- anomalies de la circulation splanchnique induites par le
voir d’expansion volémique supérieur au volume perfusé. choc hémorragique [109] et diminue l’activation et la
Mais l’intérêt de ces solutés est réduit en raison de l’impor- mobilisation des polynucléaires neutrophiles au niveau
tance des effets secondaires associés. En effet, ils dimi- hépatique [110] et pulmonaire [111]. Ces propriétés immu-
nuent l’agrégabilité plaquettaire (à partir de nomodulatrices du chlorure de sodium hypertonique
1,5 g/kg/24 h), peuvent entraîner une insuffisance rénale seraient davantage liées aux concentrations de sodium et
(altérations tubulaires rénales) et, surtout, des réactions de chlore qu’à l’augmentation de 10 à 20 mOsm/L de l’os-
anaphylactiques sévères, heureusement assez rares. Les molalité plasmatique qu’il engendre [112].
gélatines fluides modifiées (Gélofusine®, Plasmion®) sont La controverse cristalloïdes/colloïdes se poursuit. Il faut
des produits de dégradation du collagène. Ce sont des noter que le simple fait que cette controverse se poursuive
solutions hypo-oncotiques, dont le pouvoir d’expansion depuis longtemps indique que si différence il y a, celle-ci
plasmatique est inférieur à celui des dextrans (de 0,7 à doit être mineure et probablement de faible signification
0,8 litre par litre perfusé) et la durée d’action relativement clinique. En Europe et en France en particulier, le choix du
courte (environ 4 heures). Leurs effets secondaires sont soluté de remplissage à utiliser en première intention dans
limités mais ils peuvent néanmoins être également respon- la réanimation du choc hémorragique se portait classique-
sables de réactions anaphylactoïdes. Les hydroxy-éthyl- ment plutôt sur les colloïdes. Les raisons en étaient surtout
amidons (HEA) sont des solutions polydispersées de une correction initiale plus rapide et plus efficace du déficit
polysaccharides naturels modifiés, dérivées de l’amylopec- volémique et, donc, de l’état de choc. Par ailleurs, si le
tine. Leurs propriétés physico-chimiques dépendent du choix se portait en première intention sur les cristalloïdes,
degré d’hydroéthylation, qui est le déterminant principal compte tenu de la nécessité d’administrer initialement de 2
de leur demi-vie, et de leur poids moléculaire, qui déter- à 3 fois le volume de sang perdu avec ce type de soluté
mine leur activité colloïdale. Leurs effets secondaires sont (voire de 6 à 8 fois le déficit volémique si l’hémorragie se
relativement limités et peuvent consister en des réactions poursuit) pour obtenir un remplissage vasculaire efficace,
anaphylactoïdes (les réactions sévères sont plus rares ceci pourrait poser des difficultés de stockage importantes
qu’avec les gélatines ou les dextrans), une augmentation pour les solutés de remplissage, en particulier dans le cadre
du risque d’insuffisance rénale, et des troubles de l’hémos- de la médecine préhospitalière. De toute façon, lorsque
tase primaire (syndrome de von Willebrand de type I). Une l’hémorragie se poursuit, l’adjonction de solutés cristal-
augmentation du saignement pourrait être observée après loïdes lorsque le remplissage a été débuté avec des col-
administration d’une quantité massive d’HEA, c’est pour- loïdes devient quasiment indispensable afin de substituer
quoi il est actuellement recommandé de ne pas dépasser efficacement le déficit en liquide interstitiel qui suit inévi-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

tablement le choc hémorragique. Néanmoins, il faut sou- conviction personnelle ou religieuse à toute transfusion.
ligner que des recommandations françaises récentes ont Ces hémodilutions extrêmes peuvent être bien tolérées à
remis en question l’administration première de colloïdes condition que leur durée soit relativement brève (1 h envi-
lors d’un choc hémorragique en raison du risque de com- ron, ce qui correspond à la golden hour des Anglo-Saxons),
plications liées à leur administration et surtout de l’ab- que le patient ne présente pas de pathologie sous-jacente
sence de preuve de leur supériorité par rapport aux notamment coronarienne, que le métabolisme et la
cristalloïdes [113]. Quoi qu’il en soit, il convient de préciser consommation d’oxygène soient réduits au maximum
que cette controverse concerne les solutés cristalloïdes iso- (anesthésie générale et ventilation contrôlée) et, surtout,
toniques et non les solutés cristalloïdes hypertoniques. Ces que la volémie soit maintenue ou restaurée à des valeurs
derniers constitueront peut-être, à l’avenir, une solution proches de la normale [116]. Cependant, il faut souligner
séduisante dans le cadre de la médecine préhospitalière en que même si le recours à la transfusion sanguine a été
situation de catastrophe, mais leur utilisation clinique à ce réduit au minimum ces dernières années, notamment en
jour reste encore très limitée. raison du risque de transmission virale, le sang demeure,
grâce à son pouvoir oxyphorique, l’arme fondamentale du
Hémodilution normovolémique traitement de l’hémorragie massive et brutale [117].

Lors de l’hémodilution normovolémique, la baisse de la


viscosité sanguine entraîne, d’une part, une diminution
Causes de l’hémodilution
importante de la résistance au retour veineux et, d’autre L’origine principale de l’hémodilution est liée au rem-
part, une diminution plus modeste des résistances arté- plissage vasculaire avec des solutés cristalloïdes et/ou col-
rielles (diminution de la postcharge), responsable d’un loïdes.
accroissement modéré de la courbe de fonction ventricu-
laire. Mais le gain en termes de débit cardiaque lié à cette Toutefois, les produits sanguins sont en eux-mêmes res-
diminution de la postcharge est limité et l’essentiel de l’ac- ponsables d’un certain degré d’hémodilution, En effet,
croissement du débit cardiaque lors de l’hémodilution nor- l’administration de concentrés globulaires (dont l’hémato-
movolémique est lié à l’augmentation du retour veineux. crite est de 60 %), de concentrés plasmatiques et d’unités
Lorsqu’une hypovolémie s’associe à l’hémodilution, cette plaquettaires dans des proportions équivalentes (par ex.,
hypovolémie est responsable d’une diminution du retour 1 unité de chaque) équivaut au total à l’administration
veineux, ce qui a pour corollaire une chute du débit car- d’une solution ayant un hématocrite à moins de 30 %, des
diaque. Ceci explique qu’une hémodilution normovolé- facteurs de coagulation à 60 % de leur concentration habi-
mique bien conduite est généralement parfaitement tuelle et une concentration plaquettaire à 80 × 109/L, ceci
tolérée, alors qu’une hémodilution hypovolémique peut en raison de la dilution de chacun des éléments dans la
avoir des conséquences hémodynamiques très délétères solution finalement reconstituée [118]. De manière simi-
[114]. laire, l’administration d’un seul de ces éléments conduit
inévitablement à une hémodilution des deux autres au
Au niveau de la microcirculation, l’hémodilution a deux niveau de la circulation générale. Cette notion d’hémodi-
conséquences principales : elle modifie le débit sanguin lution liée à l’administration d’autres produits sanguins,
total arrivant aux réseaux capillaires des différents loin d’être intuitive, doit pourtant être présente à l’esprit
organes, et elle a un effet complexe au niveau des para- lors de la réanimation du patient en choc hémorragique.
mètres rhéologiques et hémodynamiques locaux entraî- Ceci explique, au moins en partie, que les recommanda-
nant une nouvelle répartition des débits sanguins et des tions actuelles préconisent des ratios transfusionnels élevés
flux de globules rouges (donc d’oxygène) à l’intérieur de en concentrés plasmatiques, unités plaquettaires et culots
l’organe [115]. Cette nouvelle distribution tend à réduire globulaires, entre 1:1:2 et 1:1:1 [113, 119].
la proportion de zones hypoperfusées. Ces effets béné-
fiques sont d’autant plus marqués que les conditions Enfin, la conséquence, en termes d’hémodilution, d’une
hémodynamiques sont perturbées. quantité donnée de remplissage vasculaire dépend de
deux autres facteurs qu’il est très important de prendre en
Enfin, toute diminution de l’hématocrite entraîne une compte. Le premier est la valeur de départ de la variable
diminution quasi proportionnelle de la capacité de fixation considérée pour l’hémodilution. Ainsi, l’hémoglobine de
de l’oxygène, normalement compensée, dans les limites départ (anémie préexistante) est un facteur important
physiologiques de l’hémodilution normovolémique, par la déterminant la valeur finale de l’hémoglobine induite par
réduction de la viscosité sanguine et l’amélioration des un remplissage vasculaire donné. Le second facteur est
débits sanguins. Ceci explique qu’entre 40 et 25 % d’hé- l’importance de la spoliation sanguine préalable au rem-
matocrite, la variation de l’apport d’oxygène aux différents plissage vasculaire. En effet, l’hémodilution provoquée par
tissus reste très modérée, l’amélioration du débit sanguin une quantité donnée de remplissage vasculaire est d’au-
local compensant la diminution de la différence artériovei- tant plus importante que le volume sanguin du patient a
neuse en oxygène. été préalablement réduit par le saignement (figure 7).

Hémodilution extrême Conséquences de l’hémodilution


L’hémodilution présente des avantages rhéologiques et • Thrombopénie de dilution
hémodynamiques sans modification de l’oxygénation tis-
sulaire ou de l’hémostase, jusqu’à des valeurs d’hémato- La dilution du pool des plaquettes par des solutés
crite comprises entre 25 et 30 %. En dessous de 25 % dépourvus de plaquettes a pour conséquence une throm-
d’hématocrite, le transport d’oxygène ne peut plus être bopénie dite de dilution. Cependant, la décroissance de la
suffisamment maintenu ; en dessous de 20 %, une acidose numération plaquettaire est, d’une part, plus lente que ne
métabolique et une hyperlactacidémie apparaissent. La le laisse prédire un phénomène de dilution seul et, d’autre
limite la plus nette à la tolérance des hémodilutions part, sujette à une grande variabilité interindividuelle, 65
extrêmes est constituée par la circulation coronaire. Des à 85 % de la variation de la numération plaquettaire étant
hémodilutions jusqu’à 5 ou 10 % ont parfois été observées liée à des mécanismes autres que l’hémodilution [120]. On
lors d’un choc hémorragique, notamment en réanimation considère habituellement que la numération plaquettaire
préhospitalière, situation où la transfusion sanguine est chute de deux tiers après renouvellement d’environ
rarement disponible, ou chez des sujets opposés par 1 masse sanguine [121] et que cette diminution se mani-

178
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Physiopathologie du choc hémorragique 17

feste cliniquement par un saignement « anormal » au-delà Pertes


du renouvellement de 1,5 masse sanguine [122]. Cette sanguines
=1L
thrombopénie est de loin la première cause de saignement
chez le patient traumatisé grave après une hémodilution
extrême et/ou une transfusion massive. En effet, l’hémos-
tase nécessite la présence de phospholipides membranaires
et se fait majoritairement au niveau de la surface plaquet-

+ =
taire. La plaquette, activée notamment par des traces de
thrombine, devient alors une surface réactive qui va poten- Perfusion
1 000 cm3
tialiser l’activation du facteur X en Xa et, par conséquent,
permettre la formation de quantités très importantes de Ht = 29 %
Ht = 35 %
thrombine [123].
De plus, il s’associe à cette thrombopénie de dilution Volémie = 5 L Volémie = 6 L
une thrombopathie d’origine multifactorielle. L’hypo-
thermie en particulier, qui représente l’un des facteurs pro-
nostiques les plus défavorables chez le patient traumatisé
grave [124, 125], est responsable d’une altération majeure Pertes
des fonctions plaquettaires. Ainsi, dès que la température
sanguines
diminue en deçà de 34 °C, l’activité des glycoprotéines
membranaires de la plaquette diminue tandis que, clini- =3L
quement, il existe un allongement progressif du temps de
saignement [126].

+ =
• Coagulopathie de dilution Perfusion
1 000 cm3
Les facteurs de coagulation sont également sujets au
phénomène de l’hémodilution lors du choc hémorragique Ht = 35 % Ht = 26 %
chez le traumatisé grave (voir chapitre 13). Cependant,
comme pour les plaquettes, la décroissance des facteurs de
Volémie = 3 L Volémie = 4 L
coagulation est plus lente que ne le laisse supposer un
modèle de dilution seul, à l’exception toutefois du fibrino- Figure 7 / Importance de l’hémodilution liée au remplissage
gène qui présente une décroissance relativement selon le volume des pertes sanguines initiales
conforme aux prédictions et qui est par conséquent le fac- Un remplissage équivalent provoque une hémodilution
d’autant plus importante que les pertes sanguines
teur qui chute le plus précocement lors d’une hémorragie
ont préalablement été importantes et non compensées.
aiguë, bien avant les plaquettes et les autres facteurs
de coagulation [127, 128]. Les facteurs V et VIII, dont la
demi-vie est plus courte que celle des autres facteurs de
coagulation, sont ensuite ceux qui subissent la baisse la
plus marquée lorsque l’hémodilution perdure [123].
Néanmoins, il est essentiel de garder à l’esprit que le méca- • Interaction hématocrite-hémostase
nisme de dilution n’explique pas tous les troubles de l’hé-
mostase présents dans le contexte du choc hémorragique Il est maintenant démontré que les globules rouges
jouent un rôle indirect, mais fondamental, dans les proces-
traumatique. D’une part, l’hypothermie provoque un
sus d’hémostase [131, 132]. En effet, pour une numération
ralentissement des différentes réactions enzymatiques
plaquettaire et des taux de facteurs de coagulation équi-
intervenant dans la coagulation, et il est important de valents, l’adhésion des plaquettes diminue et le temps de
noter que la plupart des tests conventionnels de coagula- saignement s’allonge très significativement lorsque l’hé-
tion étant effectués à 37 °C au laboratoire, ils ne permet- matocrite diminue [123, 133] (figure 8). Les mécanismes à
tent pas de mettre en évidence cette perturbation de l’origine de cette interaction hématocrite-hémostase sont
l’hémostase [129]. D’autre part, une fibrinolyse est parfois multiples. Le premier mécanisme est rhéologique : lorsque
observée chez ces patients, notamment en présence d’un l’hématocrite est élevé, les globules rouges en nombre plus
traumatisme crânien, d’une contusion pulmonaire et/ou important occupent la portion centrale du vaisseau et,
d’un hématome rétropéritonéal. Par ailleurs, plusieurs consécutivement, repoussent les plaquettes à la périphérie
mécanismes sont reconnus à l’origine du processus d’acti- du vaisseau. Ceci favorise ainsi l’adhésion des plaquettes
vation de la coagulation (CIVD). En premier lieu, l’attrition au sous-endothélium en multipliant les chances d’interac-
et/ou l’anoxie tissulaire provoquent une libération massive tions entre le sous-endothélium et les plaquettes (figure 9).
de thromboplastine ou facteur tissulaire (FT), principal acti- Les autres mécanismes mis en jeu sont d’ordre biochi-
vateur de la cascade de la coagulation ; ainsi, les CIVD pro- mique. D’une part, l’adénosine diphosphate (ADP) pré-
fondes observées lors de contusions crânio-cérébrales chez sente au niveau des globules rouges serait un puissant
inducteur de l’agrégation plaquettaire. D’autre part, les
les traumatisés crâniens (plaie par arme à feu) n’ont pour
globules rouges activent directement la cyclo-oxygénase
autre étiologie que la libération de thromboplastine tissu-
plaquettaire [134] et induisent une augmentation de la
laire dans le courant circulatoire [130]. En second lieu, la synthèse de thromboxane A2. Enfin, les globules rouges
mise à nu du sous-endothélium provoque une activation accélèrent directement la formation de thrombine grâce à
de la phase contact de l’hémostase [123]. Enfin, l’insuffi- l’exposition de leur surface phospholipidique procoagu-
sance circulatoire serait un facteur de pérennisation de la lante [135]. Ils jouent donc un rôle fondamental dans les
CIVD, d’une part, en induisant une dysfonction endothé- processus d’hémostase, indépendamment de leur rôle spé-
liale et une souffrance tissulaire et, d’autre part, en rédui- cifique dans le transport d’oxygène. Selon les dernières
sant la clairance hépatique des facteurs de coagulation recommandations françaises sur la prise en charge du choc
[120]. hémorragique, l’objectif de la transfusion de concentrés

179
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

30 globulaires chez le patient traumatisé sévère est de main-


tenir une valeur d’hémoglobine entre 7 et 9 g/dL, voire
Surface vasculaire (%)

Hématocrite entre 9 et 10 g/dL, chez des patients plus particulièrement


à risque de mauvaise tolérance de l’anémie (patients coro-
20 41 % nariens, traumatisés crâniens, etc.) [113].

19 % • Hypocalcémie
10 Des données expérimentales confirment l’existence
d’une hypocalcémie après remplissage au décours du choc
*
hémorragique [136]. Cette hypocalcémie est classiquement
* liée à la transfusion massive, les concentrés globulaires
0
contenant du citrate qui est un puissant chélateur du cal-
216 000 50 000 cium, et serait pour une moindre part liée au phénomène
Plaquettes
d’hémodilution [117]. Cependant, nous avons mis en évi-
Figure 8 / Surface plaquettaire couverte par du thrombus dence une diminution significative de la calcémie ionisée
sur un modèle in vitro en fonction de la numération plaquettaire lors de l’admission hospitalière chez les patients traumati-
et de l’hématocrite
Toutes conditions égales par ailleurs, l’anémie et la thrombopénie sés sévères avant toute transfusion sanguine [137]. Ainsi,
font chacune diminuer la surface vasculaire couverte par un une hypocalcémie était présente chez 71 % des patients
thrombus sur un modèle expérimental de plaie vasculaire dès l’admission à l’hôpital. Parmi ceux-ci, 59 % présen-
* p < 0,05 versus hématocrite 41 % (d’après Escolar et al. [132]). taient une hypocalcémie modérée (entre 0,9 et
1,15 mmol/L) et 12 % une hypocalcémie profonde
(< 0,9 mmol/L). La baisse de la calcémie ionisée était corré-
lée à l’importance du remplissage préhospitalier en col-
loïdes, mais non au remplissage en cristalloïdes (figure 10).
Les patients ayant une hypocalcémie sévère avaient reçu
un remplissage préhospitalier en colloïdes important
(médiane = 1,5 L) et présentaient, dès l’admission hospita-
lière, de très importants signes d’hémodilution ainsi que
des facteurs de gravité majeurs [137]. D’autres facteurs
ayant un rôle moins important que l’hémodilution partici-
pent également à cette hypocalcémie : la fixation aux lac-
tates produits en excès par l’état de choc, la fixation à
certains colloïdes comme les gélatines et, enfin, l’ischémie-
reperfusion qui facilite l’entrée intracellulaire du calcium
[137]. Classiquement, l’hypocalcémie survenant au décours
du choc hémorragique est le plus souvent modérée, sans
retentissement cardiaque. Néanmoins, d’une part, elle
peut favoriser une vasoplégie, ce qui nécessite d’augmen-
ter les doses de vasopresseurs, et, d’autre part, elle parti-
cipe vraisemblablement aux anomalies de l’hémostase
Figure 9 / Interaction plaquettes-paroi vasculaire
en fonction du taux d’hématocrite chez ces patients, le calcium étant indispensable aux diffé-
TLorsque l’hématocrite est élevé, les globules rouges en nombre plus rentes étapes de la coagulation et à la phase d’activation
important occupent la portion centrale du vaisseau et, consécutivement, plaquettaire [138]. Il est recommandé de doser le calcium
repoussent les plaquettes à la périphérie du vaisseau, ce qui favorise ionisé pour évaluer l’hypocalcémie et la corriger le cas
l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium en multipliant les chances échéant [113].
d’interactions entre celui-ci et les plaquettes (d’après Samama [123]).

Transfusion massive
1,50 On appelle transfusion massive une transfusion qui
remplace plus d’une masse sanguine en 24 heures [2]. Une
1,25 telle transfusion peut entraîner des complications non spé-
cifiques (mais dont le risque est accru du fait du grand
Ca ionisé (mmol/L)

1,00 nombre de donneurs) et spécifiques, qui reposent sur la


physiologie de la conservation du sang (conservation,
0,75 adjonction d’un anticoagulant et métabolisme des glo-
R = 0,61 bules rouges), et que nous évoquerons rapidement. Ces
P < 0,01
0,50 complications spécifiques comportent :
• des troubles de l’hémostase, dont les plus fréquents sont
0,25 une coagulopathie de dilution caractérisée par une
thrombopénie et une chute des facteurs de la coagula-
Remplissage préhospitalier (mL)
0,00 tion. Une hypocalcémie d’origine multifactorielle peut
0 1 000 2 000 3 000 4 000 également participer à ces troubles de l’hémostase, et il
a longtemps été recommandé d’administrer du calcium
Figure 10 / Hypocalcémie et choc hémorragique lors des transfusions massives. En revanche, un effet anti-
Corrélation entre le taux de calcium ionisé artériel à l’arrivée à l’hôpital
coagulant direct par intoxication au citrate contenu dans
et la quantité de remplissage vasculaire préhospitalier (avant toute
transfusion sanguine) chez des patients traumatisés graves, montrant les différents produits sanguins est actuellement rare lors
l’existence d’une hypocalcémie de dilution (d’après Vivien et al. [137]). des transfusions massives et se rencontre plutôt lors des
procédures d’aphérèse ;

180
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Physiopathologie du choc hémorragique 17

• une acidose métabolique, liée aux méthodes de conser- cologique recherché. Ainsi, l’élévation de la concentration
vation du sang et souvent redoutée, mais qui n’est pas plasmatique des catécholamines, habituellement observée
toujours retrouvée et qui est même parfois remplacée dans l’insuffisance circulatoire, pourrait diminuer l’affinité
par une alcalose mixte ; des récepteurs b-adrénergiques pour leurs agonistes,
• une hyperkaliémie secondaire à la conservation du sang comme on l’observe lors des brèves élévations physiolo-
et qui est très vite réversible avec la ré-entrée de cet ion giques de la concentration des catécholamines [142]. Ce
dans les globules rouges dès qu’ils sont remis en circula- phénomène connu sous le nom de désensibilisation peut
tion. Le risque de surcharge en potassium n’est réel que aboutir à l’hyporéactivité des organes cibles [143]. Il peut
chez l’insuffisant rénal, ce qui peut être le cas lors d’un jouer un rôle important lors de l’insuffisance circulatoire,
choc hémorragique prolongé ; car il peut apparaître très rapidement après l’exposition à
• une hypothermie liée à la transfusion massive qui est res- des concentrations élevées de catécholamines [144],
ponsable de complications métaboliques, hématolo- contrairement à la diminution de densité des récepteurs
giques et surtout cardiaques (troubles du rythme en b-adrénergiques (down-regulation) qui nécessite habituel-
particulier). C’est pourquoi l’usage de réchauffeurs de lement une exposition chronique à des concentrations éle-
transfusion performants doit toujours être la règle en cas vées. D’autres hormones sécrétées en réponse à
de transfusion massive. l’insuffisance circulatoire, comme le cortisol ou l’ACTH,
sont également susceptibles de modifier l’interaction entre
Ventilation mécanique les récepteurs adrénergiques et leurs agonistes. Ainsi, il a
déjà été montré que les corticostéroïdes pouvaient modi-
fier la sensibilité et augmenter la densité des récepteurs -
Les patients traumatisés sévères sont très fréquemment
adrénergiques [145]. Il est probable que des phénomènes
intubés et ventilés en pression positive. Or, la ventilation
en pression positive est associée à une baisse du volume identiques de modification de l’expression, de la sensibilité
sanguin central, une chute des pressions transmurales du ou de la densité d’autres types de récepteurs puissent
cœur droit et une diminution de l’index cardiaque. Une apparaître lors de l’insuffisance circulatoire et soient res-
telle diminution du débit cardiaque peut réduire les diffé- ponsables de modifications pharmacodynamiques.
rents débits sanguins régionaux, comme le débit sanguin
hépatique [139]. Compte tenu de l’importance du débit
sanguin hépatique pour l’élimination par le foie de cer-
tains médicaments, en particulier des médicaments à forte
Conclusion
extraction hépatique, il ne serait pas étonnant que leur éli- Le choc hémorragique est une urgence fréquente,
mination soit réduite en cas de ventilation mécanique. notamment en traumatologie, dont la physiopathologie,
Cette interférence de la ventilation mécanique avec la bien qu’ayant bénéficié de très nombreuses études expé-
pharmacocinétique de la lidocaïne (médicament à forte rimentales et cliniques, reste complexe et dont certains
extraction hépatique) a été clairement mise en évidence : aspects demeurent encore assez mal connus. Les variations
élévation significative du pic de concentration plasma- des circulations régionales, ainsi que les particularités liées
tique, de la concentration à l’équilibre et de la demi-vie au terrain ou à la pathologie, doivent bénéficier d’études
d’élimination, sans modification du volume de distribution
plus approfondies afin de mieux cerner leurs impacts sur
[140].
les conséquences du choc hémorragique. Le pronostic du
patient en choc hémorragique repose toujours sur une réa-
Modification des récepteurs nimation agressive, débutée le plus précocement possible,
c’est-à-dire souvent dès la prise en charge préhospitalière.
Le choc hémorragique et l’activation réflexe des méca- La réanimation doit s’orienter essentiellement vers deux
nismes compensateurs qui en résulte aboutissent à la objectifs qui sont, d’une part, le rétablissement le plus rapi-
synthèse et à la libération de nombreux médiateurs, hor- dement possible de la volémie et secondairement de la
mones endogènes ou neurotransmetteurs. Les modifica- masse sanguine et, d’autre part, la réalisation de l’hémos-
tions physiopathologiques observées sont le résultat de tase (le plus souvent chirurgicale) des lésions à l’origine
l’interaction de ces médiateurs avec des récepteurs spéci- d’hémorragies actives. Mais parfois, malgré un remplissage
fiques. De la même manière, les médicaments administrés bien conduit, l’état clinique du patient continue de se
lors de l’insuffisance circulatoire doivent, pour avoir une dégrader ; le recours aux adjuvants du remplissage peut
action pharmacologique, interagir, directement ou indirec- alors permettre de passer un cap critique et d’amener le
tement, avec des récepteurs spécifiques. Mais l’affinité, le patient vivant au bloc opératoire. Enfin, il faut savoir que
taux d’occupation, l’efficacité intrinsèque et le nombre de l’hémodilution extrême a des limites et que le recours à la
ces récepteurs spécifiques peuvent être modifiés, de façon transfusion sanguine massive, qui peut certes être à l’ori-
également directe ou indirecte, par l’action des médiateurs gine de complications spécifiques qu’il faut connaître, reste
libérés au cours de l’insuffisance circulatoire [141], abou- à l’heure actuelle encore le seul moyen de restaurer rapi-
tissant à une modification (qualitative ou quantitative) de dement et efficacement la masse sanguine et, donc, le
l’interaction ligand-récepteur et donc de l’effet pharma- transport de l’oxygène aux cellules.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page185

OXYGÉNATION TISSULAIRE

18
• Définitions et cadre conceptuel
• Éléments de physiopathologie du choc septique
Physiopathologie
dans le contexte plus large
des interactions hôte-pathogène de la défaillance
• Initiation, amplification et extinction
de la réaction immunitaire spécifique ou acquise cardio-circulatoire
• Comment les pathogènes sont-ils détruits ?
• Comment l’hôte assure-t-il l’adéquation
du choc septique
entre type de danger et type de réponse ?
Régulation de la réaction immunitaire
• Physiopathologie de la défaillance Dan Longrois*,**, Yvan Devaux**
cardio-circulatoire du choc septique
à l’échelle « macroscopique » *Département d’anesthésie-réanimation,
Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris
• Quels sont les mécanismes cellulaires **Cardiovascular Research Unit,
et moléculaires du dysfonctionnement vasculaire Luxembourg Institute of Health, Luxembourg
et microcirculatoire dans le choc septique ?
• Théorie des systèmes appliquée à la biologie
• Quels sont les mécanismes qui sous-tendent
les effets bénéfiques des stratégies
thérapeutiques récentes du choc septique ?

Définitions patients admis pour choc septique représentent 8,2 % des


admissions dans les services de réanimation en France [2]
et cadre conceptuel et ce chiffre a augmenté en 8 ans (de 1993 à 2000). Le
risque de mortalité est multiplié par un facteur de 3,9
lorsque la cause de l’admission en réanimation est le choc
La physiopathologie est l’étude des fonctions modifiées
septique [2]. Pour les patients admis pour choc septique,
par la maladie. Elle décrit les modifications, leur amplitude,
la sévérité de l’hypotension artérielle (pression artérielle
leurs causes, leurs effets bénéfiques, neutres ou délétères
moyenne, ou PAM, < 85 mmHg) 24 heures après l’admis-
pour la survie de l’organisme et suggère des cibles théra-
sion en réanimation était un facteur prédictif indépendant
peutiques.
de mortalité précoce (10 jours) [3]. La mortalité du choc
Le sepsis est défini par l’association d’une infection et septique reste élevée (environ 50 %) [2] malgré plusieurs
d’une réponse inflammatoire de l’organisme caractérisée stratégies thérapeutiques qui ont été recommandées [4].
par au moins deux des signes suivants : hyperthermie ou Ces données suggèrent que le choc septique est une com-
hypothermie, hyperleucocytose, tachycardie, polypnée [1]. plication rare du sepsis mais que sa mortalité reste très éle-
Le choc septique est défini, sur des critères cliniques, par vée malgré les stratégies thérapeutiques proposées ;
la persistance d’une hypotension artérielle malgré une l’ensemble de ces éléments est une incitation à essayer de
expansion volémique adaptée [1]. Si des critères supplé- mieux comprendre la physiopathologie du choc septique
mentaires sont utilisés, il est défini comme une altération et de la défaillance cardio-circulatoire qui le définit.
profonde hémodynamique et métabolique caractérisée
par l’impossibilité du système cardio-circulatoire à assurer Les objectifs de ce chapitre sont :
une perfusion adaptée des organes vitaux, en relation avec • d’intégrer des éléments de la physiopathologie du choc
un tonus vasomoteur inadapté. septique dans le contexte plus large des interactions
hôte-pathogène ;
Le principal mérite de ces définitions est de faciliter l’in- • de présenter des éléments de physiopathologie de la
clusion, dans les études cliniques, de patients ayant les défaillance cardio-circulatoire du choc septique à plu-
mêmes signes cliniques et biologiques (ce qui sera appelé, sieurs échelles : une échelle « macrocirculatoire » carac-
dans ce chapitre, phénotype). Néanmoins, ces définitions térisée par des paramètres mesurables en pratique
ne prennent pas en compte l’agent étiologique de l’infec- clinique, ce qui permet d’aider le clinicien dans la prise
tion, la virulence du pathogène, l’histoire naturelle de l’in- en charge des patients ayant un choc septique, une
fection, le moment dans le déroulement de l’infection où
échelle « microcirculatoire » et qui relève surtout du
le choc septique survient, l’existence ou non d’une agres-
champ expérimental, enfin une échelle cellulaire et molé-
sion autre que l’infection (une chirurgie ou un trauma-
culaire destinée à générer de nouvelles hypothèses phy-
tisme par ex.).
siopathologiques et approches thérapeutiques ;
Environ 9 % des patients ayant un sepsis développent • d’essayer de hiérarchiser et d’intégrer les éléments de
un sepsis grave ; seuls 3 % des patients ayant les critères physiopathologie à l’échelle macrocirculatoire, microcir-
d’un sepsis grave évoluent vers un choc septique [1]. Les culatoire et cellulaire/moléculaire dans la perspective de

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

la théorie des systèmes appliquée à la biologie (systems sont des médiateurs intracellulaires et extracellulaires
biology) et des résultats des stratégies thérapeutiques avec à la fois des effets pro-inflammatoires et anti-inflam-
récentes dans le choc septique [4]. matoires [1].
L’importance des PRR dans la physiopathologie de l’in-
Éléments fection ou du choc septique a été mise en évidence par le

de physiopathologie
fait que certains polymorphismes du TLR4 (impliqué dans
la reconnaissance du lipopolysaccharide) augmentent la

du choc septique susceptibilité à l’infection par les bactéries à Gram négatif


(mais pas aux infections polymicrobiennes) [12].
dans le contexte plus large Des polymorphismes du TLR2 (impliqué dans la recon-

des interactions naissance des lipoprotéines présentes dans les membranes


des pathogènes) augmentent la susceptibilité à la tuber-
hôte-pathogène culose [12]. Des polymorphismes de l’interleukine 1 recep-
tor associated kinase (IRAK)-4 sont associés à une
augmentation de la susceptibilité aux infections par les
L’organisme humain interagit en permanence avec un
bactéries à Gram positif [12]. Des modifications de l’expres-
grand nombre d’agents commensaux et pathogènes [5].
sion des PRR (induites par une première infection, par un
Plusieurs mécanismes de défense naturelle (barrière cuta-
traumatisme ou par la chirurgie) pourraient expliquer l’im-
née, épithélium du tube digestif, peptides antibiotiques
munodépression qui survient après une première agression
naturels, etc.) permettent aux interactions hôte-patho-
non infectieuse [12].
gènes de ne pas évoluer vers l’infection. Lorsque ces méca-
nismes de défense sont perturbés (disparition de la Pratiquement tous les types cellulaires, et pas seule-
continuité de l’épithélium par ex.) ou lorsque des agents ment les cellules immunitaires, ont la capacité de répondre
pathogènes sont introduits dans l’organisme en quantité à la présence d’un pathogène par l’activation d’une réac-
excessive, l’organisme doit reconnaître immédiatement la tion de défense (sécrétion de cytokines, de chimiokines, de
présence des agents pathogènes. Cette reconnaissance est médiateurs considérés comme pro-inflammatoires [13]).
la première étape de la réaction immunitaire innée, la Ainsi, les PRR comme TLR4 exprimés à la surface des cel-
forme phylogénétiquement la plus ancienne de défense lules endothéliales seraient responsables de la séquestra-
contre les pathogènes. tion des cellules polymorphonucléaires (PMN) dans la
circulation pulmonaire avec, comme conséquence, la libé-
L’hôte reconnaît des profils moléculaires associés aux
pathogènes (pathogen-associated molecular patterns, ration de médiateurs et l’altération de la perméabilité
PAMP), conservés à travers l’évolution, par l’intermédiaire capillaire pulmonaire [14].
de récepteurs (molécules) de reconnaissance de profils La principale caractéristique de la réponse des cellules
(pattern recognition receptors, PRR) [6]. Les PAMP sont soit non immunitaires à la présence d’un pathogène est une
des molécules présentes à la surface des pathogènes (lipo- relation de proportionnalité entre l’amplitude et la durée
polysaccharides, lipoprotéines, peptidoglycanes, acide lipo- d’exposition à l’inoculum, d’une part, et l’amplitude et la
teichoïque, etc.), soit des molécules reconnues après durée de la réponse des cellules hôtes spécifique, d’autre
destruction des pathogènes (protéines du choc thermique part. D’un point de vue finaliste, ce type de réponse doit
ou heat shock proteins, Hsp). Les PRR les mieux caractérisés permettre à toute cellule de se défendre contre des patho-
sont le groupe des récepteurs Toll-like (TLR) [7]. Les bacté- gènes par des mécanismes non spécifiques, en attendant
ries intracellulaires sont reconnues par d’autres types de la mise en jeu de la reconnaissance de l’infection par l’or-
PRR comme le NOD1 pour les bactéries à Gram négatif ou ganisme.
le NOD2 pour les bactéries à Gram positif [8]. Il a été mon-
tré que certains PRR (TLR2 et TLR4) reconnaissaient des Ces réponses « inflammatoires » des cellules non immu-
molécules du soi modifiées [9], ce qui conforte le modèle nitaires souvent très différenciées (par ex., les cardio-
de Polly Matzinger [10] d’un système immunitaire qui myocytes) sont maintenant reconnues comme étant
reconnaît le « danger ». Le « danger » est tout signal de physiologiques. Les signaux émis par les cellules non immu-
stress ou de mort non physiologique d’une cellule de l’hôte nitaires permettent l’activation des cellules endothéliales
(soi non infectieux) ou certains PAMP des pathogènes qui qui va entraîner l’adhésion et l’extravasation des polymor-
vont entraîner une infection. phonucléaires. Une fois dans le tissu, ces derniers vont
d’abord reconnaître le danger/le pathogène et mettre en
La reconnaissance du pathogène s’accompagne d’une place un programme de réponse qui va entraîner des
cascade de signalisations intracellulaires [11] dont une des lésions oxydatives des molécules étrangères/pathogènes.
voies finales majeure est l’activation suivie de la trans- Par la suite, des phagocytes mononucléaires sont attirés
location dans le noyau des protéines du complexe pro- pour nettoyer les débris cellulaires. Si, au contraire, les
téique NF-kB (nuclear factor kappa B) [1].
microbes persistent et prolifèrent, la réponse inflamma-
D’autres voies de transduction du signal sont responsa- toire continue et s’amplifie et va bloquer les pathogènes
bles de l’activation de la voie de l’interféron b impliqué par la formation d’abcès.
dans la défense antivirale, de la voie AP-1 (activator pro-
Si l’hôte ne limite pas la multiplication des pathogènes
tein) et SP-1 (stimulating protein) [1]. L’activation des
à une phase initiale, une réponse systémique se produit.
récepteurs Toll est également associée à la voie de la
Cette réponse systémique est caractérisée par un processus
phosphoinositide 3 kinase (PI3K) et de la protéine kinase
d’amplification dont la principale conséquence est la
B (PKB ou Akt), ce qui aboutit à une augmentation de la
nécessité pour l’organisme de disposer de mécanismes
transcription du gène de l’IL-1RA (interleukin 1 receptor
de limitation/contrôle de l’amplification. Ce concept d’am-
antagonist) qui a des effets anti-inflammatoires [1].
plification de la réponse à la présence du pathogène
Les facteurs de transcription activés après reconnais- implique l’existence de points de contrôle de la réponse de
sance par les PRR des PAMP déclenchent des modifica- l’hôte et s’intègre dans le cadre plus large de la théorie des
tions de l’expression de nombreux gènes dont les produits systèmes appliquée à la biologie [15].

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Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique 18

Initiation, amplification intermediates ou RNI) et l’exposition aux polypeptides anti-


biotiques préformés. Le complexe nicotinamide adénine
et extinction de la réaction dinucléotide phosphate (NADPH) oxydase est assemblé au
niveau des membranes des phagosomes à partir de plu-
immunitaire spécifique sieurs protéines composantes membranaires (gp91phox,
p22phox) ou cytoplasmiques (p67phox, p40phox, p47phox
ou acquise et Rac2) qui vont être transloquées vers le phagosome.
Leur translocation est le résultat de phosphorylations qui
Les PRR sont présents sur les cellules dendritiques qui peuvent être déclenchées par plusieurs voies de transduc-
sont les principales cellules présentatrices d’antigène dont tion du signal [19]. L’assemblage et l’activation du com-
un des rôles est l’initiation de la réaction immunitaire spé- plexe NADPH oxydase sont régulés en grande partie par
cifique [16]. L’activation des cellules dendritiques est carac- les mêmes mécanismes que ceux qui régulent les modifi-
térisée à la fois par des réponses spécifiques d’un type de cations du cytosquelette des phagocytes [19]. Les espèces
pathogène et par des réponses communes pour tous les radicalaires dérivées de l’oxygène et de l’azote agissent de
types [17]. La réponse des cellules dendritiques à une bac- manière synergique pour détruire les pathogènes [20].
térie entière n’est que partiellement superposable à la
réponse d’une composante bactérienne [17]. La « finesse »
de la reconnaissance est en relation avec la présence de Comment l’hôte assure-t-il
l’adéquation entre type de
multiples PRR, leurs interactions et des cascades de signa-
lisations intracellulaires permettant une réponse rapide
(dépendante de la protéine adaptatrice myeloid differen-
tiation protein ou MyD88) et une réponse retardée par la danger et type de réponse ?
mise en jeu d’une voie de signalisation MyD88 indépen-
dante. Plusieurs types de cellules dendritiques, ayant des
Régulation de la réaction
répertoires différents de PRR, pourraient être impliqués
dans l’initiation de la réponse immunitaire adaptée à un
immunitaire
seul pathogène [18].
La réponse immunitaire (innée et acquise) doit être
Les antigènes des agents pathogènes sont transformés régulée afin de permettre une activation appropriée dans
et présentés par les cellules dendritiques dans le contexte le temps et dans l’espace en étant efficace pour l’élimina-
du complexe majeur d’histocompatibilité de type II tion des pathogènes sans destruction du soi. Cette régula-
(CMH-II). Les complexes antigène-CMH-II sont reconnus par tion est le résultat d’interactions complexes entre des
les récepteurs des lymphocytes T (T cell receptor, TCR) et B facteurs génétiques (à la fois de l’hôte et du pathogène),
(B cell receptor, BCR). La réaction immunitaire acquise dis- des facteurs épigénétiques, des facteurs environnemen-
pose d’un vaste répertoire de récepteurs aux antigènes. Les taux liés à l’hôte qui précèdent l’interaction avec le patho-
TCR et les BCR sont capables de reconnaître des cellules gène (par ex., le statut nutritionnel de l’hôte ou une
infectées et des pathogènes. Par suite de l’interaction cel- maladie chronique sous-jacente) et des facteurs contex-
lules dendritiques-TCR, les cellules CD4+ naïves prolifèrent tuels (infection de novo ou dans les suites d’un trauma-
et se différencient vers les phénotypes Th1 (T helper) ou tisme). L’interaction de ces multiples facteurs n’est pas de
Th2. La réponse de type Th1 stimule la prolifération des nature linéaire, déterministe, mais probablement de
lymphocytes cytotoxiques (CTL) et la réponse Th2 stimule nature non linéaire, stochastique. Cette régulation est un
la production d’anticorps. Les lymphocytes T ne peuvent équilibre complexe entre activation et inhibition de plu-
pas, en général, détruire directement les cellules infectées sieurs types de réactions [21].
mais transmettent des informations aux cellules infectées

Facteurs génétiques
pour arrêter la synthèse protéique et évoluer vers l’apop-
tose. Les lymphocytes B répondent à la présence des anti-
gènes en secrétant leurs récepteurs aux antigènes sous la
forme d’anticorps. Les anticorps empêchent les patho- De multiples gènes contrôlent la réaction de réponse
gènes d’envahir les cellules de l’hôte et neutralisent les de l’hôte à la présence d’un pathogène. Des polymor-
toxines secrétées par les pathogènes. Néanmoins, lorsqu’il phismes ont été décrits pour plusieurs gènes impliqués
s’agit de détruire les cellules infectées, les lymphocytes B/ dans la réponse aux pathogènes, par exemple le polymor-
les anticorps font appel aux effecteurs de l’immunité phisme du promoteur du gène de l’interleukine 1b (IL-1b)
innée. Les anticorps, au sein des complexes antigène-anti- [22] ou de l’interleukine 6 (IL-6) [23], du promoteur du
corps, peuvent activer la cascade du complément et gène CMH-II [24]. Ces polymorphismes sont responsables
détruire les membranes microbiennes. Les anticorps sont du niveau d’expression (et possiblement aussi de la ciné-
reconnus par les récepteurs Fc présents à la surface des cel- tique d’activation/inactivation) des différentes compo-
lules effectrices de l’immunité innée, comme les neutro- santes de la réaction inflammatoire. Pour l’IL-1b, il a été
philes et les macrophages, et déclenchent le processus de montré qu’un niveau d’expression élevé s’accompagnait
phagocytose. d’une élimination plus rapide du pathogène mais au prix
de dégâts tissulaires plus importants pour l’hôte.

Comment les pathogènes Facteurs environnementaux


sont-ils détruits ? Plusieurs facteurs sont capables de moduler l’amplitude
et la vitesse d’activation/inactivation de la réaction inflam-
L’élimination des pathogènes fait appel à des méca- matoire. Chez les animaux de laboratoire, des micronutri-
nismes idéalement limités aux cellules infectées. La destruc- ments comme la vitamine A et les rétinoïdes modulent
tion des pathogènes dans les phagocytes fait appel à au l’expression et l’activité de plusieurs composantes de la
moins trois processus : les espèces radicalaires dérivées de réaction inflammatoire et influencent la survie de l’hôte
l’oxygène (reactive oxygen intermediates ou ROI), les [25, 26]. Très souvent, l’activation et l’inhibition de la réac-
espèces radicalaires dérivées de l’azote (reactive nitrogen tion immunitaire sont médiées par des récepteurs qui

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

reconnaissent le même ligand ou signal de « danger ». des patients ayant des manifestations cliniques de choc
L’inhibition de la réaction immunitaire est médiée par des septique ont une pression artérielle augmentée après
récepteurs dont plusieurs types ont été décrits [21]. expansion volémique [30].
Les changements récents de l’épidémiologie du sepsis
grave et du choc septique [1] sont probablement davan- Dysfonctionnement cardiaque
du choc septique
tage liés à des modifications de la virulence des agents
pathogènes, de l’immunodépression iatrogène ou aux
comorbidités qu’aux facteurs génétiques de l’hôte qui
Les différents outils de monitorage cardiovasculaire ont
n’ont pas été modifiés en si peu de temps.
fait évoluer les concepts physiopathologiques de la défail-
La complexité des interactions hôte-pathogène, briève- lance cardiaque du choc septique. En l’absence d’hypovo-
ment décrite plus haut, permet de faire l’hypothèse que lémie, le profil « classique » du choc septique, mis en
l’apparition d’un choc septique peut être le résultat de plu- évidence par l’utilisation du cathéter artériel pulmonaire,
sieurs mécanismes impliquant le pathogène, les méca- est celui dit hyperkinétique (augmentation du débit car-
nismes de reconnaissance des pathogènes, la mise en jeu diaque, résistances vasculaires systémiques basses avec ou
de la réaction immunitaire innée puis adaptative, les méca- sans hypotension artérielle, saturation en oxygène dans
nismes de contrôle (amplification, contrôle de la réaction l’artère pulmonaire, ou SvO2, élevée). Un profil hypokiné-
inflammatoire), les mécanismes d’extinction de la réaction. tique (débit cardiaque bas, résistances élevées, SvO2 basse)
Limiter la physiopathologie du choc septique à une activa- peut être rencontré lorsque l’hypovolémie n’a pas été cor-
tion excessive de la réaction inflammatoire ou à un rigée ou lorsqu’il existe une défaillance myocardique.
déséquilibre entre la réaction inflammatoire et anti- L’échographie cardiaque a permis la mise en évidence,
inflammatoire est trop réducteur. même en présence de profils hyperkinétiques, d’une dila-
tation des cavités ventriculaires et d’une diminution du
volume d’éjection systolique du ventricule gauche [31],
Physiopathologie d’une dysfonction ventriculaire droite dont témoigne la
diminution de la fraction d’éjection du ventricule droit
de la défaillance cardio- [32]. La principale difficulté est de comprendre si la dilata-
tion des cavités ventriculaires est délétère ou bénéfique. À
circulatoire du choc partir des données de Parker et al. [31], qui ont montré que

septique à l’échelle
la dilatation des cavités cardiaques était présente chez les
survivants mais pas chez les non-survivants, il a été suggéré

« macroscopique » que la dilatation des cavités cardiaques était un mécanisme


d’adaptation probablement destiné à maintenir le débit
cardiaque [33]. D’autres auteurs, en mettant en évidence
Macroscopiquement, le choc septique est caractérisé la relation entre évolution fatale du choc septique et
par une hypotension artérielle, une vasodilatation péri- dépression myocardique, ont affirmé que la dépression
phérique, une hypovolémie à laquelle contribue l’aug- myocardique contribuait à la mortalité du choc septique
mentation de la perméabilité capillaire et par un [34].
dysfonctionnement (et plus rarement une vraie défail- Le débat sur l’existence d’une dysfonction cardiaque
lance) myocardique. dans le choc septique a été relancé par plusieurs travaux
récents qui ont mis en évidence une augmentation des
Hypovolémie concentrations de peptides natriurétiques du cerveau et
auriculaires (respectivement brain [BNP] et atrial [ANP]
natriuretic peptides), chez les patients ayant un choc sep-
L’hypotension artérielle est le résultat de l’hypovolémie
tique, surtout lorsqu’il existait une dysfonction ventricu-
vraie et des anomalies de la vasomotricité artérielle et vei- laire gauche systolique échocardiographique [35, 36]. La
neuse au niveau systémique (hypovolémie relative). valeur pronostique pour la survie de l’augmentation des
L’hypovolémie vraie (baisse du volume sanguin) est en rela- concentrations de proNT-BNP (NT : N-terminal), qui est très
tion avec une augmentation de la perméabilité capillaire importante dans une étude [36], nécessite d’autres travaux
[27], une polyurie inadaptée (médiée, par ex., par l’hyper- de validation. D’autres biomarqueurs, comme l’augmenta-
glycémie qui entraîne une glycosurie), une déshydratation tion des concentrations de troponine I cardiaque (TnIc)
en relation avec la fièvre ou l’évolution de l’infection (troi- témoignent de la dysfonction myocardique du choc sep-
sième secteur, pertes digestives, etc.). Les anomalies de la tique. Une augmentation des concentrations de TnIc a été
vasomotricité veineuse et artérielle sont le résultat de mise en évidence chez 44 % des 37 patients d’une série
modifications profondes de la biologie des cellules endo- ayant un choc septique [37]. Les concentrations de TnIc éle-
théliales et des cellules musculaires lisses vasculaires [28]. vées étaient positivement corrélées à une diminution de la
La diminution du tonus veineux (stase veineuse) réduit le fraction d’éjection du ventricule gauche, à des anomalies
retour veineux vers le cœur droit et, en conséquence, le de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, aux
débit cardiaque. Des anomalies de la circulation des diffé- besoins en inotropes et à la mortalité [37]. En résumé, la
rents organes et des anomalies de la microcirculation dysfonction cardiaque dans le choc septique est une réa-
contribuent au choc septique [29]. lité ; sa contribution à l’hypotension artérielle qui caracté-
rise le choc septique est probablement limitée, au moins à
Quels que soient les mécanismes responsables de l’hy- la phase initiale. Formulé autrement, le cœur pourrait être
povolémie, l’importance de celle-ci dans la physiopatholo- un organe cible du choc septique au même titre que le foie
gie du choc septique est démontrée par le fait que ou le rein, mais ne semble pas être la cause majeure de
l’expansion volémique transforme souvent les chocs hypo- l’hypotension artérielle à la phase initiale du choc sep-
dynamiques en chocs hyperdynamiques et qu’environ 40 % tique.

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Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique 18

Mécanismes du
dysfonctionnement myocardique
dans le choc septique
Les mécanismes de la dilatation réversible des cavités
cardiaques, qui peut concerner jusqu’à 50 % des patients
ayant un choc septique [35], sont probablement liés à des
modifications réversibles de la matrice extracellulaire dans
le myocarde comme ceci a été montré dans le contexte de
l’inflammation myocardique chez les patients insuffisants
cardiaques [38]. L’augmentation des concentrations plas-
matiques des peptides natriurétiques est en relation avec
la dilatation biventriculaire. L’augmentation des concen-
trations de TnIc pourrait être en relation avec des phéno-
mènes de microthrombose au niveau de la microcirculation
coronarienne [39].
Quasiment tous les mécanismes biologiques responsa-
bles du couplage excitation-contraction sont perturbés
dans le myocarde des patients ou des animaux de labora-
toire en choc septique (figure 1). Ainsi, il a été rapporté
une activation inadaptée du système nerveux sympathique
cardiaque caractérisée par une augmentation de la
concentration plasmatique de noradrénaline et une dimi-
nution de la variabilité instantanée de l’intervalle R-R de
l’électrocardiogramme [40]. Les altérations du système
autonome cardiaque pourraient être directes ou être en
relation avec les effets du sepsis sur le système nerveux cen-
tral [41] : une inactivation des catécholamines par le
peroxynitrite [42], une altération du nombre et de la sen-
sibilité des récepteurs b-adrénergiques, une diminution de
l’expression des sous-unités aS des protéines G, une aug- Figure 1 / Mécanismes moléculaires impliqués dans
mentation de l’expression des sous-unités i, une modifica- le dysfonctionnement contractile myocardique dans le choc septique
tion des isotypes de l’adénylcyclase, une diminution du R MAch : récepteur muscarinique à l’acétylcholine ;
contenu intracellulaire en adénosine monophosphate R : récepteur ; NOS3 : isoforme endothéliale de la NO synthétase ;
cyclique (AMPc) par diminution de la production et/ou par NOS2 : isoforme inductible de la NO synthétase ;
augmentation de la dégradation à travers les phosphodies- AC : adénylcyclase ; GCs : guanylyl cyclase soluble ;
GMPc : guanosine monophosphate cyclique ;
térases GMPc (guanosine monophosphate cyclique) dépen-
PDE : phosphodiestérase ; AMPc : adénosine
dantes (pour revue, voir [43]), une activation du récepteur monophosphate cyclique ; PKA : protéine kinase A ;
à la ryanodine par le monoxyde d’azote ou un congénère PKG : protéine kinase G ; ⊕ indique une voie d’activation ;
[44], une diminution de la sensibilité des protéines contrac- ⊝ indique une voie d’inhibition.
tiles au calcium [45]. L’ensemble de ces modifications sont
le résultat des effets des médiateurs pro-inflammatoires
qui utilisent un mode de transmission de l’information
endocrine, paracrine ou autocrine soit directement sur les
cardiomyocytes, soit par l’intermédiaire des cellules endo-
théliales [46]. Une aggravation de la dysfonction myocar- consommation systémique en oxygène (VO2). Deux méca-
dique pourrait être observée chez les patients ayant une nismes principaux ont été incriminés pour expliquer ce
coronaropathie malgré des observations qui attribuent un paradoxe :
rôle modeste aux anomalies de la circulation coronarienne • les anomalies de la microcirculation ;
• l’inhibition de la respiration cellulaire.
dans le choc septique humain [47]. L’ensemble des anoma-
lies moléculaires citées pourraient affecter la fonction sys-
tolique ou diastolique des cardiomyocytes par altération
du couplage excitation-contraction, par modification (irré-
Un modèle de microcirculation
versible dans les cas les plus sévères) de l’appareil contrac- Le débit tissulaire est contrôlé par la modification des
tile et/ou par déficit énergétique par des modifications résistances vasculaires au niveau des petites artères et arté-
mitochondriales ou extramitochondriales [48] dont les rioles qui fait évoluer leur diamètre [50]. En aval des arté-
oxydes d’azote (NOx) pourraient être une cause majeure rioles, le débit est distribué passivement au niveau du
[49]. réseau capillaire [50]. Deux facteurs contrôlent le débit
capillaire : les résistances (résultat de l’interaction entre le

Anomalies
diamètre et la longueur des capillaires) et la rhéologie (qui
dépend surtout de la viscosité du sang et de la déformabi-
de la microcirculation lité des globules rouges). Dans les capillaires, les globules
rouges progressent en file indienne et doivent subir une
dans le choc septique déformation car leur diamètre est supérieur à celui des
capillaires. La circulation capillaire est régulée par des sys-
Un des paradoxes du choc septique hyperkinétique est tèmes de contrôle intégratifs [50] représentés, d’une part,
le fait que la SvO2 systémique est élevée, l’extraction en par les cellules endothéliales couplées entre elles par l’in-
oxygène (O2ER) diminuée, malgré une augmentation de la termédiaire des communications intercellulaires et, d’autre

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

part, par les globules rouges eux-mêmes qui relarguent de tion (O2ER) diminuée. Parmi les mécanismes pouvant expli-
l’adénosine triphosphate (ATP) et des nitrosothiols en quer l’inhomogénéité TO2/VO2 figurent les altérations de
réponse à des gradients élevés de pression partielle en oxy- la vasoréactivité des artérioles probablement comme
gène (PO2) et à la déformation [50, 51]. Les anomalies des conséquence des anomalies des mécanismes d’intégration
communications intercellulaires endothéliales et de la avec augmentation du flux sympathique [57]. D’autres
déformabilité des globules rouges pourraient expliquer mécanismes comme l’augmentation des distances de dif-
l’hétérogénéité de la circulation capillaire. Une diminution fusion (œdème interstitiel) pourraient contribuer à la dimi-
de la déformabilité des globules rouges (mise en évidence nution de la PtiO2.
par différentes méthodes qui ne donnent pas de résultats
superposables [52]) pourrait être en relation avec une
baisse de la viscosité membranaire ou, plus probablement, Utilisation de l’oxygène
avec une augmentation du module d’elastic shear, consé-
quence du stress oxydatif et d’une augmentation des et inhibition
concentrations cytosoliques de calcium qui entraîne des
modifications du cytosquelette des globules rouges [52].
de la respiration cellulaire
La diminution de la déformabilité des globules rouges L’apport d’oxygène aux cellules a lieu au niveau de la
pourrait être potentialisée par une réduction de la défor- microcirculation. L’oxygène est utilisé par les mitochon-
mabilité des leucocytes [53]. dries ; cette utilisation peut être estimée par le rapport
phosphate inorganique/phosphocréatine (Pi/PCr) qui est
Les anomalies de la circulation capillaire dans le choc
maintenu malgré des modifications importantes des para-
septique ont surtout été décrites dans le muscle squelet-
mètres régulateurs comme la diminution de la PtiO2
tique [54]. Chez des animaux d’un groupe contrôle, la cir-
(figure 2). Il existe un seuil critique en dessous duquel des
culation capillaire du muscle squelettique est caractérisée
modifications minimes de la pression mitochondriale en
par une distribution uniforme avec flux capillaire constant
oxygène (PmitoO2) diminuent le rapport avec, comme
des globules rouges ; il existe peu ou pas de capillaires avec
conséquences, une hypoxie cellulaire et un dysfonctionne-
une circulation arrêtée (stopped-flow). Chez les animaux
ment d’organe (voir chapitre 14). Il est facile à comprendre
septiques, il existe de nombreux capillaires à flux arrêté et,
que la diminution du TO2 diminue la PmitoO2. Il est plus
en même temps, des capillaires à flux très rapide. Il a été
difficile à expliquer une diminution de la PmitoO2 devant
montré que les pourcentages de capillaires à flux nor-
un TO2 normal ou supranormal. Ceci pourrait être le résul-
maux/rapides/arrêtés passaient de 60/30/10 % chez les ani-
tat de l’hétérogénéité de la perfusion capillaire telle
maux contrôles à 33/33/33 % chez les animaux ayant un
qu’elle a été décrite plus haut. Enfin, une PmitoO2 normale
sepsis intermédiaire et à 25/25/50 % chez les animaux
peut coexister avec une diminution du rapport Pi/PCr à
ayant un sepsis grave [55]. Les mêmes auteurs ont calculé
cause d’une inhibition de la respiration cellulaire (phéno-
une augmentation de la VO2 par un facteur 2 en cas de
mène appelé dysoxie cellulaire ou hypoxie cytopathique)
sepsis intermédiaire et par 4 en cas de sepsis grave.
[28, 49]. Les mécanismes de l’inhibition de la respiration
L’inflammation serait un des facteurs majeurs responsables
cellulaire seraient en relation avec les effets des dérivés
de l’augmentation de la VO2. L’hétérogénéité capillaire
radicalaires dérivés de l’azote (RNI, reactive nitrogen inter-
couplée à une augmentation de la VO2 aboutit à une dimi-
mediates) et l’inactivation des groupes Fe-S de plusieurs
nution de la pression tissulaire en oxygène (PtiO2) d’autant
enzymes de la chaîne respiratoire [49]. La présence d’une
plus importante que le sepsis était grave : 43 mmHg en
dysfonction mitochondriale, probable conséquence d’une
moyenne chez les animaux contrôles, 34 mmHg en cas de
production excessive de RNI d’azote, était associée à une
sepsis intermédiaire et 26 mmHg en cas de sepsis grave
diminution du contenu tissulaire en ATP et à un pronostic
[55]. L’importance des valeurs de PtiO2 pour le développe-
défavorable [49].
ment du dysfonctionnement d’organe est indiscutable.
Chez des patients de réanimation, il n’y avait pas de choc Il est tentant de spéculer que les anomalies de la micro-
chez ceux dont la PtiO2 musculaire squelettique était supé- circulation peuvent être initialement responsables de la
rieure à 4,2 kPa. Lorsqu’au moins une valeur de la PtiO2 diminution de la PmitoO2. Lorsque celle-ci atteint une
musculaire squelettique était inférieure à 2,0 kPa, le risque valeur seuil, les cellules mettent en route le programme de
de développer un choc était augmenté. Chez les patients réponse à l’hypoxie (voir plus loin). À la phase initiale du
qui ne recevaient pas de catécholamines, lorsque la PtiO2 choc septique, la diminution de la PmitoO2, avant l’instau-
musculaire squelettique était inférieure à 3,0 kPa, 73 % ration d’une hypoxie cellulaire, pourrait être corrigée par
d’entre eux développaient un choc dans les 2 heures et l’augmentation du TO2 (expansion volémique, vasopres-
100 % dans les 4 heures. La diminution de la PtiO2 muscu- seurs, médicaments inotropes positifs) et, ainsi, améliorer
laire squelettique survenait avant les signes cliniques de la survie des patients ayant un choc septique et ce, d’au-
choc [56]. tant plus que cette intervention est précoce [58, 59]. Par la
suite, il peut exister une inhibition de la respiration cellu-
Les mécanismes responsables de l’arrêt du flux capillaire
laire qui, couplée à l’activation du programme cellulaire
pourraient être en relation avec une activation suivie
de réponse à l’hypoxie, rend inefficaces les interventions
d’anomalies structurales des cellules endothéliales, une
tardives destinées à augmenter le TO2 (modèle de dysfonc-
activation de la coagulation et l’apparition de microthrom-
tionnement d’organe du type hit-and-go).
boses, une activation des leucocytes et une diminution de
la déformabilité des globules rouges [50]. L’hétérogénéité
capillaire serait responsable d’une inhomogénéité entre
transport artériel en oxygène (TO2) et consommation en
Réponses cellulaires
oxygène (VO2) comparable à celle des rapports ventila- à l’hypoxie
tion/perfusion pulmonaire qui aboutissent aux anomalies
de l’hématose [54]. Le pourcentage de capillaires à flux Quels que soient les mécanismes responsables de la
arrêté a été proposé comme indice de dysfonction micro- diminution de la PmitoO2 en dessous du seuil critique, les
vasculaire. L’ensemble de ces arguments est en faveur du cellules répondent à l’hypoxie de manière stéréotypée. Les
rôle prépondérant, au moins à la phase initiale du choc mécanismes moléculaires de cette réponse commencent à
septique, des anomalies de la microcirculation par rapport être décrits. Lorsqu’une cellule est confrontée à l’hypoxie,
à l’inhibition de la respiration mitochondriale pour expli- il se produit une stabilisation des facteurs de transcription
quer le paradoxe d’une VO2 augmentée et d’une extrac- (hypoxia-inducible factors ou HIF) qui vont se lier à des

190
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page191

Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique 18

Courbe dissociation de Utilisation de


l’hémoglobine l’oxygène par le tissu
(pH, température, 2,3-DPG) Travail du tissu
Temps nécessaire pour Médicaments
l’hémoglobine pour Hormones
Débit cardiaque relarguer l'oxygène Température
Contenu artériel en O2 Solubilité de l’oxygène
Pression artérielle en O2 dans le plasma
Saturation artérielle en O2 Distance de diffusion
Figure 2 / Facteurs qui contibuent Pression de perfusion Différence de pression
au transport et à l’utilisation de l’oxygène partielle
dans les tissus et les cellules
LTO2 : transport artériel en oxygène
(ensemble de l’organisme) ;
DaO2 : délivrance artérielle en oxygène
TO2 Pi/PCr
(au niveau d’un organe) ; la DaO2 PcapO2 PtiO2 PmitoO2
dépend de TO2 et du débit de l’organe ; mitochondriale
PcapO2 : pression en oxygène
au niveau capillaire ; DaO2
PtiO2 : pression tissulaire interstitielle
en oxygène ;
PmitoO2 : pression mitochondriale en Inhibition de la respiration
oxygène ; Débit organe mitochondriale
Pi/PCr : rapport phosphate inorganique/ Conditions de la microcirculation : (RNI, etc.)
phosphocréatine ; nombre capillaires, shunts,
RNI : reactive nitrogen intermediates diamètre capillaire,
ou dérivés radicalaires dérivés de l’azote ; hétérogénéité
2,3-DPG : 2,3 diphosphoglycérate. Rhéologie

séquences spécifiques d’ADN dans les promoteurs d’une Ces voies pourraient s’inscrire dans le schéma physiopa-
trentaine de gènes (dont l’érythropoïétine et la NO syn- thologique suivant : activation des cellules endothéliales
thétase inductible ou NOS2) dont les produits sont impli- [66], anomalies microcirculatoires, thrombose dans la
qués dans l’angiogenèse, l’érythropoïèse, le métabolisme microcirculation, hypoxie/dysoxie cellulaire, déficit énergé-
du glucose, la prolifération cellulaire et l’apoptose. tique cellulaire et mort cellulaire par apoptose ou par
Plusieurs isoformes d’HIF existent : le HIF-1a qui est ubiqui- nécrose [67]. L’activation du programme de réponse à l’hy-
taire et le HIF-2a qui est exprimé surtout dans l’endothé- poxie pourrait expliquer pourquoi une hypoxie cellulaire,
lium [60]. Les HIF se lient à l’ADN comme hétérodimères même de courte durée, pourrait entraîner une dysfonction
HIFa-HIFb [61]. Ils interagissent avec le produit du gène cellulaire et une défaillance de plusieurs organes (figure 3).
muté dans la maladie de von Hippel Lindau (pVHL) qui est
la sous-unité qui reconnaît le substrat d’un complexe pro-
téique appelé ubiquitine-protéine ligase. En conditions de
normoxie, pVHL est responsable de la poly-ubiquitinylation Quels sont les mécanismes
d’HIF, ce qui entraîne sa protéolyse par le protéasome. En
conditions d’hypoxie, pVHL ne reconnaît pas HIFa, ce qui
cellulaires et moléculaires
permet l’interaction avec HIFb et la fixation de l’hétérodi-
mère sur l’ADN [62]. L’interaction entre pVHL et HIFa est
du dysfonctionnement vas-
médiée par l’hydroxylation d’un résidu proline [62]. culaire et microcirculatoire
dans le choc septique ?
L’hydroxylation est possible en normoxie mais pas en hypo-
xie [62] et est réalisée par une proline hydroxylase qui a
été caractérisée et qui nécessite de l’oxygène, du fer, le
cofacteur 2-oxoglutarate et de la vitamine C pour inhiber Les réponses à cette question ont, jusqu’à une période
l’auto-oxydation de l’enzyme [63]. Un second site de récente, été apportées par une approche réductionniste
réponse à l’hypoxie existe dans les HIF au niveau de la par- dont l’objectif était de décrire et d’étudier les relations de
tie carboxy-terminale de la protéine. L’hypoxie entraîne cause à effet pour une molécule ou une voie biologique
une transactivation de ce domaine par l’abrogation de données [68, 69]. Les progrès des techniques de biologie
l’hydroxylation d’un résidu asparagine. Cette modification moléculaire couplés à ceux de la bio-informatique sont à
permet l’interaction entre l’HIF non hydroxylé et des fac- l’origine d’une approche plus intégrée. Une étude réalisée
teurs de coactivation de la transcription comme la p300 in vitro a comparé les effets de deux stimuli pro-inflamma-
[60]. toires, le TNF-a et l’IL-1b, sur l’expression génique des cel-
Il a récemment été proposé que les HIF puissent être la lules endothéliales et des cellules musculaires lisses
voie commune liant l’hypoxie cellulaire à l’inflammation (cultures en présence des cytokines pendant 24 heures)
[64, 65]. Ils seraient nécessaires aux neutrophiles et aux provenant des artères coronaires humaines [28]. En utili-
macrophages afin de pouvoir générer suffisamment d’ATP sant une puce qui contenait 7 075 séquences d’ADNc, il a
dans l’environnement hypoxique dans les tissus inflamma- été mis en évidence que ces deux stimuli modifiaient l’ex-
toires. Leur inactivation dans les macrophages altère leur pression de 209 gènes dans les cellules endothéliales (3 %
capacité de bactéricidie [64]. Cramer et al. ont également des gènes analysés) et de seulement 39 gènes dans les cel-
montré un rôle important du vascular endothelial growth lules musculaires lisses (0,6 % des gènes analysés).
factor (VEGF) dans la perméabilité capillaire au niveau des L’expression de seulement 14 gènes était modifiée dans les
tissus inflammatoires [64]. Une boucle de régulation com- deux types cellulaires avec une amplitude des modifica-
plexe entre hypoxie, HIF, NOS2/NO et hème oxygénase a tions plus importante pour les cellules endothéliales que
été proposée par Nathan [65]. pour les cellules musculaires lisses. Cette observation sug-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Agents pathogènes

Resonnaissance, initiation, amplification, contrôle, extinction de la réaction immunitaire


Médiateurs cellulaires et acellulaires

Activation des cellules endothéliales. Profil procoagulant

Anomalies de la Augmentation de la Dysfonction


contractilité des cellules perméabilité capillaire myocardique
musculaires lisses Hypovolémie
Diminution du tonus
vasculaire

Hypotension artérielle
Anomalies de la microcirculation

Hypoxie cellulaire
Dysoxie cellulaire
Mise en jeu du programme
de réponse à l’hypoxie

Figure 3 / Modèle
physiopathologique
Dysfonctions cellulaires
Dysfonction des organes de la dysfonction d’organe
dans le sepsis/choc septique

gère, mais ne démontre pas, que la cellule endothéliale responsables de l’augmentation de la perméabilité capil-
pourrait jouer un rôle essentiel dans le dysfonctionnement laire. Ces mêmes altérations du cytosquelette pourraient
vasculaire du choc septique et des pathologies inflamma- expliquer la persistance des lésions endothéliales et de
toires systématisées. Les approches de profilage de l’ex- leurs conséquences (augmentation de la perméabilité
pression génique permettent de classer les gènes dont capillaire) malgré la disparition du stimulus infectieux.
l’expression est modifiée par fonction cellulaire. Ceci a per-
mis de classer les gènes dont l’expression était modifiée en Cette énumération mérite plusieurs commentaires.
gènes impliqués dans la biologie du cytosquelette et de la Malgré le grand nombre de gènes étudiés (7 075), le
matrice extracellulaire (15 gènes), de la réaction immuni- tableau est incomplet car des gènes comme la NOS2 qui
taire (complément, TLR4, CMH de classe I et II, etc. : est induite par ces deux cytokines dans les cellules endo-
11 gènes), des interactions endothélium-leucocytes théliales [68, 69], n’étaient manifestement pas représentés
(41 gènes), du métabolisme (27 gènes), de la transduction sur la puce. Malgré ces limites, il est probable que les
du signal et de la régulation de la transcription (43 gènes), études d’expression génique par puce d’ADN permettront
de la physiologie vasculaire (21 gènes). de mieux cerner les fonctions cellulaires modifiées par les
cytokines pro-inflammatoires. Le grand nombre de gènes
Il y a eu, pour le reste, des modifications de l’expression dont l’expression est modifiée par les deux cytokines per-
des gènes dont les fonctions sont mal connues ou incon- met d’expliquer pourquoi de multiples manipulations
nues. Parmi les 21 gènes impliqués dans la physiologie vas- pharmacologiques permettent in vitro ou in vivo de
culaire, il est important ici de citer ceux qui sont modifier la biologie de l’inflammation dans les cellules
possiblement responsables : endothéliales et d’impliquer de très nombreux seconds
• de la vasodilatation – augmentation de l’expression pour messagers, voies biologiques et molécules dans la physio-
le récepteur à l’ANP, la cyclo-oxygénase inductible pathologie du choc septique. Les défis seront maintenant
(COX-2), la GTP cyclohydrolase I impliquée dans la syn- de décrire, avec ce type d’approche dite holistique, les dif-
thèse de tétrahydrobioptérine, cofacteur de la NOS2 férentes modifications de la biologie de la paroi vasculaire
[70] ; dans le sepsis et le choc septique puis, dans un deuxième
• de la vasoconstriction (augmentation pour l’enzyme de temps, de hiérarchiser ces nombreuses modifications afin
conversion de l’endothéline, diminution pour l’enzyme de définir les nœuds de régulation qui pourraient être des
de conversion de l’angiotensine I) ; cibles thérapeutiques.
• de la coagulation et la fibrinolyse – plasminogen activa-
tor inhibitor, thrombomoduline et facteur Willebrand
(les deux ayant une expression diminuée) ;
• des modifications des jonctions intercellulaires La théorie des systèmes
(connexine 47, dont l’expression est diminuée). appliquée à la biologie
Les modifications de l’expression de nombreux gènes
impliqués dans la biologie du cytosquelette et de la La correction de l’hypotension artérielle et du dysfonc-
matrice extracellulaire permettent de comprendre les tionnement cardiaque dans le choc septique chez l’homme
modifications de la morphologie des cellules endothéliales a été abordée dans un cadre conceptuel homéostasique.

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Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique 18

L’approche clinique dérivée de la théorie de l’homéostasie Dans une approche homéostasique, la modification
est fondée sur la titration des interventions thérapeutiques d’une seule composante du système (une cytokine, la pro-
pour normaliser un paramètre physiologique qui a dévié duction excessive d’un médiateur de l’inflammation) est
(normalisation de la pression artérielle par utilisation des suffisante pour expliquer le passage de l’infection localisée
vasoconstricteurs dans le choc septique) [71]. Cette au choc septique. Dans l’approche fondée sur la systems
approche est justifiée lorsque le mécanisme de la déviation biology, la défaillance du système est le résultat des modi-
est connu et lorsque des approches thérapeutiques sont fications importantes de ses propriétés (structurales et
capables de cibler la défaillance (le mécanisme de l’hypo- dynamiques) qui concernent plusieurs composantes ou
tension artérielle est une anomalie de la contractilité des sous-systèmes, une ou plusieurs plateformes et/ou les
cellules musculaires lisses que les vasopresseurs sont capa- mécanismes de contrôle.
bles de corriger).
Dans les études cliniques sur le choc septique, presque
Une vision différente de celle de l’homéostasie est fon- toutes les interventions thérapeutiques fondées sur la
dée sur une approche intégrative de la régulation des pro- vision homéostasique, qui ont visé une seule molécule ou
cessus biologiques à l’origine de la théorie des systèmes une seule voie biochimique [67], qu’il s’agisse d’une com-
appliquée à la biologie ou systems biology [71]. La base de posante des voies de signalisation oligomoléculaires (une
cette théorie est la notion que les propriétés d’un système cytokine) ou des voies de signalisation diffusibles (par ex.,
(organisme humain) ne peuvent pas être comprises par la le monoxyde d’azote, les prostaglandines), ont abouti à
seule connaissance des parties qui le composent (organes, des échecs malgré des travaux expérimentaux très promet-
tissus, cellules, molécules) [72]. La connaissance des pro- teurs chez l’animal. Les échecs de telles approches pour-
priétés d’un système nécessite celle de sa structure, de ses raient être en relation avec :
propriétés dynamiques, de ses mécanismes de contrôle et • la redondance de la réponse immunitaire (inutile de blo-
de son design [72]. Une des principales caractéristiques quer un seul médiateur comme le TNF-a lorsque des
d’un système biologique est sa robustesse expliquée par : dizaines d’autres sont capables d’avoir les mêmes effets
• la capacité d’adaptation ; biologiques) ;
• une relative insensibilité aux changements de paramètres • le fait que lorsque le phénotype choc septique est clini-
cinétiques spécifiques ; quement évident, les effets du médiateur sont déjà com-
• une altération progressive des propriétés du système plétés et son blocage ne modifie plus la biologie des
après une agression importante plutôt qu’une défail- cellules endothéliales par exemple (effet hit-and-go).
lance brutale [72].
Ceci pourrait expliquer les effets bénéfiques des inter-
Les principes de design qui confèrent la robustesse ventions préventives chez l’animal et l’inefficacité des
sont :
interventions curatives en clinique. Ces deux explications
• des mécanismes de rétrocontrôle posistif ou négatif ;
ont incité à bloquer des voies biologiques en aval des cyto-
• la redondance (plusieurs composantes et mécanismes de
kines. L’exemple le plus intéressant concerne le blocage de
contrôle utilisés pour assurer une fonction importante) ;
la voie de la NOS2 par l’utilisation des inhibiteurs enzyma-
• une stabilité structurelle en relation avec une organisation
tiques. En effet, le monoxyde d’azote produit en excès par
spécifique en réseau. Deux types de réseaux ont été décrits
la voie de la NOS2 pourrait être le médiateur commun et
dans les systèmes biologiques : le réseau exponentiel
la cible thérapeutique idéaux dans le sepsis et le choc sep-
(connu aussi sous le nom de réseau d’Erdös-Rény) et le
tique, car il contribue à la vasodilatation et au dysfonction-
réseau sans échelle ou scale-free [71]. Les connectivités
nement contractile myocardique [73-75] et inhibe la
(nombre de liaisons de chaque composante) des deux
respiration cellulaire [76, 77]. Les animaux manipulés géné-
types de réseaux sont différentes. Dans le réseau sans
échelle, chaque composante ou nœud a relativement peu tiquement pour avoir une délétion du gène de la NOS2 ont
de connexions. Néanmoins, un certain nombre de nœuds une résistance au lipopolysaccharide et ne développent pas
(plateformes) ont un nombre plus important de d’hypotension artérielle [78]. Néanmoins, l’utilisation
connexions. Les réseaux métaboliques semblent être orga- d’inhibiteurs non spécifiques ou spécifiques de la NOS2
nisés comme des réseaux sans échelles [71]. L’architecture n’améliore pas, voire aggrave, le dysfonctionnement
d’un réseau a des implications importantes concernant son cardiovasculaire des patients en choc septique [79, 80]. Les
fonctionnement et sa robustesse. Ainsi, dans un réseau explications données sont en relation avec :
sans échelle, si les défaillances des nœuds sont aléatoires, • une vasoconstriction pulmonaire entraînant une aug-
l’interconnexion et la fonction sont mieux préservées que mentation de la postcharge ventriculaire droite et une
dans un réseau exponentiel. En revanche, si l’agression baisse du débit cardiaque [79, 80] ;
cible des plateformes, les réseaux sans échelles sont plus • l’interaction entre le monoxyde d’azote ou les oxydes
susceptibles de connaître une défaillance. Une fois la d’azote produits par la NOS2 et la voie des cyclo-oxygé-
défaillance du réseau établie, la réparation nécessite le nases. Ainsi, il a été montré que le blocage de la NOS2
rétablissement des nœuds et des interconnexions ; diminue la production de monoxyde d’azote mais aussi
• la modularité, caractérisée par le fait que les sous-sys- celle des prostaglandines (PG) vasodilatatrices comme la
tèmes sont isolés fonctionnellement (et physiquement) PGE2 ou la PGI2 [81], ce qui pourrait déplacer la balance
entre eux pour que la défaillance de l’un d’entre eux en faveur des prostaglandines vasoconstrictrices et pro-
n’entraîne pas celle de l’ensemble du système [72]. agrégantes plaquettaires comme le thromboxane ;
• un effet hit-and-go à travers la nitrosylation des groupes
Les objectifs d’une approche fondée sur la systems bio- thiol, la modification des groupes Fe-S des sites cataly-
logy appliquée à la physiopathologie du choc septique tiques de plusieurs enzymes (les complexes mitochon-
seraient d’identifier : driaux I, II, IV et V, l’aconitase, la créatine kinase, la
• les mécanismes qui sont responsables du passage de l’in- superoxyde dismutase), avec comme effet une dysfonc-
stabilité (interaction hôte-pathogène, infection localisée) tion mitochondriale et la mort cellulaire par nécrose ou
à la défaillance du système (choc septique) ; par apoptose [76]. Ces travaux semblent confirmés chez
• et/ou les plateformes (nœuds de régulation) qui entraî- des patients ayant un choc septique [49].
nent la défaillance du système et dont la manipulation
pourrait prévenir sinon l’altération initiale, du moins la Les échecs des approches homéostasiques citées ci-
dégradation lente secondaire et/ou accélérer la répara- dessus doivent être comparés aux effets bénéfiques de
tion (cicatrisation). quelques stratégies thérapeutiques récentes dont

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

devraient bénéficier les patients ayant un choc septique : de 7 000 gènes, il a été montré que la protéine C activée
l’administration de protéine C activée et le strict contrôle entraînait l’augmentation de l’expression d’environ
de la glycémie. 70 gènes [84]. L’ensemble des gènes surexprimés lors de
l’exposition à la protéine C activée l’était aussi lors de l’ex-
position à un agoniste PAR1 [84]. Parmi les gènes sur-
Quels sont les mécanismes exprimés lors de l’exposition à la protéine C activée figurait
la MCP1 (monocyte chemotactic protein-1), considérée
qui sous-tendent les effets comme protectrice dans les modèles expérimentaux de
sepsis (voir les références dans Riewald et al. [84]) ; d’autres
bénéfiques des stratégies gènes surexprimés contribuent au phénotype anti-apopto-

thérapeutiques récentes tique (par ex., la BCL-2 related protein A1) et au phénotype
anti-inflammatoire (par ex., le régulateur négatif AKAP12,
du choc septique ? la voie MAPK/Egr, le facteur de transcription NF-kBIa), et à
la fin de la signalisation induite par le TNF-a, comme le
TNFAIP3 et le ZFP26 [84]. Ces résultats démontrent que
Coagulation : une voie finale dans le sepsis, la protéine C activée possède des effets com-
plexes sur la biologie des cellules endothéliales permettant
d’activation des cellules de bloquer l’activation de la coagulation mais aussi de
endothéliales rétablir le phénotype physiologique anticoagulant et anti-
adhésif des cellules endothéliales. Il est tentant de spéculer
que ce sont les effets anti-inflammatoires au sens large, en
De nombreux médiateurs de la réaction inflammatoire
plus des effets anticoagulants de la protéine C activée, qui
activent la coagulation et inhibent l’action des anticoagu-
expliquent les effets bénéfiques sur la survie de cette molé-
lants naturels et la fibrinolyse. L’activation de la coagula-
cule chez les patients ayant un choc septique et au moins
tion dans le choc septique est associée à une augmentation
deux défaillances viscérales. En effet, ces effets bénéfiques
significative de la mortalité [82]. Plusieurs types cellulaires
n’ont pas été retrouvés avec d’autres modulateurs de la
(cellules endothéliales, monocytes, lymphocytes, neutro-
coagulation comme l’inhibiteur du facteur tissulaire (mal-
philes, plaquettes, globules rouges) sont impliqués dans
gré une moindre activation de la coagulation) [82, 85] ou
ces modifications. L’activation des cellules endothéliales est
l’antithrombine. Néanmoins, il a été souligné que l’inter-
caractérisée par une augmentation de l’expression du fac-
prétation des effets cliniques de la protéine C activée, du
teur tissulaire, du facteur VIII et des molécules qui favori-
TFPI et de l’antithrombine doit tenir compte des effets
sent l’adhésion plaquettaire, ainsi que par une diminution
confondants de l’administration, dans toutes les études cli-
de l’expression de la NO synthétase endothéliale (NOS3) et
niques, d’autres anticoagulants comme l’héparine [85]. En
de la thrombomoduline [83]. Le résultat de ces modifica-
effet, dans les groupes de patients qui ont reçu (de
tions est la transformation du phénotype physiologique
manière non randomisée) de l’héparine, en plus de l’anti-
anticoagulant des cellules endothéliales en phénotype pro-
coagulant naturel étudié, la mortalité était plus élevée. Le
coagulant.
mécanisme évoqué pour le TFPI et l’antithrombine, qui ont
Les interventions destinées à corriger ce phénotype pro- des sites d’interaction avec l’héparine, est un déplacement
coagulant ont été l’antithrombine, le TFPI (tissue factor des deux molécules de la surface des cellules endothéliales
pathway inhibitor) et la protéine C activée [67]. Seule cette [82]. Enfin, avec ces réserves, les mécanismes cellulaires et
dernière est actuellement utilisée pour le traitement des moléculaires de la protéine C activée sont compatibles avec
patients ayant un choc septique avec au moins deux défail- son administration à une phase précoce du choc septique
lances d’organe [4]. et prolongée. Les effets bénéfiques de la protéine C activée
sont également compatibles avec un rôle majeur du phé-
La biologie de la protéine C a été caractérisée en situa- notype pro-inflammatoire/procoagulant des cellules endo-
tion physiologique et dans le sepsis. La protéine C est syn- théliales dans la physiopathologie du dysfonctionnement
thétisée par le foie et sa forme circulante est un zymogène cardiovasculaire du choc septique.
(voir chapitre 13). Elle utilise un cofacteur, la protéine S, et
va interagir avec la thrombomoduline exprimée par les cel-
lules endothéliales. Cette interaction a comme résultat la
génération de protéine C activée (PCa) qui inhibe les fac-
Effets de l’hyperglycémie
teurs Va et VIIIa et diminue ainsi la génération de throm- L’hyperglycémie chronique, caractéristique du diabète,
bine. La protéine C et la protéine C activée agissent sur les a des effets cardiovasculaires délétères documentés avec,
récepteurs de la protéine C exprimés par les cellules endo- en particulier, une altération des fonctions endothéliales.
théliales, ce qui augmente la production de protéine C acti- Les études de Van den Berghe et al. [86], confirmées par
vée et a des effets anti-inflammatoires [67]. La protéine C d’autres auteurs [87], ont montré que le contrôle strict de
activée est une protéase similaire à la trypsine et les récep- la glycémie (entre 0,8 et 1,2 g/L) était associé à une dimi-
teurs activés par les protéases (protease activated recep- nution de la mortalité des patients en service de réanima-
tors, PAR) sont les protéines qui détectent la présence de tion, dont ceux en choc septique. En plus de la diminution
la protéine C activée. Celle-ci joue un rôle protecteur au de la mortalité, le contrôle strict de la glycémie était asso-
niveau des cellules endothéliales qui expriment les PAR1, cié à une réduction des complications infectieuses, des neu-
PAR2 et le récepteur endothélial à la protéine C (endothe- ropathies de réanimation, de l’insuffisance rénale aiguë
lial cell protein C receptor, ECPR), probablement par un et d’autres complications, ce qui aboutissait à une baisse
mécanisme protéolytique et non par une interaction entre de la durée de séjour en réanimation. Il a été montré que
les PAR et l’ECPR [84]. Les PAR1 peuvent être activés par la c’était les concentrations basses de glucose (< 1,45 g/L) et
thrombine, la protéine C activée et le facteur Xa [84]. La non l’administration d’insuline qui étaient responsables
protéine C activée, en se liant à l’ECPR, est responsable de des effets bénéfiques du contrôle strict de la glycémie [87].
la phosphorylation des MAP kinases (mitogen-activated Il a également été montré que ce contrôle était associé à
protein kinase) par un mécanisme PAR1-dépendant. Dans une meilleure préservation de la structure et des fonctions
une expérience d’analyse du transcriptome des cellules mitochondriales dans le foie mais non dans le muscle sque-
endothéliales exposées à la protéine C activée pendant lettique des patients décédés en réanimation [88]. Cette
90 minutes par une puce d’ADN contenant les séquences observation est un argument supplémentaire en faveur de

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Physiopathologie de la défaillance cardio-circulatoire du choc septique 18

l’hypothèse que ce sont les valeurs basses de glycémie qui de surcharge glycémique [89]. D’autres effets délétères de
sont importantes, et non l’administration d’insuline, pour la surcharge glycémique sont une augmentation de la pro-
diminuer la mortalité des patients en réanimation, et elle duction de ROI/RNI (ROI : reactive oxygen intermediates,
permet de poser la question suivante : quels sont les méca- espèces radicalaires dérivées de l’oxygène) ; lorsque les cel-
nismes responsables des effets délétères de l’hyperglycé- lules sont exposées à une surcharge glycémique, elles pro-
mie aiguë dans le contexte de ce qui a été appelé le duisent davantage de pyruvate et d’anions superoxyde qui
« diabète de stress » [89] ? interagissent avec le monoxyde d’azote, ce qui aboutit à
une production accrue de peroxynitrite. La conséquence
Toutes les formes d’agression grave sont caractérisées
de la production excessive de peroxynitrite est une nitra-
par :
tion irréversible de protéines cibles comme les complexes I
• une augmentation de la néoglucogenèse hépatique,
et IV de la chaîne respiratoire, de la superoxyde dismutase
malgré l’hyperglycémie et l’augmentation de la sécrétion
manganèse-dépendante (MnSOD) et de la glycéraldéhyde
et des concentrations plasmatiques d’insuline ;
3-phosphate deshydrogénase (GAPDH). L’ensemble de ces
• une augmentation de l’IGFBP-1 (insulin growth factor
phénomènes pourrait à la fois diminuer la production
binding protein 1) ;
d’ATP et altérer les capacités de détoxification des cellules
• une résistance à l’insuline et, donc, une diminution de la
[89].
captation de glucose par des tissus pour lesquels cette
captation est insulinodépendante (par ex., le muscle D’autres effets, liés à l’administration de l’insuline, ont
squelettique et le cœur) et est médiée par le transporteur été incriminés pour expliquer l’effet bénéfique du contrôle
du glucose 4 (GLUT-4) ; la résistance à l’insuline semble strict de la glycémie. Il s’agit :
être plus sévère au niveau hépatique [89] ; • de l’amélioration du profil lipidique [89] ;
• une augmentation globale de la captation de glucose par • d’un effet anabolique ;
les tissus pour lesquels cette captation n’est pas insulino- • d’un effet anti-inflammatoire mesuré par des concentra-
dépendante (système nerveux central et périphérique, tions plus basses de protéine C réactive ;
cellules endothéliales, cellules sanguines circulantes, • d’une atténuation/correction des dysfonctions endothé-
hépatocytes) et est médiée par GLUT-1, GLUT-2 et GLUT-3 liales possiblement par une amélioration de la produc-
[89]. tion de monoxyde d’azote, au moins en partie en
Le profil glycémique et insulinique du diabète de stress relation avec une augmentation du transport de L-argi-
est mis sur le compte de l’interaction de l’activation du sys- nine à travers les transporteurs membranaires du substrat
tème nerveux végétatif sympathique, d’un profil hormonal des NO synthétases [70, 90]. Les effets bénéfiques de l’ad-
hyperglycémiant et de plusieurs médiateurs de l’inflamma- ministration de l’insuline sur l’endothélium, mesurés par
tion comme les cytokines [89]. Les mécanismes molécu- la diminution des concentrations de molécules d’adhé-
laires détaillés, responsables de la résistance à l’insuline sion comme ICAM-1, seraient en relation avec la préser-
chez les patients en réanimation, ne sont pas bien docu- vation de la voie de la PI3K dans les cellules endothéliales
mentés. Par analogie avec les anomalies observées dans le [89] ;
diabète non insulinodépendant, il a été proposé un • des effets anti-apoptotiques de l’insuline sur certains
modèle physiopathologique dans lequel il existe une alté- types cellulaires comme les cardiomyocytes par l’activa-
ration sélective de la voie de transduction du signal de l’in- tion de la voie PI3K, PKB et NOS3 [89].
suline impliquant une diminution de l’activité de l’IRS-1 L’interprétation des effets bénéfiques, sur la survie des
(insulin related substrate) de la PI3K, de la protéine patients en réanimation (dont les patients en choc sep-
kinase B (PKB) avec une altération du phénotype et des tique), de la protéine C activée et du contrôle strict de la
fonctions endothéliales caractérisée par une activation des glycémie est cohérente avec les concepts de la théorie des
cellules endothéliales, une diminution de l’expression et systèmes appliquée à la biologie. Les cellules endothéliales
de l’activité de la NOS3. Les éléments énumérés plus haut pourraient être la plateforme responsable de la dysfonc-
suggèrent que les cellules endothéliales pourraient être tion macrocirculatoire et microcirculatoire du choc sep-
une des cibles majeures de l’hyperglycémie. Les méca- tique et, surtout, de la dégradation lente secondaire à
nismes délétères de l’hyperglycémie seraient en relation l’agression initiale. La prévention de la dégradation lente
soit avec une surcharge cellulaire en glucose, soit avec des des fonctions endothéliales (par la protéine C activée et le
effets délétères plus prononcés de la glycolyse et de la maintien de la normoglycémie) pourrait expliquer la néces-
phosphorylation oxydative [89]. sité des traitements prolongés. Enfin, l’altération de la pro-
duction d’énergie par une surcharge glycémique dans les
Physiopathologie cellules endothéliales pourrait expliquer la défaillance
multi-organes même lorsque le stimulus infectieux initial
de la surcharge cellulaire est localisé.

en glucose L’analyse, d’une part, des résultats (souvent décevants)


des interventions thérapeutiques ciblées sur un médiateur
Pour les cellules dont le transport transmembranaire de de l’inflammation et, d’autre part, des stratégies béné-
glucose ne dépend pas de l’insuline, la protection contre fiques citées ci-dessus suggère que les cibles thérapeu-
la surcharge glycémique est assurée par la diminution de tiques dans le choc septique en clinique humaine sont
l’expression du GLUT-1. Plusieurs médiateurs de l’agression probablement des voies complexes ou des plateformes de
comme les cytokines sont responsables d’une augmenta- régulation (oxygénation cellulaire, métabolisme cellulaire)
tion de l’expression de GLUT-1 et GLUT-3 dans plusieurs et non des médiateurs uniques. Le défi pour la commu-
types cellulaires dont les cellules endothéliales [89]. Ces nauté médicale et pour les patients est double : dans l’im-
phénomènes pourraient aboutir à une surcharge en glu- médiat, la traduction en pratique clinique courante des
cose et aux effets délétères de cette surcharge. En recommandations des experts [91] puis, à plus long terme,
revanche, des organes comme le myocarde et le muscle la mise en place d’autres stratégies thérapeutiques capa-
squelettique, dont la captation en glucose est médiée par bles de diminuer davantage la morbidité et la mortalité du
GLUT-4 et est insulinodépendante, pourraient ne pas subir choc septique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

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OXYGÉNATION TISSULAIRE

19
Physiopathologie de l’état
• Approche physiopathologique classique
de choc cardiogénique
• Nouvelles approches physiopathologiques :
dysfonction cardiovasculaire
Haikel Oueslati, Alexandre Mebazaa
Département d’anesthésie-réanimation-SMUR,
hôpitaux universitaires Saint-Louis Lariboisière Paris,
université Denis-Diderot (Paris VII), Paris, U942 INSERM, Paris

état de choc représente la phase ultime de la une rupture cardiaque. Parmi les patients souffrant d’un
défaillance cardiocirculatoire. La définition clinique infarctus du myocarde, les facteurs prédictifs du dévelop-
de l’état de choc (l’association d’une hypotension pement d’un état de choc cardiogénique sont l’âge, le ter-
artérielle et de signes d’hypoperfusion d’organes) rain (diabète, atteinte vasculaire cérébrale ou
rend difficilement compte de la réalité physiopa- périphérique, antécédents d’infarctus), la localisation anté-
thologique de ce syndrome. De ce point de vue, rieure de la nécrose et l’atteinte de plusieurs vaisseaux
l’état de choc correspond à une diminution aiguë coronaires [7-10]. Notons que, dans l’infarctus du myo-
et durable des apports en oxygène et autres nutri- carde, l’incidence de survenue du choc cardiogénique reste
ments vers les tissus aboutissant à une inadéqua- stable (de 5 à 10 %) depuis les années 1975 [11, 12].
tion entre les apports et les besoins en oxygène de
Une étude prospective européenne récente (CardShock
l’organisme.
study) publiée en 2015, incluant 219 patients entre 2010
et 2012, montre que 80 % des états de choc cardiogénique
D’un point de vue clinique, Herrick offre en 1912 [1] sont secondaires à une étiologie coronarienne aiguë dans
une des premières descriptions de l’état de choc cardiogé- 80 % des cas avec 68 % de syndrome coronarien ST+ et 8 %
nique : “a weak, rapid pulse; feeble cardiac tones; pulmo- de complications mécaniques. Par ailleurs, 20 % des états
nary rales; dyspnoea; and cyanosis” (« un pouls faible et de choc cardiogénique sont d’origine non coronarienne
rapide, des bruits du cœur faibles, des râles pulmonaires, [2]. Les causes les plus fréquemment retrouvées sont : l’in-
une dyspnée et une cyanose »). suffisance cardiaque chronique et les valvulopathies.

D’un point de vue hémodynamique, les critères retenus


[2-4] sont :
• hypotension artérielle persistante (pression artérielle sys-
Approche physio-
tolique < 90 mmHg ou baisse de plus de 30 mmHg par
rapport aux valeurs de base pendant plus de 30 minutes)
pathologique classique
malgré un remplissage adéquat et une fréquence car-
diaque supérieure à 60 battements par minute ; Auto-aggravation
• index cardiaque (IC) < 2,2 L/min/m2 ;
• élévation de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion des lésions ischémiques
(PAPO) (> 16 mmHg) ;
Jusqu’à ces dernières années, il était communément
• oligurie (débit urinaire < 0,5 mL/kg/h).
admis que le choc cardiogénique se développait dès que
L’état de choc cardiogénique est primitivement la plus de 40 % du ventricule gauche était rendu non fonc-
conséquence d’une défaillance de la pompe cardiaque qui tionnel. Cette notion reposait sur les résultats d’un travail
peut être liée à un effondrement de la contractilité ventri- anatomopathologique publié par Alonso et al. [5] dans les
culaire droite ou gauche, à un trouble du rythme ou de la années 1970. Les auteurs avaient comparé les lésions myo-
conduction ou à une anomalie du système valvulaire. cardiques observées chez 22 patients décédés d’un choc
cardiogénique dans les suites d’un infarctus à celles de
Le choc cardiogénique s’observe, dans la majorité des 10 patients également décédés dans les suites d’un infarc-
cas, dans les suites d’un infarctus du myocarde, lorsque la tus mais n’ayant pas développé d’état de choc. Dans le pre-
zone lésée est étendue (classiquement, au-delà de 40 % de mier cas, la proportion de ventricules gauches infarcis
la masse myocardique ventriculaire gauche totale [5]) ou atteignait 51 % contre 23 % seulement dans le second.
lors de complications mécaniques telles que la rupture sep-
tale ou l’insuffisance mitrale aiguë. Parmi les 1 160 chocs Néanmoins, l’étendue des lésions ischémiques myocar-
cardiogéniques recueillis dans le registre SHOCK [6], 74,5 % diques n’est pas nécessairement en rapport avec la taille
des patients présentaient une défaillance ventriculaire initiale de l’infarctus. En effet, les désordres hémodyna-
gauche prédominante, 8,3 % une insuffisance mitrale miques faisant suite à l’infarctus du myocarde peuvent être
aiguë, 4,6 % une rupture septale, 3,4 % une défaillance à l’origine d’une cascade d’événements hémodynamiques
ventriculaire droite isolée et 1,7 % une tamponnade ou et métaboliques aboutissant à l’extension de la zone isché-

199
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

mique (figure 1). Ainsi, quand une masse critique du ven- tit à une modification du potentiel transmembranaire et à
tricule gauche est nécrosée par la lésion initiale, la dysfonc- une accumulation du sodium et du calcium dans le cyto-
tion systolique est responsable d’une baisse du débit plasme. L’élévation du calcium intracellulaire conduit à l’ac-
cardiaque et de la pression artérielle tandis que la dysfonc- tivation des protéases intracellulaires et à la myonécrose :
tion diastolique s’accompagne d’une augmentation des ballonisation des mitochondries, accumulation de débris
pressions, d’une dysfonction cardiaque en amont du ven- protéiques et de chromatine, rupture des compartiments
tricule gauche et d’une congestion pulmonaire. lysosomiaux, lyse mitochondriale puis rupture de l’enve-
L’hypotension artérielle combinée à l’augmentation de la loppe nucléaire et, enfin, de la membrane cellulaire [2].
pression télédiastolique ventriculaire gauche (PTDVG)
conduit à une diminution de la pression de perfusion coro- Dans les territoires jouxtant ceux de l’infarctus, il sem-
naire. La congestion pulmonaire, en diminuant la pression ble que l’activation des mécanismes de mort cellulaire pro-
artérielle en oxygène (PaO2), participe avec la baisse de grammée (ou apoptose) joue un rôle important dans
l’indice cardiaque à la réduction du transport artériel en l’extension secondaire des lésions [15, 16]. Même si l’im-
oxygène. Ces éléments contribuent à l’extension de la zone portance clinique de la mise en jeu des mécanismes apop-
initiale d’ischémie. En outre, ce cercle vicieux d’auto-aggra- totiques dans l’extension de la lésion ischémique initiale
vation empire du fait de la mise en jeu de mécanismes n’est pas claire, certaines études animales ont révélé une
adaptatifs : la baisse de la pression artérielle s’accompagne diminution significative des dommages myocardiques par
de l’activation du système adrénergique et d’une rétention suite de l’utilisation de substances inhibitrices de la cascade
hydrosodée qui accroît l’inadéquation entre la demande apoptotique [16].
énergétique myocardique et les apports. La limitation de Si les lésions de nécrose ischémique ainsi que celles liées
la réserve myocardique participe à l’extension de la zone à l’apoptose sont définitives, il semblerait qu’une partie du
ischémique et au développement du choc cardiogénique myocarde dysfonctionnant au cours d’un événement isché-
[13]. En effet, si les territoires vasculaires coronaires non mique ne soit pas le siège de lésions irréversibles. Deux
concernés par l’infarctus sont également pathologiques, types de lésions réversibles sont classiquement décrits : la
leur réserve de vasodilatation et d’autorégulation est alté- sidération myocardique et l’hibernation myocardique.
rée [14]. Ces territoires, devenus pression-dépendants, sont
donc encore plus sensibles aux variations de pression de • La sidération myocardique est définie comme une dys-
perfusion coronaire. La baisse du volume d’éjection systo- fonction postischémique persistant malgré la restaura-
lique (VES) liée à l’infarctus devrait être en partie compen- tion d’un débit sanguin coronaire satisfaisant [2, 17, 18].
sée par une hyperkinésie des territoires non concernés par Elle est probablement liée à l’agression oxydative [19] et
la lésion initiale. Or, du fait d’une baisse de la pression de à des anomalies du métabolisme intracellulaire du cal-
perfusion coronaire, ces territoires sont également isché- cium [20].
miques et sont incapables de développer une hyperkinésie
• L’hibernation est définie comme une hypokinésie adap-
compensatrice.
tative dans un territoire de bas débit coronaire. À la dif-
férence de la sidération, elle est caractérisée par une
Approche cellulaire récupération rapide de la fonction dès que le flux san-
guin coronaire est rétabli [21-23].
D’un point de vue cellulaire, il est important de
séparer les lésions définitives survenant dans le ter-
ritoire de l’occlusion coronaire de celles, définitives En pratique
ou temporaires, concernant les territoires adjacents.
Face à un diagnostic d’état de choc cardiogénique,
trois questions essentielles sont à considérer par le
Dans le territoire de l’infarctus, la glycolyse anaérobie
réanimateur :
prend le relais du métabolisme aérobie du fait de l’hypoxie
• s’agit-il d’une dysfonction myocardique de novo
cellulaire. Il s’ensuit une déplétion en adénosine triphos-
liée le plus souvent à une ischémie aiguë du myo-
phate (ATP), une accumulation d’acide lactique et une
carde ou d’une décompensation sur une cardio-
chute du pH intracellulaire. Les pompes ioniques ATP-
dépendantes deviennent non fonctionnelles, ce qui abou-
myopathie préalable ?
• s’agit-il d’une dysfonction ventriculaire gauche,
ventriculaire droite ou biventriculaire ?
• s’agit-il d’une dysfonction systolique ou diasto-
Souffrance lique prédominante ?
myocardique
sévère
Réaction
inflammatoire
Dysfonction ventriculaire gauche
Dysfonction Dysfonction D’un point de vue clinique, la défaillance ventriculaire
systolique diastolique gauche s’accompagne de signes congestifs en amont
↑ Production de (œdème pulmonaire cardiogénique) et de signes de bas
Vasoconstriction
cytokines et ↓ VES ↑ PAPO débit en aval (signes de choc et défaillance d’organe).
adaptative
radicaux libres
D’un point de vue physiopathologique, la dysfonction
↓ PA ↓ PaO2
ventriculaire gauche peut être systolique prédominante,
diastolique prédominante ou systolo-diastolique (figures 2
Vasodilatation et 3).
↓ TO2
↓ Pression de perfusion
• Dysfonction systolique
Figure 1 / Autoaggravation de la dysfonction cardiaque
Le VES dépend essentiellement du remplissage ventri-
lors d’un état de choc cardiogénique
VES : volume d’éjection systolique ; PA : pression artérielle ; culaire (précharge), des capacités contractiles (inotropisme)
PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; et des contraintes s’opposant à l’éjection ventriculaire
TO2 : transport artériel en oxygène. gauche (postcharge) (voir chapitres 4 et 5). En cas de dys-
fonction systolique, la baisse du VES est liée à une altéra-

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Physiopathologie de l’état de choc cardiogénique 19

tion de l’inotropisme ventriculaire gauche. Ainsi, sur une Élastance normale


courbe pression-volume ventriculaire gauche (figure 2), la Altération de
Pression VG
dysfonction systolique se caractérise par une diminution (mmHg) l’élastance
de la pente d’élastance ventriculaire avec baisse du VES. Le
cycle cardiaque est déplacé vers la droite sur la partie Cœur normal
ascendante de la courbe de compliance ventriculaire. La Dysfonction
baisse du VES rend compte des conséquences d’aval, alors systolique
que le déplacement du cycle cardiaque sur la partie ascen- Éjection

dante de la courbe de compliance ventriculaire explique

Relaxation

Contraction
l’augmentation de la PTDVG et les signes congestifs pul-
monaires. D’un point de vue cellulaire, la dysfonction sys-
tolique est liée à un défaut de raccourcissement du
complexe myofilamenteux constitué par les molécules PTDVG > 25 mmHg
d’actine et de myosine. Les principales situations cliniques
responsables d’une dysfonction systolique ventriculaire PTDVG < 10 mmHg
Remplissage
gauche sont l’insuffisance coronaire, les décompensations
VES
de cardiopathies sous-jacentes, les cardiomyopathies
aiguës (toxique, infectieuse, etc.). Volume VG (ml)

Figure 2 / Courbe pression-volume ventriculaire gauche


• Dysfonction diastolique d’une dysfonction systolique ventriculaire gauche isolée
Des données récentes de la littérature réanimatoire et PTDVG : pression télédiastolique du ventricule gauche ;
VES : volume d’éjection systolique ; VG : ventricule gauche.
cardiologique montrent qu’une proportion allant jusqu’à
50 % des patients pris en charge en réanimation ou aux
urgences pour défaillance cardiaque gauche présente une
fonction systolique conservée [24]. Chez ces patients, la
symptomatologie d’insuffisance cardiaque aiguë est en
conséquence à relier à une dysfonction diastolique. En Élastance normale
Dysfonction
outre, comme décrit plus haut, la dysfonction diastolique Pression VG diastolique
du ventricule gauche se voit lors des ischémies sévères (mmHg)
avant le choc cardiogénique. Dans ce cas, elle est aussi asso-
ciée à la dysfonction systolique dans les territoires isché-
miés et est présente sans dysfonction systolique dans les Cœur normal
territoires adjacents.
• D’un point de vue clinique, la présentation lors d’une dys- Compliance altérée
fonction diastolique du ventricule gauche prédominante
dans le cadre de choc cardiogénique de ces patients est Compliance
normale
très proche de celle des patients présentant une dysfonc-
tion systolique et le diagnostic différentiel n’est réalisé PTDVG > 25 mmHg
que grâce à la mise en évidence, en échocardiographie,
d’une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG)
supérieure ou égale à 50 %. Dans ces situations, l’écho- PTDVG < 10 mmHg
cardiographie peut montrer, entre autres, des anomalies
du flux transmitral ou du flux de retour veineux pulmo- VES
naire. Néanmoins, étant donné l’absence de sensibilité et Volume VG (ml)
de spécificité des signes échographiques, la normalité de
la fonction systolique ventriculaire gauche, principale- Figure 3 / Courbe pression-volume ventriculaire gauche
ment la FEVG, suffit, en situation aiguë, à retenir le diag- d’une dysfonction diastolique ventriculaire gauche isolée
nostic. PTDVG : pression télédiastolique du ventricule gauche ;
VG : ventricule gauche.
• D’un point de vue physiopathologique, la dysfonction
dite « diastolique » est liée à une anomalie de la relaxa-
tion active et/ou à une altération de la compliance
ventriculaire gauche. Représentée sur une courbe pres- aboutir à une altération de la phase de relaxation active.
sion-volume ventriculaire (figure 3), la dysfonction dias- De son côté, la compliance myocardique peut également
tolique se caractérise par un ralentissement de la pente être affectée par toute modification du cytosquelette du
de relaxation isovolumétrique du ventricule gauche, cardiomyocyte ou de la matrice extracellulaire.
associé ou non à un déplacement vers le haut et la
gauche de la courbe de compliance ventriculaire. Défaut Les trois principaux facteurs de risque des dysfonctions
de relaxation et perte de compliance ventriculaire diastoliques sont l’âge, l’ischémie coronaire chronique et
conduisent tous deux à une augmentation de la PTDVG l’hypertrophie ventriculaire gauche. Sur ce type de terrain,
et, donc, à une congestion d’amont, pulmonaire. Comme tout facteur surajouté (tachycardie, perte de la systole auri-
nous l’avons déjà souligné, le VES dépend de la pré- culaire, poussée d’hypertension artérielle ou ischémie myo-
charge ventriculaire gauche. Donc, à l’extrême, une dys- cardique) peut conduire à une insuffisance cardiaque aiguë
fonction diastolique majeure peut se compliquer, à à fonction systolique conservée.
l’instar d’une hypovolémie, d’une chute du VES.
• D’un point de vue cellulaire, la relaxation peut être défi-
Dysfonction ventriculaire droite
nie comme l’ensemble des mécanismes menant à la dis- L’insuffisance ventriculaire droite est une entité relati-
sociation du calcium et du complexe actine-myosine. vement fréquente chez les malades en réanimation mais
Toute modification de l’affinité du myofilament pour le souvent sous-estimée [25]. Au sein du registre SHOCK
calcium ou du processus d’évacuation du calcium peut (patients présentant un état de choc cardiogénique dans

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

les suites d’un infarctus du myocarde), 5 % des patients et expérimentaux. Au début des années 1970, est révélée
(49/993) présentaient un infarctus ventriculaire droit [26]. l’existence de facteurs dépresseurs myocardiques circulant
La mortalité de ce groupe de patients était similaire à celle au cours d’états de choc cardiogénique expérimentaux
des patients présentant un infarctus ventriculaire gauche chez le chien [29]. Lim et al. publient, en 2003, une étude
malgré un âge et un terrain plus favorables [26, 27]. portant sur 62 patients admis en réanimation pour état de
L’insuffisance ventriculaire droite aiguë se manifeste dans choc cardiogénique [3]. Dans ce travail, 65 % des patients
un premier temps par une symptomatologie congestive sur (soit 40) étaient décédés. Parmi ceux-ci, 45 % (soit 18)
les organes d’amont du ventricule droit : insuffisance avaient normalisé leur indice cardiaque (> 2,2 L/min/m 2)
rénale et défaillance hépatique alors que le débit car- avant le décès. Ces patients constituaient la preuve que le
diaque est maintenu. Ce n’est que secondairement qu’ap- décès au cours d’un état de choc cardiogénique n’était pas
paraît la baisse du débit cardiaque. À ce stade terminal, forcément lié à la spirale d’auto-aggravation précédem-
l’association d’une congestion au bas débit cardiaque est ment décrite et à l’épuisement des réserves myocardiques.
souvent responsable de lésions organiques irréversibles.
La dysfonction du ventricule droit peut toucher de
manière prédominante la fonction systolique ou diasto-
Paradigme soulevé
lique ventriculaire droite. Les dysfonctions diastoliques par l’étude SHOCK
ventriculaires droites isolées sont relativement rares et sont
représentées essentiellement par les épanchements péri- Plusieurs résultats de l’étude SHOCK [30] ne permettent
cardiques compressifs. pas de soutenir l’approche physiopathologique classique
[31]. Parmi ces constatations, on note :
Il est important de noter que le ventricule droit dispose • l’altération de la FEVG moins sévère que prévue (≈ 30 %) ;
de peu de réserve systolique et qu’il est très sensible à l’isché- • des résistances vasculaires systémiques peu élevées
mie. Ainsi, en réanimation, la dysfonction systolique ventri- (≈ 1 350-1 400 dyn.s.cm-5) [32] ;
culaire droite est très souvent liée à la combinaison d’une • la présence d’un syndrome inflammatoire de réponse sys-
élévation, même légère, de la pression artérielle pulmonaire témique sans contexte infectieux ;
et d’une ischémie ventriculaire droite. Si elle n’est pas diag- • le caractère paucisymptomatique des patients survivant
nostiquée, l’insuffisance ventriculaire droite s’installe rapi- à l’épisode aigu [58 % des survivants NYHA I (New York
dement et entre dans un cercle vicieux d’auto-aggravation. Heart Association)] [33].
La perfusion coronaire droite est systolo-diastolique et Ces constatations ébranlent les concepts physiopatho-
dépend directement des pressions artérielles systémiques, logiques classiques et poussent à proposer de nouveaux
de la pression auriculaire droite et de la pression artérielle schémas dans lesquels les médiateurs de l’inflammation, le
pulmonaire systolique. Ainsi, une élévation importante de monoxyde d’azote (NO) ou le stress oxydatif pourraient
cette dernière entraîne une contrainte supplémentaire à jouer un rôle majeur.
l’éjection ventriculaire droite et une baisse de la perfusion
systolique coronaire droite. Ces deux éléments participent
à l’altération des propriétés inotropes du ventricule droit. Médiateurs cardiotoxiques
Le ventricule droit ischémié se dilate, retardant la baisse
du VES. En outre, la dilatation du ventricule droit peut s’ac- Monoxyde d’azote
compagner d’une insuffisance tricuspidienne, exacerbant
la « surpression » auriculaire droite et réduisant davantage et médiateurs de l’inflammation
le retour veineux. Cette élévation majeure de la pression Le NO et les médiateurs de l’inflammation semblent
dans l’oreillette droite induit une baisse encore plus impor- jouer un rôle majeur dans l’installation, la pérennisation
tante de la perfusion diastolique coronaire droite et, donc, et l’aggravation des défaillances d’organes au cours de
une aggravation du tableau. l’état de choc cardiogénique. Ces médiateurs, cardio-
toxiques dans certaines circonstances pathologiques, pour-
raient être les fameux facteurs dépresseurs myocardiques
Ainsi, si les différents types d’états de choc cardio-
identifiés par Glenn et al. dès 1971 [29]. Ainsi, un relargage
génique mènent tous à l’installation de défaillances
massif de cytokines a été mis en évidence en situation cli-
multi-organiques d’origine congestive et isché-
nique d’ischémie-reperfusion coronaire, après angioplastie
mique, l’analyse de la physiopathologie initiale de
transluminale [34]. Certains de ces médiateurs de l’inflam-
la détresse circulatoire est essentielle. Il convient par
mation, tels que l’interleukine 1 (IL-1) ou le tumor necrosis
conséquent de mener les explorations hémodyna-
factor (TNF) peuvent altérer la fonction myocardique [35,
miques nécessaires afin de déterminer si la défail- 36]. Le NO a, quant à lui, une dualité d’effet vis-à-vis du
lance prédomine sur le ventricule droit ou le myocarde. Synthétisé en faible quantité sous l’action de la
ventricule gauche, sur la fonction systolique ou la NO synthétase endothéliale (eNOS), c’est une molécule car-
fonction diastolique. La distinction rapide entre ces dioprotectrice [37, 38]. À l’inverse, lorsqu’il est produit en
différentes entités physiopathologiques se justifie excès suite à l’entrée en jeu de la NO synthétase inductible
par de véritables différences dans la prise en charge (iNOS), son interaction avec l’ion superoxyde induit la
thérapeutique. formation abusive de dérivés toxiques tels que les peroxy-
nitrites. Expérimentalement, l’ischémie-reperfusion coro-
naire aboutit à une expression intense d’iNOS et à une
Nouvelles approches production excessive de NO [39]. Le NO en forte concen-
tration et les peroxynitrites sont responsables d’effets
physiopathologiques : dépresseurs myocardiques propres, d’une diminution de la

dysfonction cardiovasculaire réponse aux catécholamines, d’une vasodilatation systé-


mique, d’une inhibition de la chaîne respiratoire mitochon-
driale, d’une anomalie du métabolisme glucidique et
Dès 1967, à l’occasion d’une revue générale sur le choc d’effets pro-inflammatoires [31]. L’importance du NO et de
cardiogénique, Kuhn émet les premières réserves quant à ces dérivés dans la physiopathologie du choc cardiogé-
l’approche physiopathologique classique [28]. Par la suite, nique est confirmée par deux résultats expérimentaux fon-
ces réserves sont confirmées par plusieurs travaux cliniques damentaux : amélioration significative du pronostic chez

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Physiopathologie de l’état de choc cardiogénique 19

les souris knock-out sur le gène de l’iNOS [40] ou en cas Au niveau cardiaque, ce dysfonctionnement mito-
d’administration d’agents bloquant la NO synthétase [41, chondrial et ce déficit énergétique représentent
42]. Plus récemment, Cotter et al. ont trévélé, chez potentiellement un des mécanismes les plus impor-
l’homme, une amélioration du pronostic grâce au blocage tants de la propagation de la défaillance de contrac-
non spécifique de la NO synthétase [43, 44]. tilité du myocarde lors du choc cardiogénique [47, 48].

Stress oxydatif
lors de l’hypoxie cellulaire Conclusion
L’hypoxie cellulaire prolongée semble stimuler la sécré- L’état de choc cardiogénique met en jeu un grand nom-
tion du facteur HIF-1 (hypoxia inducible factor 1) qui, à son bre de mécanismes d’adaptation physiopathologiques qui
tour, augmente la génération de dérivés réactifs de l’oxy- ont pour but de maintenir un apport en oxygène satisfai-
gène (ROS pour reactive oxygen species). La résultante sera sant, au moins aux tissus de l’organisme vitaux et privilé-
une augmentation du flux de la glycolyse et de la réaction giés. La défaillance de ces mécanismes aboutit à l’hypoxie
pyruvate-lactate, une diminution de l’activité de la cellulaire et, si celle-ci se prolonge, à la nécrose.
cyclooxygénase 4 (COX 4) (cytochrome c oxydase, com-
La physiopathologie de l’état de choc cardiogénique
plexe 4), ainsi qu’un déficit de production d’ATP [45].
semble ainsi bien plus complexe que les descriptions
Visiblement, la conversion de la COX 4-1 en COX 4-2, la
« mécaniques » admises jusqu’à la fin des années 1980. Une
consommation d’oxygène et la production d’ATP augmen- fois de plus, le regard cellulaire et même moléculaire offre
tent sous l’effet de l’hypoxie, alors que la production de une nouvelle perspective à cette pathologique considérée
peroxyde d’hydrogène (H2O2) augmente [46]. Ces change- par nombre de praticiens comme « élucidée ». C’est donc
ments de l’oxydation et de la phosphorylation mitochon- probablement vers l’inflammation, le stress oxydatif, le
driales semblent être adaptés à la situation, ce qui métabolisme cellulaire ou même les mécanismes de signa-
augmente le fonctionnement mitochondrial en cas d’hy- lisation intracellulaire que se porteront les efforts théra-
poxie. peutiques au cours des prochaines années.

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204
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page205

OXYGÉNATION TISSULAIRE

20
Physiologie
• Principe et rôle du massage cardiaque
de la réanimation
• Principe et rôle du défibrillateur cardio-circulatoire
• Principe et rôle des agents pharmacologiques
• La réanimation post-arrêt cardiaque
Julie Alingrin*, Julien Textoris*, Jacques Albanèse**
*Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Nord, Marseille
**Département d’anesthésie-réanimation,
Hôpital de la Conception, Marseille

arrêt cardio-circulatoire représente l’urgence


extrême. Le pronostic dépend essentiellement de
la rapidité de la prise en charge, et en l’absence de
réanimation précoce, les chances de survie dimi-
nuent de 10 % chaque minute, avec un risque de
mortalité de 8 à 10 % en extra-hospitalier. La mort Alerte Secourisme Défibrillation Médicalisation
subite concerne, chaque année, 400 000 personnes précoce précoce précoce précoce
aux États-Unis et entre 40 000 à 50 000 personnes
Figure 1 / Chaîne de survie de la réanimationcardio-circulatoire
en France [1]. La version moderne de la réanima- (d’après Cummings [3])
tion cardio-circulatoire est née dans les années
1960, avec l’introduction du bouche-à-bouche et du
massage cardiaque externe, sans plus nécessité de
thoracotomie [2]. Ceci constitue la première étape • la théorie de la pompe thoracique, proposée par
de la prise en charge extra-hospitalière, en plaçant Rudikoff, plus récemment, dans les années 1980, est fon-
le témoin comme première personne concernée. Ce dée sur une augmentation globale de la pression intra-
n’est que récemment que la notion de chaîne de thoracique lors du massage cardiaque [4]. L’ensemble du
survie s’est imposée [3]. En effet, la réanimation volume sanguin cardio-thoracique est alors expulsé hors
cardio-circulatoire n’a de chance d’être efficace seu- de la cage thoracique. Le cœur se conduirait, dans cette
lement si ses quatre maillons interdépendants sont théorie, comme conduit passif. En plus du système des
mis en place précocement (figure 1). Cette chaîne valves cardiaques, l’augmentation de la pression à l’inté-
de survie conduit à la réanimation cardio-circula- rieur du thorax entraîne un collapsus des veines du terri-
toire spécialisée détaillée dans la figure 2. toire cave supérieur. Le reflux de sang vers le territoire
Les paragraphes suivants détaillent les mécanismes inférieur est également impossible en raison du système
physiologiques proposés actuellement pour justi- des valvules veineuses. Le sang est donc chassé vers l’ar-
fier les techniques de réanimation cardio-circula- tère pulmonaire et l’aorte, dans le sens physiologique.
toire.
L’efficacité du massage cardiaque externe relève pro-
bablement des deux mécanismes. Les deux théories sont
intriquées, et la force compressive est un déterminant
Principe et rôle majeur. En effet, il semble que lorsque la force développée
par le MCE est assez importante, la théorie de la pompe
du massage cardiaque cardiaque soit prépondérante, alors que si la force déve-
loppée est plus faible, les valves cardiaques ne remplissent
pas leurs fonctions et la théorie de la pompe thoracique
Principe devient prépondérante [5].
du massage cardiaque externe
Deux théories complémentaires tentent d’expliquer le
Rôle
rôle du massage cardiaque externe (MCE) : du massage cardiaque externe
• la plus ancienne a été mise au point dans les années 1960
par Kouwenhoven [2]. C’est la théorie de la pompe car- La mission du MCE est de palier la fonction cardiaque
diaque. La compression du cœur entre le rachis et le ster- pour faire circuler le sang à travers l’organisme. Pour cela,
num est responsable de l’établissement d’une circulation il faut maintenir un gradient de pression suffisant entre
sanguine. Les valves cardiaques forcent ainsi le flux l’aorte et l’oreillette droite pour que le sang s’écoule dans
généré à s’écouler dans le sens physiologique ; le sens de ce gradient de pression.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

ARRÊT CIRCULATOIRE :
RCP de base : alerte, MCE immédiat RCP 30:2
libération des VAS, oxygénothérapie ballon auto-remplisseur 15 L/min
Algorithme de la DAE : mise en place du défibrillateur sans interrompre le MCE

DAE
analyse du rythme

1er cycle
Choc indiqué Choc non indiqué
(FV, TV) (asystolie, RSP)

1 choc électrique biphasique Reprise immédiate de la RCP 30:2


150 à 200 J pendant 2 min

Reprise immédiate de la RCP 30:2 Pose de voie veineuse


pendant 2 min • Adrénaline 1 mg IV Figure 2 / Algorithme
(à répéter toutes les 3 à 5 min) de réanimation
• Atropine 3 mg IV cardio-circulatoire spécialisé
(si bradycardie extrème) RCP : réanimation
cardio-pulmonaire ;
MCE : massage cardiaque
DAE externe ;
analyse du rythme VAS : voies aériennes
supérieures ;
DAE : défibrillateur
2e cycle : Continuer la RCP jusqu’à la reprise
automatisé externe ;
Pose de voie veineuse d’une ventilation spontanée efficace
• Adrénaline 1 mg IV ou l’arrivée d’une équipe de réanimation FV : fibrillation ventriculaire ;
(à répéter toutes les 3 à 5 min) TV : tachycardie ventriculaire ;
• Atropine 3 mg IV RSP : rythme sans pouls ;
(si bradycardie extrème) IV : intraveineuse ;
RÉANIMATION DE L’ACR RÉCUPÉRÉ : ACR : arrêt cardio-respiratoire ;
Prévenir Surveillance : EtCO2 : capnométrie,
3e cycle : • Hyperventilation Scope mesure de la fraction expirée
• Amiodarone 300 mg IV bolus • Hypotension EtCO2, SpO2, PA, Fc, FR
puis 150 mg si besoin en dioxyde de carbone ;
• Hypo-hyperglycémie GSC SpO2 : saturation pulsée
• Lidocaïne 1 à 1,5 mg/kg • Hypothermie excessive
renouvelable 2 fois en oxygène ;
(sans dépasser 3 mg/kg) PA : pression artérielle ;
• Magnésium 1 à 2 g Fc : fréquence cardiaque ;
si torsade de pointe FR : fréquence respiratoire ;
GSC : score de Glasgow.

Le MCE est la clé de voûte de la réanimation cardio-cir- culaire dépend en majeure partie du potentiel de mem-
culatoire quand on espère voir réapparaître une activité brane des myocytes. Celui-ci est maintenu en grande partie
cardiaque efficace autonome. Ses deux fonctions princi- par la pompe sodium-potassium (Na/K) ATPase qui expulse
pales sont : 3 ions Na+ et fait entrer 2 ions K+ contre leur gradient res-
• de maintenir un gradient de pression permettant une pectif en consommant une molécule d’adénosine triphos-
perfusion coronaire suffisante (environ 15 mmHg) pour phate (ATP). Sans ATP, le potentiel de membrane ne peut
apporter de l’oxygène et des nutriments aux myocytes par conséquent être maintenu, et l’activité cardiaque dis-
[6] ; paraît. Aussi, la physiologie de la contraction cardiaque
• de maintenir un remplissage adéquat des ventricules, et dépend de processus mécaniques, électriques et chimiques
notamment du ventricule gauche. [7].
La contraction et la relaxation des myocytes sont des
Rôle de la perfusion coronaire mécanismes hautement consommateurs d’énergie. La
et des réserves énergétiques (ATP) contraction dépend de l’apparition d’un potentiel d’action
des myocytes généré par le tissu nodal. Cette excitation électrique
entraîne d’importants mouvements ioniques, avec notam-
L’objectif de toute réanimation cardio-circulatoire est ment une entrée massive de calcium (Ca) intracellulaire.
de restaurer une activité cardiaque autonome efficace. Le Quand la concentration cytosolique de Ca2+ est faible (en
cœur doit donc être capable de fonctionner à nouveau diastole), la tropomyosine (associée au complexe régula-
lorsque la cause de l’arrêt aura été corrigée. C’est pourquoi teur des troponines, comprenant les troponines I, C et T)
le massage cardiaque est un prérequis obligatoire à tout recouvre le site d’interaction actine-myosine. Quand la
traitement étiologique de l’arrêt cardio-circulatoire. Pour concentration en calcium augmente, celui-ci se fixe à la tro-
se contracter efficacement, le cœur doit être capable de : ponine C. Ceci permet un changement de conformation du
• générer et propager un influx nerveux, un potentiel d’ac-
complexe, et la tropomyosine libère les sites de liaison
tion ;
actine-myosine. Il y a levée d’inhibition de la troponine I.
• répondre à ce stimulus électrique par une contraction
L’interaction entre actine et myosine permet un raccour-
efficace.
cissement et génère une force responsable de la contrac-
La genèse automatique d’un potentiel d’action par les tion des myocytes. En effet, la tête de la myosine contient
cellules spécialisées du cœur puis sa conduction au travers un site actif de coupure du 3e phosphate d’une molécule
du tissu cardiaque pour déclencher une contraction mus- d’ATP. Lors de l’interaction actine-myosine, la transforma-

206
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Physiologie de la réanimation cardio-circulatoire 20

tion de l’ATP en ADP + Pi (phosphate inorganique) produit active et de compression abdominale intermittente,
l’énergie nécessaire au changement conformationnel du qui ont pour but de favoriser le remplissage du
complexe. La contraction a lieu en fin de dépolarisation cœur en diastole.
cellulaire, et la force générée par une unité sarcomérique
est proportionnelle au nombre des interactions actine-
myosine possibles et du stock d’énergie disponible sous
forme d’ATP. La recapture du calcium hors du cytosol per-
Procédés
met le phénomène de relaxation. Une nouvelle molécule de massage cardiaque externe
d’ATP vient se fixer sur la tête de la myosine, dissociant
ainsi l’interaction actine-myosine [8, 9]. Ainsi, la relative efficacité du massage cardiaque clas-
sique a conduit différentes équipes à imaginer de nou-
Une hypoxie profonde et prolongée entraîne un « cœur
velles méthodes en termes de massage cardiaque, outre le
de pierre », un état de rigidité résultant de l’incapacité des
changement des pratiques et de la prévention des mau-
cellules à expulser le calcium du cytosol. Effectivement, la
vaises habitudes responsable de l’arrêt circulatoire (no
diminution de la concentration intracellulaire de calcium
flow). En effet, même lorsqu’il est parfaitement réalisé, le
dépend d’un pompage actif de celui-ci dans le sarcolemme
MCE ne permet d’obtenir qu’un débit de l’ordre de 25 %
et hors de la cellule, ce qui consomme une grande quantité
du débit cardiaque normal. Cela correspond à une pression
d’ATP [10].
systolique comprise entre 60 et 80 mmHg et à une pression
diastolique rarement supérieure à 20 mmHg. Dans ces
Dans tous les cas, les myocytes doivent avoir des conditions, le flux sanguin parvenant aux organes (notam-
réserves suffisantes en ATP et, par conséquent, un ment le cerveau et les coronaires) ne dépasse pas 5 % du
apport en oxygène et nutriments suffisant pour flux habituel. C’est une situation précaire et insuffisante
renouveler en permanence ce stock d’ATP, notam- [12].
ment pendant la période de la réanimation cardio-
circulatoire. Le coup-de-poing sternal n’a plus sa place dans l’algo-
rithme de la réanimation cardio-circulatoire. Il n’est licite
que si l’arrêt cardiaque est dû à une arythmie, chez un
Rôle du remplissage patient conscient, réveillé et scopé [13].
du ventricule gauche Depuis les années 2000, la notion de MCE ininterrompu
a été introduite. La réussite du MCE repose sur deux adjec-
La capacité du ventricule à générer un gradient suffi-
tifs “hard and deep” (puissant et profond), avec une
sant pour assurer un débit cardiaque adéquat dépend des
capacités des myocytes à se raccourcir et générer une force. dépression thoracique d’environ 5 cm à une fréquence de
100/minute [14]. Le MCE bien conduit est responsable de
La génération d’une force optimale est réalisée quand la présence d’un index cardiaque, qui induit une perfusion
la longueur du sarcomère est d’environ 2,2 à 2,3 mm. Cette coronaire satisfaisante : la compression (systole) permet la
longueur permet un maximum d’interactions entre les fila- perfusion coronaire rétrograde, alors qu’une perfusion
ments d’actine et les têtes de myosine. Lorsque le sarco- antérograde a lieu pendant la phase de décompression
mère a une longueur inférieure à 1,5 mm, il n’y a plus (diastole) [15]. Un arrêt de seulement 5 secondes du MCE
d’interaction entre les deux filaments et la contraction est est responsable de l’arrêt de la perfusion coronaire et céré-
alors impossible. Ces considérations expliquent que, dans brale. C’est le temps du “no flow”. À la reprise du MCE, un
des limites physiologiques, la force de contraction générée nombre considérable de compressions sera nécessaire
par le cœur est d’autant plus grande que les fibres sont éti- avant la récupération de la perfusion obtenue avant son
rées en diastole. En dessous d’un certain degré d’étire- interruption [16].
ment, aucune force n’est générée. Cette longueur
minimale est égale à environ 60 % de la longueur qui Or, il existe des causes inévitables de suspension du
génère la force maximale [7, 11]. Le remplissage du ventri- MCE, comme les temps de relais d’intervenant, les temps
cule est ainsi un déterminant (ou un prérequis) majeur à de ventilation ou l’intubation, la défibrillation si néces-
une contraction efficace et à la genèse d’un débit car- saire, la pose d’un accès vasculaire ou encore le transfert
diaque. pour le transport du patient. Néanmoins, le meilleur des
MCE sera organisé et dirigé, conduit par une équipe effi-
Lors d’un arrêt cardiaque et en l’absence de massage cace et entraînée procurant un massage ininterrompu,
cardiaque, la différence de pression existant entre l’aorte performant et efficace pendant la réanimation cardio-
et l’oreillette droite permet au sang de continuer à s’écou- circulatoire [14, 17]. La survie est donc fonction de la mise
ler dans les vaisseaux pendant environ 4 minutes. Au-delà, en œuvre précoce du MCE et de la qualité de celui-ci. En
le gradient de pression s’étant dissipé, on a réellement un effet la qualité du MCE décroît pendant la réanimation :
arrêt circulatoire. Les pressions étant équilibrées entre les après 2 minutes de MCE continu, 50 % des compressions
cœurs droit et gauche, et en raison de la morphologie par- ne sont plus efficaces, car elles ne sont plus effectuées de
ticulière du cœur, le ventricule gauche est pratiquement façon optimale.
vide et ses fibres sont en dessous de la longueur minimale
nécessaire à la genèse d’une force contractile musculaire. De nouvelles techniques d’assistance circulatoire ont
par conséquent été développées. Ainsi, fondée sur la théo-
La reprise d’une activité électrique autonome ne pourra
rie de la pompe thoracique, la compression/insufflation
donc pas entraîner de contraction efficace du cœur. Le
synchrone a été proposée dans les années 1980. En raison
second objectif du MCE sur le cœur est en conséquence de
de l’absence d’effets bénéfiques prouvés sur la mortalité
maintenir le gradient de pression entre aorte et oreillette
[18], cette méthode a été abandonnée, mais elle a permis
droite et de permettre, lors de la relaxation, un remplis-
de comprendre l’inutilité d’un asynchronisme obligatoire
sage du ventricule gauche et un étirement des myocytes
entre compression et insufflation. La technique du seuil
(précharge) qui les placent dans des conditions adéquates
d’impédance (impedance threshold device) en dérive. Il
à la reprise d’une activité contractile autonome.
s’agit d’une valve couplée au dispositif endotrachéal qui
limite l’air entrant dans les poumons pendant la phase de
De ce principe découlent les précédés suggérés de décompression. Il en découle une pression thoracique
massage cardiaque par compression/décompression négative facilitant le retour veineux. Certaines équipes ont

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

associé cette méthode à la compression/décompression Depuis leur naissance, en 1996 avec le modèle
abdominale. La technique de compression abdominale Forerunner®, les défibrillateurs biphasiques ont désormais
intermittente consiste à comprimer l’abdomen de manière supplanté les monophasiques. Ils sont plus efficaces et
asynchrone avec la compression thoracique. Toutefois cette moins agressifs pour le myocarde [25]. Il en existe de nom-
technique requiert un malade intubé et ventilé artificiel- breux types aujourd’hui comme le biphasique tronqué
lement (prévention de l’inhalation bronchique favorisée exponentiel et le biphasique linéaire, sans différence nota-
par la compression abdominale). En outre, il y a une insuf- ble d’efficacité ou de sécurité entre ces deux formes.
fisance de preuves pour supporter ou réfuter l’utilisation
de cette technique [19]. Une autre technique, plus récente,
fait appel à une ventouse que l’on place sur le thorax du Anti-arythmiques
malade, pour une compression-décompression active,
Le choc électrique externeest le traitement majeur des
avec une pression externe négative lors de la phase de
troubles du rythme ventriculaire. Toutefois, lorsque plu-
décompression [Cardio-Pump Ambu® (manuel) et, plus
sieurs séries de chocs, malgré l’injection d’adrénaline, n’ont
récemment, LUCAS® (1 manuel et 2 sur batterie)].
pas permis de retrouver une activité autonome, des médi-
L’augmentation du remplissage du cœur lors de la diastole
caments aux propriétés anti-arythmiques peuvent être uti-
permet d’augmenter le débit cardiaque à la compression
lisés pour tenter d’augmenter les chances de réussite des
suivante. Seules quelques rares études décrivent un effet chocs ultérieurs. Ces agents pharmacologiques se lient aux
bénéfique sur le pronostic, notamment une amélioration canaux ioniques et modifient les courants ioniques au sein
neurologique [20]. Une autre technique de MCE automa- du myocarde. Ils sont généralement responsables d’un
tisée est l’Autopuls®, basée plutôt sur la systole. Il s’agit ralentissement de l’influx nerveux et d’une augmentation
d’une planche thoracique postérieure, associée à une large de la période réfractaire. Ils peuvent ainsi permettre de
bande circonférentielle thoracique. Ainsi, la qualité du minimiser, voire de bloquer, les phénomènes de réentrée.
MCE s’avère meilleure lorsqu’elle est automatisée : de part Parmi les différents agents utilisés, seule l’amiodarone a
son uniformité de compression, la stabilité de la fréquence montré son efficacité dans les essais cliniques [26]. Les
et la profondeur du massage, ces techniques ont l’avan- recommandations de l’American Heart Association (AHA)
tage de pouvoir libérer du personnel soignant, nécessaire de 2010 ne modifient pas les recommandations de 2005 :
à d’autres tâches, pendant la réanimation cardio-circula- si l’amiodarone est indisponible, la lidocaïne doit être
toire. Cependant, pour l’instant, les manœuvres actives de considérée comme une alternative [27]. Pourtant, la lido-
MCE ne sont pas associées à un bénéfice clair [21] avec un caïne a été plus fréquemment utilisée que l’amiodarone
plus grand risque de traumatisme pour le thorax. entre 2005 et 2007 malgré une plus grande survie à l’ad-
mission hospitalière avec l’utilisation de cette dernière [28].
Mais ces études observationnelles ne peuvent, à elles
Les questions se posent donc quant à l’indication de
seules, établir de bénéfice clair en faveur de l’un ou de
ces nouvelles techniques dans l’algorithme de la l’autre anti-arythmique.
réanimation cardio-circulatoire. À ce jour, aucune
étude randomisée et contrôlée n’a encore été
publiée, concernant la survie [22].
Principe et rôle des agents
pharmacologiques
Principe et rôle
du défibrillateur Catécholamines
Adrénaline
Fibrillation ventriculaire Hormone de réponse au stress, sécrétée en temps nor-
et choc électrique externe mal par les glandes médullosurrénales, l’adrénaline aug-
mente le taux de l’adénosine monophosphate cyclique
La fibrillation ventriculaire est mortelle sans défibrilla- (AMPc) dans les cellules cibles, ce qui entraîne les effets sui-
tion et c’est l’une des principales étiologies rencontrées dans vants :
les arrêts cardio-circulatoires. Lors d’une telle fibrillation, des • activation de la glycogénolyse ;
potentiels d’actions naissent et se propagent de manière • inhibition de la glycogénogenèse ;
anarchique au sein du myocarde, entraînant un mouvement • activation de la glucogénogenèse (action antagoniste de
de reptation des ventricules totalement inefficace d’un celle de l’insuline) ;
point de vue hémodynamique. En appliquant un choc élec- • activation de la lipolyse (lipase hormonosensible) ;
trique externe, la dépolarisation massive et synchrone des • inhibition de la lipogenèse.
cellules myocardiques permet d’obtenir un laps de temps L’adrénaline est aussi sympathomimétique : elle accé-
pendant lequel l’ensemble des cellules sont réfractaires à la lère le cœur (effet inotrope positif), ce qui augmente le
conduction d’un potentiel d’action. Une activité régulière débit d’oxygène pour la chaîne respiratoire mitochon-
peut alors émerger à nouveau des centres automatiques et driale. Son action endocrinienne est théoriquement mise
permettre le déclenchement de contractions synchrones des à profit dans l’arrêt cardiaque pour stimuler la synthèse
myocardes. Le but de la défibrillation est donc de dépolari- d’ATP et maintenir un stock cellulaire suffisant à la reprise
ser une masse suffisamment importante du myocarde pour d’une activité autonome.
interrompre les circuits de réentrée.
L’adrénaline est l’amine de choix de la réanimation de
La défibrillation se doit d’être le plus précoce possible l’arrêt cardio-circulatoire. Outre son rôle sur les myocytes,
et avoir été précédée d’un MCE [23]. Cobb et al. suggèrent ses propriétés vasoactives sont profitables, notamment par
90 secondes de MCE avant une analyse du tracé et une ses effets a-adrénergiques. En effet, le massage cardiaque
défibrillation si nécessaire, pour permettre au cœur de se n’est pas capable, même lorsqu’il est bien réalisé, de main-
retrouver dans des conditions idéales pour récupérer une tenir la pression de perfusion nécessaire (supérieure à
activité autonome [24]. 15 mmHg) à un apport suffisant en oxygène et en nutri-

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Physiologie de la réanimation cardio-circulatoire 20

ments au myocarde et à d’autres organes vitaux. Le magnésium intervient dans le contrôle de la respira-
L’adrénaline augmente la pression télédiastolique de tion mitochondriale, il est indispensable aux réactions
l’aorte, principal déterminant de la perfusion coronaire. dépendantes de l’ATP ; la forme intracellulaire active de
De plus, elle améliore la circulation cérébrale en rediri- l’ATP correspond en fait à un complexe Mg2+-ATPase [34,
geant le flux sanguin vers la carotide interne aux dépens 35]. Le magnésium intervient aussi dans l’activité de nom-
de la carotide externe [12]. breuses ATP, en particulier la Na+/K+-ATPase de la mem-
brane cellulaire et les Ca2+-ATPase membranaires. Un
Enfin, l’adrénaline aide à réduire certains troubles du
déficit cellulaire en magnésium aboutit à une inhibition de
rythme. Ses effets chronotropes et inotropes positifs aident
ces protéines, entraînant une augmentation des concen-
le cœur à retrouver une activité autonome, lorsque la
trations cytosoliques de Na+ et de Ca2+ et une diminution
cause de l’arrêt est corrigée. Il semblerait que l’adrénaline
de la concentration cellulaire en K+.
facilite la réduction des fibrillations ventriculaires par un
choc électrique externe et augmente les chances de réus- L’activité adénylcyclase de la cellule, catalysant la syn-
site de ce dernier [29]. thèse d’AMPc à partir de l’ATP, est également dépendante
du magnésium. L’AMPc, en activant certaines kinases, joue
Toutefois, ses effets b-adrénergiques prêtent à contro-
un rôle majeur dans la modulation des phénomènes de
verse : ils augmentent le travail myocardique et diminuent
contraction-relaxation du cardiomyocyte et de la cellule
la perfusion sous endocardique [30]. La dose recommandée
est d’un bolus de 1 mg, répété toutes les 3 minutes chez musculaire lisse vasculaire.
l’adulte. En intervenant sur les différents systèmes contrôlant les
mouvements calciques intracellulaires (canaux et pompes
Vasopressine calciques), le magnésium agit comme un régulateur de ces
flux. Aux doses pharmacologiques, il se comporte comme
La vasopressine ou hormone antidiurétique (ADH pour un inhibiteur calcique [36]. Cette action est partiellement
Anti Diuretic Hormone) possède, à fortes doses, une action responsable des effets hémodynamiques observés expéri-
sur les muscles lisses des parois vasculaires. Pour les mêmes mentalement et en clinique humaine : effet inotrope néga-
raisons que l’adrénaline, ses effets vasoconstricteurs sont tif sur la cellule myocardique et relaxation de la cellule
donc mis à profit, dans l’arrêt cardiaque, afin d’augmenter musculaire lisse vasculaire [37, 38]. À cette action antical-
le tonus vasculaire et de maintenir une pression de perfu- cique s’ajoute un effet direct sur l’appareil contractile des
sion plus élevée. Les études comparant la vasopressine à cellules musculaires cardiaques et vasculaires. Le magné-
l’adrénaline retrouvent une efficacité supérieure de l’ADH sium inhibe de façon compétitive la fixation du Ca2+ sur la
dans la réanimation cardio-pulmonaire, en termes de vaso- troponine C au niveau du myocyte et la formation du com-
constriction, de réduction des troubles du rythme (tachy- plexe calmoduline-Ca2+ au niveau de la cellule musculaire
cardie ventriculaire/fibrillation ventriculaire) ou encore lisse. Enfin, son intervention sur les flux calciques est à l’ori-
chez les patients en asystolie [31]. Enfin, la vasopressine a gine d’une modulation des phénomènes d’exocytose au
un effet prolongé et reste efficace, contrairement à l’adré- niveau des terminaisons nerveuses adrénergiques et
naline, en cas d’hypoxie et d’acidose. Cependant, la dose cholinergiques ; l’inhibition de la libération de médiateurs
utilisée (40 UI) reste encore empirique, et seul l’effet d’une adrénergiques participe également aux effets hémodyna-
injection unique a été étudiée, les patients recevant miques observés en clinique [39]. Au niveau du cœur
ensuite de l’adrénaline. entier, l’effet inotrope négatif du magnésium est com-
pensé par une vasodilatation périphérique et une tachy-
Atropine cardie (par la mise en jeu du baroréflexe) qui aboutissent
à une conservation, voire une augmentation, du débit car-
L’atropine est un parasympathicolytique (anticholiner- diaque [40, 41].
gique) qui s’oppose de façon compétitive aux effets mus-
cariniques de l’acétylcholine. Anciennement utilisée pour
ses effets bronchodilatateurs mais surtout pour lutter Effets inhibiteurs du magnésium
contre une hypertonie vagale ou des troubles du rythme
Ils s’exercent sur au moins deux types de canaux :
de type blocs atrio-ventriculaires, elle n’est plus recomman-
les canaux calciques potentiel-dépendants de type L
dée en première intention dans l’arrêt cardiaque et n’a
[42] et le canal calcique du réticulum sarcoplas-
plus sa place dans l’algorithme de décision [32].
mique, appelé aussi canal récepteur de la ryanodine
[43, 44]. Le magnésium, qui est capable d’emprunter
Autres vasopresseurs le canal calcique L pour pénétrer dans la cellule,
exerce une action antagoniste de type compétitif
Il n’y a pas d’autre vasopresseur (noradrénaline, phény-
léphrine) qui ait sa place dans la réanimation cardio-circu-
sur les flux entrants de Ca2+. En inhibant l’activation
latoire, avec un bénéfice prouvé sur la survie, comparé à
Ca2+-dépendante du canal récepteur de la ryano-
l’adrénaline [33]. dine, il limite la sortie du Ca2+ du réticulum sarco-
plasmique qui est son site principal de stockage
intracellulaire. L’inhibition du phénomène de relar-
Ions gage du calcium conduit ainsi à limiter l’augmenta-
tion de la concentration cytosolique du Ca2+.
Magnésium et calcium L’effet global le plus significatif semble s’exercer sur la
Le magnésium est un cation ubiquitaire, majoritaire- modulation de l’activité du nœud auriculo-ventriculaire.
ment intracellulaire, cofacteur de nombreux systèmes On observe une augmentation de l’intervalle PR, sans
enzymatiques. Il est impliqué dans plus de 300 réactions modification notable de la fréquence du nœud sinusal, de
enzymatiques différentes (métabolisme énergétique, syn- la durée du complexe QRS, ni de l’espace QT. La période
thèse des protéines et des acides nucléiques, par ex.). Il réfractaire du nœud auriculo-ventriculaire s’allonge.
influence le métabolisme des cellules musculaires, myocar- Parallèlement, les temps de récupération du nœud sinusal
diques et nerveuses, ainsi que les transferts ioniques trans- et de la conduction sino-auriculaire peuvent être augmen-
membranaires et intracellulaires dont ces cellules sont le tés. En revanche, le magnésium ne modifie pas les périodes
siège. réfractaires auriculaires et ventriculaires [45].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Les effets anti-arythmiques des sels de magnésium sont giques, cardio-circulatoires, respiratoires et rénales, qui
liés à leur action stabilisatrice de membrane. Cette action peuvent aboutir à des défaillances d’organes multiples et
s’oppose à la genèse des postpotentiels dépolarisants, à sévères, voire au décès. Le syndrome d’ischémie-reperfu-
l’origine d’un certain nombre de troubles du rythme. sion s’associe à une activation non spécifique de la réponse
L’apparition de ces postpotentiels est favorisée par l’allon- inflammatoire systémique. Cet état pro-inflammatoire s’ac-
gement de la durée du potentiel d’action. Celui-ci peut compagne de modifications de la coagulation et, plus lar-
être d’origine congénitale, mais il est en règle générale gement, d’une coagulation intravasculaire disséminée avec
induit par des facteurs pathologiques souvent associés lésions endothéliales secondaires et thromboses capillaires,
entre eux comme l’hypomagnésémie, l’hypokaliémie, la à l’origine de lésions viscérales supplémentaires.
bradycardie et la prise de certains toxiques (césium,
baryum, anti-arythmiques de type quinidinique, antipalu-
déens). L’allongement de la durée du potentiel d’action est Le choc post-arrêt cardiaque
secondaire à l’allongement de la phase de repolarisation Consécutif à la sidération myocardique, le choc post-
[46, 47]. Sur ce fond d’allongement de la durée de la repo- arrêt cardiaque est d’origine mixte : cardiogénique et péri-
larisation, l’ouverture des canaux calciques de type L est à phérique. Confirmé par échographie en 1990 [52], ce
l’origine des postpotentiels dépolarisants. Ceux-ci peuvent syndrome est défini par une dysfonction du ventricule
induire des phénomènes de re-excitation et des troubles gauche précoce, intense, réversible habituellement dans
du rythme ventriculaire dont l’expression classique est la les 48-72 heures avec altération des fonctions systoliques
torsade de pointes. et diastoliques du ventricule gauche et une dilatation cavi-
L’efficacité des sels de magnésium dans cette indication taire [53, 54]. Les conséquences sont une diminution de la
est connue depuis longtemps. Agissant en quelques fraction d’éjection du ventricule gauche, avec un bas débit
secondes, ils permettent généralement de prévenir les réci- malgré des pressions de remplissage normales, voire dimi-
dives dans l’attente de l’efficacité d’un éventuel traitement nuées [55]. En outre, l’activation de la réponse inflamma-
causal [48]. Ils ne présentent, par ailleurs, aucun risque toire systémique ajoute une composante vasoplégique. Ce
dans le cas où un diagnostic de torsade de pointes aurait syndrome est indépendant de l’étiologie coronaire à l’arrêt
été porté par erreur devant une tachycardie ventriculaire. cardiaque [56].
En revanche, en cas de troubles du rythme de type fibrilla-
tion ventriculaire, aucune étude ne permet de cautionner
l’utilisation du magnésium. Les recommandations préfè-
Lésions neurologiques
rent aujourd’hui l’emploi de l’amiodarone [26, 32, 49]. anoxo-ischémiques
L’utilisation du calcium en injection intraveineuse Pendant l’arrêt cardiaque, la diminution du débit san-
directe est à éviter le plus souvent, en raison de ses effets guin cérébral entraîne une diminution de l’extraction céré-
arythmogènes. Son indication est exclusivement réservée brale en oxygène. Les phénomènes compensateurs de
à une dissociation électromécanique causée par une hyper- cette baisse d’oxygène ont pour conséquence une aug-
kaliémie (souvent évoquée dans le cadre de l’urgence par mentation transitoire des résistances vasculaires cérébrales.
un contexte particulier), une hypokaliémie ou une intoxi-
cation par des inhibiteurs calciques. Défaillances multiviscérales
Bicarbonate Les principales défaillances multiviscérales sont rénales
et respiratoires, défaillance respiratoire pendant laquelle
L’utilisation de bicarbonate dans l’arrêt cardiaque est l’hypoxémie est renforcée par l’œdème pulmonaire lésion-
fondée sur la volonté de maintenir un pH proche de la nor- nel.
male et donc, de lutter contre une acidose trop sévère.
Toutefois, le meilleur traitement de cette acidose mixte est, La réanimation post-arrêt cardiaque combat les phéno-
une fois de plus, une ventilation et un massage cardiaque mènes complexes qui accompagnent la reperfusion selon
adéquats en attendant le retour d’une circulation sponta- deux axes principaux : le traitement du choc initial avec les
née. En effet, l’alcalinisation par du bicarbonate au cours défaillances d’organes associées et la neuroprotection.
de la réanimation expose à une alcalose métabolique qui Après la récupération, la mise en place d’un support
est tout aussi délétère. ventilatoire est nécessaire, en cas d’absence de récupéra-
tion d’une ventilation spontanée avec titration de la frac-

La réanimation
tion inspirée en oxygène (FiO2) pour une pression artérielle
en oxygène (PaO2) supérieure à 94 %, une fréquence res-

post-arrêt cardiaque piratoire de 10 à 12 L/min pour une pression partielle en


dioxyde de carbone (PaCO2) entre 40 et 45 mmHg.
L’optimisation hémodynamique protocolisée est justifiée,
La réanimation post-arrêt cardiaque [50] conditionne le avec un objectif de pression artérielle moyenne (PAM)
pronostic secondaire des arrêts cardiaques récupérés, selon supérieure à 65 mmHg et, si nécessaire, l’adjonction de
deux axes principaux : le syndrome d’ischémie-reperfusion drogues vasoactives. L’arrêt cardiaque retentit sur de nom-
et la neuroprotection. breux organes. Le traitement de la cause de l’arrêt cardio-
circulatoire (primordial) et l’hypothermie thérapeutique

Le syndrome augmentent la survie des patients et optimise les consé-


quences neurologiques. Les causes les plus probables sont
d’ischémie-reperfusion les pathologies cardiovasculaires et l’ischémie aiguë du
myocarde. Il faut s’attacher à rechercher une autre cause
Le syndrome d’ischémie-reperfusion ou syndrome post- à l’arrêt cardiaque, tels que : hypovolémie, hypoxie, aci-
arrêt cardiaque apparaît entre la 4e et la 24e heure après dose, hypo- ou hyperkaliémie, hypothermie, prise de
récupération. Il se caractérise par un état de choc stéréo- toxiques, tamponnade cardiaque, pneumothorax suffo-
typé [51], avec des manifestations viscérales, neurolo- cant ou encore embolie pulmonaire [57].

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Physiologie de la réanimation cardio-circulatoire 20

Hypothermie diminue l’acidose intracellulaire cérébrale, prévient


l’œdème cérébral, inhibe la biosynthèse, le relargage et la
L’interruption brutale du débit sanguin cérébral ayant neutralisation de neurotransmetteurs comme les lympho-
pour conséquence le manque d’oxygène et de glucose pro- cytes T B4 et empêche la déplétion en nucléotide adéno-
voque l’arrêt de la neurotransmission par rupture de sine. Les effets bénéfiques de l’hypothermie au niveau
l’équilibre énergétique. La perte du potentiel de mem- cérébral se résument par une diminution de la consomma-
brane, donc des gradients électrochimiques, aboutit à la tion en oxygène [61]. Cependant, l’hypothermie présente,
dépolarisation des neurones : c’est la dépolarisation par ses retentissements adverses, certaines complications,
« anoxique ». Ce phénomène entraîne la libération de neu- comme les coagulopathies, des arythmies ou encore l’hy-
romédiateurs et d’acides aminés excitateurs comme le glu- perglycémie [62]. Son rôle sur la fonction immune est à
tamate. Les modèles animaux d’ischémie cérébrale l’origine d’un risque plus élevé de pneumopathies ou,
retrouvent, après reperfusion, une augmentation massive encore plus largement, de sepsis. Une hypothermie théra-
du débit sanguin cérébral, de la durée de l’ischémie, puis peutique de 32-34 °C pendant 12 à 24 heures est recom-
une phase d’hypoperfusion avec diminution de la pression mandée avec monitorage de la température centrale
tissulaire en oxygène (PtO2), augmentation de la pression (sonde œsophagienne).
tissulaire en dioxyde de carbone (PtCO2), diminution de
l’ATP, de la phosphocréatine et du pH cellulaire. Le gluta-
mate stimule les neurorécepteurs postsynaptiques, sa
recapture étant inhibée, ce qui produit une augmentation
Conclusion
massive du calcium intracellulaire. Les réactions enzyma- Le massage cardiaque est la clé de voûte de la réanima-
tiques ainsi favorisées, il y a création de radicaux libres et tion cardio-circulatoire. Son mode d’action est expliqué par
mort cellulaire. Au niveau moléculaire, le calcium intracel- deux théories complémentaires : celle de la pompe car-
lulaire active les protéines kinases qui phosphorylent des diaque et celle de la pompe thoracique. Les buts principaux
protéines de liaison à l’ADN et régulent ainsi l’expression sont de maintenir un débit de perfusion coronaire et un
de gènes d’activation précoce. L’ischémie cérébrale est par apport aux tissus suffisant en oxygène (grâce à une venti-
conséquent responsable d’une nécrose ischémique et lation associée) ainsi qu’un ventricule gauche en conditions
d’une apoptose neuronale, différée, puisque mettant en de charge satisfaisantes. La principale étiologie de l’arrêt
jeu la synthèse protéique [58]. cardiaque est la fibrillation ventriculaire. Le choc électrique
Les lésions cérébrales et l’instabilité cardiovasculaire externe, en augmentant de manière synchrone la période
sont les principaux déterminants de la survie post-arrêt car- réfractaire des myocytes, permet la genèse d’une nouvelle
diaque. L’hypothermie thérapeutique a été initiée devant activité cardiaque autonome. Parmi les médicaments de
la survie de victimes d’arrêt cardiaque associé à une hypo- l’arrêt cardiaque, l’adrénaline reste la molécule reine. Elle
thermie (comme la noyade en eau froide). L’hypothermie permet, par son action vasoconstrictrice, de renforcer l’ef-
modérée a prouvé une amélioration du pronostic neuro- ficacité du massage cardiaque et de maintenir une pression
logique, notamment sur les arrêts cardio-circulatoires dus de perfusion coronaire adéquate. Bien que la fonction des
à une fibrillation ventriculaire [59]. En effet, de nombreux ions soit essentielle dans la physiologie cardiaque, leur uti-
déterminants biologiques sont dépendants de la tempéra- lisation en pratique (en tant que thérapeutique) doit être
ture, comme l’homéostasie ionique, la perméabilité de la limitée à des indications bien précises et comprises. La réa-
barrière hémato-encéphalique, l’influx calcique, le flux nimation du post-arrêt cardiaque conditionne le pronostic
sanguin cérébral, le relargage de neurotransmetteurs céré- secondaire des survivants, avec la prise en charge du syn-
braux ou encore l’agrégation plaquettaire [60]. Ainsi, l’hy- drome d’ischémie-perfusion et l’hypothermie thérapeu-
pothermie permet le maintien de l’homéostasie ionique, tique.

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212
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 09:05 Page213

OXYGÉNATION TISSULAIRE

21
Physiopathologie
de l’assistance circulatoire
• Configuration de l’ECLS de courte durée type
• Interaction entre l’ECLS
et le système cardiovasculaire ExtraCorporeal Life Support
• Hémocompatibilité et contraintes mécaniques
• Activation de la coagulation
• Réaction inflammatoire Alexandre Ouattara*, Astrid Quessard**,
Christine Mouton***
* Service d’anesthésie-réanimation II, CHU Bordeaux,
Université de Bordeaux
et Unité INSERM 1034 Biologie des maladies cardiovasculaires, Pessac
** Service d’anesthésie-réanimation II, CHU Bordeaux, Pessac
*** Laboratoire d’hématologie, CHU de Bordeaux, Pessac

ExtraCorporeal Life Support (ECLS), appelée gnétique (figure 1). L’oxygénateur assurera, à l’aide d’une
communément ExtraCorporeal Membrane Oxyge- membrane d’échange, une oxygénation et une décarboxy-
nation (ECMO), est reconnue dans la littérature et lation du sang. Par échange thermique, un réchauffement
les recommandations les plus récentes comme la ou un refroidissement sanguin peut aussi être assuré. Le
thérapeutique de recours du choc cardiogénique sang ainsi oxygéné, décarboxylé et à une température dési-
réfractaire aux thérapeutiques conventionnelles. rée est réinjecté de façon rétrograde dans le torrent san-
Son objectif est de restaurer une perfusion d’or- guin artériel via une canule dont l’extrémité est
ganes afin de limiter leur défaillance [1-3]. Le débit positionnée dans l’artère iliaque commune (figure 2). Des
d’assistance peut, selon les modèles utilisés, attein- configurations centrales beaucoup moins démocratisées en
dre 8 L/min (jusqu’à 10 000 tours/min). Dans sa dehors des unités d’anesthésie-réanimation de chirurgie
configuration périphérique, cette technique est cardiaque permettent une réinjection antérograde par le
rapidement mise en place, facilement mobilisable biais d’une canulation artérielle dans l’aorte ascendante
et peu onéreuse [4-6]. Toutefois, la reperfusion ou l’artère axillaire [1, 6].
artérielle aortique rétrograde impose des
contraintes cardio-circulatoires non négligeables. Il
est primordial que l’assistance circulatoire tempo-
raire, comme se définit l’ECLS, ne perturbe en rien
la récupération myocardique lorsque celle-ci est
bien sûr envisageable. Ce chapitre se propose de
décrire l’impact de l’ECLS sur l’hémodynamique
intracardiaque, ses effets sur la perfusion d’or-
ganes et ses conséquences hémobiologiques. Bien
qu’un nombre croissant de systèmes d’assistance Axial Diagonal Radial
circulatoire existe, seule l’ECLS périphérique sera
décrite dans ce chapitre.

Configuration de l’ECLS
L’ECLS périphérique est un circuit extracorporel disposé
en parallèle du bloc cœur-poumon qui assure les fonctions
d’oxygénation et de décarboxylation sanguine par le biais
d’un oxygénateur à membrane et hémodynamique en ani-
mant le sang du circuit d’une énergie à l’aide d’une pompe
Figure 1 / Pompe centrifuge animée
centrifuge [1-6]. Ce circuit dérive le sang de l’oreillette par un mouvement rotatif par couplage électro-magnétique
droite via une canule disposée chirurgicalement ou de Le sang pénètre par l’orifice supérieur central
façon percutanée pour l’animer d’une énergie grâce à une et ressort par l’orifice latéral. Ce sont des pompes
pompe centrifuge vers l’oxygénateur. La pompe est ani- non occlusives précharge et postcharge-dépendantes.
mée d’une rotation par le biais d’un couplage électroma-

213
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page214

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

tion pulmonaire. Après un transit transpulmonaire, ce


sang alimente les cavités cardiaques gauches. Il est impor-
tant de souligner que le débit transpulmonaire est condi-
tionné à la fois par le drainage des cavités droites (et
Ao donc le débit d’assistance) mais aussi par la fonction ven-
VCS triculaire droite résiduelle. En cas de défaillance car-
AP VP diaque droite sévère, le débit transpulmonaire sera faible
et le risque de surcharge ventriculaire gauche en théorie
OD VD OG VG
moindre. Toutefois, l’absence de perfusion pulmonaire
expose au risque d’un œdème de reperfusion lors du
VCI sevrage de l’assistance ;
• la reperfusion rétrograde de la circulation extracorpo-
relle (CEC) alimente la circulation bronchique naissant de
l’aorte. Par le biais de shunts anatomiques entre les cir-
culations bronchique et pulmonaire, une partie de ce flux
sanguin est en mesure d’alimenter l’oreillette gauche ;
• les veines de Thébésius sont des veines de la paroi myo-
Artère cardique assurant un retour veineux coronaire direct
Ligne Ligne dans les cavités cardiaques gauches et non dans le sinus
veineuse fémorale
Pompe Oxygénateur artérielle superficielle coronaire [11].

Figure 2 / Disposition de l’ExtraCorporeal Life Support (ECLS) périphérique Ces trois sources d’alimentation sanguine expliquent le
au sein du système cardiovasculaire et respiratoire (d’après [5]) possible engorgement des cavités cardiaques gauches sous
En raison d’une obstruction par la canule artérielle, ECLS périphérique, tout particulièrement si le cœur est pro-
une reperfusion antérograde est disposée. fondément défaillant, voire non éjectant. L’application de
Ao : aorte ; AP : artère pulmonaire ; OD : oreillette droite ; ces contraintes diastoliques et systoliques sur le cœur natif
OG : oreillette gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ;
peut se révéler potentiellement délétère à court terme et
VCI : veine cave inférieure ; VCS : veine cave supérieure ;
VP : veine pulmonaire. à long terme. À court terme, ces phénomènes exposent au
risque de survenue d’un œdème pulmonaire hydrostatique
chez le patient bénéficiant d’une ECLS périphérique qui
peut retarder le sevrage de l’assistance, prolonger le
recours à la ventilation mécanique et augmenter le risque
de surinfection pulmonaire. Son incidence oscille dans les
Interaction entre l’ECLS études de cohorte entre 8 et 15 % et semble être associée
à un pronostic plus péjoratif [12]. À moyen et long terme,
et le système ces contraintes systolo-diastoliques imposées au myocarde

cardiovasculaire
en quête de récupération pourraient être à l’origine du
remodelage ventriculaire qui conditionne le pronostic de
ces patients [13]. La mise sous ECLS entraîne une diminu-
Une suppléance plus tion du débit coronaire qui, associée à un travail myocar-
dique inchangé voire augmenté et/ou à des doses
qu’une assistance cardiaque… importantes d’agents cardio-vaso-actifs, aboutit à une
balance entre l’apport et les besoins en oxygène du myo-
Si l’ECLS permet de restaurer une perfusion des organes carde peu favorable [14]. Il est intéressant de souligner que
périphériques, les effets d’une réinjection aortique rétro- la diminution du débit coronaire survient quel que soit le
grade sur les performances mécano-énergétiques du myo- type de configuration (périphérique ou centrale) et que la
carde natif en quête de récupération peuvent s’avérer balance énergétique du myocarde est en grande partie res-
potentiellement délétères [7]. Par l’effet du drainage vei- taurée en associant à l’ECLS une contre-pulsion intra-aor-
neux, la mise en place d’une ECLS veino-artérielle périphé- tique [14]. L’interprétation de ces résultats est néanmoins
rique diminue significativement la précharge ventriculaire rendue difficile par le fait que, dans cette étude, le débit
droite et les pressions artérielles pulmonaires [8]. La ré- d’assistance était arbitrairement fixé à 50 % du débit théo-
injection rétrograde entre en conflit avec le débit car- rique.
diaque natif résiduel antérograde, elle augmente la
pression aortique et ainsi la postcharge ventriculaire
gauche [7]. Aussi, la mise sous ECLS périphérique aug- Une des mesures préventives pour limiter la surve-
mente le travail myocardique estimé par la mesure de la nue d’un œdème pulmonaire hydrostatique est
surface de la courbe pression-volume intraventriculaire [8]. d’assurer une vidange des cavités ventriculaires
Ce surcroît de travail est d’autant plus marqué que le ven- gauches par le maintien d’une perfusion minimale
tricule gauche est défaillant [8]. De façon similaire, des d’inotropes permettant une décharge de type
auteurs rapportent une augmentation du stress pariétal « pharmacologique » [15]. Ce bénéfice doit être mis
myocardique proportionnelle au débit d’assistance de en balance avec le risque que représente l’utilisation
l’ECLS périphérique [7]. Cette augmentation de la d’agents cardio-vaso-actifs sur un myocarde défail-
contrainte myocardique n’était observée que pour le ven- lant. Cela a incité les auteurs à privilégier des
tricule gauche défaillant et ne survenait pas sur le myo- méthodes de décharge de type mécanique comme
carde sain. La mise sous ECLS n’entraîne qu’une diminution la contre-pulsion intra-aortique [16, 17] ou l’assis-
très modérée de la précharge ventriculaire gauche [8]. Ceci tance de type IMPELLA, qui est une micro-pompe
pourrait être expliqué par une surcharge diastolique axiale à débit continu en position transvalvulaire
contrebalançant la diminution du débit transpulmonaire aortique [18]. L’ensemble de ces contraintes impo-
et dont les origines sont multiples [9, 10] : sées au myocarde en quête de récupération nous
• le sang des cavités droites est dérivé vers le circuit extra- incite à définir l’ECLS périphérique comme une sup-
corporel mais il persiste un flux sanguin dans la circula- pléance cardiaque plus qu’une assistance cardiaque.

214
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page215

Physiopathologie de l’assistance circulatoire de courte durée type ECLS 21

À côté des impacts sur le système cardiovasculaire résu-


més ci-dessus, il existe de possibles interférences sur l’oxy- Hémocompatibilité
génation. En effet, l’atteinte pulmonaire intrinsèque chez
un patient sous ECLS périphérique expose à un défaut
et contraintes mécaniques
d’oxygénation de l’hémicorps supérieur. Ce phénomène est
Elle rend compte de l’interaction dynamique entre une
appelé le « syndrome d’Arlequin ». En effet, en présence
surface artificielle et les réactions de défense non spéci-
d’un défaut d’hématose, le sang qui persiste à s’écouler fiques du sang. Ces réactions activent successivement les
dans la circulation pulmonaire n’est plus oxygéné. Ce sang différents systèmes protéiques plasmatiques. L’étape ini-
hypoxémique après un transit pulmonaire atteint les cavi- tiale, appelée « phase de contact », est déclenchée lors du
tés gauches et perfuse la portion initiale de l’aorte d’où premier contact entre le sang et une surface artificielle.
naissent les troncs supra-aortiques et les ostia coronaires. Elles se limitent le plus souvent à des perturbations biolo-
Dans ce contexte, le cerveau et le myocarde en quête de giques transitoires. Cependant, dans certains cas, les mani-
récupération sont perfusés avec du sang mal oxygéné. La festations sont considérablement plus graves et se
perfusion de la partie distale de l’aorte est, quant à elle, traduisent par un syndrome de réponse inflammatoire sys-
assurée par la réinjection aortique de l’ECLS positionnée témique (SRIS) [26] pouvant, in fine, aboutir à un syndrome
en fémorale. En d’autres termes, l’ECLS veino-artérielle de défaillance multi-organes. La surface du polymère revêt
périphérique, en présence d’une atteinte pulmonaire un caractère important dans l’interaction sang-biomaté-
intrinsèque, expose au risque d’une perfusion coronaire et riau car les traumatismes des éléments figurés du sang sont
cérébrale par du sang hypoxémique tandis que l’hémicorps fonction de la taille des aspérités et des conditions locales
inférieur est parfaitement oxygéné par l’ECLS. Cela justifie de flux. Les biomatériaux à surface compacte et lisse offri-
la surveillance de l’oxygénation de l’hémicorps supérieur ront moins de contraintes mécaniques. Par ailleurs, toute
par une gazométrie artérielle prélevée en radial droit asso- surface développe une énergie de surface ou tension
ciée à un monitorage de l’oxygénation cérébrale par la superficielle qui dépend de ses caractéristiques physico-chi-
technique de NIRS. Il est important de rappeler que la miques. Cette énergie permet de classer les matériaux et
configuration veino-artérielle (vs veino-veineuse) de l’ECLS explique l’adhésion de différents milieux entre eux. La sur-
est un facteur de risque indépendant de mortalité des face d’un polymère est composée de différents sites formés
patients souffrant d’un syndrome de détresse respiratoire d’atomes ou de groupes d’atomes qui exercent des forces
pour des liaisons de type polaire, ionique, hydrogène ou
aigu nécessitant une oxygénation extracorporelle [19].
hydrophobe. Le caractère hydrophobe/hydrophile de la
surface est important car le premier événement est l’ad-
Effets sorption par la surface artificielle d’ions inorganiques asso-
ciés à des molécules d’eau. Une surface hydrophobe induit
de la perfusion périphérique la formation d’une couche intermédiaire de molécules
d’eau, d’épaisseur et de structure ordonnées, alors qu’une
De par la conception de la pompe centrifuge, l’ECLS est surface hydrophile va être modifiée par cette couche d’eau
une assistance temporaire qui assure un débit non pulsatile en rompant les interactions entre les chaînes de polymères.
[20, 21]. L’absence de débit pulsatile s’associe à une dimi-
L’écoulement du sang dans le système circulatoire, étu-
nution de la densité capillaire, du débit microcirculatoire dié par le profil de vitesse, met en évidence des zones de
et du débit lymphatique. Un débit non pulsatile diminue contraintes mécaniques sous forme de forces de cisaille-
le shear-stress et peut contribuer à une dysfonction endo- ment. Elles dépendent des propriétés mécaniques et géo-
théliale à l’origine d’une augmentation des résistances vas- métriques du vaisseau, du type de flux et de la viscosité
culaires. Des études menées sur la CEC de chirurgie sanguine. Elles sont maximales au contact de la paroi vas-
cardiaque rapportent un possible effet bénéfique sur la culaire, dans les cavités cardiaques et au contact d’une
dysfonction rénale et pulmonaire postopératoire du débit paroi synthétique. Elles favorisent les interactions entre les
pulsatile [22, 23]. Sous ECLS, une pulsatilité peut être éléments sanguins et la paroi du vaisseau, d’autant plus
observée par l’activité contractile résiduelle du cœur natif. que le flux sanguin est généralement turbulent. Les varia-
Des auteurs ont proposé l’utilisation de la contre-pulsion tions de flux jouant sur la clairance et la concentration
intra-aortique pour induire ou accentuer la pulsatilité du
débit potentiellement bénéfique [16]. De façon non sur-
prenante, ces auteurs n’ont pu mettre en évidence d’amé-
lioration de la microcirculation car la pulsatilité était
évaluée par la simple pression pulsée. Depuis les travaux SEH = PEE – PAM
de Shepard et al. [24], il est admis qu’un débit pulsatile
génère à chaque cycle un surplus d’énergie hémodyna- Débit pulsatile Pression équivalente
d’énergie (PEE)
mique aboutissant à une pression équivalente d’énergie
(figure 3). Ainsi, pour un même niveau de pression arté-
rielle moyenne, le débit pulsé induit un surplus d’énergie
hémodynamique de l’ordre de 10 à 15 % [20]. Ce surplus
d’énergie, proportionnel au débit d’assistance, permet de Surplus d’énergie
Surplus d’énergie
maintenir ouverts les capillaires par le biais d’une pression hémodynamique (SEH)
capillaire au-delà de la pression critique de fermeture. Des
modèles d’ECLS offrent de nos jours un débit pulsatile sans
que la littérature puisse démontrer un impact pronostique
sur la perfusion d’organe ou le devenir des patients [21]. Il
est important de comprendre que le surplus d’énergie Débit non pulsatile Pression artérielle
hémodynamique généré en sortie de pompe va s’atténuer moyenne (PAM)
tout au long du circuit par la perte de charge induite lors
de la traversée des éléments constitutifs [25]. À l’extrémité Figure 3 / Surplus d’énergie hémodynamique
de la canule artérielle et donc dans le patient, ce surplus induit par un débit pulsé (d’après [20])
d’énergie est parfois médiocre.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

locale des éléments sanguins, c’est au contact de la surface minogène, mais aussi les produits de dégradation de la
que se trouvent réunies les principales conditions hémody- fibrine. Hydrophobe, elle fixerait en priorité du fibrino-
namiques à l’activation du sang [27]. gène et de faibles quantités de produit de dégradation de
la fibrine. L’adsorption protéique entraîne des modifica-
Les variations de flux sanguin et l’augmentation poten-
tions de la surface du polymère. Ainsi, des polymères à sur-
tielle des forces de cisaillement lors du passage du sang
face initiale hydrophobe deviennent hydrophiles après
dans l’oxygénateur et la pompe provoquent des lésions
adsorption protéique. Si l’on envisage des solutions com-
mécaniques des éléments figurés, qui sont proportion-
plexes multiprotéiques similaires au plasma, des phéno-
nelles à la vitesse de rotation des pompes. L’hémolyse est
mènes d’adsorption compétitive entrent en jeu. Sur une
fréquente et provoque la libération d’agonistes plaquet-
surface en verre, le fibrinogène initialement adsorbé est
taires tels que l’adénosine diphosphate (ADP). Les pla-
rapidement remplacé par du kininogène de haut poids
quettes peuvent subir le même stress et sécréter des
moléculaire et par du facteur XII [34]. Ce phénomène est
substances pro-agrégantes stockées dans les granules
appelé conversion. Mais il est aussi décrit un phénomène
denses et les granules alpha. Elles peuvent générer des
rapide d’adsorption/déplacement des protéines, les plus
microparticules servant de support aux protéines activées
abondantes étant remplacées par les moins abondantes
de la coagulation [28] et rendre les plaquettes résiduelles
comme le kininogène de haut poids moléculaire, la kalli-
inaptes à assurer leur rôle sur l’hémostase primaire. Tous
créine, le facteur XIa et les lipoprotéines de haute densité.
ces phénomènes dépendent du caractère physico-chimique
La désorption de protéines initialement fixées libère des
de la surface et seront d’autant plus importants que la sur-
protéines sous une forme altérée, fragmentée, qui sont à
face des circuits sera grande et que la durée d’assistance
l’origine de l’activation de différents systèmes protéiques
sera prolongée.
enzymatiques (coagulation, complément, fibrinolyse, etc.)
comme de l’activation des cellules sanguines (plaquettes,

Activation de la coagulation
neutrophiles, mastocytes, etc.).

Dans le corps humain, le sang circule en contact perma- Activation de la phase contact
nent avec les cellules endothéliales qui tapissent l’intérieur
des vaisseaux et possèdent des propriétés antithrombo- Le contact entre le sang et une surface étrangère anio-
tiques [29]. Chez le patient bénéficiant d’une ECLS, le sang nique active la phase intrinsèque de la coagulation. Dans
est exposé à des surfaces synthétiques non physiologiques : cette phase interviennent 4 protéines : le facteur XII, le fac-
le circuit, la pompe centrifuge et l’oxygénateur. Ce contact teur XI, la prékallicréine (PK) qui sont des zymogènes et le
à des surfaces artificielles va générer des phénomènes d’ac- kininogène de haut poids moléculaire (KHPM) qui joue le
tivation de l’hémostase aboutissant à un potentiel pro- rôle de cofacteur. Au contact sang-surface étrangère, le
thrombotique par génération de thrombine et une facteur XII s’auto-active en XII activé (FXIIa). Le facteur XIIa
réaction inflammatoire [30, 31]. Il est indispensable de pré- active le facteur XI en FXIa, ce qui déclenche la cascade de
venir l’activation de phénomènes prothrombotiques par la coagulation aboutissant à la production de FXa et de
une anticoagulation efficace, titrée et basée sur de l’hépa- thrombine. Le FXIIa en présence de KHPM catalyse l’acti-
rine non fractionnée (HNF) qui a pour but de bloquer le vation de la PK en kallicréine (K) [35, 36]. Au niveau endo-
facteur Xa et la thrombine (facteur IIa) générés par ce pro- thélial, lors des lésions vasculaires, la PK fixée au KHPM est
cessus. transformée en K par une protéase de la paroi vasculaire
(indépendant du FXII) [36].

Adsorption des protéines La K clive le KHPM libérant un peptide vasodilatateur


puissant : la bradykinine (BK). La BK, par la sécrétion de
Le contact entre le sang et les surfaces étrangères monoxyde d’azote (NO) et de prostacycline, augmente la
déclenche immédiatement une adsorption de deux pro- perméabilité des vaisseaux [36]. Puissant inducteur de la
téines majeures : l’albumine et le fibrinogène. Les pro- libération de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA)
téines s’adsorbent en couche de quelques nanomètres de la cellule endothéliale, la BK déclenche également une
d’épaisseur. La fixation protéique répondrait à trois types activation de la fibrinolyse. Enfin, la K active les neutro-
de liaisons : les liaisons électrostatiques, les liaisons de type philes [37]. L’activation de cette phase contact a été long-
hydrogène et les liaisons de type hydrophobe-hydrophile temps considérée comme la phase prépondérante dans la
(vraisemblablement les plus importantes). Cette adsorption génération de thrombine. Il est maintenant démontré
protéique est rapide, de l’ordre de quelques secondes [32]. qu’elle est de moindre importance, probablement en rela-
L’adsorption de l’albumine grâce à ses propriétés anio- tion avec les progrès considérables réalisés dans la biocom-
niques permet une diminution de l’adhésion des leucocytes patibilité des matériaux (figure 4).
et des plaquettes. Cette propriété est d’ailleurs mise à pro-
fit par les industriels comme revêtement de surface bio-
compatible. L’adsorption de fibrinogène entraîne une Activation de la voie tissulaire
diminution plasmatique quantitative de la protéine et per-
La principale voie d’activation de la coagulation lors
met une interaction entre les plaquettes circulantes offrant
d’une CEC est la voie tissulaire [38]. Le facteur tissulaire (FT)
des sites de liaison à la glycoprotéine GPIIb-IIIa [28]. Les
est un récepteur de haute affinité pour le FVIIa. Le FVIIa
conséquences sont quantitatives avec une thrombopénie,
est le seul facteur activé qui circule en faible quantité. Il
et qualitatives avec une thrombopathie acquise. Ces phé-
est inactif sans FT. En présence de FT, le complexe FT/FVIIa
nomènes d’adhésion initient les phases d’activation, de
active le FIX et le FX en présence d’une surface phospholi-
sécrétion du contenu des granules alpha et des granules
pidique (plaquettes, monocytes activés, microparticules).
denses (notamment de glycoprotéines d’adhésion, de fac-
Le FIXa en présence de son cofacteur, le FVIIIa, active aussi
teurs hémostatique, d’amines, de nucléotides) pour abou-
le facteur X. Le FXa en présence de FVa (prothombinase)
tir à la phase d’agrégation plaquettaire [33].
transforme la prothrombine en thrombine qui transforme
La nature de la surface conditionne cette fixation pro- le fibrinogène en fibrine. Cette dernière provoque l’agré-
téique. Hydrophile comme le verre non traité, elle adsorbe gation des plaquettes et la libération de t-PA par les cel-
l’albumine, les immunoglobulines, le fibrinogène, le plas- lules endothéliales. Le FT est exposé dès l’apparition des

216
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page217

Physiopathologie de l’assistance circulatoire de courte durée type ECLS 21

Lésion vasculaire
Circuit de CEC

Activation de Endothélium
la phase contact vasculaire
FXIIa FT
FXI
PI
PI
PI
F XIa
FIX FT FVIIa
FX

FVIII FVIIIa FIXa


PI FX

FV FVa
FXa
PI
Prothrombine

THROMBINE
Figure 4 / Principales voies d’activation Fibrinogène
de la coagulation (phase contact FXIII
et voie tissulaire) FXIIIa
CEC : circulation extracorporelle ; Fibrine
FT : facteur tissulaire ;
Pl : plaquette. Fibrine stable

lésions endothéliales [28]. Les monocytes activés adhérents termédiaire de sa séquence pentasaccharidique, se lie à un
au circuit expriment du FT [36]. Les monocytes et les cel- domaine spécifique de l’antithrombine (AT), modifie sa
lules endothéliales peuvent exprimer du FT en réponse à conformation et potentialise l’effet inhibiteur de l’AT sur
des cytokines produites au cours de la réponse inflamma- les sérines protéases générées au cours de la coagulation,
toire (C5a, IL-1, TNF) [35] (figure 4). et plus particulièrement le facteur Xa et la thrombine.
L’effet anticoagulant majeur de l’héparine est surtout dû
à l’inactivation des premières traces de thrombine.
Activation de la fibrinolyse L’inhibition précoce de la thrombine bloque ses effets pro-
coagulants sur les cofacteurs V et VIII et la boucle d’ampli-
Le principal stimulus déclenchant la fibrinolyse est la fication. L’héparine se lie également aux plaquettes,
sécrétion de t-PA par les cellules endothéliales, induite par inhibant ainsi les fonctions plaquettaires et pouvant contri-
la bradykinine lors de l’activation de la voie contact [36]. buer secondairement au saignement sous héparine.
Le t-PA et le plasminogène se lient à la fibrine et se trans- L’action antithrombotique de l’héparine passe également
forment en un complexe actif générant de la plasmine qui par une action sur la voie tissulaire de la coagulation en
dégrade la fibrine. augmentant la libération de TFPI (inhibiteur de la voie tis-
En l’absence de fibrine, substrat naturel de la plasmine, sulaire) de son site de fixation sur l’endothélium et le mobi-
la plasmine dégrade d’autres protéines de la coagulation, lisant vers les sites exprimant du FT permettant la
notamment les cofacteurs FV et FVIII et le fibrinogène. De neutralisation du complexe FT-VIIa. L’injection d’héparine
plus, une quantité importante de plasmine peut endom- libère du TFPI (tissue factor pathway inhibitor) de l’endo-
mager les glycoprotéines GPIb et GPIIb/IIIa plaquettaires thélium et de ses sites de fixation. Le TFPI pourrait jouer
[35, 39]. Cependant, physiologiquement l’activation du un rôle anticoagulant en inhibant la voie du FT par forma-
plasminogène en plasmine est très lente en l’absence de tion d’un complexe TFPI-Xa-VIIa-FT inactif [40]. La place du
fibrine, et le t-PA est par ailleurs rapidement inhibé par les TFPI dans la protection de l’hémostase au cours de la CEC
inhibiteurs naturels : l’inhibiteur de l’activateur du plasmi- reste à évaluer.
nogène 1 (PAI-1), l’alpha-2-antiplasmine et le TAFI (throm-
bin-activatable fibrinolysis inhibitor) [37]. Ainsi, les études
récentes rapportent qu’au cours de la CEC, le taux de D-
dimères (marqueur spécifique de la dégradation de fibrine
Réaction inflammatoire
par la plasmine) ou la formation de complexe plasmine-
Le SRIS est la résultante du contact du sang avec les sur-
antiplasmine (PAP) restent très modérés [35]. La fibrinolyse
faces du circuit, de l’héparinisation et des effets délétères
systémique est donc une complication relativement limitée
des processus d’ischémie-reperfusion. Les complications
de par la diminution des activations de l’hémostase géné-
peuvent être multiples : coagulopathie et défaillance d’or-
ratrices de thrombine liée à une meilleure biocompatibilité
ganes (cardiaque, pulmonaire, rénale et neurologique). La
des circuits.
phase inflammatoire par activation de la voie humorale
Le moyen médicamenteux le plus efficace pour lutter fait intervenir le complément, les cytokines et le FT tandis
contre l’activation de la coagulation est une héparinisation qu’une voie activation cellulaire fait intervenir les globules
efficace basée sur de l’HNF. Celle-ci constitue l’antithrom- blancs et l’endothélium. Une phase inflammatoire peut
botique de choix de par sa demi-vie courte. L’HNF, par l’in- être induite par les lésions d’ischémie et de reperfusion.

217
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

Voie humorale sont impliquées dans la réponse inflammatoire. Les poly-


nucléaires basophiles activés par la voie du complément
sécrètent de l’histamine, qui augmente la perméabilité
Au cours de l’ECLS, la principale voie d’activation du
capillaire et provoque une vasodilatation. Les monocytes
complément est la voie alterne par fixation de la pro-
libèrent une série de facteurs inflammatoires (interleu-
téine C3 du système du complément à la surface du circuit
kines, TNF-a) et l’expression du FT est induite à leur surface
qui aboutit à un complexe appelé complexe d’attaque
après activation. L’assistance cardiaque s’accompagne de
membranaire (C5b-C9) capable de perforer les membranes
réponses inflammatoires et/ou anti-inflammatoires spéci-
cellulaires. Au cours de l’activation du complément, deux
fiques, auxquelles s’ajoutent des manifestations hémody-
anaphylotoxines, le C3a et C5a, sont également sécrétées.
namiques, neuro-hormonales ou digestives. Ces réactions
Le fragment C3a induit une libération précoce d’histamine.
concernent toutes les cellules de l’organisme, avec une
Le fragment C5a est un puissant agoniste de la P-sélectine
déviance de l’homéostasie et une exacerbation des règles
plaquettaire et endothéliales. La P-sélectine est une molé-
d’équilibre du milieu intérieur dans le sens de l’allostasie
cule d’adhésion stockée dans les granules alpha-plaquet-
permissive (figure 5).
taires et dans les corps de Weibel-Palade de la cellule
endothéliale [41]. Le C5a et des taux élevés de cytokines,
telle l’IL-6, augmentent l’expression de la P-sélectine à la
surface des plaquettes et de la cellule endothéliale. Les leu-
Rôle des cellules sanguines
cocytes possèdent un ligand de la P-sélectine, la glycopro-
téine 1 ligand (PSGL-1). Les plaquettes peuvent donc
Plaquettes
adhérer aux leucocytes par la P-sélectine soit par le récep- La CEC s’accompagne d’une chute du nombre de pla-
teur GP1b, soit par le PSGL-1. L’expression de la P-sélectine quettes ainsi que d’une altération de leurs fonctions. Le
à la surface des cellules endothéliales engendre un recru- mécanisme de l’activation plaquettaire, au contact d’une
tement de polynucléaires neutrophiles. Les protéines du surface artificielle, fait intervenir trois séquences d’événe-
complément stimulent la production de cytokines inflam- ments : l’adhésion, l’excrétion et l’agrégation. L’adhésion
matoires (TNF-a, IL-1, IL-6, IL-8) par les monocytes ainsi que plaquettaire à une surface artificielle relève d’un méca-
l’expression du FT à leur surface. Les voies d’activation de nisme partiellement compris. Les conditions rhéologiques
la coagulation et de l’inflammation sont donc intriquées. conditionnent cette adhésion par les forces de cisaillement
La thrombine potentialise l’activation des polynucléaires engendrées lors du passage du sang dans les vaisseaux ou
neutrophiles et des plaquettes, la sécrétion l’IL-6 et d’IL-8 les tubulures. L’adsorption protéique, plus rapide, modifie
et l’activation de C3 [42,43]. De leur côté, les plaquettes la surface artificielle si bien que l’interaction directe entre
stimulent l’adhésion des leucocytes à la paroi vasculaire les plaquettes et le biomatériau est rare. Cette adhésion
(figure 5). s’exprime plus par une interaction entre les plaquettes et
la protéine fixée. Le fibrinogène étant adsorbé préféren-
tiellement, il permettrait l’adhésion plaquettaire par l’in-
Voie cellulaire termédiaire du récepteur glycoprotéique GPIIb-IIIa. Cette
adhésion va permettre la libération du contenu des gra-
Le C5a a un pouvoir chimiotactique. Les polynucléaires nules comme le facteur plaquettaire 4, la b-thrombo-
vont tout d’abord rouler à la surface de l’endothélium par globuline, le PDGF (platelet derived growth factor),
l’accrochage des molécules appelées sélectines, puis ils vont l’expression de protéines membranaires comme la P-sélec-
y adhérer par l’ancrage de molécules appelées intégrines. tine permettant la fixation des plaquettes aux neutrophiles
Enfin, ils vont migrer dans l’espace interstitiel par chimio- et aux monocytes. L’ADP, provenant de la lyse érythrocy-
tactisme pour y libérer leurs substances. D’autres cellules taire, provoque la formation d’agrégats réversibles. Le FT,

Endothélium vasculaire

Flux sanguin Circuit CEC ACTIVATION DU COMPLÉMENT

FXII FXIIa Production Activation


C5a de cytokines des monocytes

ACTIVATION Pré-kallicréine KHPM


DE LA VOIE Expression de Expression de
CONTACT P-sélectine plaquettaire facteur tissulaire Figure 5 / Voie
Kallicréine et endothéliale d’activation
de la coagulation
et de l’inflammation
KHPM (voie humorale
ACTIVATION
Activation DE LA VOIE et cellulaire)
des neutrophiles CEC : circulation
Bradykinine TISSULAIRE
extracorporelle ;
KHPM : kininogène
t-PA NO-prostacycline de haut poids
moléculaire ;
THROMBINE FIBRINOLYSE PERMÉABILITÉ VASCULAIRE DOMMAGES TISSULAIRES THROMBINE t-PA : activateur tissulaire
du plasminogène ;
Voie de la coagulation Voie du complément NO : monoxyde d’azote.

218
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Physiopathologie de l’assistance circulatoire de courte durée type ECLS 21

produit par les neutrophiles et les cellules endothéliales, bogène. Il régule l’hémostase et module la réponse
stimule l’excrétion de thromboxane A2 rendant les agré- hémostatique ; il contrôle le tonus vasculaire et régule la
gats irréversibles. La thrombine entraîne la libération, par prolifération cellulaire du sous-endothélium ; enfin, il
les granules denses, d’autres facteurs conduisant à l’agré- contrôle le flux d’ions, d’eau et de protéines plasmatiques.
gation plaquettaire et à la formation du caillot. Enfin, la Sous l’effet de l’hypoxie, de l’exposition aux cytokines et
participation des plaquettes au métabolisme de l’acide ara- aux endotoxines, lors des manipulations chirurgicales, les
chidonique rend compte de l’importance du rôle des pla- cellules endothéliales sont stimulées. Il en résulte une vaso-
quettes dans l’hémocompatibilité. Ces peptides, vis-à-vis constriction, une activation de la coagulation, une adhé-
des neutrophiles, ont des propriétés chimiotactiques. Elles
sion leucocytaire et une prolifération des cellules
provoquent leur agrégation et leur adhésion aux cellules
musculaires lisses. Ces cellules endothéliales agissent donc
endothéliales, elles stimulent leur dégranulation avec libé-
ration d’enzymes protéolytiques et production de radicaux en coopération avec les neutrophiles et les plaquettes dans
libres toxiques. la modulation de la réponse de l’organisme à l’interaction
avec un biomatériau.

Leucocytes Des traitements de surface permettent de limiter les


interactions entre le sang et la surface artificielle. Ces trai-
Les modifications morphologiques fonctionnelles des
tements, à base d’héparine ou de phosphoryl choline,
leucocytes observées lors de leur exposition à des surfaces
modifiés par additifs copolymères, permettent d’une façon
artificielles rendent compte de leur participation active
certaine d’améliorer leur hémocompatibilité. Dans ce
dans les phénomènes d’hémocompatibilité. Les lésions pul-
monaires liées à la séquestration d’agrégats leucocytaires, domaine, chaque industriel élabore une stratégie spéci-
la neutropénie, la libération d’enzymes et de protéases fique, mais aucune de ces techniques n’a actuellement fait
leucocytaires comme la production de radicaux libres oxy- la preuve d’une efficacité extrême et absolue.
datifs enregistrée au cours d’une CEC mettent en évidence
les effets de l’activation leucocytaire. Cette activation sem- Au total, la phase contact est la première étape de
ble être un maillon essentiel du syndrome inflammatoire.
la réponse du tissu hôte au contact d’une surface
L’adhésion des leucocytes aux surfaces artificielles semble
étrangère. Elle initie cette réponse. Elle l’amplifie
dépendre en grande partie des fractions C5a et C3a du
complément. Ils développent une activité procoagulante par le biais d’activation et d’inhibition de facteurs
de type thromboplastine mise en évidence dans leur cyto- activés. Mais elle est source d’événements délé-
plasme. Ils contiennent des protéases capables de dégrader tères : thromboses, hémorragies, inflammations,
le fibrinogène et le facteur XIII. Ils provoquent l’agrégation altération fonctionnelle d’organes. L’activation des
plaquettaire par la sécrétion du FT. Ces propriétés font du grands systèmes enzymatiques plasmatiques ou cel-
leucocyte un des éléments importants dans la genèse de la lulaires est encore mal élucidée, et les effets inhé-
thrombose. Cependant, le rôle essentiel du leucocyte dans rents à cette activation prennent toute leur
l’élaboration du syndrome inflammatoire tient à son inter- importance lors de l’utilisation de la CEC. Chez des
action avec la cellule endothéliale. L’adhésion des neutro- patients dits « à haut risque », les objectifs des
philes aux cellules endothéliales dépend de l’intensité des matériaux hémocompatibles sont de limiter, voire
forces de cisaillement ainsi que de l’expression de leurs de contrôler, ce type de réactions.
molécules d’adhésion. Localement, l’anoxie, le trauma-
tisme tissulaire chirurgical et les lésions de reperfusion pro-
voquent la production de cytokines, comme le TNF-a, les
interleukines 1 et 6 et les leucotriènes (LTB4), par les mono-
cytes et les macrophages et contribuent à recruter d’autres
Conclusion
leucocytes et à les activer. Enfin, ces protéines sont respon- La complexité de la physiopathologie de l’assistance cir-
sables directement de phénomènes inflammatoires comme
culatoire s’explique par la diversité des dispositifs, leur
une fièvre, une tachycardie mais aussi des troubles de la
technique d’insertion, leur durée de suppléance et leurs
perméabilité capillaire, une vasoconstriction artériolaire et
une altération de la fonction myocardique par réduction indications. Bien qu’en apparence simple d’utilisation,
de synthèse d’ADP. l’ECLS dans sa configuration périphérique est à l’origine de
contraintes sur le système cardiovasculaire qu’il faut savoir
appréhender, prévenir et traiter. Les conséquences hémo-
Cellules endothéliales biologiques sont complexes et multifactorielles.
L’endothélium, véritable organe, ne constitue pas seu- L’héparinisation titrée et efficace ainsi que le traitement
lement une barrière séparant les plaquettes et les facteurs de surface limitent l’activation de la coagulation et amé-
de coagulation du tissu conjonctif sous-endothélial throm- liorent la biocompatibilité des circuits.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE II – OXYGÉNATION TISSULAIRE

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III
PHYSIOLOGIE
RESPIRATOIRE
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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

•Propriétés élastiques du poumon


22
• Paroi thoracique Mécanique ventilatoire
• Relations entre la paroi thoracique
et le poumon
• Résistances des voies aériennes Bertrand Dureuil
• Volume pulmonaire,
Département d’anesthésie-réanimation,
capacité résiduelle fonctionnelle Hôpital Charles-Nicolle, Rouen
et capacité de fermeture

a mécanique respiratoire décrit l’ensemble des chyme pulmonaire est de s’affaisser lorsque la pression
structures qui contribuent au soutien et au dépla- motrice est nulle. Cependant, même en l’absence de force
cement du poumon. La configuration du système de distension appliquée sur le poumon (pression pleurale
ventilatoire résulte à la fois des dispositions ana- nulle), le poumon conserve un certain volume d’air sans
tomiques des éléments le constituant et des pro- l’intervention d’aucune force de distension. En fait, même
priétés mécaniques caractéristiques de chacun de si la pression qui règne autour du poumon est positive
ces éléments. (expiration forcée par ex.), la quantité d’air perdue par les
poumons est très faible par suite de la fermeture des
petites voies aériennes qui emprisonnent du gaz dans les

Propriétés élastiques
alvéoles. Physiologiquement, la fermeture des voies
aériennes ne s’observe que pour les bas volumes pulmo-

du poumon naires (proches de la capacité résiduelle) chez les sujets


normaux (voir ci-après, « Fermeture des voies aériennes et
capacité de fermeture »). Cependant, chez les sujets âgés,
Cette partie du système respiratoire n’est à considérer la fermeture des voies aériennes au niveau des zones pul-
que sous l’angle passif. L’élasticité ou la viscoélasticité monaires inférieures se produit pour des volumes supé-
constitue la propriété mécanique fondamentale sous rieurs et même parfois voisins de la capacité résiduelle
laquelle est étudié le parenchyme pulmonaire. L’élasticité fonctionnelle. Ceci est rapporté à la diminution des forces
du parenchyme dépend, d’une part, de sa structure tissu- de rétraction élastique du poumon en rapport avec le vieil-
laire et, d’autre part, de la nature physico-chimique du sur- lissement.
factant.

Courbe pression-volume Volume (L)

1,0
Cette courbe permet une approche de cette propriété
mécanique et elle établit la variation du volume du paren-
Expiration
chyme pulmonaire, du volume résiduel jusqu’à la capacité
pulmonaire totale, en fonction de la force qui s’exerce sur Inspiration
lui. En pratique, cette force est la pression transpulmonaire
qui est la différence de pression entre celle régnant à
l’ « extérieur » des poumons (c’est-à-dire la pression pleu-
rale) et celle qui règne à l’intérieur (c’est-à-dire au niveau 0,5
alvéolaire). Les variations de la pression pleurale peuvent
être mesurées par celles de la pression œsophagienne et
la pression alvéolaire peut être mesurée par la pression
buccale si on se place dans des conditions de débit gazeux
nul ou presque nul. La figure 1 représente les variations de
la relation pression-volume pour un poumon isolé et placé
dans une enceinte close ; les variations de pression motrice
(ou pression pleurale) sont générées en conditions quasi 0 – 10 – 20 – 30
statiques par une pompe à vide reliée à l’enceinte. En
conditions physiologiques, cette dépression est produite Pression autour du poumon (cmH2O)
par l’expansion de la cage thoracique. Les courbes que suit
Figure 1 / Courbe pression-volume d’un poumon canin isolé
le poumon au cours de l’inspiration et de l’expiration sont
Le poumon est maintenu à chaque niveau de pression
différentes (figure 1). Ce phénomène est appelé hystérésis. pendant quelques secondes (conditions quasi statiques).
Ainsi, pour une pression quelconque, le volume pulmo- Les courbes inspiratoires et expiratoires ne sont pas identiques
naire est plus important au cours de l’affaissement qu’au (phénomène d’hystérésis) (d’après West [1]).
cours du gonflement. La tendance spontanée du paren-

223
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

L’ensemble de la courbe inspiratoire a une expression La présence d’une solution salée fait disparaître les forces
proche d’une courbe sigmoïde. On donne le nom de com- de tension superficielle sans modifier les propriétés élas-
pliance à la pente de la courbe pression-volume ou à la tiques du tissu pulmonaire, ce qui souligne le fait que, dans
variation de volume par unité de variation de pression cal- les conditions physiologiques, la tension superficielle
culée sur la portion moyenne de la courbe qui est à peu contribue largement aux forces de rétraction du paren-
près linéaire. Dans les limites normales (pressions de disten- chyme pulmonaire.
sion entre – 2 et – 10 cmH2O), le poumon est remarquable-
Le surfactant est synthétisé par les cellules alvéolaires de
ment distensible et possède une compliance très élevée. À
type II et il est formé de phospholipides, en particulier de
l’inverse, la compliance pulmonaire diminue pour les bas
dipalmitoyl-lécithine et de protéines. Sa présence confère
volumes en raison du collapsus alvéolaire et pour les
un certain nombre de propriétés au parenchyme. L’existence
volumes proches de la capacité pulmonaire totale du fait
d’une tension superficielle basse dans les alvéoles augmente
de la réduction des propriétés élastiques du système.
la compliance du poumon et diminue le travail nécessaire à
L’un des facteurs responsable du comportement élas- son expansion au cours de chaque mouvement respiratoire.
tique du poumon tient à la présence de fibres de collagène Par ailleurs, il confère une stabilité à un système composé
et d’élastine dans les tissus de soutien des parois et des de 300 millions d’alvéoles qui pourraient se comporter
interstices alvéolaires. Néanmoins, c’est moins leurs capa- comme autant de petites bulles ; ce système serait particu-
cités d’allongement que leur organisation en réseau qui lièrement instable en raison de la tendance des petites
rend compte de la distensibilité pulmonaire. On peut com- bulles à se vider dans les grandes. En effet, dans une bulle,
parer cela à un bas Nylon qui est très extensible par suite la pression produite par les forces de tension superficielle
de son tricotage, bien que chaque fibre de Nylon soit en est inversement proportionnelle à son rayon. En présence
elle-même très difficile à étirer. de surfactant, une petite surface correspond à une petite
tension superficielle ce qui réduit la tendance des petites
alvéoles à se vider dans les grosses. Enfin, la présence du sur-
Tension superficielle factant contribue à maintenir l’alvéole sèche. En effet, en
diminuant la tension superficielle, il réduit l’attraction du
Un facteur important du comportement pression- liquide capillaire à l’intérieur de l’alvéole.
volume du poumon est constitué par la tension superfi-
cielle du surfactant qui est un film liquidien tapissant les Les conséquences de la disparition du surfactant comme
alvéoles. Celui-ci exerce des forces de surface ou de tension dans la maladie des membranes hyalines sont une rigidité
superficielle dont l’action est de toujours tendre à ramener des poumons (faible compliance), la formation d’atélecta-
la surface à une dimension aussi réduite que possible mais sies et la présence d’un transsudat alvéolaire.
avec une certaine constante de temps, à l’inverse de maté- Un autre mécanisme qui contribue de manière fonda-
riaux qui se caractérisent par une élasticité pure. La force mentale à la stabilité du parenchyme est l’interdépen-
exercée par le surfactant tient à ce que les forces qui s’exer- dance alvéolaire. La grande majorité des alvéoles est
cent entre les molécules de liquide sont beaucoup plus entourée d’autres alvéoles et celles-ci sont par conséquent
puissantes que celles qui s’exercent entre le liquide et le soutenues les unes par les autres. Dans ce type de struc-
gaz ; il en résulte que la surface du liquide devient aussi ture, toute tendance pour un groupe d’unités à réduire ou
petite que possible. Le rôle du surfactant dans la genèse au contraire à augmenter son volume par rapport au reste
d’une tension superficielle est illustré par le fait que les de la structure est contrariée. Ainsi, si un groupe d’alvéoles
poumons isolés gonflés avec une solution salée ont une tend à s’affaisser, d’importantes forces d’expansion inter-
compliance beaucoup plus importante (ils se distendent viennent sur elles par suite de l’augmentation du volume
plus facilement) que les poumons remplis d’air (figure 2). des éléments qui l’entourent.

Distension
avec solution salée
Paroi thoracique
200 Expiration La paroi thoracique est complexe et étendue sur le plan
anatomique (grill costal, rachis et muscles intercostaux et
diaphragme). Elle possède une double définition méca-
nique dans la mesure où deux aspects sont à considérer :
150 Distension
• l’élément actif, ou pompe ventilatoire, constitué par les
avec air
muscles inspiratoires et expiratoires ;
Volume – mL

Inspiration • l’élément passif qui rassemble toutes les structures tissu-


laires répondant à une caractéristique commune, celle de
100
se déplacer de leur position ou forme de repos si une
force ou une contrainte s’exerce sur elles et de revenir à
leur position initiale dès que cède cette contrainte ; c’est
50 à l’élasticité qu’est liée cette propriété.

Pompe ventilatoire
0 10 20
et muscles respiratoires
Figure 2 / Comparaison des courbes pressions-volume
sur un modèle animal de poumons remplis d’air
Muscles
et d’une solution de sérum physiologique des voies aériennes supérieures
Le poumon rempli d’une solution de sérum physiologique présente
une compliance plus élevée et une hystérésis plus faible Les voies aériennes supérieures forment une structure
que celui rempli d’air (d’après West [1]). complexe dont la compliance varie en fonction de l’activité
tonique et phasique des muscles dilatateurs. Chez le sujet

224
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Mécanique ventilatoire 22

éveillé, la dépression inspiratoire générée par la contrac- pression-volume pulmonaires et de l’ensemble du système.
tion des muscles inspiratoires (voir infra) est transmise aux L’information principale dérivée de cette courbe est que le
voies aériennes supérieures. La contraction synchrone des volume de repos, appelé également volume de relaxation,
muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures, qui de la paroi thoracique est situé nettement au-dessus de la
précède de quelques millisecondes la mise en jeu de la capacité résiduelle fonctionnelle du système global, c’est-
pompe ventilatoire, rigidifie le conduit aérien, dont il à-dire du volume de repos du système respiratoire. Ceci
réduit la compliance, et évite le collapsus inspiratoire. peut être illustré par un pneumothorax créé en mettant la
pression interpleurale (pression qui règne entre le poumon
Muscles de la pompe ventilatoire et la paroi), habituellement négative, à la pression atmo-
sphérique. On observe alors que le poumon s’affaisse et
• Muscles inspiratoires que la paroi thoracique se distend (figure 3).

Le muscle inspiratoire le plus important est le dia-


phragme. Constitué d’une mince nappe musculaire, il a la
forme d’un dôme qui s’insère sur les côtes inférieures et
sur le rachis en arrière. Innervé par le nerf phrénique, il se
comporte comme un piston au cours de sa contraction,
déplaçant en direction caudale le contenu abdominal, et,
en raison de ses insertions costales, il repousse en dehors
les rebords costaux, déterminant ainsi une augmentation
du diamètre transversal du thorax.
Au cours d’un cycle respiratoire normal, le déplacement
inspiratoire du diaphragme est d’environ 1 cm alors qu’au
cours d’une manœuvre d’inspiration puis d’expiration for-
cées, l’amplitude de la course diaphragmatique peut attein-
dre 10 cm. En position de décubitus dorsal, la contraction
diaphragmatique compte pour plus de 60 % du volume
courant. Le diaphragme joue également un rôle de barrière Figure 3 / La tendance mécanique du poumon est la rétraction
entre le régime de pressions hydrostatiques élevé qui règne jusqu’au volume correspondant à l’équilibre
au niveau du compartiment abdominal et celui qui est pré- avec les forces d’expansion de la cage thoracique
sent au niveau du compartiment thoracique. La pression interpleurale est négative par rapport
à la pression atmosphérique. Au cours du pneumothorax,
Les muscles intercostaux externes unissent les côtes voi- la pression interpleurale est égale à la pression atmosphérique
sines ; ils sont orientés en bas et en avant, déterminant et le poumon s’affaisse alors que la cage thoracique se distend.
ainsi une augmentation des diamètres latéral et antéro-
postérieur du thorax. La dimension latérale du thorax aug-
mente en raison du déplacement en anse de seau des
côtes. Leur innervation est assurée par les nerfs intercos-
taux. Outre leur rôle inspiratoire, les muscles intercostaux
contribuent, par leur contraction tonique, à la stabilisation
de la cage thoracique au cours des mouvements respira-
toires, optimisant la fonction de l’ensemble des muscles de
la pompe ventilatoire. Les muscles inspiratoires accessoires
Relations entre la paroi
sont constitués par les muscles scalènes qui élèvent les deux thoracique et le poumon
premières côtes et les muscles sterno-cléido-mastoïdiens
qui élèvent le sternum. Ces muscles, qui sont pratiquement
inactifs lors de la respiration calme, sont recrutés au cours
de l’exercice musculaire ou dans des situations de détresse
Données générales
respiratoire. C’est à l’équilibre des forces élastiques de ces deux
structures qu’est liée la configuration du système méca-
• Muscles expiratoires nique ventilatoire, ces deux structures étant solidaires l’une
de l’autre grâce à la dépression relative régnant dans l’es-
L’expiration est passive au cours de la respiration calme.
pace interpleural. L’observation du pneumothorax montre
Les poumons et la paroi thoracique ont des propriétés élas- que dans les conditions d’équilibre, la paroi thoracique est
tiques qui les ramènent à la position d’équilibre après
attirée en dedans alors que le poumon est attiré en dehors,
l’expansion inspiratoire active. Au cours de l’exercice mus- les deux forces d’attraction s’équilibrant l’une par rapport
culaire ou en cas de détresse respiratoire, l’expiration à l’autre. Cette interaction peut également être représen-
devient active. Les muscles expiratoires principaux sont tée en traçant une courbe pression-volume pour le pou-
ceux de la paroi abdominale comme le grand droit de l’ab- mon, la paroi thoracique et l’ensemble du système
domen, le grand oblique, le petit oblique et le transverse respiratoire (figure 4). Dans ces conditions, au volume de
de l’abdomen. Les muscles intercostaux internes aident repos de l’ensemble du système qui correspond à la capa-
l’expiration active en attirant les côtes en bas et en dedans, cité résiduelle fonctionnelle, la pression de relaxation est
en opposition avec l’action des intercostaux externes, et ils égale à la pression atmosphérique. De fait, à la capacité
diminuent le volume de la cage thoracique. résiduelle fonctionnelle, les forces élastiques d’expansion
de la cage thoracique sont très exactement équilibrées par
Propriétés élastiques les forces élastiques de rétraction du parenchyme pulmo-
naire. Pour des volumes supérieurs à la capacité résiduelle
de la paroi thoracique fonctionnelle, la pression est positive et, pour les volumes
inférieurs, la pression est infra-atmosphérique. À chaque
La courbe pression (différence de pression entre l’exté- volume, la pression de relaxation du système respiratoire
rieur et l’intérieur de la paroi)-volume de la paroi thora- est égale à la somme des pressions mesurées séparément
cique n’a pas de sens expérimental et se déduit des courbes pour la paroi thoracique et pour le poumon.

225
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Facteurs interférant avec sement de près d’un tiers de la capacité résiduelle fonc-
tionnelle. La figure 5 illustre les variations de cette capacité
la relation paroi-poumon en fonction des positions prises par le sujet.
Au niveau pulmonaire, chez un sujet assis et au repos,
Pesanteur la pression transpulmonaire (différence entre la pression
alvéolaire et la pression intrapleurale) n’est pas homogène
La pesanteur est à considérer car ses effets se modifient et elle diffère en fonction du niveau où elle est mesurée.
en fonction de la position du sujet, la masse abdominale Dans les régions apicales, elle est élevée alors que, à l’in-
jouant un rôle important selon un gradient hydrostatique verse, dans les régions basales, elle est faible ou nulle. C’est
vertical qui est égal à la hauteur de l’abdomen. Le volume à l’existence d’un gradient vertical de pression intrapleu-
de relaxation de la paroi augmente lorsque le sujet passe rale directement lié à la gravité qu’est due cette différence.
de la position couchée à la position verticale, d’où l’accrois-
Il résulte de ceci que les alvéoles apicales, soumises à
une force de traction importante, force dirigée vers le
« dehors », vont présenter, lorsque l’ensemble du système
Capacité vitale est à la capacité résiduelle fonctionnelle, une capacité rési-
(%) duelle fonctionnelle régionale proportionnellement plus
100 élevée que les alvéoles correspondant aux territoires
déclives. Une conséquence de cette observation est que les
sommets pulmonaires ont une ventilation qui est moindre
80 que les zones déclives. En effet, les territoires supérieurs,
étant relativement plus distendus, sont situés sur la partie
supérieure de la courbe pression-volume qui commence à
60 s’aplatir alors que les territoires inférieurs, dont le volume
est moindre, sont placés sur la portion linéaire et de plus
grande compliance (figure 6). Ainsi, en raison des proprié-
40 tés élastiques du système respiratoire, la variation alvéo-
CRF laire de volume pour un effort inspiratoire donné sera plus
importante au niveau des bases que des sommets.
20 Pw Prs Pl
Âge
Kpa
L’âge est un facteur de variation importante des pro-
0 priétés élastiques. La rétraction élastique pulmonaire est
–4 –2 0 2 4
maximale pour la tranche d’âge 18-30 ans. Elle diminue
Pression des voies aériennes ensuite en raison de la raréfaction et de la modification
des éléments responsables de l’élasticité. Cette caractéris-
Figure 4 / Relation pression-volume
pour le parenchyme pulmonaire (Pl), la paroi
thoracique (Pw) et de l’ensemble poumon-paroi (Prs)
Cette relation peut s’expliquer par la sommation des courbes
parenchyme et paroi thoracique isolées. L’équilibre des pressions
correspond au volume de repos du système respiratoire,
c’est-à-dire à la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF).

Figure 6 / Origine des différences régionales


de ventilation entre l’apex et les bases pulmonaires
En raison de la pression exercée par le poids
du poumon, la pression intrapleurale est
moins négative aux bases qu’aux sommets.
Il en résulte une position différente
des alvéoles sur la courbe pression-volume,
Figure 5 / Modifications de la capacité résiduelle fonctionnelle l’apex plus distendu se dilate moins facilement
en fonction de la position (d’après Dureuil [2]) que les zones déclives (d’après West [1]).

226
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Mécanique ventilatoire 22

tique conduit à une modification de la répartition des Dans les tubes lisses rectilignes, la turbulence est pro-
volumes pulmonaires au sein de la capacité pulmonaire bable quand le nombre de Reynolds est supérieur à 2 000.
totale qui, elle, ne varie pratiquement pas. Le volume rési- Cette formule montre en outre qu’elle apparaît plus faci-
duel augmente et la capacité vitale diminue. La capacité lement quand la vitesse de l’écoulement est élevée et
résiduelle fonctionnelle augmente progressivement, tra- quand le diamètre du tube est grand, ce qui correspond
duisant la recherche d’un nouvel état d’équilibre entre la aux modalités d’écoulement dans la partie supérieure de
paroi thoracique et le poumon. l’arbre trachéo-bronchique. L’hélium, qui a une faible den-
sité par rapport à l’oxygène et à l’azote, diminue les tur-
bulences en réduisant le nombre de Reynolds.
Résistances Dans un système complexe comme l’arbre trachéo-

des voies aériennes


bronchique qui se ramifie rapidement, un écoulement
laminaire typique ne se produit vraisemblablement que
dans les très petites voies aériennes, là où le nombre de
Écoulement de l’air Reynolds est très petit. Dans la majeure partie de l’arbre
bronchique, l’écoulement est de type intermédiaire alors
dans des tubes que des phénomènes de turbulences authentiques peu-
vent apparaître dans la trachée.
L’écoulement gazeux dans un tube s’effectue sous l’ef-

Principaux sites de résistance


fet de la différence de pression entre ses extrémités. Cette
différence est fonction du débit et du mode d’écoulement.
Lorsque les débits sont faibles, les lignes de direction du
courant sont parallèles aux parois du tube et l’écoulement
des voies aériennes
est laminaire. Quand le débit augmente, un état de turbu- Lorsque les voies aériennes pénètrent dans la périphé-
lence apparaît, en particulier au niveau des bifurcations. rie du poumon, elles deviennent plus nombreuses mais
Dans ce cas, les lignes de direction du courant peuvent aussi beaucoup plus étroites. Les mesures de la chute de
s’écarter de leur parallélisme avec la paroi et former des pression dans l’arbre bronchique indiquent que le site
remous localisés. Lorsque le débit augmente encore, les majeur de la résistance se situe au niveau des bronches de
lignes de direction du courant sont complètement désor- dimensions moyennes et que les très petites bronchioles
ganisées et des phénomènes de turbulence se manifestent. contribuent très faiblement à la résistance totale. Cette
observation apparemment paradoxale compte tenu de
Dans des conditions d’écoulement laminaire, et pour les l’équation de Poiseuille s’explique par le fait que si les
tubes rectilignes à section circulaire, le débit est donné par petites voies aériennes ont un diamètre réduit, elles sont
l’équation de Poiseuille : en nombre considérable et, pour une génération bron-
Pπr 4 chique donnée, elles représentent alors une surface de dia-
V=
8nl mètre très élevé.
dans laquelle P représente la pression efficace, r le rayon,

Volume pulmonaire,
n la viscosité et l la longueur du tube. On peut constater
que la pression efficace (différence de pression à chaque
extrémité du tube) est proportionnelle au débit, soit :
P = KV. capacité résiduelle
Comme la résistance R correspond à la pression efficace fonctionnelle
divisée par le débit, on peut également écrire :
8nl
et capacité de fermeture
R= .
πr 4
Volume pulmonaire et capacité
Cette opération souligne l’importance fondamentale
du rayon du tube : si le rayon est réduit de moitié, la résis-
résiduelle fonctionnelle
tance augmente de 16 fois. Si la longueur du tube double, La capacité résiduelle fonctionnelle est le volume de
la résistance double également. repos du système respiratoire qui est caractérisé par le
L’écoulement turbulent est caractérisé par des proprié- volume de gaz contenu par le poumon à la fin d’une expi-
tés très différentes du flux laminaire. Dans ce cas, la ration normale quand il n’y a pas de débit gazeux et que
pression n’est pas proportionnelle au débit mais approxi- la pression alvéolaire est égale à la pression atmosphé-
mativement à son carré : rique. Comme cela est indiqué plus haut, les forces d’ex-
P = KV2. pansion élastique de la cage thoracique sont alors
parfaitement contrebalancées par les forces de rétraction
En outre, une augmentation de la densité du gaz aug- du tissu pulmonaire.
mente la chute de pression pour un écoulement donné.
Le volume de réserve expiratoire est l’un des compo-
L’écoulement turbulent ne possède pas de vitesse d’écou-
sants de la capacité résiduelle fonctionnelle. Il s’agit du
lement axial élevée qui est la caractéristique de l’écoule-
volume gazeux additionnel situé en dessous de la capacité
ment laminaire.
résiduelle fonctionnelle et qui peut être mobilisé par une
Le fait que la nature de l’écoulement soit laminaire ou expiration forcée aboutissant au volume minimum pulmo-
turbulent dépend dans une large mesure du nombre de naire possible, appelé volume résiduel. Ainsi, la capacité
Reynolds (Re). Celui-ci est donné par la formule suivante : résiduelle fonctionnelle est égale au volume résiduel plus
le volume de réserve expiratoire. Comme les autres
2rvd
Re = volumes pulmonaires décrits dans la figure 7, volume cou-
n rant, capacité vitale, capacité inspiratoire, volume de
où d représente la densité, v la vitesse moyenne, r le rayon réserve inspiratoire et volume de réserve expiratoire peu-
et n la viscosité. vent tous être mesurés par une simple spirométrie. En

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

revanche, le volume pulmonaire total, la capacité rési-


duelle fonctionnelle et le volume résiduel ne peuvent pas
être déterminés par spirométrie. Cependant, si un seul de
ces trois volumes est mesuré, les autres peuvent être aisé-
ment calculés à partir des données spirométriques.
La capacité résiduelle fonctionnelle peut être mesurée
par la technique de lavage de l’azote, la mesure de l’azote
éliminé permettant de calculer le volume pulmonaire ini-
tial en sachant que la concentration initiale d’azote est de
80 %. D’autres méthodes de mesure sont la dilution à l’hé-
lium et la pléthysmographie.

VRE
Fermeture des voies aériennes
et capacité de fermeture
L’augmentation de la pression intrapleurale entre le
sommet pulmonaire et les bases est un déterminant de la
taille des alvéoles et de la ventilation régionale (voir
supra). L’importance de ce gradient de pression intrapleu-
rale est fondamentale dans la mesure où il peut conduire
à la fermeture des voies aériennes et au collapsus alvéo-
Figure 7 / Représentation de la subdivision laire.
des volumes pulmonaires
CPT : capacité pulmonaire totale ; CRF : capacité résiduelle
fonctionnelle ; CV : capacité vitale ; VR : volume résiduel ; Fermeture des voies aériennes
VRE : volume de réserve expiratoire ; VRI : volume de réserve chez les patients
inspiratoire ; VT : volume courant (d’après Dureuil [3]).
aux poumons normaux
La figure 8 montre la position de repos du système res-
piratoire à la capacité résiduelle fonctionnelle. Le gradient
de pression transmurale est de 5 cmH2O et il assure le
maintien de la perméabilité des voies aériennes. Au milieu
d’une inspiration normale, il se produit une augmentation
du gradient de pression transmurale (ici de 6,8 cmH2O) qui
favorise la distension intrathoracique des conduits aériens.
Au milieu d’une expiration normale qui est passive, la pres-
sion alvéolaire est liée uniquement à la pression de recul
élastique du poumon (2 cmH2O) et il y a une diminution (à
5,2 cmH2O) du gradient de pression entre l’intérieur et l’ex-
térieur des voies aériennes mais qui reste encore favorable
dans le sens d’une distension. Au milieu d’une manœuvre
d’expiration forcée, la pression pleurale augmente bien
au-dessus de la pression atmosphérique et elle est trans-
mise à l’alvéole qui présente alors une pression encore plus
élevée compte tenu de la force de recul élastique des septa
alvéolaires (+ 2 cmH2O). Lorsque les débits gazeux sont
importants, la chute de pression le long des voies aériennes
est accrue et il existe un point au niveau duquel la pression
intraluminale est égale à celle qui règne au niveau paren-
chymateux ou pleural. Ce point est appelé le point d’égales
pressions. S’il est situé au niveau des petits conduits aériens
intrathoraciques (au-delà de la 11e génération), la struc-
ture des voies aériennes ne comportant pas de cartilage,
ils ne peuvent être maintenus ouverts à ce point particulier
que par les forces de recul élastique du parenchyme pul-
monaire immédiatement adjacent ou entourant cette
structure (voir, supra, le phénomène d’interdépendance).
Lorsque le point d’égales pressions est situé sur des struc-
Figure 8 / Gradient de pression et voies aériennes tures aériennes plus proximales (avant la 11e génération),
Les voies aériennes ont une portion à paroi fine intrathoracique celles-ci ont un support cartilagineux qui contribue à les
(proche des alvéoles) et une portion plus rigide (cartilagineuse) maintenir ouvertes. En aval du point d’égales pressions, le
intrathoracique et extrathoracique. Au cours de l’expiration, la gradient de pression transmurale est inversé (– 6 cmH2O)
pression générée par la force de recul élastique du parenchyme est et tend à provoquer le collapsus des voies aériennes. Ainsi,
d’environ + 2cmH2O dans un poumon normal (A et D). La pression la perméabilité des voies aériennes distales au-delà de la
qui règne à l’intérieur de l’alvéole est égale à la pression pleurale
11e génération est fonction du volume pulmonaire et celle
plus la pression de recul élastique. Les flèches indiquent la direction
du débit gazeux. EPP est le point d’égales pressions. des voies aériennes proximales avant la 11e génération
CRF : capacité résiduelle fonctionnelle. dépend de la pression intrathoracique (pression intrapleu-
rale).

228
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Mécanique ventilatoire 22

Quand les poumons sont normaux, la fermeture des d’hypoxie. Enfin, si le volume de fermeture du poumon est
voies aériennes peut encore se produire, même si l’expira- situé en dessous de la totalité du volume courant, il n’y a
tion n’est pas forcée, à la condition que la vidange pulmo- à aucun moment de fermeture des voies aériennes.
naire s’approche suffisamment du volume résiduel.
Toute situation qui diminue la capacité résiduelle fonc-
Lorsque le volume pulmonaire diminue et se rapproche du
tionnelle par rapport à la capacité de fermeture ou aug-
volume résiduel au cours de l’expiration, les petites voies
mente la capacité de fermeture par rapport à la capacité
aériennes (de 0,5 à 0,9 mm de diamètre) se collabent pro-
résiduelle fonctionnelle aboutit à transformer des terri-
gressivement alors que les voies aériennes plus impor-
toires pulmonaires normaux en zones de bas rapport ven-
tantes restent perméables. La fermeture des voies
tilation/perfusion ou d’atélectasie. Une illustration de ces
aériennes débute dans les régions pulmonaires déclives
situations est constituée par l’anesthésie. En effet, elle est
dans la mesure où la pression de distension transpulmo-
associée à une réduction importante de la capacité rési-
naire y est moindre et que les variations de volume au duelle fonctionnelle d’une part du fait de la position de
cours de l’expiration sont plus importantes. décubitus dorsal (réduction d’un tiers de la capacité rési-
La capacité de fermeture est le volume à partir duquel duelle fonctionnelle par rapport à la position debout) et,
se produit la première fermeture des petites voies d’autre part, parce que l’anesthésie par elle-même réduit
aériennes. En pratique clinique, sa mesure est extrême- encore (0,5 L) la capacité résiduelle fonctionnelle du sujet
ment complexe et repose sur des techniques de dilution de par rapport à l’état de veille. Comme dans le même temps
gaz traceurs. Le volume de fermeture est la différence l’anesthésie ne modifie pas la capacité de fermeture, on
entre la capacité de fermeture et le volume résiduel. Le conçoit aisément que, dans les territoires postérieurs et
tabagisme, l’obésité, le vieillissement et la position cou- déclives, la capacité résiduelle fonctionnelle régionale soit
chée augmentent la capacité de fermeture. Vers l’âge de très en dessous de la capacité de fermeture conduisant à
45 ans, chez les sujets sains, la capacité de fermeture est la constitution d’atélectasies et de zones de bas rapport
égale à la capacité résiduelle fonctionnelle en décubitus ventilation/perfusion, ce qui aboutit à une réduction de la
dorsal et, à l’âge d’environ 65 ans, elle est égale à la capa- pression artérielle partielle en oxygène (PaO2).
cité résiduelle fonctionnelle en position debout.
La relation entre capacité résiduelle fonctionnelle et
100
Capacité pulmonaire totale (%)

capacité de fermeture est importante parce qu’elle déter-


mine si une unité respiratoire donnée est normale, atélec- Atélectasie (CF >> CRF)
tasiée ou présente un bas rapport de la ventilation sur la
perfusion (figure 9). Lorsque les variations du volume cou-
rant restent inférieures au volume auquel survient la fer- Bas VA/Q (CF > CRF)
meture des voies aériennes, l’augmentation du volume CRF
pulmonaire au cours du cycle respiratoire est insuffisante Normal (CRF > CF)
pour ouvrir certaines de ces voies aériennes qui sont colla-
bées en permanence, ce qui conduit à la formation d’até-
0
lectasies. Si le volume de fermeture de quelques voies Temps
aériennes est situé au niveau du volume courant, alors
l’augmentation du volume pulmonaire au cours de l’inspi- Figure 9 / La capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est exprimée
ration va permettre leur ouverture durant une courte en pourcentage de la capacité pulmonaire totale. La relation entre
période jusqu’à ce que le volume pulmonaire au cours de la CRF et la capacité pulmonaire totale montre les variations
du volume courant dont le seuil expiratoire correspond à la CRF
l’expiration redevienne inférieur à la capacité de ferme-
et trois niveaux différents de la capacité de fermeture (CF)
ture. Ces territoires dont les voies aériennes sont alterna- Le rapport de la CRF sur la CF détermine soit une ventilation
tivement ouvertes et fermées au cours du cycle respiratoire normale (CRF > CF), soit la formation de territoires
correspondent à des territoires alvéolaires dont le renou- de bas rapports ventilation/perfusion (VA/Q) (CF > CRF),
vellement en gaz frais est altéré. Ceci conduit à de bas rap- soit enfin la constitution d’atélectasies (CF>>CRF).
ports de la ventilation sur la perfusion qui est source

BIBLIOGRAPHIE

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

23
Contrôle
• Organisation spatiotemporelle
de la commande ventilatoire de la ventilation
• Générateur central de la ventilation
• Régulation neurovégétative de la ventilation
Christian Straus
• Contrôle suprapontique de la ventilation
AP-HP, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles-Foix,
• Exploration clinique du contrôle Service d’explorations fonctionnelles de la respiration,
de la ventilation chez l’homme de l’exercice et de la dyspnée (département « R3S »), Paris ;
et Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06,
INSERM, UMRS1158 Neurophysiologie respiratoire
expérimentale et clinique, Paris

Ce chapitre est une version révisée et actualisée de l’article allant des muscles des voies aériennes supérieures aux mus-
écrit par C. Straus, « Comment est contrôlée la fonction des cles abdominaux en passant par ceux de la cage thora-
muscles respiratoires ? » [1]. cique, dont elle organise la contraction en une séquence
finement coordonnée (figure 1). D’un point de vue tem-
porel, la neurobiologie respiratoire comparative nous
es échanges gazeux indispensables à toute vie apprend que les caractéristiques de base du mode ventila-
dépendent, chez les vertébrés, de la convection toire sont conservées parmi les vertébrés respirant de l’air.
d’un fluide au sein d’un organe spécialisé : l’eau et En effet, si l’on s’en tient aux débits gazeux, la ventilation
les branchies pour les animaux aquatiques, l’air et pulmonaire semble se composer de deux phases : inspira-
les poumons pour les autres. Les pressions motrices tion et expiration. En réalité, du point de vue de la
nécessaires à cette convection sont produites par mécanique respiratoire, de l’activité musculaire et des évé-
la contraction de muscles squelettiques qui, à l’ins- nements synaptiques neuronaux, c’est est un acte moteur
tar du cœur, présentent la particularité de devoir survenant en trois phases séquentielles : l’expiration, l’ins-
maintenir une activité phasique tout au long de piration et la phase postinspiratoire (apnée télé-inspira-
l’existence. Au contraire du cœur toutefois, la com- toire ou bien freinage du débit expiratoire) [2] (figure 2).
mande de ces muscles, qualifiés de respiratoires,
leur est extrinsèque. Prenant sa source dans le sys-
tème nerveux central, elle est automatique, neuro-
végétative et vitale car elle maintient la ventilation
continue et assure ses adaptations homéosta-
tiques. Chez les mammifères, et tout particulière-
ment chez l’homme, il existe une deuxième
composante qui peut, à l’occasion, être consciente,
voire volontaire et qui implique des voies effé-
rentes et afférentes d’origine et à destinée corti-
cale. La commande ventilatoire, qui se révèle ainsi
composite, doit s’adapter à diverses contraintes, Groupe respiratoire
parafacial (expiration)
comme les modifications du métabolisme mais Complexe pré-Bötzinger
aussi la vocalisation, les changements de posture (inspiration)
ou le sommeil. Elle dépend donc d’une régulation
fine avec laquelle elle forme le système de contrôle
de la ventilation.

Organisation
spatiotemporelle de
la commande ventilatoire Figure 1 / Origine et destination de la commande ventilatoire
La commande ventilatoire prend sa source dans le bulbe rachidien.
Deux groupes de neurones pacemakers sont responsables du rythme
La commande ventilatoire définit le caractère « respi- ventilatoire : les neurones du groupe respiratoire parafacial gouvernent
ratoire » des muscles squelettiques par leur contraction l’expiration et ceux du complexe pré-Bötzinger, l’inspiration.
phasique et ininterrompue dont elle est la source. Ainsi La commande motrice se distribue ensuite de façon finement
définis, il apparaît que les muscles respiratoires ne se limi- cordonnée aux muscles des voies aériennes supérieures
tent pas aux muscles de la paroi thoracique. La commande qu’elle stabilise, puis aux muscles des parois du thorax.
ventilatoire régit en effet tout un ensemble de muscles,

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Ceci est vrai aussi bien pour les amphibiens, les reptiles que
les mammifères. Les amphibiens et les reptiles ont une
phase postinspiratoire caractérisée par une fermeture de
la glotte retenant le gaz dans les poumons à la fin de l’ins-
piration [3, 4]. Chez les mammifères, la phase postinspira-
toire est associée à un freinage du débit expiratoire par
une adduction glottique et une activité antagoniste des
muscles inspiratoires. Par exemple, l’opossum nouveau-né
présente une ventilation entièrement semblable à celle des
amphibiens et des reptiles en retenant sa respiration à l’is-
sue de l’inspiration [5]. Chez l’agneau nouveau-né, une
constriction glottique active produit un volume pulmo-
naire télé-expiratoire dynamique plus grand que celui de
la capacité résiduelle fonctionnelle passive [6]. Même le
chat adulte réalise un puissant freinage expiratoire pos-
tinspiratoire par constriction laryngée [7-9]. Dans une pers-
pective mécanique et neurologique, les cycles respiratoires
des amphibiens, des reptiles et des mammifères apparais-
sent donc homologues. D’un point de vue spatiotemporel,
la commande ventilatoire inspiratoire se distribue d’abord
aux muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures, qui
Figure 2 / Organisation temporelle se contractent au tout début de l’inspiration, avant d’at-
de la commande ventilatoire teindre le diaphragme et les muscles de la cage thoracique
Même si le débit ventilatoire ne permet que d’identifier [10] (figure 3). Cette coordination fine stabilise les voies
deux phases au cycle ventilatoire (l’inspiration et l’expiration), aériennes supérieures et prévient le collapsus que pourrait
celui-ci se décompose en réalité en trois phases, induire la pression négative intrapharyngée générée par
d’un point de vue neurophysiologique : l’inspiration, la contraction des muscles inspiratoires thoraciques.
la phase postinspiratoire et l’expiration proprement dite.
La phase postinspiratoire correspond à un freinage La commande ventilatoire et son organisation spatio-
de l’expiration. Chez certains animaux, elle s’accompagne temporelle dépendent de structures neuronales responsa-
d’une constriction glottique qui, dans certains cas, bles du rythme ventilatoire et de son architecture,
peut provoquer une apnée télé-inpiratoire. L’expiration c’est-à-dire d’un générateur central.
proprement dite est passive chez l’homme au repos
mais elle peut s’accompagner d’une contraction des muscles
abdominaux (expiratoires) chez certains animaux. La commande ventilatoire se distribue aux muscles
des voies aériennes supérieures, aux muscles thora-
ciques et aux muscles abdominaux. Elle s’organise
en trois phases : l’inspiration, la phase postinspira-
toire et l’expiration.

Générateur central
de la ventilation [11, 12]
Qu’elles soient animales [13] ou humaines [14, 15],
toutes les données confirment la localisation des éléments
vitaux du générateur central de la ventilation dans le bulbe
rachidien (figure 1). De manière plus précise, ce générateur
central se situe au niveau de la partie rostro-ventro-
latérale du bulbe rachidien [16]. La technique de l’isole-
ment in vitro de troncs cérébraux de rongeurs a permis des
progrès considérables de la connaissance des mécanismes
intimes de l’origine du rythme ventilatoire. Les résultats
expérimentaux suggèrent ainsi que la rythmogenèse de
l’inspiration dépend de neurones de type pacemaker, c’est-
à-dire se dépolarisant spontanément comme les cellules du
nœud sinusal responsables du rythme cardiaque [17]. Ces
neurones pacemaker occupent une région limitée appelée
complexe pré-Bötzinger, en position caudale par rapport
au noyau rétro-trapézoïde, en position ventrale par rap-
port au noyau ambigu et en regard de l’émergence des
Figure 3 / Organisation spatiotemporelle racines du 12e nerf crânien [17-20] (figure 1). Les neurones
de la commande ventilatoire du complexe pré-Bötzinger sont identifiables par leur loca-
D’un point de vue spatiotemporel, la commande inspiratoire lisation anatomique et par l’expression de récepteurs aux
se distribue d’abord aux muscles dilatateurs des voies aériennes opioïdes de type m, de récepteurs de la substance P de
supérieures, qui se contractent au tout début de l’inspiration, type NK1 [21] et de somatostatine [12]. Leur destruction
avant d’atteindre le diaphragme et les muscles de la cage chez le rat adulte provoque des apnées qui surviennent
thoracique. Cette coordination fine stabilise les voies aériennes
supérieures et prévient le collapsus que pourrait induire d’abord pendant le sommeil. L’hypothèse d’une dégéné-
la pression négative intrapharyngée générée par la contraction rescence du complexe pré-Bötzinger a donc été évoquée
des muscles inspiratoires thoraciques. comme possible étiologie de certains syndromes d’apnées
du sommeil [22]. Les neurones du complexe pré-Bötzinger

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Contrôle de la ventilation 23

ont aussi été identifiés dans le bulbe rachidien humain. Il rôle dans l’ontogenèse du rythme ventilatoire en inhibant,
a été observé que leur nombre se réduisait dans l’atrophie par l’intermédiaire de son récepteur de type B, l’expression
multisystémique [23]. d’un générateur central pré-établi, pendant la phase de
développement de l’animal, au stade larvaire chez la
Une deuxième région du tronc cérébral est située en
grenouille [43] ou aux stades postnatals précoces chez les
position rostrale et ventrale par rapport au complexe pré-
rongeurs [44]. Par ailleurs, le glutamate, un neurotrans-
Bötzinger. Il s’agit du groupe respiratoire parafacial qui est
metteur excitateur, caractérise les neurones rythmogé-
anatomiquement superposable au noyau rétro-trapézoïde.
niques du complexe pré-Bötzinger qui établissent entre
Ce groupe contient également des neurones pacemaker
eux des connexions essentiellement excitatrices [12]. Il sem-
[24, 25] potentiellement impliqués dans la production du
ble nécessaire à l’expression du rythme ventilatoire, par le
rythme ventilatoire [26]. Par rapport aux neurones du com-
biais de l’activation de son récepteur de type non-NMDA
plexe pré-Bötzinger, ces neurones se caractérisent par une
[17, 45]. Divers autres neurotransmetteurs, tels que la séro-
activité préinspiratoire et par leur absence de sensibilité
tonine, la noradrénaline, l’acétylcholine ou la thyrolibérine
aux opioïdes [27]. L’exposition du tronc cérébral de rat
(TRH pour thyrotropin releasing hormone), interviennent
nouveau-né aux opioïdes ou l’administration de telles
aussi dans la modulation de la ventilation [16, 46].
substances à ces animaux in vivo ne produit pas un ralen-
tissement progressif de la fréquence ventilatoire mais, au
contraire, une multiplication de la période par un nombre La commande ventilatoire prend sa source au
entier [28]. Un tel résultat suggère que l’expression du niveau de deux groupes de neurones pacemaker du
rythme ventilatoire produit par le groupe respiratoire bulbe rachidien. Le premier groupe s’appelle le
parafacial serait masquée par l’inhibition des neurones complexe pré-Bötzinger. Ses neurones gouvernent
pacemaker du complexe pré-Bötzinger, sensibles aux l’inspiration et sont inhibés par les opioïdes. Le
opioïdes. En d’autres termes, les deux groupes de neurones deuxième groupe correspond au groupe respira-
pacemaker fonctionneraient de manière couplée, comme toire parafacial (anatomiquement superposable au
les générateurs des rythmes ventilatoires branchiaux et noyau rétro-trapézoïde). Il gouverne l’expiration et
pulmonaires des amphibiens à respiration bimodale [29, n’est pas sensible aux opioïdes. Ces neurones pace-
30]. Cette analogie suggère un lien évolutif entre les géné- maker s’insèrent dans un réseau d’inter-neurones
rateurs centraux responsables de la ventilation des verté- respiratoires impliquant plusieurs neuromédiateurs
brés. Chez les amphibiens, l’un des générateurs est et responsable de l’organisation spatiotemporelle
responsable de la ventilation branchiale aquatique et l’au- finale de la commande ventilatoire.
tre de la ventilation pulmonaire aérienne [31, 32]. Chez le
rat nouveau-né en revanche, le groupe respiratoire para-
facial est responsable de l’activité expiratoire. Celle-ci n’est
pas affectée par l’administration d’opioïdes, qui éteignent Régulation neurovégétative
de la ventilation
pourtant l’activité inspiratoire [33], mais elle est abolie par
une section bulbaire réalisée en position caudale par rap-
port à la localisation des neurones préinspiratoires [34].
Enfin, le groupe respiratoire parafacial embryonnaire joue Pour pouvoir participer au maintien de l’homéostasie,
un rôle majeur, au stade fœtal du développement, dans la ventilation doit s’adapter à de multiples contraintes,
l’ontogenèse du complexe pré-Bötzinger, de la rythmoge- métaboliques ou mécaniques. La régulation de la com-
nèse ventilatoire et de sa chimiosensibilité [35]. mande ventilatoire motrice dépend donc de l’intégration
de multiples signaux afférents.
Le rôle des neurones pacemaker dans l’origine du
rythme ventilatoire, bien que largement étayé, demeure
néanmoins débattu puisque certains travaux plaident en
faveur d’un rythme résultant de propriétés émergentes
Chimiorécepteurs centraux
d’un réseau de neurones sans propriétés pacemaker, mais L’élimination du dioxyde de carbone (CO2) est l’une des
en interactions réciproques [12, 36-38]. priorités des vertébrés respirant de l’air. De fait, la ventila-
Quoi qu’il en soit, les neurones à l’origine du rythme tion augmente linéairement avec l’hypercapnie (figure
respiratoire s’intègrent dans un réseau complexe d’inter- 4A), grâce à des chimiorécepteurs sensibles au CO2. Environ
neurones respiratoires responsables de l’organisation spa- 75 % de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie dépendent
tiotemporelle finale de la commande motrice destinée aux de chimiorécepteurs centraux. Divers modèles expérimen-
muscles respiratoires. Chez le chat par exemple, des taux ont suggéré que ces chimiorécepteurs se trouvaient
groupes de neurones impliqués dans la génération du au niveau de la face ventrale du bulbe rachidien et des
rythme ventilatoire ont ainsi été identifiés dans la partie observations réalisées chez l’homme concordent avec cette
ventrale du bulbe, mais aussi dans sa partie dorsale et dans hypothèse [14]. Le noyau rétro-trapézoïde a émergé ces
le pont [16]. Divers types de neurones respiratoires ont dernières années comme la principale structure responsa-
ainsi été définis, selon le lien qui unit leur période de ble de la chimiosensibilité centrale au CO2 [47, 48]. Les neu-
décharge au cycle ventilatoire [39]. Chez les rongeurs, on rones qui le composent se caractérisent par l’expression du
distingue, par exemple, des neurones inspiratoires, préin- facteur de transcription Phox 2B dont la mutation est res-
spiratoires et expiratoires. Ces neurones établissent entre ponsable, chez l’humain, du syndrome d’hypoventilation
eux un système complexe de connexions synaptiques met- alvéolaire centrale congénital, encore appelé syndrome
tant en jeu de nombreux neurotransmetteurs. Les neuro- d’Ondine [49]. Le noyau rétro-trapézoïde est absent chez
transmetteurs impliqués dans l’inhibition postsynaptique les souris mutantes porteuses de l’une des mutations
rapide, que sont l’acide gamma-amino-butyrique (GABA) retrouvées chez les patients et leur réponse ventilatoire à
et la glycine, semblent essentiels à la régulation de la l’hypercapnie est abolie [50] comme celle des patients chez
forme et de l’amplitude du signal de sortie ainsi qu’à son qui il s’agit de l’une des principales anomalies fonction-
organisation temporelle [12, 40, 41] et à sa coordination nelles [51]. Au-delà des seules propriétés des neurones du
entre les différents nerfs [16, 37, 42]. Une illustration de noyau rétro-trapézoïde, les astrocytes qui l’entourent
cette coordination est fournie par l’activation des muscles pourraient aussi jouer un rôle dans la chimiosensibilité au
des voies aériennes supérieures précédant de peu celle du CO2, par l’intermédiaire d’une libération d’adénosine tri-
diaphragme [42]. Le GABA pourrait également jouer un phosphate [52]. À côté du noyau rétro-trapézoïde, le

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

mines, en général, et la dopamine, en particulier, semblent


jouer un rôle important dans la chimioréception [61]. Les
corpuscules carotidiens sont innervés par le nerf glosso-
pharyngien et les corpuscules aortiques par le nerf vague.
Ces structures sont avant tout sensibles à l’hypoxémie bien
que les chimiorécepteurs carotidiens soient stimulés de
manière additive par une diminution de la pression arté-
rielle en oxygène (PaO2) et par l’hypercapnie. La spécificité
des chimiorécepteurs aortiques se manifeste au cours de
l’anémie où un contenu artériel en oxygène diminué de
50 % entraîne une stimulation de ces récepteurs, même en
situation normoxique [62]. Grâce aux chimiorécepteurs
périphériques, la ventilation augmente avec la chute de la
PaO2 et ce, de manière hyperbolique. Chez l’homme sain,
l’augmentation de la ventilation n’est en général détecta-
Figure 4 / Réponse ventilatoire à l’hypercapnie et à l’hypoxémie ble que lorsque la PaO2 est inférieure à 60 mmHg
L’hypercapnie (augmentation de PCO2) provoque normalement
une augmentation linéaire de la ventilation. Environ 75 % (figure 4B).
de cette réponse est due à des structures chimiosensibles situées
dans le tronc cérébral (A). L’hypoxémie (diminution de PaO2) provoque
une augmentation de la ventilation de forme approximativement Les chimiorécepteurs carotidiens et aortiques sont
hyperbolique. Elle est due exclusivement à des chimiorécepteurs responsables de l’augmentation de la ventilation en
périphériques situés au niveau des bifurcations carotidiennes cas d’hypoxémie.
et de la crosse de l’aorte. Chez l’homme, cette réponse ne devient
significative que pour des valeurs de PaO2 inférieures à 60 mmHg (B).
PCO2 : pression partielle de gaz carbonique ;
PaO2 : pression artérielle en oxygène. Autres afférences
La commande ventilatoire dépend aussi de l’influence
de nombreuses autres afférences non métaboliques. Les
bronches contiennent, par exemple, des récepteurs à adap-
tation lente dont les influx véhiculés par le nerf vague sont,
modèle de tronc cérébral isolé de rat nouveau né a permis entre autres, responsables du réflexe de Hering-Breuer. Ce
d’objectiver une sensibilité au CO2 d’autres structures. Il en réflexe, induit par une augmentation de volume pulmo-
est ainsi des inter-neurones respiratoires eux-mêmes [53]. naire, se traduit par une prolongation de l’expiration. Chez
L’utilisation conjointe de techniques histologiques a mon- l’adulte éveillé, le réflexe de Hering-Breuer ne joue qu’un
tré que les dendrites de ces neurones s’étendaient jusqu’à rôle mineur, mais son impact sur la régulation de la venti-
la surface du bulbe, suggérant que les neurones respira- lation s’amplifie avec l’anesthésie [62]. Les bronches
toires pourraient être en eux-mêmes des chimiorécepteurs contiennent également des récepteurs à adaptation
monitorant la pression partielle de gaz carbonique (PCO2) rapide. Leur activité augmente avec la diminution du
à la surface du bulbe rachidien, par l’intermédiaire de leurs volume pulmonaire. Les bronches contiennent enfin des
dendrites. Des résultats expérimentaux obtenus in vivo récepteurs aux irritants qui, comme les récepteurs J et les
chez le chat plaident également pour une chimiosensibilité terminaisons libres des fibres C situés dans le parenchyme
propre du complexe pré-Bötzinger [54, 55]. D’autres struc- pulmonaire, contribuent à la toux ou à l’induction d’une
tures du tronc cérébral comme le locus coeruleus [56], le ventilation rapide et superficielle [62-64]. Les mécanoré-
noyau du tractus solitaire, le raphé médian présentent des cepteurs des muscles respiratoires (organes tendineux de
propriétés qui en font de possibles zones chimiosensibles Golgi, fuseaux neuromusculaires, etc.) jouent un rôle dans
impliquées dans la régulation de la ventilation [57, 58]. Des l’adaptation de la ventilation par le biais de réflexes habi-
structures suprapontiques comme l’hypothalamus sem- tuellement impliqués dans la régulation de la fonction des
blent aussi jouer un rôle dans la réponse ventilatoire à l’hy- muscles squelettiques. Enfin, tout un ensemble de mes-
percapnie et en particulier dans sa facilitation par certaines sages provenant de structures de l’organisme qui ne sont
hormones comme la progestérone [59, 60]. pas directement impliquées dans la ventilation sont aussi
Enfin, environ un quart de la réponse ventilatoire à l’hy- susceptibles de la modifier. Par exemple, les afférences
percapnie dépend des chimiorécepteurs carotidiens. mécanoréceptrices, provenant de l’appareil locomoteur,
jouent probablement un rôle dans l’adaptation de la ven-
tilation à l’exercice [65].
La ventilation augmente de manière linéaire avec
l’augmentation de PCO2 dans le sang artériel.
Environ 75 % de cette réponse sont dus à des chi- Des afférences provenant des bronches, du paren-
miorécepteurs situés dans le tronc cérébral. chyme pulmonaire, des muscles respiratoires et de
l’appareil locomoteur modulent la commande ven-
tilatoire.
Chimiorécepteurs
périphériques
Contrôle suprapontique
À côté des chimiorécepteurs centraux, existent égale-
ment des chimiorécepteurs périphériques situés à la bifur- de la ventilation
cation des artères carotides communes et au niveau de la
crosse de l’artère aorte. Ces organes richement vascularisés L’homme peut volontairement interrompre son rythme
se composent de cellules glomiques de type 1, chimio- ventilatoire automatique pour accomplir des manœuvres
sensibles, entourées de cellules de type 2 apparentées aux volitionnelles. Celles-ci peuvent être purement ventila-
cellules gliales. Les cellules de type 1 contiennent de nom- toires (apnées volontaires, réalisation d’actions spécifiques
breux neurotransmetteurs, parmi lesquels les catéchola- comme lors de la réalisation d’explorations fonctionnelles

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Contrôle de la ventilation 23

respiratoires) et impliquer directement une commande


volontaire des muscles ventilatoires. Elles peuvent égale-
ment correspondre à l’utilisation du système ventilatoire
pour des tâches non respiratoires, comme la parole ou le
chant. La commande des muscles volontaires correspond
alors probablement plutôt à la mise en route de pro-
grammes automatiques (analogie avec la marche) qu’à une
commande volitionnelle directe. De nombreux facteurs
comportementaux comme les émotions, le rire, les pleurs,
perturbent aussi la ventilation automatique. De fait, les
muscles respiratoires sont sous la dépendance d’une
deuxième commande, d’origine suprapontique et corti-
cale. À l’instar des autres muscles squelettiques, les muscles
respiratoires possèdent une représentation au niveau du
cortex sensori-moteur primaire [66] et, au moins pour le
diaphragme, de l’aire motrice supplémentaire [67]. Leur
commande motrice corticale emprunte la voie pyramidale
pour se projeter directement sur les motoneurones spinaux
[68-71]. Ces derniers constituent donc une voie finale com-
mune et intégrative des commandes automatiques neuro-
végétative et suprapontique [72, 73].
L’enregistrement par électroencéphalogramme (EEG)
de potentiels corticaux prémoteurs préinspiratoires a mon-
tré que le cortex cérébral, et en particulier l’aire motrice
supplémentaire, était impliqué dans la compensation des
contraintes ventilatoires mécaniques (comme une résis-
tance ou une charge à seuil) [74]. Les mêmes structures
sont également impliquées dans le maintien d’une venti-
lation spontanée à l’éveil chez les patients atteints du syn-
drome d’Ondine [75]. Ces données ouvrent de nouveaux
champs de compréhension comme, par exemple, celui des
modifications de la commande ventilatoire qui surviennent Figure 5 / Chaîne des effecteurs de la commande ventilatoire
pendant le sommeil. L’étude du contrôle de la ventilation requiert de s’assurer
qu’aucun élément de la chaîne nécessaire à l’expression
Le cortex humain reçoit enfin des afférences en prove- de la commande ventilatoire n’est rompu.
nance de tous les niveaux du système ventilatoire. Dans le
cas des muscles intercostaux [76], du diaphragme [77, 78]
et des voies aériennes supérieures [79], ces projections ont
pu être montrées chez l’homme par des techniques de
potentiels évoqués somesthésiques. Des méthodes psycho- spinaux. Les nerfs crâniens et spinaux conduisent ensuite
physiologiques ont, quant à elles, permis de révéler le rôle l’influx efférent, d’abord vers les muscles des voies
d’afférences vagales d’origine pulmonaire dans les sensa- aériennes supérieures, puis vers ceux du tronc. La contrac-
tions respiratoires [80, 81]. Ces nombreuses afférences tion des muscles de la paroi thoracique est responsable de
contribuent vraisemblablement à forger les sensations res- sa déformation qui induit les variations de pression pleurale
piratoires et la dyspnée. Les principales structures céré- à l’origine des variations de volumes pulmonaires et les
brales impliquées dans la sensation de dyspnée semblent débits gazeux (figure 5). Pour peu que l’un des chaînons
être le gyrus cingulaire, l’insula [82-84] et l’amygdale [85], soit rompu, une commande centrale normale ne pourra
des composantes du système limbique. plus s’exprimer. Par exemple, une maladie neuromusculaire
pourra rendre inefficace l’expression d’une commande nor-
male. Il s’agit là d’une limite constante à l’exploration cli-
La ventilation est aussi sous la dépendance d’une nique du contrôle de la ventilation. Pour apprécier l’activité
commande d’origine suprapontique et corticale, qui du générateur central de la ventilation, il faudrait donc
peut être comportementale ou volontaire. Le cortex idéalement enregistrer l’activité des nerfs destinés aux mus-
reçoit de nombreuses afférences du système venti- cles respiratoires. Mais cette méthode est inutilisable en
latoire, probablement impliquées dans les sensa- pratique clinique chez l’homme.
tions respiratoires et la dyspnée.

L’expression de la commande ventilatoire centrale

Exploration clinique
nécessite l’intégrité de la chaîne de transmission qui
va du système nerveux central à l’effecteur ventila-

du contrôle de la ventilation toire, voies aériennes comprises.

chez l’homme [62, 86-88]


La ventilation résulte de la transformation du signal Électromyogramme
neurophysiologique produit par le générateur central de la des muscles respiratoires [89]
ventilation en contractions musculaires, déformations de la
cage thoracique et variations de volumes pulmonaires. À défaut de l’électroneurogramme des nerfs destinés
Cette transformation du signal repose sur une chaîne d’élé- aux muscles respiratoires, leur électromyogramme (EMG)
ments en série (figure 5). L’activité du générateur central peut permettre d’évaluer la commande ventilatoire.
est ainsi d’abord transmise aux motoneurones bulbaires et Cependant, comme il est impossible d’accéder simultané-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

ment à tous les muscles respiratoires, l’EMG ne permet pas


une approche intégrative globale de la commande. En Pression d’occlusion [90, 91]
revanche, l’étude simultanée de plusieurs muscles permet
L’intérêt de la technique de la pression d’occlusion
une évaluation de son organisation spatiotemporelle. Le
(P0.1) est de ne nécessiter ni débit ventilatoire ni variation
signal intégré de l’EMG, recueilli avec des électrodes de
de volume pulmonaire. Elle s’affranchit donc théorique-
surface ou œsophagiennes, fournit un signal proportion-
ment des limites de la méthode spirométrique que sont
nel à la tension développée par les muscles. Il s’agit alors
l’augmentation des résistances et les modifications de com-
d’un bon index de l’amplitude de la commande respira-
pliance observées dans les pathologies pulmonaires. De
toire. L’EMG présente néanmoins d’importantes limites à
plus, comme les mesures s’effectuent à partir de la capacité
son utilisation de routine. Chez un même sujet, cette tech-
résiduelle fonctionnelle, la longueur des muscles respira-
nique n’est pas reproductible, d’une mesure à l’autre et la
toires (et donc leur force) au début de l’inspiration est
quantification de la commande qu’elle fournit n’est pas
théoriquement standardisée. La mesure de P0.1 est simple
standardisable. De ce fait, il est difficile de comparer deux
et non invasive. Elle repose sur la mesure de la pression
sujets et impossible de rapporter les mesures effectuées
négative produite par la contraction des muscles inspira-
chez un sujet à des valeurs théoriques.
toires contre des voies aériennes occluses.
Pour mesurer la pression d’occlusion, le sujet respire à
Spirogramme [62, 88] travers une valve unidirectionnelle. La voie inspiratoire est
occluse à l’insu du sujet pendant l’expiration. L’inspiration
Les difficultés pratiques que posent les techniques neu- suivante s’effectue donc contre une résistance infinie, à
rophysiologiques en clinique ont conduit à s’intéresser à la partir de la capacité résiduelle fonctionnelle. Un sujet
résultante finale de la commande respiratoire, c’est-à-dire éveillé ne détecte l’occlusion de la voie inspiratoire qu’en-
la ventilation. L’étude du spirogramme décomposant la viron 200 ms après le début de l’effort. La pression mesurée
ventilation en volume courant (Vt), fréquence ventilatoire à 100 ms (P0.1) reflète donc la commande respiratoire
(F), période du cycle ventilatoire (1/F = Ttot), durée de l’ins- inconsciente provenant du générateur central de la venti-
piration (Ti) et durée de l’expiration (Te), est une approche lation. La pression d’occlusion à 100 ms d’un sujet normal
qui peut s’avérer intéressante (figure 6). En effet, le rap- éveillé au repos est de 0, 93 ± 0,48 (ET) cm H2O. Mais la
port Vt/Ti correspond à la pente d’activité inspiratoire et variabilité de la mesure est importante.
représente le débit inspiratoire moyen. Il correspond à la
transformation mécanique de l’amplitude du signal ner- Cette technique séduisante par sa simplicité se heurte
veux et, chez un sujet sain, il traduit adéquatement l’in- néanmoins à un certain nombre de limites [87, 90]. Une
tensité de la commande ventilatoire. Le rapport Ti/Ttot augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle ou
exprime quant à lui la durée relative de l’inspiration au un allongement de la constante de temps lié à l’accroisse-
cours du cycle ventilatoire et peut donner des indications ment des résistances des voies aériennes, telles qu’elles
sur l’interruption de l’inspiration par les structures de com- peuvent se rencontrer dans les bronchopneumopathies
mande. La principale limite de l’étude du contrôle de la chroniques obstructives, conduisent à une sous-estimation
ventilation par la décomposition du spirogramme est que de la commande ventilatoire par la méthode de la P0.1. La
son interprétation requiert l’intégrité de l’ensemble du sys- présence d’une expiration active ou d’éventuelles distor-
tème ventilatoire, y compris des composantes passives que sions de la paroi thoracique au cours de l’inspiration contre
sont les voies aériennes et le parenchyme pulmonaire. la valve occluse sont aussi de nature à fausser les résultats.
La mesure de la pression d’occlusion est enfin sujette à cau-
tion dans toutes les maladies neuromusculaires. En effet,
une réduction de la pression d’occlusion n’a de sens en tant
que reflet d’un niveau de commande faible qu’en l’ab-
sence de diminution de la contractilité musculaire.

L’intensité de la commande centrale de la ventila-


tion peut être évaluée en routine clinique par
l’étude du spirogramme et par la mesure de la pres-
sion d’occlusion (P0.1).

Stimulation de la commande
respiratoire par l’hypercapnie
ou l’hypoxie [62, 88]
L’étude de l’activité du générateur central de la venti-
lation par la mesure du spirogramme ou de la pression
d’occlusion peut être complétée par l’évaluation de la
réponse à l’hypercapnie ou à l’hypoxie. Pour la stimulation
hypercapnique, la méthode la plus couramment utilisée est
celle de la ré-inspiration [92]. Le sujet ventile dans un sac
un mélange hypercapnique et hyperoxique. Au fur et à
Figure 6 / Spirogramme schématique mesure de la ventilation dans ce sac, la concentration en
Le spirogramme peut se décomposer en amplitude du volume CO2 augmente. Chez un sujet normal, l’augmentation de
courant (VT), durée de l’inspiration (TI), durée de l’expiration (TE),
la ventilation suit linéairement celle de la PCO2 (figure 3A).
période du cycle ventilatoire (TTOT) et fréquence ventilatoire (F),
qui est égale à l’inverse de la période. La ventilation totale (V’E) La pente de la réponse caractérise la sensibilité au CO2 du
est égale au produit du VT par F. Chez un sujet sain, le rapport VT/TI générateur central de la ventilation. Elle demeure cepen-
traduit de manière adéquate l’intensité de la commande ventilatoire. dant extrêmement variable puisque 80 % des sujets se
situent entre 1,5 et 3 litres par minute et par mmHg. Si la

236
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page237

Contrôle de la ventilation 23

réponse au CO2 est mesurée en termes de pression d’oc- lation magnétique transcrânienne avec recueil de l’EMG
clusion, cette pente se situe normalement entre 0,3 et du diaphragme [70]. La réponse à cette stimulation est faci-
0,6 cmH2O/mmHg. Des perfectionnements ont été appor- litée par de nombreux facteurs tels que l’activation mus-
tés à la méthode par ré-inspiration au cours des dernières culaire préalable ou l’inhalation d’un mélange gazeux
années [93]. hypercapnique [73]. Cette facilitation se caractérise par
une diminution de la latence et une augmentation de
De manière symétrique, il est possible de mesurer la
l’amplitude de la réponse EMG. Dans certains cas, la
réponse du générateur central de la ventilation à l’hypo-
réponse du diaphragme à la stimulation transcrânienne
xie, cette fois encore en termes de ventilation/minute ou
peut donc fournir un index neurophysiologique de l’inten-
bien en termes de pression d’occlusion. Il s’agit néanmoins
sité de la commande ventilatoire.
d’un test plus dangereux et donc moins couramment pra-
tiqué puisque l’obtention d’une réponse nécessite l’abais-
sement de la PaO2 en dessous de 60 mmHg. La stimulation magnétique transcrânienne permet
d’explorer les voies de conduction cortico-diaphrag-
La réponse de la ventilation ou de la pression d’oc- matiques.
clusion (P0.1) à la ré-inspiration de CO2 est un
moyen de routine clinique permettant d’évaluer le
système de contrôle de la ventilation.
Conclusion
Évaluation des voies efférentes La compréhension des mécanismes qui régissent le
contrôle de la ventilation est en progression constante. Il
de la commande respiratoire n’est pas interdit de penser que ces progrès conduiront un
jour à des possibilités thérapeutiques pharmacologiques
Comme la plupart des techniques utilisées en routine des pathologies du contrôle de la ventilation, tel le syn-
pour évaluer le contrôle de la ventilation chez l’homme drome d’Ondine. Les patients qui en sont atteints présen-
reposent sur un signal issu de l’effecteur ventilatoire péri- tent une hypoventilation très sévère, toujours pendant le
phérique, il peut être pertinent de vérifier l’intégrité des sommeil (et à l’éveil aussi chez certains). Cette hypoventi-
voies de conduction nerveuse efférentes destinées aux lation s’associe à une réponse ventilatoire à l’hypercapnie
muscles respiratoires, et tout particulièrement au dia- abolie ou très réduite, elle-même en rapport avec une vrai-
phragme. L’intégrité des nerfs phréniques peut ainsi être semblable agénésie du noyau rétro-trapézoïde. Il a pour-
facilement évaluée par l’étude de la réponse EMG du dia- tant été possible d’observer des cas de restauration d’une
phragme à leur stimulation au niveau du cou, soit avec un réponse ventilatoire à l’hypercapnie chez des patientes
stimulus électrique, soit avec une stimulation magnétique sous contraception progestative [94]. Certains résultats
[71]. Lorsque l’intégrité des nerfs phréniques a été vérifiée, suggèrent qu’il pourrait également être possible de traiter
il est possible d’évaluer la conduction des voies d’origine pharmacologiquement certains syndromes d’apnées obs-
corticale destinées au diaphragme au moyen de la stimu- tructives du sommeil [95].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

• Diffusion des gaz


Échanges gazeux
24
• Transport de l’oxygène
et du gaz carbonique dans le sang
• Ventilation totale, alvéolaire, espace mort :
du « poumon idéal » au poumon réel Laurent Beydon, Christophe Soltner
• Rapports ventilation-perfusion Département d’anesthésie-réanimation, CHU, Angers
• Situations spécifiques
• Quelques spécificités d’espèces

es échanges gazeux constituent l’élément cen-


tral de la fonction respiratoire pulmonaire. Ils asso-
Diffusion à travers
cient essentiellement diffusion des gaz, ventilation la membrane alvéolaire [8, 9]
et perfusion alvéolaire. Ces principes font appel à
des équations non linéaires et les mécanismes phy- C’est la capacité d’un gaz à diffuser à travers la mem-
siologiques en cause sont interdépendants. Les brane alvéolaire (de l’air alvéolaire à l’hémoglobine), sous
échanges gazeux normaux constituent une partie l’effet d’un gradient de pression. Chez les protozoaires
complexe et fascinante de la physiologie respira- (0,5 mm de diamètre), la diffusion se fait directement à
toire. Nous évoquerons également des situations partir du milieu extérieur car la surface externe (surface de
extrêmes chez l’homme et quelques particularités diffusion) est grande au regard du volume total. Dès que
animales, témoignant des capacités adaptatives la taille de l’organisme augmente (le rapport entre surface
des échanges gazeux selon le milieu et l’espèce. corporelle et volume total diminue), la diffusion se fait
Nous envisagerons les causes principales de l’hypo- dans des organes spécialisés (épithélium respiratoire) de
xie : hypoventilation, anomalie de la diffusion, faible épaisseur (0,5-15 mm). Chez l’homme, la surface de
shunt et anomalies des rapports ventilation-perfu- cet épithélium est grande (≈ 100 m2) au regard de la sur-
sion [1-6]. face corporelle (≈ 1,8 m2). En pratique, oxygène (O2) et gaz
carbonique (CO2) sont les deux gaz dont la diffusion est
physiologiquement pertinente. Or, leur diffusion n’est pas

Diffusion des gaz mesurable en clinique humaine. On se fonde alors sur un


postulat : les pathologies perturbant la diffusion de l’oxy-
gène altèrent également celle du monoxyde de carbone
La diffusion des gaz n’est mue que par les gradients de dont la mesure est réalisable chez l’homme. Cette analogie
pression partielle des gaz entre les différents comparti- reste imparfaite. On distingue deux composantes dans la
ments de l’organisme, de l’atmosphère à la mitochondrie. diffusion, comme l’indique l’équation suivante :
Il en existe deux types.
1 1 1
= +
DL Dm θV
Mouvement des gaz où DL est la capacité de diffusion du gaz étudié, Dm la
dans les voies aériennes capacité de diffusion de la membrane alvéolaire, qVc la
capacité de diffusion des hématies dans le lit capillaire (q :
Les voies aériennes sont classiquement modélisées vitesse de diffusion dans 1 mL de sang total par minute et
comme 23 générations de segmentations binaires consé- par millimètre de mercure ; Vc : volume du sang capillaire).
cutives se terminant par les alvéoles [7]. Seules les divisions Ainsi, sous la dénomination « diffusion à travers la mem-
en aval de la 16e ont une fonction respiratoire. Le front de brane alvéolaire », on englobe en fait deux interfaces : la
gaz atmosphérique inhalé et propulsé par un mécanisme membrane alvéolaire et la paroi de l’hématie. 1/DL (l’in-
de convection (ventilation) se mélange avec le gaz alvéo- verse de la capacité de diffusion) correspond à la résistance
laire sous l’effet d’une diffusion axiale (dans le sens du flux) totale de ces deux interfaces.
et radiale (perpendiculairement au flux). Au final, les voies
aériennes contiennent, en fin d’expiration, du gaz alvéo- La pression partielle en oxygène (PO2) de l’air alvéolaire
laire qui diluera le gaz frais à la prochaine inspiration. est d’environ 100 mmHg. Or, le sang veineux arrive au
Cette mixique dans les voies aériennes, au cours de la res- capillaire pulmonaire avec une PO2 de 40 mmHg. C’est un
piration, dépend de nombreux facteurs comme la géomé- gradient de 60 mmHg d’oxygène qui va assurer la diffusion
trie bronchique, les débits, leur profil temporel et les à travers la fine membrane alvéolo-capillaire (<1 mm de dis-
inhomogénéités régionales. Elle est imparfaite et participe tance). Durant sont trajet capillaire, l’hémoglobine se
ainsi à l’« espace mort » qui sera envisagé plus loin. Cet sature graduellement et la fraction d’hémoglobine pou-
espace mort est subdivisé en une entité anatomique vant lier l’oxygène diminue proportionnellement à la dis-
(espace mort anatomique) et fonctionnelle (espace mort tance parcourue par l’hématie dans le capillaire. De ce fait,
alvéolaire), nous le reverrons. q diminue le long du capillaire. Mais la forme de la courbe

241
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

100 de saturation de l’hémoglobine (plate à PO2 élevée) fait


que la saturation est complète avant que la PO2 capillaire
Saturation de l'hémoglobine (%)

90
n’atteigne la PO2 alvéolaire.
80
pH 7 ,6
7
70 7, ,4 Déplacement vers la droite :
La diffusion (évaluée en clinique par la mesure de la dif-
2 fusion du monoxyde de carbone : DLCO) augmente natu-
60 (1) augmentation des ions H+
50 (2) augmentation du CO2 rellement avec l’hématocrite, le débit cardiaque et la
(3) augmentation de température masse corporelle, autant de facteurs qui favorisent l’extrac-
40
(4) augmentation du 2,3-DPG tion des gaz par le sang et augmentent ainsi le gradient
30 transmembranaire. Elle diminue avec l’âge et certaines
20 pathologies interstitielles. Mais la diffusion normale est
10 efficace et fait que l’hémoglobine est totalement saturée
0 dès que l’hématie a parcouru le tiers du capillaire, au
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 repos. À l’effort, le temps de transit diminue mais pas suf-
A Pression en oxygène (mmHg) fisamment pour limiter la diffusion. En revanche, en situa-
tion hypoxique (altitude) et a fortiori si le sujet réalise un
100 effort, la diffusion peut être incomplète et constituer un
facteur limitatif de l’oxygénation.
Chez l’homme, à l’air ambiant, la DLCO ≈
23 mL/min/mmHg ; la DmCO ≈ 34 mL/min/mmHg (DmO2 ≈
80 1,23 × DmCO) et le Vc ≈ 98 mL. Le gaz carbonique diffuse
Volume CO2/100 volumes de sang

à travers la membrane alvéolaire 20 fois mieux que l’oxy-


gène mais sa capacité de diffusion totale (incluant la com-
Saturation posante capillaire) n’est que deux fois plus élevée. On a
en O2 0 ainsi une diffusion totale de l’oxygène et du gaz carbo-
60 50 100 %
nique qui sont globalement équivalents.

40
Transport de l’oxygène
et du gaz carbonique
dans le sang [10-13]
20
L’oxygène est transporté sous forme combinée à l’hé-
moglobine et sous forme libre. Cette fonction de transport
de l’oxygène est envisagée dans un autre chapitre.
Néanmoins, il convient de rappeler que la courbe de dis-
0 20 40 60 80 100 sociation est de forme sigmoïde chez l’homme et varie ins-
B
PCO2 (mmHg) tantanément (0,12 s à 37 oC), lors du transit de l’hématie
dans le globule rouge, selon la composition du milieu
Figure 1 / Courbes de dissociation de l’oxygène (A) (effet Bohr). Ce phénomène permet de faciliter la fixation
et du gaz carbonique (B) de l’oxygène au niveau capillaire pulmonaire (en regard
Les effets Bohr et Haldane sont représentés. Les échelles des alvéoles, riches en oxygène, pauvres en gaz carbonique
ne permettent pas de constater le fait que la courbe
du gaz carbonique est plus raide que celle de l’oxygène.
et peu acides ; avec une participation de la concentration
PCO2 : pression partielle en dioxyde de carbone. de 2,3-diphosphoglycérate [2,3-DPG]). La situation s’in-
verse au niveau périphérique en favorisant le largage de
l’oxygène. L’hémoglobine facilite ainsi la diffusion en
créant un gradient d’oxygène sang/hémoglobine élevé qui
Concentration de CO2
favorise alors le gradient de diffusion d’« amont »,
Sang désoxygéné alvéole/sang. La courbe de saturation de l’hémoglobine,
(mL/L)
600 non linéaire, rend compte de la complexité des échanges
Sang artériel V gazeux portant sur l’oxygène (figure 1). La P50 (PO2 cor-
Sang oxygéné
Sang veineux
respondant à 50 % de saturation de l’hémoglobine) est de
26,3 mmHg chez l’adulte, au niveau de la mer.
400 A
La capacité de transport sanguin du gaz carbonique est
sensible à la PO2 (effet Haldane) (figure 2). Seul 10 % du
gaz carbonique est transporté sous forme dissoute et 10 %
sous forme de carbamine hémoglobine. L’essentiel du gaz
200 carbonique (80 %) est transporté sous forme de bicarbo-
CO2 dissous nate dans le sang, bicarbonate qui sera retransformé en
gaz carbonique au niveau pulmonaire.
0 En pratique, le gaz carbonique réagit avec l’eau pour
5 10 PCO2 former, dans le plasma et le globule rouge, de l’acide car-
(kPa) bonique (H2CO3), acide faible, qui se dissocie en ions bicar-
Figure 2 / La forme dissoute du gaz carbonique bonate (HCO3–) et carbonate (CO23–) :
représente une petite partie du gaz carbonique transporté CO2 + H2O ↔ H2CO3 ↔ H+ + HCO3–.
On voit également que l’effet Haldane potentialise le captage du gaz
carbonique par l’hémoglobine (Hb) au niveau cellulaire : l’affinité Cette première réaction est lente dans le plasma mais
de l’Hb pour le gaz carbonique augmente quand le sang est désoxygéné. rapide dans l’hématie, sous l’effet de l’anhydrase carbo-
nique. La seconde réaction est rapide et spontanée. Les

242
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Échanges gazeux 24

produits de cette réaction, HCO3–, sortent par diffusion de CO2 Tissu O2


l’hématie. H+ est peu perméable et reste captif. L’électro- Paroi capillaire
neutralité de l’hématie est obtenue par un échange de
chlore qui entre par diffusion dans l’hématie. CO2 + H2O ↔ H2CO3 ↔ HCO3– + H+
H+ + Pr– ⇔ HPr
Notons aussi que les bicarbonates se dissocient de façon Cl– Plasma
marginale en ions carbonates (CO23–) : H 2O
HCO3– ↔ H+ + CO23–. Cl– Déplacement du chlore
On peut résumer le métabolisme du gaz carbonique au H2O
H+
niveau capillaire sous forme d’un schéma de synthèse Ac
(figure 3). Au niveau sanguin tissulaire, le gaz carbonique CO2 + OH– HCO3– + H+ Hématie
suit trois voies :
• une combinaison avec des molécules d’eau, des bicarbo- H+ + HbO2– ⇔ HHb + O2
nates circulants et des tampons protéiques pour former CO2 + HbO2– ⇔ HbCO2– + O2
un complexe inactif ; A Hb carbaminée
• une diffusion dans les hématies qui conduit à la forma-
tion rapide de bicarbonates (HCO3–) et d’ions H+ en pré-
sence d’anhydrase carbonique (présente dans l’hématie Endothélium Épithélium
et non dans le plasma). Lorsque la concentration d’HCO3– du capillaire respiratoire
érythrocytaire ainsi formés augmente, ces ions HCO3– dif- Sang
fuseront vers le plasma. En effet, les ions H+ diffusent mal
à travers la membrane érythrocytaire. L’électroneutralité O2 HHb O2
de l’hématie qui accumule des ions H+ est alors assurée
par un échange de Cl– plasmatique qui entre dans les
hématies (effet dit de déplacement de chlore). Ces flux
sont facilités par un transporteur passif. Fait important, Tissus Environnement
ces ions H+ se combineront avec l’hémoglobine oxygénée
pour permettre le largage de l’oxygène, (étape mention-
HCO3– + H+ HbO2 H+ + HCO3–
née ci-dessous) ;
• une combinaison avec HbO2– (hémoglobine oxygénée)
pour former de la carbamine hémoglobine (HbCO2–), en
libérant de l’oxygène : CO2 + OH– OH– + CO2
HbO2– + CO2 ↔ HbCO2– + O2. B
Les deuxièmes et troisièmes assurent le transport du Figure 3 / Transport du gaz carbonique au niveau sanguin,
gaz carbonique par les hématies sous forme fixée via les à partir des tissus périphériques
bicarbonates, la pompe hémoglobine-ions H+ et la carba- A. Le bicarbonate (HCO3–) est la forme principale de ce transport.
mine hémoglobine. Ce mécanisme évite l’acidification B. Liaison-largage du gaz carbonique sur l’hémoglobine (Hb) :
du sang qui se produirait si les ions H+ circulaient libre- l’Hb est un important transporteur du gaz carbonique.
ment.
Le gaz carbonique réagit également avec les groupes
NH2 des protéines plasmatiques et érythrocytaires (dont
40 PCO2 (mmHg)
l’hémoglobine) pour former des composés carbaminés :
protéines-NH2 + CO2 ↔ H+ + protéine-NHCOO–. 48,0 40,0 35,0
Bicarbonate plasmatique (mM)

Au final, ce sont les bicarbonates qui sont la principale


forme de gaz carbonique dans le sang en condition nor-
male. La relation entre les concentrations de gaz carbo- 30 « Normal »
28
nique, pH et HCO3– suit la relation de Davenport (figure 4).
HCO3–
La solubilité du gaz carbonique dans les lipides (de l’en- 23
dothélium pulmonaire) est intense, ce qui explique que son
passage pulmonaire soit facile et rapide. Au niveau pulmo- 20
naire, les réactions sont inverses de la phase tissulaire :
7,35 7,45
l’oxygène qui entre dans les hématies et se combine avec Limite tampon
pH
l’hémoglobine libère les ions H+ de celle-ci : corps entier
HHb + O2 ↔ HbO2– + H+.
10
7,0 7,2 7,4 7,6 7,8
Les ions H+ se combinent avec les bicarbonates pour for-
mer du gaz carbonique qui diffuse vers l’alvéole : pH plasmatique
H+ + HCO3– ↔ OH– + CO2. Figure 4 / Diagramme de Davenport décrivant la relation
entre concentration plasmatique de bicarbonates,
Cette étape met en jeu le principe de diffusion facilitée pression partielle en dioxyde de carbone (PCO2) et pH
(figure 5).

243
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

CO2 Poumon O2 Par convention, lorsqu’une abréviation correspond à un


débit, on placera un point au dessus.
CO2 HCO3–
Ac Diffusion facilitée La ventilation qui correspond au volume d’air brassé
CO2 HCO3–
Ac Ac Paroi capillaire lors de la respiration par unité de temps appelée :
VE = f × VT (équation 1),
CO2 + H2O ↔ H2CO3 ↔ HCO3– + H+
H+ + Pr – ⇔ HPr où VT est le volume courant et f la fréquence respiratoire,
Cl– Plasma
peut être scindée en deux entités :
• la ventilation alvéolaire (VA), qui correspond au débit de
Cl– Déplacement du chlore gaz qui a participé aux échanges gazeux (provenant des
H 2O alvéoles) ;
H+ • la ventilation qui balaye l’espace mort (VD) constitué par
CO2 + OH– Ac le volume des voies aériennes non alvéolaires (voies
HCO3– + H+ Hématie
aériennes supérieures, trachée et les 16 premières divi-
H+ + HbO2– ⇔ HHb + O2 sions bronchiques) ainsi que les zones dites de transition
(car la transition entre espace mort et alvéolaire n’est pas
CO2 + HbO2– ⇔ HbCO2– + O2 instantanée).
Hb carbaminée
L’espace mort ne participe pas aux échanges gazeux. La
Figure 5 / Le passage du gaz carbonique au niveau pulmonaire ventilation totale (VE) correspond donc à :
déclenche un mécanisme de diffusion facilitée, au niveau de la barrière VE = VA + VD (équation 2).
alvéolo-artérielle, mettant en jeu l’anhydrase carbonique tissulaire
En physiologie, la ventilation alvéolaire est assimilée à
l’excrétion du gaz carbonique. L’air ambiant et, donc, l’es-
pace mort anatomique ne contiennent pas de gaz carbo-
nique. L’élimination (production) du gaz carbonique
(VCO2) correspond à :
Ventilation totale, VCO2 = VA × FACO2 (équation 3)

alvéolaire, espace mort : où FACO2 correspond à la concentration moyenne en gaz


carbonique alvéolaire. Cette dernière peut être mesurée
du « poumon idéal » chez le sujet sain où le gaz alvéolaire est relativement
homogène. Elle correspond à la concentration de gaz car-
au poumon réel [14, 15] bonique mesurée en fin d’expiration. On peut aussi mesu-
rer l’élimination du gaz carbonique en collectant les gaz
expiratoires, en mesurant leur concentration en gaz car-
Nous allons développer ici des concepts introductifs
bonique (FECO2) et la ventilation minute du patient (VE).
essentiels mais faux car ils reposent sur la notion d’un sys-
tème respiratoire idéal où toutes les alvéoles sont iden- Alors :
tiques sur le plan anatomique et fonctionnel, la transition VCO2 = VE × FECO2 + (VI × FICO2).
entre zones de conduction et zone alvéolaire étant homo- Ainsi, l’excrétion de gaz carbonique est la différence
gène et à même distance de la bouche pour toutes les entre la quantité de gaz carbonique inhalée et expirée.
bronches et aussi toutes les alvéoles. Chaque alvéole est Cette équation peut être simplifiée en :
par ailleurs « équilibrée » (elle a une ventilation quantita- VCO2 = VE × FECO2 (équation 4)
tivement égale à sa perfusion). Dans ce cas, la pression car l’air inspiré ne contient pas de gaz carbonique. La com-
artérielle en gaz carbonique (PaCO2) est égale à la pression binaison des équations 1 à 3 aboutit à l’équation suivante
alvéolaire en gaz carbonique (PACO2). Les limites de cette (dite équation de Bohr) qui définit l’espace mort (VD) :
situation idéale seront entrevues ici et développées plus
loin. (FA CO2 − FECO2 ) x VT
VD =
FA CO2

On peut décrire (VD) (dit espace mort anatomique)


Fraction expirée
de CO2 comme la fraction du volume courant qui est utilisée pour
ventiler les voies aériennes non alvéolaires. Elle s’exprime
I II III
comme la dilution (différence de concentration) du gaz
C carbonique alvéolaire dans le volume de l’espace mort au
D B cours de l’expiration.
Une autre méthode permet de mesurer l’espace mort
A
anatomique, en utilisant la mesure du N2 ou du gaz carbo-
nique expiré, selon la méthode de Fowler. La figure 6 mon-
tre trois phases distinctes :
Q F G • une première partie de l’expiration ne contient pas de
0 1,0 2,0 3,0 gaz carbonique ;
Volume expiré (L) • puis une phase de transition voit le gaz carbonique aug-
menter selon une courbe sigmoïde : c’est la zone de tran-
Figure 6 / Méthode de Fowler
sition entre l’espace mort anatomique et l’espace
La fraction expirée de gaz carbonique est représentée en fonction
du volume expiré. Les phases I à III sont représentées par des lignes alvéolaire ;
droites. Le point C correspond au gaz carbonique de fin • enfin, une zone théoriquement horizontale (poumon
d’expiration. L’espace mort anatomique est le volume matérialisé idéal) mais en réalité légèrement ascendante (poumon
par le point F sur l’axe des abscisses, déterminé par construction réel) reflète l’expiration de l’espace alvéolaire.
géométrique (on cherche à diviser par une verticale la phase II
de façon à ce que la surface QAF égale la surface ADB). L’espace mort « anatomique » correspond au volume
expiré jusqu’au milieu de la deuxième phase.

244
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Échanges gazeux 24

Cependant, le lien entre espace mort tel qu’il est Nous avons entrevu les étapes permettant de passer de
mesuré par l’équation de Bohr et l’espace représenté par la notion d’un poumon idéal à celle d’un poumon réel.
les voies aériennes non alvéolaires est une simplification Cette approche sera plus approfondie par le biais du
de la réalité : ces mesures d’un même volume ne sont pas concept de rapport ventilation/perfusion qui sera traité
superposables dans la mesure où la zone de transition plus loin et constitue la clé des échanges gazeux réels.
dépend des conditions de ventilation (pression notam-
ment), de la résistance des voies aériennes et de la compo- Mais au préalable, l’analyse d’un poumon idéal permet
sition du gaz respiratoire. Cette notion d’espace mort qui de modéliser la composition gazeuse des alvéoles par
vient d’être décrite suppose une vision binaire du système l’équation des gaz alvéolaires :
respiratoire où une partie alvéolaire du système respira-  I 2
1 − FO
toire assurerait des échanges gazeux idéaux, homogènes FA O2 = FO
I 2 – FA CO2 x FO + 
I 2 R 
et donc identiques pour toutes les alvéoles alors que l’es-
pace mort ne participerait pas aux échanges gazeux. La Or, on se souvient que d’après l’équation 3, FACO2 n’est
réalité est plus complexe car les alvéoles ne sont pas toutes autre que le quotient de la ventilation alvéolaire par la
identiques ni toutes « idéales » (comme cela a été évoqué production de gaz carbonique. Ainsi, d’après les équations
plus haut). Certaines d’entre elles s’éloignent de cet idéal 3 et 5, R correspond au quotient respiratoire défini comme
et ont un excès de perfusion alors que d’autres ont un
le rapport entre la production de gaz carbonique (VCO2)
excès de ventilation et ce, d’autant plus que le sujet est
divisée par la consommation d’oxygène (VO2) totale de
pathologique. Ce poumon inhomogène explique pourquoi
l’organisme :
la zone II du capnogramme n’est pas abrupte et la zone III
VCO2
pas horizontale. Ce dernier point, d’autant plus marqué R= .
que le poumon est pathologique, ne permet pas d’utiliser VO2
le capnogramme pour déterminer la PACO2. En effet, l’exis-
tence dans le poumon d’alvéoles plus ventilées que perfu- Cette équation est importante car elle montre que pour
sées (ce qui est le cas dans un poumon réel, non idéal) un métabolisme donné (R dépend de la nature des ingesta
explique qu’en réalité la PACO2 est plus basse que la PaCO2. du sujet), à une pression partielle alvéolaire donnée de gaz
En effet, la PACO2 des alvéoles saines (« idéales ») est diluée carbonique correspond une pression partielle alvéolaire
par l’air des alvéoles ventilées en excès (qui ont, de ce fait, fixe d’oxygène. Ainsi, si on considère un poumon idéal, il
une PACO2 plus basse que les alvéoles idéales). Dans ce cas, aura une composition en gaz alvéolaire connue. Cette
la différence entre PaCO2 et PACO2 est appelée gradient situation idéale serait celle où le poumon aurait le meilleur
alvéolo-artériel en gaz carbonique et constitue essentiel- rendement en termes d’échanges gazeux. Nous verrons
lement un marqueur de l’inhomogénéité de la perfusion qu’en réalité, le poumon est hétérogène et qu’il existe des
alvéolaire ou encore de la différence entre un poumon inhomogénéités de ventilation (VA) et de perfusion (Q) des
idéal et réel, voire pathologique. De façon symétrique, les alvéoles avec des rapports ventilation/perfusion (VA/Q) qui
alvéoles les moins ventilées sont responsables d’une PAO2 diffèrent au sein du poumon. Ces différences sont
plus élevée que la PaO2 et, ainsi, le gradient alvéolo-arté- modestes chez le sujet sain mais deviennent importantes
riel en oxygène reflète le versant complémentaire (venti- en pathologie.
lation) du gradient alvéolo-artériel en gaz carbonique
(perfusion) en termes d’inhomogénéité alvéolaire. Pour
pallier cette difficulté liée au fait que le gaz de fin d’expi-
ration ne représente pas la PACO2 d’un poumon idéal, Rapports
Enghoff a proposé d’utiliser la PaCO2 dans l’équation de
Bohr (dénommée alors équation de Bohr-Enghoff), défi- ventilation-perfusion [16-21]
nissant ainsi ce qu’il est convenu d’appeler l’espace mort
physiologique. Ainsi, dans un poumon idéal, l’espace mort
physiologique est égal à l’espace mort anatomique et n’est
Shunt
dû qu’aux voies aériennes non respiratoires, alors que dans Environ 2 % du sang ne passe pas par les alvéoles
un poumon réel et a fortiori pathologique, l’espace mort (veines de Thebesius cardiaques et bronchiques). Il en
physiologique est égal à l’espace mort anatomique plus résulte une baisse de la PaO2 de 5 mmHg, assez négligea-
l’espace mort alvéolaire. Apparaît ici un espace mort dit
ble.
alvéolaire qui rend compte du volume théorique constitué
des alvéoles non idéales, c’est-à-dire ventilées en excès de
leur perfusion. Sur le plan fonctionnel, on a deux espaces
morts en série : celui des voies aériennes non échangeuses
Gradients de perfusion
de gaz et celui des alvéoles peu fonctionnelles. En pra- et de ventilation
tique, l’équation de Bohr utilisant la PaCO2 permet de cal-
culer l’espace mort physiologique, alors que le test de En physiologie, la gravité joue un rôle déterminant
Fowler reste le standard pour la mesure de l’espace mort dans les échanges gazeux car elle modifie la perfusion et
anatomique. L’espace mort alvéolaire est simplement la ventilation régionale dans le poumon sain. Le poumon
obtenu par différence entre les deux précédents. idéal qui a servi à fixer les idées doit donc être complexifié
L’espace mort anatomique de l’homme (en millilitres) pour expliquer ce qui se passe réellement en tenant
est estimé à deux fois son poids (en kilos). Le rapport VD compte de l’effet de la gravité qui agit différemment sur
sur capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est constant chaque région pulmonaire, tant en termes de perfusion
selon les espèces. Cette réalité explique que la baleine ait que de ventilation (figure 7). En effet, les zones pulmo-
un VD d’environ 300 L et que la girafe en ait un « normal naires déclives sont plus perfusées que ventilées et inver-
pour sa capacité résiduelle fonctionnelle » car la longueur sement pour les zones situées en position haute. Cela
du cou est compensée par une trachée « anormalement résulte du poids du sang, favorisant la perfusion en zone
étroite » : la règle est ainsi respectée ! VD augmente avec déclive. Le poids du poumon tend également à collaber les
le volume pulmonaire, la fréquence respiratoire mais aussi alvéoles déclives. Le rôle des gradients régionaux de per-
la pression pulmonaire (notion importante en ventilation fusion est beaucoup plus important que celui des gradients
artificielle). de ventilation en termes d’échanges gazeux.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Pourtant, si ces gradients entraînent, chez un sujet sain,


des différences régionales de plus de 40 mmHg de PO2,
Distribution des rapports
leur conséquence sur la PaO2 est faible. En effet, la PO2 ventilation/perfusion
réelle n’est inférieure que de 5 mmHg à la PO2 qu’on
attendrait dans un poumon idéal. Si on considère un poumon idéal, il existe une relation
fixe entre PaO2 et PaCO2 qui dépend du rapport VA/Q des
Une représentation commune des gradients de perfu- alvéoles, toutes identiques. On voit que l’air alvéolaire
sion est figurée par les « zones de West ». En effet, pour dépend du rapport VA/Q selon une ligne courbe allant d’un
simplifier, on assimile la perfusion pulmonaire à une résis- extrême à l’autre (dans une alvéole perfusée et non venti-
tance de Starling (qui, comme un tuyau souple, peut se col- lée, l’air alvéolaire est identique au sang veineux mêlé ;
laber quand la pression transmurale s’annule) avec trois dans une alvéole non perfusée, il est identique à l’air
zones dites de West (figure 8). ambiant). Cette courbe n’est pas linéaire car elle dépend
En situation normale, la pression artérielle pulmonaire des courbes non linéaires de la dissociation de l’oxygène
est suffisante pour irriguer les sommets, ce qui fait que la et du gaz carbonique (figure 9).
zone I de West n’existe pas. Elle peut apparaître lors d’un Dans un poumon réel normal, le rapport VA/Q moyen
collapsus (par exemple une hémorragie) ou en ventilation des alvéoles est proche de 1 mais la distribution des rap-
artificielle à pression positive. ports VA/Q est inhomogène. Ces différences régionales de
ventilation et de perfusion expliquent que chez un sujet
sain, debout, les zones inférieures captent 20 fois plus
d’oxygène que les zones supérieures. Pour le gaz carbo-
nique, on retrouve un écart moindre, l’excrétion étant
0,5 5 fois plus importante aux bases qu’aux sommets. Certaines
3 alvéoles sont perfusées mais non ventilées (shunt) et d’au-
tres sont ventilées mais perfusées (espace mort), et les
Volume du poumon (% L/min)

autres ont un VA/Q compris entre ces extrêmes, centrées


0,10
Flux sanguin autour de la valeur 1. La pathologie élargit considérable-
2
VA/Q
ment la distribution des rapports VA/Q qui est un des
constituants majeurs des anomalies des échanges gazeux
VA/Q
. .

Ventilation et de l’hypoxie. En pathologie, l’effet de la gravité devient


marginal devant les inégalités locales de VA/Q qui sont
0,05
1 dues à des anomalies distales de ventilation et perfusion.
Ces anomalies des rapports VA/Q sont responsables d’une
augmentation de la différence alvéolo-artérielle en oxy-
Base Sommet
gène et en gaz carbonique qui est proportionnelle à l’im-
5 4 3 2 portance des anomalies de VA/Q. Cette différence
Nombre de côtes alvéolo-artérielle est de 4 mmHg pour l’oxygène chez le
sujet sain mais peut atteindre 50 mmHg en pathologie. On
Figure 7 / Répartition longitudinale de la perfusion (Q)
pourrait penser que la mesure de cette différence alvéolo-
et de la ventilation (VA), chez un sujet sain, debout
On voit que les rapports varient des sommets aux bases artérielle serait un bon moyen d’exploration du poumon
(d’après West et al. [22]). pathologique. Malheureusement, les inégalités de vidange
alvéolaire font que le plateau alvéolaire des gaz expirés

Zone 1
PA > Pa > PV

Zone 2
Alvéole Pa > PA > PV
Artère PA Veine

Pa PV

Distance
Figure 8 / Zones de West
Il existe trois régimes essentiels de perfusion
dans un poumon, du fait du gradient
de pression de perfusion qui s’applique
sur un système vasculaire collabable que
constitue la vascularisation pulmonaire
Zone 3 (d’après West et al. [22]).
Pa > PV > PA Pa : pression artérielle ;
PA : pression alvéolaire ;
Flux sanguin
PV : pression veineuse.

246
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Échanges gazeux 24

n’en est pas un : on ne peut recueillir de façon fiable de O2= 150 mmHg
CO2 = O
l’air alvéolaire en pathologie. Ces anomalies des rapports

B A C
VA/Q élargissent les différences alvéolo-artérielles en oxy-
gène et en gaz carbonique mais n’induisent pendant long-
temps qu’une hypoxie, sans hypercapnie. Les patients

O2 = 40 O2 = 100 O2 = 150
présentent une hyperventilation réflexe qui permet de

CO2 = 45 O2 = 40 CO2 = 40 CO2 = 0


normaliser l’élimination du gaz carbonique tant que l’es-
pace mort n’est pas considérable et les muscles respira-

CO2 = 45
toires performants. L’hyperventilation permet de diminuer
la PACO2 car il n’y a quasiment pas de gaz carbonique dans
l’air, ce qui fait que l’hyperventilation fait entrer un gaz
dépourvu en gaz carbonique dans les alvéoles et favorise

0 V /Q décroissant Normal VA/Q croissant


de façon proportionnelle l’épuration sanguine du gaz car-
m
A
bonique en maintenant un fort gradient sang-air en gaz
carbonique. Pour l’oxygène, il n’en est rien dans la mesure
où la pression partielle en oxygène de l’air est fixe tandis
que la courbe de dissociation de l’oxygène dans le sang
atteint une asymptote : l’hyperventilation induit certes une


augmentation « mathématique » de la pression partielle
50 V
A
alvéolaire en oxygène qui compense la diminution de la

0 VA/Q décroissant
pression partielle en gaz carbonique due à l’hyperventila-
Normal V

PO2 (mmHg)
/Q
tion. Mais ce gain n’est pas opérant car l’hémoglobine ne
A
cro
peut se saturer au-delà de 100 % quand la PO2 augmente

iss
de cette façon (la fraction dissoute d’oxygène dans le
an
t m
sang étant négligeable). Ce n’est que quand le patient
atteindra le stade de défaillance respiratoire que survien-
I
0 50 100 150
dra l’hypercapnie, témoin d’une incapacité à compenser la

PO2 (mmHg)
pathologie. En revanche, l’administration d’oxygène, en
augmentant de façon considérable le gradient alvéolo-
artériel (jusqu’à 600 mmHg !) permet de gommer les
conséquences de l’anomalie des bas rapports VA/Q. La dis-
parition de l’hypoxémie sous oxygène pur signifie que l’hy-
poxémie est liée à des anomalies des rapports VA/Q mais Figure 9 / Les rapports ventilation/perfusion (VA/Q) d’un poumon
que la part d’un shunt vrai (zones strictement non venti- idéal suivent une ligne théorique spécifique (d’après West [18])
lées) est faible. En effet, si l’hypoxie était uniquement liée PO2 : pression partielle en oxygène.
à un shunt vrai, l’oxygène ne changerait rien puisque les
alvéoles pathologiques ne seraient pas ventilées : l’oxy-
gène resterait sans effet. Un mécanisme physiologique
permet de limiter les conséquences d’une hypoxémie
régionale due à des bas rapports VA/Q : c’est la vaso-
constriction hypoxique. Quand une alvéole a une
PO2 < 50 mmHg, sa perfusion est diminuée, voire suppri- inertes élaborée par Wagner et al. Ces auteurs ont mis au
mée, par vasoconstriction réflexe. Les zones à bas rapports point un modèle théorique de poumon constitué de
VA/Q sont ainsi « exclues » d’un point de vue fonctionnel. 50 compartiments (« alvéoles »), pour lesquels on est en
Ce mécanisme est crucial en pathologie. On retiendra que mesure de calculer la distribution des rapports VA/Q. Ce
toute augmentation du débit cardiaque ou toute drogue modèle comporte quelques limites que nous ne détaille-
vasodilatatrice va annihiler ce mécanisme régional salva- rons pas. Son application en clinique se fait en perfusant à
teur et aggraver l’hypoxie. L’administration d’oxygène pur un sujet une solution contenant des traces de six gaz
présente aussi un inconvénient : les unités à rapport VA/Q inertes de coefficients de diffusion dans le sang très diffé-
très bas (très mal ventilées) peuvent se collaber. En effet, rents. On recueille à l’état stable des échantillons de sang
l’oxygène diffuse massivement de l’alvéole au sang (du fait artériel, de sang veineux mêlé et des gaz expirés. Ces para-
d’un gradient en oxygène élevé) alors que le gaz carbo- mètres associés à la mesure du débit cardiaque et de la
nique diffuse peu du fait de l’hypoventilation locale. Le ventilation minute permettent de calculer la distribution
volume net de l’alvéole diminue et conduit au collapsus. des rapports VA/Q, chez un sujet donné selon une méthode
Un autre mécanisme compensateur de l’hypoxémie pour- complexe que nous ne détaillerons pas.
rait intervenir pour les alvéoles à rapport VA/Q élevé (très
peu perfusées, le gaz carbonique « n’arrive alors plus ») : Cette représentation graphique d’un modèle théorique
la chute de la PACO2 qui en résulte induirait une broncho- de poumon à 50 compartiments est très parlante pour
constriction réflexe, tendant également à « exclure » ces figurer de façon globale les échanges gazeux. Des exem-
alvéoles sur le plan fonctionnel. ples de distribution des rapports VA/Q dans diverses patho-
logies sont représentés dans les figures 10 et 11.
La mesure des rapports VA/Q n’est pas simple en rou-
tine. On a vu que les composants de l’espace mort pou- On peut conclure par un diagramme qui résume la
vaient se mesurer par les gaz du sang et le gaz carbonique chute des pressions d’oxygène au cours du transit dans l’or-
expiré. En revanche, la différence alvéolo-artérielle en oxy- ganisme (figure 12). Chaque étape induit une perte de
gène n’est pas fiable en pathologie. Ceci explique l’intérêt pression partielle d’autant plus importante que le compo-
de mesurer les rapports VA/Q par la méthode dite des gaz sant est pathologique.

247
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

1,5
Éthane Halothane Acétone
SF6 Cyclopropane Éther
Ventilation

Ventilation ou flux sanguin (L/min)


1,0
Artériel 1,0 Flux sanguin
0,8 veineux
de rétention des gaz inertes

0,6
Pression pratielle

Expiré
veineux 0,5
0,4

0,2
Pas de shunt
0
0 0,01 0,1 1,0 10 100 0 0,01 0,1 1,0 10 100
Coefficient de partage air-sang VA/Q

Figure 10 / La pression partielle des 6 gaz inertes suit le modèle théorique d’un poumon quasi homogène
À droite, la distribution de la ventilation (cercles ouverts) et de la perfusion (cercles pleins) est centrée autour des VA/Q = 1.
Le poumon est normal, homogène (d’après Wagner et al. [17]). VA/Q : rapport ventilation/perfusion.

Éthane Halothane Éther Acétone


A
SF6 Cyclopropane
1,2
1,0
Ventilation ou flux sanguin (L/min)

Artériel Ventilation
de rétention des gaz inertes

0,8 veineux
Shunt 8,1 %
Pression pratielle

0,8
0,6
Expiré
veineux
0,4

0,2 0,4 Flux sanguin

0 0,01 0,1 1,0 10 100


Coefficient de partage air-sang
0
0 0,01 0,1 1,0 10 100
VA/Q
0,6 B 1,2
Ventilation ou flux sanguin (L/min)

Flux sanguin Ventilation


Shunt 15,8 %
en respiration O2 pur
Respiration d'air
0,4 0,8 Respiration d'O2 pur
Flux sanguin (L/min)

Shunt 8,1 %
0,2 en respiration d'air
Shunt 3,1 % 0,4

0
0 0,01 0,1 1,0 10 100 0
VA/Q

0,01 0,1 1,0 10 100


0
VA/Q

Figure 11 / Distribution des rapports ventilation/perfusion (VA/Q) chez un emphysémateux


Présence de shunt et augmentation de la ventilation des zones à haut VA/Q (gauche) et chez un traumatisé thoracique (droite) :
A, courbe de ventilation et de perfusion en air ambiant (shunt 8,1 %) ; B, chez le même patient, courbe de perfusion en air ambiant
(courbe bleue, identique en A) et en oxygène pur (courbe grise). Noter que l’administration d’oxygène augmente le shunt
(d’après Wagner et al. [17] et West [16]).

248
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page249

Échanges gazeux 24

Situations spécifiques ration du sang artériel en oxygène [SaO2]) en situation


d’hypoxie d’altitude (PaO2 basse), la pente « raide » de la
courbe de dissociation de l’hémoglobine permet un relar-
Exercice gage plus important d’oxygène pour de plus petites diffé-
rences de PaO2 qu’au niveau de la mer (PaO2 haute). L’effet
L’exercice met les échanges gazeux et plus générale- Bohr est important en altitude et deux mécanismes s’op-
ment le système cardiopulmonaire en situation de posent : l’hypocapnie tendrait à déplacer la courbe vers la
demande majeure [24, 25]. Ainsi, à l’effort maximum, les gauche, favorisant la fixation pulmonaire de l’oxygène
muscles respiratoires et le cœur doivent augmenter la puis- mais pénalisant son largage périphérique, tandis que la
sance mécanique fournie d’un facteur respectivement concentration de 2,3-DPG augmente sous l’effet de l’hypo-
de 50 et 8 par rapport au repos pour faire face au méta- xie (phénomène d’installation rapide : 24 heures), qui tend
bolisme oxydatif musculaire multiplié par 100. La ventila- à augmenter l’effet Bohr et favorise le captage de l’oxy-
tion minute est supérieure à 150 L/min. Même dans les gène. En revanche, si le patient est victime d’hypothermie,
conditions d’effort extrême, au niveau de la mer, les per- la courbe de dissociation de l’hémoglobine se déplace
formances énergétiques de la pompe respiratoire ne sont durablement vers la gauche, pénalisant cette fois le relar-
pas un élément limitatif aux besoins métaboliques. La PaO2 gage de l’oxygène et l’oxygénation tissulaire. Enfin, en alti-
reste stable autour de 91 mmHg à l’effort chez le sujet sain tude, la quantité d’oxygène transportée diminue car
mais non athlétique, sur une large gamme d’intensités de chaque molécule d’hémoglobine est moins saturée qu’au
niveau de la mer (figure 13). Cet effet est partiellement
l’effort. La diffusion ne semble pas un facteur limitatif. À
compensé par une augmentation rapide (dès la 24e heure)
l’effort maximum chez un athlète entraîné on assiste à une
baisse de la PaO2 (rapportée à 75 mm) qui serait attribuée
à une limitation de la capacité de diffusion en raison d’un
temps de transit capillaire des hématies devenu insuffisant,
même si la diffusion de l’oxygène à travers la membrane
augmente à l’effort. Il pourrait aussi s’agir d’une majora-
tion du shunt physiologique, malgré le fait que l’effort
tend à optimiser les rapports VA/Q. Le transport d’oxygène
et de gaz carbonique vers les muscles est optimisé par la
vasoconstriction des territoires splanchnique et rénal. La
consommation en oxygène (VO2) maximale augmente avec
l’entraînement mais est limitée par la capacité d’augmen-
tation du débit cardiaque. Cette consommation et celle en
gaz carbonique (VCO2) suivent une montée et une décrois-
sance exponentielle après le début et la fin de l’effort res-
PO2 (mmHg)

pectivement. Il se constitue un déficit initial et une dette


terminale de l’effort correspondant à l’utilisation et à la
resynthèse de l’adénosine triphosphate (ATP).

Respiration en altitude [4]


La diminution de la pression barométrique avec l’alti-
tude induit une diminution proportionnelle de la pression
partielle des gaz de l’atmosphère (et non de la fraction
inspirée en oxygène [FiO2] qui reste de 21 %) et, donc, de
la pression alvéolaire des gaz respiratoires. Il en résulte Figure 12 / Gradients de pression partielle en oxygène (PO2) le long
une hypoxémie « hypobarique » : pression partielle atmo- du « trajet de l’oxygène » dans l’organisme d’un poumon normal
sphérique en oxygène au sommet = 49 mmHg, contre La plage de distribution des rapports ventilation/perfusion (VA/Q)
160 mmHg au niveau de la mer... figure sous forme de rectangle (les valeurs d’un poumon
totalement homogène figurent en pointillés). La pathologie
L’adaptation à l’altitude met en jeu des phénomènes d’une ou de plusieurs étapes ferait chuter la PO2 au niveau artériel,
précoces puis différés. de façon proportionnelle à l’importance de l’anomalie (non figurée
sur ce schéma) (d’après West et al. [22]).
Phénomènes précoces
Il s’agit de l’hyperventilation du fait de l’augmentation
de la commande respiratoire centrale (par stimulus hypo- 100
xique). Cette hyperventilation, en abaissant la PACO2
(responsable d’une alcalose ventilatoire), augmente la 90
PAO2 (l’oxygène « prend ainsi la place du gaz carbonique »)
et compense partiellement la faible PO2 ambiante. 80
SaO2 (%)

Air
Malheureusement, à ce stade, le stimulus hypoxique est en O2
partie atténué par l’hypocapnie concomitante : l’hyperven- 70
tilation n’est pas maximale. En quelques jours, le pH du
liquide céphalorachidien se normalise (sous l’effet de l’ac- 60
tion locale de l’anhydrase carbonique : baisse des bicarbo-
nates) et les centres ne sont plus inhibés par l’alcalose des 50
chimiorécepteurs centraux : l’hyperventilation augmente 0 5 000 10 000 15 000
jusqu’à un facteur 5. La courbe de dissociation de l’hémo- Altitude (m)
globine compense partiellement l’effet de l’altitude : pour Figure 13 / Évolution de la saturation artérielle en oxygène (SaO2)
une même extraction d’oxygène (correspondant par ex., d’un sujet en altitude, selon qu’il respire de l’air ou de l’oxygène pur
chez un sujet normal, à une diminution de 25 % de la satu-

249
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

de la concentration en hémoglobine circulante – par un résistance respiratoire (écoulement des gaz dans les voies
phénomène d’hémoconcentration lié à une baisse adapta- respiratoires qui augmentent selon le carré de la pression),
tive de la sécrétion d’hormone antidiurétique (ADH, anti- une altération des rapports VA/Q (augmentation de l’espace
diuretic hormone) qui stimule la diurèse alors que les pertes mort) et une diminution de la diffusion des gaz. Ces ano-
respiratoires sont accentuées par l’hyperventilation. malies sont compensées par une augmentation de la venti-
L’augmentation du débit cardiaque compense également le lation, au prix d’un travail respiratoire (générateur de
déficit relatif de transport de l’oxygène en augmentant ce fatigue) qui croît avec la profondeur. Cette fatigue respira-
transport et recrute par ailleurs le lit capillaire pulmonaire. toire est potentiellement aggravée par une diminution de
Conjointement avec l’hyperventilation, l’augmentation du la réponse à l’hypercapnie, en hyperbarie, qui atténue la
débit cardiaque conduit à une amélioration des rapports VA/Q. réponse ventilatoire qui permettrait de compenser l’effort
respiratoire imposé. Par ailleurs, l’inhalation de gaz moins
Phénomènes tardifs denses que l’air (hélium/oxygène ou hydrogène/oxygène)
permet de diminuer les résistances respiratoires (résistances
Il s’agit de la polyglobulie permettant une augmenta- respiratoires en air à 60 m = résistance en hélium/oxygène
tion du transport en oxygène via une augmentation de à 500 m = résistance en hydrogène/oxygène à 1 000 m). Les
l’hémoglobine circulante par une sécrétion accrue d’éry- gaz peu denses (hélium, hydrogène) utilisés comme vecteur
thropoïétine. Cet effet complète celui lié à l’hémoconcen- de l’oxygène offrent également un meilleur coefficient de
tration précoce. Cette adaptation explique qu’un sujet diffusion que l’azote de l’air. L’hélium, à grande profon-
présente des signes cliniques éventuellement graves (mal deur, génère une stimulation de la commande respiratoire
des montagnes) lors de la montée rapide à des altitudes qui favorise l’hyperventilation. Cette propriété constitue un
de l’ordre de 3 500 m alors qu’une adaptation de quelques autre avantage physiologique. Tous ces éléments justifient
jours permet d’atteindre des altitudes de l’ordre de l’usage de tels gaz vecteurs, seul moyen d’atteindre des
5 000 m sans problème. Il existe cependant une susceptibi- profondeurs élevées. D’autre part, l’augmentation de pres-
lité individuelle à la tolérance à l’altitude. Les hématocrites sion en profondeur fait que l’oxygène augmente de façon
anormalement élevés liés à l’adaptation ont également des importante du fait de l’oxygène dissous, exposant aux
effets délétères au niveau de la microcirculation : augmen- risques de toxicité de l’oxygène.
tation de la viscosité sanguine, microthromboses. On a vu
que la stimulation respiratoire est maximale. Inversement, Une autre anomalie est le fait que l’affinité de l’hémo-
l’alcalose respiratoire conduit le rein à éliminer de grandes globine pour l’oxygène augmente en hyperbarie du fait
quantités de bicarbonates. L’organisme dispose d’un stock d’une action directe sur l’hémoglobine et via le 2,3-DPG
de tampons moindre, ce qui l’oblige à éliminer le gaz car- qui diminue. Enfin, en hyperbarie, l’anhydrase carbonique
bonique produit par le métabolisme (et l’effort physique) quitte le cytoplasme du globule rouge pour se fixer sur sa
par voie essentiellement respiratoire. Cela augmente la membrane. Il s’ensuit une réduction de la production de
ventilation alvéolaire et risque de dépasser les limites pos- bicarbonate à partir du gaz carbonique libre et une accu-
sibles de la ventilation. Ceci explique pourquoi, après une mulation de ce dernier qui peut se situer dans la circulation
adaptation, la dernière partie de l’ascension de l’Everest et former des bulles.
doit se faire dans un temps limité, faute de quoi les bicar- L’hyperbarie augmente le refroidissement lié aux gaz
bonates seront éliminés et le sujet s’épuisera, entrant dans inspirés, proportionnellement à la masse volumique du gaz
le cercle vicieux fatigue respiratoire, hypoventilation rela- (sa densité). Il en résulte une bronchoconstriction qui
tive, hypoxémie fatale. accroît le travail respiratoire (comme tout gaz froid inhalé)
et oblige à un réchauffement actif et intense des gaz ins-

Respiration pirés à grande profondeur.

et plongée sous-marine [5] Respiration in utero


La pression hydrostatique augmente de 1 atmosphère
tous les 10 mètres et, parallèlement à elle, la densité La PaO2 du sang artériel fœtal est basse, notamment en
gazeuse et la viscosité. Il s’ensuit une augmentation de la fin de grossesse [26-28] (figure 14). En effet, le placenta
perd graduellement de son pouvoir de diffusion au cours
du temps. Le fœtus dispose d’une hémoglobine particu-
lière (hémoglobine F) qui a une affinité supérieure pour
l’oxygène que celle de l’adulte sain. Cette affinité permet
au fœtus de se développer alors que la PaO2 dont il dispose
est similaire à celle d’un adulte au sommet de l’Everest.
Certaines grandeurs chez le fœtus sont très différentes
de celles de l’adulte :
• quantité d’hémoglobine = 16,5 contre 12 g/100 mL ;
• température fœtale + 0,5 °C par rapport à celle de
l’adulte ;
• pH = 7,36 contre 7,40 ;
• PaCO2 = 45 contre 35 ;
• contenu en oxygène = 15 contre 16 mL/dL (artères uté-
rines contre veine ombilicale) et 11 mL/dL (veines utérines
et artères ombilicales) ;
• capacité de diffusion en oxygène et gaz carbonique du
fœtus = 1/13 de celle du poumon ;
• la consommation en oxygène du placenta = 10 % tandis
que celle du poumon maternel est inférieure à 1 % ;
Figure 14 / Illustration des caractéristiques principales • shunt placentaire = 20 % contre environ 2 % pour le pou-
des échanges gazeux placentaires, humains mon ;
Pa : pression artérielle ; Pv : pression veineuse ; Hb : hémoglobine. • débit sanguin placentaire = 60 % du débit cardiaque
maternel contre 100 % pour le poumon de la mère.

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Échanges gazeux 24

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

25
Physiologie bronchique
• Anatomie – Histologie
• Physiologie
Mathieu Raux*, Caroline Duracher**
• Anesthésie et bronches
* Département d’anesthésie-réanimation,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
** Département d’anesthésie réanimation, Hôpital Necker-Enfants malades,
université René-Descartes (Paris-V), Paris

Anatomie – Histologie croît au fur et à mesure des divisions. Leur présence dans
la paroi des bronchioles caractérise la zone de transition
et d’échanges gazeux. L’unité fonctionnelle branchée en
Arbre bronchique : aval des bronchioles terminales porte le nom d’acinus. Au-
delà de la 20e division, les bronchioles sont entièrement
de la conduction aux échanges bordées d’alvéoles et portent alors le nom de canal alvéo-
laire. C’est à la 23e et dernière division que ces canaux for-
L’arbre bronchique représente l’ensemble des voies de ment le sac alvéolaire. Les échanges gazeux peuvent donc
conduction de l’air inspiré. Il naît de la bifurcation tra- avoir lieu au niveau des alvéoles des bronchioles respira-
chéale, ou carène, et se termine par les canaux alvéolaires. toires, de celles des canaux alvéolaires ou bien de celles des
Il se caractérise par des divisions successives, chacune don- sacs alvéolaires.
nant naissance à deux bronches filles à partir d’une bronche
mère. À chaque division, le diamètre des bronches décroît
d’un facteur constant, de l’ordre de 15 à 20 % [1, 2]. Cette
réduction de diamètre répond à une loi hydrodynamique
Histologie
visant à optimiser le flux d’air dans l’arbre bronchique. Le de l’arbre bronchique
diamètre de chaque bronche fille correspond donc à 75 %
du diamètre de la bronche mère et la surface de section La coupe d’une bronche met en évidence différentes
totale d’aval augmente à chaque division. Le flux respira- couches, dont l’importance varie en fonction du niveau de
toire décroît proportionnellement à cette augmentation de division. Schématiquement, on retrouve, de la lumière vers
surface à chaque nouvelle génération bronchique, la périphérie : l’épithélium respiratoire reposant sur une
jusqu’aux alvéoles où il devient quasiment nul. La diffusion membrane basale, le chorion composé de fibres muscu-
devient alors le seul mécanisme d’échanges gazeux [3, 4]. laires, de fibres élastiques, de glandes muqueuses et de
Les divisions se produisent jusqu’à la 23e génération. canaux collecteurs et, enfin, la paroi formée de cartilage.
Au-delà des particularités histologiques, que nous aborde-
rons dans le paragraphe suivant, l’arbre bronchique peut Épithélium
être scindé en deux zones aux rôles distincts.
La muqueuse de l’arbre bronchique est un épithélium
respiratoire de hauteur variable reposant sur une mem-
Zone de conduction brane basale. Au niveau trachéal, il est pseudo-stratifié,
Cette zone de l’arbre bronchique regroupe l’ensemble pour devenir unistratifié au fur et à mesure des divisions.
des bronches jusqu’à la 17e division. Elle ne comporte Au niveau de la zone de conduction, il comporte dans sa
aucune alvéole et ne participe donc pas aux échanges couche profonde des cellules basales dont la fonction est
gazeux. C’est une zone appartenant à l’espace mort ana- d’assurer la régénération épithéliale après une agression.
tomique, dont le volume est évalué à 150 mL chez l’adulte. Il comprend par ailleurs des cellules de Kulchtisky aux fonc-
On parle de bronches jusqu’à la 7e génération. Au-delà, les tions neuro-endocrines. Dans sa couche plus superficielle,
voies de conduction prennent le nom de bronchioles. La on retrouve les cellules les plus importantes par leur nom-
zone de conduction se termine par les bronchioles termi- bre : les cellules ciliées. Elles se caractérisent par l’existence
nales. La fonction première de cette zone est de véhiculer de cils apicaux et possèdent une fonction très importante
l’air inspiré. Mais nous verrons ultérieurement qu’elle rem- dans la lutte contre les agressions. La couche superficielle
plit d’autres fonctions, en particulier le conditionnement comprend par ailleurs des cellules non ciliées sécrétrices
de cet air. dites cellules caliciformes, mais aussi non sécrétrices comme
les cellules intermédiaires ou en brosse. Les cellules calici-
Zone de transition formes comportent des grains de sécrétion riches en
et d’échanges gazeux mucine à leur pôle apical, libérés en cas d’agression dans
la lumière bronchique. Leur nombre augmente avec l’in-
En aval des bronchioles terminales naissent les bron- flammation. Ces cellules sont remplacées par les cellules de
chioles respiratoires. Elles se caractérisent par l’apparition Clara au niveau de la zone de transition et d’échanges,
d’alvéoles au niveau de leurs parois. Le nombre d’alvéoles alors que l’épaisseur de l’épithélium diminue.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Chorion laire et de stabiliser les voies aériennes notamment lors de


l’expiration forcée [5]. Tous ces rôles sont imparfaitement
Le chorion supporte la lame basale sur laquelle repose compris mais permettent de souligner l’implication du
l’épithélium. C’est un tissu conjonctif riche en fibres élas- muscle lisse des voies aériennes dans plusieurs situations
tiques, mais aussi en cellules musculaires lisses. Initialement pathologiques.
longitudinales, ces cellules musculaires lisses deviennent
hélicoïdales au fur et à mesure des divisions. Le chorion Sur le plan physiopathologique, il est fondamental de
comprend par ailleurs les glandes sous-muqueuses ainsi comprendre que la résistance de l’arbre aérien bronchique
que leurs canaux collecteurs. Le nombre de ces glandes dépend du rayon de la lumière de la bronche et que la
diminue progressivement avec les divisions. Elles disparais- bronchomotricité n’est qu’un des déterminants de ce
sent totalement au niveau des bronchioles respiratoires, rayon. Ce dernier peut être diminué en dehors de toute
c’est-à-dire dans la zone de transition et d’échanges. contraction de la fibre musculaire lisse, par exemple lors
D’autre part, on retrouve dans ce chorion les axes vascu- d’un œdème de la muqueuse, dont la principale étiologie
laires. est l’insuffisance cardiaque gauche. Ceci explique les sibi-
lants observés chez ces patients à la phase interstitielle de
l’œdème pulmonaire cardiogénique. La sémiologie auscul-
Paroi tatoire peut alors se révéler insuffisante pour préciser l’ori-
Elle est constituée de cartilage, assurant l’architecture gine de la symptomatologie dyspnéique chez des
et la rigidité des grosses bronches. L’épaisseur de ce carti- personnes porteuses d’une insuffisance cardiaque et d’une
lage s’amenuise pour disparaître à partir de la 7e division. bronchopneumopathie chronique obstructive.
Les bronchioles sont donc caractérisées par l’absence de Le rayon de la lumière dépend par ailleurs des forces
cartilage. d’ouverture, représentées par la traction élastique du
parenchyme pulmonaire sur les bronches. Ce faisant,
• L’arbre bronchique comprend 23 divisions à partir toutes les situations de diminution du volume pulmonaire
de la trachée. Les 17 premières ne participent pas (dont l’anesthésie générale) peuvent conduire à une dimi-
aux échanges gazeux. nution de la traction exercée par le poumon sur les
• La diminution progressive du diamètre des bronches et favoriser la survenue de manifestations cli-
bronches s’accompagne d’une augmentation de niques d’hyperréactivité bronchique du type « sibilant »
leur surface totale de section, donc d’une diminu- sans aucune composante bronchoconstrictrice.
tion du débit de l’air inspiré. Il est donc inexact d’assimiler un signe clinique tradui-
• Les bronches sont constituées de trois tuniques : sant l’augmentation des résistances bronchiques (les sibi-
l’épithélium, le chorion et la paroi. lants) à une seule des causes d’augmentation de ces
• Elles perdent leur cartilage à partir de la 7e géné- résistances (le bronchospasme).
ration.

• La résistance des voies aériennes est inversement

Physiologie
proportionnelle à la puissance 3 du rayon de la
lumière bronchique (loi de Poiseuil).
• Le rayon de la lumière dépend de la taille de la
Convection de l’air bronche, de l’épaisseur de la muqueuse, des forces
de fermeture (bronchoconstriction, tension de sur-
face) et des forces d’ouverture (traction élastique
L’arbre bronchique a pour fonction d’amener l’air ins-
du parenchyme pulmonaire).
piré jusqu’aux régions d’échanges gazeux que sont les
• Les sibilants, symptomatologie traduisant l’aug-
alvéoles. Comme nous l’avons vu précédemment, il peut
mentation des résistances des voies aériennes, peu-
être divisé en différentes zones, selon les fonctions qu’il
vent être le reflet d’un œdème de la muqueuse,
remplit. Dans sa portion de conduction, c’est-à-dire jusqu’à
d’une bronchoconstriction ou d’une diminution des
la 17e division (avant les bronchioles terminales portant des
forces de rétraction.
alvéoles), il n’assure aucun échange gazeux. Il participe
conjointement avec les muqueuses des voies aériennes
supérieures (nez, pharynx, etc.) au réchauffement et à l’hu- La physiologie de la bronchomotricité fait appel à un
midification de l’air inspiré. effecteur, l’appareil contractile constituant la cellule mus-
culaire lisse des voies aériennes, ainsi qu’à de multiples
mécanismes de contrôle.
Muscle lisse
des voies aériennes Mécanismes contractiles
et bronchoconstriction du muscle lisse bronchique
Les myofilaments sont les constituants principaux de la
La fonction principale du muscle lisse bronchique n’est cellule musculaire lisse. On distingue les filaments épais,
pas clairement établie. Il est impliqué, à travers la broncho- composés de myosine, et les filaments fins, composés d’ac-
constriction, comme première ligne de défense du pou- tine et de protéines régulatrices associées. Les filaments
mon. Cette bronchoconstriction s’oppose à la pénétration intermédiaires, le troisième type de filaments présents,
d’agents irritants dans les voies aériennes (polluants, irri- jouent un rôle uniquement structural dans le maintien de
tants, etc.) en augmentant le flux turbulent et en aidant l’organisation architecturale du système des myofilaments.
l’expulsion du mucus. Elle intervient également dans le
maintien de l’homogénéité des rapports ventilation/perfu- La théorie des filaments glissants représente le méca-
sion. Elle reste toutefois transitoire et ne peut servir de nisme universel de la contraction [6]. Selon cette théorie,
mécanisme d’adaptation durable en cas de situation la force d’un muscle est générée par des ponts actine-myo-
pathologique. La contraction du muscle lisse des voies sine indépendants. L’attachement de l’actine sur la tête de
aériennes permet, dans une moindre mesure, de diminuer myosine permet la formation d’un pont actine-myosine. Ce
l’espace mort par augmentation de la ventilation alvéo- pont exerce une traction, un raccourcissement et donc un

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Physiologie bronchique 25

travail, puis se détache. L’énergie nécessaire à l’interaction culum. Quant au DAG, il peut activer la protéine kinase C
actine-myosine provient de l’hydrolyse de l’adénosine tri- qui jouerait un rôle dans l’établissement et le maintien de
phosphate (ATP). Ces interactions répétées entraînent un la phase tonique de la contraction.
glissement relatif des filaments d’actine par rapport aux
filaments de myosine, conduisant au rapprochement des Contrôle de la bronchomotricité
corps denses et à la génération d’une force aux extrémités
de la cellule musculaire lisse. La bronchomotricité est régulée par deux systèmes :
neuronal et humoral. Cette régulation complexe est indis-
Le déclenchement de la contraction suppose une étape pensable à l’efficience de ce mécanisme de défense du
prérequise correspondant à la phosphorylation de la poumon contre l’agression physique (figure 3).
chaîne légère régulatrice de la myosine par la kinase de la
chaîne légère régulatrice de la myosine (MLCK, myosin
light chain kinase). L’activation de la MLCK se produit
lorsque la concentration en calcium libre intracytosolique
augmente. Le calcium se lie à une calciprotéine de 17 kDa,
la calmoduline. Ensuite, la MLCK se lie sur le complexe cal-
cium-calmoduline pour former une phosphotransférase Complexe
catalytiquement active : le complexe calcium-calmoduline- Ca2+-calmoduline Relaxation
MLCK. La fonction de ce complexe est de phosphoryler de
manière réversible la chaîne légère régulatrice de la myo-
sine. Une fois cette dernière phosphorylée, la tête de la Myosine
myosine peut interagir avec le filament fin d’actine pour
hydrolyser une molécule d’ATP et déclencher un cycle d’in-
teractions actine-myosine générant une contraction et, MLCK MLCP
selon la charge qui fait face au muscle, un raccourcisse-
ment. La déphosphorylation de la chaîne légère régulatrice
de la myosine est réalisée par une phosphatase de type II,
la phosphatase de la chaîne légère régulatrice de la myo- Myosine phosphorylée
sine (MLCP, myosin light chain phosphatase), précédant
habituellement la relaxation (figure 1).
Contraction

Couplage excitation-contraction Figure 1 / Mécanismes de régulation de la contraction


de la cellule musculaire lisse bronchique
Le déclenchement ou le maintien de la réponse contrac- MLCK : myosin light chain kinase ;
tile apparaît à la suite d’une variation du potentiel MLCP : myosin light chain phosphatase.
membranaire (dépolarisation) et/ou de l’activation de L’augmentation de la concentration de calcium,
récepteurs par un médiateur (figure 2). L’ensemble des pro- complexé à la calmoduline, active la MLCK.
cessus intracellulaires impliqués dans le transfert de l’infor- Le complexe actif calcium-calmoduline-MLCK assure
mation de la membrane vers l’appareil contractile est la phosphorylation réversible de la chaîne légère régulatrice
de la myosine permettant de déclencher un cycle d’interactions
dénommé couplage excitation-contraction. Dans le muscle
actine-myosine générant une contraction musculaire.
lisse des voies aériennes, le second messager est l’ion cal- La MLCP assure la déphosphorylation de la myosine,
cium. C’est l’augmentation du calcium intracytosolique qui entraînant la relaxation musculaire.
contrôle la machinerie contractile [7]. On distingue deux
types de couplages dans le muscle des voies aériennes : le
couplage électromécanique et le couplage pharmacomé-
canique.
Messager Potentiel de membrane
Dans le couplage électromécanique, la variation du extracellulaire
potentiel de membrane dépend de différents canaux ex. métacholine
Canaux calciques
ioniques. Les canaux calciques voltage-dépendants de
type L interviennent dans le remplissage et le maintien du PLC
DAG + PKC
stock d’ions calciques dans le réticulum sarcoplasmique. Les ATP
canaux potassiques tendent à limiter la dépolarisation afin Ca2+
PIP2 IP3
de réduire l’excitabilité de la membrane et d’inhiber l’en-
trée de calcium. Enfin, le rôle physiologique exact des Ca2+
canaux chlore reste à déterminer.
R-IP3 Ca2+
Le couplage pharmacomécanique a un rôle prépondé-
rant dans la contraction du muscle lisse des voies aériennes Réticulum
[7]. Les mécanismes intracellulaires impliqués débutent par sarcoplasmique
l’activation de récepteurs membranaires (récepteurs mus-
cariniques de type M3) par des messagers extracellulaires
(acétylcholine, ou ACh), responsables de l’activation, par
le biais d’une protéine Gq transmembranaire, de l’enzyme Figure 2 / Mécanismes d’augmentation
phospholipase C. Celle-ci conduit au clivage d’un phospho- de la concentration de calcium intracytosolique
lipide membranaire, le phosphatidyl inositol 4,5-biphos- Couplage électromécanique lié à l’arrivée d’un potentiel
phate (PIP2), en deux seconds messagers intracellulaires : de membrane. Couplage pharmacomécanique lié
à l’activation de phospholipase C (PLC) par un messager
l’inositol 1,4,5-triphosphate (IP3) et le 1,2-diacylglycérol extracellulaire (voir les détails dans le texte).
(DAG). L’IP3 diffuse à travers le cytoplasme et peut se lier ATP : adénosine triphosphate ; DAG : 1,2-diacylglycérol ;
au récepteur-canal à l’IP3 (R-IP3) présent sur la membrane PKC : protéine kinase C ; PIP2 : phosphatidyl inositol ; IP3 : inositol
du réticulum sarcoplasmique, ce qui entraîne à l’intérieur triphosphate ; Ca2+ : calcium ; R-IP3 : récepteur spécifique à IP3.
du cytoplasme la libération du calcium stocké dans le réti-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Cholinergique
NANCi NANCe
Sympathique

Neuronal

Catécholamine VIP, NO Substance P Ach


NKA Figure 3 / Mécanismes de régulation
de la contraction de la cellule
Cellule musculaire lisse PAR 2
musculaire lisse bronchique
Deux systèmes (neuronal en haut
PG D et humoral en bas) participent
Humoral
PG E LTE Tx conjointement à la régulation
Hi
de l’équilibre relaxation-contraction.
PG I
Selon les médiateurs impliqués
(se reporter au texte pour les abréviations),
Relaxation Contraction l’équilibre se déplace vers la relaxation
(gauche) ou la contraction (droite).

• Contrôle neuronal Il existe une troisième voie de contrôle neuronal de la


bronchomotricité : la voie NANC. Elle peut être scindée en
On divise le contrôle neuronal en trois entités : système deux selon son action sur la fibre musculaire lisse. La voie
nerveux autonome sympathique (adrénergique), parasym- NANCi (inhibitrice) participe à l’inhibition de la contrac-
pathique (cholinergique) et le système NANC (non adré- tion. Elle fait appel à deux neuromédiateurs : le peptide
nergique non cholinergique). vasoactif intestinal (VIP, vasoactive intestinal peptide) et le
Le contrôle sympathique naît dans les centres bulbaires monoxyde d’azote (NO). Ils participent respectivement à
et médullaires. Il fait relais dans les ganglions paramédul- un tiers et aux deux tiers de son effet relaxant. Ce méca-
laires avant d’émettre des ramifications à destinée bron- nisme est extrêmement sensible à l’inflammation, il est
chique. Les catécholamines libérées au niveau de la donc altéré dans la maladie asthmatique. Les faibles
synapse neuromusculaire agissent sur les récepteurs b2, concentrations de monoxyde d’azote produites le rendent
appartenant à la famille des récepteurs à sept domaines peu intéressant sur le plan physiopathologique. Il induit
transmembranaires. Leur stimulation conduit à l’activation une désensibilisation de l’appareil contractile au calcium,
d’une protéine Gs qui va activer à son tour l’adénylate une augmentation de l’extrusion de calcium en dehors du
cyclase responsable de la synthèse d’adénosine monophos- cytosol (vers le réticulum sarcoplasmique et le milieu extra-
phate cyclique (AMPc) à partir d’ATP. Cet AMPc entraîne cellulaire) ainsi qu’une inhibition des flux entrants de cal-
une relaxation de la fibre musculaire lisse par le biais de cium.
l’activation de la protéine kinase A (PKA), responsable de La voie NANCe (excitatrice) est responsable d’une
la désensibilisation de l’appareil contractile au calcium, du inflammation, d’une toux et de la contraction de la cellule
restockage de calcium dans le réticulum sarcoplasmique musculaire lisse bronchique. Elle libère des tachykinines,
ainsi que de la régulation de la synthèse du récepteur b2. dont la substance P et la neurokinine A (NKA) qui se fixe
Toutefois, l’efficacité du système adrénergique repose plus respectivement sur les récepteurs NK1 et NK2 présents à la
sur sa forme humorale que neuronale. surface de la cellule musculaire lisse.
Les voies du contrôle cholinergique empruntent le nerf Ce système de régulation a la particularité de constituer
vague et font relais dans les ganglions parasympathiques une boucle appelée réflexe d’axone. Les tachykinines sont
situés dans la paroi bronchique. Le médiateur de la synapse en effet libérées par les terminaisons nerveuses des fibres
ganglionnaire est l’acétylcholine. Les neurones présynap- sensitives non myélinisées C, issues des récepteurs bron-
tiques possèdent des récepteurs muscariniques de type M2, chiques à l’inflammation en réponse à leur stimulation. Ce
inhibant la libération d’acétylcholine en réponse à la dépo- mécanisme est inductible et sa réponse est amplifiée en cas
larisation. Les neurones postsynaptiques possèdent, au d’inflammation chronique. Ainsi, la stimulation de ce sys-
niveau de la synapse ganglionnaire, des récepteurs de tème NANCe par des particules irritantes entraîne à la fois
type M1 assurant la transmission du signal en réponse à la une bronchoconstriction évitant la pénétration plus en
libération d’acétylcholine. Ces mêmes neurones vont créer aval de ces particules et une toux visant à les éliminer hors
une synapse avec la cellule musculaire lisse, libérant à leur de l’organisme. L’épithélium bronchique se comporte
tour de l’acétylcholine qui va se fixer sur les récepteurs M3 comme un régulateur de la bronchomotricité médiée par
présents sur la membrane de la cellule musculaire. La fixa- ces tachykinines. Il dégrade la substance P, inhibant la
tion de l’acétylcholine sur ces récepteurs M3 entraîne l’ac- bronchoconstriction et la vasodilatation qu’elle induit.
tivation d’une protéine Gp, responsable de l’activation de Toute lésion épithéliale (en particulier d’origine virale) sup-
la phospholipase C et de la synthèse d’IP3, conduisant à la prime cette dégradation et favorise la bronchoconstriction
contraction de la cellule musculaire lisse. Parallèlement, la et l’œdème.
phospholipase C conduit à la formation de diacétylglycérol
qui va activer la phosphokinase C (PKC) responsable du
• Contrôle humoral
maintien de la contraction par activation des canaux cal-
ciques voltage-dépendants et de l’inhibition des récepteurs Ce système de régulation comprend l’ensemble des
adrénergiques par phosphorylation (mécanisme de cross- voies non neuronales participant à la régulation de la
talk). bronchomotricité. Les cellules musculaires lisses bron-

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Physiologie bronchique 25

chiques possèdent en surface des récepteurs à l’histamine


(Hi) couplés à des protéines G responsables de l’activation
Transport épithélial
de la phospholipase C, donc d’une bronchoconstriction. L’épithélium bronchique possède une activité de trans-
Elles possèdent des récepteurs aux prostaglandines (PG), port et de régulation du fluide le recouvrant. Ce dernier
dont les effets varient selon la sous-classe concernée. La sti- est composé majoritairement d’eau (plus de 95 %). Il
mulation par les prostaglandines E et prostaglandines I contient par ailleurs des protéines, des agents antibacté-
induit une bronchodilatation. La stimulation par les pros- riens, des phospholipides et des molécules d’adhésion. Sur
taglandines D et le thromboxane (TX) entraîne une bron- le plan ionique, il assure l’absorption de sodium par trans-
choconstriction. Ainsi, la réponse à la stimulation par les port passif (canaux apicaux cationiques hypersélectifs ENaC
dérivés de l’acide arachidonique dépend de l’équilibre de [epithelial sodium channel] assurant l’entrée de sodium
ces deux voies. Notons que les récepteurs aux bradykinines dans la cellule) et actif (pompe basolatérale Na+-K+-ATPase
induisent une signalisation empruntant une cyclo-oxygé- assurant l’extrusion du sodium hors de la cellule). Il assure
nase responsable de la production de dérivés de l’acide par ailleurs le transport des ions chlore et est responsable
arachidonique. La cellule musculaire lisse bronchique pos- à la fois de leur absorption (par le biais de canaux Cl– vol-
sède par ailleurs des récepteurs de surface aux leucotriènes tage-dépendants et du CFTR [cystic fibrosis transmembrane
(LT), responsable d’une bronchoconstriction lors de leur regulator] à l’apex, du cotransporteur NaKCl2 basolatéral
activation, ainsi que des récepteurs PAR (PAR2), caractéri- mais aussi par transport paracellulaire) et de leur sécrétion
sés par le fait qu’ils sont reliés à leur ligand par une chaîne (CFTR apical). Ce canal CFTR assure donc le transport dans
d’acides aminés bloquant le site de fixation de celui-ci. Ces les deux sens et possède, en outre, des fonctions de régu-
récepteurs PAR peuvent être activés par la tryptase masto- lation des autres canaux (sodique : ENaC ; chlore : canal
cytaire libérant le ligand et le site de fixation, et entraîner chlorure rectifiant sortant [ORCC, outward rectifying chlo-
une bronchoconstriction. ride channel] ; potassique : ROM K1 et ROM K2). Ainsi son
altération dans la mucoviscidose entraîne une dysrégula-
tion de l’ensemble des autres canaux assurant les trans-
Transport bronchique ports ioniques. Cette pathologie est responsable d’un
défaut de transport et de régulation du canal chlore,
Le transport bronchique assure la seconde ligne de entraînant un défaut de réabsorption de NaCl, donc res-
défense pulmonaire, en épurant les particules inhalées ponsable de l’hypertonie et de la déshydratation du mucus
déposées en surface de l’arbre trachéobronchique. Deux participant à l’altération de la clairance mucociliaire. C’est
mécanismes sont mis en œuvre : la clairance mucociliaire la maladie du « baiser salé ».
et le transport transépithélial.

Clairance mucociliaire Défense immunitaire


Le premier de ces deux mécanismes entraîne les parti- C’est la troisième ligne de défense des bronches contre
cules vers l’hypopharynx, permettant leur déglutition ou l’agression. Elle trouve sa place lorsque les voies précédem-
leur expectoration. Les particules inhalées se déposent, à ment décrites sont dépassées par la sévérité de l’atteinte
la surface épithéliale, sur un film muqueux (le mucus) ou la pathologie sous-jacente. Elle est peu active à l’état
sécrété par les cellules à mucus des glandes sous- basal mais est inductible en cas d’infection [10]. Son com-
muqueuses mais aussi par les cellules caliciformes de la posant principal est l’épithélium. Les cellules épithéliales
muqueuse. Ce mucus forme une couche de 5 mm d’épais- qui le composent se comportent comme des cellules pré-
seur et est constitué de deux phases : l’une profonde – sentatrices d’antigène, au même titre que les cellules den-
appelée SOL – et la seconde superficielle – appelée GEL –. dritiques, les cellules de Langerhans, les monocytes et
La phase SOL est le siège des battements ciliaires. La phase macrophages ou les lymphocytes B. En internalisant la par-
GEL est fibrillaire et visco-élastique. Elle assure la fixation ticule, la dégradant pour l’exprimer en surface à l’aide des
des particules exogènes inhalées. Le mucus est mû par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de
mouvements des cellules ciliées, composant 80 % de l’épi- type II et la présenter aux lymphocytes Th régulateurs, elle
thélium respiratoire bronchique. Ces dernières possèdent déclenche la réponse immunitaire, au même titre que les
environ 200 cils à leur pôle apical, constitués chacun de autres cellules citées préalablement. Les échanges avec ce
9 paires de microfilaments périphériques et de 2 paires lymphocyte Th participent à l’orientation de la réponse. La
centrales. Leur battement métachrone – c’est-à-dire régulé sécrétion par ce dernier d’interleukine (IL) 3, 4, 5, 6, 10 ou
par le battement du cil voisin –, de 9 à 15 fois par seconde de facteur de stimulation des colonies de granulocytes/
dans la phase SOL, assure la mobilité du mucus sus-jacent. macrophages (GM-CSF, granulocyte-macrophage colony-
Ce mécanisme est altéré en cas de syndrome d’immobilité stimulating factor) entraîne une réponse Th2 systémique
ciliaire appelé aussi dyskinésie ciliaire primitive, dont le alors que la sécrétion d’IL-1, d’IL-12, d’interféron (IFN) et
syndrome de Kartagener associant dilatation des bronches, de facteur de croissance transformant (TGF, transforming
sinusite chronique et situs inversus est l’une des formes cli- growth factor) entraîne plutôt une réponse immunitaire
niques. Cette clairance mucociliaire peut être par ailleurs de type Th1 locale.
altérée par le tabagisme chronique (réversible en quelques
mois), la bronchite chronique ou l’inhalation de certains D’autre part, les cellules épithéliales synthétisent et
toxiques responsables de la destruction de l’épithélium sécrètent des composants du mucus bronchique partici-
bronchique. L’infection peut aussi être responsable d’une pant aux défenses immunitaires. C’est le cas des facteurs
altération de cette clairance, par sécrétion de toxines cilio- chimiotactiques pour les polynucléaires neutrophiles et
inhibitrices (lors des infections à Pseudomonas aeruginosa) éosinophiles, pour les mastocytes, les monocytes ou les
ou par desquamation épithéliale lors des infections à lymphocytes. Elles expriment aussi en surface des molé-
Mycoplasma pneumoniae [8] ou Myxovirus influenzae. cules d’adhérence pour ces cellules inflammatoires, assu-
Ainsi, tous les processus inflammatoires tendent à réduire rant, au-delà de leur recrutement, leur accumulation dans
ce transport, y compris l’asthme en dehors des épisodes de la lumière bronchique en cas d’infection ou de processus
décompensation [9]. inflammatoire.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

La défense immunitaire bronchique fait appel à d’au-


tres cellules. Ainsi, les fonctions de présentation d’antigène Anesthésie et bronches
sont aussi assurées par les cellules de Langerhans et les cel-
lules dendritiques, mais aussi par les monocytes, les macro-
phages, les lymphocytes B ou encore les fibroblastes.
Anesthésie
Comme nous l’avons vu, les lymphocytes participent à
et transport mucociliaire
cette réponse immune, que ce soit par présentation d’an- L’anesthésie générale associant hypnotique, morphi-
tigène ou sécrétion d’immunoglobulines (lymphocytes B), nique et curare ne s’accompagne pas de réduction du
par régulation de la réponse (lymphocytes Th) ou encore transport mucociliaire chez le sujet sain [11]. En revanche,
par action cytotoxique (lymphocytes T8). Ces lymphocytes ce transport est altéré au cours de l’anesthésie chez le sujet
peuvent être intra-épithéliaux ou organisés en BALT (bron- fumeur [12]. Cette altération est retrouvée chez les
chus associated lymphoid tissue) sous-épithéliaux. patients de réanimation chirurgicale intubés et ventilés
Les polynucléaires neutrophiles sont au cœur de la [13]. Elle participe à l’accumulation de sécrétions dans l’ar-
réponse immunitaire, comme en témoigne la virulence des bre trachéobronchique, notamment distal, peu accessible
infections pulmonaires chez les patients neutropéniques. aux aspirations trachéales. L’utilisation de filtres humidifi-
Ils sont peu présents à l’état normal en l’absence de stimu- cateurs-échangeurs ne modifie pas le transport des sécré-
lation et sont recrutés par voie hématogène en réponse à tions bronchiques.
la sécrétion, par les cellules épithéliales en cas d’agression
(infection, particules de fumée de tabac, etc.), de facteurs
chimiotactiques tels que l’IL-8. Ces polynucléaires partici- Anesthésie et bronchomotricité
pent à la dégradation des particules ou des micro-orga-
Le retentissement de l’anesthésie sur la bronchomotri-
nismes mis en cause, à l’aide d’enzymes et de radicaux
cité dépend de la pathologie bronchique sous-jacente, de
libres. Toutefois, ce processus peut se retourner contre
la préparation à l’acte anesthésique et chirurgical, du type
l’hôte en détruisant les tissus. C’est le cas dans la genèse
d’anesthésie, mais aussi du type de produits utilisés pour
de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO),
l’anesthésie.
au cours de laquelle l’importance du tabagisme conduit à
un recrutement et à une activation excessive de ces cel- En réduisant l’anxiété préopératoire, la prémédication
lules, ou encore chez les patients atteints de mucovisci- vise à prévenir la survenue d’un bronchospasme chez les
dose, où l’importance de l’inoculum bactérien est patients qui y sont prédisposés. La poursuite du traitement
responsable d’une suractivation des polynucléaires neutro- anti-inflammatoire par glucocorticoïdes ne se discute pas
philes et de ses conséquences. lorsque ce traitement est au long cours. Le relais peut être
pris par voie orale ou parentérale tant que la voie inhalée
Les polynucléaires éosinophiles participent eux aussi à
n’est pas envisageable. L’existence d’une douleur pré-
la défense contre les micro-organismes, en particulier les
opératoire peut faciliter la survenue d’un bronchospasme
parasites. Ils sont par ailleurs impliqués dans les processus
lors de l’induction, à plus forte raison chez le patient asth-
allergiques tel l’asthme. Pro-inflammatoires, ils sécrètent
matique. Elle justifie donc une analgésie à plus d’un titre.
des peroxydases ainsi que des substances bronchoconstric-
trices. Ils sont activés par la sécrétion d’IL-3 et d’IL-4 par les L’anesthésie locorégionale, si elle est acceptée par le
lymphocytes Th2 lors du déclenchement de la réponse patient, permet de s’affranchir de la survenue d’un bron-
immunitaire. Ainsi, le déséquilibre de la réponse du lym- chospasme lors de l’intubation trachéale. Elle ne le met
phocyte Th après présentation d’antigène au profit de la toutefois pas à l’abri d’une telle complication, pouvant
voie Th2 est au cœur de la physiopathologie de la maladie être attribuée au stress environnemental ou encore à la
asthmatique. diminution de l’expectoration pouvant être induite par des
blocs rachidiens de haut niveau [14].
• Les bronches assurent quatre fonctions : convec- Au cours de l’anesthésie générale, l’administration pro-
tion de l’air, régulation du flux par la bronchomo- phylactique de bronchodilatateur (albutérol ou bromure
tricité, transport mucociliaire et immunité. d’ipratropium) avant l’intubation permet de réduire l’aug-
• La convection de l’air assure son réchauffement et mentation des résistances bronchiques induites par celle-
son humidification. ci [15].
• La bronchomotricité est assurée par la cellule mus-
Le retentissement sur la bronchomotricité des agents
culaire lisse située dans le chorion. Elle dépend du
de l’anesthésie peut être le fait de leurs effets propres,
taux de calcium intracellulaire. Ce dernier est régulé
mais aussi de réactions anaphylactiques (allergie) ou ana-
par un couplage pharmacomécanique impliquant de
phylactoïdes (histaminolibération). Il est une évidence non
nombreux médiateurs bronchodilatateurs et bron-
contestée : la première cause de bronchospasme à l’induc-
choconstricteurs, humoraux et nerveux. Le contrôle
tion est une anesthésie insuffisante et ce, quel que soit
nerveux passe par trois voies : adrénergique, choli-
l’agent hypnotique administré.
nergique et NANC.
• Le transport mucociliaire nécessite la sécrétion du Le propofol comme la kétamine réduisent l’augmenta-
mucus par les cellules caliciformes et le déplacement tion de résistance bronchique après intubation trachéale
du mucus vers l’hypopharynx pour y être dégluti par leur action sur les voies de régulation nerveuses de la
par les cellules ciliées. bronchomotricité (inhibition vagale donc du système cho-
• Les cellules de l’épithélium bronchique assurent linergique). Par ailleurs, à forte dose, la kétamine possède
des fonctions de présentation d’antigène partici- des effets propres sur la fibre musculaire lisse, conduisant
pant aux défenses immunitaires. à sa relaxation [16]. Le thiopental induit une broncho-

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Physiologie bronchique 25

constriction in vitro et une augmentation des résistances essentiellement de manière indirecte en inhibant la neu-
bronchiques après intubation supérieure à celle induite par rotransmission cholinergique [21], mais aussi directement
le propofol [17, 18]. en déprimant la contractilité musculaire [22]. Cet effet
De même, la morphine inhibe la bronchoconstriction direct résulte de plusieurs mécanismes distincts qui concou-
médiée par la voie cholinergique. Cependant, l’histamino- rent à diminuer la concentration calcique intracellulaire.
libération consécutive à l’injection de morphine peut Cette diminution de la concentration calcique est liée soit
entraîner une augmentation des résistances bronchiques. à une inhibition de l’influx calcique via les canaux calciques
La bronchoconstriction observée après injection de fenta- voltage-dépendants [23], soit à une diminution du stock
nyl est liée à une activation de la voie neuronale réflexe calcique intracellulaire du réticulum sarcoplasmique
[14]. médiée par une fuite calcique à travers les récepteurs-
canaux à l’IP3 et à la ryanodine [24]. L’autre mécanisme
Les curares sont rendus responsables de l’augmentation
d’action des agents halogénés repose sur une diminution
de ces résistances par l’histaminolibération qui suit leur
de la sensibilité au calcium [25].
injection [19], en particulier celle d’atracurium.
L’augmentation du délai d’injection suffit à réduire la
réponse bronchique en limitant l’intensité de l’histamino- • Le transport mucociliaire est altéré chez le fumeur
libération. Leur antagonisation par la néostigmine (inhibi- et en réanimation. Il ne semble pas modifié par
teur de la dégradation de l’acétylcholine) peut être l’anesthésie.
responsable d’un bronchospasme justifiant l’administra- • Les produits de l’anesthésie agissent sur la bron-
tion d’atropine au préalable. chomotricité par différents mécanismes : directe-
Les agents halogénés, exception faite du desflurane ment sur la fibre musculaire lisse, par inhibition ou
[20], présentent des propriétés bronchodilatatrices. Le activation de la voie neuronale, par histamino-
mécanisme bronchodilatateur des agents halogénés sur le libération ou par induction d’une réaction anaphy-
muscle lisse des voies aériennes est complexe. Il s’exerce lactique.

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

26
Physiologie alvéolaire
• Défense du milieu alvéolaire contre l’inondation
• Défense du milieu alvéolaire Marcel Bonay
contre les particules et micro-organismes inhalés
Service de physiologie-explorations fonctionnelles,
Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne
et Inserm U1179, Laboratoire de physiologie,
Université de Versailles, Montigny-le-Bretonneux

a physiologie alvéolaire est dominée par les


mécanismes d’optimisation des échanges gazeux, En A
à partir d’une structure anatomique adaptée :
grande surface d’échange, distance de diffusion CL
minime. Une tâche permanente est de maintenir A
l’intégrité physique de cet espace et d’y prévenir En
ou combattre l’accumulation de toute matière, pro- P II
venant soit de l’extérieur, soit de l’intérieur de l’or-
ganisme. C’est le rôle des cellules alvéolaires,
essentiellement des cellules épithéliales et des Ly CL
macrophages. He
La structure anatomique ténue qui sépare le gaz En
alvéolaire de la lumière capillaire est constituée au
plus de trois couches, l’épithélium alvéolaire, un CL
interstitium de faible épaisseur et l’endothélium. PI
Dans la partie la plus fine de la barrière, l’intersti- A
tium est absent (les basales épithéliales et endo- PI
théliales fusionnent) et cette membrane n’excède
pas quelques fractions de m. L’épithélium alvéo- Figure 1 / Tissu alvéolaire pulmonaire en microscopie électronique
laire est une monocouche constituée de deux types (agrandissement original × 5 000)
cellulaires (figure 1) : 65 % de pneumocytes de Le cliché montre des espaces alvéolaires (A) séparés par des cloisons
interalvéolaires avec des capillaires bordés de cellules endothéliales (En)
type II (PII) et 35 % de type I (PI). Environ 95 % de et contenant des hématies (He) et un leucocyte (Ly). Un pneumocyte
la surface alvéolaire est occupée par les PI, qui sont de type II (PII) est reconnaissable à ses petites villosités apicales
des cellules très minces et très étendues. Ce pavage et la présence de corps lamellaires osmiophiles intracytoplasmiques (CL).
particulier et la présence de jonctions intercellu- Les pneumocytes de type I (PI), très minces, tapissent la paroi alvéolaire.
laires spécifiques font que la perméabilité de la
barrière épithéliale pour les solutés hydrophiles est
faible. La membrane apicale des cellules épithé-
liales alvéolaires est couverte par une couche liqui-
dienne (ELF pour epithelial lining fluid) d’une
épaisseur moyenne de 0,2-0,3 mm, ce qui repré-
sente un volume total d’environ 35 mL chez un Défense
homme adulte. Cette couche a une composition
hétérogène, une phase aqueuse séparant les cel-
du milieu alvéolaire
lules épithéliales d’une phase lipidique hydro-
phobe, le surfactant, situé à l’interface gaz-liquide.
contre l’inondation
Celui-ci est un complexe, formé pour l’essentiel de
phospholipides et de protéines spécifiques, qui Phase aqueuse alvéolaire
possède des propriétés physico-chimiques assurant
le maintien de l’architecture pulmonaire et partici- La composition de l’ELF a été déduite de lavages bron-
pant à la défense innée contre diverses formes cho-alvéolaires (LBA) et, chez le rat, de ponctions directes.
d’agression. La phase aqueuse a pour rôle de four- Il s’agit d’un liquide isotonique, dont la particularité est
nir un milieu convenable à l’action des cellules d’être acide (pH d’environ 6,9), ce qui est cohérent avec
luminales ou au contact de l’épithélium (macro- l’existence d’un transport H+ ou HCO3– à travers l’épithé-
phages essentiellement), une assise au surfactant lium alvéolaire et également observé pour le liquide du
et d’en abriter les réserves. poumon fœtal. La régulation de la composition et du
volume de l’ELF commence à être mieux comprise.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

L’homéostasie de l’ELF dépend de transports de solutés plasmatiques, il est de 1 pour tous ces solutés pour l’épi-
hydrophiles à travers la barrière épithéliale (entre ELF et thélium (les « pores » endothéliaux sont 10 fois plus
interstitium) [1, 2]. Ces transports obéissent à des lois phy- larges). On voit donc (équation 1) que la pression osmo-
siques que reflètent les équations simplifiées ci-après. Elles tique efficace sDΠ due à une différence de concentration
décrivent les mouvements de solutés hydrophiles à travers de NaCl sera quasi nulle à travers l’endothélium alors
une membrane semi-perméable et sont suffisantes pour qu’elle sera approximativement de 25 cmH2O/mmol à tra-
caractériser les barrières biologiques. vers l’épithélium [2].

Mouvements aqueux à travers Transports actifs


l’épithélium alvéolaire effectués par l’épithélium
Lorsqu’un liquide contenant des protéines et des ions
Propriétés passives en concentration physiologique est instillé dans les
de la barrière épithéliale alvéoles, le volume de liquide alvéolaire décroît, les
concentrations ioniques et notamment de Na+ ne varient
Le flux Jv de liquide (débit par unité de surface) à tra- que peu, alors que la concentration des protéines croît en
vers une membrane semi-perméable est décrit par : proportion à peu près inverse à la disparition liquidienne
Jv = Lp (DP- ∑sDΠ) [1] jusqu’à des valeurs correspondant à une pression onco-
où Lp est la conductance hydraulique (perméabilité à l’eau) tique de 60 cmH2O à 24 heures [3, 4]. La seule explication
de la membrane, DP la différence de pression hydrosta- physiologique à cette observation est que l’absorption de
tique et ∑sDΠ la somme des pressions osmotiques des dif- liquide (« clairance alvéolaire ») est produite par un phé-
férents solutés de part et d’autre ; DΠ pour un soluté est nomène actif, un transport de solutés hydrophiles, et donc
une fonction de sa concentration et s est son coefficient d’ions. Cette différence de pression oncotique correspond
de réflexion, fonction du rapport entre le diamètre hydro- à un transport de NaCl contre un gradient de moins de 2 %
dynamique de la molécule en solution et la taille du pore de la pression osmotique du milieu intérieur. Ce transport
qui traverse la membrane et la rend semi-perméable. Le de NaCl est effectué par l’épithélium alvéolaire et bron-
coefficient de réflexion varie de 0 (pas d’interaction entre
chiolaire. Des inhibiteurs des transports ioniques de Na+
pore et soluté) à 1 (le soluté est trop volumineux pour
(amiloride, ouabaïne, etc.) diminuent fortement cette clai-
pénétrer le pore).
rance, ce qui confirme son origine cellulaire. Au niveau
Le flux d’un soluté (JS) est la somme du flux convectif, alvéolaire, les cellules de type II et de type I participent
ou d’entraînement du soluté par le solvant ( C est la aussi à ce transport. La proportion du transport effectué
concentration moyenne du soluté dans le pore), et du flux par l’épithélium bronchiolaire distal (bronchioles de dia-
diffusionnel, ou dissipatif qui tend à homogénéiser les mètre inférieur à 200 mm où prévaut une absorption de
solutions et est fonction de la perméabilité p de la mem- Na+), et notamment par les cellules Club, n’est pas établie.
brane pour ce soluté et de la différence de concentration Quelle que soit la cellule, le Na+ entre au niveau apical
DC de part et d’autre : selon son potentiel électrochimique et est expulsé au
R0 (45 %) = R0 (HCT ) [2]. 1 niveau baso-latéral par la pompe à Na+, la Na+-K+ ATPase.
( Ce schéma général est observé dans toutes les espèces ani-
On voit que le flux convectif dépend du flux liquidien, males, seuls son importance en termes de clairance liqui-
mais aussi de s. Les « pores » qui traversent une membrane dienne et des détails concernant sa modulation diffèrent.
biologique sont virtuels : on donne à s une valeur telle Notre connaissance des transports effectués par l’épithé-
qu’elle corresponde aux données expérimentales obtenues lium alvéolaire a progressé à partir de travaux et de nou-
avec des solutés de différentes tailles. Ceci ne préjuge en velles méthodes d’imagerie in vivo, sur des animaux
rien du mécanisme réel ou de l’entité anatomique concer- intacts, et in vitro, utilisant des poumons isolés et des cel-
nés (transcytose, jonctions intercellulaires, etc.). En fait, il lules (PII) en culture [5]. Les transporteurs et canaux iden-
existe en général une population de pores, de tailles tifiés sont présentés dans le tableau 1.
variées. L’épithélium alvéolaire adulte serait ainsi traversé
par trois populations de pores aux rayons de 0,5 nm (à peu L’entrée de Na+ à travers la membrane apicale des cel-
près 99 % du total) et de 3,4 nm (1 %) et, probablement, lules épithéliales alvéolaires se fait au travers de canaux
quelques pores de grande taille. Le rayon hydrodynamique épithéliaux à Na+ et par l’intermédiaire de différents co-
de l’ion Na+ étant de 0,18 nm, celui du glucose de 0,44 nm, transporteurs (Na+-glucose, Na+-acides aminés, etc.).
et celui de l’albumine de 3,7 nm, on voit que ces molécules L’augmentation du Na+ intracellulaire stimule l’activité de
ou ions hydrophiles interagissent plus ou moins avec les la pompe à Na+ et l’extrusion du Na+ au niveau baso-laté-
parois des pores et que leur passage à travers l’épithélium ral. Un mouvement transépithélial d’anions (du Cl– princi-
alvéolaire est restreint (leur s est pratiquement de 1). La palement) et d’eau s’ensuit, suivant cette différence de
perméabilité (passage trans-épithélial en l’absence de flux concentration (figure 2). Ce transport est électrogénique,
liquidien, par diffusion) des solutés hydrophiles est de le liquide alvéolaire est porté à un potentiel négatif de
même très faible, ce qui s’explique par la rareté des jonc- quelques millivolts. On a un temps pensé que l’eau suivait
tions intercellulaires par unité de surface. Les transferts de le transport ionique à travers des canaux à eau, les aqua-
solutés à travers l’épithélium alvéolaire peuvent néan- porines [3, 4]. Ceci est le cas dans les épithéliums absor-
moins êtres appréciables car le branchement des voies beurs très actifs, mais au niveau alvéolaire, le transport de
aériennes fait que la surface d’échange est considérable Na+ est d’un niveau relativement faible et l’eau suit le
(environ 150 m2 chez l’homme adulte). Si un soluté est lipo- sodium à travers les jonctions paracellulaires (l’épithélium
phile, il peut traverser facilement la barrière alvéolaire. alvéolaire absorbe à peu près 2 litres d’eau par jour chez
Une différence majeure entre épithélium alvéolaire et l’homme, mille fois moins que le tubule proximal à surface
endothélium capillaire sous-jacent, dont la réunion forme égale). Le rôle des aquaporines (AQP5 a été trouvée dans
la partie cellulaire principale de la barrière alvéolo-capil- les membranes apicales des PI, et AQP1 dans les cellules
laire, concerne ces propriétés de transport passif. Alors que endothéliales) est de dissiper rapidement les gradients
le coefficient de réflexion de l’endothélium est voisin de 0 osmotiques qui pourraient avoir un effet mécanique délé-
pour les petits solutés et entre 0,5 et 0,8 pour les protéines tère (lors des noyades, par ex.).

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Physiologie alvéolaire 26

Tableau 1 / Pompes, transporteurs et canaux identifiés dans les cellules épithéliales alvéolaires

Apical Basolatéral
H+
Pompes Na+-K+ ATPase
K+-H+ ATPase
Na+-H+ (échange)
Na+-K+-2Cl– (cotransport)
K+-Cl– (cotransport)
Na+-glucose (cotransport, SGLT1) Na+-HCO3– (cotransport)
Transporteurs Na+-acides aminés Na+-P(i) (cotransport)
Na+-acides aminés
Cl–-HCO3– (échange)
Glucose (transport facilité, GLUT1)
Na+ (ENaC, CNG)
Cl– (CFTR, maxi-canaux)
Canaux K+ K+
H+
H2O (AQP5)

Le canal à Na+ épithélial (ENac) est largement distribué.


Il se compose de quatre sous-unités a, b, g et d dont l’ar-
rangement en proportions variables dans des complexes
multimériques produit des canaux qui diffèrent par leur
sélectivité envers les différents cations et leur conductance.
Malheureusement, la sous-unité d n’est pas exprimée chez
la souris. Des études chez les primates seront nécessaires
pour préciser le rôle de cette sous-unité dans la physiologie
alvéolaire. Les canaux constitués des sous-unités a ont une
sélectivité Na+/K+ faible, une conductance élevée et sont
activés par le Ca2+, alors que ceux constitués des trois sous-
unités ont une sélectivité élevée, une conductance faible
et sont activés par le cAMP. La sous-unité a est essentielle
à l’obtention d’un canal fonctionnel, et les souris dont
cette sous-unité a été génétiquement inactivée meurent
peu après la naissance de détresse respiratoire par incapa-
cité à résorber le liquide alvéolaire fœtal. Il semble que dif-
férents types de canaux coexistent in vivo dans l’épithélium
alvéolaire, la disponibilité en sous-unité b étant limitative Figure 2 / Sécrétion de surfactant (à gauche)
et pouvant expliquer, parce que sa synthèse est influencée et clairance alvéolaire (à droite)
par les stéroïdes, la stimulation à plus ou moins long terme Le surfactant (lipides, SP-B, SP-C) est synthétisé par les pneumocytes de
du transport de Na+ alvéolaire par la déxamethasone. type II (réticulum endoplasmique → appareil de Golgi → corps lamellaires).
Il est sécrété dans l’hypophase aqueuse alvéolaire où il s’organise sous
Les mutations spontanées chez l’homme qui affectent forme de myéline tubulaire puis s’adsorbe en un film monomoléculaire
l’une quelconque des sous-unités a, b, g entraînent un syn- à l’interface. Lors de la diminution de volume pulmonaire, le film est
drome de pseudo-hypoaldostéronisme, avec une diminu- comprimé latéralement, puis une partie du surfactant est expulsée vers
tion de l’absorption de liquide par l’épithélium respiratoire l’hypophase où elle forme des réserves qui seront réutilisées lors des cycles
supérieur (il est difficile d’explorer cette fonction au niveau d’expansion ultérieurs. Des vésicules appauvries en protéines seront
recyclées par voie d’endocytose, par les pneumocytes de type II et les
alvéolaire chez l’homme), mais sans problème néonatal ni
macrophages. Le Na+ pénètre dans la cellule épithéliale au niveau apical
susceptibilité particulière à un œdème pulmonaire dans les par des canaux spécifiques. La Na+-K+ ATPase basolatérale échange le Na+
conditions normales. Les enfants présentant une délétion qui est entré contre du K+ intracellulaire. Le potassium est recyclé
génétique de la sous-unité d développent des infections par une fuite basolatérale à travers des canaux potassiques. Il s’ensuit
respiratoires et une congestion nasale. un transport transépithélial de Na+ qui entraîne un mouvement d’eau
suivant la différence de pression osmotique ainsi créée. Différents canaux,
Les canaux ENac sont bloqués par l’amiloride et ses déri- dont le canal CFTR, permettent au Cl– de suivre le Na+ ou d’être excrété,
vés, qui ne réduisent que d’environ 50 % la vitesse de selon leur potentiel électrogénique. Sont aussi représentés le cotransport
résorption du liquide alvéolaire. D’autres voies existent Na+-glucose apical, qui fait que l’hypophase alvéolaire est pauvre en
donc, parmi lesquelles des canaux à Na+ insensibles à ces glucose, ainsi que la pompe à H+ apicale qui fait qu’elle est acide.
inhibiteurs (CNG pour cyclic nucleotide-gated, stimulés par
le cGMP) ou des co-transporteurs, comme le co-transpor-
teur Na+-glucose (SGLT1), lorsque du glucose est présent
dans le liquide alvéolaire (c’est-à-dire, par ex., tôt après
méostasie cellulaire. La pompe comprend trois sous-unités,
une inondation alvéolaire lors d’un œdème pulmonaire,
dont le rôle de deux d’entre elles, a et b, est un peu plus
avant qu’il ne soit réabsorbé). En effet, du fait de cette
clair (isoformes a1 et b1 au niveau alvéolaire). La sous-
activité, l’ELF ou le liquide alvéolaire fœtal ne contient que
unité a1 échange le Na+ intracellulaire contre du K+ extra-
peu de glucose (moins d’un tiers de la concentration plas-
cellulaire, contre leurs potentiels électrochimiques, ce qui
matique).
consomme de l’énergie sous la forme d’ATP qu’elle
L’augmentation du potentiel électrochimique intracel- hydrolyse. La sous-unité b1 semble jouer un rôle dans l’as-
lulaire du Na+ consécutive à son entrée cellulaire stimule semblage d’unités fonctionnelles dans la membrane plas-
l’activité de la Na+-K+ ATPase baso-latérale (inhibée par mique, et il est possible qu’elle ait quantitativement un
l’ouabaïne), activité qui à son niveau de base assure l’ho- rôle limitatif sur les capacités de transport de l’épithélium

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

alvéolaire. De fait, la surexpression de la sous-unité b dans tion transépithéliale de Cl– est induite par inhibition de
les pneumocytes [4, 6] augmente in vivo le potentiel de l’absorption de Na+ et médiée par les canaux CFTR (cystic
résorption du liquide alvéolaire chez le rat ou la souris dans fibrosis transmembrane regulator) et le cotransport Na+
des conditions favorables au développement d’un œdème K+2Cl– (NKCC1). Ce mécanisme apporte une explication aux
pulmonaire (hyperoxie, augmentation de la pression auri- effets extrarénaux du furosémide dans l’œdème pulmo-
culaire gauche). L’activité de la Na+-K+ ATPase pourrait être naire cardiogénique.
modulée par le stress mécanique.
L’œdème pulmonaire d’altitude pourrait devoir sa gra-
La conjonction de la maturation des canaux à Na+, du vité à une diminution du transport de Na+ épithélial. On a
fait de la stimulation hormonale par les corticostéroïdes et montré que l’inhalation d’un b-adrénergique pouvait le
les hormones thyroïdiennes, puis l’exposition du poumon combattre, ce qui a suggéré que ce pourrait être par l’in-
à une pression partielle d’oxygène élevée entraînent une termédiaire de la stimulation du transport de Na+ alvéo-
transition d’une sécrétion de Cl– qui prévaut in utero (et laire. Cependant, les b-adrénergiques ont des effets non
qui est à l’origine du liquide alvéolaire fœtal) à une absorp- négligeables sur le tonus et la perméabilité microvascu-
tion de Na+ chez le nouveau-né. Un défaut de maturation laire, et une interaction avec la production de NO, dont on
du système d’absorption peut participer au syndrome de sait que l’inhalation est aussi un traitement efficace de
détresse respiratoire néonatal. l’œdème d’altitude, ne peut être écartée.
Il est intéressant de noter que, ni la ventilation, ni la Lors des atteintes alvéolaires (par ex., lors du syndrome
perfusion n’influencent de façon notable la résorption de détresse respiratoire aiguë ou des lésions produites par
alvéolaire. L’épithélium alvéolaire semble avoir une impor- la ventilation mécanique), il existe des lésions épithéliales
tante activité glycolytique (les poumons produisent beau- alvéolaires, ruptures cellulaires, dénudations de la mem-
coup de lactates, le glucose pénètre dans les PII par brane basale… On conçoit aisément que, dans ce cas, les
diffusion facilitée par l’intermédiaire de GLUT1) qui lui per- « pores » qui traversent l’épithélium puissent avoir une
met de résister à des hypoxies importantes de courte taille et des propriétés différentes de celles de l’épithélium
durée. Des hypoxies de plus long terme dépriment le trans- normal. Dans ce dernier cas, ces pores sont formés par les
port de Na+, peut-être par diminution de l’expression des jonctions intercellulaires serrées qui ont une importante
protéines qui en sont responsables. sélectivité en fonction de la taille de la molécule. Cette
sélectivité peut être perdue, et les protéines passer plus ou
Modulation du transport actif moins librement au niveau alvéolaire. Le s de l’ensemble
des solutés peut alors être très faible, rendant le transport
De nombreux agents affectent le transport de Na+ de Na+ cellulaire inefficace. L’épithélium alvéolaire sera
alvéolaire (figure 3), la stimulation hormonale la plus signi- incapable de résorber le liquide luminal, la concentration
ficative étant obtenue avec les b-adrénergiques [6,7]. Les des protéines de ce liquide n’augmentera pas, et l’état cli-
agonistes b2 stimulent les canaux à Na+ épithéliaux (ils aug- nique du malade ne s’améliorera pas.
mentent leur probabilité d’ouverture) par l’intermédiaire
D’un autre côté, une sidération du transport, par exem-
de la protéine kinase A (PKA). Un effet direct des b2-adré-
ple par des radicaux libres, aura les mêmes effets. Une sti-
nergiques sur l’abondance des unités de Na+-K+ ATPase est
mulation b-adrénergique peut alors soit augmenter le
aussi envisageable. Le transport de Na+ et la résorption
transport de Na+ mais pas celui du liquide, soit ne pas aug-
liquidienne doublent, approximativement, en réponse à
menter le transport de Na+ du tout. Une infection bacté-
cette stimulation. Bien que la stimulation b-adrénergique
rienne peut inhiber ou augmenter la résorption par
de l’absorption du liquide alvéolaire soit aisément obser-
différents mécanismes (figure 3) [4]. La réparation du tissu
vée expérimentalement, que les poumons soient sains ou
pulmonaire distal se fait par multiplication des PII qui régé-
plus ou moins lésés, il n’a pas été possible d’en faire la
nèrent l’épithélium, en réponse à des facteurs de crois-
démonstration clinique. Récemment, une étude a montré
sance, ou par régénération à partir d’autres cellules
qu’une majeure partie de l’œdème cardiogénique résultait
progénitrices [9-11]. Lors de ces phases de réparation
de la sécrétion active de Cl– par l’épithélium alvéolaire et
(après hyperoxie, bléomycine, etc.), on observe une aug-
d’un flux secondaire de fluide vers l’alvéole [8]. La sécré- mentation de la résorption du liquide alvéolaire en paral-
lèle à la multiplication des cellules épithéliales. Le
problème est donc complexe, d’autant que l’on ne sait
quelle doit être l’importance des lésions pour abolir direc-
Glutathion oxydé tement ou indirectement le transport de Na+ et ses consé-
PKC IL-1, IL-4, TGF-β quences, et que ces lésions sont par nature distribuées de
façon très hétérogène.

ROS
NO ENaC LPS
Infections
bactériennes
Phase lipidique alvéolaire
α/β/γ Infections Le surfactant est synthétisé par les PII, dans lesquels il
Stress ROS
hypoxique à virus est stocké sous la forme de corps lamellaires, bien recon-
influenzae naissables en microscopie électronique (figure 1). Ils sont
β-adrénergiques, composés pour 10 % de protéines spécifiques et pour 80 %
dopamine, de phospholipides dont environ 70 % de phosphatidylcho-
glucocorticoïdes, Activateur du plaminogène line [surtout de la di-palmityol-phosphatidylcholine
minéralocorticoïdes, urokinase-like (DPPC)] et 5 à 10 % de phosphatidylglycérol [12]. La pré-
estradiol Stimulation cholinergique
muscarinique sence de lysophospholipides en petite quantité (1 %) lui
confère un faible pouvoir détergent et hémolytique.
Figure 3 / Facteurs augmentant ou diminuant l’expression
L’augmentation de la teneur en lysophosphatidylcholine
et/ou la fonction des canaux ENaC (Epithelial Na+Channels)
dans les cellules épithéliales alvéolaires (lysoPC) du fait de l’action de phospholipases lors de syn-
LPS : lipopolysaccharides ; PKC : protéine kinase C ; dromes inflammatoires ou d’infections bactériennes pour-
ROS : reactive oxygen species. rait jouer un rôle dans l’initiation des lésions cellulaires lors
du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Le surfactant

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Physiologie alvéolaire 26

contient aussi 10 % de lipides neutres qui fluidifient l’en- Modulation


semble, la DPPC ayant une température de transition supé-
rieure à la température corporelle. Les propriétés de la sécrétion de surfactant
physiques particulières du surfactant pulmonaire sont liées La sécrétion de surfactant par les PII est déclenchée par
à la présence de deux apoprotéines hydrophobes, l’apo- trois mécanismes interconnectés [14]. Le premier est la voie
protéine B (SP-B) et l’apoprotéine C (SP-C), qui sont pré- cAMP-PKA qui est activée par l’adénosine (récepteurs A2B)
sentes dans les corps lamellaires. Les autres protéines et les b-adrénergiques. Le deuxième est l’activation directe
spécifiques sont l’apoprotéine A (SP-A), la SP-C et la MBP et indirecte de la protéine kinase C par l’ATP et l’uridine
(mannose binding protein) dont les fonctions seront pré- triphosphate (UTP) qui se fixent aux récepteurs P2Y2 qui
sentées plus loin. sont couplés à la phospholipase C-b3 (PLC-b3). Le troisième
mécanisme est la mobilisation du Ca2+ intracellulaire, après
Organisation du surfactant activation de la PLC-b3. L’ATP pourrait être libéré par les
pneumocytes en réponse à l’étirement produit par la ven-
Les corps lamellaires sécrétés sont transformés en myé- tilation et se fixer aux récepteurs purinergiques membra-
line tubulaire dans l’ELF, précurseur du film de surfactant naires pour une stimulation autoparacrine. Le contenu en
qui s’interpose à l’interface gaz-liquide. La SP-A, sécrétée ATP du liquide de LBA est suffisant pour stimuler la sécré-
séparément, facilite la formation de la myéline tubulaire tion in vitro. La phosphorylation de protéines du cyto-
en présence de Ca2+ et son adsorption à l’interface. Sa pré- squelette entraîne la mobilisation des corps lamellaires.
sence ne semble toutefois pas indispensable à un fonction-
nement correct du système, puisque les souris dont le gène
de la SP-A a été invalidé ne présentent pas d’anomalies
Propriétés physico-chimiques
dues à un dysfonctionnement du surfactant (voir plus loin). du surfactant
L’adsorption rapide de la myéline tubulaire à l’interface et Le surfactant possède idéalement les trois propriétés
son étalement sous la forme d’un film monomoléculaire suivantes : formation rapide d’un film à l’interface (en
dépendent beaucoup de la présence conjointe de SP-B et quelques secondes), abaissement important de la tension
de SP-C [12, 13]. de surface, restitution rapide à la surface lors de l’expan-
• La SP-B se présente sous la forme d’un dimère, dans sion à partir de réserves sous-jacentes. La tension de sur-
lequel des domaines hydrophiles et hydrophobes répétés face du liquide alvéolaire (T) est inférieure à 2 mN/m lors
forment des ponts entre les groupements polaires et ali- de la compression de la surface en présence de surfactant
phatiques des phospholipides. L’invalidation du gène de et à 70 mN/m sans [12]. La différence de tension superfi-
la SP-B chez la souris conduit à une défaillance respira- cielle lors de l’expansion (incorporation progressive de
toire néonatale fatale, qui peut être combattue par l’ad- matériel à la surface) et la compression (tension superfi-
ministration de SP-B ou par l’utilisation d’une ventilation cielle minimum, expulsion de matériel vers l’hypophase)
liquide partielle avec un perfluorocarbone. Des muta- expliquent l’hystérésis tension-surface classique observée
tions ont été décrites chez l’enfant et associées à une avec un film de surfactant. Cette hystérésis ne doit pas être
détresse respiratoire néonatale. confondue avec celle observée sur des poumons entiers,
sains ou lésés, qui, lorsqu’elle existe, est essentiellement
• La SP-C est une petite molécule (35 acides aminés) extrê- géométrique : recrutement progressif d’unités à l’inflation,
mement hydrophobe, abondante (4 % du surfactant en « fermeture » de ces unités en fin d’expiration à bas
poids), de forme hélicoïdale, qui traverse le film lipi- volume.
dique. La SP-C faciliterait le passage du surfactant de la
forme de film moléculaire à celle de vésicules ou de feuil- Une bulle de gaz de 50 mm de rayon dans une phase
lets multicouches. La délétion du gène de la SP-C produit aqueuse possède par rapport à cette phase une pression
une pneumonie interstitielle et un emphysème chez la interne de 2 T/r = 2 800 Pa ou 28 cmH2O, mais de moins de
souris. Des mutations ont été trouvées dans des pneumo- 1 cmH2O si elle est bordée de surfactant. La bulle sans sur-
pathies interstitielles chez l’homme. factant tendra à disparaître plus vite car la diffusion du gaz
vers l’extérieur est facilitée par la surpression ; ce phéno-
La translocation des lipides à travers la membrane, dont mène est accéléré par sa décroissance en taille. Mais, si des
celle des corps lamellaires, est facilitée par des transpor- bulles forment un ménisque obstruant un conduit, leur
teurs de la famille ATP-binding cassette (ABC). Les muta- paroi sera plus facilement rompue en présence de surfac-
tions de l’isoforme 3 de la sous-famille A des transporteurs tant. De même, si un alvéole est bordé de surfactant, son
ABC (ABCA3) sont associées à une diminution de la concen- expansion sera plus facile et les contraintes qu’exerce l’in-
tration en phosphatidylcholine du surfactant et à une aug- terface sur ses parois seront minimisées ; la pression tissu-
mentation de la tension superficielle du liquide de LBA. laire deviendra plus proche de la pression gazeuse (sera
Ces mutations d’ABCA3 peuvent aussi conduire à des ano- moins « négative »).
malies de présentation et routage des protéines SP-B et
SP-C. De nombreuses variations du gène ABCA3 ont été La présence de surfactant à l’interface se traduit par :
décrites, et des mutations homozygotes ou hétérozygotes • un effet anti-adhésif. C’est la propriété principale des sur-
composites sont associées à des pneumopathies intersti- factants des poumons de batraciens. Il permet la réex-
tielles diffuses de l’enfant avec détresse néonatale sévère pansion rapide du poumon collabé ;
ou de découverte tardive chez l’adulte. • l’augmentation de la distensibilité pulmonaire et la dimi-
nution des contraintes tissulaires, notamment à haut
Après adsorption de la myéline tubulaire à la surface volume. La diminution (en valeur absolue) de la pression
de l’ELF, le film se comprime latéralement en une mono- tissulaire entraîne une diminution de la pression de fil-
couche continue, abaissant substantiellement la tension tration (transmurale) capillaire. En l’absence de surfac-
superficielle. Des réserves multicouches se forment dans tant, le développement d’un œdème pulmonaire est
l’hypophase lors de la compression et sont adsorbées à l’in- facilité ;
terface lors de l’expansion. Au cours des cycles de compres- • la stabilisation du poumon à bas volume, ce qui prévient
sion-expansion, la teneur en protéines du surfactant les atélectasies et le phénomène de recrutement lors de
s’altère et les vésicules qui se forment sont recyclées par les l’expansion (prévention de l’apparition d’un point d’in-
macrophages (voir le paragraphe sur le GM-CSF) ou les PII flexion inférieur sur la courbe pression-volume inspira-
(figure 2). toire) ;

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

• la diminution de la stabilité des ménisques de liquide qui • les alvéoles sont connectées en parallèle, directement
pourraient obstruer les petites voies aériennes ; reliées au milieu extérieur, contrairement au tube diges-
• le maintien de la géométrie pulmonaire à haut volume. tif par exemple, de surface équivalente, mais où plusieurs
En l’absence de surfactant les alvéoles s’aplatissent, les niveaux de protection interviennent en série (amylase
capillaires se ferment et les canaux alvéolaires se dilatent, salivaire, acidité gastrique et bile) ;
la surface d’échange diminue ; • la finesse de l’architecture alvéolaire qui est indispensa-
• la facilitation de la mobilisation du liquide alvéolaire et ble pour les échanges gazeux [15] ne permet pas une
bronchiolaire vers les voies aériennes supérieures. organisation en barrière physique comme l’épithélium
cutané, ou bien chimique comme l’épithélium intestinal ;
• le risque de dissémination au milieu intérieur est élevé
Les différentes anomalies mécaniques des poumons dans la mesure où la séparation entre environnement
observées lors des syndromes de détresse respira- aérien et circulation sanguine n’est assurée que par la
toire peuvent se déduire de ces propriétés du sur- fine barrière alvéolocapillaire ;
factant car ils se caractérisent par son absence ou, • pour l’hôte, une stratégie défensive optimale nécessite
chez l’adulte, par son inactivation qui peut être pro- le contrôle de la prolifération microbienne et la clairance
duite par oxydation, par des protéines plasmatiques rapide des particules inhalées. Les composants molécu-
(albumine, fibrinogène etc.), par diverses enzymes laires et cellulaires de la réponse immunitaire innée pré-
(hydrolases). sents dans le film alvéolaire doivent agir rapidement
contre les agents pathogènes, et aussi assurer la régula-
tion de la réponse inflammatoire. En effet, une réponse

Défense incontrôlée ou inappropriée, même modérée, risquerait


d’entraîner une exsudation et une infiltration cellulaire
du milieu alvéolaire qui pourraient mettre en péril les échanges gazeux.

contre les particules et Le milieu alvéolaire n’est pas stérile comme on le


micro-organismes inhalés pensait, et le microbiote (communauté de bactéries,
virus et micromycètes présente dans un organe)
pourrait peut-être contribuer à l’homéostasie
Chaque jour, des centaines de particules inertes ou de comme d’autres interfaces avec l’environnement.
micro-organismes entrent en contact avec la surface épi- Cependant, le nombre de cellules inflammatoires
théliale respiratoire. La plupart des particules inhalées sont alvéolaires immédiatement disponibles dans l’es-
piégées par le tapis mucociliaire trachéobronchique, trans- pace aérien pour contenir une infection micro-
portées vers le pharynx et ingérées. Seules les particules de bienne doit être relativement faible pour préserver
taille inférieure à 3 mm parviennent au poumon profond. la ténuité de l’architecture alvéolaire.
Plusieurs stratégies défensives peuvent être initiées par
l’hôte pour faire face à l’agression que représente l’inha-
lation de ces particules. Les macrophages et les cellules épi- Microbiome pulmonaire
théliales alvéolaires produisent de nombreux médiateurs
(dont des cytokines et des protéines associées au surfac-
et physiologie alvéolaire
tant) qui contrôlent le recrutement et l’activation de cel- De nombreuses études ont montré que les voies
lules immunitaires dans les espaces aériens. aériennes inférieures ne sont pas stériles chez l’homme
Compte tenu de la croissance rapide de certains micro- même en bonne santé [16]. Les microbes (bactéries, virus
organismes, un système de défense précoce préexiste à la et champignons) y sont détectés et le développement des
réponse immunitaire acquise. Chez l’hôte naïf vis-à-vis d’un techniques moléculaires de séquençage à haut débit a per-
agent microbien, la première ligne de défense est consti- mis de caractériser leurs génomes ou microbiome pulmo-
tuée par les macrophages alvéolaires et les peptides anti- naire. Un des principes clés de l’écologie microbienne est
microbiens du système immunitaire inné. Une réponse que les conditions d’environnement local déterminent la
immunitaire acquise est initiée lorsque des cellules acces- composition des communautés microbiennes. La croissance
soires (macrophages ou cellules dendritiques) présentent d’une espèce, et sa relative abondance dans la commu-
un antigène à des lymphocytes T. Ces lymphocytes vont nauté bactérienne, est fonction de la disponibilité en nutri-
ensuite proliférer et produire des cytokines capables de sti- ments, de la température, du pH, de la pression en
muler l’immunité humorale et/ou cellulaire. Chez l’hôte oxygène et de différents facteurs environnementaux (pol-
qui a déjà été exposé, des anticorps spécifiques lient luants atmosphériques pour le poumon, par ex.). Dans ces
l’agent microbien ; leur fragment Fc est reconnu par des conditions, toute étude du microbiome respiratoire doit
récepteurs macrophagiques, ce qui en facilite la phagocy- tenir compte des conditions spécifiques de croissance
tose (opsonisation). Ces différents mécanismes permettent microbienne suivant la localisation dans le poumon, de la
présence d’une pathologie et des dynamiques d’entrée ou
la neutralisation rapide des micro-organismes dans le sec-
d’élimination microbiennes. Comme rappelé plus haut, les
teur extracellulaire et leur internalisation dans les phago-
poumons constituent la plus grande surface du corps la
lysosomes activés des cellules phagocytaires où ils seront
plus intimement exposée à l’environnement extérieur. La
détruits par oxydation et lyse enzymatique.
composition du microbiome pulmonaire est déterminée
par trois facteurs : l’entrée ou immigration microbienne,
Les enjeux l’élimination et le niveau de reproduction microbien. Toute
modification de la composition du microbiome pulmonaire
de la défense alvéolaire détectée lors de différentes pathologies est attribuable à
une combinaison de ces trois facteurs. Chez le sujet sain,
Le système de défense alvéolaire est soumis à des de nombreuses études sont en cours pour connaître la pro-
contraintes majeures, uniques dans l’organisme : portion du microbiote pulmonaire en phase de reproduc-
• la surface d’échange alvéolaire est très grande, à peu tion (avec des différences régionales de conditions de
près 150 m² chez l’homme adulte ; croissance) par rapport aux microbes en transit dans le

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Physiologie alvéolaire 26

poumon. Les microbes pénètrent continuellement dans les


voies aériennes par l’air inhalé, mais les micro-aspirations
Composants cellulaires
et la dispersion le long des surfaces muqueuses sont les
mécanismes qui contribuent le plus à l’entrée microbienne. Macrophages alvéolaires
Les microbes sont éliminés du tractus respiratoire par la Du fait de leurs fonctions de cellules effectrices et régu-
clairance mucociliaire, la toux et les différents mécanismes latrices des réponses immunitaires innée et acquise, les
très actifs de l’immunité innée et adaptative. Les condi- macrophages jouent un rôle central dans la protection de
tions locales de croissance microbienne sont hétérogènes l’alvéole pulmonaire.
dans le poumon. Ainsi, dans un même poumon, de grandes
différences de pression en oxygène, de pH, de perfusion Les macrophages et les cellules dendritiques sont les cel-
sanguine, de ventilation alvéolaire, de température, de cel- lules présentatrices d’antigène majeures du poumon distal
lules épithéliales, de déposition de particules inhalées et [21, 22]. Les cellules dendritiques sont présentes unique-
de nombre/type de cellules inflammatoires peuvent ment au sein du parenchyme. En l’absence d’agent patho-
influencer la croissance microbienne. Dans les alvéoles par gène ou d’agression des cellules environnantes, les cellules
exemple, la présence de surfactant, aux propriétés bacté- dendritiques tissulaires conservent uniquement leur pro-
riostatiques sur certaines espèces, crée une pression de priété d’internalisation des antigènes. Lors d’une réponse
sélection sur la reproduction microbienne. Dans ce immunitaire non spécifique s’accompagnant d’une produc-
tion de cytokines, les cellules dendritiques captent les anti-
contexte, l’état d’équilibre du microbiome pulmonaire cor-
gènes, les traitent, expriment des molécules de
respond à un flux constant, entrant et sortant, avec une
co-stimulation et migrent vers les organes lymphoïdes
hétérogénéité spatiale de conditions de croissance micro-
régionaux pour y activer les lymphocytes T spécifiques.
bienne.
Les macrophages représentent environ 90 % des cel-
lules de la lumière alvéolaire et constituent une première
Les pathologies pulmonaires chroniques modifient
ligne de défense par leur capacité d’internalisation et de
la géométrie des voies aériennes et la dynamique
dégradation des agents pathogènes (figure 4). Lors de l’ex-
du turn-over microbien. L’emphysème pulmonaire
position à un micro-organisme dans l’alvéole, les macro-
et la fibrose pulmonaire, par exemple, réduisent les phages produisent des cytokines qui influencent le
surfaces d’échange. Les variations localisées de recrutement et l’activation de cellules inflammatoires et
pression en oxygène, la présence de cellules inflam- modifient la forme de la réponse immunitaire en fonction
matoires plus nombreuses et plus actives dans cer- du type d’agent pathogène (très schématiquement : immu-
taines pathologies pulmonaires, par rapport au nité humorale pour les bactéries à développement extra-
poumon sain, peuvent modifier le microbiome pul- cellulaire ; immunité cellulaire pour les bactéries à
monaire. Plusieurs études récentes ont suggéré le développement intracellulaire et les virus ; réponse mixte
rôle potentiel du microbiome pulmonaire dans la pour les parasites). Classiquement, deux phénotypes de
progression de la fibrose pulmonaire idiopathique macrophages peuvent être individualisés : les macrophages
et dans ses exacerbations [17, 18]. D’autres études M1 sont responsables de la réponse inflammatoire initiale
ont mis en évidence des liens entre microbiome et et de l’élimination des pathogènes, alors que les macro-
infections respiratoires. De nombreuses données phages M2 sont impliqués dans la résolution de l’inflam-
suggèrent que les défenses contre les principaux mation, la lutte contre les infections parasitaires et le
agents pathogènes respiratoires d’origine bacté- remodelage tissulaire [22]. Les cytokines produites par ces
rienne et virale sont renforcées par le microbiote macrophages constituent d’importants liens moléculaires
[19]. entre immunité pulmonaire innée et acquise.

Mécanismes de défense
immunitaire alvéolaire
La réponse immunitaire fait intervenir plusieurs types
cellulaires au cours de la phase non spécifique ou innée.
Les réponses non spécifiques utilisent des protéines très
conservées, sous forme soluble ou comme récepteurs à la
surface des cellules, afin d’identifier des substances étran-
gères potentiellement nocives. Ce système peut mettre en
jeu, en sus de protéines de la coagulation, kinines, fibrino-
lyse et complément, des macrophages, des cellules dendri-
tiques, des cellules natural killer (NK) et des lymphocytes T
g/d [20]. Ces cellules possèdent des récepteurs qui recon-
naissent les substances potentiellement nocives en général
par leurs motifs hydrocarbonés, comme les récepteurs des
macrophages pour les lipopolysaccharides bactériens. Les
lymphocytes sont les principales cellules effectrices de la
réponse immunitaire acquise spécifique à un antigène qui
prolonge cette première étape.

Au niveau de l’alvéole pulmonaire, ce système de


défense est capable de neutraliser de nombreux
agents pathogènes. Ces réactions achevées, les Figure 4 / Macrophage alvéolaire en microscopie
débris cellulaires et l’exsudat inflammatoire sont éli- électronique contenant des lysosomes et phagolysosomes
minés afin de rétablir une architecture alvéolaire typiques très denses (agrandissement original × 5 000)
normale.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Les macrophages alvéolaires sont normalement les comme les polynucléaires neutrophiles et les cellules NK.
seules cellules phagocytaires des voies respiratoires dis- Ces effecteurs de la réponse innée sont accompagnés des
tales. Récemment, des études de microscopie optique in cellules dendrites pulmonaires qui transportent les anti-
vivo ont montré que les macrophages alvéolaires sont ses- gènes vers les ganglions de drainage lymphatiques pour
siles et adhérents à l’épithélium alvéolaire [23]. Les macro- développer des réponses adaptatives, indispensables à la
phages recueillis lors du LBA pourraient donc provenir de clairance de nombreux agents pathogènes respiratoires. La
territoires extra-alvéolaires comme les voies aériennes de reconnaissance initiale des agents microbiens par les PRR
conduction distales par exemple. Les macrophages phago- est une étape majeure de la coordination de ces défenses
cytent rapidement les particules inertes mais digèrent plus des voies aériennes, conduisant à la production de nom-
difficilement les bactéries viables [24]. Ils reconnaissent les breuses molécules de signalisation. Il s’agit, par exemple,
micro-organismes par des récepteurs qui se lient à des d’interférons de type I pour les infections virales, de cyto-
molécules spécifiques exprimées à leur surface ou, après kines comme le granulocyte-macrophage colony-stimula-
opsonisation de ceux-ci, par des récepteurs pour les pro- ting factor (GM-CSF), l’interleukine 22 (IL-22), l’IL-23 et
téines du complément et les immunoglobulines (c’est le cas l’IL-17 [26]. À partir de la reconnaissance des agents patho-
pour les particules inhalées). L’entrée des micro-organismes gènes ou de leurs produits, les TLR peuvent induire la
dans les macrophages par les voies ne dépendant pas des sécrétion de cytokines telles que l’IL-12 et l’IL-18 par les
opsonines (cf. plus bas) peut s’effectuer par interaction macrophages et les cellules dendritiques. Les protéines pro-
directe avec le récepteur au mannose (MR pour mannose venant des micro-organismes phagocytés sont transfor-
receptors), le récepteur de haute affinité des lipopolysac- mées en peptides antigéniques dans les lysosomes puis
charides des bactéries à Gram négatif (CD14), les récep- exprimés en association aux molécules du complexe majeur
teurs « éboueurs » (SR pour scavenger receptors) ou le d’histocompatibilité (CMH) à la surface des macrophages.
récepteur du complément CR3 (CD11b, CD18). Les macro- Ces peptides sont reconnus par les récepteurs des lympho-
phages et les cellules dendritiques sont pourvus de récep- cytes T. La reconnaissance de PAMP par la voie des récep-
teurs spécifiques (PRR pour pattern recognition receptors) teurs Toll induit la production de cytokines et de
pour des motifs microbiens conservés, partagés par de chimiokines ainsi que l’expression de molécules de costi-
larges groupes de micro-organismes (PAMP pour patho- mulation (CD80, CD86). Ainsi, les récepteurs spécifiques de
gen-associated molecular patterns). Certaines cellules de motifs microbiens (PRR) des macrophages alvéolaires
l’hôte et certains PAMP utilisent les membres de la famille représentent non seulement un élément crucial de la
des récepteurs Toll (TLR pour Toll like receptors) comme réponse innée mais aussi un lien majeur avec l’immunité
transducteurs de signaux privilégiés dans leurs interactions. acquise [22].
Les macrophages alvéolaires assurent de nombreuses fonc-
tions comme l’élimination des agents pathogènes, la pré- Des médiateurs secrétés par les macrophages alvéo-
vention de toute réponse inflammatoire inadaptée et la laires participent à leurs nombreuses fonctions (tableau 2) :
restauration de l’homéostasie pulmonaire après infection • les macrophages alvéolaires déclenchent l’inflammation
[24]. Le rôle des macrophages alvéolaires dans la dyna- par la production d’IL-1 ou de tumor necrosis factor alpha
mique des défenses pulmonaires au cours des pneumo- (TNF-a), ce qui va induire une cascade d’événements :
pathies infectieuses est présenté figure 5 [25]. Lors de production de chimiokines (IL-8, MIP-1 pour macrophage
processus infectieux, les macrophages alvéolaires et les inflammatory peptide, etc.), de facteurs de croissance
défenses épithéliales sont renforcés par le recrutement de [GM-CSF, G-CSF pour granulocyte colony-stimulating fac-
cellules spécialisées dans les défenses antimicrobiennes tor (facteur stimulant la colonisation des granulocytes),

Modificateur antibactérien Figure 5 / Rôles des macrophages


alvéolaires dans les défenses pulmonaires
lors des pneumopathies infectieuses
Alarme En tant que cellules sentinelles, les
macrophages alvéolaires donnent
l’alarme et sont essentiels pour activer
Sentinelle rapidement d’autres types cellulaires,
recruter des polynucléaires neutrophiles
Infection Effet et éliminer les bactéries. Les macrophages
et lésion antibactérien
alvéolaires sont également des acteurs de
Pyroptose, Phagocytose, la résistance antibactérienne, capables de
nécroptose apoptose tuer les bactéries internalisées,
Macrophage particulièrement lors de leur apoptose.
alvéolaire L’apoptose des cellules pulmonaires
stimule l’efferocytose des macrophages
alvéolaires, qui permet d’éliminer les
leucocytes morts, prévient la libération de
Cellule Gap signaux de danger par ces cellules dans le
épithéliale jonctions Efferocytose poumon et oriente le phénotype des
macrophages vers la production de
médiateurs anti-inflammatoires et de
signaux pro-résolvants. Des sous-
populations de macrophages alvéolaires
deviennent non mobiles et adhèrent à
Effet anti-inflammatoire Effet pro-résolvant l’épithélium grâce à des gap jonctions, à
travers lesquels ils transmettent des flux
de Ca2+ qui diminuent la réponse
inflammatoire. Cependant, lorsque des voies non apoptotiques de mort cellulaire (pyroptose, nécroptose) sont activées par
des facteurs de virulence microbiens, les macrophages alvéolaires deviennent de mauvais tueurs de bactéries et libèrent des
signaux pro-inflammatoires puissants qui peuvent augmenter les lésions pulmonaires.

268
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page269

Physiologie alvéolaire 26

Tableau 2 / Facteurs impliqués dans les réactions de défense alvéolaire et dans la limitation de ces réponses

Défense alvéolaire Facteurs limitants

Macrophages alvéolaires
Macrophages alvéolaires • Dégradation des antigènes • IL-1RA, TNFsR, IL-10 (inhibent IL-1 et TNF-a)
Production de : • Inhibition de la prolifération des lymphocytes T (leucotriènes, prostaglandines,
• Cytokines : IL-1b, TNF-a, GM-CSF, IL-12, IL-18… TGF-b), de la production d’anticorps, des fonctions des cellules dendritiques
• Chimiokines : IL-8, MIP-1 a/b… • TIMP (inhibiteurs des métalloprotéinases)
• Lysozyme et peptides antimicrobiens • Inhibiteur de la fraction C1q du Cp
• Dérivés oxygénés et nitrogénés • Cellule présentatrice de l’antigène moins puissante que la cellule dendritique
• Enzymes (métalloprotéinases, etc.) • Connexine 43, gap jonctions avec les cellules épithéliales
• Protéines du complément (Cp) • Efferocytose
• Médiateurs lipidiques pro-résolvants (lipoxines, résolvines, protectines, marésines)
Pneumocytes II Pneumocytes II
• MCP-1 Inhibition de la prolifération des lymphocytes T (surfactant SP-A, SP-D, cytokines)
• Toll-like récepteurs
Lymphocytes Lymphocytes
• CD4, CD8, killer et natural killer (NK), • CD4+CD25+FOXP3+ (Treg) TGF-b
lymphocytes B • CD8+ IL-10
• Cytokines TH1/TH2 • NK IL-22
Immunoglobulines et opsonines Pas de cellule dendritique dans l’épithélium alvéolaire normal
• IgG3 (+++), IgG1 (++) et IgG2 (+) fixent le Cp
• Surfactant (SP-A, SP-D) ; fibronectine ;
protéine C réactive ; Cp
Polynucléaires neutrophiles et éosinophiles
• Enzymes microbicides (lysozyme, myéloperoxydase)
• Protéinases neutres (collagénases, etc.)
• Hydrolases acides (phosphatases, etc.)
• Protéine bactéricide induisant la perméabilité,
lactoferrine, a-défensines…
IL-1RA : Interleukin-1 Receptor Antagonist ; TNFsR : Tumor Necrosis Factor soluble receptors ; TIMP : Tissue inhibitor metalloproteases ; MIP a/b : Macrophage
Inflammatory Proteins ; MCP1 : Monocyte Chemoattractant Protein 1 ; TGF : Transforming Growth Factor ; Treg : T regulatory lymphocytes

etc.] et expression de molécules d’adhésion par les cel- Pneumocytes de type II


lules épithéliales et endothéliales. Certaines cytokines
favorisent l’activation et le recrutement d’autres cellules Les PII internalisent des micro-organismes, produisent
inflammatoires. Des leucotriènes et prostaglandines vont des métalloprotéinases, des dérivés oxygénés et expriment
entraîner des phénomènes vasoactifs et influencer des récepteurs pour des protéines du surfactant. De nom-
diverses fonctions des lymphocytes T, des lymphocytes B breux travaux ont mis en évidence la production par les PII
et des macrophages ; de cytokines (GM-CSF, IL-6, etc.) et de chimiokines comme
• les macrophages alvéolaires contrôlent également l’in- l’IL-8, dont la libération est facilitée par le stress méca-
nique. Ces cellules ont donc la capacité de répondre à une
flammation qu’ils provoquent par la production d’IL-1 RA
agression pulmonaire et d’influencer la forme et l’intensité
(receptor antagonist), de récepteurs solubles du TNF-a
de la réponse inflammatoire [27].
ou d’IL-10 [24] ;
• la production de lysozyme, de peptides antimicrobiens,
de dérivés oxygénés [anions superoxydes, peroxyde d’hy- Lymphocytes
drogène (H2O2), etc.] et nitrogénés (NO, nitrites, etc.) est Les alvéoles contiennent environ 10 % de lymphocytes
impliquée dans leur activité bactéricide ; parmi lesquels 50 % sont des CD4+, 30 % des CD8+, 10-
• ils participent au remodelage et à la réparation alvéolaire 15 % des NK, et 5 % des lymphocytes B. Les lymphocytes T
par la production d’enzymes telles que les métalloprotéi- produisent différents types de cytokines en fonction des
nases et de leurs inhibiteurs ; conditions de présentation (type de cellule accessoire, pré-
• la production de protéines du complément ainsi que sence de cytokines, etc.) et du type d’antigène qui leur est
d’inhibiteurs du C1q permet aux macrophages alvéolaires présenté. Ces cytokines vont influencer à leur tour la forme
de jouer un rôle dans l’opsonisation des micro-orga- de la réponse immunitaire. Très schématiquement, toutes
nismes et de contrôler l’inflammation activée par cette les cellules impliquées dans l’initiation et l’exécution des
voie. réponses immunitaires appartiennent à trois catégories
[20].
Même si les macrophages sont éliminés en majeure par-
tie par le tapis mucociliaire bronchique, ils peuvent migrer • La première catégorie est constituée de cellules qui
vers les organes lymphoïdes régionaux pour y activer les détectent l’agression. Il s’agit des macrophages et cellules
lymphocytes T spécifiques. Cependant, plusieurs études ont dendritiques pour les réponses de type 1, et les cellules
montré que les macrophages alvéolaires sont des cellules épithéliales et les mastocytes pour les réponses de type 2.
présentatrices d’antigène peu efficaces qui ont plutôt ten- Ces cellules produisent des cytokines de niveau 1 de
dance à inhiber les réponses immunitaires [24]. type 1 (IL-12, IL-23, IL-6 et IL-1b) ou de type 2 (IL-1a, IL-
25, IL-33 et TSLP).
Schématiquement, les macrophages alvéolaires permet-
tent d’initier rapidement des réactions limitées contre des • La deuxième catégorie est représentée par différentes
antigènes étrangers, ce qui évite d’induire une réponse populations lymphocytaires : Th1, Th17, Th2, Th9, ILC
immunitaire démesurée et potentiellement délétère. (innate lympoid cells), lymphocytes innate-like (ILL dont

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

les cellules NKT et les lymphocytes g/d), lymphocytes T nismes procoagulants, sur la perméabilité de la barrière
résidents mémoires TRM et lymphocytes T folliculaires hel- alvéolocapillaire. Différents stress mécaniques (hyper-
per TFH. En réponse aux cytokines de niveau 1, les lym- inflation pulmonaire ou augmentation de pression intra-
phocytes produisent des cytokines de niveau 2. Il s’agit vasculaire) ou la production de ROS par les érythrocytes
de l’IFN-g, IL-17, IL-22 pour les réponses immunes de hypoxiques peuvent également contribuer aux lésions de
type 1 et IL-4, IL-5, IL-9, IL-13 et AREG pour les réponses l’alvéole et des microvaisseaux [30].
immunes de type 2. L’IL-21 produite par les lymphocytes
Les cellules endothéliales des veinules capillaires situées
TFH est commune aux deux types de réponses lymphocy-
aux bifurcations immédiatement en aval du lit capillaire
taires.
alvéolaire pourraient constituer des sites d’initiation des
• Les cytokines de niveau 2 agissent sur la troisième caté- réponses immunitaires innées pulmonaires. En effet, ces
gorie de cellules, les effecteurs. Il peut s’agir de macro- cellules endothéliales expriment le récepteur pro-inflam-
phages, polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, matoire TNF-R1, et leur cytoplasme comporte des corps de
cellules épithéliales et lymphocytes B qui assurent l’élimi- Weibel-Palade contenant la P-sélectine, récepteur d’adhé-
nation des agents pathogènes, la production d’anticorps sion aux leucocytes [31]. Les échanges continus de Ca2+
ou les réparations tissulaires par exemple [20]. entre le réticulum endoplasmique et le cytosol sont à l’ori-
gine d’oscillations physiologiques de la concentration de
Polynucléaires neutrophiles Ca2+ cytosolique dans ces cellules. En réponse à des stress
mécaniques ou lors d’exposition au TNF-a, les cellules
et éosinophiles endothéliales des veinules capillaires doublent l’amplitude
des oscillations de concentration de Ca2+ cytosolique. Ces
Les polynucléaires neutrophiles représentent normale-
oscillations de concentration de Ca2+ augmentent égale-
ment moins de 2 % des cellules du LBA. L’afflux de poly-
ment dans la matrice mitochondriale, activant les deshy-
nucléaires neutrophiles dans les alvéoles est essentiel pour
drogénases Ca2+-dépendantes, le transport d’électrons et
assurer l’élimination de nombreux types de bactéries. Les
la production d’anions superoxydes. La superoxyde dismu-
polynucléaires neutrophiles jouent un rôle clé dans les
tase mitochondriale convertit les anions superoxydes en
défenses contre les infections et différents types d’agres-
H2O2 qui diffuse dans le cytosol et active plusieurs cibles,
sion pulmonaire. Ils contribuent probablement aux phéno-
dont les corps de Weibel-Palade, à l’origine de l’expression
mènes de destruction alvéolaire par leur production de
endothéliale de P-sélectine. La voie NF-kB est également
dérivés oxygénés, de protéases et de lipides bioactifs.
activée, provoquant la transcription de gènes pro-inflam-
Cependant, les polynucléaires neutrophiles peuvent aussi
matoires et l’expression d’E-sélectine [30, 31].
favoriser la réparation tissulaire.
Ces données suggèrent que l’endothélium des veinules
L’IL-3, l’IL-5 et le GM-CSF produits par les lymphocytes T
capillaires induit un phénotype pro-inflammatoire par la
favorisent la croissance et la différenciation des polynu- production mitochondriale Ca2+-dépendante des ROS,
cléaires éosinophiles. Les larves d’helminthes opsonisées notamment en réponse au TNF-a. La production de ROS
par les immunoglobulines ou le complément sont tout par- active la métalloprotéinase TACE (tumor necrosis factor-
ticulièrement sensibles à la cytotoxicité des polynucléaires converting enzyme), qui libère le TNF-R1 de la membrane
éosinophiles. Certaines populations de polynucléaires éosi- endothéliale et augmente les concentrations plasmatiques
nophiles pourraient également jouer un rôle immunomo- de ce récepteur, limitant les effets pro-inflammatoires du
dulateur [28]. TNF-a. Cette production de ROS par l’endothélium des
veinules capillaires serait donc protectrice vis-à-vis d’agres-
Interactions cellulaires sions pulmonaires et différente des situations patholo-
et réseau de communications intercellulaires giques avec production excessive de ROS induisant une
dysfonction mitochondriale et des réponses pro-apopto-
Récemment, il a été montré que les pneumocytes de tiques.
type I et II communiquent grâce à des signaux Ca2+
via des gap jonctions [29]. Cette communication
coordonne le stretch mécanique imposé aux PI par
l’augmentation de volume pulmonaire, à la sécré-
Composants moléculaires
tion Ca2+-induite de surfactant aux PII. De même, Protéines du surfactant
environ 40 % des macrophages alvéolaires sessiles
communiquent des signaux calciques aux cellules La caractérisation moléculaire des protéines du surfac-
de l’épithélium alvéolaire par des gap jonctions. tant a permis de découvrir de grandes similarités entre la
L’augmentation des concentrations de Ca2+ induites SP-A, l’apoprotéine D (SP-D) et la MBP. Ces trois protéines
par les infections dans l’épithélium alvéolaire pour- contiennent des régions N-terminales de type collagène
rait, par ces gap jonctions, activer les macrophages impliquées dans leur trimérisation et des domaines lectine,
sessiles. ligands de polysaccharides à leur extrémité C-terminale
(CLD). MBP et SP-A sont composées de 6 trimères liés par
des ponts disulfures et alignés en forme de bouquet de
Rôle des vaisseaux sanguins fleurs. SP-D forme une structure en croix composée de 4 tri-
pulmonaires mères irradiant d’un pont disulfure. Compte tenu de leurs
homologies de structure, SP-A, SP-D et MBP ont été
Le recrutement et la migration de plusieurs types cellu- regroupées sous le terme de « collectines » (collagène-lec-
laires, à partir des vaisseaux sanguins pulmonaires vers tine). Les collectines pulmonaires sont capables de se lier à
l’espace alvéolaire, interviennent lors des réponses immu- différents agents pathogènes et de les agréger, d’activer
nitaires contre de potentiels pathogènes inhalés. Les poly- les macrophages et d’augmenter la phagocytose et la des-
nucléaires neutrophiles, les monocytes, les lymphocytes et truction de nombreux micro-organismes [32, 33]. Les
les plaquettes sont particulièrement impliqués. Les lésions modèles de souris transgéniques suggèrent fortement l’im-
de l’alvéole et des microvaisseaux peuvent être liées à la plication de SP-A et SP-D dans les réponses immunitaires
production excessive d’espèces réactives de l’oxygène (ROS innées et le contrôle des réponses inflammatoires après
pour Reactive Oxygen Species) par les leucocytes ou aux infection pulmonaire plutôt que dans les propriétés phy-
effets de la thrombine, produite par l’activation de méca- siques du surfactant (tableau 3).

270
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page271

Physiologie alvéolaire 26

• Les souris dont le gène de la SP-A a été invalidé (spa-/-)


présentent un défaut de clairance des agents pathogènes Tableau 3 / Rôles des collectines dans l’homéostasie alvéolaire
inoculés par voie intratrachéale. Pour tous les micro-orga-
nismes testés, l’absence de SP-A aboutit à une augmen- SP-A SP-D
tation de l’infiltrat à polynucléaires neutrophiles et des
Défense alvéolaire
concentrations de TNF-a et d’IL-6 dans le LBA par rapport
aux témoins. Les macrophages alvéolaires des souris spa- Agglutination + ++
/- phagocytent moins de micro-organismes et produisent
Opsonisation ++ +
moins de dérivés oxygénés. L’administration de SP-A avec
l’inoculum infectant rétablit clairance bactérienne et Activité antivirale, antibactérienne, antifongique + ++
fonction macrophagique [13]. Modulation de l’inflammation + +
• Les souris spd-/- développent une protéinose alvéolaire Fonction du surfactant
avec distension des voies aériennes distales et des
concentrations élevées de métalloprotéinases, de dérivés Formation de myéline tubulaire + -
oxygénés et de phospholipides dans le poumon [13]. Résistance aux inhibiteurs du surfactant + -
Comme chez les souris spa-/-, la capacité de phagocytose
des micro-organismes est diminuée, l’infiltrat à polynu- Homéostasie du surfactant - +
cléaires neutrophiles et les concentrations de cytokines Structure alvéolaire
pro-inflammatoires pulmonaires sont augmentés après
Régulation du remodelage - +
infection.

Ces études suggèrent que les collectines pulmo-


naires jouent à la fois le rôle d’opsonines qui aug- capacité d’adhésion, de phagocytose, de bactéricidie intra-
mentent la clairance des micro-organismes ainsi que cellulaire, d’expression des récepteurs Toll, CD14 et PRR.
la bactéricidie, et d’immunomodulateurs qui régu- Ces anomalies suggèrent un arrêt de développement à un
lent le recrutement et l’activation des cellules stade précoce de différenciation. Le rétablissement de l’ex-
inflammatoires (figure 6). pression locale du GM-CSF guérit cette protéinose alvéo-
laire et rétablit les fonctions des macrophages des souris
gm-/- [13]. Le GM-CSF intervient dans la régulation de l’ex-
GM-CSF pression du récepteur FcgR des macrophages alvéolaires et
la phagocytose des particules opsonisées [27]. Il est indis-
Le GM-CSF est une cytokine principalement connue pensable aux macrophages alvéolaires de souris infectées
comme facteur de croissance des cellules phagocytaires et pour produire l’IL-18 et l’IL-12. Ces cytokines stimulent la
stimulant la production de polynucléaires éosinophiles, production d’IFN-g par les lymphocytes Th1 et les cellules
d’érythrocytes, de mégacaryocytes et de cellules dendri- NK et favorisent l’expression dépendant de l’IFN-g du
tiques. Le GM-CSF est produit par de nombreux types cel- récepteur FcgR par les macrophages alvéolaires.
lulaires et ses récepteurs sont notamment exprimés à la
surface des monocytes/macrophages et des PII. Le GM-CSF Chez l’homme, la protéinose alvéolaire pulmonaire est
joue aussi un rôle dans l’homéostasie du surfactant et le caractérisée par l’accumulation de surfactant dans les
système de défense pulmonaire [27]. L’invalidation chez la espaces aériens et une susceptibilité accrue aux infections
souris du gène codant le GM-CSF (gm-/-) ou son récepteur virales, bactériennes et fongiques. Trois types de protéi-
(gm-rbc-/-) induit une protéinose alvéolaire et accroît la sus- nose alvéolaire peuvent être individualisés : les protéinoses
ceptibilité aux infections bactériennes et fongiques. Les alvéolaires pulmonaires d’origine génétique, par mutation
macrophages alvéolaires des souris gm-/- présentent un des gènes codant les sous-unités du récepteur du GM-CSF ;
défaut de clairance du surfactant, une diminution de leur les formes auto-immunes, avec auto-anticorps anti-GM-

SP-D SP-A
Agrégation et opsonisation
Phagocytose (Ma), recrutement PN
Internalisation Effets bactéricides directs Inhibition
et présentation Modulation expression cytokines et dérivés O2/N2 maturation
antigénique Inhibition prolifération LT CD

Macrophage
Polynucléaire alvéolaire
neutrophile (PN) (Ma)

Agent pathogène,
cellule apoptotique

Lymphocyte T Cellule
Figure 6 / Rôles potentiels des collectines (LT) dendritique
(SP-A à droite et SP-D à gauche) dans le système (CD)
de défense alvéolaire Pneumocyte II

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

CSF ; et les formes secondaires, par inhalation de toxiques des protéines totales du liquide de LBA normal et sont
ou dysfonction des macrophages alvéolaires liée à une les immunoglobulines prédominantes de la surface
pathologie hématologique ou un déficit immunitaire. alvéolaire. Une fois liées aux particules, les IgG facilitent
Chez la souris présentant une protéinose alvéolaire leur opsonisation par le biais des récepteurs de la frac-
secondaire à une mutation du récepteur du GM-CSF, une tion Fc des IgG (FcgR) exprimés à la surface des cellules
équipe a montré l’intérêt thérapeutique de la transplan- phagocytaires. Dans l’alvéole, les principales sous-classes
tation pulmonaire de macrophages de souris sauvages ou d’IgG qui activent le système du complément sont les
de macrophages avec correction de la mutation du récep- IgG1 et les IgG3. Les conséquences de cette activation
teur du GM-CSF par transfection du gène sauvage au préa- sont : la lyse des micro-organismes, leur opsonisation
lable in vitro [34]. Ces résultats pourraient aboutir à de grâce aux récepteurs pour les fractions du complément
nouvelles stratégies thérapeutiques chez l’homme permet- exprimés par les phagocytes et l’activation cellulaire à
tant d’éviter les inconvénients de la stratégie dite myélo- l’origine de la production de facteurs induisant le recru-
ablative, nécessaire à la greffe cellulaire, ou de l’utilisation tement d’autres cellules phagocytaires (polynucléaires
de différents types de vecteurs nécessaire à la transfection neutrophiles, par ex.).
du gène corrigé in vivo.
Les protéines du complément (produites par les
Immunoglobulines macrophages, les PII, les fibroblastes, mais surtout par les
hépatocytes et transportées au poumon par voie san-
et autres opsonines guine), la fibronectine (produite par les macrophages, les
Plusieurs éléments du milieu alvéolaire se lient aux cellules épithéliales et les fibroblastes) et les protéines
particules et favorisent leur phagocytose (opsonisation). du surfactant (SP-A et SP-D) ont également un effet
Les immunoglobulines de type G (IgG) constituent 5 % opsonisant.

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272
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 09:59 Page273

PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

27
• Résistance et pressions vasculaires pulmonaires
Physiologie
• Le débit sanguin pulmonaire de la circulation
• La viscosité du sang
• La pression auriculaire gauche
pulmonaire
• Les effets de la gravité
• La vasoconstriction pulmonaire hypoxique
Robert Naeije*, François Kerbaul**
• La constante de temps de la circulation pulmonaire
* Département de cardiologie,
• La charge hydraulique de la circulation pulmonaire Hôpital Érasme, Bruxelles, Belgique
** SAMU 13, Groupe hospitalier Timone,
UMR MD 2 Aix-Marseille Université, Marseille

a circulation pulmonaire est un système à haut moyenne (Pog), et par une constante qui dépend des pro-
débit et à basse pression. Sa structure est propice priétés résistives des vaisseaux pulmonaires : la résistance
aux échanges gazeux pulmonaires et minimise la vasculaire pulmonaire (RVP).
postcharge au cœur droit. Elle est l’aboutissement Q = RVP × (mPap-Pog)
d’un processus évolutif allant des poissons, amphi- L’état fonctionnel d’un système circulatoire est défini
biens et reptiles poïkilothermes aux mammifères par une relation entre le débit qui le parcourt et sa pres-
et oiseaux homéothermes [1]. L’homéothermie sion motrice. La fonction vasculaire pulmonaire est donc
implique une augmentation considérable de la res- définie par un chiffre unique, la RVP.
piration, et donc de la consommation d’oxygène et
En clinique, les pressions vasculaires et le débit sanguin
de la production de dioxyde de carbone par unité
pulmonaires sont mesurés à l’aide de cathéters à triple
de poids corporel. Elle nécessite une facilitation de lumière et à thermistance introduits par Swan, Ganz,
la diffusion des gaz à travers une membrane Forrester et leurs collègues au début des années 1970 [2].
alvéolo-capillaire de plus en plus mince, protégée Les trois lumières du cathéter s’ouvrent respectivement
des hautes pressions au sein d’une circulation pul- dans l’oreillette droite, l’artère pulmonaire et un ballon-
monaire séparée des autres systèmes circulatoires. net. Le ballonnet transporte l’extrémité du cathéter par les
Tout en même temps, le ventricule droit devient un cavités droites du cœur jusque dans l’artère pulmonaire,
générateur de volume à paroi mince et le cœur est mesurant au passage la pression auriculaire droite (Pod),
restructuré en cavités droites et gauches non com- la pression ventriculaire droite (Pvd), la Pap et la Pap
municantes. Cet avantage évolutif s’accompagne occluse (Papo) (figure 1).
d’une double vulnérabilité, pulmonaire et car- Le cathéter pulmonaire de « Swan-Ganz » permet une
diaque. L’augmentation rapide des pressions vas- estimation de la Pog à partir d’une Papo ou d’une Pap blo-
culaires pulmonaires peut se compliquer d’une quée (wedged en anglais, Ppw) pour autant que la circu-
défaillance cardiaque droite ou d’un œdème pul- lation pulmonaire soit entièrement recrutée (sujet sain
monaire. Ces complications ont été observées chez normalement hydraté en position couchée). Ces mesures
le sujet sain lors d’efforts en altitude. sont illustrées à la figure 1. En raison de la structure frac-
tale de l’arbre vasculaire pulmonaire, l’impaction du cathé-
ter à ballonnet gonflé ou dégonflé crée une colonne

Résistance et pressions
liquidienne immobile d’aval, prolongeant la colonne liqui-
dienne interne du cathéter jusqu’aux veines pulmonaires

vasculaires pulmonaires de même diamètre que les branches artères pulmonaires


occluses. L’injection de 5 à 10 mL de liquide physiologique
froid par la lumière auriculaire droite induit une variation
La fonction vasculaire de température enregistrée par la thermistance au sein de
l’artère pulmonaire, à partir de laquelle le débit sanguin
pulmonaire pulmonaire peut être calculé.
La RVP est minimale à capacité résiduelle fonctionnelle
La perfusion d’un système circulatoire dépend d’une (CRF) et maximale à bas et à haut volume pulmonaire [3].
pression motrice, c’est-à-dire d’un gradient de pression, Le cœur et la circulation pulmonaire sont exposés à la
entre une pression d’entrée et une pression de sortie. Ainsi, pression pleurale qui est normalement légèrement sub-
le flux sanguin pulmonaire (Q) est déterminé par la diffé- atmosphérique, à – 3 mmHg. En respiration spontanée, la
rence entre la pression artérielle pulmonaire (Pap) pression pleurale diminue à l’inspiration et augmente à
moyenne (mPap) et la pression auriculaire gauche l’expiration. La Pod, la Pvd, Pap, la Papo, la Ppw, la Pog et

273
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

la pression télédiastolique du ventricule gauche suivent les Parfois, la mesure de la Papo ou de la Ppw n’est pas
variations de la pression pleurale. Pour ces raisons, il est techniquement possible. On peut alors calculer une RVP
recommandé de lire les mesures hémodynamiques pulmo- « totale » (RVPT) :
naires en les moyennant sur au moins trois cycles respira- RVPT = mPap / Q.
toires [4].
La RVPT est plus élevée que la RVP, et affectée par la
Pog. Elle ne peut se substituer à la PVR pour évaluer la
fonction vasculaire pulmonaire.

La pression capillaire
pulmonaire
La Papo et la Ppw ne mesurent pas la pression capillaire
pulmonaire (Pcp). La Pcp peut être estimée par l’analyse
Pression
des transitoires de pression induits par une occlusion arté-
mmHg
20 rielle pulmonaire (figure 2). Ces transitoires présentent une
décroissance rapide, correspondant à l’interruption du flux
sanguin au travers d’une résistance artérielle, et une
0 décroissance lente, correspondant à la vidange d’une com-
Pod Prv Pap Papo pliance capillaire au travers d’une résistance veineuse.
L’extrapolation de la courbe de décroissance lente au
moment de l’obstruction offre une mesure de la pression
Artères Capillaires Veines régnant à l’entrée des capillaires pulmonaires [5].
La Pcp peut aussi être estimée par une équation intro-
Pap Pog duite par Gaar en 1967 [6] :
Pcp = Pog + 0,4 × (mPap-Pog).
Papo
Interruption L’équation de Gaar se base sur une distribution longi-
du débit tudinale normale des résistances vasculaires pulmonaires,
Ppw sanguin dont 60 % sont artérielles et 40 % capillaro-veineuses. Elle
permet l’approximation que la Pcp est à peu près à mi-che-
Figure 1 / Cathétérisme du cœur droit à l’aide d’un cathéter min entre la mPap et la Papo. La distribution des résis-
pulmonaire à ballonnet, avec mesures successives de la pression tances vasculaires est inchangée dans l’hypertension
auriculaire droite (Pod), la pression ventriculaire droite (Prv), pulmonaire, sauf si elle est thrombo-embolique. Dans ce
la pression artérielle pulmonaire (Pap) et la Pap occluse (Papo) cas, la contribution de la résistance artérielle à la RVP aug-
L’occlusion d’une branche de l’artère pulmonaire crée mente [7].
en aval une colonne liquidienne immobile (pointillés)
s’étendant jusqu’à une veine pulmonaire de même calibre.
Pog : pression auriculaire gauche moyenne. Limites de la normale
Les limites de la normale de l’hémodynamique pul-
monaire humaine établies sur la base de 47 études
invasives sur 1 187 sujets, dont 225 femmes et
717 hommes [8] sont montrées au tableau 1.
40 Occlusion

30
Portion rapide
20 Inflection
Pcp Portion lente
10

0 Tableau 1 / Hémodynamique pulmonaire :


1 2 3 4 5 6 valeurs normales
Sec
Limites
Capillaires Variables Moyenne
Artère Veine de la normale
Avant occlusion
Débit cardiaque 6,4 4,5 – 8,5
(L/min)
Fréquence cardiaque 67 40 – 100
Swan-Ganz (bpm)
Après oclusion
Pap systolique (mmHg) 19 13 – 26
Pap diastolique 10 6 – 16
(mmHg)
Pap moyenne (mmHg) 13 8 – 20
Figure 2 / Occlusion de l’artère pulmonaire
La pression capillaire (Pcp) est mesurée à l’extrapolation de la phase Papo (mmHg) 9 5 – 12
lente de décroissance du transitoire de pression au moment de
l’occlusion. La phase rapide correspond à l’interruption du flux Ppc (mmHg) 10 8 – 12
au travers de la résistance artérielle, la phase lente à la vidange Pod (mmHg) 5 1–8
de la compliance capillaire au travers de la résistance veineuse.
RVP (dyne.s.cm-5) 55 12 – 100

274
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Physiologie de la circulation pulmonaire 27

Effets de l’âge, du sexe l’âge, avec l’augmentation du débit cardiaque et au cours


d’une exposition chronique à l’hypoxie [17]. Il est intéres-
et de la position corporelle sant qu’α soit en moyenne plus élevée chez la femme
jeune que chez l’homme et que cette différence s’estompe
Les Pap, Papo, Pcp et Pod ne diffèrent pas chez après la ménopause [16]. La distensibilité des vaisseaux
l’homme et la femme. Le débit cardiaque est inférieur et résistifs rend compte de la légère curvilinéarité naturelle
la RVP supérieure chez la femme, mais ces différences dis- des relations mPap-Q à plusieurs points mesurés au cours
paraissent après correction pour les dimensions corpo- d’une épreuve d’effort [17].
relles.
La répétition des mesures invasives et non invasives des
La RVP augmente avec l’âge. Elle double en 5 à pressions vasculaires pulmonaires et du débit cardiaque à
6 décades de vie [8]. Cet effet de l’âge est expliqué par une l’effort chez le sujet sain a permis de proposer des limites
légère augmentation de la Pap et une diminution plus de la normale de la Pap en fonction du débit cardiaque
importante du débit cardiaque. indiquées par la zone colorée de la figure 3.

La position debout s’accompagne de diminutions de La faible curvilinéarité de la relation mPap-Q à plu-


Papo, de Pod et du débit cardiaque causées par une dimi- sieurs points rend licite son ajustement linéaire. La pente
nution du retour veineux systémique. La Pap n’est pas linéarisée de la relation Pap-Q ne dépasse pas normale-
affectée à cause d’un dérecrutement de la circulation pul- ment 3 mmHg/L/min ou une RVPT au maximum de l’effort
monaire. La RVP est donc plus élevée en position debout de 3 mmHg/L/min [17-19]. La mise en évidence d’une
(ou assise) qu’en position couchée. L’effort s’accompagne pente Pap-Q ou d’une RVPT maximale supérieures à
d’un recrutement rapide de la circulation pulmonaire, effa- 3 mmHg/L/min doit en faire rechercher les causes possi-
çant les effets de la position corporelle sur la RVP dès que bles. Celles-ci se répartissent entre affections cardiaques
le débit cardiaque augmente [9]. causes d’hypertension veineuse pulmonaire (décompensa-
tion cardiaque gauche, valvulopathies) et maladies vascu-
laires pulmonaires (fermeture tardive de communication

Le débit sanguin inter-auriculaire, sclérodermie, etc.) [19].


Le modèle de circulation pulmonaire de Linehan per-
pulmonaire met aussi d’estimer les effets d’une obstruction vasculaire
pulmonaire sur la relation Pap-Q. Comme l’illustre la
L’équation de la RVP assume que celle-ci est une figure 4, la Pap dépasse la limite supérieure de la normale
constante, indépendante de la Pap ou du débit cardiaque. de 20 mmHg lorsque le débit cardiaque est normal et
En réalité, la RVP diminue lorsque le débit cardiaque aug- lorsque l’obstruction du lit vasculaire pulmonaire dépasse
mente. Ceci s’explique par un recrutement de vaisseaux 50 %.
pulmonaires initialement collabés. Dans cette situation, la
circulation pulmonaire se conforme au modèle de la cas-
cade proposé par Permutt et al. en 1962 [10]. Le débit 50
d’une cascade est indépendant de sa hauteur. Le modèle
évoque l’indépendance du débit sanguin pulmonaire par Figure 3 / Relations
rapport au gradient Pap – Pog (la hauteur de la chute) entre la pression 40
lorsqu’il existe une pression de fermeture des vaisseaux moyenne de l’artère
pulmonaires qui soit supérieure à la Pog. Une pression de pulmonaire (Pap) et le
30
Pap (mmHg)

fermeture peut apparaître lorsqu’il y a une augmentation débit cardiaque chez


l’homme (d’après [19])
de la pression interstitielle ou de la pression alvéolaire. Elle
La zone colorée indique
peut aussi résulter de la tonicité propre des vaisseaux pul- 20
les limites de la normale.
monaires résistifs. La fermeture des vaisseaux pulmonaires Les traits pointillés
s’observe normalement au sommet des poumons parce montrent que la Pap ne
10
que la pression alvéolaire y est supérieure à la Pog [11]. Elle dépasse normalement
s’observe aussi dans l’œdème pulmonaire lésionnel [12]. pas 30 mmHg à un débit
Elle explique la dissociation fonctionnelle entre la Pap et cardiaque de 19 L/min, 0
le débit cardiaque dans le syndrome de détresse respira- et 42 mmHg à un débit 0 5 10 15 20
toire aiguë [13]. cardiaque de 20 L/min. Débit cardiaque (L/min)

La RVP diminue aussi lorsque le flux sanguin augmente


au sein de poumons entièrement recrutés. Dans ce cas, la
relation Pap-Q se conforme à un modèle de circulation pul-
monaire distensible sans pression de fermeture introduit 70
90 %
par Linehan et al. en 1992 [14]. Ces auteurs ont montré que
le calcul de la RVP peut être amélioré par l’insertion d’un 60
coefficient de distensibilité α : 80 %
50
RVP = [(1 + α.Pap)5 - (1 + α.Pog)5] / 5.α.Q.
70 %
Pap (mmHg)

La distensibilité vasculaire pulmonaire α mesurée in 40


Figure 4 / Pression 60 %
vitro est de l’ordre de 2 % d’augmentation de diamètre 50 %
moyenne de l’artère 30
(D) par mmHg de pression (P) transmurale. Cette valeur est 40 %
pulmonaire (Pap) en 30 %
constante d’une espèce à l’autre [15] : fonction du débit
20 %
20 10 %
0%
D = D0 + α.P cardiaque à des niveaux
où D0 est le diamètre initial. croissants d’obstruction 10
angiographique dans
L’équation de la RVP intégrant α permet de recalculer un modèle canin
cette dernière à partir de mesures de débit et de pressions 0
d’hypertension 0 1 2 3 4 5 6 7
vasculaires pulmonaires [15, 16]. Le coefficient α s’établit pulmonaire embolique Débit cardiaque (L/min)
ainsi à 1-2 %/mmHg chez l’adulte jeune. Il diminue avec

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

La viscosité du sang Toutefois, cette hypertension pulmonaire passive pro-


voque une altération de la fonction endothéliale et un
remodelage des vaisseaux pulmonaires [21]. Dans ce cas, la
La loi de Poiseille-Hagen dont dérive le calcul de la RVP Pap augmente de façon dysproportionnée, dans un rap-
dispose que la résistance à l’écoulement d’un fluide est port à la Pog supérieur à l’unité augmentant ainsi le gra-
directement proportionnelle à sa viscosité. La viscosité du dient transpulmonaire (TPG) ou différence mPAP – Pog (ou
sang est principalement déterminée par l’hématocrite. La numérateur de l’équation de la RVP) [21].
relation entre résistance vasculaire et hématocrite est TPG = mPap – Pog.
exponentielle.
La limite supérieure de la normale du TPG est estimée à
Plusieurs équations ont été proposées pour corriger la 12 mmHg. Cela correspond à une RVP de 1,5 mmHg/L/min
RVP en fonction de l’hématocrite. La plus utile est celle à un débit cardiaque de 8 L/min.
introduite par Linehan, élaborée à partir de mesures effec-
tuées sur poumons isolés perfusés [14] : Le TPG n’est pas toujours fiable pour le diagnostic de
1 l’hypertension pulmonaire précapillaire dans la défail-
R0 ( 45 %) = R0 (HCT )
exp (2 ( ϕ − 0.45) ) lance cardiaque gauche. Le gradient est sensible au
volume d’éjection systolique et à la compliance artérielle
où R0 est la résistance recalculée pour un hématocrite pulmonaire (Ca). L’augmentation des pressions vascu-
(HCT) à 45 %.
laires pulmonaires consécutive à une augmentation de la
L’équation permet de prédire que l’impact de l’hémato- Pog diminue la Ca. Le TPG peut ainsi augmenter hors de
crite sur la RVP augmente avec celle-ci. À un hématocrite à proportion de la Pog lorsque celle-ci dépasse 15 mmHg
20 %, la RVP recalculée pour un hématocrite de 45 % aug- [22].
mente de 1,5 mmHg/L/min à une RVP de 2 mmHg/L/min, et
En 1971, Harvey et al. avaient proposé de considérer
de 4 mmHg/L/min à une RVP de 6 mmHg/L/min. Ces effets
plutôt le gradient diastolo-capillaire pulmonaire (DPG)
sont amplifiés par le débit cardiaque.
[23] :
Les corrections pour l’hématocrite n’ont pas encore été DPG = Pap diastolique – Pog.
appliquées aux maladies vasculaires pulmonaires qui peu-
vent compliquer les anémies hémolytiques. L’habitat pro- Le DPG est moins sensible que le TPG au débit car-
longé en haute altitude s’accompagne d’hypertension diaque puisque le flux sanguin pulmonaire s’annule durant
pulmonaire et de polyglobulie. Celle-ci est plus marquée la diastole. De plus, il n’est pas affecté par la Ca [22, 23]. Il
chez les Indiens Quechua ou Aymara vivant sur les hauts est donc plus utile pour le diagnostic différentiel de l’hy-
plateaux de la Cordillère des Andes que chez les Tibétains pertension pulmonaire dans la décompensation cardiaque
ou les Sherpas vivant dans les hautes vallées himalayennes. [22, 23].
Les corrections réduisent la Pap et la RVP, surtout à l’effort, La limite supérieure de la normale du DPG chez l’adulte
et tendent à faire disparaître les différences inter-eth- jeune est de 5 mmHg. Une valeur supérieure à 7 mmHg
niques [20] suggère une hypertension pulmonaire précapillaire « dis-
proportionnée » par rapport à l’augmentation de la Pog

La pression auriculaire
chez les patients atteints de défaillance cardiaque gauche
[24].

gauche
L’équation de la RVP dispose que la différence entre la Les effets de la gravité
Pap et la Pog reste constante à même débit cardiaque. Une
augmentation de Pog de 10 mmHg s’accompagnerait donc La gravité impose une augmentation linéaire du débit
nécessairement d’une augmentation de Pap de 10 mmHg. sanguin par unité de volume pulmonaire, du haut vers le
bas des poumons. Le gradient de perfusion est maximal
dans un poumon vertical, mais persiste dans un poumon
déclive. Les interactions entre la Pap, la pression alvéolaire
(PA) et la pression veineuse pulmonaire (Pvp) déterminent
trois zones de perfusion décrites par West en 1974 [11].
APEX Elles sont illustrées à la figure 5.
La zone 1 peut n’être perfusée que durant une partie
1. Collapsus du cycle cardiaque d’un poumon normal vertical, lorsque
Pap < PA
la Pap systolique est supérieure à la PA. Elle peut s’étendre
et apparaître dans un poumon déclive en cas de bas débit
DISTANCE

cardiaque, au cours d’états de choc par exemple et/ou lors


d’une ventilation en pressions positives. La zone 2 est un
2. Chute d’eau système circulatoire à pression de fermeture, la PA jouant
Pap = PA le rôle de pression de fermeture supérieure à la Pvp. En
zone 2, la perfusion motrice de la perfusion est donc le gra-
3. Distension dient Pap – PA. En zone 3, la pression motrice de la perfu-
sion est le gradient Pap – Pvp.
4. Pression Le gradient de perfusion s’inverse dans la partie la plus
interstitielle BASE déclive des poumons. Cette zone 4 est expliquée par une
Flux sanguin augmentation de la résistance des vaisseaux pulmonaires
Figure 5 / Distribution zonale de la perfusion pulmonaire, extra-alvéolaires, comprimés par le poids des poumons, et
montrant les trois zones dites de West et la zone 4 décrite par Hughes aussi par une tonicité réactive à l’abaissement de la PO2
Pap : pression artérielle pulmonaire ; PA : pression alvéolaire. locale résultant d’un plus bas rapport ventilation/perfusion
(VA/Q) [25].

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Physiologie de la circulation pulmonaire 27

La vasoconstriction La constante de temps de


pulmonaire hypoxique la circulation pulmonaire
La distribution de la perfusion pulmonaire est passive. En 1971, Reuben avait noté une relation inverse entre
Elle peut cependant être redistribuée activement par la la RVP et la Ca, dont il ne trouvait pas l’équivalent dans la
vasoconstriction pulmonaire hypoxique (VPH). Ce réflexe circulation systémique [31]. Plus récemment, Lankhaar et
intrapulmonaire a été démontré sur des poumons isolés al. ont montré que le produit de ces deux variables est
perfusés de chats par von Euler et Liljestrand en 1946 [26]. constant dans le poumon normal ou pathologique, avec
Dans la discussion de leurs observations, ces auteurs ou sans traitement vasodilatateur [32-34].
avaient émis l’hypothèse que la fonction de la VPH chez
Le caractère inaltérable du produit PVR × Ca, appelé
l’animal intact serait de corriger les hypoxémies secon-
aussi « constante de temps de la circulation pulmonaire »
daires à des affections pulmonaires. En effet, la constric-
(RC-temps) implique que la Ca devient un déterminant
tion de vaisseaux perfusant une zone pulmonaire
majeur de la postcharge ventriculaire droite quand la RVP
hypoventilée, telle qu’une pneumonie par exemple, per-
est basse [35]. Une RC-temps constante implique en outre
mettrait de redistribuer le sang veineux mêlé vers des
que la composante oscillatoire de la puissance hydraulique
zones pulmonaires mieux ventilées, la plus haute PO2,
de la circulation pulmonaire (WOSC) reste une fraction
améliorant ainsi l’oxémie. Cette hypothèse a été confirmée
constante de la puissance hydraulique totale (WTOT) indé-
dans divers modèles expérimentaux et chez le malade [27,
pendamment de la Pap [36].
28].
La RC-temps de la circulation pulmonaire n’est pas inal-
La PO2 au sein du poumon est déterminée par un rap-
térable. Elle diminue dans la décompensation cardiaque
port entre la ventilation alvéolaire (VA) et le débit sanguin
[37] parce que l’augmentation de la Pog tend à diminuer
(Q). Une réduction locale de Q par VPH augmente la PO2
la Ca [22, 23] et dans l’hypertension pulmonaire thrombo-
par augmentation du rapport VA/Q :
embolique [38] en raison de l’impact de la réflexion des
PO2 = VA / Q.
ondes sur une obstruction proximale du réseau artériel pul-
Dans le tissu musculaire, la PO2 locale est déterminée monaire [39,40].
par le rapport entre la consommation d’O2 (VO2) et l’ap-
Les effets de l’obstruction artérielle pulmonaire proxi-
port d’O2 par convection, déterminé par Q. Une augmen-
male sur le produit PVR × Ca peuvent être reproduits par
tation de Q par vasodilatation hypoxique augmente la
une constriction expérimentale de l’arbre artériel pulmo-
PO2 :
naire proximal [40] (figure 7).
PO2 = Q / VO2.
La biologie de la VPH a fait l’objet d’abondantes
recherches, récemment revues avec plus de 1 000 réfé-
rences [29]. Elle reste incomplètement élucidée. On sait
100
toutefois que la constriction de fibres musculaires lisses
PaO2 SaO2
artériolaires pulmonaires en hypoxie est enclenchée par
une dépolarisation membranaire par inhibition de canaux
potassiques voltage-dépendants et ouverture secondaire
de canaux calciques. La libération de radicaux de l’oxygène 8
80
paraît également impliquée. La VPH est modulée par une 4
série de médiateurs endothéliaux (dont l’endothéline, la 2
prostacycline et l’oxyde nitrique) ainsi que par le système
VPH 1
nerveux sympathique.
magnitude
La quantification de l’efficacité de la VPH en tant que 60
8
mécanisme protecteur des hypoxémies graves a pu être 4
modélisée à partir de mesures gazométriques y incluant 2
des gaz inertes de solubilité variable, un modèle mathé- VPH 1
matique de poumon à 50 compartiments et la théorie du magnitude
contrôle. [30]. Les résultats en sont montrés à la figure 6 40
1,5 2,0 2,5 1,5 2,0 2,5
pour des altérations des rapports VA/Q typiquement Log SD VA / Q
rapportées dans la bronchopneumopathie chronique obs-
tructive. On voit que la VPH permet des corrections subs- Figure 6 / Effets d’une inhomogénéité des rapports
tantielles des hypoxémies induites par l’altération des ventilation/perfusion (VA/Q) typique de la bronchopneumopathie
rapports VA/Q. chronique obstructive (BPCO) sur la pression partielle artérielle
en oxygène (PaO2) et la saturation artérielle en O2 (SaO2) chez
Diverses interventions pharmacologiques inhibent ou des patients respirant un air enrichi en O2 (30 % d’O2 dans
renforcent la VPH. Ces observations n’ont pas connu d’ap- de l’azote), à une hémoglobine à 15 g/dL, un métabolisme normal,
plications thérapeutiques. La VPH varie considérablement une ventilation à 7,2 L/min et un débit cardiaque à 6 L/min
d’un individu ou d’une espèce à l’autre. Il n’y a pas de don- (d’après [30])
nées permettant de relier cette variabilité au pronostic des Le shunt est assumé à 0 % et l’espace mort à 30 %.
La vasoconstriction pulmonaire hypoxique (VPH) est quantifiée
affections pulmonaires hypoxémiantes [27, 28]. En par un rapport entre pression artérielle pulmonaire en hypoxie
revanche, la VPH imposée à l’ensemble des poumons en et en normoxie. Dans la réalité clinique, elle culmine entre 2 et 4.
hypoxie hypobare est cause d’hypertension pulmonaire et On voit que la VPH peut augmenter la PaO2 de près de 10 mmHg
donc, potentiellement, d’œdème pulmonaire et/ou de dans la BPCO grave.
défaillance cardiaque droite [28].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

6 vitesse maximale des jets d’insuffisance tricuspide mesurés


Banding en Doppler continu au cours d’une échocardiographie [43].
5 Micro-embolie

La charge hydraulique de
Ca (mL/mmHg)

3 la circulation pulmonaire
2 Une augmentation de la Pap provoque une augmenta-
tion de la puissance hydraulique du ventricule droit néces-
1 saire au maintien du débit éjecté, et donc de l’adéquation
du débit cardiaque à la demande métabolique. La puis-
0 sance hydraulique totale (WTOT) est constituée d’une puis-
0 0,5 1 1,5
RVPT (mmHg/mL/sec) sance continue (WCONT) et d’une puissance oscillatoire
(WOSC) [44]. La WCONT est égale au produit du volume
Figure 7 / Compliance artérielle pulmonaire (Ca) en fonction d’éjection systolique (VES) par la Pap :
de la résistance vasculaire pulmonaire totale (RVPT) chez WCONT = VES × Pap
des chiens avec hypertension pulmonaire induite soit WTOT = WCONT + WOSC.
par une constriction proximale (banding), soit par l’injection
de micro-billes (micro-embolie) (d’après [40]) Une augmentation du rapport Wosc/Wtot augmente-
La constante de temps Ca × RPT est diminuée dans rait le travail du ventricule droit sans augmenter le débit
l’hypertension pulmonaire sur obstruction proximale éjecté. Cette éventualité est improbable à cause de la pro-
du réseau artériel pulmonaire. portionnalité des Pap systolique et moyenne [42]. Saouti
et al. ont montré que le rapport WOSC/WTOT reste invaria-
blement à une valeur de l’ordre de 23 %. [36]. Ils ont pro-
posé la formule suivante pour calculer WTOT :
WTOT = 1,3 × mPap × VES.

Il faut cependant noter que le concept de constance de Il est facile de calculer que les valeurs extrêmes de la
temps de la circulation pulmonaire telle qu’estimée par le constante de temps rapportées dans la littérature, allant
produit PVR × Ca a été critiqué à cause des imprécisions de 0,2 à 1 sec, affectent peu la constante de proportion-
inhérentes aux mesures de ces deux variables, l’existence nalité entre WTOT et WCONT qui varie à l’extrême de 1,2 à
de variables communes causant un couplage mathéma- 1,4 [45]. Donc les diminutions de Ca observées dans la
tique et l’absence de validation de leur produit par des défaillance cardiaque et dans l’hypertension pulmonaire
mesures directes du temps de décroissance de la Pap en thrombo-embolique sont quasi sans effet sur la compo-
diastole [41]. Le produit PVR × Ca varie d’une étude à l’au- sante oscillatoire de la postcharge hydraulique du ventri-
tre, avec la plupart des valeurs calculées entre 0,4 et 1 sec, cule droit.
et curieusement des valeurs parmi les plus basses rappor-
tées dans certaines études chez le sujet normal [41]. Il reste
que les corrélations, toujours significatives, entre PVR et
Ca contrastent avec l’absence de corrélation entre résis- Conclusions
tance et compliance au sein de la circulation systémique
[32-35, 37, 38]. Une bonne connaissance de la physiologie de la circu-
lation pulmonaire est indispensable au diagnostic et au
La relative stabilité du produit PVR × Ca explique les traitement des maladies vasculaires pulmonaires. La des-
corrélations étroites existant entre Pap systolique, cription complète de l’état fonctionnel de la circulation
moyenne et diastolique chez le sujet normal aussi bien que pulmonaire requiert des mesures de résistance et de com-
chez le patient hypertendu pulmonaire [42]. Il en résulte pliance, avec recours selon les circonstances à une épreuve
qu’il est possible de calculer la Pap moyenne (mPap) à par-
d’effort destinée à solliciter les vaisseaux pulmonaires par
tir de la PAP systolique (sPap) par la formule :
une augmentation du débit cardiaque. Les progrès de
mPap = 0,6 × sPap + 2.
l’imagerie offrent la perspective d’évaluations entièrement
Cette formule permet une excellente prédiction de la non invasives, dont la validation nécessitera une parfaite
mPap à partir d’une sPap recalculée sur la base d’une compréhension de leur signification fonctionnelle.

278
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Physiologie de la circulation pulmonaire 27

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

28
Physiopathologie de
• Effets respiratoires
la ventilation mécanique
de la ventilation mécanique
• Effets hémodynamiques
de la ventilation mécanique Thomas Clavier*, Pierre Gildas Guitard*,
Nicolas Devos**, Benoît Veber*
* Pôle réanimation-anesthésie-SAMU, CHU Charles-Nicolle, Rouen
** Clinique de l’Europe, Rouen

a ventilation mécanique présente de nom- déclive. Il en découle une diminution de la capacité


breuses conséquences physiopathologiques. Les résiduelle fonctionnelle et une altération des rapports ven-
effets délétères sur le poumon ont été les premiers tilation-perfusion [3]. De 8 à 10 % du parenchyme pulmo-
décrits [1] et sont habituellement regroupés sous le naire peut être touché par ce phénomène chez le sujet sain
terme « barotraumatisme ». Ils peuvent se manifes- anesthésié [4].
ter cliniquement par l’apparition d’un pneumotho-
Ces mécanismes introduisent la notion de « dérecrute-
rax, d’un pneumomédiastin ou d’un emphysème ment » lequel peut être favorisé par l’application d’une
sous-cutané. Plus récemment, bon nombre d’au- ventilation mécanique à fréquence élevée et à faible
teurs ont ajouté à cette notion celle de l’altération volume courant, par l’emploi d’une fraction inspirée en
de la membrane alvéolo-capillaire par une ventila- oxygène (FiO2) élevée [5], par l’absence de changement de
tion à haute pression et à haut volume pulmonaire position du patient ventilé au long cours [6] ou encore par
qui entraîne des modifications structurales et phy- les aspirations trachéales répétées [7]. Pour limiter ce dére-
siologiques sévères de l’épithélium alvéolaire abou- crutement, il est souvent nécessaire d’appliquer une forte
tissant à un œdème interstitiel. Webb et Tierney [2] pression transpulmonaire sur ces zones atélectasiées pré-
ont été les premiers à mettre en évidence cet effet sentant une élastance élevée. Cette stratégie a pour consé-
délétère de la ventilation mécanique puisqu’un quence d’entraîner une surdistension des zones adjacentes
œdème interstitiel apparaissait sur le poumon de non atélectasiées soumises, alors, à un haut régime de
rats ventilés à thorax fermé pour des pressions d’in- pression.
sufflation de 30 cmH2O.
À côté de ces effets respiratoires, la ventilation
mécanique entraîne aussi des effets non négligea- Lésions pulmonaires induites
bles sur la fonction circulatoire ainsi que certaines
modifications métaboliques. par la ventilation mécanique
Dans cet exposé, nous ne traiterons que des effets
respiratoires puis, succinctement, des effets hémo- Soupçonnées depuis plus de 30 ans [8], les lésions
induites par la ventilation artificielle ont été largement
dynamiques de la ventilation assistée.
confirmées par la littérature médicale. La lésion induite
comprend essentiellement un œdème pulmonaire lésion-
nel secondaire à des altérations profondes et complexes de
Effets respiratoires de la barrière alvéolo-capillaire.

la ventilation mécanique Histopathologie


de l’œdème pulmonaire lésionnel
Modifications de la répartition induit par la ventilation mécanique
de la ventilation Webb et Tierney [2] ont été les premiers, en 1974, à
mettre en évidence l’apparition d’un œdème pulmonaire
L’application d’une ventilation artificielle potentialise chez le rat ventilé à différents niveaux de pression inspira-
l’inhomogénéité de la répartition de la ventilation et crée toire. Quelques années plus tard, Dreyfuss et al. [9, 10]
donc une altération des rapports ventilation-perfusion. En confirment cette notion, toujours chez l’animal, et voient
effet, la ventilation assistée entraîne une diminution du apparaître cet œdème après 2 à 5 minutes de ventilation
tonus diaphragmatique accentuée par la myorelaxation à différents niveaux de volume et de pression. En micro-
que nécessite l’application d’une ventilation mécanique. scopie optique, l’œdème apparaît dans un premier temps
Sur le patient allongé, ceci a pour conséquence une dans l’espace interstitiel périvasculaire au bout de
augmentation de la pression transdiaphragmatique liée 5 minutes de ventilation mécanique à 45 cmH2O de pres-
directement au poids des viscères sur le diaphragme avec sion d’insufflation et, au bout de 20 minutes, on observe
l’apparition de zones d’atélectasies à prédominance un œdème alvéolaire diffus (figure 1) [11].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Figure 1 / Œdème
périvasculaire
après 5 minutes (A)
et 20 minutes
de ventilation (B)

L’œdème induit par la ventilation mécanique est le mon, traduisant une large accumulation de protéines en
résultat de deux mécanismes intriqués que sont, d’un côté, extravasculaire, témoin de l’hyperperméabilité de l’épithé-
l’augmentation de la pression hydrostatique microvascu- lium alvéolaire [9]. Cette fuite protéique extravasculaire
laire pulmonaire responsable d’une augmentation de la fil- est confirmée par une accumulation tissulaire pulmonaire
tration et, de l’autre, l’altération de la perméabilité d’albumine marquée injectée en intraveineux chez ces
alvéolo-capillaire. Pendant longtemps, l’augmentation de mêmes animaux [9].
la pression transmurale vasculaire a été considérée comme
un mécanisme essentiel de la genèse de l’œdème induit Egan et al. [17] démontrent la survenue d’une modifi-
par la ventilation artificielle [2]. En effet, la ventilation cation de la taille des pores de l’épithélium alvéolaire en
mécanique avec une pression de pic élevée inactive le sur- fonction du niveau de pression de pic (1 nm à 10 cmH2O
factant [12] et augmente ainsi la tension de surface alvéo- et 5 nm à 40 cmH2O). En microscopie électronique, une
laire. Ceci favorise l’apparition d’un régime de pression altération sévère de l’architecture de l’épithélium alvéo-
plus faible autour des vaisseaux capillaires, aboutissant à laire avec une discontinuité des pneumocytes de type I [18]
une augmentation de la pression hydrostatique dans les est observée, associée à des modifications de l’endothé-
capillaires pulmonaires. De plus, la ventilation mécanique lium capillaire [9, 10].
à haut volume et à haute pression aboutit à une hyperin-
flation des alvéoles et, donc, à un étirement des capillaires Œdème induit par la ventilation
pulmonaires favorisant encore l’augmentation de la pres-
sion hydrostatique microvasculaire [13].
artificielle : volotraumatisme
ou barotraumatisme ?
Ils existent peu d’études chez l’animal permettant de
confirmer cette physiopathologie de l’œdème alvéolaire Le volume pulmonaire, et non la pression transpulmo-
induit par la ventilation artificielle. Parker et al. [14] retrou- naire, semble être le facteur responsable des lésions
vent une augmentation de la pression de filtration capil- induites par la ventilation mécanique, aboutissant à un
laire (calculée par la moyenne de la pression artérielle transfert de la notion de barotraumatisme vers celle de
pulmonaire et de la pression de l’oreillette gauche) de volotraumatisme [19]. En effet, bon nombre d’auteurs
12,5 cmH2O chez des chiens ventilés pendant 30 minutes n’ont pas retrouvé d’œdème chez les animaux ventilés à
avec une pression de pic de 64 cmH2O. Ces résultats sont volume courant normal ou bas quel que soit le régime de
critiquables car ils sont obtenus après ventilation de pou- pression [10, 16, 20]. Dreyfuss et al. [10] ne retrouvent pas
mons de chiens à thorax ouvert. En effet, Woo et al. [15] de lésions pulmonaires chez les rats ventilés à haut régime
ne retrouvent pas d’œdème alvéolaire chez des animaux de pression et à volume courant normal (en utilisant un
ventilés à thorax fermé. De tels régimes de pression sur sanglage thoraco-abdominal), alors qu’un œdème apparaît
thorax fermé entraînent d’importantes modifications rapidement dans les groupes de rats ventilés à haut
hémodynamiques avec une baisse du débit cardiaque par volume-haute pression et à haut volume-basse pression
diminution du retour veineux, expliquant la moindre (ventilation avec un poumon d’acier). De même, Henzler
augmentation de la pression de filtration capillaire. et al. [21] ont montré qu’un modèle murin d’un œdème
L’augmentation de la pression hydrostatique ne peut donc pulmonaire lésionnel (ALI pour Acute Lung Injury) obtenu
expliquer, à elle seule, l’importance de l’œdème induit par par ventilation à haut volume courant (35 mL/kg) provo-
la ventilation mécanique. quait des lésions pulmonaires comparables à des modèles
d’ALI obtenus par instillation d’acide chlorhydrique ou par
Le deuxième mécanisme incriminé dans la genèse de rinçage du surfactant.
cet œdème est l’existence d’une altération profonde et
complexe de la perméabilité de la barrière alvéolo-capil- Sur les plans expérimental et clinique, le volume pul-
laire. Hernandez et al. [16] retrouvent une augmentation monaire semble donc être un facteur déterminant dans la
de 430 % du coefficient de filtration de l’épithélium genèse des lésions induites par la ventilation artificielle. De
alvéolo-capillaire chez les lapins ventilés à haut régime de ces constatations découle le concept d’hypercapnie permis-
pression. De la même manière, Dreyfuss et al. [9] démon- sive (par diminution du volume courant) décrit par Hickling
trent l’importance de l’hyperperméabilité alvéolo-capil- [22, 23] et permettant une réduction de mortalité chez les
laire en ventilant des poumons de rats à thorax fermé avec patients présentant un syndrome de détresse respiratoire
des pressions de pic de 45 cmH2O. L’apparition de l’œdème aigu (SDRA). La conclusion de la conférence de consensus
est rapide dès la 5e minute, puis survient une inondation de 1994 sur ce syndrome, qui est de réduire le volume cou-
trachéale dès la 20e minute. En outre, ces auteurs retrou- rant afin de ne pas dépasser des pressions de plateau plus
vent une importante augmentation du poids sec du pou- de 35 cmH2O, relève du même concept [24]. Ainsi et décou-

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Physiopathologie de la ventilation mécanique 28

lant de ces constatations physiopathologiques, la ventila-


tion à petit volume courant (6-8 mL/kg de poids théorique),
Mécanismes de l’atteinte
renommée ventilation « protectrice » en opposition à une de la membrane alvéolo-capillaire
ventilation dite « conventionnelle » (10-12 mL/kg de poids L’œdème pulmonaire lésionnel secondaire à une venti-
théorique), a confirmé son efficacité en termes de réduc- lation agressive est expliqué par plusieurs modifications
tion de la morbi-mortalié chez le patient atteint de SDRA physiopathologiques, dont l’existence d’une hyperperméa-
quel que soit le niveau de la pression de plateau [25, 26].
bilité alvéolo-capillaire. Les mécanismes de cette altération
Au-delà de ces patients très spécifiques, une méta-analyse
de la perméabilité sont encore mal connus. Les contraintes
récente rapporte un probable intérêt de la ventilation pro-
physiques subies par la membrane alvéolo-capillaire peu-
tectrice chez tout patient ventilé, y compris hors contexte
de SDRA ou d’ALI, avec une réduction du taux de pneumo- vent être une première voie d’explication. En effet, la
pathies, d’atélectasies, de la durée de séjour et de la finesse de cette membrane (de 0,2 à 0,4 mm) rend les capil-
mortalité [27]. Le rôle de la surdistention dans la physio- laires pulmonaires très sensibles aux variations physiques
pathologie de l’inflammation alvéolaire reste cependant et, notamment, à la surdistension alvéolaire [38]. Celle-ci
un sujet de controverse ; une étude récente étudiant les est induite par l’augmentation des forces de traction lon-
lésions induites par la ventilation mécanique chez la souris gitudinales exercées sur la paroi des capillaires [39].
ne retrouvait une inflammation pulmonaire que pour un
À côté de cette théorie physique, d’autres auteurs ont
volume courant supérieur à 30 mL/kg [28].
apporté une explication biochimique à cette hyperperméa-
Casetti et al. [29] ont introduit une notion cinétique bilité en s’intéressant à la réaction inflammatoire pulmo-
dans le mécanisme des lésions pulmonaires sous ventilation naire secondaire à une ventilation artificielle agressive.
mécanique, qui repose sur des variations du temps inspi- Ainsi, Tremblay et al. [40] retrouvent une forte concentra-
ratoire. En effet, en ventilant des rats à des temps inspira- tion de TNF-a (tumor necrosis factor alpha), d’interleukines
toires différents (0,5, 1,0 et 1,5 s), ils ont retrouvé un (IL) 1 et 6 et de MIP-2 (macrophage inflammatory peptide-
œdème alvéolaire plus important chez les animaux ventilés 2) – équivalent chez l’homme de l’IL-8 – dans le liquide de
avec des temps inspiratoires supérieurs à 1 seconde. lavage broncho-alvéolaire de rats ventilés avec des
L’impact négatif de l'allongement du temps inspiratoire volumes courants différents. Les plus fortes concentrations
chez l’animal a été confirmé récemment mais il n’existe pas de cytokines sont d’ailleurs retrouvées chez les rats ventilés
actuellement de travaux portant sur l’impact de ce para- à haut volume courant (40 mL/kg). Von Bethmann et al.
mètre ventilatoire chez l'homme en SDRA [30].
[41] retrouvent des résultats identiques avec des taux
Le rôle de la pression expiratoire positive (PEP) est de importants d’IL-6 et de TNF-a dans le liquide de lavage
permettre le recrutement de territoires alvéolaires collabés broncho-alvéolaire et le liquide de perfusat des poumons
en fin d’expiration. Dans le SDRA, l’application d’une PEP de souris isolés. Ces deux études sont à la base de la théorie
semble mettre en évidence une diminution de la morbidité de l’atteinte inflammatoire de l’épithélium pulmonaire
mais n’a pas pu démontrer d’impact sur la mortalité [31, secondaire à une ventilation agressive. Un travail expéri-
32]. Une étude menée par l’équipe de Gattinoni [33] mental récent renforce cette théorie en montrant, dans un
apporte plus de précisions quant à l’effet de la PEP en modèle murin, que l’inhibition pulmonaire sélective du
retrouvant un délai d’apparition de l’œdème 3 fois plus récepteur p55 du TNF contribue à diminuer l’activation
long chez les rats ventilés avec une PEP. La PEP aurait éga- macrophagique et le niveau de cytokine alvéolaire liés à
lement un effet bénéfique en réduisant la perméabilité une ventilation à haut volume courant (20-22 mL/kg) [42].
capillaire et en limitant la diffusion de l’œdème inflamma- D’autres études rapportent un rôle de la pulmonary-deri-
toire de rats ventilés à haut volume courant [34]. Il faut ved phosphoinositide 3-kinase gamma et du récepteur PY2
cependant pondérer son utilité puisque l’application d’une
de l’adénosine 5’-triphosphate dans la genèse des lésions
telle pression entraîne notamment des modifications
alvéolaires liées à la ventilation mécanique [43, 44]. Un
hémodynamiques non négligeables (baisse du retour vei-
autre travail réalisé in vivo semble montrer une production
neux et du débit cardiaque) et explique ainsi la moindre
importance de l’œdème. Dreyfuss et al. [35] confirment intrapulmonaire de TNF-a et de MIP-2 après ventilation à
cette hypothèse puisque l’introduction de catécholamines haut volume courant [45]. Ainsi, la réaction inflammatoire
(dopamine) chez des animaux ventilés agressivement avec générée par une ventilation « agressive » pourrait partici-
une PEP fait réapparaître un œdème lésionnel. La PEP per à la pérennisation de la défaillance d’organes, à dis-
expose également au risque de surdistention des territoires tance, par généralisation du syndrome inflammatoire
aérés, chaque patient répondant différemment à un aboutissant au syndrome de défaillance multiviscérale [46].
niveau de PEP donné. Ambrosio et al. [36] ont montré que, Cependant, d’autres études réalisées in vitro ne montrent
dans un modèle porcin de SDRA, l’application d’un niveau pas de production de cytokines pro-inflammatoires après
élevé de PEP majorait l’inflammation pulmonaire. De ce étirement important de cellules épithéliales pulmonaires
fait, les techniques de recrutement alvéolaire et la métho- [47] ou d’infiltrat par les macrophages alvéolaires [48].
dologie à utiliser pour fixer un niveau de PEP restent
actuellement controversées. Enfin, plus que la PEP ou le Une étude récente montre également qu’une alvéole
volume courant, il semble que la principale variable asso- remplie de liquide favorise la surdistention des alvéoles
ciée à la mortalité dans le SDRA soit la pression motrice aérées adjacentes ventilées à volume élevé [49]. De ce fait,
(rapport du volume courant/compliance pulmonaire) qui l’œdème pulmonaire lié à la surdistention s’inscrirait dans
serait un reflet de la déformation dynamique du système un cercle vicieux en entraînant de nouvelles lésions alvéo-
respiratoire. Il n’existe cependant pas de travail prospectif laires. La notion de réaction inflammatoire locale après
s’intéressant à la modulation de ce paramètre (en particu- ventilation mécanique agressive semble exister, mais sa
lier via les variations de PEP et de volume courant) chez participation exacte dans la genèse de l’œdème pulmo-
l'homme [37]. naire lésionnel reste encore à préciser.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Effets hémodynamiques tableau de cœur pulmonaire aigu avec risque de reper-


méabilisation du foramen ovale conduisant à une hypoxé-
de la ventilation mécanique mie par shunt vrai intra-cardiaque. Ainsi, directement par
ses conséquences hémodynamiques, une ventilation ina-
daptée peut être à l'origine d’une majoration de l'hypo-
La ventilation mécanique peut avoir des effets variés et
xémie du patient [51].
complexes sur la fonction circulatoire. Son principal reten-
tissement concerne la capacité de remplissage des cavités Ces effets peuvent être accentués par bon nombre de
droites, aboutissant à une baisse du débit cardiaque. En situations pathologiques. En cas d’incompétence ventricu-
effet, elle entraîne une diminution du retour veineux et laire droite, une augmentation des pressions intrathora-
donc de la précharge du ventricule droit (volume télédias- ciques peut altérer la précharge du ventricule gauche par
tolique du ventricule droit) par augmentation des pres- baisse du retour veineux et par déplacement des cavités
sions intrathoraciques. Cette diminution du retour veineux droites vers les cavités gauches. Cependant, la ventilation
est d’ailleurs directement proportionnelle à l’augmenta- mécanique peut aussi favoriser la chasse du ventricule
tion des pressions intrathoraciques [50]. Cette situation est gauche (diminution de la postcharge du ventricule gauche)
encore plus marquée lorsqu’il existe une pression veineuse
en assistant en systole le ventricule par une pression intra-
systémique basse (hypovolémie majeure…) et pour des
thoracique supérieure à la pression existant sur l’aorte
régimes de pressions intrathoraciques élevées (ventilation
extrathoracique.
avec niveaux de PEP élevés ou circonstances pathologiques
faisant apparaître une PEP intrinsèque de niveau élevé).

Conclusion
Tous ces mécanismes concordent pour aboutir à une dimi-
nution du débit cardiaque.
De plus, au-delà de la chute du retour veineux, la ven-
tilation mécanique majore la postcharge du ventricule Ces dernières années, l’approche de la ventilation
droit via une majoration des résistances vasculaires pulmo- mécanique s’est considérablement modifiée grâce à une
naires ce qui participe également à la diminution du débit meilleure connaissance de ces effets physiopathologiques.
cardiaque. Enfin, la ventilation peut être à l’origine d'une La limitation des lésions pulmonaires induites par la surdis-
surdistention pulmonaire avec collapsus capillaire induit tension alvéolaire est devenue une règle incontournable
par la distension alvéolaire (augmentation des zones fonc- en pratique clinique, notamment pour la ventilation du
tionnelles West 1 et 2). Ce collapsus capillaire redirige le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte. La générali-
sang vers des zones moins bien ventilées et majore la post- sation du concept de ventilation protectrice à toutes les
charge ventriculaire droite avec comme conséquence un modalités ventilatoires est une hypothèse qui doit être
risque de majoration de l'hypoxémie. Dans certains cas confirmée mais qui offrirait un véritable changement de
(HTAP ou dysfonction ventriculaire droite préexistante), cet paradigme en termes de prescription de la ventilation arti-
effet mécanique de la ventilation peut être à l’origine d'un ficielle.

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

29
• Bases physiopathologiques
• Pathogenèse du SDRA
Physiopathologie
• Séquence lésionnelle histologique
au cours du SDRA
du syndrome de détresse
• Physiopathologie de l’endothélium
pulmonaire au cours du SDRA
respiratoire aiguë
• Physiopathologie de l’œdème pulmonaire
• Physiopathologie de la circulation
et de l’œdème pulmonaire
pulmonaire au cours du SDRA
• Altération des rapports ventilation/
perfusion au cours du SDRA Antoine Roch, Laurent Papazian
• Physiopathologie de l’espace alvéolaire Réanimation médicale, Hôpital Sainte-Marguerite,
au cours du SDRA université Aix-Marseille-II, Marseille

• Rôle des lésions induites


par la ventilation mécanique

Bases physiopathologiques note une altération du transport ionique et liquidien épi-


thélial [8], qui gêne la résorption de l’œdème, une altéra-
tion de la synthèse du surfactant et des capacités de
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est régénération épithéliales pouvant conduire à une fibrose
défini par un œdème pulmonaire non cardiogénique pulmonaire.
accompagné d’insuffisance respiratoire aiguë [1, 2]. C’est
une cause majeure de morbidité, de mortalité et de coût Après quelques rappels sur la pathogenèse du SDRA, ce
dans les services de réanimation [3]. chapitre abordera les phénomènes cellulaires et molécu-
laires menant aux perturbations histologiques et physiolo-
Dans le poumon normal, deux fines barrières séparent giques responsables de l’insuffisance respiratoire aiguë. Il
l’hôte de son environnement : l’épithélium alvéolaire, com- insistera notamment sur l’altération des fonctions endo-
posé de pneumocytes de type I et II, et l’endothélium capil- théliales et épithéliales qui sont responsables de l’œdème
laire. À la phase précoce du SDRA, les lésions de et de l’altération circulatoire pulmonaire.
l’endothélium et de l’épithélium pulmonaires conduisent
à la formation d’un œdème interstitiel et alvéolaire riche
en protéines [4]. La migration dans le parenchyme pulmo-
naire de polynucléaires neutrophiles issus de la circulation
Pathogenèse du SDRA
ainsi que la production de cytokines sont les éléments clés
de la genèse de ces lésions. Les échanges gazeux sont alté- Le SDRA peut avoir des causes variées, qui peuvent être
rés en raison d’une hétérogénéité des rapports ventila- divisées en pathologies entraînant soit une atteinte pul-
tion/perfusion (VA/Q) qui associe des aires de haut rapport monaire directe soit une atteinte indirecte dans le cadre
VA/Q, responsables d’un espace mort augmenté, et des d’un processus systémique. Les atteintes directes incluent
zones de bas rapport VA/Q, responsables de shunt et donc l’inhalation gastrique, les pneumonies, les contusions pul-
monaires et l’inhalation de toxiques. Parmi les atteintes
d’hypoxémie. L’œdème pulmonaire entraîne une diminu-
indirectes, les patients présentant un sepsis ont le risque le
tion de la compliance pulmonaire responsable d’une aug-
plus élevé de développer un SDRA, notamment en cas de
mentation du travail respiratoire, aboutissant à la
choc septique prolongé. Parmi les autres causes d’atteinte
défaillance respiratoire du SDRA. De plus, l’œdème favo-
indirecte, on note les états de choc en général, les trauma-
rise l’inflammation pulmonaire par l’étirement alvéolaire
tismes sévères, les overdoses, les transfusions multiples, la
et l’hypoxémie qu’il entraîne et est un des principaux
circulation extracorporelle, l’éclampsie, les brûlures graves,
déterminants de l’hypertension artérielle pulmonaire
la pancréatite aiguë, la coagulation intravasculaire dissé-
(HTAP), par l’hypoxémie mais aussi par la compression vas-
minée (CIVD) et les embolies amniotiques ou gazeuses.
culaire pulmonaire qu’il provoque. Cette hypertension
artérielle pulmonaire peut entraîner une défaillance ven- L’immunité innée constitue la première ligne de
triculaire droite de pronostic redoutable [5]. La rupture de défense de l’organisme contre les pathogènes et joue pro-
l’épithélium alvéolaire, barrière mécanique entre l’hôte et bablement un rôle important dans la pathogenèse du
son environnement, peut aboutir à une translocation et à SDRA, en cas d’infection mais aussi dans les autres cas. Des
une dissémination bactérienne responsables de sepsis ainsi récepteurs reconnaissent une large gamme de microbes et
qu’à une décompartimentalisation de l’inflammation, res- de ligands endogènes tels que la fibronectine ou l’acide
ponsable de défaillances viscérales extrarespiratoires, qui hyaluronique [9, 10]. Par exemple, des récepteurs recon-
conditionnent grandement le pronostic [6, 7]. En outre, on naissent la portion A du lipopolysaccharide (LPS). Certains

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

de ces récepteurs agissent directement, tel le CD14 qui d’évolution clinique, les poumons sont lourds et présen-
reconnaît le lipopolysaccharide et se lie à lui. D’autres, tent un aspect uniformément solide à surface rougeâtre.
comme le Toll-like receptor 4 (TLR4), reconnaissent des La tomodensitométrie pulmonaire montre souvent des
complexes générés par un pathogène, par exemple le com- zones hétérogènes de consolidation et d’atélectasie, prin-
plexe entre le lipopolysaccharide, le CD14 et la protéine cipalement dans les zones dépendantes [18]. Histologi-
liant le lipopolysaccharide. À côté des récepteurs TLR4, quement, on note des lésions diffuses mais souvent plus
d’autres gènes sont impliqués dans le processus conduisant marquées dans les zones dépendantes en raison d’un gra-
à l’inflammation tels que des gènes HLA de classe II, dient gravitationnel. L’œdème est prédominant, associé à
notamment au niveau des macrophages, et d’autres pro- des membranes hyalines. Celles-ci sont constituées de
téines associées aux TLR4, comme les MyD88 et MD-2. Les divers éléments dont de la fibrine et des protéines plasma-
mécanismes intracellulaires menant à la production de tiques (albumine, immunoglobulines surtout de type G,
cytokines, notamment par les neutrophiles, font intervenir fibrinogène) et sont situées plus particulièrement dans les
des facteurs de transcription, molécules qui régulent l’ex- zones de dommage épithélial. À ce stade, les cellules
pression génique en se liant à l’ADN. La famille des récep- inflammatoires sont nombreuses dans les espaces alvéo-
teurs TLR4 active des facteurs de transcription laires, notamment des polynucléaires neutrophiles et des
pro-inflammatoires après stimulation par le lipopolysac- macrophages. Ces derniers présentent souvent un cyto-
charide et d’autres produits microbiens [10, 11]. Parmi eux, plasme d’aspect mousseux en raison de la phagocytose de
le nuclear-factor kB (NF-kB) est un facteur central de l’ex- matériel lipidique alvéolaire [19]. De même, les espaces
pression maximale de cytokines impliquées dans la patho- interstitiels et les capillaires contiennent des neutrophiles
genèse du SDRA. Il augmente notamment la transcription et des macrophages. On note une dénudation progressive
de nombreux gènes incluant ceux des cytokines, des fac- des membranes basales alvéolaire et endothéliale par mort
teurs de croissance, des médiateurs vasoactifs et des molé- cellulaire (pneumocytes de type I et cellules endothéliales).
cules d’adhésion [12]. L’activation du NF-kB est la cible Ces membranes basales alvéolaire et capillaire sont for-
finale de voies de transduction qui mènent de la surface mées principalement de laminine et de collagène de
cellulaire au noyau. Ces voies font notamment intervenir type IV [20]. La dénudation de la membrane basale vascu-
les phosphatidyl-inositol 3 (PI3)-kinases, complexes molé- laire et la présence en son sein de disjonctions entraînent
culaires capables de phosphoryler et d’activer la sérine/ un passage des protéines plasmatiques, un passage liqui-
thréonine kinase Akt (ou protéine kinase B [PKB]), activant dien et un transfert cellulaire de l’intérieur des vaisseaux
alors l’inhibitory kB (IkB) kinase, augmentant ainsi la trans- vers l’interstitium puis l’alvéole [21, 22]. Sur le plan vascu-
location nucléaire de NF-kB [13, 14]. De nombreuses subs- laire, outre l’atteinte des cellules endothéliales, on note la
tances sont connues pour mener à l’activation du NF-kB, présence de microthrombi. La membrane basale mise à nu
notamment les cytokines pro-inflammatoires (principale- est le siège d’une intense agrégation plaquettaire favori-
ment le TNF-a [tumor necrosis factor alpha] et l’interleu- sant l’obstruction vasculaire [20]. L’atteinte de la mem-
kine 1 [IL-1]), des produits bactériens comme le brane basale vasculaire est cependant moins précoce et
lipopolysaccharide et les radicaux libres de l’oxygène [12]. plus localisée que celle de la membrane basale épithéliale.
Ces derniers agissent à faible concentration comme des L’obstruction de la lumière vasculaire est favorisée par la
molécules de signalisation alors qu’à forte dose, ils indui- diminution de l’expression de la thrombomoduline des cel-
sent dysfonction et mort cellulaire. L’activation du lules endothéliales [20]. Globalement, une diminution du
NF-kB est une étape critique dans l’activation de l’inflam- nombre des capillaires alvéolaires est observée.
mation médiée par les polynucléaires neutrophiles. La phase proliférative peut débuter dès le troisième
L’activation du NF-kB et, donc, la production des molécules jour mais prédomine après une semaine d’évolution cli-
dont il stimule l’expression sont notamment inhibées par nique. Une réaction proliférative consécutive à l’inflamma-
les corticostéroïdes et les substances antioxydantes [15]. tion alvéolaire se développe [23]. Du point de vue
histologique, on note un exsudat alvéolaire organisé
constitué de la migration de fibroblastes de l’interstitium
Séquence lésionnelle vers le liquide alvéolaire. Ces cellules prolifèrent et produi-

histologique au cours
sent des composants de la matrice extracellulaire, ce qui
aboutit à la formation de zones de tissu conjonctif imma-

du SDRA ture et œdémateux qui remplit les espaces aériens distaux.


On note une prolifération des pneumocytes de type II qui
recolonisent la membrane basale dénudée [24]. Ils sont
Le poids du poumon d’un patient présentant un SDRA considérés comme les cellules souches alvéolaires et se mul-
est globalement augmenté (de l’ordre de 1 kg pour chaque tiplient en réponse aux lésions épithéliales. Ces pneumo-
poumon). Les lésions histologiques évoluent très schéma- cytes de type II sont souvent anormalement grands et
tiquement en trois phases successives : parfois multinucléaires.
• une phase initiale appelée exsudative qui dure jusqu’au
6e jour environ ; La phase fibrotique peut débuter dès la 36e heure mais
• une phase intermédiaire dite proliférative qui débute le remodelage du poumon par du tissu conjonctif ne se
entre le 4e et le 10e jour ; manifeste vraiment qu’au bout de 8 jours. Elle se manifeste
• enfin, une phase de fibrose qui débute au 8e jour environ cliniquement par une diminution de la compliance pulmo-
après le début du SDRA. naire et des difficultés de sevrage ventilatoire, par une
hypoxémie persistante, une augmentation de l’espace
À la phase exsudative, les poumons sont œdémateux et mort et une hypertension pulmonaire. La tomodensitomé-
macroscopiquement difficiles à distinguer de ceux présen- trie montre alors un épaississement interstitiel diffus, par-
tant un œdème cardiogénique. Au niveau microscopique, fois des bulles ou des aspects en rayon de miel [18]. Le
l’œdème focal est évident dans l’interstitium et les collagène de type III est progressivement remplacé par du
alvéoles. Au niveau épithélial, il existe un gonflement des collagène rigide de type I, donnant un poumon dur. La
pneumocytes de type I, avec fragmentation membranaire fibrose peut prendre un aspect d’épaississement diffus des
et exposition de la membrane basale sous-jacente à cer- parois alvéolaires ou un aspect plus destructeur de fibrose
tains endroits [16]. Les cellules endothéliales des capillaires en rayon de miel, un peu apparentée à une alvéolite fibro-
présentent aussi un gonflement, des vacuoles et une sante. Ces deux formes peuvent coexister chez les mêmes
nécrose focale dans certaines zones [17]. Après 48 heures patients. Dans le premier cas, le tissu conjonctif immature

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

qui remplit les espaces aériens est internalisé dans la paroi • Interaction avec les bactéries (phagocytose) et les
alvéolaire et recouvert de pneumocytes de type II hyper- cellules circulantes (leucocytes, plaquettes).
plasiques [23]. Ce matériel s’enrichit en collagène produit • Expression de molécules d’adhésion.
par les fibroblastes, aboutissant à une fibrose avec épais- • Production de facteurs de croissance.
sissement important de la paroi alvéolaire. Il est aussi pos- • Production de cytokines et chimiokines.
sible que la fibrose de la paroi alvéolaire soit directement • Production de radicaux libres.
liée à la production de collagène par les fibroblastes en • Fonction de barrière.
réponse à une perte de contact intercellulaire avec les
pneumocytes de type I lésés dans l’alvéole. Cette perte de
contact semble en effet aboutir à une prolifération et à
une fibrose [25, 26]. Dans ce mécanisme, l’organisation
Fonctions
intra-alvéolaire de tissu conjonctif immature jouerait un de l’endothélium pulmonaire
rôle plus limité dans l’évolution fibrosante. En revanche,
elle retarderait la réépithélialisation alvéolaire. En cas de L’endothélium possède de multiples enzymes, récep-
fibrose destructrice en rayon de miel, on pense que des teurs et molécules de transduction qui interagissent avec
zones acinaires sont occluses en raison de la fibro- les cellules circulantes et avec les autres constituants de la
prolifération luminale plus proximale [27]. Ceci aboutit à paroi vasculaire encadré. Les principales propriétés physio-
la formation de zones de tissu rétractées solides qui, logiques de l’endothélium incluent :
lorsqu’elles s’organisent, déforment le poumon adjacent, • une activité antiagrégante et fluidifiante du sang ;
• une fonction de barrière renforcée ;
résultant en une dilatation kystique de bronchioles termi-
• la synthèse, le métabolisme et le captage de composés
nales avec aspect de fibrose en rayon de miel.
vasoactifs qui modulent le tonus vasculaire pulmonaire
et systémique [28].

Physiopathologie de La plupart des fonctions de synthèse et d’interaction de


l’endothélium sont constitutives mais certaines sont
l’endothélium pulmonaire induites par l’activation des cellules endothéliales lors de

au cours du SDRA
leur exposition à des processus pro-inflammatoires tels que
l’endotoxine ou les cytokines. Ainsi, au cours du SDRA, l’en-
dothélium activé :
La paroi interne des vaisseaux sanguins est composée • exprime des molécules d’adhésion leucocytaires ;
d’une monocouche continue de cellules d’origine mésen- • produit des cytokines ;
chymateuse, appelées cellules endothéliales. Au niveau • induit des modifications de l’intégrité et du tonus vascu-
pulmonaire, elles occupent une surface d’environ 130 m2. laire ;
L’endothélium vasculaire peut être considéré comme un • devient procoagulant ;
organe avec de nombreuses fonctions physiologiques, • induit l’augmentation de molécules HLA (human leuco-
immunologiques et de synthèse. Au niveau pulmonaire, cyte antigen).
l’endothélium est un composant majeur de la barrière Le SDRA est caractérisé par une intense réaction inflam-
alvéolo-capillaire et la dysfonction endothéliale est un des matoire pulmonaire avec accumulation de médiateurs pro-
éléments clés de la physiopathologie du SDRA. Il est vul- inflammatoires et anti-inflammatoires [30]. Si le processus
nérable aux agressions, qu’elles soient délivrées par la cir- pro-inflammatoire domine, l’activation endothéliale est
culation pulmonaire ou par voie inhalée. L’endothélium suivie d’une altération fonctionnelle et structurale de l’en-
modifie alors son activité métabolique, ce qui affecte l’ho- dothélium. Celui-ci présente alors des zones ou les cellules
méostasie pulmonaire et systémique en entraînant des sont œdématiées, voire détruites, et il existe une augmen-
adhésions intercellulaires, notamment avec les neutro- tation du nombre de cellules endothéliales circulantes
philes, et en altérant sa perméabilité, favorisant ainsi la notamment d’origine pulmonaire [31].
formation d’œdème pulmonaire [28, 29].

Principales fonctions
Cytokines
de l’endothélium pulmonaire et endothélium pulmonaire
• Synthèse de nombreuses substances vasoactives : Les cellules endothéliales sont à la fois des cibles et des
– angiotensine II ; cellules qui produisent des cytokines. Parmi les nombreuses
– prostacycline ; cytokines connues, le TNF-a et l’IL-1 sont principalement
– thromboxane A2 ; produits par les macrophages mais aussi par les cellules
– monoxyde d’azote et endothélines. endothéliales et ont un rôle majeur à la phase précoce du
• Régulation du tonus vasomoteur. SDRA. Ces cytokines amplifient notamment l’activité de
• Expression d’enzymes comme l’enzyme de conver- l’une et de l’autre et induisent une série d’événements
sion de l’angiotensine, l’enzyme de conversion de favorisant thrombose et inflammation contribuant au
l’endothéline, les nucléotidases, la NO synthétase développement du SDRA [32]. Ainsi, elles induisent :
et la lipoprotéine lipase. • un phénotype prothrombotique des cellules endothé-
• Expression de récepteurs et de molécules de trans- liales ;
duction. • la production d’autres cytokines, notamment des chimio-
• Activité redox de surface (système de transport kines, des médiateurs de la famille des CSF (colony-stimu-
d’électrons). lating factors), d’IL-6 et d’IL-1 elle-même ;
• Captation et transformation de drogues. • la production de dérivés de l’acide arachidonique comme
• Régulation de la coagulation et de la fibrinolyse, la prostacycline (PGI2) et le thromboxane A2, la produc-
promotion de l’hémofluidité. tion de facteur d’activation plaquettaire (PAF, platelet-
• Participation à l’immunité. activating factor) et de monoxyde d’azote (NO) ;
• Liaison aux complexes immuns. • la production de molécules d’adhésion (figure 1).

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

• de la protéine de signalisation MLCK (myosin light chain


kinase, kinase de la chaîne légère régulatrice de la myo-
sine) mais aussi des MAP kinases (mitogen-activated pro-
tein kinase), des tyrosines kinases et des r-guanosines
triphosphatases, qui vont schématiquement influencer
l’organisation des filaments d’actine et augmenter la
contraction actine-myosine, résultant en une diminution
ou une perte de l’adhésion intercellulaire, et qui vont
influencer la polarité et l’apoptose des cellules endothé-
liales, menant à une altération de la fonction de barrière
liquidienne et cellulaire de l’endothélium [34].
Afin de neutraliser ces radicaux libres, l’organisme pro-
duit des anti-oxydants tels que la superoxyde dismutase, la
catalase et la glutathion peroxydase. Cependant, ces anti-
oxydants naturels sont dépassés au cours du SDRA. En
effet, outre les neutrophiles et les monocytes, les macro-
phages mais aussi les cellules endothéliales et épithéliales,
les fibroblastes et les myocytes, des enzymes circulantes
générant des radicaux libres (xanthine oxydase) et, enfin,
les concentrations de l’oxygène dans l’air inspiré (FiO2) éle-
vées sont susceptibles de participer à la formation de radi-
caux libres. En dehors de cytokines et de chimiokines, le
lipopolysaccharide, des fragments du complément et des
médiateurs lipidiques sont capables d’activer la production
de radicaux libres par les neutrophiles. Différentes théra-
Figure 1 / Mécanismes des lésions endothéliales peutiques ont été proposées visant à limiter le stress oxy-
L’interaction entre cytokines, macrophages, neutrophiles et endothélium datif. Une voie de recherche récente pourrait être dessinée
pulmonaire est à l’origine de l’adhésion et de la migration des neutrophiles par l’utilisation de la vitamine E [35].
à travers l’endothélium vers l’alvéole.
TxA2 : thromboxane A2 ; PAF : platelet activating factor ;
ET-1 : endothéline 1 ; PSGL1 : P-selectin glycoprotein 1 ;
ICAM-1 : intercellular adhesion molecule-1 ; IL-1 : interleukine 1 ; Migration des leucocytes
TNF-a : tumor necrosis factor a ; LPS : lipopolysaccharide ;
ROS : radicaux libres de l’oxygène.
vers l’alvéole (figure 1)
De nombreux travaux ont monté que l’interaction entre
les leucocytes et l’endothélium pulmonaire est un élément
clé dans le développement du SDRA puisque l’adhésion
entre ces cellules est l’élément initial de la migration des
Stress oxydatif leucocytes depuis les capillaires vers le parenchyme pulmo-
naire et de la réaction inflammatoire qui en découle. Les
au cours du SDRA neutrophiles sont le type cellulaire principalement impli-
qué [28] et, dans une moindre mesure, les éosinophiles et
Lors de l’exposition à des stimuli inflammatoires, les cel- les macrophages [36], ces derniers étant notamment impli-
lules endothéliales et épithéliales pulmonaires et les macro- qués chez le patient neutropénique. La persistance d’une
phages contribuent à la production pulmonaire de radicaux quantité importante de ces cellules au niveau alvéolaire au
libres. Les patients présentant un SDRA sont sujets à des bout d’une semaine d’évolution du SDRA est un facteur
dégâts moléculaires et cellulaires résultant de l’augmenta- défavorable, en particulier chez les patients présentant un
tion de la production de radicaux libres de l’oxygène et de sepsis [19]. Les cytokines chimiotactiques des neutrophiles
l’azote et/ou d’un déficit dans les défenses antioxydantes. sont regroupées sous le vocable de chimiokines. Parmi
Les radicaux libres de l’oxygène comprennent les ions celles-ci, on distingue l’IL-8, l’ENA-78 (epithelial neutrophil
superoxyde (O2–), le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et le activating peptide-78), les facteurs GRO-a (growth-related
radical hydroxyle (OH). Ils sont produits via la chaîne respi- oncogen), GRO-b et GRO-g ainsi que le GCP-2 (granulocyte
ratoire mitochondriale, la xanthine oxydase et la cascade chemotactic peptide). Toutes ces chimiokines sont pro-
de l’acide arachidonique [33]. Les radicaux libres de l’azote duites par les macrophages alvéolaires humains. Leur
comprennent le monoxyde d’azote, le dioxyde d’azote concentration dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire
(NO2) et le peroxynitrite (ONOO–). Le monoxyde d’azote est directement corrélée au taux de neutrophiles que ce
est très réactif avec l’O2–, aboutissant à la production dernier contient et leur persistance à des taux élevés a été
d’ONOO–, très toxique. Les membranes cellulaires et en rapportée au cours du SDRA [37]. Il n’en demeure pas
particulier les membranes plasmiques sont les sites privilé- moins qu’en l’état actuel des connaissances, l’IL-8 est la chi-
giés d’action des radicaux libres. Le stress oxydatif induit miokine prédominante.
une peroxydation des acides gras libres des phospholipides
membranaires (voir chapitre 16). L’oxydation de compo- L’adhésion des neutrophiles à l’endothélium est un pro-
sants des membranes plasmiques endothéliales ou épithé- cessus complexe et indispensable à leur migration et leur
liales pourrait faciliter l’afflux de neutrophiles dans le extravasation (figure 1). La phase initiale, de capture et de
poumon. Les mécanismes de la dysfonction endothéliale roulement à la surface de l’endothélium est induite par les
incluent l’activation de voies de signalisation menant à une molécules d’adhésion de la famille des sélectines. La L-
augmentation de la concentration de calcium intracellu- sélectine est exprimée de manière constitutive à la surface
laire ionisé. Cette augmentation aboutit à l’activation : des neutrophiles. La P-sélectine est exprimée à la surface
• de l’enzyme de signalisation protéine kinase C (PKC), qui des cellules endothéliales dans les minutes qui suivent l’ac-
va moduler la fonction des protéines des jonctions ser- tivation des cellules endothéliales par des stimuli tels que
rées endothéliales en modifiant leur statut de phospho- l’histamine, la thrombine, la bradykinine, le leucotriène C4
rylation ; ou les radicaux libres et elle interagit avec des récepteurs

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

de la surface des neutrophiles tels que la P-sélectine gly- • par la production de facteur Willebrand ;
protéine-1 [38]. Elle est aussi exprimée à la surface des pla- • par la conversion de l’adénosine diphosphate (ADP),
quettes. La E sélectine est rapidement exprimée à la proagrégant, en adénosine monophosphate (AMP) ;
surface des cellules endothéliales après leur activation par • par l’élimination de la sérotonine de la circulation pul-
les cytokines comme le TNF-a et l’IL-1 et par l’endotoxine monaire [47].
[39]. La seconde phase est l’adhésion solide des neutro-
philes à l’endothélium. Elle nécessite l’interaction de molé- Dans le SDRA, tous ces phénomènes sont altérés, abou-
cules de la famille des deux intégrines (CD18) exprimées tissant à une augmentation de l’agrégation plaquettaire.
sur les neutrophiles avec les molécules d’adhésion ICAM-1
(intercellular adhesion molecule-1), molécule de la famille Coagulation
des immunoglobulines qui est exprimée à la surface des
cellules endothéliales [39]. L’expression d’ICAM-1 à la sur-
et endothélium pulmonaire
face des cellules endothéliales, présente constitutionnelle- L’endothélium possède des propriétés à la fois pro-
ment, est augmentée par les médiateurs inflammatoires coagulantes et anticoagulantes. L’antithrombine III (AT III)
tels que le TNF-a, l’IL-1, l’interféron g et l’endotoxine. Les est un puissant anticoagulant inhibant la thrombine. Son
radicaux libres stimulent aussi l’adhésion des neutrophiles action est favorisée par sa séquestration à la surface des
[40]. Une fois que les neutrophiles ont fermement adhéré cellules endothéliales induite par des glycosaminoglycanes
à l’endothélium, la production de protéases et de radicaux et des protéoglycanes exprimés à la surface cellulaire. La
libres induit lésions et mort cellulaire endothéliales. La thrombomoduline est un anticoagulant exprimé à la sur-
migration des neutrophiles à travers l’endothélium est la face des cellules endothéliales. Elle réagit avec la throm-
troisième phase. Elle semble ne pas dépendre d’une adhé- bine, aboutissant à une activation de la protéine C qui
sion ferme des neutrophiles à l’endothélium. Les radicaux inactive en retour les facteurs de la coagulation Va et VIIIa
libres favorisent cette migration en augmentant la per- [47]. La concentration de thrombomoduline est augmen-
méabilité de l’endothélium [40]. Les neutrophiles devien- tée en cas de SDRA, possiblement par relargage à partir
nent la population dominante dans les alvéoles. des cellules endothéliales lésées par les neutrophiles [48].
Normalement, au moins 90 % des cellules présentes dans Son rôle protecteur est important dans ce cadre puisque le
les alvéoles sont des macrophages, moins de 10 % sont des blocage de la thrombomoduline induit un SDRA combi-
lymphocytes et de 1 à 2 % sont des neutrophiles. Au cours nant des composantes oxydative, inflammatoire et pro-
du SDRA, jusqu’à 90 % des cellules alvéolaires sont des thrombotique [49]. Les propriétés procoagulantes de
neutrophiles. Ceux qui infiltrent les voies aériennes expri- l’endothélium sont couvertes en conditions physiologiques
ment des cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1b et par son activité anticoagulante. Ainsi, l’activité de la
le TNF-a et contribuent aux lésions oxydatives et à la perte thromboplastine, un facteur procoagulant associé aux cel-
de l’intégrité de l’épithélium [41, 42]. lules endothéliales, est normalement faible mais peut être
stimulée par l’endotoxine, l’IL-1 et la thrombine [47].

Endothélium pulmonaire Endothélium pulmonaire


et perméabilité vasculaire et fibrinolyse
pulmonaire L’endothélium participe activement à la fibrinolyse en
synthétisant l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA),
L’augmentation de la perméabilité vasculaire est l’élé-
l’activateur du plasminogène de type urokinase (u-PA, uro-
ment fondamental pour la formation de l’œdème pulmo-
kinase-type plasminogen activator) et les inhibiteurs des
naire. L’importance de cette augmentation de
activateurs du plasminogène [47]. L’activité fibrinolytique
perméabilité est corrélée au nombre de polynucléaires
de l’endothélium est affectée par de nombreux médiateurs
dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire [43] et à la
incluant l’endotoxine, l’IL-1, le TNF-a et la thrombine [47].
gravité du SDRA [44]. Elle est induite par les cytokines pro-
Les cellules endothéliales pulmonaires de patients présen-
duites et via des mécanismes liés au cytosquelette des cel-
tant un SDRA ont une activité procoagulante augmentée
lules endothéliales en réponse à des stimuli tels que la
et un potentiel fibrinolytique diminué [50].
thrombine, le VEGF (vascular endothelial growth factor)
[45], les radicaux libres et le stress mécanique induit

Physiopathologie
notamment par la ventilation mécanique [46].

Endothélium pulmonaire de l’œdème pulmonaire


et fluidité sanguine La microcirculation pulmonaire joue un rôle clé dans la
physiopathologie du SDRA car le contenu en eau du pou-
Les cellules endothéliales possèdent une machinerie
mon dépend de l’intégrité de la barrière endothéliale. Les
métabolique capable de moduler les trois composantes de
forces capillaires qui gouvernent le transport le liquide à
l’hémostase : l’agrégation plaquettaire, la coagulation et
travers l’endothélium dans l’espace interstitiel déterminent
la fibrinolyse. En conditions physiologiques, l’endothélium
à quel niveau les espaces alvéolaires sont remplis d’œdème
facilite la fluidité sanguine alors qu’en conditions patho-
lorsque l’endothélium est altéré.
logiques inflammatoires, l’endothélium lésé devient
thrombogène. Les mouvements de fluide à travers les endothéliums
et, notamment, l’endothélium pulmonaire sont régis par
Plaquettes la loi de Starling :
et endothélium pulmonaire Jv = K[(Pc – Pi) – s(pc- pi)],
où Jv est le flux de liquide à travers la paroi capillaire, K
L’endothélium affecte la fonction plaquettaire princi- est le coefficient de filtration hydraulique capillaire (sa per-
palement : méabilité à l’eau), Pc est la pression hydrostatique capil-
• par la production des inhibiteurs de l’agrégation pla- laire, Pi est la pression hydrostatique interstitielle, s est le
quettaire, prostaglandine I2 (PGI2) et monoxyde d’azote ; coefficient de réflexion oncotique, pc est la pression onco-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

tique capillaire et pi est la pression oncotique interstitielle. conséquent, une augmentation donnée de pression hydro-
La première partie de l’équation représente le gradient de statique entraînera une augmentation plus importante du
pression hydrostatique, qui tend à faire sortir le liquide des flux sortant liquidien si la perméabilité de la barrière
vaisseaux. La seconde partie représente le gradient de alvéolo-capillaire est accrue. Ceci a été bien illustré par les
pression oncotique, qui s’oppose à cette transsudation de travaux, déjà anciens, de Guyton [51], montrant que
liquide. L’influence de la pression oncotique sur le flux l’œdème se forme plus vite et à un seuil de pression hydro-
liquidien à travers l’endothélium est modulée par le coef- statique plus bas lorsqu’on a préalablement lésé la barrière
ficient de réflexion oncotique (s), qui représente la per- alvéolo-capillaire avant d’augmenter progressivement la
méabilité de l’endothélium aux substances oncotiquement pression de l’oreillette gauche. Des auteurs ont mesuré la
actives. pression hydrostatique interstitielle par la méthode de la
microponction [52, 53]. En conditions physiologiques, la
Il existe, même en conditions physiologiques, un flux
pression est sub-atmosphérique, de l’ordre de – 10 cmH2O.
sortant de liquide et de protéines des capillaires vers l’in-
Elle augmente à environ 5 cmH2O puis se stabilise vers zéro
terstitium, d’une part parce que les jonctions entre les cel-
lorsque l’œdème se forme. Une analyse associée de la com-
lules endothéliales permettent le passage de substances et,
position du liquide interstitiel a permis aux auteurs de
d’autre part, parce que le bilan des forces de filtration tend
conclure que la formation de l’œdème lésionnel faisait
à faire sortir les fluides des vaisseaux. Le drainage de ce
intervenir l’association d’une augmentation de perméabi-
liquide se fait par les lymphatiques, dont les canaux distaux
lité et d’une augmentation de la compliance interstitielle
sont juxta-alvéolaires. Lors de l’augmentation du flux sor-
due à une fragmentation d’origine enzymatique des pro-
tant, des mécanismes de protection qui découlent de
téoglycanes interstitiels.
l’équation de Starling tendent à s’opposer à la sortie de
liquide des capillaires : augmentation de la pression hydro- En cas de baisse de la pression oncotique plasmatique,
statique interstitielle (Pi) due à l’augmentation du volume comme en cas d’hypoprotidémie, l’œdème se forme aussi
de l’interstitium, baisse de la pression oncotique intersti- à une pression hydrostatique plus basse. En effet, alors que
tielle (pi) et augmentation de la pression oncotique capil- l’œdème commence à une pression de l’oreillette gauche
laire (pc). Cependant, c’est le drainage lymphatique qui est de 24 mmHg lorsque la pression oncotique est normale, il
le plus important des mécanismes de protection puisque commence dès 11 mmHg lorsqu’elle est réduite [51].
son débit peut augmenter de 15 fois pour s’adapter à une
augmentation du flux sortant des capillaires. À partir d’un Ceci est particulièrement important chez les patients de
certain flux sortant des capillaires, une partie de celui-ci réanimation chez qui l’hémodilution et le catabolisme s’as-
échappe au drainage lymphatique et s’accumule dans le socient pour diminuer la protidémie. Même si la présence
compartiment conjonctif lâche pour y former des man- d’une pression d’occlusion de l’artère pulmonaire (PAPO)
chons péri-broncho-vasculaires. Ceux-ci sont le premier site inférieure à 18 mmHg a été retenue comme nécessaire
d’accumulation pathologique de l’œdème et permettent pour poser le diagnostic d’œdème lésionnel, elle n’exclut
de doubler le contenu en eau du poumon. Le liquide en pas qu’il y ait une part hydrostatique à cet œdème, d’au-
sera évacué par gradient de pression vers les hiles et l’es- tant plus que la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire
pace pleural. L’inondation alvéolaire ne se produit que sous-estime la pression de filtration. En effet, si K est dou-
lorsque les mécanismes de protection sont dépassés et que blé, la pression hydrostatique critique ne sera plus que de
la pression interstitielle atteint un certain seuil. En effet, 10 mmHg. Cette notion – il n’existe pas de pression capil-
l’épithélium alvéolaire, tout du moins lorsqu’il est intact, laire normale en cas d’œdème de perméabilité – constitue
est très peu perméable aux liquides et aux protéines, et une justification théorique à la limitation de la pression de
c’est probablement à des points de faiblesse de l’épithé- filtration pulmonaire en cas d’œdème lésionnel ou chez un
lium que se produit l’inondation alvéolaire. patient à risque et donc à la mesure ou à l’estimation de
la pression capillaire, qui en est un reflet assez fidèle. La
L’augmentation de la pression hydrostatique capillaire plupart des travaux cliniques ont montré que la majorité
est le mécanisme de l’œdème pulmonaire dans l’insuffi- des patients présentant un SDRA ont une pression d’occlu-
sance cardiaque ou la surcharge volémique. En situation sion de l’artère pulmonaire supérieure aux valeurs critiques
physiologique, il existe une augmentation linéaire de per- de pression de filtration lorsque la barrière est lésée.
fusion pulmonaire de l’apex vers les bases. Lors d’une aug- Sachant que cette pression d’occlusion est inférieure à la
mentation de la pression de l’oreillette gauche, il en pression hydrostatique capillaire, on peut supposer que ces
résulte une augmentation de la pression veineuse pulmo- patients présentent le plus souvent une pression capillaire
naire. Il s’ensuit une distribution plus homogène de la per- au-delà de la pression critique.
fusion vers les sommets par une distension et un
recrutement des capillaires, qui permet de ralentir l’aug- La résorption de l’œdème pulmonaire alvéolaire fait
mentation de la pression capillaire. Ce n’est qu’à partir intervenir, quant à elle, un transport actif de sodium, d’eau
d’une pression hydrostatique proche de 20 mmHg, dite et de protéines par l’épithélium alvéolaire, principalement
pression critique, que le liquide commencera à s’accumuler par les pneumocytes II (voir plus loin).
dans l’interstitium.
Dans le cadre du SDRA, il existe une augmentation de
la perméabilité de la barrière alvéolo-capillaire. Elle est Physiopathologie de 
secondaire à des lésions prédominantes de l’endothélium,
comme dans le sepsis, ou à une atteinte plus directe de la circulation pulmonaire
l’épithélium alvéolaire, comme en cas de pneumopathie
ou d’inhalation.
au cours du SDRA
Sur un plan hydrodynamique, le coefficient de filtration L’hypertension artérielle pulmonaire est une caractéris-
hydraulique capillaire (K) augmente et le coefficient de tique reconnue et quasi constante du SDRA [54, 55]. Au
réflexion aux substances oncotiquement actives (s) dimi- cours de celui-ci, elle est la conséquence de la vasoconstric-
nue, voire tend vers zéro dans certaines zones. Ainsi, le gra- tion pulmonaire hypoxique (VPH) mais a aussi d’autres
dient de pression oncotique, qui normalement s’oppose à causes, notamment la production de substances vasocons-
la formation d’un œdème, n’intervient plus ou peu. Par trictrices, le remodelage et les thrombi vasculaires.

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

Vasoconstriction pulmonaire duction d’eicosanoïdes pro-inflammatoires et en rediri-


geant les produits de la cyclo-oxygénase vers la synthèse
hypoxique de produits comme les PGE1 ou PGI2 [68]. Bien qu’ayant un
effet préventif sur la survenue d’un SDRA chez les patients
En réponse à la vasoconstriction pulmonaire hypoxique, chirurgicaux à risque, il n’a pas d’effet bénéfique formel
la diminution de débit sanguin régional dans une zone à au cours du SDRA avéré [69].
rapport VA/Q bas est fonction de l’étendue de cette zone.
Si elle est anatomiquement restreinte, le débit sanguin L’augmentation de la production d’endothélines (ET),
pourra être dirigé de façon préférentielle vers les terri- notamment d’endothéline 1, pourrait être aussi impliquée
toires à VA/Q plus élevé. Mais si le territoire à bas VA/Q est dans l’hypertension artérielle pulmonaire. Des niveaux plus
très important, comme souvent au cours du SDRA, la seule importants d’endothéline 1 circulante [70] et pulmonaire
réponse possible sera une augmentation de la pression [71] ont été mis en évidence chez des patients en SDRA,
artérielle pulmonaire (PAP). Le rôle de la vasoconstriction probablement en raison d’une augmentation de produc-
pulmonaire hypoxique (voir chapitre 27) dans la pathoge- tion et d’une diminution de leur clairance [70]. Le rôle de
nèse de l’hypertension artérielle pulmonaire au cours du l’endothéline 1 dans le remodelage vasculaire au cours du
SDRA est cependant probablement limité. En effet, l’hy- SDRA a été mis en évidence en 2001 [72].
pertension artérielle pulmonaire persiste même après
correction de l’hypoxémie. De plus, la vasoconstriction pul- Remodelage vasculaire pulmonaire
monaire hypoxique est réduite dans certains modèles de
SDRA, probablement via la libération de substances vaso- À la phase plus tardive du SDRA, après plusieurs jours
dilatatrices comme le monoxyde d’azote [56]. Enfin, l’inhi- d’évolution, une prolifération intimale fibreuse et cellu-
bition de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique par laire survient, principalement au niveau des petites artères,
l’endotoxine ne produit qu’une abolition partielle de l’hy- mais aussi des veines et des lymphatiques. Cette proliféra-
pertension artérielle pulmonaire secondaire à une lésion tion représente les séquelles et le résultat de la réparation
pulmonaire [57]. de l’endothélium et contribue à la réduction de la lumière
vasculaire et à l’hypertension artérielle pulmonaire. De
façon plus tardive surviennent des changements structu-
Mécanismes non hypoxiques raux plus permanents, qui sont la conséquence du remo-
de l’hypertension artérielle delage vasculaire pulmonaire et qui entraînent une
hypertrophie de la média et une réduction supplémentaire
pulmonaire de lumière vasculaire [73]. La distorsion des tissus fibreux
provoque une tortuosité artérielle et une vasodilatation
Médiateurs vasoactifs anormale qui sont responsables d’une augmentation de la
concentration anatomique en vaisseaux sanguins pulmo-
Au cours du SDRA, la circulation pulmonaire est le siège naires.
d’une production intense, principalement endothéliale, de
médiateurs vasoactifs, dont l’effet net est une augmenta-
tion du tonus vasculaire pulmonaire. Thrombi dans le SDRA
Dans des modèles animaux, les taux sériques de throm- Les aspects thrombo-emboliques sont présents dans
boxane B2, le métabolite du thromboxane A2, augmente 95 % des cas de SDRA [55]. Ils sont probablement à la fois
de façon parallèle à la pression artérielle pulmonaire [58, emboliques et formés in situ en raison de l’action pro-
59]. Dans ces modèles, l’utilisation d’un inhibiteur de la thrombotique de l’endothélium activé. Des macrothrombi
cyclo-oxygénase prévient la production de thromboxane (dans les artères de plus de 1 mm) sont retrouvés chez 85 %
A2 et l’hypertension artérielle pulmonaire. Les sources de des patients et sont plus fréquemment rencontrés chez
production du thromboxane A2 sont multiples. En effet, la ceux qui meurent précocement [55]. Les microthrombi
déplétion en plaquettes ou en neutrophiles n’abolit pas sont, eux aussi, quasi constants et contribuent aussi à la
complètement sa production [60, 61], qui siège aussi au diminution du remplissage vasculaire et à l’hypertension
niveau de l’endothélium et possiblement des macro- artérielle pulmonaire.
phages. Des travaux cliniques montrent une augmentation
des taux de thromboxane A2 dans le liquide de lavage
broncho-alvéolaire de patients présentant un SDRA [62]. Conséquences
Cependant, l’inhibition spécifique du thromboxane A2 par
le dazoxiben ne diminue pas l’hypertension artérielle de l’hypertension artérielle
pulmonaire chez des patients en SDRA [62]. De plus, les
inhibiteurs de la cyclo-oxygénase inhibent l’hypertension
pulmonaire
artérielle pulmonaire précoce secondaire à une injection L’hypertension artérielle pulmonaire contribue à l’alté-
d’endotoxines mais n’empêchent pas l’hypertension arté- ration de la fonction cardiaque droite, pouvant entraîner
rielle pulmonaire plus tardive. Dans ces circonstances, le une baisse du débit cardiaque et du transport en oxygène
métabolisme de l’acide arachidonique pourrait être dévié [74]. Elle pourrait ainsi favoriser la défaillance multiviscé-
vers la voie de la lipo-oxygénase et donc la production de rale, conséquence fatale du SDRA. Il existe en outre une
leucotriènes [63]. corrélation entre niveau d’hypertension artérielle pulmo-
Une augmentation des taux de leucotriènes est rappor- naire et quantité d’œdème pulmonaire formé [75]. Ces
tée dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire de deux phénomènes sont probablement liés puisque
patients présentant un SDRA [64]. Cependant, la réponse l’œdème pulmonaire, même interstitiel, entraîne une com-
hypertensive pulmonaire est, là aussi, seulement partielle- pression vasculaire favorisant l’hypertension artérielle pul-
ment inhibée par les antagonistes de leucotriènes ou les monaire et que celle-ci, si elle est située après le site de
inhibiteurs de la 5-lipo-oxygénase [65-67]. Le kétoconazole l’augmentation de perméabilité, favorise la formation de
est un antifongique imidazolé qui inhibe la throm- l’œdème. La résolution du SDRA est associée à une dimi-
boxane A synthétase et la 5-lipo-oxygénase sans inhiber la nution de l’hypertension artérielle pulmonaire mais sa per-
cyclo-oxygénase. Il pourrait ainsi avoir une double effica- sistance ou son augmentation pendant les 7 premiers jours
cité anti-inflammatoire dans le SDRA, en diminuant la pro- est associée à un mauvais pronostic [76].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Altération des rapports Les radicaux libres de l’azote inhibent aussi la synthèse
de l’ATP et du surfactant par les pneumocytes de type II
ventilation/perfusion [80, 82].

au cours du SDRA Cytokines pro-inflammatoires


Au repos, en conditions physiologiques, la ventilation et anti-inflammatoires
au niveau alvéolaire
alvéolaire (ventilation minute moins espace mort) est d’en-
viron 5 L/min, ce qui est approximativement la valeur du
débit cardiaque. Comme le débit cardiaque entier passe
dans la circulation pulmonaire, le rapport ventilation/per- L’IL-1b est retrouvée dans le liquide de lavage broncho-
fusion (VA/Q) du système cardiopulmonaire est de l’ordre alvéolaire de patients présentant un SDRA. Elle peut
de 1. Localement, cependant, les rapports VA/Q varient stimuler la production de nombreuses cytokines chimio-
considérablement en raison de différences régionales de tactiques telles que l’IL-8, l’ENA-78, le MCP-1 (monocyte
distribution du flux sanguin. Cette dispersion régionale des chemotactic peptide) et le MIP-1a (macrophage inflamma-
rapports VA/Q augmente en conditions pathologiques en tory peptide-1a). Son antagoniste naturel est l’IL-1RA
raison de l’hétérogénéité de la distribution de la ventila- (interleukine 1 récepteur antagoniste) qui est retrouvé
tion et de la perfusion. Des zones de haut rapport VA/Q également dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire de
entraînent un espace mort responsable de ventilation inef- patients présentant un SDRA [83]. Son effet antagoniste
ficace et sont associées à des aires de bas rapport VA/Q s’exerce par un mécanisme compétitif sur le site de fixation
entraînant un shunt responsable d’une hypoxémie en rai- cellulaire de l’IL-1b. Au cours du SDRA est observée une
son de la perfusion de zones peu ou non ventilées. Au augmentation du rapport IL-1b/IL-1RA dans le liquide de
cours du SDRA, la ventilation est perturbée par un comble- lavage broncho-alvéolaire (normalement à 1) [84].
ment alvéolaire hétérogène à prédominance postérieure Témoignant encore du rôle de cette cytokine, il est à noter
alors que la perfusion est dominante dans ces mêmes que lorsque l’activité biologique de l’IL-1b est mesurée
zones pour des raisons de gradient gravitationnel. La vaso- dans le lavage broncho-alvéolaire ou le liquide d’œdème
constriction pulmonaire hypoxique est altérée par la pro- pulmonaire de patients en SDRA, une activité pro-inflam-
duction de médiateurs vasomoteurs, qui contribue à matoire importante est notée [83]. A contrario, par com-
augmenter encore la perfusion des zones mal ventilées et paraison à l’IL-1b, l’activité biologique du TNF-a dans le
à aggraver le shunt. Comme les échanges de gaz carbo- liquide d’œdème pulmonaire ou de lavage broncho-alvéo-
nique sont conditionnés par la ventilation alvéolaire, l’aug- laire est considérablement moindre au cours du SDRA [4].
mentation de l’espace mort augmente le besoin L’IL-10 est une cytokine anti-inflammatoire puissante pro-
ventilatoire pour maintenir la capnie vers la normale. duite par les macrophages et dont l’expression est étroite-
ment liée à celle du TNF-a. Des niveaux élevés dans le
lavage broncho-alvéolaire sont associés à un meilleur pro-
Physiopathologie nostic du SDRA [85]. Le MIF (macrophage migration inhi-
bitory factor, facteur inhibiteur de la migration), autre
de l’espace alvéolaire cytokine pro-inflammatoire produite par les macrophages

au cours du SDRA
et les cellules épithéliales bronchiques, stimule la produc-
tion de TNF-a et vice-versa. La production de MIF est favo-
risée par les corticoïdes mais il antagonise leurs effets
La sévérité du SDRA dépend de l’activation et des anti-inflammatoires.
lésions de l’endothélium. Cependant, sa sévérité ainsi que
sa résolution dépendent aussi fortement de l’épithélium
alvéolaire [77] (voir chapitre 26). En effet, les lésions alvéo- Anomalies du surfactant
laires diffuses font intervenir l’épithélium et la formation
de l’œdème alvéolaire nécessite une atteinte épithéliale. Le surfactant est une substance de composition com-
L’épithélium est aussi le site de réabsorption de l’œdème plexe produite par les pneumocytes de type II. Il est com-
et intervient dans la formation de la fibrose pulmonaire. posé de 80 % de phospholipides, de 8 % d’autres lipides
On sait très peu de chose sur le rôle des cellules épithéliales (cholestérol, triacylglycérol et acides gras) et de 12 % de
dans la physiopathologie du SDRA. On sait qu’elles produi- protéines. Le surfactant a de nombreuses fonctions dont
sent des cytokines en réponse à l’injection d’endotoxine l’une des principales est la diminution de la tension de sur-
ou à l’étirement [78], mais les mécanismes régulateurs de face dans l’alvéole, stabilisant ainsi le volume pulmonaire
cette production sont mal connus à ce jour. De même, des à des pressions transpulmonaires basses. Le déficit en sur-
substances comme le KGF (keratinocyte growth factor) factant n’est pas l’élément initial dans le SDRA mais des
peuvent protéger l’épithélium pulmonaire de lésions expé- altérations biophysiques et biochimiques du surfactant y
rimentales [79] mais les mécanismes de cette protection sont observées, favorisant le collapsus alvéolaire et l’ag-
sont mal compris. gravation des échanges gazeux. L’altération quantitative
et qualitative du surfactant est la conséquence de la dys-
Les mécanismes de l’altération de la fonction épithé- fonction des pneumocytes de type II. On note ainsi une
liale sont multiples. Parmi eux, on peut noter les lésions augmentation de la tension de surface à plus de 15-
épithéliales destructrices, les effets inhibiteurs de l’hypoxie 20 mN/m, alors qu’elle avoisine 0 en conditions normales
et des radicaux libres sur le transport ionique ou encore [86, 87].
des facteurs mécaniques tels que la ventilation artificielle.
Les radicaux libres de l’oxygène et de l’azote entraînent Les altérations du surfactant au cours du SDRA
une dysfonction épithéliale pulmonaire, notamment : incluent :
• par l’altération du transport des ions sodium du pôle api- • une modification de sa composition phospholipidique
cal vers le pôle basolatéral de la cellule épithéliale [80], avec diminution du pourcentage de phosphatidylcholine
qui est l’élément moteur de la résorption de l’œdème et de phosphatidylglycérol et une augmentation du
alvéolaire ; phosphatidylinositol, de la phosphatidyléthanolamine et
• en augmentant la perméabilité de l’épithélium [81]. des sphingomyélines [86, 87] ;

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

• une altération de la composition en acides gras avec cyclique (AMPc), notamment les b2-agonistes, accélérait la
diminution du contenu en phospholipides saturés, résolution de l’œdème, qu’il soit hémodynamique ou
notamment en acide palmitique [88] ; lésionnel [91]. Leur action passe principalement par l’aug-
• une diminution du contenu en apoprotéines SP-A et SP- mentation de la quantité et de l’activité des pompes Na-K
B [86, 87] ; et des canaux sodium apicaux.
• une diminution des agrégats de grande taille de surfac-
L’élimination des protéines alvéolaires est une étape
tant, qui sont les plus actifs [89] ;
importante de la guérison. Elle se fait par évacuation
• une inhibition de l’activité du surfactant par les protéines
mucociliaire, par phagocytose macrophagique mais les
plasmatiques présentes dans l’œdème [86] et par les
protéines accumulées dans l’alvéole sont aussi résorbées
médiateurs inflammatoires, en particulier les protéases
par transcytose et par diffusion paracellulaire passive à tra-
et les radicaux libres qui dégradent les protéines et les
vers l’épithélium alvéolaire [94] (figure 3). Cette diffusion
lipides du surfactant.
serait prédominante dans le SDRA car les mécanismes actifs
de transcytose sont saturés en raison de concentrations
Transport liquidien et protéique protéiques alvéolaires élevées.

par l’épithélium alvéolaire


La réabsorption du liquide d’œdème pulmonaire et des
protéines qui le composent est nécessaire à la guérison du
SDRA. On a longtemps pensé que la résorption de l’œdème
de l’alvéole vers l’interstitium était régie par les forces de
Starling. Or, l’épithélium étant beaucoup moins perméable
que l’endothélium, cette clairance dépend d’un transport
ionique actif transépithélial qui crée un gradient osmotique
menant à une réabsorption d’eau vers l’interstitium [90].
Schématiquement, le transport d’eau suit un gradient de
concentration ionique, principalement de sodium [91]
(figure 2). Au pôle basal des pneumocytes (surtout de
type II), côté interstitium, la pompe Na-K consommatrice Figure 2 / Schématisation du transport d’ions et d’eau de
d’ATP (Na+-K+ ATPase) maintient des gradients transmem- l’espace alvéolaire vers l’interstitium à travers l’épithélium
branaires de Na+ et de K+ dans la cellule contre leurs gra- Le sodium est transporté vers la cellule à travers des canaux sélectifs
(ENaC), des canaux non sélectifs (NSC et CNG) ou par des
dients de concentration respectifs. En réponse à une
cotransporteurs avec du potassium, du chlore ou d’autres substances.
concentration intracellulaire basse, le sodium alvéolaire Au pôle basal, la pompe Na+-K+ ATPase exporte le sodium
pénètre de manière passive dans la cellule épithéliale par vers l’interstitium. L’eau suit le gradient osmotique par un transport
son pôle apical à travers des canaux plus ou moins sélectifs. principalement paracellulaire et via les aquaporines.
L’eau suit ce gradient osmotique en traversant l’épithélium
principalement au niveau paracellulaire et par des pores cel-
lulaires appelés aquaporines (figure 2). L’importance de ce
transport ionique dans le maintien de la relative sécheresse
alvéolaire dès la naissance a notamment été démontrée
dans un modèle de souris transgéniques déficientes pour le
gène de la sous-unité a de l’ENaC, le canal sodium fonction-
nellement le plus important. Ces souris sont incapables, juste
après la naissance, d’évacuer le liquide alvéolaire présent
durant leur vie fœtale et meurent de détresse respiratoire
dans les 40 heures qui suivent leur naissance [92]. Un autre
exemple est la mise en évidence d’une altération du trans-
port du sodium via une diminution de l’activité de la
Na+-K+ ATPase au cours de lésions induites par la ventilation
[93]. Au cours du SDRA, le transport actif d’ions et de liquide
par l’épithélium est aussi altéré en raison d’une fuite de
liquide persistante liée à l’altération majeure de la barrière
alvéolo-capillaire. Ainsi, la réabsorption nécessite que la
fuite liquidienne soit préalablement réduite par la diminu-
tion de la perméabilité endothéliale mais aussi, possible-
ment, par des modifications de la forme des cellules
épithéliales qui rendent l’épithélium plus solidement imper-
méable.
La clairance alvéolaire liquidienne peut être estimée par
des mesures séquentielles des concentrations protéiques
après prélèvement d’œdème dans les voies aériennes. Cette
approche a permis notamment de montrer que la clairance
alvéolaire était altérée chez une majorité des patients pré-
sentant un SDRA et que le maintien d’une clairance nor- Figure 3 / Mécanismes de réparation alvéolaire
male ou son augmentation étaient associés à un meilleur L’épithélium est recolonisé à partir de la multiplication
et de la différenciation des pneumocytes II en pneumocytes I.
pronostic [8]. Malgré des lésions épithéliales sévères, la clai- La réabsorption liquidienne suit un transport ionique actif
rance alvéolaire reste le plus souvent stimulable pharmaco- à travers les pneumocytes II (voir figure 2).
logiquement. C’est ainsi que la réponse catécholergique à Les macrophages éliminent les neutrophiles apoptotiques
un état de choc augmente la clairance. De plus, de nom- et les protéines insolubles. Le tissu conjonctif immature
breux travaux expérimentaux ont montré que l’administra- alvéolaire est éliminé ou peut évoluer vers la fibrose.
tion exogène d’agonistes de l’adénosine monophosphate

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Réparation épithéliale stimulating factor), et le TNF-a et induit l’augmentation


de médiateurs anti-inflammatoires tels que le TGF-b1, la
et fibrose prostaglandine E2 et le PAF (platelet-activating factor).
Deux hypothèses s’affrontent pour expliquer la place des
La réparation alvéolaire vise à la restauration de la bar- phénomènes d’apoptose au cours du SDRA : l’hypothèse
rière alvéolo-capillaire et de sa fonction (figure 3). neutrophilique et l’hypothèse épithéliale. L’hypothèse neu-
L’épithélium intervient activement dans la réparation des trophilique suggère que l’apoptose neutrophilique joue un
lésions alvéolaires. Cette réparation nécessite des pneumo- rôle important dans la résolution de l’inflammation et pré-
cytes de type II, qui sont les cellules précurseurs des pneu- dit que l’inhibition de cette apoptose ou celle de la clai-
mocytes de type I mais qui constituent seulement 5 % de rance des neutrophiles apoptotiques est délétère au cours
la surface épithéliale alvéolaire. Les pneumocytes II sont du SDRA [106]. L’hypothèse épithéliale suggère que les
plus solides que les cellules de type I et leur taux de renou- lésions épithéliales observées au cours du SDRA sont asso-
vellement, habituellement de 4 % par jour, augmente ciées à la mort cellulaire par apoptose des cellules épithé-
après lésion pulmonaire. Ils se différencient en type I pour liales en réponse à des médiateurs solubles tels que le Fas
restaurer une architecture alvéolaire normale. Une répa- ligand. L’activation du système Fas/Fas ligand est associée
ration optimale nécessite une membrane basale intacte et à l’apoptose des pneumocytes induisant une augmenta-
une matrice collagène provisoire permettant l’adhésion et tion non seulement de la perméabilité alvéolaire mais aussi
la migration des cellules. Les facteurs qui stimulent la de la production de cytokines pro-inflammatoires et du
migration des cellules alvéolaires épithéliales sont le fac- recrutement de neutrophiles. Ce modèle prédit que le blo-
teur de croissance épidermique (EGF, epidermal growth cage de ces inhibiteurs pourrait être bénéfique dans la pré-
factor), le TGF-a (transforming growth factor alpha), le vention ou le traitement du SDRA [107]. Cependant, ces
KGF (keratinocyte growth factor), l’HGF (hepatocyte deux hypothèses ne s’excluent pas.
growth factor) et le facteur de croissance des fibroblastes
Il a été montré que le liquide de lavage broncho-alvéo-
(FGF, fibroblast growth factor). Le KGF induit la proliféra-
tion et la migration des cellules épithéliales alvéolaires [95, laire des patients présentant un SDRA à la phase précoce
96]. inhibe la vitesse à laquelle les neutrophiles développent
une apoptose in vitro [108]. Cette inhibition s’amende au
Les mécanismes responsables de la fibrose pulmonaire fur et à mesure de l’évolution favorable de l’inflammation
survenant chez certains patients restent mal connus même du SDRA. Cet effet inhibiteur est médié par des cytokines
s’ils conditionnent largement la mortalité et les séquelles pro-inflammatoires telles que le facteur stimulant la colo-
du SDRA. Plusieurs médiateurs sont impliqués directement nisation granulocyte (G-CSF, granulocyte colony-stimula-
dans ce processus. Le TGF-b joue un rôle dans la réparation ting factor) et le GM-CSF mais aussi, possiblement, par l’IL-8
alvéolaire en stimulant la fibrose pulmonaire. En effet, ce et l’IL-2. Cependant, à l’heure actuelle, il n’a pas été
peptide est capable d’induire une prolifération de cellules démontré de corrélation entre cette inhibition de l’apop-
mésenchymateuses et la production de tissu conjonctif. tose neutrophilique et le pronostic des patients présentant
L’interféron g est un médiateur qui semble inhiber l’accu- un SDRA.
mulation de collagène et la prolifération de fibroblastes
secondaire à l’accumulation de leucocytes dans le poumon,
du moins dans les modèles de fibrose pulmonaire expéri-
mentale [97-99]. Il agit en réduisant la surexpression d’ARN
Rôle des lésions
messager de TGF-b [100] et en stimulant la protéine 10,
une chimiokine qui empêche le dépôt de tissu fibrotique
induites par la ventilation
en régulant l’angiogenèse [101]. Les cytokines sont aussi
impliquées dans la genèse du processus fibrotique. Le
mécanique
TNF-a joue ainsi un rôle dans le processus de fibrose pul- La ventilation mécanique est un élément incontourna-
monaire [102-104]. Il induit en effet une croissance fibro- ble du traitement du SDRA (voir chapitre 28). La ventilation
blastique et une production de collagène. La production mécanique de poumons sains en utilisant de hauts volumes
d’IL-1b induit directement elle aussi, en plus d’une réaction et/ou de hautes pressions peut induire un œdème pulmo-
inflammatoire vigoureuse, la production de PDGF (platelet naire lésionnel [109, 110]. Les poumons lésés sont, eux,
derived growth factor), une cytokine profibrotique, et de beaucoup plus sensibles aux effets délétères de la ventila-
TGF-b [105]. tion mécanique. En effet, les lésions induites par la venti-
lation mécanique surviennent à plus basses pressions des

Phénomènes apoptotiques voies aériennes que sur des poumons normaux [111-114].
Le degré d’altération de la mécanique pulmonaire condi-
tionne largement la synergie entre lésions initiales et
L’apoptose résulte en la fragmentation de l’ADN, la lésions induites par la ventilation mécanique [114]. Ainsi,
réduction du volume cellulaire et, finalement, la phagocy- plus les lésions pulmonaires sont importantes avant la ven-
tose des cellules apoptotiques par les phagocytes environ- tilation mécanique, plus les lésions induites par la ventila-
nants. Les macrophages et les autres cellules phagocytaires tion mécanique sont sévères. Ceci est notamment expliqué
reconnaissent les cellules apoptotiques par de nombreuses par le fait que plus les zones lésées et donc non ou mal
molécules membranaires de surface (figure 3). L’une d’en- ventilées sont étendues, plus le nombre d’alvéoles qui
tre elles est le CD44 qui semble jouer un rôle important reçoivent le volume courant est petit, exposant ces alvéoles
dans la clairance des neutrophiles apoptotiques. Le degré
à une hyperinflation entraînant des lésions induites par la
de clairance de ces cellules apoptotiques semble jouer un
ventilation mécanique [115, 116].
rôle primordial dans la résolution de l’inflammation du
SDRA : en effet, la diminution de la clairance serait associée Le mécanisme de l’œdème pulmonaire induit par la
à une aggravation des phénomènes inflammatoires. La ventilation est principalement une augmentation de la
phagocytose des neutrophiles apoptotiques s’accompagne perméabilité de la barrière alvéolo-capillaire. Les méca-
d’une diminution de la production par les macrophages de nismes de cette augmentation de perméabilité peuvent
cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1b, l’IL-8, le varier en fonction du degré et de la durée de l’hyperinfla-
facteur de stimulation des colonies de granulocytes/ tion. L’inactivation du surfactant et l’augmentation de la
macrophages (GM-CSF, granulocyte-macrophage colony- tension de surface augmentent la perméabilité aux subs-

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

tances de petite taille. Le recrutement de cellules inflam- l’hyperinflation de certaines zones [125, 126], mais aussi
matoires, notamment de neutrophiles, est aussi impliqué. dans les vaisseaux alvéolaires où elle serait la conséquence
En effet, la rupture de l’endothélium induite par l’hyper- de l’inactivation du surfactant [127].
inflation permet un contact direct entre neutrophiles et
membrane basale qui favorise l’activation leucocytaire.
Après quelques heures de ventilation agressive, ces cellules
inflammatoires vont infiltrer l’interstitium et les espaces
Conclusion
alvéolaires [117-119]. La participation des cytokines dans Le SDRA est le plus souvent la manifestation pulmonaire
les lésions induites par la ventilation mécanique est tou- d’une maladie systémique comme le sepsis. L’inflammation
jours l’objet d’un débat. Les médiateurs dont la production pulmonaire est cependant susceptible d’entraîner ou d’ag-
est constamment augmentée dans les travaux sur les graver l’inflammation à distance du poumon. Il est proba-
lésions induites par la ventilation mécanique sont le MIP-2 ble que les médiateurs de l’inflammation ou des fragments
et l’IL-8 [118, 120-122]. La présence de MIP-2, un agent chi- protéiques soient relargués dans la circulation systémique
miotactique des neutrophiles, est en accord avec le recru- à partir du poumon, créant des lésions à distance [6, 7]. Ceci
tement de neutrophiles observé lors de lésions induites par pourrait expliquer l’évolution vers le syndrome de défail-
la ventilation mécanique. lance multiviscérale, élément pronostique dominant du
SDRA. Cependant, l’inflammation pulmonaire peut exercer
La sévérité de l’œdème peut cependant être facilitée un rétrocontrôle sur les mécanismes anti-inflammatoires
par une augmentation de pression vasculaire hydrosta- favorisant ainsi la prépondérance des phénomènes anti-
tique. Cette augmentation existe dans les vaisseaux extra- inflammatoires sur les mécanismes inflammatoires au
alvéolaires [123, 124], où elle est la conséquence de niveau des organes extrapulmonaires [128].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

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Physiopathologie du SDRA et de l’œdème pulmonaire 29

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PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

30
• Anatomie et physiologie
de la contraction musculaire diaphragmatique Dysfonction
• Moyens d’exploration
de la fonction diaphragmatique au lit du patient diaphragmatique
• Dysfonction diaphragmatique : définition
• Situations cliniques associées
à une dysfonction diaphragmatique Boris Jung*, **, Martin Mahul*, Marion Monnin*,
• Physiopathologie Pierre Henri Moury*, Matthieu Conseil*,
de la dysfonction diaphragmatique Samir Jaber*, **
• Conséquences cliniques * Département d’anesthésie-réanimation,
de la dysfonction diaphragmatique Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier, Montpellier
** INSERM U1046 et CNRS 9214, Université Montpellier 1,
• Prise en charge thérapeutique Université Montpellier 2, CHU Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier
de la dysfonction diaphragmatique

e diaphragme est le principal muscle respira- racique ou abdominale) au-delà de la longueur optimale
toire de l’organisme, et sa contraction rythmée par pour le couplage excitation-contraction, la force générée
la respiration permet la mobilisation du volume est diminuée. Il en est de même lorsque la longueur des
courant. Lorsque le diaphragme dysfonctionne, on fibres est diminuée en dessous de la longueur optimale. À
parle d’une insuffisance ventilatoire par défaillance titre d’illustration, ce concept est le même que pour un
de la pompe musculaire en opposition à une insuf- cycliste qui doit ajuster la hauteur de sa selle afin d’opti-
fisance respiratoire par atteinte de l’échangeur pul- miser la relation force-longueur des quadriceps.
monaire. La dysfonction musculaire respiratoire
Le diaphragme est innervé par les nerfs phréniques
aiguë a été à l’origine de l’essor de la réanimation
droit et gauche qui se détachent de la moelle épinière cer-
respiratoire dans les années 1950 lors de l’épidémie
vicale au niveau des 3e, 4e et 5e vertèbres et cheminent
de poliomyélite et représente toujours une cause
dans la région cervicale antérieure puis dans le médiastin
de défaillance respiratoire des patients critiques.
pour se ramifier dans les deux coupoles diaphragmatiques.
Les objectifs de ce chapitre sont de décrire la phy-
Du deuxième motoneurone à la terminaison synaptique,
siologie de la contraction diaphragmatique, les
l’innervation diaphragmatique peut être compromise au
moyens de son exploration au lit du patient, de
cours des pathologies aiguës et chroniques résumées dans
définir la dysfonction diaphragmatique, d’en lister
le tableau 1.
les facteurs de risque et les conséquences médi-
cales et, enfin, de proposer une stratégie de pré-
vention et de traitement. Le diaphragme est constitué majoritairement de
fibres musculaires de type 1 (fibres à contraction
lente, rouges, oxydatives, peu fatigables).

Anatomie et physiologie de Distension abdominale (postopératoire, ascite, etc.)


ou thoracique (emphysème, pneumothorax) sont
la contraction musculaire associées à un étirement diaphragmatique de repos
supérieur à la longueur optimale pour le couplage
diaphragmatique excitation-contraction et diminuent la force dia-
phragmatique.

Anatomie
Le diaphragme est caractérisé par une contraction ryth-
Physiologie
mique, involontaire, liée à la ventilation et est composé de la contraction musculaire
majoritairement de fibres musculaires de type 1 (fibres à
contraction lente, rouges, oxydatives, peu fatigables) et en Au niveau cellulaire, le potentiel d’action déclenche une
minorité de fibres musculaires de type 2 (fibres à contrac- libération d’acétylcholine dans la fente synaptique de la
tion rapide, blanches, glycolytiques, fatigables). Comme jonction neuromusculaire permettant une ouverture de
pour les tous les muscles striés, il existe une relation force- canaux sodium voltage-dépendants au niveau du sarco-
longueur avec une longueur optimale « L0 » expliquant en plasme, générant ainsi un potentiel d’action. Le potentiel
partie la diminution de la force contractile du diaphragme d’action se propage à la surface de la fibre musculaire dans
lorsque le muscle est aplati (distension thoracique du les deux directions vers les extrémités de la fibre musculaire,
patient emphysémateux, distension abdominale au cours la jonction neuromusculaire étant située au centre de la
des pathologies abdominales aiguës comme la pancréatite fibre. Pour que le couplage excitation-contraction entre la
aiguë). En effet, lorsque le muscle est étiré (distension tho- myosine et l’actine se déroule, il est nécessaire de libérer

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Tableau 1 / Moyens diagnostiques à la disposition du clinicien exerçant en réanimation

Patient difficile à sevrer du ventilateur


Difficulté non expliquée par le statut cardio-pulmonaire
ou neurologique cérébral/médullaire
Contexte évocateur
Atélectasies lobaires inférieures récidivantes
Tendance à l’acidose hypercapnique sans hypoxémie marquée lors des épreuves de
ventilation spontanée (hypoventilation alvéolaire) et voies aériennes libres
Hypoventilation alvéolaire, respiration rapide et superficielle
Examen clinique (rapid shallow breathing)
Élévation de la coupole diaphragmatique à la radiographie standard
Pression inspiratoire maximale < 70 cmH2O
Explorations fonctionnelles respiratoires lors de l’épreuve de ventilation spontanée
Excursion diaphragmatique < 10 mm en ventilation spontanée calme
Échographie diaphragmatique Excursion diaphragmatique < 40 mm en ventilation spontanée profonde
Fraction de raccourcissement diaphragmatique < 30 %
Stimulation magnétique et recueil Pression trachéale télé-expiratoire après stimulation < 11 cmH2O
de la pression des voies aériennes

du calcium depuis le réticulum sarcoplasmique, qui consti- ATPases. La contraction est consommatrice d’énergie sous
tue la réserve intracellulaire de calcium du muscle. Cette forme d’ATP qui peut provenir de la phosphorylation oxy-
libération est secondaire à l’activation d’un canal calcique dative impliquant les mitochondries ou un mécanisme gly-
voltage dépendant (le récepteur des dihydropiridines) puis colytique rapide, cytosolique. Le mécanisme du couplage
du récepteur de la ryanodine de type 1. Lors de la relaxa- excitation-contraction est représenté sur la figure 1.
tion musculaire, le calcium est pompé depuis le cytosol vers
le réticulum sarcoplasmique par des pompes calcium-
Moyens d’exploration de
la fonction diaphragmatique
au lit du patient
Deux très récentes revues et des guidelines ont détaillé
les moyens d’exploration du diaphragme en clinique
humaine [1, 2]. En ventilation artificielle, une dysfonction
Tubule T diaphragmatique peut être démasquée lors de l’épreuve de
Potentiel
d'action ventilation spontanée devant l’apparition d’une ventilation
paradoxale. On peut également observer un “rapid shallow
breathing” (fréquence respiratoire/volume courant
> 100 c/min/mL) non spécifique d’une dysfonction dia-
R-DHP Couplage actine-myosine phragmatique [3]. Des explorations fonctionnelles respira-
toires sont réalisables au lit du patient de réanimation
RyR1 ATP ADP ventilé mécaniquement. Ainsi, la mesure de la pression ins-
SERCA piratoire maximale consiste à mesurer la pression dévelop-
Ca2+
pée au cours d’un effort inspiratoire maximal contre un
obstacle. En pratique, elle est réalisée à l’aide d’une pause
expiratoire sur le ventilateur d’environ 15 secondes. La pres-
sion négative maximale est alors le reflet de l’effort inspi-
ATP ADP
Mitochondrie ratoire du patient. Des valeurs inférieures à –36 cmH2O sont
associées à un sevrage plus rapide et des valeurs inférieures
à –70 cmH2O excluent le diagnostic de paralysie diaphrag-
matique bilatérale [4]. Tandis que la mesure de pression ins-
Figure 1 / Couplage excitation-contraction du muscle diaphragmatique piratoire maximale est facilement réalisable sur les
Le potentiel d’action membranaire se propage le long du tubule transverse ventilateurs modernes de réanimation, une valeur faible
et va déclencher la sortie de calcium du réticulum sarcoplasmique via
peut être le reflet d’un effort sous-maximal (mauvaise coor-
l’activation du récepteur des dihydropyridines (R-DHP) et l’ouverture
des récepteurs de la ryanodine de type 1 (RyR1). L’augmentation de la dination ou collaboration du patient). Elle est en outre peu
concentration de calcium dans le cytosol permet sa liaison avec la spécifique car elle reflète l’ensemble des muscles respira-
troponine C, le couplage actine-myosine et la contraction musculaire. toires inspiratoires (diaphragme et muscles accessoires).
La contraction nécessite de l’ATP provenant principalement de la
phosphorylation oxydative qui a lieu dans la mitochondrie. De la même manière, la mesure de la capacité vitale est
Lors de la relaxation musculaire, le calcium est repompé du cytosol vers un reflet approximatif de la fonction diaphragmatique qui
le réticulum sarcoplasmique par des pompes ATP-dépendantes (SERCA). nécessite la participation du patient.
ADP : adénosine di-phosphate ; ATP : adénosine triphosphate ;
R-DHP : récepteur des dihydropyridines ; RyR1 : récepteur de la ryanodine Ces explorations fonctionnelles peuvent être complétées
de type 1 ; SERCA : ATPase calcique du réticulum sarco-endoplasmique ; par la mise en place d’une sonde à double ballonnet œso-
tubule-T : tubule transverse. phagien et gastrique permettant d’isoler la pression œso-
phagienne comme reflet de la pression pleurale et surtout

302
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page303

Dysfonction diaphragmatique 30

de mesurer la pression transdiaphragmatique (figure 2). De manière complémentaire aux explorations fonction-
Elle nécessite cependant la mise en place d’une sonde spé- nelles respiratoires, on peut réaliser une échographie du
cifique et d’un monitorage seulement disponible sur diaphragme (figure 3). Il s’agit d’une technique non inva-
quelques ventilateurs de dernière génération ou un banc sive, sans danger, bien décrite en pratique clinique chez le
de mesure et n’est donc pas réalisable en routine clinique. patient de réanimation ou postopératoire [5].

Figure 2 / Installation d’un patient ventilé mécaniquement, éveillé et en ventilation spontanée pour exploration
de la contractilité diaphragmatique à l’aide d’un neurostimulateur magnétique transcutané cervical des nerfs phréniques
A. Le patient est installé confortablement en position demi-assise. Un capteur de pression est installé
à la sortie de la sonde d’intubation et relié à un ordinateur retranscrivant la pression des voies aériennes en continue.
Les neurostimulateurs sont réglés pour délivrer une intensité supra-maximale.
B. Les bobines de stimulation sont placées dans la région cervicale antérieure à proximité des nerfs phréniques
et appliquées sur la peau du patient. Après quelques cycles ventilatoires d’adaptation, le patient est débranché du ventilateur,
l’absence de flux expiratoire est vérifiée cliniquement et sur la courbe de pression des voies aériennes puis un clamp est posé
sur la sonde d’intubation, le patient étant en apnée. Immédiatement, les deux nerfs phréniques sont stimulés à intensité
supra-maximale entraînant une contraction unique du diaphragme qui génère une variation de pression
dans les voies aériennes (Ptrach) qui est le reflet de la pression transdiaphragmatique.

Figure 3 / A. Enregistrement de l’excursion


diaphragmatique en mode TM.
B. Le mode TM permet la mesure de l’épaisseur
du diaphragme au cours de l’inspiration
et de l’expiration et de l’excursion diaphragmatique
au cours de la ventilation spontanée, de repos
ou profonde.
C. Mesure de la fraction de raccourcissement
après repérage des feuillets diaphragmatiques
en mode 2D

303
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

En utilisant une sonde de 3,5 à 5 MHz sur la ligne après stimulation non invasive, magnétique, des nerfs
médio-claviculaire ou sur la ligne axillaire antérieure, l’ex- phréniques [8,9]. Enfin, la mesure de la pression trachéale
cursion de chaque hémicoupole peut être appréciée en à la sonde d’intubation, qui ne nécessite pas l’insertion
mode temps/mouvement. L’amplitude de l’excursion inspi- d’une sonde œsophagienne spécifique, est directement
ratoire diaphragmatique normale et chez des patients corrélée à la valeur de la pression transdiaphragmatique
ayant passé avec succès le test de sevrage de la ventilation [10], et une valeur inférieure à 11 cmH2O est associée à une
mécanique (VM) est de 18 mm environ. Lors d’un sniff test dysfonction diaphragmatique [42].
(inspiration maximale nécessitant la participation du
patient), il est possible de mesurer la vitesse (pente) de
Les moyens d’exploration au lit du patient font
déplacement diaphragmatique sans qu’à ce jour sa valeur
essentiellement appel à l’échographie et à la
ne soit corrélée au pronostic des patients critiques.
mesure de la pression trachéale après stimulation
L’échographie peut également être utilisée pour évaluer
phrénique magnétique cervicale transcutanée.
l’épaisseur du diaphragme. Il faut alors utiliser une sonde
de 10 MHz et le diamètre du diaphragme est mesuré en
ventilation spontanée et lors d’inspiration et d’expiration
forcées. Une fraction de raccourcissement peut ainsi être
mesurée (fraction de raccourcissement = (épaisseur en fin
Dysfonction
d’inspiration – épaisseur en fin d’expiration)/épaisseur en diaphragmatique :
définition
fin d’expiration). Il a été récemment montré dans une
étude pilote que l’épaisseur du diaphragme diminuait au
cours du séjour chez les patients en VM [6]. La reproducti-
bilité intra- et inter-observateur des différentes mesures La dysfonction diaphragmatique peut se définir comme
est bonne à condition que le tir Doppler soit perpendicu- une inadéquation entre la force produite par le dia-
laire au diaphragme et que la meilleure fenêtre échogra- phragme et la charge imposée au diaphragme lors de la
phique soit définie en mode deux dimensions (2D). Il est à ventilation de repos ou à l’effort.
noter toutefois que 5 à 10 % des patients sont peu écho-
gènes, rendant inaccessible le diaphragme à l’examen On peut ainsi observer soit une diminution de la force
ultrasonore, et que certains tests nécessitent une partici- produite lors d’une stimulation électrique d’intensité
pation active des patients. D’autres techniques d’imagerie supramaximale qui recrute toutes les unités motrices
en coupe pourraient permettre d’évaluer la trophicité du (comme lors d’un effort de toux provoquée) ou une conser-
diaphragme (scanner avec reconstruction volumétrique) vation de la force maximale lors d’une stimulation unique
(figure 4) et d’explorer le métabolisme oxydatif à l’aide de mais une diminution de l’endurance musculaire lors d’une
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) [7]. stimulation tétanique (comme lors d’une tachypnée en
réponse à de la fièvre ou à un stimulus douloureux). La
L’examen de référence aujourd’hui, qui ne nécessite diminution de la force peut également concerner force
aucune participation du patient et qui peut être réalisé maximale et endurance. Aussi, l’évaluation de la force
sans sédation chez un patient en ventilation spontanée ou maximale diaphragmatique par un test diagnostique
chez un patient ventilé mécaniquement (hors curare) est court, comme la mesure de la pression inspiratoire maxi-
la mesure de la pression transdiaphragmatique à l’aide male ou un effort de toux, peut masquer une fatigue dia-
d’une sonde à double ballonnet œsophagien et gastrique phragmatique (diminution de l’endurance) qui ne sera
dépistée que par un test diagnostique plus long comme
une épreuve de ventilation spontanée sur tube en T chez
un patient critique.
La définition de la dysfonction diaphragmatique au lit
du patient est délicate et plusieurs critères peuvent être
utilisés avec des valeurs prédictives positives et négatives
mal évaluées à ce jour.
En utilisant le gold standard de la stimulation phré-
nique magnétique avec recueil de la pression dans les voies
aériennes à la sortie de la sonde d’intubation, la valeur
seuil de 11 cmH2O a donc été décrite comme étant le reflet
d’une dysfonction diaphragmatique [9, 11].

Les critères diagnostiques de la dysfonction dia-


phragmatique sont résumés dans le tableau 2.

Situations cliniques
associées à une dysfonction
diaphragmatique
La dysfonction diaphragmatique peut être la consé-
quence de pathologies du premier ou du deuxième moto-
Figure 4 / Représentation tridimensionnelle du diaphragme
(en bleu) après reconstruction semi-automatisée
neurone au cours d’affection aiguë (par ex., traumatisme,
lors d’un examen tomodensitométrique accident vasculaire) ou chronique (par ex., myopathie),
Cette reconstruction permet d’individualiser et de mesurer radiculaires (par ex., polyradiculonévrite de Guillain et
le volume diaphragmatique. Barré), tronculaires (section chirurgicale), de la jonction
neuromusculaire (par ex., myasthénie) ou du muscle. Nous

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Dysfonction diaphragmatique 30

Tableau 2 / Causes de dysfonction diaphragmatique (d’après [2])

Accident vasculaire cérébral


Traumatisme/hématome crânien
Premier motoneurone Sclérose en plaques
Malformation d’Arnold et Chiari
Traumatisme médullaire (C3, C4, C5)
Hématome/myélite cervicale
Sclérose latérale amyotrophique
Deuxième motoneurone Amyotrophie spinale
Syringomyélie
Poliomyélite
Syndrome de Guillain et Barré
Compression (tumeur, fracture)
Pathologie radiculaire ou tronculaire Polynévrite au cours des maladies de système
Neuromyopathie de réanimation
Section/étirement passif chirurgical (chirurgie ORL, cardiaque, médiastinale)
Myasthénie
Syndrome de Lambert-Eaton
Jonction neuromusculaire Botulisme
Intoxication aux organophosphorés
Médicaments de l’anesthésie (myorelaxants, sédatifs)
Myosite infectieuse, inflammatoire, métabolique (par ex., hypokaliémie)
Effets secondaires des médicaments (par ex., stéroïdes)
Muscle Maladie héréditaire (par ex., maladie de Pompe)
Atrophie liée à l’immobilisation
Distension thoracique (emphysème)
Atteinte diaphragmatique indirecte Syndrome du compartiment abdominal, ascite, pneumopéritoine

détaillerons les causes plus spécifiquement observées en


soins critiques et médecine opératoire, la liste exhaustive Physiopathologie
des causes de dysfonction diaphragmatique étant citée
dans le tableau 1.
de la dysfonction
La ventilation mécanique, indispensable lors de l’anes- diaphragmatique
thésie générale et lors de la prise en charge des patients
les plus critiques, est associée à des complications iatro- L’altération des propriétés contractiles au cours de la
gènes, en particulier des lésions pulmonaires (ou VILI pour période postopératoire est la conséquence de la distension
Ventilator Induced Lung Injury) [12]. Depuis près de 20 ans abdominale postopératoire qui altère la relation force-lon-
à partir de modèles animaux [13] et maintenant depuis gueur au cours de la contraction musculaire mais égale-
quelques années chez l’homme [11, 14], il a été suggéré ment la conséquence de la douleur postopératoire, de
l’écartement/tension passive imposée par les écarteurs chi-
que la VM pouvait également altérer la fonction du dia-
rurgicaux, des lésions directes liées au bistouri électrique
phragme qui est le principal muscle respiratoire (dysfonc-
auquel s’ajoute en fonction du contexte une réaction
tion diaphragmatique induite par la VM ou DDIV). D’autres
inflammatoire locale (par ex., péritonite) ou généralisée
causes de dysfonction et d’altération morphologique des
(par ex., sepsis).
muscles striés squelettiques existent et sont nombreuses en
réanimation [2] car les patients critiques sont à très haut La DDIV et le sepsis sont les deux situations qui ont été
risque de myopathie médicamenteuse (curares, amino- les mieux évaluées sur le plan physiopathologique essen-
glycosides, benzodiazépines, linézolide), de myopathie tiellement en utilisant des modèles animaux mais plus
métabolique (hyperglycémie, hypophosphorémie), de récemment au cours d’études cliniques.
myopathie septique et de nécrose musculaire consécutive
Les premières observations humaines de DDIV ont été
à un état de choc, de carence nutritionnelle, de lésion chi-
rapportées il y a plus de 25 ans par une équipe de réani-
rurgicale après chirurgie thoraco-abdominale ou d’atteinte mation pédiatrique [18]. Les auteurs avaient comparé, à
musculaire au cours des maladies systémiques comme la partir de nécropsies de nouveau-nés, le diaphragme de
bronchopathie chronique obstructive [15]. patients ventilés pendant une courte durée (moins de
En médecine péri-opératoire, la fonction diaphragma- 7 jours) avec le diaphragme de patients ventilés pendant
tique est altérée dans les premiers jours postopératoires en une longue durée (plus de 7 jours) et rapportaient une
chirurgie abdominale en particulier sus-mésocolique. Il a amyotrophie marquée avec la VM prolongée.
été décrit il y a près de 30 ans une diminution de plus de Dans les années 1990 et 2000, plusieurs modèles ani-
50 % de la force diaphragmatique dans les heures suivant maux ont permis de mieux comprendre les mécanismes
une chirurgie sus-mésocolique [16]. La chirurgie hépatique, concourant à l’amyotrophie et à la perte de contractilité du
souvent accompagnée de mouvements de traction, d’éti- diaphragme après VM. Plusieurs revues récentes de la litté-
rement passif, voire d’une électrocoagulation directe de la rature ont décrit en détail ces mécanismes [19-21] qui ne
coupole diaphragmatique droite, est associée à une dimi- seront ici que résumés. Il faut cependant remarquer que le
nution de 50 % de la capacité vitale dans les 48 heures sui- primum movens menant à la DDIV est à ce jour encore
vant la chirurgie avant un retour à la valeur initiale à la fin incertain et fait l’objet d’une recherche expérimentale
de la première semaine postopératoire [17]. La présence intensive afin de développer une stratégie de prévention
d’une collection hématique ou infectée au contact du dia- et de traitement adéquate. La figure 5 résume les princi-
phragme est également associée à une dysfonction dia- pales données actualisées des mécanismes physiopatholo-
phragmatique postopératoire. giques impliqués dans la DDIV. Un des points clés est

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Ventilation
MV spontanée

MV
TLR4
IGF1-R

MyD
88 Diminution P
de la synthèse
protéique AKT Pi3K

P P

p7056k mTOR

IKBa Surcharge SS-31


NF-κB métabolique
IL-6 p50 p65
Foxo
KC
Noyau Cytochrome C
p50 p65 Foxo
Mutation Biogenèse
ADNm mitochondriale
atrogin1
murf Radicaux
libres
Protéolyse
N-acétyl- Caspase 8
cystéine
Bortézomib NADPH
Radicaux oxidase
libres
Xanthine
Protéasome oxidase
Calpaïnes
Caspase 3
Apoptose

Figure 5 / Conséquences de la ventilation mécanique (VM) sur la cellule musculaire squelettique à partir des données animales
La VM contrôlée est associée à une inactivité diaphragmatique qui inhibe la voie de protéosynthèse IGF-1-FOXO-AKT. L’immobilité
diaphragmatique est associée à une absence de phosphorylation de AKT et de FOXO permettant à FOXO d’être transloqué dans le noyau
stimulant la transcription de gènes comme atrogin1 et murf1 qui sont des ligases du protéasome. L’absence de phosphorylation de AKT
inhibe mTOR diminuant la transcription de gènes de synthèse des protéines musculaires. La VM est également associée à une surcharge
métabolique mitochondriale stimulant l’apparition de mutations de l’ADN mitochondrial, la libération de cytochrome C dans le cytosol, la
génération de radicaux libres et inhibant la biogenèse mitochondriale. L’excès d’espèces radicalaires va activer les enzymes protéolytiques
de la famille des calpaïnes et la caspase-3 qui vont préparer la protéolyse par le protéasome. Le relargage de cytochrome C dans le cytosol
est un stimulus puissant de la caspase-8 à l’origine de l’apoptose des cellules musculaires. La VM stimule également le récepteur
membranaire Toll-like de type 4 permettant la dissociation du complexe NF-kB via l’activation d’un système de second messager
intracellulaire mettant en jeu MyD88. La translocation dans le noyau des sous-unités actives (p50 et p65) va initier la transcription de gènes
codant des cytokines pro-inflammatoires (IL-6, KC) participant également à la dysfonction musculaire et à l’atrophie.
Des pistes thérapeutiques sont présentées dans les étoiles bleues à partir des études animales. Ainsi, le maintien de cycles de ventilation
spontanée pourrait permettre de conserver une activité de biosynthèse via l’activation du récepteur de l’IGF-1 et l’activation de mTOR [53-
55]. L’utilisation d’anti-oxydants spécifiques de la mitochondrie (SS-31) [34] ou ubiquitaire (N-acétylcystéine) a également été suggérée [13].
L’administration d’inhibiteur du protéasome pourrait limiter la protéolyse mais est associée à des effets indésirables potentiellement
majeurs [60].
AKT : protéine kinase B ; Foxo : forkhead box O ; IGF1-R : récepteur de l’Insulin Growth Factor de type 1 ; IL-6 : interleukine 6 ;
KC : keratinocyte-derived chemokine ; MV : ventilation mécanique ; MyD88 : myeloid differentiation primary response gene 88 ;
mTOR : mammalian target of rapamycin ; NADPH : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate oxydase ;
Pi3K : phospho-inositol triphosphate kinase ; p7056K : ribosomal S6 kinase ; TLR4 : Toll-like receptor 4.

l’absence d’atteinte des muscles périphériques dans tous les transcription des gènes de MURF1 et d’ATROGIN1 qui sont
modèles de DDIV, montrant ainsi que l’inactivité musculaire des enzymes appartenant au complexe du protéasome qui
au cours de l’anesthésie générale qui accompagne la VM dégrade les fibres musculaires [25]. La VM est également
contrôlée n’est pas la seule responsable dans la genèse de associée à une stimulation de la réponse liée aux Toll-like
la dysfonction diaphragmatique [11, 13, 14, 22, 23]. receptors de type 4 (TLR4), récepteurs normalement impli-
qués dans la réponse inflammatoire de l’hôte aux bacilles
gram négatif [26].
Effets membranaires
de la ventilation mécanique Conséquences intracellulaires
La VM est associée à un déséquilibre de la protéosynthèse
musculaire en inactivant le récepteur de l’Insulin Growth
Mitochondrie
Factor de type 1 (IGF-1) [24], impliqué comme facteur de La mitochondrie est une organelle essentielle dans la
croissance dans la voie de synthèse protéique AKT-mTOR. gestion des ressources énergétiques cellulaires en étant le
L’absence de phosphorylation d’AKT va in fine aboutir à la site central de la phosphorylation oxydative. La mitochon-

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Dysfonction diaphragmatique 30

drie intervient également dans l’équilibre redox cellulaire, besoins musculaires minimums et apports énergétiques
la signalisation apoptotique et la mort cellulaire [27]. Les constants favorisent l’activité de la caspase-3 et des cal-
protéines mitochondriales sont issues de la transcription païnes (protéases calcium-dépendantes) qui altèrent la
de gènes nucléaires mais également de gènes mitochon- structure du sarcomère permettant secondairement une
driaux pouvant être le siège de mutations [28]. ubiquitination puis la protéolyse dans le système ubiqui-
tine-protéasome [19, 20, 39]. Les protéines contractiles
Il a été rapporté que la VM était associée à une instabi-
mais également les protéines de structure comme la titine
lité de la membrane mitochondriale, une augmentation de
sont les cibles des enzymes protéolytiques participant à la
la perméabilité au calcium, une diminution des capacités
désorganisation sarcomérique [40]. Nous avons également
anti-oxydantes et une altération de la chaîne respiratoire
rapporté chez l’homme, associées à une exagération de la
mitochondriale [29] exposant au risque de rupture de la
protéolyse, des lésions de l’ultrastructure des sarcomères
membrane mitochondriale et à la libération de cyto-
visualisées en microscopie électronique [11].
chrome C dans le cytosol, initiant la voie intrinsèque de
l’apoptose [30]. Le bien-être mitochondrial est altéré,

Conséquences cliniques
comme en témoigne le déséquilibre fission-fusion observé
dans un modèle murin [31]. À partir d’un modèle de rat, il
a été également rapporté une augmentation de la mito-
phagie, auto-cannibalisme cellulaire où les lysosomes de la dysfonction
entourent et détruisent les mitochondries altérées [13, 32].
Le « trigger » à l’origine de la dysfonction mitochondriale diaphragmatique
n’est pas clairement connu mais une étude translationnelle
humaine suggère l’hypothèse d’une surcharge métabo- Déséquilibre entre synthèse et protéolyse, couplage
lique mitochondriale [33]. Cette hypothèse suggère que le excitation-contraction altéré, autophagie, destruction
diaphragme des patients ventilés est dans une condition mitochondriale, inflammation locale concourent, chez
de sous-charge fonctionnelle (défaut ou absence de l’animal comme chez l’homme, à une atrophie musculaire
contraction et donc d’utilisation de l’énergie) alors qu’il de l’ensemble des fibres musculaires lentes et rapides [13,
existe un apport énergétique constant qui va favoriser la 14, 23, 33, 41]. À cette amyotrophie prouvée histologique-
génération d’acides gras libres tandis que la chaîne respi- ment et détectée chez l’homme par nécropsie [11, 13, 18]
ratoire et la phosphorylation oxydative (dont le cycle de ou échographie [5] s’associe une diminution de la force
Krebs) sont au repos faute d’activité musculaire. Il existe- contractile et une fatigue diaphragmatique [8, 13, 14].
rait alors une surcharge en radicaux libres aboutissant in Nous avons ainsi rapporté chez des patients donneurs d’or-
fine à la lyse et/ou autophagie de la mitochondrie. La pré- ganes et ventilés pendant environ une semaine avant le
vention des dommages mitochondriaux pourrait faire décès par mort encéphalique une diminution d’environ
appel à l’utilisation d’anti-oxydants spécifiques étudiés par 30 % de la force diaphragmatique au cours de la première
méthode pharmacologique (SS-31) [34] ou génétique [33]. semaine de VM [11]. À ce jour, peu d’études humaines se
sont intéressées aux conséquences sur le sevrage ventila-
toire, la réhabilitation et les épreuves fonctionnelles respi-
Réticulum sarcoplasmique ratoires ou encore la durée de séjour en réanimation et à
Le récepteur de la ryanodine de type 1 (RyR1) est un l’hôpital des patients présentant une DDIV. La première
récepteur/canal clé dans le couplage excitation-contraction conséquence d’une dysfonction diaphragmatique sur le
musculaire. Il permet le relargage de calcium à partir du devenir du patient de réanimation est son impact sur le
stock calcique du réticulum sarcoplasmique en réponse à sevrage du ventilateur. Les causes d’échec de sevrage sont
l’arrivée d’un potentiel d’action au niveau du sarcolemme. le plus souvent multifactorielles en réanimation [3] mais il
Son ouverture est transitoire lors de la contraction, et le est suggéré que la dysfonction diaphragmatique puisse
calcium est ensuite repompé par des pompes calciques participer aux difficultés de sevrage [42, 43]. Récemment,
ATPase-dépendantes au cours de la relaxation. Dans des des travaux prospectifs utilisant l’échographie comme outil
pathologies chroniques, la dystrophie de Duchenne ou l’in- d’exploration du diaphragme (voir paragraphe dédié) ont
suffisance cardiaque, RyR1 est oxydé, nitrosylé, carboxylé montré que les patients présentant, au cours du sevrage
et devient constamment perméable, occasionnant une respiratoire, une dysfonction diaphragmatique étaient à
fuite continue de calcium vers le cytosol aboutissant in fine risque de sevrage difficile et de prolongation de la durée
à une perte de force contractile [35-38]. Nous avons récem- de VM [44-46]. Aussi, chez des patients médicaux, Kim et
ment montré pour la première fois une altération précoce al. ont rapporté un allongement de la durée de VM défi-
après 6 heures de VM des capacités contractiles du muscle nie, au cours de l’épreuve de ventilation spontanée, par
diaphragmatique sur un modèle murin [22]. une excursion diaphragmatique en mode TM inférieure à
12 ou 14 mm selon que la coupole explorée soit droite ou
Lysosomes gauche [44]. De manière comparable, une autre étude a
rapporté une prolongation de la durée de VM chez des
La VM est associée à une augmentation des marqueurs patients de chirurgie cardiaque chez qui la course du dia-
de macro-autophagie et de mitophagie, « auto-canniba- phragme au cours d’une inspiration maximale était infé-
lisme » des organelles altérées illustrant les dommages cel- rieure à 25 mm [45]. Enfin, Dinino et al. ont rapporté
lulaires associés à la VM [13, 32]. qu’une fraction de raccourcissement du diaphragme (varia-
tion de l’épaisseur du diaphragme mesurée en TM au cours
Protéolyse de l’inspiration et de l’expiration) au cours de l’épreuve de
ventilation spontanée (comparable à la fraction de rac-
Plusieurs études animales et humaines concourent à courcissement du myocarde en échocardiographie) supé-
démontrer qu’il existe un déséquilibre entre synthèse pro- rieure à 30 % était associée au succès du sevrage de la VM
téique et protéolyse diaphragmatique au cours de la VM. chez 63 patients médicaux avec une valeur prédictive posi-
Ainsi, stress oxydant cytosolique et mitochondrial, inacti- tive de 91 % et une valeur prédictive négative de 63 %
vité musculaire, autophagie, augmentation de la concen- [46]. L’exploration de la dysfonction diaphragmatique par
tration et dérégulation du calcium cytosolique, destruction cette méthode simple disponible au lit du patient pourrait
mitochondriale, activation du facteur transcriptionnel de faciliter l’identification des patients à risque de sevrage dif-
la protéolyse NF-kB [11], déséquilibre énergétique entre ficile de la VM. L’impact de la dysfonction diaphragma-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

tique sur la qualité de vie et sur les épreuves fonctionnelles contraction du diaphragme ont été associés à une
respiratoires à long terme n’a pas été étudié à ce jour. Une prévention au moins partielle de la DDIV chez le
étude animale réalisée chez des rats sains ventilés pendant gros animal.
une durée de 12 heures rapporte une récupération
24 heures après la fin de la ventilation [47] mais d’autres
études portant sur les conséquences de la neuromyopathie
périphérique de réanimation rapportent un handicap per-
Traitements pharmacologiques
sistant et une surmortalité à 1 an [48]. Plusieurs voies thérapeutiques ont été testées chez
l’animal mais à ce jour aucune chez l’homme ne s’est atta-
La dysfonction diaphragmatique est une cause de chée à traiter ou à prévenir pharmacologiquement la DDIV.
sevrage difficile de la VM en réanimation, aug- Les rares études ayant évalué des médicaments, comme la
mente le risque de réadmission en réanimation [49] glutamine [59], dans la dysfonction diaphragmatique au
et est associée à la mortalité [50, 51]. cours du sepsis ou d’autres situations critiques ne seront
pas développées ici.

Inhibiteurs de la protéolyse
Prise en charge
thérapeutique
Une étude du groupe de Gayan-Ramirez a montré que
l’inhibition du protéasome par le bortézomib (médicament

de la dysfonction actuellement utilisé en oncologie dans des situations


comme le myélome multiple ou certains types de lym-
diaphragmatique phome) permettait une diminution de la sévérité de la
DDIV évaluée par la force contractile du diaphragme,
l’atrophie et l’évaluation de la protéolyse chez le rat [60].
À ce jour, il n’existe aucun essai thérapeutique en cli- Les effets indésirables marqués de cette chimiothérapie
nique humaine ayant clairement démontré une efficacité limitent cependant sa potentielle indication dans la DDIV.
dans la prévention ou le traitement curatif de la dysfonc-
tion diaphragmatique. L’utilisation de corticostéroïdes à forte dose a égale-
ment été rapportée comme permettant de limiter la DDIV
Plusieurs pistes issues de la recherche expérimentale et
chez le rat par l’inhibition de la voie du NF-kB qui est un
de petites séries pilotes sont cependant encourageantes et
facteur aggravant de la protéolyse [61]. Là aussi, l’utilisa-
ont principalement étudié la situation particulière de la
tion de corticostéroïdes est limitée au long cours par leurs
DDIV [52].
effets indésirables systémiques et sur la trophicité muscu-
laire. Dans le même esprit, un curare (le cisatracurium) a
Optimisation du réglage du été rapporté comme n’étant pas associé à la DDIV contrai-
rement au rocuronium [62, 63]. Il est à noter que c’est le
ventilateur cisatracurium qui a été utilisé dans l’essai clinique ACURA-
SYS - il montrait une diminution de la mortalité dans le
Plusieurs études expérimentales ont montré, à partir de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) sévère
différents modèles animaux, que le maintien de cycles lorsque les patients étaient curarisés pendant une durée
spontanés au cours de la VM permettait de limiter la pro- de 48 heures dès les premières heures du SDRA- sans être
téolyse [53], l’atrophie [54] et diminuait l’amplitude de la associé à un sur-risque de neuromyopathie de réanimation
perte de force contractile au cours de la VM [54,55]. Sur [64].
modèle murin, Li et al. ont montré que l’utilisation de très
hauts niveaux de volume courant (30 mL/kg) entraînait un
stress oxydant diaphragmatique et une protéolyse accélé-
Anti-oxydants
rée, suggérant un lien possible entre le niveau de volume Plusieurs études animales ont tenté d’individualiser une
courant et la DDIV [56]. Les auteurs montraient également voie anti-oxydante en l’inhibant pharmacologiquement.
des lésions de déchirures des sarcomères au sein des fibres L’inhibition spécifique des sources cytosoliques de radicaux
musculaires à l’aide de la microscopie électronique. libres (xanthine oxydase, NADPH oxydase) n’a pas permis
d’éviter la survenue de la DDIV dans les modèles animaux
Si le maintien de cycles spontanés est souhaitable pour
[25]. À l’inverse, l’administration prophylactique de N-acé-
limiter l’importance de la DDIV, la décharge complète du
tylcystéine, un anti-oxydant cytosolique non spécifique, a
diaphragme par des hauts niveaux d’aide inspiratoire est
permis d’éviter totalement la survenue de la DDIV chez le
également associée à une DDIV [57]. On peut penser qu’un
rat [13], illustrant le rôle central et probablement précoce
niveau minimal de contraction diaphragmatique et donc
de l’excès de radicaux libres dans la genèse de la DDIV. La
d’effort musculaire est ainsi indispensable pour éviter un
principale limite de ces études est le caractère prophylac-
déconditionnement trop important.
tique (avant l’initiation de la VM) de l’administration des
Au cours de la VM, le maintien d’une homéostasie res- anti-oxydants, limitant l’applicabilité clinique de ce
piratoire est un des objectifs. Notre équipe a cependant concept.
montré que si la survenue d’une acidose hypercapnique
aiguë et de courte durée était délétère sur la contractilité
diaphragmatique [8], le maintien au contraire d’une aci-
Sensibilisateurs calciques
dose hypercapnique modérée (PaCO2 entre 55 et 70 mmHg) Pour que l’interaction actine-myosine puisse avoir lieu,
pendant une durée prolongée (72 heures) était, lui, associé le calcium en provenance du réticulum sarcoplasmique se
à une diminution de la DDIV en comparaison à une durée lie à la troponine C entraînant la libération de la tropo-
identique de ventilation en normocapnie chez le porc [58]. myosine pour permettre le couplage actine-myosine.
Le lévosimendan, utilisé dans l’insuffisance cardiaque,
Parmi les modes ventilatoires complexes récemment renforce la liaison entre troponine C et calcium optimisant
développés, les modes ventilatoires favorisant la ainsi l’interaction actine-myosine. Le lévosimendan a mon-

308
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page309

Dysfonction diaphragmatique 30

tré une accélération de la récupération de la force dia- des fibres diaphragmatiques et l’accumulation de goutte-
phragmatique après un effort respiratoire intense chez le lettes lipidiques qui sont le reflet d’un “metabolic oversup-
volontaire sain [65]. ply” du diaphragme mis au repos au cours de la VM [33].

Réhabilitation diaphragmatique Une électrostimulation directe des nerfs phréniques


au cours de la chirurgie cardiaque semble améliorer,
Le maintien de cycles spontanés au cours de la VM a
chez l’homme, la fonction mitochondriale diaphrag-
matique.
pour objectif de limiter le déconditionnement diaphrag-
matique. La stimulation de la trophicité musculaire peut
également être réalisée par une stimulation intermittente
des nerfs phréniques. Dans le cadre d’une étude pilote
comportant 5 patients, Martin et al. ont stimulé un nerf
Conclusion
phrénique électriquement au cours d’une chirurgie car- La dysfonction diaphragmatique est associée chez le
diaque - toutes les heures, les patients étaient stimulés patient critique à de nombreux facteurs dont le sepsis, les
électriquement à raison de 30 stimulations par minute pen- effets secondaires des médicaments myotoxiques ou les
dant une durée de 1,5 ms par stimulation à une intensité perturbations métaboliques. La VM en elle-même est éga-
de 17 mA - [52]. À la fin de la chirurgie, une biopsie dia- lement responsable d’une altération de la force contractile
phragmatique était réalisée dans l’hémidiaphragme sti- et entraîne une amyotrophie en quelques jours d’inacti-
mulé et dans l’hémidiaphragme non stimulé. Le résultat vité. Si les moyens d’exploration au lit du patient sont dis-
principal de cette étude pilote est une amélioration de la ponibles et pourraient être utilisés en cas, notamment, de
physiologie mitochondriale évaluée in vitro par l’étude de sevrage difficile de la VM, les moyens préventifs et curatifs
la chaîne respiratoire. Une étude animale de design com- sont à ce jour en cours d’évaluation dans des essais ani-
parable [66] sur 3 brebis ventilées rapporte des résultats maux. Le maintien d’une activité ventilatoire spontanée et
similaires et encourageants puisqu’une stimulation phré- donc d’une contraction diaphragmatique semble être une
nique au cours de la VM permettait de limiter l’atrophie piste à développer.

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309
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE III – PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

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IV
PHYSIOLOGIE
DU MILIEU INTÉRIEUR
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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

31
Régulation
• Répartition du volume sanguin
de la volémie
• Mesure du volume sanguin
• Régulation de la volémie Bertrand Rozec*, Karim Lakhal*,
Antoine Roquilly**, Yvonnick Blanlœil*
* Service d’anesthésie-réanimation, CHU-Hôpital Laënnec, Nantes
** Service d’anesthésie-réanimation, CHU-Hôtel Dieu, Nantes

a masse sanguine, ou volémie, est le volume soit de 700 à 900 mL de sang en moyenne. Il est caractérisé
sanguin contenu dans le système vasculaire et les par sa faible possibilité de distension (compliance de
cavités cardiaques. Elle comprend deux fractions, le 0,015 mL/mmHg/kg) et sa grande stabilité.
volume globulaire (VG), essentiellement les globules
rouges, et le volume plasmatique (VP) [1]. Ce der-
nier, constitué d’une solution colloïdale complexe à Système capacitif
base d’eau et de substances dissoutes, est soumis à
des échanges permanents avec le milieu extérieur
ou à basse pression
et le secteur interstitiel de l’espace extravasculaire. Ce système s’étend des capillaires jusqu’au ventricule
Ces deux fractions sont intimement mélangées gauche en diastole. Il contient de 80 à 85 % du volume san-
dans les gros vaisseaux. Dans les petits vaisseaux, guin total et a donc un rôle capital de réservoir. Il est carac-
les globules rouges ont tendance à circuler au cen- térisé par sa grande possibilité de distension, 18 fois plus
tre de la lumière, et le plasma s’écoule le long des grande que celle du système artériel. On distingue, à l’in-
parois lorsque le flux est parfaitement laminaire. térieur du système capacitif, deux parties, l’une contenant
Directement soumise à l’action mécanique du cœur le volume sanguin central, l’autre le volume sanguin péri-
et des artères, la masse sanguine est brassée dans phérique.
l’ensemble du système vasculaire, ce qui lui permet
de remplir ses multiples rôles physiologiques. Sa
composition et sa masse sont des déterminants
essentiels de l’hémodynamique. En anesthésie et en
réanimation, la mesure de la masse sanguine est un
élément important pour la compréhension de cer-
taines modifications cardiovasculaires. En réalité,
même si cette mesure est théoriquement possible,
elle est difficile à obtenir au lit du malade [2].
Finalement, l’évaluation de la volémie en clinique
est indirecte à l’aide de paramètres évaluant la pré-
charge cardiaque, permettant de prédire l’efficacité
de l’expansion volémique et/ou mesurant le volume L
sanguin intrathoracique [3, 4].
L L

Répartition
du volume sanguin L L
Il est réparti dans deux systèmes, le système artériel à haute
pression ou système résistif et le système essentiellement vei-
neux à basse pression ou système capacitif [5, 6] (figure 1).

Système artériel résistif


ou à haute pression L

Ce système comprend le ventricule gauche en systole et Figure 1 / Distribution du volume sanguin et distension possible
le système artériel jusqu’aux sphincters artériolaires préca- des différents compartiments circulatoires (d’après Gauer [6])
pillaires. Il contient de 15 à 20 % du volume sanguin total,

313
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 09:45 Page314

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Le volume sanguin central comprend le volume gatives. La liaison des protéines plasmatiques au glycocalyx
contenu entre les valves sigmoïdes aortique et pulmonaire permet de stabiliser l’ESL pour rendre relativement imper-
en diastole et les valves auriculo-ventriculaires pendant la méable la paroi vasculaire. En revanche, cette structure est
systole. En pratique, il est assimilé au volume sanguin intra- extrêmement fragile et peut être aisément altérée par des
thoracique, soit de 700 à 900 mL. C’est un volume rapide- agressions chimiques, comme lors de sepsis ou de phéno-
ment mobilisable, notamment lors du passage en mènes d’ischémie-reperfusion, ou par des agressions méca-
orthostatisme ; 60 à 200 mL servent dans la zone d’échange niques comme l’hypervolémie et/ou l’hyperpression
intrapulmonaire. intravasculaire [7-11]. Cette couche imperméabilisante
joue un rôle important dans la coagulation et protège
Le volume sanguin périphérique est de 3 200 à contre les liaisons entre les molécules d’adhésion de l’en-
3 400 mL. Il comprend deux secteurs importants, le terri- dothélium (ICAM, VECAM, intégrine, etc.) et les plaquettes
toire porto-hépatique, qui aurait un rôle de réservoir pour et les leucocytes, liaison qui léserait l’endothélium entraî-
certains auteurs, et le territoire musculo-cutané très vite nant une diapédèse et une fuite plasmatique transcapil-
mobilisable, notamment le territoire cutané, en fonction laire [9].
de la température.
On décrit quatre grands types de capillaires [11] :
• sinusoïdaux (foie, rate, moelle) ;
Paroi vasculaire • fenêtrés avec une couche continue de glycocalyx (sys-
tème endocrine, plexus choroïde, muqueuse digestive) ;
La majorité du volume sanguin est donc contenue dans • fenêtrés avec une couche discontinue de glycocalyx (glo-
les vaisseaux. Ceux-ci sont séparés de l’interstitium par la mérule rénal) ;
paroi vasculaire. Les cellules endothéliales en constituent • non fenêtrés avec une couche continue de glycocalyx
l’élément principal. Les échanges avec le secteur interstitiel (système nerveux, muscles, tissus connectifs, poumons).
se font, au niveau capillaire, à travers des zones intercellu- Ce dernier type représente la majorité des capillaires.
laires, des pores ou à travers les cellules.
Seuls les capillaires sinusoïdaux n’ont pas de glycocalyx
Depuis le début des années 1980, l’existence d’une structuré mais seulement une matrice extracellulaire peu
couche endocapillaire tapissant les cellules endothéliales imperméabilisante. Les capillaires fenêtrés permettent les
était présumée et avait déjà modifié la classique loi de échanges par des pores. Au niveau veineux, le glycocalyx
Starling. Cette couche a été authentifiée en microscopie existe mais de type discontinu avec de larges pores
électronique au milieu des années 2000 [7]. Cette couche d’échange entre les secteurs vasculaire et extravasculaire
endocapillaire, appelée ESL (Endothelial surface layer), (figure 3) [7].
comporte le glycocalyx, lui-même stabilisé par les protéines
L’épaisseur moyenne de l’ESL est de 1 mm pour les petits
plasmatiques (figure 2) [7-11]. Le glycocalyx est un gel com-
vaisseaux pouvant toutefois aller jusqu’à 2 mm pour les plus
plexe qui interagit avec les protéines et les lipides plasma-
gros. Sa surface serait d’environ 350 m2 permettant d’esti-
tiques. Il est formé de glycoprotéines, de protéo-glypican
mer le volume de cette couche à un minimum de 350 mL,
et de glycolipides. Via certains de ses constituants pro-
voire probablement plus, jusqu’à environ 700 mL, selon des
téiques (syndecan, glypican), le glycocalyx est fortement
mesures récentes [7, 12].
ancré sur la membrane endothéliale. Ces protéines sont
attachées aux charges négatives des glyco-amino-glypicans Actuellement, on estime donc qu’il existe trois compar-
dont les principaux sont l’héparan, l’acide hyaluronique et timents dans le volume vasculaire [12] (figure 4) :
la chondroïtine (figure 2). Le glycocalyx est inactif en soi, • les globules rouges ;
mais ses charges négatives très importantes permettent • la partie circulante du volume plasmatique ;
des interactions avec les protéines plasmatiques électroné- • la partie non circulante correspondant à l’ESL.

Figure 2 / Représentation schématique


de la couche endocapillaire (ESL ou
Endothelial surface layer) en situation
normale (physiologique)

{
# L’ESL est composé du glycocalyx et d’une
! couche de protéines plasmatiques. Le
glycocalyx est un gel complexe formé de

{
"
ESL protéoglycans, glycoaminoglycans (GAG)
Glycocalyx
!
et de glycolipides couvrant la surface
endothéliale. Certaines protéines
(syndécan, glypican) sont fortement
ancrées sur la membrane cellulaire
endothéliale et entrelacées avec un
Cellule endothéliale réseau de GAG dont l’acide hyaluro-
nique. Le glycocalyx est renforcé par les
protéines plasmatiques qui interagissent
par leurs charges électronégatives avec
les charges négatives du glycocalyx.
L’ESL constitue une couche imperméabi-
20 % lisante limitant les échanges par les
zones d’échanges intercellulaires avec
Syndecan Glypican Acide Protéines plasmatiques Globules l’interstitium et constitue ainsi
hyaluronique rouges un 3e compartiment vasculaire en
excluant une partie du contenu plasma-
tique protéique (jusqu’à 20 %
des protéines plasmatiques) (d’après
Collins et al. [9] et Becker et al. [10]).

314
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Régulation de la volémie 31

Figure 3 / Représentation schématique d’un


Pt
segment de capillaire (type non fenêtré avec Pt Πt
une couche continue de glycocalyx) (A) et Πt
d’une veinule à large « pore » avec une couche
Πg
discontinue de glycocalyx (B) (d’après Becker
et al. [10] et Jacob et al. [7]) Πe
Au niveau capillaire, une ultrafiltration très Πv
Pc Πc
faible est possible au travers de la paroi Pv
vasculaire. Au niveau veinulaire, des échanges ESL Πe
de liquides et de colloïdes avec l’interstitium EC Πg
avec rétrodiffusion ont lieu au travers de « IS
pores ». Ces échanges sont régulés par des
gradients de pressions hydrostatiques et A B
oncotiques (voir la loi de Starling modifiée,
cf. texte et figure 5).
EC : cellule endothéliale ; IS : espace interstitiel ; ESL : couche de glycocalyx et de protéines recouvrant l’endothélium vasculaire ;
Pt, Pc et Pv : pressions hydrostatiques tissulaire, capillaire et veinulaire respectivement ;
pt, pc, pv, pe et pg : pressions osmotiques colloïdales tissulaire, capillaire, veinulaire, de l’ESL et sous le glycocalyx respectivement.

Figure 4 / Images en microscopie


électronique à faible grossissement (A)
et de la paroi du capillaire à fort
grossissement (B) (Jacob et al. [12])
En B, la couche endocapillaire (ESL ; voir
texte et figure 2) comportant le glycocalyx
(EG) et des protéines plasmatiques fixées
aux charges négatives du glycocalyx
représente le volume plasmatique non
circulant (PVnon-circ). Le volume plasmatique
total (PVtotal) comprend le volume
plasmatique circulant (PVcirc) et le volume
plasmatique non circulant (PVnon-circ).
© 2007 the American Physiological Society.
A B

Le volume sanguin est réparti en deux systèmes, de la masse sanguine serait la mesure séparée du volume
artériel à haute pression (ou système résistif) et vei- globulaire et du volume plasmatique et l’addition des
neux à basse pression (ou système capacitif). deux. En pratique, on détermine le volume sanguin total
L’identification récente du glycocalyx permet de dis- (VST) par calcul à partir de l’hématocrite et de la valeur
tinguer trois compartiments dans le volume vascu- mesurée soit du volume globulaire (hématies du patient
laire : marquées au technétium 99 m), technique préférée en
• les globules rouges ; règle générale, soit du volume plasmatique (avec l’albu-
• la partie circulante du volume plasmatique ; mine humaine marquée à l’iode 131 I). Ces méthodes sont
• la partie non circulante correspondant à l’ESL standardisées depuis de nombreuses années [14]. Si la
(couche endovasculaire composée du glycocalyx mesure de la masse sanguine est théoriquement une tech-
et de protéines plasmatiques). nique simple, des erreurs très importantes peuvent être
induites par le non-respect de certains prérequis tech-
niques. L’interprétation du volume sanguin total ou circu-
lant est aussi difficile. Elle ne peut se faire qu’en comparant
Mesure du volume sanguin le résultat pour un sujet donné avec une valeur normale
théorique, et on sait que les variations sont importantes
non seulement d’un sujet à l’autre mais aussi en fonction
Méthodes de mesure du mode de calcul retenu. Les méthodes de mesure de la
volémie peuvent être utilisables en situation stable mais
La mesure est fondée sur la distribution dans les espaces rarement en situations pathologiques, en particulier en
de diffusion d’une substance donnée : le principe de dilu- anesthésie-réanimation. Des techniques semi-automatisées
tion [1, 2, 13-15]. Ainsi, le volume dans lequel diffuse la proposées il y a plus de deux décennies, entachées d’er-
substance, ou indicateur, est égal à : reurs de mesure conséquentes, ont elles-mêmes été aban-
V = Q/C données.
où V est le volume étudié, Q la quantité injectée de l’indi-
cateur, et C la concentration par unité de volume après D’autres traceurs [hydroxyéthylamidon (HEA), glucose,
homogénéisation de l’indicateur dans la masse à mesurer. vert d’indocyanine] ont été proposés plus récemment pour
l’utilisation clinique [16-18]. Une méthode densitomé-
Il n’existe pas de traceur idéal. Les traceurs marqués trique évaluant les variations de concentration du vert
avec des substances radioactives se sont imposés comme la d’indocyanine par une méthode similaire à l’oxymétrie de
référence [13-15]. En raison des variations de l’hématocrite pouls semblait prometteuse cependant, comme toutes les
selon le site de prélèvement, la seule mesure rigoureuse méthodes de dilution, elle achoppe sur de nombreux pro-

315
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

blèmes techniques ou d’interprétation [19, 20] et, malgré • en cas de grossesse : le volume sanguin total croît à partir
divers moyens de correction, s’avère non utilisable en pra- du volume plasmatique vers la 28e semaine de grossesse.
tique clinique [21]. Entre la 32e et la 36e semaine, l’excédent peut atteindre
1 500 mL (dont 400 mL de volume globulaire). Il existe
Le volume sanguin mesuré par la méthode isotopique
une relative dilution des globules rouges expliquant la
aux globules rouges ne représente pas obligatoirement la
fausse anémie de la grossesse ;
masse sanguine totale mais constitue plus exactement le
• selon la corpulence : les variations sont surtout notables
volume sanguin circulant. Néanmoins, chez l’homme, le
pour les corpulences extrêmes. En effet, le tissu adipeux
volume sanguin total est, en pratique, assimilable au
a une concentration sanguine différente des autres tis-
volume circulant car il n’existe pas, comme dans certaines
sus ;
espèces animales, de réservoir tel le réservoir splénique
• selon la température : le volume plasmatique augmente
chez le chien. Cependant, la découverte de l’ESL permet
de rediscuter et d’expliquer, en partie, la variabilité des de 15 à 30 % à température élevée ;
résultats de mesure de la volémie obtenus avec les diffé- • selon la saison : le volume sanguin total est au minimum
rentes méthodes de dilution. En effet, cette variabilité en octobre, augmente en climat chaud et diminue en cli-
d’une technique à l’autre pourrait être liée à la capacité mat froid ;
ou non du traceur à se diluer dans l’ESL. Ainsi, la méthode • selon la pression atmosphérique : après un séjour pro-
aux globules rouges (sous réserve de la difficulté de l’esti- longé à basse pression, s’installe, en un délai variable,
mation de l’hématocrite) [22] est censée mesurer au mieux une augmentation du volume globulaire par polyglobu-
le volume circulant car les globules restent en dehors de lie ;
l’ESL. Il en est probablement de même pour l’HEA. En • selon le régime alimentaire : après un jeûne prolongé, le
revanche, l’albumine (du fait de ses charges anioniques) et volume globulaire diminue, le volume plasmatique aug-
les colorants (en raison de la petite taille des molécules) mente. Le volume sanguin total diminue en valeur abso-
pénètrent dans l’ESL et mesurent donc le compartiment lue mais augmente par rapport au poids ;
non circulant en plus du compartiment circulant [12]. • selon la posture : après un décubitus prolongé, le volume
sanguin total diminue de 10 à 20 % (500 mL en 2 jours,
Enfin, l’interprétation des mesures est rendue encore 1 L en 1 mois).
plus difficile par la versatilité de l’ESL en fonction des
agressions pathologiques ou thérapeutiques qui sont jus-
tement observées dans les situations cliniques où la mesure Évaluation de la volémie
au lit du patient
de la volémie serait souhaitable.
De ce fait, ces méthodes de mesure de la volémie n’ont,
actuellement, pas d’intérêt en pratique clinique en anes-
thésie-réanimation.
Limites de la mesure de la volémie
Nous avons vu que la mesure de la volémie et l’inter-
prétation de cette mesure sont délicates chez le patient en
Valeurs physiologiques état critique alors que c’est justement chez ce type de
patients qu’il serait souhaitable de répondre de façon fia-
Le volume sanguin s’exprime généralement en millili- ble aux questions que se pose fréquemment le médecin
tres par kilogramme de poids réel, voire en millilitres par quand il veut intervenir sur la volémie : « ce patient a-t-il
mètre carré de surface corporelle [1, 2, 13, 15, 23]. Il existe besoin d’un remplissage vasculaire ? » ou même « ce
ainsi plusieurs formules utilisant le poids et la taille. patient a-t-il besoin d’une déplétion hydrique ? ». Pour
Toutefois elles ne font jamais référence au rapport masse insister un peu plus sur les limites de la mesure de la volé-
maigre/masse grasse susceptible de varier fortement d’un mie, ajoutons une distinction : la volémie peut se diviser
sujet à l’autre. En conséquence, les valeurs figurant sur le en volume sanguin contraint (stressed) et volume sanguin
tableau 1 n’ont qu’une valeur indicative et comportent de non contraint (unstressed). En effet, un des déterminants
très grands écarts types. majeurs de la circulation sanguine est le retour veineux.
La masse sanguine varie d’un sujet à l’autre : C’est l’une des nombreuses avancées dans la compréhen-
• selon l’âge : chez le nouveau-né, le volume sanguin total sion de la circulation permises par les travaux de Guyton
est de 80 à 90 mL/kg et varie selon le terme et selon le [24]. Le retour veineux est régi par la loi de Poiseuille, où
délai avant ligature du cordon ombilical. Il diminue le gradient entre la pression d’aval (la pression dans l’oreil-
jusque vers 11 ans. À partir de la puberté, son augmen- lette droite) et la pression d’amont représente la force
tation avec l’âge est plus grande chez le garçon que chez motrice du retour du sang vers le cœur, ce qui contribuera
la fille. Chez le sujet âgé, il diminue par diminution du à la précharge ventriculaire. Cette pression d’amont est la
volume globulaire ; pression systémique moyenne (à ne pas confondre avec la
• selon le sexe : le volume sanguin total est supérieur de pression artérielle moyenne), qui est la pression qui régne-
10 % en moyenne chez l’homme, différence portant sur- rait dans le système circulatoire en cas d’arrêt cardiaque
tout sur le volume globulaire ; [24] et qui dépend donc de la compliance du système vas-
culaire (le contenant) et de la volémie (le contenu). La pres-
sion systémique moyenne est générée par le volume
contraint. Ainsi, même si la mesure de la volémie était fia-
Tableau 1 / Valeurs normales du volume plasmatique, ble et aisée, elle ne saurait indiquer la proportion de
du volume globulaire, du volume sanguin total volume de sang qui participe au retour veineux en géné-
et de l’hématocrite veineux chez l’homme et la femme rant la pression systémique moyenne (le volume sanguin
contraint). Dans des conditions normales, environ un tiers
Homme Femme du volume sanguin total contribue à générer la pression
systémique moyenne [24]. Toutefois, on comprend aisé-
Volume plasmatique (mL/kg) 41 39 ment qu’une veinoconstriction modifie la pression systé-
Volume globulaire (mL/kg) 30 26 mique moyenne en faisant passer une partie du volume
sanguin non contraint (essentiellement contenu dans le
Volume sanguin total (mL/kg) 71 65
secteur vasculaire capacitif, sans générer de pression de
Hématocrite veineux (%) 42 40 distension en raison de la très haute compliance des veines

316
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Régulation de la volémie 31

en question) au statut de volume contraint. Cette veino- façon fiable une précharge-dépendance ou -indépendance
constriction est liée à une stimulation sympathique réflexe [26]. Autrement dit, une même valeur de pression intracar-
(pour faire face à une hypovolémie) ou induite par l’admi- diaque s’accompagne de précharge-dépendance chez cer-
nistration de vasopresseurs. À l’inverse, dans les états vaso- tains patients et de précharge-indépendance chez d’autres,
plégiques, la veinodilatation fait que du sang contraint voire même, chez un même patient, de précharge-
devient non contraint. C’est le cas, par exemple, de l’hypo- dépendance à un moment de la prise en charge et de
tension artérielle du sepsis ou de la prise de médicaments précharge-indépendance à un autre moment. La mesure
sympatholytiques, y compris lors de l’anesthésie périmé- de diamètres, de surfaces, de volumes intracardiaques,
dullaire. aisément accessibles depuis l’essor de l’échocardiographie,
Au total, retenons qu’il est difficile d’interpréter une se heurte aux mêmes limites : seules les valeurs extrêmes
simple mesure de la volémie, d’autant que la proportion sont utiles pour prédire, de façon fiable, quel patient va
« contrainte » de cette volémie est variable et elle-même répondre et quel patient ne répondra pas au remplissage
difficilement mesurable. vasculaire [4].
Depuis les années 2000, d’autres outils ont été proposés
Alternative à la mesure afin d’évaluer la précharge-dépendance : les indices
de la volémie : évaluer « dynamiques ». Plutôt que sur une mesure de substituts
imparfaits de la précharge (les indices « statiques » évo-
la « précharge-dépendance » qués ci-dessus), ils reposent sur l’évaluation des consé-
Plutôt qu’une mesure absolue du volume sanguin, peu quences de modifications de la précharge, modifications
informative, c’est la capacité du cœur à augmenter son induites soit par une épreuve de lever de jambes passif,
débit en réponse à l’augmentation de la volémie qu’il soit, de façon cyclique, par la ventilation invasive en pres-
serait intéressant de connaître. En effet, le remplissage vas- sion positive : variations respiratoires du volume d’éjection
culaire, traitement de toute première ligne devant des systolique ou de l’un des substituts au volume d’éjection
signes d’insuffisance circulatoire [25], vise à augmenter le systolique, la pression artérielle pulsée (DPP). Ces outils,
volume d’éjection systolique et donc le débit cardiaque. séduisants et fiables, ne requièrent qu’un simple cathéter
Cela se fait par une augmentation de précharge ventricu- intra-artériel, comme les patients concernés en sont sou-
laire selon Frank et Starling (augmentation du volume vent porteurs. Ces indices dynamiques nécessitent toute-
d’éjection systolique en réponse à un étirement des fibres fois que soient réunies des conditions strictes sans
musculaires par augmentation du nombre de ponts actine- lesquelles ils discriminent mal les patients qui vont aug-
myosine), permise par une augmentation du retour vei- menter de ceux qui ne vont pas augmenter leur débit car-
neux grâce, nous l’avons vu, à l’augmentation de la diaque si un remplissage vasculaire est administré. Citons
pression systémique moyenne induite par le remplissage comme limites évidentes, pour les indices dérivés des varia-
vasculaire (qui a augmenté le volume sanguin contraint si tions induites par la ventilation mécanique, la nécessité
la compliance du système circulatoire n’a pas/peu varié). d’une ventilation mécanique sans effort inspiratoire, un
On parle de « précharge-dépendance » si le débit car- rythme cardiaque régulier et un volume courant suffisant,
diaque augmente en réponse à l’augmentation de la volé- conditions qui ne sont pas très fréquentes chez le patient
mie. Ainsi, plutôt que le volume sanguin, c’est davantage en réanimation mais le sont relativement plus durant une
la précharge-dépendance qu’il est intéressant de mesurer intervention chirurgicale [27]. D’autres limites physiolo-
chez le patient en état critique, afin de n’administrer le giques existent pour ces indices dynamiques [27, 28].
remplissage vasculaire que quand il est nécessaire, en évi-
tant de le « surdoser ». Plutôt que la prédiction de la réponse au remplissage
vasculaire évoquée ci dessus, une autre méthode de ges-
Outre les données cliniques (signes de déshydratation, tion rationnelle du remplissage vasculaire est beaucoup
hémorragie extériorisée, par ex.) et biologiques simples, plus souvent applicable. Elle vise, elle aussi, à ne pas admi-
relativement souvent prises en défaut pour évaluer la pré- nistrer trop de solutés de façon indue, c’est-à-dire chez des
charge-dépendance, des outils supplémentaires se sont patients qui n’augmentent pas leur débit cardiaque en
avérés nécessaires pour guider les indications de remplis- réponse au remplissage vasculaire. En effet, un bilan
sage vasculaire ou de déplétion hydrique. De ce fait, depuis hydrique positif pourrait avoir des conséquences délétères
de nombreuses années, la précharge-dépendance est esti- [29, 30]. Ainsi, la stratégie de l’épreuve de remplissage vas-
mée par la mesure de pressions intracardiaques telles que culaire (fluid challenge) consiste à procéder à un remplis-
la pression veineuse centrale (proche de la pression dans sage vasculaire prudent, par séquences de 200 ± 50 mL
l’oreillette droite), voire la pression télédiastolique du ven-
perfusés rapidement, et d’en apprécier les effets : dès que
tricule gauche (approchée par la pression artérielle pulmo-
le volume d’éjection systolique (ou un de ses substituts fia-
naire d’occlusion via un cathétérisme artériel pulmonaire)
bles) n’augmente plus, il convient d’arrêter le remplissage
[4]. Le développement de l’échocardiographie dans la prise
vasculaire et d’envisager d’autres options pour traiter l’in-
en charge du patient en état critique a même permis l’es-
suffisance circulatoire [3].
timation moins invasive de ces pressions intracardiaques
via des mesures Doppler. Ainsi, la mesure d’une pression On peut aussi mesurer le volume sanguin pulmonaire
intracardiaque comme reflet de la précharge repose sur le (système PiCCO™). Son intérêt reste d’actualité comme l’il-
principe simple qu’une pression basse (haute) reflète une lustre la recherche de méthodes moins invasives utilisant
précharge basse (haute) et donc une précharge-(in)dépen- l’échocardiographie [31].
dance et donc une (non)-augmentation prévisible du débit
cardiaque en cas d’augmentation de la volémie par un Les moyens d’évaluation indirecte de la volémie en cli-
remplissage vasculaire. Cela est probablement vrai pour les nique sont résumés dans le tableau 2.
valeurs extrêmes de pression intracardiaque (pression vei-
neuse centrale ou de pression télédiastolique du ventricule
gauche). Pour les valeurs « intermédiaires » de pression La volémie est normalement d’environ 70 mL/kg
intracardiaque, fréquemment rencontrées quand le méde- chez l’adulte avec de grandes variations physiolo-
cin se pose la question du remplissage vasculaire, la pres- giques.
sion mesurée (même quand elle est convenablement La mesure est fondée sur le principe de dilution ; la
mesurée, ce qui n’est pas toujours le cas) n’indique pas de méthode de référence utilise des isotopes, mais de

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Tableau 2 / Évaluation indirecte de la volémie : indices proposés en clinique

Surfaces et volumes ventriculaires (échocardiographie)


Indices statiques Pressions :
• pression veineuse centrale
• pression artérielle pulmonaire d’occlusion
Indices dérivés des interactions cardio-respiratoires :
• variations respiratoires de la pression pulsée et de la pression artérielle systolique et delta-down
• variations respiratoires du contour de l’onde de pouls (systèmes PiCCO™ et Vigileo™)
• variations respiratoires du volume d’éjection systolique (échocardiographie ou Doppler œsophagien)
• variations respiratoires de l’oxymétrie de pouls (“Pleth Variability Index”)
Indices dynamiques • variations respiratoires du diamètre des veines caves
Manœuvres de sensibilisation des indices dynamiques :
• test de lever de jambes passif
• test d’occlusion télé-expiratoire
• “mini-fluid challenge” (100 à 250 mL)

nombreuses manipulations et des prélèvements diatement mais de façon transitoire. Le système nerveux
sanguins la rendent peu disponible en routine. sympathique, par son action sur la veinomotricité, apparaît
En clinique, l’évaluation de la volémie est intéres- à ce niveau comme un moyen de contrôle du volume cir-
sante mais les méthodes évaluant l’adaptation du culant [5].
contenu (volémie) au contenant (système vascu-
laire) sont plus importantes. Cette hypothèse de Starling a été complétée ultérieu-
rement car elle est trop simpliste et réductrice ; en parti-
culier, le liquide transsudant dans le secteur interstitiel est
en partie drainé par le système lymphatique vers le canal
Régulation de la volémie thoracique et la circulation sanguine, contribuant par
conséquent au maintien de la volémie [33].
La régulation de la volémie résulte des mécanismes phy- Ainsi, les échanges au travers de l’endothélium sont
siologiques qui concourent au rétablissement d’une volé- régis par plusieurs mécanismes : osmotique, oncotique et
mie normale. Elle concerne le volume globulaire, dont hydrostatique. La loi de Starling régit les échanges trans-
l’ajustement fait appel à des processus relativement lents capillaires qui dépendent des pressions hydrostatiques et
d’érythropoïèse, et le volume plasmatique, susceptible de oncotiques [32-35]. L’albumine principale, protéine, très
changements relativement rapides. Dans les conditions hydrophile, développe l’essentiel de la pression oncotique
physiologiques, la volémie demeure constante et la régu- colloïdale (POC) plasmatique. Elle assure la réabsorption
lation porte, en pratique, sur le seul volume plasmatique. dans le capillaire de l’eau ayant quitté ce même capillaire
Cependant, l’homéostasie de l’organisme implique une sous l’effet de la pression hydrostatique, ce qui contribue
régulation du volume globulaire qui n’intervient qu’à long de ce fait au maintien de la volémie. Le rôle joué par l’al-
terme. Nous n’aborderons dans cette partie que la régula- bumine dans le flux net de l’eau (Q) entre le secteur vas-
tion du volume plasmatique. culaire et le secteur interstitiel est quantifié par l’équation
de Starling et Staverman Q = Kf (Pmv-Ppmy) – s (pmv -
Généralités ppmv), où Q représente la quantité de liquide filtré, Kf le
coefficient de filtration, définissant les caractéristiques
physico-chimiques de la membrane capillaire, P les pres-
Deux catégories de phénomènes sont impliquées, les
sions hydrostatiques et les pressions oncotiques respecti-
phénomènes passifs et actifs.
vement de l’espace microvasculaire (mv) et péri-
microvasculaire (pmv). Le coefficient de réflexion (s) défi-
Phénomènes passifs nit le caractère de perméabilité aux protéines de la mem-
Les phénomènes passifs font appel à des lois physiques, brane capillaire. Ce coefficient est variable d’un tissu à
c’est la restauration plasmatique par transsudation capil- l’autre : notamment, la perméabilité à l’albumine au
laire suivant le principe de Starling [32-35]. D’après Starling niveau pulmonaire est plus grande qu’au niveau de la cir-
(voir chapitre 33), on peut dire que le flux d’eau (Fs) tra- culation périphérique. Ce coefficient est de 0,8 à 0,9 au
versant une unité de surface en un point donné du capil- niveau pulmonaire, néanmoins il peut tendre vers 0 au
laire est égal à la différence : pression capillaire (Pcap) cours d’œdèmes lésionnels. La loi de Starling est schémati-
moins pression colloïde osmotique du plasma (ppl) en cet sée sur la figure 5A.
endroit), soit : Deux éléments ont amené certains auteurs à réévaluer
Fs = k (Pcap – ppl) l’importance des facteurs régissant les échanges liquidiens
où k est la conductance de la paroi pour l’eau (k tient de l’organisme : la mesure d’un flux lymphatique systéma-
compte de la surface d’échange et de perméabilité de la tiquement inférieur à celui prédit par l’équation de
membrane capillaire). Starling et la faible influence des variations de la POC inter-
Deux autres hypothèses sont avancées par Starling : stitielle sur les flux liquidiens au niveau capillaire [34, 35].
d’abord la constance de la pression osmotique colloïde Le glycocalyx fixe une grande quantité de protéines plas-
tout au long du capillaire et, ensuite, le flux net d’eau le matiques et développe ainsi une POC très importante à la
long d’un capillaire qui est la somme d’un flux sortant (fil- surface des cellules endothéliales. Entre glycocalyx et cel-
tration) se produisant dans la partie proximale du capillaire lules endothéliales, il existe de ce fait une zone ayant une
et d’un flux rentrant (absorption) se produisant dans la POC très faible. Cette zone limite la sortie de liquide vers
partie distale du capillaire. Ce processus intervient immé- l’interstitium dont la POC lui est supérieure et joue donc

318
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Régulation de la volémie 31

Transfert
A B πg protéique
Cellule Cellule
endothéliale endothéliale
Glycocalyx
Lumière Lumière
vasculaire Pmv Pmv vasculaire Pmv
πmv Sang πmv πmv

Ppmv Ppmv πg Ppmv


πpmv πpmv πpmv
Côté artériolaire Côté veinulaire

Figure 5 / Représentation schématique de la loi de Starling (d’après Chappell et al. [8] et Levick [34])
A. Représentation simplifiée de la loi de Starling classique expliquant les forces régissant les mouvements de l’eau au travers
de la membrane endothéliale capillaire. Les mouvements sont conditionnés par la valeur et le sens des pressions
hydrostatiques (P) et oncotiques (π) des milieux microvasculaire (mv) ou péri-microvasculaire (pmv).
Les pressions P tendent à faire sortir les fluides du vaisseau alors que les pressions π les font rentrer.
En théorie, au niveau artériolaire on assiste à une sortie extravasculaire de fluide, alors qu’au niveau veineux
la baisse de Pmv et l’augmentation de πmv contribuent à la réabsorption distale de liquide.
B. Représentation modifiée de la loi de Starling qui souligne l’importance du glycocalyx dans les mouvements de l’eau
au travers de la membrane endothéliale capillaire. Le glycocalyx fixe les protéines plasmatiques des fluides le traversant.
Il forme, à la surface des cellules endothéliales, une couche à fort pouvoir oncotique intrinsèque.
Le fluide traversant cette couche sous l’effet de Pmv a une concentration protéique basse et l’espace sous le glycocalyx (g)
développe une pression oncotique (πg) très faible. L’espace intercellulaire conserve une concentration protéique
faible en raison de l’effet de rinçage exercé par le passage continu de fluide vers l’interstitium.
Les protéines atteignent l’espace péri-microvasculaire par un système de pores spécifiques, indépendant du passage
à travers le glycocalyx. Le glycocalyx génère donc une zone de pression oncotique « tampon » entre système vasculaire
et interstitium, expliquant le faible rôle de πpmv dans la régulation des mouvements d’eau.
Dans cette nouvelle approche, il n’existe aucune réabsorption distale.

un rôle majeur dans le contrôle des mouvements hydriques La régulation de la volémie est la résultante de phé-
de l’organisme (figure 5B). L’équation de Starling et nomènes passifs et actifs.
Staverman peut ainsi être adaptée : Les phénomènes passifs s’articulent autour de la loi
Q = Kf(Pmv – Pg) – σ (πmv – πmv – πg) de Starling définissant le flux hydrique le long des
où Q présente la quantité de liquide filtré, Kf le coefficient capillaires en fonction des pressions hydrostatique
de filtration définissant les caractéristiques physico-chi- et oncotique.
miques de la membrane capillaire, P les pressions hydro- Les phénomènes actifs sont sous la dépendance
statiques et π les pressions oncotiques respectivement de de trois principaux systèmes neuro-hormonaux :
l’espace microvasculaire (mv) et sous le glycocalyx (g). Dans l’hormone antidiurétique, le système rénine-angio-
ce schéma, aucune réabsorption au niveau distal du capil- tensine-aldostérone (SRAA) et les peptides natriu-
laire n’est possible. Le drainage lymphatique est donc le rétiques.
seul moyen de prévention des œdèmes. Les lésions des cel-
lules endothéliales et du glycocalyx rencontrées dans les
situations pathologiques (sepsis, traumatisme, ischémie-
reperfusion) sont alors responsables d’une augmentation
Volorécepteurs
majeure de l’extravasation de liquide. Dans ces situations
pathologiques, σ, Pg et πg tendent vers 0 et l’équation se
Volorécepteurs atriaux
simplifie par Q = Kf (Pmv) : plus aucune force ne s’oppose La mise en jeu de la sécrétion des hormones, en réponse
à Pmv pour limiter la sortie de liquide vers l’insterstitium. aux variations du volume sanguin circulant, fait intervenir
les volorécepteurs localisés dans le système vasculaire tho-
Phénomènes actifs racique à basse pression pour répondre à des variations
volémiques minimes [6, 36-40].
Les phénomènes actifs impliquent une régulation
neuro-humorale à partir de récepteurs sensibles aux varia- Les territoires volosensibles ont été mis en évidence
tions de volume, des centres intégrateurs et un effecteur, essentiellement par des méthodes expérimentales agissant
essentiellement le rein. directement sur les récepteurs comme la technique des bal-
lonnets gonflables dans l’oreillette ou les veines pulmo-
Le volume du compartiment liquidien extracellulaire est naires. Ils sont localisés dans l’oreillette droite et la
en grande partie déterminé par son contenu en sodium. Ainsi, bifurcation artérielle carotido-thyroïdienne pour ceux
le volume et l’osmolalité sont réglés par des mécanismes qui, commandant la sécrétion d’aldostérone, et dans l’oreillette
bien que fondamentalement distincts, sont cependant en gauche et les grosses veines pulmonaires pour ceux qui
étroite relation. Trois hormones assurent la stabilité de la volé- commandent la sécrétion d’hormone antidiurétique
mie : l’hormone antidiurétique (ADH pour antidiuretic hor- (figure 6). Il existerait deux types de récepteurs atriaux.
mone), ou vasopressine, qui règle l’élimination de l’eau par le Ceux de type A, ou barorécepteurs, sensibles aux modifi-
rein, l’aldostérone, qui règle celle du sodium, et les peptides cations de la pression auriculaire et ceux de type B, ou ten-
natriurétiques, qui modulent rapidement la volémie en pré- sorécepteurs (ou encore tensiorécepteurs), sensibles à la
sence d’une augmentation de celle-ci. distension des parois atriales lors de la diastole.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

viduel du néphron qui ajusterait la sécrétion glomérulaire


à la composition de l’urine tubulaire distale par l’intermé-
diaire d’une sécrétion locale de rénine pourrait exister [44].

Voies efférentes
Pour l’aldostérone, à partir du centre mésencéphalique,
des efférences sympathiques stimuleraient la sécrétion de
rénine au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire, sans
doute en provoquant une vasoconstriction des artérioles
afférentes et des cellules juxtaglomérulaires. Dans cer-
taines circonstances, des influx d’origine mésencéphalique
pourraient entraîner la libération d’hormone corticotrope
hypophysaire (ACTH pour adrenocorticotropic hormone)
Figure 6 / Représentation schématique de la position qui stimulerait la sécrétion d’aldostérone par les surrénales
des volorécepteurs cardiaques [5, 6, 36, 39, 41-46].
Cercle gris : fibre afférente portée par le nerf vague droit ; cercle bleu :
fibre afférente portée par le nerf vague gauche (d’après Linden [37]). Pour l’ADH, la voie efférente est représentée par l’ADH,
elle-même fabriquée dans la région hypothalamique
(noyau supra-optique), transportée avec des neurophysines
sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et stockée au niveau
de la posthypophyse avant d’être relarguée dans la circu-
lation sous l’effet de stimuli d’origine di-encéphalique à
Nous pouvons considérer que ces tensiorécepteurs sont médiation cholinergique [6, 41, 46-48].
susceptibles de percevoir de petites modifications du
Ainsi, le passage en position couchée mais aussi la res-
volume plasmatique et méritent le nom de volorécepteurs. piration en pression négative intrathoracique ou la disten-
Si l’existence de deux types de récepteurs atriaux est défi- sion mécanique de l’oreillette gauche ont le même effet
nitivement reconnue, si beaucoup d’auteurs acceptent le qu’une hypervolémie et entraînent une diurèse aqueuse
concept d’une stimulation élective des récepteurs du par inhibition de la sécrétion d’ADH. De même, le passage
type B par de faibles variations du volume, il est aussi pos- en orthostatisme mais aussi la respiration en pression posi-
sible que cette distinction soit trop schématique et que les tive, la stase sanguine provoquée par la pose d’un garrot
récepteurs soient en fait sensibles au volume plasmatique et la diminution de la distension de l’oreillette droite ont
où à certaines dérivées de ce volume telles que la pression, le même effet que l’hypovolémie et entraînent une réduc-
la distension ou le débit sanguin [41]. Par ailleurs, certains tion de l’excrétion sodée par stimulation de la sécrétion
de ces récepteurs à haut niveau (qui correspondraient au d’aldostérone par l’intermédiaire de la sécrétion de rénine.
type B) sont stimulés par une augmentation du volume
sanguin central et d’autres, ou récepteurs à bas niveau, le
sont par sa diminution. Les volorécepteurs sont localisés dans le système
vasculaire thoracique à basse pression (essentielle-
Le rôle, en physiologie, de ces récepteurs atriaux reste ment atriaux) et au niveau de l’appareil juxtaglomé-
un sujet de discussion. En effet, leur autonomie fonction- rulaire rénal.
nelle vis-à-vis des autres récepteurs (barorécepteurs) n’est Les variations volémiques enregistrées par les
pas parfaitement déterminée. récepteurs atriaux droits et gauches vont aboutir,
par l’intermédiaire d’un arc réflexe plus ou moins
Récepteurs intrarénaux long, à la sécrétion d’une hormone effectrice.
Au niveau rénal, les cellules juxtaglomérulaires
Au niveau de la circulation rénale et pour chaque jouent à la fois le rôle de récepteurs sensibles aux
néphron, il existe un récepteur au niveau de l’appareil jux- variations de tension de l’artère afférente et d’ef-
taglomérulaire [42-44]. L’hypothèse d’un récepteur local, fecteur, en sécrétant localement de la rénine. La sti-
tensiorécepteur, au niveau de l’artériole afférente glomé- mulation de ces récepteurs entraîne également des
rulaire a reçu maintenant de très nombreuses confirma- changements directs des transferts tubulaires de
tions. Il s’agit de cellules myo-épithéliales ou cellules sodium.
juxtaglomérulaires (cellules JG) très différenciées de l’arté- Il n’existe pas de boucle pour la sécrétion des pep-
riole afférente. Ces récepteurs vasculaires intrarénaux sem- tides natriurétiques.
blent répondre à des modifications de la tension de la
paroi de l’artériole afférente.
En outre, ces cellules juxtaglomérulaires reçoivent une Mécanismes effecteurs
innervation sympathique capable de modifier le tonus de rénaux hormonaux
cette artériole afférente. De plus, elles possèdent des
récepteurs b-adrénergiques et dopaminergiques activés Aldostérone
par les catécholamines libérées par les terminaisons
nerveuses des nerfs sympathiques rénaux et par les caté- Cette hormone minéralo-corticoïde est sécrétée par la
cholamines circulantes. La stimulation de ces différents zone glomérulée de la corticosurrénale [36, 39]. Son rôle est
récepteurs aboutit à la sécrétion de rénine par ces mêmes d’augmenter la réabsorption de sodium au niveau du tubule
cellules ainsi qu’à des modifications directes des transferts distal. Cet effet réclame une phase de latence de
de sodium le long du tubule rénal. 40 minutes. Le mécanisme d’action de l’aldostérone sur les
cellules tubulaires est de nature génomique pour la stimu-
On est encore assez mal renseigné sur le rôle des modi- lation de la synthèse protéique. Au pôle urinaire, une pro-
fications ioniques enregistrées au niveau de la macula téine spécifique (la perméase) facilite la résorption de
densa. Une autorégulation fonctionnelle à l’échelon indi- sodium. À la suite d’une diminution de volémie, la stimula-

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Régulation de la volémie 31

tion sympathique provoque la sécrétion de rénine par l’ap- implique une protéine G et l’adénosine monophosphate
pareil juxtaglomérulaire. La rénine transforme l’angiotensi- cyclique (AMPc). L’augmentation de l’AMPc intracellulaire
nogène en angiotensine I convertie par l’enzyme de aboutit à une perméabilisation du canal collecteur à l’eau.
conversion en angiotensine II, laquelle provoque la sécrétion Il faut noter que les variations de sécrétion de l’ADH sous
d’aldostérone au niveau de la corticosurrénale. Localement, l’effet des stimuli volémiques sont couplées à celles provo-
la diminution de la volémie au niveau de l’artériole affé- quées par des stimuli osmotiques (figure 8). Ces deux sti-
rente stimule aussi la sécrétion de rénine par l’appareil jux- muli agissent en règle générale dans le même sens, mais
taglomérulaire (figure 7). Le rôle de la natrémie dans la dans certaines situations où les interventions ont des sens
sécrétion de l’aldostérone paraît négligeable par rapport à opposés, la conservation de la volémie semble prendre la
celui de la volémie dont l’influence sur la sécrétion de rénine priorité sur celle de l’osmolarité. Or l’hypotension artérielle
est indépendante et domine celle de l’équilibre sodé [43]. est en fait le stimulus principal de la sécrétion de vasopres-
sine, sécrétion qui est inhibée à partir des stimuli sur les
récepteurs volémiques cardiaques. En situation physiolo-
Hormone antidiurétique gique, l’inhibition est permanente par une décharge conti-
L’ADH est stockée dans la posthypophyse qui peut rapi- nue de ces récepteurs [47-50].
dement en libérer 10 à 20 % dans la circulation [47-50]. La vasopressine agit sur d’autres récepteurs dont le
L’ADH agit sur le récepteur V2 au niveau du tube récepteur V1 situé sur la cellule musculaire lisse des vais-
contourné distal et, surtout, au niveau du canal collecteur. seaux et responsable d’une vasoconstriction recherchée
Elle favorise la réabsorption tubulaire distale facultative actuellement dans le traitement de l’arrêt circulatoire et,
d’eau libre. La voie de signalisation au niveau tubulaire surtout, du choc septique [50].

Signal afférent

Angiotensine II Zone glomérulée Aldostérone Résorption MODIFICATION :


de la tubulaire • du volume sanguin
corticosurrénale du sodium • de la pression artérielle

AI CE AII

CE – Macula Charge
AI AII en Na
+ + densa
Substrat AI – ou en ClNa

Tension
Récepteur vasculaire pariétale
Cellules rénal ou
Rénine juxta- étirement
glomérulaires
Figure 7 / Schéma des mécanismes rénales Innervation sympathique rénale
de contrôle de la sécrétion de rénine
(d’après Davies et Freeman [42])
AI : angiotensine I ; AII : angiotensine II ; Inactivation
CE : enzyme de conversion. par le foie

Figure 8 / Schématisation des voies de Augmentation de la sensation de soif


signalisation neurologique et vasculaire
impliquées dans la sécrétion de vasopres-
sine (d’après Holmes et al. [50]) ZI
Les afférences nerveuses depuis les OSF ?
récepteurs de l’oreillette gauche
NTS
(inhibitrices), de la crosse aortique et des Augmentation de la
sinus carotidiens (excitatrices) cheminent Augmentation NPOM distension atriale
via les nerfs vagues et aboutissent au de l’osmolalité
NPV MVL –
niveau du noyau du tractus solitaire (NTS), plasmatique
l’aera postrema (AP) et la moelle ventro- Nerf vague
OVLT
latérale (MVL). Les cellules de ces zones +
se projettent vers les noyaux NSO AP
paraventriculaires (NPV) et supra-optiques +
(NSO). Les stimuli osmotiques parviennent Diminution de la pression
Voie hypophysaire
aux noyaux paraventriculaires et supra- sanguine détectée par les
supra-optique
optiques (traversant ainsi la barrière (voie finale PP barorécepteurs carotidien et
hémato-encéphalique) par des voies commune) aortique
provenant, d’une part, du noyau du tractus
solitaire et de la moelle ventro-latérale et, Augmentation de l’osmolalité
d’autre part, de l’organum vasculosum au niveau veine porte
lamina terminalis (OVLT) et du noyau de Natriurèse et antidiurèse
l’organe sous-fornical (OSF). L’OLVT et
l’OSF sont exclus de la barrière hémato-encéphalique et sont donc sous l’influence de l’osmolarité plasmatique. Le noyau
préoptique médian (NPOM) a des connexions réciproques avec l’OLVT et l’OSF et est à l’origine de projections denses sur les
noyaux paraventriculaires et supra-optiques. L’étape commune finale de la voie de signalisation de la sécrétion de
vasopressine est sa synthèse dans les neurones giganto-cellulaires situés dans le noyau paraventriculaire et la migration via
la voie supra-optique-hypophysaire. La zona incerta (ZI) est impliquée dans le déclenchement du besoin de boire.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

La vasopressine est rapidement métabolisée par des L’ANP et le BNP interagissent avec des récepteurs loca-
amino-peptidases. En physiologie, en dehors de la gros- lisés sur les cellules de différents tissus cibles. On connaît
sesse, les variations de la clairance métabolique influencent trois types de récepteurs (NPR pour natriuretic peptides
peu la concentration de vasopressine par adaptation de la receptors), les NPR-A, B et C [52, 53]. Ils fixent tous les trois
neurosécrétion [49]. les différents peptides natriurétiques, mais avec des affini-
tés différentes : (NPR-A : ANP > BNP >> CNP ; NPR-B : CNP
Facteurs natriurétiques > ANP ≥ BNP ; NPR-C : ANP + BNP + CNP) [58]. Ces caracté-
ristiques pharmacologiques ainsi que leur répartition tis-
L’existence d’un facteur natriurétique, présumée depuis sulaire variable affectent les effets de la stimulation de ces
1963, a été démontrée en 1981 [51]. Le peptide natriuré- différents récepteurs. Les récepteurs aux peptides natriu-
tique de type B (BNP) est la première « neuro-hormone » rétiques sont des récepteurs transmembranaires compor-
cardiaque de ce type : découvert en 1988 dans le cerveau tant un site de liaison extracellulaire et une partie
du porc, d’où sa première appellation (Brain natriuretic
intracellulaire. La liaison d’agonistes aux NPR-A et NPR-B
peptide, peptide natriurétique cérébral), il a été mis en évi-
induit l’activation d’une guanylate cyclase membranaire
dence dans le cœur humain en 1991 où il est synthétisé
responsable de la transformation de la guanosine triphos-
essentiellement dans les cardiomyocytes ventriculaires
phate en guanosine monophosphate cyclique (GMPc). La
gauches mais également par les fibroblastes [51-54]. La dis-
tension du ventricule gauche est le principal facteur GMPc agit comme un second messager. Le NPR-C (localisé
déclenchant de la sécrétion de BNP, mais également l’hy- surtout dans les reins et les vaisseaux) assure la clairance
poxie [55]. Il existe d’autres peptides natriurétiques de des peptides natriurétiques circulants par l’internalisation
structure moléculaire voisine, essentiellement le peptide du récepteur et de son ligand, ce qui permet la régulation
natriurétique atrial (ou de type A, ANP pour atrial natriu- de leur disponibilité pour les tissus cibles. L’ANP et le BNP
retic peptide) qui est stocké au niveau des cardiomyocytes sont ainsi dégradés soit par des enzymes lysosomiales, soit
atriaux et dont la sécrétion et la synthèse sont augmentées par des protéases extracellulaires comme l’endopeptidase
par la distension de l’oreillette, et enfin le peptide natriu- neutre (NEP pour neutral endopeptidase) ou les enzymes
rétique de type C (CNP). Ce dernier n’est pas sécrété par de dégradation de l’insuline, qui ouvrent la structure annu-
les cardiomyocytes mais par l’endothélium vasculaire et les laire et inactivent la molécule. Le NPR-C et la NEP ont une
cellules rénales [56]. Il n’est pas à ce titre considéré comme plus grande affinité pour l’ANP que pour le BNP, ce qui
un peptide natriurétique cardiaque et a essentiellement explique une demi-vie de l’ANP plus courte (environ
des effets vasculaires (vasodilatation et diminution du 3 minutes) que celles du BNP (environ 22 minutes) et du N-
retour veineux) [57]. D’autres peptides natriurétiques ont terminal pro-BNP (environ 2 heures). Cette notion est
été mis en évidence (VNP, DNP et urodilantine) dans d’au- importante pour expliquer que les dosages du BNP et, sur-
tres tissus et/ou d’autres espèces animales. Tous ont comme tout, du pro-BNP sont préférés pour la stabilité de leur
structure commune un anneau de 17 acides aminés dont taux au cours d’une atteinte aiguë et également pour véri-
11 sont identiques. Cet anneau est essentiel pour la fixa- fier rapidement l’efficacité du traitement [53].
tion au récepteur et l’activité biologique. Les cellules
atriales, ventriculaires répondent directement à un stress L’ANP et le BNP ont une action antagoniste du SRAA,
mécanique (hémodynamique) par une activation de la diminuent le tonus sympathique et inhibent la sécrétion
transcription des gènes codant les peptides natriurétiques. de l’endothéline-1. Ils ont aussi une action diurétique,
Le CNP est sécrété par les cellules endothéliales sous l’effet natriurétique et vasodilatatrice et permettent par consé-
de cytokines et d’agonistes endothélium-dépendants. quent de compenser en partie la surcharge hydrique pré-
L’ANP et le BNP sont synthétisés sous la dépendance de sente dans l’insuffisance cardiaque. Il a été également
gènes différents, localisés sur le chromosome 1. L’ANP est décrit des effets lusitropes positifs ainsi que des effets anti-
un peptide de 28 acides aminés. Au niveau de l’oreillette, fibrotiques. L’ensemble de ces effets ont fait émerger le
le pré-pro-ANP (151 acides aminés) est synthétisé et clivé concept d’effet protecteur cardiorénal des peptides natriu-
en pro-ANP (126 acides aminés), puis en N-terminal pro- rétiques. Enfin, plus récemment, des effets métaboliques
ANP (98 acides aminés) biologiquement inactif et en ANP de ces peptides ont été décrits [58].
(28 acides aminés). Le BNP (32 acides aminés) a le même
type de voie de synthèse : pré-pro-BNP de 151 acides ami- L’ANP est sécrété en réponse à une dilatation auricu-
nés puis pro-BNP (108 acides aminés) avant un nouveau cli- laire, le BNP en réponse à une augmentation de la pression
vage et sécrétion de BNP actif et de N-terminal pro-BNP télédiastolique ventriculaire, témoin ainsi de l’hypertro-
(76 acides aminés) (figure 9). phie ventriculaire avant la dilatation et de la volémie, et
le CNP en réponse à une augmentation de la tension parié-
tale vasculaire (figure 10) [52, 59, 60].
Cardiomyocytes
On peut doser l’ANP et le BNP ainsi que le N-terminal
pro-BNP (ou NT-pro-BNP) [53]. La concentration de BNP
Pré-pro-ANP (151 aa) Pré-pro-BNP (151 aa) augmente aussitôt après la naissance à des taux de 25 à
Granules 30 fois ceux de l’adulte, puis diminue et atteint les niveaux
de l’adulte à 3 mois. Chez l’adulte normal, les valeurs du
Pro-ANP (126 aa) Pro-BNP (108 aa)
BNP s’élèvent avec l’âge, elles sont presque doublées après
50 ans par rapport au sujet jeune, en particulier chez
l’homme. En outre, elles sont légèrement plus élevées chez
la femme. Les normes ont été établies suivant les méthodes
NT-pro-ANP ANP NT-pro-BNP BNP de dosage et par tranches d’âge [53, 61]. Contrairement à
(1-98) (28 aa) (1-76) (32 aa) l’ANP, les niveaux physiologiques de BNP sont relativement
Sang bas et ne deviennent réellement significatifs que dans dif-
férentes situations pathologiques (insuffisance cardiaque,
Figure 9 / Sécrétion dans la circulation sanguine des peptides
natriurétiques à partir des cardiomyocytes (d’après Clerico [61])
ischémie myocardique, etc.) [62]. Certains auteurs ont ainsi
ANP : peptides natriurétiques de type A ; proposé que l’ANP pourrait être l’élément physiologique
BNP : peptides natriurétiques de type B ; aa : acides aminés. du système des peptides natriurétiques influençant et
contrôlant les activités cardiorénales normales et qu’au

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Régulation de la volémie 31

contraire le BNP aurait plus une fonction d’hormone de


stress devenant prépondérante en cas de réponses com-
pensatrices à des phénomènes pathologiques [63].
Les principales caractéristiques des facteurs natriuré-
tiques sont résumées dans le tableau 3.

Les trois systèmes hormonaux impliqués dans la


régulation de la volémie (aldostérone, hormone
antidiurétique, peptides natriurétiques) agissent au
Aldo
niveau rénal sur la rétention hydrique et/ou sodée
et sur le tonus musculaire vasculaire.
L’aldostérone est le dernier maillon du SRAA. Ce Figure 10 / Mécanismes de sécrétion des peptides natriurétiques
minéralo-corticoïde au mécanisme d’action trans- en réponse à un stress hémodynamique (d’après Opie [60])
criptionnel favorise la réabsorption tubulaire distale Le peptide natriurétique auriculaire (ANP) est sécrété par les
de sodium. Sa sécrétion est essentiellement dépen- oreillettes et le peptide natriurétique cérébral (BNP)
par les ventricules en réponse à un étirement mécanique,
dante de la volémie.
une stimulation soit b-adrénergique, soit de l’angiotensine II (AII),
Les peptides natriurétiques sont de petits peptides. soit de l’endothéline. Les peptides natriurétiques
Les principaux sont l’ANP, le BNP et le CNP. Ils ont s’opposent aux effets du système rénine-angiotensine-aldostérone.
une action antagoniste du SRAA : natriurétique, Aldo : aldostérone.
diurétique et vasodilatatrice.
L’ADH favorise la réabsorption tubulaire distale
facultative d’eau libre et est responsable d’une
vasoconstriction. Sa sécrétion est essentiellement
dépendante des récepteurs volémiques cardiaques.
Adaptation de la volémie
aux variations de posture
Mécanismes effecteurs rénaux Lors du passage rapide de la position allongée à la posi-
non hormonaux tion debout, une nouvelle répartition du volume sanguin
tend à se constituer avec une accumulation de sang dans
Sous l’effet probable d’influx nerveux d’origine sympa- les membres inférieurs sous l’action de la pesanteur. Des
thique qui contrôlent la résistance de l’artériole afférente mécanismes rapides d’adaptation sont mis en jeu. Il s’agit
rénale, une redistribution du flux sanguin rénal se réalise. de la pression négative inspiratoire intrathoracique et
En l’absence de modifications du taux de filtration glomé- d’une veinoconstriction d’origine sympathique [5, 40] dont
rulaire, certains auteurs ont invoqué, pour expliquer les le point de départ est la stimulation des récepteurs atriaux
variations rapides d’excrétion sodée, la possibilité d’un et pulmonaires [40]. De plus, participent à cette adaptation
transfert d’activité entre les néphrons à anse courte qui le rôle des valves veineuses à effet antiretour, le tonus mus-
« laissent échapper » du sodium et les néphrons à anse culaire et les mouvements des membres inférieurs et du
longue qui le « retiennent ». tronc.

Tableau 3 / Caractéristiques des trois principaux facteurs natriurétiques

Peptide ANP BNP CNP


natriurétique
Structure 28 acides aminés 32 acides aminés 22 acides aminés
Principal site Cellules endothéliales
Oreillettes Ventricules
de synthèse vasculaires
Principal mécanisme Cytokines/agonistes
responsable Distension auriculaire Surcharge volumique endothélium-dépendants
de la sécrétion
Récepteur NPR-A NPR-B
Voie de couplage/ Augmentation de la guanylate cyclase/GMPc
second messager
Natriurèse/diurèse Natriurèse/diurèse Vasodilatation
Vasodilatation Vasodilatation Effets antifibrotiques
Inhibition du système sympathique et RAA Inhibition du système sympathique et RAA Effets anti-hypertrophiques
Augmentation du flux sanguin rénal Augmentation du flux sanguin rénal Anti-inflammatoires
Augmentation de la filtration glomérulaire Augmentation de la filtration glomérulaire
Principaux effets Antithrombotiques
Effet lusitrope positif Effet lusitrope positif
physiologiques Effets métaboliques Effets métaboliques
Effets antifibrotiques Effets antifibrotiques
Effets anti-hypertrophiques
Augmentation de la perméabilité endothéliale
Anti-inflammatoires
Clairance/
dégradation NPR-C/dégradation par la NEP
enzymatique
ANP : atrial natriuretic peptide ; BNP : brain natriuretic peptide ; CNP : C natriuretic peptide ; NPR natriuretic peptide receptor ;
GMPc : guanosine monophosphate cyclique ; NEP : neutral endopeptidase

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Conclusion la mise en jeu et le rôle exact de la régulation joué par les


volorécepteurs atriaux droits et gauches ainsi que par les
volorécepteurs rénaux restent partiellement connus en phy-
Il faut donc mettre en exergue le rôle capital du sys- siologie comme en physiopathologie. À la suite de nom-
tème nerveux sympathique principalement pour la sécré- breuses expérimentations chez l’animal et chez l’homme,
tion de rénine et donc d’aldostérone. En outre, il faut l’équipe de Schreier [64] a proposé une hypothèse pour ten-
souligner l’importance de deux organes dans la régulation ter de donner une explication rationnelle des interrelations
de la volémie : le rein et le foie. Le rein est l’organe effec- entre les différents systèmes de régulation des liquides cor-
teur qui règle, sous l’effet d’actions neuro-hormonales, porels. Dans leur hypothèse, les volumes des secteurs extra-
l’excrétion ou la réabsorption de sodium et d’eau. Le foie, cellulaire et interstitiel et la volémie ne sont pas les
qui inactive rapidement l’ADH, l’aldostérone et la rénine, déterminants prédominants de cette régulation. Les auteurs
affine ainsi le système de régulation en épurant rapide- proposent que la circulation artérielle soit le facteur princi-
ment la circulation de ces hormones qui viennent d’être pal de la régulation des liquides corporels. Cette hypothèse
sécrétées. Il synthétise l’angiotensinogène et les diverses n’exclut pas strictement la possibilité d’un rôle pour le com-
fractions protéiques sériques, comme l’albumine, qui partiment veineux, mais ce n’est pas ce secteur qui est pré-
règlent la pression oncotique. Enfin, il joue, pour certains dominant lorsqu’il intervient. Cette hypothèse a l’avantage
auteurs, un rôle important de réservoir de sang. de pouvoir expliquer la sensibilité du système de régulation
répondant ainsi rapidement à des variations extrêmement
Il semble donc exister une régulation spécifique de la
minimes de la volémie. La localisation dans le secteur arté-
masse sanguine indépendante de la régulation osmotique
riel est séduisante puisque la finalité de l’homéostasie est
et de celle de la pression artérielle. Cependant, il existe une
d’assurer la perfusion des organes et des tissus.
interrelation entre ces processus de régulation comme l’il-
lustre la figure 7 à propos de la régulation du SRAA. En phy- Dans cette hypothèse, les mécanismes d’élimination ou
siologie, ces divers mécanismes interviennent en synergie en de rétention d’eau et de sodium peuvent être expliqués
réponse à une variation volémique, essentiellement une soit par une diminution du débit cardiaque (figure 11), soit
variation de la volémie intrathoracique. La hiérarchie dans par une vasodilatation artérielle périphérique (figure 12).

Volume Insuffisance cardiaque à bas débit, Volume intravasculaire


extracellulaire tamponnade,
Péricardite constrictive 2° à une diminution de la
pression ocontique ou à une
augmentation de la
Débit cardiaque perméabilité capillaire

Activation des récepteurs


ventriculaires et artériels

Stimulation non Activation du système


Stimulation du système
osmotique de la rénine-angiotensine-
nerveux sympathique aldostérone
vasopressine

Rétention Résistances artérielles Rétention sodée


hydrique rénale périphériques et rénales rénale

Figure 11 / Cascade d’événements


Maintien du volume sanguin conduisant à la rétention rénale
artériel efficace hydrosodée après diminution du débit
cardiaque (d’après Schreier [64])

Insuffisance cardiaque Fistule Vasodilatateurs


Sepsis Cirrhose Grossesse
à haut débit artérioveineuse artériels

Vasodilatation
artérielle périphérique

Activation des barorécepteurs


artériels
Stimulation non Activation du système
osmotique de la Stimulation du système rénine-angiotensine-
vasopressine nerveux sympathique aldostérone

Débit Rétention Résistances artérielles Rétention


cardiaque hydrique périphériques et rénales sodée
Figure 12 / Cascade d’événements
conduisant à la rétention rénale
Maintien du volume hydrosodée après vasodilatation
sanguin artériel efficace artérielle (d’après Schreier [64])

324
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Régulation de la volémie 31

Ces hypothèses illustrent bien l’importance du système Rétention hydrosodée rénale primaire
nerveux sympathique précédemment mis en exergue.
Cependant, l’adaptation à différentes situations peut
conduire à une augmentation du débit cardiaque alors que Débit Rénine, Aldo, NE,
la mise en jeu de la régulation hormonale peut être diver- cardiaque AVP plasmatiques
gente, comme l’illustre la figure 13. Enfin, au cours de la
cirrhose avancée et de l’insuffisance cardiaque congestive, Vasodilatation artérielle périphérique
le mécanisme d’échappement à l’action de l’aldostérone,
qui existe chez le sujet normal, est aboli, conduisant à la
Normalisation de la pression sanguine
survenue d’œdèmes. La grossesse est la seule circonstance
de diminution de la volémie efficace artérielle au cours de Vasodilatation artérielle périphérique
laquelle le taux de filtration glomérulaire augmente et
permet ainsi l’échappement à l’action de l’aldostérone
(figure 14). En effet, au cours d’une grossesse normale, les Débit Rénine, Aldo, NE,
cardiaque AVP plasmatiques
prostaglandines vasodilatatrices, la résistance à l’angioten-
sine II et les shunts artérioveineux placentaires sont respon-
sables de la vasodilatation artérielle primitive associée à Normalisation de la pression sanguine
une stimulation du SRAA, à une augmentation de la sécré-
tion de vasopressine à un niveau plus bas de l’osmolalité Figure 13 / Profil neuro-hormonal et hémodynamique
du secteur extracellulaire que normalement, à une aug- pour une augmentation (en haut) et une diminution (en bas)
du volume sanguin artériel efficace (d’après Schreier [64])
mentation secondaire du débit cardiaque et à une réten- Ainsi, chez le patient compensé, la pression sanguine,
tion d’eau et de sodium conduisant à une augmentation le débit cardiaque et les résistances vasculaires périphériques
de la volémie et des liquides extracellulaires de 30 à 50 %. peuvent être similaires en cas d’augmentation ou
Une augmentation de la filtration glomérulaire permet de diminution du volume sanguin efficace. Cependant,
une libération de sodium suffisamment importante au les profils neuro-hormonaux et l’excrétion hydrosodée
niveau distal du tubule permettant l’échappement à l’ac- rénale sont totalement différents dans ces deux situations.
tion de l’aldostérone en dépit d’une volémie artérielle effi- Aldo : aldostérone ; NE : norépinéphrine ;
AVP : arginine vasopressine).
cace diminuée. De ce fait, les femmes enceintes ont moins
d’œdèmes que les patients cirrhotiques ou en insuffisance
cardiaque par exemple.
Aldostérone plasmatique
Concernant l’appréciation de la volémie, la biologie y
contribue seulement avec le dosage du BNP ou du NT-pro-
BNP. Leurs variations sont prédictives du pronostic dans
Sujet Sujet avec diminution
l’insuffisance cardiaque et de l’efficacité des traitements normal du volume sanguin
dans cette circonstance [65-68]. Il existe des méthodes de artériel effectif
dosage rapide, délocalisées. En urgence, le diagnostic de
l’insuffisance cardiaque aiguë, notamment chez un patient
Réabsorption sodée Réabsorption ¯ DFG et
présentant une dyspnée, peut aussi bénéficier du dosage tubulaire distale sodée tubulaire réabsorption
du BNP permettant de distinguer le patient avec une insuf- distale sodée tubulaire
fisance cardiaque de celui présentant une maladie pulmo- proximale
Volume LEC
naire primitive [53, 66]. En chirurgie, on connaît les Volume LEC ¯ Débit tubulaire
réponses neuro-hormonales à la chirurgie et à l’augmen- distal hydrosodé
tation de la volémie (tableau 4) [69]. La prise en charge de DFG ¯ Réabsorption sodée
tubulaire proximale Formation
l’opéré insuffisant cardiaque peut bénéficier du dosage des
d’œdème
peptides natriurétiques comme facteur prédictif de com-
Débit tubulaire
plications [70] ou pour la prise en charge postopératoire distal hydrosodé Absence
dans différents types de chirurgie [71-74]. Il peut guider, d’échappement
à l’aldostérone
par exemple, le sevrage de l’assistance respiratoire permet-
tant de le raccourcir [75]. Échappement
à l’aldostérone
Enfin, la révision du principe de Starling à la lumière de et absence
d’œdème
la confirmation de l’existence d’une couche de glycocalyx
a conduit à revoir les règles du remplissage vasculaire. Figure 14 / Schématisation des phénomènes impliqués
Ainsi, les colloïdes ne sont justifiés que lors d’une hypovo- dans l’échappement à l’aldostérone chez les sujets normaux (à gauche)
lémie aiguë (hémorragie aiguë). Dans les autres situations, et l’absence d’échappement à l’aldostéone en cas de baisse
les cristalloïdes sont à préférer en première intention [11, de la volémie artérielle (à droite) (d’après Schreier [64])
76-78]. La grossesse est la seule circonstance où, en dépit de la diminution
de la volémie artérielle, le débit de filtration glomérulaire (DFG)
augmente et permet donc un échappement à l’aldostérone.
LEC : liquide extracellulaire.

325
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Tableau 4 / Réponses hormonales à la chirurgie et à la surcharge volémique

Hormone Réponse à la chirurgie Réponse à la surcharge volémique Conséquences


Rétention hydrosodée
Aldostérone Augmentation Diminution Excrétion de K+
ADH Augmentation Diminution Rétention hydrique
Rétention hydrosodée
SRAA Augmentation Diminution Excrétion de K+
Augmentation Effets diurétiques
Peptides natriurétiques Augmentation
ou pas de modification et natriurétiques
ADH : hormone antidiurétique ; SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone ; K : potassium

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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

32
• Pourquoi est-il nécessaire
de réguler l'équilibre acido-basique ?
Équilibre acide-base
• Rappels physico-chimiques
• Systèmes de régulation Jacques Levraut*, Jean-Christophe Orban**
de l'équilibre acido-basique
• Moyens d'interprétation * Pôle urgences SAMU SMUR, Hôpital Pasteur, Nice
**Pôle d’anesthésie réanimation, réanimation polyvalente,
de l'équilibre acido-basique sanguin Hôpital Pasteur, Nice

e pH des cellules et des liquides physiologiques Dans les conditions physiologiques, on estime que la pro-
est maintenu dans des fourchettes étroites faisant duction quotidienne de CO2 est comprise entre 15 000 et
intervenir de nombreux systèmes de régulation. 25 000 mmoles [1] et c’est la ventilation pulmonaire qui
Ces mécanismes sont nécessaires car notre orga- permet d’éliminer cette énorme charge acide.
nisme est confronté à une importante production
d’acides qui varie selon les conditions physiolo-
giques ou pathologiques. Par ailleurs, une modifi-
Acides organiques
cation de l’état acido-basique sanguin s’associe à Parmi les acides organiques, l’acide lactique représente
des modifications métaboliques tissulaires com- celui qui est produit en plus grande quantité. En effet, cer-
plexes dont l’origine peut d’ailleurs être responsa- taines cellules fonctionnent physiologiquement en anaé-
ble du déséquilibre acido-basique observé. robiose (exemple des hématies qui sont dépourvues de
Il existe des moyens de défense rapidement effi- mitochondries) et l’oxydation incomplète du glucose dans
caces pour lutter contre des écarts de pH sanguin ces tissus aboutit à la production d’acide lactique. On peut
qui pourraient être fatals à l’organisme. Les tam- estimer cette production physiologique entre 1 500 à
pons font partie des premiers acteurs intervenant 2000 mEq par jour [2] et c’est principalement le foie qui
dans la correction de troubles acido-basiques. À assure le métabolisme de cet acide organique issu du méta-
côté des tampons intervenant en première ligne, bolisme intermédiaire.
toutes les cellules sont équipées de pompes
ioniques leur permettant de combattre à court
terme les conséquences d’une charge acide ou
Acides minéraux
basique. De plus, il existe à l’échelle de l’organisme non métabolisables
entier des mécanismes de régulation complexes Le catabolisme protidique aboutit à la production quo-
faisant intervenir la ventilation pulmonaire, la fil- tidienne de 70 à 80 mEq d’acides minéraux (acides sulfu-
tration rénale et les synthèses hépatiques. rique, hippurique, aliphatiques, phosphoriques, etc.) et
c’est le rein qui en assure normalement l’élimination [3].

Pourquoi est-il nécessaire Conséquences physiopathologiques


de réguler l’équilibre Toutes les situations à l’origine d’une modification de la
production ou de l’élimination de ces acides aboutiront plus
acido-basique ? ou moins rapidement à un déséquilibre acido-basique dont
un stigmate est une modification du pH sanguin. La vitesse
maximale d’apparition du trouble métabolique sera corré-
Production acide physiologique lée à l’importance de la production physiologique de l’acide
quotidienne concerné. Par exemple, une acidose respiratoire pourra
apparaître en quelques minutes, une acidose organique lac-
tique pourra s’installer en quelques dizaines de minutes et
Le métabolisme énergétique aboutit physiologique-
une insuffisance rénale aiguë nécessitera plusieurs heures
ment à la production d’une grande quantité de déchets
avant qu’une acidose minérale ne soit notable.
acides qui sont représentés par l’acide carbonique, les
acides organiques et les acides minéraux non métabolisa-
bles.
Interactions entre état acide-
Acide carbonique base et fonction cellulaire
Lorsque l’oxydation des nutriments est complète, ce qui Une grande variété de processus et de propriétés cellu-
est le cas de la plupart des tissus ayant un métabolisme laires sont modifiées par le pH intracellulaire [4]. Ainsi, une
aérobie, la combustion des hydrates de carbone et des diminution du pH intracellulaire (pHi) tend à nettement
lipides aboutit à la production de dioxyde de carbone diminuer l’activité métabolique cellulaire et la demande
(CO2) qui, combiné à l’eau, génère de l’acide carbonique. énergétique alors qu’une élévation du pHi s’accompagne

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

des effets contraires. L’effet d’un abaissement du pH extra- que de charges négatives) et la loi de dissociation de l’eau.
cellulaire semble quant à lui exercer un effet biphasique L’eau est en permanence légèrement dissociée en ions H+
se caractérisant par une augmentation de la demande et OH– selon un équilibre qui obéit à la règle :
énergétique dans un premier temps, liée à l’activation des [H+] × [OH–] = constante.
mécanismes de régulation du pHi, puis par une diminution À 25 °C, cette constante est égale à 10-14, ce qui explique
de l’activité tissulaire. De plus les variations de l’état acido- que le pH neutre à cette température (autant d’ions H+
basique sont responsables de modifications des messages que d’ions OH–) soit égal à 7 (10-7 × 10-7 = 10-14). Si l’on
de signalisation cellulaire touchant notamment l’AMPc et rajoute un anion fortement dissocié tel que du Cl– à de
le Ca2+. L’ensemble de ces altérations du métabolisme cel- l’eau pure (par ajout de HCl), il faudra qu’à l’équilibre les
lulaire induites par les modifications de l’état acide base deux lois soient satisfaites, c’est-à-dire :
se traduisent par des manifestations cliniques plus ou S (anions) = S (cations) et [H+] × [OH–] = constante.
moins prononcées selon leur origine, touchant des fonc- Le respect simultané de ces deux lois nécessitera donc que
tions diverses telles que nutritionnelle, cardio-circulatoire, la concentration d’ions H+ augmente afin que [Cl–] + [OH–]
neuromusculaire ou digestive. = [H+]. Si l’on rajoute au contraire un cation tel que Na+
(par ajout de NaOH), la concentration d’ions H+ diminuera
de façon à ce que [Na+] + [H+] = [OH–] tout en respectant
L’organisme est soumis en permanence à une
[H+] × [OH–] = constante. On peut ainsi démontrer que la
importante charge acide, résultant de la production
différence de concentration entre l’ensemble des cations
d’acide carbonique issu du CO2, d’acides organiques
et l’ensemble des anions fortement dissociés d’une solu-
et d’acides minéraux non métabolisables. Un sys-
tion (exprimée en mEq/L) détermine la force ionique dépla-
tème de régulation fin et complexe permet cepen-
çant l’équilibre de l’eau dans le sens d’une acidité ([H+] >
dant de maintenir le pH des liquides biologiques
[OH–]) ou d’une alcalinité ([H+] < [OH–]). Cette différence
dans une fourchette étroite, évitant ainsi les consé-
de charge appelée “strong ion difference” (SID) sera alca-
quences tissulaires d’une modification de l’état
linisante si elle est positive et acidifiante si elle est néga-
acidobasique.
tive. Le SID du plasma est normalement proche de
39 mEq/L, ce qui signifie qu’il exerce un pouvoir alcalinisant
extrêmement puissant. On peut montrer qu’en l’absence
Rappels physico-chimiques de gaz carbonique (qui exerce, lui, un puissant pouvoir aci-
difiant), le pH du plasma serait supérieur à 12 !

pH Notion de tampon –
Il reflète la concentration d’ions H+ (ou protons) pré-
sents dans une solution. Il est égal à l’inverse du logarithme
Équilibre de dissociation
décimal de la concentration d’ions H+ exprimée en mol/L. Les tampons sont des molécules capables de limiter les
Ainsi pour un pH égal à 7,00, la concentration des protons variations de pH induites par une charge acide ou basique.
est égale à 10-7 mol/L soit 100 nmol/L ou 0,1 mmol/L. Si l’on Ces systèmes assurent une régulation rapide du pH san-
admet que le pH plasmatique peut varier dans une four- guin. Leur efficacité est d’autant plus grande que leur
chette allant de 6,60 en cas d’acidose majeure à 7,70 en cas concentration est élevée. Il s’agit toujours de la base conju-
d’alcalose sévère, cela signifie que la concentration plas- guée forte d’un acide faible ayant une grande affinité
matique des protons peut varier de 0,020 mmol/L à pour les ions H+. Un sel d’acide faible ne joue le rôle de
0,250 mmol/L. Cela implique donc que des variations impor- tampon que dans une zone de pH limitée où sa base conju-
tantes de pH plasmatiques reflètent des variations minimes guée est encore liée à des cations qui seront déplacés par
de la concentration de protons, de l’ordre de quelques les ions H+ au fur et à mesure que la concentration de ceux-
dizaines de nanomoles par litre. La concentration des tam- ci croît dans le milieu.
pons sanguins est, quant à elle, normalement de l’ordre de
quelques dizaines de millimoles par litre, ce qui signifie Soit le tampon A ayant une constante de dissociation
que la proportion des ions H+ libres déterminant le pH san- égale à K. On peut écrire, selon la loi de dissociation :
guin représente environ le millionième de la totalité des AH ⇔ A– + H+
ions H+ présents dans le sang, plus de 99,999 % d’entre eux ou encore : [H+] = K × [AH]/[A–]
étant liés aux molécules tampons ! ou encore : log(1/[H+]) = log(1/K) + log ([A–]/[AH])
ou encore : pH = pK + log ([A–]/[AH]) (équation 1).

Notion d’acide et de base Le pK reflète donc le pH de semi-dissociation, c’est-à-


dire le pH où le tampon est présent en quantité égale sous
en solution aqueuse [5] forme dissociée (A–) et forme non dissociée (AH). Le pou-
voir tampon d’une molécule est donc d’autant meilleur
Selon la théorie de Bröensted, un acide est un donneur que son pK se trouve proche des valeurs de pH à réguler.
de protons tandis qu’une base est un accepteur de protons.
L’avantage de cette théorie est qu’elle permet d’expliquer Le pH est égal au cologarithme de la concentration
aisément l’effet de l’ajout d’un acide sur les variations de d’ions H+ libres. Un pH sanguin normal de 7,40 cor-
pH d’une solution aqueuse : l’ajout de chlorure d’hydro- respond donc à une concentration de seulement
gène (HCl), par exemple, entraîne un abaissement du pH 40 nmol/L d’ions H+. Un acide est une molécule
car il se dissocie complètement en ions Cl– et en protons. capable de libérer des ions H+ tandis qu’une base
Le rajout d’une quantité équivalente d’hydroxyde de est une molécule capable d’accepter un ion H+.
sodium (NaOH) à cette solution corrige alors le pH car le Selon une autre théorie, toute molécule anionique
NaOH se dissocie en Na+ et OH– qui vont se combiner aux est acide et toute molécule cationique est basique.
ions H+ pour donner H2O. Un acide fort est complètement dissocié tandis que
la dissociation d’un acide faible dépend de son pK.
La théorie d’Arrhénius considère, elle, que tout anion Une molécule tampon est une molécule capable de
est acide et tout cation est basique. Cette théorie est basée libérer ou d’accepter des ions H+ en fonction du pH
sur deux principes : la loi de l’électroneutralité d’une solu- et qui a donc la propriété de minimiser les variations
tion (il doit y avoir à l’équilibre autant de charges positives de pH induites par une charge acide ou alcaline.

330
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Équilibre acide-base 32

Systèmes de régulation de Lorsqu’un prélèvement de sang artériel est réalisé en vue


d’analyser l’équilibre acido-basique, il est conseillé de
l’équilibre acido-basique mesurer en même temps le taux de CO2T [7]. La comparai-
son du taux de bicarbonate obtenu par le calcul au CO2T
mesuré permet de valider les conditions de prélèvement
Tampons de l’organisme en s’assurant que les deux valeurs sont peu différentes (la
différence doit normalement être inférieure à 2 mmol/L).
Parmi les systèmes tampons de l’organisme, on dis-
tingue les tampons dits ouverts de ceux dits fermés. Les • Efficacité du système
premiers, représentés par l’unique système bicarbonate/ tampon bicarbonate/CO2
acide carbonique, sont caractérisés par la possibilité d’ex-
créter en dehors de l’organisme l’une ou l’autre forme du La valeur de 6,1 du pKa du tampon bicarbonate/CO2
couple tampon. Les seconds, représentés par les systèmes étant relativement éloignée du pH physiologique, on pour-
tampons non bicarbonates, sont caractérisés par l’impossi- rait penser qu’il est peu efficace à minimiser les variations
bilité pour le couple tampon de quitter l’organisme, voire de pH induites par une charge acide ou alcaline. En fait,
même de quitter un secteur donné de l’organisme (cas de c’est le caractère ouvert de ce tampon qui lui confère toute
l’albumine pour le secteur plasmatique, par ex.). Nous son efficacité.
allons maintenant analyser plus en détail les différents sys- Si l’organisme est soumis à un acide fort, la réaction sui-
tèmes tampons de l’organisme. vante est déplacée vers la droite et aboutit à la formation
de CO2 :
Système tampon bicarbonate/ HCO3– + H+ ⇒ H2O + CO2.
acide carbonique [1, 6] Le CO2 produit est éliminé par les poumons, reflétant
ainsi le caractère ouvert de ce tampon. Cette élimination
• Présentation générale du CO2 produit confère l’efficacité au système bicarbo-
nate/acide carbonique. En effet, si le CO2 produit restait
C’est le seul tampon ouvert de l’organisme. Il est essen-
dans le compartiment sanguin, la réaction s’arrêterait dès
tiel à l’homéostasie acido-basique. L’équation d’équilibre
l’équilibre de dissociation atteint. Le maintien de la PaCO2
chimique peut s’écrire de la façon suivante :
à une valeur constante (voire à une valeur plus basse en
H+ + HCO3– ∑ ⇔ H2CO3 ⇔ H2O + CO2.
cas de réponse ventilatoire) permet à la réaction de se
La réaction du CO2 avec l’eau, normalement lente, est poursuivre de la gauche vers la droite et rend le système
considérablement accélérée grâce à une enzyme, l’anhy- très efficace malgré une valeur de pK relativement éloi-
drase carbonique, qui se trouve en grandes quantités dans gnée des zones de pH à réguler (figure 1).
les hématies et dans les cellules tubulaires rénales. L’acide
De même, si l’organisme est soumis à une base forte, la
carbonique (H2CO3) n’existe dans les conditions physiolo-
diminution de la concentration d’ions H+ aboutira à un
giques sous la forme indiquée qu’en concentration extrê-
déplacement de la réaction vers la gauche jusqu’à ce que
mement faible. Seul 0,3 % du CO2 se trouve sous forme de
l’équilibre de dissociation soit de nouveau satisfait.
H2CO3, le reste étant sous forme de CO2 aqueux (ou CO2
HCO3– + H+ ⇐ H2O + CO2.
dissous). Il est donc possible d’ignorer la partie intermé-
diaire de la réaction portant sur l’acide carbonique et de Les bicarbonates en excès pourront être ensuite élimi-
résumer cette réaction aux premier et dernier termes. Par nés par voie rénale, reflétant l’autre aspect du caractère
ailleurs, la loi de Henry permet de connaître la concentra- ouvert du système.
tion de CO2 dissous en fonction de la pression partielle en
CO2 (PCO2) selon l’équation suivante :
[CO2] = 0,03 × PCO2,
Systèmes tampons
où 0,03 est le coefficient de solubilité du CO2 dans le non bicarbonates
plasma à 37 °C. Selon la loi d’action de masse, la réaction Il s’agit de couples tampons incapables de quitter l’or-
d’équilibre peut donc être écrite de la façon suivante : ganisme, ou tout au moins incapables de le faire dans un
[H+] –]
. [HCO3 / 0,03 × PCO2 = Ka but de régulation de l’homéostasie acido-basique. Il s’agit
où Ka = 1/10-6,1. donc de systèmes tampons fermés. Il en existe deux princi-
Sous forme logarithmique, on obtient l’équation paux : le système issu du phosphore (PO43–/HPO42–/H2PO4–/
d’Henderson-Hasselbalch : H3PO4) et celui issu des protéines (protéinate/protéine non
pH = 6,1 + log ([HCO3–] / [0,03 × PCO2]). dissociée).

Cette équation représente donc l’équilibre de dissocia- D’une manière générale, l’équation de dissociation des
tion du couple tampon bicarbonate/CO2 dans le sang. tampons non bicarbonates (TNB) peut s’écrire de la façon
Ainsi, pour une PCO2 et une concentration donnée en suivante :
HCO3–, on obtient une valeur de pH obéissant à cette équa- TNB– + H+ ⇔ TNBH.
tion. Le calcul montre que si la valeur de HCO3– est égale Ce qui peut s’écrire de façon logarithmique :
à 24 mmol/L et la PCO2 à 40 mmHg, on obtient une valeur pH = pKa + log ([TNB–]/[TNBH]).
de pH proche de 7,40.
Le caractère fermé se traduit pour chaque tampon
Les appareils à gazométrie permettent de mesurer le concerné par l’équation :
pH et la PCO2 grâce à des électrodes spécifiques. La valeur [TNB–] + [TNBH] = constante = [TNB tot].
du taux de bicarbonate n’est pas accessible directement à
la mesure mais elle est obtenue par calcul à partir de la
• Protéines
PCO2 et du pH selon l’équation d’Henderson-Hasselbach.
Il est en revanche possible de mesurer le taux de gaz car- Les groupements anioniques des résidus histidine sont
bonique total (CO2T) qui correspond à la somme du CO2 les accepteurs d’ions H+ des protéines. Ce système tampon
dissous, de l’acide carbonique non dissocié (qui est négli- a une forte capacité de tamponnement des protons. Les
geable) et du bicarbonate. La valeur du CO2T est donc nor- modifications de charge induites par les ions H+ peuvent
malement légèrement supérieure à celle du bicarbonate. provoquer des modifications de structure des protéines et

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

+ 5 mmol
Contrôle acide lactique

Figure 1 /
Imaginons un récipient hermétique
contenant 1 litre de sérum physiologique
dont le pH a été ajusté à 7,40 en
ajoutant une faible quantité de soude.
A A. Dans ce premier exemple, la solution
ne contient aucun système tampon
pH 7,40 pH 3,13 et on peut voir que l’ajout de
5 mmol d'acide lactique entraîne
une chute dramatique du pH à 3,13.
B. Dans le deuxième exemple, on ajoute
25 mmol/L de bicarbonate de sodium et
on équilibre la solution à une pression
partielle en CO2 (PCO2) de 40 mmHg
avant de refermer hermétiquement
le récipient. Si l’on rajoute alors 5 mmol/L
d’acide lactique dans ce milieu,
il se produit une production de CO2 issu
de la réaction des H+ avec les HCO3–.
Lorsque le système est hermétique
et que le CO2 ne peut quitter
B le récipient, on dit que le système est
pH 7,40 pH 6,61 fermé, ce qui signifie que la quantité
PCO2 40 mmHg PCO2 205 mmHg totale du couple tampon (CO2 et HCO3–
HCO3– 24 mmol/L HCO3– 19,8 mmol/L dans ce cas) reste constante. Il se produit
donc une transformation du HCO3–
en CO2 qui s'arrête lorsque la réaction
a atteint son niveau d'équilibre.
C. Dans le troisième exemple, on rend
le système ouvert en gazant de façon
continue la solution avec du CO2 à 5 %.
Cet apport continu de gaz frais permet
CO2 CO2
5% au CO2 produit de quitter le système
5% tout en maintenant la PCO2 du milieu
constante à 40 mmHg. Dans ce cas,
la réaction peut se poursuivre
au-delà de l'équilibre en milieu fermé,
C pH 7,40 pH 7,32 ce qui permet de rendre le
tamponnement plus efficace (il est
PCO2 40 mmHg PCO2 40 mmHg cependant à noter que ce surcroît
HCO3– 24 mmol/L HCO3– 19,8 mmol/L d'efficacité se fait au prix d'une perte
d'une partie du système tampon
puisqu'une partie des HCO3– a quitté le
système sous forme de CO2).

par conséquent de fonction, telles qu’une activité enzyma- le compartiment intracellulaire et il participe ainsi à la neu-
tique par exemple. L’albumine représente le principal tam- tralisation de la charge acide cytosolique.
pon non bicarbonate extracellulaire. Son pK varie en
fonction du pH mais on peut considérer qu’elle a globale- • Tampons osseux intracellulaires
ment un pK proche de 7,6, expliquant ainsi l’efficacité de
Ils interviennent sur la régulation du pH sanguin, mais
ce système tampon [8].
de façon lente car ce sont des molécules difficilement
L’hémoglobine exerce un pouvoir tampon efficace échangeables. Ils sont représentés essentiellement par les
intra-érythrocytaire. Le pK de l’hémoglobine réduite est phosphates et les carbonates de calcium. Ce système peut
plus alcalin que celui de l’oxyhémoglobine. Cette diffé- neutraliser jusqu’à 35 moles de protons. Le métabolisme
rence de pK permet l’effet Haldane et participe largement phosphocalcique est donc lié indirectement à l’homéosta-
au transport sanguin du CO2 (cf. infra la partie sur l’inter- sie acido-basique.
action entre tampons).
Contribution de chaque tampon
• Phosphates
au sein de l’organisme
L’acide phosphorique ayant 3 atomes d’hydrogène, il
existe trois formes ioniques des ions phosphates, chaque Elle est résumée sur le tableau 1. Le pouvoir tampon du
couple ayant un pK différent : système ouvert HCO3–/CO2 pour une PCO2 fixée par la ven-
PO43– + H+ ⇔ HPO42– pK1 = 2,15
tilation alvéolaire est directement fonction de la concen-
tration de bicarbonates et est égal à 2,3 fois la
HPO42– + H+ ⇔ H2PO4– pK2 = 6,82
concentration plasmatique de bicarbonates (le pouvoir
H2PO4– + H+ ⇔ H3PO4 pK3 = 12,35.
tampon s’exprime en mmol/UpH et correspond à la quan-
Seul, le couple H2PO4–/HPO42– a un pK proche du pH tité millimolaire d’acide fort ou de base forte qu’il faut
sanguin et joue donc un rôle dans l’équilibre acido-basique ajouter pour faire varier le pH de la solution tamponnée
de l’organisme. Ce tampon est essentiellement situé dans de une unité). Le pouvoir tampon de ce système ouvert est

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Équilibre acide-base 32

Tableau 1 / Principaux tampons sanguins et leurs participations respectives dans les secteurs plasmatiques,
globulaires et dans le sang total

Tampons pK % plasma % globules % sang total


HCO3 –/CO 6,1 70 19 43
2

HbH/Hb– 7,8
HbO2H/HbO2– 6,6 68 36
Protéines/protéinates Variable 26 12
H2PO4–/HPO42– 6,8 4 13 9

dit extrinsèque. Le système tampon bicarbonate/CO2 est → H+ + HCO3–), aboutissant à une augmentation de la
distribué en majorité dans le milieu extracellulaire alors concentration de HCO3– (cette fois de l’ordre du millimo-
que les concentrations d’ions HCO3– sont plus faibles dans laire) ;
le milieu intracellulaire. Cependant, son rôle y reste impor- • cette nouvelle libération d’ions H+ déplace encore l’équa-
tant car le pH intracellulaire est plus bas (proche de 7 en tion des tampons non bicarbonates, etc. jusqu’à ce que
moyenne), et donc plus proche du pK du système bicarbo- l’équilibre satisfaisant le respect à la fois de l’équation
nate. Le CO2 diffuse rapidement et librement à l’intérieur d’Henderson-Hasselbach et de l’équation de dissociation
des cellules. Les systèmes de transports transmembranaires des tampons non bicarbonates soit atteint.
de bicarbonate permettent un échange avec le milieu
In fine, tout se passe comme si les TNB– transformés en
extracellulaire. Par conséquent, il existe une relation
TNBH étaient remplacés par des ions HCO3–. Ainsi, l’aug-
étroite entre les systèmes bicarbonates extra- et intra-
mentation immédiate de la concentration plasmatique de
cellulaires.
bicarbonates suivant une élévation brutale de la PaCO2 tra-
Les tampons non bicarbonates ont un rôle plus impor- duit l’interaction entre le système tampon bicarbonate/
tant dans le milieu intra- qu’extracellulaire. Le pouvoir CO2 et les tampons non bicarbonates. En l’absence de tam-
tampon conféré par les tampons fermés reflète le pouvoir pons non bicarbonates, l’élévation de bicarbonate résul-
tampon intrinsèque d’un système. L’albumine représente tant d’une élévation de la PaCO2 serait négligeable. En
le principal système tampon fermé plasmatique. Le couple présence de tampons non bicarbonates, l’élévation de
H2PO4–/HPO42– joue un rôle modeste dans le secteur extra- bicarbonate est proportionnelle à leur concentration. Il
cellulaire, mais son rôle est plus important dans le milieu convient bien entendu de distinguer cette augmentation
intracellulaire. de bicarbonate liée à l’interaction des tampons de celle
observée dans l’organisme en cas d’acidose respiratoire
Interactions entre tampons chronique. L’élévation observée des bicarbonates corres-
pond en fait à la somme des deux phénomènes.
La présence simultanée dans le sang de différents sys-
tèmes tampons, dont le système ouvert bicarbonate/CO2, • 2e exemple : production de CO2 induite
confère une extrême complexité au système. En effet, à par une charge en bicarbonate de sodium
l’équilibre, chaque système tampon doit obéir à sa
constante de dissociation et doit donc respecter l’équa- Une injection intraveineuse de bicarbonate de sodium
tion 1 précédemment définie, soit : induit une élévation immédiate de la production de CO2
pH = 6,10 + log([HCO3]/0,03 × PCO2) parce qu’il existe des tampons non bicarbonates dans le
= 6,8 + log([HPO42–]/[H2PO4–]) sang. Cette augmentation de la production de CO2 est cor-
= 7,6 + log([albuminate]/[albumine non dissociée]) rélée à la concentration des tampons non bicarbonates
= ……….. sanguins [9]. Il se produit en effet, là aussi, une série de
réactions en chaîne que l’on peut résumer ainsi :
Ceci aboutit à des interactions étroites entre les diffé- • tamponnement des ions H+ (HCO3– + H+ → CO2 + H2O).
rents systèmes tampons. Pour illustrer ce propos, important Cette réaction initiale aboutit à une production de CO2
pour la suite de l’exposé, nous allons présenter quelques qui est négligeable ;
exemples d’interactions entre ces systèmes. • déplacement de l’équation d’équilibre des tampons non
bicarbonates permettant de minimiser l’élévation induite
• 1er exemple : hypercapnie aiguë de pH (TNBH → TNB– + H+) ;
• cette augmentation de la concentration des ions H+
Une élévation brutale de la PaCO2 induira une éléva-
« pousse » encore sur la droite la première réaction
tion immédiate de la concentration de bicarbonate seule-
(HCO3– + H+ → CO2 + H2O) aboutissant à une importante
ment s’il existe des tampons non bicarbonates dans le
production de CO2. Tout se passe comme si l’augmenta-
milieu et ce, de façon proportionnelle à leur concentration.
tion de concentration des TNB– était égale à la transfor-
Il se produit en effet une série de réactions en chaîne (qui
mation des HCO3– en CO2 ;
sont en réalité immédiates et quasi simultanées) que l’on
• cette nouvelle diminution d’ions H+ déplace encore
peut résumer ainsi :
l’équation des tampons non bicarbonates, etc. jusqu’à
• production d’ions H+ par l’hydratation du CO2 (CO2 + H2O
l’équilibre satisfaisant le respect à la fois de l’équation
→ H+ + HCO3–). L’augmentation de HCO3– qui en résulte
d’Henderson-Hasselbalch et de l’équation de dissociation
initialement est minime (quelques micromoles/L) ;
des tampons non bicarbonates.
• déplacement de l’équation d’équilibre des tampons non
bicarbonates en vue du tamponnement des ions H+ pro- Ainsi, l’augmentation immédiate de la production de
duits (TNB– + H+ → TNBH) ; CO2 suivant une charge en bicarbonate traduit l’interac-
• cette diminution de la concentration des ions H+ due au tion entre le système tampon bicarbonate/CO2 et les tam-
tamponnement des tampons non bicarbonates déplace pons non bicarbonates. En l’absence de tampons non
de nouveau sur la droite la première réaction (CO2 + H2O bicarbonates, la production induite de CO2 par une charge

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

en bicarbonate est négligeable. On peut même montrer in rôle primordial malgré son pK de 6,10. Parmi les sys-
vitro, qu’en l’absence totale de tampons non bicarbonates, tèmes non bicarbonates, l’albumine est le tampon
une charge en bicarbonate s’accompagne paradoxalement principal au niveau plasmatique, tandis que l’hémo-
d’une diminution de la PCO2, car la baisse de la concentra- globine joue un rôle important au sein du globule
tion d’ions H+ résultante est proportionnellement supé- rouge. La coexistence de différents systèmes tam-
rieure à l’augmentation de la concentration de pons au sein du seul secteur sanguin implique des
bicarbonate. Au contraire, en présence de tampons non interactions entre le système bicarbonate et les sys-
bicarbonates, la libération de CO2 issue d’une charge en tèmes fermés générant des variations de la concen-
bicarbonate est importante et proportionnelle à leur tration de bicarbonate liées à des modifications de
concentration. l’état de dissociation des tampons non bicarbo-
nates.
• 3e exemple : transport sanguin du CO2 :
l’effet Haldane (figure 2)
Le pK de l’hémoglobine réduite est de 7,8, et celui de Les systèmes de transport
l’oxyhémoglobine de 6,6. Ainsi, lorsque l’hémoglobine
passe d’un état oxygéné à un état réduit au niveau des tis-
ionique : régulation du pH
sus, son pK croît brutalement, ce qui augmente considéra- intracellulaire [10]
blement son affinité pour les protons et permet le
transport du CO2 produit sous forme de bicarbonate. Au Plusieurs protéines de surface assurent le transfert
contraire, lorsque l’hémoglobine s’oxygène au niveau pul- transmembranaire de proton ou de HCO3–. Ces systèmes
monaire, son pK s’abaisse, induisant une libération de pro- sont communs à de nombreuses cellules et sont impliqués
tons qui vont réagir avec le bicarbonate pour former du dans la régulation du pHi.
CO2 qui est éliminé au niveau pulmonaire.
Parmi les différents systèmes tampons de l’orga- Échangeur Na+/H+
nisme, on distingue le système bicarbonate/acide Il s’agit d’un système très efficace qui utilise comme
carbonique qui est un système ouvert, des tampons énergie de transfert le gradient de Na+ entre le milieu
non bicarbonates qui sont tous des systèmes fer- extra- et intracellulaire pour expulser un ion H+. Son
més. Le caractère ouvert sur l’extérieur via les pou- activation entraîne donc une alcalinisation du milieu intra-
mons pour le CO2 et les reins pour le bicarbonate
cellulaire et une entrée de Na+, cette dernière s’accompa-
donne au système bicarbonate-acide carbonique un
gnant d’une entrée d’eau obligatoire et donc d’un
gonflement cellulaire. L’échangeur Na+/H+ est inhibé sélec-
tivement par l’amiloride. Son activation peut résulter d’une
baisse du pHi, mais aussi d’un choc hypertonique ou de
l’action de certaines hormones anabolisantes telles que
l’insuline, le cortisol ou l’hormone de croissance. La sensi-
bilité de l’échangeur à une baisse du pHi est variable d’un
type cellulaire à l’autre.

Transport de bicarbonate
Ces systèmes sont inhibés par les stilbènes. Ils sont acti-
vés par des variations du pHi mais aussi par certaines hor-
mones. Il s’agit de l’échangeur Cl–/HCO3– dont l’activation
acidifie le milieu intracellulaire (sortie d’un HCO3– contre
l’entrée d’un ion Cl–), de l’échangeur Cl–/HCO3– Na+-dépen-
dant dont l’activation alcalinise le milieu intracellulaire
(entrée de HCO3– contre la sortie d’un ion Cl–) et enfin du
co-transport électrogénique Na+-HCO3– dont l’activation
fait entrer du HCO3– et du Na+.

Rôle de la ventilation
La ventilation alvéolaire joue un rôle capital dans la
régulation acido-basique à court et moyen termes. Elle per-
met en effet de réguler l’élimination du CO2 qui repré-
sente la partie acide du seul tampon ouvert de
l’organisme. Physiologiquement, elle intervient en cas de
variation de la production tissulaire de CO2 et de variation
de la production tissulaire d’acides fixes. En pathologie, il
s’agit du système de réponse immédiatement mis en jeu
Figure 2 / Transport sanguin du dioxyde de carbone (CO2) dans les troubles acido-basiques métaboliques. Ce type de
par l'effet Haldane réponse intervient par l’intermédiaire de chimiorécepteurs
L'augmentation de la pression partielle en oxygène au niveau des centraux et périphériques sensibles aux variations de pH.
capillaires pulmonaires fait brutalement passer l'hémoglobine d'un état
de base faible à celui d'un acide faible. Ceci aboutit à un relargage d'ions
H+ qui est responsable de la transformation de bicarbonate (HCO3–) en Chimiorécepteurs
CO2 qui est éliminé au niveau des alvéoles pulmonaires. L'inverse se
produit au niveau des tissus, ce qui explique que le taux de bicarbonates Les chimiorécepteurs centraux sont situés sur la surface
du sang veineux soit légèrement supérieur à celui du sang artériel. ventrale du bulbe et baignent dans le liquide céphalora-
chidien (LCR). Le LCR est séparé du sang par la barrière

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Équilibre acide-base 32

hémato-encéphalique qui est une barrière peu perméable Chaque bicarbonate filtré au niveau du glomérule,
aux ions H+ et HCO3– mais très perméable au CO2. Le CO2 pourra ainsi être réabsorbé de la lumière tubulaire vers
après diffusion dans le LCR va générer des ions H+ qui vont l’interstitium. Cette réabsorption nécessite la sécrétion
stimuler les chimiorécepteurs. Il est à noter que le LCR d’ions H+ qui permettront la formation de l’H2CO3, puis de
étant très pauvre en protéines, toute variation de la PCO2 CO2 qui diffuse librement à travers la membrane apicale
locale a une répercussion importante sur le pH du LCR des cellules tubulaires proximales.
puisque celui-ci ne contient que très peu de tampons non
Le mécanisme de sécrétion des H+ est relativement
bicarbonates. La PCO2 du sang contrôle donc la ventilation
identique au niveau du tubule proximal et de l’anse de
par son effet sur le pH du LCR.
Henlé : soit par l’antiport Na+/H+ (isoforme NHE3) énergisé
Les chimiorécepteurs périphériques sont situés au par le gradient sodium entrant, soit par la H+-ATPase de la
niveau du glomus carotidien et de la crosse aortique et membrane apicale. Chaque ion H+ va se combiner avec un
sont directement sensibles aux variations de pH sanguin. ion HCO3– pour former l’H2CO3, qui va immédiatement
être transformé en H2O et CO2 grâce à une anhydrase car-
Variation physiologique bonique intratubulaire. Le CO2 produit diffusera librement
dans les cellules tubulaires et pourra, grâce à une anhy-
de la production tissulaire de CO2 drase carbonique intracellulaire, être hydraté en H2CO3 lui-
Le but dans ce cas est de tenter de préserver une PCO2 même dissocié en H+ et HCO3–. Chaque ion H+ excrété dans
constante et donc un pH plasmatique constant. La production la lumière tubulaire génère ainsi un ion HCO3– dans la cel-
primitive de CO2 dépend essentiellement du type de nutri- lule. Ce bicarbonate est alors sécrété dans le sang via des
ment oxydé (glucides, lipides ou protides) et des variations co-transporteurs Na+/3HCO3– (tube contourné proximal et
du métabolisme énergétique cellulaire (effort, fièvre, etc.). partie corticale de l’anse de Henlé) et K+/HCO3– (unique-
ment au niveau médullaire de l’anse de Henlé).
La réponse ventilatoire à la production de CO2 a pu être
appréciée en faisant inhaler des mélanges de CO2 à des
volontaires sains. Il apparaît que toute variation de
Régénération des bicarbonates
1 mmHg de la PaCO2 entraîne une variation dans le même Elle correspond en fait à l’excrétion nette quotidienne
sens de 2,4 L/min de la ventilation alvéolaire [11, 12]. de la charge d’acides fixes (60 à 80 mmol/24 heures). Elle
nécessite la sécrétion d’ions H+ dans la lumière tubulaire et
Ce sont surtout les chimiorécepteurs centraux qui sont
la présence en quantité suffisante d’accepteurs d’ions H+
sollicités à court terme. Cependant, si la situation se pro-
(HPO42– et NH3). Cette partie de l’acidification des urines se
longe au-delà de quelques heures, les plexus choroïdes
déroule essentiellement au niveau du canal collecteur.
peuvent normaliser le pH du LCR et c’est alors la variation
du pH sanguin qui agira directement sur les chimiorécep-
teurs périphériques.

Variations de la production
tissulaire d’acide fixes
et acidoses métaboliques
Le but est cette fois-ci d’adapter l’excrétion de CO2 pour
limiter les variations de pH sanguin. En cas de charge en
acides fixes, la diminution du pH sanguin va entraîner une
augmentation de la ventilation alvéolaire dont le but est
de diminuer la PaCO2 pour limiter la variation de pH. La
réponse est exclusivement due aux chimiorécepteurs péri-
phériques. Cette réponse se met en place rapidement, mais
atteint son maximum en 12 à 24 heures.

Rôle du rein
Le rein joue un rôle important dans la régulation de
l’équilibre acido-basique en agissant sur la concentration
plasmatique de bicarbonate. Il permet, d’une part, de ré-
absorber les bicarbonates plasmatiques filtrés au niveau
du glomérule (4 000 mmol/24 heures) et, d’autre part, de
reconstituer le pool de bicarbonates consommés par l’or- Figure 3 / Mécanisme d’excrétion des ions H+
ganisme pour tamponner les acides fixes non métabolisa- et réabsorption des bicarbonates (HCO3–)
bles (60 à 80 mmol/24 heures). La reconstitution des au niveau du tubule proximale et de l’anse de Henlé
bicarbonates nécessite la sécrétion d’ion H+ dans la lumière AC : anhydrase carbonique.
tubulaire qui s’effectue par deux mécanismes : la forma- * Le cotranspoteur est Na+/3HCO3– au niveau du tubule contourné
proximal et de la partie corticale de l’anse de Henlé
tion de l’acidité titrable et la sécrétion d’ions NH4+.
et K+/HCO3– au niveau de la partie médullaire de l’anse de Henlé.
L’ion H+ excrété par la cellule tubulaire dans la lumière tubulaire
Réabsorption des bicarbonates va fixer l’ion HCO3–, permettant ainsi sa réabsorption après
filtrés au niveau du glomérule transformation en acide carbonique (H2CO3) puis en dioxyde
de carbone (CO2) qui passe librement la membrane
(figure 3) [11, 13] cellulaire apicale de la cellule tubulaire.
Le CO2 intracellulaire redonnera, après hydratation en H2CO3,
Elle s’effectue au niveau du tubule proximal pour une un ion HCO3– qui traversera la membrane basolatérale
grande partie (80 % du bicarbonate filtré), de l’anse de via un cotransporteur, et un ion H+ qui pourra de nouveau
Henlé pour 15 %, et du tubule distal ou du canal collecteur être sécrété dans la lumière pour réabsorber un bicarbonate.
pour 3 à 4 %.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• Sécrétion d’ions H+ qui sécrètent les ions HCO3– et les cellules principales (ces
dans le canal collecteur (figure 4) [6, 11] dernières sécrètent le potassium en réabsorbant le sodium
mais ne sont pas directement impliquées dans l’équilibre
Au niveau de l’épithélium du canal collecteur, il existe acido-basique).
trois sortes de cellules : les cellules intercalaires de type A
Au niveau des cellules intercalaires de type A, la sécré-
qui sécrètent les ions H+, les cellules intercalaires de type B
tion d’ions H+ se fait grâce à une H+-ATPase et à une
H+/K+-ATPase. Au niveau basolatéral, le HCO3– est expulsé
dans le sang en échange d’un ion Cl– (antiport HCO3–/ Cl–).
Les cellules intercalaires de type B représentent une
image en miroir des précédentes. Elles permettent de
sécréter des HCO3– et de réabsorber des ions H+ en cas de
charge alcaline.

• Acidité titrable
L’ion HPO42– est capable de fixer les ions H+ pour per-
mettre leur excrétion sous forme de H2PO4– et représente
l’acidité titrable. Elle correspond normalement à un tiers
de l’excrétion nette d’acide. En cas de charge acide, elle
n’est que peu augmentée car, d’une part, l’acidité titrable
est déjà presque à sa valeur maximale et, d’autre part, l’ex-
crétion de phosphate dépend essentiellement des apports
alimentaires de phosphate.

• Sécrétion d’ammonium
et ammoniogenèse rénale [6, 11, 14, 15]
L’ammoniogenèse rénale est représentée par la forma-
tion d’ammoniac (NH3) à partir de la glutamine grâce à
une enzyme, la glutaminase. Ce NH3 représente un accep-
teur d’ion H+ au niveau du canal collecteur formant ainsi
l’ion ammonium (NH4+) qui représente deux tiers de l’ex-
crétion nette d’acide.
Le NH4+ n’est retrouvé qu’en très faible concentration
Figure 4 / Mécanisme de sécrétion des ions H+ (cellules intercalaires dans l’ultrafiltrat juste après le glomérule. C’est au niveau
de type A) et des ions HCO3– (cellules intercalaires de type B) du tubule proximal que le NH4+ est sécrété dans la lumière
au niveau du tube collecteur tubulaire. Le NH3 formé à partir de la glutamine pourra
Les cellules intercalaires de type A et de type B ont des fonctions
soit diffuser directement dans la lumière et fixer ensuite
exactement inverses vis-à-vis de l’équilibre acide-base.
Les cellules principales ne sont pas représentées sur le schéma. un ion H+, soit fixer un ion H+ dans la cellule pour former
La réabsorption (cellule de type A) ou la sécrétion le NH4+ qui sera alors sécrété dans la lumière via un anti-
(cellule de type B) de HCO3– se fait avec échange d’un ion chlore. port Na+/NH4+.
Lorsque la glutamine se dissocie pour donner du NH3,
elle donne également de l’a-cétoglutarate qui va permet-
tre la formation d’HCO3– qui sera réabsorbé dans le sang
grâce au co-transporteur Na+/3HCO3–. Chaque NH4+ sécrété
permet ainsi la réabsorption d’un bicarbonate.
La glutaminase est présente dans tous les segments du
néphron, mais c’est au niveau tubulaire proximal qu’elle
est en quantité la plus importante. C’est pourquoi la
majeure partie de l’ammoniogenèse rénale se situe à ce
niveau. En revanche, c’est au niveau du tube collecteur
qu’il y a une sécrétion d’H+ et qu’il y a besoin d’accepteurs
de H+. C’est donc par un phénomène complexe de
« concentration-recyclage » à contre-courant se déroulant
au niveau de l’interstitium de l’anse de Henlé que la
concentration de NH3 augmente, puis par diffusion dans
celui du canal collecteur. Ceci permet au NH3 d’être en
quantité suffisante pour diffuser dans la lumière du canal
collecteur et fixer les ions H+ excrétés à ce niveau par les
cellules intercalaires de type A (figure 5).
Le rein ayant la possibilité de nettement augmenter
Figure 5 / Excrétion nette d’acide sous forme d’ammonium au niveau rénal l’ammoniogenèse et l’excrétion de NH4+, c’est donc par ce
L’ion ammonium (NH4+) est sécrété au niveau du tubule proximal après biais qu’il sera capable de réagir à une charge acide
dégradation de la glutamine (permettant ainsi la régénération de HCO3–). (qu’elle soit respiratoire ou métabolique).
Le NH4+ va ensuite, au niveau de l’anse de Henlé, subir un phénomène de
« concentration- recyclage » à contre-courant, permettant l’augmentation
d’ammoniac (NH3) au niveau de l’interstitium. Ce NH3 en concentration Déterminants
importante dans l’interstitium du canal collecteur, pourra ensuite diffuser de l’excrétion nette d’acides
dans la lumière du canal collecteur pour fixer les ions H+ sécrétés
par les cellules intercalaires de type A. De nombreux facteurs sont capables de moduler le rôle
du rein dans l’équilibre acide-base.

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Équilibre acide-base 32

• Variation de l’état acide-base plasmatique d’adénosine triphosphate (ATP) et d’eau. L’élimination du


NH4+ peut se faire de deux façons. La première concerne
Les variations du pH sanguin péritubulaire sont capa- la formation d’urée. La deuxième, qui se fait préférentiel-
bles de stimuler (en cas d’acidose) ou d’inhiber (en cas d’al- lement de l’autre côté de la sinusoïde hépatique, permet
calose) la sécrétion d’H+. Ceci est vrai quelle que soit la la formation de glutamine, qui sera transportée au niveau
cause de variation du pH (variation de PaCO2 ou HCO3–). du rein (figure 6).
Dans tous les cas, la réponse rénale se met en place beau-
coup plus lentement que la réponse ventilatoire (24 à • Synthèse hépatique de l’urée
48 heures).
Elle permet l’élimination de NH4+ avec une consomma-
• Aldostérone tion de HCO3–. Cette formation d’urée se déroule préfé-
Elle permet d’augmenter l’excrétion rénale nette rentiellement au niveau des cellules périportales. L’urée
d’acide par sécrétion de H+ et par augmentation de l’am- ainsi formée sera ensuite éliminée par le rein. La synthèse
moniogenèse rénale secondaire à l’hypokaliémie. de l’urée est donc globalement acidifiante (perte de
HCO3–).
• Pool sodé et volume extracellulaire
• Synthèse hépatique de la glutamine
L’augmentation de Na+ délivrée au niveau du canal col-
lecteur stimule indirectement la sécrétion de H+. Mais il L’a-cétoglutarate et le NH4+ forment la glutamine.
existe également, en cas d’augmentation du pool sodé, Cette réaction fait intervenir la glutamine synthétase qui
une diminution de la sécrétion d’aldostérone. Donc, chez se situe uniquement au niveau des hépatocytes péricen-
un sujet normal, les variations du pool sodé n’intervien- traux (veines sus-hépatiques). La glutamine ainsi formée
nent pas sur l’état acido-basique plasmatique. sera soit transportée au niveau du rein où elle permettra
l’élimination nette d’acides avec régénération de HCO3–,
• Pool potassique soit dégradée de nouveau en NH4+. La synthèse hépatique
de la glutamine est donc une réaction globalement alcali-
D’un côté, une surcharge en K+ stimule la sécrétion d’al-
nisante puisqu’elle favorise l’augmentation de l’excrétion
dostérone et donc de H+, mais d’un autre côté elle diminue
nette d’acide au niveau rénal.
la sécrétion de NH3 dans le canal collecteur. Ceci fait que,
chez un sujet normal (en dehors d’hyper- ou d’hypo-aldo-
stéronisme et de déplétion potassique sévère), les varia-
• Effet de l’acidose
tions du pool potassique n’ont pas d’effet sur l’équilibre En cas d’acidose métabolique ou respiratoire, la syn-
acide-base. thèse de l’urée est inhibée, ce qui favorise la production
hépatique de glutamine. Ceci, d’une part, entraînera une
• Hormone antidiurétique économie de HCO3– et, d’autre part, facilitera l’excrétion
Elle stimule la sécrétion d’ions H+ dans le canal collec- nette d’acide au niveau rénal.
teur. Cependant, l’augmentation de la concentration intra-
tubulaire de NH3 liée au faible débit urinaire conduit à une Métabolisme de l’acide lactique [16]
diminution de la sécrétion de NH3 au niveau du canal col-
lecteur du fait de la diminution du gradient de concentra- L’organisme produit quotidiennement dans les condi-
tion entre l’interstitium et la lumière tubulaire. tions physiologiques environ 1,5 mol d’acide lactique qui
se dissocie en ion H+ et en lactate. Les ions H+ sont tam-
ponnés par les bicarbonates, entraînant une baisse équi-
Rôle du foie molaire de leur concentration, mais le métabolisme du
lactate génère une quantité équivalente de bicarbonates,
Le rôle du foie dans la régulation métabolique de ce qui permet de compenser cette perte nette. Au repos,
l’équilibre acide-base reste actuellement discuté. le métabolisme du lactate s’opère essentiellement au
niveau du foie et du cortex rénal par un mécanisme de
Détoxification de l’ammonium néoglucogenèse consommant de l’énergie, ce qui permet
in fine de restituer le pool de glucose « gaspillé » par les
Classiquement il est admis que c’est par la détoxifica- organes dépourvus de métabolisme aérobie. Il semble que
tion de NH4+ que le foie intervient dans l’équilibre acide- la situation soit différente en cas d’hyperproduction de lac-
base de l’organisme. En effet, le métabolisme des acides tate liée à une dette en oxygène relative telle que celle
aminés aboutit à la production de NH4+, de bicarbonates, observée au cours d’un exercice physique violent. En effet,

Figure 6 / Détoxification hépatique


de l’ammonium (NH4+)
Elle se fait par deux voies : au niveau périportal,
il s’agit de la synthèse de l’urée, qui consomme Hépatocytes périportaux Hépatocytes péricentraux
des bicarbonates (HCO3–) et qui est globalement
acidifiante. Au niveau centro-hépatique (veines
sus-hépatiques), il s’agit de la synthèse de
glutamine. La glutamine transportée au niveau
du rein augmentera l’excrétion nette d’acide. Veine Veines
Ce dernier mécanisme est donc globalement porte NH4+ + HCO3– Urée NH4+ Glutamine sus-hépatiques
alcalinisant. Le flux sanguin allant du tronc porte
vers les veines sus-hépatiques, on peut remarquer
que le NH4+ non incorporé dans l’urée au niveau
des hépatocytes périportaux sera transformé en Flux sanguin
glutamine au niveau des hépatocytes péricentraux.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

l’organisme ne peut, dans ces conditions, « se payer le matique de bicarbonates (soit 24,5 mmol/L) et de PaCO2
luxe » de gaspiller de l’énergie à fabriquer du glucose à (soit 40 mmHg) ne le sont que dans les conditions où il
partir du lactate, et d’autres organes, tels que les muscles n’existe aucun trouble de l’équilibre acide-base. Ces valeurs
fonctionnant encore en aérobiose (c’est-à-dire ceux les ne sont plus normales s’il existe un trouble acido-basique.
moins sollicités par l’exercice), utilisent alors directement En effet, en cas de trouble primitivement métabolique, la
le lactate produit comme source énergétique. Au cours de réponse ventilatoire normale doit entraîner une modifica-
ce processus d’oxydation complète du lactate, il se produit tion de la PaCO2 alors qu’en cas de trouble primitivement
là aussi une production équimolaire de bicarbonates per- respiratoire, la réponse rénale (et accessoirement hépa-
mettant de limiter les conséquences de l’excès de produc- tique) doit se traduire par une modification du taux de
tion d’acide lactique. bicarbonates. Cette dernière n’apparaît cependant que de
façon retardée et c’est pour cela qu’il convient de distin-
guer les troubles respiratoires aigus (où la réponse rénale
En cas de variation du pH sanguin, il se produit une
n’a pas eu le temps d’opérer) des troubles chroniques. Il
réponse ventilatoire rapide permettant de moduler
est possible de connaître les valeurs normales de PaCO2
la PaCO2 et ainsi de minimiser les conséquences
selon le taux de bicarbonates, c’est-à-dire la réponse ven-
acido-basiques. Cette réponse ventilatoire est sous
tilatoire prévisible en cas de trouble primitivement méta-
la dépendance de chimiorécepteurs centraux et
bolique. Inversement, il est possible de connaître les
périphériques. Le rein joue aussi un rôle primordial,
valeurs normales de bicarbonate selon la PaCO2, c’est-à-
d’une part, en réabsorbant les bicarbonates filtrés
dire la réponse rénale prévisible en cas de trouble respira-
au sein des glomérules, d’autre part, en ayant la
capacité de former du bicarbonate et, enfin, en éli- toire (en distinguant le trouble aigu du trouble chronique).
minant la charge acide minérale sous forme de NH4+ L’estimation de ces valeurs prévisibles de PaCO2 ou de
ou d’acidité titrable. En cas de trouble acide-base, bicarbonate s’obtient à partir de calculs simples faisant
la réponse rénale nécessite plusieurs heures avant référence aux équations des droites de régression linéaire
qu’elle ne soit effective. Enfin, le foie joue égale- évaluées antérieurement sur des sujets atteints de troubles
ment un rôle de régulation important en modulant isolés (tableau 2). En cas de trouble primitivement méta-
l’ammoniogenèse et l’uréogenèse du catabolisme bolique, la confrontation de la valeur de PaCO2 observée
protidique, mais aussi car il est le principal siège du à celle attendue permet de savoir si le trouble est pure-
métabolisme de l’acide lactique qui est physiologi- ment métabolique (la PaCO2 observée est égale à celle
quement généré de façon importante chaque jour. attendue à 2 mmHg près) ou s’il existe au contraire un
trouble ventilatoire associé (acidose respiratoire associée
si la PaCO2 observée est supérieure à celle attendue, alca-
lose ventilatoire si c’est le contraire). En cas de trouble pri-
Moyens d’interprétation mitivement respiratoire (en distinguant trouble aigu de

de l’équilibre acido-basique
chronique), la confrontation de la valeur de bicarbonate
observée à celle attendue permet de savoir si le trouble est

sanguin purement respiratoire (la concentration de bicarbonate


observée est égale à celle attendue) ou s’il existe au
contraire un trouble métabolique associé (acidose méta-
Approche traditionnelle [1, 6, 7] bolique associée si le taux de bicarbonates observé est infé-
rieur à celui attendu, alcalose métabolique si c’est le
contraire).
Analyse à partir du taux
de bicarbonates et de la PaCO2 On parle généralement de « trouble pur » s’il s’agit
d’un trouble isolé (par ex., acidose métabolique pure en
Un abaissement du pH sanguin peut être la consé- cas de pH bas associé à un taux de bicarbonates bas et une
quence d’une perte de bicarbonates (acidose métabolique) PaCO2 basse, mais égale à la valeur prévisible). Il est impor-
ou dû à une augmentation anormale de la PaCO2 (acidose tant de se rappeler qu’en cas de trouble pur, la réponse
respiratoire). Au contraire, une élévation du pH sanguin ventilatoire à un trouble métabolique ou la réponse rénale
peut être due à la présence de bicarbonates en excès (alca- à un trouble respiratoire ne permet jamais de corriger
lose métabolique) ou être secondaire à une hypocapnie complètement la valeur du pH. Dans le cas contraire, il
(alcalose respiratoire). Ainsi, la confrontation du pH san- s’agit d’une compensation excessive, auquel cas on a
guin au taux de bicarbonate et à la PaCO2 permet de savoir affaire à un trouble complexe (cf. infra). On parle de «
s’il s’agit d’un trouble métabolique (la variation du taux trouble mixte » en cas d’association de deux troubles allant
de bicarbonates est responsable du déséquilibre observé) dans le même sens (par ex., alcalose mixte en cas de pH
ou d’un trouble respiratoire (la variation de la PaCO2 est élevé associé à un taux de bicarbonates élevé et à une
responsable du déséquilibre observé). Par exemple, si le pH PaCO2 inférieure à la valeur prévisible) et de « trouble com-
est inférieur à 7,35, la constatation d’une PaCO2 supérieure plexe » en cas de l’association de deux troubles allant dans
à la normale traduit l’existence d’une acidose respiratoire un sens opposé (par ex., pH normal associé à un taux de
tandis que si c’est le bicarbonate qui est anormalement bicarbonates et une PaCO2 abaissés). Le tableau 3 envisage
abaissé, il s’agit d’une acidose métabolique. L’importance tous les cas de figure possibles et les diagnostics évoqués
de la variation du taux de bicarbonates par rapport à la selon le résultat.
normale, appelée « DHCO3– » reflète l’importance du trou-
ble métabolique (DHCO3– = HCO3– observé – 24,5). En l’ab-
sence de trouble acido-basique, DHCO3– est nulle ; elle est Intérêt
négative en cas d’acidose métabolique et positive en cas du trou anionique plasmatique [17]
d’alcalose métabolique.
Le plasma est un liquide électriquement neutre, ce qui
Il est cependant important de comprendre que la valeur signifie qu’il contient autant de charges positives que
normale du taux de bicarbonates ou de la PaCO2 dépend négatives. Ceci peut s’écrire simplement :
des conditions acido-basiques. En effet, les valeurs de nor- S[cations] = S[anions]
malité habituellement retenues pour la concentration plas- où les concentrations sont exprimées en mEq/L.

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Équilibre acide-base 32

Tableau 2 / Formules permettant d'obtenir la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2)
prévisible en cas de trouble métabolique pur et le taux de bicarbonate (HCO3–) en cas de trouble ventilatoire pur

Trouble respiratoire
Trouble métabolique
Aigu Chronique
PaCO2p = [HCO3–] = [HCO3–] =
Acidose 1,5 × [HCO3–] + 8 24 + (PaCO2 – 40) × 0,1 24 + (PaCO2 – 40) × 0,1

Alcalose
PaCO2p = [HCO3–] = [HCO3–-] =
0,9 × [HCO3–] + 15 24 + (40 – PaCO2) × 0,2 24 + (PaCO2 – 40) × 0,1

En cas de trouble ventilatoire aigu, la légère augmentation de HCO3– correspond à l'interaction avec les tampons non bicarbonates
(elle est ici fournie pour des taux d'hémoglobine et d'albumine normaux)

Tableau 3 / Diagnostic d'un déséquilibre acido-basique en fonction du pH, du taux de bicarbonate (HCO3–)
et de la pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel (PaCO2)

HCO3– PaCO2
pH Diagnostic possible*
(mmol/L) (mmHg)
< 38 Acidose métabolique/acidose mixte/acidose métabolique + alcalose respiratoire
< 24 38-42 Acidose mixte
> 42 Acidose mixte
< 38 Impossible
24-26 38-42 Impossible
> 42 Acidose respiratoire A/acidose respiratoire C + acidose métabolique
< 7,38
< 38 Impossible
> 26 38-42 Impossible
> 42 Acidose respiratoire/acidose mixte/acidose respiratoire + alcalose métabolique
< 38 Acidose métabolique + alcalose respiratoire
< 24 38-42 Impossible
> 42 Impossible
< 38 Impossible
24-26 38-42 Absence de déséquilibre acido-basique
> 42 Impossible
< 38 Impossible
7,38-7,42 > 26 38-42 Impossible
> 42 Alcalose métabolique + acidose respiratoire
< 38 Alcalose respiratoire C/alcalose respiratoire A + acidose métabolique
< 24 38-42 Impossible
> 42 Impossible
< 38 Alcalose respiratoire A/alcalose respiratoire A + alcalose métabolique
24 – 26 38-42 Impossible
> 42 Impossible
> 7,42
< 38 Alcalose mixte
> 26 38-42 Alcalosemixte
> 42 Alcalose métabolique/alcalose mixte/alcalose métabolique + acidose respiratoire
Dans un but didactique, tous les cas de figure ont été envisagés, même ceux qui sont impossibles, car ne répondant pas à l'équation d'Henderson-
Hasselbalch
* Le contexte clinique permet de savoir si le trouble est aigu ou chronique. La confrontation de la PaCO2 ou du bicarbonate observés à ceux prévisi-
bles, obtenus à partir du tableau précédent, permet de différencier chaque diagnostic possible au sein d'une même ligne

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Si l’on tient compte des principaux cations et anions posée pour corriger le TA selon la valeur de la concentra-
plasmatiques, on peut écrire : tion en albumine est généralement la suivante : TAcor =
[Na+] + [K+] + [Ca2+] + [Mg2+] = [Cl–] + [HCO3–] TA + 0,25 × (40 – [albumine]). Par exemple, en cas d’hypo-
+ [protéinates–] + [phosphates–] + [AF–] albuminémie égale à 20 g/L, il convient de rajouter
où AF– sont les sels d’acide fort, et les protéinates sont 5 mEq/L à la valeur du TA calculé pour connaître quelle
essentiellement la forme dissociée de l’albumine. On peut serait la valeur du TA si le taux d’albumine était normal.
écrire cette équation sous une autre forme :
[Na+] – ([Cl–] + [HCO3–]) = [protéinates–] + [AF–] La comparaison de DHCO3– à DTA (DTA = TA – 12) per-
+ [phosphates–] – ([K+] + [Ca2+] + [Mg2+]). met d’apprécier la part organique d’une acidose métabo-
lique. En effet, imaginons par exemple une acidose
On appelle le premier terme de cette égalité le trou métabolique due à la présence de 10 mmol/L d’acide lac-
anionique (TA). Son calcul est donc simple puisqu’on l’ob- tique en excès. Ce dernier se dissocie en 10 mmol/L d’ions
tient en soustrayant la somme de la concentration du Cl– H+ et 10 mmol/L de lactate. Les ions H+ sont tamponnés
et du HCO3– à celle du Na+. Sa valeur normale est positive par les HCO3– et entraînent donc une diminution équimo-
et est égale à 12 mEq/L (on notera que l’unité du TA est laire de leur concentration (DHCO3– = -10 mmol/L). Quant
le mEq/L puisque cette grandeur exprime une différence au lactate, il s’accumule dans le sang circulant et entraîne
de charge ionique). Le TA reflète donc la quantité d’anions une augmentation égale à sa concentration du TA (DTA =
autres que le chlorure et le bicarbonate présents dans le 10 mEq/L). Dans ce cas, l’égalité en valeur absolue entre
plasma (ceci est vrai à la concentration près des cations DTA et DHCO3– montre que l’origine de l’acidose métabo-
autres que le Na+), d’où son autre appellation : « indosés lique est purement organique. Imaginons maintenant
anioniques ». Dans les conditions normales, sa valeur qu’une situation conduise à une accumulation de
dépend pour les deux tiers de l’albuminate, puisque les sels 10 mmol/L de HCl (une acidose tubulaire par ex.). Le HCl se
d’acide fort et les phosphates sont normalement présents dissocie en 10 mmol/L d’ions H+ et 10 mmol/L de Cl–.
en faible quantité (figure 7). Une augmentation du TA DHCO3– est donc encore égale à -10 mmol/L, mais le TA ne
reflétera donc la présence en excès soit d’acides forts se modifie pas (DTA = 0). Il s’agit donc d’une acidose pure-
autres que l’HCl, soit de phosphates, soit d’une hyperalbu- ment minérale (puisque liée à la rétention de Cl– qui est
minémie (cette dernière cause est cependant exception- un anion minéral, non métabolisable). Imaginons enfin
nelle). L’intérêt du TA réside dans le diagnostic étiologique une situation un peu plus complexe, où l’origine d’une aci-
d’une acidose métabolique. On distinguera en effet les aci- dose métabolique serait liée, d’une part, à un excès de
doses métaboliques minérales, à TA normal, des acidoses 5 mmol/L d’acide lactique et, d’autre part, à un excès de
métaboliques organiques, à TA élevé. Les premières sont 5 mmol/L d’HCl. Dans ce cas, DHCO3– sera toujours de
dues à un excès d’acide chlorhydrique tandis que les –10 mmol/L (5 mmoles d’ions H+ viennent de l’HCl et
secondes sont dues à un excès d’un autre acide fort (le plus 5 autres mmoles viennent de l’acide lactique) mais DTA ne
souvent un acide organique) ou d’acide phosphorique. sera que de 5 mEq/L (correspondant à l’accumulation de
Certains auteurs proposent de corriger le TA en fonc- 5 mmol/L de lactate). On peut donc, à partir de la compa-
tion de la concentration plasmatique en albumine de raison de DHCO3– et de DTA, décortiquer l’origine d’une
façon à s’affranchir des variations du TA liées à des modi- acidose métabolique.
fications de l’albuminémie [18, 19]. En effet, en cas Cette distinction entre acidose métabolique minérale
d’hypo-albuminémie, le TA est abaissé, et la constatation et organique n’a pas qu’un intérêt didactique. En effet,
d’un TA à 12 mEq/L, d’apparence normale, traduit en fait lorsque l’origine de l’acidose est minérale, la perte de tam-
la présence d’indosés anioniques. La formule qui est pro- pons bicarbonates est réelle et l’apport exogène de bicar-
bonate de sodium est licite pour les remplacer. En
revanche, lorsque l’acidose est due à une accumulation
d’acides organiques, le traitement du trouble à l’origine
Cations Anions de l’acidose permet à lui seul de corriger rapidement le
déséquilibre acide-base car le métabolisme des sels de
l’acide organique en excès conduit à une libération équi-
molaire de bicarbonates. Par exemple, en cas d’acidocétose
liée à un déficit en insuline, la relance du métabolisme des
corps cétoniques (par l’apport d’insuline essentiellement)
permet à elle seule de corriger le trouble. Il n’est donc pas
licite dans ce cas précis d’apporter du bicarbonate de
sodium au patient.

Na+ Cl– L’analyse du taux de bicarbonate plasmatique et de


la PaCO2 permet une approche le plus souvent suf-
fisante de l’équilibre acide-base sanguin. En cas de
trouble d’origine métabolique, il se produit une
modification de la concentration de bicarbonates,
dont l’importance reflète le degré du trouble méta-
bolique. On définit ainsi DHCO3– qui représente la
HCO3–3- variation du taux de bicarbonates par rapport à la
SID

normale. Le trou anionique plasmatique, égal à la


TA Album– -
différence entre la natrémie et la somme de la chlo-
Phosph– rémie et du taux de HCO3–, permet d’apprécier la
K+ Ca2+ Mg2+
AF– présence dans le sang d’anions en excès autres que
les chlorures. En cas d’acidose métabolique, la
Figure 7 / Diagramme de Gamble représentant l'égalité
entre la colonne des cations et celle des anions confrontation de DHCO3– au trou anionique plasma-
Le TA représente le trou anionique. tique permet de différencier l’acidose organique à
Le SID représente le “strong ion difference”. trou anionique élevé, de l’acidose minérale, à trou
anionique normal. Par ailleurs, la confrontation de

340
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page341

Équilibre acide-base 32

la PaCO2 observée à celle prévisible si le trouble était Nous avons vu dans la section précédente que la
purement métabolique permet de savoir s’il s’agit DHCO3– égale la DTA en cas d’acidose métabolique orga-
d’un trouble métabolique isolé ou associé à un dés- nique pure. À la lumière de ce que l’on vient de voir, ceci
ordre respiratoire. En cas de déséquilibre d’origine peut paraître étrange puisque la partie des acides orga-
respiratoire, on distingue le trouble aigu, au cours niques qui est prise en charge par les tampons non bicar-
duquel la réponse rénale n’a pas eu le temps d’opé- bonates n’entraîne pas de modification de la DHCO3–. On
rer, du trouble chronique. Au cours de ce dernier, la pourrait donc licitement penser que DHCO3– est inférieure
réponse rénale, qui est prévisible si le trouble est à DTA. En fait, il n’en est rien car la charge anionique des
purement ventilatoire, est caractérisée par une tampons non bicarbonates rentre dans la constitution du
modification du taux de bicarbonates sanguins. TA. De ce fait, la DTA sous-estime elle aussi la charge acide
organique puisque la baisse du pH qui en résulte diminue
la charge anionique des tampons non bicarbonates. De ce
Analyse à partir du base excess fait, la DHCO3– reste bien égale à DTA.
[20, 21] Le principal tampon non bicarbonate sanguin étant
L’excès de base (BE pour base excess) représente la l’hémoglobine, il est possible de calculer le BE à partir de
quantité de base forte ou d’acide fort qu’il est nécessaire l’équation de Van Slyke qui tient compte du taux de HCO3–,
d’ajouter à un échantillon de sang artériel maintenu à une du pH et de la concentration en hémoglobine, calcul que
PCO2 de 40 mmHg pour le ramener à un pH égal à 7,40. En fournissent tous les appareils à gazométrie. Cependant,
cas d’absence d’acide fort ou de base forte en excès dans l’approche des déséquilibres acido-basiques par le BE peut
le sang, le BE est nul. L’avantage théorique du BE par rap- être critiquée sur plusieurs points. Tout d’abord, il est dif-
port au taux de bicarbonate sanguin est qu’il permet de ficile d’extrapoler la valeur du BE retrouvée in vitro sur un
corriger la DHCO3– liée aux interactions avec les tampons échantillon de sang artériel au véritable BE sanguin in vivo.
non bicarbonates en cas de trouble respiratoire. Il permet En effet, la diffusion du CO2 in vivo intéresse le secteur
par ailleurs d’apprécier plus exactement la véritable sur- plasmatique, mais aussi le secteur interstitiel qui est
charge acide ou basique que ne le fait DHCO3– en cas de dépourvu de protéines et donc très pauvre en tampons
trouble métabolique puisqu’une partie des protons est non bicarbonates. De ce fait, le BE est surestimé in vitro
prise en charge par les tampons non bicarbonates. Si la puisque la quantité de tampons non bicarbonates présents
PCO2 est égale à 40 mmHg, la différence entre le BE et dans l’espace de diffusion du CO2 est artificiellement plus
élevée in vitro qu’in vivo. Une façon de contourner ce pro-
DHCO3– correspond donc à la quantité d’acide ou de base
blème est de prendre comme valeur d’hémoglobine le tiers
forte prise en charge par les tampons non bicarbonates
de sa concentration véritable dans l’équation de Van Slyke.
(qui est égale à la modification de la charge des tampons
La valeur obtenue corrigée s’appelle le BE standard. Un
non bicarbonates induite par DpH). Ainsi, on peut écrire
autre problème lié à l’utilisation du BE est qu’elle ne per-
que :
met pas une approche détaillée des déséquilibres acido-
DHCO3– = BE + DHCO3–TNB
basiques. Par exemple, en cas d’acidose respiratoire
où DHCO3–TNB représente la variation du taux de bicarbo-
associée à un BE positif, il est difficile de distinguer une aci-
nate liée à l’interaction du couple bicarbonate/acide
dose respiratoire chronique pure d’un trouble mixte ou
carbonique avec les tampons non bicarbonates. Le dia-
complexe. La seule possibilité serait de comparer le BE
gramme de Davenport représente ce phénomène
observé à celui attendu en cas d’acidose respiratoire chro-
(figure 8). Par exemple, en cas d’acidose respiratoire aiguë
nique isolée, ce qui finalement rend l’approche par le BE
pure, DHCO3– augmente mais le BE reste nul, traduisant
moins informative que l’approche par la simple DHCO3–.
une augmentation isolée de DHCO3–TNB. En cas d’acidose
respiratoire chronique, l’élévation de la DHCO3– traduit
une augmentation couplée de DHCO3–TNB et du BE, cette Le BE représente la quantité de base forte ou
dernière traduisant la réponse rénale au trouble respira- d’acide fort qu’il est nécessaire d’ajouter à un
toire chronique. échantillon de sang artériel maintenu à une PCO2

50
0 m Hg

Hg
0m g

70 mHg

Hg
mm g

Hg
80 Hg

Hg
10 mH
90 mH

mm
11 mm

mm

mm
mm

45
m
0

60

50

40
12

40
Figure 8 / Diagramme de Davenport
Les lignes courbes représentent la relation 35 Hg
m
m
HCO3– (mmol/L)

entre pH et bicarbonate (HCO3–) dans le


plasma selon l'équation d'Henderson- 30 30
Hasselbalch pour des pressions partielles
en dioxyde de carbone dans le sang 25
artériel (PaCO2) s'échelonnant de 10 à m Hg
120 mmHg. La ligne droite oblique 20 BE = – 10 2 0m
représente la variation du taux de HCO3–
induite par des variations de PaCO2 15
pour une charge acide forte de 10 mmol/L
10 mHg
10 m
dans cet exemple. La pente de cette
droite reflète l'intensité de l'interaction
entre le tampon bicarbonate/acide 5
carbonique et les tampons non
bicarbonates présents dans le plasma. 0
Lorsque le pH est égal à 7,40, la DHCO3– 6,7 6,8 6,9 7,0 7,1 7,2 7,3 7,4 7,5 7,6 7,7
égale le base excess (BE). Voir le texte
pour des explications complémentaires. pH (U pH)

341
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page342

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

de 40 mmHg pour le ramener à un pH égal à 7,40. Approche théorique


Le BE reflète théoriquement mieux la charge acide
ou alcaline métabolique que ne le fait la DHCO3– car, Selon le modèle de Stewart, le plasma du sang artériel
est considéré comme une solution aqueuse exposée à une
contrairement à cette dernière, il est insensible aux
pression partielle en CO2 constante (PaCO2) contenant un
variations de la PaCO2 et il ne néglige pas la quan-
mélange d’ions fortement dissociés (Na+, K+, Cl–, lactate–,
tité d’acide ou de base prise en charge par les tam- etc.) et d’acides faibles (l’albumine et le phosphore). Le plus
pons non bicarbonates. simple pour bien comprendre l’effet de chaque variable sur
l’équilibre acide-base de la solution est d’imaginer des solu-
tions de complexité croissante. Nous allons étudier pour
Principales causes chaque solution quelles sont les variables dépendantes et
des déséquilibres acido-basiques [22] indépendantes du modèle. Les variables indépendantes
sont celles qui ne sont affectées par aucune autre variable
Les déséquilibres d’origine respiratoire regroupent tandis que les variables dépendantes sont celles résultant
toutes les causes pouvant conduire à une anomalie de l’éli- de la modification des variables indépendantes.
mination pulmonaire de CO2 (hyper- ou hypoventilation
alvéolaire) ou celles, plus rares, dues à un défaut de pro- • Solution ne contenant que des ions forts
duction du CO2 (exemple de l’hyperthermie maligne Imaginons une solution aqueuse contenant un mélange
conduisant à une acidose respiratoire). Les principales de soude (NaOH) et d’acide chlorhydrique (HCl). À l’équi-
causes d’origine métabolique sont résumées sur le libre, il faudra que les lois d’électroneutralité et de disso-
tableau 4. ciation aqueuse soient satisfaites, ce qui peut simplement
s’écrire :
[Na+] + [H+] = [Cl–] + [OH–] ⇔ [Na+] – [Cl–] = [OH–] – [H+]
Modèle de Stewart et [H+] × [OH–] = 10-14.
Dans cette solution, [Na+] et [Cl–] sont les variables indé-
Généralités pendantes ([Na+ – Cl–] représente le SID de la solution), tan-
dis que [H+] (le pH) et [OH–] sont les variables dépendantes.
L’approche des déséquilibres acido-basiques métabo- Une modification de la concentration de Na+ n’aura pas
liques selon le modèle de Stewart a été décrite il y a une d’effet sur la concentration de Cl– (et vice versa) mais
trentaine d’années [23, 24] mais elle reste pourtant relati- induira une modification du pH. Plus simplement, le SID
vement méconnue, parfois même combattue [17]. La com- est la variable indépendante, le pH et [OH–] sont les varia-
préhension clinique la plus récente des déséquilibres bles dépendantes.
acido-basiques tente de concilier les deux approches [25].
Selon l’approche de Stewart, la variation du taux de bicar- • Solution contenant des ions forts
bonate plasmatique ne peut être la cause d’un trouble et un acide faible
métabolique acido-basique, elle n’en est que la consé- Si dans la solution précédente on ajoute une quantité
quence. Le pH et les bicarbonates deviennent des variables Atot d’un acide faible AH de pK 7,5 par exemple, il se dis-
résultant de trois autres variables indépendantes qui sont sociera plus ou moins selon le pH initial de la solution en
la PaCO2, la concentration totale en acides faibles et le SID, A– et H+.
seuls facteurs capables d’affecter l’équilibre acido-basique
À l’équilibre, il faudra que les lois d’électroneutralité,
sanguin. Le modèle de Stewart est basé sur le respect de dissociation électrochimique et de conservation des
simultané de trois lois physico-chimiques élémentaires que masses soient toutes satisfaites, ce qui peut simplement
sont la dissociation électrochimique, l’électroneutralité des s’écrire :
solutions et la conservation des masses. [Na+] + [H+] = [Cl–] + [A–] + [OH–]

Tableau 4 / Principales causes métaboliques des déséquilibres acido-basiques

Acidose lactique (hypoxie tissulaire, sepsis,


insuffisance hépatique sévère, etc.)
Trou anionique élevé
(acidose métabolique orga- Céto-acidose (diabète sucré, jeûne)
nique)
Intoxications (méthanol, salicylates, éthylène glycol, etc.)

Acidose métabolique Insuffisance rénale (chronique essentiellement)


Insuffisance rénale (aiguë essentiellement)
Trou anionique normal Insuffisance surrénalienne
(acidose métabolique
minérale) Perte de bicarbonates :
- origine rénale (acidoses tubulaires)
- origine digestive (fistule biliaire, diarrhée)
Fuite digestive d'HCl (vomissements, sonde gastrique)
Diurétiques de l'anse
Alcalose métabolique Hypercorticisme
Apport inconsidéré de bicarbonate de sodium
Alcalose de reventilation
HCl : chlorure d’hydrogène

342
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 09:13 Page343

Équilibre acide-base 32

et [H+] . [OH–] = 10-14 mie n’étant qu’un signe d’accompagnement. Selon l’ap-
et pH = 7,5 + log([A–]/[AH]) proche de Stewart, c’est l’élévation du SID secondaire à
et [A–] + [AH] = Atot. l’hypochlorémie qui est considérée comme responsable de
l’alcalose et c’est l’augmentation des bicarbonates qui est
Dans cette solution, le SID et la concentration Atot de le signe d’accompagnement obligatoire (figure 9).
l’acide faible sont les variables indépendantes, tandis que
les variables dépendantes sont le pH, [OH–], [A–] et [AH].
Une modification de l’une des variables indépendantes
induira obligatoirement une modification de toutes les Effet acidifiant Effet alcalinisant
variables dépendantes (y compris le pH).
SID 39 mEq/L
• Solution contenant des ions forts,
40 torr PaCO2
un acide faible et soumise à une pression
partielle en CO2 constante 40 g/L Album
Situation
Si l’on fait buller en permanence un gaz contenant 5 % normale
de CO2 dans la solution précédente, on impose à cette solu- 0,8 mmol/L Phosph
tion une PCO2 égale à 5 % de 760 mmHg, soit environ
40 mmHg. En présence d’anhydrase carbonique (qui accé-
lère la réaction), le CO2 réagit avec l’eau pour faire du
bicarbonate et des ions H+ selon la loi de dissociation qui Alb– 13 mEq/L
HCO3– 24 mEq/L Phosph– 1,4 mEq/L
obéit à l’équation d’Henderson-Hasselbalch (on néglige les pH 7,40
carbonates dont la concentration est négligeable pour un
pH < 8). À l’équilibre, il faudra là encore que toutes les lois
physico-chimiques soient satisfaites, ce qui peut s’écrire : Effet acidifiant Effet alcalinisant
[Na+] + [H+] = [Cl–] + [A–] + [HCO3–] + [OH–]
et [H+] × [OH–] = 10–14 SID 29 mEq/L
et pH = 7,5 + log([A–]/[AH])
et pH = 6,10 + log ([HCO3–]/0,03 × PCO2) 40 torr PaCO2
et [A–] + [AH] = Atot.
40 g/L Album
Dans cette solution, proche de la composition du Acidose
plasma, le SID, la concentration de Atot et la PCO2 sont les lactique
0,8 mmol/L Phosph
variables indépendantes, tandis que les variables dépen-
dantes sont le pH, [OH–], [A–], [AH] et [HCO3–]. Une modi-
fication de l’une des variables indépendantes induira
obligatoirement une modification de toutes les variables
Alb– 10,5 mEq/L
dépendantes (y compris le pH et les bicarbonates). HCO3– 17 mEq/L Phosph– 1,4 mEq/L
pH 7,25
Modèle de Stewart
appliqué au plasma Effet acidifiant Effet alcalinisant

• Comparaison à l’approche traditionnelle SID 49 mEq/L


Le pH plasmatique artériel, selon l’approche de 40 torr PaCO2
Stewart, dépend donc de trois variables indépendantes qui
sont le SID, la concentration totale d’acides faibles (Atot) 40 g/L Album
représentée principalement par l’albumine et le phosphore Alcalose
et enfin la PaCO2. Seule la modification du SID ou des Atot hypochlorémique
0,8 mmol/L Phosph
est capable d’affecter l’équilibre acide-base sanguin méta-
bolique. Une variation du SID peut résulter d’une dyschlo-
rémie, d’une dysnatrémie ou de la présence d’acides
organiques en quantité anormale (lactate, corps céto-
Alb– 15,4 mEq/L
niques, etc.). Une diminution des Atot (hypo-albuminémie HCO3– 31,3 mEq/L Phosph– 1,4 mEq/L
principalement) sera, elle, responsable d’une alcalose du pH 7,52
fait d’une moindre charge en acide faible, tandis qu’une Figure 9 / Représentation schématique du modèle de Stewart
élévation des Atot (hyperphosphorémie ou hyper-albumi- Le pH et le taux de bicarbonates sanguins (ainsi que le degré de
némie) entraînera une acidose métabolique. Ainsi, selon dissociation de l'albumine et du tampon phosphate) sont
l’approche de Stewart, la variation de la concentration des des variables qui dépendent des effets additifs de différentes
bicarbonates au cours des désordres acido-basiques méta- autres variables indépendantes entre elles (SID, PaCO2, taux
boliques n’est que la résultante de la modification d’une d'albumine et de phosphore inorganique). Le SID plasmatique
(des) variable(s) indépendante(s) [24]. Une élévation du SID qui est fortement positif exerce un puissant effet alcalinisant
par exemple devra s’accompagner d’une élévation des tandis que la PaCO2 et le taux des acides faibles (albumine
et phosphore) exercent tous un effet acidifiant. La résultante
bicarbonates plasmatiques du fait de la présence de CO2 obéit aux lois physico-chimiques de dissociation ionique
afin de respecter à la fois l’équation d’Henderson- et de conservation de la masse. En haut, situation normale.
Hasselbalch et l’électroneutralité plasmatique. Au milieu, acidose métabolique secondaire à la présence de
10 mmol/L d'acide fort en excès (le SID exerce un moindre
Au contraire, l’approche traditionnelle considère la
pouvoir alcalinisant). En bas, alcalose métabolique secondaire
variation du taux de bicarbonates comme la cause de la à la perte de 10 mmol/L de chlorure (le SID exerce un pouvoir
variation du pH plasmatique. Au cours de l’alcalose méta- alcalinisant plus puissant).
bolique hypochlorémique, par exemple, c’est l’élévation SID : strong ion difference ; PaCO2 : pression partielle
des bicarbonates plasmatiques qui est considérée comme en dioxyde de carbone dans le sang artériel.
étant responsable de l’augmentation du pH, l’hypochloré-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Calculs permettant d’obtenir sents. Une élévation du SID traduit au contraire la présence
de cations en excès ou la diminution d’anions forts norma-
les différentes variables lement présents.
du modèle de Stewart [26, 27]
• Calcul des AF–
• Calcul du SID
Comme nous l’avons vu précédemment, on peut écrire :
Le SID représentant la différence de charge entre l’en- SID = (Na+ + K+ + Ca2+ + Mg2+ + BF+) – (Cl– + AF–).
semble des cations forts et l’ensemble des anions forts, on
peut écrire : Si l’on néglige les BF+, qui sont normalement présents
SID = (Na+ + K+ +Ca2+ + Mg2++ BF+) – (Cl– + AF–) en quantité négligeable, on peut écrire :
(valeurs en mEq/L) SID = (Na+ + K+ + Ca2+ + Mg2+) – (Cl– + AF–)
où BF+ (normalement en concentration négligeable) repré- AF– = SID – [(Na+ + K+ + Ca2+ + Mg2+) – (Cl–)].
sente l’ensemble des cations forts autres que sodium, Le deuxième terme de l’équation s’appelle le SID appa-
potassium, magnésium et calcium, et AF– l’ensemble des rent, c’est-à-dire la valeur du SID ne tenant pas compte des
anions forts autres que le chlorure. Tous les acides orga- anions forts autres que le chlorure. Ainsi :
niques ayant un pK < 4,5, ils sont tous dissociés à plus de AF– = SID – SID apparent.
99 % aux pH physiologiques et sont donc considérés
comme des anions forts. Les AF– sont donc essentiellement La valeur normale des AF- est d’environ 8 mEq/L et cor-
constitués de sels d’acides organiques (lactate, citrate, respond à la présence en quantité normale d’anions orga-
acéto-acétate, hydroxy-butyrate, etc.) mais aussi d’anions niques ou minéraux (lactate, urate, citrate, sulfates, etc.).
minéraux tels que le sulfate...
Étant donné qu’il est bien sûr impossible de connaître L’approche de Stewart est une conception de l’équi-
la concentration de tous les ions forts, l’estimation du SID libre acide-base qui repose sur le principe que tout
est obtenue indirectement en utilisant des calculs basés sur anion est acide et tout cation est basique. Si l’on res-
le respect de la loi de l’électroneutralité. En effet, comme pecte simultanément les trois lois physico-chi-
vu précédemment, on peut écrire : miques élémentaires que sont l’équilibre de
Scations forts + H+ =
dissociation ionique, l’électroneutralité et la conser-
Sanions forts + A– + HCO3– + CO32– + OH–
vation des masses, on peut démontrer que le pH
ainsi que le taux de bicarbonates sanguins ne sont
⇔ SID + H+ = A– + HCO3– + CO32– + OH–.
que des variables dépendant de trois autres varia-
Aux pH physiologiques (entre 6 et 8), on peut négliger bles indépendantes qui sont la PaCO2, le SID et la
les concentrations de H+, OH– et carbonate qui sont de l’or- quantité totale d’acides faibles plasmatiques. La
dre du micro- ou nanomolaire. On obtient ainsi : PaCO2 obéit à la régulation pulmonaire, le SID, qui
SID = A– + HCO3– est égal à la différence entre les cations et les anions
où A– représente la concentration d’acides faibles dissociés. fortement dissociés, peut être modifié par les dys-
Les deux principaux acides faibles dissociés du plasma étant chloronatrémies ou la présence d’anions forts en
l’albuminate et le phosphate, on peut écrire : excès (lactate, corps cétoniques, etc.), et la quantité
SID = albuminate + phosphate + HCO3– (figure 7). totale d’acides faibles plasmatiques dépend princi-
palement de la concentration sanguine en albumine
On peut déterminer la concentration d’albuminate et et en phosphore inorganique. Ainsi, une acidose
de phosphate à partir du pH, de leur pK et de la concen- peut être secondaire à une élévation de la PaCO2,
tration plasmatique en albumine et en phosphore. Une une baisse du SID ou une augmentation de la quan-
simplification de la formule de dissociation nécessaire à tité d’acides faibles, tandis qu’une alcalose peut être
leur calcul est généralement utilisée : secondaire à une baisse de la PaCO2, une élévation
albuminate = albumine × (0,123 pH – 0,631) du SID ou une diminution de la quantité totale
phosphate = phosphore × (0,309 pH – 0,469). d’acides faibles.
La concentration en bicarbonate plasmatique est obte-
nue en appliquant l’équation d’Henderson-Hasselbalch :
HCO3– = PaCO2 × 0,03 × 10(pH-6,10).
Classification
des déséquilibres acide-base
La valeur normale du SID plasmatique est égale à
39 mEq/L. Une diminution du SID traduit la présence
selon l’approche de Stewart [28]
d’anions forts en excès (chlorure, lactate, etc.) ou la dimi- Compte tenu de tout ce qui vient d’être énoncé, elle
nution de la concentration en cations normalement pré- peut être résumée sur le tableau 5.

Tableau 5 / Classification des troubles acido-basiques selon l’approche de Stewart

Trouble Acidose Alcalose


Respiratoire ↑ PaCO2 ↓ PaCO2
Excès, déficit en eau ↓ SID, ↓ [Na+] ↑ SID, ↑ [Na+]
SID anormal • Excès, déficit Cl– ↓ SID, ↑ [Cl–] ↑ SID, ↓ [Cl–]
Déséquilibre ions forts
Métabolique • Excès AF– ↓ SID, ↑ [AF–] –
Albumine sérique ↑ [Alb] ↓ [Alb]
Acides faibles
Phosphore inorganique ↑ [Pi] ↓ [Pi]
AF–: anion fort autre que le chlorure (lactate, corps cétoniques, etc.) ; SID : strong ion difference ;
PaCO2 : pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang artériel

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Équilibre acide-base 32

Conclusion façons qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvé-


nients. Cette analyse qui est passionnante apporte souvent
de précieux renseignements pour le clinicien. La grande
La physiopathologie de l’équilibre acide-base sanguin majorité des situations critiques entraîne en effet des modi-
paraît à première vue complexe alors qu’elle fait appel à fications plus ou moins apparentes de l’équilibre acide-base
des notions élémentaires de physico-chimie. L’analyse pré- et leur détection précoce peut permettre de préciser un
cise de l’état acido-basique peut se faire de différentes diagnostic et d’adapter une attitude thérapeutique.

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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

33
• Compartiments de l’organisme
Eau et électrolytes
et mouvements de l’eau
• Balance hydrique et sa régulation
• Balance sodée et sa régulation Carole Ichai
• Potassium Service de réanimation, Hôpital Pasteur 2, Nice ;
IRCAN (INSERM U1081, CNRS UMR 7284),
Université de Nice, Nice

eau est le principal constituant de l’organisme. volume plasmatique et le secteur interstitiel. En situation
C’est le seul solvant de nombreuses molécules physiologique, le volume plasmatique, qui est équivalent
(électrolytes) de l’organisme. Le sodium échangea- au volume sanguin circulant efficace (ou volémie), repré-
ble est le cation le plus abondant du compartiment sente un quart à un tiers du SEC, et 5 % du poids corporel
extracellulaire, il est présent sous forme liée dans total. La volémie est normalement constituée à 93 % d’eau
les os et les cartilages. Le potassium représente le qui contient divers solutés. Certains d’entre eux sont ioni-
cation majeur du secteur intracellulaire. Pour main- sés (électrolytes sous forme d’anions et de cations) alors
tenir constants le volume et la composition des dif- que d’autres sont présents sous forme non dissociée (urée,
férents compartiments de l’organisme, la balance glucose). Le sodium (Na+) est le cation le plus abondant et
de ces trois composants est étroitement régulée donc le déterminant principal de la force osmotique déve-
grâce à divers systèmes. loppée dans le plasma. Les solutés non dissociés (albumine,
La physiologie de l’eau et des électrolytes passe par globulines et lipides) contribuent pour 7 % à ce volume
une compréhension des mécanismes d’échange plasmatique qui contient aussi les globules rouges et les
entre les différents compartiments de l’organisme. globules blancs, ainsi que les plaquettes [4, 9]. Le volume
Nous aborderons dans ce chapitre les trois princi- interstitiel représente trois quarts à deux tiers du SEC, soit
paux éléments du milieu intérieur : l’eau, le sodium 15 % du poids corporel total (figure 1A). À l’inverse du
et le potassium. volume plasmatique qui est anatomiquement bien limité
par l’endothélium capillaire, le compartiment interstitiel
est un volume moins bien défini qui est localisé autour des
Compartiments cellules, de la lymphe et des tissus conjonctifs. Sa composi-
tion est proche de celle du plasma car il s’agit d’un ultra-
de l’organisme filtrat du plasma. Cependant du fait de sa pauvreté en
protéines, sa concentration en sodium est plus basse et
et mouvements de l’eau celle en chlore est plus élevée que dans le plasma. Pour les
mêmes raisons, et à cause de l’imperméabilité des pro-

Compartiments de l’organisme
téines sur les membranes cellulaires, la concentration intra-
cellulaire en cations diffusibles et celle totale en ions sont
et leur composition plus élevées dans la cellule : c’est l’équilibre de Gibbs-
Donnan qui crée un potentiel électrique de membrane (cf.
La molécule d’eau a un diamètre de 0,3 nm et une infra) (tableau 1).
forme en V. La répartition de ses charges positives et néga-

Mouvements d’eau
tives lui confère deux propriétés importantes, celles :
• de réaliser un pouvoir tampon électrique lui permettant
d’être un très bon solvant pour les ions ;
• de former des couches d’hydratation autour des ions dis-
et d’électrolytes entre
souts, ce qui facilite leurs mouvements de manière indé- les différents compartiments
pendante.
de l’organisme [1-8]
L’eau totale de l’organisme représente 50 à 70 % du
poids total chez un adulte sain. Cette proportion varie Principes chimiques
selon divers paramètres dont les plus importants sont l’âge,
le sexe et le rapport masse maigre/masse grasse (la masse • Différences de potentiel : le transport transmembranaire
maigre est pauvre en eau). L’eau corporelle se répartit pour d’électrolytes entraîne souvent une séparation de charges
deux tiers dans le secteur intracellulaire (SIC) et le tiers res- qui est responsable d’une différence de potentiel trans-
tant dans le secteur extracellulaire (SEC) [1-8]. membranaire.
Le SIC représente environ 40 % du poids corporel total. • Équilibre de Gibbs-Donnan et pression oncotique :
Le potassium (K+) est le cation extracellulaire le plus abon- lorsqu’une membrane semi-perméable sépare deux com-
dant (120 mmol/L), mais de grandes quantités de protéines partiments C1 et C2 contenant des petites molécules (élec-
participent aussi de façon importante à générer une pres- trolytes) perméables (diffusibles) et des molécules non
sion oncotique. Le SEC se répartit en deux sous-secteurs, le perméables (comme l’albuminate), l’échange d’eau devient

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

SEC SIC SEC SIC Figure 1 / Mouvements d'eau entre le secteur


extracellulaire (SEC) et intracellulaire (SIC) à
travers la membrane cellulaire (MC)
MC MC A. Volume et distribution normaux d'eau entre
SEC et SIC. Les forces osmotiques produites
par les osmoles actives extracellulaires
(principalement le sodium) sont équivalentes
à celles produites par les osmoles actives
A B intracellulaires (principalement le potassium).
Eau
Il n'y a donc pas de gradients osmotiques
transmembranaires et par conséquent pas
de mouvement d'eau à travers la MC. Les SEC
SEC SIC SEC SIC et SIC sont iso-osmotiques et isotoniques.
B. Déshydratation du SIC. L'accumulation
MC MC d'osmoles actives (sodium ou glucose)
dans le SEC induit un gradient osmotique
transmembranaire qui est responsable
d'un mouvement d'eau du SIC vers le SEC
jusqu'à atteindre un équilibre osmotique
C Eau D entre les deux compartiments.
C. Hyperhydratation du SIC. La perte d'osmoles
actives (sodium ou glucose) du SEC induit un
Sodium extracellulaire Potassium intracellulaire gradient osmotique transmembranaire
Osmole inactive (urée, éthylène-glycol) qui est responsable d'un mouvement d'eau du
Osmole active (sodium, glucose)
SEC vers le SIC jusqu'à atteindre un équilibre
osmotique entre les deux compartiments.
D. Volume et distribution normaux d'eau entre SEC et SIC. Les osmoles ineffectives telles que l'urée se distribuent en
concentration égale entre les deux secteurs, SEC et SIC. Ainsi, les forces osmotiques développées dans les deux secteurs
sont équivalentes. Il n'y a donc pas de gradient osmotique transmembranaire et par conséquent pas de mouvement
d'eau à travers la MC. Les SEC et SIC sont isotoniques mais tous les deux hyperosmotiques.

Tableau 1 / Composition en eau et principaux solutés des compartiments de l'organisme

Secteur extracellulaire Secteur intracellulaire

Plasma Secteur interstitiel


Volume liquidien
Quantité d'eau (mL/kg poids) 30-35 150 330-450
Pourcentage du poids corporel 5 15 40
Pourcentage de l'eau corporelle totale 8 24 66
Solutés (mEq/L)
Na+ 142 137 10
K+ 4 3 155
Mg++ 2 2 10
Ca++ 1 1 –
Cl– 105 111 10
HCO3– 26 30 11
HPO4 2-/H –
2PO4 2 2,3 105
SO42– 1 1,2 2
Urée 5 5 –
Glucose 5 5 Variable
Acides organiques– 5 5 –
Protéinates– 17 0 74

impossible. L’équilibre osmotique repose sur les ions diffu- – l’électroneutralité, exprimée selon la formule :
sibles qui vont se redistribuer entre les deux comparti- [Na+1] = [Cl–1] et [Na+2] = [Cl–2] + [Alb–2] ;
ments de façon à rétablir un équilibre. Si l’on prend pour – la quantité supérieure des ions diffusibles dans le com-
exemple le sodium (Na+), le chlore (Cl–) (ions diffusibles) et partiment qui contient l’ion non diffusible, exprimée
l’albuminate (Alb–) (non diffusible), cet équilibre doit res- selon la formule :
pecter : [Na+2] + [Cl–2] > [Na+1] + [Cl–1].
– l’équilibre des ions diffusibles entre les deux comparti- Ainsi, l’association des ions diffusibles et non diffusibles
ments, exprimé selon la formule : dans l’un des compartiments conduit à la création d’un
[Na+1] × [Cl–1] = [Na+2] × [Cl–2] ; gradient de pression oncotique et osmotique : c’est la pres-

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Eau et électrolytes 33

sion colloïdo-osmotique ou équilibre de Gibbs-Donnan. En glucose dépendent du type de tissu. Grâce à des transpor-
physiologie humaine, cet équilibre se retrouve au niveau teurs dédiés (GLUT), le glucose pénètre librement dans les
des capillaires sanguins où les protéines sont des anions tissus « non insulino-médiés » (sang, cellules immunes, cer-
non diffusibles responsables d’une pression oncotique veau). Dans ce cas, le glucose se comporte comme une
retenant l’eau dans le capillaire. Cet équilibre conduit éga- osmole ineffective. En revanche, le glucose nécessite la pré-
lement à une redistribution des ions inégale entre SIC et sence d’insuline pour pénétrer dans les tissus « insulino-
secteur interstitiel qui est responsable d’une différence de médiés » ou insulino-dépendants (myocarde, muscle
potentiel transmembranaire. squelettique, tissu adipeux). En cas d’insulinopénie (abso-
lue ou relative), le glucose devient une osmole effective
Principes physiques extracellulaire responsable d’un gradient osmotique qui
conduit à une déshydratation intracellulaire.
L’application d’une pression hydrostatique à travers une
membrane perméable à l’eau engendre le transfert d’eau Il est donc important de connaître les différentes défi-
et de ses solutés du compartiment subissant la pression vers nitions et méthodes d’évaluation des osmolarités plasma-
l’autre. C’est ce que l’on appelle la pression de filtration tiques. L’osmolarité plasmatique totale est la concentration
qui permet un transfert d’eau et de ses solutés sans qu’il de tous les solutés osmotiques (effectifs et non effectifs)
n’y ait de modification de concentration des solutés. Dans contenus dans un litre de plasma (mosm/L). L’osmolalité
les systèmes biologiques, les membranes sont « semi-per- plasmatique (OsmP) représente aussi la concentration de
méables » c’est-à-dire perméables à l’eau et aux solutés de tous les solutés osmotiques (effectifs et non effectifs) mais
faible poids moléculaire comme les électrolytes, mais contenus dans un litre d’eau plasmatique (mosm/kg). Ces
imperméables aux molécules de haut poids moléculaire deux paramètres sont normalement très proches car l’eau
comme l’albumine. Ainsi, la pression hydrostatique pré- plasmatique représente en situation physiologique 93 %
sente au niveau vasculaire permet un transfert d’eau et d’un litre de plasma. Dans ce chapitre, les deux termes
d’électrolytes à travers l’endothélium vasculaire vers le sec- seront confondus pour des raisons pratiques. L’osmolalité
teur interstitiel alors que l’albumine reste au sein du sec- plasmatique peut être mesurée (OsmPm [mosm/kg]) au
teur vasculaire (cf. infra). Le liquide transféré porte le nom laboratoire par la mesure du delta cryoscopique (point de
d’ultrafiltrat. C’est ce principe physique qui est appliqué congélation du plasma), ce qui fournit une valeur globale
pour réaliser des échanges par convection dans les tech- de toutes les osmoles contenues dans le plasma, indépen-
niques d’épuration extrarénale comme l’hémofiltration damment de leur nature (osmoles physiologiques ou
continue en réanimation. toxiques) et de leurs propriétés de perméabilité à travers
la membrane cellulaire. L’osmolarité plasmatique peut être
• Mouvements entre secteurs intracellulaire aisément estimée au lit du patient grâce à un calcul simple
prenant en compte les principaux électrolytes plasma-
et extracellulaire tiques, selon la formule :
L’eau traverse librement les membranes semi- OsmPc [mosm/L] =
perméables cellulaires selon le gradient osmotique trans- ([Na+ × 2] + glycémie + urée) (mmol/L) =
membranaire. Ceci conduit à un mouvement d’eau du 280-295 mosm/L.
compartiment ayant une osmolarité basse vers celui ayant Comme ce calcul ne prend pas en compte les osmoles
une osmolarité haute jusqu’à obtention d’un équilibre anormalement présentes (et non mesurées) et celles en fai-
osmotique transmembranaire (figure 1A) [2, 9-13]. Ainsi, ble quantité, l’OsmPm est physiologiquement toujours un
le volume cellulaire (hydratation) dépend des mouvements peu plus élevée que la calculée. Cette différence s’appelle
et concentrations des solutés entre ces deux secteurs intra- « trou osmotique » (TO = OsmPm - OsmPc), la valeur nor-
et extracellulaires. La pompe transmembranaire Na+-K+- male étant d’environ 10 mosm/L. La tonicité plasmatique
ATPase contient le Na+ quasi exclusivement dans le SEC, (ou osmolarité plasmatique efficace) ne prend en compte
alors que le K+ est maintenu dans le SIC. Ce phénomène que les osmoles effectives ou actives et est calculée selon
actif ATP-dépendant active l’extrusion de 2 Na+ de la cel- la formule :
lule contre l’entrée dans la cellule de 3 K+, ce qui crée un tonicité P = [Na+ × 2) + glycémie] (mmol/L) =
potentiel de membrane. Le sodium est de loin le cation le 270-285 mosm/L.
plus abondant du SEC, ce qui explique que la natrémie est
le déterminant majeur de l’osmolarité plasmatique et donc Ainsi, la tonicité plasmatique est en pratique le meilleur
du volume ou hydratation du SIC. D’autres systèmes de co- outil d’évaluation fiable du volume intracellulaire
transport de Na+ tels que des symports (avec glucose) ou (tableau 2) [2, 8, 9].
antiports (avec Ca++ ou H+) sont impliqués dans diverses
En pratique, la mesure de l’OsmPm, qui est onéreuse et
fonctions cellulaires telles que contractilité, régulation du
souvent indisponible en urgence, n’est pas utile dans la
pH, mais pas dans le contrôle du volume intracellulaire.
plupart des situations, comme le calcul de l’OsmP, car ce
De nombreux solutés autres que le Na+ contenus dans sont des outils non fiables pour déterminer l’état d’hydra-
le SEC et SIC peuvent générer une force osmotique. tation du SIC. L’hypertonicité plasmatique induit une sortie
Cependant, leur capacité à développer un gradient osmo- d’eau du SIC vers le SEC jusqu’à obtention d’un équilibre
tique et donc des mouvements d’eau transmembranaires osmotique de part et d’autre de la membrane cellulaire,
dépend de leur capacité à se répartir de part et d’autre de elle témoigne toujours d’une déshydratation intracellu-
la membrane cellulaire [2, 9-13]. Les solutés diffusibles laire (figure 1B). À l’inverse, une hypotonicité plasmatique
comme l’urée et les alcools se distribuent de façon égale en générant un influx d’eau dans la cellule témoigne tou-
entre SEC et SIC. Ils sont donc incapables de générer un jours d’une hyperhydratation du SIC avec œdème cellulaire
gradient osmotique transmembranaire et en conséquence (figure 1C). L’augmentation de concentration plasmatique
un œdème ou au contraire une déshydratation intracellu- en osmoles inactives (diffusibles) s’accompagne d’une
laire : on appelle ces solutés des osmoles ineffectives (ou hyperosmolarité comparable dans les deux secteurs SIC et
inactives). À l’inverse, les solutés non diffusibles ou osmoles SEC, sans aucun gradient osmotique ni mouvement d’eau
effectives (ou actives) du SEC, telles que Na+ et ses anions, transmembranaire puisque la tonicité plasmatique est nor-
sont responsables d’un gradient osmotique transmembra- male (figure 1D). Dans cette dernière situation, l’OsmP et
naire qui conduit à des modifications du volume cellulaire le TO peuvent être utiles et guider le diagnostic en révé-
(réduction ou œdème cellulaire). Les effets osmotiques du lant la présence d’osmoles anormalement présentes telles

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Tableau 2 / Perméabilité des principales osmoles plasmatiques et impact sur les osmolarités plasmatiques et le volume intracellulaire

OsmPm OsmPc Tonicité plasmatique


Solutés Secteur intracellulaire
(mosm/kg) (mosm/L) (mosm/L)

Osmoles « effectives ou actives »


Glucose, glycine, glycérol,
histidine-tryptophane-cétoglutarate, Hyperosmolalité Hyperosmolarité Hypertonicité Diminué (déshydratation)
produits de contraste hyperosmolaires
Osmoles « ineffectives ou inactives »
Urée Hyperosmolalité Hyperosmolarité Isotonicité Normal
Alcool, éthylène glycol, méthanol* Hyperosmolalité Iso-osmolarité Isotonicité Normal
OsmPm : osmolarité plasmatique mesurée ; OsmPc : osmolarité plasmatique calculée ;* solutés associés à une augmentation de l’OsmPm et du trou osmotique

que l’éthylène-glycol, mannitol, glycine et alcools. lipidémie ou d’hyperprotidémie) ou même hyper-


Cependant, l’identification précise de la substance repose tonique (en cas d’hyperglycémie). Ainsi devant
sur l’histoire et la mesure précise de la molécule incriminée toute hyponatrémie, il convient d’éliminer les situa-
quand c’est possible. tions liées à une hypertonie ou à une isotonie plas-
matique qui sont associées respectivement à une
• Mouvements entre secteur interstitiel hydratation normale ou à une déshydratation intra-
et plasmatique cellulaire [8]. Seule l’hyponatrémie hypotonique
conduit à l’œdème cellulaire avec risque d’œdème
L’eau circule au sein du SEC entre secteur interstitiel et cérébral. La quantité totale de sodium de l’orga-
plasmatique à travers les cellules endothéliales capillaires. nisme qui diffère de la natrémie (concentration) est
En situation physiologique, cette barrière est perméable à le déterminant du volume extracellulaire. Une
l’eau et aux petites molécules comme les électrolytes, mais réduction de la quantité de sodium de l’organisme
elle est imperméable aux protéines qui restent dans le lit indique une déshydratation extracellulaire avec
vasculaire. Selon la loi de Starling, le sens du flux d’eau baisse du volume circulant efficace ou volémie.
entre ces deux compartiments est déterminé par la pres-
sion de filtration [2, 9-13]. Cette pression dépend de deux
forces opposées, la pression hydrostatique transmurale et
la pression oncotique : pression de filtration = (Pc – Pi) – Balance hydrique
et sa régulation
(pp – pi) (mmHg), Pc et Pi sont respectivement les pressions
hydrostatiques capillaire et interstitielle, pp et pi sont res-
pectivement les pressions oncotiques plasmatique et inter-
stitielle. Comme les protéines restent dans le secteur Le maintien du volume cellulaire est essentiel pour assu-
plasmatique (pp = 10 mmHg), pi est négligeable. La pres- rer les fonctions cellulaires et éviter la mort cellulaire. Les
sion hydrostatique induit une extrusion d’eau, alors que la variations de volume cellulaire résultent essentiellement
pression oncotique la retient. Ainsi, le sens du flux d’eau de modifications de la tonicité plasmatique, mais parfois
est différent selon le site du capillaire : de modifications de concentrations en osmoles intracellu-
• côté artériel, la haute Pc est > Pi + pp et l’eau passe du laires induites par des anomalies métaboliques telles que
plasma vers l’espace interstitiel, ce qui permet la distri- hypothermie ou hypoxie/ischémie. Ainsi, la tonicité plas-
bution d’oxygène, de nutriments et d’hormones aux tis- matique doit être maintenue dans des limites étroites
sus ; grâce à un contrôle strict de l’eau corporelle totale. Un
• côté veineux, la faible Pc est < Pi + pp et le sens du flux équilibre étroit entre entrées et sorties d’eau de l’orga-
d’eau est inversé, c’est-à-dire du secteur interstitiel vers nisme permet cette régulation stricte et aboutit à l’ho-
le plasma, ce qui permet l’élimination des divers déchets méostasie hydrique de l’organisme.
tissulaires.
Chez un adulte masculin de 70 kg, l’eau exogène pro-
L’œdème interstitiel indique une répartition anormale vient des apports oraux et représente 1 500 à 2 500 mL/j
d’eau extracellulaire qui est caractérisée par une accumu- qui sont majoritairement (environ 90 %) réabsorbés au
lation d’eau et de sodium dans le secteur interstitiel. Cette niveau du tube digestif. Les sorties journalières d’eau sont
situation pathologique peut résulter de pressions de filtra- surtout le fait du rein qui produit en moyenne 1 000 à
tion anormales comme on peut le voir en cas de perméa- 2 000 mL/j (0,5 mL/kg/j). Les pertes fécales d’eau sont nor-
bilité vasculaire accrue secondaire à une dysfonction des malement négligeables (50 à 100 mL/j) et les pertes insen-
cellules endothéliales induite par une inflammation systé- sibles (pulmonaires et cutanées) sont de 500 à 1 000 mL/j
mique ou un sepsis. (figure 2) [2, 4, 9-11]. Cette homéostasie est contrôlée par
trois mécanismes principaux :
• l’effet neuro-hormonal de la vasopressine ou hormone
La tonicité plasmatique est le seul outil fiable
antidiurétique (ADH) qui régule l’excrétion urinaire
permettant d’évaluer l’hydratation ou volume intra-
d’eau et l’activité nerveuse sympathique rénale ;
cellulaire. L’hypertonicité plasmatique indique tou-
• la sensation de soif qui contrôle l’ingestion d’eau ;
jours une déshydratation intracellulaire. Comme
• les capacités du rein à concentrer ou diluer les urines.
l’hypernatrémie est toujours associée à une hyper-
tonie plasmatique, elle permet de diagnostiquer Ces trois éléments maintiennent de façon collaborative
une déshydratation intracellulaire. En revanche, une l’isotonicité plasmatique malgré les grandes variations
hyponatrémie peut être hypotonique (vraies hypo- quotidiennes d’absorption orale hydrique et sodée. La
natrémies), mais aussi isotonique (en cas d’hyper- sécrétion d’ADH et la soif sont principalement déclenchées

350
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Eau et électrolytes 33

SOIF Secteur
extracellulaire
+ (SEC)

Apports exogènes
1 500-2 500 mL/j
Secteur

Volémie plasmatique

SEC interstitiel
Figure 2 / Balance hydrique intracellulaire

150 mL/kg
et ses principaux mécanismes régulateurs (SIC)

5 mL/kg
chez un adulte de 70 kg
1 400- 2 400
L'apport exogène d'eau provient
mL/j
essentiellement des boissons. Cet apport 350-450 mL/kg
est équilibré par des pertes équivalentes
obtenues principalement par la diurèse
grâce à des mécanismes régulateurs
qui agissent sur le rein, organe principal
du contrôle de la balance hydrique. – ADH
Après ingestion orale, l'eau est
massivement réabsorbée par le tube
digestif, puis redistribuée entre les différents
compartiments de l'organisme. Pertes insensibles
L'homéostasie hydrique de l'organisme Pertes fécales pulmonaires Diurèse
est principalement contrôlée par l'hormone 50-100 mL/j 1 000-2 000 mL/j
et cutanées
antidiurétique (ADH), qui régule la diurèse,
500-1 000 mL/j (0,5-1 mL/kg/h)
et la soif, qui régule l'ingestion orale d'eau. Rein

par des stimuli neuro-hormonaux osmotiques et baro-volu- pour conséquence une dépolarisation des cellules neuro-
miques, mais d’autres stimuli non osmotiques et baro-volu- sécrétrices. La conséquence de ce dernier phénomène est
miques sont aussi décrits. la libération d’ADH par les terminaisons axonales et den-
dritiques de ces cellules et la sensation de soif [1, 20-27].
L’hypotonicité plasmatique aboutit à l’inverse à une hyper-
Régulation de la sécrétion polarisation des cellules et une inhibition de la sécrétion
d’ADH et de la soif et libération de l’ADH et de la sensation de soif. Les cellules
magnocellulaires du NSO et NPV peuvent aussi directe-
ment activer la libération d’ADH en activant le message via
Régulation neuro-hormonale des TRVP1. Dans tous les cas, la dépolarisation des cellules
stimule la libération d’ADH. L’endothélium capillaire fenê-
osmotique [1-8, 11, 14, 15] tré qui entoure le SFO, l’OVLT, le MnPO et l’hypophyse per-
L’ADH, hormone nonapeptide, est synthétisée par les met à ces organes de détecter également des variations
neurones magnocellulaires qui sont situés dans les noyaux hormonales, comme celles de l’angiotensine II (ATII), qui
supraoptique (NSO) et paraventriculaire (NPV) de l’hypo- peuvent aussi participer au contrôle des variations de
thalamus antérieure. L’ADH circule ensuite le long des volume cellulaire. Les neurones excitateurs de la soif au
axones pour être stockée et libérée dans l’hypophyse pos- niveau du SFO expriment spécifiquement les récepteurs de
térieure. Les mécanismes intimes de contrôle de l’eau l’angiotensine I (ATI), ce qui permet l’amplification de l’os-
totale de l’organisme en rapport avec la sécrétion d’ADH morégulation en rapport avec l’angiotensine circulante (cf.
et la soif sont mieux connus depuis 10 ans [3, 5, 16-19]. Le infra).
contrôle central de libération d’ADH secondaire à la stimu-
lation d’osmorécepteurs des NSO et NPV a été longtemps
le seul décrit. Même si toutes les cellules de l’organisme
sont aptes à répondre à une déshydratation ou une hyper-
hydratation en changeant leur volume, des osmo-
récepteurs spécialisés se situent à l’interface entre barrière Organum subfornical
hémato-encéphalique (BHE) et lamina terminalis au niveau
du 3e ventricule. Il s’agit des cellules de l’organe subforni- Colonne du fornix
Corps calleux Épiphyse
cal (SFO), de l’organum vasculosum de la lamina terminalis Commissure antérieure
(OVLT) et du noyau médian préoptique (MnPO) qui sont
des osmorécepteurs parfaits et placés stratégiquement Lamina terminalis Thalamus
pour percevoir le stimulus osmotique et maintenir le
Noyau
contrôle de volume cellulaire aussi longtemps que le sti- Organum vasculosum parabrachial
mulus persiste (figure 3). Ces noyaux ainsi que l’hypophyse de la lamina terminalis Cervelet
possèdent un endothélium capillaire fenêtré particulière- Médullaire
Chiasma optique ventrolatéral
ment bien exposé aux variations de tonicité plasmatique.
Hypophyse
Ces osmorécepteurs détectent les modifications d’étire- Éminence médiane
ment de leurs membranes cellulaires, ce qui active l’expres-
Area postrema
sion de canaux protéiques de la famille des “transient
receptor potential vanilloid” (TRVP) [20]. Brièvement, la
Figure 3 / Schéma de localisation anatomique cérébrale des régions
diminution du volume cellulaire par déshydratation est périventriculaires contenant les osmorécepteurs centraux
couplée à une inactivation des TRVP1 à travers un réseau L'organum subfornical et l'organum vasculosum de la lamina terminalis
de microtubules présent exclusivement au sein de ces cel- sont les deux zones principales contenant des osmorécepteurs sensibles
lules osmoréceptrices. Ce message est projeté aux cellules aux variations de tonicité impliqués dans le contrôle du volume cellulaire.
magnocellulaires des NPV et NSO productrices d’ADH avec

351
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Les osmorécepteurs de la soif situés sur le mur antérieur hépatiques est précoce survenant avant même que la soif
du 3e ventricule peuvent envoyer aussi des projections au ne modifie l’osmolarité plasmatique. Malgré une probable
cortex antérieur déclenchées directement par des varia- complémentarité dans l’osmorégulation entre TRVP1 et
tions de tonicité plasmatique, situation de « conscience » TRVP4, le rôle précis des TRVP4 reste à préciser [29].
de l’état d’hydratation corporelle.
La tolérance aux changements de volume des cellules
Les canaux TRVP4 identifiés au niveau du MnPO et du au niveau cérébral est très faible car le cerveau est contenu
système hépatique veineux sont également impliqués dans dans une boîte inextensible. Même si toutes les cellules
la régulation osmotique [28]. Au niveau hépatique, il existe subissent les effets des variations de tonicité plasmatique,
donc des neurones qui se comportent comme de réels c’est l’œdème cérébral ou sa déshydratation qui se mani-
osmorécepteurs capables d’activer les TRVP4 en cas de sti- festent par des signes neurologiques et menacent la vie du
mulus hypo-osmotique et hypotonique au niveau du sys- patient directement. Ainsi, des variations de tonicité plas-
tème porte en connexion avec les cellules productrices matique aussi faibles que 1 à 2 % modifient la sécrétion
d’ADH. Le signal osmotique issu de ces osmorécepteurs d’ADH autour d’un seuil de 280 mosm/kg. Au-delà de ce
seuil, la concentration plasmatique d’ADH augmente
linéairement avec celle de la tonicité plasmatique. En deçà
de ce seuil, la concentration plasmatique d’ADH est indé-
Concentration plasmatique d'ADH (pg/L)

tectable par dosage radio-immunologique. Le seuil de sen-


7
sation de soif a été longtemps rapporté comme étant
6 10 mosm/kg au-delà de celui de l’ADH [2, 9, 16, 23].

Osmolarité urinaire (mOsm/L)


Cependant des données récentes ont montré que ces deux
5 1 200 seuils étaient très proches. Comme pour la sécrétion
Concentration 1 100 d’ADH, la sensation de soif augmente avec la tonicité plas-
4 osmotique 900 matique [30]. De plus, il n’existe pas de limite supérieure
urinaire maximale
3 700 pour l’ingestion d’eau alors que la quantité d’urines émises
500 sur 24 heures est limitée (100 mL/j avec une concentration
2
urinaire maximale de 1 200 mosm/L) malgré la persistance
300
1 Soif d’une augmentation croissante de concentration plasma-
150
tique d’ADH (figure 4). Du fait de la possibilité d’absorber
une quantité illimitée d’eau, le développement d’une
280 284 288 290 294 296
hypertonie plasmatique est théoriquement impossible,
Tonicité plasmatique (mOsm/kg) sauf en cas d’anomalies primaires de la sensation de soif
Figure 4 / Relation entre tonicité plasmatique, concentration plasmatique (hypo-adipsie) ou d’impossibilité de boire (coma, aspiration
d'hormone antidiurétique (ADH) (ligne continue) et osmolarité urinaire digestive).
(ligne pointillée)
L’osmosensibilité et la sécrétion d’ADH sont influencées
Au-delà d'un seuil de tonicité de 280 mOsm/kg, la sécrétion/libération
d'ADH plasmatique et la soif sont activées. Si la soif n'a pas de limite par le sexe. Le sexe masculin a une sensibilité osmotique
supérieure, l'osmolarité urinaire atteint un seuil maximal aux environs plus importante que le sexe féminin [31-34]. Même s’il
de 1 200 mOsm/L, seuil qui ne peut plus augmenter malgré la persistance semble que les hormones gonadiques jouent un rôle, le
d'une élévation de concentration plasmatique d'ADH. mécanisme précis de ces différences reste complexe.
L’importance de sécrétion d’ADH et de sensation de soif
n’est pas exactement la même pour tous les solutés : le
sodium et ses cations stimulent de façon plus puissante
l’ADH et la soif que les osmoles non ioniques (comme le
Sinus carotidien glucose) [22, 35].
au nerf IX
Régulation hormonale
Artère carotide Artère carotide
interne droite interne gauche baro-volumique [1-9]
Artère carotide Diverses hormones circulantes, tout particulièrement
Artère carotide
externe droite l’angiotensine II et le facteur atrial natriurétique (FAN),
externe gauche
sont capables de déclencher aussi la libération d’ADH et la
soif grâce à une activation directe des osmorécepteurs cen-
traux ou une activation d’osmorécepteurs ou de baro/volo-
Récepteurs Nerf vague récepteurs périphériques. L’activation par étirement des
sinus X osmorécepteurs périphériques secondaire à des variations
carotidien de tonicité plasmatique induit l’expression de canaux TRVP
périphériques (surtout les TRVP4 du système veineux hépa-
tique), ce qui active le message adrénergique autono-
mique délivré à travers les nerfs vague et glossopharyngien
jusqu’au noyau du tractus solitaire (NTS). Le signal postsy-
naptique arrive au NSO et NPV pour activer la libération
d’ADH et supprimer la sensation de soif. Les barorécep-
Crosse
aortique teurs à haute pression et les volorécepteurs à basse pres-
sion sont situés au sein de nombreux lits vasculaires et de
Récepteurs nerfs efférents : sinus carotidien, crosse aortique, oreillette
crosse aortique cardiaque, artérioles afférentes glomérulaires, système vei-
neux pulmonaire (figure 5). L’hypovolémie et l’hypoten-
Figure 5 / Principaux mécanorécepteurs périphériques
et voies de transmission impliqués dans l'activation sion artérielle activent ces récepteurs dont le signal est
du système rénine-angiotensine-aldostérone conduit à travers plusieurs voies dont le système de l’acide
et la libération de l'hormone antidiurétique gamma-aminobutyrique (GABAergique) et le système ner-
veux autonome, aboutissant à la libération d’ATII. L’ATII est

352
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page353

Eau et électrolytes 33

un puissant agent dipsogénique. L’ATII circulant se lie à son des effets dipsogéniques de l’ATII et inhibiteurs de la soif
récepteur AT couplé à la protéine G qui est situé dans le activée par la voie cholinergique centrale. Enfin, d’autres
SFO (et OVLT), ce qui entraîne une dépolarisation d’envi- médiateurs chimiques agissent par acteurs paracrines ou
ron 60 % des neurones [36]. Ce signal déclenche un neuro-hormonaux pour des signaux distaux : purine, gaz,
phénomène de transduction dépendant du couple calcium/ calcium...
phosphokinase pour finalement activer la soif et la libéra-
tion d’ADH. Ce phénomène amplifie l’essentielle régula-
tion osmotique précédemment décrite. Cette amplification Au total, l’ADH et la soif sont les principaux méca-
d’osmorégulation explique la potentialisation des effets de nismes de régulation de la balance hydrique de l’or-
l’ATII induits par l’hypovolémie/hypotension couplés avec ganisme. Tous les deux sont principalement et
la soif et la sécrétion d’ADH liée à l’hypertonicité plasma- classiquement régulés par des voies osmotiques et
tique. Les effets inverses sont observés en cas d’hyperten- baro-volumiques qui activent des récepteurs cen-
sion/hypervolémie qui atténue la sécrétion d’ADH et traux. Ces derniers sont localisés dans une zone
minimise la soif [36]. Des études récentes montrent que le stratégique, les organes périventriculaires (circum-
signal central transmis par l’ATII emprunte des voies diffé- ventricular organs). Le signal postsynaptique qui en
rentes pour déclencher la soif et la réabsorption de sodium résulte modifie la libération d’ADH et la sensation
[37, 38]. L’ingestion d’eau serait activée par une voie de soif. La sécrétion d’ADH et la soif sont aussi régu-
dépendante d’une protéine G qui est elle-même activée en lées par de nombreux mécanismes non osmotiques
présence de calcium et d’une protéine kinase C intracellu- et non volumiques (figure 6). Des systèmes hormo-
laire [39]. De la même façon, la perception de FAN dans la naux tels que le système rénine-angiotensine-aldo-
lamina terminalis inhibe OVLT et en conséquence la libé- stérone (SRAA) ou différents neuromédiateurs sont
ration d’ADH par les structures magnocellulaires. aussi impliqués dans cette régulation grâce à des
récepteurs spécifiques disséminés dans de nom-
Il faut des variations d’au moins 5 à 10 % de volémie breuses zones cérébrales. Ainsi, la régulation de la
ou de pression artérielle pour activer la sécrétion d’ADH et balance hydrique est assurée par un contrôle multi-
la soif. Cette sécrétion d’ADH secondaire au mécanisme de ple et complexe orchestré par le cerveau.
barorégulation est exponentielle et dépasse l’osmorégula-
tion. Ainsi, une sécrétion d’ATII activée par une hypovolé-
mie ou une hypotension artérielle déclenche directement
la soif et la sécrétion d’ADH dans le système nerveux cen- Régulation du volume cellulaire
tral, ce qui permet d’atteindre de hautes concentrations
plasmatiques d’ADH malgré la présence concomitante
ou osmorégulation
d’hypotonie plasmatique [1, 40, 41]. Les modifications de tonicité plasmatique exposent à
des lésions irréversibles des cellules : œdème cérébral avec
Régulation et modulation rupture de membrane en cas d’hypotonie, altération du
non osmotique cytosquelette et de l’ADN conduisant à l’apoptose en cas
d’hypertonie. Les cellules ne se comportent heureusement
et non baro-volumique [1-5] pas comme des osmomètres parfaits et sont capables
À côté des stimuli purement osmotiques et baro-volu- d’ajuster leur volume face à des variations de tonicité plas-
miques, de nombreux autres stimuli peuvent réguler et matique. Au niveau cérébral, ce processus appelé osmoré-
moduler l’eau corporelle par la soif et la libération d’ADH. gulation cérébrale, est particulièrement efficace pour
La douleur, les nausées-vomissements, certains médica- éviter les lésions (œdème, hémorragie) qui peuvent abou-
ments comme les morphiniques sont des stimuli importants tir au décès ou à des séquelles neurologiques irréversibles.
non osmotiques de la soif et de l’ADH. Ils envoient un Malgré la persistance de valeurs anormales de tonicité
signal au cerveau antérieur et, grâce à de nombreuses pro- plasmatique, les cellules mettent en place un mécanisme
jections entre ces aires et celle des organes périventricu- de régulation de leur volume [1, 2, 8, 11, 42, 43]. En cas
laires, du glutamate est libéré au niveau synaptique d’hypotonie plasmatique, après une augmentation transi-
hypothalamique, ce qui active la soif et la sécrétion d’ADH. toire, le volume cellulaire va décroître rapidement : c’est
La régulation osmotique neuro-hormonale peut aussi être le mécanisme de régulation par diminution de volume ou
modifiée par beaucoup de médicaments. L’hypernatrémie “regulatory volume decreased” (RVD). En cas d’hypertonie
augmente la sensibilité des mécanorécepteurs inhibiteurs, plasmatique, c’est le mécanisme inverse de “regulatory
ce qui amplifie la régulation du volume cellulaire en volume increase” (RVI) [14, 43-45]. Ce phénomène fait
réponse à une hypertonicité plasmatique et inversement. appel à des modifications du contenu intracellulaire en
Des neuropeptides comme la neurotensine ou la cholécys- substances osmotiques actives (figure 7). Dans le cas d’une
tokinine activent des canaux cationiques sensibles à l’éti- régulation de volume rapide, les molécules impliquées sont
rement en passant par un signal intracellulaire qui passe des électrolytes (principalement le chlore et le potassium)
par une protéine G. Ceci induit une dépolarisation cellu- dont les transferts transmembranaires sont assurés par des
laire qui stimule la sécrétion d’ADH et la soif. D’autres transporteurs ou cotransporteurs et qui permettent une
molécules (calcium, ghréline, amyline, glucose, interleu- régulation rapide mais incomplète. Ainsi, en cas d’hypoto-
kine) seraient impliquées dans cette régulation en agissant nie aiguë, le contenu intracellulaire cérébral en électrolytes
directement par activation de récepteurs spécifiques loca- va rapidement diminuer, ce qui va atténuer le gradient
lisés dans le SFO [7]. La sécrétion d’ADH par l’hypothalamus osmotique transmembranaire et limiter l’importance de
et l’ingestion d’eau peuvent aussi être stimulées directe- l’œdème cérébral. En cas d’hypertonie plasmatique aiguë,
ment à partir de projection des voies noradrénergiques, c’est le phénomène inverse qui se produit avec entrée dans
GABAergiques et cholinergiques provenant du cerveau la cellule d’électrolytes. Le chlore via ses canaux voltage-
antérieur [42]. Des volorécepteurs périphériques peuvent dépendants (ClC), semble également jouer un rôle majeur
activer ces circuits de neurotransmetteurs qui déclenchent dans la régulation du volume cérébral [43, 46, 47]. Les
des réponses neuro-endocriniennes et modifient la diurèse échanges de chlore sont aussi souvent réalisés sous la
et la sécrétion de FAN. Le circuit central sérotoninergique forme de co-transports, dont les plus connus sont les
a un double effet qui dépend de la nature des récepteurs Na+/Cl– (NCC), les K+/Cl– (KCC), et les Na+/K+/Cl– (NKCC). NCC
qui sont activés. Certains d’entre eux induisent un effet et NKCC facilitent l’entrée de sodium, potassium et chlore
antidipsogénique alors que d’autres sont potentialisateurs dans les cellules et sont inhibés par une augmentation du

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Neurones libérant
des neuro-hormones
(ADH, ocytocine) Neurones libérant
des neurotransmetteurs

Hypothalamus

Capillaires sanguins Hypophyse postérieure


(neuro-hypophyse)
Hypophyse antérieure
Cellules hormonales Figure 6 / Principaux stimuli
Sang de synthèse et libération
Sang de l'hormone antidiurétique (ADH)
L'ADH est synthétisée
par l'hypothalamus et stockée
ADH dans l'hypophyse postérieure.
Sa libération est déclenchée
Chimiorécepteurs Hypoxie
essentiellement par un stimulus
Barorécepteurs Hypotension
Osmorécepteurs osmotique après activation
Volorécepteurs Hypovolémie d'osmorécepteurs. Les stimuli
Système nerveux Nausées-vomissements, + –
non osmotiques sont aussi
central douleurs, morphiniques, des activateurs de libération de l'ADH.
alcool, médicaments Hypertonicité Hypotonicité Parmi ces derniers, l'hypovolémie
et l'hypotension artérielles
Stimuli non osmotiques Stimuli osmotiques jouent un rôle non négligeable.

Hypotonie plasmatique Figure 7 / Régulation du volume


A Tonicité plasmatique B cérébral (osmorégulation cérébrale)
normale et ses mécanismes en cas
Œdème d'hypotonie plasmatique
eau cérébral
100 % eau A. Volume cérébral normal (contenu
100 % osmoles actives 100 % osmoles actives en eau et en osmoles actives à 100 %).
B. L'hypotonie plasmatique engendre
15-30 minutes le passage d'eau vers les cellules
cérébrales car le contenu en osmoles
actives cérébrales n'a pas encore
eu le temps de s'adapter. Le gradient
osmotique transmembranaire va
donc conduire à un œdème cérébral.
2-3 heures Hypotonie aiguë
C. Après 2 à 3 heures d'hypotonie
plasmatique (hypotonie aiguë),
D Volume cérébral C
K+ les cellules cérébrales atténuent
quasi normal Polyols Cl– le gradient osmotique transmembra-
Œdème cérébral naire en diminuant leur contenu en
modéré
Eau osmoles actives. Dans ces délais,
102 % eau
24-48 heures ce sont essentiellement le potassium
Osmoles Osmoles actives et le chlore qui sont éliminés
actives (K, Cl)
Hypotonie chronique de la cellule. Le faible gradient
Cl– osmotique résiduel n'induit
AA qu'un œdème cérébral modéré.
K+
D. Après plus de 24 heures d'hypotonie
plasmatique (hypotonie chronique),
les cellules cérébrales effacent quasi totalement le gradient osmotique transmembranaire en extrudant
des osmoles actives organiques appelées osmolytes. Dans ces délais, la baisse du contenu intracellulaire
en osmolytes contre-balance l'hypotonie plasmatique, ce qui permet de maintenir le volume cérébral.

chlore intracellulaire [48]. L’hypotonie plasmatique active Expérimentalement, la délétion de KCC3 abolit totalement
le co-transporteur KCC3 qui extrude le K+ et le Cl– de la le RVD des neurones de l’hippocampe en cas d’hypotonie
cellule. C’est le mécanisme du RVD qui atténue l’œdème plasmatique. Ainsi, le chlore et ses cotransporteurs ont un
cérébral. À l’inverse, en cas d’hypertonie plasmatique rôle dans la régulation du volume cellulaire de divers
aiguë, le RVI passe par l’activation du cotransporteur organes tels que cerveau, rein ou endothélium [47]. Ces
NKCC1 qui enrichit la cellule en Na+, K+ et Cl– et donc atté- données physiopathologiques pourraient ouvrir de nou-
nue la déshydratation cellulaire cérébrale [47]. L’arginine- velles voies thérapeutiques pour diminuer l’œdème céré-
vasopressine, en stimulant les récepteurs V1, active les bral. Ce mécanisme de régulation du volume cellulaire fait
NKCC, contribuant au développement de l’œdème céré- également intervenir des canaux anions (VRAC pour
bral postischémique. Les cotransporteurs NKCC1 auraient volume-regulated anion channels) [49]. En cas de variation
un rôle dans la survenue de l’œdème astrocytaire. de tonicité plasmatique lente (chronique), la régulation du

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Eau et électrolytes 33

volume cellulaire fait appel à des modifications de contenu cellulaire cérébral. L’inversion de ces phénomènes
intracellulaire en osmoles organiques appelées osmoles (retour à un contenu normal intracellulaire en
idiogéniques ou osmolytes (figure 7) [45]. L’hypotonie osmoles) est plus lente que la normalisation de la
induit une sortie de ces molécules de la cellule. Il s’agit de tonicité plasmatique par traitement actif, ce qui
trois familles biochimiques incluant les acides aminés (glu- expose à la création iatrogène d’un gradient osmo-
tamate, glycine, alanine), les polyols (myoinositol, sorbitol) tique inverse. Tout ceci explique la nécessité d’un
et les triéthylamines. Les deux plus abondants sont le myoi- traitement agressif dans les hyponatrémies aiguës
nositol et la taurine dont les mouvements se font par des symptomatiques pour lutter rapidement contre
transporteurs spécifiques. En cas de trouble chronique, il l’œdème cérébral, alors que le traitement des hypo-
existe une activation (ou inhibition) de synthèse de ces natrémies chroniques asymptomatiques doit se
transporteurs qui nécessite un délai de plusieurs jours (ou faire lentement. L’efficacité de cette osmorégulation
semaines) pour revenir à l’état basal avec récupération du cérébrale est affectée par plusieurs facteurs. La rapi-
contenu intracellulaire en osmoles. Ainsi, la correction dité d’installation de l’hypotonie plasmatique en est
rapide des troubles chroniques conduit à un stress osmo- le facteur dominant. L’hypoxie aggrave l’œdème
tique inverse pouvant conduire à des lésions telles que la cérébral. Ce phénomène est aussi moins efficace
démyélinisation. Pour ces raisons, les modifications lentes chez les femmes en période d’activité génitale.
de tonicité plasmatique doivent être corrigées lentement, L’hypertonie plasmatique conduit à des phéno-
alors que les troubles aigus nécessitent un traitement actif mènes inverses d’osmorégulation.
avec correction rapide du trouble tout au moins jusqu’à
disparition des signes neurologiques de gravité.
Le mécanisme intime de cette régulation se produit en Régulation de l’excrétion
quatre étapes successives [43]. La première étape de
déclenchement passe par une activation des neurones
rénale d’eau par l’ADH
osmosensibles qui s’hyperpolarisent et abolissent les Après sa libération dans la circulation, l’ADH arrive au
décharges électriques. La détection des variations osmo- niveau du rein pour contrôler l’excrétion urinaire d’eau. La
tiques par des neurones dédiés (neurons osmosensing) fait réabsorption d’eau au niveau du tube contourné proximal
intervenir des canaux cationiques du groupe des récep- (TCP) est passive. Les membranes cellulaires deviennent
teurs transitoires de potentiel (transient receptor potential imperméables au niveau du tube contourné distal (TCD)
ou TRP), tout particulièrement les TRP4 et TRP1, mais aussi alors que la réabsorption de sodium persiste. L’ADH active
des récepteurs tyrosine kinase et de l’intégrine [45]. La la réabsorption active d’eau libre par les cellules rénales de
deuxième étape des voies de signalisation (osmotransduc- l’anse de Henlé et du tubule distal grâce à une liaison avec
tion) fait intervenir une cascade de réactions incluant l’ac- trois types de récepteurs [14]. L’ADH agit essentiellement
tivation du calcium intracellulaire, des protéines tyrosines en se liant à des récepteurs V2 rénaux (V2R) qui sont situés
kinases, des MAPK (mitogen-activated protein kinase), surtout sur la membrane apicale des cellules du tube col-
phospholipases ou radicaux libres. Les mouvements trans- lecteur. La liaison ADH-V2R est couplée à une activation
membranaires d’osmolytes et d’électrolytes sont déclen- d’une protéine G. Ce phénomène induit une suite de réac-
chés lors de la troisième étape, aboutissant à une tions en cascade qui aboutit à une augmentation de pro-
atténuation des variations de volume cellulaire. La der- duction d’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et
nière étape consiste à arrêter ces mouvements dès lors que finalement à l’expression de canaux à eau appelés aqua-
la cellule a retrouvé son volume initial grâce à un phéno- porines (AQP). Les aquaporines ont été identifiées initiale-
mène de mémorisation de ce volume. ment dans les années 1990 [50]. Cette grande famille de
Les canaux à eau AQP4, fortement représentés au protéines transmembranaires ubiquitaires est fortement
niveau cérébral, jouent également un rôle primordial. Ces impliquée dans les mouvements d’eau et de solutés neu-
tres. Selon leurs propriétés et leurs séquences en acides
canaux sont localisés sur les cellules gliales au niveau de la
aminés, les AQP sont divisées en sous-groupes :
zone de contact avec les vaisseaux sanguins (pieds astrocy-
• AQP 0, 1, 2, 4, 5, 6, 8 sont des canaux à eau ;
taires) et les espaces sous-arachnoïdiens, mais aussi dans
• AQP7 est une aquaglycéroporine perméable aux petites
les noyaux supra-optiques. Ainsi, les animaux déficients en
molécules neutres ;
AQP4 ont une diminution marquée d’œdème cérébral et
• AQP3, 7, 9, 10 sont impliquées dans les mouvements
de mortalité en cas d’hyponatrémie. L’effet anti-œdéma-
d’eau, d’urée et de glycérol ;
teux cérébral du sérum salé hypertonique passe par ces
• AQP11, 12 sont des super-aquaporines [51, 52].
AQP4 périvasculaires. Mais les AQP4 permettent aussi des
mouvements hydriques inverses, notamment l’élimination Toutes sont caractérisées par une structure tétramé-
de l’œdème vasogénique en cas de tumeur cérébrale. La rique commune qui inclut six domaines transmembra-
coopération astrocytes-neurones permet également une naires, une hélice alpha connectée par cinq boucles, des
protection de cellule à cellule en cas d’hypotonicité plas- domaines terminaux intracellulaires amines et carboxyls
matique : grâce à un transfert de taurine des neurones vers associés par deux fois deux boucles. L’eau passe surtout au
les astrocytes, les neurones maintiennent leur volume aux milieu du pore central de la sous-unité tétramérique, alors
dépens d’un œdème astrocytaire. Les astrocytes récupèrent que les ions peuvent traverser le canal par des pores de
leur volume en 24 à 48 heures grâce au phénomène d’os- sous-unités individuels [6, 51, 53].
morégulation.
Les canaux répondant à la régulation par l’ADH de la
perméabilité à l’eau sont les AQP2 qui sont sur le tube col-
Au total, en cas d’hypotonie plasmatique aiguë, le lecteur. Ces AQP2 sont hautement sélectives et des canaux
RVD avec extrusion d’électrolytes est rapidement à eau spécifiques. La régulation à court terme résulte de
activé, ce qui atténue le gradient osmotique trans- mouvements et de relocalisation des AQP2 sur la mem-
membranaire et donc l’œdème cérébral [43]. Bien brane cellulaire rénale. En conditions normales, les AQP2
que rapide, ce phénomène ne permet qu’une adap- sont contraintes dans le cytoplasme. La liaison ADH-V2R
tation incomplète du volume cérébral. En cas active en premier lieu l’expression des AQP3 des mem-
d’hypotonie installée lentement et de façon prolon- branes cellulaires basales, ce qui déclenche le transport des
gée, c’est la sortie des osmoles organiques des cel- AQP2 situées dans les vésicules intracellulaires (exocytose)
lules qui permet de quasi normaliser le volume [15, 54, 55]. Ces AQP2 activées autorisent la réabsorption

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

d’eau à travers ce pore [6, 14, 51, 53, 56, 57]. La régulation ce trouble est associé à une réduction du volume circulant
à long terme d’AQP2 liée à l’ADH repose sur une augmen- efficace ou « volémie », la résultante étant une augmen-
tation de la demi-vie et du nombre des AQP2 par augmen- tation globale du SEC. C’est ce que l’on observe dans les
tation de leur transcription [14, 56-59]. insuffisances cardiaques ou rénales congestives ou cir-
rhoses avec ascite, avec des patients qui présentent des
Au total, l’activation des AQP2 par l’ADH représente
œdèmes mais une hypovolémie. Le traitement de ces trou-
l’élément clé de contrôle des phénomènes de dilution/
bles hydro-électrolytiques est difficile car contradictoire :
concentration des urines et donc de la balance hydrique.
remplissage vasculaire essentiel pour maintenir une circu-
Ainsi, la perméabilité à l’eau du tube collecteur varie selon
lation efficace mais qui aggrave les œdèmes du fait de l’ap-
la concentration plasmatique en ADH : si elle est basse, les
port de Na.
urines sont très diluées (osmolarité urinaire minimale aux
alentours de 100 mosm/L) ; si elle est élevée, la concentra- En situation physiologique, l’apport oral exogène de Na
tion urinaire s’accroît linéairement avec celle de l’ADH est supérieur à nos besoins, la différence dépendant de nos
grâce à une réabsorption massive d’eau. Cependant, mal- habitudes alimentaires. Les pertes obligatoires cutanées et
gré une augmentation persistante d’ADH, la concentration digestives sont égales aux besoins minimaux requis
urinaire atteint son maximum quand elle atteint 1 000 à (10 mmoles/j). Malgré des variations dans les apports, la
1 200 mosm/L. Normalement, le rein peut équilibrer une balance sodée de l’organisme est normalement constante
absorption de 1000 à 2000 mL d’eau. L’urée, les sulfates, du fait d’un équilibre entre entrées et sorties de sodium
phosphates et d’autres solutés issus du métabolisme cellu- (figure 8). Le rein est l’organe clé de cette régulation
laire sont responsables de la production quotidienne d’en- étroite [64]. L’excrétion rénale totale de sodium représente
viron 600 mosm, ce qui nécessite une excrétion minimale plus de 95 % de la quantité excrétée. Quantitativement,
d’urines de 500 mL par rein. Les anomalies de régulation ceci représente 500 g de sodium éliminé du plasma quoti-
des AQP2 sont responsables de troubles hydriques divers : diennement. Ce phénomène de régulation représente la
mutations des V2R ou des AQP2 responsables de polyuries dépense énergétique majeure de l’épithélium tubulaire
dont le diabète insipide néphrogénique ; augmentation de rénal (figure 8).
l’expression des AQP2 qui entraîne une rétention anormale
Physiologiquement, le sodium est filtré au niveau du
d’eau comme dans le syndrome de sécrétion inappropriée
glomérule, puis réabsorbé tout le long du néphron.
d’ADH [8, 19, 58-60].
Cependant, l’importance de cette réabsorption est extrê-
L’ADH peut aussi contrôler la balance hydrique en acti- mement variable selon les zones du néphron. La filtration
vant différents cotransporteurs [14]. Le co-transporteur du sodium est passive, alors que sa réabsorption est un pro-
sodium-chlore bumétamide-sensible est situé dans la cessus qui consomme de l’énergie. La totalité du Na est fil-
branche ascendante large de l’anse de Henlé. L’ADH sti- trée au niveau glomérulaire, ce qui représente 25 moles
mule ce cotransporteur, ce qui conduit à stimuler la réab- par jour. Soixante à 70 % sont réabsorbés le long du TCP.
sorption active de sodium et de chlore. L’accumulation Ce processus isotonique est produit grâce à des échangeurs
médullaire interstitielle de solutés qui en résulte favorise Na+/H+ (NHE3) [63]. Vingt-cinq à 35 % du sodium sont
la réabsorption d’eau par les tubules rénaux. L’ADH favo- réabsorbés au niveau de la branche ascendante large de
rise aussi la réabsorption d’eau en activant le canal épithé- l’anse de Henlé (BALH). Ce processus actif est médié par
lial sodique (ENaC pour Epithelial sodium Channel) du tube des cotransporteurs NKCC2. Il ne reste que 8 à 10 % du
collecteur par l’intermédiaire d’une voie indépendante de sodium filtré à l’entrée du TCD et 6 à 10 % sont finalement
l’aldostérone [61] (cf. infra). L’augmentation de réabsorp- réabsorbés. Les mécanismes et voies de transport du
tion de sodium qui en résulte facilite la réabsorption d’eau sodium sont différents selon la partie du TCD : en proximal,
également [14, 61-63]. la réabsorption est réalisée grâce à des cotransporteurs
NCC ; en distal, elle fait intervenir le canal ENaC. Au final,
une très faible quantité du sodium filtré atteint le tube col-
Balance sodée lecteur. Néanmoins, grâce à ses capacités permettant de
modifier cette excrétion, le tube collecteur joue un rôle
et sa régulation majeur dans le maintien de la balance sodée. Le tube
digestif participe largement aux échanges de sodium entre
les compartiments : excrétion sodée non négligeable par
Balance sodée la bile, les sécrétions pancréatiques et intestinales. Ceci
explique l’hypovolémie observée chez les patients qui ont
Le sodium est un cation monovalent et une base forte. des pertes digestives importantes (sonde gastrique en aspi-
Son poids moléculaire est de 23 Da et 1 g de Na contient ration ou fistules digestives).
17 mmoles de Na. La quantité totale de sodium de l’orga-
nisme est de 60 moles/kg. Quarante pour cent se situent
dans les os et tissus conjonctifs. La concentration plasma- Régulation de la balance sodée
tique de sodium ou natrémie est de 140 ± 2 mmol/L et de
144 ± 2 mmol/L dans le secteur interstitiel. Le sodium tra- Les mécanismes de régulation de la balance sodée pro-
verse librement la membrane capillaire. La concentration cèdent selon une boucle (tableau 3) : activation de récep-
intracellulaire de sodium varie mais elle reste basse teurs périphériques ou centraux à partir d’un signal qui
(< 20 mmol/L) grâce au fonctionnement de la pompe Na+- déclenche une transmission afférente à la commande cen-
K+-ATPase qui extrude en permanence le sodium des cel- trale ou périphérique ; retransmission du signal par des
lules. Le sodium, présent en grande quantité dans le SEC, voies efférentes qui atteint les organes effecteurs. Les reins
est le déterminant majeur du volume ou hydratation du et les vaisseaux sont les organes effecteurs principaux.
SEC. En d’autres termes, la quantité totale de sodium de
l’organisme régule le volume extracellulaire et la pression
artérielle, alors que la natrémie (concentration plasma-
Voies afférentes
tique de sodium) détermine la tonicité plasmatique et Deux sont décrites [4] :
donc le volume du SIC. En situations pathologiques, la pré- • l’activation/inhibition de mécanorécepteurs qui dépend
sence d’œdème traduit une augmentation du volume de la volémie et de la pression artérielle. En cas d’hyper-
extracellulaire (secteur interstitiel plus précisément) en volémie ou d’hypertension artérielle, ces récepteurs à
rapport avec l’accumulation de Na (et d’eau). Bien souvent l’étirement sont activés, ce qui produit une inhibition du

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Eau et électrolytes 33

signal au niveau central et finalement une réduction de activés ou inhibés par des changements d’étirement des
la réponse neuro-endocrine et sympathique. Les baroré- parois. Le signal émis par la circulation artérielle chemine
cepteurs sont situés dans le système artériel à haute pres- par les nerfs vague (X) et glossopharyngien (IX) au sys-
sion (crosse aortique, sinus carotidien) et détectent des tème nerveux central (figure 5) ;
modifications de pression des parois vasculaires. Divers • les phénomènes mécaniques comme la baisse du débit
organes contiennent des récepteurs à basse pression : cir- de filtration glomérulaire (DFG) ou de la quantité de
culation artérielle pulmonaire, parois atriales et ventri- sodium délivrée au tubule. Une augmentation de sodium
culaires et vaisseaux porte (volorécepteurs). Tous sont délivrée au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire réduit

Figure 8 / Balance sodée Secteur extracellulaire (SEC)


et ses principaux mécanismes Entrées exogènes 140 mmol/L
régulateurs chez un adulte de 70 kg (variables selon
Les entrées proviennent essentiellement l'alimentation)

Volémie circulante

SEC interstitiel
de l'alimentation et sont généralement
supérieures aux besoins que sont les
Rétrocontrôle
pertes obligatoires. Après son tubuloglomérulaire
absorption orale, le sodium est Régulation
massivement réabsorbé par le tube Modifications du DFG ou hormonale
digestif puis redistribué dans les de la quantité de sodium
délivrée au tubule Kinine-kallikréine
compartiments de l'organisme. Le
Sécrétions Peptides
sodium reste dans le secteur digestives 5% natriurétiques
extracellulaire, de sorte qu'il en est
l'élément de maintien du volume
extracellulaire. En dehors des pertes Na + Glomérule TCD, TCC
25-30 % 3%
obligatoires quantitativement faibles, TCP
les pertes de sodium s'effectuent au Pertes fécales Rein

BALH
+ 60-65 %
niveau rénal. Les principaux facteurs pertes cutanées Aldostérone
de régulation de la balance sodée sont =
le système rénine-angiotensine- pertes obligatoires TC
aldostérone qui réabsorbe le sodium et (10 mmol/j) Tonus sympathique Angiotensine
les peptides natriurétiques, le système
Régulation nerveuse
kinine-kallicréine qui est au contraire Rénine
natriurétique. La balance sodée est aussi
Pertes rénales
régulée par le rétrocontrôle (dépendent des apports)
tubuloglomérulaire et par le système
nerveux autonome.
BALH : branche ascendante large de Henlé ; DFG : débit de filtration glomérulaire ; TC : tube collecteur ; TCC : tubule collecteur ;
TCD : tube contourné distal ; TCP : tube contourné proximal.

Tableau 3 / Principaux facteurs et mécanismes de régulation de la balance sodée

Mécanismes afférents Stimuli Mécanismes efférents Effets


Augmentation du tonus Réabsorption rénale de Na
Baisse de pression Rénine, nerveux sympathique au niveau du TCP
Angiotensine de perfusion rénale hyperkaliémie Augmentation du DFG Réabsorption rénale de Na
Libération d’aldostérone au niveau du TCD et TC
Activation Réabsorption rénale de Na
du canal épithélial ENaC au niveau du TCD et TC
Activation Excrétion rénale de K au
Aldostérone Rénine Angiotensine de la pompe Na+-K+-ATPase niveau du TCD et TC
Activation = effets antinatriurétique
Facteurs du canal épithélial ROMK et kaliurétique
hormonaux Vasoconstriction
rénale et systémique
Peptides Hypertension- Tonus nerveux Augmentation du DFG = effet hypotenseur
natriurétiques Hypervolémie sympathique Baisse de réabsorption de = effet natriurétique
Na au niveau du TCP et TC
Bradykinine Kallicréine
Vasodilation = modulation
Tonus nerveux Prostaglandine E2,
Prostaglandines systémique et rénale de la natriurèse
sympathique prostacycline Modulation du DFG et DSR et de la diurèse
Stimulation de la rénine
et angiotensine
Baisse de pression
DFG Inhibition de l’angiotensine = effet antinatriurétique
Facteurs de perfusion rénale Baisse de l’activation
mécaniques du SRAA
Rétrocontrôle Baisse de Na = effet natriurétique
tubuloglomérulaire délivré au tubule
DFG : débit de filtration glomérulaire ; DSR : débit sanguin rénal ; ENaC : canal épithélial sodique ; K : potassium ; Na : sodium ; ROMK : renal out-medullary potassium ;
SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone ; TC : tube collecteur ; TCD : tube contourné distal ; TCP : tube contourné proximal

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

le DFG, ce qui induit une baisse de sodium délivré en ROMK (renal out-medullary potassium). Ce canal situé sur
retour : c’est le rétrocontrôle glomérulotubulaire qui est les membranes apicales permet l’excrétion rénale de potas-
médié par une vasoconstriction des artérioles afférentes sium. Ces effets sont rapidement produits en 30 à 60
glomérulaires. minutes. L’aldostérone peut aussi activer directement la
réabsorption de sodium en stimulant le transporteur Na-
Voies efférentes Cl sensible aux thiazidiques du TCD [14].

La transmission du signal se fait par trois voies princi- L’ATII augmente la pression artérielle par différentes
pales : les voies hormonales et neuronales, et le régime en voies indépendantes de l’aldostérone [65]. Cet effet résulte
sodium et potassium. de plusieurs actions :
• réabsorption directe de sodium par activation directe de
• Système hormonal ENaC ;
• vasoconstriction systémique secondaire à une hyperacti-
Il occupe une place prépondérante dans la régulation vité sympathique ;
de la balance sodée. Un système de plusieurs hormones • augmentation de la sensation de soif et de la réabsorp-
contrôle l’excrétion et la réabsorption rénale de sodium. tion d’eau secondaire ou non à la stimulation d’ADH.

Système rénine-angiotensine-aldostérone Des données récentes ont montré que l’angiotensine


pourrait délivrer un signal à partir d’une activation du sys-
C’est le plus important. La rénine est synthétisée par les
tème nerveux central. Dans ce cas, la première étape est la
cellules épithéliales des artérioles afférentes de l’appareil
liaison de l’angiotensine sur des récepteurs transmembra-
juxtaglomérulaire du TCD. La baisse de pression de perfu-
sion rénale active la libération de rénine, ce qui stimule les naires centraux ATI. Selon leur isoforme, la voie de trans-
récepteurs de ces artérioles afférentes. L’hyperkaliémie, mission et le signal diffèrent [39, 46]. Brièvement, les
l’hyponatrémie et l’augmentation de l’activité sympathique récepteurs ATIa, qui sont situés dans les structures SFO et
stimulent aussi la synthèse de rénine. L’angiotensinogène OVLT, activent la phospholipase C qui conduit à la produc-
inactive synthétisée par le foie est alors convertie en ATI tion d’inositol triphosphate (IP3) et de diacylglycérol
inactive au niveau rénal sous l’effet de la rénine. C’est l’en- (DAG). Cette voie traditionnelle permet la libération de
zyme de conversion qui permet la transformation de l’ATI calcium intracellulaire et déclenche la soif et l’absorption
en ATII active. Cette dernière se lie à un récepteur spéci- d’eau. L’activation de ATIb stimule la production de MAPK
fique transmembranaire, ce qui conduit à différents effets qui stimule l’ingestion de NaCl. Ces récepteurs ATIb sont
périphériques et centraux : libération d’aldostérone, soif, situés dans le cortex cérébral et l’hippocampe. Ainsi, la
vasoconstriction (figure 9). Le résultat final a toujours pour réabsorption de NaCl et l’ingestion d’eau induite par sti-
but le contrôle de la balance sodée (excrétion ou réabsorp- mulation centrale peuvent être déclenchées directement
tion de sodium). L’aldostérone, hormone finale du SRAA, par l’angiotensine ou suivre deux voies distinctes.
est synthétisée et libérée par les cellules de l’appareil juxta-
glomérulaire. La partie terminale du TCD et corticale du
Peptides natriurétiques
tube collecteur représente la partie du néphron distal sen- La synthèse des peptides natriurétiques est activée par
sible à l’aldostérone. L’aldostérone se lie à son récepteur l’étirement de mécanorécepteurs situés sur les parois myo-
minéralocorticoïde intracellulaire. L’ensemble migre vers le cardiques (FAN) et du système nerveux central. Leur demi-
noyau et accroît la réabsorption de sodium (et d’eau) et vie varie entre 4 et 20 minutes selon le type de peptides.
l’élimination de potassium. La réabsorption de sodium Le FAN induit des effets vasculaires et des échanges de
secondaire à la stimulation par l’aldostérone passe par le sodium au niveau rénal. L’impact sur la circulation systé-
canal ENaC présent surtout sur les membranes apicales du mique consiste en une vasodilatation qui fait baisser la
tube collecteur. Cet effet est régulé par un rétrocontrôle pression artérielle. Sur le rein, le FAN crée une vasodilata-
négatif du SRAA [61]. L’aldostérone stimule aussi la réab- tion de l’artériole glomérulaire afférente associée à une
sorption de sodium au niveau des membranes basales en vasoconstriction de l’artériole glomérulaire efférente, ce
activant la pompe à Na+-K+-ATPase ; elle augmente aussi la qui permet d’augmenter le DFG sans modifier le débit san-
production mitochondriale d’ATP. L’aldostérone joue éga- guin rénal. Le résultat est une augmentation de la filtra-
lement un rôle dans le contrôle de la balance potassique : tion et de l’excrétion rénale de sodium. Le FAN peut aussi
elle est responsable d’un effet kaliurétique en rapport avec induire une natriurèse par d’autres mécanismes : la
l’activation du canal de perméabilité rénal au potassium réabsorption rénale de sodium induite par le SRAA est

Rénine Enzyme de conversion


+ +

Angiotensinogène Angiotensine I Angiotensine II (active) Figure 9 / Axe rénine-angiotensine-aldostérone


(inactive) La rénine est synthétisée par les cellules rénales
Foie Rein Surrénales de l'appareil juxtaglomérulaire, l'angiotensine
+ + est synthétisée par le foie et l'aldostérone
Cerveau par les glandes surrénales. L'activation
+ de la synthèse/sécrétion de rénine secondaire
Ca++ Aldostérone
à une hypovolémie/hypotension artérielle
intracellulaire Soif
transforme l'angiotensinogène (molécule
inactive) en angiotensine I (molécule inactive).
L'enzyme de conversion permet la formation
d'angiotensine II qui est la forme active.
Réabsorption rénale
L'angiotensine II a des effets différents :
de sodium
vasoconstriction, réabsorption rénale
Vasoconstriction de sodium et soif.

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Eau et électrolytes 33

contrecarrée par les peptides natriurétiques dans le TCP et des hyponatrémies chroniques pourraient être liés à ces
le tube collecteur et par une inhibition des canaux trans- modifications de stockage tissulaire en sodium : perte de
membranaires à sodium. Les peptides natriurétiques calcium des os, activité accrue des ostéoclastes pouvant
déclenchent aussi l’excrétion rénale de sodium en stimu- entraîner ostéoporose et fractures.
lant directement les mécanorécepteurs qui émettent un
signal au système nerveux central. L’effet global est une
Au total, le sodium total de l’organisme est le déter-
action natriurétique [4]. Ainsi, les variations de volémie
minant du volume extracellulaire, tout particulière-
exercent un rétrocontrôle sur la libération de peptides
ment du volume circulant efficace ou volémie. La
natriurétiques : l’hypovolémie diminue leur libération et
balance sodée est physiologiquement maintenue
donc la natriurèse et inversement. Il existe par ailleurs des
constante pour maintenir la pression artérielle et la
interactions entre peptides natriurétiques et autres fac- volémie. Le SRAA joue un rôle majeur dans cette
teurs hormonaux. Ainsi, le FAN baisse l’activité de la rénine régulation grâce aux mécanorécepteurs vasculaires
plasmatique et de l’aldostérone. (et centraux). En détectant les variations d’étire-
ment des parois vasculaires, l’angiotensine et l’al-
Système kinine-kallicréine
dostérone modifient la réabsorption/excrétion
La kallicréine est une protéase produite par les cellules rénale de sodium. L’hypotension artérielle et l’hy-
du tube collecteur. Elle transforme le kininogène en bra- povolémie stimulent la libération de ces deux hor-
dykinine. Ce système contrôle plusieurs canaux ioniques du mones et induisent une réabsorption de sodium.
tube collecteur. L’effet global est une inhibition de la réab- Cet effet est complété par les effets de l’ADH et des
sorption de sodium due à une inhibition du canal ENaC modifications de l’activité sympathique rénale.
[63]. Finalement, le système module plus qu’il ne régule la D’autres systèmes hormonaux tels que peptides
balance sodée et la pression artérielle. natriurétiques, kinine-kallicréine et prostaglandines
ont au contraire un effet natriurétique.
Prostaglandines
Elles sont synthétisées par les reins et ont une action

Potassium
modulatrice sur la balance sodée. Selon leur nature et leur
localisation, certaines ont des effets vasodilatateurs et
d’autres vasoconstricteurs, avec pour objectif final le main-
tien du DFG et du débit sanguin rénal.
Répartition du potassium
Hormone antidiurétique dans l’organisme
Elle contribue directement à la régulation de la balance
sodée. Elle crée une dilution des urines en activant un co- Le potassium (K+) est le cation le plus abondant de l’or-
transporteur sodium-chlore sensible aux thiazidiques. ganisme, puisque sa quantité totale est d’environ
L’ADH se lie également aux récepteurs V1 présents dans la 50 mmol/kg soit 4 000 à 5 000 mmoles pour un adulte de
vascularisation rénale médullaire. Cette action module le 70 kg. Quatre-vingt-dix-huit pour cent du potassium est
débit sanguin rénal et en conséquence la réabsorption intracellulaire, dont 80 à 90 % sont localisés au niveau
rénale de sodium avec pour objectif le contrôle de la volé- musculaire. La concentration intracellulaire va de 100 à
mie et de la pression artérielle. 140 meq/L (ou mmol/L). Les 2 % restants se situent dans le
SEC, et la kaliémie normale est comprise entre 3,5 et
• Système sympathique rénal 5 mmol/L (figure 10) [68-72]. La quantité totale de potas-
sium extracellulaire est de 60 à 80 mmol et de 20 à
Il permet le contrôle du DFG. La baisse de pression arté- 25 mmol dans le secteur plasmatique chez un adulte.
rielle (et de pression de perfusion rénale) et l’hypovolémie Environ 90 % du potassium de l’organisme est échangea-
stimulent les nerfs sympathiques rénaux, ce qui entraîne ble en 24 heures.
une vasoconstriction artériolaire rénale responsable d’une
baisse de pression capillaire glomérulaire. La conséquence
est une baisse du DFG et de l’excrétion urinaire de sodium. Balance potassique
Les effets inverses sont observés en cas d’hypertension
artérielle. et sa régulation
Le ratio entre potassium extracellulaire [Ke] et intracel-
• Régime sodé et potassique lulaire [Ki], explique que de faibles variations absolues de
Il participe aussi à la régulation de la balance sodée. Un kaliémie peuvent avoir un retentissement majeur sur l’ex-
régime pauvre en sodium augmente la libération d’aldo- citabilité neuromusculaire. Il n’est donc pas surprenant
stérone et donc la réabsorption de sodium. Un régime riche d’avoir un système de régulation de la kaliémie extrême-
en potassium avec apport constant de sodium diminue ment précis. Celui-ci fait intervenir deux systèmes complé-
directement la réabsorption sodée au niveau du TCP, de la mentaires : la régulation de la balance interne et celle de
BALH et du TCD en activant l’ATII. Le potassium déclenche la balance externe (figure 10).
aussi la réabsorption de sodium en stimulant la libération
directe d’aldostérone indépendamment de l’ATII. Balance interne
• Balance sodée à long terme La balance potassique interne est la première ligne de
régulation de la kaliémie car elle est immédiate, mais il
De nouvelles données expérimentales suggèrent qu’en s’agit d’une régulation à court terme et transitoire. Elle
cas d’ingestion constante de sodium pendant plusieurs consiste en un transfert transmembranaire de potassium
semaines, l’excrétion rénale de sodium est directement liée entre secteur extracellulaire et secteur intracellulaire [68,
au cortisol qui pourrait modifier les réserves tissulaires en 69, 72-76]. Le maintien du gradient normal entre [Ke] et
sodium [67]. Le sodium est en effet lié à des protéoglycanes [Ki] est réalisé grâce au fonctionnement de la pompe Na+-
contenues dans la peau, les os et les tissus conjonctifs. Ces K+-ATPase transmembranaire qui permet l’entrée de 2 K+
réserves constituent un réservoir important mobilisable dans la cellule en échange de la sortie de 3 Na+, ce qui
indépendamment de la natrémie. Les effets secondaires conduit à une distribution asymétrique du K+ entre ces

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Potassium total de l'organisme = 3 000-4 000 mmoles

Secteur extracellulaire Secteur intracellulaire


48-56 mmoles (2 %) 2 900 mmoles (98 %) Figure 10 / Balance potassique
chez un adulte de 70 kg
Le potassium total de l'organisme

3,5-5 mmoles/L
représente 3 000 à 4 000 mmoles,
Muscles répartis pour 98 % dans le secteur

Pl asma
2 600 mmoles intracellulaire. La concentration
Apports exogènes j (80-90 %)
ol/
intracellulaire de potassium est
= 70-75 mmol/j m de 100 à 140 mmol/L, alors que la
75m BALANCE INTERNE
kaliémie normale est de 3,5
l/j [K] = 100-140 mmoles/L à 5 mmol/L. La balance interne
m o
potassique consiste en une
Tube digestif 10m
5- régulation de la répartition du
potassium entre secteurs extra- et
intracellulaire, avec pour but le
maintien d'une kaliémie normale.
La balance externe consiste
Rein en un équilibre entre entrées et
Excrétion urinaire sorties de potassium. Les entrées
5-10 mmol/j = 70 mmol/j proviennent de l'alimentation
(environ 75 mmoles). Elles sont
normalement équilibrées par une
BALANCE EXTERNE excrétion rénale équivalente.

Courant de fuite deux secteurs. Ce phénomène actif consomme une molé-


3 Na + cule d’ATP. Par ailleurs, il existe des courants de fuite qui
ATP 140 mM compensent ces flux actifs (figure 11A). Grâce à cette
K+ 3 Na + pompe à Na+-K+-ATPase, la concentration intracellulaire en
5-20 mM potassium [Ki] est élevée entre 100 et 140 mmol/L, celle en
2 K+ sodium extracellulaire [Nae] est aussi élevée à 140 mmol/L,
2 K+ 4 mM et le potentiel de membrane de repos se situe aux alen-
100-150 mM tours de –60 à –80 mV (cf. infra).
La balance interne en potassium ou redistribution intra/
– + extracellulaire de potassium est modulée par plusieurs
paramètres. L’insuline, les catécholamines b-adrénergiques
A Secteur Secteur et les minéralocorticoïdes (aldostérone) sont les trois méca-
- 60-80 mV
intracellulaire extracellulaire nismes régulateurs les plus importants. En se fixant sur
leurs récepteurs membranaires respectifs (R-insuline, R-b2-
Récepteur à l’insuline adrénergique, R-aldostérone), ils activent la pompe à Na+-
K+-ATPase et donc le transfert de K+ de l’extérieur vers
l’intérieur de la cellule (figure 11B). L’augmentation rapide
et brutale de kaliémie stimule la sécrétion d’insuline et de
ATP
catécholamines. L’adrénaline a un effet biphasique, hyper-
K+ 3 Na+
+ kaliémie initiale en rapport avec la stimulation alpha-adré-
nergique, puis hypokaliémie due à la stimulation des
récepteurs b2-adrénergiques. La sécrétion adrénergique
2 K+ induite par le stress a les mêmes effets hypokaliémiants.
+ Ces phénomènes peuvent induire une baisse de kaliémie
de 0,5 à 1 meq/L. D’autres paramètres peuvent moduler
H+
cette balance interne. L’aldostérone, en activant la pompe
à Na+-K+-ATPase, permet une redistribution du potassium
vers le secteur intracellulaire. Cet effet n’affecte la kaliémie
B β 2-récepteur qu’en cas de sécrétion chronique. Le glucagon joue un rôle
Na + moins bien connu : après un effet initial hyperkaliémiant
Figure 11 / La pompe à Na+-K+-ATPase et son implication dû à la sortie du potassium des hépatocytes, il peut induire
dans la concentration intracellulaire en potassium une hypokaliémie en stimulant la sécrétion d’insuline.
A. La pompe à Na+-K+-ATPase membranaire nécessite de l'ATP pour Ainsi, l’absorption digestive de K+ lors d’un repas n’entraî-
fonctionner ; elle fait sortir 3 ions Na+ de la cellule en échange de l'entrée de nera pas d’hyperkaliémie grâce à une séquestration du
2 ions K+ dans la cellule. À côté de ces échanges qui nécessitent de l'énergie, potassium au niveau hépatique et musculaire. Pendant la
il existe des courants transmembranaires de fuite qui atténuent légèrement période de jeûne, la kaliémie est maintenue constante
ces gradients de concentration. La résultante est un gradient électrique de grâce à l’extrusion continue de potassium par la pompe à
membrane, avec une charge négative à l'intérieur de la cellule et une
Na+-K+-ATPase.
charge positive à l'extérieur de la cellule : c'est le potentiel de membrane de
repos de la cellule qui se situe aux alentours de –60 à –80 mV. L’équilibre acide-base peut aussi modifier les transferts
B. L'insuline en stimulant son récepteur va activer le fonctionnement de la transmembranaires de potassium. La classique relation aci-
pompe à Na+-K+-ATPase membranaire, ainsi que la pompe à sodium/proton,
dose/hyperkaliémie n’est pas toujours vraie car elle dépend
conduisant ainsi à une pénétration accrue de potassium dans la cellule et
donc à une hypokaliémie. Les agents b2-adrénergiques en stimulant leur de la cause de l’acidose. Dans les acidoses métaboliques
récepteur induisent aussi une hypokaliémie en activant de la même façon la inorganiques par hyperchlorémie, l’accumulation de
pompe à Na+-K+-ATPase membranaire. l’anion Cl– en extracellulaire nécessite une neutralisation
électrique par un cation intracellulaire qui consiste en la

360
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Eau et électrolytes 33

sortie de potassium de la cellule, d’où l’hyperkaliémie. ce qui augmente la kaliurèse et inversement. La cible de
Dans les acidoses métaboliques organiques, l’anion orga- l’aldostérone se situe sur les cellules du tube collecteur cor-
nique (lactate–, corps cétoniques–) pénètre dans la cellule tical et médullaire externe. L’aldostérone pénètre dans la
et va être métabolisé, de sorte qu’il n’est pas nécessaire cellule et se lie à son récepteur cytosolique du côté baso-
d’avoir un transfert de K+ vers l’extérieur de la cellule. Les latéral. Les effets de l’aldostérone sont triples [69, 72, 80] :
acidoses respiratoires ne s’associent pas à une hyperkalié- • au niveau apical, l’aldostérone active la réabsorption de
mie [77, 78]. sodium et la sécrétion de potassium par des canaux sélec-
tifs ;
Le muscle, organe le plus riche en potassium, joue un
• au niveau basolatéral, elle active la pompe à Na+-K+-
rôle majeur dans la régulation à court terme de la kaliémie
ATPase. L’effet global résultant est une kaliurèse et une
par transferts transmembranaires de potassium. Ainsi, des
rétention de sodium (épargne de Na) (figure 12). Ceci
modifications mêmes modérées de libération de K+ par le
souligne le lien étroit entre potassium et sodium ;
muscle peuvent engendrer des variations notables de
• la troisième action se situe au niveau des cellules princi-
kaliémie [69, 79]. Du fait de sa grande richesse en canaux
pales du tube collecteur où l’aldostérone active la kaliu-
membranaires potassiques et en pompes à Na+-K+-ATPase,
rèse.
la totalité des muscles est capable de capter 134 moles de
potassium par minute, ce qui pourrait épuiser le pool Ainsi, en réabsorbant le chlorure de sodium (NaCl), l’al-
potassique extracellulaire en 25 secondes avec un fonction- dostérone joue un rôle dans le maintien de la pression
nement à pleine vitesse. Ainsi, des hyper- et des hypo- artérielle et de la volémie ; en sécrétant le potassium dans
kaliémies peuvent être induites par des modifications les urines, elle régule la kaliémie, mais il s’agit d’une régu-
hormonales ou par des médicaments dont la cible princi- lation à long terme (à la différence des transferts entre sec-
pale est le muscle squelettique. teurs extra- et intracellulaires). Les glucocorticoïdes
stimulent directement la kaliurèse au niveau du tube col-
Balance externe lecteur ainsi que l’ADH. Les catécholamines diminuent la
sécrétion rénale de potassium au niveau du tube collecteur
Les entrées de potassium proviennent de l’alimentation distal.
et représentent 70 à 75 mmol/jour. Généralement, la quan-
tité ingérée quotidiennement dépasse les besoins. Kaliémie et apports de potassium
L’absorption digestive est quasi totale et exclusive au Une augmentation de kaliémie induit une augmenta-
niveau de l’intestin grêle [72, 74]. Les sorties équilibrent tion de kaliurèse qui est linéaire au-delà de 4 mmol/L. Une
normalement les entrées. Elles sont essentiellement réali- baisse des apports en potassium diminue son excrétion uri-
sées par une excrétion rénale, les pertes digestives coliques naire en inhibant directement les canaux potassiques des
et cutanées ne représentant que 10 à 15 % des pertes
cellules principales du canal collecteur, ainsi que la sécré-
totales, soit 5 à 10 mmol/jour (figure 10). Pour un DFG de
tion d’aldostérone et inversement.
125 mL/min et une kaliémie de 4,5 mmol/L, la charge filtrée
normale de potassium est de 810 mmoles, ce qui est bien
plus élevé que l’apport exogène alimentaire. En fait, plus
de 90 % de ce potassium filtré est réabsorbé passivement
dans le tubule proximal (environ 66 %) et la branche ascen-
dante de Henlé (environ 29 %). Au niveau du tube proxi-
mal, la réabsorption de potassium se fait au niveau
paracellulaire et elle est inversement proportionnelle au Cellule du tube
volume extracellulaire. Au niveau de la branche ascen- collecteur rénal
dante de Henlé, les transferts de sodium, potassium et
chlore sont intimement liés et sont réalisés grâce à des
canaux ou des cotransporteurs. Ainsi du côté apical, le Na +
sodium peut être réabsorbé grâce à un cotransporteur 3
NKCC2 ou par le canal ENaC amiloride-sensible. Cette 3 Na +
entrée de sodium induit la réabsorption de potassium au ATPase
niveau basal par le biais de la pompe à Na+-K+-ATPase.
2K+
Dans le même temps la sortie de potassium au niveau api- K +
cal dans les urines est réalisée par le biais de différents
canaux tels que le canal potassique ROMK ou d’autres 2 Aldostérone
canaux. Au niveau basolatéral, le sodium sort de la cellule
grâce à la pompe Na+-K+-ATPase et le chlore grâce à un 1
canal ClC. C’est sur le canal NKCC2 qu’agissent les diuré-
tiques de l’anse. À l’entrée du tube collecteur, il ne reste mb apicale mb basale
que 2 % de potassium filtré. C’est principalement à ce
niveau que va se faire la régulation d’excrétion/réabsorp-
tion du potassium dans les urines sous l’effet de l’aldosté-
rone, mais aussi d’autres facteurs.
Figure 12 / Effets rénaux de l’aldostérone
L’aldostérone traverse la membrane (mb) basale des cellules
• Facteurs de contrôle de la kaliurèse rénales du tube collecteur et se lie à son récepteur
et de la balance potassique cytosolique. Cette liaison active la réabsorption apicale
de sodium (et de chlore) et l’excrétion de potassium
Aldostérone par des canaux sélectifs (1) ; elle active le fonctionnement
des pompes à Na+-K+-ATPase au niveau de la membrane
L’aldostérone est l’hormone la plus importante interve- basale (2). Ces deux effets sont responsables de l’effet
nant dans la sécrétion tubulaire de potassium et donc la hypokaliémiant et kaliurétique de l’aldostérone.
régulation de la kaliémie. Dans cette optique, sa sécrétion L’aldostérone facilite également le fonctionnement
est stimulée indépendamment du système rénine-angio- de la pompe à Na+-K+-ATPase en stimulant la production
tensine. Lorsque la kaliémie augmente, les cellules sécré- d’ATP par la mitochondrie (3).
trices d’aldostérone du cortex surrénalien sont stimulées,

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• Facteurs de contrôle de la kaliurèse sans gradient de concentration intra/extracellulaire de potas-


réelle régulation de la balance potassique sium. À l’état de repos, le maintien de ce gradient requiert
de l’énergie sous forme d’ATP pour faire fonctionner la
Le flux, la quantité de sodium et de chlore dans le TCD pompe à Na+-K+-ATPase membranaire. Le potentiel de
modifient l’excrétion urinaire de potassium [69, 72, 74] : membrane dépend donc du rapport Ki/Ke qui est déter-
toute augmentation du flux tubulaire augmente la kaliu- miné par les variations du K extracellulaire [68, 69, 72, 75].
rèse et inversement. À kaliémie constante, une augmenta- La kaliémie, reflet de ce Ke, est le déterminant majeur de
tion d’apport de sodium et une diminution d’apport de ce potentiel de membrane qui peut être calculé selon la
potassium intraluminal augmente la kaliurèse. L’acidose et formule de Nernst :
les antagonistes des minéralocorticoïdes augmentent aussi Ek = –61 log [Ki]/[Ke] = –80 mV.
la kaliurèse, de même que l’administration de diurétiques
de l’anse « kaliurétiques » (furosémide). Toute augmentation de kaliémie diminue le potentiel
de membrane et inversement. Au total, la kaliémie, ou plus
exactement le rapport [Ki]/[Ke], conditionne le potentiel
Régulation intégrée de la balance de membrane de repos, donc le potentiel seuil de déclen-
potassique et de la kaliémie chement du potentiel d’action. Ce potentiel d’action se
caractérise par une dépolarisation membranaire secon-
Trois types de régulation sont actuellement décrits [74].
daire à une augmentation importante de la perméabilité
Les deux premiers mécanismes de rétrocontrôle négatifs
membranaire qui permet l’entrée massive de sodium dans
l’un sensible à la kaliémie et l’autre sensible à la quantité
la cellule. C’est ce phénomène qui entraîne la conduction
de K+ absorbée maintiennent la kaliémie et la balance
nerveuse et l’excitabilité-contraction musculaire (muscle
potassique en adaptant l’élimination de K+ dans les urines.
squelettique périphérique et myocarde). Au niveau myo-
Le troisième mécanisme, plus récemment décrit, consiste
cardique, les cellules pace-maker du nœud sino-auriculaire
en une adaptation « prédictive » basée sur notre rythme
se caractérisent par un potentiel de membrane de repos
circadien de veille-sommeil et de repas.
moins bas (environ –60 mV) et une phase de dépolarisation
diastolique spontanée qui permet d’initier la dépolarisa-
• Balance externe par rétrocontrôle négatif tion des autres cellules myocardiques et leur contraction
Le système le mieux connu est celui qui est activé par (figure 13). Le potassium intracellulaire intervient dans de
des modifications de kaliémie : l’hyperkaliémie induit une nombreuses fonctions cellulaires de synthèse de glycogène
activation de la kaliurèse pour normaliser la kaliémie et et de protéines.
inversement. Le second système repose aussi sur un rétro-
contrôle négatif mais qui est sensible à la prise digestive
Conséquences ECG des dyskaliémies
(lors des repas) de potassium, indépendamment de la kalié-
mie : la stimulation de récepteurs splanchniques (localisés L’hyperkaliémie diminue le potentiel de membrane
sur le tube digestif, le foie) lors de l’absorption de K+ et induit donc une hyperexcitabilité membranaire
déclencherait une kaliurèse à partir d’un double signal, (figure 13B). Néanmoins, en cas d’hyperkaliémie
l’un émanant du tube digestif, et l’autre d’origine céré- prolongée, l’excitabilité membranaire va diminuer
brale centrale [81]. du fait d’une inactivation des canaux sodiques
membranaires, induite par la dépolarisation. Ces
• Adaptation prédite effets s’associent à un ralentissement de la conduc-
selon un rythme circadien tion et un raccourcissement du potentiel d’action.
L’anomalie ECG la plus précoce de l’hyperkaliémie
Cette adaptation repose sur notre rythme physiolo- est la survenue d’une onde T ample, étroite et poin-
gique de prise de repas. Il est déclenché par une « horloge tue du fait de la repolarisation plus rapide, puis un
centrale » située au niveau du noyau suprachiasmatique allongement de l’espace PR, une diminution-dispa-
cérébral qui est responsable de nombreux rythmes circa- rition de l’onde P, un élargissement du complexe
diens. Le cycle lumière-obscurité active cet oscillateur cen- QRS (témoin de la baisse de l’excitabilité). Les modi-
tral qui va à son tour activer l’oscillateur intracellulaire fications les plus sévères prennent un aspect sinu-
rénal conduisant à des variations cycliques de base de la soïdal du QRS qui va englober l’onde T pour évoluer
kaliurèse. L’activité physique et l’absorption orale de potas- vers l’arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire
sium amplifient ces oscillations, de façon à minimiser les ou asystolie. Les signes ECG de l’hypokaliémie se
variations de kaliémie. Les mécanismes précis de cette caractérisent par l’apparition d’une onde U, d’un
adaptation restent mal connus tout comme les interactions aplatissement des ondes T, d’une dépression du seg-
avec les minéralocorticoïdes et les glucocorticoïdes. ment ST (figure 13C). Ces signes sont en rapport
avec une augmentation du potentiel de membrane
Rôle du potassium qui diminue l’excitabilité et allonge le potentiel
d’action. Les extrasystoles ventriculaires (ESV), les
dans l’organisme blocs auriculoventriculaires (BAV), les arythmies
sévères (tachycardie ventriculaire, fibrillation ven-
Le gradient de concentration intra- [Ki] et extracellu- triculaire, asystolie) s’observent en cas d’association
laire [Ke] du potassium est l’élément majeur impliqué dans à des facteurs prédisposants comme l’ischémie myo-
le maintien du potentiel de repos des membranes, puisque cardique ou la prise de digitaliques. Le QT long et
la membrane cellulaire est imperméable au sodium, mais la torsade de pointe sont la conséquence d’anoma-
très perméable au potassium. Ce potentiel de membrane lies ioniques responsables d’un allongement de la
est une différence de potentiel électrique, résultant d’un repolarisation ventriculaire.

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Eau et électrolytes 33

A : Potentiel d'action normal


+ 20

Potentiel de membrane, mV
0
Cellule
Cellule pace- myocardique
maker du NSA ventriculaire
- 40

- 60
Dépolarisation
diastolique spontanée
- 90

B : Potentiel d'action et hyperkaliémie C : Potentiel d'action et hypokaliémie


+ 20 + 20
Potentiel de membrane, mV

0 0
Cellule Cellule
Cellule pace-
Cellule pace- myocardique myocardique
maker du NSA
maker du NSA ventriculaire ventriculaire
- 40
- 40
- 50
Dépolarisation
- 70 Dépolarisation
diastolique spontanée
diastolique spontanée
- 80 - 90

Figure 13 / Potentiel d'action au niveau des cardiomyocytes


et des cellules automatiques pace-maker du nœud sino-auriculaire (NSA)
A. Potentiel d'action normal. La dépolarisation correspond à une entrée massive de sodium
dans la cellule (ce qui correspond au complexe QRS de l'ECG) ; elle est suivie d'une repolarisation
spontanée (ce qui correspond à l'onde T de l'ECG). Pour les cellules automatiques
(cellules pace-maker), il existe une dépolarisation spontanée qui va déclencher le potentiel d'action.
B. Potentiel d'action et hyperkaliémie. L'hyperkaliémie augmente l'excitabilité en diminuant
le potentiel de repos, allonge la conduction et la repolarisation, et raccourcit le potentiel d'action.
C. Potentiel d'action et hypokaliémie. L'hypokaliémie augmente le potentiel de repos,
ce qui diminue l'excitabilité membranaire et allonge le potentiel d'action.

Conclusion tonie plasmatique (vraie hyponatrémie) avec risque


d’œdème cérébral, mais aussi à une isotonie sans modifica-
tion du volume cellulaire ou une hypertonie plasmatique
L’eau et le sodium sont fortement liés. La tonicité plas- avec déshydratation intracellulaire. La quantité totale de
matique contrôle le volume intracellulaire : une hypertonie sodium corporelle contrôle le volume extracellulaire, en par-
plasmatique traduit toujours une déshydratation intracellu- ticulier plasmatique sous l’effet des variations de volémie et
laire et inversement. Si l’hypernatrémie est toujours associée de pression artérielle. Les balances hydrique, sodée et potas-
à une hypertonie plasmatique donc une déshydratation sique sont normalement maintenues constantes grâce à des
intracellulaire, l’hyponatrémie peut s’associer à une hypo- mécanismes régulateurs neuro-hormonaux principalement.

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page367

PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

34
Métabolisme
• Calcium phosphocalcique
• Phosphore
• Régulation du métabolisme phosphocalcique
• Métabolisme du tissu osseux Carole Ichai
Service de réanimation, Hôpital Pasteur 2, Nice ;
IRCAN (INSERM U1081, CNRS UMR 7284),
Université de Nice, Nice

es métabolismes du calcium et du phosphore


sont étroitement liés. Le calcium possède un dou- Calcium
ble rôle dans l’organisme : sous forme de cation
divalent, il joue un rôle crucial dans le fonctionne-
ment cellulaire ; associé au phosphate, il forme des
Répartition et composition
cristaux d’hydroxyapatite et assure ainsi la rigidité dans l’organisme
du tissu osseux. En dehors de l’os et indépendam-
ment du calcium, le phosphore exerce plusieurs Le calcium total de l’organisme représente de 1 à 1,3 kg
fonctions indispensables à l’organisme, en particu- chez l’adulte, dont 99 % sont stockés dans le tissu osseux
lier à l’échelon cellulaire. Sous forme ionisée, il et 1 % dans les tissus mous (10 g) et les liquides extracellu-
représente le principal tampon intracellulaire. laires [1-4] (figure 1).
L’homéostasie phosphocalcique est principalement
sous la dépendance de trois hormones (la parathor-
mone, la vitamine D et la calcitonine) qui agissent
Calcium osseux
au niveau de trois cibles : le tissu osseux, la cellule Dans l’os, le calcium est présent pour 69 % sous forme
intestinale et la cellule tubulaire rénale. inorganique dont plus de 90 % sous forme de cristaux
Seront abordés successivement dans ce chapitre la d’hydroxyapatite et le reste sous forme de cristaux de car-
répartition de ces deux ions dans l’organisme, les bonate de calcium. Environ 22 % du calcium osseux existe
hormones régulant leur flux et leurs échanges sous forme organique dont 90 % sous forme de collagène,
entre les différents compartiments. les 10 % restants contribuant à la composition de protéines
structurelles telles que les protéoglycanes et glycopro-

1 100-1 300 mg

Secteur intra- + extracellulaire Tissu osseux


=1% = 99 %

Apports exogènes
= Compartiment
1 000- 1 200 mg/j cellulaire
= 10 g

Intestin grêle
1 000-1 200 mg
extracellulaire 1 g

Figure 1 / Répartition et balance calcique


Compartiment

de l’organisme chez un adulte sain 400 mg


(d’après [11]) Secteur intersticiel 200-500 mg
L’apport quotidien exogène de phosphate Plasma = 120 mg
200 mg
représente environ 1 000 à 1 200 mg dont
400 à 600 mg sont réabsorbés au niveau
de l’intestin grêle. L’équilibre de la balance 9 800 mg/j 10 000 mg/j
calcique est obtenu grâce à une excrétion 800 mg/j
rénale équivalente de 100 à 200 mg. Le
calcium est également l’objet d’échanges
permanents entre les différents secteurs Rein
de l’organisme, en particulier tissu osseux, 100-200 mg/j
secteur extra- et intracellulaires.
1 mmole de calcium = 40 mg de calcium.

367
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

téines. Seulement 200 à 500 mg de ce calcium osseux situé


à la surface de l’os sont échangeables avec le secteur extra-
Calcium intracellulaire
cellulaire et permettent le renouvellement de l’os (cf. La concentration intracellulaire de calcium est de
infra). l’ordre de 0,1 mmol/L. Ce calcium est stocké dans les mem-
branes cellulaires, les réticulums sarcoplasmique et endo-
Calcium extracellulaire plasmique ainsi que dans les mitochondries. Un flux d’ions
calcium, assuré par des systèmes de transports actifs,
Il est réparti en concentration quasi équivalente entre maintient les gradients de concentration entre les mito-
le secteur plasmatique et le secteur interstitiel. La concen- chondries, le cytosol et le milieu extracellulaire, tout en
tration plasmatique normale de calcium (calcémie) est de permettant des échanges rapides entre les trois compar-
0,9 à 1 g/L, soit 2 à 2,5 mmol/L. Il se répartit en calcium timents [1-3]. Ainsi, la concentration intracellulaire
ultrafiltrable (60 %), c’est-à-dire diffusible dans les cellules dépend à la fois de l’influx, de l’efflux et du stock de cal-
et filtré par les glomérules, et en calcium non ultrafiltrable cium dans les mitochondries et le réticulum sarcoplas-
(40 %) (figure 2) [1-3]. mique. L’entrée de calcium dans les cellules se fait de
manière passive par l’intermédiaire des canaux calciques
transmembranaires voltage-dépendants, le long d’un gra-
dient électrochimique. La sortie s’effectue contre ce gra-
dient et nécessite en conséquence de l’énergie, fournie
Calcium total soit par hydrolyse de l’ATP par la pompe à Ca2+-ATPase,
2,2-2,6 mmol/L soit par le gradient de Na+ activant l’échangeur Na+/Ca2+.
Le calcium intracellulaire joue un rôle majeur en tant que
second messager de différentes voies de transmission à
l’intérieur de la cellule.
Calcium ionisé (50 %)
Calcium 1,1-1,3 mmol/L
ultrafiltrable (60 %) Balance calcique
1,5 mmol/L
Besoins et apports
Calcium complexé (10 %) L’apport alimentaire moyen en calcium chez l’adulte
0,05 mmol/L
avoisine 1 g par jour. Les besoins quotidiens varient en
fonction de l’âge et des modifications physiologiques
Calcium (grossesse, ménopause) et se situent entre 400 mg et 1 g
non ultrafiltrable (40 %) Calcium lié aux protéines (10 %)
1 mmol/L 0,95-1,2 mmol/L par jour chez l’adulte (1 g chez l’enfant et la femme
enceinte). Compte tenu des pertes digestives, l’apport ali-
mentaire minimal pour l’obtention d’un équilibre
entrées-sorties de calcium chez l’adulte est d’environ
Figure 2 / Répartition du calcium plasmatique 10 mg/kg par jour (0,25 mmol/kg/j) (figure 1). L’absorption
Le calcium plasmatique total est réparti pour 60 % en calcium
digestive s’effectue principalement en partie haute du
ultrafiltrable (50 % sous forme ionisée et 10 % sous forme complexée)
et 40 % sous forme liée aux protéines. tube digestif, au niveau du duodénum, du jéjunum et de
l’iléon [1, 2, 4, 5]. Une grande partie du calcium absorbé
provient des sécrétions digestives (800 mg). La proportion
de calcium ingéré qui est absorbée varie selon l’apport,
entre 20 et 50 % pour un régime calcique normal, sans
limite supérieure en raison d’une diffusion passive. Ainsi,
• Le calcium plasmatique ultrafiltrable est composé du cal- pour un apport de 1 g de calcium par voie orale, environ
cium ionisé et complexé. La forme ionisée est la plus 800 mg seront excrétés dans les fèces. Le calcium réab-
importante quantitativement, soit 50 % du calcium plas- sorbé entre dans le secteur extracellulaire puis sera incor-
matique et 85 % du calcium plasmatique ultrafiltrable. poré au niveau osseux. Il traverse la bordure en brosse de
Elle dépend des variations de la concentration plasma- la membrane apicale des entérocytes grâce à des canaux
tique du calcium, du pH, de la protidémie et des anions épithéliaux calcique type « transient receptor potential
polyvalents : l’acidose diminue la liaison protéique du cal- vanilloid » TRPV5 et 6. À l’intérieur de l’entérocyte, le cal-
cium, augmentant ainsi la proportion de forme ionisée, cium est transporté vers la membrane basale en se liant
alors que l’alcalose la diminue tout comme l’augmenta- sur des protéines, les calbindines, qui protègent la cellule
tion des concentrations plasmatiques des anions. Elle est des effets toxiques du calcium à haute concentration
aussi qualitativement la plus importante car c’est la intracellulaire. L’efflux de calcium au niveau de la mem-
forme biologiquement active. Le calcium complexé, lié brane basolatérale vers le sang est essentiellement assuré
aux ions phosphates, bicarbonates (CaHCO42–), sulfates par une pompe à calcium (Ca2+-ATPase), d’activité décrois-
ou citrates, représente 10 % du calcium plasmatique et sante le long de l’intestin grêle et par un échangeur
15 % du calcium ultrafiltrable. Na+/Ca2+ (NCX1) activé par une pompe Na+-K+ ATPase
• Le calcium plasmatique non ultrafiltrable représente (figure 3). Le passage du calcium se fait également de
40 % de la calcémie totale. Il est lié aux protéines plas- façon passive par voie paracellulaire à travers les jonc-
matiques pour 80 % à l’albumine et pour 20 % aux glo- tions étroites (tight junctions) dont l’ouverture/fermeture
bulines (a-, b- et g-globulines). L’interprétation de la est contrôlée par des protéines (claudines, occludines)
calcémie totale doit tenir compte de l’albuminémie : elle synthétisées par des cellules adjacentes [5]. L’absorption
diminue en cas d’hypoalbuminémie et augmente en cas intestinale de calcium est stimulée par le 1,25 dihydroxy-
d’hyperalbuminémie, sans conséquence clinique toute- cholécalciférol (1,25 (OH)2D3) également appelé calcitriol
fois tant que la forme ionisée reste constante. La calcé- (forme active de la vitamine D), la parathormone ou hor-
mie totale corrigée peut être calculée par une formule mone parathyroïdienne, l’hormone de croissance et les
qui tient compte de l’albuminémie : stéroïdes sexuels. À l’inverse, elle est inhibée par les cor-
Cac = Camesurée – 0,025 × (albuminémie – 40 [g/L]). ticoïdes, la thyroxine, la calcitonine et l’âge [6, 7].

368
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page369

Métabolisme phosphocalcique 34

Figure 3 / Mécanismes de réabsorption


intestinale du calcium
La réabsorption intestinale de calcium fait Complexe Échangeur
appel à deux processus : calbindine-Ca++ Ca++-Na NXC1
• une réabsorption transcellulaire active : Canaux calciques
le calcium pénètre dans la cellule au niveau TRPV5 et 6
des villosités intestinales des membranes Sodium
apicales grâce à des canaux épithéliaux Calcium
transmembranaires appelés des Transient
Receptor Potential Vanilloid (TRPV). Le Noyau
calcium intracellulaire se lie alors à des ATP
Réabsorption Calbindines
protéines, les calbindines, pour former un trancellulaire
complexe calcium-calbindines qui permet
le transport du calcium vers la membrane
basale. Le passage du calcium à travers Calcitriol Pompe
ADP Ca++-ATPase
la membrane basale se fait grâce à un
échangeur sodium-calcium (NXC1) ou une Réabsorption
pompe à Na-K-ATPase. Ce processus est paracellulaire
Claudines
activé par le calcitriol ; Sang
• une réabsorption paracellulaire passive :
le calcium traverse les tight junctions grâce Lumière
aux claudines qui ouvrent le passage. intestinale Membrane Membrane
apicale basale

Sortie et élimination A
Les pertes calciques sont essentiellement d’origine Pompe
NKCC2
digestive, urinaire, voire sudorale. Le calcium éliminé par Na-K-ATPase
voie digestive correspond à la somme du calcium alimen- Na+ ATP 3Na+
taire non absorbé et du calcium sécrété par la salive, le suc
K+
gastrique, la bile et le suc pancréatique. Ceci représente
2Cl– 2K+
sur un plan quantitatif environ 800 mg par jour (figure 1).
ADP
Le rein joue un rôle majeur dans l’homéostasie calcique en Canaux chlore
modulant l’élimination de calcium dans les urines grâce à Cl–
la conversion de la vitamine D inactive en calcitriol [1, 3,
8]. Environ 10 g de calcium non lié aux protéines sont fil- Récepteur calcique
trés au niveau du glomérule rénal par jour dont 98 % (CaSR)
seront réabsorbés au final, ce qui amène à une excrétion Calcium
de 100 à 200 mg par jour de calcium dans les urines. La Claudines
réabsorption tubulaire se fait pour environ 60 à 70 % au
niveau du tube proximal, pour 20 % au niveau de la por- Membrane apicale Membrane basale
tion ascendante de l’anse de Henlé, pour 5 à 10 % au Lumière tubulaire Sang
niveau du tube contourné distal, régulée par la parathor-
mone, et pour 5 % dans le tube collecteur [3, 9, 10]. Les B
mécanismes de transfert du calcium au niveau rénal sont Complexe Échangeur
comparables à ceux existant au niveau digestif (figure 4). calbindine-Ca++ Ca++-Na NXC1
L’absorption dans le tube proximal et dans l’anse de Henlé
Sodium
s’effectue pour 80 % par diffusion passive (paracellulaire
PTH
et transcellulaire). Ce phénomène est facilité par une force
électrochimique induite par le cotransporteur Na-K-2Cl +
(NKCC2) de la membrane apicale mais qui reste neutre sur TRVP5
le plan des charges, et par le canal potassique ROMK ATP
(Renal Outer Medullary Potassium) qui est l’élément limi-
tant. Le Na+ et le Cl– accumulés dans la cellule sont alors Calcium
réabsorbés à travers la membrane basale grâce à la pompe
ADP Pompe
Na-K-ATPase et aux canaux Cl–. C’est la différence positive – Ca++-ATPase
de potentiel de membrane qui va permettre le transfert
passif de calcium paracellulaire. La réabsorption tubulaire
Membrane apicale Membrane basale
Lumière tubulaire Sang

Figure 4 / Mécanismes de réabsorption rénale du calcium


A. Réabsorption au niveau de la branche ascendante de Henlé. La réabsorption de calcium se fait
principalement en paracellulaire à travers les tight junctions de façon passive grâce aux claudines qui sont
activées par les récepteurs sensibles au calcium (CaSR) de la membrane basale, ce qui ouvre le passage. Il
existe aussi une réabsorption par des cotransporteurs sodium-potassium NKCC2 et des canaux chlore de la
membrane apicale grâce à un gradient électrogénique qui est favorable au transfert de calcium.
B. Réabsorption au niveau du tube contourné distal. Les Transient Receptor Potential Vanilloid 5 (TRPV5)
localisés sur la membrane apicale des cellules épithéliales rénales autorisent la réabsorption intracellulaire
de calcium ; le transport intracytosolique passe par la formation de complexes calcium-calbindines, puis
extrusion au niveau basal grâce à l’échangeur sodium-calcium NXC1 et à la pompe Ca++-ATPase.
PTH : parathormone (ou hormone parathyroïdienne) ; CT : calcitonine.

369
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

proximale passive paracellulaire de calcium est également


modulée par les récepteurs calciques (CaSR) localisés sur les Phosphore
membranes basales. L’activation de ces CaSR stimule l’ex-
pression de certaines protéines constitutives des canaux
calcium (claudines) des tight junctions paracellulaires, ce
Répartition et composition
qui entraîne la fermeture de ces canaux et inhibe la réab- dans l’organisme
sorption passive de calcium. Dix à quinze pour cent du cal-
cium est réabsorbé de façon active au niveau du tube Le phosphore est un constituant essentiel de l’os et
contourné proximal et de la branche large ascendante de l’anion intracellulaire le plus important, soit une quantité
totale de 600 à 800 g chez un adulte de 70 kg. Le phos-
Henlé (figure 4A). La réabsorption de calcium au niveau du
phore se présente sous forme organique et inorganique
tube contourné distal se fait de façon active contre un gra-
(c’est le phosphate) [3, 4, 11, 12]. Les formes organiques
dient électrochimique. Elle passe par trois étapes : réab-
sont des composés liés aux protéines ou aux lipides (phos-
sorption transmembranaire apicale grâce aux canaux
phoprotéines, acides nucléiques et phospholipides). Les
épithéliaux calciques TRPV5, diffusion du calcium intracy- phosphates (forme inorganique) peuvent être liés à des
tosolique en se liant aux protéines calbindines, puis extru- protéines ou complexés à d’autres ions comme le calcium
sion du calcium à travers la membrane basale par (CaHPO4), le magnésium (MgHPO4) ou sous forme libre
l’échangeur sodium-calcium NCX1 et le transporteur cal- d’orthophosphates (H3PO4, H2PO4–, HPO42–).
cium-ATPase (figure 4B). La parathormone et la vitamine D
active (calcitriol) stimulent la réabsorption de calcium au Le phosphore se répartit pour 85 % (500-600 g) dans les
niveau de la branche large ascendante de Henlé et surtout os lié au calcium d’hydroxyapatite (figure 5) [4, 10-14]. Les
du tube contourné distal, alors que la calcitonine l’inhibe. 15 % restants sont essentiellement présents en intracellu-
L’élimination urinaire varie selon le sexe (elle est plus éle- laire dans les tissus mous, sous forme de composés orga-
vée chez l’homme que chez la femme) et le nycthémère. niques lipidiques, protéiques ou d’acides nucléiques. Le
secteur extracellulaire représente moins de 1 % du pool
global de phosphore. La quantité de phosphore dans le
Rôle physiologique du calcium plasma est d’environ 120 mg répartis pour les deux-tiers
en phosphore organique type phospholipides (85 mg) et
Les ions calcium sont impliqués dans de nombreuses
le tiers restant en phosphate. Dix pour cent des phosphates
fonctions cellulaires : couplage excitation-contrac- plasmatiques sont liés aux protéines donc non ultrafiltra-
tion musculaire, automatisme cardiaque, neuro- bles. Les 90 % restants existent sous forme ionisée diffusi-
transmission, sécrétion d’hormones endocrines et ble (figure 6). Du fait de son pK à 6,8, le phosphate au pH
exocrines, expression génique et division mitotique, plasmatique se présente sous les deux formes d’orthophos-
intégrité, perméabilité et stabilité des membranes phates : H2PO4– et HPO42–. À pH plasmatique normal, la
cellulaires, rôle de second messager dans la trans- forme divalente HPO42– est deux fois plus importante que
mission de l’information. Enfin, ce cation est indis- la forme monovalente H2PO4–. La seule fraction inorga-
pensable à l’activité de multiples réactions nique du phosphore, c'est-à-dire le phosphate, est mesurée
enzymatiques calcium-dépendantes, dont la cas- dans le plasma. En pratique, on estime que 1 mmole de
cade de la coagulation sanguine [2, 3]. Le calcium phosphate équivaut à 320 mg. La concentration plasma-
joue un rôle majeur dans la structure du cytosque- tique normale de phosphate est de 0,8 à 1,15 mmol/L.
lette et dans la minéralisation osseuse. Cette concentration est physiologiquement plus élevée

600-800 g

Secteur intra- + extracellulaire Tissu osseux


= 10-15 % = 80-90 %

Apports exogènes
=
800-2 000 mg/j Secteur
intracellulaire
200-1 500 mg/j = 100 g 12 000 mg Figure 5 / Répartition et balance
CaHPO4

phosphorée de l’organisme
Intestin grêle chez un adulte sain
12 000 mg
L’apport quotidien exogène de phosphate
Secteur extracellulaire
1% représente environ 800 à 2 000 mg dont
Plasma = 120 mg 200 à 1 500 mg sont réabsorbés au niveau
500-600 mg

de l’intestin grêle. L’équilibre


de la balance phosphorée est obtenu
3 000-5 200 mg/j 3 700-6 200 mg/j grâce à une excrétion rénale équivalente
450-600 mg/j de 600 à 1 500 mg. Le phosphate
est également l’objet d’échanges
permanents entre les différents secteurs
Rein de l’organisme, en particulier tissu
600-1 500 mg/j osseux, secteur extra- et intracellulaires.
1 mmole de phosphate =
320 mg de phosphate.

370
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:00 Page371

Métabolisme phosphocalcique 34

chez le nourrisson et l’enfant puis décroît au cours de la


vie. La phosphatémie varie selon le nycthémère (plus élevé
de 8 à 20 heures), les apports alimentaires, les transferts
aigus entre secteurs extra- et intracellulaire.
Phosphore
organique Phosphore
Transporteurs du phosphate (phospholipides)
85 mg
non
diffusible
Le phosphate traverse les différents compartiments
grâce à des transporteurs : réabsorption de l’intestin vers Phosphore
le secteur plasmatique, transferts entre secteurs extra- et plasmatique
intracellulaire, transferts entre tissu osseux et secteur intra- total = 120 mg
cellulaire, excrétion-réabsorption rénale [11, 12-20]. Sur un
plan stucturel, ce sont des protéines transépithéliales loca- 10 %
lisées au niveau apical des cellules et qui associent un phosphoprotéines
cotransport sodium-phosphate (Na/P). Le gradient trans- Phosphore Phosphate
inorganique diffusible =
membranaire de Na est, lui, maintenu par la pompe à = phosphate 90 %
phosphatémie =
Na+-K+-ATPase. Trois types de transporteurs membranaires 35 mg HPO42–, H2PO4– 0,8 à 1,15 mmol/L
de phosphate sont connus (tableau 1) [16, 18]. Le type 1, MgHPO4, CaHPO4
appelé NPT1, est un transporteur d’anion non spécifique
du phosphate présent au niveau apical des cellules du Figure 6 / Répartition du phosphore dans le plasma
tubule proximal rénal et du foie et dont le rôle reste à chez un adulte sain (d’après [11])
déterminer. Les cotransporteurs du type 3 se présentent Le phoshore plasmatique total est réparti pour 66 %
sous deux formes : les transporteurs de phosphate sodium- en phosphore organique lié aux lipides et les 34 % restant
dépendants 1 et 2 (PiT1 et PiT2). Il s’agit de protéines en phosphore inorganique ou phosphate. Au sein du phosphate
plasmatique, 90 % représentent la partie ionisée diffusible.
exprimées dans de nombreux tissus avec une forte affinité
pour le phosphate, ce qui témoigne d’un rôle préférentiel
dans le contenu intracellulaire de phosphate plutôt que
dans la régulation globale de l’organisme du phosphore.
Il existe trois isoformes de cotransporteurs de type 2 : Ainsi, le nombre de NPT2a détermine les capacités de réab-
NPT2a, NPT2b et NTP2c. Les NTP2b sont largement expri- sorption proximale rénale de phosphate, et si le seuil de
més au niveau pulmonaire et de l’intestin grêle [3, 5, 16- TmPi est dépassé, il existera une phosphaturie linéairement
18]. Ils assurent un transport neutre de 2 ions Na+ avec croissante avec l’hyperphosphatémie. Les NPT2c cotrans-
1 ion HPO42– permettant la réabsorption de phosphate au portent 2 ions Na+ avec 1 ion HPO442– et sont donc élec-
niveau de ces organes. Leur expression au niveau rénal trogéniquement neutres. Le transport du phosphate au
reste mineure de sorte qu’en cas de mutation il peut exis- niveau du pôle basal des cellules reste mal connu, faisant
ter des calcifications tissulaires (pulmonaires) sans anoma- probablement intervenir la pompe à Na+-K+-ATPase ou un
lie de la phosphatémie. Les NTP2a et NTP2c ont une cotransporteur anion/phosphate de type 3 (PiT).
affinité comparable pour le phosphate. Grâce à leur
expression dans la bordure en brosse apicale des cellules
tubulaires proximales, ils induisent un transport électrogé- Balance phosphorée
nique rénal. Cependant, ils présentent des caractéristiques
différentes. Les NTP2a cotransportent 3 ions Na+ avec 1 ion Le phosphate effectue de nombreux mouvements
HPO42– et sont saturables de sorte qu’il existe un seuil de entre les différents secteurs de l’organisme. Plus de
réabsorption rénal maximal du phosphate appelé TmPi. 3 000 mg par semaine de phosphate osseux sont lentement

Tableau 1 / Principaux cotransporteurs de phosphate et leurs caractéristiques (d’après [11])

Type Localisation Nature du transport Impactsur le phosphate


Type 1
Cellules rénales tubulaires Transport d’anions
NPT1 Probablement faible
proximales non spécifique
Forte affinité
Type 2 pour le phosphate, saturable
Cellules rénales tubulaires Régulation de la réabsorption rénale
NPT2a 3 Na+/1 HPO42–
proximales de phosphate (cible de la PTH et FGF-23)
Régulation de l’absorption intestinale
NPT2b Poumon, intestin grêle 2 Na+/1 H2PO4– de phosphate
Cellules rénales tubulaires
NPT2c 2 Na+/1 H2PO4– Diminue avec l’âge
proximales
Type 3
PiT1 Expression Forte affinité Contenu intracellulaire en phosphate,
PiT2 sur divers tissus pour le phosphate calcifications extra-osseuses

NPT1 : transporteur membranaire de phosphate ; PiT : transporteur de phosphate sodium-dépendant ;


PTH : parathormone (ou hormone parathyroïdienne) ; FGF : Fibroblast Growth Factor

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

échangés avec les secteurs extra- et intracellulaires de sorte mg/L) représente la concentration plasmatique de phos-
que la phosphatémie n’est pas toujours corrélée au pool phate au-dessous de laquelle tout le phosphate filtré est
total de phosphore de l’organisme. Les transferts trans- réabsorbé ou celle au-dessus de laquelle il est totalement
membranaires cellulaires de phosphate régulent la balance excrété. Sa valeur normale est d’environ 0,70 mmol/L. Ce
interne du phosphore, aboutissant à des modifications de paramètre permet de distinguer les causes rénales de dys-
concentrations intracellulaires et plasmatiques. L’insuline, phophorémie de celles d’origine extrarénale [12].
le glucose, les variations de pH et les catécholamines acti-
vent la pénétration de phosphate dans les cellules et sont
Rôle du phosphore dans l’organisme
de ce fait responsables d’une hypophosphatémie. Le phos-
phate plasmatique suit trois voies : entrée dans le pool Le phosphate est l’un des anions les plus abondants
intracellulaire, constituants du tissu osseux et des tissus de l’organisme [2, 4, 11]. Il est l’un des composants
mous, élimination rénale principalement [2-4, 11]. Même des acides nucléiques, des lipides membranaires
si la concentration plasmatique de phosphate ne repré- (phospholipides) et des substrats énergétiques ATP,
sente que 1 % du pool total de phosphate, son maintien ADM, AMP. Il intervient dans les voies de signalisa-
dans des valeurs étroitement régulées est capital pour tion protéiques, dans l’activité de nombreuses
toutes ses fonctions cellulaires, structurelles (osseuses, enzymes et coenzymes. Il intervient également dans
membranaires) et musculaires. la glycolyse, la néoglucogenèse, l’ammoniogenèse
et influence la dissociation de l’hémoglobine en
La balance externe phosphorée est normalement équi-
régulant la concentration de 2,3 diphosphoglycé-
librée chez l’adulte sain (figure 5). Les besoins quotidiens
rate (2,3-DPG). Le phosphate sous forme ionisée
d’environ 1 000 mg (700 à 2 000 mg/j) sont apportés essen-
représente le principal système de tampon intracel-
tiellement par l’alimentation. Environ 65 à 70 % du phos- lulaire (pK = 7,21).
phate contenu dans l’alimentation est absorbé au niveau
de l’intestin grêle (duodénum et jéjunum principalement)
grâce aux transporteurs membranaires (NTP2b) des mem-
branes apicales et luminales des entérocytes. Ces transferts
se font selon deux mécanismes : une diffusion passive qui
Régulation du métabolisme
est proportionnelle à l’apport digestif et un cotransport
actif lié au sodium et qui nécessite de l’énergie [1, 3]. Ce
phosphocalcique
dernier est favorisé par la faible absorption alimentaire de Les trois organes principaux de régulation du métabo-
phosphore et par la vitamine D active (calcitriol). lisme du phosphocalcique sont le rein, l’intestin et le tissu
L’absorption active est au contraire diminuée par l’excès osseux. Cette régulation repose sur un contrôle du fonc-
de calcium et de magnésium. Le rein est l’organe le plus tionnement des cotransporteurs du calcium et du phos-
important de régulation de la balance externe du phos- phate sous l’influence de facteurs extrinsèques et
phore [3, 9, 16]. En situation physiologique, l’excrétion uri- intrinsèques hormonaux ou génétiques.
naire de phosphate équilibre son absorption intestinale et
permet de maintenir la concentration plasmatique de
phosphate [8, 11, 20]. Environ 5 000 mg par jour (3 000 à Régulation hormonale
5 200 mg/j) de phosphate non lié aux protéines sont filtrés
quotidiennement au niveau du glomérule. La réabsorption Le contrôle hormonal de l’homéostasie du calcium et
concerne 80 à 85 % de ce phosphate filtré et s’effectue de du phosphore est un mécanisme régulateur majeur [2, 3,
façon quasi exclusive au niveau du tubule contourné proxi- 11, 20]. À côté des classiques vitamine D, parathormone et
mal, conduisant à une excrétion urinaire de 600 à 1 500 mg calcitonine, des travaux récents soulignent l’implication de
par jour. Les trois transporteurs impliqués dans cette réab- nouvelles hormones telles que le Fibroblast Growth
sorption sont les cotransporteurs NTP2a (électrogénique), Factor 23 (FGF-23) et d’autres phosphatonines. Toutes ces
NTP2c (électroneutre) et le PiT2 électrogénique (figure 7) hormones ont pour cible l’intestin, le rein et le tissu osseux.
[3, 21]. Il s’agit d’un phénomène saturable (TmPi) et actif Par leur action intégrée et concomitante sur ces trois
nécessitant de l’énergie. Ainsi, la quantité de phosphate organes, ces hormones permettent un contrôle permanent
excrétée par le rein dépend de la concentration plasma- du métabolisme phosphocalcique de l’organisme
tique de phosphate et du débit de filtration glomérulaire (tableau 2). C’est ainsi que s’est développé le concept d’axe
(DFG) [10, 12, 14, 21]. Le rapport TmPi/DFG (en mmol/L ou de régulation hormonale os-intestin-rein [2, 3, 9, 11].

Pompe
Na-K-ATPase
Na+ ATP
PiT2 3Na+
H2PO4– Figure 7 / Représentation schématique
2K+ des principaux cotransporteurs du phosphate
des cellules rénales tubulaires
3Na+ Ces cotransporteurs sont essentiellement
NPT2a représentés par les cotransporteurs sodium-
H2PO42– Sodium
Cotransporteur phosphate NPT2a, les NPT2c (et accessoirement
2Na+ Pi Na/Pi les PiT2). Pour être actifs, ils sont exprimés
NPT2c au niveau de la bordure en brosse des cellules
H2PO4– tubulaires du côté apical. La pénétration
de sodium est possible grâce au maintien
du gradient transmembranaire de sodium
par la pompe membranaire Na-K-ATPase qui
Membrane apicale Membrane basale est localisée au niveau de la membrane basale
Lumière tubulaire Sang (et peut-être d’autres cotransporteurs Na/Pi).

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Métabolisme phosphocalcique 34

Tableau 2 / Mécanismes d’action et effets des principales hormones de régulation du métabolisme phosphocalcique

Tube digestif Tissu osseux Rein


Vitamine D [1,25 (OH)2D3 ou calcitriol] = hormone hypercalcémiante et hyperphosphatémiante
• Augmentation indirecte de la
Augmentation de réabsorption résorption osseuse (via la PTH) Augmentation de la réabsorption
Effets de calcium et de phosphate • Réduction de minéralisation rénale de calcium et de phosphate
osseuse
• Ostéoblastes Tube contourné distal
Cibles Duodénum-jéjunum proximal • Ostéoclastes et collecteur
Parathormone : hormone hypercalcémiante et hypophosphatémiante
Augmentation indirecte de la Augmentation
Augmentation
Effets réabsorption de calcium et de de la réabsorption rénale
de résorption osseuse
phosphate (via la vitamine D) de calcium
• Tube contourné distal (calcium)
et proximal (phosphate)
Cibles Duodénum-jéjunum proximal Ostéoblastes • Tube collecteur, contourné proximal
et branche ascendante de Henlé
Calcitonine = hormone hypocalcémiante et hypophosphatémiante
• Inhibition de la réabsorption rénale
de phosphate
Effets Réduction de résorption osseuse • Réduction de la réabsorption rénale
de calcium
• Tube contourné distal, proximal
et collecteur (phosphate)
Cibles Ostéoclastes • Tube collecteur, contourné distal
et proximal (calcium)
Phosphatonine FGF-23 = hormone hypophosphatémiante
Augmentation indirecte Inhibition de la réabsorption rénale
Effets de la déminéralisation osseuse de phosphate
(via la vitamine D)
Cibles Ostéoclastes Tube contourné proximal
1,25 (OH)2D3 : 1,25 dihydroxycholécalciférol (forme active de la vitamine D) ; PTH : parathormone (ou hormone parathyroïdienne) ;
FGF : Fibroblast Growth Factor

Hormones hypercalcémiantes calcium et de phosphate en modifiant la structure et les


fonctions des entérocytes qui activent au final les cotran-
• Vitamine D3 sporteurs de calcium et de phosphore. La vitamine D active
agit en se fixant sur un récepteur situé dans le noyau cel-
La vitamine D3 (cholécalciférol) est un stéroïde produit lulaire qui va activer une voie de signalisation responsable
de façon endogène au niveau cutané. Le 7-déhydrocholes- des effets sur les organes cibles [22]. Au niveau digestif, la
térol synthétisé par la peau à partir du cholestérol devient vitamine D accroît l’absorption intestinale (essentiellement
le cholécalciférol sous l’influence de rayons ultraviolets. proximale au niveau du duodénum) de calcium en activant
Celui-ci devient actif après deux hydroxylations successives. directement et rapidement l’expression des canaux trans-
Il est transporté vers le foie où il subit une première hydro- membranaires TRPV5 et 6 de la bordure en brosse des cel-
xylation grâce à la 25-hydroxylase et devient le calciférol lules intestinales, mais aussi plus lentement en augmentant
(25(OH)D3) qui est lui-même transporté au niveau du rein. la synthèse des protéines intracellulaires de transport du
Il subit une seconde hydroxylation grâce à la 1-a hydroxy- calcium, les calbindines D (figure 3) [5]. Elle stimule égale-
lase rénale et devient la forme active la plus importante, ment l’absorption paracellulaire intestinale de calcium.
le 1,25 (OH)2D3 (calcitriol). Cette synthèse est stimulée par L’absorption intestinale de calcium n’est efficace que si la
la baisse de concentration plasmatique de vitamine D, l’hy- quantité ingérée est suffisante. La vitamine D active éga-
pocalcémie, l’hypophosphatémie et le régime pauvre en lement la réabsorption de phosphate principalement au
phosphate [1-3]. La vitamine D peut aussi avoir une origine niveau du duodénum et du jéjunum en stimulant les
exogène par l’alimentation sous forme de cholécalciférol, cotransporteurs membranaires NPT2b. Au niveau osseux,
l’absorption s’effectuant au niveau du grêle en présence elle favorise la résorption osseuse en activant les ostéo-
de sels biliaires, ce qui permet l’absorption d’environ 75 % clastes et indirectement en exerçant une action permissive
de la dose ingérée. Elle est ensuite véhiculée par les chylo- sur la parathormone, l’effet final étant une libération de
microns dans la lymphe, puis le sang. Le rein peut égale- calcium et de phosphore du tissu osseux [22]. Elle accroît
ment synthétiser une forme inactive hydroxylée par la également la production ostéoblastique du collagène, de
24-hydroxylase. La concentration plasmatique du précur- l’acide carboxy-glutamique qui favorise la minéralisation
seur 25(OH)D3 est le reflet le plus précis des réserves en osseuse grâce à la réabsorption intestinale accrue de cal-
vitamine D active de l’organisme. La demi-vie du calcitriol cium. Son rôle de régulation sur les concentrations plasma-
est d’environ 5 heures. Il est catabolisé en acide calci- tiques de calcium et de phosphate est important et peut
troïque par glucuronoconjugaison, puis éliminé par voie également conduire parfois à une action de minéralisation
biliaire principalement. Globalement, la vitamine D a un osseuse [23]. Le rôle de la vitamine D au niveau osseux est
effet hypercalcémiant et hyperphosphatémiant. Elle est in fine de maintenir l’homéostasie osseuse face à des modi-
l’hormone majeure qui stimule l’absorption intestinale de fications de balance phosphocalcique. La vitamine D sti-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

mule la réabsorption active transcellulaire de calcium et de mie stimule la sécrétion de PTH et l’hypercalcémie peut
phosphate au niveau tubulaire rénal distal, mais cette aussi activer sa dégradation. Les variations de calcémie au
action est peu importante pour réguler le métabolisme niveau des cellules parathyroïdiennes sont perçues grâce à
phosphocalcique (tableau 3). des récepteurs membranaires au calcium (CaSR) qui trans-
mettent le message pour modifier la synthèse de PTH.
• Parathormone D’autres paramètres peuvent aussi stimuler la sécrétion de
PTH comme les glucocorticoïdes, les œstrogènes, l’hyper-
La parathormone (PTH) est un polypeptide de 84 acides kaliémie et l’hypomagnésémie. La PTH joue un rôle majeur
aminés, synthétisé par les glandes parathyroïdes sous dans la régulation de l’homéostasie calcique [3, 6, 7]. Elle
forme inactive de préparathormone. Sa demi-vie est de induit ses effets en se fixant sur son récepteur qui est une
4 minutes et elle est dégradée en peptides inactifs éliminés glycoprotéine transmembranaire située sur la membrane
par voie rénale et biliaire. Sa sécrétion est régulée par la
basolatérale, le PTH-R1. Le complexe PTH-PTH-R1 active
concentration plasmatique de calcium qui agit par voie
des mécanismes de transduction avec activation des syn-
transcriptionnelle et non transcriptionnelle : l’hypocalcé-
thèses d’AMPc et de phospholipase C/protéine kinase C
et A. La PTH est l’hormone principale de régulation de l’ex-
crétion rénale de calcium : elle accroît la réabsorption de
calcium au niveau du tube contourné distal, mais aussi du
Tableau 3 / Principaux paramètres modifiant la réabsorption rénale tube collecteur, de la branche ascendante de Henlé et du
de calcium et de phosphate tube contourné proximal (figure 4) (tableau 3). En inhibant
la réabsorption de phosphate au niveau du tube
Augmentation de réabsorption rénale Baisse de réabsorption rénale contourné proximal rénal, la PTH se présente comme une
hormone hypophosphatémiante. Son action phosphatu-
Calcium riante se situe in fine sur les cotransporteurs NPT2a (et
Parathormone accessoirement NPT2c) (figure 7). Le fonctionnement cor-
Hypercalcémie rect de ces NPT2 nécessite leur positionnement dans la bor-
Calcitriol (vitamine D) Hypervolémie
Hypocalcémie dure en brosse des cellules tubulaires [16, 17]. Le
Acidose métabolique
Hypovolémie
Alcalose métabolique Diurétiques de l’anse positionnement préférentiel de ces NPT2 sur la bordure en
Hormone de croissance (GH) brosse apicale des cellules (forme active pour la réabsorp-
Diurétiques thiazidiques
tion) ou au contraire en intravésiculaire sous-membranaire
Phosphate apical (forme inactive pour la réabsorption) nécessite la
Parathormone présence d’un facteur autre que la PTH, le sodium-hydro-
Régime pauvre en vitamine D, en phosphate Calcitonine gène-échangeur 1 (NHERF-1). En se liant au récepteur
Phosphatonines (FGF-23) PTHR-1 et au cotransporteur NPT2a, le NHERF-1 inactive la
Vitamine D Régime riche en phosphate
Hypophosphatémie Glucocorticoïdes, œstrogènes réabsorption rénale de phosphate par le NPT2a et celle par
Hormones thyroïdiennes le NPT2c grâce à l’activation de la phospholipase C
Acidose métabolique
Alcalose métabolique Déficit en potassium (figure 8). Au niveau osseux, la PTH stimule la résorption
Dopamine de phosphate et de calcium en activant les cellules ostéo-
FGF : Fibroblast Growth Factor clastiques. Elle augmente indirectement la réabsorption
intestinale de phosphate et de calcium en activant la 1-a
hydroxylase qui permet la synthèse active de calcitriol dans
le tube proximal rénal. L’ensemble de ces actions donne
des propriétés hypercalcémiantes et hypophosphaté-
PTH PTH R-1 miantes à la PTH qui reste l’hormone majeure de régula-
AMPc
NHREF-1

Na+ tion du métabolisme calcique, alors que son rôle sur le


NHREF-1

métabolisme phosphoré est secondaire.


H2PO42–
PLPc
• Peptides PTHrP
Les PTHrP (parathyroide-hormone-related protein) sont
FGF-23
des protéines d’environ 150 acides aminés résultant de
MAP-kinase
Na+ l’hydrolyse d’une préhormone par des convertases. Ces
Klotho H2PO4– peptides sont synthétisés par divers tissus normaux ou
tumoraux : os, cartilages, muscles lisses, glande mammaire,
peau, glandes parathyroïdes. Ils agissent en se liant aux
Membrane basale Membrane apicale récepteurs de la PTH mais ont une action paracrine. Les
Sang Urines effets sur le rein et l’os de la PTHrP sont comparables à
Figure 8 / Mécanismes d’action de la parathormone (PTH) et du ceux de la PTH : hypercalcémie. Lorsque la PTHrP est sécré-
Fibroblast Growth Factor 23 (FGF-23) sur les cotransporteurs rénaux tée en grande quantité par certaines tumeurs malignes,
tubulaires proximal de phosphate (d’après [11]) elle induit une hypercalcémie pathologique secondaire à
La PTH et le FGF-23 activent la phosphaturie en inhibant l’action des une stimulation de la résorption osseuse via l’activation des
cotransporteurs NPT2a et NPT2c grâce à leur délocalisation récepteurs de la PTH localisés sur les ostéoblastes.
de la bordure en brosse membranaire vers des vésicules
intracytoplasmiques sous-apicales. La PTH se lie à son récepteur, le
PTH-R1. Ce complexe envoie des messages de transduction : celui de Hormone hypocalcémiante :
la voie des phopholipases et protéines kinases C désactive les NPT2c ;
celui de la voie de l’AMPc et des protéines kinases A désactive les
la calcitonine
NPT2a. Cette dernière désactivation nécessite une liaison à un autre La calcitonine est un polypeptide de 32 acides aminés
cofacteur le sodium-hydrogène-échangeur 1 (NHERF-1) qui se lie dont la durée de vie est inférieure à 15 minutes. Sa sécré-
à une partie du complexe PTH-PTH-R1, mais aussi au NPT2a.
tion par les cellules claires parafolliculaires (cellules C) de
Le FGF-23 doit former un complexe avec son récepteur et son
cofacteur, le Klotho (avec son propre récepteur), pour induire la thyroïde est régulée principalement par la calcémie ioni-
son action phosphaturiante. Ce complexe active une voie de sée : l’augmentation de calcémie stimule sa sécrétion et sa
signalisation de type MAP-kinase qui va désactiver NPT2a et NPT2c. diminution la réduit. D’autres molécules peuvent stimuler
la sécrétion de calcitonine : les catécholamines par effet ß,

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Métabolisme phosphocalcique 34

le glucagon, la gastrine, le magnésium qui agissent en aug- effet hypophosphatémiant car ils induisent une baisse de
mentant la concentration d’AMPc des cellules parafollicu- réabsorption tubulaire proximale rénale de phosphate
laires. La calcitonine est une hormone hypocalcémiante et en réduisant la synthèse et le nombre des cotranspor-
hypophosphatémiante par son action de freinage du cata- teurs NPT2a ;
bolisme osseux et son action stimulante d’excrétion rénale • les œstrogènes sont impliqués dans le maintien de la
de phosphate (tableau 2) [1, 2, 4, 6, 11]. C’est la seule hor- masse osseuse : ils réduisent la résorption osseuse par les
mone qui agit directement sur l’ostéoblaste en favorisant ostéoclastes, stimulent la sécrétion de calcitonine et la
la fixation de calcium par l’os de façon importante mais synthèse de vitamine D active. Ils ont aussi un effet hypo-
transitoire ; dans le même temps, elle diminue la résorp- phosphatémiant du fait d’une baisse des cotransporteurs
tion osseuse, l’ensemble aboutit à une réduction de libé- NTP2a du tube contourné proximal rénal ;
ration de calcium par l’os et donc une hypocalcémie. La • l’hormone de croissance (GH) agit localement en contrô-
calcitonine est l’antagoniste physiologique de la PTH. Les lant le facteur de croissance appelé somatomédine C ou
effets hypophosphatémiants de la calcitonine résultent des IGF-1 (Insulin-like Growth Factor-1) qui est capable d’aug-
mêmes mécanismes de catabolisme osseux. La calcitonine menter la formation osseuse. Son action sur le métabo-
accroît l’élimination urinaire de calcium et de phosphate, lisme phosphocalcique reste limitée au remaniement
mais cet effet reste accessoire par rapport à l’effet osseux. osseux. Malgré une stimulation de l’absorption digestive
et rénale de phosphate et une augmentation d’excrétion
Hormones hypophosphatémiantes : rénale de calcium, l’effet hyperphosphatémiant et hypo-
calcémiant reste mineur.
les phosphatonines
Certaines pathologies tumorales sans hyperpara-
thyroïdie et avec ostéomalacies, s’accompagnent d’hypo- Régulation non hormonale
phosphatémies, supportant l’idée d’autres facteurs
• La calcémie, phosphatémie et le régime en calcium et
hyperphosphaturiants que la PTH. Des hormones phospha-
phosphate [3, 4] : l’hypercalcémie et le régime riche en
turiantes appelées phosphatonines ont été identifiées chez
calcium augmentent l’excrétion rénale de sodium à la
des patients avec perte rénale de phosphate. La mieux
fois par un mécanisme dépendant de la PTH, mais aussi
connue d’entre elles est le FGF-23 [12, 15, 19, 24]. Elle est
de façon indépendante du fait d’une augmentation de
constituée de 252 acides aminés et est synthétisée par les
la charge calcique filtrée au niveau du glomérule, ce qui
ostéoblastes et les ostéoclastes sous l’effet d’une élévation
aboutit à une baisse de réabsorption tubulaire de
de la phosphatémie ou du calcitriol ou de l’ingestion de
calcium. L’hypocalcémie a les effets inverses. L’hypo-
phosphate. Pour exercer son action hyperphosphaturiante
phosphatémie, l’hypocalcémie et le régime pauvre en
et donc hypophosphatémiante, le FGF-23 nécessite une
phosphate stimulent l’absorption intestinale et rénale de
double liaison avec son récepteur FGF-R1 (situé au niveau
phosphate en augmentant le nombre de cotransporteurs
de la membrane basale des cellules du tube contourné dis-
NPT2 au niveau des bordures en brosse des cellules tubu-
tal) et son cofacteur protéique appelé Klotho [12, 17, 24].
laires proximales [25]. Un régime pauvre en phosphate
Le complexe FGF-23-Klotho-FGF-R1 ainsi créé (figure 8)
prolongé pendant 8 jours conduit également à une
déclenche une transduction MAP-kinase-dépendante qui
augmentation de la transcription d’ARNm de ces NPT2.
aboutit à diminuer l’expression des cotransporteurs NPT2a
À l’inverse, la charge exogène en phosphate, l’hyper-
et NPT2c et, à un niveau moindre, PiT2 des bordures en
phosphatémie, l’hypercalcémie inhibent la réabsorption
brosse apicales des cellules tubulaires proximales [18, 19].
tubulaire de phosphate (tableau 3).
Le FGF-23 stimule également la déminéralisation osseuse
et inhibe la synthèse de calcitriol en freinant l’activité de • Les troubles acidobasiques métaboliques : l’acidose méta-
la 1-a hydroxylase rénale. En l’absence du cofacteur bolique peut entraîner une hypocalcémie en augmentant
Klotho, la FGF-23 est incapable de réguler la phosphatémie l’excrétion rénale de calcium indépendamment de la
et le métabolisme de la vitamine D. Le FGF-23 inhibe aussi PTH. Elle stimule également la phosphaturie dans le but
directement la sécrétion de PTH et sa synthèse par les para- de permettre au phosphate urinaire de jouer son rôle de
thyroïdes. Ainsi, le FGF-23 est bien une hormone majeure tampon urinaire et de corriger l’acidose métabolique. À
de régulation du métabolisme phosphoré et de la phos- l’inverse, l’alcalose métabolique est hypercalcémiante et
phatémie avec une action intégrée sur l’axe rein-os-para- hyperphosphatémiante (tableau 3).
thyroïde (tableau 2) [12, 13, 19].
• La volémie et l’hypertension artérielle : l’hypovolémie
réduit l’excrétion rénale de calcium (et de sodium et de
Autres hormones chlore) en réponse aux mécanismes régulateurs de la
volémie, en particulier aux effets de système rénine-
D’autres facteurs hormonaux peuvent réguler les
angiotensine-aldostérone. L’hypertension artérielle dimi-
balances calciques ou phosphorées (tableau 3) [1-3, 6] :
nue la réabsorption rénale de phosphate en diminuant
• les hormones thyroïdiennes, en coopération avec la vita-
le nombre de cotransporteurs NPT2a (tableau 3).
mine D, favorisent la réabsorption du calcium au niveau
intestinal et la résorption osseuse aboutissant à un effet • Les médicaments : les diurétiques de l’anse réduisent l’ab-
hypercalcémiant. Ainsi, l’hyperthyroïdie peut provoquer sorption rénale de calcium du fait de leur effet inhibiteur
des ostéoporoses. Les hormones thyroïdiennes sont aussi sur les cotransporteurs NKCC2 présents sur la branche
responsables d’hyperphosphatémie en stimulant la réab- ascendante de Henlé. Les thiazidiques ont au contraire
sorption tubulaire rénale proximale de phosphate secon- un effet hypocalciurique. Enfin, la dopamine stimule l’ex-
daire à une élévation transcriptionnelle du nombre des crétion rénale de phosphate en réduisant le nombre de
cotransporteurs NPT2a ; cotransporteurs NPT2a (tableau 3).
• les glucocorticoïdes ont peu d’effet global sur la calcémie
car ils inhibent la formation osseuse en se fixant sur des
récepteurs spécifiques qui freinent la différenciation des Les principales causes de dyscalcémies et de dys-
précurseurs des ostéoblastes, tout en favorisant la résorp- phosphorémies sont résumées dans les tableaux 4
tion osseuse. En revanche, les glucocorticoïdes ont un et 5 [1, 11, 12, 20, 26-28].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Tableau 4 / Principales causes de dyscalcémies

Hypercalcémies (> 2,8 mmol/L) Hypocalcémies (< 2 mmol/L)


Par augmentation de réabsorption intestinale Par diminution de réabsorption intestinale
Régime riche en calcium, syndrome du buveur de lait, Régime pauvre en calcium
syndrome de Burnett Déficit en vitamine D
Intoxication à la vitamine D Insuffisance rénale chronique
Par augmentation de réabsorption rénale Par diminution de réabsorption rénale
Hyperparathyroïdies primaires (PTH élevée) Hypoparathyroïdies primaires (PTH basse) héréditaires
et secondaires (PTH basse) ou acquises par mutations génétiques
Anomalies génétiques héréditaires (PTH normale) = (hypoparathyroïdie autosomique dominante)
calcinoses tumorales familiales ; acquises (mutations ou postparathyroïdectomies – post-thyroïdectomies
génétiques sur PTH-R1, FGF-23, syndrome de Fanconi) Hypoparathyroïdies secondaires ou pseudo-hypoparathyroïdies
Hypovolémie (PTH élevée)
Diurétiques thiazidiques Hypervolémie
Alcalose métabolique Diurétiques de l’anse
Acidose métabolique
Par augmentation de résorption osseuse Par diminution de résorption osseuse
Métastases osseuses, sarcoïdose Métastases osseuses
Immobilisation prolongée Augmentation du calcium complexé
Maladie de Paget
PTH : parathormone (ou hormone parathyroïdienne) ; PTH-R1 : récepteur de la PTH ; FGF : Fibroblast Growth Factor

Tableau 5 / Principales causes de dysphosphorémies

Hyperphosphorémies (> 1,4 mmol/L) Hypophosphorémies (< 0,65 mmol/L)


Par augmentation de réabsorption intestinale Par diminution de réabsorption intestinale
Régime riche en phosphate Régime pauvre en phosphate
Intoxication à la vitamine D Déficit ou résistance à la vitamine D
Laxatifs Vomissements, diarrhées, stéatorrhée
Anti-acides
Par augmentation de réabsorption rénale Par diminution de réabsorption rénale
Hypoparathyroïdies primaires (PTH basse) Hyperparathyroïdies primaires (PTH élevée)
Pseudo-hypoparathyroïdies (PTH élevée) Hyperparathyroidïes secondaires
Hyperparathyroïdies secondaires ou pseudo-hyperparathyroïdies (PTH basse)
de l’insuffisance rénale chronique (PTH élevée) Hyperaldostéronisme (PTH normale)
Hyperthyroïdies, acromégalies Régime riche en sodium, en réglisse
Anomalies génétiques héréditaires (PTH normale) = Traitements : diurétiques thiazidiques,
calcinoses tumorales familiales, aminosides, chimiothérapie,
syndrome d’hyperostose hyperphosphorémique glucocorticoïdes, épuration extrarénale
Insuffisance rénale aiguë Acidose métabolique
Mutations génétiques (NPT2, NHERF-1, FGF-23)
Par transfert Par transfert
Rhabdomyolyse Glucose-insuline, catécholamines, glucagon,
Lyses cellulaires : lymphomes, leucémies, syndrome malin b2-agonistes, stéroïdes
des neuroleptiques, lyse tumorale Dénutrition, alcoolisme chronique, malabsorption
Acidose respiratoire Leucémies aiguës, lymphome, syndrome de l’os avide
Alcalose respiratoire
PTH : parathormone (ou hormone parathyroïdienne) ; FGF : Fibroblast Growth Factor ; NHERF-1 : sodium-hydrogène-échangeur 1,
NPT2 : cotransport sodium-phosphate type 2

Métabolisme une partie du calcium stocké (environ 1 %) peut être rapi-


dement mobilisable pour les échanges avec le secteur
du tissu osseux extracellulaire. Il participe dans une large mesure (conjoin-
tement avec l’intestin et le rein) au contrôle du métabo-
lisme phosphocalcique.
Le squelette assure trois grandes fonctions : mécanique
(locomotion), métabolique (réserve en calcium et phos-
phore) et hématopoïétique. Le tissu osseux, véritable
réservoir de l’organisme, est composé d’une matrice extra-
Phase organique
cellulaire constituée principalement d’une charpente orga- La phase organique, qui représente environ 30 % du
nique produite par les cellules osseuses (phase organique) poids sec du squelette, est constituée principalement de
sur laquelle se déposent des cristaux de phosphates de cal- collagène de type 1 (90 %) formé par des chaînes pepti-
cium (phase minérale) [7, 23]. Deux types d’os constituent diques alpha à base de glycine, de proline, d’hydroxypro-
le squelette : l’os cortical (80 %), principal réservoir de cal- line, de lysine, d’hydroxylysine et d’une substance
cium (850 g), et l’os trabéculaire ou os spongieux (20 %), fondamentale faite de mucoprotéines, de sulfate de chon-
aux plus grandes surfaces d’échange avec le compartiment droïtine et d’acide hyaluronique. L’hydroxyproline, élimi-
plasmatique médullaire. Contenant 99 % du calcium total, née par les urines, se révèle un bon indice de résorption
l’os est un tissu dynamique, en remodelage permanent : osseuse. L’association de trois chaînes peptidiques alpha

376
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Métabolisme phosphocalcique 34

forme un hétéropolymère hélicoïdal, le tropocollagène, La régulation hormonale du métabolisme de l’os et du


qui s’assemble en fibrilles contenant, au sein de sites de cartilage est sous la dépendance de l’axe parathormone-
nucléation, les cristaux calciques. La polymérisation de ces vitamine D, de la calcitonine, d’œstrogènes et des gluco-
fibres est suivie d’un arrangement spatial en faisceaux puis corticoïdes. La calcitonine a un effet inhibiteur transitoire
en lamelles formant des couches successives, avec forma- de la résorption osseuse en inhibant la prolifération et la
tion concomitante de liaisons intermoléculaires covalentes maturation des ostéoclastes par l’intermédiaire de l’AMPc.
entre les fibres de collagène. Des protéines non collagé- La parathormone et les œstrogènes interviennent dans la
niques, dont l’ostéocalcine et des phosphoprotéines différenciation des ostéoclastes en agissant sur les ostéo-
blastes : en effet, ceux-ci expriment à leur surface un
comme l’ostéonectine, s’insèrent dans le collagène calcifié.
ligand, le RANK-L (receptor activator of nuclear factor xB
Sécrétées par les ostéoblastes, elles interviennent de façon
ligand) et sécrètent une glycoprotéine, l’ostéoprotégérine
prépondérante dans la régulation de l’homéostasie cal-
(OPG) [2, 29]. Le quotient OPG/RANK-L est essentiel dans
cique et dans l’ostéogenèse [1]. la régulation du métabolisme. Les œstrogènes augmentent
ce rapport, ce qui active les ostéoblastes et donc la forma-
Phase minérale tion de tissu osseux. La parathormone diminue ce rapport
et active les ostéoclastes via des cytokines sécrétées par les
ostéoblastes. Elle stimule à la fois la synthèse de l’AMPc et
La phase minérale est constituée essentiellement de cris-
l’activité de la phospholipase C dans l’ostéoblaste, et elle
taux d’hydroxyapatites composés de calcium et de phos- inhibe la synthèse du collagène osseux. Enfin, elle favorise
phore [Ca10 (PO4)6 (OH)2] [1]. L’ensemble de ces cristaux l’activation du 1,25 (OH)2D3 au niveau du rein. La vita-
représente une surface considérable d’échanges d’ions avec mine D stimule la synthèse de la matrice, de la phosphatase
le milieu extracellulaire. Le squelette forme donc la réserve alcaline, des protéines osseuses, dont l’ostéocalcine, et la
en calcium de l’organisme, rapidement mobilisable en fusion des ostéoclastes. Elle a en outre un effet indirect sur
fonction des variations de la composition du milieu extra- la cellule osseuse en inhibant la prolifération des cellules T
cellulaire (formation ou dissolution de cristaux d’hydroxy- et la production d’une cytokine, l’interleukine 2 (IL-2). Les
apatite), grâce à l’activation des ostéoclastes. glucocorticoïdes ont une action complexe sur les ostéo-
blastes en freinant leur multiplication, en diminuant la syn-
thèse de l’IGF-1, en augmentant la réponse de l’ostéoblaste
Les cellules à la parathormone et en réduisant la synthèse de diverses
cytokines. L’effet global des glucocorticoïdes sur l’os est
Le squelette osseux alterne des phases de formation et plutôt secondaire à la réduction de la synthèse protéique
de résorption osseuses au sein d’unités multicellulaires de et à la baisse de l’absorption digestive du calcium.
base. Ces unités structurales osseuses sont composées de
La régulation non hormonale fait intervenir différents
deux populations cellulaires, aux activités opposées, à la
facteurs tels que l’âge, l’amaigrissement, la sédentarité,
base du remodelage osseux : les ostéoclastes et les ostéo- l’alitement ou immobilisation prolongés, l’apesanteur
blastes. Les ostéoclastes, dérivés de monocytes-macro- (diminution du capital osseux), la concentration plasma-
phages, résorbent le tissu osseux en détruisant la matrice tique de phosphate inorganique (augmentation de la for-
extracellulaire calcique [2]. L’activité ostéoclastique, mesu- mation et diminution de la résorption en cas de
rée par l’hydroxyprolinurie est à la base de la résorption concentration élevée). L’accrétion est favorisée par une
osseuse : elle intervient à la fois dans la croissance et la augmentation locale de calcium et de phosphate. À l’in-
réparation osseuse mais aussi dans la régulation du méta- verse, toute diminution de l’apport calcique favorise, dans
bolisme phosphocalcique. Les ostéoblastes issus du stroma certaines conditions physiologiques (ménopause), la mobi-
conjonctif de la moelle osseuse synthétisent le collagène lisation du calcium osseux et, donc, une diminution du
de type 1 et les protéines non collagéniques de la matrice capital osseux (ostéoporose). La mobilisation du calcium
extracellulaire. Au sein de cette matrice, ils amorcent, lors osseux s’apprécie en mesurant le rapport calcium/
de la phase minérale, le dépôt de cristaux calciques (cris- créatinine urinaire (< 15 mg/mg) et le rapport hydroxypro-
taux d’apatite) au niveau des sites de nucléation des line/créatinine (< 25 mg/mg). Enfin, de nombreux facteurs
fibrilles de tropocollagène. L’action des ostéoblastes est locaux (prostaglandines, cytokines, facteurs de croissance)
reflétée par le taux de phosphatases alcalines. agissent sur l’os et modulent l’activité des ostéoclastes et
des ostéoblastes.

Régulation
de l’homéostasie osseuse Conclusion
L’équilibre entre la formation et la résorption osseuse Le calcium et le phosphore ont un métabolisme étroi-
assure l’homéostasie du remaniement osseux. Le remode- tement lié. La régulation hormonale du métabolisme phos-
phocalcique est la principale, faisant intervenir
lage constant osseux possède une régulation à la fois hor-
principalement la vitamine D, la parathormone et la calci-
monale, dépendant de l’action de la parathormone sur les
tonine. Les organes cibles sont le rein, l’intestin et le tissu
ostéoblastes, de la vitamine D et de la prostaglandine E2,
osseux. On parle ainsi de l’axe tube digestif-os-rein. En
et non hormonale. Lors de la résorption, les ostéoclastes résumé, la vitamine D est hypercalcémiante et hyperphos-
sécrètent des ions H+ et des enzymes lysosomiales : il y a phatémiante, la parathormone est hypercalcémiante et
apparition de lacunes de Howship dans l’os trabéculaire et hypophosphatémiante, et la calcitonine hypocalcémiante
de canaux de Havers dans l’os cortical. Des monocytes- et hypophosphatémiante. Enfin, il existe une hormone
macrophages terminent la résorption en digérant les rési- hypophosphatémiante de la famille des phosphatonines,
dus et libèrent des facteurs de croissance. Lors de la phase le FGF-23. La régulation du métabolisme phosphocalcique
de formation, les ostéoblastes forment du tissu osseux nou- joue un rôle majeur dans le maintien du métabolisme du
veau. tissu osseux.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

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378
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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

35
• Anatomie
• Biosynthèse des hormones stéroïdes
Fonction surrénalienne
• Métabolisme et excrétion des stéroïdes
• Évaluation biologique Dominique Santelli*, Claude Martin**
de la fonction glucocorticoïde
• Exploration de la fonction minéralocorticoïde * Anesthésie et réanimation des cardiopathies congénitales,
Hôpitaux de la Timone, Marseille
• Exploration et mécanisme d’action ** Département d’anesthésie et réanimation,
des catécholamines Hôpital Nord, Marseille

• Clinique

Anatomie Des localisations surrénaliennes ectopiques sont possi-


bles :
• plexus cœliaque, hile splénique ;
Anatomie générale • ovaires, ligament large ;
• épididyme, cordon spermatique.
Chez l’adulte, les glandes surrénales forment deux Le tissu glandulaire est alors presque toujours de nature
petites structures mesurant 4 à 6 cm de long, 2 à 3 cm de corticale.
large et 1 cm de profondeur, pour un poids moyen de 4 g.
Elles occupent une position supéro-médiale par rapport au
rein, de part et d’autre de la colonne vertébrale. Vascularisation
Elles sont enchâssées dans une capsule fibreuse, prolon-
gement du fascia rénal ou cloison intersurrénorénale qui La vascularisation est assurée par les artères surréna-
les sépare du rein, et entourées par la graisse périrénale. liennes supérieures, moyennes et inférieures dont l’origine
varie :
La glande surrénale droite est pyramidale. Posée sur le • les artères surrénaliennes supérieures sont grêles et mul-
pôle supérieur du rein droit, elle se situe en regard de D12. tiples. Elles naissent des artères phréniques (diaphragma-
La glande surrénale gauche est semi-lunaire et s’étend tiques) inférieures et ont un trajet descendant vers le
jusqu’à la hauteur du hile rénal. sommet des deux glandes ;
Les surrénales sont constituées de deux parties embryo- • les artères surrénaliennes moyennes sont courtes car
logiquement et fonctionnellement différentes. Chaque issues de l’aorte abdominale, entre artère phrénique
glande est le résultat de la fusion et de l’encerclement de inférieure et artère rénale. L’artère surrénalienne
deux types de tissus : moyenne droite est inconstante, longue, parfois rétro-
• la corticosurrénale dérive du mésoderme latéral qui cœliaque ;
tapisse la cavité cœlomique entre la racine du mésentère • les artères surrénaliennes inférieures sont les plus
et la crête génitale. Son ébauche est individualisable dès constantes. Elles naissent des artères rénales.
la 6e semaine d’aménorrhée. Au 4e mois, elle occupe un Les artères pénètrent la glande surrénale pour y consti-
volume équivalent à celui de l’ébauche rénale mais ne tuer un réseau capillaire très dense qui traverse le cortex
migre pas. Seule la couche fasciculée est présente à la et qui est anastomosé avec le cercle artériel périrénal (vas-
naissance. La couche glomérulée apparait au 2e mois de cularisation de type perforant). Il n’existe pas de vasculari-
vie et la couche réticulée vers 3 ans. La corticosurrénale sation directe des zones fasciculée et réticulée.
sécrète les hormones stéroïdes à partir de ces trois
couches cellulaires différentes avec de la périphérie vers Le drainage s’effectue par une grosse veine centrale
la profondeur : non valvulée qui rejoint :
– les minéralocorticoïdes, dans la zone glomérulée, • à droite, le plus souvent la veine cave inférieure, parfois
– les glucocorticoïdes, dans la zone fasciculée, la veine diaphragmatique inférieure ou la veine rénale
– les androgènes, dans la zone réticulée ; droite ;
• la médullosurrénale, centrale, est d’origine neurectoder- • à gauche, la veine rénale gauche ou la veine phrénique
mique. À 7 semaines d’aménorrhée, les sympathogonies inférieure gauche.
migrent à partir des crêtes neurales. Certaines vont for-
mer le système sympathique au niveau des ses ganglions
latéroviscéraux, pré- et intraviscéraux, un petit contin- Innervation
gent se place au contact de l’ébauche corticosurréna-
lienne pour se différencier en sympathoblastes et L’innervation de la glande surrénale relève des systèmes
phéochromoblastes. Elle forme 10 % de la glande et sympathique et parasympathique. Les fibres sympathiques
sécrète les catécholamines. sont issues du plexus thoracique bas et du plexus lombaire

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

supérieur. Les fibres parasympathiques, branches du plexus


cœliaque et des nerfs splanchniques abdomino-pelviens,
Cytochrome P450
forment un plexus médial et traversent le cortex jusqu’à la et glucocorticoïdes
zone médullaire.
Les enzymes de la famille du cytochrome P450 impli-
Le cortex ne possède pas d’innervation propre, seuls ses quées dans de nombreuses fonctions biologiques jouent ici
vaisseaux sont innervés par des fibres sympathiques, dont un rôle essentiel pour la synthèse des différentes hormones
la stimulation permet de réguler le débit sanguin surrénal. surrénaliennes.
Innervées aussi par les fibres sympathiques choliner- Les deux premières étapes ont lieu dans la mitochon-
giques, les cellules chromaffines de la zone médullaire se drie et elles permettent la conversion du cholestérol en
comportent comme des ganglions autonomes en sécrétant prégnélonone, première hormone synthétisée. Sa transfor-
les catécholamines directement dans les sinusoïdes de la mation biochimique par les enzymes issues de la famille du
medulla. cytochrome P450 permet la synthèse des autres hormones
stéroïdes.

Biosynthèse L’ensemble des réactions est assuré par clivage de la


chaîne latérale du cholestérol par des protéines enzyma-
des hormones stéroïdes tiques (22R hydroxylase, 20R hydroxylase, C20-22 lyase) et
par le cytochrome P450scc/Cyp11A1 (présent uniquement
dans les cellules produisant des hormones stéroïdes). Ces
Les hormones surrénaliennes forment trois groupes enzymes sont situées dans la membrane interne.
dont l’origine anatomique, la nature et la cible diffèrent.
Le cortex surrénalien est constitué de zones embryologi- Par exemple, le cytochrome P450-SSC (Side Chain
quement distinctes. Chacune exprime une spécificité enzy- Cleavage enzyme) coupe la chaîne latérale du cholestérol
matique avec, pour conséquence, une production en regard du carbone en position C21 ; P450-C17 est une
hormonale spécifique : enzyme mitochondriale qui catalyse la b-hydroxylation en
• zone réticulée : sécrétion des stéroïdes sexuels (andro- C11 ; P450-C17 (17 b-hydroxylase) et P450-C21 (21-hydro-
gènes, œstrogènes et progestagènes déterminants dans xylase) sont deux enzymes du réticulum endoplasmique
le développement des caractères sexuels, la reproduction qui catalysent les hydroxylations respectivement en C17 et
et la gamétogenèse ainsi que le développement osseux) ; en C21 [5].
• zone fasciculée : sécrétion des glucocorticoïdes (cortisol, Les autres étapes ont lieu dans la membrane du réticu-
hormone essentielle au métabolisme : protéines, glu- lum endoplasmique. Les stéroïdes étant des molécules lipo-
cides, lipides, système immunitaire et inflammation) ; philes, ils traversent librement les couches bilipidiques des
• zone glomérulée : seule à exprimer l’aldostérone synthé- membranes des organites.
tase ou P450-C18 nécessaire à la production de l’aldosté-
rone (sécrétion des minéralocorticoïdes : l’aldostérone est
essentielle à l’homéostasie hydrique notamment).
Synthèse des androgènes
La prégnélonone quitte la membrane interne de la
mitochondrie et diffuse dans la membrane du réticulum
Cholestérol où elle sera convertie, après une succession de réactions
enzymatiques, en testostérone et œstradiol.
Toutes les hormones stéroïdes dérivent d’une molécule :
le cholestérol par perte successive d’atomes de carbone.
Synthèse du cortisol
La production cellulaire de novo in situ du cholestérol,
Après une succession de réactions enzymatiques, la pré-
à partir notamment de l’acétyl coenzyme A, est infime,
gnélonone est convertie en 11-désoxycortisol. Ce dernier
80 % du cholestérol nécessaire à la synthèse des hormones est dirigé vers la membrane interne de la mitochondrie
stéroïdiennes provient de l’alimentation et est apporté, via pour y être converti en cortisol.
le plasma, par les lipoprotéines plasmatiques [lipoprotéines
de faible densité (LDL pour Low Density Lipoprotein)] [1]
sur son lieu de transformation. Synthèse de l’aldostérone
Le cholestérol se situe en dehors de la membrane mito- La prégnélonone est convertie en 11-désoxycorticosté-
chondriale. La protéine StAR (Steroidogenic Acute rone qui est dirigé vers la membrane interne de la mito-
Regulatory) permet le transfert du cholestérol de l’exté- chondrie pour y être converti en corticostérone et
rieur vers l’intérieur de la membrane mitochondriale où 18-hydroxycorticostérone par l’action de la 18-bêta hydro-
est localisé le cytochrome P450-SSC, agent essentiel pour xylase. Ce stéroïde est ensuite transformé dans le réticulum
la transformation du cholestérol en hormones stéroïdes. en aldostérone.
La protéine StAR intervient également dans le clivage des Le cortisol est synthétisé dans la zone fasciculée, l’aldos-
chaînes de cholestérol [2, 3]. térone dans la zone glomérulée et les androgènes dans la
zone réticulée. La figure 1 illustre la biosynthèse des diffé-
Le taux de cholestérol libre intracellulaire disponible
rents types d’hormones stéroïdes.
pour la stéroïdogenèse est régulé via la voie des récepteurs
des LDL [2, 4]. Cette boucle de régulation, se trouve sous
la dépendance de l’hormone corticotrope hypophysaire Toutes les hormones stéroïdes sont issues du cho-
(ACTH pour Adrenocorticotropic Hormone), qui permet lestérol. Le cholestérol franchit la membrane mito-
l’augmentation de l’expression des récepteurs cellulaires chondriale grâce à la protéine StAR.
spécifiques des LDL. En revanche, l’ACTH ne stimule pas Les hormones stéroïdes sont ensuite synthétisées
l’activité de l’HMG-CoA (b-hydroxy-b-méthylglutaryl coen- grâce aux enzymes de la famille du cytochrome
zyme A) réductase nécessaire à la synthèse du cholestérol P450 par coupure des groupements carbonés du
endogène. cholestérol.

380
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page381

Fonction surrénalienne 35

La spécificité des différentes zones de la glande sur-


Vasopressine
rénale détermine une production hormonale dis- Hypothalamus –
tincte dans chaque zone :
• cortisol : zone fasciculée ; +
• androgènes : zone réticulée ; ACTH
• aldostérone : zone glomérulée. CRH

Transport des stéroïdes


Hypophyse

La testostérone et le cortisol circulent essentiellement Cortisol
ACTH
sous forme liée à des protéines plasmatiques.
Le cortisol se présente sous trois formes : +
• le cortisol libre, seule forme active (5 %) ;
Corticosurrénale
• le cortisol lié aux protéines suivantes : corticosteroid bin-
ding globulin (CBG) ou transcortine, a2-globuline de
grande spécificité ; albumine, protéine de grande capa- Figure 1 / Régulation physiologique de la sécrétion
cité et de faible spécificité ; des hormones glucocorticoïdes
La sécrétion des hormones hypothalamiques telles que
• les métabolites du cortisol.
la CRH ou l’AVP est régulée par les afférences du système
Le cortisol libre et ses métabolites sont directement fil- nerveux central, médiées par le rythme circadien
trables par le glomérule. et la réponse au stress. L’ACTH et les peptides dérivés sont
libérés en quantité équimolaire par la zone corticotrope
L’affinité du cortisol pour la transcortine diminue dans de la tige pituitaire. L’ACTH stimule les cellules du cortex
les syndromes inflammatoires avec, pour conséquence, une surrénalien afin de permettre la production de cortisol
qui inhibe la synthèse et la libération de la CRH ainsi que
augmentation de sa fraction libre et active.
son action, de même que celle des autres hormones
L’aldostérone est transportée par les mêmes protéines sécrétantes de la zone corticotrope de l’hypophyse.
plasmatiques que le cortisol ou les progestagènes mais
dans une plus faible proportion que les deux autres sté-
roïdes. En effet, un ultrafiltrat plasmatique peut contenir
jusqu’à 50 % de l’aldostérone circulante. • l’hormone de libération de l’hormone corticotrope (CRH
pour Corticotropin-Releasing Hormone), peptide hypo-
thalamique ;
Métabolisme et excrétion • l’ACTH ;
• le cortisol.
des stéroïdes
• AVP
Glucocorticoïdes L’AVP est synthétisée dans les neurones parvo- et
magnocellulaires de l’hypothalamus. Outre ses effets
Métabolisme directs antidiurétiques (récepteurs V2 rénaux), vasopres-
seurs (récepteurs V1 vasculaires) et plaquettaires (récep-
Quinze milligrammes de cortisol sont produits chaque teurs V2 plaquettaires), elle stimule la sécrétion d’ACTH.
jour :
• de façon pulsatile : de 10 à 20 pics par jour ; • CRH
• selon un rythme nycthéméral : maximum à 8 heures
Sécrétée par le noyau paraventriculaire de l’hypothala-
avant le lever ; minimum à 0 heure. mus en réponse au stress, la CRH peut avoir des effets délé-
Quatre-vingt-dix pour cent du cortisol est lié aux pro- tères dans la circulation générale : vasodilatation
téines plasmatiques (transcortine ou albumine). périphérique (mésentère) avec au maximum tachycardie et
hypotension ; stimulation de la ventilation par effet cen-
La concentration plasmatique de cortisol est sous la tral. Elle est également produite dans les lymphocytes T et
dépendance de son métabolisme : sécrétion, inactivation, le placenta. Elle stimule la sécrétion d’ACTH hypophysaire.
excrétion. L’inactivation se déroule principalement dans le Une production insuffisante pourrait être impliquée dans
foie, grâce à la voie du cycle A et à la conjugaison permet- la maladie d’Alzheimer. Elle joue un rôle déterminant dans
tant la synthèse de composés hydrosolubles. Le cortisol est la réponse inflammatoire.
également converti en cortisone au niveau du rein par la
11-b-hydroxystéroïde-déshydrogénase. • ACTH
L’ACTH (corticotropine) est une hormone sécrétée par
Régulation de la sécrétion la partie antérieure de l’hypophyse. Elle dérive de la matu-
des glucocorticoïdes ration d’un précurseur de grande taille, la pro-opioméla-
nocortine (POMC) qui est produite dans le cerveau,
Ce sont les interactions hormonales entre l’hypothala- l’hypophyse et les lymphocytes. Sa demi-vie est égale à
mus, l’hypophyse et la zone fasciculée du cortex surréna- 10 minutes. Sa structure dérivée de la mélanocortine
lien qui régulent la sécrétion de glucocorticoïdes, ainsi que explique la mélanodermie caractéristique des hyperfonc-
certains stimuli nerveux. Il s’agit d’une boucle endocrine tionnements corticosurrénaliens. Elle exerce directement
de régulation. ses effets sur la corticosurrénale. Le stress induit un relar-
gage d’ACTH via CRH et AVP [6].
Les hormones et agents impliqués dans cette régulation
sont : La sécrétion d’ACTH est comme celle du cortisol,
• l’arginine vasopressine (AVP), qui est un neuropeptide ; pulsatile et circadienne.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Les principaux facteurs contrôlant la sécrétion d’ACTH L’ACTH libérée favorise à son tour la production et la
sont la CRH, la concentration de cortisol, le stress (chirur- sécrétion de cortisol de façon exclusive par l’intermédiaire
gie, exercice, traumatisme émotionnel, fièvre, hypoglycé- d’un récepteur membranaire spécifique, qui active la pro-
mie, exposition au froid), l’alimentation et le cycle duction d’AMP cyclique [7, 8] en développant deux types
veille-sommeil. d’effets :
Un stress important tel le sepsis est susceptible, par l’in- • une transformation immédiate du cholestérol en D5 pré-
termédiaire des cytokines pro-inflammatoires comme les gnélonone, première étape de la synthèse du cortisol ;
interleukines (IL-6, IL-1b) ou le TNF-a, de stimuler la sécré- • un effet retardé de quelques heures ou de quelques jours
tion de CRH, d’AVP et d’ACTH ainsi que le système nerveux avec la synthèse de la plupart des enzymes de la stéroï-
sympathique et, donc, d’accroître la sécrétion d’ACTH et dogenèse, des actions sur les protéines cellulaires, la syn-
de cortisol. Le cortisol, par réaction, supprime la réponse thèse d’ARN et d’ADN [9].
immunitaire (inhibition des cytokines pro-inflammatoires
sécrétées par les macrophages, les interleukines et le TNF).
L’ACTH favorise donc la sécrétion du cortisol ainsi
La sécrétion d’ACTH induite par le stress n’a plus de
que celle des autres hormones surrénaliennes sté-
rythme circadien.
roïdes (aldostérone, testostérone).
À l’inverse, les bêta-endorphines ou l’enképhaline inhi-
bent la production d’ACTH. En retour le cortisol exerce un rétrocontrôle négatif de :
• l’ACTH à l’étage hypophysaire, directement et par un
Mécanisme de régulation mécanisme transcriptionnel ;
• la CRH au niveau hypothalamique.
Quand le « centre de sécrétion de la corticotropine »
situé dans l’éminence médiane de l’hypothalamus est sti- Quand le taux d’ACTH diminue, en particulier pendant
mulé, il sécrète de la CRH qui atteint l’anté-hypophyse par un traitement par corticoïdes, la synthèse des hormones
l’intermédiaire du système porte de la tige pituitaire. La stéroïdes diminue. Il en résulte également une réduction
vasopressine (AVP) agit en synergie avec la CRH pour majeure du taux des enzymes de la famille du cyto-
amplifier la sécrétion d’ACTH. chrome P450 ainsi que des protéines et de la synthèse
La CRH contrôle et stimule alors la sécrétion d’ACTH au d’ARN. Lorsque le déficit en ACTH perdure, il s’ensuit une
niveau de l’anté-hypophyse ainsi que des peptides appa- atrophie des glandes surrénales ; ce phénomène est réver-
rentés tels la bêta-lipotrophine (b-LPH). sible si l’on administre de l’ACTH (figures 1 et 2).

Régulation Stress (physique,


circadienne émotionnel, (4)
hypoglycémie)

Neurotransmetteurs,
peptides (3)
Centre hypothalamique de
libération de la corticotropine Locus coeruleus
(2) Norépinéphrine
Système
sympathique
Figure 2 / Axe hypothalamo-
CRH hypophysaire-surrénal
Les principaux sites de rétrocontrôle par
le cortisol plasmatique sont l’hypophyse
(5) Tige (1) et le centre hypothalamique de libéra-
tion de l’ACTH (2). Ce rétrocontrôle par le
cortisol plasmatique se produit aussi sur
le locus coeruleus du système sympa-
thique (3) et peut également agir sur les
POMC centres nerveux supérieurs (4).
On peut également assister à une boucle
(1) de rétrocontrôle court à laquelle
participerait l’inhibition de la CRH
Hypophyse par l’ACTH (5). Les neurotransmetteurs
hypothalamiques influent sur
Concentration la libération de CRH ; les systèmes
de cortisol cholinergiques et sérotoninergiques
β-LPH plasmatique stimulent la sécrétion de CRH et d’ACTH ;
ACTH les agonistes a-adrénergiques
et l’acide gamma-amino-butyrique
(GABA) inhibent probablement
la sécrétion d’ACTH et de CRH
Épinéphrine/ alors que la vasopressine et
norépinéphrine l’angiotensine II l’accroissent.
ACTH : adrrenocorticotropic hormone ;
CRH : corticotropin-releasing hormone ;
LPH : lipotrophine ;
Surrénale POMC : pro-opiomélanocortine.

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Fonction surrénalienne 35

Les androgènes surrénaliens sont sécrétés sous contrôle Certains GRE inhibent la transcription d’autres gènes,
de l’ACTH mais n’exercent aucun rétrocontrôle négatif sur tels ceux codant pour la synthèse des cytokines, l’adhésion
cette hormone. moléculaire et la synthèse de la cyclo-oxygénase. À l’op-
posé, ils favorisent la synthèse de protéines de la phase
La conséquence des phénomènes de régulation est
aiguë de l’inflammation, telle la lipocortine. Ils empêchent
la suivante :
• le taux d’ACTH est élevé chez les patients atteints en revanche la transcription par des facteurs transcription-
de maladie d’Addison, caractérisée par un défaut nels variables tels AP1, NF-AT et NF-kB. [12].
de production et/ou d’action des glucocorticoïdes ;
• le taux d’ACTH est bas dans les situations sui-
Mode d’action des glucocorticoïdes
vantes :
– syndrome de Cushing (lié à une tumeur sécrétant • Pénétration des glucocorticoïdes dans la cellule
du cortisol), par diffusion passive.
– administration de glucocorticoïdes (le rétrocon- • Liaison à un récepteur spécifique polypeptidique
trôle s’exerce quelle que soit la classe des gluco- cytoplasmique multifonctionnel permettant la for-
corticoïdes administrés).
mation d’un complexe hormone-récepteur (GC/R).
• Migration du complexe hormone-récepteur dans
Physiologie des glucocorticoïdes le noyau de la cellule.
• Fixation du complexe à une séquence d’ADN spé-
La distinction entre glucocorticoïdes et minéralocorti-
cifique (GRE) avec pour effet :
coïdes est relative puisque la plupart des premiers exercent
– la stimulation de la séquence génique et la trans-
des effets minéralocorticoïdes. Les glucocorticoïdes ont
une action prépondérante sur le métabolisme intermé- cription (via les GRE positifs ou négatifs) ;
diaire. Le principal représentant de cette classe est le cor- – qui permettra la synthèse respectivement de
tisol ou hydrocortisone. protéines anti-inflammatoires et immunosup-
pressives ou, au contraire, l’expression de pro-
• Mode d’action des glucocorticoïdes téines pro-inflammatoires (cyclo-oxygénase 2).
Les corticoïdes pénètrent dans les cellules cibles par un
mécanisme de diffusion passive. Ils se lient à des récepteurs
spécifiques constitués de chaînes polypeptidiques. Ce sont
les Heat Shock Proteins HSP 56, 70 et 90 cytoplasmiques.
Le complexe hormone-récepteur migre ensuite dans le
noyau de la cellule. Ces récepteurs spécifiques sont à la fois
des protéines de liaison des hormones et des facteurs de
transcription nucléaire. Le récepteur contient en effet trois Hormone
domaines :
• un domaine de fixation à la molécule de glucocorticoïde ;
Récepteur Modification de
• un domaine de liaison à l’ADN nucléaire et qui autorise
intracellulaire l’expression génique
également un processus de dimérisation ;
• un domaine qui permet la fixation à la région « promo- Élément de
teur » du gène. réponse
(GREs)
En effet, les récepteurs activent ou inhibent la trans-
cription d’un registre de gènes spécifiques de l’action de
cette hormone [10].
Dans le noyau, le complexe hormone-récepteur ou glu-
cocorticoïde/récepteur (GC/R) se fixe à une séquence Séquence promoteur Séquence codant
d’ADN particulière, identique pour le cortisol et l’aldosté- pour la protéine
rone, qu’on appelle « élément de réponse » à l’hormone
(GRE pour glucocorticoids responses elements). Le GRE est
localisé dans la région du « promoteur » d’un gène cible.
[11]. Le promoteur est la partie du gène qui régule son
expression. La fixation du complexe hormone-récepteur Gène d’une protéine cible
sur l’« élément de réponse » active la transcription de ce
gène en ARN messager spécifique d’une protéine particu- Figure 3 / Le complexe hormone-récepteur-élément
lière, notamment les protéines intervenant dans l’inflam- de réponse module l’expression génique
mation (figures 3 et 4).

GR
Figure 4 / Mode d’action intracellulaire des glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes (G) pénètrent dans leurs cellules cibles selon GR
un mécanisme passif. Ils forment avec leur récepteur protéique G
ARN m
spécifique (R) un complexe glucocorticoïde-récepteur (GR) qui
active l’activité transcriptionnelle des gènes cibles. L’ARNm,
qui est produit à l’issue de cette transcription, est transféré vers Protéine
de nouvelles proté ines afin d’exprimer l’activité biologique
des glucocorticoïdes.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• Effets métaboliques des glucocorticoïdes – la protéine 1kB qui via le facteur de transcription NF-kB
sur les métabolismes protéique, inhibe ses fonctions (NF-kB contrôle la synthèse de pro-
téines de l’inflammation telles les cytokines et les molé-
glucidique, lipidique cules adhésives leuco-endothéliales) ;
et les acides nucléiques – le récepteur de type II de l’IL-1 et l’antagoniste du
Hyperglycémie et stockage hépatique récepteur de l’IL-1, d’où l’inhibition de l’IL-1 ;
des glucides sous forme de glycogène – l’IL-10 qui régule négativement la transcription des
Les glucocorticoïdes inhibent la sécrétion d’insuline et gènes des cytokines inflammatoires et diminue les fonc-
agissent comme antagonistes de cette hormone. tions des lymphocytes.

Ils empêchent aussi la captation périphérique du glu- • Fixation sur des GRE « négatifs » et suppression de la
cose et son utilisation par les tissus en inhibant directement transcription de gènes codant pour la synthèse de pro-
le transfert du glucose dans la cellule. Le nombre de trans- téines pro-inflammatoires ou qui contrôlent la réponse
porteurs de glucose dans les adipocytes est également immunitaire adaptative. Il s’ensuit la suppression de la
diminué car les glucocorticoïdes réduisent le taux d’ARNm transcription de protéines telles :
destiné à cette action [13]. – la cyclo-oxygénase 2 (synthèse des prostaglandines à
partir de l’acide arachidonique et rôle important dans
Les glucocorticoïdes favorisent la néoglycogenèse, c’est- la phase vasculaire de l’inflammation) ;
à-dire la synthèse et le stockage du glycogène dans le foie. – les cytokines : IL-1et 6, TNF-a, éléments essentiels dans
Ils accroissent la production hépatique du glucose en aug- le déroulement de l’inflammation, les chémokines
mentant le substrat disponible ainsi qu’en stimulant la libé- (recrutement des leucocytes dans les tissus inflamma-
ration des acides aminés glycogéniques à partir des tissus toires), GM-CSF et IL-5 (croissance des polynucléaires
périphériques, notamment des muscles striés. neutrophiles et éosinophiles), IL-2, IL-4 et INF-a, qui
Catabolisme protidique jouent un rôle important dans la réponse lymphocy-
taire ;
Les glucocorticoïdes provoquent une destruction des – les molécules adhésives leuco-endothéliales.
protéines de structure (os, peau, muscles, tissus conjonctifs)
et une inhibition de la synthèse des protéines ainsi que la Interaction avec les facteurs de transcription
captation d’acides aminés. L’hyperaminoacidémie qui en Le complexe GC/R peut interagir avec d’autres facteurs
résulte stimule la production de glucagon et favorise la transcriptionnels qui induisent la transcription de gènes
néoglycogenèse. pro-inflammatoires ou impliqués dans la réponse immuni-
Les glucocorticoïdes inhibent la synthèse des acides taire adaptative. L’interaction se fait de protéine à pro-
nucléiques dans l’ensemble de l’organisme à l’exception de téine ou par fixation compétitive au niveau de l’ADN.
la synthèse d’ARN hépatique. Exemple : l’interaction GC/R avec NF-kB et AP-1 entraîne
la plupart des effets anti-inflammatoires.
Métabolisme lipidique
Les glucocorticoïdes activent la lipolyse dans les tissus Action sur la microcirculation et sur les cellules
adipeux. Ils régulent la mobilisation des acides gras en acti- Le cortisol augmente la réactivité vasculaire à l’action
vant la lipase cellulaire des hormones qui mobilisent les des agents vasoconstricteurs et s’oppose à la perméabilité
graisses telles les catécholamines et activent aussi la sécré- vasculaire caractéristique de l’inflammation aiguë.
tion d’hormone de croissance (GH pour Growth Hormone),
qui active elle aussi la lipolyse. Réduction par le cortisol
de l’immunité à médiation cellulaire
Action anti-inflammatoire des glucocorticoïdes Les glucocorticoïdes induisent une baisse du nombre
L’excès de glucocorticoïdes endogènes supprime la des lymphocytes périphériques dans un délai de 4 heures
réponse immunologique ; de même, l’administration de qui affecte davantage les lymphocytes T issus du thymus
faibles doses de ces mêmes agents peut réactiver des infec- que les lymphocytes B dérivés de la moelle osseuse. Il en
tions latentes telle la tuberculose. est de même pour les monocytes et les éosinophiles circu-
L’effet anti-inflammatoire des glucocorticoïdes relève lants. À l’inverse, on observe une augmentation des gra-
d’une action génomique (effet des glucocorticoïdes sur la nulocytes circulants par libération des cellules matures à
transcription des gènes codant pour les protéines pro- ou partir de la moelle osseuse et inhibition de leur sortie capil-
anti-inflammatoires) permis par : laire. Les corticoïdes empêchent l’accumulation des neu-
• fixation du complexe GRE/GC à l’ADN ; trophiles au niveau des zones inflammatoires.
• interaction protéique avec d’autres facteurs de transcrip- Du point de vue clinique, la traduction de ces phéno-
tion contrôlant la synthèse de gènes pro-inflammatoires. mènes de mobilisation cellulaire est l’hyperleucocytose
L’effet anti-inflammatoire des glucocorticoïdes relève polymorphonucléaire et la suppression de la réponse
aussi d’une action non génomique [12]. inflammatoire locale.

Le complexe GC/R se fixe Les cellules T sont connues pour être l’une des cibles
sur des GRE positifs ou négatifs principales de l’action des glucocorticoïdes.
• Fixation sur des GRE « positifs » : il s’ensuit la transcrip- Les cellules T matures et les thymocytes immatures por-
tion de gènes codant pour la synthèse de protéines anti- tent des récepteurs spécifiques offrant une affinité élevée
inflammatoires ou immunosuppressives. Par exemple, les vis-à-vis des glucocorticoïdes [14].
GC augmentent la transcription de :
– l’annexine 1 qui inhibe la phosphodiestérase (enzyme Les glucocorticoïdes exercent in vitro un effet immuno-
impliquée dans la synthèse de l’acide arachidonique), suppresseur sur les cellules T, comme l’inhibition de leur
précurseur des prostaglandines et des leucotriènes, prolifération et de la transcription du gène codant pour la
impliqués dans la phase vasculaire initiale de l’inflam- synthèse de l’IL-2, facteur de croissance des lymphocytes T
mation ; [15] ou l’interféron g (INF-g).

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Fonction surrénalienne 35

Action sur les lymphocytes B Elle est due à la dérégulation de la transcription des fac-
Les cellules B au repos bénéficient d’un processus d’ac- teurs anti-inflammatoires et notamment du complexe GC/R
tivation puis prolifèrent sous l’action des facteurs de crois- (GRE ou GRa). Elle associe un taux insuffisant de cortisol
sance dérivés des lymphocytes T tels l’IL-4 afin d’aboutir, à circulant à la résistance tissulaire à l’action des corticoïdes
la fin du processus de différenciation, à la production d’im- [21].
munoglobulines. Les glucocorticoïdes inhibent à une phase La cascade du facteur nucléaire kappa (NF-kB) favorise
très précoce les processus d’activation et de prolifération la libération de médiateurs pro-inflammatoires, action à
des cellules B. En revanche, les dernières phases de diffé- laquelle s’oppose l’effet anti-inflammatoire induit par le
renciation sont moins sensibles à leur action, les glucocor- complexe GC/R GRa. Le déséquilibre de ces deux systèmes
ticoïdes étant même peut-être susceptibles de favoriser la en faveur de NF-kB est à l’origine d’une amplification de
sécrétion d’immunoglobulines [13, 16]. la réponse inflammatoire et de l’insuffisance surrénalienne
Les glucocorticoïdes inhibent la différenciation des relative.
monocytes en macrophages ainsi que la fonction phago- Plusieurs études expérimentales ont démontré que le
cytaire et cytotoxique des macrophages [17]. TNF-a inhibe aussi la transcription des GRa [22].
Autres actions Une autre étude met en évidence la différence de
Les glucocorticoïdes inhibent aussi la synthèse et l’ac- concentration entre les taux des complexes GC-GRa
tion des substrats suivants : nucléaire et GC-GRa cytoplasmique aux dépens du taux
• des cytokines pro-inflammatoires, notamment les inter- nucléaire chez les patients souffrant de syndrome de
leukines 1 et 6, facteurs activateurs des lymphocytes par détresse respiratoire aiguë (SDRA) pour lesquels on note
les macrophages ; une absence d’amélioration par comparaison aux taux des
• des lymphokines et des prostaglandines, médiateurs patients en voie de guérison. Le taux de GC-GRa est en
locaux de l’inflammation ; revanche sans différence significative dans le cytoplasme.
• de l’interféron, libéré par les lymphocytes ; Cette étude expérimentale in vivo suggère à l’évidence que
• de l’histamine, par un mécanisme mal déterminé ; l’activité du complexe GC-GRa nucléaire est particulière-
• de la cyclo-oxygénase dans nombre de types cellulaires ; ment altérée chez les patients les plus graves malgré des
• la synthèse de radicaux libres, comme le monoxyde taux de cortisol suffisants [23].
d’azote (NO).
Un stress chirurgical majeur peut induire une insuffi-
sance surrénale, avec pour conséquence une réaction
Effets métaboliques des glucocorticoïdes inflammatoire explosive, la libération massive de média-
• Hyperglycémie. teurs de l’inflammation dont les taux plasmatiques sont
• Catabolisme protéique. très élevés et in fine le développement de dysfonctions
• Lipolyse et hyperlipidémie. d’organes de gravité variable [24].
• Action anti-inflammatoire complexe : Cette insuffisance surrénale est un facteur favorisant de
– par voie génomique (fixation du complexe GC/R l’augmentation de la mortalité chez l’adulte et l’enfant
et activation des GRE positifs ou négatifs avec [25, 26].
pour effet la synthèse de protéines anti-inflam-
matoires : augmentaion de l’annexine 1 (inhibant Que ce soit dans le choc septique ou encore dans le
la phosphodiestérase, précurseur des prostaglan- SDRA persistants, le déséquilibre de l’activité NF-kB aux
dines) ou blocage de la synthèse de protéines de dépens du complexe GC/R GRa aboutit à l’altération des
l’inflammation (cyclo-oxygénase 2) ; tissus, des cellules et des organes [27].
– effet vasoconstricteur sur la microcirculation ; Dans le sepsis, les effets génomiques et antigénomiques
– inhibition spécifique des lymphocytes T ; des glucocorticoïdes permettent de restaurer l’homéosta-
– inhibition précoce des phases d’activation et de sie cardiovasculaire, de limiter l’inflammation tissulaire et
prolifération des lymphocytes B (producteurs systémique, de restaurer les fonctions organiques et ainsi
d’immunoglobulines) mais absence d’action sur de réduire la mortalité.
la phase tardive plus spécifique de différencia-
tion. La dérégulation de l’axe HHS est courant chez les
patients souffrant d’inflammation systémique.
• Glucocorticoïdes, choc septique Les patients à risque de développer une insuffisance
et syndrome de détresse respiratoire aiguë surrénale relative (résistance tissulaire aux glucocorti-
coïdes) peuvent également développer une insuffisance de
Le choc septique se caractérise par une réponse inflam-
l’axe HHS. Elle se caractérise notamment par la baisse de
matoire incontrôlée qui contribue à la dysfonction d’or-
la sécrétion de CRH, d’ACTH et de cortisol.
gane et à l’augmentation de la mortalité [18].
Le contrôle de l’inflammation chez le patient septique L’incidence de cette dysrégulation varie selon les
fait intervenir des interactions complexes entre les sys- moyens diagnostiques employés ainsi que les populations
tèmes neuro-endocrinien et immunitaire. étudiées. Cette anomalie semble plus ou moins réversible,
notamment après une septicémie, un SDRA ou encore dans
La dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-sur- les suites d’une circulation extracorporelle.
rénalien (axe HHS) participe au premier plan à l’acutisation
de la réponse inflammatoire [19, 20]. Il semble que le TNF-a et l’IL-1 soient aussi impliqués
dans l’atteinte de l’axe HHS. Plusieurs études indiquent
Mais plus récemment un certain nombre de données cli-
que le TNF-a altère la stimulation de la sécrétion de l’ACTH
niques et expérimentales suggèrent que la résistance des
par la CRH, ainsi que la sécrétion de cortisol en inhibant
tissus à l’action des glucocorticoïdes joue un rôle au moins
l’action de l’ACTH et de l’angiotensine II sur les cellules sur-
aussi important dans l’inflammation et ses conséquences
rénales [28].
que la dysrégulation de l’axe. Cette résistance tissulaire est
le fait d’une insuffisance surrénale relative qui se définit Les signes de l’insuffisance surrénale chez les patients
par une sécrétion glucocorticoïde inadaptée à la situation en choc septique ou en SDRA sont essentiellement repré-
clinique. sentés par l’hypotension artérielle réfractaire à l’expansion

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

volémique et la nécessité de recourir à un support vaso- ainsi qu’aux patients souffrant de SDRA dont la prise en
presseur, ce qui diffère beaucoup de l’expression clinique charge thérapeutique n’excède pas 14 jours. Les posologies
de l’insuffisance surrénale classique. recommandées sont :
• 200 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisone par jour en
Le patient septique offre la plupart du temps un profil perfusion continue ou en injections discontinues pendant
hyperdynamique. Cependant, les valeurs des résistances une semaine ;
vasculaires systémiques, de la pression capillaire pulmo- • 1 mg/kg/j de méthylprednisolone pendant au moins
naire et du débit cardiaque sont variables. 14 jours pour le SDRA.
Les glucocorticoïdes ne doivent pas être arrêtés brutale-
Inflammation, choc septique et corticoïdes ment : une décroissance de la posologie est nécessaire [30].
Le choc septique se caractérise par une réponse Les glucocorticoïdes (hydrocortisone) administrés préco-
inflammatoire incontrôlée dont l’origine réside dans cément pourraient non seulement améliorer la survie mais
des interactions complexes entre systèmes neuro- aussi diminuer l’action pro-inflammatoire du TNF-a [32].
endocrinien et immunitaire :
• dysrégulation de l’axe HHS et sécrétion inadaptée L’administration des glucocorticoïdes dans le choc sep-
de glucocorticoïdes ; tique et le SDRA ont fait l’objet d’études plus récentes.
• insuffisance surrénale relative par résistance des L’analyse par certains auteurs faisait apparaître des biais
tissus à l’action de glucocorticoïdes : de recrutement et de méthodologie (notamment l’utilisa-
– liée à la dérégulation de la transcription des fac- tion de l’étomidate) rendant leur administration contro-
teurs anti-inflammatoires (complexe GRE/GRa) ; versée.
• action du facteur nucléaire NF-kB ; Certaines études semblent mettre en évidence un effet
– amplification de la réaction inflammatoire et possiblement délétère de l’action des glucocorticoïdes sur
augmentation de l’insuffisance surrénale ; la capacité de liaison des GRE au niveau de polynucléaires
• action du TNF-a (ainsi que de l’IL-1) : neutrophiles chez les patients traités.
– inhibition de la transcription du complexe GRa,
– atteinte de l’axe HHS, Il semble licite de réserver l’usage des glucocorti-
– inhibition de l’ACTH, de l’angiotensine II rédui- coïdes aux patients en choc septique qui, malgré
sant l’action locale cellulaire des glucocorti- une prise en charge optimale, demeurent dépen-
coïdes. dants d’un soutien aminergique (par ex., noradré-
Sur le plan clinique, le principal signe clinique de naline > 0,5 mcg/kg/min) depuis plus de 12 heures
l’atteinte surrénalienne dans le choc septique est et aux SDRA pour lesquels une stratégie ventilatoire
l’hypotension. optimisée a été appliquée pendant au moins
48 heures [33, 34].
Faut-il faire le diagnostic de l’insuffisance surrénale
dans ce contexte et comment ? Dans le choc septique, l’association des glucocorticoïdes
à la fludrocortisone (50 mcg/j) semble bénéfique dans cer-
La réalisation du dosage de la cortisolémie et du test à
tains cas.
l’ACTH ont été remis en cause dans de nombreuses publi-
cations, en raison notamment de la variabilité des mesures
Les glucocorticoïdes, sous réserve d’indications pré-
obtenues au cours du sepsis ainsi que la difficulté d’établir
cises, peuvent potentialiser l’effet des agents vaso-
précisément le moment auquel procéder à ce test [29].
presseurs administrés au cours du choc septique et
Cependant, il demeure recommandé [30]. Classiquement,
améliorer la morbidité.
il repose sur le dosage de la cortisolémie avant et après
Au cours du SDRA, leur usage à faible posologie de
l’administration de 250 mcg d’ACTH (test au Synacthène®).
manière précoce peut aussi être recommandé afin
Si le taux de cortisol n’augmente pas après stimulation par
de diminuer la durée de ventilation tout en restant
l’ACTH (< 9 mcg/dL), le patient testé est considéré « non
sans effet sur la mortalité à long terme [35, 36].
répondeur » et présente une insuffisance surrénale relative
qui peut bénéficier d’une supplémentation. Il peut être
candidat à un traitement par glucocorticoïdes. L’autre • Effets physiologiques des glucocorticoïdes
moyen consiste à doser la cortisolémie de base. Une valeur Musculaires
inférieure à 10 mcg/dL signe l’insuffisance surrénale. Les
patients dont les taux sont élevés après stimulation sont Les glucocorticoïdes induisent une fonte musculaire
considérés comme « répondeurs » et n’auront pas de béné- avec libération d’acides aminés, substrat de la néoglycoge-
fice à un traitement substitutif. Si la réalisation de ces nèse.
mesures reste d’actualité, il convient de ne pas attendre les
Tissulaires
résultats des tests pour initier le traitement par glucocor-
ticoïdes. Les glucocorticoïdes inhibent la synthèse des fibro-
blastes, du collagène et de l’acide hyaluronique, avec pour
De nombreuses études ont été menées depuis une tren- traduction clinique :
taine d’années afin d’évaluer l’efficacité de l’administra- • une finesse de la peau ;
tion de corticoïdes chez les patients atteints de choc • une fragilité des tissus ;
septique. Ils ont d’abord été prescrits à forte dose pendant • un retard à la cicatrisation.
une courte période afin de réprimer la réponse inflamma-
toire exagérée dont on pensait qu’elle constituait la base Osseux
physiopathologique de tout état septique sévère. Ce type L’ostéopénie par réduction des ostéoblastes et augmen-
de traitement n’a pas fait la preuve de son efficacité [31]. tation des ostéoclastes est à l’origine d’une fragilité
De nombreuses études ont également été menées afin osseuse par affaiblissement de la matrice protéique de l’os
d’évaluer l’efficacité de l’administration de glucocorti- trabéculaire (par ex., os vertébraux) sans conséquence pour
coïdes dans le SDRA. Les recommandations actuelles pré- les os compacts. Cet effet est aggravé par la malabsorption
conisent l’administration de glucocorticoïdes aux patients intestinale du calcium induite par les glucocorticoïdes [37].
souffrant de choc septique traités par agent vasopresseur Il existe une élévation de la concentration plasmatique de

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Fonction surrénalienne 35

l’hormone parathyroïde (PTH), probablement liée aussi à de manière courante pour favoriser la maturation pulmo-
la mauvaise absorption du calcium, car elle disparaît lors naire des prématurés in utero en cas de rupture prématu-
de l’administration de vitamine D et de calcium [38]. rée des membranes.
Modification de la répartition des graisses
L’adiposité prédomine sur la ceinture abdominale et Effet des glucocorticoïdes
scapulaire parallèlement à une diminution du tissu grais- • Physiologiques :
seux périphérique. – fonte musculaire ;
– finesse et fragilité cutanée ; retard à la cicatrisa-
Effet minéralocorticoïde tion ;
Il est mineur dans les circonstances physiologiques. – fragilité osseuse, ostéopénie ;
L’excès de cortisol provoque : – effet minéralocorticoïde : hypertension arté-
• une hypertension artérielle par réabsorption tubulaire rielle, hypokaliémie.
de sodium ; • Cliniques :
• une hypokaliémie par accroissement de l’excrétion rénale – troubles de l’humeur et du sommeil ;
du potassium. – modification de l’activité électrique dans le sys-
L’hypertension est due à l’augmentation de la synthèse tème nerveux central ;
hépatique de l’angiotensinogène, dont résulte l’élévation – augmentation du risque d’ulcère gastro-intesti-
du taux d’angiotensine II. L’autre mécanisme invoqué est nal ;
peut-être l’inhibition des agents vasodilatateurs tels les – ralentissement de la croissance ;
prostaglandines E2 et la kallicréine [39, 40]. – augmentaion de la production de surfactant.
Au contraire, les patients qui souffrent d’une insuffi-
sance glucocorticoïde présentent une hypotension et
peuvent s’avérer réfractaires à l’action des agents vasopres- Minéralocorticoïdes
seurs. La vasopressine voit sa concentration augmenter
L’aldostérone synthétisée dans la zone glomérulée de
chez ces patients, et la clairance de l’eau libre diminue. Ces
la corticosurrénale est le principal minéralocorticoïde cir-
mécanismes favorisent le maintien de la pression artérielle
culant. La production d’aldostérone est approximative-
[41]. À l’opposé, le cortisol, en supprimant la sécrétion de
ment cent fois moindre que celle du cortisol.
vasopressine, protège contre l’intoxication par l’eau en
augmentant la clairance de l’eau libre. La sécrétion du fac-
teur atrial natriurétique par les myocytes est stimulée par Sécrétion et régulation
le cortisol, facilitant ainsi l’excrétion hydrosodée. des minéralocorticoïdes : axe
• Effets cliniques rénine-angiotensine-aldostérone
Sur l’humeur L’axe rénine-angiotensine-aldostérone constitue le sys-
tème de régulation principal de la sécrétion minéralocor-
Les glucocorticoïdes ont de multiples effets sur l’hu- ticoïde (voir chapitre 31). Le mécanisme en est le suivant.
meur (excitation et euphorie), le sommeil (perturbation),
les fonctions cognitives et la réception de l’influx nerveux.
• Angiotensinogène
Sur le système nerveux central L’angiotensinogène, a-globuline d’origine hépatique,
Il existe de nombreux récepteurs aux corticoïdes dans le se transforme en angiotensine I (décapeptide dépourvu
système nerveux central. À l’échelle cellulaire interviennent d’action biologique) sous l’action de la rénine, puis en
des modifications de l’activité électrique telles l’hyperpola- angiotensine II (octapeptide) sous l’effet de l’enzyme de
risation de la membrane cellulaire [42] ou la suppression de conversion de l’angiotensine présente dans de nombreux
l’activité électrique spontanée dans un délai extrêmement tissus, notamment le poumon, ainsi qu’en angiotensine III,
bref après l’exposition hormonale. Une exposition chro- de moindre importance fonctionnelle.
nique pourrait gêner la régénération axonale.
Les glucocorticoïdes régulent la différenciation des cel- • Angiotensine II
lules épithéliales de la crête neurale en cellules chromaf- L’angiotensine II exerce plusieurs effets :
fines [43]. • c’est un puissant vasopresseur qui agit directement sur
les muscles lisses artériolaires ;
Sur le tractus digestif • elle interfère dans l’homéostasie du sodium par deux
Les glucocorticoïdes modulent le transport du sodium mécanismes principaux :
au niveau colique par l’intermédiaire d’un récepteur spé- – modification du flux sanguin rénal : elle maintient le
cifique [44]. taux sanguin de filtration rénale constant, modifiant
ainsi la fraction de filtration rénale du sodium,
En administration chronique, ils élèvent le risque de
– stimulation de la sécrétion d’aldostérone de la zone
d’ulcère œso-gastro-duodénal.
glomérulée de la corticosurrénale par une cascade de
Sur la croissance réactions aboutissant, à terme, à la transformation du
cholestérol en prégnélonone et à la conversion de la
La croissance des adolescents est freinée par des
corticostérone en aldostérone [46].
concentrations élevées de glucocorticoïdes. Il peut s’agir
d’une inhibition de l’hormone de croissance, bien que le
gène transcripteur de celle-ci soit stimulé par le cortisol in
• Aldostérone
vitro, mais il semble que cela provienne d’un effet direct L’augmentation de la concentration plasmatique d’al-
sur le tissu osseux et le tissu conjonctif. dostérone provoque une rétention de sodium par le rein,
à l’origine d’une augmentation du volume liquidien extra-
Au niveau pulmonaire cellulaire. Cette élévation de volume circulant, et donc de
Les glucocorticoïdes induisent la production de surfac- la volémie, exerce alors un rétrocontrôle négatif sur la
tant par les pneumocytes de type II [45] ; cet effet est utilisé sécrétion de rénine.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Le système rénine-angiotensine-aldostérone permet Facteurs circulants


donc le contrôle de la volémie par les modifications L’augmentation du potassium dans l’alimentation
appropriées de l’hémodynamique intrarénale et du abaisse directement la sécrétion de rénine et vice-versa.
transport tubulaire du sodium (figure 5). Elle provoque une dépolarisation des cellules de la zone
glomérulée à l’origine d’une activation des canaux cal-
• Rénine ciques, permettant un afflux de calcium extracellulaire et,
donc, une libération d’aldostérone.
Cette enzyme rénale protéolytique (élaborée dans les
granules des cellules juxtaglomérulaires qui jouxtent les L’angiotensine II exerce un rétrocontrôle négatif sur la
artérioles afférentes des glomérules) voit sa concentration sécrétion de rénine.
modulée par : Le peptide atrial natriurétique inhibe la sécrétion de
• la volémie (pression artérielle et artériolaire rénale) ; rénine.
• la natrémie.
L’ACTH ainsi que l’AVP stimulent aussi de façon mineure
La sécrétion de rénine est contrôlée par quatre facteurs la sécrétion d’aldostérone, en agissant au niveau des récep-
indépendants. teurs cellulaires spécifiques de la zone glomérulée.
Cellules juxtaglomérulaires
Cellules myo-épithéliales coiffant les artérioles effé- Physiologie des minéralocorticoïdes
rentes, elles sont sensibles aux modifications de la pression L’aldostérone, minéralocorticoïde principal, possède
de perfusion rénale et réagissent plus précisément à la deux actions importantes :
diminution de tension des parois de l’artériole afférente • la régulation de la volémie ;
en sécrétant de la rénine. • le contrôle du métabolisme du potassium.
Ainsi, toutes les situations cliniques au cours desquelles
le débit sanguin rénal est diminué ont pour effet d’élever • Contrôle de la volémie
la concentration de rénine (hémorragie, déshydratation,
restriction hydrosodée, etc.). À l’opposé, les facteurs qui La volémie est régulée par un effet direct sur le trans-
augmentent la pression artérielle (régime salé, vasocons- port de sodium au niveau du tube rénal : l’aldostérone
tricteurs périphériques, orthostatisme, etc.) diminuent la induit une diminution de l’excrétion de sodium contre une
sécrétion de rénine. augmentation de l’excrétion de potassium au niveau du
tube contourné distal. Les ions sodium réabsorbés sont
Les prostaglandines pourraient aussi jouer un rôle dans ensuite transportés vers le secteur interstitiel rénal puis la
la concentration de rénine car l’administration d’indomé- circulation capillaire. L’eau suit ensuite passivement le
tacine, qui inhibe la synthèse des prostaglandines, stimule sodium transporté.
la libération de rénine [47].
L’administration d’aldostérone (ou de déoxycorticosté-
Cellules de la macula densa rone) à un individu sain provoque, dans un premier temps,
Cellules épithéliales du tube contourné distal, elles une rétention hydrosodée puis surviennent, au bout de 3
auraient une fonction de chimiorécepteurs contrôlant la à 5 jours, une natriurèse et un retour de la balance sodée
à la normale. Il s’agit d’un phénomène d’échappement des
charge en sodium ou en chlore dans le tube distal et de
tubes rénaux à l’action de rétention du sodium provoquée
transmission de ces informations aux cellules juxtaglomé-
par l’aldostérone en administration continue. Certains
rulaires situées à leur contact.
facteurs hémodynamiques rénaux ainsi que le peptide
Système nerveux sympathique natriurétique rénal semblent aussi jouer un rôle dans ce
phénomène d’échappement.
Il régule la sécrétion de rénine, notamment lors du pas-
sage de la position couchée à la position debout, soit direc-
tement en augmentant l’activité adénylcyclase des cellules
Action du potassium
juxtaglomérulaires, soit indirectement sur les cellules jux- Les ions potassium régulent la sécrétion d’aldostérone
taglomérulaires ou de la macula densa en exerçant un indépendamment de l’axe rénine-angiotensine même si le
effet vasoconstricteur sur l’artériole afférente. potassium stimule aussi la production d’angiotensine II.

Volume sanguin
circulant
Excrétion rénale Rétention
de potassium rénale de Na Pression de
perfusion rénale
Catécholamines
Cellules juxta-
Sécrétion glomérulaires
d'aldostérone
Angiotensinogène

Équilibre Sécrétion
potassique de rénine
Angiotensine II Rétrocontrôle de la Figure 5 / Rétrocontrôle par la volémie et
macula densa le potassium de la sécrétion d’aldostérone
Angiotensine I L’intégration des signaux de chacune
Enzyme de des boucles de rétrocontrôle détermine
conversion le taux de sécrétion d’aldostérone.

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Fonction surrénalienne 35

Chez le sujet normal, l’administration d’une charge La sécrétion de cortisol varie selon un rythme nycthé-
orale de potassium augmente la sécrétion, l’excrétion et méral dû aux modifications circadiennes imprimées par
les concentrations plasmatiques d’aldostérone. Une faible l’ACTH. Elle connaît un pic à 8 heures.
élévation de la kaliémie, de l’ordre de 0,1 mmol/L, suffit à
augmenter la concentration d’aldostérone. La cortisolémie est le reflet du cortisol total (libre et lié
à la transcortine). On observe, par exemple, une élévation
artificielle de la concentration plasmatique de cortisol chez
Minéralocorticoïdes la parturiente ou la femme sous œstro-progestatifs en rai-
L’angiotensinogène se transforme en angiotensine I son de l’augmentation des taux de transcortine.
sous l’action de la rénine ; l’angiotensine I se trans- La cortisolémie est :
forme en angiotensine II sous l’action de l’enzyme • de 100 à 200 ng/mL le matin ;
de conversion de l’angiotensine. • inférieure à 100 ng/mL le soir.
L’angiotensine II est un vasoconstricteur par action
directe sur les muscles lisses artériolaires ; elle inter-
vient dans l’homéostasie du sodium en modifiant le Cortisol libre urinaire
flux sanguin rénal et en maintenant constant le Le dosage du cortisol libre urinaire (CLU), qui suppose
taux de filtration rénal ainsi qu’en stimulant la une parfaite méthode de recueil des urines, reflète :
sécrétion d’aldostérone à l’issue d’une cascade de • le cortisol libre (seul actif) ;
transformations. • le taux de cortisol au sein de l’organisme après 24 heures.
L’augmentation du taux d’aldostérone provoque
une rétention de sodium par le rein et de fait une L’augmentation de l’excrétion du CLU équivaut à une
augmentaion du volume liquidien extracellulaire. hypercortisolémie (> 90 mg/j).
L’aldostérone est essentielle pour la régulation de
la volémie et de la kaliémie.
Le système rénine-angiotensine-aldostérone Test de stimulation directe
permet donc le contrôle de la volémie par les
modifications appropriées de l’hémodynamique de la corticosurrénale
intrarénale et du transport tubulaire du sodium
(figure 5). Test au Synacthène® immédiat
La rénine voit sa production modulée par la volémie Le Synacthène® immédiat est l’ACTH 1-24. L’injection
et la natrémie, grâce à quatre facteurs indépen- de 0,25 mg d’ACTH par voie intraveineuse (IV) induit natu-
dants : rellement une stimulation de la synthèse de cortisol et une
• les cellules myo-épithéliales sensibles aux varia- élévation de la cortisolémie.
tions de pression de perfusion rénale ;
• les cellule de la macula densa sensibles aux varia- Dans les conditions physiologiques, la cortisolémie est
tions de natrémie, qui transmettent l’information supérieure à 210 ng/mL 60 minutes après l’injection
aux cellules juxtaglomérulaires ; d’ACTH. Un test au Synacthène® immédiat normal élimine
• le système nerveux sympathique ; le diagnostic d’insuffisance surrénale primaire (maladie
• les facteurs circulants : potassium, angiotensine II, d’Addison).
peptide atrial natriurétique, ACTH, AVP.
Le test est insuffisant pour affirmer le diagnostic d’une
insuffisance surrénale secondaire.

Androgènes
On utilise ce test pour faire le diagnostic d’une
Les androgènes régulent les caractères secondaires insuffisance surrénale au cours d’un choc sep-
mâles et peuvent être à l’origine de signes de virilisation tique afin de déterminer si le patient est ou non
chez les femmes. répondeur au traitement par corticostéroïdes.
Les deux principaux androgènes surrénaliens sont la
déhydroépiandrostérone (DHEA) et l’androstènedione.
Androgènes faibles, ils exercent leur action par conversion Évaluation
en testostérone, androgène fort, dans les tissus cibles.
de l’axe hypothalamo-
La sécrétion des androgènes surrénaliens est stimulée
par l’ACTH, et non par les gonadotrophines [hormone hypophyso-surrénalien
lutéinisante (LH pour Luteinizing Hormone) hormone fol-
On dispose, pour explorer cet axe de régulation, des
liculo-stimulante (FSH pour Follicle-Stimulating Hormone)],
examens suivants :
et est supprimée par l’administration de corticoïdes.
• dosage de l’ACTH plasmatique ;
• tests de stimulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire ;

Évaluation biologique de
• tests de freination de l’axe hypothalomo-hypophysaire.

la fonction glucocorticoïde Dosage de l’ACTH plasmatique


L’ACTH est aisément mesurée par immuno-radiométrie.
Dosages directs : cortisolémie • N = 2-60 mg/mL au lever. En cas :
et cortisol libre urinaire – d’insuffisance surrénale primaire : l’ACTH est augmen-
tée ;
Cortisolémie – d’insuffisance surrénale secondaire : l’ACTH est normale
ou basse ;
On mesure la cortisolémie par dosage radio-immunolo- – de maladie surrénale primitive (maladie d’Addison) :
gique du composé F en notant l’heure du prélèvement. ACTH ≈ 0.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• Hypersécrétion : On administre 1 mg/kg ou 100 mg de CRH et on réa-


– sécrétion ectopique d’ACTH : ACTH augmentée ; lise un dosage du cortisol et de l’ACTH à 90 minutes.
– syndrome de Cushing : ACTH normale ou augmentée. N : augmentation de l’ACTH de 50 % et du cortisol
de 20 %.
Tests de stimulation de Indications :
l’axe hypothalamo-hypophysaire • situer le niveau d’une insuffisance corticotrope ;
• distinguer la cause d’un hypercorticisme :
• Test de stimulation insulinique – syndrome de Cushing,
– sécrétion anormale de cortisol soit ectopique soit
La baisse importante de la glycémie (< 2,2 mmol/L par tumorale.
l’injection IV de 0,1 U/kg d’insuline provoque dans l’heure
qui suit l’élévation de 100 à 200 % des taux de l’ACTH et
du cortisol de base. L’épreuve est souvent couplée avec la
mesure de l’hormone de croissance.
Test de freination de
l’axe hypothalamo-hypophysaire
Elle est positive pour l’axe corticotrope si le cortisol
dépasse 20 mcg/dL. La dexaméthasone utilisée dans les tests de freination
a pour effet d’inhiber la sécrétion d’ACTH et donc de cor-
L’administration de 1 UI/10 kg de poids d’insuline ordi- tisol.
naire par voie parentérale provoque la stimulation de la
sécrétion de CRH qui, à son tour, induit une stimulation de Les tests de freination à la dexaméthasone sont utilisés
la sécrétion d’ACTH avec, à l’extrémité de l’axe hypotha- dans le cadre du dépistage d’un hypercorticisme :
lamo-hypophysaire, une hypersécrétion de cortisol. N • test de freination rapide (freinage « minute ») : 1 mg à
> 200 ng/mL. minuit ;
• test de freination faible (« standard »): 2 mg en 4 prises ;
Hypoglycémie insulinique • test de freination classique à faible dose ;
• test de freination classique à forte dose.
• Indication : diagnostic des insuffisances cortico-
tropes quand le test au Synacthène® immédiat est
normal.
• Test de freination rapide
• Ce test peut s’avérer dangereux en raison de l’hy- On administre 1 mg de dexaméthasone à 0 heure et on
poglycémie qu’il induit. mesure la cortisolémie à 8 heures. On doit observer une
diminution du CLU et de l’ACTH.
• Test à la métopirone Chez les obèses, ce test est moins sensible que chez les
La métopirone inhibe la transformation du 11-déoxy- non-obèses et la réponse est diminuée.
cortisol (composé S) en cortisol. Ce blocage induit une
baisse de la cortisolémie et, par réaction physiologique, • Test de freination faible
une stimulation de la sécrétion de l’ACTH avec à son tour
une augmentation du taux du composé S. On recueille les urines pour la mesure du cortisol uri-
naire pendant 48 heures et le recueil se poursuit pendant
• Test long : l’administration de 0,75 mg de métopirone les 48 heures suivantes pendant que 0,5 mg de dexamé-
toutes les 4 heures pendant 24 heures provoque une élé- thasone sont administrés toutes les 6 heures (soit 2 mg/j
vation du composé S au-delà de 100 ng/mL à 24 heures.
pendant 2 jours). Un CLU inférieur à 10 mg/j le dernier jour
• Test court : 20 mg/kg de métopirone sont administrés en du test élimine un syndrome de Cushing.
une prise unique et induisent une augmentation du com-
posé S au-delà de 80 ng/mL à 24 heures. • Test de freination classique à faible dose
On mesure F, S et ACTH à 9 heures, avant et le lende- On administre 0,25 mg de dexaméthasone toutes les
main matin à la même heure après 6 prises de 3 comprimés 6 heures pendant 48 heures. On doit normalement mesu-
à 250 mg de métopirone réparties sur les 24 heures. rer une diminution des paramètres suivants :
Normalement, le cortisol doit s’abaisser complètement (ce • cortisolémie < 10 ng/mL chez tous les sujets testés ;
qui montre que les comprimés ont bien été pris), le S s’éle-
• CLU < 10 mg/j.
ver à 10 mcg/dL et l’ACTH doit au moins doubler son
niveau de base (taux après métopirone 150 à 300 pg/mL).
• Test de freination classique à forte dose
• Indication : diagnostic des insuffisances cortico- Deux milligrammes de dexaméthasone sont administrés
tropes. toutes les 6 heures pendant 48 heures.
• Dans l’insuffisance hypophysaire, l’élévation du S
et de l’ACTH est faible ou nulle. Les indications sont :
• En cas d’hyperfonctionnement hypophysaire • diagnostic étiologique de la maladie de Cushing au cours
(maladie de Cushing), la réponse de l’ACTH et du de laquelle le taux de cortisol est diminué (ainsi que la
S est forte. sécrétion urinaire qui est réduite de 50 % environ), le test
est normal ;
• Test à la CRH ovine synthétique • au cours des hypercorticismes liés à la sécrétion ectopique
L’administration par voie IV d’une dose de 100 mcg de ou tumorale de cortisol, le test est anormal avec une
CRH permet de stimuler le tissu hypophysaire. On observe absence de freination de la sécrétion qui évolue pour son
une augmentation de 100 % du taux de l’ACTH et du cor- propre compte en dehors de l’axe hypothalamo-hypo-
tisol dans l’heure qui suit l’injection. L’absence de réponse physo-surrénalien. Les taux de cortisol et de CLU demeu-
témoigne d’un déficit hypophysaire. rent donc élevés.

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Fonction surrénalienne 35

L’exploration de l’axe hypothalamo-hypophysaire Tests de freination


fait appel aux tests suivants :
• le dosage de l’ACTH et permet de faire le diagnos- Test au sérum physiologique : on perfuse 2 litres en
tic d’insuffisance rénale primaire, secondaire ou de 2 heures.
maladie surrénalienne primitive ;
Test au Captopril® : 1 mg/kg per os.
• les tests de stimulation (tests long ou court à la
métopirone qui bloque la synthèse du cortisol et On doit normalement observer une diminution de la
favorise la sécrétion d’ACTH et la synthèse de sécrétion de l’aldostérone. Si le taux d’aldostérone dépasse
composé S) sont utilisés dans le diagnostic des 100 pg/mL, on suspecte un hyperaldostéronisme primaire.
insuffisances corticotropes ;
• le test de stimulation à la CRH fait le diagnostic
d’un hypercorticisme ou d’un déficit en corti- Le dosage de rénine et les dosages plasmatique et
coïdes ; urinaire d’aldostérone et de rénine sont indiqués
• les tests de freination classique permettent d’affi- dans le diagnostic des hyperaldostéronismes. Ils
ner les diagnostics d’hypersécrétion (ectopique ou sont complétés par les tests dynamiques.
tumorale) et du syndrome de Cushing.

Exploration
Exploration biologique de la et mécanisme d’action
fonction minéralocorticoïde des catécholamines
Dosages plasmatiques Métabolisme
Ils mesurent : des catécholamines
• le taux d’aldostérone par dosage radio-immunologique ;
• le taux de rénine par méthode d’immuno-radiométrie. La médullosurrénale se comporte comme un ganglion
sympathique entouré par la corticosurrénale. Elle synthé-
Mesure de l’aldostérone tise l’adrénaline et un peu de noradrénaline.

La mesure de l’aldostérone dépend de nombreux fac- La biosynthèse des catécholamines se déroule en quatre
teurs : étapes à partir d’un acide aminé, la tyrosine, avec des réac-
• kaliémie ; tions d’oxydation et de décarboxylation. La transformation
• position (orthostatisme ou décubitus) ; finale de la noradrénaline en adrénaline, spécifique de la
• nécessité d’un bilan sodé positif (natriurèse médullosurrénale, est une réaction de méthylation cataly-
≥ 120 mEq/24 heures) ; sée par un enzyme dont l’activité est régulée par le cortisol.
• réalisation des dosages à distance d’une prise médica- Le métabolisme catécholaminergique est par ailleurs
menteuse altérant le système rénine-angiotensine-aldos- modulé par la stimulation nerveuse préganglionnaire
térone tels les diurétiques ou les bêtabloquants. (dont le médiateur est l’acétylcholine), qui représente le
principal facteur de sécrétion de ces hormones.
Après une heure d’orthostatisme :
• aldostérone = 218 ± 43 pg/mL ; Les situations de stress provoquent donc une stimula-
• rénine = 31,6 ± 16,8 pg/mL. tion des fibres sympathiques cholinergiques, induisant la
libération de l’acétylcholine qui favorise ainsi la synthèse
En décubitus : des catécholamines.
• aldostérone = 88 ± 58 pg/mL ;
• rénine = 19,9 ± 6,5 pg/mL. Le catabolisme de l’adrénaline et de la noradrénaline
implique deux enzymes, la cathéchol-o-méthyl transférase
Indication : diagnostic des hyperaldostéronismes, c’est- (COMT) et la monoamine oxydase (MAO), et produit des
à-dire d’augmentation de la sécrétion d’aldostérone : dérivés dont le composé majoritaire est l’acide vanylman-
• hyperaldostéronisme primaire : délique (VMA). Cet acide est le reflet de l’activité médul-
– aldostérone augmentée, losurrénalienne. Une estimation plus fiable est représentée
– rénine diminuée et non stimulée par l’orthostatisme ; par le dosage des dérivés méthoxylés de l’adrénaline
• hyperaldostéronisme de caractère secondaire : rénine (métadrénaline).
augmentée.

Dosage de l’aldostérone urinaire Exploration


N = 5-20 mg/24 heures. L’exploration fonctionnelle est indiquée dans le diag-
nostic du phéochromocytome. On pratique alors un
L’aldostérone urinaire s’élève dans les hyperaldostéro-
dosage des catécholamines, notamment de la métadréna-
nismes.
line plasmatique et urinaire, ainsi qu’un dosage des méta-
bolites des catécholamines (VMA notamment).
Test dynamique
Test de stimulation Mécanisme d’action
au Synacthène® immédiat des catécholamines
L’injection d’ACTH induit physiologiquement une augmen- Pour exercer leur action, les catécholamines doivent se
tation de l’aldostérone. Si celle-ci est diminuée, il faut évoquer fixer sur des récepteurs membranaires appartenant à la
une insuffisance surrénalienne et minéralocorticoïde. famille des protéines G. Les récepteurs a1A, a1B, a1C

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

et a1D sont couplés positivement à une phospholipase C. • fatigabilité, troubles de l’humeur avec notamment irri-
On les trouve dans les muscles lisses et dans le foie. L’action tabilité ou labilité de l’humeur, insomnie (hypersécrétion
principale consiste en : nocturne de cortisol).
• constriction des fibres musculaires lisses (vasoconstric-
L’hypersécrétion des androgènes surrénaliens associée
tion) ;
• hyperglycémie (par augmentation de la néoglucogenèse entraîne :
et de la glycogenèse). • aménorrhée, acné, hirsutisme, troubles de la libido ;
• tumeur basophile de l’hypophyse ;
Il existe quatre sous-types de récepteurs a2-adréner- • risque accru d’infections, notamment mycosiques.
giques couplés négativement à la production d’AMPc. On
attribue aux catécholamines qui s’y lient : Dans l’hyperplasie surrénale bilatérale pure, il n’existe
• une action sur l’agrégation plaquettaire ; pas d’hypersécrétion d’ACTH et donc pas de mélanoder-
• l’inhibition de la sécrétion d’insuline. mie.

Enfin, les récepteurs b1, b2 et b3-adrénergiques sont Du point de vue biologique, on relève :
couplés positivement à la production d’AMPc. Ces récep- • intolérance au glucose, voire diabète ;
teurs transmettent les effets b dont les principaux sont : • hypokaliémie, hypochlorémie et alcalose métabolique,
• inotrope positif ; notamment en cas de production ectopique d’ACTH ;
• chronotrope positif ; • élévation du cortisol avec perte de la sécrétion nycthé-
• relaxation des muscles lisses vasculaires et bronchiques ; mérale, en particulier pic nocturne ;
• lipolyse. • élévation du CLU et des 17-hydroxycorticostéroïdes ;
• absence de freination de la sécrétion de CLU à l’adminis-
tration de dexaméthasone.

Clinique Le test de freination fort est nécessaire au diagnostic


étiologique : on n’observe pas de freinage s’il existe une
hyperplasie ou une tumeur surrénalienne, un macro-adé-
Hyperfonctionnement nome hypophysaire sécrétant l’ACTH ou une sécrétion
surrénalien ectopique d’ACTH ou de CRH.

Syndrome de Cushing Diagnostic étiologique


d’un hypercorticisme ACTH-dépendant
Le syndrome de Cushing typique est dû à une hyperpla-
sie bilatérale des surrénales. Cependant d’autres étiologies Freination forte : 8 mg en 4 prises pendant 2 jours.
surrénaliennes sont possibles telles que : Avec prélèvement du cortisol à 9 h avant et après la
• l’hyperplasie surrénalienne nodulaire ; dernière prise qui permettra d’apprécier la possibi-
• les tumeurs surrénaliennes, adénomes ou carcinomes ; lité de freination de l’axe corticotrope.
• un traitement prolongé par corticoïdes ou ACTH, de loin • Si le cortisol s’abaisse complètement (< 1,8 mcg/dL,
la cause la plus fréquente. soit 50 nmol/L) après freination courte ou faible :
sujet normal.
• Abaissement incomplet après freination faible
Dans les hypercorticismes strictement surrénaliens, mais abaissement net après freination forte :
l’ACTH est effondrée et non stimulable. maladie de Cushing (origine hypophysaire).
• Pas de réponse au freinage fort, en faveur d’un
Dans les autres cas, l’hypersécrétion de cortisol est liée à syndrome de Cushing paranéoplasique.
une hyperproduction d’ACTH quelle qu’en soit la cause :
• dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire ;
• micro-adénomes ou macro-adénomes hypophysaires ;
• tumeurs non endocrines sécrétant l’ACTH ou la CRH dans Insuffisances surrénales
le cadre de syndromes paranéoplasiques.
Les insuffisances surrénales définies par un déficit de
L’hypercorticisme peut être accompagné d’une hyper- sécrétion des hormones corticosurrénales (glucocorti-
androgénie et/ou d’un hyperminéralocorticisme, notam- coïdes, minéralocorticoïdes et androgènes) peuvent être
ment dans les formes malignes. chroniques (lentes) ou aiguës.
L’hyperplasie bilatérale des surrénales atteint 3 femmes Elles sont primitives quand elles relèvent d’une atteinte
pour 1 homme et survient surtout entre 30 et 40 ans. bilatérale des surrénales et provoquent alors une carence
Le diagnostic est évoqué devant les signes cliniques sui- globale de toute la sécrétion corticosurrénalienne (cortisol,
vants : androgènes, aldostérone) ou secondaire par déficit en
• répartition facio-tronculaire des graisses avec face lunaire ACTH dû à une anomalie de l’axe hypothalamo-hypophy-
et bosse de bison ; la prise de poids est habituellement saire. Dans ce dernier cas, seule la sécrétion corticotrope
modérée ; est altérée.
• érythrose faciale. L’insuffisance surrénale aiguë, parfois inaugurale, est
L’augmentation du catabolisme protéique provoque une urgence médicale qui engage le pronostic vital si elle
l’apparition des signes suivants : n’est pas rapidement diagnostiquée et traitée.
• amyotrophie parfois sévère ;
• vergetures abdominales violacées, peau fine et mauvaise Insuffisance surrénale primaire
qualité de la cicatrisation ;
• fragilité capillaire avec ecchymoses nombreuses et faciles,
ou lente
voire taches purpuriques ; Elle est représentée par la maladie d’Addison, liée dans
• ostéoporose ; la plupart des cas (65 %) à une destruction auto-immune
• hypertension artérielle modérée, associée à une augmen- de l’ensemble du cortex surrénalien. La tuberculose est une
tation du risque thrombo-embolique ; étiologie rare.

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Fonction surrénalienne 35

Les anticorps sont dirigés essentiellement contre les • Signes cliniques


enzymes de la stéroïdogenèse et, notamment, la 21-hydro-
xylase. • Asthénie constante, accentuée à l’effort physique avec
faiblesse musculaire, psychique et sexuelle.
Une insuffisance surrénale lente peut être isolée ou
associée à d’autres pathologies auto-immunes dans le • Anorexie, amaigrissement.
cadre d’une poly-endocrinopathie. • Soif, hypotension orthostatique.
Parmi les étiologies des insuffisances surrénales chro- • Troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, dou-
niques ou lentes, citons : leurs abdominales).
• l’adrénoleucodystrophie qui associe à l’insuffisance sur-
Sont en faveur d’une insuffisance surrénale secondaire :
rénale une paraplégie spasmodique chez les enfants et
• la pâleur ;
les adultes de sexe masculin ;
• les signes d’insuffisance anté-hypophysaire ;
• le sida ;
• le syndrome tumoral hypophysaire (céphalées, altération
• les métastases surrénales ;
du champ visuel) ;
• le syndrome de résistance familiale à l’ACTH ;
• l’absence d’hyperpigmentation puisqu’il n’existe pas
• les causes iatrogènes (kétoconazole, OP’DDD, RU 486) ;
d’hypersécrétion d’ACTH et que, au contraire, les taux
• l’hémorragie bilatérale des surrénales, favorisée par un
d’ACTH, voire des autres hormones hypophysaires, sont
traitement anticoagulant, une hypertension artérielle, un
bas.
contexte de sepsis et de traumatisme, qui est aussi une
cause d’insuffisance surrénale aiguë.
• Signes biologiques
• Signes cliniques • Hyponatrémie liée à une sécrétion inappropriée d’ADH
• Asthénie physique constante accentuée à l’effort, accom- dans ce cas. Elle s’accompagne, à un stade avancé, d’une
pagnée d’une faiblesse musculaire, asthénie psychique et hypochlorémie et d’une baisse du taux de bicarbonates.
sexuelle. • Hyperkaliémie (insuffisance surrénale primitive).
• Anorexie, amaigrissement. • Hypoglycémie (insuffisance surrénale secondaire).
• Soif, hypotension orthostatique.
• Troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, dou- Diagnostic d’insuffisance surrénale
leurs abdominales).
Les examens biologiques comprennent le dosage du
En faveur du caractère primitif : cortisol et de l’ACTH plasmatiques à 8 heures. Une cortiso-
• mélanodermie (peau, cicatrices, plis de flexion), reflet de lémie inférieure à 80 nmol/L rend probable le diagnostic
l’augmentation du taux d’ACTH : l’absence de cortisol d’insuffisance surrénale :
n’induit plus de rétrocontrôle négatif sur l’ACTH ; • cortisolémie < 80 nmol/L : insuffisance surrénale proba-
• hypotension, traduction de l’hypoaldostéronisme et de ble ;
l’hypovolémie, plus marquée en orthostatisme ; • cortisolémie > 525 nmol/L : insuffisance surrénale impro-
• troubles de la personnalité (nervosité, irritabilité exces- bable.
sive) ;
• diminution de la pilosité axillaire et pubienne (par déficit Entre ces deux valeurs, les tests dynamiques sont néces-
associé en androgènes surrénaliens) ; saires.
• pathologie auto-immune associée ;
• hyperkaliémie. • Diagnostic
d’insuffisance surrénale primaire
• Signes biologiques • ACTH > 100 pg/mL (22 mmol/L).
• Hyponatrémie : elle est déplétive par hypoaldostéro- • Cortisolémie basse ou normale.
nisme dans une insuffisance surrénale primitive avec défi-
cit global de la sécrétion corticosurrénalienne. Elle • Aldostérone basse ou à la limite inférieure de la normale.
s’accompagne, à un stade avancé, d’une hypochlorémie Le test au Synacthène® (1-24-ACTH) confirme le diag-
et d’une baisse du taux de bicarbonates. nostic d’insuffisance surrénale primaire : le taux de cortisol
• Hyperkaliémie (insuffisance surrénale primitive). abaissé n’est pas modifié par l’administration d’ACTH exo-
gène ; il est déjà maximal en raison de l’inflation de l’ACTH
• Hypoglycémie (insuffisance surrénale secondaire). endogène.
• Anémie normochrome, qui est due à un déficit en cortisol
et en androgènes et qui est accompagnée d’une hyper- • Diagnostic
éosinophilie et d’une lymphocytose. d’insuffisance surrénale secondaire
Le test à l’ACTH montre que le taux de cortisol s’élève
Insuffisance surrénale secondaire insuffisamment, traduisant l’inertie sécrétoire secondaire
Les causes des insuffisances surrénales secondaires sont des corticosurrénales, malgré la stimulation.
nombreuses. Parmi les plus fréquentes, citons : Le test à la métopirone et celui d’hypoglycémie insuli-
l’adénome hypophysaire ; nique peuvent être réalisés.
• la radiothérapie de la sphère ORL ;
• les granulomatoses telles la sarcoïdose, la maladie de Il faut que le traitement substitutif de l’insuffisance sur-
Wegener ; rénale soit mis en route avant l’obtention des résultats des
• le syndrome de la selle turcique vide congénitale ou examens biologiques. Il repose sur l’administration d’hy-
secondaire par hernie de l’arachnoïde dans le dia- drocortisone (30 mg/j répartis en 20 mg le matin et 10 mg
phragme sellaire, caractérisé surtout par une hyperpro- à midi), associée systématiquement à la 9-a-fludrocorti-
lactinémie ; sone en cas d’insuffisance primitive à la dose de 50 à
• une corticothérapie au long cours interrompue de 500 mg/j. Le régime est normosodé. Le traitement causal
manière intempestive. est systématique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Insuffisance surrénale • Résistance périphérique


au cours du choc septique à l’action des glucocorticoïdes
Le sepsis peut induire une insuffisance surrénale pri- La résistance périphérique à l’action des glucocorti-
maire ou secondaire. coïdes est liée à une diminution de l’affinité des récepteurs
pour ces hormones. Cet effet semble s’exercer, là encore,
• Insuffisance surrénale secondaire par le biais d’une induction des cytokines [58]. Ce phéno-
mène a été démontré pour de nombreux types cellulaires.
Toute réduction des débits sanguins régionaux au cours Les données des différentes études menées sur le sujet
d’un état de choc, au niveau de l’hypothalamus ou de l’hy- demeurent contradictoires en ce qui concerne les récep-
pophyse, dont les vascularisations sont de type capillaire, teurs aux corticoïdes, dont le nombre apparaît diminué ou
peut entraîner des lésions ischémiques avec pour consé- au contraire augmenté.
quence un défaut de sécrétion de la CRH et/ou de l’ACTH,
et, au bout de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, • Diagnostic de l’insuffisance surrénale
un déficit en cortisol de type secondaire. Ces lésions sont
parfois à l’origine d’autres déficits hormonaux tels que la
au cours du choc septique
vasopressine à l’étage hypothalamique ou les hormones Le diagnostic clinique est difficile car deux des princi-
thyroïdiennes à l’étage hypophysaire. L’hémorragie due à paux signes d’insuffisance surrénale telles l’hyperthermie
des troubles de la coagulation a les mêmes conséquences et l’hypotension sont, pour la première, inhérents à la plu-
que l’ischémie et la nécrose [48]. part des états septiques et, pour la seconde, le critère de
base de la définition de l’état de choc. Cependant, une
Le sepsis peut également décompenser une insuffisance
hyperthermie prolongée malgré un traitement étiologique
surrénale secondaire d’origine iatrogène passée inaperçue.
bien conduit ou encore le recours indispensable à de fortes
De nombreux traitements, au premier rang desquels les
posologies de catécholamines pour contrôler la pression
corticoïdes, peuvent induire une insuffisance surrénale
artérielle devrait faire évoquer le diagnostic d’insuffisance
secondaire qui se décompensera à la faveur d’une infection
surrénale. Un traitement antérieur par corticoïdes doit
sévère [49]. Par exemple :
faire rechercher systématiquement ce diagnostic.
• tous les anticoagulants sont susceptibles d’induire une
nécrose hémorragique de l’hypothalamus ou de l’hypo- Les éléments biologiques du diagnostic sont ceux indi-
physe ; qués plus haut : hypoglycémie, anémie, hyperéosinophilie,
• les corticoïdes, l’acétate de mégestrol, la médroxyproges- hyponatrémie en cas de déficit combiné.
térone, le kétoralac, les antidépresseurs imipraminiques
et les opiacés peuvent provoquer une inhibition de la Les tests hormonaux, cortisolémie à l’état basal et test
synthèse de la CRH. à l’ACTH, sont indispensables.

On considère en effet que l’administration de 20 à La cortisolémie n’est interprétable que si la protidémie


30 mg de prednisolone chaque jour pendant 5 jours suffit est normale.
à bloquer l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien de
manière prolongée. En cas d’insuffisance surrénale confirmée, la corti-
Au cours du sepsis, la diminution de la synthèse de CRH solémie est inférieure à 15 mg/dL (416 nmol/L) [59].
peut également résulter d’une apoptose neuronale provo-
quée par l’excès de production hypothalamique de subs- D’autres auteurs ont proposé une valeur de 25 mg/dL
tance P [50] ou de NO synthétase inductible [51]. (690 nmol/L) [60].
Si la cortisolémie est supérieure à 34 mg/dL
• Insuffisance surrénale primaire (940 nmol/L), le diagnostic d’insuffisance surrénale est peu
Les infections sévères peuvent se compliquer aussi d’hé- probable ; il convient d’évoquer une résistance périphé-
morragie ou de nécrose des surrénales sans atteinte des rique aux glucocorticoïdes [61].
structures situées en amont. La nécrose bilatérale des sur-
rénales est en effet observée chez environ 30 % des Protidémie normale :
patients décédés de choc septique [52]. • insuffisance surrénale certaine si cortisolémie
Certaines thérapeutiques employées en réanimation < 15 mg/dL (416 nmol/L) ;
peuvent interférer avec la synthèse du cortisol à l’étage • élimination du diagnostic d’insuffisance surrénale
surrénalien. Citons par exemple le fluconazole, le kétoco- si cortisolémie > 34 mg/dL (940 nmol/L).
nazole et l’étomidate qui inhibent la 11-b-hydroxylase [53, • En cas d’hypoprotidémie, le recours aux tests
54]. dynamiques est indispensable : test à l’ACTH.
Au cours des infections sévères, les cytokines pro- L’administration de 250 mg d’ACTH par voie IV ou intra-
inflammatoires, en particulier le TNF-a, peuvent inhiber la musculaire est suivie du dosage de la cortisolémie 30 et
synthèse du cortisol [55]. Certaines molécules (les défen- 60 minutes après l’injection.
sines a sécrétées par les polynucléaires neutrophiles) sont
susceptibles d’entrer en compétition avec l’ACTH au niveau
des récepteurs surrénaliens. Ce phénomène pourrait expli- Si le taux de cortisol après injection d’ACTH n’aug-
quer l’absence de réponse au test à l’ACTH observé chez mente pas de plus de 9 mg/dL, on peut conclure à
50 % des patients en choc septique [56]. une insuffisance surrénale [29, 30].
En fait, à la phase initiale du processus inflammatoire, On distingue ainsi les patients « répondeurs », chez les-
les médiateurs issus du recrutement (les lymphocytes T hel- quels le test est normal, des patients « non répondeurs »,
per 1) augmentent la synthèse de cortisol. Un peu plus qui présentent une insuffisance surrénale.
tard, après que le cortisol a stimulé les lymphocytes T hel-
per 2, d’autres cytokines (IL-2, IL-4 et IL-13) favorisent, par Quelques études ont montré qu’un taux de base de cor-
l’intermédiaire de l’activation de la 11-b-hydroxylase, tisol supérieur à 34 mg/mL et une réponse à l’ACTH demeu-
l’inactivation du cortisol [57]. rant inférieure à 9 mg/mL sont associés à un plus fort taux

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Fonction surrénalienne 35

de mortalité par rapport à une faible cortisolémie basale pris après amélioration clinique. Ce résultat qu’il faut tem-
(≤ 34 mg/mL) et à une meilleure réponse à la corticotropine pérer, notamment en raison des méthodes utilisées pour
(> 9 mg/mL) [57]. le diagnostic de l’insuffisance surrénale dans ce contexte,
pourrait être lié à l’incidence des surinfections ou à la sur-
Le diagnostic du syndrome de résistance périphérique
venue de nouvelles infections. Il n’est pas relevé non plus
aux corticoïdes ne repose à l’heure actuelle sur aucun test
de bénéfice dans le sous-groupe de patients « répon-
validé en pratique courante, bien que les tests cutanés
deurs » au test à l’ACTH.
aient été testés et qu’il existe des méthodes de diagnostic
moléculaire. Les auteurs recommandent de réserver ce traitement
aux patients souffrant de choc septique à une phase pré-
• Traitement de l’insuffisance surrénale coce du choc lorsque des posologies élevées de vasopres-
au cours du choc septique seurs demeurent sans effet [66].

De nombreuses études ont été menées depuis une ving-


taine d’années afin d’évaluer l’efficacité de l’administra- Insuffisance surrénale aiguë
tion de corticoïdes chez les patients atteints de choc Elle est le plus souvent due à la décompensation d’une
septique. insuffisance surrénale lente méconnue, non ou mal traitée,
Les corticoïdes ont d’abord été prescrits à forte dose en situation de stress, d’agression physique (sepsis, inter-
pendant une courte période (30 mg/kg 4 fois/j pendant 24 vention chirurgicale, déshydratation). Elle peut être favo-
à 48 heures) afin de réprimer la réponse inflammatoire risée par une erreur thérapeutique telle un régime sans sel,
exacerbée dont on pensait qu’elle constituait la base phy- l’adjonction de diurétiques ou une substitution cortico-
siopathologique de tout état septique sévère. Ce type de trope insuffisante.
traitement n’a pas fait la preuve de son efficacité [31]. Il Elle peut être due à une hémorragie bilatérale des sur-
est recommandé de ne pas utiliser de fortes doses de cor- rénales ou à une thrombose surrénale artérielle ou vei-
ticoïdes dans le sepsis sévère ou le choc septique en raison neuse. Cette étiologie pourrait expliquer un certain nombre
des risques plus élevés d’infections secondaires, de morta- de décès inexpliqués, en particulier chez les patients en réa-
lité et de survenue d’altérations des fonctions rénale et nimation. Les situations de stress, notamment le choc sep-
hépatique [61]. tique, s’accompagnent parfois d’un dysfonctionnement de
Il convient de tenir compte également dans l’usage des l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, avec la défini-
corticoïdes de la résistance tissulaire à leur action. tion d’un concept particulier qui est celui de l’insuffisance
surrénale aiguë relative. Ce concept a constitué la base de
La prévalence de l’insuffisance surrénale relative varie la discussion de l’intérêt ou non de l’usage des corticoïdes
de 0 à 77 % dans le choc septique [62] et peut atteindre dans la prise en charge du choc septique, sans que cette
50 à 75 % des chocs septiques réfractaires [57]. situation pathologique ne s’accompagne d’un déficit
Les recommandations en ce qui concerne l’usage des patent de la sécrétion de cortisol.
corticoïdes dans le traitement du choc septique [63] ont Les prodromes doivent être connus des patients qui
été actualisées. souffrent d’insuffisance surrénale lente secondaire :
• Il est recommandé d’utiliser de 200 à 300 mg d’hydrocor- • fièvre ;
tisone par jour, répartis en 3 ou 4 injections ou adminis- • troubles digestifs (anorexie, nausées, vomissements) ;
trés à débit continu par voie intraveineuse, pendant une • asthénie ;
période totale de 7 jours. L’indication est réservée aux • douleurs abdominales pseudo-chirurgicales ;
patients souffrant de choc septique chez lesquels le • déshydratation intense extracellulaire et intracellulaire ;
contrôle de la pression artérielle nécessite, en plus d’une • absence d’hyperpigmentation puisque la concentration
expansion volémique adéquate, le recours aux amines d’ACTH et de ses dérivés n’est pas augmentée.
pressives (grade 2C) [64]. En l’absence de traitement, l’évolution est spontané-
• Les corticoïdes ne doivent pas être employés en cas de ment mortelle dans un tableau de collapsus cardiovascu-
sepsis même sévère en l’absence de choc. laire.

• L’association à l’hydrocortisone de 50 mg/j de fludrocor- Du point de vue biologique, on relève :


tisone par voie orale est considérée comme une théra- • une hyponatrémie ;
peutique optionnelle. Elle trouve son indication • une hyperkaliémie modérée ;
physiopathologique dans le fait que l’insuffisance surré- • une hypoglycémie ;
nale du sujet choqué peut être primaire (0 à 3 %) et, • une acidose métabolique ;
donc, concerner l’ensemble de la sécrétion corticosurré- • une cortisolémie de base effondrée ;
nalienne. Le rôle de l’hypoaldostéronisme dans le choc • une concentration d’ACTH (sans intérêt pour la conduite
septique n’est pas encore parfaitement précisé mais la thérapeutique) variable.
prescription reposerait aussi sur la dissociation entre
Le traitement consiste en :
l’augmentation de la sécrétion de rénine et la baisse de
• la réhydratation, voire l’expansion volémique ;
la production d’aldostérone chez les patients en réani-
• la correction des troubles électrolytiques et métabo-
mation [65].
liques ;
Malgré ces recommandations, une étude récente • la corticothérapie par voie parentérale (200 mg/
démontre que l’usage de l’hydrocortisone ne diminue pas 24 heures) ;
la mortalité des patients souffrant de choc septique y com- • le traitement étiologique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

36
• Embryologie et anatomie
• Synthèse des hormones thyroïdiennes
Fonction thyroïdienne
• Régulation de l’hormonogenèse thyroïdienne
• Transport des hormones
Dominique Santelli*, Claude Martin**
• Modifications physiologiques
* Anesthésie et réanimation des cardiopathies congénitales,
• Action des hormones thyroïdiennes Hôpitaux de la Timone, Marseille,
** Département d’anesthésie et réanimation,
• Exploration de la fonction thyroïdienne Hôpital Nord, Marseille
• Aspects cliniques

a fonction de la thyroïde est de capter l’iode, de nésie ou déficit en thyroperoxydase), le taux de T4 au cor-
le stocker et de le restituer sous forme d’hormones don est égal au tiers ou à la moitié de la valeur normale. Si
thyroïdiennes. le rapport des concentrations en T4 mère/enfant est élevé,
le passage transplacentaire de l’hormone permet d’expli-
quer le tableau clinique fruste ainsi que le développement

Embryologie et anatomie
intellectuel normal chez l’enfant à la naissance. Le diagnos-
tic d’hypothyroïdie est porté grâce au dépistage systéma-
tique qui permet, en outre, l’instauration d’un traitement
Embryologie adapté avant l’apparition de tout signe clinique [1].

La thyroïde provient d’une invagination de l’épithélium Les hormones thyroïdiennes sont impliquées dans
laryngé et de cellules issues des poches latérales pharyn- différents processus de maturation : osseuse, pul-
gées. La descente progressive de l’ébauche thyroïdienne monaire fœtale, cérébrale et intellectuelle. Il
donne naissance au tractus thyréoglosse qui s’étend de la importe donc que le diagnostic d’une éventuelle
base de la langue jusqu’à l’isthme thyroïdien. Des résidus hypothyroïdie néonatale puisse être porté sans
thyroïdiens peuvent persister sur ce trajet : ce sont les thy- retard.
roïdes linguales, les kystes ou les tumeurs du tractus thy-
réoglosse. Plus rarement, une thyroïde linguale peut être
le seul tissu thyroïdien fonctionnel. L’agénésie thyroï-
dienne et les thyroïdes ectopiques sont cause d’hypothy-
Anatomie
roïdies néonatales sporadiques qui répondent à un La thyroïde est constituée de deux lobes (2 × 2,5 cm)
traitement précoce. unis par un isthme. Elle pèse environ 20 g. Le lobe droit est
La thyroïde fœtale concentre et organifie l’iode à partir en général mieux vascularisé et plus grand que le gauche.
de la dixième semaine de grossesse indépendamment de La thyroïde siège en avant et en bas des cartilages tra-
l’action de la thyréostimuline (TSH, thyroid stimulating chéaux, sous le cartilage cricoïde ; elle y est rattachée par
hormone) non encore sécrétée chez le fœtus. Cependant du tissu conjonctif. Les deux paires de glandes parathy-
les modifications de la tige pituitaire et la fonction thyroï- roïdes sont situées en regard de la face postérieure des
dienne interviennent ensuite rapidement. Conséquence de lobes thyroïdiens.
la maturation hypothalamique, de la sécrétion de thyroli- Des cloisons fibreuses divisent la glande en pseudo-
bérine (TRH, thyrotropin releasing hormone), le taux de lobules, qui sont composés de vésicules, appelées aussi fol-
thyréostimuline augmente ensuite rapidement entre 18 et licules ou acini, entourées par des réseaux capillaires.
26 semaines d’aménorrhée. Ces taux sont beaucoup plus
élevés que ceux de la mère. La principale protéine de trans- Chaque follicule est formé d’une couche unique de cel-
port des hormones thyroïdiennes, la globuline fixant la lules, l’épithélium cuboïde. Ces cellules folliculaires, ou thy-
thyroxine (TBG, thyroxin-binding globulin), peut être rocytes, reposent sur une membrane basale et sont
détectée dans le sérum fœtal dès la dixième semaine, puis recouvertes d’une membrane apicale. La couche de thyro-
sa concentration augmente progressivement jusqu’à la cytes borde une cavité : la lumière folliculaire, ou cavité
naissance. L’élévation du taux de protéines circulantes est colloïdale, qui est emplie d’une substance protéique, le col-
en partie responsable de l’augmentation du taux de T4 loïde, qui contient la thyroglobuline, élément essentiel de
(tétra-iodothyronine). Le métabolisme de T4 est très diffé- la synthèse des hormones thyroïdiennes et constituant
rent qualitativement et quantitativement chez le fœtus et principal de la glande thyroïde.
chez l’adulte.
La taille des thyrocytes varie selon le niveau de stimu-
Le passage transplacentaire de T4 de la mère à l’enfant lation de la glande : ils peuvent devenir énormes en cas
a des conséquences non négligeables. En effet, chez un d’hyperstimulation ou, au contraire, complètement plats
fœtus porteur d’une hypothyroïdie congénitale (par agé- en phase d’inactivité.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

La thyroïde est également constituée d’une population laires nécessite un transport actif en association avec le
cellulaire présente en plus faible quantité : les cellules C. couple Na+/I– par l’intermédiaire d’un système Na+-K+
Elles constituent un système hormonal distinct et sécrètent ATPase-dépendant qui permet l’entrée de K+ contre la sor-
la calcitonine. Leur dégénérescence peut entraîner la for- tie de Na+ [3].
mation d’un cancer médullaire de la thyroïde. La physiolo-
gie de ce système n’est pas abordée ici. La concentration d’iodure intrathyroïdienne obtenue
par ce phénomène de captation est environ 50 fois supé-
rieure à celle du plasma : 1 mmol/L contre 0,2 mmol/L (ou
Vascularisation bien 127 mg/L contre 2,5 mg/L).
L’iode capté par les thyrocytes est soit intégré à la syn-
La thyroïde est très bien vascularisée par l’artère thyroï-
dienne supérieure, branche de l’artère carotide externe, et thèse des hormones thyroïdiennes, soit libre de diffuser
par l’artère thyroïdienne inférieure, issue de l’artère sous- vers le secteur extracellulaire.
clavière. Le débit moyen est égal à 4 à 6 mL/min/g et peut Le transporteur spécifique qui permet la captation de
atteindre 1 L/min en cas de goitre. l’iodure a été récemment cloné. Il est bloqué par inhibition
Il existe également un riche drainage lymphatique. compétitive par le perchlorate et le thiocyanate, ainsi que
par le pertechnétate, largement utilisé pour la réalisation
des scintigraphies.
Innervation La thyréostimuline favorise l’activation du transporteur
La thyroïde est innervée à la fois par les systèmes sym- spécifique ainsi que du système Na+-K+ ATPase. Ainsi, elle
pathique et parasympathique. augmente la pénétration de l’anion dans les thyrocytes.

Les fibres nerveuses proviennent respectivement du


ganglion cervical et du nerf vague. Les fibres afférentes Organification de l’iode
traversent les nerfs laryngés et régulent la vasomotricité
de la glande, en modulant notamment le débit sanguin L’iodure concentré dans les thyrocytes va diffuser libre-
thyroïdien. Il s’ensuit des variations du rythme d’apport de ment selon un gradient électrochimique vers la cavité col-
la TSH, de l’iodure et d’autres substrats métaboliques. loïde.
Les terminaisons des fibres adrénergiques sont situées Son organification fait intervenir deux protéines essen-
à proximité de la membrane basale des follicules. La pré- tielles – la thyroperoxydase (TPO) et la thyroglobuline (Tg)
sence de ces récepteurs ainsi que l’influence des amines sur – et deux réactions essentielles – l’oxydation et le couplage.
le métabolisme de l’iodure indiquent que le système adré-
nergique exerce un effet direct sur le fonctionnement de
la glande thyroïde.
Thyroperoxydase
Enzyme spécifique des thyrocytes ancrée dans la mem-
Les lobules thyroïdiens sont formés par les thyro- brane apicale, cette glycoprotéine contient un segment
cytes qui bordent une cavité colloïdale constituée dépourvu d’acides aminés dit prosthétique, dont la nature
par la thyroglobuline, élément essentiel de la syn- est probablement de la protoporphyrine IX, qui agit
thèse des hormones thyroïdiennes. comme un cofacteur pour l’oxydation de l’iodure.
Cette oxydation fait intervenir le peroxyde d’hydro-
gène (H2O2), formé au niveau de la membrane apicale par
Synthèse des hormones une oxydation d’enzymes telle la NADPH (nicotinamide
adénine dinucléotide phosphate réduit) oxydase membra-
thyroïdiennes naire.
Sous l’action de la thyroperoxydase et du peroxyde
Captation de l’iode d’hydrogène, l’iodure I– est oxydé. Il peut ainsi se fixer sur
la thyroglobuline.
L’iode capté par la thyroïde provient de l’alimentation
L’oxydation est favorisée par l’action de la thyréostimu-
et, dans une plus faible proportion, de médicaments ou
line. Elle est inhibée par les antithyroïdiens de synthèse, en
d’agents iodés.
particulier les inhibiteurs de la thyroperoxydase, le froid et
Les besoins sont couverts pour des apports alimentaires l’accumulation de l’iode dans le tissu thyroïdien.
de l’ordre de 200 à 500 mg/j (produits de la mer, sel iodé).
L’iode absorbé est métabolisé et éliminé en quasi-totalité
dans les urines. En France, la population est à la limite de
Thyroglobuline
la carence iodée. En effet, 60 % de la population française C’est une glycoprotéine de haut poids moléculaire,
excrète une adénylcyclase supérieure à 100 mg/j [2]. constituée de deux sous-unités identiques.
Cependant, on note actuellement une augmentation de
l’apport iodé moyen en raison de l’usage répandu de l’iode Elle est sécrétée par les thyrocytes (exocytose) vers le
dans les médicaments, les préparations vitaminées, les solu- colloïde dont elle est le principal constituant. Elle com-
tions antiseptiques et qui peut atteindre, selon les régions, porte 134 résidus tyrosine (tyr) dont une vingtaine sont
1 000 mg/j. Il existe donc, dans ce cas, une augmentation iodés en l’absence de carence alimentaire. La thyroglobu-
de la concentration des iodures. line fixe l’iode sous forme de mono-iodotyrosine (MIT) ou
de di-iodotyrosine (DIT) [4]. MIT et DIT sont des peptides,
L’absorption intestinale des aliments iodés produit précurseurs hormonaux inactifs.
l’anion iodure (I–). Celui-ci est capté par les thyrocytes par
l’intermédiaire d’un transporteur spécifique (symporteur) Bien que constituant essentiel du colloïde, la thyroglo-
situé dans la membrane basale et latérale des cellules fol- buline est également présente dans le plasma. Elle y pénè-
liculaires. La pénétration de l’iode dans les cellules follicu- tre par voie lymphatique.

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Fonction thyroïdienne 36

Synthèse des hormones Il existe un autre mécanisme pour capter la thyroglo-


buline : une macropinocytose, c’est-à-dire une phagocytose
thyroïdiennes par couplage du colloïde par des pseudopodes émis par la membrane
apicale. Ce phénomène, comme le précédent, aboutit à la
des iodotyrosines (figure 1) formation de vésicules qui fusionnent ensuite avec les lyso-
somes.
Le couplage comme l’organification de l’iodure sont
sous la dépendance de la thyroperoxydase. Grâce à cette
enzyme :
• un résidu mono-iodotyrosine est couplé à un résidu di-
iodotyrosine formant la tri-iodothyronine (T3)
MIT + DIT T3 ;
• un résidu di-iodotyrosine est couplé à un autre résidu di-
iodotyrosine formant la T4 :
DIT + DIT T4.

Cette structure est formée de deux anneaux de DIT


reliés par un pont.
Le couplage des hormones thyroïdiennes se produit
immédiatement après l’étape d’organification.
Les iodotyrosines qui réagissent et qui permettent la
synthèse de T3 et T4 sont sur des segments éloignés, situés
aux extrémités de la molécule de thyroglobuline. C’est le
repliement de cette glycoprotéine qui permet leur rappro-
chement. Les extrémités de la molécule de thyroglobuline
sont donc enrichies en T3 et T4.
La thyroïde normale a une fonction de stockage. Elle
contient environ 8 000 mg d’iode, dont 10 % environ sous
forme inorganique.
Les molécules de thyroglobuline iodée représentent 20
à 30 mg d’iode pour l’ensemble de la thyroïde répartis Figure 1 / Synthèse des hormones thyroïdiennes
comme suit : (d’après Thomopoulos [5]).
N : noyau ; TPO : thyroperoxydase ; Tg : thyroglobuline ;
• 60 % de cet iode se trouve sous forme d’iodotyrosine MIT : mono-iodotyrosine ; DIT : di-iodotyrosine ;
(MIT : de 17 à 28 %, DIT : de 24 à 42 %) ; T3 : tri-iodotyronine ; T4 : thyroxine.
• les 40 % restants sont représentés par les hormones thy-
roïdiennes avec 8 fois plus de T4 (35 %) que de T3 (de 5 à
8 %) ;
• moins de 1 % est constitué par l’iodure. En effet, l’anion
subit l’organification aussitôt qu’il pénètre dans les thy-
rocytes. Il demeure très peu de temps sous la forme I–.
En thérapeutique, les antithyroïdiens de synthèse inac-
tivent la thyroperoxydase : ils ont donc pour effet d’inhiber
l’organification et le couplage.

Sécrétion des hormones


thyroïdiennes (figure 2)
La sécrétion des hormones thyroïdiennes se déroule en
deux étapes : l’endocytose puis la protéolyse de la thyro-
globuline.

Endocytose
Le mécanisme principal est une micropinocytose qui
débute à la membrane apicale des thyrocytes par la forma-
tion d’invaginations ou « puits recouverts ». En effet, ces
invaginations sont « recouvertes » par une couche de
molécules de clathrine, protéine impliquée dans tout pro-
cessus de micropinocytose.
Les puits recouverts vont se refermer en englobant les
molécules de thyroglobuline et en formant des vésicules Figure 2 / Sécrétion des hormones thyroïdiennes
(d’après Thomopoulos [5])
qui progressent de la membrane apicale vers l’intérieur du N : noyau ; TPO : thyroperoxydase ; Tg : thyroglobuline ;
cytoplasme et qui perdent leur couche de clathrine. Ces MIT : mono-iodotyrosine ; DIT : di-iodotyrosine ;
vésicules fusionnent avec les endosomes puis avec les lyso- T3 : tri-iodotyronine ; T4 : thyroxine.
somes cellulaires, formant des phagolysosomes.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Protéolyse La T3 ainsi formée peut suivre deux voies différentes :


• la T3 circulante. Après conversion périphérique, elle est
Cette réaction a lieu dans les endosomes tardifs et les sécrétée dans la circulation où elle se confond avec la tri-
lysosomes dans le cytoplasme des thyrocytes, sous la iodothyronine produite directement par la thyroïde pour
dépendance d’enzymes : exopeptidases, endopeptidases pénétrer et agir au niveau des tissus cibles. Quatre-vingts
et dipeptidases. Elle permet la dégradation complète de la pour cent de la T3 circulante proviennent d’une désioda-
molécule de thyroglobuline en acides aminés (utilisés pour tion de type 5’ sous la dépendance d’une désiodase de
la synthèse des protéines des thyrocytes), iodotyrosines et type I et 20 % sont issus de la sécrétion thyroïdienne
hormones thyroïdiennes [6]. MIT et DIT sont désiodées par directe ou par conversion intrathyroïdienne de T4 en T3 ;
l’intermédiaire d’une enzyme spécifique et n’existent plus • la T3 tissulaire, qui provient de la conversion intratissu-
qu’à l’état de trace. L’iodure libéré est aussitôt réorganifié laire extrathyroïdienne de la T4. Elle exerce son action et
grâce à la thyroperoxydase. est ensuite métabolisée et éliminée dans la circulation
Les hormones thyroïdiennes T3 et T4 traversent la mem- sous forme de catabolite.
brane basale vers l’espace extracellulaire par l’intermé-
La production quotidienne de T3 et de T4 est égale, res-
diaire d’un transporteur membranaire spécifique.
pectivement, à 50 et 100 nmol, soit 26 et 78 mg.
Une partie de T4 est désiodée en T3 avant sa sécrétion
La concentration normale de T4 dans le plasma est envi-
plasmatique, sous l’action de désiodases de type I et II.
ron 100 nmol/l (8 mg/dL). Les concentrations plasmatiques
Une fraction de la thyroglobuline protéolysée passe de T3 sont 1,8 nmol/L soit 120 ng/dL.
dans la circulation générale : il s’agit d’une transcytose. Ce
phénomène augmente dans toutes les situations où la thy- Dans les deux cas, c’est la T3 qui se lie aux récepteurs
roïde est stimulée. spécifiques, dont l’affinité est 10 fois plus élevée pour elle
que pour la T4.
En thérapeutique, le lithium et l’iode à dose pharma-
cologique (Lugol® fort) inhibent l’endocytose et la protéo- Quoique ressemblant à une pro-hormone, la T4 joue
lyse de la thyroglobuline. cependant un rôle indispensable surtout dans le système
nerveux et l’hypophyse où le processus de désiodation
de T4 in situ est indispensable à l’action de l’hormone thy-
Conversion périphérique roïdienne.
de la T4 en T3
Les mono-iodotyrosines subissent également une dés-
La thyroxine (ou T4) synthétisée en plus grande quan- iodation et leurs métabolites sont excrétés dans les urines.
tité se transforme en T3 par monodésiodation de deux
types [7]. Les dérivés déaminés et décarboxylés de T3 et T4 – TRIAC
(acide tri-iodoacétique) et TETRAC (acide tétra-iodoacé-
• Désiodation de l’anneau interne tique) – sont métabolisés par désiodation et conjugaison
hépatique principalement avec du glucuronate et du sul-
ou désiodation en 5
fate dès leur diffusion dans le plasma. Les dérivés conju-
Elle est inactivatrice et donne naissance à la tri-iodothy- gués subissent une excrétion biliaire.
ronine inverse (3,3’,5’-tri-iodothyronine), ou rT3, dépour-
vue d’action hormonale. Quatre-vingts pour cent de T4 sont désiodés en T3 (40 %
de T3 et 40 % de rT3). Le reste est éliminé dans les fèces
• Désiodation de l’anneau externe sous forme de T3, T4, conjuguées ou non.
ou désiodation en 5’ phénolique
L’iode alimentaire est capté par la thyroïde et pénè-
Elle donne naissance à la T3. Cette réaction, la plus
tre dans la cavité colloïde. Il est oxydé par l’inter-
importante, est sous la dépendance de deux types d’en-
zymes : les 5’ désiodases de type I et de type II. médiaire de la thyroperoxydase puis fixé par la
thyroglobuline et organifié en mono-iodotyrosine
La 5’ désiodase de type I est une sélénoprotéine locali- et di-iodotyrosine, dont le couplage constitue les
sée essentiellement dans le foie, les reins et la thyroïde hormones thyroïdiennes T3 et T4. Une endocytose
ainsi que, à un moindre degré, dans le système nerveux et une protéolyse détachent T3 et T4 de la thyroglo-
central et la tige pituitaire. Elle est inhibée par le propyl- buline et permettent à ces hormones d’être excré-
thiouracile, l’amiodarone, le propranol, l’acide iopanoïque tées dans la circulation périphérique. La désiodation
et les glucocorticoïdes à dose pharmacologique. Son acti- de T4 en T3 se produit pour partie avant la libération
vité est augmentée en cas d’hyperthyroïdie et diminuée des hormones dans la circulation. La désiodation a
dans le cas contraire. ensuite lieu au sein des tissus cibles.
La 5’ désiodase de type II est localisée dans le système
nerveux central, l’hypophyse, la thyroïde et le placenta.
Elle est inhibée par l’acide iopanoïque et l’amiodarone.
Cette désiodase de type II est nécessaire pour que T4 puisse Régulation
inhiber la libération de thyréostimuline.
de l’hormonogenèse
Il existe une troisième désiodase, de type III, dont le rôle
est mal défini. Elle est présente dans le système nerveux thyroïdienne (figure 3)
central, le placenta et la peau. Son activité est augmentée
en cas d’hyperthyroïdie, suggérant un rôle possible de pro- La régulation s’exerce à deux niveaux :
tection du cerveau et peut-être du fœtus d’un excès de T3. • la production thyroïdienne des hormones ;
Elle inactive T4 en la convertissant en rT3. • la désiodation de la T4 en T3.

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Fonction thyroïdienne 36

Régulation au niveau
de la glande thyroïde
Régulation au niveau
de l’axe hypothalamo-
hypophyso-thyroïdien
• Thyrolibérine
La TRH sécrétée par l’hypothalamus stimule la sécrétion
et la libération de thyréostimuline hypophysaire (TSH).
La thyrolibérine est synthétisée par les neurones dans
les noyaux supra-optique et paraventriculaire de l’hypo-
thalamus. Elle est ensuite stockée dans l’éminence
médiane. Elle est transportée dans le système veineux
porte hypophysaire, grâce auquel elle est distribuée aux
cellules de la partie antérieure de la tige pituitaire. Elle
entraîne l’ouverture des canaux calciques, permettant au
calcium extracellulaire de pénétrer dans les cellules thyréo-
tropes, et l’activation de la phospholipase C. Il s’ensuit une
cascade de réactions hydrolytiques à partir du phosphati-
dylinositol qui provoquent, à terme, le relargage de la thy-
réostimuline [8]. Figure 3 / Régulation hypothalamo-
hypophysaire de la sécrétion thyroïdienne
• Thyréostimuline (d’après Thomopoulos [5]).
TRH : thyrolibérine ; TSH : thyréostimuline ;
La TSH est une glycoprotéine sécrétée par des cellules T3 : tri-iodotyronine ; T4 : thyroxine.
spécifiques, les cellules thyréotropes situées dans la partie
antérieure de l’antéhypophyse. Elle est composée de deux
sous-unités :
• une sous-unité a commune à l’hormone lutéinisante (LH,
luteinizing hormone), à l’hormone folliculo-stimulante
(FSH, follicle-stimulating hormone), et à l’hormone cho-
rionique gonadotrophique (hCG, human chorionic gona- Les hormones thyroïdiennes exercent un rétrocon-
dotrophin) ; trôle négatif sur l’hypophyse et l’hypothalamus,
• une sous-unité b qui lui confère sa spécificité thyréo- inhibant respectivement la production de thyréo-
trope. stimuline [9] et de thyrolibérine.
L’inhibition de la sécrétion de thyréostimuline par les
Ainsi, toute diminution de thyroxine sérique (T4) ou
hormones thyroïdiennes ou d’autres mécanismes s’exerce
de T3 stimule la sécrétion de thyréostimuline.
sur les deux sous-unités.
Les hormones thyroïdiennes exercent également une
Ces mécanismes de régulation à l’échelle hypothalomo-
autorégulation de leur propre sécrétion à l’échelle molé-
hypophysaire s’exercent de manière extrêmement sensible,
culaire.
y compris pour de très faibles variations de la concentra-
tion hormonale.
• Mécanisme d’action
• Thyréostimuline et récepteur à la TSH des hormones thyroïdiennes
La thyréostimuline agit en se fixant sur ses récepteurs Les deux gènes codant pour les récepteurs aux hor-
spécifiques (RTSH) situés sur la membrane des thyrocytes. mones thyroïdiennes (TR) appartiennent à la famille des
La liaison conduit à l’activation des voies de l’adénylcyclase gènes codés par l’oncogène v-erb A connecté à l’ARN mes-
et de la phospholipase C intracellulaire qui régule la fonc- sager.
tion thyroïdienne et la croissance. Le RTSH appartient à la Il existe deux types de récepteurs protéiques pour les
famille des récepteurs couplés aux protéines G. Il est orga- hormones thyroïdiennes a et b c-erb A (c = cellulaire) ou,
nisé en trois domaines – extracellulaire (398 acides aminés), pour plus de simplicité, TR a-1 et TR b-1.
transmembranaire (266 acides aminés), adénylcyclase intra-
cellulaire (83 acides aminés) – et est codé par un gène TR b contient 456 acides aminés et pèse environ 52 kDa.
unique dont les mutations semblent responsables des adé- TR a contient 410 acides aminés et pèse environ 45 kDa.
nomes folliculaires toxiques. Ces récepteurs développent une forte affinité pour T3.
Ils s’expriment dans l’ensemble des tissus qui présentent
• Thyroïde une affinité importante pour les protéines de transport
intranucléaires de T3, à l’exception de la rate et des testi-
Au niveau de la glande thyroïde, toutes les étapes
cules.
aboutissant à la synthèse des hormones thyroïdiennes sont
sous la dépendance de l’action de la thyréostimuline, soit Les hormones thyroïdiennes, comme les stéroïdes, for-
le captage de l’iodure, la production de peroxyde d’oxy- ment avec leurs récepteurs intracellulaires des complexes
gène (H2O2), la synthèse de thyroperoxydase et de thyro- qui activent la synthèse de différentes protéines de la
globuline, l’endocytose et la protéolyse de la séquence génique. Ces récepteurs sont essentiellement
thyroglobuline, ainsi que la désiodase de type I intrathy- localisés dans le noyau des cellules cibles. Leur effet majeur
roïdienne transformant T4 en T3. est la régulation de la transcription des gènes.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

L’association avec l’hormone libère le récepteur et le bien que la b-hCG ait une faible affinité pour la thyréosti-
complexe hormone-récepteur activé peut se fixer à un élé- muline. Dès la baisse de l’hormone de grossesse, soit dès
ment de la région régulatrice (5’-flanking) d’une unité de le deuxième trimestre, ce phénomène disparaît.
transcription génique, c’est-à-dire à un endroit spécifique
de l’ADN qui constitue un élément de réponse (response
element, RE), participant ainsi, éventuellement avec d’au- Régulation de la production
tres éléments modulateurs, nommés coactivateurs ou coré-
presseurs, à son activation ou au contrôle de sa vitesse de
extrathyroïdienne de T3
transcription. Ce modèle général paraît valable à la fois Deux types de régulation s’exercent sur la transforma-
pour les hormones stéroïdes et les hormones thyroï- tion périphérique de T4 en T3.
diennes.
La désiodase de type II est essentiellement située dans
Les récepteurs des hormones thyroïdiennes sont en fait le système nerveux central ainsi que l’hypophyse et la thy-
des facteurs transcriptionnels. roïde. Elle est théoriquement inhibée en cas d’hyperthy-
roïdie et activée en cas d’hypothyroïdie. Cependant, son
Agents interférant action est inhibée à 80 % pour des concentrations physio-
logiques de T4 et toute diminution de la concentration
avec la régulation de la synthèse de T4 lève cette inhibition. Le but de cette régulation est
des hormones thyroïdiennes donc de maintenir la concentration cellulaire de T3 au
niveau optimal et de protéger les neurones contre l’hypo-
• Effet des corticoïdes thyroïdie.
Les glucocorticoïdes exercent aussi un rôle régulateur Il existe une régulation de la désiodase de type I (foie,
sur la sécrétion de thyréostimuline, inférieur cependant à rein, thyroïde). Cette enzyme est sensible au jeûne ainsi
la concentration des hormones thyroïdiennes. Au cours de qu’aux situations d’hypercatabolisme qui inhibent son acti-
l’insuffisance surrénale primaire, la thyréostimuline est vité.
augmentée alors qu’elle diminue en cas d’hypercorticisme.
La régulation par la thyréostimuline ainsi qu’au niveau
• Effet des agonistes dopaminergiques de la conversion périphérique a pour effet d’utiliser au
mieux l’élément rare qu’est l’iode afin de maintenir des
Les agonistes dopaminergiques à dose pharmacolo- concentrations optimales de T3 dans les tissus et, plus par-
gique inhibent partiellement la production de thyréosti- ticulièrement, dans le système nerveux central dont le
muline. Cependant, ni les glucocorticoïdes ni les agonistes fonctionnement est rapidement lésé par l’hypothyroïdie.
dopaminergiques ne modifient profondément la concen-
tration de T4 circulante. Les stocks extrathyroïdiens sont suffisants pour couvrir
les besoins pendant plusieurs semaines [5].
• Effet de l’iode
Le contenu en iode de la thyroïde exerce aussi un effet
régulateur sur les fonctions thyroïdiennes, en particulier le
Transport des hormones
captage de l’iodure, son organification et la sécrétion hor-
La T3 et la T4 circulent dans le sang presque entièrement
monale, ainsi que sur la morphologie glandulaire. En cas
liées aux protéines plasmatiques. La concentration de T4
de carence iodée, les thyréocytes sont probablement beau-
est la plus élevée. La majeure partie de T3 présente dans le
coup plus sensibles à l’action de la thyréostimuline. Une
plasma est dérivée de la désiodation tissulaire de T4.
élévation du taux de thyréostimuline est à l’origine d’un
blocage de l’organification et du captage de l’iode. La T4 est liée aux protéines de transports suivantes :
• TBG (thyroid binding inter-a globulin ou de manière plus
Une ingestion iodée excessive diminue les facultés d’ex- courante thyroxin binding globulin, globuline fixant la
traction, en l’occurrence l’inhibition du transport de l’io- thyroxine) ; la concentration de cette glycoprotéine est
dure, par mise en jeu de l’autorégulation. d’environ 15 mg/mL (260 nmol/L) ;
L’administration d’une grande quantité d’iode pro- • T4 binding prealbumin (TBPA, ou transthyrétine [TTR]) ;
voque une réponse en deux temps. L’organification de c’est également un cotransporteur du rétinol (vitamine A) ;
l’iode et la synthèse des hormones (T4) décrivent une sa concentration est environ 250 mg/mL (4 mmol/L) ;
courbe biphasique avec, dans un premier temps, une aug- • albumine.
mentation de l’organification et de la synthèse hormonale La T3 est liée à la TBG et, à un moindre degré, à l’albu-
puis une diminution de ces deux phénomènes par blocage mine.
du transport iodé. Cette décroissance du rendement de
l’iode présent en excès se nomme l’effet Wolff-Chaikoff La T3 et la T4 sont faiblement liées aux lipoprotéines
[10]. Le mécanisme vraisemblablement en cause est la for- plasmatiques.
mation de résidus tyrosines iodés inactifs. La T4 et ses protéines de liaison interagissent pour for-
mer un équilibre réversible. La majeure partie des hor-
En modifiant la réponse fonctionnelle et morpholo- mones est liée et une faible proportion seulement (0,03 %)
gique à la thyréostimuline, les mécanismes d’auto- est libre.
régulation jouent un rôle essentiel dans la capacité La constante de liaison de la T3 à la TBG est 10 à 20 fois
de la thyroïde à surmonter les facteurs d’altération moins importante que celle de la T4. La fraction libre de T3
de la synthèse de ses hormones. est donc 8 à 10 fois plus importante que celle de T4. Cette
constante de liaison relativement faible lui permet une
Au cours de la grossesse, l’élévation de l’hormone cho- action plus rapide et plus brève. Sachant que seule la frac-
rionique gonadotrophique b (b-hCG, human chorionic tion libre de l’hormone est active, l’état métabolique est
gonadotrophin), notamment pendant le premier trimestre, donc corrélé de manière plus étroite avec les concentra-
est à l’origine d’une légère hyperstimulation thyroïdienne, tions d’hormones libres qu’avec celles d’hormones totales.

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Fonction thyroïdienne 36

La régulation homéostatique de la fonction thyroïdienne L’hCG est en effet constituée d’une sous-unité a com-
a pour but de maintenir une concentration normale d’hor- mune et d’une sous-unité b distincte de celles de la thy-
mones libres. réostimuline. Leur ressemblance est suffisante pour que le
dimère hCG soit susceptible, à forte concentration, de se
comporter comme la thyréostimuline et de stimuler la
Modifications glande thyroïde [13, 14].

physiologiques On observe une élévation de la thyréostimuline en


début de grossesse, compensée par l’augmentation de T4L,
qui se prolonge jusqu’à l’apparition de l’hCG à faible acti-
Fonction thyroïdienne, sexe vité thyréotrope. L’augmentation de T4L induit rapidement
une baisse de la thyréostimuline par rétrocontrôle néga-
et hormones sexuelles tif.
La thyréostimuline et l’hCG ont une cinétique en
La fonction thyroïdienne et le métabolisme de T3 et T4 miroir : la première est au plus bas vers 10 à 12 semaines
sont identiques quel que soit le sexe. La physiologie thy- d’aménorrhée alors que la seconde atteint un pic. Ensuite
roïdienne ne varie pas au cours du cycle menstruel. la thyréostimuline et la T4L demeurent dans la zone nor-
Il existe une différence entre les sexes caractérisée par male.
une réponse féminine plus marquée à l’action de la thyro- Pendant les deuxième et troisième trimestres de la
libérine, notamment après 40 ans. Les œstrogènes sem- grossesse, la thyréostimuline est identique à celle d’un
blent favoriser ce phénomène en augmentant le nombre sujet normal mais sa réponse à la stimulation à la thyroli-
de récepteurs spécifiques dans les cellules thyréotropes. bérine est augmentée, en rapport avec l’hyperœstrogénie
Cette réponse n’est pas influencée par les différentes ambiante.
phases du cycle menstruel.
Cet effet œstrogénique conjugué à une diminution de La grossesse, à côté d’une situation de carence
la réponse à la thyrolibérine liée à l’action des androgènes iodée relative, peut simuler une hyperthyroïdie en
surrénaliens pourrait expliquer une réponse à la thyrolibé- raison des modifications physiologiques qui l’ac-
rine plus marquée chez les femmes que chez les hommes compagnent, notamment la sécrétion d’hCG.
[11].

Chez l’enfant
Femme enceinte et nouveau-né Jusqu’à la fin du premier trimestre, le fœtus est dépen-
dant des hormones thyroïdiennes maternelles car sa pro-
Chez la mère pre thyroïde n’est pas fonctionnelle. Le passage
transplacentaire de la T4 est faible mais crucial pour le
La grossesse affecte la physiologie thyroïdienne. La thy-
développement de son système nerveux central. La T3
roïde augmente de volume et son débit sanguin s’accroît. passe très peu la barrière placentaire. Vers 18 à
L’augmentation de l’excrétion rénale de l’iode ainsi que 20 semaines d’aménorrhée, la thyroïde fœtale devient
des apports iodés suffisants ou juste suffisants induisent fonctionnelle mais les apports de T4 restent importants car
une situation de carence iodée relative. l’axe thyréotrope néonatal n’est pleinement fonctionnel
qu’à la fin de la période néonatale [15].
À ces modifications s’ajoute une augmentation du
métabolisme des hormones thyroïdiennes dans le placenta La concentration de T4 mesurée au cordon est en
où la T4 est convertie en rT3 par la désiodase de type III et moyenne de 12 mg/dL (150 mmol/L). Le taux de TBG est
augmenté comme chez la mère mais à un moindre degré.
en T3 par la désiodase de type II. Il en résulte une augmen-
La concentration de T4 est inférieure à celle de la mère
tation des besoins en hormones thyroïdiennes de l’ordre
autour du terme. La faible activité de la désiodase fœtale
de 50 %.
de type I peut expliquer le faible taux de T3 et le taux élevé
La clairance thyroïdienne de l’iode est également plus de rT3.
élevée. Trente minutes après l’accouchement, le taux de thy-
Pendant les premières semaines de la grossesse, les taux réostimuline atteint un pic. Il revient à sa valeur initiale au
plasmatiques de T3 et de T4 peuvent doubler, parallèle- bout de 48 heures. Ce pic est dû notamment à la modifica-
ment à celui de la TBG. En effet, l’imprégnation œstrogé- tion de la température ambiante du nouveau-né après la
nique tout au long de la grossesse stimule la synthèse de naissance. La T3 et la T4 augmentent aussi à la naissance
la protéine porteuse. Il s’ensuit une augmentation de T4 et avec des taux à la limite de l’hyperthyroïdie pendant
une diminution de la fraction libre de T4 (T4L). Cette der- 24 heures.
nière induit une stimulation de thyréostimuline sous l’effet
du rétrocontrôle hypothalamo-hypophysaire [12].
Effet de l’âge
Le taux de TBG continue d’augmenter pendant toute
la durée de la grossesse avec un maximum pendant les troi- La cinétique de la T4 et de la T3 redevient normale et
sième et quatrième mois. Il faut tenir compte de cette comparable à celle de l’adulte respectivement à la fin de
modification de la principale protéine de transport dans la première année de vie pour la T4 et à l’adolescence pour
l’interprétation de des résultats. la T3.

La cinétique des concentrations hormonales est super- Après 40 ans, il semble qu’il y ait une moindre réponse
de la thyréostimuline à la stimulation par la thyrolibérine.
posable à celle de l’hCG. L’apparition de cette hormone
chorionique gonadotrophique perturbe la boucle de rétro- La T4 diminue quelque peu chez les sujets très âgés et
contrôle hypothalamo-hypophysaire et, de fait, les concen- la T3 est à la limite inférieure de la normale chez les indi-
trations plasmatiques. vidus un peu moins âgés.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Le métabolisme thyroïdien ainsi que la clairance rénale De faibles variations des concentrations de T3 et T4
de l’iode diminuent avec l’âge. accompagnent les changements de saison : les taux d’hor-
mones thyroïdiennes varient de façon opposée à la tem-
pérature extérieure et sont bien sûr plus bas l’été que
Action des glucocorticoïdes l’hiver [17].

L’hormone corticotrope hypophysaire (ACTH, adreno-


corticotropic hormone) et les glucocorticoïdes exercent
une influence sur la fonction thyroïdienne.
Influence nutritionnelle
Toute modification du régime alimentaire ou du statut
À faible dose, ils augmentent le métabolisme thyroï-
nutritionnel du type suralimentation ou jeûne affecte
dien et la clairance thyroïdienne, actions antagonisées par
l’économie thyroïdienne et, plus particulièrement, le méta-
l’administration de thyréostimuline. L’ACTH et les
corticoïdes inhibent donc la sécrétion hypophysaire de bolisme périphérique.
thyréostimuline. Si l’on interrompt l’administration de cor- La faim, quel que soit le poids, provoque une chute bru-
ticoïdes, le taux de thyréostimuline s’élève à un niveau tale du taux d’hormones thyroïdiennes total et de T3, ten-
supérieur à celui mesuré avant le traitement. Dans le cadre dant vers l’hypothyroïdie. En revanche, le taux de T4
d’une corticothérapie au long cours, on observe un phé- demeure inchangé. Cette baisse de T3 est due non à une
nomène d’échappement de l’inhibition de la thyréostimu- modification de la clairance des hormones thyroïdiennes
line par les corticoïdes chez certains patients. mais à une diminution de la conversion périphérique de T4
Les corticoïdes à dose pharmacologique diminuent la en T3 par inhibition de la désiodase de type 5’. La rT3 aug-
concentration de T3 chez les patients normaux, hyperthy- mente également par diminution de sa clairance.
roïdiens et hypothyroïdiens substitués et augmentent la Une réalimentation permet d’inverser cette situation
concentration de rT3, signe de l’inhibition de la monodé- biologique pour T3 et rT3 à condition qu’elle contienne une
siodase permettant la conversion de T4 en T3 dans les tissus proportion minimale d’hydrates de carbone purs (800 calo-
extrathyroïdiens. Il s’agit du phénomène inverse de celui ries). Les protéines ou les lipides administrés en quantité
observé en période néonatale où les corticoïdes induisent équivalente sont inefficaces en l’absence de sucre.
au contraire une stimulation de la conversion de T4 en T3.
Ces modifications sont isolées et la thyréostimuline ainsi
Les corticoïdes à faible posologie induisent aussi une que la thyrolibérine sont normales. Cela peut s’expliquer
baisse de la TBG et une augmentation de la TBPA sans
par le fonctionnement normal de la désiodase de type II
qu’on puisse mesurer pour autant de modification du taux
intrapituitaire quelle que soit la situation nutritionnelle.
de T4 en valeur absolue.
L’excès alimentaire, notamment en sucres, augmente le
En cas d’hypothyroïdie, l’administration de corticoïdes
taux de T3, diminue le taux de rT3 et augmente la thermo-
ne perturbe pas la concentration de T4 à condition que le
genèse de base.
patient soit correctement substitué (thyréostimuline nor-
malisée).
En cas d’hyperthyroïdie, l’administration de corticoïdes
induit une rapide diminution de la T4 plasmatique [16].
Action des
La réponse à la thyrolibérine est diminuée dans le syn- hormones thyroïdiennes
drome de Cushing (hypersécrétion de cortisol).
L’action des hormones thyroïdiennes est ubiquitaire.
Un déficit en glucocorticoïdes affecte également le
fonctionnement thyroïdien. Au cours de la maladie
d’Addison, la T4 est diminuée et la thyréostimuline aug-
mentée, suggérant l’existence concomitante à la maladie
Effets thermodynamiques
d’une hypothyroïdie primaire. Le traitement des anomalies Les hormones thyroïdiennes, en particulier la T3, stimu-
corticosurrénaliennes fait disparaître aussi les troubles thy- lent la calorigenèse. Ce phénomène implique une augmen-
roïdiens, suggérant qu’ils constituent une conséquence de tation de la consommation d’oxygène. Les hormones
la maladie surrénalienne plutôt qu’une cause. thyroïdiennes favorisent la synthèse des sous-unités de
l’ATPase qui intervient probablement dans la dépense

Effet de la température
énergétique occasionnée par cet effet thermogène. Les
mécanismes de cette thermogenèse ne sont pas encore
complètement élucidés.
L’exposition au froid provoque une augmentation des
concentrations de T4 qui apparaît vers la 24e heure et qui
atteint une valeur maximale au bout de 3 jours. Le méta-
bolisme et la clairance hormonale des hormones thyroï-
Effets
diennes sont également accrus. Cette « hyperthyroïdie » sur le métabolisme protéique
relative est destinée à compenser la déplétion du pool hor-
monal périphérique qui résulte de l’hypermétabolisme Les hormones thyroïdiennes stimulent la synthèse des
périphérique de T4 induit par le froid. protéines, ce qui pourrait jouer un rôle dans leur action
thermodynamique. Elles permettent par exemple la syn-
Chez l’adulte, si l’exposition au froid est de courte thèse d’enzymes spécifiques comme les enzymes lysoso-
durée, elle ne s’accompagne pas d’élévation de la thyréo- miales musculaires, nécessaires aux réactions cataboliques
stimuline. Chez le nouveau-né au contraire, l’introduction de ce tissu.
de l’enfant dans un milieu beaucoup plus froid que le
liquide amniotique est associée à une stimulation de la thy- Les effets des hormones thyroïdiennes sur la synthèse
réostimuline indiquant que l’hypothalamus est initiale- protéique dépendent du statut métabolique du sujet et de
ment très sensible aux variations de température. Cette la dose administrée. Chez les rats thyroïdectomisés, de fai-
sensibilité disparaît avec l’âge. bles posologies induisent la synthèse protéique et l’excré-

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Fonction thyroïdienne 36

tion nitrée ; de plus fortes doses inhibent la synthèse pro- La synthèse hépatique des triglycérides est accrue, cer-
téique et augmentent la concentration d’acides aminés tainement en raison de la disponibilité des acides gras
libres dans le plasma, le foie et le muscle. libres ainsi que du glycérol mobilisé à partir du tissu adi-
Chez les patients hypothyroïdiens, on mesure un ralen- peux. Simultanément, l’élimination des triglycérides depuis
tissement de la synthèse protéique et un retard du catabo- le plasma est accélérée, probablement par augmentation
lisme protéique qui disparaissent en cas de substitution de l’activité de la lipoprotéine lipase.
adaptée. Les hormones thyroïdiennes diminuent les concentra-
tions de cholestérol dans le plasma de diverses manières.
Les modifications de la croissance sont probable- La synthèse du cholestérol est augmentée au stade de
ment le reflet le plus manifeste de l’action des hor- conversion de la b-hydroxy-b-méthylglutaryl-coenzyme A
mones thyroïdiennes sur la synthèse protéique. Là en mévalonate. Mais l’élimination du cholestérol est
encore, l’action des hormones est biphasique. Chez davantage stimulée que sa synthèse, mécanisme à l’origine
les individus jeunes, la croissance est retardée par de taux plasmatiques plus bas. L’action des hormones thy-
l’hypothyroïdie et reprend si l’on instaure un traite- roïdiennes dans l’élimination du cholestérol s’exerce à
ment substitutif ; elle est inhibée en cas d’hyper- deux niveaux : l’excrétion du cholestérol et sa conversion
thyroïdie.
en acides biliaires.
Les hormones thyroïdiennes favorisent aussi le renou-
Effets vellement des transporteurs LDL (low density lipoprotein,
lipoprotéines de faible density).
sur le métabolisme glucidique
Les hormones thyroïdiennes affectent tous les aspects
du métabolisme glucidique. De nombreux effets sont
Effets sur les vitamines
dépendants ou modifiés par d’autres hormones, notam- Les hormones thyroïdiennes augmentent la synthèse
ment les catécholamines et l’insuline. Les hormones thyroï- des vitamines et des coenzymes dont elles sont dérivées.
diennes semblent réguler l’amplitude des actions de
glycogénolyse et d’hyperglycémie induites par l’adrénaline, Dans l’hyperthyroïdie, les besoins en vitamines hydro-
probablement en stimulant la réponse à l’adénylcyclase. solubles telles la thiamine, la riboflavine, la vitamine B12
Elles potentialisent les effets de l’insuline sur la synthèse du et la vitamine C sont accrus et leurs concentrations tissu-
glycogène et l’utilisation du glucose. Certaines de ces laires sont diminuées.
actions dépendent de la dose administrée et une réponse
biphasique est observée en fonction de la posologie. Le métabolisme des vitamines liposolubles est égale-
ment influencé par les hormones thyroïdiennes. Elles sont
Chez le rat par exemple, de faibles doses de T4 augmen- par exemple nécessaires pour la synthèse de vitamine A à
tent la synthèse de glycogène en présence d’insuline. À partir du carotène ainsi que pour la transformation de la
l’opposé, de fortes doses de T4 augmentent la glycogéno- vitamine A en rétinol, pigment indispensable à la vision
lyse hépatique et induisent une déplétion en glycogène.
nocturne.
Les hormones thyroïdiennes favorisent l’absorption
Dans l’hypothyroïdie, la concentration plasmatique de
intestinale de glucose et de galactose. Elles augmentent
carotène est augmentée. Cela peut conférer à la peau une
également la captation de glucose par le tissu adipeux et
le muscle, potentialisant ainsi les effets de l’insuline. couleur orangée et les manifestations cliniques en rapport
avec le déficit en vitamine A peuvent apparaître.
La dégradation de l’insuline est stimulée par les hor-
mones thyroïdiennes. Cette action pourrait expliquer la En cas d’hyperthyroïdie, les besoins en vitamine A sont
moindre sensibilité à l’insuline exogène administrée dans accrus et les concentrations tissulaires sont réduites.
le diabète de type I et l’aggravation de ce diabète quand Les vitamines D et E sont également déficientes chez les
il coexiste avec une thyrotoxicose. Le phénomène inverse
animaux hyperthyroïdiens.
est observé en cas d’hypothyroïdie.

Effets Interactions entre


sur le métabolisme lipidique les hormones thyroïdiennes
Théoriquement, les hormones thyroïdiennes stimulent
et le système nerveux
le métabolisme lipidique, c’est-à-dire la synthèse des sympathique
lipides, leur mobilisation et leur catabolisme. En fait, c’est
davantage la dégradation que la synthèse qui est favori- La thyrotoxicose et la stimulation du système sympa-
sée. En effet, l’excès d’hormones thyroïdiennes provoque thique provoquent des effets similaires.
une diminution des réserves lipidiques et des taux plasma-
tiques de triglycérides, phospholipides et cholestérol. L’activité du système nerveux sympathique n’est pas
L’inverse est vrai en cas d’hypothyroïdie. Le métabolisme augmentée en situation de thyrotoxicose, comme on peut
des apolipoprotéines est également affecté. en juger sur les concentrations plasmatiques d’adrénaline
et de noradrénaline, leur excrétion urinaire et leurs méta-
Les hormones thyroïdiennes augmentent la lipolyse bolites. Il est vraisemblable que les hormones thyroï-
dans le tissu adipeux par l’intermédiaire de l’adénylcyclase diennes exercent leurs effets de manière indépendante
et indirectement en sensibilisant ces tissus à l’action d’au- mais additive par rapport aux catécholamines. Le concept
tres agents lipolytiques tels les catécholamines, l’hormone selon lequel il existe, dans l’hyperthyroïdie, une augmen-
de croissance, les glucocorticoïdes et le glucagon.
tation du tonus sympathique ou encore une sensibilité car-
Elles induisent une oxydation des acides gras libres qui diaque accentuée par l’action du système sympathique est
pourrait jouer un rôle dans leur effet thermodynamique. erroné.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Certaines études ont montré que chez les patients


hyperthyroïdiens, il n’y avait pas de modifications du nom- Dosage de la thyréostimuline
bre de récepteurs b-adrénergiques sur la surface lympho-
cytaire ni de la réponse b-adrénergique des lymphocytes.
plasmatique
Chez les sujets normaux recevant 100 mg de L-iodothyro- Ce test indispensable permet, s’il est effectué en pre-
nine pendant 10 jours, le nombre de récepteurs b-adréner- mière intention, un dépistage performant et très écono-
giques augmente de 60 % dans le tissu adipeux et de 30 % mique des dysfonctionnements thyroïdiens.
dans le muscle strié. Malgré ce résultat, la sensibilité à une
perfusion d’adrénaline in vivo n’est pas altérée [18]. La concentration plasmatique de thyréostimuline ultra-
sensible est mesurée par radio-immunométrie ou chimio-
luminescence à l’aide d’anticorps monoclonaux permettant

Exploration de la fonction des résultats d’une grande sensibilité.

thyroïdienne La valeur normale est de 0,3 à 3 mU/L.

Fixation thyroïdienne Test à la thyrolibérine


par l’iode radioactif L’injection intraveineuse de 200 mg de thyrolibérine
entraîne, dans les conditions physiologiques, une élévation
La fixation par l’iode radioactif est une exploration de la thyréostimuline en quelques minutes, suivie d’un pic
directe de la fonction thyroïdienne. qui apparaît entre 20 et 45 minutes après l’injection puis
L’iode 123, moins irradiant que l’iode 123, l’a remplacé. d’une décroissance rapide.
L’iode radioactif se mélange uniformément avec l’iode En cas d’hyperthyroïdie, la réponse au test est absente
endogène dans le milieu extracellulaire. Une fois l’état ou diminuée.
d’équilibre atteint, on mesure la quantité d’iode captée
par la thyroïde par unité de temps. En cas de discrète hypersécrétion liée à la présence d’un
goitre ou d’un nodule, la réponse est aussi diminuée.
Les valeurs normales s’expriment en pourcentage par
rapport à la dose administrée, soit normalement 20 % à la Il s’agit d’un test diagnostique de confirmation d’une
6e heure et 40 % à la 24e heure. hyperthyroïdie.
La fixation varie inversement à la concentration plas- Cet examen a moins de valeur diagnostique en cas
matique d’iode ; elle augmente proportionnellement à d’hypothyroïdie au cours de laquelle la réponse à l’injec-
l’état fonctionnel de la thyroïde. tion de thyrolibérine est augmentée, à l’exception des
hypothyroïdies centrales d’origine hypophysaire.
Cet examen est indiqué dans les hyperthyroïdies à fixa-
tion basse, induites par une surcharge iodée, une thyro-
toxicose factice, l’ingestion d’aliments contenant des
extraits thyroïdiens (« hyperthyroïdie au hamburger »).
Test de suppression par la T3
Cet examen est prescrit en cas de thyréostimuline éle-
Hormones totales vée.

Des dosages radio-immunologiques très sensibles et


En pratique, les deux tests les plus utiles sont les
très spécifiques sont à la disposition des cliniciens pour
dosages de la T4L et de la thyréostimuline.
mesurer les concentrations de T3, T4 et rT3 (T3T, T4T, rT3T).
Les hormones thyroïdiennes présentes dans le sang sont
liées à 99 % aux protéines de transport. Leurs concentra-
tions sont donc fortement dépendantes des capacités des
Exploration de l’auto-immunité
protéines à se lier. Les anomalies relevées de T4T et T3T sont thyroïdienne
donc à rapporter à des anomalies des protéines transpor-
teuses plutôt qu’à une dysthyroïdie. Auto-anticorps
Les concentrations des hormones libres reflètent mieux anti-thyroperoxydase (aTPO)
l’état métabolique de la glande :
La présence des aTPO dans diverses circonstances consti-
• T3 : de 1 à 3 nmol/L (de 70 à 190 ng/dL) ;
tue un facteur de risque :
• T4 : de 60 à 150 nmol/L (de 5 à 12 mg/dL) ;
• rT3 : de 0,2 à 0,6 nmol/L (de 10 à 40 ng/dL). • de dysthyroïdie auto-immune ;
• d’hypothyroïdie concomitante d’un traitement par inter-
féron alpha ou lithium ;
Hormones libres • de dysthyroïdie sous amiodarone ;
• de thyroïdite du post-partum ;
La fraction libre de T3 (T3L) est de 0,2 % et celle de T4 • d’hypothyroïdie néonatale ;
(T4L) de 0,02 % car cette dernière se lie plus facilement aux • de stérilité, fausse couche, échec de fécondation in vitro.
protéines de transport.
Les techniques de dialyse à l’équilibre, d’ultrafiltration Auto-anticorps
ou de chromatographie sont actuellement remplacées par anti-thyroglobuline (aTg)
des techniques indirectes qui apportent une estimation des
fractions hormonales libres. L’indication est la surveillance des patients traités pour
un cancer différencié de la thyroïde.
Les valeurs normales sont :
• pour T4L, de 11 à 23 pmol/L ; Dans le cadre d’une pathologie thyroïdienne auto-
• pour T3L, de 3-8 pmol/L. immune, les aTg sont en général associés aux aTPO.

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Fonction thyroïdienne 36

Auto-anticorps anti-récepteur Tableau 1 / Signes cliniques et biologiques de l’hyperthyroïdie


à la TSH (aRTSH) (d’après Wemeau [19])

Ces auto-anticorps inhibent de manière compétitive la Amaigrissement avec appétit conservé


fixation de la thyréostimuline sur son récepteur. Ils ont éga- Asthénie musculaire
lement la capacité de stimuler ou de bloquer ce récepteur. Thermophobie, hypersudation, polydipsie
Forme typique Tachycardie, palpitations
Sa prescription au troisième trimestre de la grossesse Diarrhée
Tremblement d’attitude
pour anticiper une dysthyroïdie chez le nouveau-né est Nervosité, agitation
indiscutée.
Formes trompeuses
Le tableau 1 contient la conclusion et la stratégie de Extrasystolie
prescription des examens de première et deuxième inten- Tachycardie paroxystique
tion. Formes cardiaques Accès de flutter ou de fibrillation auriculaire
Asystolie basedowienne
Angor, bloc atrioventriculaire

Aspects cliniques Formes digestives Amaigrissement


Pseudo-myopathie ou pseudo-myasthénie
Formes neuromusculaires États anxiodépressifs, délirants, confusionnels
Hyperthyroïdies Formes osseuses Ostéoporose
L’hyperthyroïdie est un hyperfonctionnement thyroï- Formes dermatologiques Prurit
dien qui a pour conséquence une augmentation de la pro-
Anorexie chez le sujet âgé apathique
duction hormonale dont l’expression clinique est la Formes paradoxales Prise de poids et aménorrhée chez la femme jeune
thyrotoxicose. Il convient de faire rapidement le diagnostic
étiologique de cet état. Hypocholestérolémie
Hypercalcémie avec hyperphosphorémie
Microcytose sanguine
Généralités Signes biologiques
Augmentation de la g-glutamyltransférase
Augmentation de l’enzyme de conversion
Le diagnostic positif est aisé lorsque coexistent des Augmentation des phosphatases alcalines
et de l’ostéocalcine
signes cliniques et biologiques caractéristiques (tableau 1). Augmentation de la ferritine
Le diagnostic biologique repose sur : Augmentation de la SBP
• l’augmentation des concentrations des hormones thyroï-
SBP : sex-hormone binding protein, protéine fixant les hormones sexuelles
diennes T3 et T4, mais surtout T3L et T4L, indépendantes
des concentrations et de l’affinité de ces hormones pour
les protéines de transport ;
• la diminution du taux de thyréostimuline sous l’effet du
rétrocontrôle exercé par l’excès d’hormones thyroï-
diennes (< 0,3 mU/L).
Tableau 2 / Formes biologiques des hyperthyroïdies
Le diagnostic clinique peut s’avérer difficile dans les (d’après Wemeau [19])
autres cas d’hyperthyroïdies ; mais les examens biologiques
contribuent à l’établir (tableau 2).
T4L T3L TSH
• Hyperthyroïdies infracliniques Hyperthyroïdies conventionnelles ➚ ➚ ➘
L’expression clinique de ces excès minimes d’hormones Hyperthyroïdies à T3
thyroïdiennes est pauvre ; cependant, une imprégnation (formes débutantes, carence en iode) Normale ➚ ➘
prolongée peut avoir des conséquences néfastes, en parti-
Hyperthyroïdies à T4
culier chez le sujet âgé : accentuation du risque de fibrilla- (surcharge en iode, ➚ Normale ➘
tion auriculaire, augmentation du risque d’ostéoporose, altération de la désiodation périphérique)
notamment chez la femme ménopausée, diminution de
Hyperthyroïdies infracliniques Normale Normale ➘
l’espérance de vie en raison de la hausse du risque cardio-
vasculaire. Normale
Hyperthyroïdies centrales ➚ ➚ ou ➚
• Hypothyroïdie d’origine centrale
Elle est en général liée à la présence d’un adénome
anté-hypophysaire développé aux dépens des cellules thy-
réotropes. La thyréostimuline est normale ou légèrement
élevée.
Épidémiologie
La prévalence varie avec le sexe, l’âge, la charge en iode
• Résistance tissulaire et les critères diagnostiques, selon que l’on intègre ou non
aux hormones thyroïdiennes les hyperthyroïdies infracliniques. Elle diffère selon les
études et les populations. Par exemple aux États-Unis,
Ce sont des maladies familiales et génétiquement trans- entre 1988 et 1994, la prévalence de l’hyperthyroïdie
mises. s’élève de 0,5 à 1,3 % quand on y inclut les sujets dont la
thyréostimuline est isolément diminuée [20].
• Thyrotoxicose factice
L’incidence annuelle moyenne avoisine 1/1 000 sujets et
Il s’agit d’une intoxication volontaire et dissimulée par la prévalence est 7 à 8 fois plus élevée chez la femme que
les hormones thyroïdiennes. chez l’homme.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Diagnostic clinique Examens morphologiques


L’étape clinique est essentielle dans le diagnostic étio- L’échographie n’est pas indispensable mais apporte
logique des hyperthyroïdies. beaucoup d’informations. Dans la maladie de Basedow en
La maladie de Basedow constitue la cause principale, particulier, le parenchyme apparaît hypo-échogène et
suivie par les nodules et les goitres multinodulaires hétérogène ; le débit de l’artère thyroïdienne inférieure
toxiques. est augmenté.
L’association de signes cliniques de thyrotoxicose et de La scintigraphie est réalisée en règle générale avec de
signes oculaires œdémateux permet d’identifier aisément l’iode 123, isotope physiologiquement utilisé par la thy-
la maladie de Basedow. L’atteinte oculaire est cependant
roïde. Elle demeure indispensable dans le diagnostic des
présente chez seulement 25 à 40 % des sujets.
nodules toxiques. Elle permet de distinguer les thyroïdes
hyperfonctionnelles captant l’iode des thyroïdes libérant
Diagnostic biologique (tableau 2) l’iode. Elle est indispensable avant d’envisager un traite-
• Thyréostimuline ment radio-isotopique.

Le dosage de la thyréostimuline permet de distinguer :


• les hyperfonctionnements thyroïdiens primitifs, c’est-à- Traitement
dire d’origine thyroïdienne, et les imprégnations hormo-
Dans la maladie de Basedow, il est proposé un traite-
nales excessives d’origine non thyroïdienne (par ex., la
surcharge iodée) ; la thyréostimuline est alors basse ; ment médical prolongé (de 18 mois à 2 ans) par agents
• les hyperthyroïdies d’origine centrale, où la thyréostimu- antithyroïdiens de synthèse (tableau 3) :
line est normale ou discrètement élevée. • en cas de premier épisode d’hyperthyroïdie ;
• si le goitre n’est pas trop volumineux, indépendamment
En général, l’hyperfonctionnement thyroïdien prédo-
de signes oculaires.
mine sur T3L. Mais T4L est aussi augmentée. Le degré d’élé-
vation des concentrations de T3L et de T4L est corrélé à Les antithyroïdiens de synthèse ne constituent en
l’intensité de la thyrotoxicose. aucune manière le traitement des nodules toxiques ou des
goitres multinodulaires associés à une hyperthyroïdie.
• Thyroglobuline
Il est également proposé la réduction du parenchyme
La thyroglobuline est augmentée sans spécificité, à l’ex-
ception des thyrotoxicoses factices. Sa mesure ne doit donc par l’iode 131 ou la thyroïdectomie quasi totale.
pas être systématique. La thyroïdectomie subtotale est indiquée dans les cas
suivants :
• Anticorps
• goitre volumineux ;
La recherche des anticorps anti-récepteurs de la thy- • nodule suspect de malignité ;
réostimuline s’avère positive dans 95 % des cas de maladie • projet de grossesse.
de Basedow. Le taux initial est bien corrélé à la présence
de signes oculaires et l’absence de rémission au bout de 12 Le traitement radio-isotopique par l’iode 131 induit sys-
à 24 mois de traitement médical traditionnel. tématiquement une hypothyroïdie à terme chez tous les
patients, avec un délai variable selon les modalités d’ad-
• Iodurie ministration. C’est le traitement de choix des :
L’iodurie permet de reconnaître la présence d’une sur- • goitres multinodulaires ;
charge iodée. • nodules pour lesquels la chirurgie est contre-indiquée.

Tableau 3 / Médicaments antithyroïdiens de synthèse (d’après Wemeau [19])

DCI Nom commercial Présentation Posologie Lieu de délivrance


Carbimazole Néo-Mercazole® Comprimés de 5 et 20 mg 5-60 mg/j Officine
Benzythiouracile Basdène® Comprimés de 25 mg 50-600 mg/j Officine
Pharmacie centrale
Propylthiouracile Comprimés de 50 mg 50-600 mg/j des hôpitaux
Effets secondaires Précautions d’emploi
Leucopénies
Hématologiques En début de traitement
Agranulocytoses Surveillance ou lors de sa reprise
Érythème de l’hémogramme
Cutanés (tous les 10 jours pendant 2 mois)
Urticaire
Épigastralgies Prescription Fièvre
Digestifs Hépatites d’un hémogramme Angine
Généraux Arthralgies en urgence Autre infection

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Fonction thyroïdienne 36

Cas particuliers Anomalies hormonales


• Les T4, T3 et T3L sont basses.
• Hyperthyroïdie iatrogène • La rT3 est augmentée.
Les hyperthyroïdies iatrogènes sont liées à l’amioda- • La T4L est normale en général, elle augmente si la baisse
rone dans la plupart des cas. Elles prédominent dans les de T4 est modérée et diminue si la T4 est très abaissée
pays à forte carence iodée, c’est-à-dire en Europe [21]. selon le contexte clinique.

Elles relèvent de l’hyperactivité de nodules devenus La thyréostimuline est normale ou diminuée si la situa-
hyperfonctionnels en raison d’un apport iodé accru ou tion clinique est grave. Elle est rarement indétectable.
d’une thyroïdite par abrasion des vésicules par l’iode. Mécanismes
On décrit aussi des hyperthyroïdies induites par la prise La fonction hypothalomo-hypophysaire, la production
de lithium ou de cytokines, qui relèvent d’un mécanisme thyroïdienne des hormones, la liaison hormones-transpor-
auto-immun. teurs plasmatiques et le captage des hormones par les
organes cibles peuvent être altérés au cours de la maladie
• Syndromes de basse T3 causale. Le mauvais état nutritionnel des patients ainsi que
et de basse T3 basse T4 les thérapeutiques utilisées (glucocorticoïdes, amines pres-
sives) peuvent agir conjointement à plusieurs niveaux pour
Le syndrome de basse T3 et celui de basse T3 basse T4 favoriser les anomalies observées.
sont des entités biologiques individualisées au cours de
maladies non thyroïdiennes graves. Leur intensité est Au cours de ce syndrome, il existe à la fois une baisse
conditionnée par le retentissement général de la maladie de clairance de T4 et, surtout, une diminution de la pro-
causale indépendamment de sa localisation. Les expres- duction thyroïdienne de T3 et de T4 de 50 à 75 %.
sions euthyroid sick syndrome et non thyroidal illness syn- Les mécanismes qui déterminent l’augmentation de T4L
drome désignent aussi ces syndromes. sont les mêmes que précédemment. Un taux de thyréosti-
muline normal ou bas suggère une altération de rétrocon-
Syndrome de basse T3 trôle thyréotrope. La sécrétion de thyréostimuline en
Anomalies hormonales réponse à un test à la thyrolibérine est très affaiblie dans
Le syndrome de basse T3 est caractérisé par : les formes sévères.
• une baisse de T3 totale ;
Ce dysfonctionnement des centres thyréotropes contri-
• une augmentation de rT3 ;
bue à maintenir un déficit de la production des hormones
• une thyréostimuline normale :
thyroïdiennes.
• une T3L normale ou basse ;
• une T4 totale et une T4L normales ou un peu augmen- Les médiateurs dont le rôle est envisagé sont :
tées. • l’IL-6, les acides gras libres, comme dans le syndrome de
basse T3 ;
Les modifications de T3 et de rT3 sont présentes dès les • l’IL-1, qui peut inhiber l’activité des centres thyréotropes ;
premières heures de la maladie causale. La T3 diminue • le TNF-a (tumor necrosis factor a) qui, administré dans
d’autant plus que cette maladie est grave. des conditions expérimentales, peut reproduire les ano-
Mécanismes malies hormonales du syndrome de basse T3 basse T4.
L’explication habituelle est l’inhibition de la 5’ désio- Exemples
dase de type I hépatique.
• Insuffisance rénale chronique : syndrome de basse T3 sans
Il s’agit en fait d’une inhibition de la conversion intra- élévation de rT3 (par augmentation possible de sa capta-
hépatique de T4 en T3 et d’une réduction de la dégradation tion hépatique) [22] et avec une thyréostimuline normale
de rT3 probablement en rapport avec une diminution du ou discrètement élevée. Si la concentration sérique de
transport de la T4 du sérum vers les tissus et non d’une inhi- TBG est diminuée ; la T4 est basse et la T4L est élevée.
bition isolée de la désiodase. L’organisme est donc privé de • Insuffisance hépatocellulaire : syndrome de basse T3 ou
sa principale source de T3 puisque 20 % seulement de la T3 de basse T3 basse T4.
circulante provient de la thyroïde. L’élévation potentielle • Arrêt cardio-circulatoire : syndrome de basse T3 basse T4.
de la T4L peut résulter de plusieurs mécanismes : La thyréostimuline est élevée, davantage chez les survi-
• la diminution des protéines vecteurs en cas d’insuffi- vants que chez les patients qui décèdent [23].
sance hépatique ; • Infection par le virus de l’immunodéficience humaine
• la diminution de la fixation de T4 aux protéines de trans- (VIH) : syndrome de basse T3 basse T4 avec parfois une
port. élévation de la thyréostimuline.
La T3L varie peu car elle a peu d’affinités pour les pro- Traitement : faut-il corriger
téines vecteurs. ces anomalies biologiques isolées ?
Les médiateurs de l’inflammation jouent aussi proba- Il est établi que ces perturbations disparaissent après la
blement un rôle dans ce syndrome telle l’interleukine 6 guérison de la maladie non thyroïdienne qui en est respon-
(IL-6), dont la concentration sérique est inversement cor- sable. Il est certain aussi que l’intensité des variations des
rélée avec celle de T3. concentrations d’hormones thyroïdiennes et de thyréosti-
muline observées est proportionnelle à la gravité de la
La normalité de la thyréostimuline serait expliquée par
maladie causale.
la persistance de la conversion hypophysaire de T4 en T3
par la 5’ désiodase de type II hypophysaire. On ignore en revanche si la correction de ces anomalies
biologiques est profitable. Chez l’homme, l’administration
Syndrome de basse T3 basse T4 de T3 par voie parentérale après un pontage coronarien
Ce syndrome est souvent observé chez les patients hos- est susceptible d’améliorer les performances cardiaques
pitalisés en réanimation, c’est-à-dire dans des situations mais cette thérapeutique demeure sans effet sur la morbi-
plus critiques que précédemment. mortalité postopératoire [24].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Le clinicien doit savoir reconnaître un syndrome de Les signes cliniques sont peu sensibles et peu spéci-
basse T3 ou de basse T3 basse T4, le distinguer d’une mala- fiques et le diagnostic est déterminé par les dosages bio-
die thyroïdienne centrale ou périphérique et le rattacher logiques, notamment celui de la thyréostimuline.
à une maladie causale.
L’incidence est en augmentation, soit 3,5/1 000 patients
par an chez les femmes et 0,6 chez les hommes au
Hypothyroïdie Royaume-Uni. La prévalence va croissant également : elle
est passée de 2,2 à 3 % entre 1993 et 1996. Cette augmen-
C’est l’affection thyroïdienne la plus fréquente. tation répond à la diffusion des tests diagnostiques, à
Cependant, son incidence est sous-estimée en raison de la l’amélioration de leur sensibilité, à la suffisance des apports
prévalence des formes infracliniques. en iode ainsi qu’à l’augmentation de la longévité. En effet,
l’incidence croît avec l’âge, notamment après 80 ans.
L’insuffisance de sécrétion hormonale entraîne une
diminution du métabolisme cellulaire dont les manifesta- La thyroïdite auto-immune regroupe plusieurs entités
tions cliniques sont inconstantes et non spécifiques : retard en fonction de la morphologie thyroïdienne et des circons-
staturo-pondéral et psychomoteur chez l’enfant, ralentis- tances de déclenchement (tableau 4).
sement du fonctionnement de l’organisme et dépôts intra- Parmi les différentes causes citées, la thyroïdite
cellulaires de glycosaminoglycanes (myxœdème) chez d’Hashimoto et le myxœdème primitif sont habituels. Les
l’adulte. marqueurs sériques du processus de thyroïdite sont les
anticorps anti-thyroperoxydase et anti-thyroglobuline.
Hypothyroïdie congénitale
C’est une maladie fréquente (1/3 500 enfants) dont le
• Signes cliniques de l’hypothyroïdie
pronostic s’est considérablement amélioré depuis le dépis- • Lenteur de relaxation du réflexe achilléen.
tage néonatal systématique instauré en 1979. La mise en • Peau sèche, épaisse, froide.
évidence d’un taux de thyréostimuline supérieur ou égal à • Œdème des paupières.
30 mU/L mesuré sur le sang du talon par méthode capillaire • Intolérance au froid.
à 3 jours de vie oriente vers une hypothyroïdie congénitale • Diminution de la sudation.
et impose la réalisation d’une évaluation complète de la • Bradycardie.
fonction thyroïdienne. Si le diagnostic est confirmé, un • Prise de poids.
traitement substitutif à vie permet un développement psy- • Paresthésies.
chomoteur et une croissance quasi normaux. • Constipation.
• Lenteur des mouvements.
Hypothyroïdie périphérique • Voix rauque.
• Baisse de l’audition.
• Définition
L’hypothyroïdie périphérique résulte de la diminution Hypothyroïdie infraclinique
de la production des hormones thyroïdiennes et induit L’hypothyroïdie infraclinique est actuellement la forme
donc une baisse de leur concentration, et plus spécifique- la plus fréquente d’insuffisance thyroïdienne périphérique.
ment de celle de la T4L. La concentration de T3L n’a pas la Il s’agit d’une maladie biologique puisque aucun signe cli-
valeur diagnostique de celle de la T4L car, à la différence nique n’en est spécifique. On se fonde, pour orienter le
de cette dernière, elle n’est pas régulée par la thyréosti- diagnostic clinique, sur un score présenté sur le tableau 5.
muline mais par la désiodation périphérique de T4 en T3.
Elle se caractérise par une élévation de thyréostimuline
avec une T4 normale, à l’exclusion de toute autre cause
L’insuffisance thyroïdienne périphérique est donc d’élévation de la thyréostimuline telle qu’on peut la ren-
envisagée dès que la thyréostimuline atteint ou contrer dans un syndrome de basse T3 basse T4, accompa-
dépasse 4,5 mU/L.
gnant une maladie générale sévère.

• Étiologie Le diagnostic d’hypothyroïdie infraclinique repose


L’épidémiologie est dominée par la thyroïdite auto- sur un taux de thyréostimuline supérieur ou égal à
immune. 4,5 mU/L.

Tableau 4 / Étiologie des hypothyroïdies périphériques acquises (d’après Orgiazzi et Bournaud [25])

Permanente Transitoire
Spontanée

Thyroïdite auto-immune Thyroïdite subaiguë


Maladies infiltrantes de la thyroïde Thyroïdite du post-partum
Carence iodée sévère Thyroïdite silencieuse ou painless thyroiditis

Iatrogène

Iode et amiodarone
Après thyroïdectomie Interféron alpha
Après iode radioactif Bexarotène®
Après radiations externes Lithium
Antithyroïdiens

412
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Fonction thyroïdienne 36

Tableau 5 / Score clinique d’hypothyroïdie

Score

Présent Absent
Diminution de la sudation 1 0
Raucité de la voix 1 0
Paresthésies des extrémités 1 0
Sécheresse de la peau (pommades) 1 0
Constipation inhabituelle 1 0
Baisse de l’audition 1 0
Prise de poids 1 0
Lenteur des mouvements (au déshabillage) 1 0
Lenteur de relaxation du réflexe achilléen 1 0
Épaississement de la peau 1 0
Œdème péri-orbitaire 1 0
Peau froide 1 0
Ajouter 1 point si âge > 55 ans. Score > 5 : hypothyroïdie. Score ≤ 2 : euthyroïdie. Score [3-5] : intermédiaire

Sa prévalence est de 7,5 à 8,5 % chez les femmes et de d’avortement spontané et de troubles du développement
2,8 à 4,4 % chez les hommes, soit une prévalence générale neuropsychologique dans l’enfance [28].
de 4,3 %, soit encore plus de 30 millions de personnes dans
l’Union européenne [26]. En pratique, il est recommandé de contrôler la valeur
de la thyréostimuline au cours de la grossesse ou
La prévalence augmente avec l’âge (si les patients sont lorsqu’une grossesse est envisagée, en présence d’antécé-
porteurs d’anticorps antithyroïdiens), l’apport iodé, l’asso- dents personnels ou familiaux de pathologie thyroïdienne,
ciation au diabète de type I ou à d’autres maladies auto- de signes évocateurs d’hypothyroïdie, de diabète de type I
immunes. ou d’antécédents de maladie auto-immune. Le traitement
Il existe un risque important d’évolution vers une hypo- substitutif doit être prescrit dès que la thyréostimuline
thyroïdie franche et ce, d’autant plus que le taux de thy- atteint un taux de 2,5 mU/L afin de ramener ce taux en
réostimuline est élevé. zone de normalité.

Le traitement de l’hypothyroïdie infraclinique par la


Hypothyroïdie avérée
L-thyroxine à très faible dose est indiqué lorsque la Il est rare, de nos jours, de diagnostiquer l’hypothyroï-
TSH est supérieure à 10 mU/L. die à un stade avancé avec une séméiologie complète.
Plutôt que de procéder à la recherche et à l’énumération
L’utilité du traitement de l’hypothyroïdie repose sur les de l’ensemble des signes cliniques de l’insuffisance thyroï-
critères suivants : dienne, il est préconisé de recourir à une évaluation cli-
• concentrations des lipides circulants ; nique fondée sur une nouvelle échelle séméiologique [29].
• fonction cardiaque ; Ce nouveau score permet un classement clinique satisfai-
• risque coronaire ; sant des patients dans 62 % des hypothyroïdies avérées et
• état psychique. 24 % des hypothyroïdies infracliniques (tableau 5).
Bien que les résultats des études demeurent controver- Un score supérieur à 5 a une valeur prédictive positive
sés quant à l’intérêt de traiter cette maladie, il semble que de 97 %, un score inférieur ou égal à 2 a une valeur pré-
les altérations de la fonction ventriculaire gauche au repos dictive négative de 94,2 %. Par ailleurs, un certain nombre
et de la fonction systolique à l’effort, qui sont anormales de critères émergent :
en cas d’hypothyroïdie infraclinique, soient améliorées par • l’âge tend à reproduire un certain nombre des signes cli-
le traitement. La L-thyroxine augmente de façon minime
niques de l’hypothyroïdie ; il convient donc d’ajouter
mais néanmoins significative la fraction d’éjection ventri-
1 point au score final chez les sujets âgés de plus de
culaire à l’effort mais non au repos. La réduction du
55 ans ;
volume systolique, de l’index cardiaque, de la vélocité
• le tabagisme augmente la séméiologie de l’insuffisance
maximale aortique et l’allongement de la période de pré-
thyroïdienne ;
éjection pendant l’exercice, observés chez les patients
hypothyroïdiens infracliniques, sont des paramètres qui se Ce score est corrélé aux résultats des examens biolo-
normalisent après traitement par L-thyroxine [27]. giques :
• le temps de relaxation achilléen, le cholestérol total et la
Hypothyroïdie infraclinique créatine kinase sont parfaitement corrélés au score ;
et grossesse • en cas d’hypothyroïdie avérée, le score n’est pas corrélé
à la thyréostimuline mais au taux d’hormones thyroï-
Au cours de la grossesse, l’hypothyroïdie infraclinique diennes ;
est responsable d’une morbidité significative tant pour le • en cas d’hypothyroïdie infraclinique, le score est forte-
fœtus que pour la mère avec augmentation du risque ment corrélé à la thyréostimuline et à la T4L ;

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• la performance du score est logiquement affectée par le


taux de T3 (84 % des patients dont la T3 est basse sont
Dysfonction thyroïdienne
correctement classés contre 40 % seulement de ceux et grossesse
dont la T3 est normale).
La grossesse entraîne une hyperstimulation de la thy-
Des discordances peuvent survenir entre la valeur du roïde, décrite dans le chapitre physiologie. Associée à une
score et l’amplitude de variation des concentrations des carence iodée relative, elle impose un dépistage à une
hormones thyroïdiennes, indiquant une grande suscepti- large échelle chez les parturientes à risque.
bilité individuelle aux hormones thyroïdiennes.
Hyperthyroïdie et grossesse
Traitement de l’hypothyroïdie
Les causes sont dominées par la maladie de Basedow
• Principes qui induit des complications chez la mère et le fœtus. On
note chez la mère une plus grande fréquence d’hyperten-
Les principes du traitement de l’hypothyroïdie sont les sion artérielle et de pré-éclampsie. Le risque de décompen-
suivants : sation cardiaque maternelle en cas d’hyperthyroïdie non
• restauration et maintien d’une euthyroïdie jugée sur les contrôlée est majeur. L’enfant est exposé au risque de
taux de thyréostimuline et de T4L ; retard de croissance intra-utérin et de prématurité [31]
• utilisation de la L-thyroxine seule dans la grande majorité (voir ci-après).
des cas, car son taux d’absorption digestive est proche de
80 % ; elle doit donc être prise à jeun et seule ; sa demi- L’hyperthyroïdie peut passer inaperçue en début de
vie est de 7 jours. grossesse car la nervosité, les palpitations, le malaise géné-
ral ou les vomissements sont fréquents. En revanche la
• Conduite du traitement moiteur de la peau, la tachycardie, la dyspnée de moindre
effort, l’absence de prise de poids ou la perte de poids doi-
• Posologie de L-thyroxine : 1,6 g/kg/j avec de grandes vent attirer l’attention.
variations interindividuelles (de 100 à 175 g/j).
Au moindre doute, un dosage biologique met en
• Augmentation progressive de la dose :
évidence un effondrement de la thyréostimuline et une
– en cas d’hypothyroïdie ancienne,
élévation de la T4L qui confirment le diagnostic d’hyper-
– chez les patients âgés, coronariens ou atteints de trou-
thyroïdie [32].
bles du rythme cardiaque.
Rappelons que la scintigraphie est proscrite pendant la
La dose initiale doit alors être égale ou inférieure à
grossesse.
25 mg.
Le traitement fait appel aux antithyroïdiens de syn-
En cas d’angor instable ou d’infarctus du myocarde, une thèse. L’objectif recherché est d’obtenir rapidement une
intervention de revascularisation du myocarde peut être euthyroïdie afin de diminuer les posologies et, en général,
indiquée avant l’instauration du traitement, intervention de parvenir à arrêter le traitement. La surveillance en
qui peut être réalisée sans traitement substitutif [30]. période gravidique est plus rapprochée (toutes les
Les autres causes d’hypothyroïdie périphérique ou cen- 3 semaines au lieu de toutes les 6 semaines) afin d’éviter
trale ne seront pas abordées ici. toute hypothyroïdie néfaste pour le système nerveux du
fœtus. On peut d’ailleurs maintenir un taux légèrement
Le tableau 6 résume les principaux examens complé- sus-normal de T4L. Le risque de récidive en post-partum
mentaires à pratiquer en cas d’hypothyroïdie ou d’hyper- contemporain du rebond immunitaire impose un contrôle
thyroïdie. biologique systématique à 3 mois de l’accouchement.

Tableau 6 / Diagnostic biologique des hypothyroïdies et des hyperthyroïdies

Examens Diagnostic Diagnostic étiologique Surveillance

Hyperthyroïdie
En 1re intention TSH TSH, T4L ou T3L
aTPO : hyperthyroïdie auto-immune
aRTHS : Basedow
T4L Tg : thyrotoxicose factice
En 2e intention T4L et T3L Iodémie, iodurie : hyperthyroïdie iatrogène Basedow : aRTSH
si TSH normale et T4L basse VS, PCR : thyroïdite subaiguë de De Quervain
Test à la TRH : adénome thyréotrope,
résistance aux hormones thyroïdiennes
Hypothyroïdie
En 1re intention TSH TSH
T4L T4L ou T3L
aTPO (traitement
En 2e intention Test à la TRH : suspicion à la L-thyroxine)
d’hypothyroïdie secondaire T3L (traitement
ou tertiaire à la tri-iodothyronine)
TSH : thyréostimuline ; aTPO : anti-thyroperoxydase ; TRH : thyrolibérine ; aRTHS : auto-anticorps anti-récepteur à la TSH ;
Tg : thyroglobuline ; VS : vitesse de sédimentation ; PCR : polymerase chain reaction

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Fonction thyroïdienne 36

L’évolution est classiquement favorable, qu’il s’agisse Hypothyroïdie et grossesse


d’une maladie de Basedow survenant au cours de la gros-
sesse ou bien d’une grossesse au cours du traitement d’un La fréquence de l’hypothyroïdie gravidique s’élève à 2
Basedow. à 3 % lorsqu’on y intègre les hypothyroïdies infracliniques
frustes (thyréostimuline augmentée, T4L non diminuée).
La prise en charge doit néanmoins être pluridiscipli-
naire : obstétricien, endocrinologue, pédiatre et médecin Les risques de l’hypothyroïdie maternelle sont respecti-
traitant. vement pour la mère et l’enfant une plus grande fré-
quence d’hypertension artérielle, de pré-éclampsie et de
Les anticorps thyréostimulants passent la barrière pla- prématurité.
centaire et peuvent provoquer une hyperthyroïdie fœtale
alors même que la maladie est contrôlée chez la mère. Les Il a été démontré que la présence d’auto-anticorps anti-
conséquences de cette hyperthyroïdie sont graves : préma- thyroïdiens chez la mère était associée à un quotient intel-
turité, retard de croissance intra-utérin, avance de matu- lectuel plus faible chez l’enfant [35]. On a mis en évidence
ration osseuse, craniosténose, défaillance cardiaque et plus récemment un retentissement de l’hypothyroïdie
mort in utero. maternelle sur le développement psychomoteur des
enfants [28].
Les antithyroïdiens de synthèse franchissent la barrière
placentaire et peuvent générer chez l’enfant un goitre ou En dehors des causes évidentes d’hypothyroïdie (chirur-
une hypothyroïdie. Il faut donc utiliser la plus petite dose gie, radiothérapie, etc .), l’étiologie la plus courante est la
efficace chez la mère. thyroïdite lymphocytaire chronique d’Hashimoto. Les
signes cliniques sont identiques à ceux décrits en dehors
Quelques cas d’aplasie du scalp mais surtout des syn-
de la grossesse. La présence d’un goitre prend toute sa
dromes malformatifs avec atrésie de l’œsophage, hypopla-
valeur.
sie diaphragmatique et imperforation des choanes ont été
décrits avec le méthimazole, métabolite actif du carbima- En raison des difficultés d’interprétation des résultats
zole, quand il est utilisé à forte dose et en association avec de T4L pendant la grossesse, le diagnostic biologique ne
la thyroxine [33]. Ce schéma doit donc être proscrit chez la repose que sur l’élévation du taux de thyréostimuline. La
parturiente. présence d’anticorps antiperoxydase ou anti-thyroglobu-
line confirme le diagnostic de thyroïdite.
Il semble préférable d’utiliser, chez la femme enceinte,
une association carbimazole-propylthiouracile avec un Le traitement entrepris d’emblée à forte posologie (de
relais le plus précoce possible avec le propylthiouracile 1,7 à 2,4 mg/kg) a pour objectif d’amener la thyréostimu-
(avant la période d’embryogenèse des organes concernés line dans la moitié inférieure de la zone de référence (de
par les malformations décrites). 1 à 1,5 mUI/L).
La contraception est de règle pendant le traitement
d’une maladie de Basedow chez la femme non gestante. Thyroïdite du post-partum
Elle survient dans 2 à 7 % des grossesses, vers le sixième
Thyrotoxicose mois du post-partum, en général chez des patientes por-
gestationnelle transitoire teuses d’anticorps anti-thyroperoxydase. Il s’agit d’un phé-
et hyperémèse gravidique nomène auto-immun qui récidive à chaque grossesse et qui
semble s’intégrer au rebond d’activité immunologique qui
Ce syndrome est lié à l’exagération des modifications suit l’accouchement.
de la fonction thyroïdienne en début de grossesse. Ces
La phase d’hypothyroïdie survient entre 5 et 7 mois
anomalies sont transitoires et passent en général inaper-
après l’accouchement. L’asthénie, la difficulté à perdre le
çues à l’exception des formes graves.
poids acquis pendant la grossesse et la tendance dépressive
Le début de la maladie est marqué par la survenue de sont les signes le plus souvent retrouvés. On peut palper
vomissements importants. Quand ils deviennent incoerci- un goitre indolore. Il n’y a pas de signes oculaires. En réa-
bles et s’accompagnent d’amaigrissement, voire de trou- lité, la phase d’hypothyroïdie a souvent été précédée d’une
bles hydro-électrolytiques, ils constituent l’hyperémèse phase d’hyperthyroïdie autour du troisième mois du post-
gravidique. L’altération de l’état général associée est partum passée inaperçue. L’évolution est donc typique-
davantage la conséquence des vomissements plutôt que ment biphasique.
de l’hyperthyroïdie qui est de courte durée.
Les signes biologiques sont marqués par une élévation
La biologie révèle un effondrement de la thyréostimu- de la thyréostimuline, en général cliniquement muette à
line et une augmentation de la T4L. On ne retrouve pas l’exception d’une dépression du post-partum. Les signes
d’anticorps antithyréostimuline. Le taux d’hCG est élevé. disparaissent la plupart du temps en quelques semaines
sans qu’il soit besoin de recourir à un traitement substitu-
La thyrotoxicose gestationnelle et l’hyperémèse gravi-
tif.
dique sont plus fréquentes en cas de grossesse multiple au
cours desquelles le pic d’hCG est prolongé. L’hypothyroïdie s’avère définitive dans 20 % des cas.
Le traitement est le plus souvent inutile. Dans les cas les plus typiques, l’hypothyroïdie suit une
phase initiale de thyrotoxicose cytolytique auto-immune
De manière exceptionnelle, ce syndrome est révélateur
qui apparaît entre 2 et 4 mois après le post-partum [25].
d’une grossesse molaire.
La relation entre hCG, hyperémèse gravidique et thyro-
toxicose gestationnelle n’est pas univoque. On peut en
Auto-immunité et grossesse
effet observer une hyperémèse en l’absence de thyrotoxi- La présence d’anticorps antithyroïdiens avant ou au
cose, voire en association avec une hypothyroïdie, ou début de la grossesse prédispose à la décompensation
encore sans pic d’hCG. Une susceptibilité individuelle ou d’une hypothyroïdie latente et est prédictive du risque de
une prédisposition génétique est possible [34]. thyroïdite du post-partum [12].

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Ces anticorps semblent associés à une plus grande hypo- vitro chez les femmes possédant des anticorps antithyroï-
fertilité caractérisée par une plus grande fréquence d’avor- diens et que le nombre d’avortements précoces était plus
tements précoces. fréquent. Il semble que les hormones thyroïdiennes puis-
sent jouer un rôle dans le développement du placenta
Des études récentes menées chez des patientes béné-
[36].
ficiant de programmes de procréation médicale assistée
ont permis de montrer que la fonction thyroïdienne après La question qui se pose est donc celle d’un dépistage
l’ovulation différait selon que les femmes possédaient ou systématique. Il reste à définir quel est le meilleur test
non des anticorps. Dans le groupe anticorps, la thyréosti- diagnostique entre le dosage de la thyréostimuline ou
muline est plus élevée et la T4L plus basse, ce qui suggère celui des anticorps. Enfin, si l’hypothyroïdie maternelle
une diminution de la réserve fonctionnelle thyroïdienne même fruste est associée à un développement intellectuel
[25]. On a également démontré que la fréquence des gros- moins bon, il n’est pas démontré qu’un traitement précoce
sesses évolutives était plus faible après fécondation in améliore ce développement.

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416
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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

37
Physiologie
• Structure et métabolisme
• Maintien de la pression oncotique
de l’albumine
• Propiétés
• Hypo-albuminémie Jean-Louis Vincent
Department of Intensive Care,
Erasme University Hospital, Brussels

albumine est une importante molécule sur le Le mécanisme de passage de l’albumine de l’espace
plan physiologique et physiopathologique. Elle intravasculaire vers l’interstitium est assez complexe. Les
exerce des effets importants multiples, qui ont été capillaires de l’organisme présente un degré variable de
revus récemment [1]. perméabilité à l’albumine, certains présentant des sinu-
soïdes très largement ouverts (comme le foie et la moelle
osseuse) ou des capillaires fenêtrés (comme dans l’intestin

Structure et métabolisme
ou le pancréas). De plus, l’albumine peut passer au travers
des cellules endothéliales bordant les capillaires.
L’albumine entre par des vésicules contenues dans la mem-
L’albumine est composée de 585 acides aminés et a un brane endothéliale. La perméabilité vasculaire ne dépend
poids moléculaire de 66 à 69 000 Da. Avec une concentra- pas seulement des cellules endothéliales, mais aussi du gly-
tion de l’ordre de 4 g/dL, elle représente environ 60 % du cocalyx, cette couche de quelques microns à la surface des
total des protéines présentes dans le plasma. La molécule cellules endothéliales, composée de glycosaminoglycans
d’albumine circulante présente une série de trois domaines mais pas d’albumine (en partie en raison de charges élec-
cylindriques ou hélices en parallèle, retenues par 17 ponts triques négatives qui se repoussent mutuellement).
disulfure. La molécule finale a une forme ellipsoïde, la ren- L’albumine tend à s’accumuler devant le glycocalyx, pour
dant peu visqueuse et très flexible. Par ses effets rhéolo- limiter la fuite capillaire. Toutefois, le glycocalyx est rapi-
giques importants, l’albumine semble préserver la dement altéré au cours des états inflammatoires, facilitant
structure des érythrocytes circulants. Elle est fortement le passage d’eau et de molécules (dont l’albumine) dans
électronégative, à un pH voisin de 7,40. l’interstitium.

Métabolisme
L’albumine est synthétisée uniquement par le foie, à rai-
son de 12 à 20 g par jour (figure 1). La quantité totale d’al-
bumine de l’adulte est de l’ordre de 300 g. La dégradation
Production Dégradation
de l’albumine prend place pour environ 50 % dans le mus-
cle et la peau et 15 % dans le foie ; 10 % sont associés à Muscle/peau 50 %
des pertes digestives. Foie 100 % Foie 15 %
Le compartiment plasmatique comprend environ 40 % Tube digestif 10 %
du pool total de l’albumine, tandis que le liquide intersti- Autres 25 %
tiel, où la concentration est moindre mais l’espace beau- 12-20 g/j 12-20 g/j
coup plus vaste, en contient environ 60 %. La peau et le
muscle contiennent environ 15 % d’albumine. Il existe un 300 g
échange important d’albumine au travers de ces deux com-
partiments puisqu’une quantité totale équivalente au
contenu plasmatique (de l’ordre de 120 g) sort chaque jour Intravasculaire Interstitiel
de l’espace intravasculaire ; la plus grande partie y (plasma) 10 L
retourne par le drainage lymphatique. L’albumine passe 3L
40 g/L 18 g/L
également dans le tube digestif (environ 1 g/j) mais sa Total 120 g 180 g
digestion libère des acides aminés et des peptides qui sont
réabsorbés. La demi-vie de l’albumine dans le corps est de Figure 1 / Métabolisme de l’albumine
l’ordre de 18 jours.

417
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Synthèse hépatique Landis et Pappenheimer ont défini empiriquement la


relation entre pression oncotique et concentration en pro-
de l’albumine téines par l’équation suivante :
pression oncotique = 2,1 × p + 0,16p2 + 0,09 × p3
Le foie est le seul endroit synthétisant l’albumine. où p représente la concentration plasmatique en pro-
L’albumine n’y est pas stockée mais directement libérée téines.
dans la circulation. L’activité de synthèse d’albumine par le
foie utilise déjà une grande quantité de ces possibilités à Il faut toutefois souligner que cette formule n’est pas
l’état de base, si bien que la synthèse d’albumine ne peut très fiable chez le malade en état critique. On peut direc-
pas augmenter au-delà de 2 à 2,5 fois la normale. La syn- tement mesurer la pression oncotique au moyen d’un
thèse d’albumine est déterminée par différents facteurs : oncomètre : il s’agit d’un petit appareil assez simple dispo-
• le degré de nutrition de l’individu : la disponibilité en sant d’un transducteur et d’une membrane semi-perméa-
acides aminés et aussi en calories est évidemment très ble.
importante ; L’effet osmotique direct représente seulement 60 % de
• la réponse inflammatoire : les cytokines de la réaction la pression oncotique exercée par l’albumine. Les autres
inflammatoire, comme le tumor necrosis factor (TNF) et 40 % sont les résultats de la charge négative importante
l’interleukine 6 (IL-6), diminuent la disponibilité en ARN qui représente une force attirant des particules chargées
messager ; positivement à l’intérieur des vaisseaux par un effet appelé
• l’environnement hormonal : l’insuline est nécessaire à la l’effet Gibbs-Donnan.
synthèse d’albumine et les apports accrus en insuline
peuvent en accroître la synthèse. La quantité de liquide passant au travers des capillaires
est définie par l’équation de Starling :
J = K [(Pmv – Ppmv) – s (Πmv – Πpmv)]
Maintien dans laquelle : J est la quantité de liquide passant au
travers des capillaires, Pmv la pression hydrostatique micro-
de la pression oncotique vasculaire, Ppmv la pression hydrostatique périmicrovascu-
laire, Πmv la pression oncotique microvasculaire, Πpmv la
Le maintien de la pression oncotique (ou pression pression oncotique périmicrovasculaire, K le coefficient de
osmotique colloïde) du plasma est essentiellement due à filtration et s le coefficient de réflexion.
la plus grande concentration en protéines dans le sang. En Comme on peut le voir, les différences de pression onco-
effet, la concentration en protéines est de l’ordre de 7 g/dL tique s’opposent donc aux différences de pression hydro-
dans le plasma versus 2 à 3 g/dL dans le liquide interstitiel. statique mais leur effet est pondéré par le coefficient s qui
D’après l’équation de van’t Hoff décrivant les propriétés est compris entre 0 (dans ce cas, les pressions oncotiques
d’une membrane semi-perméable, la pression oncotique n’ont plus aucune influence) et 1 (dans ce cas, l’effet des
est égale à : pressions oncotiques est maximal).
RTc/M + kc2
dans laquelle c est la concentration de la substance et M Il existe une anomalie génétique rare, caractérisée par
son poids moléculaire, R la constante universelle des gaz, une quasi analbuminémie : ces individus présentent des
T la température absolue et k une constante. œdèmes importants mais ont néanmoins une espérance de
vie raisonnable.
Donc, la pression oncotique exercée par une substance
est directement proportionnelle à sa concentration et inver- Il est évident que la perméabilité des capillaires peut
sement proportionnelle à son poids moléculaire. C’est ainsi être significativement altérée dans les états inflammatoires
que l’albumine, avec son poids moléculaire de 66- sous l’effet de différentes cytokines (notamment le TNF et
69 000 Da, est responsable pour 75 à 80 % de la pression l’IL-6), des produits de l’acide arachidonique comme les
oncotique du plasma, tandis que les globulines, avec un leucotriènes, le platelet activating factor (PAF), les radicaux
poids moléculaire de l’ordre de 140 000 Da, contribuent libres oxygène, les facteurs du complément, des peptides
pour environ 20 %. Le fibrinogène y contribue de manière comme la bradykinine et l’histamine…
négligeable.

Propriétés
Liaison de substances
Produits de
à l’albumine
l’acide arachidonique
La structure de l’albumine est telle qu’elle peut s’asso-
Acides gras NO Ions cier à un grand nombre de substances naturelles ou étran-
Vitamines (Ca, Mg)
gères (notamment les médicaments). En raison de sa
(D) Métaux structure moléculaire particulière, l’albumine peut même
Albumine
(Cu) enfermer certaines substances à l’intérieur de sa structure.
Hormones
AINS Cortisol Il y a peu de relations entre la charge négative de l’albu-
Sédatifs mine et le degré de liaison à sa molécule. Parmi les subs-
Médicaments Bilirubine Acides Thyroxine
aminés tances endogènes qui se lient à l’albumine, on reconnaît
Anti-épileptiques Enzymes les acides biliaires, les produits de l’acide arachidonique,
Antibiotiques
Anticoagulants des vitamines, des acides gras… (figure 2). L’albumine peut
Digitaliques aussi se lier au monoxyde d’azote (NO) par les groupe-
Immunosuppresseurs ments sulfhydryl. La liaison du NO avec ces radicaux forme
Figure 2 / Liaisons de l’albumine avec diverses molécules un nitrosothiol qui empêche la dégradation rapide du NO.
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; NO : monoxyde d’azote. Ceci peut contribuer à certaines propriétés vasodilatatrices
et anticoagulantes de l’albumine.

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Physiologie de l’albumine 37

L’albumine se lie aux médicaments (figure 2). L’hypo-


albuminémie peut donc produire une augmentation de Hypo-albuminémie
l’espace de distribution de ces médicaments et ainsi en
diminuer l’efficacité.
Causes d’hypoalbuminémie
Effets anti-oxydants La figure 3 reprend les causes principales d’hypo-
albuminémie :
L’albumine présente des effets anti-oxydants impor- • la diminution de synthèse hépatique peut être secon-
tants qui sont largement dus à la présence de groupe daire à la malnutrition et à la redirection de la synthèse
sulfhydryl dans la molécule. L’albumine peut diminuer l’in- hépatique en faveur des protéines de la phase aiguë ;
fluence d’une série de molécules comme l’acide hypo- • l’élimination accrue d’albumine peut être due à plusieurs
chlorique (HOCl) formé par la myéloperoxydase libérée par facteurs :
les neutrophiles activés. – pertes extérieures, digestives, cutanées et éventuelle-
ment urinaires,

Effets anticoagulants
– pertes internes dans l’interstitium en cas d’altération de
la perméabilité vasculaire (« le troisième espace »),
– catabolisme accru ;
L’albumine a des effets anticoagulants par un méca-
• l’hémodilution participe à la diminution des concentra-
nisme proche de l’héparine, dont la structure moléculaire
tions plasmatiques.
n’est d’ailleurs pas éloignée. Les patients présentant un
syndrome néphrotique ont un état d’hypercoagulabilité
qui pourrait être due à l’hypo-albuminémie. L’étude SAFE
[2] a montré que les malades ayant reçu des perfusions Valeur pronostique
d’albumine avaient des besoins transfusionnels plus impor-
tants.
de l’hypo-albuminémie
Une multitude d’études ont montré que l’albuminémie

Intégrité microvasculaire sérique représente un indice pronostique fiable. Le taux de


mortalité est inversement proportionnel à l’albuminémie.
Bien entendu, il ne s’agit pas nécessairement d’une rela-
Il semble bien que l’albumine puisse limiter les altéra-
tions de perméabilité vasculaire, en partie par ses effets tion de cause à effet. L’albuminémie est notamment
anti-inflammatoires (notamment anti-oxydants). Il est pos- influencée par le degré de nutrition des malades ou par
sible que l’albumine puisse altérer les glycoprotéines de la leur degré de dysfonction hépatique éventuelle.
paroi vasculaire. L’albumine peut notamment prévenir Néanmoins, une série d’études ont suggéré que la correc-
l’apoptose de cellules endothéliales. La charge électrique tion de l’hypo-albuminémie pouvait avoir des effets béné-
négative de l’albumine pourrait aussi repousser d’autres fiques notamment au cours du choc septique [3] ; ceci reste
molécules chargées négativement. néanmoins contesté.

Diminution de synthèse :
– malnutrition Albumine
– fonction hépatique altérée
– priorité donnée à la réponse
inflammatoire Vaisseau
sanguin

Vasodilation
(inflammation)
Pertes : Fuite capillaire
– sanguines (inflammation)
– digestives
– rénales
– cutanées
Dégradation
accrue
Figure 3 / Causes d’hypo-albuminémie

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Conclusion sion oncotique mais par une série d’autres actions de


transport de substance, d’effets anti-oxydants et de main-
tien de l’homéostasie circulatoire. L’hypo-albuminémie est
L’albumine a une série de fonctions importantes, non associée à une série de complications et à un moins bon
seulement par sa participation dans le maintien de la pres- pronostic.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Vincent JL, Russell JA, Jacob M, et al. Albumin administration in [3] Caironi P, Tognoni G, Masson S, et al. Albumin replacement in
the acutely ill: what is new and where next? Crit Care 2014 ; 18 : 231. patients with severe sepsis or septic shock. N Engl J Med 2014 ; 370 :
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SAFE Study Investigators. A comparison of albumin and saline for
fluid resuscitation in the intensive care unit. N Engl J Med 2004 ;
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420
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page421

PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

38
• Axe hypothalamo-hypophyso-surrénal
Stress et hormones
• Axe glucose-insuline
• Axe adrénergique
Virginie Maxime*, Hélène Prigent**,
• Axe thyroïdien Djillali Annane*
• Hormone de croissance * Service de réanimation médicale, Hôpital Raymond-Poincaré,
• Vasopressine ou hormone antidiurétique université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
** Service d’explorations fonctionnelles, Hôpital Raymond-Poincaré,
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches

organisme est pourvu de systèmes de contrôle stress dépend de la nature de l’agression et des
garants de l’homéostasie des grandes fonctions : le particularités physiologiques ou pathologiques de
système hormonal et le système nerveux auto- l’hôte. La perte de l’homéostasie peut résulter soit
nome, décrits par Sterling et Eyer sous le terme d’une agression qui dépasse les capacités de
allostasis [1]. Lors d’une agression, quelle qu’elle défense de l’hôte, soit d’une réponse exagérée de
soit, la survenue et l’intensité des perturbations l’hôte.
des systèmes biologiques vont dépendre de la Jusqu’en 2016, la réponse à l’agression était définie
réponse intégrée de ces deux systèmes. comme un continuum, depuis la simple infection
Une hormone est une substance synthétisée par jusqu’au choc septique (tableau 1).
des cellules spécialisées, les cellules endocrines,
sécrétée dans la circulation et agissant sur des cel-
lules cibles à distance du lieu de production. À l’op- En 2016, la nouvelle définition du sepsis – sepsis-3 –
posé, les substances autocrines et paracrines envisage le sepsis comme un dysfonctionnement d’organes
agissent sur leur lieu de synthèse. Ces dernières ne causé par une dérégulation de la réponse de l’hôte à une
seront pas détaillées dans ce chapitre. Quel que infection, mettant potentiellement la vie en danger [2].
soit leur type, hydrosoluble ou liposoluble, les hor-
mones agissent toutes par l’intermédiaire d’un La dysfonction d’organes est évaluée par un score SOFA
récepteur. Le complexe hormone-récepteur supérieur ou égal à 2, associé à une mortalité intra-hospi-
déclenche un signal intracellulaire activant les sys- talière supérieure à 10 %.
tèmes enzymatiques effecteurs. Le choc septique est défini comme « un sous-ensemble
D’après la définition du Larousse : « Le stress est de la septicémie dans laquelle des anomalies circulatoires,
l’ensemble des perturbations biologiques et psy- cellulaires et métaboliques particulièrement profondes,
chiques provoquées par une agression quelconque sont associées à un risque plus élevé de mortalité qu’avec
sur un organisme. Le stress est déclenché par le cer- le sepsis seul ». Les patients atteints de choc septique sont
veau, qui stimule la sécrétion de corticoïdes et cliniquement identifiés par « la nécessité d’utilisation d’un
d’adrénaline par les surrénales. Il s’ensuit une acti- vasopresseur pour maintenir une pression artérielle
vation générale non spécifique, physique et psy- moyenne de 65 mmHg ou plus et un niveau de lactate
chique, favorable à la défense de l’organisme. sérique supérieur à 2 mmoL/L (> 18 mg/dL) en l'absence
Cependant, un stress intense ou prolongé serait d'hypovolémie ». Cette combinaison est associée à des taux
source de divers troubles (anxiété, fatigue, ulcère de mortalité supérieurs à 40 % à l'hôpital.
gastrique, angine de poitrine, eczéma...). » Le stress
est donc un processus complexe qui comporte une Aux urgences, les patients infectés présentant au moins
agression – plus physique que psychique – et la deux des critères cliniques du quickSOFA (qSOFA), à savoir
réponse intégrée de l’hôte. Ainsi, la traduction du une fréquence respiratoire de 22/min ou plus, des troubles

Tableau 1 / Définition du sepsis avant 2016

Réponse inflammatoire Hypotension,


Site infectieux Échec remplissage
systémique hypoperfusion
Infection Oui Non Non Non
SIRS Non Oui Non Non
Sepsis Oui Oui Non Non
Sepsis sévère Oui Oui Oui Non
Choc septique Oui Oui Oui Oui
SIRS : syndrome de réponse inflammatoire systémique

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

de la vigilance, ou une pression artérielle systolique de gine de l’effet physiologique des glucocorticoïdes, tandis
100 mmHg ou moins sont à risque d’évoluer défavorable- qu’une régulation négative se traduit par une augmenta-
ment vers un sepsis. tion de la transcription des gènes codant pour les protéines
de l’inflammation.

Axe hypothalamo-
Les glucocorticoïdes interviennent sur l’homéostasie
cardiovasculaire par des mécanismes non entièrement

hypophyso-surrénal connus. Ils modulent la réactivité vasculaire à l’angioten-


sine II et aux catécholamines ainsi que la perméabilité vas-
culaire. Ils diminuent la production d’oxyde nitrique et
Le cholestérol est à l’origine des différentes étapes de d’autres substances vasodilatatrices. Les glucocorticoïdes
la stéroïdogenèse dont les réactions enzymatiques vont modulent également la réponse inflammatoire en agissant
donner naissance aux minéralocorticoïdes et aux glucocor- à tous les niveaux, du recrutement des cellules inflamma-
ticoïdes (figure 1) (voir chapitre 35). toires à la production des différents médiateurs. Enfin, ils
contribuent à l’homéostasie du métabolisme énergétique
en augmentant la néoglucogenèse hépatique, la quantité
Axe glucocorticoïde de sucre disponible pour les tissus et la libération d’acides
gras libres et d’acides aminés.
À l’homéostasie
À l’état basal, la production du cortisol, de 55 mmol/j Au cours du stress
chez l’homme et de 44 mmol/j chez la femme, est sous la La phase initiale du sepsis est marquée par une activité
dépendance de la sécrétion pulsatile d’hormone cortico- inflammatoire intense, liée à la reconnaissance par le sys-
trope hypophysaire (ACTH, adrenocorticotropic hormone). tème de défense immunitaire de certains composants des
Elle suit un rythme circadien fonction de l’alternance veille- espèces bactériennes (endotoxines des bactéries à Gram
sommeil, avec un pic de sécrétion le matin puis une négatif, peptidoglycanes, acide teichoïque) appelés motifs
décroissance nycthémérale. L’ACTH est sécrétée par l’hypo- moléculaires associés à un pathogène (PAMP, pathogen
physe, sous influence de l’hormone de libération de l’hor- associated molecular pattern) [4]. Il en résulte une cascade
mone corticotrope (CRH, corticotropin releasing hormone), d’événements aboutissant à une activation systémique de
d’origine hypothalamique. Ces deux hormones sont la coagulation et à une activité prédominante des média-
sujettes à un rétrocontrôle négatif par le cortisol. teurs pro-inflammatoires. Parallèlement, afin de rétablir
L’essentiel du cortisol plasmatique (90 %) est fixé de façon l’homéostasie, des processus fibrinolytiques et anti-inflam-
réversible (liaison de haute affinité mais de faible capacité) matoires sont activés. Ainsi, plus on s’éloigne du début de
à une glycoprotéine de transport, la transcortine (CBG, cor- l’agression, plus l’activité anti-inflammatoire domine.
tisol binding globuline), constituant ainsi un pool de Schématiquement, on considère trois états : le syndrome
réserve et ce, d’autant qu’il n’existe pas de forme de de réponse inflammatoire systémique (SIRS), le syndrome
stockage du cortisol dans les cellules corticosurrénaliennes. de réponse anti-inflammatoire « compensatrice » (CARS,
Les 10 % de cortisol restant sont sous forme libre. controlled anti-inflammatory response syndrome) et l’état
d’homéostasie (MARS, mixt anti-inflammatory response
Les glucocorticoïdes agissent en se fixant sur le récep-
syndrome) [5].
teur cytoplasmique de type II, ubiquitaire [3]. En l’absence
de ligand, le récepteur est maintenu dans une conforma- Les glucocorticoïdes influencent le recrutement et la
tion inactive car il est associé à un complexe protéique fonction des différentes cellules inflammatoires, régulent
comprenant, entre autres, les protéines du choc thermique la synthèse et l’activité de nombreuses protéines de l’in-
(HSP pour heat shock protein) 90 et 56. En présence du flammation, telles les cytokines, l’oxyde nitrique (NO), la
ligand, celles-ci sont libérées. Un nouveau complexe cyclo-oxygénase de type II et la phospholipase A2 [6, 7]. Ils
ligand-récepteur est formé puis internalisé. Il se fixe alors déterminent l’état de réponse de l’hôte, le SIRS, le CARS et
sur une zone spécifique de l’ADN, pour réguler la trans- le MARS. Il est observé une augmentation des taux de cor-
cription de gènes cibles. Une régulation positive est à l’ori- tisol plasmatique proportionnelle à la sévérité du sepsis.

MINÉRALO- GLUCO-
ANDROGÈNES
CORTICOÏDES CORTICOÏDES
Cholestérol

17 OH 17 OH 17,20 lyase
Desmolase Prégnénolone DHA
Prégnénolone
3 B OHSD 3 B OHSD 3 B OHSD
17 OH 17 OH 17,20 lyase Delta 4
Progestérone
Progestérone androstènedione
21 OH 21 OH 17 B HDS
DOC Composé S Testostérone
11 OH 11 OH
Corticostérone (B) Cortisol
18 OH
18 OH B
18 OH Figure 1 / Stéroïdogenèse
déshydrogénase OH : hydroxylase
Aldostérone OHSD : hydroxystéroïde-déshydrogénase.

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Stress et hormones 38

Cette augmentation est la conséquence de la perte du Au cours du choc septique, la réponse glucocorticoïde
cycle nycthéméral du cortisol, par augmentation de la pro- est insuffisante dans 30 à 70 % des cas. Cette insuffisance
duction de CRH et d’ACTH dépendante des cytokines pro- surrénale est de mauvais pronostic [18-20]. Cette réponse
inflammatoires circulantes, de l’activation des fibres cortisolique inadaptée à la sévérité de l’atteinte est appe-
afférentes vagales au site de l’agression et de la diminution lée CIRCI (critical illness-related corticosteroid insufficiency)
du rétrocontrôle négatif du cortisol [8]. Par ailleurs, la pro- [21].
téine porteuse du cortisol (la CBG) est diminuée [9], contri-
buant là aussi à augmenter la fraction libre du cortisol. Plusieurs mécanismes, probablement intriqués, sont
Celle-ci est également augmentée au niveau même du site proposés :
infectieux, par clivage enzymatique du complexe protéine- • un défaut de synthèse du cortisol soit irréversible, par
transporteur, par des élastases sécrétées par les polynu- destruction anatomique des surrénales (syndrome de
cléaires neutrophiles et par la conversion de cortisone en Waterhouse Friderichsen) ou de l’hypophyse (syndrome
cortisol. Ainsi, un stress aigu et intense simule biologique- de Sheehan), soit réversible, lié à des inhibitions enzyma-
ment un syndrome de Cushing ACTH dépendant (réponse tiques aux trois étages de l’axe, par des médiateurs de
protectrice importante). l’inflammation ou par des médicaments (par exemple
étomidate, kétoconazole) ;
Les interactions entre les cytokines et l’axe hypotha- • une diminution du transport du cortisol ou du décou-
lamo-hypophyso-surrénal sont complexes. Au cours du sep- plage au niveau tissulaire entre la CBG et le cortisol (acti-
sis, les cytokines circulantes pro-inflammatoires – telles que vité antiélastase) ;
le TNF-a (tumor necrosis factor a) et les interleukines • une diminution du nombre ou de l’affinité du récepteur
(IL) -1, -6 et -2 – induisent une libération de vasopressine aux glucocorticoïdes ;
et de CRH. Par ailleurs, l’expression de certains médiateurs • une conversion excessive du cortisol en cortisone, forme
de l’inflammation tels que l’IL-1b et l’oxyde nitrique a été inactive.
démontrée au niveau de nombreuses régions cérébrales,
notamment l’hypothalamus [8]. De même, au niveau sur- Sur le plan clinique, l’installation rapide de l’insuffi-
rénalien, la production des cytokines IL-6 et TNF-a ainsi que sance surrénale ne permet pas le développement de signes
l’expression de leurs récepteurs ont été retrouvées [10, 11]. spécifiques tels que l’hyperpigmentation ou le vitiligo. Les
autres signes cliniques sont non spécifiques. Toutefois, au
Le lipopolysaccharide (LPS) induit la synthèse de cyto- cours du sepsis, le diagnostic d’insuffisance surrénale doit
kines anti-inflammatoires, telles que l’IL-1 receptor anta- être évoqué devant une instabilité hémodynamique, la
gonist (IL-1ra), l’IL-10 et l’IL-13, capables de régulation aux pérennisation de l’inflammation alors que l’infection est
niveaux hypothalamique et hypophysaire. contrôlée, une hypoglycémie, une hyperéosinophilie. Le
Au cours du sepsis, l’augmentation des glucocorticoïdes diagnostic sera confirmé par un cortisol plasmatique infé-
plasmatiques vise à rétablir l’homéostasie cardio- rieur à 15 mg/dL ou supérieur à 15 mg/dL, mais une augmen-
vasculaire. Au niveau cardiaque, ils augmentent le nombre tation inférieure à 9 mg/dL après 250 mg d’ACTH (figure 2).
et l’affinité des récepteurs b-adrénergiques pour leurs ago- Par ailleurs, un cortisol basal supérieur à 34 mg/dL et une
nistes [12-16]. Au niveau vasculaire, ils augmentent la augmentation de cortisol après ACTH supérieure à 9 mg/dL
sensibilité aux catécholamines [17]. Les mécanismes suggèrent une résistance tissulaire aux glucocorticoïdes.
demeurent incertains : facilitation de couplage agoniste-
Sur le plan thérapeutique, lors de chocs septiques
récepteur, augmentation du calcium intracellulaire, inhibi-
réfractaires avec échec du remplissage et des catéchola-
tion de la NO synthétase inductible (iNOS) ou de la
mines, le traitement substitutif par hydrocortisone – de 200
cyclo-oxygénase II (COX II).
à 300 mg/24 h pendant au moins 7 à 11 jours – associé le
Cette augmentation des glucocorticoïdes a également cas échéant à de la 9-a-fludrocortisone – 50 mg/j – peut être
pour objectif de compartimentaliser la réponse inflamma- proposé afin d’atténuer le syndrome de réponse inflam-
toire et de redistribuer le glucose vers les cellules insulino- matoire systémique, d’améliorer l’hémodynamique, de
indépendantes (neurones et cellules inflammatoires réduire la durée du choc et d’améliorer la survie à court et
notamment). long termes [22].

Cortisol de base

< 15 µg/dL 34 µg/dL > 34 µg/dL

Test au synacthène Test au synacthène

Delta cortisol Delta cortisol

< 9 µg/dL > 9 µg/dL < 9 µg/dL > 9 µg/dL

Insuffisance Insuffisance Pas Insuffisance Cortico-


surrénale surrénale d'insuffisance surrénale résistance
Figure 2 / Conduite à tenir totale relative surrénale relative
devant une suspicion
d’insuffisance surrénale
9 a fludro : 9-a-fludrocortisone ; HSHC + 9 α fludro HSHC + 9 α fludro Pas de traitement HSHC + 9 α fludro HSHC
HSHC : hémisuccinate d’hydrocortisone. substitutif + 9 α fludro

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Des altérations de la réponse glucocorticoïde sont éga- • mobilisation du pool de transporteurs de glucose sur des
lement rapportées dans d’autres situations de stress, telles cellules cibles, tels le muscle et le tissu adipeux ;
que le patient infecté par le VIH [23], le polytraumatisé [24] • activation de la transcription du gène de la glucokinase
ou en postopératoire de chirurgie cardiaque [25]. hépatique ;
• activation de la glycogène synthétase et inhibition de la
glycogène phosphorylase.
Une augmentation de la cortisolémie, avec perte de
la pulsatilité de sa sécrétion, est observée au cours Le glucose joue un rôle primordial dans le métabolisme
du stress visant à maintenir l’homéostasie, par aug- cellulaire, les processus énergétiques, la synthèse des gly-
mentation de la réactivité vasculaire et modulation coprotéines et des acides nucléiques. Son entrée dans la
de la réponse inflammatoire. Une réponse insuffi- cellule se fait par l’intermédiaire de transporteurs du glu-
sante peut se traduire par une insuffisance surréna- cose permettant soit un transport facilité, via les protéines
lienne relative, de mauvais pronostic. GLUT (transporteurs du glucose), soit un transport actif, via
les transporteurs sodium glucose (SGLT protéines).
Les autres actions de l’insuline sont une stimulation de
Axe minéralocorticoïde la croissance (différenciation et trafic intracellulaire) ainsi
qu’une augmentation de la lipogenèse, de la glycogenèse
À l’homéostasie et de la synthèse des protéines. Pour cela, elle se fixe à un
récepteur ubiquitaire, membranaire, de la famille des tyro-
L’aldostérone, principale hormone de la fonction miné- sines kinases, incluant l’IGF-1 (insulin-like growth factor
ralocorticoïde, est synthétisée au sein de la glomérulée de receptor) et l’IRR (insulin receptor related receptor).
la surrénale, sous le contrôle du système rénine-angioten-
sine. Les autres systèmes de régulation à court terme sont L’insuline supprime la sécrétion et antagonise l’effet de
la kaliémie (l’hyperkaliémie stimule la sécrétion d’aldo- médiateurs de l’inflammation, tels le TNF [28], le macro-
stérone, l’hypokaliémie l’inhibe) et l’ACTH. Sont aussi phage MIF (migration inhibitory factor) et les anions super-
impliqués dans la régulation de la synthèse d’aldostérone oxydes [29]. À l’inverse, elle atténue la production de
la dopamine, le facteur atrial natriurétique (FAN), la séro- protéines de la phase aiguë de l’inflammation, telles que
tonine, les prostaglandines et l’endothéline. Le mécanisme la protéine C réactive (CRP) et l’haptoglobine. De plus, elle
intracellulaire de stimulation de la sécrétion d’aldostérone agit sur l’adipocyte, considéré récemment comme cellule
par l’angiotensine II et le potassium est médié par le cal- endocrine, sécrétrice entre autres de leptine. Or, il a été
cium ; la stimulation par l’ACTH dépend de l’AMP cyclique. démontré que cette protéine peut, en association avec le
La synthèse des minéralocorticoïdes fait appel à une cas- TNF-a, induire la production d’IL-6, de CRP et d’autres réac-
cade de réactions enzymatiques : l’angiotensinogène tifs de la phase aiguë de l’inflammation [30].
hépatique est transformé en angiotensine I par la rénine,

Au cours du stress
elle-même convertie en angiotensine II par l’enzyme de
conversion, présente essentiellement dans le poumon.
Les minéralocorticoïdes contrôlent la tension artérielle À la phase précoce du sepsis, une hyperglycémie s’ins-
via, d’une part, un mécanisme périphérique d’hypervolé- talle, marqueur pronostique d’une réponse adaptative nor-
mie par réabsorption rénale de sodium et, d’autre part, un male au stress [31]. Elle s’explique par une résistance à
mécanisme d’action centrale. l’insuline, principalement au niveau du foie et du tissu adi-
pocytaire, mais également au niveau musculaire et car-
Au cours du stress diaque, avec modification de la production endogène et de
l’utilisation périphérique du glucose. Cette néoglucogenèse
La fonction minéralocorticoïde au cours du stress a été, n’est pas supprimée par les perfusions de glucose [32] et est
paradoxalement, peu étudiée. Il existe dans plus de 50 % non contrôlée par l’apport exogène d’insuline [33, 34].
des cas un hyperréninisme-hypoaldostéronisme, facteur de Parallèlement à cette résistance périphérique sont observées
mauvais pronostic. Cet état se caractérise par une élévation une augmentation de clairance de l’insuline ainsi qu’une
de l’aldostérone non proportionnelle à l’élévation de la altération de la phosphorylation du récepteur. D’autres
rénine. L’anomalie semble située dans la cascade enzyma- troubles métaboliques, découlant du rôle de l’insuline, peu-
tique, en aval de l’angiotensine II. En effet, il existe une vent être associés : une élévation des acides gras libres, du
excellente corrélation entre les dosages d’activité rénine glycérol et des taux de lactates. L’adipocyte a également un
plasmatique (ARP) et d’angiotensine II. À l’inverse, le pré- rôle de cellule endocrine, sécrétrice d’adipokines, influen-
curseur de l’aldostérone, la 18-hydroxy-corticostérone, est çant le métabolisme et la dépense énergétique. Parmi ces
retrouvée abaissée [26]. L’adjonction d’un traitement par hormones, on distingue la leptine, agissant sur des récep-
comprimés de fludrocortisone ne semble pas entraîner une teurs du système nerveux central, afin d’inhiber la sensation
amélioration significative de la mortalité hospitalière [27]. de faim et de promouvoir la dépense énergétique. Le déficit
de cette hormone caractérise l’état d’insulinorésistance.
D’autres hormones adipocytaires peuvent également être
La survenue d’un hyperréninisme-hypoaldostéro- déficitaires : l’adiponectine et la résistine [35].
nisme peut s’observer au cours du stress, compro-
mettant le contrôle de la tension artérielle assuré À la phase plus tardive, il apparaît une hypoglycémie,
par les minéralocorticoïdes. associée à la gravité de la maladie [36]. Ces variations sont
liées à un phénomène de balance entre les taux d’insuline
et de cortisol [29].

Axe glucose-insuline L’action physiologique de l’insuline peut être restaurée


par la perfusion continue d’insuline. De nombreux essais
d’administration d’insuline ont été conduits visant à dimi-
À l’homéostasie nuer la mortalité des patients de réanimation en corri-
geant l’hyperglycémie. Dès 6,1 mmol/L, l’hyperglycémie est
L’insuline agit sur le métabolisme du glucose par trois associée à une augmentation de la mortalité ou de l’inci-
axes : dence d’infections nosocomiales. Après 10 ans d’objectif

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Stress et hormones 38

de normoglycémie, suite à l’étude de G. van den Berghe, L’adrénaline est stockée dans la médullosurrénale à l’in-
les études ultérieures n’ont pas retrouvées de gain sur la térieur des vésicules médullaires. La noradrénaline est pré-
mortalité. Bien qu’il existe encore à l’heure actuelle une sente dans les granules de stockage des terminaisons
controverse quant au seuil de glycémie à ne pas dépasser nerveuses périphériques sympathiques. La dopamine est
en réanimation, il est cependant largement admis qu’une principalement issue des précurseurs des catécholamines
glycémie au-dessus de 10 mmol/L est délétère [37-40]. Le au niveau de la médullosurrénale et des terminaisons ner-
rôle délétère de la variabilité glycémique sur la mortalité veuses. Une autre partie, plus infime, provient de sources
est également admis [41-43]. multiples, parmi lesquelles on trouve les tubules rénaux.
Le mécanisme physiopathologique de l’efficacité de La demi-vie des catécholamines est courte : de 10 à
l’insuline, testé à la phase aiguë de l’infarctus du myo- 20 secondes pour l’adrénaline. L’élimination se fait par cap-
carde, semble passer par une réduction de la production tation, inactivation enzymatique (méthylation en métadré-
du TNF, une augmentation de production d’oxyde nitrique naline ou normétadrénaline au niveau hépatique ou rénal,
et de prostaglandines. Toutes ces actions ont pour finalité désamination oxydative par la monoamine oxydase) ou
un rôle vasodilatateur puissant et antiagrégant plaquet- excrétion rénale.
taire. D’autres effets annexes sont proposés, notamment
une action anti-apoptotique. La régulation de sécrétion des catécholamines s’effec-
tue à trois niveaux différents : hormonal, nerveux et rétro-
contrôle négatif par les canaux calciques. La régulation
Le stress s’accompagne d’une insulinorésistance hormonale est sous la dépendance du cortisol, nécessaire
périphérique à l’origine d’une hyperglycémie mar- à l’action d’enzymes impliquées dans la synthèse des caté-
quant une réponse adaptative. cholamines. Cette interaction repose sur une transmission
nerveuse, un effet paracrine et sur le système vasculaire
local. La régulation nerveuse met en jeu le système choli-

Axe adrénergique nergique parasympathique préganglionnaire véhiculé par


les nerfs splanchniques, dont la stimulation provoque une
augmentation de la synthèse des catécholamines.
À l’homéostasie
Les catécholamines sont au nombre de trois : l’adréna- Au cours du stress
line, la noradrénaline et la dopamine. Elles sont sécrétées
Il existe une hypersécrétion d’adrénaline, responsable
par la médullosurrénale, glande sympatho-endocrine, fai-
d’une vasoconstriction musculaire, d’une augmentation
sant partie intégrante du système nerveux sympathique
des résistances périphériques et de la pression artérielle
périphérique. Leur rôle sur le système cardiovasculaire et
systolo-diastolique. L’objectif de cette hypersécrétion de
le métabolisme glucido-lipidique se fait par l’intermédiaire
catécholamines est d’assurer une homéostasie cardiovas-
de trois types de récepteurs dits adrénergiques : a1, a2 et
culaire, immunitaire et métabolique.
b (tableau 2). La synthèse de ces hormones découle d’une
cascade de réactions enzymatiques avec, pour point de Les effets régionaux de l’adrénaline sont variables :
départ, l’hydroxylation d’un noyau tyrosine hydroxylase absence de vasoconstriction des artères cérébrale ; la vaso-
aboutissant à la dopa (diphénylalanine). La dopa est de constriction des artères coronaires est contrebalancée par
nouveau hydroxylée par la dopa décarboxylase, aboutis- l’augmentation du débit cardiaque. L’adrénaline provoque
sant à la dopamine. Puis il y a décarboxylation par la une hypertension artérielle pulmonaire. Au niveau hépa-
dopamine hydroxylase, qui permet la synthèse de la nora- tique, l’adrénaline stimule la néoglucogenèse et la glyco-
drénaline et, enfin, N-méthylation par la phényléthanol- génolyse, en agissant sur les récepteurs b2 ou a1 selon
amine-N-méthyl-transférase (PNMT), qui transforme la l’espèce et le stade de développement. L’effet hyperglycé-
noradrénaline en adrénaline. miant est indépendant des variations de l’insulinémie et

Tableau 2 / Récepteurs adrénergiques

Lieu d’action Mécanisme d’action

Force de contraction I +
fréquence cardiaque C +
b1 Fibre myocardique dromotrope +
bathmotrope +
Lipolyse AGL, glycérol
Vasodilatation
b2 Fibre musculaire lisse Bronchodilatation
Foie Néoglucogenèse
a1 Vaisseaux Vasoconstriction
Bronches Bronchoconstriction
Peau, œil, estomac Contraction
Inhibition/libération noradrénaline
a2 R présynaptiques du SNA Vasoconstriction
Dopaminergique Diurétique
Vaisseaux Vasoconstriction
I+ : inotrope positif ; C+ : chronotrope positif ; AGL : acides gras libres ; R : récepteurs ; SNA : système nerveux autonome

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

de la glucagonémie. En situation normale, la concentration pas du statut métabolique des hormones thyroïdiennes [45].
d’adrénaline est insuffisante pour stimuler les récepteurs Il affecte 40 à 70 % des patients hospitalisés pour une mala-
hépatiques. Les catécholamines augmentent la glycogéno- die générale sévère.
lyse, avec production de lactates, sans hyperglycémie, par
Cependant, il est à noter que les chiffres d’hypo-
le biais d’un effet b2-adrénergique pur. Au niveau rénal,
thyroxinémie sont corrélés à la mortalité : un taux de T4
les catécholamines augmentent la néoglucogenèse par un
inférieur à 4 mg/dL est corrélé à une probabilité de décès
mécanisme impliquant le calcium et l’AMP cyclique. Par ail-
de 50 % ; s’il est inférieur à 2 mg/dL, la probabilité de décès
leurs, elles contrôlent le tonus vasomoteur rénal, la filtra-
est alors de 80 %.
tion glomérulaire, la sécrétion de rénine, l’activité de
l’hormone antidiurétique et la réabsorption tubulaire de Les anomalies clinico-biologiques retrouvées sont mal
sodium. De plus, l’adrénaline stimule la sécrétion de glu- connues, multifactorielles, mais en aucun cas en relation
cagon (effet b2) et inhibe la sécrétion d’insuline (effet a2). avec une localisation thyroïdienne ou hypophysaire de la
La stimulation b1 induit la libération de médiateurs pro- maladie. De ce fait, cette pathologie est le plus souvent
inflammatoires et une apoptose cellulaire dans de nom- réversible lors de la guérison de la maladie sous-jacente.
breux tissus, notamment le cœur et le tissu immunitaire. À
l’inverse, les agonistes b2 freinent la réponse immunitaire Il convient de distinguer la phase aiguë, au cours de
innée et allongent la durée de vie cellulaire. L’utilisation laquelle on observe une augmentation de la concentration
de b1-bloquants chez des patients en choc septique, tachy- des hormones périphériques, malgré une diminution de la
cardes, montre des résultats encourageants [44]. D’autres stimulation d’origine centrale, et la phase dite chronique
essais thérapeutiques sont nécessaires pour entériner ces caractérisée par une diminution des hormones centrales et
résultats préliminaires. périphériques. La phase aiguë semble un mécanisme adap-
tatif ayant pour but d’augmenter les taux d’hormones tis-
sulaires, notamment dans le foie et le muscle squelettique.
Le stress est associé à une hypersécrétion de caté- La phase chronique pourrait freiner la récupération,
cholamines responsables d’un effet vasopresseur, notamment neuromusculaire.
d’une augmentation du débit cardiaque et d’une
hyperglycémie secondaire à une augmentation de Comme pour les surrénales, les différentes étapes de la
la néoglucogenèse et de la glycogénolyse. synthèse et du rétrocontrôle peuvent être mis en cause. Il
pourrait s’agir d’une inhibition des protéines de transport
de la T4 ou d’une diminution de la conversion de T4 en T3
Axe thyroïdien dans les tissus extra-thyroïdiens, secondaire à une inhibi-
tion de la 5’ désiodase de type I, hépatique. Cette inhibi-
tion peut se faire par diminution de l’activité ou de la
À l’homéostasie concentration de l’enzyme (mécanisme observé au cours
des carences en hydrates de carbone). En parallèle, il existe
Les hormones thyroïdiennes périphériques sont la thy- une augmentation d’activité de la 5’désiodase de type 3,
roxine, encore appelée la 3,5,3’,5’-tétra-iodothyronine, ou enzyme de dégradation des hormones thyroïdiennes, favo-
T4, subissant une désiodation périphérique en 3,5,3’-tri- risant donc la conversion de T4 en rT3 inactive, et de T3 en
iodothyronine ou T3, hormone biologiquement active. La T2 sans activité biologique. Une autre hypothèse est celle
désiodination de la T4 en T3 se fait à l’aide d’une enzyme, d’un défaut de substrat, secondaire à la présence d’un inhi-
la désiodinase I, présente au niveau de la thyroïde, du foie biteur des protéines de transport, empêchant la T4 de se
et des reins. Cette enzyme transforme également la fixer sur sa protéine et, par là même, diminuant son trans-
reverse T3 (rT3) et T2. Les T3 et T4 sont sous la sous la dépen- port. Au niveau central, il est suggéré une altération du
dance de la thyréostimuline (TSH) hypophysaire, elle-même rétrocontrôle thyréotrope, hypothalamo-hypophysaire. Au
sous la dépendance de la thyrolibérine (TRH) hypothala- niveau hypothalamique, il peut s’agir soit d’une diminu-
mique (voir chapitre 36). Leurs rôles sont essentiels dans la tion de la sécrétion de thyrolibérine [46] – les nécropsies
croissance et la maturation du système nerveux central. Au de patients en NTIS montrent en effet une diminution de
niveau organique et métabolique, les hormones thyroï- l’ARN messager de TRH au niveau des noyaux paraventri-
diennes exacerbent tous les processus physiologiques. Ceci culaires hypothalamiques –, soit d’une perte du rythme
se traduit, sur le plan cardiovasculaire, par une potentiali- nycthéméral de thyréostimuline [47]. Au niveau hypophy-
sation des processus b-adrénergiques, à l’origine d’effets saire, la persistance d’une conversion de T4 en T3 au sein
inotropes, chronotropes, bathmotropes et dromotropes de l’hypophyse, par l’enzyme, 5’ désiodase de type II,
positifs. La motilité et le transit digestif sont accélérés. homologue hypophysaire de la 5’ désiodase de type I qui
L’absorption intestinale de glucose l’est également, en n’est pas inhibée. On n’observe donc pas d’élévation de la
parallèle à une diminution de la gluconéogenèse dont la thyréostimuline, malgré des taux bas de T3. Le tableau se
résultante est une hyperglycémie. Le catabolisme lipidique caractérise donc par une euthyroïdie hypophysaire et par
est également accru. une hypothyroïdie périphérique. Ceci suppose un transport
conservé de T4 dans l’hypophyse [48].

Au cours du stress Les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-a,


interféron gamma), peuvent inhiber l’activité des centres
Le syndrome de basse T3 basse T4 a été décrit, il y a plus thyréotropes et/ou affecter l’expression des récepteurs
de 20 ans, chez des patients à jeun ou malades (sepsis, chi- nucléaires des hormones thyroïdiennes. La concentration
rurgie, infarctus du myocarde, pontage, transplantation, sérique d’IL-6 est inversement corrélée à celle de T3 [49].
insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale, cancer, dénu-
Les variations diurnes des glucocorticoïdes contrôlent
trition, maladie inflammatoire...). Ces patients présentent
également, en partie, celles de thyréostimuline. Ainsi, lors
un syndrome de basse T3 évoluant progressivement vers un
du syndrome de Cushing, on observe une diminution
syndrome de basse T3 basse T4, selon la sévérité du retentis-
modérée de la thyréostimuline et des hormones thyroï-
sement général de la maladie (et non pas en fonction de la
diennes.
sévérité de la maladie elle-même). Cet état est appelé par
les Anglo-Saxons euthyroid sick syndrome, préjugeant de Le rôle de nombreuses autres substances a été proposé,
l’absence d’hypothyroïdie clinique, ou non thyroidal illness parmi lesquelles la dopamine. On sait qu’elle inhibe la
syndrome (NTIS), alternative terminologique ne présumant sécrétion de thyréostimuline et diminue la production déjà

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Stress et hormones 38

anormale d’hormones thyroïdiennes. Ainsi, le sevrage en


catécholamines est suivi d’une forte augmentation de thy- Vasopressine
réostimuline et d’une augmentation de T3 et T4, méca-
nisme équivalent à une hyperthyroïdie iatrogène. ou hormone antidiurétique
Devant ce déficit hormonal, il est très discuté de la per-
tinence ou non de débuter une opothérapie substitutive, À l’homéostasie
à l’instar de ce qui est réalisé pour l’insuffisance surrénale.
Les études à ce sujet sont contradictoires mais font état, le La sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH, anti-
plus souvent, d’un effet nul, voire délétère : surmortalité diuretic hormone) est impliquée dans la régulation de l’os-
lors de l’administration de T4 [50], augmentation de l’index molalité plasmatique, via une action rénale antidiurétique
cardiaque sans effet sur la mortalité lors de l’administra- (récepteur V2), et dans la régulation tensionnelle, via une
tion de T3 [51], signes de surdosage lors de l’administration vasoconstriction artérielle systémique (récepteur V1) [56],
conjointe de T3 et de T4 [52]. Seule l’administration de TRH d’où le nom de vasopressine (AVP, arginine vasopressine).
associée à un analogue de la GH permet une augmenta- À l’inverse, elle exerce une vasodilatation du système arté-
tion des T3, T4 et TSH sans augmentation de la rT3 [47, 53]. riel pulmonaire. L’hormone antidiurétique diminue la
Des études sur des effectifs plus importants de patients contractilité du cœur droit, par un effet inotrope négatif
sont nécessaires. direct médié par les récepteurs V1a myocardiques. La vaso-
pressine est ainsi sécrétée par les noyaux paraventricu-
Au cours du stress, un syndrome de basse T3 basse laires de l’hypothalamus, puis stockée au sein de la
T4 associé à une euthyroïdie hypophysaire est fré- posthypophyse. Cette hormone est libérée dans la circula-
quemment observé. tion du fait d’une augmentation de l’osmolalité plasma-
tique ou par suite d’une réponse baroréflexe après
diminution du volume sanguin ou de la pression artérielle

Hormone de croissance
[57]. La stimulation osmotique induit une augmentation
rapide et de faible intensité de la synthèse d’hormone
antidiurétique. Cette synthèse, médiée par le baroréflexe,
L’hormone de croissance, ou growth hormone (GH), a est de survenue moins rapide mais quantitativement plus
deux grands pôles d’activité chez l’homme : d’une part, importante.
une action sur la croissance, par l’intermédiaire de la soma-
tomédine, ou IGF-1 ; d’autre part, une action sur le méta-
bolisme des glucides et lipides. L’hormone de croissance et Au cours du stress
la somatomédine modulent la fonction immune, en inhi-
bant la production d’espèces réactives de l’oxygène et de Anciennement utilisée pour le traitement du diabète
cytokines pro-inflammatoires. Les autres actions de l’hor- insipide neurogénique et les saignements de varices gas-
mone de croissance exogène sont un effet anabolisant sur tro-œsophagiennes, la vasopressine a été proposée aux
le métabolisme protéique et une diminution de la produc- États-Unis, plus récemment, dans le traitement des arrêts
tion d’oxyde nitrique [54]. La sécrétion de GH se fait sous cardiaques par fibrillation ventriculaire, avec une efficacité
contrôle de la GHRH (GH releasing hormone) et de la gré- au moins identique à l’adrénaline. La terlipressine (tricycle
line. lysine vasopressine), analogue structurel de la vasopres-
Les patients de réanimation souffrent d’une perte azo- sine, est également capable de restaurer la pression arté-
tée importante, avec fonte musculaire ; les réserves lipi- rielle des patients en choc septique résistant aux
diques sont conservées, à l’instar de ce qui est observé chez catécholamines [58].
des patients souffrant d’un déficit chronique en GH. On Il faut cependant noter que la vasopressine ne joue
distingue la phase aiguë, caractérisée par une augmenta-
qu’un faible rôle vasoconstricteur chez le sujet sain et s’ex-
tion de production de GH mais une résistance périphérique
prime essentiellement lors d’un défaut du système sympa-
de l’IGF1, et la phase chronique, au cours de laquelle GH
thique [59].
et IGF1 sont abaissés.
Le traitement par de fortes doses d’hormone de crois- La réduction des taux plasmatiques de vasopressine
sance semble augmenter la morbi-mortalité : accroisse- observée au cours du choc septique peut résulter d’une
ment des durées de ventilation, de séjour en unité de soins augmentation de la clairance métabolique ou d’une dimi-
intensifs et d’hospitalisation [55]. En effet, un traitement nution de sécrétion hypophysaire. En effet, la concentra-
par hormone de croissance exogène peut mimer une tion plasmatique provient d’une différence entre le taux
hypersécrétion endogène, comme observée au cours de de production et le taux d’utilisation de l’hormone dans le
l’acromégalie. On s’attend donc à observer une hyperten- compartiment vasculaire. Les dégradations hépatique et
sion artérielle, par réabsorption tubulaire de sodium, puis rénale de la vasopressine sont corrélées au taux de perfu-
hypervolémie. Le débit sanguin rénal est donc augmenté, sion de ces organes. De plus, la faible production de l’hor-
ainsi que la filtration glomérulaire, freinant le système mone est également due, au moins en partie, à une
rénine-angiotensine-aldostérone. L’hypersécrétion endo- déplétion des stocks posthypophysaires [60].
gène d’hormone de croissance est également associée à
une cardiomyopathie hyperkinétique et congestive et ce, Les patients en état de choc peuvent donc présenter
indépendamment de l’existence ou non d’une hyperten- un déficit relatif en vasopressine, dont la substitution
sion artérielle. De plus, le traitement par hormone de crois- pourrait permettre une correction de l’hémodynamique
sance peut également être source d’une insulinorésistance, [61], notamment chez des patients traités par catéchola-
dont on a montré le rôle potentiellement délétère. mines.

L’hormone de croissance ne semble pas jouer de Le stress s’associe à une diminution des taux circu-
rôle notable dans l’adaptation au stress. lants de vasopressine.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Conclusion diennes. Il s’agit vraisemblablement d’un mécanisme adap-


tatif visant à réduire la consommation énergétique et la
redistribuer vers le système immunitaire. À la phase plus
La compréhension et la prise en compte des dérègle- chronique, les taux d’hormones périphériques restent abais-
ments des différents axes endocriniens au cours des états sés, cette fois du fait d’une dysfonction neuro-endocrine,
de stress, notamment d’origine infectieuse, devrait per- avec diminution des taux d’hormones hypophysaires.
mettre une meilleure gestion thérapeutique de ces états.
L’axe corticotrope se distingue par une augmentation
Cependant, en fonction de la nature même du stress, la de production du cortisol, tant à la phase aiguë que chro-
réponse endocrinienne ne sera pas identique, de par son nique même si l’ACTH est initialement augmentée puis
degré d’importance, voire sera même littéralement oppo- secondairement diminuée. Cependant, au cours du choc
sée (tableau 3). septique, il peut exister une réponse cortisolique insuffi-
À la phase aiguë de prise en charge en réanimation, on sante.
observe une hypersécrétion globale, hypothalamo-hypo- Ces perturbations sont transitoires, les sécrétions hor-
physaire (TSH, GH), en présence de taux circulants abaissés monales des différents axes revenant à la normale lors de
d’IGF1 et d’une baisse de l’activité des hormones thyroï- la phase de récupération [62].

Tableau 3 / Stress et axes endocriniens

Modifications liées au stress


Hormones Lieu de production Organe cible
Phase aiguë Phase chronique
Système cardiovasculaire
Cortisol Corticosurrénale Cytokines ACTH ➚ ACTH ➘
Cortisol ➚ Cortisol ±
Néoglucogenèse hépatique
Minéralocorticoïdes Glomérulosurrénale Système vasculaire Hyperréninisme-hypoaldostéronisme
Système cardiovasculaire
Catécholamines Médullosurrénale Hypersécrétion
Métabolisme glucido-lipidique
Métabolisme cellulaire
Insuline Pancréas Insulinorésistance
Processus énergétiques

Hormones thyroïdiennes Glande thyroïde TSH nulle ou ➚ TSH ➘


T3 ➘ T3 ➘
Croissance
Hormone de croissance Hypophyse Métabolisme glucido-lipidique GH ➚ GH ➘
IGF1 ➘ IGF1 ➘
Cytokines
Osmolalité plasmatique
Hormone antidiurétique Posthypophyse ADH ➘
Système vasculaire

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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

39
Glucocorticoïdes
et sepsis
• Rappels physiologiques
• Glucocorticoïdes et stress
Virginie Maxime*, Hélène Prigent**,
• Glucocorticoïdes et sepsis Aurélien Mazeraud***, Djillali Annane*
* Service de réanimation médicale, Hôpital Raymond-Poincaré,
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
** Service d’explorations fonctionnelles, Hôpital Raymond-Poincaré,
université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Garches
*** Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Beaujon, Paris

Rappels physiologiques tisol en cortisone. L’activité de ces différents isomères joue


un rôle important dans les niveaux intracellulaires des glu-
cocorticoïdes et donc leurs effets métaboliques.
Les glandes surrénales comportent deux entités fonc-
tionnelles : la médullaire et le cortex. La médullaire produit Les stéroïdes possédant un groupement cétone en posi-
les hormones du système sympathique (adrénaline et nora- tion 11 présentent une faible affinité pour les récepteurs
drénaline). Le cortex surrénalien est constitué de trois des glucocorticoïdes et minéralocorticoïdes expliquant
ainsi la faible activité minéralocorticoïde des glucocorti-
zones : la zone glomérulée, en superficie, synthétise les
coïdes.
minéralocorticoïdes (aldostérone et, accessoirement, cor-
ticostérone) ; la réticulée, en profondeur, produit les
androgènes faibles (déhydroépiandrostérone [DHEA], sul-
fate de DHEA, delta-4-androstènedione et 11-b-hydroxyan-
Régulation de la production
drostènedione). Enfin, la zone fasciculée du cortex surrénal des glucocorticoïdes
synthétise les glucocorticoïdes : cortisol et cortisone.
La régulation de production des glucocorticoïdes
Le cortisol, principal glucocorticoïde chez l’homme, est dépend de l’axe hypothalamo-hypophysaire.
une hormone stéroïdienne à 19 atomes de carbone obte-
nue à partir de la conversion du cholestérol par une cas- La production et la sécrétion de cortisol sont principa-
cade de réactions enzymatiques dépendant du cytochrome lement stimulées par l’hormone adréno-corticotrope
P450. Le cortisol est présent pour 10 % dans le plasma sous (ACTH). Ce peptide de 39 acides aminés est produit au
forme libre, active. Les 90 % restants sont liés de façon niveau de l’antéhypophyse à partir du clivage d’un large
réversible à des protéines : la cortisol binding protein (CBP) précurseur, la pro-opiomélanocortine (POMC), qui libère
(liaison spécifique) et l’albumine [1]. dans le même temps d’autres peptides (b-endorphine, lipo-
tropine, mélanocortines [MSH, melanocyte-stimulating
Du fait de sa nature lipophile, le cortisol entre dans les hormone]). À court terme, l’ACTH stimule la production et
cellules pour se lier à un récepteur soluble intracytoplas- la sécrétion de cortisol (le stockage intrasurrénalien de cor-
mique ubiquitaire, le récepteur glucocorticoïde (GR) de tisol étant faible) ; à long terme, elle stimule la synthèse
type II qui, à l’état inactif, est lié à des protéines de la des enzymes impliquées dans la formation du cortisol, de
famille HSP (heat shock proteins). Le complexe hormone- leurs cofacteurs et des récepteurs surrénaliens au choles-
récepteur entre dans le noyau pour interagir avec des térol LDL (low density lipoprotein). Elle stimule également
régions spécifiques de reconnaissance de l’ADN (GRE, glu- la sécrétion des androgènes surrénaliens et, dans une bien
cocorticoid-responsive elements) et exercer à la fois des moindre mesure, des minéralocorticoïdes [1].
effets positifs et négatifs sur la transcription [2, 3]. Plusieurs La demi-vie de l’ACTH est courte et son action rapide
isoformes sont décrites dont l’expression semble moduler puisqu’une augmentation du taux de cortisol dans les
la sensibilité aux corticoïdes et leurs effets métaboliques veines surrénales est observée quelques minutes après sa
[4, 5]. sécrétion [8].
Historiquement, il était considéré que le cortisol était La sécrétion de l’ACTH est régulée par de multiples fac-
métabolisé essentiellement par le foie (par réduction puis teurs. Les principaux stimulateurs de cette sécrétion sont
par conjugaison) ainsi que par le rein mais il a été progres- l’hormone de libération de l’hormone corticotrope (CRH,
sivement montré que son métabolisme est tissu-dépendant corticotropin-releasing hormone) et l’arginine vasopressine
et repose sur le système des 11-b-hydroxystéroïdes (AVP), toutes deux sécrétées au niveau hypothalamique.
déshydrogénases (HSD) [6, 7]. Deux isomères sont identi- L’AVP seule ne stimule que faiblement la sécrétion de
fiés : la 11-b-HSD de type 1 qui transforme la cortisone en l’ACTH, mais elle potentialise fortement l’action de la CRH.
cortisol actif alors que la 11-b-HSD de type 2 inactive le cor- Les catécholamines, l’angiotensine II, la sérotonine, le pep-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

tide intestinal vasoactif (VIP, vasoactive intestinal peptid) clinique reste controversée. Un effet anti-inflammatoire
stimulent également la sécrétion d’ACTH. Enfin, certaines est essentiellement observé à des doses pharmacologiques
cytokines sécrétées au cours de l’inflammation influencent d’hormones.
la sécrétion d’ACTH en exerçant soit un rôle stimulant
Les glucocorticoïdes influencent la majorité des acteurs
(interleukine 1 [IL-1], IL-2, IL-6, TNF-a) soit une action inhi-
de la réponse inflammatoire : lymphocytes, natural killer
bitrice (TGF-b, ou transforming growth factor b) [8-10].
(NK), monocytes, macrophages, éosinophiles, neutrophiles,
La CRH est un peptide de 41 acides aminés sécrété au mastocytes et basophiles [14]. L’administration de gluco-
niveau de l’hypothalamus ; libérée dans le système porte corticoïdes s’accompagne d’une diminution du nombre de
hypothalamo-hypophysaire, elle stimule la production et lymphocytes circulant par redistribution des lymphocytes
la sécrétion de la pro-opiomélanocortine. Les agonistes du secteur intravasculaire vers les organes lymphoïdes
adrénergiques (noradrénaline) et la sérotonine stimulent (rate, ganglions, canal thoracique...). L’effet inverse est
sa production alors que la substance P, les opiacés et l’acide observé avec les granulocytes qui s’accumulent dans la cir-
gamma-amino-butyrique (GABA) l’inhibent. Les cytokines culation sanguine ; il existe également une inhibition de
de l’inflammation (IL-1, IL-2, IL-6, TNF-a) influencent éga- la migration des neutrophiles vers les sites inflammatoires
lement sa sécrétion [8, 11]. (par réduction de la sécrétion des chimiokines), diminuant
ainsi la réponse inflammatoire locale. La migration des
Enfin, les glucocorticoïdes exercent un rétrocontrôle macrophages est inhibée par la production du MIF (macro-
négatif, par des mécanismes rapides non génomiques et phage migration inhibitory factor) [15]. Enfin, les gluco-
plus retardés génomiques, sur l’axe hypothalamo-hypohy- corticoïdes stimulent l’apoptose des éosinophiles [16].
saire en inhibant à la fois la sécrétion d’ACTH et la trans-
cription du gène de la pro-opiomélanocortine ainsi que la Du point de vue de la réponse immunitaire, les gluco-
production de CRH et d’AVP [12]. corticoïdes en inhibant la production d’IL-12 par les macro-
phages et les monocytes influencent la différenciation
La sécrétion des hormones de l’axe hypothalamo-hypo- lymphocytaire en agissant sur l’équilibre Th1-Th2. En effet,
physaire (ACTH, CRH et AVP) se fait selon un mode pulsa- l’IL-12 est un puissant stimulateur de la sécrétion d’inter-
tile et un rythme circadien à prédominance matinale. féron gamma (IFN-g) et inhibiteur de la sécrétion d’IL-4.
L’amplitude de sécrétion des pulsations varie dans la jour- L’inhibition de la sécrétion d’IL-12 et de l’expression de ses
née et atteint un maximum le matin entre 6 et 8 heures récepteurs sur les lymphocytes T et NK va favoriser la pro-
pour diminuer ensuite rapidement jusqu’à 12 heures puis duction d’IL-4 et déréprimer l’effet suppresseur exercé sur
plus lentement jusqu’à minuit [1]. l’activité Th2. Les activités Th1 et Th2 étant mutuellement
inhibitrices, la potentialisation de l’activité Th2 et de l’im-

Mécanismes d’action
munité humorale s’accompagne d’une suppression de l’im-
munité cellulaire [14]. Néanmoins, ces observations in vitro
des glucocorticoïdes nécessitent d’être confirmées in vivo. Une étude de l’ex-
pression cytokinique chez 40 patients en choc septique,
Depuis la découverte de la cortisone par Kendall et dont 20 traités par faibles doses de glucocorticoïdes, met
Reichstein en 1937, le rôle des glucocorticoïdes a été pro- en évidence une augmentation de la sécrétion de l’IL-12
gressivement mis en évidence dans un grand nombre de mais ne confirme pas une augmentation de la différencia-
domaines. tion Th2 sous glucocorticoïdes [17].
Les glucocorticoïdes modulent la réponse cytokinique
Effets métaboliques observée au cours de l’inflammation (tableau 1). Cette
action est médiée, sur le plan cellulaire, par l’inhibition de
Les glucocorticoïdes jouent un rôle essentiel dans le la production et de l’activité des cytokines pro-inflamma-
métabolisme glucidique. Ils stimulent la néoglucogenèse toires (IL-1, IL-2, IL-3, IL-6, IFN-g, TNF-a), des chimiokines,
hépatique et la glycogénolyse, potentialisent l’effet des des eicosanoïdes, de la bradykinine et du MIF [9, 15, 18,
autres hormones impliquées dans la néoglucogenèse (glu- 19]. Cette inhibition est obtenue à la fois par l’interaction
cagon et catécholamines), inhibent l’absorption du glucose directe du complexe hormone-récepteur avec l’ADN au
circulant par les tissus périphériques par résistance à l’in- niveau des récepteurs des glucocorticoïdes (GRE) et par
suline. La conséquence principale est une augmentation inhibition des facteurs de transcription, en particulier
de la glycémie sanguine [13]. NF-kB (médié par le facteur inhibiteur IkB) et AP-1 (activa-
Ils influencent également le métabolisme lipidique en tor protein) [2, 20]. Parallèlement, les glucocorticoïdes sti-
mulentla production de facteurs anti-inflammatoires tels
activant la lipolyse et inhibent l’absorption de glucose par
que l’IL-1ra (interleukin 1 receptor antagonist), le récep-
les adipocytes.
teur soluble du TNF, l’IL-10 et le TGF-b [21, 22]. Cette acti-
Ils inhibent la synthèse protéique et activent la protéo- vité anti-inflammatoire est complétée par l’inhibition de
lyse dans les différents muscles, les acides aminés ainsi libé- la production de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) et de l’oxyde
rés servant de substrat à la néoglucogenèse. nitrique synthétase inductible (iNOS), enzymes clés impli-
quées dans l’inflammation. De même, les glucocorticoïdes
Enfin, ils jouent un rôle important dans le métabolisme induisent la production de lipocortine 1 qui va, en retour,
phosphocalcique en activant les ostéoclastes, inhibant les inhiber la synthèse de phospholipase A2 (PLA2), enzyme clé
ostéoblastes, diminuant l’absorption intestinale du calcium de la cascade de l’acide arachidonique et de la synthèse
et augmentant son excrétion urinaire par diminution de sa des leucotriènes [8, 23].
réabsorption rénale [1].

Effets cardiovasculaires
Effets immunologiques
et anti-inflammatoires Les glucocorticoïdes sont impliqués dans la réactivité
vasculaire aux catécholamines. En effet, si l’hypertension
Les cellules immunitaires possèdent des récepteurs de artérielle est une complication classique des traitements
haute affinité pour les glucocorticoïdes. De nombreux par corticoïdes, l’hypotension est un maître symptôme des
effets de ces derniers sur les réponses inflammatoires et insuffisances surrénaliennes. Le blocage des effets du cor-
immunitaires ont été décrits in vitro mais leur pertinence tisol endogène sur un modèle animal s’accompagne d’une

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Glucocorticoïdes et sepsis 39

Tableau 1 / Principaux effets anti-inflammatoires des glucocorticoïdes

Inhibition de la synthèse IL-2, IL-3, IL-4 (?), IL-5, IFN-g, GM-CSF par les lymphocytes T
Production des cytokines Inhibition de la synthèse IL-1, TNF-6a, IL-6, IL-8, IL-12, MIF par les macrophages/monocytes
pro-inflammatoires
Inhibition de la synthèse IL-8 par les neutrophiles
Production des cytokines Augmentation de la synthèse IL-10, TGF-b et IL-1ra
anti-inflammatoires
Inhibition de la production des chimiokines (MCP-1, IL-8, MIP-1a)
Migration des cellules inflammatoires
Stimulation de la production du MIF et de la lipocortine 1 par les macrophages
Expression des médiateurs de l’inflammation Inhibition de la synthèse de PLA2 soluble, COX-2 inductible et iNOS inductible
Inhibition de l’expression CD14 par les macrophages/monocytes
Expression des marqueurs
de surface membranaire Inhibition de l’expression des molécules d’adhésion (ICAM-1, ECAM-1, LFA-1, CD2)
sur les cellules endothéliales
Apoptose Activation de l’apoptose des éosinophiles et de lymphocytes T matures
COX-2 : cyclo-oxygénase 2 ; GM-CSF : granulocyte-macrophage colony-stimulating factor ; IFN g : interféron g ; IL : interleukine ;
iNOS : NO synthase inductible ; MCP-1 : monocyte chemo-attractant protein 1 ; MIF : migration inhibitory factor ;
MIP-1a : macrophage inflammatory peptide 1a ; PLA2 : phospholipase A2 ; TNF-a : tumor necrosis factor a

hypotension artérielle qui semble résulter d’un effet sur les liques, en particulier l’hyperglycémie, contribuent à aug-
résistances périphériques, le débit cardiaque n’étant pas menter les substrats énergétiques dans une période d’hy-
modifié. Cet effet du cortisol est indépendant de l’activité permétabolisme et à rendre disponible le glucose aux
minéralocorticoïde. Bien que les mécanismes d’action des cellules insulino-indépendantes (système nerveux central,
effets vasculaires ne soient pas complètement identifiés, cellules inflammatoires). Les effets cardiovasculaires visent
les glucocorticoïdes modulent la réactivité vasculaire à à maintenir une réactivité vasculaire normale en période
l’angiotensine II et aux catécholamines (adrénaline et nora- de stress. Enfin, les glucocorticoïdes s’opposent à chaque
drénaline). L’augmentation de la transcription et de l’ex- étape de la cascade inflammatoire, modulant la réponse
pression des récepteurs à ces hormones pourrait être l’un immune. Ces différents mécanismes s’intègrent donc dans
des mécanismes impliqués [24]. la réponse adaptative au stress. Ainsi, les cytokines inflam-
Les glucocorticoïdes modulent également la perméabi- matoires (TNF, IL-6, IL-1...) activent de manière aiguë l’axe
lité vasculaire et diminuent la production d’oxyde nitrique hypothalamo-hypophysaire, freinent la réponse inflam-
(NO) ainsi que d’autres substances vasodilatatrices [1, 11]. matoire, mais le cortisol va en retour exercer un rétrocon-
trôle négatif sur ce même axe, permettant de limiter dans
le temps les effets immunosuppresseurs et cataboliques

Glucocorticoïdes et stress des glucocorticoïdes [10]. Néanmoins, au cours du temps,


l’exposition prolongée aux cytokines peut conduire à une
altération de la réponse de l’axe hypothalamo-hypophy-
Le rôle principal de la réponse au stress est de maintenir saire. Ainsi, des niveaux bas d’ACTH circulante ont été
l’homéostasie. L’acteur principal de cette réponse au stress décrits chez des patients présentant un sepsis sévère ou un
est l’axe hypothalamo-hypophysaire qui agit de concert syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) [19,
avec les systèmes sympathique et adrénergique. 27]. L’augmentation chronique d’IL-6 peut également dimi-
Presque toutes les situations d’agression (qu’elles soient nuer la production d’ACTH. Le TNF-a peut être à l’origine
physiques ou psychiques) s’accompagnent d’une augmen- d’une diminution de la fonction surrénalienne et de la sti-
tation immédiate de la sécrétion d’ACTH suivie, en mulation par la CRH de la production d’ACTH [11, 28].
quelques minutes, d’une augmentation de la cortisolémie Le seuil de normalité de l’élévation de la cortisolémie
[25]. Le stress s’accompagne également d’une diminution en réponse au stress reste controversé. Il est néanmoins
de la transcortine (CBG, corticosteroid binding globulin) habituel de considérer qu’une concentration supérieure à
conduisant à une augmentation des taux circulants de cor- 18-20 mg/dL est normale [29]. Ces valeurs sont fondées sur
tisol [15]. De plus, la concentration en cortisol libre au la réponse observée au cours d’une stimulation par injec-
niveau du site inflammatoire peut être augmentée par l’ac- tion d’ACTH exogène (250 mg) et par test d’hypoglycémie
tion de l’élastase des neutrophiles qui contribue au clivage induite par injection d’insuline chez des sujets stables.
entre cortisol et CBG. La diminution de la dégradation du Cependant, la pertinence de ces valeurs chez des patients
cortisol semble également jouer un rôle important dans en situation de stress aigu reste à démontrer [30]. Une aug-
cette élévation des concentrations en cortisol [26]. Enfin, mentation de la cortisolémie est observée aussi bien chez
les cytokines pourraient également augmenter l’affinité les patients présentant un sepsis sévère que chez ceux
des récepteurs aux glucocorticoïdes [21]. Ces événements ayant subi une intervention chirurgicale ou ayant subi un
s’accompagnent d’une perte du cycle nycthéméral de la
traumatisme [19, 26, 31-33]. L’élévation de la cortisolémie
sécrétion de cortisol par augmentation de la production
de base semble corrélée avec la sévérité de l’infection.
de CRH et ACTH stimulées par les cytokines inflammatoires,
Ainsi Rothwell et Lawler [34], mesurant la cortisolémie à
les afférences vagales et par diminution du rétrocontrôle
l’admission de 260 patients en réanimation, ont observé
négatif du cortisol [14, 25].
des taux significativement plus élevés chez les patients ne
Comme cela a été décrit précédemment (voir chapi- survivant pas. La cortisolémie de base est un facteur pré-
tre 38), l’augmentation des concentrations de glucocorti- dictif de survie, reflétant l’intensité de l’activation de l’axe
coïdes est à l’origine de multiples effets visant à maintenir hypothalamo-hypophysaire et la sévérité du facteur
l’homéostasie au cours de l’agression. Les effets métabo- « stressant ».

433
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

La réponse au stress s’accompagne donc d’une augmen- la cortisolémie totale, a été décrite chez les patients en
tation de la cortisolémie mais la valeur absolue correspon- choc septique, conduisant certains à préconiser l’utilisation
dant à une réponse appropriée n’est pas connue. Elle varie du dosage du cortisol libre pour évaluer la fonction surré-
probablement en fonction de l’affection présentée [25, nalienne [37-40]. Cependant, la disponibilité limitée de ce
35]. De plus, l’évaluation dynamique de la fonction surré- dosage en limite l’utilisation, et les valeurs reflétant une
nalienne est nécessaire pour apprécier l’intégrité de l’axe réponse appropriée restent à déterminer.
hypothalamo-hypophysaire, mais elle repose sur les tests
de stimulation par l’ACTH dont la principale limite est
d’explorer les réserves surrénaliennes sans évaluer la fonc-
tionnalité hypothalamo-hypophysaire. Néanmoins, les
Glucocorticoïdes et sepsis
explorations par l’épreuce d’hypoglycémie provoquée sem-
blent difficiles à réaliser chez des patients instables. La La phase initiale du sepsis s’accompagne d’une activité
réponse dynamique de la cortisolémie après stimulation va inflammatoire intense, liée à une reconnaissance par le sys-
donc définir une réponse appropriée ou non de l’axe hypo- tème immunitaire des composants des espèces infectieuses
thalamo-hypophysaire. La réponse « normale » au stress (voir chapitre 18).
n’est pas connue et un seuil d’augmentation de 9 mg/dL a Le puissant rôle anti-inflammatoire des glucocorticoïdes
été arbitrairement choisi sur des arguments cliniques pour a naturellement fait envisager leur utilisation dans le sep-
définir une réponse appropriée [34, 36]. sis. Les premières évaluations de la corticothérapie dans le
Enfin, la cortisolémie est un dosage total du cortisol, ne sepsis sévère réalisées à des doses élevées de corticothéra-
permettant pas d’apprécier la fraction libre et bioactive du pie ne retrouvaient pas d’amélioration de la durée de l’état
cortisol plasmatique. Or, au cours du stress, une diminution de choc ni de la mortalité [41]. Une méta-analyse regrou-
des concentrations en CBP ainsi que de son affinité pour pant 9 études prospectives randomisées contrôlées
le cortisol peut conduire à une augmentation relative de concluait à l’absence d’amélioration de la morbi-mortalité
la fraction libre qui ne sera pas reflétée par la cortisolémie du sepsis par la corticothérapie et suggérait même un effet
globale. De plus, une dissociation de la réponse à l’ACTH, délétère des corticoïdes dans cette situation, avec une ten-
avec une réponse plus importante du cortisol libre que de dance à une surmortalité par augmentation des complica-
tions infectieuses [42].
L’émergence du concept de la participation d’une insuf-
fisance surrénale relative comme facteur d’aggravation au
cours du sepsis et du choc septique a conduit à reconsidé-
rer le rôle et la place des corticoïdes.
De nombreux facteurs peuvent interférer avec la
réponse de l’axe hypothalamo-hypophysaire au cours du
sepsis. L’existence préalable d’une pathologie hypophy-
saire ou surrénalienne peut être à l’origine d’une décom-
pensation aiguë à la faveur du sepsis. L’utilisation de
certains médicaments interfère avec la fonction surréna-
lienne soit en inhibant les enzymes impliquées dans la syn-
thèse du cortisol (étomidate, kétoconazole, etc.) [43], soit
en augmentant le métabolisme du cortisol (dilantin, phé-
nobarbital) [25]. Enfin, les séries autopsiques des chocs
septiques ont permis d’observer des hémorragies surréna-
liennes bilatérales ou des lésions de nécrose jusque dans
30 % des cas [19, 25].
De nombreuses études mettent en évidence la fré-
quence d’une insuffisance surrénalienne avec une réponse
glucocorticoïde inappropriée au cours du sepsis, dont la
fréquence dépend largement des seuils utilisés [19, 27, 32,
44-48]. Cette réponse inappropriée de l’axe hypothalamo-
hypophysaire et des glucocorticoïdes à l’inflammation est
probablement attribuable à la conjugaison d’une insuffi-
sance surrénalienne avec une production insuffisante de
glucocorticoïdes et d’une résistance périphérique aux glu-
cocorticoïdes (figure 1). Elle est à l’origine de l’émergence
du concept de “critical illness-related corticosteroid insuf-
ficiency” (CIRCI) [11].

Figure 1 / Activation de l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien


au cours d’un stress aigu Insuffisance surrénalienne
Les effets activateurs sont indiqués par les flèches bleues, les effets
inhibiteurs par les flèches noires. Les cibles indiquent les mécanismes L’incidence d’une insuffisance surrénalienne dépend de
potentiels imputés dans le dysfonctionnement de l’axe au cours la définition retenue et a été évaluée jusqu’à plus de 70 %
du sepsis soit par insuffisance de production, soit par résistance [49, 50]. Briegel et al. [37], en étudiant chez 20 malades la
périphérique aux glucocorticoïdes. fonction surrénalienne au cours du choc septique et après
ACTH : hormone adréno-corticotrope ; AVP : arginine vasopressine ; récupération, ont mis en évidence chez 13 d’entre eux une
CBG : cortisol binding globulin ; CRH : corticotropin releasing hormone ;
insuffisance surrénalienne résolutive après guérison du
GRE : glucocorticoid responsive element ; IFN-g : interféron g ;
IL : interleukine ; R : récepteur aux glucocorticoïdes ; sepsis. Marik et al. [35] retrouvent également, chez
SNA : système nerveux autonome ; Th1 : lymphocytes Th1 ; 59 patients septiques, une insuffisance surrénalienne pri-
Th2 : lymphocytes Th2 ; TNF-a : tumor necrosis factor a. mitive dans 25 % des cas et une défaillance de l’axe hypo-
thalamo-hypophysaire dans 17 % des cas.

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Glucocorticoïdes et sepsis 39

Dans une étude regroupant 189 patients présentant des Effets cardiovasculaires
sepsis sévères, environ 10 % d’entre eux présentaient une
insuffisance surrénalienne absolue définie par une cortiso- Chez le volontaire sain, l’administration locale de lipo-
lémie toujours inférieure à 20 mg/dL [36]. Dans cette même polysaccharide, ou LPS (endotoxine) s’accompagne d’une
cohorte, environ 50 % des patients présentaient une insuf- diminution de la réponse contractile à la noradrénaline.
fisance surrénalienne relative avec une cortisolémie de Lorsque les sujets sont préalablement traités par hydrocor-
base élevée mais une réponse émoussée à la stimulation tisone, cet effet n’est plus observé. L’administration d’hy-
drocortisone simultanée ou immédiatement avant celle de
par ACTH. La présence d’une insuffisance surrénalienne est
LPS prévient la survenue d’une hypotension artérielle,
donc associée de façon significative à une surmortalité.
d’une augmentation de la fréquence cardiaque et des taux
Les mécanismes de cette production inadéquate de cor- circulants d’adrénaline [56, 57].
tisol sont complexes et impliquent probablement une dimi- L’utilisation clinique d’une corticothérapie à des doses
nution de la production du CRH, de l’ACTH et du cortisol substitutives permet de constater, dans un certain nombre
[11]. de cas de chocs septiques, l’obtention d’une amélioration
de l’hémodynamique et de la réponse aux vasopresseurs

Résistance périphérique [23, 55, 58-60]. L’administration au cours du choc septique


d’un bolus unique de 50 mg d’hydrocortisone améliore de
aux glucocorticoïdes façon significative la pression artérielle sous amines [61,
62].
La réponse inappropriée à l’inflammation peut être Une étude multicentrique de 300 patients en choc sep-
accentuée par l’existence d’une résistance tissulaire aux tique comparant les effets d’un traitement par hydrocorti-
glucocorticoïdes. Marik et al. [46] retrouvent, chez sone à doses substitutives (50 mg par intraveineuse toutes
59 patients septiques, une incidence de 19 % de résistance les 6 heures), associée à la fludrocortisone, contre un pla-
à l’ACTH. Plusieurs facteurs probablement intriqués peu- cebo pendant 7 jours met en évidence une diminution de
vent être évoqués [5, 11 52-54] : la durée du choc et de l’utilisation des catécholamines chez
• une diminution de l’accès du cortisol au site inflamma- les sujets traités non répondeurs au test de stimulation. Ces
toire par déplétion en CBG ; effets s’associent à une amélioration significative de la sur-
• une modulation de la concentration locale en cortisol par vie chez les sujets traités [58]. Keh et al. [17], étudiant en
une diminution du découplage du complexe CBP-cortisol double aveugle les effets d’un traitement par hydrocorti-
au niveau tissulaire (activité anti-élastase) ; sone à faibles doses (240 mg/j en continu après une dose
• une diminution de l’affinité et du nombre de récepteurs de charge de 100 mg) chez 40 patients en choc septique,
aux glucocorticoïdes, mise en évidence après incubation retrouvent également une amélioration des paramètres
de lymphocytes avec différentes cytokines ; hémodynamiques chez les patients traités avec une dimi-
• une modification de l’équilibre des isoformes des récep- nution de la durée du choc mais une récidive de la dépen-
teurs aux glucocorticoïdes modifiant l’effet tissulaire des dance en catécholamines à l’arrêt brutal du traitement
cortisonique. L’augmentation de la pression artérielle
glucocorticoïdes ;
moyenne s’accompagne d’une augmentation des résis-
• une augmentation de la conversion du cortisol en corti-
tances systémiques et d’une réduction de l’indice et de la
sone inactif par une augmentation de l’activité de la
fréquence cardiaques, suggérant un effet portant essen-
11-b-hydroxystéroïde déshydrogénase de type II stimulée tiellement sur le tonus vasculaire périphérique. Une méta-
par l’IL-2, l’IL-4 et l’IL-13. analyse récente confirme une diminution de la durée de
l’état de choc à J7 et J28 d’hospitalisation chez les patients

Effet d’une corticothérapie traités par corticoïdes [63].

substitutive dans le sepsis Plusieurs mécanismes possibles de l’effet vasculaire des


glucocorticoïdes au cours du sepsis sont évoqués.
L’inhibition de la production d’oxyde nitrique, substance
Effets anti-inflammatoires vasodilatatrice, résulterait d’une inhibition directe de la
production d’iNOS par les glucocorticoïdes [17]. Les gluco-
L’administration de faibles doses d’hydrocortisone chez
corticoïdes pourraient être à l’origine d’une augmentation
des patients en choc septique (300 mg pendant 5 jours) de l’expression des récepteurs adrénergiques, désensibili-
s’accompagne d’une diminution de la température et de sés par l’augmentation des catécholamines circulantes par
la fréquence cardiaque auxquelles sont associés une dimi- effet de rétrocontrôle négatif [64]. Enfin, l’inhibition d’une
nution des marqueurs de l’inflammation (phospholipase A2 stimulation directe de la guanylate cyclase ou d’une pro-
et protéine C réactive), des taux circulants de cytokines duction locale de facteurs de l’inflammation pourrait éga-
pro-inflammatoires, des complexes solubles d’adhésion et lement être impliquée.
une augmentation de cytokines anti-inflammatoires [23].
Dès 24 heures de traitement par hydrocortisone, une dimi-
nution de la production d’IL-6 et de médiateurs du stress
Effets sur la survie
oxydatif est observée chez les patients septiques [55]. Keh Les études sur la corticothérapie à doses pharmacolo-
et al. [17] ont étudié l’effet de l’hydrocortisone à faibles giques n’ont pas démontré un bénéfice sur la survie des
doses (240 mg/j en continu après une dose de charge de patients en sepsis sévère ou en choc septique, il persiste
100 mg) chez 40 patients en choc septique et ont mis en actuellement une controverse sur la place d’une opothé-
évidence une diminution de la production de cytokines rapie à doses substitutives chez les patients en choc sep-
inflammatoires (IL-6 et IL-8) associée à une diminution de tique.
l’activation endothéliale et neutrophile. La production Des études anciennes sur de petites populations de
d’IL-10 et des récepteurs solubles au TNF-a (facteurs anti- patients en choc septique font état d’un effet bénéfique
inflammatoires) est également diminuée. À l’interruption du traitement par corticoïdes. Ainsi, l’administration quo-
du traitement, un effet rebond est observé avec tous ces tidienne de 200 mg d’hydrocortisone chez 18 patients en
médiateurs. choc septique s’accompagne d’une amélioration de leur

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

taux de survie (90 % contre 13 %) [65]. Dans une étude tation de la cortisolémie de moins de 9 mg/dL lors d’un test
randomisée en double aveugle s’intéressant à 41 patients à l’ACTH (administration de 250 mg de cosyntropine)
en choc septique, une amélioration significative de la sur- (grade 2B).
vie chez ceux traités est également observée à J28 (63 %
contre 32 %) [59]. Plus récemment, sur la cohorte de Cependant, selon les recommandations internationales
300 patients en choc septique suivis dans l’étude de de la Surviving sepsis Campaign de 2012, le test à l’ACTH
phase 3 multicentrique randomisée en double aveugle ne doit pas être réalisé pour identifier les patients en état
comparant opothérapie substitutive et placebo pendant de choc septique ou atteints de syndrome de détresse res-
7 jours, une amélioration significative de la survie à J28 piratoire aiguë nécessitant des glucocorticoïdes (grade 2B)
est observée chez les patients traités ; cette amélioration [70].
persiste à la sortie de l’hôpital et à 1 an [58]. Le test à l’ACTH n’est donc pas recommandé de manière
Cependant, un second essai thérapeutique multicen- systématique pour identifier les patients devant bénéficier
trique de 499 patients en état de choc septique (CORTI- de traitement par hémisuccinate d'hydrocortisone (HSHC)
CUS) ne retrouve pas ce bénéfice à l’utilisation de (grade 2B).
l’hydrocortisone seule, à faible dose, au cours du choc sep- L’insuffisance surrénalienne est absolue chez les
tique, en termes de mortalité mais démontre néanmoins patients présentant un taux circulant inférieur à 15 mg/dL.
une résolution plus rapide de l’état de choc chez les Les patients présentant un taux supérieur à 15 mg/dL vont
patients traités. Il s’agit de patients moins sévères, inclus être distingués par leur réponse au synacthène, une aug-
plus tardivement [66].
mentation inférieure à 9 g/dl étant évocatrice d’insuffi-
Ces discordances expliquent la persistance de la contro- sance surrénalienne relative. Enfin, une réponse
verse quant à l’utilisation des corticoïdes au cours du choc appropriée (> 9 mg/dL) chez des patients présentant une
septique et la poursuite d’études s’intéressant à cette cortisolémie élevée (> 34 mg/dL) associée à un tableau évo-
question [67 , 68]. Cependant, une méta-analyse récente cateur d’insuffisance surrénalienne doit faire évoquer une
regroupant 33 études randomisées contrôlées conclut à résistance tissulaire aux glucocorticoïdes (figure 2).
un effet significatif de traitement par corticoïdes sur la
Chez le patient en sepsis sévère (et non en choc sep-
mortalité à J28 (avec une amélioration de 13 %) des
tique) ou au cours d’une chirurgie, des valeurs supraphy-
patients en état de choc septique mais avec un niveau de
siologiques de cortisolémie sont souvent observées. Le pic
preuve considéré comme faible, cet effet s’observant chez
de cortisolémie observé au cours d’une infection est corrélé
les patients traités par faibles doses d’hydrocortisone [63].
avec sa sévérité et sa mortalité, reflétant l’intensité de l’ac-
tivation de l’axe hypothalamo-hypophysaire [50, 71]. Bien
Perspectives thérapeutiques que la mesure du cortisol total ait des limites (variation de
la proportion de cortisol libre bioactif au cours de patho-
Du fait de sa participation à l’instabilité hémodyna- logies aiguës) et ne prenne pas en compte le syndrome de
mique et à la pérennisation de l’inflammation, la présence résistance aux glucocorticoïdes, il reste le dosage recom-
d’une insuffisance surrénalienne absolue ou relative peut mandé si l’on doit en réaliser un [72]. Néanmoins, son
être recherchée chez les patients présentant un sepsis. La interprétation doit être prudente : un patient avec une cor-
persistance d’une instabilité hémodynamique, d’une tisolémie dans les limites de la normale peut présenter des
dépendance aux catécholamines malgré le contrôle de l’in- stigmates de CIRCI, et il n’est pas possible de définir un
fection ainsi que la survenue d’une hypoglycémie et d’une taux de cortisolémie adaptée, celle-ci dépendant de mul-
hyperéosinophilie sont autant de points d’appel qui doi- tiples facteurs tels que le type d’agression (septique, trau-
vent faire évoquer une insuffisance surrénalienne. matique ou psychologique).
Le diagnostic biologique de CIRCI, défini par les recom- Le dosage du cortisol libre n’est pas recommandé,
mandations de 2008 du collège américain de réanimation ni disponible en routine. Le seuil de cortisolémie
[69], repose sur le dosage de la cortisolémie à n’importe libre pour le diagnostic de CIRCI n’est pas encore
quel moment de la journée <10 mg/dL ou sur une augmen- bien défini (grade 2B).

Sepsis sévère/choc septique

Cortisolémie

Cortisolémie < 15 µg/dL Cortisolémie > 15 µg/dL

Insuffisance Test au synacthène


surrénalienne
absolue

Opothérapie Augmentation Augmentation


substitutive cortisol < 9 µg/dL cortisol ³ 9 µg/dL

15 µg/dL < cortisolémie < 34 µg/dL Cortisolémie > 34 µg/dL


Insuffisance Résistance
Pas d’insuffisance
surrénalienne périphérique aux
surrénale
relative glucocorticoïdes ?
Figure 2 / Conduite à tenir
Opothérapie Opothérapie pour dépistage de l’insuffisance rénale
Pas de traitement
substitutive substitutive au cours du sepsis

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Glucocorticoïdes et sepsis 39

Les recommandations internationales de la est une pression artérielle systolique inférieure à


Surviving sepsis Campaign de 2012 [70] suggèrent 90 mmHg pendant plus d’une heure malgré l’adminis-
que l’administration d’HSHC doit être envisagée tration d’un remplissage adéquat et de vasopresseurs.
chez les patients en état de choc septique qui pré- L’amélioration du diagnostic d’insuffisance surréna-
sentent une hypotension réfractaire au remplissage lienne chez le patient en sepsis reste un défi, les
et à l’administration de catécholamines. Dans cette méthodes optimales du diagnostic de l’insuffisance

bles doses d’ACTH [1 μg], du dosage du cortisol libre,


situation, une dose d’HSHC de 200 mg/j est recom- surrénalienne (place des tests de stimulation à fai-
mandée (grade 2C), administrée de préférence en
perfusion continue (grade 2D). etc.) et d’exploration de l’intégrité de l’axe hypotha-
La définition du choc septique réfractaire la plus fré- lamo-hypophysaire (test à la métopirone, hypogly-
quemment retrouvée dans les essais thérapeutiques cémie provoquée) restant à déterminer.

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438
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 23/02/2017 11:36 Page439

PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

40
Équilibre thermique
• Physiologie de l’équilibre thermique
• Hypothermies
• Hyperthermies André Lienhart, Yvon Camus
Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Antoine,
université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), Paris

Physiologie Modèle corporel à deux


de l’équilibre thermique compartiments caloriques
La température corporelle n’est pas uniformément
L’homme, à l’instar des autres mammifères, est homéo- répartie. Il est habituel, en physiologie, de distinguer sché-
therme. Soumis à des environnements thermiques très matiquement deux compartiments caloriques [4, 5] :
variables, sa température centrale ne varie qu’entre des • d’une part, un compartiment central qui correspond à
limites très étroites autour de 37 °C. L’existence d’un sys- l’axe cerveau, médiastin, organes digestifs, dont la tem-
tème thermorégulateur associant récepteurs, voies affé- pérature est régulée autour de 37 °C, c’est la tempéra-
rentes, centre thermorégulateur, voies efférentes et ture « centrale ». C’est la température optimale de
mécanismes régulateurs explique cette stabilité. Toutefois, fonctionnement de la plupart des systèmes enzymatiques
la thermorégulation peut être mise en défaut par des et des mécanismes intracellulaires des organes vitaux ;
conditions extrêmes ou des situations pathologiques, ce • d’autre part, un compartiment périphérique, essentielle-
qui peut avoir des conséquentces graves, voire engager le ment représenté par les muscles, et qui représente envi-
pronostic vital. ron 45 % de la masse corporelle totale [6]. Dans des
conditions environnementales habituelles, la tempéra-

Production et pertes de chaleur ture de ce compartiment est inférieure de 2 à 4 °C à celle


du compartiment central (figure 1) [7]. Les échanges calo-
riques entre ces deux compartiments se font par convec-
La température centrale est un paramètre d’état qui
tion sanguine, leur importance dépendant du tonus
reflète le contenu de chaleur du corps humain. Ce contenu vasomoteur [8]. À l’inverse du compartiment central, la
de chaleur résulte du bilan thermique, entre production et température du compartiment périphérique n’est pas
pertes de chaleur. La production est le résultat du métabo-

en mL/min de consommation d’oxygène (V̇O2) à partir de


régulée. Elle n’est ni uniforme ni constante, son contenu
lisme oxydatif des nutriments. Elle était autrefois exprimée de chaleur dépendant de nombreux facteurs : tempéra-
ture centrale et environnementale, tonus vasomoteur,
l’équivalent calorique de l’oxygène, ou en kcal/j ; elle l’est exercice physique. Elle peut varier d’une dizaine de
actuellement en watts. Sa valeur est minimale pendant le degrés, depuis la température ambiante jusqu’à une tem-
sommeil, où elle est de l’ordre de 50 W, mais elle peut être pérature de 40 °C au cours d’un exercice musculaire
multipliée par 10 au cours d’un effort musculaire intense intense. Ce compartiment joue un rôle tampon, pouvant
[1]. L’essentiel des pertes de chaleur (90 %) se fait au tra- stocker de la chaleur ou en perdre, préservant ainsi la
vers de la peau, par conduction (3 %), convection (15 %), mise en jeu immédiate des mécanismes thermorégula-
radiation (60 %) et évaporation (22 %). Le fait de recouvrir teurs devant toute modification du contenu de chaleur
de vêtements toute la surface du corps réduit ces pertes de [6].
30 % et l’utilisation d’une couverture chauffante permet
de les annuler pour une température cutanée de 34,5 °C.
Au-delà, il est possible d’apporter de la chaleur : de l’ordre
de 80 W pour une température cutanée de 37 °C [2]. Les
Système thermorégulateur
autres pertes ne représentent que 10 % environ et sont L’organisation du système thermorégulateur comporte
essentiellement liées à l’évaporation par la respiration. Sur des récepteurs et des voies afférentes conduisant les infor-
le nycthémère, le bilan est nul dans des conditions physio- mations vers un centre régulateur qui les intègre puis
logiques, les pertes égalant la production, de telle sorte déclenche des mécanismes de réponse via des voies effé-
que le contenu calorique reste constant [3]. rentes (figure 2) [6, 9]. Les récepteurs au chaud et au froid

439
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page440

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

sont répartis dans tout l’organisme : peau, tissus profonds valeur absolue de température, mais également à sa
abdominaux et thoraciques, moelle épinière, hypothala- vitesse de variation [10]. Les informations des récepteurs
mus et autres régions du cerveau. Les informations cen- au chaud sont convoyées par les fibres C non myélinisées,
trales, notamment cérébrales, représentent environ 80 % celles des récepteurs au froid par les fibres myélinisées A-
de l’information totale, alors que les informations périphé- delta. Les informations thermiques sont ensuite conduites
riques, notamment cutanées, en représentent environ principalement par les faisceaux spino-thalamiques laté-
20 %. Ces dernières sont sensibles non seulement à la raux jusqu’à l’hypothalamus [10].
Le centre thermorégulateur est situé au niveau de la
région préoptique de l’hypothalamus antérieur. Les infor-
mations y sont intégrées sous forme d’une température
corporelle moyenne qui est comparée à une zone de tem-
pératures de référence (zone de neutralité thermique)
au-dessus ou en dessous de laquelle les réponses thermo-
régulatrices sont déclenchées. Cette zone de neutralité
thermique est très étroite puisque le seuil des réponses au
chaud (vasodilatation, sudation) n’est séparé que de 0,2 °C
de celui de la première réponse au froid (vasoconstriction)
[7].
Les réponses comportementales (les seules existant chez
les animaux poïkilothermes) sont de loin les plus efficaces
(se déplacer, se couvrir, aérer une pièce, etc.) et les infor-
mations en provenance des récepteurs cutanés jouent un
grand rôle (notion de « confort thermique »), notamment
celles provenant de la face [7, 10]. Les autres réponses
dépendent du système nerveux autonome et ne sont
déclenchées que si les réponses comportementales sont
inadaptées ou dépassées. Elles sont caractérisées essentiel-
lement par leur seuil de déclenchement (figure 3), mais
également par leur pente de réponse et leur maximum.
Les réponses à une agression thermique chaude sont la
vasodilatation et la sudation. La vasodilatation peut accroî-
tre le flux sanguin dans les capillaires cutanés jusqu’à près
de 7,5 L/min, permettant un transfert rapide de la chaleur
depuis le compartiment central et les muscles vers la peau,
où elle est éliminée par la sudation [9]. La sudation est sous
le contrôle des fibres cholinergiques postganglionnaires
innervant les follicules sudoripares, dont il est à noter qu’ils
sont les seuls effecteurs exclusivement dédiés à la thermo-
régulation. C’est le changement d’état de l’eau qui
Figure 1 / A. Représentation schématique de l’inhomogénéité absorbe l’énergie, consommant 4 kJ par millilitre de sueur
des températures corporelles, à l’état de veille, évaporée. La perte de chaleur est donc d’autant plus
en deux compartiments de chaleur : central et périphérique. importante que l’air au contact de la peau est sec et fré-
B. Hypothermie de redistribution
La vasodilatation induite par l’anesthésie générale favorise
quemment renouvelé par convection, alors que le ruissel-
un transfert de chaleur du compartiment central (qui se refroidit) lement de la sueur est au contraire inefficace. Ce
vers le compartiment périphérique (qui se réchauffe), sans changement mécanisme est limité par le débit maximal de sueur, qui
significatif du contenu de chaleur corporel (d’après Sessler [5]). augmente avec l’entraînement à l’effort physique intense
et prolongé, tel le marathon.

Afférences Centre : hypothalamus Efférences

Réponses
comportementales

Sudation
Hypothalamus 38 °C Vasodilatation

Moelle épinière
Figure 2 / Organisation
Cortex de la thermorégulation chez l’adulte
37 °C Les informations thermiques centrales
Tissus profonds et périphériques sont intégrées sous forme
de température corporelle moyenne
Peau au niveau de l’hypothalamus antérieur.
36 °C Réponses Toute déviation en dehors de la zone
comportementales de neutralité thermique déclenche
des réponses adaptées, les réponses
Vasoconstriction comportementales étant largement
Frisson dominantes (d’après Sessler [7]).

440
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page441

Équilibre thermique 40

Vasoconstriction

Thermogenèse non liée au frisson Vasodilatation

Sudation
Frisson

Normal
33 35 37 39 41 °C

Vasoconstriction
Vasodilatation
Thermogenèse non liée au frisson
Figure 3 / Représentation schématique Sudation
des seuils de délenchement Frisson
des réponses thermorégulatrices
L’écart entre vasoconstriction et sudation,
qui n’est que de 0,2 °C à l’état d’éveil,
atteint 4 °C sous anesthésie générale Anesthésie
(d’après Sessler [5]). 33 35 37 39 41 °C

Les réponses au froid ne sont pas synchronisées, à la dif- La température centrale ne varie que de quelques
férence de celles au chaud. La première réponse, sous com- dixièmes de degré autour de 37 °C pour des envi-
mande adrénergique, est la vasoconstriction des shunts ronnements thermiques très variables. Cette stabi-
artérioveineux, qui prédomine au niveau des extrémités lité repose sur un système thermorégulateur
(doigts, orteils). La vasoconstriction réduit les échanges de composé de récepteurs au chaud et au froid répartis
chaleur, d’une part, entre la peau et l’environnement dans tout l’organisme, de voies afférentes qui trans-
(d’environ 25 % au maximum) [11] et, d’autre part, entre mettent les informations à l’hypothalamus anté-
les compartiments central et périphérique. La seconde rieur, centre thermorégulateur, où elles sont
réponse, dont le seuil de déclenchement est inférieur d’en- intégrées sous la forme d’une température corpo-
viron 1 °C à celui de la vasoconstriction [9], est le frisson. relle moyenne. Toute déviation de cette tempéra-

en moyenne la production de chaleur (V̇O2), mais son pic


Cette activité musculaire oscillatoire involontaire double ture au-delà ou en deçà de températures seuils
déclenche des réponses adaptées. Les réponses
d’augmentation peut la multiplier jusque par 6. Ces comportementales sont les premières mises en
réponses sont constamment associées à une augmentation œuvre. Les autres réponses dépendent du système
de la sécrétion de noradrénaline [12]. La thermogenèse nerveux autonome : vasodilatation et sudation
pour les réponses au chaud, vasoconstriction et fris-
non liée au frisson, en rapport avec le métabolisme de la
son pour les réponses au froid.
graisse brune, ne s’observe dans l’espèce humaine que
chez le nouveau-né [7].
Les réponses du centre thermorégulateur sont modu-
lées par de nombreuses substances : catécholamines, Hypothermies
sérotonine, acétylcholine, peptides (enképhaline, b-endor-
phine, peptides opioïdes, etc.), récepteurs à la NMDA (N-
méthyl-D-aspartate). Les hormones sexuelles l’influencent
Hypothermie per-opératoire
également, expliquant un décalage thermique au cours du modérée involontaire
cycle menstruel. Ce centre est également sensible à de
nombreux autres facteurs : concentration en glucose, pres- Physiopathologie
sion artérielle, stimulus douloureux par exemple. De plus,
En l’absence de moyens efficaces de prévention, toute
le niveau d’activité des neurones de la région préoptique
anesthésie, qu’elle soit générale ou locorégionale médul-
est modulé par le niveau d’éveil et par l’activité des noyaux
laire, conduit inévitablement à une hypothermie centrale
suprachiasmatiques, ce qui est à rapprocher de la variation
dite modérée, car ne descendant généralement pas au-des-
de la température corporelle selon le rythme circadien,
sous de 34 °C. Elle résulte de deux mécanismes : l’exposi-
avec un abaissement durant le sommeil, dont l’amplitude tion à une ambiance thermique généralement froide en
n’excède cependant pas 1 °C [13]. Enfin, d’autres structures salle d’opération et l’altération du système thermorégula-
spinales et supraspinales interviennent dans la modulation teur par les agents de l’anesthésie [6]. La première consé-
des informations et réponses thermorégulatrices : au quence de l’anesthésie est la suppression de toute réponse
niveau du bulbe, le nucleus raphe magnus joue un rôle comportementale, ce qui place au premier plan les
inhibiteur sur le frisson alors que, au niveau de la protu- réponses du système nerveux autonome. Mais celles-ci sont
bérance annulaire, le locus subcoeruleus a un rôle opposé également altérées car la plupart des agents de l’anesthé-
[13]. Ce système thermorégulateur, complexe mais très effi- sie générale modifient le fonctionnement du centre ther-
cace, peut cependant être mis en défaut soit parce qu’il est morégulateur en élargissant la zone de neutralité
altéré par des médicaments ou des substances toxiques thermique, qui passe de 0,2 °C à l’état de veille à près de
(anesthésie générale, alcool, etc.), soit parce qu’il est 4 °C sous anesthésie générale profonde (figure 3) [7]. Le
dépassé en raison d’un environnement thermique défavo- seuil de déclenchement de la sudation est relevé, alors que
rable. Il en résulte un état d’hypothermie ou d’hyperther- les seuils de déclenchement de la vasoconstriction et du
mie, de gravité variable mais pouvant être fatal. frisson sont abaissés. Dans cette zone élargie de neutralité

441
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page442

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

thermique, les mécanismes de défense étant abolis, le bilan contenu calorique corporel n’est alors que de l’ordre de
calorique ne dépend plus que des échanges avec l’environ- 10 %, ce qui ne saurait expliquer une baisse de la tempé-
nement thermique. L’importance de l’altération varie avec rature centrale d’une telle amplitude. Le mécanisme pré-
le type d’agents anesthésiques (modeste avec les benzo- pondérant dans cette phase est la redistribution interne de
diazépines [14], marquée avec les halogénés, les opiacés chaleur. La levée du tonus sympathique vasoconstricteur
ou le propofol) et leur concentration (figure 4) [15], donc par les agents de l’anesthésie accélère les échanges ther-
avec la profondeur de l’anesthésie. miques entre le compartiment central, initialement à 37 °C,
L’évolution spontanée de la température centrale au et le compartiment périphérique, plus froid. Alors que le
cours d’une anesthésie se fait en trois phases (figure 5) [16]. contenu corporel en chaleur varie peu, le compartiment
Durant la première heure, la température centrale chute périphérique se réchauffe aux dépens du compartiment
brutalement de 1 à 1,5 °C (phase 1). La réduction du central, qui se refroidit (figure 1) [8]. Il en résulte que l’hy-
pothermie initiale est d’autant plus importante que le
compartiment périphérique était initialement plus froid et
qu’elle peut, à l’inverse, être évitée si la température du
compartiment périphérique est amenée à 37 °C par un
Sudation réchauffement cutané préalable à l’anesthésie [17, 18]. La
38
chute thermique est également moindre lorsqu’il existe
une vasodilatation antérieure à l’anesthésie, comme ceci a
Seuils été observé chez les patients obèses, dont la relative vaso-
36 dilatation à l’état de veille facilite l’élimination de calories
(°C)
[19], ou préalablement traités par un agent vasodilatateur,
telle la nifédipine [20]. Lors de l’induction anesthésique,
l’hypothermie par redistribution de chaleur est moindre
34
Vasoconstriction avec les agents préservant le tonus sympathique (kétamine
Frisson
[21]) ou provoquant une vasoconstriction [22], alors qu’à
l’inverse, les agents les plus vasodilatateurs l’augmentent,
32 comme c’est le cas du propofol comparé au sévoflurane
[23]. Ce même mécanisme de redistribution explique l’hy-
Intervalle de confiance 95 % pothermie induite par l’anesthésie locorégionale médul-
laire (péridurale ou rachianesthésie), l’hémicorps inférieur,
30 vasodilaté en raison du blocage sympathique, se réchauf-
0 2 4 6 8 fant au détriment du compartiment central [24].
Propofol (µg/mL)
Cette chute initiale brutale est suivie d’une chute régu-
Figure 4 / Modification des seuils de déclenchement lière mais plus lente de la température centrale, de l’ordre
des réponses thermorégulatrices en fonction de 0,5 °C par heure (phase 2). Pendant cette période, le

̇ 2) est diminuée
des concentrations plasmatiques de propofol mécanisme prépondérant est l’installation d’un bilan calo-
Le seuil de la sudation est légèrement augmenté rique négatif. La production de chaleur (VO
alors que les seuils de la vasoconstriction et du frisson d’environ 10 % sous anesthésie générale, cependant que
sont nettement abaissés. Les modifications sont en relation linéaire
avec la concentration plasmatique de propofol les pertes sont augmentées, notamment les pertes cuta-
(d’après Matsukawa et al. [15]). nées (d’environ 7 % pour une température ambiante de
22 °C [25]), alors que toute réaction thermorégulatrice est
abolie du fait de l’abaissement du seuil de régulation. Aux
pertes cutanées (environ 90 % des pertes), s’ajoutent celles
Température liées à l’apport de solutés conservés à température
centrale ambiante et à la ventilation artificielle par des gaz froids
(°C) et secs (de l’ordre de 10 %) (figure 6). La transfusion mas-
Phase 1 : baisse initiale rapide sive et rapide de produits sanguins conservés à basse tem-
37 (redistribution de chaleur) pérature et non réchauffés peut se surajouter en cas
d’hémorragie, pouvant transformer une hypothermie
modérée en hypothermie profonde avec ses conséquences
Phase 2 : baisse lente
(bilan calorique négatif) propres. Le réchauffement des produits sanguins est donc
36
impératif dans cette situation [6]. Un clampage vasculaire
peut favoriser une balance calorique négative, par réduc-
Phase 3 : plateau tardif tion de la production de chaleur, particulièrement lorsque
(vasoconstriction)
le foie est exclu de la circulation. La levée d’un clampage
35 vasculaire peut également aggraver une hypothermie, par
un mécanisme de redistribution du sang, particulièrement
lorsque la température des membres inférieurs s’était
abaissée sous garrot [6].
34
La dernière phase se caractérise par le maintien de la
température centrale en plateau autour de 34 °C (phase 3),
phénomène observé au bout de 3 ou 4 heures. Le seuil de
thermorégulation sous anesthésie est alors atteint, avec
0 1 2 3 4
réapparition d’une vasoconstriction qui explique ce pla-
Temps (h) teau. La réduction des pertes cutanées par cette vasocons-
Figure 5 / Évolution schématique de la température centrale
triction n’est que d’environ 25 %, ce qui est insuffisant
sous anesthésie en l’absence de moyens de prévention pour annuler la balance thermique négative [11]. De fait,
(d’après Lienhart et al. [16]) la dette calorique se poursuit, mais aux dépens du seul
compartiment périphérique, qui continue à se refroidir,

442
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page443

Équilibre thermique 40

Watts 200
200

Sous anesthésie

150 150
Perfusions
Éveil Respiratoires

100
100 Respiratoires

. Cutanées
50 VO2 50
Figure 6 / À l’état de veille, le bilan Cutanées .

̇ 2). Sous
VO2
calorique est nul, les pertes équilibrant
la production de chaleur (VO
anesthésie générale, le bilan calorique est
négatif, les pertes (principalement cutanées) 0
0
sont augmentées et sont supérieures
à la production qui est diminuée Production Pertes Production Pertes

cependant que la production de chaleur se cantonne pro- (°C)


gressivement au seul compartiment central, dont la tem- 36
pérature reste constante (figure 7) [26].
Température 34
En fin d’intervention, le bilan calorique est négatif et cuisse
une hypothermie modérée, autour de 34 °C, en est la 32
conséquence. La seule réelle prévention est le réchauffe- 30
ment de la peau à 40 °C environ, par des couvertures
thermostatées (figure 8). Pour être efficace, ce réchauffe- 34
ment doit être commencé le plus tôt possible (voire avant 32 Température
pour prévenir l’hypothermie initiale), durer pendant toute jambe
l’intervention et utiliser la plus grande surface cutanée dis- 30
ponible [27, 28]. 28
Température 37
centrale (°C)
L’installation d’une hypothermie sous anesthésie 35
générale, habituellement modérée (34 °C), est la –1 0 1 2 3
conséquence de l’exposition au froid en salle d’opé- Temps (h)
ration et d’une altération de la thermorégulation par Figure 7 / Phase 3 (plateau)
les agents de l’anesthésie, proportionnelle à leur À partir du temps « 0 », au bout de 3 à 4 heures d’anesthésie, la tem-
dose. Les réponses comportementales sont suppri- pérature (T) centrale se maintient en plateau en raison de la réappa-
mées et les seuils de la thermorégulation s’écartent rition de la vasoconstriction thermorégulatrice, mais la dette
de leurs valeurs normales. La température centrale calorique se poursuit aux dépens du compartiment périphérique
évolue spontanément en trois phases successives comme le montre la poursuite de la chute de la température au
correspondant à des mécanismes différents : la chute niveau des membres inférieurs, mesurée à 18 mm de profondeur au
niveau de la cuisse et de la jambe (d’après Belani et al. [26]).
initiale de 1 à 1,5 °C durant la première heure est liée
à la redistribution interne de chaleur, la phase de
décroissance lente de 0,5 °C par heure est liée à un
bilan calorique négatif, la stabilisation vers 34 °C au
bout de 3 ou 4 heures intervient lorsque le seuil de Température Réchauffement cutané
thermorégulation (vasoconstriction) est atteint. Le centrale
réchauffement cutané au moyen de couvertures (°C)
chauffantes prévient l’hypothermie per-opératoire. 37

Conséquences de l’hypothermie
36
modérée per-opératoire
Pendant longtemps, seules les conséquences de l’hypo-
thermie profonde ont été prises en compte, notamment le 35
risque de trouble du rythme grave vers 27 °C. Une meil- Pas de prévention
leure compréhension de la physiologie et, surtout, la pos-
0 30 60 90 120 Fin
sibilité d’une prévention efficace ont permis la mise en
évidence des conséquences délétères de l’hypothermie per- Durée d’intervention (min)
opératoire, même modérée. Il s’agit, d’une part, des consé-
Figure 8 / Comparaison de l’évolution per-opératoire
quences de l’hypothermie elle-même et, d’autre part, des de la température centrale entre un groupe contrôle
conséquences en phase de réveil du retour à la normale de et un groupe ayant bénéficié d’un réchauffement cutané
la thermorégulation, mais cette distinction comporte une en chirurgie abdominale majeure (d’après Camus et al. [27])
part d’arbitraire, les études cliniques ne permettant pas * p < 0,05 entre les deux groupes.
toujours de l’établir.

443
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

L’hypothermie altère l’agrégation plaquettaire (par opératoires, favorisait l’infection postopératoire,


diminution de la synthèse de thromboxane A2) et prolonge retardait la cicatrisation et allongeait la durée d’hos-
les temps de coagulation (par ralentissement de la ciné- pitalisation. La prévention de ces complications
tique des systèmes enzymatiques impliqués). Elle diminue repose sur le maintien de la normothermie en per-
également l’efficacité de la réponse immunitaire non spé- opératoire, recommandable lorsque l’hypothermie
cifique : diminution de la prolifération mitogène des lym- n’est pas recherchée.
phocytes, de la libération des cytokines interleukine 1 (IL-1)
et IL-2, de la production par les polynucléaires de radicaux
oxygénés bactéricides. La vasoconstriction thermorégula-
trice joue un rôle défavorable sur les mécanismes de
Hypothermie modérée
défense contre l’infection et sur la cicatrisation [6, 29]. Elle provoquée
entraîne une baisse de la pression partielle en oxygène
(PO2) tissulaire, facteur essentiel de l’activité bactéricide Le rôle protecteur d’une hypothermie modérée préala-
des phagocytes. L’hypoxie locale réduit également l’activité ble à une ischémie cérébrale a été établi par de nom-
d’hydroxylases dont la présence au niveau de la plaie opé- breuses études expérimentales. Ses mécanismes en restent
ratoire accélère la formation de collagène à partir du pro- cependant discutés, la réduction de l’activité métabolique
collagène. Cette vasoconstriction peut être présente dès la cérébrale (de 5 à 7 % par degré Celsius perdu) n’étant plus
phase opératoire si la température centrale descend en considérée comme le mécanisme essentiel. Plusieurs méca-
dessous de son seuil de déclenchement et persiste en post- nismes sont désormais avancés, partant du fait que les cel-
opératoire jusqu’au retour à la normale de la température. lules exposées à l’ischémie peuvent plus ou moins
Enfin, l’hypothermie modifie l’action des agents de l’anes- précocement se nécroser ou entrer dans un processus pro-
thésie, augmentant notamment la puissance des halogé- grammé de mort cellulaire, l’apoptose [33, 34].
nés et la durée de la curarisation [6, 7].
L’hypothermie réduit la libération d’enzymes, les cas-
Lorsque l’effet des médicaments utilisés pour l’anesthé- pases, protéases intracellulaires qui apparaissent comme
sie se dissipe, le retour de la thermorégulation entraîne les effecteurs principaux de l’apoptose.
vasoconstriction, élévation de la pression artérielle, frisson
Elle inhibe la « cascade excito-toxique » qui maintient
[6]. Ce dernier s’accompagne d’une augmentation de la
les neurones dans un état d’hyperexcitabilité favorisant
consommation d’oxygène, corrélée à la dette calorique
l’aggravation des lésions. Elle ralentit l’afflux de Ca+ intra-
constituée en per-opératoire [30], avec une augmentation
parallèle de la production de gaz carbonique, de la venti- cellulaire et l’accumulation de glutamate, neurotransmet-
lation minute et du débit cardiaque [6]. Les contraintes teur excitateur favorisant l’activité de canaux calciques
métaboliques résultant du stress thermique au réveil sont [35].
globalement plus importantes que les autres contraintes Elle réduit la libération de cytokines pro-inflammatoires
résultant d’un réveil anesthésique normothermique, même (TNF-a, IL-1) provoquée par l’ischémie. La réaction inflam-
si celui-ci est douloureux [30]. Une augmentation du taux matoire stimule l’accumulation de cellules inflammatoires
plasmatique de noradrénaline est également observée, qui dans le cerveau et l’apparition de molécules favorisant
persiste plusieurs heures après le retour à la normothermie l’adhésion sur les cellules endothéliales et les leucocytes.
[12]. L’infiltration de leucocytes peut augmenter le risque d’ap-
Les études prospectives, randomisées et portant sou- parition et d’extension de lésions cellulaires par leur acti-
vent sur de larges effectifs, ont démontré l’impact clinique vité phagocytaire, la synthèse de dérivés toxiques et la
de ces phénomènes physiologiques. Chez des patients opé- stimulation supplémentaire des réponses inflammatoires.
rés de pathologies diverses et ayant des antécédents de L’hypothermie réduit aussi la production d’oxyde nitrique
pathologie coronaire, le maintien de la normothermie per- (NO), agent clé dans le développement des lésions céré-
opératoire (36,7 ± 0,1 °C) s’accompagne d’une réduction brales postischémiques.
de moitié de la fréquence des événements cardiaques péri- Elle diminue la production de radicaux oxygénés
opératoires (angor instable/ischémie, arrêt cardiaque ou (peroxyde d’hydrogène : H2O2 ; superoxyde : O2–) et de
infarctus du myocarde), en comparaison avec l’hypother- radicaux libres hydroxylés (OH–). La production excessive
mie modérée (35,4 ± 0,1 °C) [31]. Il a par ailleurs été établi de ces radicaux entraîne la peroxydation des lipides, pro-
que la prévention per-opératoire de l’hypothermie s’ac- téines et acides nucléiques.
compagnait d’une réduction significative des besoins de
transfusion sanguine, aussi bien en chirurgie orthopédique Elle peut modifier ou inverser les mécanismes qui aug-
[32] que digestive [29]. Il a enfin été montré que l’hypo- mentent la perméabilité membranaire et le développe-
thermie modérée favorisait l’infection péri-opératoire, ment d’une acidose intracellulaire, ce dernier facteur
retardait la cicatrisation et prolongeait la durée d’hospita- stimulant plusieurs des processus destructeurs déjà men-
lisation par comparaison avec des patients normother- tionnés.
miques [29]. Outre l’inconfort et la prolongation de séjour Après une lésion neurologique, certaines aires céré-
en salle de réveil que provoque l’hypothermie, l’ensemble brales ont une température supérieure (jusqu’à 2 °C) à la
de ces faits milite en faveur de l’utilisation des moyens per- température centrale (thermo-pooling). L’hyperthermie
mettant de la prévenir, chaque fois qu’un effet bénéfique augmente significativement le risque et l’extension des
n’en est pas attendu. lésions neurologiques : l’hypothermie modérée peut aider
à prévenir ou à limiter ce type de lésions.
L’hypothermie per-opératoire a de nombreuses L’hypothermie accélère le retour à un métabolisme
conséquences délétères, liées aux conséquences cérébral normal pendant et après la reperfusion, elle est
métaboliques du retour de la thermorégulation lors associée à une meilleure préservation des phosphates
du réveil, à la baisse des PO2 tissulaires résultant de riches en énergie et elle réduit l’accumulation de métabo-
la vasoconstriction thermorégulatrice, ou à l’altéra- lites toxiques [33, 34, 36].
tion directe de mécanismes de l’hémostase. Des
études contrôlées ont montré qu’elle entraînait la Les effets neuroprotecteurs de l’hypothermie l’ont fait
survenue de complications cardiaques postopéra- proposer dans le traitement des arrêts cardiaques liés à une
toires, augmentait les besoins transfusionnels péri- fibrillation ou une tachycardie ventriculaires. Son intérêt

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Équilibre thermique 40

est également discuté dans les arrêts cardiaques liés à d’au- biologiques comme la PO2, la pression partielle de gaz car-
tres troubles du rythme, dans les accidents vasculaires céré- bonique (PCO2), l’équilibre ionique ou acido-basique. Elle
braux ischémiques localisés et dans les traumatismes pourrait être expliquée par un gradient de température
crâniens. Si le champ d’application de l’hypothermie thé- entre le myocarde et les tissus conducteurs plus froids, ce
rapeutique reste encore à définir, il est en revanche admis qui faciliterait la conduction au travers du myocarde aux
qu’il est indispensable de traiter ou de prévenir toute dépens des voies habituelles. Une autre hypothèse suggère
hyperthermie chez le patient souffrant d’ischémie céré- que le gradient de température entre le myocarde et l’en-
brale. docarde entraînerait des différences dans la durée du
potentiel d’action, de la période réfractaire et de la vitesse
de conduction, augmentant la vulnérabilité à la survenue
Le rôle protecteur de l’hypothermie modérée volon- d’arythmies ventriculaires. Cette fibrillation est souvent
taire sur l’ischémie cérébrale expérimentale repose réfractaire aux traitements pharmacologiques, voire au
sur de nombreux mécanismes, la seule réduction du choc électrique [40, 41].
métabolisme n’étant plus considérée comme le prin-
cipal. L’hypothermie protège les neurones et autres
cellules cérébrales des lésions liées à l’ischémie et à Système nerveux
la reperfusion, en freinant l’apoptose, par inhibition La symptomatologie neurologique centrale est habi-
de la cascade neurotoxique, diminution de la tuellement présente à tous les stades de l’hypothermie,
réponse immunitaire et inflammatoire, réduction de depuis la simple confusion jusqu’au coma. L’autorégulation
la production de radicaux libres, prévention de du débit sanguin cérébral disparaît à 24 °C. L’électro-
l’augmentation de la perméabilité vasculaire, et en encéphalogramme (EEG) est plat à 20 °C [37]. Le métabo-
prévenant ou modérant le phénomène de « thermo- lisme cérébral est diminué et la tolérance cérébrale à
pooling ». L’application clinique n’est pas acquise. l’ischémie augmentée [42]. La conduction nerveuse péri-
phérique est ralentie, ce qui serait dû à la diminution des
flux potassique et chloré au niveau de la membrane axo-
Hypothermie accidentelle nale [43]. Ces anomalies de la conduction expliqueraient
la symptomatologie neurologique périphérique (ataxie,
L’hypothermie accidentelle est la conséquence de la hyporéflexie, etc.) et pourraient également expliquer l’al-
défaillance des mécanismes thermorégulateurs au cours de tération des mécanismes de régulation cardiovasculaire,
l’exposition à un environnement froid. Sa survenue est notamment l’existence de collapsus lors des modifications
favorisée par certaines situations – grand âge, précarité, posturales (passage à la position assise, voire au simple pro-
altération pharmacologique ou toxique de la thermorégu- cubitus) [37].
lation (benzodiazépines, alcool) – et de nombreuses patho-
logies (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien,
diabète, etc.). Trois phases de gravité croissante sont rete-
Fonction respiratoire
nues dans la littérature médicale : l’hypothermie mineure L’hypothermie mineure s’accompagne d’une tachypnée
(32-35 °C), modérée (28-32 °C) et sévère (< 28 °C). Tous les initiale suivie d’une diminution de la ventilation minute,
mécanismes physiologiques sont concernés [37]. d’une réduction de la consommation d’oxygène et d’un
bronchospasme accompagné de bronchorrhée. Au stade
Appareil cardiovasculaire de l’hypothermie modérée, l’altération des fonctions
ciliaires diminue les défenses des voies aériennes et prédis-
Au stade de l’hypothermie mineure, les mécanismes pose à des inhalations et des pneumopathies. La consom-
thermorégulateurs sont encore efficaces et entraînent mation d’oxygène et la production de gaz carbonique sont
vasoconstriction, tachycardie, augmentation du débit car- diminuées de 50 % à 30 °C. La réponse ventilatoire des cen-
diaque et élévation modérée de la pression artérielle [37, tres respiratoires aux modifications de la PCO2 est dimi-
38]. Au stade de l’hypothermie modérée, la diminution de nuée en dessous de 34 °C mais la réponse à l’hypoxie est
la dépolarisation des cellules pacemakers entraîne une bra- maintenue. Les résistances vasculaires pulmonaires sont
dycardie réfractaire à l’atropine. Les résistances vasculaires augmentées, provoquant des anomalies du rapport venti-
périphériques totales sont augmentées du fait de la lation/perfusion. Au stade de l’hypothermie sévère, une
réponse sympathique, de la sécrétion de catécholamines hypoventilation s’installe progressivement jusqu’à l’apnée.
et de l’augmentation de la viscosité sanguine par hémo- L’hypothermie modérée entraîne une déviation vers la
concentration. La répartition des débits régionaux est gauche de la courbe de dissociation de l’oxy-hémoglobine,
modifiée, avec vasoconstriction rénale et vasodilatation compromettant l’apport périphérique d’oxygène, en partie
splanchnique [37]. Des anomalies de la repolarisation compensée par l’acidose à la fois respiratoire (hypercapnie
apparaissent sous forme de l’onde J d’Osborn sur l’électro- par hypoventilation) et métabolique (acide lactique dont
cardiogramme (ECG). Cette onde J est due à un gradient la production est accrue par le frisson et la clairance hépa-
de potentiel transmural créé par la prédominance du tique réduite par l’hypothermie). Dans l’hypothermie
potentiel d’action dans l’épicarde par rapport à l’endo- sévère, l’acidose est prépondérante et la courbe de disso-
carde [39]. Le potentiel d’action est prolongé au niveau cel- ciation de l’oxy-hémoglobine est déviée vers la droite [37].
lulaire (prolongation de la systole) et la conduction
myocardique ralentie (allongement de l’intervalle PR, blocs
auriculoventriculaires), du fait d’altérations dans les cou-
Sang et hémostase
rants sodique, potassique et calcique. Enfin, un retard de L’hypothermie augmente la perméabilité vasculaire,
la repolarisation se traduit par un allongement de l’inter- entraînant une extravasation de plasma, responsable
valle QT. Dans les hypothermies sévères, la bradycardie d’une hémoconcentration et d’une hypovolémie qui est
s’aggrave de 30-40 bpm jusqu’à 10 bpm. Le risque d’asys- aggravée par la diurèse induite par l’hypothermie.
tolie est présent à 24 °C. Les résistances vasculaires s’effon- L’hématocrite s’élève de 2 % pour chaque degré Celsius
drent par épuisement de la sécrétion catécholaminergique. perdu, augmentant la viscosité [44]. L’hypothermie ralentit
Le débit cardiaque diminue en conséquence [37]. La surve- la cinétique des systèmes enzymatiques impliqués dans la
nue d’une fibrillation ventriculaire est fréquente autour de coagulation, pouvant entraîner une coagulopathie qui
27 °C. Elle est favorisée par des modifications rapides de n’apparaît pas sur les tests réalisés au laboratoire, les
posture, de température du myocarde ou de paramètres échantillons étant réchauffés à 37 °C [45]. L’hypothermie a

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

plusieurs effets sur l’activité plaquettaire. En diminuant la au réchauffement de tous les solutés perfusés, ou le
synthèse endothéliale de prostacycline (PGI2), inhibiteur de recours à un réchauffement actif interne par dialyse péri-
l’agrégation plaquettaire, elle favorise la constitution de tonéale sont des moyens largement validés [38].
thromboses [46]. À l’inverse, en diminuant la production
plaquettaire de thromboxane B2, elle réduit l’activité pla-
L’hypothermie accidentelle a des conséquences phy-
quettaire [47]. Enfin, une thrombopénie peut être obser-
siopathologiques multiples concernant tous les
vée, par dépression de la production médullaire et
appareils : cardiovasculaire, hématologique, neuro-
séquestration splénique et hépatique. Une coagulopathie
logique, respiratoire, rénal, métabolique et gastro-
de consommation est fréquemment rapportée [48] et
intestinal. Certaines d’entre elles, les lésions de
contribue à la thrombopénie [37]. Elle serait due à la libé-
reperfusion-réchauffement, sont provoquées par le
ration de thromplastine par les tissus ischémiés et au col-
réchauffement corporel, qui est la principale mesure
lapsus cardiovasculaire. La cryofibrinogénémie peut être
thérapeutique mais dont la rapidité doit être discu-
élevée, augmentant encore la viscosité, et peut entraîner
tée.
des micro-infarctus disséminés [49]. L’hypothermie peut
provoquer une leucopénie et les études animales suggè-
rent une altération de la migration des neutrophiles et de
la phagocytose bactérienne, favorisant l’infection [37]. Hyperthermies
Fonction rénale et métabolisme Il convient de distinguer la fièvre, conséquence de l’élé-
vation des températures seuils du thermostat hypothala-
Dans l’hypothermie mineure, la diurèse est augmentée mique, des autres hyperthermies dont le mécanisme n’est
en raison d’une élévation du débit sanguin rénal, d’une pas nécessairement central. La première n’est avant tout
diminution de la réabsorption distale de l’eau et d’une qu’un symptôme, alors que les dernières peuvent engen-
résistance à la vasopressine (ADH) [50]. L’excrétion urinaire drer des lésions irréversibles au-delà d’une certaine tem-
d’électrolytes est augmentée, probablement par diminu- pérature, voire la mort.
tion de la réabsorption distale du sodium. Dans l’hypother-
mie modérée, la filtration glomérulaire diminue du fait de
la chute des débits cardiaque et rénal. Les fonctions tubu-
laires sont encore réduites. À des températures inférieures,
Fièvre
la capacité d’excrétion tubulaire d’ions H+ est diminuée, La fièvre est une augmentation de la température cor-
entraînant une participation rénale à l’acidose. Une insuf- porelle de 1 à 4 °C et constitue l’une des manifestations
fisance rénale aiguë survient chez environ 40 % des caractéristiques de la réaction inflammatoire aiguë à une
patients mais serait en réalité due à des lésions de reper- agression d’origine infectieuse, physique ou chimique. Elle
fusion-réchauffement, l’hypothermie exerçant plutôt un est due au déplacement de la zone de neutralité ther-
rôle protecteur [37, 50]. Le métabolisme global, mesuré par mique vers des températures plus élevées [53]. Il en résulte
la consommation d’oxygène, diminue de 6 % pour chaque l’apparition, dès 37 °C, de manifestations habituellement
degré perdu [51]. En cas d’hypothermie prolongée, l’effon- rencontrées dans la lutte contre le froid : vasoconstriction
drement des réserves en glycogène peut provoquer une (qui permet de conserver la chaleur produite) et frisson
hypoglycémie [37]. L’équilibre acido-basique est modifié (qui augmente la production de chaleur). Lorsque l’éléva-
par l’hypothermie et les modalités de sa prise en charge tion de la température centrale provoquée par l’augmen-
ont fait l’objet de discussions. L’analyse des gaz du sang se tation du contenu corporel de chaleur atteint les seuils de
fait sur un échantillon réchauffé à 37 °C, ce qui conduit à déclenchement des réponses au chaud (vasodilatation,
fournir des résultats de PO2 et de PCO2 plus élevés et un sudation), celles-ci apparaissent et la température se sta-
pH plus bas que les valeurs réelles du patient hypotherme. bilise.
En pratique, néanmoins, il est recommandé de ne pas cor-
riger les valeurs mesurées à 37 °C et de maintenir un pH Le déplacement de la zone de neutralité thermique
voisin de 7,4 afin d’éviter les inconvénients de l’hyperven- résulte de l’action de substances dites pyrogènes, qui peu-
tilation ou d’une utilisation en excès de bicarbonates [37, vent être exogènes ou endogènes. Les pyrogènes exogènes
52]. proviennent de micro-organismes, comme les endotoxines
des bactéries à Gram négatif ou les entérotoxines des bac-
téries à Gram positif. Les pyrogènes exogènes induisent la
Appareil digestif fièvre, soit par action directe sur l’hypothalamus, soit par
L’hypothermie altère les fonctions hépatiques avec stimulation de la production de pyrogènes endogènes. Les
diminution de la clairance de l’acide lactique et altération pyrogènes endogènes sont des protéines solubles appar-
des mécanismes de détoxification et de conjugaison. La tenant à la famille des cytokines : interleukine 1-ab, TNF-a,
demi-vie de nombreuses substances médicamenteuses ou lymphotoxine a, interféron a. Les cytokines circulantes
toxiques est ainsi modifiée, avec prolongation de leurs accroissent la production de prostaglandines E2 (PGE2) au
effets, notamment ceux de l’alcool. niveau des cellules endothéliales des organes circonvolu-
tés, qui sont au contact de l’hypothalamus et ne possèdent
L’objectif principal du traitement est de restaurer la pas de barrière hémato-méningée (glande pinéale, émi-
normothermie car la plupart des conséquences sont réver- nence médiane, organum vasculosum). Les PGE2 pénètrent
sibles avec le réchauffement corporel, même dans les dans l’hypothalamus, se fixent à leurs récepteurs
formes sévères, alors que le traitement des différents spécifiques EP-3, entraînant la production d’adénosine
symptômes est souvent mis en échec. Les moyens utilisables monophosphate cyclique (AMPc), neurotransmetteur qui
dépendent de la gravité de l’hypothermie mais aussi de la modifie l’activité du centre thermorégulateur [54]. Dans la
disponibilité du matériel et de l’expérience de l’équipe période postopératoire d’interventions majeures, une fiè-
médicale. Très schématiquement, si des mesures de vre est souvent notée. Les seuils de thermorégulation peu-
réchauffement passives (couvertures) peuvent suffire dans vent s’élever d’environ 1,4 °C en l’absence de toute
les hypothermies mineures, le réchauffement actif par cir- infection. Cette élévation est proportionnelle à la durée de
culation extracorporelle peut s’imposer dans certaines l’intervention et est associée à une augmentation du taux
hypothermies majeures. Entre ces deux extrêmes, l’associa- d’interleukine 6, suggérant la responsabilité des lésions tis-
tion du réchauffement cutané par convection d’air chaud sulaires et du stress péri-opératoire dans sa survenue [55].

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Équilibre thermique 40

À l’inverse, l’effet antipyrétique de certains médica- conduisant à des dommages tissulaires irréversibles, voire
ments s’exerce par l’intermédiaire de leur action sur la au décès en l’absence de traitement précoce et adapté
PGE2 : réduction de sa production par les salicylés, inhibi- [57]. C’est une maladie pharmacogénétique, transmise
tion compétitive des récepteurs cyclo-oxygénase 2 (COX-2) selon un mode autosomique dominant, qui se manifeste
par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le paracéta- lorsque les individus porteurs de la prédisposition géné-
mol diminue également la production de PGE2, mais son tique sont exposés à un agent anesthésique déclenchant
faible pouvoir inhibiteur sur les COX-1 et COX-2 laisse sup- (halogéné). La succinylcholine favorise la survenue de telles
poser une action sur un troisième type de COX ou une crises.
action limitée aux sites cérébraux impliqués dans le déclen-
Le SHM résulte d’un trouble de l’homéostasie calcique
chement de la fièvre [56].
dans la fibre musculaire, homéostasie qui est essentielle au
processus de contraction-décontraction du muscle squelet-
La fièvre est l’une des manifestations caractéris- tique. La concentration en calcium libre (Ca+) myoplas-
tiques de la réaction inflammatoire aiguë à une mique est régulée par une structure essentielle, la triade.
agression d’origine infectieuse. Elle peut également Celle-ci est formée par la juxtaposition d’un tubule trans-
s’observer lors d’une agression physique ou chi- verse, prolongation de la membrane plasmique, et de deux
mique, notamment en postopératoire de chirurgies citernes terminales du réticulum sarcoplasmique (figure 9).
majeures en dehors de toute infection. Elle est la C’est à ce niveau qu’est situé l’un des complexes de mobi-
conséquence d’un déplacement vers des tempéra- lisation du calcium intracellulaire et extracellulaire vers le
tures plus élevées des seuils de thermorégulation : myoplasme. Ce complexe est principalement formé de
les réponses au froid (vasoconstriction, frisson) deux composants : le récepteur à la ryanodine (RyR1) et le
apparaissent dès 37 °C. Lorsque le nouveau seuil de récepteur aux dihydropyridines (DHPR). Le premier est
régulation est atteint, les réponses au chaud appa- présent au niveau des citernes terminales et contrôle la
raissent (vasodilatation, sueurs) et la température libération du Ca+ stocké à l’intérieur du réticulum sarco-
se stabilise. Les substances pyrogènes en cause plasmique. Le second est présent dans la membrane des
modifient l’activité des cytokines et, partant, celle tubules transverses. C’est un canal voltage-dépendant dont
des PGE2 au niveau des cellules endothéliales des l’ouverture en réponse à une dépolarisation membranaire
organes circonvolutés. L’action antipyrétique des permet l’entrée dans le myoplasme de Ca+ extracellulaire.
anti-inflammatoires passe par l’inhibition de la pro- En réponse à la dépolarisation du sarcolemme, le Ca+ est
duction de prostaglandines ou de l’action de celles- libéré dans le myoplasme par ces deux canaux et se lie à la
ci sur le thermostat hypothalamique. troponine C au sein du complexe troponine-tropomyosine,
ce qui permet l’interaction entre l’actine et la myosine,
Hyperthermie maligne entraînant la contraction musculaire. Ce mécanisme est
décrit sous le terme de couplage excitation-contraction. La
per-anesthésique phase de contraction est suivie par la phase de relaxation
permise par le retour du calcium myoplasmique dans le
Le syndrome d’hyperthermie maligne (SHM) per-anes- réticulum sarcoplasmique sous l’effet d’une pompe à cal-
thésique est une crise fulminante associant hypermétabo- cium ATP-dépendante, localisée dans la membrane du
lisme, hyperthermie non régulée et rigidité musculaire, réticulum sarcoplasmique [58, 59]. Le maintien de l’ho-

Ca++

Sarcolemme
Tube T
D
H
P
R

Réticulum RyR1
sarcoplasmique Ca
Figure 9 / Structures mises en jeu ++
dans le mécanisme d’excitation-
contraction du muscle squelettique
La dépolarisation membranaire entraîne
le relâchement par le réticulum
sarcoplasmique via les récepteurs ATP
à la ryanodine (RyR1) du calcium (Ca++)
dans le myoplasme. Il entraîne aussi ADP
l’entrée de Ca++ via les récepteurs
aux dihydropyridines (DHPR). Le Ca++
relâché par le réticulum sarcoplasmique
se fixe sur la troponine et permet ainsi
une interaction entre l’actine des filaments
fins et la myosine des filaments épais,
qui aboutit à la contraction des sarcomères. Ca++ Troponine
L’élimination du Ca++ myoplasmique Tropomyosine
à destination de la lumière du réticulum
sarcoplasmique se fait grâce à une ATPase-
pompe à calcium (d’après Monnier et
Lunardi [58]).
Myoplasme Actine Myosine
ADP : adénosine diphosphate ;
ATP : adénosine triphosphate. Sarcomère

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

méostasie calcique repose sur le fonctionnement normal chaleur « classique », conséquence de l’exposition à un
et coordonné de ces principaux éléments. La crise environnement anormalement chaud (canicule) et qui
d’hyperthermie maligne est la conséquence d’un dysfonc- affecte particulièrement les âges extrêmes de la vie, et le
tionnement des canaux RyR1 et DHPR, lequel permet un coup de chaleur d’effort survenant chez des sujets en
afflux massif de calcium dans le myoplasme. Il en résulte bonne santé, lié à une production excessive de chaleur lors
un état d’hypermétabolisme avec une explosion de la d’un effort physique intense (marathon, combat ou entraî-
consommation d’oxygène, de la production de gaz carbo- nement militaire) dans un environnement le plus souvent
nique (qui est le premier symptôme de la crise) et de lac- chaud et humide [62]. Un polymorphisme génétique déter-
tates, une hyperthermie (qui apparaît plus tardivement mine probablement la tolérance individuelle à la chaleur,
que l’hypercapnie) et une consommation excessive d’adé- les gènes en cause régulant l’activité des cytokines, des
nosine triphosphate (ATP) empêchant le recaptage du cal- protéines de la coagulation et de nombreuses protéines
cium par le réticulum sarcoplasmique et entraînant une impliquées dans l’adaptation à la chaleur [61]. Le début du
contracture musculaire permanente. L’épuisement des coup de chaleur se manifeste par étapes : crampes de cha-
réserves en ATP conduit à une faillite des différentes leur, syncope, épuisement. Son apparition résulte de la
pompes membranaires entraînant la fuite extracellulaire combinaison de trois événements (figure 10) :
de potassium, de calcium, de créatine phosphokinase et de • la défaillance des mécanismes thermorégulateurs face à
myoglobine, responsable d’arythmies, de lésions orga- une agression thermique excessive ou prolongée. La
niques irréversibles (rhabdomyolyse, insuffisance rénale) et sudation permet d’éliminer jusqu’à 700 W dans des
du décès [58, 59]. conditions optimales, mais au prix d’une perte hydrique
qui, en l’absence de compensation, conduit à la défail-
L’administration précoce de dantrolène en est le seul lance de ce mécanisme thermorégulateur et à une hypo-
traitement efficace. Cet agent pharmacologique découple volémie [61] ;
le mécanisme d’excitation-contraction dans le muscle sque- • une exagération de la réponse aiguë au stress thermique.
lettique sans affecter la transmission neuromusculaire ou Cette phase est une réaction coordonnée, qui a un rôle
les propriétés électriques du muscle. Son mode d’action de protection tissulaire et de promotion rapide des pro-
n’est toutefois pas complètement établi, car il n’existe pas cessus réparateurs, impliquant les cellules endothéliales,
de récepteurs à cet agent et ses effets varient en fonction les leucocytes et les cellules épithéliales [63]. Elle pro-
de la température et de sa concentration plasmatique. À voque la production de nombreuses cytokines en réponse
forte concentration, il inhiberait le relâchement du calcium à une agression thermique exogène (climat) ou endo-
du réticulum sarcoplasmique en se fixant sur une configu- gène (effort) : TNF-a, interleukines, interférons... Le rôle
ration spécifique du canal contrôlant ce relâchement [58]. des cytokines est complexe, induisant fièvre et leucocy-
Il existe un modèle animal du syndrome d’hyperthermie tose, augmentant la synthèse de protéines de la phase
maligne, qui est le porc hyperthermie maligne sensible aiguë, le catabolisme musculaire mais aussi l’activation
(HMS), porteur d’une mutation unique du gène RYR1 [60]. des cellules endothéliales. L’IL-6 module la réponse
Chez l’homme, une telle mutation a été retrouvée dans inflammatoire locale et systémique à l’agression ther-
quelques familles HMS, mais l’expression génétique est mique en contrôlant le taux de cytokines pro-inflamma-
beaucoup plus complexe en raison d’une importante hété- toires. Par ailleurs, elle stimule la production hépatique
rogénéité allélique ou chromosomique. Plus de 20 muta- de protéines anti-inflammatoires de la phase aiguë, pro-
tions HMS différentes du gène RYR1 ont été décrites, ainsi téines qui inhibent la production de radicaux oxygénés
qu’une mutation pour le gène CACNL1A3 qui code une et la libération d’enzymes protéolytiques par les leuco-
sous-unité du récepteur aux dihydropyridines, et 4 autres cytes [64]. D’autres protéines de la phase aiguë stimulent
loci HMS potentiels ont été découverts. Cette hétérogé- l’adhésion et la prolifération de cellules endothéliales
néité rend pour le moment illusoire un diagnostic géné- ainsi que l’angiogenèse, contribuant ainsi aux processus
tique de la maladie et les tests de contracture in vitro sur de réparation et de cicatrisation [63]. L’exagération des
biopsies musculaires restent indispensables pour affirmer réponses de cette phase aiguë pourrait avoir son origine
la sensibilité au syndrome d’hyperthermie maligne [59]. dans l’hypoperfusion du tractus gastro-intestinal résul-
tant du détournement du débit sanguin vers la peau.
Le syndrome d’hyperthermie maligne per-anesthé- L’hypoperfusion splanchnique augmente la perméabilité
sique (SHM) est une maladie pharmacogénétique du tube digestif et altère ses fonctions immunologiques
du muscle squelettique. Chez les individus généti- [65], avec libération d’endotoxines, production de cyto-
quement disposés, il est déclenché par l’exposition kines pro-inflammatoires et libération de facteurs vaso-
à un agent anesthésique déclenchant (halogéné). Le actifs endothéliaux : oxyde nitrique et endothéline. Les
SHM résulte d’une anomalie de l’homéostasie cal- cytokines pro-inflammatoires (pyrogènes) et les facteurs
cique au niveau de la fibre musculaire, responsable endothéliaux peuvent altérer la thermorégulation en
d’un afflux massif de Ca+ dans le myoplasme. Il en élevant le seuil de déclenchement de la sudation et alté-
résulte une augmentation explosive du métabo- rer le tonus vasculaire, précipitant l’évolution vers l’hy-
lisme avec hyperthermie non contrôlée et une perthermie et l’hypotension [61] ;
contracture musculaire permanente. Le dantrolène • la défaillance des protéines de choc thermique.
découple le mécanisme d’excitation-contraction Pratiquement toutes les cellules de l’organisme répon-
dans le muscle squelettique. Associée à la réanima- dent à une agression thermique brutale par la production
tion, son administration précoce est le seul traite- de protéines de choc thermique (heat shock proteins) qui
ment efficace du SHM. les protègent contre la chaleur, l’ischémie, l’hypoxie, les
endotoxines et les cytokines pro-inflammatoires [66]. La
production de ces protéines peut être altérée dans cer-

Coup de chaleur taines conditions (âges extrêmes, défaut d’acclimatation


aux climats chauds, polymorphisme génétique), favorisant
la survenue du coup de chaleur [67].
Le coup de chaleur est une urgence vitale caractérisée
par une température centrale supérieure à 40 °C et des L’évolution du coup de chaleur vers une défaillance
signes neurologiques, associés à une réponse inflamma- multiviscérale fait intervenir plusieurs facteurs : les consé-
toire systémique et, parfois, à une défaillance multiviscé- quences physiologiques de l’hyperthermie (défaillance cir-
rale [61]. Il se présente sous deux formes : le coup de culatoire, hypoxie, augmentation du métabolisme), la

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Équilibre thermique 40

Effort physique ou
exposition au chaud

Agression (stress) thermique

Phase aiguë de réponse Réponses thermorégulatrices Production de protéines


de stress

Vasodilatation cutanée Vasoconstriction splanchnique

Exagération de Défaillance de la production


la phase aiguë de réponse de protéines de stress

Production Production de radicaux oxygénés


Figure 10 / Physiopathologie d’oxyde nitrique et de dérivés nitrés
du coup de chaleur
La séquence des événements
conduisant de l’agression thermique Augmentation de la
au coup de chaleur est représentée perméabilité intestinale
sur ce schéma. Les flèches pleines
font référence à des données prouvées Endotoxémie
cliniquement ou expérimentalement.
Les flèches pointillées font référence
à des hypothèses non démontrées Défaillance de la thermorégulation,
(d’après Bouchama et al. [61]). état de choc et coup de chaleur

cytotoxicité directe de la chaleur, les réponses inflamma- L’objectif prioritaire du traitement est de faire rapide-
toires, les anomalies de la coagulation et des cellules endo- ment tomber la température centrale au-dessous de 39 °C.
théliales : Deux types de techniques sont utilisés : le refroidissement
• l’hyperthermie entraîne par elle-même des lésions cellu- cutané et le refroidissement central. Le refroidissement
laires, principalement par apoptose. La température cri- cutané repose sur le fait que la peau est le principal échan-
tique chez l’homme est proche de 42 °C. Vers 49-50 °C, geur de chaleur avec l’environnement. La méthode de
toutes les structures cellulaires sont détruites et la mort référence consiste à ventiler par de l’air sec la peau mouil-
cellulaire survient en moins de 5 minutes [61] ; lée sur la plus grande surface possible, l’évaporation assu-
• les cytokines. Les taux plasmatiques des cytokines pro- rant l’élimination de chaleur. Le refroidissement central
inflammatoires (TNF-a, IL-1b, interféron g) et anti-inflam- permet de refroidir directement le noyau qui est la vraie
matoires (IL-6, IL-10, récepteurs au TNF) sont augmentés cible. Mais les techniques utilisées, hémofiltration et per-
dans le coup de chaleur [68, 69], phénomène non sup-
fusion de solutés froids, si elles sont d’efficacité beaucoup
primé par le refroidissement des patients jusqu’à la nor-
plus rapide que la précédente, ne sont pas sans risques :
mothermie. Les taux d’IL-6 et des récepteurs au TNF sont
leur indication doit être soigneusement évaluée. Le reste
corrélés à la sévérité du coup de chaleur [68, 70]. Un dés-
du traitement est symptomatique, avec la réhydratation
équilibre entre les taux plasmatiques des cytokines pro-
inflammatoires et anti-inflammatoires pourrait induire au premier plan [74].
des lésions inflammatoires ou une immunodépression
réfractaires. L’incidence des infections est d’ailleurs éle- Le coup de chaleur est caractérisé par une tempéra-
vée chez les victimes d’un coup de chaleur [71] ; ture centrale supérieure à 40 °C et des signes neu-
• les anomalies de la coagulation et les lésions des cellules rologiques, associés à une réponse inflammatoire
endothéliales. La coagulation est activée dès le début du systémique et parfois à une défaillance multiviscé-
coup de chaleur (apparition de complexes thrombine- rale. Il peut être la conséquence d’une exposition à
antithrombine III, monomères de fibrine, abaissement
un environnement anormalement chaud (canicule)
des taux des protéines C, S et de l’antithrombine III). La
ou être la conséquence de la production excessive
fibrinolyse est également activée. Ce tableau de coagu-
de chaleur lors d’un effort physique intense et pro-
lation intravasculaire disséminée participe à la physiopa-
thologie du coup de chaleur et présente des similitudes
longé. Le coup de chaleur résulte d’un dépassement
avec le choc septique [72]. Le coup de chaleur altère éga- des mécanismes thermorégulateurs, d’une exagéra-
lement l’endothélium vasculaire, favorisant une situation tion de la réponse de phase aiguë au stress ther-
prothrombotique et augmentant la perméabilité vascu- mique qui pourrait avoir son origine dans
laire [73]. Dans sa forme la plus sévère, le coup de chaleur l’hypoperfusion splanchnique et dans la défaillance
réalise un tableau de défaillance multiviscérale : encé- de la production des protéines de choc thermique,
phalopathie, syndrome de détresse respiratoire aiguë, qui ralentissent les lésions cellulaires à l’hyperther-
lésions myocardiques, rhabdomyolyse, insuffisance mie. Dans sa forme la plus sévère, le coup de cha-
rénale, lésions hépatocellulaires, ischémie ou infarctus leur réalise un tableau de défaillance multiviscérale
intestinal, pancréatite et complications hémorragiques dont plusieurs mécanismes physiopathologiques
impliquant particulièrement une coagulation intravascu- présentent des similitudes avec ceux impliqués dans
laire disséminée avec thrombopénie sévère [61, 62]. le choc septique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Hyperthermies induites toninergiques (trazodome, L-tryptophan). La sérotonine


agit au niveau du système nerveux central par l’intermé-
par des médicaments ou diaire de plusieurs sous-types de récepteurs, par ailleurs
des substances toxiques impliqués dans la thermorégulation. Ce syndrome peut
également être déclenché par des agents augmentant sa
Syndrome malin des neuroleptiques libération (cocaïne, dérivés de la métamphétamine, dont
le MDMA ou ecstasy) ou diminuant son recaptage (antidé-
C’est une complication rare mais potentiellement mor-
presseurs tricycliques) [76, 78].
telle des traitements par des antipsychotiques ou par le
lithium. Elle est caractérisée par une hyperthermie, une rigi-
dité musculaire, une instabilité du système nerveux auto- Intoxication sympathique
nome et une altération de l’état mental. Sa physiopathologie
en a été relativement moins explorée que les précédentes Elle peut être provoquée par les inhibiteurs de la
hyperthermies et repose sur différentes hypothèses : monoamine oxydase, la cocaïne, les amphétamines et les
• des antagonistes dopaminergiques (phénothiazines, dérivés de la métamphétamine. Ces agents sont suscepti-
butyrophénones) peuvent altérer le fonctionnement du bles de provoquer la libération de catécholamines endo-
centre thermorégulateur en bloquant les récepteurs gènes ou d’en bloquer le recaptage. Des récepteurs
dopaminergiques (limitation de la dissipation calorique) dopaminergiques sont impliqués dans le fonctionnement
et augmenter la production de chaleur du fait du syn- du centre hypothalamique thermorégulateur. La produc-
drome extrapyramidal [75] ;
tion excessive de chaleur du fait d’une activité musculaire
• une toxicité musculaire directe induite par les neurolep-
tiques pourrait entraîner une augmentation du métabo- augmentée dans cette intoxication participe également à
lisme musculaire, une hyperthermie et une rigidité l’installation de l’hyperthermie, qui n’en est que l’un des
musculaire ; symptômes [76, 79].
• une hyperactivité du système sympathique en réponse à
Outre l’arrêt de l’administration de l’agent causal et la
un choc émotionnel ou psychologique, associée à un
antagonisme dopaminergique excessif, pourrait entraî- prise en charge symptomatique (correction d’une hyperka-
ner rigidité musculaire et hyperthermie [76]. liémie, prévention de l’insuffisance rénale en cas de rhab-
domyolyse, etc.), le traitement de ces hyperthermies a pour
Syndrome anticholinergique objectif principal d’abaisser rapidement la température
centrale en dessous de 39 °C, la méthode de référence
Devenu rare du fait de l’abandon de nombreux médi- étant le refroidissement cutané comme décrit pour le coup
caments anticholinergiques, ce syndrome peut encore de chaleur.
s’observer après l’administration d’anti-histaminiques,
d’atropine, de médicaments antiparkinsoniens et d’anti-
dépresseurs tricycliques. Le blocage des récepteurs musca- Les hyperthermies induites par des médicaments ou
riniques centraux et périphériques peut entraîner une des substances toxiques ont pour mécanisme com-
hyperthermie par augmentation de la production de cha- mun une altération du système thermorégulateur
leur et blocage de la sudation [77]. par ces produits. Le syndrome malin des neurolep-
tiques pourrait également être la conséquence
Syndrome sérotoninergique d’une toxicité musculaire directe induite par les neu-
Il est typiquement déclenché par la prise d’agonistes de roleptiques et/ou d’une hyperactivité du système
la sérotonine chez un patient qui utilise déjà un médica- sympathique associée à un antagonisme dopami-
ment susceptible de potentialiser l’activité des voies séro- nergique excessif.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page453

PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

41
Physiologie de l’appareil
• Filtration glomérulaire
glomérulo-tubulaire
• Fonctions tubulaires
Henri Vacher-Coponat, Yvon Berland
Service de néphrologie, Hôpital Conception,
université de la Méditerranée, Marseille

a régulation de la proportion et de la quantité Les reins épurent le plasma en continu et adaptent


d’eau et d’électrolytes de l’organisme est assurée les sorties ioniques aux besoins de l’organisme.
par les reins. En plus de leur rôle dans le maintien L’élément fonctionnel est l’appareil glomérulo-tubu-
de cette stabilité hydro-électrolytique, les reins laire, ou néphron, composé d’un filtre, le glomérule,
assurent l’élimination de déchets organiques, et d’un segment complexe qui modifie profondé-
comme l’urée ou l’acide urique, et de nombreux ment les caractéristiques du liquide filtré, le tubule.
toxiques et médicaments. Enfin, ils jouent un role Au total, nous disposons de 2 millions de ces unités
important dans la régulation de la tension arté- fonctionnelles qui assurent la fonction rénale glo-
rielle, la synthèse de vitamine D, la minéralisation bale.
osseuse et la promotion de l’érythropoïèse.
La compréhension de cette régulation passe par
une bonne connaissance de l’histologie fonction-
nelle rénale, chaque segment histologique ayant
des fonctions précises.
L’appareil glomérulo-tubulaire, ou néphron, est
l’unité fonctionnelle rénale. Il est constitué d’un
glomérule irrigué par une artériole afférente et
drainé par une artériole efférente, une capsule de
Bowmann et le tubule qui lui est relié (figure 1).
Chaque rein comprend environ 1 million de
néphrons avec des variations interindividuelles de
0,7 à 1,5 million. Les fonctions du néphron peuvent
être schématiquement divisées en deux :
• la filtration glomérulaire qui crée à partir du
plasma un ultrafiltrat ou urine primitive ;
• les fonctions tubulaires qui modifient les caracté-
ristiques de ce liquide jusqu’à ce qu’il devienne
l’urine définitive collectée par la vessie.
En fait, ces deux fonctions sont étroitement liées
comme l’illustre l’existence d’un rétrocontrôle
tubulo-glomérulaire qui adapte le débit de filtra-
tion glomérulaire à la composition du liquide tubu-
laire distal.
Le débit de filtration rénal total est la somme du
débit de filtration glomérulaire de tous les
néphrons fonctionnels. L’élimination d’une subs-
tance peut se faire soit exclusivement par filtra-
tion, soit par sécrétion tubulaire exclusive (par
exemple lorsqu’une fixation protidique impor-
tante empêche toute filtration), soit par l’associa-
tion des deux mécanismes. Les variations
physiologiques importantes de débit des urines et
de leur composition traduisent les capacités du
rein à s’adapter à une situation physiologique ou
pathologique donnée. C’est ainsi qu’il n’y a pas de
débit ou de composition « normale » ou « fixe »
de l’urine, et une analyse d’urine doit toujours être
interprétée en fonction du contexte clinique. Figure 1 / L’appareil glomérulo-tubulaire ou néphron

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Filtration glomérulaire irrigués par une artériole dite afférente et drainés par une
deuxième artériole dite efférente. Ils sont disposés sur un
tissu de soutien appelé le mésangium, composé de cellules
Glomérule mésangiales et d’une matrice extracellulaire. Les parois
capillaires sont en contact, par l’intermédiaire d’une mem-
La filtration du plasma est réalisée par des structures brane basale, avec des cellules épithéliales appelées podo-
spécialisées appelées glomérules. Elles sont constituées cytes qui participent par leurs très fines ramifications, les
d’une structure vasculaire appelée floculus, organisée pédicelles, à la barrière de filtration. L’autre versant de ces
autour d’une tige mésangiale, et d’un sac épithélial posé cellules est en contact avec une cavité virtuelle où s’écou-
sur le floculus auquel il est relié par une membrane basale lera l’urine primitive, appelée la chambre urinaire. Cette
(figure 2). Les capillaires organisés en pelote vasculaire sont chambre est limitée à l’extérieur par une nouvelle couche
de cellules épithéliales posées sur la capsule de Bowmann.

Filtration
Un quart du débit cardiaque, plus de 1 L/min de sang,
irrigue les reins. La formation de l’urine débute par la fil-
tration du plasma en continu par les glomérules, ce qui
permet d’obtenir 170 litres de liquide par jour
(120 mL/min). Cette filtration est réalisée grâce au gradient
de pression entre la lumière capillaire glomérulaire et la
chambre glomérulaire. Le liquide ainsi formé, appelé ultra-
filtrat, a une composition proche de celle du plasma, le fil-
tre glomérulaire ayant retenu, du côté plasmatique, tous
les éléments figurés du sang et les protéines d’une taille
supérieure à celle de l’albumine (70 kDa). Ce filtre est com-
posé de plusieurs couches en partant du sang vers la cham-
bre glomérulaire (figure 3) :
• les fenêtres de la couche endothéliale des capillaires glo-
mérulaires ;
• la membrane basale glomérulaire formée de glycopro-
téines et de protéoglycanes ;
• les fentes situées entre les pieds des podocytes (les pédi-
celles) et obstruées en partie par des glycosialoprotéines
et des diaphragmes très fins.
Chacun des trois composants du filtre a un rôle impor-
tant, comme l’illustrent de nombreuses maladies géné-
Figure 2 / Coupe schématique d’un glomérule tiques :
Trait bleu épais : la membrane basale glomérulaire • les capillaires glomérulaires ont une structure très parti-
en continuité avec la membrane basale tubulaire.
culière : perforés de volumineux pores de 60 à 100 nm,
qui constituent près de 20 % de la surface endothéliale,
ils n’ont pas de soutien musculaire. Leur structure fenes-
trée autorise le fort flux liquidien nécessaire au débit de
filtration glomérulaire. Cette paroi endothéliale est
recouverte d’une couche de glycoprotéines chargées
négativement, le glycocalyx, où sont adsorbés de nom-
breux composants plasmatiques. Son épaisseur supé-
rieure à 200 nm, sa forme filamenteuse et sa forte charge
négative restreignent le passage des molécules, comme
le montre l’apparition d’une forte protéinurie lorsque le
glycocalix est altéré (par exemple lors du diabète ou
d’une toxicité par l’adriamycine). Par ailleurs, dans des
modèles de déficience en VEGF (facteur de croissance de
l’endothélium vasculaire), une protéinurie importante est
Pcg observée ;
Pcb
• la membrane basale, synthétisée par les cellules endothé-
liales et les podocytes, est composée de nombreuses gly-
coprotéines anioniques, principalement le collagène de
type IV, la laminine, des protéoglycanes et du nidogène.
Ce réseau de fibrilles est perforé de pores de taille hété-
rogène, en moyenne de 10 nm de diamètre. L’absence
d’un type moléculaire peut entraîner d’importants dys-
fonctionnements glomérulaires, comme lors du syn-
drome d’Alport lié à une mutation d’une des chaînes
collagéniques, ou de la laminine au cours du syndrome
de Pierson ;
Figure 3 / La filtration glomérulaire
Pcg : pression hydrostatique capillaire glomérulaire ; • les podocytes, et surtout leurs fines ramifications que
Pcb : pression hydrostatique de la capsule de Bowmann ; sont les pédicelles, ont un rôle essentiel dans les méca-
POP : pression oncotique plasmatique. nismes de rétention des protéines d’une taille supérieure
à 60 kDa. Les pédicelles recouvrent la membrane basale

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Physiologie de l’appareil glomérulo-tubulaire 41

et forment un réseau serré dont les espaces intercellu- Comme il n’y a presque pas de protéines dans la cham-
laires forment les diaphragmes de fente, espaces inter- bre glomérulaire, Peb = 0 et s = 1, la formule devient donc :
cellulaires hautement spécialisés ayant un rôle DFG = LpS [Pcg – Peb – Πp].
fondamental dans la barrière de filtration glomérulaire.
En physiologie humaine, la pression nette de filtration
Ces diaphragmes de fente sont constitués de molécules
est de 10 mmHg [DP = 35 mmHg (Pcg 45 mmHg et PU
de jonction classiques, comme les cadhérines et les cathé-
10 mmHg), Πeg = 25 mmHg].
nines, et de plusieurs molécules spécifiques telles que la
néphrine et la podocine. L’altération de composants du
diaphragme de fente et/ou liés à la structure des pédi- Facteurs physiques locaux
celles induit une maladie glomérulaire, comme lors des impliqués dans la régulation
mutations de la podocine ou de la néphrine dans les syn- de la filtration glomérulaire
dromes néphrotiques finlandais par exemple.
en physiologie
À travers la barrière de filtration glomérulaire ne pas-
Les paramètres détaillés précédemment participent
sent quasiment pas de protéines d’un poids moléculaire
tous à la filtration glomérulaire. Cependant, la régulation
supérieur à celui de l’albumine. Pour les protéines com-
fine de la pression hydrostatique locale, qui reste stable
prises entre 7 et 70 kDa, leur filtration diminue lorsque le
malgré d’importantes variations de tension artérielle, est
poids moléculaire augmente. En dehors du poids molécu-
le facteur principal de régulation de la filtration gloméru-
laire, la charge électrique de la protéine modifie aussi sa laire. Les autres facteurs, comme le flux sanguin rénal et la
filtration. La barrière glomérulaire est chargée négative- pression oncotique, ne jouent un rôle que dans des situa-
ment, ce qui freine le passage des molécules chargées tions extrêmes.
négativement et favorise le passage des protéines chargées
positivement. Par exemple, si on perfuse un dextran non Nous détaillerons les facteurs suivants :
chargé de même poids moléculaire que de l’albumine • pression hydrostatique (pression intracapillaire et pres-
naturellement chargée négativement, 5 à 10 % du dextran sion dans la chambre glomérulaire) ;
seront filtrés contre 0,02 % de l’albumine. Bien sûr, toutes • pression oncotique (capillaire) ;
les substances liées à un transporteur plasmatique d’un • coefficient d’ultrafiltration (surface d’échange, perméa-
poids moléculaire élevé ne seront pas filtrées et resteront bilité hydraulique) ;
dans le plasma avec leur transporteur (c’est par exemple le • flux sanguin rénal.
cas pour une partie du calcium, fixé pour 40 % à l’albu-
mine). • Différence de pression hydrostatique
Le liquide obtenu s’écoule dans l’espace glomérulaire, Chez le sujet normal, la différence de pression est le
chemine dans la lumière tubulaire jusqu’aux canaux collec- principal paramètre de régulation du débit de filtration.
teurs, puis est éliminé par les voies excrétrices rénales dans La pression hydrostatique intracapillaire du floculus est
la vessie. plus importante que celle régnant dans la chambre glomé-
rulaire Cette pression est maintenue dans des normes
Bien que le rein soit bien plus qu’un simple filtre, la fil-
constantes malgré d’importantes variations de la pression
tration glomérulaire est l’étape initiale indispensable à la
artérielle grâce à un système de sphincters prégloméru-
formation de l’urine, et le diagnostic d’insuffisance rénale
laires et postglomérulaires finement régulé. La vasomotri-
est synonyme d’insuffisance de filtration glomérulaire.
cité de ces sphincters est contrôlée par plusieurs
L’altération des fonctions tubulaires et endocrines est sou-
substances, dont l’angiotensine II et les prostaglandines.
vent associée à l’atteinte de la filtration glomérulaire, mais
Une vasoconstriction du sphincter préglomérulaire et/ou
peut aussi être isolée et ne perturber que certaines voies une vasodilatation du sphincter postglomérulaire entraîne
d’élimination. une chute de la pression de filtration. Une vasodilatation
de l’artériole préglomérulaire et/ou une vasoconstriction
Déterminants de l’artériole postglomérulaire entraînent une augmenta-
de la filtration glomérulaire tion de la pression de filtration glomérulaire (figure 4). En
théorie, pour des reins sains une chute de tension artérielle
Comme pour tous les capillaires, les mouvements liqui- inférieure à 70 mmHg est nécessaire pour entraîner une
diens à travers le glomérule sont régulés selon la loi de chute de la filtration glomérulaire. Cependant, cette valeur
Starling (figure 3). minimale est très variable en fonction de l’état des artères
et artérioles rénales. Par ailleurs, en situation de raréfac-
La filtration glomérulaire dépend de la différence de tion néphronique, l’augmentation de la pression hydrosta-
pression entre la lumière capillaire glomérulaire et la tique dans chaque glomérule sain par le jeu des sphincters
chambre glomérulaire. Cette différence de pression est la précapillaires et postcapillaires permet de maintenir la fil-
résultante de la somme des pressions hydrostatiques (P) et tration glomérulaire totale au prix d’une hyperfiltration
oncotiques (Π) qui règnent de chaque côté de la paroi de chaque néphron sain.
capillaire :
DP – DΠ = (Pcg – Peb) – s (Πp- Πeb) La pression de la chambre glomérulaire peut s’élever et
avec s représentant le coefficient de réflexion des protéines annuler la filtration glomérulaire. Ce type de trouble est
à travers la paroi capillaire (sa valeur varie entre 0 – tota- observé lors des insuffisances rénales obstructives et lors
lement perméable – et 1 – totalement imperméable), cg le des nécroses tubulaires aiguës où il existe une obstruction
capillaire glomérulaire et eb l’espace de Bowmann. intratubulaire par des débris cellulaires.

Elle dépend, d’autre part, de : • Pression oncotique


• la surface totale du filtre glomérulaire (S) ;
• ses caractéristiques de perméabilité (Lp). Au début du capillaire glomérulaire, la pression onco-
tique intracapillaire est identique à celle du plasma. Puis
Le débit de filtration glomérulaire (DFG) se calcule elle augmente progressivement par concentration des pro-
comme suit : téines qui ne sont pas filtrées. Lorsque Πcg devient égale à
DFG = LpS [(Pcg – Peb) – s (Πp- Πeb)]. DP, la filtration s’arrête. Ceci définit le point d’équilibre de

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

bre de glomérules diminue automatiquement les capacités


totales de filtration. Cette surface n’est pas mesurable en
pratique clinique. Elle peut être estimée grossièrement lors
Pcg d’une analyse histologique par le décompte des glomé-
rules lésés non fonctionnels.
Par ailleurs, de nombreux médiateurs chimiques et des
médicaments modifient cette surface. Les mécanismes en
cause sont mal connus. Il peut s’agir, par exemple, d’une
Pcg contraction des cellules mésangiales glomérulaires.
La perméabilité de la membrane à l’eau est une carac-
téristique propre à chaque membrane, fonction de sa com-
position.

• Flux sanguin rénal


Pcg Chez l’homme, le flux sanguin n’a que peu d’influence
sur le débit de filtration glomérulaire. En effet, la pression
intracapillaire est bien régulée même pour d’importantes
variations de débit sanguin rénal. De plus, il existe un
« déséquilibre de filtration » tout au long du capillaire glo-
mérulaire. La pression oncotique à la sortie du capillaire
Pcg n’est jamais suffisante pour annuler la filtration. Une très
importante baisse du débit sanguin, observée par exemple
en situation de collapsus ou de défaillance cardiaque, est
nécessaire pour retentir sur la filtration glomérulaire.

Régulation
de la filtration glomérulaire
Pcg
La filtration glomérulaire est régulée par des méca-
nismes intrarénaux, l’autorégulation, et par de nom-
breuses substances circulantes.

Autorégulation rénale
Le but de cette autorégulation est de maintenir
constant le débit de filtration glomérulaire malgré une
Pcg variation de la tension artérielle systémique et de la volé-
mie. Cette régulation module les résistances artériolaires
afférentes et efférentes. Il existe ainsi un mécanisme myo-
gène direct, toute augmentation de pression entraîne une
contraction réflexe des cellules musculaires lisses vascu-
laires, et un processus plus complexe appelé le rétrocon-
Figure 4 / Régulation de la pression hydrostatique glomérulaire trôle (feedback) tubulo-glomérulaire-. Passé le seuil
et son influence sur la filtration glomérulaire
maximal de régulation, classiquement pour une pression
Pcg : pression capillaire intraglomérulaire ;
DFG : débit de filtration glomérulaire ; FSR : flux sanguin rénal. artérielle moyenne proche de 150 mmHg, apparaît une
natriurèse de pression qui limite l’inflation extracellulaire.
Le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire, dépendant de
l’appareil juxtaglomérulaire, adapte la filtration gloméru-
laire à la composition de l’urine présente dans le tube
filtration, qui est atteint chez l’homme avant la fin du contourné distal. La concentration en Na+ et Cl– à la sortie
capillaire glomérulaire (déséquilibre de filtration). Si la du segment large de l’anse de Henlé est directement liée
pression oncotique plasmatique initiale diminue (hypoal- au débit urinaire local : plus le débit est élevé, plus la
buminémie), la filtration glomérulaire totale augmente ; concentration en Na+ et Cl– l’est également. Lorsque la
si la pression oncotique plasmatique augmente (perfusion concentration de Na+ et Cl– est élevée, la macula densa du
d’immunoglobulines à forte dose), la filtration gloméru- tube contourné distal sécrète de l’adénosine. Celle-ci pro-
laire totale baisse. En fait, le degré d’influence de la pres-
voque une vasoconstriction de l’artériole afférente et une
sion oncotique sur la filtration glomérulaire est dépendant
vasodilatation de l’artériole efférente, ce qui diminue le
des autres facteurs de régulation comme le flux sanguin
débit de filtration glomérulaire.
rénal et la fraction plasmatique filtrée. Si le flux sanguin
est diminué et/ou la fraction filtrée est importante, l’in-
fluence de la pression oncotique est maximale. Facteurs hormonaux
La pression hydrostatique intracapillaire, déterminant
• Coefficient d’ultrafiltration essentiel de la filtration glomérulaire, est régulée par plu-
La diminution de la surface glomérulaire fonctionnelle sieurs hormones dont l’angiotensine II, l’adrénaline et
totale est un mécanisme déterminant dans la survenue l’adénosine. Nous détaillerons les principaux facteurs ayant
d’une insuffisance rénale. La destruction d’un certain nom- un impact potentiel en pratique clinique.

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Physiologie de l’appareil glomérulo-tubulaire 41

• Système sympathique
Fonctions tubulaires
Les artérioles préglomérulaires et postglomérulaires
sont richement innervées par le système sympathique. Elles Après sa filtration par les glomérules, l’ultrafiltrat che-
ont de nombreux récepteurs aux catécholamines, principa- mine à travers plusieurs segments tubulaires jusqu’au bas-
lement de type . Leur stimulation entraîne de façon sinet. Durant tout son trajet intratubulaire, le liquide
directe et indirecte, par l’intermédiaire du système rénine- ultrafiltré subit des modifications importantes de volume
angiotensine qu’il stimule, une vasoconstriction rénale et de composition en fonction des besoins de l’organisme.
intense. Le flux sanguin rénal est alors diminué, la fraction De grandes quantités de sodium, chlore, calcium, magné-
de filtration est augmentée et la filtration glomérulaire est sium et phosphate sont ainsi filtrées, puis réabsorbées. La
modérément diminuée. De plus, le flux sanguin médullaire quantité éliminée dans l’urine finale dépendra de l’apport
est diminué. alimentaire et des besoins de l’organisme pour chacun de
ces solutés. Des substances telles que le glucose, les acides
• Système rénine-angiotensine aminés et le bicarbonate sont presque totalement réabsor-
L’angiotensine II induit une contraction vasculaire pré- bées (dans le tube proximal) et n’apparaissent pas dans
dominante sur le sphincter capillaire postglomérulaire et l’urine dans les conditions physiologiques.
une contraction des cellules mésangiales. Ainsi, elle fait La comparaison entre la quantité filtrée quotidienne-
baisser le flux sanguin rénal mais augmente la fraction ment et la quantité finalement éliminée dans une journée
plasmatique filtrée, ce qui permet de conserver la pression permet d’apprécier l’importance des fonctions tubulaires.
hydrostatique de filtration et donc le débit de filtration. Par exemple, chaque jour, 170 litres d’eau sont filtrés pour
Son importance est bien illustrée en pathologie par l’ap- un volume final de 1 à 3 litres. Avec cette eau, du sodium à
parition d’une insuffisance rénale aiguë lors de l’utilisation sa concentration plasmatique est filtré, soit 23 800 mmol/j
d’inhibiteurs du système rénine/angiotensine en situation pour une élimination urinaire finale 20 à 200 mmol/j. De
d’hypovolémie. même avec le potassium : une filtration de 680 mmol/j
pour une élimination de 20 à 60 mmol/j, et l’urée, pour
• Prostaglandines laquelle ces chiffres s’élèvent respectivement à 850 et 200-
Chez l’adulte sain, les prostaglandines n’ont que peu 400 mmol/j.
d’influence sur les vaisseaux rénaux. En situation de stress, Ces adaptations sont réalisées par des réabsorptions et
elles ont une action vasodilatatrice sur les sphincters pré- des sécrétions successives. Les électrolytes sont réabsorbés
et postglomérulaires. Elles permettent d’augmenter le de la lumière tubulaire vers l’interstitium puis le sang et/ou
débit sanguin rénal, et une augmentation moindre de la sécrétés des capillaires péritubulaires à travers l’intersti-
filtration glomérulaire. La fraction filtrée est diminuée. De tium vers la lumière tubulaire, en fonction du segment
plus, elles augmentent le flux sanguin médullaire. Elles tubulaire où ils se trouvent.
s’opposent à ce niveau à l’action de l’angiotensine et des
catécholamines. Leur importance est illustrée par la surve- La créatinine, qui n’est que faiblement sécrétée ou
nue d’insuffisances rénales aiguës en situation d’hypovo- réabsorbée, a été désignée comme marqueur simple de
lémie lors de la prise d’anti-inflammatoires. filtration glomérulaire. C’est l’élément diagnostique d’in-
suffisance rénale utilisé quotidiennement. Un dysfonction-
• Autres nement tubulaire isolé ne perturbera donc pas les taux
sériques de la créatinine et on ne parlera pas d’insuffisance
De très nombreuses substances comme le facteur rénale. Les perturbations observées seront limitées à
natriurétique, les kinines, l’hormone antidiurétique et quelques fonctions tubulaires et à quelques ions. Les
l’endothéline ont une action sur les capillaires gloméru- conséquences cliniques peuvent cependant être très
laires. importantes.
Les tubules sont actuellement divisés, selon leurs carac-
Le filtre glomérulaire, composé de cellules endothé- téristiques fonctionnelles et structurelles, en 8 segments
liales, de cellules épithéliales ou podocytes et de la distincts, du glomérule au bassinet (figure 1) :
membrane basale située entre ces cellules, retient • le tube contourné proximal (3 sous-segments, S1, S2 et
les grosses molécules de taille égale ou supérieure S3), collé au glomérule ;
à l’albumine et laisse passer les substances dis- • la branche de Henlé (segment descendant, segment
soutes dans le plasma. Cette filtration est possible ascendant fin, segment ascendant large), en forme
grâce à la pression hydrostatique capillaire mainte- d’épingle à cheveux ;
nue constante dans une large fourchette de tension • le tube contourné distal ;
artérielle systémique, grâce à une vasomotricité • le tube connecteur ;
finement régulée de sphincters préglomérulaires et • le canal collecteur initial ;
postglomérulaires. Les autres paramètres comme la • le tube collecteur cortical ;
pression hydrostatique glomérulaire, la pression • le tube collecteur médullaire externe ;
oncotique capillaire et le flux sanguin rénal ne peu- • le tube collecteur médullaire interne qui s’abouche dans
vent modifier le débit de filtration glomérulaire que le bassinet.
dans des cas extrêmes. La régulation du débit de fil-
tration glomérulaire fait intervenir de nombreux L’étude des fonctions tubulaires peut se faire :
facteurs locaux et hormonaux. Parmi ceux-ci, le sys- • soit en analysant, pour une substance donnée, ses diffé-
tème rénine-angiotensine et les prostaglandines rentes phases d’absorption et de sécrétion tubulaire au
ont un intérêt clinique quotidien illustré par la sur- cours de son trajet intrarénal, par exemple pour le
venue d’insuffisances rénales aiguës lors de leur sodium, le potassium ;
blocage thérapeutique en situation d’hypoperfu- • soit en analysant les fonctions de chaque segment tubu-
sion rénale. laire successif.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Après une description des caractéristiques tubulaires traversant les deux membranes cellulaires. Une des mem-
communes, nous détaillerons brièvement les fonctions de branes permettra l’entrée intracellulaire de l’ion, l’autre
chaque segment. membrane permettra sa sortie de la cellule. Dans certains
cas, un transport par voie paracellulaire, à travers les jonc-
tions serrées, est possible en fonction du gradient transcel-
Mécanismes de base lulaire existant (figure 5).
de la réabsorption tubulaire
La réabsorption ou la sécrétion d’un électrolyte néces-
Transferts transmembranaires
site son transfert à travers la paroi tubulaire et l’intersti- L’eau et les électrolytes traversent les bicouches lipi-
tium adjacent pour arriver au secteur plasmatique des diques des membranes cellulaires, à l’aide de protéines de
capillaires péritubulaires. Cette traversée est réalisée grâce transport spécialisées. Dans les segments tubulaires, le
à une orientation particulière des cellules tubulaires ayant transfert ionique sera réalisé :
à leur surface de nombreuses molécules spécialisées dans • soit de façon active, contre un gradient de concentration
le transport d’électrolytes, en utilisant un gradient électro- ou un gradient électrochimique, grâce à un transporteur
chimique ou des transporteurs membranaires consomma- transmembranaire ;
teurs d’énergie. • soit de façon passive, grâce à un autre type de transpor-
teur transmembranaire en utilisant le gradient électrique
Polarité cellulaire ou de concentration préexistant.
On distingue ainsi plusieurs types de protéines de trans-
Les cellules tubulaires sont polarisées. Les mécanismes port en fonction du mode de transfert.
de transport transtubulaire ne peuvent fonctionner que
grâce à une localisation précise de chaque transporteur sur
la membrane cellulaire. On peut ainsi distinguer, pour
Transfert passif
chaque cellule tubulaire, une portion membranaire lumi- Le transfert utilise un gradient électrique ou électrochi-
nale au contact de l’urine, et une basolatérale posée sur la mique sans dépenser d’énergie. Les protéines concernées
membrane basale tubulaire au contact de l’interstitium (et sont appelées canaux ou transporteurs :
par son intermédiaire avec le milieu sanguin). Ces deux • les canaux créent un passage à travers lequel peut diffu-
parties sont séparées par des jonctions serrées qui forment ser de façon plus ou moins sélective une molécule. Il
une structure en forme d’anneau qui entoure chaque cel- existe par exemple des canaux à eau, à sodium, à potas-
lule épithéliale et permet son contact avec la cellule voi- sium. On parle de diffusion simple ;
sine. Toute réabsorption devra traverser cette barrière en • les transporteurs fixent l’ion et se déplacent avec lui à
travers la membrane cellulaire en suivant son gradient.
L’ion est libéré par la protéine qui retourne à sa place
membranaire initiale. On parle de diffusion facilité. Ce
transport est spécifique et saturable.

Transport actif
Le transfert est réalisé contre un gradient.

• Transport actif primaire


Il se fait au moyen de pompes : le transporteur est cou-
plé à une ATPase. Il permet, grâce à une dépense d’énergie
fournie par l’hydrolyse d’adénosine triphosphate (ATP), un
transfert de molécule parfois contre son gradient. Il
est spécifique et saturable. La plus connue des pompes est
la pompe Na+-K+ ATPase, mais il existe aussi des pompes
H+ ATPase, H+-K+ ATPase et Ca ATPase.

• Transport actif secondaire


Les cotransporteurs ou contre-transporteurs
Il s’agit de protéines transportant plusieurs ions diffé-
rents. Elles utilisent le gradient de concentration d’un de
ces ions (en général le Na+) pour tracter les autres ions
contre leur gradient (par exemple le cotransport
Na+/K+/2Cl–, le contre-transport Na+/H+).

Rôle de la pompe Na+-K+ ATPase


C’est le moteur déclenchant de nombreux transports
ioniques. Cette pompe expulse en continu le Na+ intracel-
lulaire vers l’interstitium, en échange de K+. Elle crée ainsi
un gradient de concentration du sodium entre l’intracel-
lulaire et l’extracellulaire. Sa localisation exclusive sur la
Figure 5 / Voies de réabsorption et de sécrétion des électrolytes
partie basolatérale de la membrane cellulaire entraîne une
Les électrolytes doivent traverser soit la membrane luminale, le cytosol sortie de Na+ restreinte au secteur interstitiel basolatéral.
puis la membrane basolatérale, soit la jonction cellulaire serrée et, Du fait de cette localisation, un gradient entre la lumière
enfin, la membrane basale tubulaire et la paroi capillaire. tubulaire et l’interstitium, initié par la pompe Na+-
K+ ATPase, est créé.

458
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Physiologie de l’appareil glomérulo-tubulaire 41

Le fonctionnement de cette pompe nécessite une


importante consommation d’oxygène et d’énergie sous
Mécanisme de multiplication
forme d’ATP. Ainsi, les lésions induites par une ischémie à contre-courant
rénale prédominent dans les zones ayant une importante
activité de la pompe Na+-K+ ATPase, comme le tube Lorsque l’on mesure l’osmolarité de l’interstitium rénal,
contourné proximal et la branche large ascendant de on la retrouve de plus en plus élevée en allant du cortex
Henlé. vers la médullaire : elle passe de 300 à 1 200 mOsm/L. C’est
l’anse de Henlé, grâce à un mécanisme dit de multiplica-
De nombreux transporteurs ioniques fonctionneront en tion à contre-courant, qui est le segment tubulaire respon-
utilisant ce gradient, tels les cotransporteurs Na+/Cl–, sable de ce gradient osmotique. Celui-ci permettra
Na/glucose et le contre-transport Na+/H+. secondairement la régulation du volume urinaire final. La
branche ascendante de l’anse de Henlé réabsorbe du NaCl
et de l’ammoniac vers l’interstitium, ce qui permet une
Tube contourné proximal dilution des urines (ce segment est imperméable à l’eau)
et une augmentation de l’osmolarité interstitielle. Comme
C’est le lieu de réabsorption de la plus grande partie la circulation sanguine dans ce secteur est faible, ce gra-
des substances filtrées. À la sortie du tube contourné proxi- dient est stable. Lors du passage de l’urine dans le tube col-
mal et par rapport à la quantité filtrée, ont été réabsor- lecteur, l’eau pourra être réabsorbée vers l’interstitium
bés : hyperosmotique en fonction du degré de perméabilité
• 99 % du glucose ; tubulaire à l’eau régulé par l’hormone antidiurétique
• 80 % du bicarbonate, des acides aminés et du phos- (ADH). Ainsi pourra être obtenu un volume urinaire très
phore ; faible avec une concentration des urines proche de l’osmo-
• 60 % de l’eau, du Na+, du K+, du Ca+, du Cl– ; larité interstitielle maximale.
• 50 % de l’urée ;
• 30 % du magnésium.
Tube contourné distal
Le tube contourné distal participe aussi à l’élimination
des déchets du métabolisme en limitant leur réabsorption Il réabsorbe du chlorure de sodium (NaCl) grâce au
ou en les sécrétant : urée, acides et bases organiques, cotransporteur Na+/Cl– inhibé par les diurétiques thiazi-
ammoniac (NH3), acide urique. diques. De plus, il existe une réabsorption active de calcium
par des pompes Ca ATPase. L’urine progressivement diluée
Il réabsorbe par endocytose les protéines qui ont fran- dans ce segment devient hypotonique par rapport au
chi le filtre glomérulaire. plasma.
Il a un rôle important dans la régulation du pH sanguin
en réabsorbant une grande partie du bicarbonate et en
fabriquant l’ion NH4+.
Tube connecteur
Il synthétise la 1-25 diOH vit. D3.
et canal collecteur cortical
La réabsorption est initiée par la Na-K ATPase basola- La réabsorption du chlorure de sodium se poursuit. Elle
térale. Le sodium est ensuite réabsorbé principalement par est couplée à une sécrétion de K+ ou d’H+ et à une réab-
l’échangeur Na/H luminal, suivant le gradient créé, ce qui sorption de Ca qui peuvent être inhibées par les diuré-
permet une réabsorption parallèle du bicarbonate filtré. tiques épargnants potassiques comme l’amiloride.
De même sont réabsorbés avec le sodium, par des cotran- L’eau peut y être réabsorbée en présence d’ADH et per-
sporteurs, le glucose, les acides aminés, le phosphore... mettre ainsi d’obtenir une osmolarité urinaire égale à celle
L’eau suit de façon iso-osmotique les électrolytes. du plasma.

Une dysfonction de ce segment tubulaire peut être


responsable de plusieurs tableaux cliniques dont la
Canal collecteur cortical
forme complète est le syndrome de Fanconi (dia- C’est le segment cible de l’aldostérone. Dans ce seg-
bète phospho-gluco-aminé) avec acidose par baisse ment se poursuit :
du seuil de réabsorption des bicarbonates. • une réabsorption de sodium et une sécrétion de potas-
sium stimulées par l’aldostérone ;
• une réabsorption d’eau augmentée par l’ADH ;
Anse de Henlé • une régulation du bilan acido-basique.

Ce segment a une forme d’épingle à cheveux disposée


entre le cortex et la médullaire. Il a un rôle important dans Canal collecteur médullaire
la régulation des capacités de concentration/dilution des externe
urines et dans l’élimination des ions H+. De 30 à 40 % du
sodium filtré y est réabsorbé par le cotransporteur NaK2Cl. Il joue un rôle principalement dans l’élimination des
Certaines substances réabsorbées au niveau proximal y ions H+ sous l’influence de l’aldostérone.
sont recyclées.
Par ailleurs, le segment ascendant large est la zone cible Canal collecteur médullaire
interne
des diurétiques dits de l’anse comme le furosémide.
La plupart de ces échanges sont réalisés de façon pas-
sive et l’activité de la pompe Na+-K+ ATPase y est très fai- Il a un rôle dans :
ble, sauf dans le segment large. • la concentration des urines stimulée par l’ADH ;

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

• l’élimination des ions H+ sous forme de NH4+ ; contourné distal finalise la dilution des urines. Les
• la réabsorption des ions Na+ dans les conditions d’hypo- tubes connecteur et collecteur cortical sont les cibles
volémie. de l’aldostérone qui régule finement l’élimination
sodée, potassique et de protons. Enfin, le canal col-
C’est le segment où agit l’ADH. En présence d’ADH, des lecteur médullaire est la cible de l’ADH qui permet
canaux à eau (aquaporines) sont exprimés sur la face lumi- l’obtention d’une concentration maximale des
nale des cellules tubulaires et rendent maximale la per- urines et l’élimination finale des protons sous forme
méabilité à l’eau de ces cellules. En présence d’une d’ammoniac. En plus de ces fonctions principales,
hyperosmolarité interstitielle, l’eau est attirée vers l’inter- chaque segment tubulaire est impliqué à des degrés
stitium et les urines se concentrent jusqu’à atteindre la variés dans le métabolisme de nombreux électro-
valeur interstitielle. lytes. Toutes ses fonctions influencées par la filtra-
tion glomérulaire sont finement adaptées aux
Régulation besoins de l’organisme par des substances hormo-
nales ou des facteurs locaux.
des fonctions tubulaires
Les cellules tubulaires sont la cible de nombreuses subs-
tances comme l’aldostérone, l’hormone antidiurétique, Conclusion
l’angiotensine, l’adrénaline, les hormones thyroïdiennes,
la parathormone... Chacune de ces substances agit sur une L’appareil glomérulo-tubulaire, ou néphron, est l’unité
fonction et un segment tubulaire précis. Elles permettent fonctionnelle rénale. La somme d’activités de tous les
ainsi une régulation fine et spécifique des fonctions tubu- néphrons représente la fonction rénale globale. Les
laires en fonction des besoins de l’organisme. néphrons assurent l’épuration de déchets ou de toxiques
par filtration et/ou sécrétion ainsi que l’adaptation fine des
sorties d’eau et d’électrolytes en fonction des besoins de
L’urine, après sa création par filtration, subit de très l’organisme. La filtration par les glomérules, dépendante
importantes modifications en quantité et qualité de la pression artérielle, est l’étape initiale. Elle est suivie
par les différents segments tubulaires. Le tube immédiatement par des étapes complexes de réabsorption
contourné initial participe de façon très importante et/ou de sécrétion qui modulent profondément les carac-
à ces modifications et est à ce titre un grand téristiques du liquide filtré. Les néphrons sont la cible de
consommateur d’oxygène. L’anse de Henlé, notam- médicaments et de nombreuses substances hormonales
ment grâce à sa disposition en épingle à cheveu, est intervenant dans le métabolisme hydroélectrolytique.
un élément clé dans la concentration/dilution des L’altération du fonctionnement de ces unités a donc de
urines et l’élimination des ions H+. Le tube multiples conséquences.

LECTURES COMPLÉMENTAIRES

[1] Berland Y, Dussol B. Physiologie de la vascularisation et de la [5] http://cuen.fr/lmd/


filtration glomérulaire. Applications physiopathologiques. In : [6] Scott RP, Quaggin SE. The cell biology of renal filtration. J Cell
Néphrologie pour l’interne. Tome 1. Paris : Elsevier, 1998 : 115-38. Biol 2015 ; 209 : 199-210.
[2] Berland Y, Dussol B. Mécanismes de base de la réabsorption et [7] Hou J. The kidney tight junction. Int J Mol Med 2014 ; 34 :
de la sécrétion tubulaire. In : Néphrologie pour l’interne. Tome 1. 1451-7.
Paris : Elsevier, 1998 : 139-71.
[8] Nejsum LN. The renal plumbing system: aquaporin water chan-
[3] Valtin H, Schafer JA. Tubular reabsorption. In : Renal function. nels. Cell Mol Life Sci 2005 ; 62 : 1692-706.
Boston : Little Brown and Co, 1995 : 61-82.
[4] Valtin H, Schafer JA. Tubular secretion. In : Renal function.
Boston : Little Brown and Co, 1995 : 83-94.

460
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:01 Page461

PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

42
• Structures anatomiques Circulation rénale
• Débit sanguin rénal
• Autorégulation du débit sanguin rénal
Frédéric Ethuin, Laurent Jacob
• Médiateurs biologiques
de l’autorégulation du débit sanguin rénal Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Saint-Louis,
université Denis-Diderot (Paris-VII), Paris

e rein est l’organe principal de l’homéostasie transplantation rénale. Dans le parenchyme, les branches
hydro-électrolytique du milieu intérieur et participe de divisions de l’artère rénale antérieure et postérieure
à la régulation de la volémie et de la pression arté- forment les artères segmentaires, elles-mêmes ramifiées au
rielle. La circulation rénale participe à ces deux niveau de la zone médullaire en artères interlobaires che-
fonctions essentielles par son rôle dans l’épuration minant au niveau des colonnes de Bertin vers le cortex
plasmatique des déchets du métabolisme et dans rénal (figure 1). Il faut noter que ce sont des artères de
le métabolisme du sodium et de l’eau. Les liens type terminal puisqu’il n’existe pas d’anastomose entre ces
entre microcirculation rénale et fonctions tubu- différentes branches de division.
laires sont étroits et indissociables. L’apport éner- À la base des pyramides, au niveau de la jonction cor-
gétique aux structures tubulaires soumises à des tico-médullaire, les artères interlobaires deviennent paral-
contraintes énergétiques métaboliques élevées, lèles à la surface du rein (artères arquées) d’où partent les
consommatrices d’oxygène, est responsable du artères interlobulaires. Ces vaisseaux se répartissent de
débit sanguin rénal important. Paradoxalement, façon radiaire dans le cortex et donnent naissance de façon
cette perfusion rénale, supérieure aux besoins régulière aux artérioles afférentes, ramifiées en peloton
métaboliques globaux, est associée à une vulnéra- vasculaire au niveau du glomérule. Ce sont les premiers
bilité du rein à tout stress ischémique. La régula- éléments vasculaires de la microcirculation rénale. Le sang
tion de la circulation fait intervenir des facteurs quitte ensuite le glomérule par l’artériole efférente, don-
systémiques, nerveux ou hormonaux, et locaux nant naissance aux capillaires péritubulaires des glomé-
d’origine endothéliale et épithéliale, agissant de rules corticaux ou aux capillaires péritubulaires et au vasa
façon paracrine sur la cellule musculaire lisse vas- recta des glomérules juxtamédullaires (figure 2). Les vasa
culaire. recta plongent dans la médullaire interne en suivant l’anse
de Henlé et sont particulièrement impliqués dans la créa-

Structures anatomiques
Anatomie descriptive
Les artères rénales, droite et gauche, assurent la vascu-
larisation du rein, de la partie supérieure de l’uretère et
d’une partie de la glande surrénale. Elles naissent de la
face latérale de l’aorte en regard de L1, en dessous du
tronc cœliaque, et de l’artère mésentérique supérieure.
L’artère rénale gauche, courte (de 3 à 4 cm) naît souvent
plus haut que l’artère rénale droite. Celle-ci est plus longue
(de 6 à 7 cm) et contourne la veine cave inférieure par l’ar-
rière. Au niveau du sinus, l’artère rénale se divise en
branches antérieure et postérieure. La branche antérieure
(ou prépyélique) vascularise la partie antérieure du rein et,
par l’artère polaire inférieure, sa partie inférieure. La
branche postérieure (ou rétro-pyélique) contourne par en
dessous le bassinet et vascularise la partie postérieure du
rein ainsi que sa partie supérieure par une artère polaire
supérieure. Les variations dans le nombre et dans l’origine
des artères rénales sont fréquentes. De 20 à 30 % environ
des individus normaux possèdent une artère rénale double
d’un côté ou la naissance isolée d’une artère polaire infé-
rieure, source alors de difficultés chirurgicales en particu- Figure 1 / Vascularisation rénale
lier au moment des anastomoses vasculaires de la

461
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

tion et le maintien du gradient osmotique cortico-médul- troncs veineux formant une (ou plusieurs) veine(s)
laire. Il faut cependant noter que le réseau capillaire se dis- rénale(s), qui s’anastomose(nt) avec le système cave infé-
tribuant au tubule des glomérules juxtamédullaires vient rieur. Le trajet de la veine rénale diffère selon le côté. À
de plusieurs vaisseaux postglomérulaires et que l’unité droite, la veine est courte et horizontale. À gauche, elle est
vaisseau-néphron n’est vraie que pour les glomérules les longue, oblique, et croise par l’avant l’aorte juste en des-
plus corticaux (pour un tubule donné, les vaisseaux ne vien- sous de l’artère mésentérique supérieure (pince aorto-
nent pas forcément du même glomérule). mésentérique). À noter que la veine rénale gauche reçoit
la veine spermatique gauche avant de se jeter dans la veine
La circulation de retour veineux se calque sur la circula- cave inférieure.
tion artérielle avec des veines interlobulaires, des veines
arquées, des veines interlobaires confluant en plusieurs
Anatomie fonctionnelle
Il n’existe pas une mais des circulations rénales : corti-
cale et médullaire, d’une part, glomérulaire, et péritubu-
laire, d’autre part. Ces microcirculations sont différemment
régulées à chaque niveau du néphron et adaptées à la
fonction. Schématiquement, les néphrons corticaux sont
petits, nombreux (85 %), avec une anse de Henlé courte.
Le débit sanguin dans les capillaires glomérulaires est
rapide, élevé, à haute pression. Au niveau de ces néphrons,
les phénomènes de réabsorption électrolytiques par trans-
fert tubulaire vers les capillaires péritubulaires sont impor-
tants, corrélés au débit de filtration glomérulaire. Par
opposition, les néphrons juxtamédullaires sont plus gros,
moins nombreux (15 %) avec une anse de Henlé longue.
Le débit sanguin est plus faible, lent à basse pression. Les
artérioles efférentes de ces néphrons alimentent les vasa
recta et jouent donc un rôle primordial dans la création et
le maintien d’un gradient cortico-papillaire qui permet les
phénomènes de concentration-dilution des urines.
La figure 3 montre les variations de pression artérielles
dans la circulation rénale [1]. La pression au niveau du
capillaire glomérulaire reste élevée (50 mmHg), soit envi-
ron 5 fois plus élevée que dans les autres capillaires de l’or-
ganisme, ce qui favorise la filtration glomérulaire. On peut
observer une chute rapide de la pression en postgloméru-
laire. L’artériole afférente est le principal site de résistance
vasculaire et joue un rôle capital dans la régulation de la
perfusion glomérulaire.

Figure 2 / Éléments vasculaires de la microcirculation rénale


L’artère rénale, naissant de l’aorte, assure la vascu-
larisation du rein. L’artériole afférente, ramifiée en
peloton vasculaire au niveau du glomérule, consti-
tue le premier élément de la microcirculation rénale.
125 Elle se continue par l’artériole efférente, qui donne
naissance aux capillaires péritubulaires ou aux vasa
100 recta. L’architecture vasculaire du rein est très orga-
nisée avec des liens étroits entre les vaisseaux et les
Pression (mmHg)

75 différents segments du tubule assurant une


fonction précise : au niveau de la zone corticale, l’ul-
50
trafiltration plasmatique par les capillaires glomé-
rulaires, la réabsorption de l’eau et des solutés par
les capillaires péritubulaires ; au niveau de zone
25
médullaire, le phénomène de concentration-dilution
des urines par les vasa recta.
0

Débit sanguin rénal


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ula ire
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A

Le débit sanguin rénal global, de l’ordre de


Figure 3 / Variation de la pression artérielle 1 200 mL/min, soit environ 1/5 du débit cardiaque, est le
dans les vaisseaux rénaux (d’après Falchuk et Brenner [1]) débit de perfusion le plus élevé de tous les organes perfu-
La pression au niveau du capillaire glomérulaire (50 mmHg) sés (4 mL/min/g de tissu) soit de 5 à 50 fois plus que les
reste cinq fois plus élevée que dans les autres capillaires autres viscères. Ce débit est cependant plus important que
de l’organisme, ce qui favorise la filtration glomérulaire.
En revanche, on observe une chute rapide de la pression
les réels besoins énergétiques, comme en témoigne un
en postglomérulaire. L’artériole afférente est le principal taux global d’extraction en oxygène de l’ordre de 8 %
site de résistance vasculaire et joue un rôle capital (tableau 1). Cette inadéquation apparente est en fait liée
dans la régulation de la perfusion glomérulaire. à la fonction de filtration et d’épuration du compartiment
plasmatique par le rein. Cependant, cette répartition à la

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Circulation rénale 42

Tableau 1 / Comparaison de la consommation en oxygène du rein par rapport aux autres organes (d’après Brezis [2])

Débit sanguin (mL/min/100 g) TO2 (mL/min/100 g) O2 (mL/min/100 g) Extraction V̇O2/TO2 (%)


Cœur 87,0 16,8 11,0 65,0
Foie 58,0 11,6 2,2 18,0
Cerveau 54,0 10,8 3,7 34,0
Peau 13,0 2,6 0,4 15,0
Muscle strié 2,7 0,5 0,2 34,0
Rein global 420,0 84,0 6,8 8,0

TO2 : transport en oxygène ; V̇O2 : consommation en oxygène


Médullaire 190,0 7,6 6,9 79,0

fois du débit et des besoins en oxygène dans le paren- tiques des reins suivant plusieurs incidences, et alors de
chyme rénal est inhomogène. D’anciennes méthodes ont mettre en évidence des anomalies de formes, de position
étudié la distribution sanguine intrarénale par l’utilisation et de taille des reins ou des anomalies de fixation globales
d’indicateurs diffusibles radioactifs comme le krypton 85 ou localisées, d’autre part de réaliser des épreuves dyna-
ou le xénon 133. Le gaz radioactif était capté par diffusion miques permettant d’obtenir des clairances rénales sépa-
dans le parenchyme rénal en un seul passage et la courbe rées. En combinant les techniques, on peut ainsi obtenir
de décroissance du taux sanguin du gaz mesurée par enre- un reflet de la fonction rénale globale ou, pour chaque
gistrement externe de la radioactivité. L’analyse de la rein, une estimation de la filtration glomérulaire, de la
courbe cinétique avait permis ainsi de distinguer trois com- fonction tubulaire et du débit plasmatique. Ces mesures
partiments principaux : le flux cortical, le plus élevé isotopiques ont comme facteur limitatif la nécessité d’un
(5 mL/min/g), le flux médullaire externe (1,5 mL/min/g) et personnel et d’un matériel spécialisés et l’impossibilité
le flux médullaire interne (0,2 mL/min/g). Ainsi, en postglo- d’être réalisable au lit du patient. Des mesures invasives,
mérulaire, de 80 à 85 % de la perfusion se distribue vers par Doppler intravasculaire, ou quantitatives, par angio-
les capillaires péritubulaires corticaux et seulement de 15 IRM, angioscanner ou tomographie par émission de posi-
à 20 % vers la médullaire [2]. tons (eau marquée à l’oxygène 15), sont disponibles
actuellement mais ces méthodes nécessitent là aussi des
appareillages spéciaux et sont difficiles à obtenir en rou-
Méthodes de mesure tine chez l’homme [5-8].
du débit sanguin rénal L’exploration de la microcirculation rénale est encore
plus complexe. Les études de microponctions chez l’animal,
Il n’existe pas, chez l’homme, de technique idéale pour en particulier chez le rat Wistar-Munich qui possède des
mesurer le débit sanguin rénal en routine. La méthode la glomérules situés immédiatement sous la capsule rénale et
plus ancienne et la plus classique est l’application du prin- donc plus facilement accessibles que d’autres, ont permis
cipe de Fick, selon lequel le taux d’apparition d’un traceur de mieux comprendre l’hémodynamique intrarénale.
exogène dans les urines est égal au taux d’extraction Cependant l’anesthésie, qui modifie le tonus et la réacti-
depuis le sang, si ce traceur n’est ni sécrété ni métabolisé vité vasculaire, et l’exploration limitée aux seuls néphrons
par le rein. Un exemple de traceur est l’acide para-amino- sous-capsulaires amènent des limitations de compréhen-
hippurique (PAH), utilisé dans des études expérimentales sion et d’extrapolation à l’homme. Par exemple, en situa-
et en clinique. Le PAH, éliminé en un seul passage, mesure tion d’hypovolémie relative induite par l’anesthésie, la
le débit plasmatique rénal (DPR). Le calcul du débit sanguin pression d’ultrafiltration s’annule avant la fin du capillaire
rénal (DSR) est alors donné par l’équation suivante : glomérulaire en raison d’une diminution de pression
DSR = DPR/(1 – Ht) hydrostatique et d’une augmentation rapide de la pression
où Ht = hématocrite. oncotique. Le débit de filtration glomérulaire devient alors
UPAH × V dépendant du débit sanguin rénal et est fortement
DPR = influencé par les variations de celui-ci. À la différence du
APAH
rat, chez le chien et probablement chez l’homme, la pres-
où U et A représentent les concentrations urinaire et arté- sion d’ultrafiltration ne s’annule pas avant la fin du capil-
rielle en PAH et V la diurèse. laire (conservation permanente d’un gradient de
La valeur moyenne de la clairance du PAH est de 648 filtration), de telle sorte que la dépendance du débit de
± 168 mL/min/1,73 m2. La vérification de l’extraction totale filtration glomérulaire vis-à-vis du débit sanguin rénal est
du PAH par dosage dans le sang veineux rénal permet de moins marquée. Les techniques utilisant les microsphères
valider la mesure du débit sanguin rénal mais limite son ne sont utilisables que de façon expérimentale et, du fait
utilisation en pratique clinique courante. de la disposition des artères interlobulaires et des
connexions avec les artères efférentes, ont tendance à sur-
Les explorations isotopiques actuelles sont des tech- estimer les débits des zones corticales externes situées dans
niques modernes non invasives d’évaluation du débit l’axe des vaisseaux.
sanguin rénal. Le but est de suivre l’évolution spatio-
temporelle d’un traceur radioactif à fixation rénale impor-
tante après son introduction dans l’organisme. Les Notion d’ischémie médullaire
marqueurs utilisés sont l’acide diéthylène triamine penta-
acétique (DTPA) marqué au technétium 99 m ou l’hippuran Au niveau de la medulla, les vasa recta sont disposés
marqué à l’iode 123 [3, 4]. Ce type d’exploration permet, parallèlement au tubule et, du fait de la diffusion de l’oxy-
en clinique humaine, d’une part d’obtenir des images sta- gène de la branche descendante vers la branche ascen-

463
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

dante, il existe un appauvrissement supplémentaire du


contenu en oxygène au fur et à mesure que ces vaisseaux Autorégulation
plongent dans la médullaire. Il en résulte des pressions par-
tielles tissulaires en oxygène (PO2) très basses dans les par-
du débit sanguin rénal
ties profondes de la médullaire (PO2 ≈ 10-20 mmHg contre
≈ 50 mmHg au niveau cortical) [9, 10]. L’ischémie relative L‘ultrafiltration du plasma au niveau du glomérule est
de cette partie du néphron est compensée par un taux d’ex- la première étape pour la formation de l’urine primitive.
traction de l’oxygène élevé, de l’ordre de 79 % [11]. La zone Le débit de filtration glomérulaire est élevé, de l’ordre de
médullaire est donc très vulnérable à l’hypoperfusion 120 mL/min, soit 180 L/j. Ses déterminants sont le débit san-
rénale, même s’il est admis qu’il existe une redistribution guin rénal glomérulaire, la pression nette d’ultrafiltration
du débit sanguin cortical vers les couches juxtagloméru- (différence entre les gradients de pression hydrostatique
laires en cas d’hypotension avec augmentation de la PO2 et de pression oncotique) et la membrane de filtration glo-
médullaire et que, à l’inverse, une augmentation de la mérulaire, dont les caractéristiques physiques sont fonction
charge sodée favorise une redistribution corticale. de sa perméabilité et de sa surface d’échange. Le débit
sanguin glomérulaire est adapté aux variations hémody-
Cette zone est également un lieu de haute contrainte namiques et métaboliques de l’organisme. C’est principa-
énergétique liée à la réabsorption du sodium au niveau du lement au niveau de l’artériole afférente des néphrons
tube contourné proximal et de la branche ascendante corticaux que cette modulation est possible grâce au phé-
large de l’anse de Henlé. Cette contrainte métabolique nomène d’autorégulation (« auto » car elle persiste après
tubulaire imposée par les mécanismes de réabsorption dénervation du rein ou sur le rein isolé perfusé) [13]. Entre
active serait en fait le facteur principal de l’ischémie certaines limites de pression de perfusion (80-200 mmHg),
médullaire, à la fois par une délivrance faible en oxygène le débit sanguin ne suit pas de façon parallèle les modifi-
mais surtout par des besoins en oxygène élevés. C’est pour- cations de la pression de perfusion mais reste constant
quoi les diurétiques de l’anse du type furosémide, en inhi- (figure 4). Ainsi, une augmentation de la pression artérielle
bant le transport actif du sodium au niveau de la branche
entraîne une vasoconstriction de l’artériole afférente et,
ascendante large de l’anse de Henlé, permettraient de
inversement, une hypoperfusion rénale induit une vasodi-
diminuer les besoins en oxygène de la zone médullaire et
latation artériolaire (régulation préglomérulaire). Les
pourraient avoir un rôle protecteur au cours de l’ischémie
variations de tonus de l’artériole afférente permettent
rénale [12].
de conserver stable la perfusion glomérulaire, le gradient
de pression d’ultrafiltration et, donc, le débit de filtration
Représentant seulement 0,5 % du poids du corps et glomérulaire. En cas d’hypotension prolongée ou d’éléva-
recevant de 20 à 25 % du débit cardiaque, les reins tion chronique de la pression de perfusion, on peut obser-
sont les organes les mieux irrigués de l’organisme. ver une mise à niveau rapide des limites de l’autorégulation
Ce débit sanguin rénal global très élevé est en rap- du débit sanguin rénal, en 10 à 15 minutes, faisant interve-
port avec la fonction d’ultrafiltration plasmatique nir l’angiotensine II [14].
d’une part et avec des besoins importants en oxy-
gène d’autre part. En effet, la consommation en L’autorégulation du débit sanguin rénal est liée à deux
oxygène rénale représente de 6 à 8 % de la consom- mécanismes essentiels, agissant en synergie, un réflexe
mation en oxygène totale de l’organisme, liée l’ac- myogénique local et le rétrocontrôle (feedback) tubulo-
tivité de la Na+-K+ ATPase des cellules tubulaires glomérulaire.
pour les phénomènes de réabsorption des ions. La
distribution sanguine intrarénale est inhomogène.
Les néphrons corticaux reçoivent de 80 à 85 % du Réflexe local myogénique
débit sanguin rénal et la zone médullaire, peu irri-
Le réflexe local myogénique fait intervenir les cellules
guée, seulement de 10 à 15 %. Une pression en oxy-
musculaires lisses de la paroi des artérioles afférentes via
gène basse et une contrainte métabolique élevée
en font une zone très sensible à l’ischémie. l’activation de canaux calciques sensibles à l’étirement. En
réponse à une augmentation de la pression artérielle, l’en-
trée de calcium induit une vasoconstriction de l’artériole
afférente, de façon à ne pas répercuter l’augmentation de
pression en aval [15, 16]. Ce réflexe myogénique local
DFG DSR compterait pour 30 % de l’autorégulation du débit san-
mL/min mL/min guin rénal. Son délai de réponse est court, environ
1 200 2 secondes, et intéresserait les néphrons corticaux [17]. Sa
200
mise en jeu est donc liée à la contrainte mécanique, plutôt
DSR
en rapport avec le pic de pression systolique qu’avec la
pression artérielle moyenne [18].

120
DFG 600
Rétrocontrôle tubulo-glomérulaire
Le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire est de réponse
plus lente (de 10 à 15 secondes), car sa mise en jeu est
déterminée par la contrainte métabolique. Il est étroite-
40 ment lié la disposition anatomique des vaisseaux gloméru-
laires et du tubule rénal. En effet, la partie distale de la
branche ascendante large de l’anse de Henlé revient au
40 120 200 280 contact des artérioles afférente et efférente du glomérule
et contient des cellules spécialisées, la macula densa. Cette
Pression artérielle (mmHg) zone est sensible à des variations de débit et de concen-
Figure 4 / Autorégulation du débit sanguin rénal (DSR) tration urinaire de chlore et de sodium. Une augmentation
et du débit de filtration glomérulaire (DFG) du débit ou de la concentration en ions dans le fluide tubu-
laire entraîne une variation opposée du débit de filtration

464
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Circulation rénale 42

glomérulaire par vasoconstriction de l’artériole afférente lites dérivés de l’acide arachidonique et du cytochrome
et diminution du coefficient de perméabilité par contrac- P450, les autres vasodilatateurs comme le monoxyde
tion des cellules mésangiales [19]. d’azote et les prostaglandines [21].
La réabsorption de sodium au niveau de la macula
densa est liée au transporteur tubulaire apical Na+K+2Cl–,
consommant de l’oxygène et de l’adénosine triphosphate
Principaux médiateurs
(ATP). L’ATP et son métabolite, l’adénosine, en se fixant sur vasoconstricteurs
les récepteurs purinergiques, sont les médiateurs de la
contraction de l’artériole afférente et probablement du ATP et adénosine
mésangium [20]. Ces deux réponses entraînent alors une
diminution du débit sanguin et de la filtration gloméru- Le rôle précis de l’ATP et de l’adénosine est difficile à
laire et luttent contre une perte en sodium et en eau. préciser puisque beaucoup de travaux chez l’animal ou sur
rein isolé sont fondés sur des perfusions d’ATP ou d’anta-
gonistes, conditions expérimentales non physiologiques.
Le débit sanguin rénal s’adapte aux variations Cependant, in vitro ou sur différents modèles animaux in
hémodynamiques et métaboliques de l’organisme vivo, il a été démontré que les récepteurs purinergiques (P)
grâce à un phénomène d’autorégulation. Deux
à l’ATP contribuaient de façon importante au rétrocontrôle
mécanismes sont impliqués, le réflexe local myo-
tubulo-glomérulaire. Les récepteurs P2, de distribution
génique et le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire. La
large dans le parenchyme rénal à la fois sur les structures
composante myogénique correspond à une vaso-
vasculaires, mésangiales et tubulaires, sont divisés en
constriction pression-dépendante de l’artériole affé-
récepteurs P2X et P2Y [22]. Il existe plusieurs sous-types de
rente liée à l’activation de canaux calciques en
récepteurs P2X (PEX1-7). La réunion de deux sous-unités
réponse à l’étirement des fibres musculaires lisses.
homomériques ou hétéromériques permet la formation
Sa mise en jeu est dépendante de la contrainte
mécanique. Le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire d’un canal liant l’ATP (ou l’adénosine diphosphate, ADP)
est un mécanisme de couplage entre la fonction et autorisant l’entrée de calcium extracellulaire dans la
tubulaire et la microcirculation rénale. Sa mise en cellule, via un canal calcique de type L. Le récepteur P2Y
jeu est dépendante de la contrainte métabolique. est une protéine à 7 domaines transmembranaires, couplée
Une augmentation du débit et/ou de la concentra- à une protéine G, activant une phospholipase C et
tion de sodium et de chlore, au niveau de la macula induisant la mobilisation du calcium intracellulaire [23].
densa de l’appareil juxtaglomérulaire, entraîne une L’augmentation de concentration en solutés au niveau du
vasoconstriction de l’artériole afférente et du tube distal entraîne une libération d’ATP par la macula
mésangium. Ces deux mécanismes permettent de densa. L’ATP diffuse vers le milieu interstitiel et stimule les
réguler le débit de filtration glomérulaire et de récepteurs P2X1 localisés sur l’artériole afférente (vaso-
contrôler ainsi l’élimination ou la réabsorption du constriction) et les récepteurs P2Y2 situés sur les cellules
sodium ou de l’eau et, in fine, de la pression arté- mésangiales (contraction) (figure 5) [22, 23]. L’ATP extra-
rielle et du volume extracellulaire. cellulaire, libéré par les cellules endothéliales, les cellules
musculaires lisses, les terminaisons nerveuses sympathiques
ou par hydrolyse de la S-adénosyl-L-homocystéine, en agis-

Médiateurs biologiques
sant sur les récepteurs P2, participerait également à la
régulation de la microcirculation rénale, de la libération

de l’autorégulation de rénine et des fonctions épithéliales tubulaires.

du débit sanguin rénal


L’adénosine, produite en intracellulaire par déphospho-
rylation de l’ATP puis diffusant dans les espaces intersti-
tiels, aurait également un rôle essentiel encore mal connu.
L’autorégulation du débit sanguin rénal, par modifica- En effet, elle se fixe sur les récepteurs purinergiques P1 et
tions des résistances préglomérulaires, est sous la dépen- P2 et trouverait une place importante dans la régulation
dance de nombreux médiateurs autocrines ou paracrines, des résistances préglomérulaires ou postglomérulaires et
les uns vasoconstricteurs, comme l’ATP et certains métabo- des fonctions tubulaires [24]. Les récepteurs P1 sont divisés

Adénosine
RPA1
Figure 5 / Le rétrocontrôle
tubulo-glomérulaire et l’ATP
ATP
L’ATP est l’un des médiateurs
du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire, Na+ RP2X
entre la macula densa et la cellule 2Cl–
musculaire lisse de l’artériole afférente. K+
Elle induit une vasoconstriction directe,
par stimulation des récepteurs ?
purinergiques de type 2X (RP2X),
ou indirecte, par stimulation
des récepteurs de type 2Y (RP2Y) Artériole
des cellules mésangiales. L’adénosine RP2Y afférente
se fixant sur les récepteurs purinergiques Macula densa Vasoconstriction
de type A1 (RPA1) entraîne également
une vasoconstriction de l’artériole Cellules mésangiales
afférente. Contraction

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

en sous-types A1, A2A, A2B et A3 [22, 25]. L’action de l’adé- vaisseaux corticaux et médullaires. Chez le rat, le
nosine sur les récepteurs A1 induit une vasoconstriction monoxyde d’azote participe à la filtration glomérulaire par
corticale, en réduisant la formation d’adénosine mono- deux mécanismes : par modification des résistances vascu-
phosphate cyclique (AMPc) dans la cellule musculaire lisse laires des artérioles afférente et efférente, et par modifi-
et donc les besoins en oxygène. L’activation de la Na+- cation du coefficient d’ultrafiltration Kf [31]. L’inhibition
K+ ATPase au niveau de la macula densa des néphrons jux- de la synthèse de monoxyde d’azote entraîne une diminu-
tamédullaires par une augmentation de la concentration tion de Kf de 50 % et une augmentation des résistances
urinaire en chlorure de sodium (NaCl) stimule la produc- vasculaires plus marquée au niveau de l’artériole afférente.
tion d’adénosine. Chez l’animal, il a été démontré que Le monoxyde d’azote est en effet un des seconds messa-
l’adénosine était également un médiateur majeur du gers vasodilatateurs s’opposant au rétrocontrôle tubulo-
rétrocontrôle tubulo-glomérulaire [26]. Cependant, le blo- glomérulaire. Il pourrait également influencer la
cage des récepteurs A1 n’abolit pas le mécanisme d’auto- composante myogénique de l’autorégulation du débit san-
régulation mettant en évidence l’implication de plusieurs guin rénal, favorisant la vasodilatation en cas de baisse de
médiateurs, en particulier l’ATP [23]. Paradoxalement, la pression de perfusion. Pourtant, une étude chez
l’adénosine peut également se fixer sur les récepteurs A2B l’homme a montré qu’en présence d’un antagoniste du
présents aux niveaux préglomérulaire et postglomérulaire monoxyde d’azote (NG-monométhyl-L-arginine [L-
des néphrons juxtamédullaires, induisant alors une vaso- NMMA]), on observait une diminution de 79 % du débit
dilatation de la circulation médullaire [27]. Elle favoriserait plasmatique rénal sans modification du débit de filtration
donc aussi le débit sanguin médullaire, inhibant les pres- glomérulaire [33]. Le monoxyde d’azote n’est donc pas le
sions hydrostatiques péritubulaires qui interviennent dans principal agent vasodilatateur des vaisseaux glomérulaires
la réabsorption du sodium avec, au total, une augmenta- et la mise en jeu d’autres mécanismes, par exemple la voie
tion de l’excrétion de sodium. des cyclo-oxygénases, peut expliquer le maintien du débit
de filtration glomérulaire dans les situations où la voie
Métabolites du cytochrome P450 du monoxyde d’azote est inhibée [34]. Il est à noter que la
NOS 1 (neuronale) est exprimée au niveau des cellules gra-
Les métabolites de l’acide arachidonique produits par le nulaires juxtaglomérulaires en contact avec l’artériole affé-
cytochrome P450A4, en particulier l’acide 20-hydroxyeico- rente [35]. Le monoxyde d’azote produit par la macula
satétraénoïque (20-HETE) et les acides époxyeicosatrié- densa inhibe le cotransport Na+K+2Cl– du tubule distal et
noïques (EET), sont des médiateurs importants de la donc le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire [36]. Il pourrait
régulation du tonus vasculaire rénal [28]. Les EET sont les également intervenir dans la libération de rénine et s’in-
principaux métabolites de l’acide arachidonique produits tégrer alors dans le contrôle à long terme du métabolisme
au niveau du tube collecteur et ils possèdent des propriétés du sodium et de la régulation de la pression artérielle [37].
vasodilatatrices. Leur rôle précis reste à éclaircir. En
revanche, le 20-HETE, produit par la branche ascendante Le monoxyde d’azote est également (voire principale-
large de l’anse de Henlé, est un agent vasoconstricteur, ment) un facteur physiologique important de la microcir-
agissant principalement comme un facteur autocrine et culation rénale médullaire. En effet, ses propriétés
paracrine. Sa production est stimulée par l’angiotensine II, vasodilatatrices liées à la guanosine monophosphate
l’endothéline, la vasopressine et la noradrénaline mais inhi- cyclique (GMPc) – inactivant une myosine kinase par phos-
bée par le monoxyde d’azote. Il apparaît aujourd’hui clai- phorylation – et à l’activation de canaux potassiques cal-
rement que le 20-HETE participe activement au mécanisme cium-dépendants de la cellule musculaire lisse s’opposent
d’autorégulation du débit sanguin rénal [28]. D’une part, à celles des agents vasoconstricteurs comme l’angioten-
le 20-HETE agit directement sur la composante myogénique sine II, l’endothéline et la noradrénaline [38-40]. Le
de l’autorégulation du débit sanguin rénal, en favorisant monoxyde d’azote permet ainsi de maintenir un certain
l’entrée de calcium via des canaux voltage-dépendants. débit sanguin médullaire et représente un facteur impor-
D’autre part, il diffuse à travers la macula densa et participe tant de l’oxygénation médullaire, compensateur de l’isché-
à la vasoconstriction de l’artériole afférente du rétrocon- mie relative de cette zone à la fois dans des conditions
trôle tubulo-glomérulaire. Il pourrait également servir de physiologiques et pathologiques. Dans les états septiques,
second messager intracellulaire à d’autres médiateurs vaso- la production de monoxyde d’azote est élevée, liée à l’ac-
constricteurs comme l’adénosine ou l’ATP, libérées par la tivation de la NOS inductible (iNOS), mais son interaction
macula densa, ou l’angiotensine II [29, 30]. rapide avec l’anion superoxyde peut conduire à une dimi-
nution de la quantité de monoxyde d’azote disponible
Il convient de noter que les métabolites du cytochrome lorsque les mécanismes anti-oxydants sont dépassés [41].
P450 jouent également un rôle important dans le contrôle Ce déficit, accentué par l’action du TNF-a et de l’endo-
de la réabsorption tubulaire du sodium, sujet que nous ne toxine qui accélère la dégradation de l’ARN messager de
traiterons pas dans ce chapitre. la NOS endothéliale, pourrait expliquer en partie la vaso-
constriction intrarénale observée au cours du sepsis, en

Principaux médiateurs particulier de la zone médullaire. Par ailleurs, la production


de l’anion peroxynitrite, forme réactive de l’azote, est cyto-
vasodilatateurs toxique et pourrait aggraver les lésions cellulaires d’origine
ischémique de l’insuffisance rénale aiguë septique [42].
Monoxyde d’azote
Le monoxyde d’azote (NO) est synthétisé par la cellule
Prostaglandines
endothéliale à partir de la L-arginine grâce à la NO synthé- Les eicosanoïdes sont les métabolites de l’acide arachi-
tase (NOS). Il participe à l’adaptation de la circulation glo- donique sous l’action de trois voies enzymatiques, la lipo-
mérulaire, en particulier à l’autorégulation du débit oxygénase, les cyclo-oxygénases (COX) et le cytochrome
sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire [31]. P450. Les métabolites dérivés de la lipo-oxygénase sont les
Les deux isoformes constitutives de la NO synthétase ont leucotriènes, dont les effets vasoconstricteurs ne semblent
une distribution large dans le rein, en particulier au niveau impliqués que dans les processus inflammatoires rénaux et
glomérulaire [32]. Chez l’homme, la NOS endothéliale non dans la régulation du débit sanguin rénal en condi-
(NOS3), activée par les forces d’étirement et les agonistes tions physiologiques. Les métabolites dérivés de la cyclo-
calciques, est exprimée au niveau de l’endothélium des oxygénase sont les prostaglandines (PG), dont le rôle est

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Circulation rénale 42

important dans la régulation du débit sanguin rénal et la par stimulation des récepteurs purinergiques, res-
filtration glomérulaire. Les PGE2 et PGI2 libérées au niveau ponsable d’une entrée du calcium extracellulaire via
des structures vasculaires et tubulaires participent à la un canal calcique de type L. Un métabolite du cyto-
régulation de l’hémodynamique intrarénale mais aussi aux chrome P450, le 20-HETE, pourrait être un second
fonctions de transport tubulaire [43, 44]. messager essentiel dans la voie de signalisation
intracellulaire. L’adénosine, en augmentant les résis-
Les deux isoformes de la COX (1 et 2) sont constitutives tances vasculaires préglomérulaires, est également
au niveau du rein et sensibles aux anti-inflammatoires non un médiateur du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire.
stéroïdiens (AINS), y compris donc aux nouveaux inhibi- De plus, elle induit une augmentation du débit san-
teurs sélectifs de la COX-2. La PGE2 produite par la COX-2 guin médullaire, une vasodilatation des vasa recta
a un rôle vasodilatateur, par ouverture de canaux potas- et donc l’excrétion de sodium. Le monoxyde d’azote
sium-dépendants, entraînant une augmentation du débit et les prostaglandines sont des vasodilatateurs de
sanguin rénal par modulation de la vasoconstriction de l’artériole afférente et modulent l’amplitude du
l’artériole afférente avec une hausse de la filtration glo- rétrocontrôle tubulo-glomérulaire (figure 6). Leur
mérulaire. Les études en présence d’inhibiteurs des cyclo- rôle physiologique est important dans la régulation
oxygénases montrent que ces prostanoïdes sont largement du débit de filtration glomérulaire, mais également
impliquées dans l’autorégulation du débit sanguin rénal, dans le maintien du débit sanguin et de l’oxygéna-
principalement dans le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire tion médullaires. Le monoxyde d’azote et les pros-
[43-45]. Les dérivés de la COX-1 favoriseraient, quant à eux, taglandines jouent également un rôle majeur dans
l’augmentation de l’excrétion de sodium par inhibition du les situations pathologiques où sont mis en jeu
transport épithélial de sodium au niveau de la branche d’autres systèmes vasoconstricteurs, comme l’an-
ascendante large de l’anse de Henlé et du tube collecteur giotensine II, l’endothéline ou la noradrénaline. La
cortical. Cependant, les effets des prostaglandines sur la voie des NO synthétases et des cyclo-oxygénases
régulation de l’eau et du sodium semblent davantage liés doit être protégée dans les situations d’agression
à leurs effets dynamiques qu’à un rôle direct sur les struc- rénale et est une cible potentielle de modulation
tures tubulaires (pressure-natriuresis response) [46]. On pharmacologique.
peut remarquer que l’angiotensine II, la noradrénaline et
la vasopressine favorisent la production de PGE2, qui pour-
rait alors agir comme un rétrocontrôle négatif contre
Autres médiateurs hormonaux
l’action de ces différents vasoconstricteurs. Les prostaglan- locaux
dines, comme le monoxyde d’azote, ont comme principale
action de moduler la vasoconstriction de l’artériole affé- Angiotensine II
rente sous l’effet de l’angiotensine II, expliquant l’effet
délétère des AINS comme facteur participant à l’installa- Dans le plasma et au niveau rénal, l’angiotensine I est
tion d’une insuffisance rénale aiguë. Les prostaglandines produite à partir de l’angiotensinogène grâce à l’action de
exercent également un effet protecteur vasodilatateur de la rénine, synthétisée par l’appareil juxtaglomérulaire (cel-
la circulation médullaire en réponse aux agents vasoactifs, lules granulaires). L’angiotensine I est à nouveau hydroly-
via l’ouverture de canaux K+ ATP-dépendants [44]. sée par l’enzyme de conversion libérant l’hormone active,
l’angiotensine II (AGII). Les récepteurs de l’angiotensine II
(AT1 et AT2-R) sont soit couplés à un canal calcique de
L’autorégulation du débit sanguin rénal, et donc du type L (entrée de calcium extracellulaire), soit à une pro-
débit de filtration glomérulaire, est sous la dépen- téine G activatrice des phospholipases C membranaires,
dance de nombreux facteurs biologiques agissant libérant l’inositol triphosphate et le calcium à parti d’un
de façon autocrine ou paracrine. L’ATP est un média- stock intracellulaire. C’est une hormone principalement
teur essentiel du rétrocontrôle tubulo-glomérulaire. vasoconstrictrice, qui agit également en stimulant la syn-
Il induit la vasoconstriction de l’artériole afférente thèse et la sécrétion d’aldostérone [45].

Macula densa Artériole afférente

Na+
K+
Cl–

Figure 6 / Modulation du rétrocontrôle


tubulo-glomérulaire Endothélium
L’amplitude de la vasoconstriction
de l’artériole afférente est modulée Cellule musculaire lisse
par les systèmes vasodilatateurs
Vasodilatation
de contre-régulation : la voie de la NO Vasoconstriction NO
synthétase, avec le monoxyde d’azote (NO), ATP/Adénosine PG
et la voie des cyclo-oxygénases, 20-HETE
avec les prostaglandines (PG). Angiotensine II

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

L’angiotensine II induit une vasoconstriction de l’arté- de filtration glomérulaire. Cependant, sa production chez
riole afférente et efférente, entraînant une diminution du l’homme semble très faible dans des conditions physiolo-
débit sanguin rénal. Cependant, le débit de filtration glo- giques [55, 56].
mérulaire reste égal, voire la fraction filtrée augmente. En
effet, l’angiotensine II possède une action préférentielle Noradrénaline
sur l’artériole efférente, augmentant ainsi la pression
hydrostatique capillaire glomérulaire [46]. Elle pourrait Le rein reçoit une riche innervation végétative.
donc renforcer le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire dans Pourtant, dans des conditions physiologiques, le système
les situations de stimulation de la libération de rénine, nerveux sympathique a peu d’influence sur l’hémodyna-
mais jouerait un rôle plus important dans la régulation du mique intrarénale, probablement liée à l’action dominante
débit de filtration glomérulaire que dans l’autorégulation des médiateurs locaux. En situation de stress en revanche,
du débit sanguin rénal. En thérapeutique, les inhibiteurs l’activation du système sympathique augmente les résis-
de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des tances vasculaires rénales via l’augmentation du calcium
récepteurs de l’angiotensine II diminuent les résistances intracellulaire, diminuant alors le débit sanguin rénal [57-
de l’artériole efférente et donc la pression hydrostatique 59]. Indépendamment de son activité vasoactive, le sys-
capillaire glomérulaire. Cependant le débit de filtration tème sympathique favorise la sécrétion de rénine (action
glomérulaire reste stable grâce à l’augmentation du débit de la noradrénaline sur des récepteurs b1), et la réabsorp-
sanguin rénal et probablement par relaxation du mésan- tion de sodium au niveau des différents segments du
gium (augmentation de surface). Leur intérêt est bien tubule, en particulier la branche ascendante de l’anse de
Henlé. À ce niveau, la noradrénaline se fixe sur des récep-
démontré dans la prévention du syndrome d’hyperfiltra-
teurs a1 et augmente l’activité de la Na+-K+ ATPase. Cet
tion de la maladie hypertensive, y compris chez le trans-
effet antinatriurétique participerait à la formation des
planté rénal [47, 48]. En revanche, dans les situations de
œdèmes de l’insuffisance cardiaque congestive [60]. Le sys-
sténose de l’artère rénale, le débit sanguin rénal ne pou-
tème nerveux autonome assure donc un rôle plus impor-
vant augmenter, le blocage de l’action de l’angiotensine II
tant dans le contrôle de la pression artérielle, en modulant
entraîne alors un risque de diminution de la pression capil-
les fonctions tubulaires et le métabolisme du sodium, que
laire et du débit de filtration glomérulaire et, donc, une
dans la régulation du débit sanguin rénal.
insuffisance rénale fonctionnelle.
L’angiotensine II jouerait aussi un rôle important en Dopamine
aval du glomérule, dans la régulation de la circulation
postglomérulaire des néphrons juxtamédullaires. Chez le La dopamine, libérée par les fibres postganglionnaires
rat, La stimulation des récepteurs AT1 est associée à une du système nerveux sympathique ou synthétisée locale-
vasoconstriction des vasa recta. Cependant, le récepteur ment, joue surtout un rôle dans la régulation du métabo-
AT2 est présent sur les segments vasculaires de la zone lisme du sodium. Dans des conditions physiologiques, elle
médullaire et pourrait stimuler, quant à lui, la production augmente le débit sanguin rénal et le débit de filtration
de monoxyde d’azote, protecteur la circulation médullaire glomérulaire non seulement par une augmentation du
par ses effets vasodilatateurs [49]. débit cardiaque mais aussi par une diminution des résis-
tances vasculaires rénales. Elle possède une activité natriu-
rétique directe par inhibition de la Na+-K+ ATPase du
Endothéline tubule proximal principalement. Les récepteurs dopami-
Au niveau rénal, l’endothéline (ET), libérée par l’endo- nergiques périphériques (D) appartiennent à deux grandes
thélium du côté abluminal, agit de façon principalement familles : de type 1, localisés en postsynaptique en intra-
autocrine ou paracrine. Elle agit sur deux types de récep- cellulaire dans le cytoplasme et recrutés au niveau de la
membrane par la dopamine elle-même ou le peptide
teurs, A et B, couplés à une protéine G inhibitrice. Le récep-
natriurétique auriculaire (ANP, atrial natriuretic peptide),
teur ETA est localisé sur la cellule musculaire lisse vasculaire
via l’activation d’une adénylate cyclase, et de type 2,
et induit une vasoconstriction des artérioles glomérulaires.
localisés en présynaptique. La stimulation des récepteurs
Le récepteur ETB (ETB-R), localisé sur la cellule endothéliale
dopaminergiques de type 1 (D1 et D5) entraîne une vaso-
elle-même, induit en revanche une vasodilatation en sti-
dilatation directe, alors que celle des récepteurs dopami-
mulant la production de monoxyde d’azote et de prosta-
nergiques de type 2 (D2, D3 et D4) entraîne une
cycline [50, 51]. Cette opposition fonctionnelle des deux
vasodilatation indirecte par inhibition de la libération de
récepteurs limite les applications thérapeutiques. Chez noradrénaline. Chez l’homme, on observe l’expression de
l’homme, la concentration d’endothéline et de son ARN ces cinq récepteurs, répartis de façon non homogène dans
messager est deux fois plus importante au niveau médul- le rein, au niveau des structures aussi bien vasculaires que
laire qu’au niveau cortical [52]. La densité des récepteurs B tubulaires. Un défaut de production de dopamine ou une
est également supérieure à celle des récepteurs A, en par- anomalie au niveau des récepteurs pourrait être associé à
ticulier au niveau de la zone médullaire. L’endothéline sur certaines formes d’hypertension artérielle [61-63].
son récepteur ETB induit une vasodilatation médullaire et
inhibe la réabsorption du sodium au niveau de la branche La dopamine a été utilisée dans la prévention et le trai-
ascendante large de l’anse de Henlé et du tube collecteur. tement de l’insuffisance rénale aiguë d’origine ischémique
L’utilisation d’un antagoniste sélectif de ETB-R sur un grâce à ses propriétés qui permettent une diminution de
modèle animal de rat entraîne bien une diminution de l’utilisation de l’ATP et des besoins en oxygène au niveau
l’excrétion de sodium et de la diurèse [53]. L’endothéline de la zone médullaire. Après les travaux de D’Orio en 1984,
participe ainsi de façon active au couplage pression de per- la dopamine « à visée rénale », c’est-à-dire à une posologie
fusion-natriurèse, en particulier dans les conditions de inférieure à 5 mg/kg/min afin d’induire une vasodilatation
régime riche en sel. Contrebalançant cet effet, elle stimule rénale et une augmentation de la diurèse sans augmenta-
le système rénine-angiotensine-aldostérone ainsi que la tion de la pression artérielle, a été largement utilisée chez
libération de peptides natriurétiques et inhibe l’action de les patients en soins intensifs [64]. Chez des adultes sains
l’hormone antidiurétique (ADH) [54]. et encore plus chez des patients en service de réanimation,
des travaux plus récents ont mis en évidence l’absence de
Au niveau du glomérule, l’endothéline agirait préféren- corrélation entre le débit de perfusion de dopamine et les
tiellement sur l’artériole efférente, préservant ainsi le débit concentrations plasmatiques. Plusieurs méta-analyses ont

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Circulation rénale 42

maintenant démontré l’inefficacité de cette thérapeutique dilatation de l’artériole afférente mais une vasoconstric-
autant comme traitement préventif que curatif de l’insuf- tion de l’artériole efférente, d’où une augmentation du
fisance rénale aiguë [65, 66]. La dopamine pourrait même débit de filtration glomérulaire. L’ANP et le BNP augmen-
être délétère : la réabsorption des ions au niveau de la tent également l’excrétion urinaire de sodium par inhibi-
zone médullaire, compensant l’inhibition de la réabsorp- tion de sa réabsorption au niveau du tubule proximal et
tion tubulaire proximale par la dopamine, augmente la surtout distal, et donc la diurèse [75]. Les peptides natriu-
demande en oxygène dans cette zone déjà en situation rétiques entrent en fait en compétition avec le système
d’ischémie relative. De la même façon, au niveau du terri- rénine-angiotensine-aldostérone. L’ANP peut également
toire mésentérique et chez des patients septiques, la dopa- bloquer l’activité de l’adénylcyclase et donc la voie de
mine, pourtant vasodilatatrice splanchnique, pourrait transduction du signal de la vasopressine. En thérapeu-
favoriser l’ischémie de la muqueuse digestive par redistri- tique chez l’homme, l’ANP en perfusion continue améliore
bution du flux sanguin [67, 68]. le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire
chez des patients en insuffisance rénale aiguë, mais il n’a
Le fénoldopam est un agoniste sélectif des
pas montré de réduction de la mortalité ou de recours à la
récepteurs D1, utilisé comme vasodilatateur dans les
dialyse [76, 77]. Ces premières études restent à être confir-
urgences hypertensives. Par ses effets rénaux, c’est une
mées.
molécule qui tend à montrer une efficacité, chez l’animal,
pour la prévention de l’insuffisance rénale aiguë induite
par des toxiques (cyclosporine, produits de contraste Formes réactives de l’oxygène
iodés...), ce qui reste à démontrer chez l’homme [69, 70]. La production de formes réactives de l’oxygène (FRO)
est générée par un système enzymatique, la NADPH oxy-
Vasopressine dase. Chez l’homme, la production d’anions superoxydes
O2• par l’activation de ce complexe enzymatique est l’un
La vasopressine, ou hormone antidiurétique (ADH), est
des moyens de défense antibactérienne de l’organisme
synthétisée au niveau de l’hypothalamus dans les noyaux
assuré par les polynucléaires neutrophiles, par déstructu-
paraventriculaires et supra-optiques, mais elle est libérée
ration des lipides membranaires et des protéines.
par l’hypophyse postérieure (voir chapitre 31). C’est l’hor-
Cependant, la NADPH oxydase est exprimée par le rein au
mone principale de la régulation des pertes en eau au
niveau des structures vasculaires corticales et médullaires
niveau rénal, mise en jeu dans les situations de restriction
et les formes réactives de l’oxygène pourraient également,
en eau. L’hyperosmolarité sanguine, la diminution du
de façon physiologique, participer à la régulation de la
volume extracellulaire et l’angiotensine II sont les princi-
microvascularisation rénale, principalement médullaire. Les
paux facteurs stimulant sa sécrétion. Les effets de l’ADH
formes réactives de l’oxygène sont des agents vasoconstric-
résultent de la stimulation des récepteurs de type V1 et V2.
teurs rénaux par trois mécanismes : un effet direct par
Chez l’animal, l’action de l’ADH sur les récepteurs V1, ne
production de PGF2a se fixant sur le récepteur au throm-
modifie pas le débit sanguin rénal mais induit une diminu-
boxane A2 ; un effet indirect par stimulation d’agents vaso-
tion du débit sanguin médullaire et une augmentation de
constricteurs comme l’adénosine ; ou une inhibition de
l’osmolalité urinaire. Elle participe ainsi au maintien du
l’activité de la prostacycline synthétase (bloquant la pro-
gradient cortico-papilllaire et au phénomène de concen-
duction d’agents vasodilatateurs, comme la PGI2) [78]. Les
tration des urines [71]. La mise en évidence de
formes réactives de l’oxygène peuvent également servir de
récepteurs V2 au niveau de la branche ascendante de
second messager à d’autres agents vasoconstricteurs,
l’anse de Henlé, imperméable à l’eau, a permis de montrer
comme l’angiotensine II, et sont antagonistes du
que l’ADH jouait également un autre rôle. Elle induit la
monoxyde d’azote (effet compétitif). Leur production
production de monoxyde d’azote au niveau de la zone
excessive ou inappropriée dans le milieu extracellulaire
médullaire via l’augmentation de l’expression de la NO
participe aux lésions tissulaires du sepsis et à la physiopa-
synthétase endothéliale, modulant de ce fait son propre
thologie de la dysfonction rénale d’origines diverses (isché-
effet vasoconstricteur (lié aux récepteurs V1) et assurant
mie, rejet de greffe, glomérulonéphrite aiguë, toxicité des
ainsi le maintien du débit sanguin médullaire [72, 73]. Les
produits de contraste) [79]. Pourtant, sur le plan thérapeu-
récepteurs V2 du tube collecteur sont couplés à une adé-
tique, l’intérêt de l’utilisation des piégeurs des formes réac-
nylcyclase par une protéine G. Leur stimulation entraîne tives de l’oxygène, comme l’acétylcystéine, n’a pas été
une augmentation de l’AMPc qui, par l’intermédiaire de démontré pour l’instant, en dehors de la toxicité rénale des
protéines kinases, favorise la migration des aquaporines produits de contraste iodés. Sur un modèle animal d’isché-
de type 2 (AQP2) depuis le cytoplasme jusqu’au niveau de mie rénale, la glycine réduit la production de radicaux
la membrane apicale du tube collecteur. L’ADH augmente libres et les lésions tubulaires liées à la reperfusion et
ainsi la perméabilité à l’eau du tube collecteur dans la représente une voie de recherche à approfondir [80].
partie corticale et médullaire du rein, ce qui permet la
réabsorption de l’eau selon le gradient osmotique cortico-
papillaire. De nombreux médiateurs sont à la fois régulateurs
du débit sanguin et des fonctions tubulaires de
Peptides natriurétiques réabsorption. Leur mise en jeu est cependant
dépendante de l’état d’hydratation et du capital
Les peptides natriurétiques jouent un rôle important sodé. L’angiotensine II induit une diminution du
dans la régulation de la pression artérielle en participant débit sanguin rénal, dans les conditions de sécrétion
aux mécanismes homéostatiques de contrôle du milieu de rénine (hypovolémie), et renforce le rétrocon-
intérieur (composition et volume du liquide extracellu- trôle tubulo-glomérulaire. Cependant, son action
laire). Trois isoformes participent à cette régulation, en préférentielle sur l’artériole efférente lui donne un
conditions physiologiques et pathologiques, l’ANP, le pep- rôle important dans la régulation et le maintien du
tide natriurétique du cerveau (BNP, brain natriuretic pep- débit de filtration glomérulaire dans des conditions
tide) et le peptide natriurétique de type C (CNP, physiologiques. L’endothéline, synthétisée locale-
C natriuretic peptide). Ces trois peptides sont présents chez ment par le rein, agit principalement comme agent
l’homme au niveau du tubule distal pour l’ANP et le BNP, vasodilatateur de la circulation médullaire et favo-
et du tubule proximal pour le CNP [74]. Au niveau de la cir- rise directement l’excrétion de sodium par inhibi-
culation glomérulaire, l’ANP et le BNP induisent une vaso- tion de la réabsorption tubulaire au niveau de l’anse

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

de Henlé. La vasopressine (ou ADH) participe au tion des urines au niveau des vasa recta de la zone médul-
mécanisme de concentration des urines en combi- laire. Perfusion rénale et fonction tubulaire épithéliale
nant des effets vasoconstricteurs médullaires (pour sont indissociables. Le débit sanguin rénal s’adapte en
le maintien du gradient cortico-papillaire) et anti- continu aux variations hémodynamiques et métaboliques
diurétiques (avec le recrutement des aquaporines de l’organisme (autorégulation). Un réflexe local myogé-
au niveau du tube collecteur). nique, en réponse à une contrainte mécanique, et le rétro-
contrôle tubulo-glomérulaire, en réponse à une contrainte
métabolique, modulent les résistances au niveau de l’arté-
Conclusion riole afférente (régulation préglomérulaire). L’auto-
régulation du débit sanguin rénal est un facteur important
du maintien du débit de filtration glomérulaire et implique
Le débit sanguin rénal, de l’ordre de 1 200 mL/min, est
de nombreux médiateurs, en particulier l’ATP et les méta-
le débit de perfusion le plus élevé de tous les organes. Il
est à rapporter à la fonction d’épuration plasmatique du bolites du cytochrome P450. Le monoxyde d’azote et les
rein et de régulation de la pression artérielle par le méta- prostaglandines constituent un système de contre-régula-
bolisme du sodium et de l’eau. La disposition particulière tion vasodilatateur. Le monoxyde d’azote assure égale-
de la microcirculation rénale assure une fonctionnalité ment une protection contre l’hypoperfusion médullaire. La
entre les vaisseaux et les différents segments du tubule : zone médullaire, où le débit sanguin n’est pas autorégulé
l’ultrafiltration plasmatique au niveau du glomérule, la et où les phénomènes de réabsorption tubulaires et les
réabsorption de l’eau et des solutés au niveau des capil- besoins en oxygène sont importants, est en effet particu-
laires péritubulaires, le phénomène de concentration-dilu- lièrement fragile et sensible à l’ischémie.

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471
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PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

43
Physiopathologie
• Convection
• Diffusion
de l’épuration extrarénale
• Modalités de mise en œuvre
• Notion de dose d’épuration Didier Journois
• Choix de la méthode
Service d’anesthésie-réanimation,
Hôpital européen Georges-Pompidou,
université René-Descartes, Paris

épuration extrarénale (EER) réalise le trans- coupure ». Ce dernier est défini par le poids moléculaire
port de substances à travers une membrane. Son maximal des molécules qui traversent la membrane. En
but est de rétablir ou de maintenir l’homéostasie, réalité, la perte de perméabilité est graduelle lors de l’aug-
c’est-à-dire principalement l’équilibre hydro-élec- mentation du poids moléculaire (figure 2). La perméabilité
trolytique, tout en assurant l’élimination des dépend d’autres facteurs, tels que la charge électrique de
substances issues du métabolisme qui sont norma- la molécule, et de sa configuration spatiale car ses interac-
lement éliminées par le rein. Deux principes d’épu- tions s’exercent tout au long de la traversée de la mem-
ration extrarénale existent afin de répondre à ces brane qu’il faut considérer davantage comme un gel que
besoins : la diffusion, qui définit l’hémodialyse, et comme une fine pellicule sans épaisseur (figure 3). Les
la convection, qui définit l’hémofiltration. Les pro- matériaux les plus utilisés sont le polyamide, la polysul-
priétés de la membrane et les régimes de pression fone, le polymétacrylate de méthyl (PMMA) et le polyacri-
qui lui sont appliqués conditionnent l’application lonitrile (PAN). Ces substances synthétiques bénéficient
dominante de l’un ou l’autre des deux principes. Ils d’une excellente biocompatibilité, en particulier par rap-
présentent des avantages et des inconvénients port aux matériaux non synthétiques.
spécifiques mais ils ont en commun de mettre le
sang du patient en contact avec un matériau exo-
gène produisant une réaction inflammatoire. Leurs
propriétés épuratives non spécifiques soulèvent
d’autres problèmes tels que l’élimination de médi-
caments et de substances utiles au métabolisme.

Convection
Principes
Le transport de solutés par convection s’effectue selon
le gradient de pression hydrostatique existant entre les
deux faces d’une membrane de grande perméabilité.
Grâce aux propriétés de perméabilité de la membrane, et
selon le poids moléculaire des substances en solution, la
convection permet d’épurer l’eau et les petites molécules
proportionnellement à leur concentration et les molécules
de poids moléculaire moyen (de 2 000 à 30 000 Da) dont la
faible concentration limite l’épuration par diffusion. En
revanche, ni les éléments figurés du sang ni les molécules
de haut poids moléculaire ne peuvent franchir la mem-
brane (figure 1).

Membranes Figure 1 / L’ultrafiltration résulte d’une différence


de pression hydrostatique de part et d’autre
de la membrane (transport convectif)
Les membranes sont caractérisées par deux propriétés Seules les molécules de taille compatible
principales : leur perméabilité hydraulique (Kuf) et leur avec ses pores sont éliminées dans l’ultrafiltrat.
coefficient de tamisage, qui se traduit par le « point de

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Clairance
mL/min Pression transmembranaire
140
L’hémofiltration est l’application du principe de convec-
tion à l’épuration extrarénale (figure 4). Le débit d’ultra-
filtration Quf est défini par la simple relation :
120 Quf = CH20 × S × PTM
où CH20 est le coefficient de perméabilité hydraulique,
caractéristique de la membrane. Il décroît exponentielle-
80 ment au cours du temps par l’accumulation de dépôts pro-
Diffusion
Convection téiques et cellulaires ; S est sa surface efficace ; PTM est la
pression transmembranaire efficace résultant des pressions
40 hydrostatique et oncotique existant de part et d’autre de
la membrane.
La pression transmembranaire est la principale façon de
0 faire varier Quf en pratique clinique, c’est la variable qui
5
10 10 2 103 10 4 10 10 6 régit la convection. Plus elle est importante, plus Quf l’est
Poids moléculaire également. Sa valeur ponctuelle varie en réalité au long
de la membrane car l’effet de la pression hydrostatique,
Figure 2 / La diffusion favorise l’élimination des petites molécules qui génère l’ultrafiltrat, s’épuise de l’entrée (Pentrée) vers
alors que la convection parvient à éliminer des substances présentes la sortie (Psortie) alors que la pression oncotique, qui s’op-
en moindre concentration et de poids moléculaire intermédiaire pose à la pression hydrostatique, s’accroît de l’entrée
(Πentrée) vers la sortie (Πsortie) par le fait de l’hémoconcen-
tration. Enfin, la pression hydrostatique de l’ultrafiltrat
(Puf), qui s’oppose à la production d’ultrafiltrat, dépend du
débit de la pompe destinée à contrôler le débit d’ultra-
filtrat.
En pratique, la pression transmembranaire suit approxi-
mativement la relation [1] :
 (P +P ) - (Πentrée + Π sortie )  − P
PTM =  entrée sortie  uf
 2 

Compte tenu de la faible variabilité des résistances à


l’écoulement dans le circuit, la pression transmembranaire
peut être majorée par l’élévation du gradient de pression
hydrostatique en augmentant le débit sanguin (Qs). Cette
élévation suit une relation linéaire dans la fourchette des
valeurs utilisées en clinique. La plupart des membranes ne
peuvent pas supporter plus de 300 à 500 mmHg de pres-
sion transmembranaire sans céder, entraînant le passage
d’hématies dans l’ultrafiltrat, ce qui est en général détecté
par la machine d’hémofiltration. La pression transmembra-
naire se réduit progressivement de l’entrée vers la sortie
Figure 3 / Aspect d’une membrane en microscopie électronique de la membrane selon l’évolution des pressions hydrosta-
tique et oncotique. La convection pourrait ainsi s’annuler

Membrane

Pression Pression
oncotique oncotique
entrée sortie
Flux
sanguin
Pression Pression
hydrostatique hydrostatique
sang entrée sang sortie

Pression hydrostatique
de l’ultrafiltrat
Figure 4 / Évolution des pressions
le long de l’hémofiltre
La pression hydrostatique s’épuise
Quf alors que la pression oncotique
s’accroît par hémoconcentration.
Le débit d’ultrafiltrat (Quf)
dépend en permanence
de la différence entre les deux.
Ultrafiltrat

474
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Physiopathologie de l’épuration extrarénale 43

à l’extrême dans un hémofiltre très long : il importe donc d’employer un certain degré de prédilution. Son principe
que ce dernier soit suffisamment court pour conserver un est d’administrer le liquide de substitution en amont de la
phénomène de convection efficace [2]. membrane de façon à réduire la pression oncotique et
l’hémoconcentration. La rhéologie sanguine est ainsi amé-
En dehors du gradient de pression entre l’entrée et la liorée au détriment de la clairance des molécules.
sortie de la membrane, Qs dépend également de la visco- L’expression de la fraction de filtration devient alors :
sité du sang (m) et des résistances à écoulement du circuit :
Quf
∆P FF = .
Qs = . Qi + Qpré
µ xR

La viscosité du sang intègre en un seul paramètre la vis- Cette formule montre que fraction de filtration dépend
cosité du plasma et plusieurs facteurs, dont la déformabi- à la fois du réglage du débit sanguin, de celui du débit
lité et la concentration des hématies. Elle varie le long du d’ultrafiltrat et de celui de la prédilution (Qpré).
circuit à cause de l’hémoconcentration et avec la tempéra- Cependant, son principal intérêt est de considérer le degré
ture. En pratique, Qs est le plus souvent imposé par une d’hémoconcentration à l’extrémité terminale du filtre qui
pompe spécifique et le régime des pressions observées en est le point le plus critique du circuit en matière de throm-
découle. Une autre façon d’accroître la pression transmem- bose. Les formules qui prennent en compte la postdilution
branaire est de diminuer la pression hydrostatique de l’ul- sont exactes mais elles expriment le degré d’hémoconcen-
trafiltrat. Cette méthode favorise l’hémoconcentration tration du sang retourné au patient, ce qui n’a pas beau-
ainsi que l’accumulation de dépôts à la surface de la mem- coup d’implications physiopathologiques.
brane (« colmatage ») et expose de ce fait au risque de
thrombose de l’hémofiltre [3].
La fraction de filtration (FF) représente la proportion
Comportement des substances
de plasma ultrafiltré par rapport au volume sanguin tra- en hémofiltration
versant l’hémofiltre dans le même temps et peut s’expri-
mer simplement sous la forme : Le principe de conservation du volume nécessite que le
FF = Quf/Qi débit de sang à l’entrée de la membrane (Qi) soit égal à la
où Qi est le débit sanguin entrant et Quf le débit d’ultra- somme des débits d’ultrafiltrat (Quf) et de sang à la sortie
filtrat (figure 5). de la membrane (Qo) (figure 6).

Fraction de filtration
La fraction de filtration représente la proportion de
plasma ultrafiltré par rapport au volume sanguin Prédilution Membrane Postdilution
traversant l’hémofiltre dans le même temps.
L’hémoconcentration croît avec elle. Il en résulte
que la viscosité du sang, la concentration plaquet-
taire et des facteurs de la coagulation s’élèvent avec
la fraction de filtration, tout comme le risque de Qi Qo
thrombose de l’hémofiltre. En pratique, cela signifie
que si l’on souhaite réaliser un important débit d’ul-
trafiltrat et réduire le risque de thrombose du filtre,
un important débit sanguin est alors nécessaire. Quf
Quf ≤ 30 %
Une fraction de filtration inférieure à 20 % (25 % Qi
pour des hauts débits) permet d’éviter ces compli-
Figure 5 / La prédilution apporte le soluté
cations. de substitution avant la membrane
Elle réduit la fraction de filtration
D’autres expressions de la fraction de filtration décri- puisqu’une moindre part de l’eau plasmatique est filtrée.
vent l’hémoconcentration en différents points du circuit. La postdilution n’exerce pas d’influence
Cette formule est une forme simplifiée qui considère le et laisse persister une fraction de filtration
plasma comme non ultrafiltrable. Une formule plus précise qui peut être source d’obstruction des fibres capillaires.
existe mais elle requiert la connaissance de l’hématocrite,
ce qui la rend difficilement utilisable. On peut toutefois
retenir qu’une fraction de filtration sera surestimée chez
un patient en anémie profonde et l’inverse en cas de poly-
globulie. Une importante part du liquide ultrafiltré est res-
Membrane
tituée après le filtre avant de retourner au patient.
L’hématocrite de la ligne veineuse n’est donc pas très aug-
menté par rapport à celui de la ligne artérielle. Un réglage
aboutissant à une fraction de filtration élevée (supérieure
à 30 %) conduit à une hémoconcentration très importante
Qo
au niveau de la partie distale des fibres qui constituent Qi
l’hémofiltre. Cette concentration d’hématies, de pla-
quettes et de facteurs de la coagulation favorise la throm-
bose et explique l’accroissement important de la perte de Qi = Quf + Qo
charge au niveau du filtre. Ce phénomène peut être pré-
Quf
venu en limitant la fraction de filtration par l’adoption un
débit sanguin important, ce qui nécessite d’adopter une Figure 6 / Le débit sanguin entrant (Qi) est égal
stratégie adaptée en matière de choix des abords vascu- à la somme du débit d’ultrafiltration (Quf)
laires, ou en réduisant le débit d’ultrafiltration, ce qui est et du débit sanguin sortant (Qo)
à l’opposé du but recherché. Une dernière méthode est

475
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

Si l’on s’intéresse au débit de masse de chaque subs- deux méthodes. En hvCVVH, des membranes de grande
tance, il varie le long de l’hémofiltre. À un point donné, il surface (2 m2) permettent de minimiser l’hémoconcen-
dépend : tration lorsque le débit sanguin ne peut être augmenté ;
• du débit plasmatique (qui décroît au long du filtre) ; • l’hémodiafiltration continue veino-veineuse (CVVHDF,
• de la concentration plasmatique de la substance (qui continuous veno-venous hemodiafiltration) associe à la
varie avec l’hémoconcentration dans un sens dépendant CVVH une dialyse complémentaire. Le liquide utilisé,
de la substance considérée) ; pauvre en substances que l’on souhaite épurer, circule à
• de la concentration intra-érythrocytaire de la substance contre-courant du débit sanguin dans la membrane à des
considérée. Cette dernière propriété est importante pour débits allant de 0,5 à 2 L/h. Cette méthode permet d’amé-
les substances comme l’urée qui peut diffuser librement liorer l’épuration en quantité et en vitesse en cas de cata-
au travers de la membrane érythrocytaire : leur volume bolisme intense ou d’important trouble métabolique, si
total de distribution rassemble les volumes plasmatique la convection ne peut être augmentée ;
et intra-érythrocytaire. En diluant le sang avant le filtre • l’ultrafiltration continue lente (SCUF, slow continuous
(prédilution), on favorise le retour de la substance vers le ultrafiltration) est une ultrafiltration pure sans liquide de
plasma et, ainsi, son élimination par convection, accrois- réinjection. Il s’agit en fait d’un moyen de soustraction
sant donc la quantité totale de substance éliminée [4, 5]. liquidienne destiné à des situations particulières : traite-
ment de l’insuffisance cardiaque congestive réfractaire
Modalités de mise en œuvre aux diurétiques [6, 7], interventions chirurgicales sous cir-
culation extracorporelle, etc.
Les méthodes artérioveineuses sont devenues histo-
riques. La différence de pression entre les circuits artériel
et veineux fournissait l’énergie nécessaire au passage du
Mode d’action
sang dans l’hémofiltre, ce qui nécessitait des abords vascu- Globalement, la clairance de la créatinine est égale au
laires de gros calibre artériel et veineux tout en étant tri- débit d’ultrafiltrat, soit de l’ordre de 40 mL/min pour un
butaire de la pression artérielle systémique. L’efficacité de
débit usuel [8]. Les moyennes et grosses molécules sont
ces techniques se trouvait donc naturellement limitée
mieux épurées par convection que par diffusion, à l’inverse
devant l’impossibilité de contrôler le débit sanguin et donc
de l’urée. Il est donc nécessaire de démarrer précocement
d’ultrafiltrat. Leur seul intérêt réside dans leur facilité de
les techniques d’épuration extrarénale convectives et de
mise en œuvre, en particulier dans les situations de méde-
les utiliser en continu afin de compenser leur efficacité
cine de catastrophe.
réduite. Une alternative serait de les utiliser à des débits
plus importants. Pour une substance donnée, sa clairance
Choix du débit sanguin en hémofiltration (Clhf) dépend du débit d’ultrafiltrat (Quf)
et du débit d’ultrafiltrat et de ses concentrations à l’entrée de la membrane (Ci) et
dans l’ultrafiltrat (Cuf) :
Le débit d’ultrafiltrat est le premier facteur à déter-
miner. Ce choix se fait en fonction du contexte cli- Cuf
Clhf = x Quf .
nique : bas débit convectif avec faible débit diffusif Ci
pour assurer un complément de suppléance rénale, Cuf/Ci est le coefficient de partage de la substance, sou-
débit convectif de 35 mL/kg/h pour réaliser une sup-
vent nommé S (sieving coefficient). Une soustraction
pléance rénale totale ou haut débit convectif
hydrique peut être réalisée avec pour seules limites le débit
(> 40 mL/kg/h) dans le cadre d’un syndrome inflam-
d’ultrafiltrat pouvant être atteint et ses conséquences
matoire sévère, d’un syndrome de reperfusion ou
hémodynamiques. Comme les électrolytes sont éliminés
d’un choc septique. Le matériel employé découle de
avec un coefficient de partage proche de l’unité [8], une
ce choix ainsi que le débit sanguin nécessaire (pour
substitution adaptée en volume hydrique et en composi-
maintenir une faible fraction de filtration) et la
nature du ou des cathéters employés. tion s’impose. En hémodiafiltration, les clairances de la dif-
fusion et de la convection ne sont pas additives. Plus
Les méthodes veino-veineuses utilisent une pompe l’ultrafiltration augmente, moins la diffusion est efficace.
pour prélever le sang et le retourner au patient à un débit
qui peut être réglé par l’utilisateur. L’abord vasculaire, s’il
est de gros calibre, est seulement veineux et peut être
unique par l’utilisation de cathéters double lumière. On
Diffusion
distingue :
• l’hémofiltration continue veino-veineuse (CVVH, conti- Généralités
nuous veno-venous hemofiltration) qui permet de
contrôler le débit d’ultrafiltrat réalisé. Un minimum de Le transport de solutés par diffusion se fait de manière
20 à 30 L/j est nécessaire pour que le transport convectif passive, selon le gradient de concentration des substances
supplée la fonction rénale. Au-delà de cet objectif, l’hé- considérées, à travers une membrane semi-perméable. Le
mofiltration est dite à haut volume (hvCVVH) et réalise solvant (l’eau) n’est pas concerné par ce phénomène. La
au minimum un volume d’ultrafiltrat de 35 mL/kg/h. figure 7 schématise les grosses molécules (hexagones) qui
Parallèlement, la perte hydrique du patient peut être ne peuvent franchir la membrane semi-perméable. Pour
modulée en compensant partiellement le volume de l’ul- chacune des autres molécules, il peut exister (triangles,
trafiltrat à l’aide d’un liquide de restitution dont la com- présents exclusivement dans le sang au départ) ou ne pas
position est maîtrisée. Ce liquide, s’il est administré avant exister (étoiles, qui peuvent diffuser mais sont en nombre
la membrane comme précédemment décrit, réalise la identique de part et d’autre de la membrane) un gradient
technique de prédilution qui améliore l’efficacité de la de concentration selon que le dialysat en est dépourvu ou
convection en favorisant l’issue des substances intracel- en comporte à une concentration différente de celle du
lulaires vers le plasma et facilite l’anticoagulation de la sang. Il peut également exister un gradient de pression
membrane [4]. Le volume global de restitution peut être hydrostatique entre le sang et le dialysat conduisant à une
divisé en prédilution et postdilution pour associer les élimination d’eau et de solutés par convection.

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Physiopathologie de l’épuration extrarénale 43

Membranes
La perméabilité hydraulique (Kuf) des membranes et
leur point de coupure sont moins élevés que ceux des
membranes d’hémofiltration : une trop grande perméabi-
lité conduirait à une diffusion inverse du dialysat vers le
sang, dite rétrodiffusion (figure 8). Les membranes sont
également de type plaque ou capillaire. Les matériaux uti-
lisés sont divers et peuvent être cellulosiques (cellulose, cel-
lobiose, diacétate) ou synthétiques (polyacrylonitrile,
polysulfone, polyamide, polyméthylméthacrylate). En pra-
tique, l’industrie produit des membranes dans des maté-
riaux identiques mais de propriétés différentes grâce à
divers procédés de fabrication : l’important reste leur bio-
compatibilité [9-11]. En dialyse chronique, les membranes
sont choisies de façon adaptée au patient (surface, per-
méabilité), selon son catabolisme et sa corpulence.

Hémodialyse Figure 7 / Les membranes semi-perméables utilisées pour


le transport diffusif (hémodialyse) ne laissent passer que
L’hémodialyse réalise l’application du principe de diffu- les petites molécules sous l’effet d’une différence de concentration
sion à l’épuration extrarénale. Les machines d’hémodialyse
comportent des pompes pour le sang du patient et pour
le dialysat qui circulent en sens inverse l’un de l’autre. Les
vitesses respectives du sang et du dialysat obéissent à des 100
lois qui permettent d’essayer de concilier diffusion maxi-
male et tolérance hémodynamique. 80
UF (mL/min)
Membrane basse
60
La figure 9 montre les relations qui unissent la clairance perméabilité
de l’urée obtenue et les débits sanguins et de dialysat. Le 40 Membrane haute
débit conventionnel de dialysat est de l’ordre de perméabilité
500 mL/min. Celui de sang est optimisé selon la tolérance 20
hémodynamique en débutant à 200 mL/min. Selon la per- 0
méabilité de la membrane et la pression transmembra-
0 100 200 300 400 500
naire, une rétrodiffusion peut survenir, obligeant à régler
une ultrafiltration minimale. En réalité, les échanges d’eau PTM (mmHg)
dans les membranes sont continus et dans les deux sens
Figure 8 / Ultrafiltration (UF) selon la pression
mais les appareils récents peuvent mesurer les échanges transmembranaire (PTM) et le type de membrane
réels et gérer automatiquement une ultrafiltration obliga-
toire. Ces dispositifs sont appelés « maîtriseurs d’ultrafil-
trat ».
Pour la fabrication du dialysat, de l’eau est nécessaire. A
Doivent en être éliminés [11] les bactéries et les substances Débit sanguin à 200 mL/min
issues de la dégradation de la paroi bactérienne, les virus, 140
Clairance de l’urée

les composés organiques solubles comme les chloramines, 130


l’acide fulvique et l’acide humique, les substances inorga- 120
(mL/min)

niques solubles comme les ions Ca++, Mg++ et Cl–, les 110
nitrates, sulfates et métaux lourds. L’ensemble de ces trai-
100
tements associe des techniques de filtration et d’osmose
inverse et nécessite soit un circuit fermé desservant l’en- 90
semble des chambres d’une réanimation, soit des appareils 80
individuels. 100 200 300 400 500 600 700 800 900
La composition en électrolytes du dialysat est adaptée Débit de dialysat (mL/min)
au patient à partir de solutions commerciales concentrées
ou de cartouches de poudre. Le générateur peut moduler B Débit de dialysat à 500 mL/min
la concentration en sodium et bicarbonate ainsi que la 160
Clairance de l’urée

température du dialysat.
140
(mL/min)

Modalités de mise 120

en œuvre 100

80
Hormis les patients insuffisants rénaux chroniques por- 50 100 150 200 250 300 350
teurs d’une fistule artério-veineuse, l’accès vasculaire en Débit sanguin (mL/min)
réanimation est veino-veineux et utilise les mêmes cathé-
ters qu’en hémofiltration continue. L’hémodialyse conven- Figure 9 / Relation entre les débits sanguins (A)
tionnelle est réalisée au cours de séances de 4 à 6 heures, et de dialysat (B) et la clairance de l’urée
ce qui limite les possibilités d’ultrafiltration par la mauvaise

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

tolérance hémodynamique d’une soustraction liquidienne Le taux de réduction d’urée peut, de façon similaire,
plasmatique trop rapide. En réanimation, il est préférable être calculé de deux manières différentes : :
de dialyser quotidiennement les patients en période aiguë TRU = (1 – R) × 100 % ;
et d’allonger les séances jusqu’à 6-8 heures car le débit san- TRU30 = (1 – R2) × 100 %.
guin ne peut pas toujours être suffisamment élevé pour
assurer une diffusion correcte [11, 12]. Ainsi la soustraction De même, il est recommandé d’obtenir un taux de
liquidienne peut être plus facilement réalisée. L’utilisation réduction d’urée d’au moins 65 % en dialyse chronique
d’une concentration en sodium élevée (de 148 à [11].
160 mmol/L) permet d’éviter les hypotensions et le syn- Le Kt/V et le taux de réduction d’urée sont deux
drome de déséquilibre. Enfin, le refroidissement du dialy- méthodes fondées sur la physiopathologie de l’insuffisance
sat jusqu’à 35 °C permet d’améliorer la tolérance rénale chronique. Elles sont mises en défaut en cas d’insuf-
hémodynamique grâce à l’effet vasoconstricteur du froid, fisance rénale aiguë en réanimation, par exemple du fait de
à l’élévation des taux circulants de noradrénaline et à l’état hypercatabolique qui altère la génération de l’urée.
l’amélioration de la contractilité myocardique. De même, la surcharge hydrique augmente le volume de
distribution de l’urée et diminue son extraction des tissus
Améliorer la tolérance hémodynamique qui en sont riches comme la peau et les muscles [4, 14]. La
de l’hémodialyse dose de dialyse réellement délivrée est alors très inférieure
à celle prescrite et à celle calculée [15]. La notion de dose de
Différentes méthodes permettent d’atteindre une dialyse comporte une notion quantitative (débits de sang et
tolérance hémodynamique satisfaisante en de dialysat, durée de la séance, composition du dialysat) et
employant l’hémodialyse séquentielle chez les qualitative (fractionnement du temps de dialyse avec adap-
patients insuffisants rénaux aigus de réanimation : tation des paramètres du dialyseur). Chez les patients en
• allonger la durée des séances d’hémodialyse à 6- insuffisance rénale aiguë, l’intensification de la fréquence
8 heures ; des séances de dialyse, marquée par une amélioration du
• réaliser quotidiennement les séances d’hémodia- Kt/V hebdomadaire, réduit la mortalité et une hémodialyse
lyse plutôt que 1 jour sur 2 ; moins fréquente constitue un facteur de risque de mortalité
• utiliser une concentration en sodium élevée du [12]. Le nombre d’heures d’épuration extrarénale n’est donc
bain de dialyse (de 148 à 160 mmol/L) ; pas simplement additif.
• abaisser la température du dialysat vers 35 °C ;
• répartir la perte de poids par ultrafiltration sur La dialyse intermittente de longue durée (SLED, sustai-
l’ensemble de la séance en l’adaptant continuelle- ned low efficiency dialysis) découle de ces concepts : si une
ment. trop grande vitesse de soustraction des éléments du com-
partiment vasculaire sur un temps trop court conduit à une
limitation de la quantité épurée [8], il peut être utile de

Notion de dose d’épuration réaliser de longues séances avec une efficacité volontaire-
ment modérée. Ainsi, le gradient de concentration reste
favorable à la diffusion, le compartiment extracellulaire
Le rapport Kt/V (clairance de l’urée × temps de dispose du temps nécessaire pour se vider des substances
dialyse/volume de distribution de l’urée) et le taux de qu’il contient et la quantité globale de solutés épurés sur
réduction de l’urée (TRU ou URR pour urea reduction ratio) l’ensemble de la séance est supérieure à celle obtenue en
sont les deux principaux paramètres utilisés pour quantifier hémodialyse conventionnelle. La clairance des molécules
la « dose » de dialyse [8, 13]. Ils mesurent les changements, de taille moyenne pourrait même être améliorée.
en fractions de la concentration d’urée sanguine, liés à une
séance d’hémodialyse. Or, le taux d’urée sanguine après
épuration est sujet à un effet rebond car seul le secteur
vasculaire est épuré au cours de l’hémodialyse : elle crée Choix de la méthode
un gradient de concentration favorable au retour massif
dans le sang de l’urée, en particulier de celle qui est Le choix entre hémofiltration et hémodialyse reste dif-
stockée dans le compartiment intracellulaire. La mesure de ficile. Il existe des complications, des inconvénients et des
l’efficacité d’une séance de dialyse utilisant le taux sanguin intérêts respectifs de chaque méthode. Dans la mesure où
de l’urée immédiatement après celle-ci risque de donner ces techniques relèvent de nombreux aspects pratiques, il
une mesure plus favorable que la réalité [14]. On effectue est probable que la meilleure technique soit celle dont on
donc également le dosage de l’urée 30 minutes après la a le plus l’habitude. Comme il est impossible d’évaluer ces
séance pour tenir compte de ce phénomène. On définit R1 techniques en aveugle, une étude d’évaluation clinique en
(uréepost/uréepré) et R2 (urée30’/uréepré). apparence bien construite, réalisée par une équipe dispo-
sant réellement d’une connaissance équivalente des deux
Plusieurs types de Kt/V peuvent être calculés : prescrit, méthodes, comporte un biais obligatoire. En réalité, le
prédit, délivré, à l’équilibre ou à un ou deux comparti- choix le plus déterminant est sans doute celui que la com-
ments. Il est recommandé pour la prise en charge des munauté médicale mondiale a opéré depuis quelques
patients insuffisants rénaux chroniques d’obtenir un Kt/V années de passer progressivement vers des épurations
supérieur à 1,2 [13]. continues. La nature diffusive ou convective étant moins
À un compartiment : importante dès lors que la tolérance et la régularité du
traitement sont acquises.
-1n (R1 - 0,008 × t) + ( 4 - 3,5 × R1) × UF
Kt/ V = .
poidspost

À l’équilibre : Anticoagulation
KtV = spKtV – (0,47 spK/V) + 0,02.
Toutes les méthodes d’épuration extrarénale requièrent
À deux compartiments : une anticoagulation. Ces dernières années ont été mar-
-1n (R2 - 0,008 × t ) + ( 4 - 3,5 x R2) × UF quées par la mise à disposition de moniteurs capables d’as-
KtV = . servir la quantité de citrate administrée au débit sanguin
poidspost
et aux propriétés épuratives du dispositif mis en œuvre.

478
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Physiopathologie de l’épuration extrarénale 43

Cette méthode est une avancée considérable grâce à la des substances qu’elle contient remplacées par le
régularité et à la durabilité qu’elle procure aux circuits. Son liquide de substitution. Ces volumes peuvent être
rapport bénéfice/tolérance est maximal en hémodialyse très importants mais le bilan net peut être nul. Ces
continue veino-veineuse mais les autres méthodes peuvent échanges n’affectent pas la volémie et donc pas
également en faire usage sous certaines conditions. davantage l’hémodynamique systémique. La déplé-
tion est la part de ces échanges qui n’est pas subs-
tituée. Elle peut être nulle ou très importante, mais
Altérations hématologiques elle est limitée par la réduction de la volémie qu’elle
entraîne, laquelle peut être responsable de signes
Les altérations hématologiques sont communes à l’hé- hémodynamiques.
mofiltration et à l’hémodialyse. Les leucocytes activés par
le circuit extracorporel sont séquestrés dans les capillaires
pulmonaires et sont responsables d’une hypoxémie décrite
en hémodialyse avec des membranes de médiocre biocom-
Équilibres
patibilité. Une thrombopénie périphérique de consomma- Le caractère continu de l’hémofiltration réduit les consé-
tion est fréquente. Des saignements peuvent survenir par quences des déplacements de fluides trop rapides entre les
suite de l’anticoagulation du patient. compartiments de l’organisme. L’épuration extrarénale en
continu permet également de contrôler l’homéostasie sur
Instabilité hémodynamique l’ensemble du nycthémère chez le patient en réanimation,
ce qui n’est pas le cas des méthodes discontinues. Cette
approche recouvre en partie la notion de dose d’épuration,
Une instabilité hémodynamique peut survenir en épu-
difficile à définir en termes de quantité et de durée mais
ration extrarénale. Elle résulte du débit de sang élevé en
dont l’importance a été soulignée chez le patient aigu en
hémodialyse du fait de variations brusques de l’osmolalité
hémodialyse intermittente [12]. Par ses propriétés d’épura-
ou d’un débit d’ultrafiltration trop élevé en hémofiltration
tion des molécules de taille moyenne, dont certains média-
[16, 17]. À côté de ces mécanismes principaux, il faut citer
teurs participant à la cascade de l’inflammation,
les variations brusques de la calcémie ionisée ou de la kalié-
l’hémofiltration à haut volume amène l’idée nouvelle de
mie, à l’origine d’éventuels troubles du rythme cardiaque,
dépasser l’objectif de pallier une fonction rénale défaillante
qui sont plus fréquentes en hémodialyse qu’en hémofiltra-
pour devenir une thérapeutique à part entière en réanima-
tion étant donné sa plus grande vitesse d’action.
tion, plus proche de la filtration glomérulaire physiologique
La tolérance hémodynamique de la CVVH, générale- que ne l’est l’hémodialyse intermittente.
ment avancée comme meilleure par rapport à celle de
l’hémodialyse conventionnelle, explique l’extension de
l’hémofiltration en réanimation. Cette donnée n’a jamais
été formellement démontrée mais l’hémofiltration à haut
Conclusion
volume permet de réduire les besoins en catécholamines
Les techniques d’épuration extrarénale font appel à un
des patients en choc septique sans que la physiopathologie
ensemble de mécanismes physiques et physiologiques dont
de ce phénomène ne soit clairement élucidée [18, 19]. Il est
la connaissance est indispensable en raison de leur aspect
démontré que de nombreuses substances, telles que des
complémentaire de celle des états physiopathologiques. Cet
eicosanoïdes, des cytokines et divers autres médiateurs
éclairage permet d’optimiser la mise en œuvre de chacune
directement ou indirectement vasoactifs, sont éliminées
des nombreuses techniques décrites. En effet, si aucune
par transport convectif. Néanmoins, cette élimination est
méthode n’est dépourvue d’inconvénients ou de limitations,
relativement faible et la responsabilité directe de cette éli-
toutes présentent des avantages dont certains patients peu-
mination dans l’amélioration de critères de jugement cli-
vent tirer un important bénéfice. Les récentes découvertes
niques n’a jamais été établie. À l’heure actuelle, la hvCVVH
en matière d’épuration convective peuvent immédiatement
a montré l’amélioration de la fonction de plusieurs
être mises en application, bien que leurs modalités d’emploi
organes aussi bien chez l’animal en état septique que chez
optimales nécessitent encore d’être précisées.
l’humain au cours de la chirurgie cardiaque ainsi que
l’amélioration hémodynamique de patients en état de
choc septique [20].
À côté de ces hypothèses physiopathologiques, certaines Volémie
considérations physiologiques concernant l’équilibre hémo- Pression
osmotique
dynamique méritent d’être connues : la soustraction liqui-
dienne est réalisée sur le compartiment plasmatique. Hémofiltration Extravasculaire
L’espace intracellulaire et l’espace interstitiel sont eux-
mêmes en équilibre avec le compartiment plasmatique mais
le temps nécessaire au transfert hydrique entre ces compar-
timents est nettement plus long que celui qui est nécessaire
à l’hémofiltration pour soustraire de l’eau du plasma. Ainsi,
Pression
l’un des risques majeurs de cette technique est de mettre oncotique
le patient en situation d’hypovolémie du seul fait d’une
déplétion hydrique trop rapide (figure 10). Ce phénomène Pression hydrostatique
souligne l’importance d’une appréciation répétée et précise
des conditions de retour veineux systémique. Volume

Échanges et déplétion Figure 10 / Les compartiments vasculaire et extra-


vasculaire sont l’objet d’échanges sous l’effet
Le volume d’échange et la déplétion sont des de la pression hydrostatique et de la pression oncotique.
notions distinctes s’inscrivant dans des processus L’hémofiltration élimine de l’eau plasmatique qui est
physiopathologiques différents. Les échanges cor- remplacée par de l’eau venue du secteur extravasculaire
respondent à l’élimination convective de l’eau et

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE IV – PHYSIOLOGIE DU MILIEU INTÉRIEUR

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480
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page481

V
PHYSIOLOGIE DE
L’APPAREIL DIGESTIF
ET DE LA NUTRITION
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PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

44
• Rappel anatomique Digestion et absorption
• Physiologie générale du tube digestif
• Digestion-absorption des macronutriments
des nutriments
• Absorption de l’eau et des électrolytes
• Absorption des micronutriments
Pascal Crenn
• Exploration clinique et paraclinique
des troubles de la digestion-absorption Département de médecine aiguë spécialisée,
Hôpital Raymond-Poincaré, Garches

a digestion et l’absorption des nutriments (de 3 à 5 jours), ce qui explique sa sensibilité aux traite-
constituent un processus couplé qui fait intervenir ments entérotoxiques (comme un grand nombre de
le pancréas, organe majeur de la digestion, et l’in- molécules de chimiothérapie anticancéreuse) ;
testin grêle, organe majeur de la digestion termi- • le chorion ou lamina propria : il entoure les cryptes, est
nale et de l’absorption proprement dite, mais qui riche en cellules immunocompétentes et forme l’axe des
nécessite également une coopération avec les villosités.
autres organes du tube digestif (estomac, côlon) et
En dessous, la paroi comprend la sous-muqueuse, la
ses glandes « annexes » (glandes salivaires, foie).
musculeuse et la séreuse.
Les macronutriments et micronutriments seront
considérés dans cette synthèse. Il n’y a pas de villosités au niveau de la muqueuse
colique. Les colonocytes régulent le transport d’eau et
d’électrolytes. Au niveau colique existe une riche micro-

Rappel anatomique
flore bactérienne, appelée microbiote, qui compte pour
environ la moitié du contenu fécal et qui joue un rôle fonc-
tionnel digestif local ainsi qu'immunitaire et métabolique
Nous détaillerons ici les éléments majeurs de l’anatomie local et systémique. Cet écosystème est activement exploré
de l’intestin grêle. au moyen de techniques bioméléculaires et bio-informa-
tiques sophistiquées.
Macroscopiquement, le grêle mesure de 3 à 5 mètres in
vivo et est constitué de deux segments : le jéjunum (envi-
ron deux tiers de la longueur) et l’iléon (un tiers de la lon-
gueur). Il s’agit d’un organe très vascularisé par le réseau
mésentérique supérieur. Une circulation lymphatique est
également présente.
Microscopiquement, les divers replis de la paroi intesti-
nale augmentent considérablement la surface d’échange,
multipliée par 3 avec les valvules conniventes, encore mul-
tipliée par 10 avec les villosités et encore par 20 si l’on tient
compte des microvillosités : un total de 200 à 400 m2 Épithélium
constitue ainsi la surface d’échange. Les cryptes s’ouvrent Villosités
en couronne à la base des villosités.
La muqueuse intestinale (figure 1) comprend deux Lamina propria
couches circulaires :
• l’épithélium constitué de cinq types cellulaires princi-
paux :
– les entérocytes (cellules polarisées avec une membrane
apicale et une membrane basolatérale, absorbantes à
proprement parler et représentant de 80 à 90 % des cel-
lules épithéliales). La bordure en brosse des entérocytes
assure les dernières étapes de la digestion des nutri-
Cryptes
ments,
– les cellules caliciformes à mucus,
– les cellules endocrines,
– les cellules de Paneth du fond des cryptes, Figure 1 / Aspect histologique
– il existe, de plus, de 20 à 30 lymphocytes intra-épithé- de la muqueuse jéjunale normale
liaux pour 100 cellules épithéliales. Le renouvellement Grossissement × 60.
cellulaire de cet épithélium est particulièrement rapide

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Physiologie générale Tous les processus biophysiques classiques de transport


cellulaire sont mis en jeu pour cette traversée de la barrière
du tube digestif intestinale :
• la diffusion passive ou simple (canaux pour les substances
hydrosolubles, dissolution des lipides du fait de leur lipo-
Principales fonctions solubilité dans la membrane) ;

du tube digestif • la diffusion facilitée (transporteur protéique, processus


saturable avec une Vmax) ;
• le transport actif (saturable, coûteux en énergie).
La fonction principale du tube digestif est, après la
digestion luminale et pariétale, le transport : Les transports facilités et actifs sont dépendants d’ions
• des sécrétions (principalement au niveau des cryptes) ; (système de cotransport notamment). La couche aqueuse
• des nutriments : absorption (principalement au niveau non agitée de la bordure en brosse peut, selon la taille des
des villosités). particules, entraîner une résistance à l’absorption de cer-
Il est à noter que l’absorption doit être comprise tains nutriments.
comme un bilan net (flux entrant absorbé proprement dit Globalement les macronutriments sont très bien absor-
moins flux sortant sécrété), l’intestin étant le siège de mou- bés : leur coefficient d’utilisation digestive dépasse physio-
vements bidirectionnels d’échange d’eau (solvant) et de logiquement les 95 % mais il est plus bas pour certains
substances dissoutes (solutés) qui entretiennent des rela- glucides complexes riches en fibres végétales. En revanche,
tions étroites. Après résection intestinale ou maladie parié- les micronutriments, vitamines et surtout oligo-éléments,
tale grêlique, les fonctions jéjunales peuvent s’exprimer au ont une absorption limitée : en pratique clinique, l’apport
niveau iléal mais les fonctions iléales – absorption de la de ces nutriments doit ainsi être initialement privilégié par
vitamine B12 et réabsorption active des acides biliaires –
voie intraveineuse chez les patients sévèrement dénutris
sont spécifiques : le jéjunum et l’iléon proximal ne peuvent
ou agressés.
compenser la perte fonctionnelle de l’iléon terminal.
Les autres fonctions majeures du tube digestif sont la
défense de l’organisme, par des mécanismes non spéci-
fiques [sécrétions (mucus), péristaltisme, microbiote phy-
Digestion-absorption
siologique (effet barrière)] et spécifiques (immunité
cellulaire et humorale). Il s’y rajoute un rôle endocrine
des macronutriments
(peptides et amines), qui intervient localement et régiona- L’absorption des macronutriments, présents sous forme
lement dans la modulation de certaines fonctions diges- de macromolécules dans les aliments, est essentiellement
tives et absorptives, et un rôle métabolique [lipoprotéines jéjunale, l’iléon assurant – en sus de son rôle spécifique –
dont la synthèse de l’apoprotéine A4, acides aminés (glu-
une fonction de rattrapage.
tamine, production de citrulline), médicaments (cyto-
chrome P450)].
Glucides
Digestion Les glucides (hydrates de carbone ou « sucres ») consti-
tuent environ 50 % (de 200 à 300 g/j) de la ration alimen-
Il s’agit du processus d’hydrolyse enzymatique des
taire énergétique, principalement sous forme de
constituants du bol alimentaire. Son but est de transfor-
polysaccharides (amidons, etc.). La digestion intraluminale
mer, en les préparant spécifiquement, les aliments ingérés
de l’amidon fait appel aux -amylases salivaire et pancréa-
en nutriments absorbables par l’organisme, utilisables pour
son métabolisme et tolérés par le système immunitaire. Il tique. Cette hydrolyse aboutit à la formation de diverses
commence par la mastication et la préparation salivaire et maltodextrines.
gastrique du bol alimentaire. L’estomac régule la vidange La digestion pariétale est effectuée par la bordure en
et la distribution intestinale du chyme. Le débit pylorique brosse qui hydrolyse les oligosaccharides et les dextrines
ne dépasse pas normalement 2 à 3 mL ou kcal/min, il est de l’alimentation ou résultant de la digestion luminale. Les
régulé par de nombreux facteurs dont des freins digestifs enzymes principales impliquées, oligosaccharidases api-
(duodénaux, iléaux, colique) à l’arrivée des nutriments, cales à activité maximale dans le jéjunum, sont :
d’origine neuro-hormonale. Il existe deux étapes dans la • la gluco-amylase ;
digestion : • la saccharase-isomaltase (ou sucrase-isomaltase) ;
• luminale, essentiellement sous l’action des sécrétions • la lactase.
bilio-pancréatiques ;
• pariétale, sous l’action des enzymes de la bordure en Cette dernière hydrolyse le lactose du lait en glucose et
brosse. galactose. L’activité de cette enzyme diminue physiologi-
quement avec l’âge, sauf dans certaines catégories de
population (Caucasiens). Le lait fermenté (yaourts) est par-
Absorption faitement digéré et toléré dans les populations hypolacta-
siques.
Les processus de transport sont complexes et font inter-
venir deux voies principales : Les sucres complexes non digérés dans le grêle sont fer-
• la voie paracellulaire ou intercellulaire. Elle prend place mentés par le microbiote colique (aliments dits à effet fibre
au niveau des jonctions serrées qui laissent passer les – fibres alimentaires végétales proprement dites à base de
cations monovalents, l’eau et les molécules hydrophiles cellulose et d’hémicellulose, amidons résistant à la diges-
de petite taille (urée, etc.) par effet de solvent drag ; tion dans l’intestin grêle, etc.) – et formeront des acides
• la voie transcellulaire. Il s’agit de la plus importante gras volatiles (ou acides gras à chaîne courte : butyrate,
quantitativement pour les nutriments. acétate à rôle digestif et/ou métabolique).

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Digestion et absorption des nutriments 44

L’absorption des monosaccharides – glucose pour 80 %, ment, les pro-enzymes devenant matures par suite du
galactose et fructose – est spécifique, par des transporteurs signal procuré par l’entérokinase de la bordure en brosse
entérocytaires prenant en charge spécifiquement le mono- duodénale.
saccharide considéré (figure 2) :
La digestion pariétale de la bordure en brosse est par-
• le transport apical du glucose et du galactose est un
ticulièrement complexe. Il existe en effet de nombreuses
transport actif avec un cotransport Na+ – glucose et
peptidases, répartis en quatre groupes principaux, dont
galactose (protéine SGLT1 du pôle apical entérocytaire) ;
l’activité est maximale au niveau jéjunal.
• le transport apical du fructose est un transport facilité
(protéine GLUT5) ; L’absorption azotée se fait sous forme d’un mélange
• la sortie basolatérale de l’entérocyte est un transport d’acides aminés (40 % de l’azote absorbé) et d’oligopep-
facilité pour les trois monosaccharides (protéine GLUT2). tides (dipeptides et tripeptides, 60 %). Le transport des
peptides a une cinétique plus rapide que celle des acides
aminés.
Protéines Il existe différents systèmes de transport actif (acides
Les protides (protéines d’origine animale ou végétale) aminés neutres, basiques, acides, etc.) apical dépendant du
constituent environ 15 % de la ration alimentaire énergé- sodium pour les acides aminés et dépendant des protons
tique. Une source protéique endogène (enzymes, sécré- pour les peptides (système PEPT1). L’énergie nécessaire à
tions, desquamation cellulaire digestive) s’ajoute aux l’absorption des acides aminés est fournie par la pompe
protéines exogènes et compte pour environ la moitié des Na+-K+ ATPase des membranes basolatérales. Les pepti-
protides digérés puis absorbés par le tube digestif. dases intra-entérocytaires hydrolysent les oligopeptides
absorbés en les transformant en acides aminés (figure 3).
La digestion intraluminale fait appel aux protéases gas- On note différents systèmes de transport basolatéral,
triques (pepsine), de rôle probablement limité, et surtout sodium dépendants ou non. Une petite partie des peptides
aux endopeptidases (trypsine, élastase, chymotrypsine) et absorbés se retrouve intacte dans le sang portal. Un trans-
exopeptidases pancréatiques. L’acidité gastrique dénature port de macromolécules (peptides) par endocytose, quan-
les protéines et augmente leur susceptibilité à l’hydrolyse. titativement faible, joue par ailleurs un rôle fonctionnel
Les peptidases pancréatiques sont activées séquentielle- important (tolérance immunitaire).

LAMINA
LUMIÈRE ENTÉROCYTE
PROPRIA
K+

SGLT1 Na+
Na+ GLUT2
Glucose Glucose
Galactose Galactose

Figure 2 / Transport des mono-


saccharides par les membranes apicales Fructose Fructose
et basolatérales des entérocytes GLUT5 GLUT2 Sang
SGLT : sodium glucose co-transporter ;
GLUT : glucose transporter (transporteur [Na+] = 140 mEq [Na+] = 50 mEq [Na+] = 140 mEq
du glucose).

LAMINA
LUMIÈRE ENTÉROCYTE
PROPRIA

Oligo-
Oligo- peptides
Oligopeptides
HYDROLYSE

peptides
Figure 3 / Absorption azotée
(oligopeptides et acides aminés) Peptides
Le système de transport apical
est sodium dépendant pour les acides
aminés et Hþ dépendant pour Acides Acides Sang
les peptides (système PEP-T1). aminés aminés
Acides
Les peptidases intra-entérocytaires aminés
hydrolysent la majeure partie
des peptides transportés.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Le rôle du côlon dans l’absorption et l’adaptation azo- stockage, est de les isoler et de leur consacrer un circuit
tée chez l’homme est mal connu mais est non négligeable complexe, complètement à part des autres nutriments.
dans certaines situations (pénurie azotée, syndrome du Après le repas, les graisses sont les derniers macronutri-
grêle court). ments vidangés par l’estomac et donc absorbés par l’intes-
tin. Le côlon ne joue aucun rôle direct dans la digestion et
Sur le plan clinique, ces notions sont importantes pour
l’absorption des lipides, contrairement à celles de certains
l’alimentation entérale assistée :
glucides et des protéines, pour lesquelles les études de phy-
• il y a peu d’intérêt à la nutrition dite élémentaire (d’ail-
siologie in vivo et les pathologies intestinales ont pu mon-
leurs non disponible sur le marché actuel), où le compo-
trer son implication importante, dépendante ou non du
sant azoté est sous forme d’acides aminés au contraire
microbiote intestinal.
de la nutrition semi-élémentaire, où il est sous forme de
petits peptides. Les peptides permettent, de plus, d’ap- La digestion intraluminale des lipides, ou lipolyse lumi-
porter des acides aminés peu solubles (tyrosine) ou peu nale, a pour but essentiel d’augmenter l’interface lipide-
stables (glutamine) ; eau. Les principales étapes (figure 4) font intervenir :
• par rapport à l’alimentation entérale polymérique, où • une émulsification dans l’estomac grâce à sa fonction
l’azote est apporté sous forme de protéines entières, l’ali- mécanique de brassage des aliments : les grosses parti-
mentation entérale semi-élémentaire semble mieux tolé- cules lipidiques sont transformées en petites particules
rée en cas de jéjunostomie ou d’iléostomie à haut débit. (de 0,2 à 1 mm) qui baignent dans le milieu aqueux des
Point important, le gluten, composant protéique des sécrétions ;
céréales (blé, orge, seigle), immunogène chez les sujets • puis, après hydrolyse enzymatique, une solubilisation
prédisposés (entéropathie au gluten ou maladie cœliaque), micellaire en microparticules dans le duodénum grâce
est absent de tous les solutés d’alimentation entérale et de aux acides biliaires qui ont une action détergente avec
complémentation nutritionnelle orale. une bipolarité hydrophile et lipophile.
La digestion des triglycérides nécessite l’hydrolyse ini-

Lipides tiale par la lipase gastrique (fundus, pH d’activité optimale


à 5) poursuivie par les lipases et colipases pancréatiques
qui peuvent agir à l’interface lipide-eau de fines émulsions
Les lipides (graisses) constituent environ de 30 à 40 %
(< 0,5 mm) et dont l’activité maximale est à pH 8 en pré-
de la ration alimentaire énergétique, les triglycérides à
sence de sels biliaires. Ainsi, l’une des manifestations
longue chaîne comptant pour plus de 90 %. Plus de la moi-
majeures de l’insuffisance pancréatique évoluée (diminu-
tié du cholestérol de l’organisme est de synthèse endogène
tion de plus de 90 % des sécrétions enzymatiques exocrines
(foie). Point fondamental sur le plan physico-chimique, les
pancréatiques) est la malabsorption des graisses du fait du
lipides sont des composants hydrophobes, incompatibles
déficit de leur digestion luminale. L’orlistat, proposé pour
avec l’eau, et toute la stratégie de leur digestion et absorp-
le traitement de certaines surcharges pondérales, agit en
tion, de même que celle de leur transport et de leur
inhibant de manière compétitive et réversible le complexe
colipase-lipase.
L’hydrolyse des phospholipides et du cholestérol ali-
mentaire estérifié a lieu dans l’intestin. La digestion des
phospholipides nécessite la phospholipase A2 pancréa-
tique. La digestion du cholestérol d’origine exogène (de
300 à 800 mg/j habituellement) fait intervenir la cholesté-
rolase pancréatique.
L’absorption des lipides, sous forme essentiellement de
monoglycérides et d’acides gras libres, est complexe :
• « dissolution » membranaire (diffusion passive) ou pas-
sage dans l’entérocyte facilité par des transporteurs
membranaires (I-FABP pour fatty acid binding protein,
FAT pour fatty acid translocase) ;
• puis transport jusqu’au réticulum endoplasmique, méta-
bolisme intra-entérocytaire avec réestérification intracel-
lulaire des triglycérides, des phospholipides et du
cholestérol. En parallèle, le réticulum endoplasmique
assure la synthèse d’apoprotéines (B48, AIV, etc.).
L’assemblage entérocytaire des lipoprotéines d’origine
intestinale [chylomicrons surtout, certaines lipoprotéines
de très basse densité (VLDL pour very low density lipopro-
tein) et lipoprotéines de haute densité (HDL pour high
density lipoprotein)] est effectué dans le réticulum endo-
plasmique. Il nécessite la présence de la protéine MTP
(microsomal transfer protein) qui permet le transfert des
lipides sur les apoprotéines B. Les lipoprotéines formées,
transportées par des vésicules golgiennes, sont déchargées
dans l’espace intercellulaire basolatéral puis drainées par

Figure 4 / Étapes impliquées dans la digestion-absorption


les lymphatiques villositaires, la circulation lymphatique
générale rejoignant ensuite la circulation veineuse par le
des lipides alimentaires canal lymphatique.
Les acides biliaires (avec un cycle entéro-hépatique)
sont de plus indispensables à la digestion luminale Les sels biliaires subissent à 95 % un cycle entéro-hépa-
des lipides à longue chaîne. tique. Ils sont en effet réabsorbés par transport actif, pour
les acides biliaires conjugués, couplé au Na+ au niveau de

486
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page487

Digestion et absorption des nutriments 44

l’iléon terminal, et par diffusion passive tout le long du


grêle pour les acides biliaires non conjugués. Les sels Absorption
biliaires retournent dans la lumière intestinale pour refor-
mer des micelles. Il existe, en fonction de sa teneur lipi-
des micronutriments
dique, de 1 à 3 cycles entéro-hépatiques par repas. Les sels
biliaires sont indispensables à l’hydrolyse luminale des Vitamines
lipides et donc, indirectement, à leur absorption : ils assu-
rent une « concentration micellaire critique » au-dessus de Les vitamines liposolubles (A, D, E, K) sont absorbées
laquelle la solubilisation micellaire effective en petites dans les micelles lipidiques. Le transport entérocytaire de
(< 100 nm) lipoparticules va permettre aux mécanismes de la vitamine A (rétinol, provitamine A ou b-carotène) est
transport entérocytaire des graisses d’être possible. particulièrement complexe. La vitamine D native (D2, D3)
est facilement absorbée mais c’est le produit de sa double
Les triglycérides à chaîne moyenne (de 6 à 12 atomes hydroxylation hépatique et rénale, favorisée par la para-
de carbone), relativement hydrosolubles et normalement thormone (PTH), qui constitue la forme biologiquement
peu représentés dans l’alimentation, ont des particularités active. La vitamine E est la vitamine liposoluble physiolo-
digestives les rendant intéressant dans certaines situations giquement la moins bien absorbée. La vitamine K1 est
où l’absorption lipidique est limitée (dérivation biliaire, d’origine alimentaire alors que la vitamine K2 (50 % de
insuffisance pancréatique, entérostomie) ou en présence l’apport de vitamine K à l’organisme) est synthétisée par
de blocage lymphatique car ils sont indépendants de la le microbiote bactérien.
digestion par les sels biliaires, ne nécessitent pas de rées-
Les vitamines hydrosolubles sont essentiellement absor-
térification entérocytaire et ont un passage systémique
bées au niveau proximal (cas des folates – vitamine B9 – ou
portal (veineux) lié à l’albumine et non lymphatique.
de la vitamine B1, absorbés par transport actif au niveau
En pratique clinique, la malabsorption des lipides est jéjunal). Les particularités concernant la vitamine B12 ou
nettement plus fréquente que celle des protéines et des cobalamines, d’origine exclusivement animale, sont parti-
glucides : ceci s’explique en grande partie par le nombre culièrement importantes à connaître. Il existe en effet un
et la complexité des processus impliqués. Une des consé- récepteur iléal spécifique (la cubiline) qui lie le
quences en est que le « gold standard » de l’exploration complexe B12 et le facteur intrinsèque libéré par les cellules
bioclinique de la digestion-absorption reste la mesure du pariétales gastriques. En cas de malabsorption de la vita-
débit lipidique fécal (stéatorrhée). mine B12 (gastrectomie totale, résection iléale longue, cer-
tains cas d’insuffisance pancréatique exocrine, etc.),
l’importance des stocks permet une compensation prolon-

Absorption de l’eau gée, supérieure à 2 ans. Ceci n’est pas le cas pour les autres
vitamines hydrosolubles : toute carence se manifeste par
et des électrolytes une sémiologie biologique puis clinique rapide en
quelques jours à quelques semaines.

Environ 10 litres de liquides, incluant l’eau des boissons


(2 L/24 h) et les sécrétions endogènes (de 7 à 9 L/24 h),
entrent par jour dans le système digestif. L’eau est indis-
pensable à la digestion et au transport des nutriments. À
la sortie de l’iléon terminal, transite environ 1 L/j qui sera
à 90 % réabsorbé par le côlon (figure 5) : sous régime occi-
dental, le poids normal des selles, ou bilan net, est inférieur
à 200 g/24 h. Le cycle entéro-systémique de l’eau est parti- Eau,
culièrement actif car on estime que les mouvements bidi- alimentation 1,5 Salive
rectionnels, sécrétion et absorption, représentent un 0,7 à 1
volume quotidien de 120 litres.
+ 1,5 à 3,5
L’eau est absorbée par diffusion passive, couplée à l’ab- Sécrétions
bile pancréatique Sécrétions
sorption des solutés. Ce mécanisme est mis à profit dans gastriques
l’utilisation des solutés de réhydratation orale (NaCl-glu- + 0,7 + 1,5 à 3
cose) des diarrhées sécrétoires abondantes de type cholé- 6 à 10
riforme. Il s’agit d’un mécanisme osmotique visant à
–3à–1 Duodénum
maintenir l’isotonie lumière-secteur extracellulaire, dépen- 3à5
dant des Na+-K+ ATPases basolatérales qui fournissent
l’énergie nécessaire. – 3 à – 1,5 Jéjunum
tion

1,5 à 2
Le sodium est absorbé par un système de transport actif
orp

–1 Iléon
couplé (glucose, acides aminés) ainsi que, en l’absence de
Abs

nutriments, par un échangeur Na+/H+. Le potassium est 0,7 à 1,2


transporté par diffusion passive. Les mouvements d’eau et –1 Côlon
d’électrolytes sont notamment régulés par des médiateurs
L/24 h 0,1 Fèces
solubles [peptide vasoactif intestinal (VIP pour vasoactive
intestinal peptide), sérotonine, etc.] qui agissent par l’in- Figure 5 / Débit liquidien aux différents étages
termédiaire de seconds messagers intracellulaires (adéno- du tube digestif (d’après Bernier et al.)
sine monophosphate cyclique, etc.).

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Minéraux et oligo-éléments Exploration clinique


Les minéraux et oligo-éléments (ou éléments traces) ont et paraclinique des troubles
physiologiquement une absorption limitée, dépassant
rarement 50 % des ingesta. de la digestion-absorption
L’absorption du calcium ionisé, maximale quand il s’agit
L’exploration des troubles de la digestion-absorption
du calcium des produits laitiers, est surtout transcellulaire
n’est pas simple du fait du nombre d’étapes et de méca-
– diffusion facilitée, pompe à calcium régulée notamment nismes impliqués (cf. supra). Un tel trouble est suspecté cli-
par la 1-25(OH)2D3. Une « hyperabsorption » calcique est niquement (diarrhée, syndrome carentiel, etc.) ou d’après
constatée pendant la grossesse, la lactation et la croissance le contexte et les antécédents. Beaucoup d’examens et de
osseuse. L’absorption du calcium peut être limitée par cer- tests ont été proposés mais un grand nombre ne sont pas
tains nutriments du fait de phénomènes de compétition faisables en pratique. On fera ici une synthèse rapide des
prenant place dans la lumière intestinale : ceci est le cas examens réalisables (tableau 1). L’objectif de ces examens
pour les fibres alimentaires végétales, les acides gras et le est de répondre aux principales questions suivantes : y a-t-
magnésium. Le phosphore est absorbé sous forme de il malabsorption et/ou maldigestion ? Y a-t-il insuffisance
monophosphates ou de phospholipides. Le magnésium pancréatique exocrine ? Y a-t-il insuffisance intestinale et
semble surtout absorbé par l’iléon mais, bien qu’il s’agisse quelle en est sa sévérité (indication à la nutrition parenté-
de l’élément ionique clé en cas de syndrome de malabsorp- rale) ? Quelle est la cause ?
tion sévère, les mécanismes de son transport restent mal
connus. Le fer, sous forme du fer ferreux soluble, est
absorbé par le duodénum par un mécanisme partiellement
élucidé (protéines DMT1 et HFE, rôle d’un facteur hormo-
Examens morphologiques
nal d’origine hépatique inhibant l’absorption du fer, l’hep- Ils sont les premiers à toujours utiliser. L’abdomen sans
cidine). En situation normale, de 1 à 3 mg de fer seulement préparation (ASP) peut permettre la visualisation de calci-
sont absorbés pour 10 à 15 mg ingérés : il s’agit essentiel- fications pancréatiques que parfois seul le scanner ou
lement du fer héminique d’origine animale (myoglobine même des examens plus invasifs (écho-endoscopie, etc.)
de la viande, etc.). L’hémochromatose génétique est une objectivent (anomalies canalaires des pancréatites chro-
situation d’hyperabsorption pathologique du fer. Le fer niques). Le transit du grêle tend à être souvent remplacé
non héminique d’origine végétale est très peu absorbé. par l’entéroscanner ou l’entéro-IRM : il permet essentielle-
ment le diagnostic d’anomalies morphologiques localisées.
Parmi les autres oligo-éléments métalliques, l’impor-
La pierre angulaire du diagnostic étiologique des syn-
tance du zinc doit être soulignée. Il s’agit d’un transport
dromes de malabsorption reste l’endoscopie digestive, par-
jéjunal actif ou passif inhibé par le cuivre et le fer. Les
fois l’entéroscopie sous anesthésie générale, avec
carences en zinc (dermatose péri-orificielle squameuse,
réalisation de biopsies duodénales et/ou jéjunales, voire
lymphopénie, etc.) sont particulièrement fréquentes dans
iléales.
les situations de carences nutritionnelles (éthylisme, diar-
rhée, dénutrition, etc.).
Examens biologiques
Autre et fonctionnels
Les oxalates d’origine alimentaire, provenant essentiel- Les dosages sanguins statiques fournissent des éléments
lement du chocolat, sont des produits terminaux du méta- d’orientation mais manquent habituellement de spécificité.
bolisme. Ils sont physiologiquement peu absorbés (de 5 à C’est le cas de l’hypoalbuminémie, de l’hypocalcémie, de
15 %), par diffusion simple au niveau du côlon. Mais ils l’hypomagnésémie, de l’hypocholestérolémie, de la baisse
peuvent, chez certains sujets prédisposés ou du fait de du temps de prothrombine (facteurs vitamine K dépen-
carence d’apport calcique ou de résection iléale, présenter dants)... L’anémie carentielle est de physiopathologie varia-
des pics (> 50 %) d’absorption postprandiaux contribuant ble, une double population avec un volume globulaire
à la genèse de la lithiase urinaire oxalo-calcique qui doit moyen parfois normal étant très évocateur. Il est mainte-
être prévenue après intervention chirurgicale de résection nant établi que l’hypocitrullinémie (N = 40 ± 10 mol/L), la
intestinale (résection iléale de plus de 60 à 80 cm, syn- citrulline circulante étant un produit du métabolisme enté-
drome du grêle court). rocytaire, constituait un marqueur sensible (> 90 %) et spé-

Tableau 1 / Explorations paracliniques d’une anomalie de la digestion et/ou de l’absorption intestinale

Élastase Test respiratoire


Stéatorrhée Morphologie* Citrullinémie**
fécale à l’H2
Diagnostic positif de malabsorption/maldigestion +++ +
Diagnostic d’insuffisance pancréatique exocrine ++ + ++
Diagnostic étiologique d’une malabsorption +++ +
Diagnostic de sévérité d’une entéropathie ++ + +++
(insuffisance intestinale)
* Radiologie et/ou endoscopie avec biopsies
** Dosage par HPLC ou chromatographie échangeuse d’ions. Une hypocitrullinémie indique une anomalie du fonctionnement de la muqueuse intestinale
NB : le test de Schilling n’est pas indiqué sur ce tableau car, malgré son intérêt indéniable, il est aujourd’hui difficile à réaliser en pratique (laboratoire de médecine
nucléaire spécialisé). Le test au D-xylose reste en revanche une épreuve simple de débrouillage, utilisable dans la majorité des sites

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Digestion et absorption des nutriments 44

cifique (> 90 %) de la masse entérocytaire fonctionnelle microbienne (contamination bactérienne chronique du


corrélé, de façon variable selon les situations, au pourcen- grêle) fait en pratique appel au test respiratoire (breath
tage d’absorption lipidique. Sa place dans le diagnostic et test) à l’hydrogène qui est fondé sur le principe de détec-
l’évaluation des entéropathies avec malabsorption intesti- tion dans l’air expiré d’une production métabolique d’H2
nale montre qu’il s’agit du meilleur marqueur intégré de liée à la présence anormale de bactéries dans le grêle
la fonction entérocytaire globale, indépendamment du proximal. Il nécessite un chromatographe en phase
mécanisme de l’atteinte, utile pour le dépistage, le pronos- gazeuse. Sensibilité (70 %) et spécificité (80 %) sont
tic et le suivi des entéropathies compliquées ou non d’in- moyennes. D’autres tests respiratoires peuvent être utilisés
suffisance intestinale. Le dosage de la citrulline nécessite pour confirmer une malabsorption spécifique de disaccha-
un analyseur du type HPLC (high performance liquid chro- rides (lactose, etc.). Le dosage de l’activité fécale de l’élas-
matography, chromatographie liquide haute performance) tase 1 est le meilleur marqueur biologique pour le
ou une chromatographie échangeuse d’ions et n’est pas diagnostic d’une insuffisance pancréatique exocrine avan-
encore disponible pour la pratique de routine sauf dans cée (sensibilité 80 %, spécificité > 90 %) où elle est abaissée
certains centres spécialisés. Des études récentes suggèrent (inférieure à 200 g/g de selles). Le repas de Lundh n’est
qu’en contexte d’hémato-oncologie et de soins intensifs plus utilisé du fait de sa lourdeur mais il était très spéci-
l’hypocitrullinémie constitue un facteur de risque de trans- fique pour le diagnostic d’insuffisance pancréatique exo-
location bactérienne d’origine digestive. L’élévation de la crine. Un examen parasitologique des selles est utile en cas
I-FABP circulante constitue par ailleurs un biomarqueur de d’entéropathie malabsorptive, notamment chez le patient
souffrance intestinale, notamment d’origine ischémique. immunodéprimé.
Les tests dynamiques d’absorption restent utilisés.
L’absorption jéjunale proximale est évaluée par le test au Synthèse
D-xylose (25 g dans 250 mL d’eau) avec dosage de la xylo-
sémie à 2 heures (N > 250 mg ou 1,66 mmol/L) : la spécifi- L’ensemble des fonctions digestives interagit pour
cité est d’environ 90 % et la sensibilité supérieure à 95 % optimiser la digestion et l’absorption (transport) des
en cas d’atteinte étendue. La fonction iléale peut être exa- nutriments et de certains substrats endogènes tout
minée par le test de Schilling (explorant l’absorption de la en protégeant l’organisme contre les toxiques et
vitamine B12) mais, malheureusement, la disponibilité agents infectieux. Une coopération régulée entre
actuelle de cette épreuve est très limitée. L’exploration de les organes du tube digestif et de ses annexes joue
la fonction globale de digestion-absorption nécessite le un rôle majeur dans les processus digestifs. Ainsi,
recueil des selles pendant 72 heures, fastidieux et souvent l’estomac régule la mise à disposition des nutri-
incomplet, et la mesure quantitative de la stéatorrhée ments dans l’intestin et le côlon complète l’absorp-
(N < 6 g/24 h), éventuellement au sein d’un fécalogramme tion des substances non transportées ou digérées
complet. Une surcharge alimentaire en graisses avant et dans le grêle (certains sucres, eau et électrolytes).
pendant le recueil est indispensable pour sensibiliser les Le transport des oligo-éléments est limité alors que
résultats. La recherche de fuites digestives de protéines celui des lipides est particulièrement complexe du
(syndrome de gastro-entéropathie exsudative), voie finale fait de leur hydrophobie : ces deux catégories de
commune de nombreuses maladies digestives organiques nutriments sont les premiers déficitaires dans
avec ou sans syndrome de malabsorption, est en pratique toutes les entéropathies. La fonctionnalité intesti-
réalisée par la mesure de la clairance fécale de l’a1-anti- nale globale est au mieux évaluable par le dosage
trypsine (N < 15 mL/24 h). La recherche d’une pullulation sanguin de citrulline.

LECTURES COMPLÉMENTAIRES

[1] Adibi SA. The oligopeptide transporter (Pept-1) in human [6] Marcil V, Peretti N, Delvin E, Levy E. Les processus digestifs et
intestine: biology and function. Gastroenterology 1997 ; 11 : 332- absorptifs des lipides alimentaires. Gastroenterol Clin Biol 2004 ;
40. 28 : 1257-66.
[2] Bernier JJ, Adrian J, Vidon N. Les aliments dans le tube digestif. [7] Nordgaard I, Hansen BS, Mortensen PB. Importance of colonic
Paris : Doin, 1988. support for energy absorption as small bowel failure proceeds. Am
[3] Caspary WF. Physiology and pathophysiology of intestinal J Clin Nutr 1996 ; 64 : 222-31.
absorption. Am J Clin Nutr 1992 ; 55 : 299S-308S. [8] Rees R, Hare W, Grimble G, Frost P, Silk D. Do patients with
[4] Crenn P, Messing B, Cynober L. Citrulline as a biomarker of moderately impaired gastrointestinal function requiring enteral
intestinal failure due to enterocyte mass reduction. Clin Nutr 2008 ; nutrition need a predigested nitrogen source? A prospective cros-
27 : 328-39. sover controlled clinical trial. Gut 1992 ; 33 : 877-81.
[5] Gulec S, Anderson GJ, Collins JF. Mechanistic and regulatory [9] Stroud M, Duncan H, Nightingale J. Guidelines for enteral fee-
aspects of intestinal iron absorption. Am J Physiol Gastrointest Liver ding in adult hospital patients. Gut 2003 ; 52 (suppl. VII) : 1-12.
Physiol 2014 ; 307 : G397-409.

489
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PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

45
Circulation
• Anatomie hépato-splanchnique
• Physiologie normale
• Modèles circulatoires intégrant
et physiologie
les particularités de la circulation splanchnique
• Clampages vasculaires
des clampages digestifs
• Circulation hépato-splanchnique
dans des situations cliniques
autres que les clampages digestifs Daniel Eyraud, Yann Loncar
Service de chirurgie digestive, hépato-bilio-pancréatique
et de transplantation hépatique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
AP-HP, Paris

a circulation hépato-splanchnique, c’est-à-dire En disposition modale (environ 60 % des cas), le tronc


la circulation du tractus gastro-intestinal (estomac, cœliaque naît au niveau de D12 immédiatement sous le
pancréas, rate, intestin grêle et côlon) et du foie, hiatus aortique et se divise très vite en trois branches :
est un système central dans l’adaptation de l’orga- l’artère hépatique, l’artère splénique et l’artère coronaire
nisme et la physiopathogénie de nombreuses stomachique. Il assure la vascularisation de l’étage sus-
pathologies comme le choc hémorragique et le sep- mésocolique.
sis grave [1, 2]. Cette circulation semble « naturel- L’artère mésentérique supérieure (figure 1) naît aussi
lement » sacrifiée par l’organisme du fait de sa sur la face antérieure de l’aorte abdominale en regard de
relativement bonne tolérance à l’ischémie, en par- L1, sous le tronc cœliaque. Elles donnent des branches pan-
ticulier par rapport au cerveau ou au cœur, et de la créatiques et duodénales dans son premier segment rétro-
véritable autotransfusion immédiate qu’elle per- pancréatique, des branches jéjunales dans son segment
met par vasoconstriction du lit capillaire mésenté- intramésentérique et des branches coliques irriguant le
rique et hépatique. En fait, une atteinte muqueuse côlon droit dans sa portion terminale. Elle se termine au
peut apparaître assez précocement dans des situa- bord mésentérique de l’iléon et ses branches terminales
tions critiques et, pour cette raison, certains ont s’anastomosent aux collatérales voisines. L’artère mésenté-
appelé cette circulation, avec beaucoup de perti- rique supérieure (AMS) vascularise l’intestin grêle et la par-
nence, le « canari » de l’organisme. Ce territoire tie droite du côlon.
peut en effet être seul en péril, les autres territoires
survivant grâce à la redistribution sanguine auto-
risée par « son sacrifice ». À la différence du canari
du mineur, qui donnait l’alerte, le tube digestif
souffre silencieusement mais des conséquences dif-
férées sont à craindre. En effet, les très nombreuses
bactéries contenues dans le tube digestif peuvent,
à la faveur de l’ischémie de la paroi, atteindre la cir-
culation sanguine par translocation et occasionner
une atteinte systémique.
Ce chapitre propose une revue des bases anato-
miques et physiologiques de la circulation hépato-
splanchnique et du comportement de celle-ci dans
quelques situations cliniques particulières, comme
les clampages vasculaires digestifs.

Anatomie
Vascularisation artérielle
Figure 1 / Vascularisation mésentérique –
Elle est assurée par trois artères principales nées de artère mésentérique supérieure
l’aorte.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

L’artère mésentérique inférieure (AMI) naît en regard


de L3, donnent l’artère colique supérieure gauche, l’artère
colique inférieure gauche et l’artère rectale supérieure vas-
cularisant le rectum.
Les branches terminales de ces différentes artères se
divisent lors de leur pénétration dans la paroi intestinale
et envoient de petites artères entourant de part et d’autre
de l’intestin pour se terminer sur le côté de la paroi intes-
tinale opposé à l’insertion du mésentère. Elles forment
dans la paroi du tube digestif un réseau très dense com-
portant un plexus sous-muqueux d’où naissent des arté-
rioles traversant la sous-muqueuse pour donner un réseau
extrêmement abondant. De celui-là, naissent les artères de
la muqueuse avec, au niveau de chaque villosité intesti-
nale, une artériole centrale qui se ramifie et s’anastomose
à une veinule (figure 2). Les parois artériolaires sont riches
en muscles et sont donc très efficaces pour contrôler le
débit sanguin des villosités.
Figure 2 / Section transversale d’une
villosité intestinale illustrant le principe
Une des particularités de cette vascularisation artérielle
d’échange à contre-courant et ses est l’importance du système anastomotique entre les dif-
répercussions sur la pression partielle en férentes branches (figure 3) :
oxygène (mmHg) de la base au sommet • arcades pancréatico-duodénales, intrapancréatiques,
dans des conditions physiologiques anastomoses entre artère hépatique droite et le tronc
L’artère au centre de la villosité se termine cœliaque ;
en un dense réseau capillaire au sommet. • arcade de Riolan entre l’artère colique supérieure gauche
L’artère et les veines circulent en parallèle et l’artère colique droite, arcade paracolique de
mais en sens opposé. Cette anatomie
entraîne un gradient descendant de pression
Drummond ayant les mêmes piliers que l’arcade de
partielle en oxygène (PO2) tissulaire de Riolan et, inconstamment (12 % des cas), l’arcade de
la base vers le sommet (d’après Fink [1]). Villemin entre AMI et AMS.
Les artères digestives forment donc un système à trois
entrées indépendantes mais reliées entre elles et avec les
systèmes sus- et sous-jacents. En cas d’oblitération d’un des
troncs, une circulation collatérale prend la suppléance avec
inversion des flux et hypertrophie des anastomoses avec
néo-vaisseaux si l’oblitération est progressive. En cas d’obli-
tération progressive des trois troncs digestifs, la circulation
splanchnique peut encore être reprise par des circuits non
digestifs : les artères phréniques inférieures, les branches
pariétales intercostales, mammaires internes, épigas-
triques, iliaques internes (anastomoses entre l’hémorroï-
daire inférieure branche de l’iliaque interne et les
hémorroïdaires supérieures branches de l’AMI). L’irrigation
est alors très précaire, particulièrement dépendante des
conditions hémodynamiques générales et incapable de
satisfaire une augmentation des besoins métaboliques
comme ceux de la phase postprandiale (« claudication
digestive » ou angor intestinal).
En cas d’occlusions artérielles digestives brutales comme
c’est le cas lors de la chirurgie de l’aorte abdominale et
thoraco-abdominale, ces suppléances n’ont pas le temps
de s’installer et on est en présence d’une ischémie digestive
vraie avec l’impératif de raccourcir cette phase au mini-
mum exigé par le geste chirurgical. La circulation mésen-
térico-intestinale est, parmi les autres éléments de la
circulation splanchnique, la plus sensible à l’ischémie en
raison de l’architecture des villosités, que l’on détaillera
plus loin. Après deux heures de clampage de l’AMS, il
existe une diminution de 40 % de la concentration en
d’adénosine triphosphate (ATP) dans les entérocytes [3].
Lors de l’ischémie, la production d’ATP est diminuée, mal-
gré la demande énergétique cellulaire accrue. La principale
conséquence de la chute des taux d’ATP est l’arrêt des
pompes membranaires et donc de l’homéostasie cellulaire.
La glycolyse anaérobie s’initie dans le but de maintenir la
Figure 3 / Anastomoses artérielles
production d’ATP. Il en résulte une acidose intracellulaire.
1 : arcades pancréatico-duodénale et hépatico-cœliaque ;
2 : arcade de Riolan (et de Drumond) ; 3 : arcade de Villemin ; La reperfusion permet une charge énergétique cellulaire
TC : tronc cœliaque ; ASM : artère mésentérique supérieure ; adaptée (ATP) mais provoque la formation de dérivés actifs
AMI : artère mésentérique inférieure. de l’oxygène, les radicaux libres [4]. Ces métabolites indui-
sent la dégradation de la structure cellulaire, la dys-

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

fonction puis la mort cellulaire. Cet ensemble d’événe- la veine porte, la veine splénique et les deux veines mésen-
ments caractérise l’ischémie-reperfusion tissulaire [5]. Au tériques, la veine mésentérique supérieure drainant tout
niveau de la muqueuse digestive, la déplétion en ATP l’intestin grêle et le côlon droit, et la veine mésentérique
induit une augmentation du calcium dans les entérocytes, inférieure assurant le drainage du reste du côlon et du rec-
à l’origine de l’hyperperméabilité intestinale observée lors tum (figure 4).
de la reperfusion. L’ischémie-reperfusion entraîne finale-
Le système porte reçoit également des veines de drai-
ment la destruction de la muqueuse, se traduisant par une
nage de l’estomac et du cadre duodéno-pancréatique, qui
perte de fonction d’absorption et surtout une rupture ana-
se jettent à des niveaux différents du trépied spléno-porto-
tomique de la barrière digestive. Dans le meilleur des cas,
mésaraïque. En cas d’obstacle veineux sur le système porte,
la muqueuse régénère en une douzaine de jours mais les
ces organes peuvent ainsi servir de voie de dérivation
phénomènes initiés par la rupture de la barrière immuni-
porto-portale.
taire que constitue la muqueuse peuvent être responsables
de défaillances multiviscérales mortelles : la translocation Bien que les systèmes veineux porte et cave soient, chez
bactérienne (passage de germes et toxines bactériennes l’adulte sain, indépendants, il existe de nombreuses com-
dans les ganglions mésentériques, la circulation portale ou munications entre les deux. Ces voies de dérivation n’ont
systémique) a longtemps été mise au premier plan [6, 7], aucun rôle en situation normale, mais deviennent cruciales
or d’autres phénomènes comme la migration de neutro- dans des situations pathologiques comme la cirrhose, le
philes activés lors de l’ischémie-reperfusion ont également syndrome de Budd Chiarri ou toute situation où il existe
été impliqués [8-10]. un obstacle à la circulation portale, la situation caricaturale
étant les clampages hépatiques. Pour comprendre ces
Il est cependant difficile d’extrapoler en pratique cli-
situations que nous envisagerons plus loin, nous allons
nique, à partir des données expérimentales, les durées de
exposer brièvement les communications entre système
clampage artériel digestif à ne pas dépasser. En effet, la
porte et système cave ainsi que les communications au sein
souffrance intestinale sera moindre si un réseau anastomo-
du système cave.
tique important s’est mis en place, en raison de l’ischémie
chronique, avant la chirurgie et va reprendre à contre-cou-
rant le réseau artériel vascularisé par l’artère clampée. De
plus, les phénomènes de souffrance ischémique, en situa-
Dérivations porto-caves
tion clinique, dépendent également de phénomènes spontanées 
emboliques et sont très dépendants de l’hémodynamique
générale durant les périodes per- et postopératoires. En excluant les dérivations malformatives pour les-
quelles on renvoie le lecteur à une revue exhaustive [11],
ces dérivations peuvent être classées en deux types, congé-
Vascularisation veineuse nitales physiologiques et acquises. Les dérivations congé-
nitales physiologiques sont situées à quatre niveaux :
Le tronc porte draine la totalité du sang d’origine • cardio-œsophagien : elles unissent, par le réseau sous-
splanchnique, tube digestif, rate et pancréas. Il se termine muqueux de l’estomac, les veines gastriques et coronaire
au niveau du foie qui constitue un filtre entre circulations stomachique dépendant du territoire portal aux veines
portale et systémique. Le débit sanguin portal est chez de drainage du plexus œsophagien qui dépend du terri-
l’homme sain évalué à 1 L/min et représente les deux tiers toire cave supérieur (azygos, bronchique, diaphragma-
du flux sanguin hépatique, l’autre tiers étant assuré par tique) ;
l’artère hépatique. Les veines du système porte ne compor- • anastomose ombilicale : les veinules para-ombilicales
tent pas de valvules. La circulation portale s’effectue vers encore perméables de la veine ombilicale (circulation
le foie selon un faible gradient de pression inférieure à portale) communiquent avec les veines de la paroi abdo-
5 cm d’eau : 6 à 12 cm d’eau dans le système porte et 0 à minale tributaire du système cave supérieur ou inférieur
8 cm d’eau dans la veine cave inférieure (VCI). Le système par les veines épigastriques intercostales, lombaires ou
porte est constitué par quatre troncs veineux principaux : mammaires internes ;

Estomac

Veine
Veine épigastrique
coronaire
Veine splénique
Veine porte

Veine gastro-épiploïque
gauche

Veine gastro-épiploïque droite

Veine mésentérique inférieure

Figure 4 / Principales veines du système


porte (trépied spléno-porto-mésaraïque) Veine mésentérique
et ses afférences supérieure

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

• anastomoses rectales : le drainage veineux du bas rectum Les dérivations cavo-caves : en cas d’obstruction com-
est organisé en un plexus hémorroïdal dont les voies effé- plète ou majeure de la VCI, la circulation se fait par des
rentes sont la veine hémorroïdale supérieure (qui se jette voies de suppléance d’autant plus développées que l’obs-
dans la veine mésentérique inférieure) et les veines tacle est ancien et dont la mise en jeu varie avec le niveau
hémorroïdales moyennes et inférieures qui se jettent de l’obstacle :
dans la VCI ; • obstruction inter- ou sous-rénale (figure 5) : la circulation
• anastomoses rétropéritonéales : entre veines splénique, se répartit en quatre directions :
pancréatique, capsulaires et rénale gauche. – voies profondes : plexus veineux intra- et péri-rachi-
diens, système lombaire ascendant et système azygos,
Les dérivations acquises sont constituées par une néo-
– voies superficielles : veines pariétales,
vascularisation de petits vaisseaux, en particulier au niveau
– voies gonadiques et urétérales,
de l’épiplon et du péritoine. Cette vascularisation acquise
– voie portale ;
survient en situation d’obstruction portale chronique,
totale ou segmentaire, mais est particulièrement fréquente • obstruction cave inférieure haute et en l’absence d’obs-
s’il y a un antécédent de chirurgie abdominale ou d’ascite tacle porte : lorsqu’elle est aiguë, cette situation est
infectée. En cas de gradient de pression favorable, le déve- létale chez les mammifères en raison de la séquestration
loppement d’une circulation collatérale est rendu possible massive de sang dans le système porte et le foie. En cas
par l’absence de valvules dans le territoire portal, qui d’obstruction progressive et d’absence d’obstacle portal,
empêcheraient le sang de circuler à contre-courant. les voies de dérivation sont les mêmes que précédem-
ment avec, entre autres, un flux rétrograde dans les
L’importance du flux sanguin à travers ces anastomoses veines sus-hépatiques [14]. Le foie souffre dans cette
dépend : des résistances des vaisseaux qui la composent et situation car la circulation se fait à des niveaux de pres-
du gradient de pression entre les deux territoires portal et sion beaucoup plus élevés.
cave. Un élément est fondamental pour comprendre les
clampages et leur tolérance : le siège et l’importance de ces
dérivations varient de façon très importante d’un sujet à l’au- Circulation lymphatique 
tre, pour des raisons inconnues [12]. En effet, l’importance
relative des dérivations porto-caves supérieures et inférieures Les capillaires lymphatiques dans les différents tissus de
conditionne probablement, au moins en partie, la bonne l’abdomen sont aussi nombreux que les capillaires san-
tolérance à l’exclusion complète du foie (voir ci-après). guins. Ils prennent naissance dans le tissu interstitiel,

Veine innominée
V. intercostales
supérieures Anas. réno-azygos
V. azygos V. hémi-azygos
VCS V. rénale
accessoire

V. hémi-azygos V. urê-
V. interver- térique
tébrales V. gonadique VCI V. gonadique
V. intercostales

Plexus pelvien
V. lombaire
ascendante VCI

Plexus gonadique
Plexus sacré
A Voies profondes B Voies intermédiaires

V. sous-clavière V. axillaire
Foie

V. porte V. mammaire int. V. thoracique latérale

V. lombaire
V. mésentérique
inf.
V. para-ombilicales V. abdomino-
VCI thoracique
V. épigastrique V. iliaque
V. pariétales abdo.
V. hémorroïdale circonflexe

V. épigastrique
Pl. hémorroïdal Figure 5 / Voies collatérales
en cas d’obstruction de la veine cave
C Voie portale D Voies superficielles inférieure (d’après Bigot et al. [13])

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

confluent pour donner de plus gros vaisseaux jusqu’aux rique augmente l’activité efférente depuis les récepteurs
ganglions abdominaux puis la citerne lymphatique dans la vasculaires, qui déclenche une forte augmentation de l’ac-
région cœliaque. Après avoir reçu des collatérales venant tivité sympathique systémique [20].
des membres inférieurs et du diaphragme, celle-ci se jette
Les nerfs parasympathiques digestifs se rendent essen-
dans le canal thoracique qui se déverse lui-même dans le
tiellement vers l’estomac et le côlon et leur stimulation
système veineux cave supérieur à la jonction de la veine
provoque une augmentation du débit sanguin splanch-
sous-clavière et de la veine jugulaire droites. Leur paroi
nique, essentiellement conséquence de l’augmentation de
épithéliale est perméable aux protéines, lipides, glucides
l’activité glandulaire (régulation métabolique du débit
et bien sûr aux électrolytes. La vitesse du flux est lente et
sanguin dont on reparlera plus loin).
le volume de lymphe drainée au niveau splanchnique n’est
que de 1,3 L/24 heures, soit les deux tiers de la lymphe

Physiologie normale
totale. La lymphe correspond à la fraction de filtrat capil-
laire artériel non réabsorbé au niveau capillaire veineux.
La lymphe transporte, via le tronc intestinal, des lipides et
d’autres substances absorbées par l’intestin. La concentra- Le volume sanguin splanchnique représente 30 % du
tion moyenne en protéines est de 30 à 40 g/L pour la volume sanguin total. En moyenne, 25 % du débit car-
lymphe intestinale et de 60 g/L pour la lymphe hépatique. diaque est destiné au territoire splanchnique, ce qui cor-
Outre sa fonction de transport, la lymphe a une très impor- respond à 60 mL/min pour 100 g de tissu. C’est le secteur
tante fonction de drainage. Ce drainage maintient les tis- de l’organisme consommant le plus d’oxygène (25 %
sus sans œdème quand, dans les échanges capillaires, la devant les muscles squelettiques au repos et le cerveau,
vitesse de filtration vers les tissus surpasse la réabsorption. moins de 20 % et loin devant le cœur, 10 %). Le débit
Lorsque la circulation lymphatique est entravée (ganglions splanchnique peut plus que doubler et atteindre 35 % du
envahis par un cancer, par ex.) ou que la production de débit cardiaque en phase postprandiale – cela peut durer
lymphe dépasse les capacités de transport (foyer périto- de 3 à 6 heures – et peut tomber à moins de 5 % du débit
néal), il peut se produire d’importants œdèmes interstitiels cardiaque lors d’un effort musculaire (le débit cardiaque
mésentériques et de l’ascite. De même, lorsque la circula- pouvant être multiplié par 4 dans cette circonstance). Les
tion portale est entravée comme c’est le cas dans la cir- trois quart du débit splanchnique sont attribués à l’intestin
rhose avec hypertension portale, la réabsorption capillaire grêle et un quart au côlon. Au niveau tissulaire, 60 à 80 %
veineuse devient de plus en plus faible, et lorsque les capa- du flux sont destinés à la muqueuse et le reste à la sous-
cités de transport de la lymphe sont dépassées, l’ascite muqueuse et à la musculeuse.
apparaît. Tout le sang digestif arrive via la veine porte au foie,
chez le sujet sain, ce qui représente les deux tiers de l’ap-
Innervation vasculaire port sanguin au foie. Cette circulation d’organes en série
et d’organe avec une double vascularisation d’amont arté-
splanchnique rielle et veineuse est unique dans l’organisme. Avant d’en-
trer dans le détail de la régulation de cette circulation,
La vasomotricité de la circulation splanchnique est nous devons décrire la microcirculation hépatique et la
essentiellement dépendante du système orthosympatique. microcirculation d’une villosité intestinale.
Les fibres sympathiques à destinée splanchnique ont leur
origine entre T5 et L2 de la moelle épinière. La muscula-
ture lisse de la paroi artériolaire contient deux types de Microcirculation hépatique
récepteurs sympathiques : les récepteurs a1 et a2 dont la
stimulation induit une vasoconstriction et les récepteurs b La première représentation de la microcirculation hépa-
dont la stimulation induit une vasodilatation. Ces récep- tique est le lobule polygonal, centré par une veine sus-
teurs peuvent être stimulés par les catécholamines circu- hépatique et dont les angles sont formés par des espaces
lantes sécrétées par la médullo-surrénale ou par celles portes. Cette représentation de l’unité fonctionnelle hépa-
libérées au niveau des terminaisons nerveuses orthosym- tique rend bien compte de la fonction endocrine du foie.
pathiques. La quantité de neurotransmetteurs libérée au Pour mieux prendre en compte la fonction exocrine du
niveau des terminaisons nerveuses peut être modulée par foie, l’acinus simple a été défini par Rappaport [21] comme
les conditions locales (acidose, adénosine, angiotensine II, un secteur parenchymateux non encapsulé, situé entre
etc.) et la réponse modifiée. Contrairement à d’autres deux ou plusieurs veinules sus-hépatiques terminales. Son
régions du corps, cette innervation sympathique se distri- axe, constitué par un espace porte, vu en coupe longitudi-
bue autant au niveau artériel que veineux. En période nale (figure 6), contient une veinule porte terminale, une
critique, la stimulation sympathique peut presque totale- artériole hépatique, un ductule biliaire, un vaisseau lym-
ment stopper le flux sanguin splanchnique. Les vaisseaux phatique et des fibres nerveuses non myélinisées. Des sinu-
hépatiques et le système veineux portal ont en effet une soïdes en partent à angle droit, pour se diriger vers deux
veinules sus-hépatiques. Il y a environ 20 hépatocytes entre
innervation sympathique très dense [15-17]. Il existe des
la veinule porte terminale et la veine centrolobulaire. La
barorécepteurs dispersés dans le lit veineux splanchnique
disposition de ces travées unicellulaires d’hépatocytes le
dont la stimulation entraîne une réponse vasculaire
long des sinusoïdes, la richesse en microvillosités des hépa-
systémique, respiratoire et métabolique. Ces effets sont
tocytes à leurs deux pôles, le régime à haut débit et basse
supprimés par la section des nerfs sympathiques T5-L2. La
pression régnant dans les sinusoïdes concourent à faciliter
veinoconstriction splanchnique majeure entraînée par l’hy-
les échanges bidirectionnels entre hépatocytes et sang.
povolémie est reproduite par une électrostimulation sym-
pathique et abolie par la section des nerfs splanchniques La figure 7 schématise le mélange du sang d’origine
[18]. La distension de la rate augmente l’activité électrique portal et du sang d’origine artériel dans le sinusoïde avec
des nerfs sympathiques à destination des reins et de la rate un important système sphinctérien à tous les niveaux,
et entraîne une augmentation de la pression artérielle sys- autorisant une régulation très fine du débit sanguin hépa-
témique, de la fréquence cardiaque et de la pression vei- tique total [22]. Les veinules portes et les veinules centro-
neuse splénique [19]. Cette réponse est abolie par la lobulaires possèdent un faible contingent de muscles lisses
section du nerf splénique. L’occlusion de la veine mésenté- mais elles sont néanmoins contractiles et répondent aux

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Lobule hépatique
Acinus hépatique
Espace porte

Veine
centrolobulaire

Veine
centrolobulaire

Zone périlobulaire

Zone médiolobulaire
Zone Figure 6 / Représentation
centrolobulaire schématique d’un lobule hépatique
et d’un acinus hépatique
Espace porte

VP AH VCL à la désaturation artérielle, le sang sinusoïdal étant déjà


relativement peu saturé puisqu’il réalise un mélange de
sang portal et artériel. Elle le rend également sensible à
l’augmentation de la pression veineuse cave inférieure
(œdème périsinusoïdal suivi d’atrophie) et à la baisse du
débit sanguin hépatique (par ex., insuffisance cardiaque),
l’extraction en oxygène au niveau péricentrolobulaire
atteignant alors un niveau trop bas pour empêcher l’hypo-
xie de cette région.

Microcirculation intestinale
VSH L’architecture villositaire intestinale est destinée à pré-
senter un maximum d’efficacité dans les échanges entre
Figure 7 / Microcirculation hépatique lumière digestive et sang. Ce système est nécessaire à la
Les sphincters sinusoïdaux fermés sont représentés réalisation d’un gradient de concentration le long de la
par les demi-cercles bleus. Les sinusoïdes peuvent être villosité pour faciliter l’absorption des nutriments
perfusés par du sang portal, artériel ou plus souvent
(figure 2). Pour chaque villosité, le système comprend une
par un mélange des deux sangs. Il peut y avoir absence
de circulation dans un sinusoïde (d’après McCuskey [21]). artériole centrale, une arborisation capillaire au sommet
VP : veine porte ; AH : artère hépatique ; de la villosité qui redescend le long de l’artériole pour
VCL : veine centrolobulaire. confluer vers les veinules. Cette proximité entre l’artériole
et le lit capillaire favorise la diffusion de l’oxygène, entre
artériole et veinule dès le pied de la villosité. Il en résulte
une diminution de la pression partielle artérielle en oxy-
agents hormonaux. En fait toutes les cellules, sinusoïdales, gène (PaO2) au sommet de la villosité et un gradient de
endothéliales et les cellules de Kuppfer peuvent se contrac- PO2 tissulaire de la base vers le sommet de la villosité. Une
ter et réduire le diamètre du sinusoïde. Les artérioles sont deuxième explication de ce gradient serait l’activité méta-
très contractiles. Il s’agit d’une circulation à basse pression, bolique plus importante du sommet villositaire en raison
puisque la pression artérielle à l’entrée du sinusoïde oscille de sa capacité d’absorption supérieure. L’« écumage plas-
entre 12 et 25 cmH2O. matique » (plasma skimming) est dû à la configuration
anatomique du réseau capillaire dans la villosité : les capil-
Il est admis que le flux sanguin hépatique ne dépend laires quittent l’artériole à angle droit. Cette disposition
pas des besoins métaboliques du foie. La régulation semble favorise la stagnation des globules rouges dans l’artériole,
principalement artérielle [23] et met en jeu deux méca- d’où une diminution de l’hématocrite dans le lit capillaire
nismes : et donc une diminution de l’apport en oxygène. Ces deux
• l’autorégulation artérielle (l’augmentation de pression particularités histologiques de la villosité intestinale
artérielle entraîne une constriction de l’artère limitant concourent à sa plus grande sensibilité (par rapport aux
une augmentation de flux) ; autres épithéliums du tube digestif) lors de la survenue
• la réponse « tampon » de l’artère hépatique (l’augmen- d’une hypoperfusion splanchnique ou d’un bas débit car-
tation et la diminution du débit portal entraînent respec- diaque. La tolérance à l’anémie de cette région a, quant à
tivement une contraction et une dilation de l’artère elle, été peu étudiée.
hépatique). L’interaction entre veine porte et artère
hépatique tend à maintenir constant le débit sanguin
hépatique [24]. Mesures du débit sanguin
De par l’architecture de l’acinus, on comprend que les splanchnique
cellules sont dans un environnement sanguin d’autant
moins riche en oxygène qu’elles sont proches des veinules Les études cliniques relatives à la mesure du débit san-
centrolobulaires, le sang s’étant désaturé le long de son guin splanchnique sont relativement rares en raison des
transfert sinusoïdal. Cette structure rend l’organe sensible difficultés méthodologiques. Les mesures directes sont pra-

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

tiquement impossibles en dehors d’un contexte chirurgical muqueuse reçoivent la plus grande partie, jusqu’à 90 %.
pour des raisons anatomiques. Les mesures de pression se Les modifications du flux intestinal total peuvent influer
heurtent au même écueil. Pour cette raison, les bases de la sur cette répartition.
physiologie circulatoire splanchnique reposent sur des
études expérimentales et ont rarement été confirmées Le contrôle métabolique local répond par une vasodi-
chez l’homme sain. latation locale à un débit local insuffisant pour satisfaire
les besoins [31]. Les signaux pour cette vasodilatation ne
Le débit sanguin hépatique total peut être estimé selon sont pas connus ; on a proposé la PO2 et les produits du
le principe de Fick par la mesure de l’extraction d’une subs- métabolisme cellulaire. Les deux mécanismes, autorégula-
tance exclusivement métabolisée par le foie [25]. Une des- tion et contrôle métabolique, interagissent pour maintenir
cription détaillée de ces techniques et de leur évaluation l’adéquation entre transport et consommation et pour
chez le sujet normal et en soins intensifs a fait l’objet d’une minimiser les changements de pression capillaire intesti-
revue détaillée [26]. nale et de flux liquidien transcapillaire.
Des études expérimentales ont montré que le
Régulation du débit sanguin monoxyde d’azote (NO) jouait également un rôle dans le
maintien d’un niveau basal de vasodilatation des vaisseaux
splanchnique mésentériques et de l’artère hépatique [32, 33]. Dans un
modèle de porc anesthésié, l’inhibition de la synthèse de
Au repos, la fraction d’extraction en oxygène de la cir- NO (inhibition non sélective de la NO synthase constitutive
culation splanchnique est sensiblement la même que dans et de la NO synthase inductible) entraînait une augmenta-
la circulation générale, entre 22 et 35 % [27]. Lorsque les tion de la résistance artérielle hépatique, sans effet sur les
besoins métaboliques de la région splanchnique augmen- résistances vasculaires portales, alors que l’autorégulation
tent, par exemple lors de la prise alimentaire, le débit de l’artère hépatique était augmentée. L’interaction hémo-
splanchnique augmente en proportion de l’augmentation dynamique entre artère hépatique et veine porte (réponse
de consommation d’oxygène. Cette augmentation de tampon vue plus haut) persistait après inhibition des NO
débit peut atteindre 150 % et durer 3 à 6 heures. Si la frac- synthases. Après administration d’endotoxines, les deux
tion d’extraction en oxygène est très faible, l’augmenta- réponses « tampon » et autorégulation de l’artère hépa-
tion d’extraction peut précéder l’augmentation de débit. tique étaient abolies, indépendamment du NO. L’inhibition
L’augmentation adéquate de la perfusion splanchnique
de la synthèse de NO après administration d’endotoxine
peut être obtenue soit par l’augmentation de débit car-
entraînait une augmentation des résistances de l’artère
diaque ou sa redistribution préférentielle dans la région
hépatique et de la veine porte. Cela suggérait que le NO
splanchnique, soit le plus souvent comme dans les autres
joue, au cours du choc endotoxinique expérimental, un
circulations régionales par une combinaison des deux
rôle important sur le flux sanguin splanchnique : l’inhibi-
mécanismes [28]. Probablement en raison de son rôle
tion non sélective du NO au cours du choc septique pour-
important dans la régulation du volume sanguin circulant
rait augmenter la pression et la perfusion du lit
et sa redistribution, la région splanchnique possède une
splanchnique. On ne peut, hélas, pas extrapoler ces don-
extraordinaire capacité à s’adapter à une chute de débit
nées expérimentales à l’homme.
sanguin en augmentant son extraction en oxygène. Lors
d’un exercice, le débit cardiaque est redistribué de la L’autorégulation pression-débit de l’intestin est beau-
région splanchnique vers les muscles en exercice [29], l’ex- coup plus fragile que d’autres circulations régionales
traction en oxygène de la circulation splanchnique aug- comme la circulation rénale [34]. Lorsque la pression arté-
mente alors considérablement. Au moins sur un temps rielle décroît, le débit sanguin diminue malgré la réponse
court, les processus métaboliques normaux sont maintenus vasodilatatrice. Cette notion est importante en pratique
grâce à ce haut niveau d’extraction. Dans des conditions clinique, en particulier lors de l’anesthésie pour chirurgie
extrêmes où l’on ajoute à l’exercice une fraction inspirée abdominale pendant laquelle la stabilité hémodynamique
d’oxygène réduite, l’extraction splanchnique en oxygène doit être maintenue pour garantir la vitalité des anasto-
peut augmenter jusqu’à 90 %. Durant cette expérience, moses. L’autorégulation est augmentée par ailleurs par la
l’extraction hépatique du vert d’indocyanine était réduite, prise alimentaire : le débit sanguin est mieux maintenu lors
ce qui suggérait une altération de la fonction hépatique. d’une diminution de la pression de perfusion en période
La plupart des études cliniques suggèrent que le foie postprandiale qu’en état de jeûne.
tolère relativement bien l’hypoxie chez le sujet à foie sain La réponse de la circulation intestinale à une augmen-
si cette hypoxie est courte. L’intestin serait beaucoup plus tation de pression veineuse dépend du niveau de perfusion
sensible, et des études expérimentales suggèrent l’appari- de celle-là [34, 35]. Si le débit artériel est suffisant pour
tion de zones intestinales ischémiques dès que l’extraction assurer les besoins métaboliques, une augmentation de
d’oxygène approche 70 % [30]. pression veineuse entraîne une vasoconstriction artério-
laire (contrôle myogénique). Si le débit sanguin artériel est
Débit sanguin intestinal  faible, une augmentation de pression veineuse entraîne
une diminution des résistances vasculaires et un recrute-
Le débit sanguin intestinal est régulé par des méca- ment du lit capillaire (contrôle métabolique).
nismes intrinsèques et extrinsèques. Les facteurs intrin-
sèques comprennent le contrôle métabolique local La circulation intestinale répond à la prise alimentaire
(vasodilatation en cas de besoin métaboliques augmentés) par une hyperémie. De nombreux mécanismes jouent un
et le contrôle myogénique ou autorégulation (vasocons- rôle : réflexe local à la présence d’aliment dans la lumière
triction réflexe en réponse à une augmentation de pres- intestinale, libération d’hormones intestinales vasoactives
sion artérielle). Les facteurs extrinsèques comprennent (gastrine, peptide intestinal vasoactif, glucagon, sécrétine,
l’innervation sympathique (et de façon moindre parasym- etc.) et augmentation du métabolisme intestinal (contrôle
pathique), les substances vasoactives circulantes (hormo- métabolique) [36]. Il est possible qu’un défaut d’apport en
nales ou non) et les modifications hémodynamiques oxygène, comparativement aux besoins métaboliques des
systémiques. Le débit sanguin est réparti de façon inégale muscles lisses des parois vasculaires, soit à l’origine de la
entre les quatre secteurs de la paroi : muqueuse, sous- vasodilatation. Un manque d’oxygène peut également
muqueuse, musculeuse et séreuse. La muqueuse et la sous- être responsable d’une libération jusqu’à 4 fois supérieure

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

à la normale d’adénoside, qui est un vasodilatateur, et qui L’activité du système sympathique est le principal méca-
pourrait expliquer la majeure partie de l’augmentation de nisme nerveux influençant le débit hépatique. La stimula-
débit. tion sympathique entraîne une augmentation des
résistances portale et artérielle hépatiques. La vasocons-
Le contrôle nerveux du débit sanguin intestinal repose
triction artérielle est transitoire et il existe un échappe-
essentiellement sur le système sympathique. L’augmen-
tation du débit sanguin liée à une stimulation parasympa- ment comme pour la vasoconstriction artérielle intestinale.
thique n’est probablement pas une conséquence directe En revanche, la vasoconstriction des veines mésentériques,
mais un effet secondaire de l’augmentation de l’activité spléniques et portales peut persister et il existe également
glandulaire entraînée par la stimulation parasympathique. une réduction du volume hépatique par contraction des
À l’opposé, la stimulation sympathique a un effet direct vaisseaux hépatiques capacitifs. Ce mécanisme peut fournir
sur la quasi-totalité du tractus gastro-intestinal, entraînant 400 à 500 mL de sang très rapidement à la circulation géné-
une intense vasoconstriction des artérioles, ce qui diminue rale en situation d’hypovolémie sévère. Cet effet persiste
considérablement le débit. Cependant, après quelques durant toute la stimulation et disparaît plus lentement
minutes, cette vasoconstriction disparaît et le débit revient qu’il n’est apparu [40].
à des niveaux proches de la normale grâce à un mécanisme
appelé « échappement par autorégulation ». Après l’arrêt
de la stimulation, le débit sanguin augmente transitoire-
ment à un niveau plus élevé qu’avant la stimulation [37].
Modèles circulatoires
Ce phénomène correspond à l’apparition de mécanismes intégrant les particularités
de la circulation
vasodilatateurs, secondaires à l’ischémie, qui progressive-
ment deviennent prépondérants par rapport à la vasocons-
triction sympathique et, ainsi, dilatent à nouveau les
artérioles, permettant le retour d’un débit sanguin nutritif splanchnique
nécessaire. Un des avantages principaux de la vasoconstric-
tion sympathique intense de l’intestin est son pouvoir de Le but de l’appareil circulatoire, c’est-à-dire de l’ensem-
fermer pendant de brèves périodes la circulation splanch- ble cœur-vaisseaux-poumons-sang est d’apporter à chaque
nique au cours d’exercices intenses, lorsqu’une augmenta- organe et à chaque instant l’apport en oxygène et en
tion de débit sanguin est nécessaire pour le cœur et les nutriments dont il a besoin. En situation pathologique, l’un
muscles squelettiques. De la même façon, lorsque dans un (quelconque) de ces éléments ou, plus souvent, une asso-
état de choc circulatoire (et particulièrement hypovolé- ciation de ces éléments peut être en cause. Chez le sujet
mique), les organes vitaux à très courte durée de tolérance sain, mais aussi dans bon nombre de situations cliniques,
à l’ischémie (cerveau et cœur) sont en danger de mort, la c’est la circulation périphérique (vaisseaux-sang) qui est en
stimulation sympathique peut fermer presque totalement cause : le cœur assure parfaitement sa fonction pompe
la circulation splanchnique pendant plus d’une heure et mais ne peut éjecter que ce qu’il reçoit de la périphérie. En
redistribuer ainsi le volume sanguin splanchnique vers ces d’autres termes, c’est le retour veineux qui est le facteur
organes. limitant du débit cardiaque et donc de l’appareil circula-
toire. Cette section se propose de résumer les différentes
Débit sanguin hépatique étapes de cette « théorie périphérique » de régulation du
débit cardiaque, inaugurée par Guyton [41, 42], puis per-
Il y a trois déterminants principaux du débit sanguin
fectionnées par Magder [43], Bennett [44] et Caldini [45].
hépatique : le débit portal, le débit artériel hépatique et
les résistances intra-hépatiques. La résistance vasculaire à Ces modèles circulatoires permettent de rendre compte de
travers l’intestin, la rate, l’estomac et le pancréas déter- beaucoup de situations cliniques, d’y remédier de façon
mine le flux mésentérique et donc le flux portal. La résis- rationnelle et rétablissent l’importance de la circulation
tance artérielle hépatique détermine le débit artériel périphérique, et en particulier de la circulation splanch-
hépatique. Enfin, la résistance veineuse portale intra-hépa- nique, dans la régulation de l’appareil circulatoire. Ces
tique joue un rôle plus modeste puisque le débit sanguin modèles sont par ailleurs indispensables pour comprendre
portal est déterminé principalement par le débit venant l’adaptation aux clampages veineux qui seront traités dans
du tractus gastro-intestinal, c’est-à-dire par la résistance la section suivante.
vasculaire, et qu’en raison de l’interaction artère hépa-
Dans tous ces modèles, la pompe cardiaque ne joue
tique-veine porte (entre autres), une modification du débit
qu’un rôle permissif. Pour un même niveau d’inotropisme
portal entraîne une modification compensatrice du débit
cardiaque et de postcharge (impédance à l’éjection, fonc-
artériel [23]. Cette réponse tampon serait médiée par
tion de la pression artérielle systolique et donc des résis-
l’adénoside. Signalons que de nombreux facteurs peuvent
tances artérielles et des dimensions du myocarde), le débit
moduler la réponse tampon : concentration portale de
catécholamines, de facteurs hormonaux ou métaboliques cardiaque est une fonction de la précharge (tension des
comme le contenu en oxygène ou le pH du sang portal fibres myocardiques en fin de diastole) assimilée dans ces
[38]. Enfin, en dépit d’une augmentation très forte du modèles à la pression de l’oreillette droite (POD) qui est la
débit artériel hépatique en cas de diminution du débit por- pression d’entrée dans le système : c’est la relation de
tal, ce mécanisme est incapable de compenser une dispari- Frank-Starling. En cas de modification de contractilité ou
tion aiguë complète du flux portal. de postcharge, cette fonction se déplace en décrivant
diverses courbes (figure 8). Pour une même augmentation
L’autorégulation a peu d’importance en ce qui de POD, le débit cardiaque augmente si l’inotropisme
concerne la relation pression-débit de l’artère hépatique ; augmente (effort, stress) ou si la postcharge diminue, et
cette relation est à peu près linéaire, en tout cas en période diminue en cas d’insuffisance cardiaque (baisse de l’inotro-
de jeûne comme il en va en général pendant la chirurgie pisme) ou d’augmentation de postcharge (poussée
et l’anesthésie. Il se peut que ce phénomène joue un cer- hypertensive). En fait, le cœur normal a une réserve fonc-
tain rôle en période postprandiale [39].
tionnelle qui dépasse largement le retour veineux usuel
Le lit portal hépatique manque lui aussi clairement même dans des situations extrêmes (effort maximal, fistule
d’autorégulation et la relation pression-débit est égale- artério-veineuse) si bien que le facteur limitant de la fonc-
ment linéaire [28]. tion pompe ou du débit cardiaque est la précharge.

498
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page499

Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

Le sang revient au cœur selon un gradient de pression mique une pression égale à la PSM : ce point se situe natu-
hydrostatique. Ainsi, si l’on élève la POD brutalement rellement au niveau de l’élément capacitif, au regard de
(occlusion de la valve tricuspide), le retour veineux s’ar- sa faible valeur. La pompe cardiaque transfert un volume
rête. De même, si on baisse la POD, le retour veineux s’ac- de sang du secteur veineux vers le secteur artériel. Cela
croît. Cette relation a été démontrée chez le chien par entraîne une faible diminution de la pression veineuse
Guyton [42] en court-circuitant le cœur droit et en contrô- (élément capacitif) et une forte augmentation de la pres-
lant précisément la POD. Le retour veineux peut être sion artérielle (élément résistif), mais ne change pas la
mesuré pendant quelques secondes avant que les réflexes valeur de la PSM. Ce qui va modifier la PSM c’est l’augmen-
ne modifient les conditions basales d’inotropisme et de tation du tonus veineux ou de la volémie comme l’illustre
postcharge (figure 9). Lorsque l’on diminue la POD, le très bien le modèle de Guyton adapté par Magder
retour veineux augmente jusqu’à un maximum pour une (figure 11).
valeur de POD proche de 0 mmHg. Cela résulte du collap-
sus de la VCI lorsque la pression externe entourant les
veines devient supérieure à la pression intravasculaire.
Immédiatement après ce collapsus, la pression en amont
du site collabé s’élève, ce qui ouvre à nouveau la veine col-
labée. Ainsi, la veine peut se trouver en état continu de
“fluttering” et la pression intravasculaire à ce niveau devra
rester supérieure ou égale à la pression atmosphérique.
La seconde donnée fournie par la courbe de retour vei-
e
neux concerne sa pente. Cette pente est la conductance du arg
tch

Débit cardiaque (L/min)


s
po
retour veineux et son inverse est la résistance au retour vei-
neux. Il est remarquable que la courbe de retour veineux

ou
soit linéaire sur une grande partie quels que soient la volé-

lité
mie et l’état des résistances veineuses (familles de courbes,

ti
ac
ntr
figure 10). Cela signifie que, bien que le système veineux

co
soit constitué d’une multitude de petits vaisseaux en paral-
ou postcharge
lèle et en série, il se comporte comme un vaisseau résultant ilité
act
unique, obéissant à la loi d’Ohm. ontr
c
La troisième donnée fournie par la courbe de retour
veineux est le point intersection de la courbe de retour vei-
neux avec l’axe des abscisses (POD). C’est le point de retour Pression auriculaire droite (mmHg)
veineux nul. En effet, si la pression assurant un débit à tra- Figure 8 / Représentation schématique
vers le circuit baisse, il advient un instant où tout débit des courbes de fonction cardiaque
cesse lorsque les pressions d’aval et d’amont s’égalisent.
Guyton avait montré que cette valeur de POD était de
7 mmHg. Cette pression est appelée pression circulatoire
moyenne ou plus souvent pression systémique moyenne
(PSM) : c’est la pression qui pourrait être mesurée en tout
Retour veineux (L/min)

point du circuit après un arrêt brutal de la pompe et une


5 Plateau
redistribution entre tous les secteurs de telle sorte que
toutes les pressions s’égalisent. C’est une mesure statique
de la relation contenu-contenant dépendant de la volémie 2,5 Pente PSM
et de la capacitance vasculaire totale (elle-même très
dépendante du tonus vasculaire). Cette pression a pu être
mesurée de façon expérimentale par Guyton mais peut 0
également être approchée en situation clinique lors des –5 0 5 7 10 POD (mmHg)
opérations faites avec arrêt circulatoire (l’hypothermie pro- Figure 9 / Courbe de retour veineux
fonde et la modification du tonus vasculaire rendent les en fonction de la pression auriculaire droite (POD)
valeurs expérimentales et cliniques de PSM un peu diffé- PSM : pression systémique moyenne.
rentes). Il existe un lieu du circuit où règne à l’état dyna-

20

A B
Retour veineux (L/min)

15
1/2 rés
ista
n
Retour veineux (L/min)

ce

10 10

Résistanc
Normale en
orm
5 ale
5 Résistance ×
Figure 10 / Famille de courbes 2
de retour veineux démontrant PSM = 7 PSM = 14
les effets d’une modification (A) PSM = 3,5 PSM = 7
de la pression systémique moyenne 0
(PSM) de remplissage, (B) de la –4 +4 +8 + 12 –4 0 +4 +8
résistance au retour veineux Pression auriculaire droite (mmHg) Pression auriculaire droite

499
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Ra Modèle circulatoire
Vt-Vo
à un compartiment
Vt PSM
Il comprend un segment cœur-poumon qui constitue la
Vo pompe et qui regroupe les cœurs droit et gauche avec la
Cœur circulation pulmonaire ; le débit généré par la pompe
Rv s’écoule à travers un tube artériel unique, de résistance Ra,
les veines étant représentées par un autre tube, de résis-
POD tance Rv, la capacitance du circuit étant représentée par
Ptm > 0 un réservoir unique se drainant dans le tube veineux par
Ptm = 0 un orifice latéral. La position de l’orifice de drainage
Figure 11 / Schématisation de la circulation dans sépare le volume total (Vt) du réservoir en deux comparti-
le modèle à un compartiment (d’après Magder [42]) ments : Vo et Vt-Vo. Le volume Vo, volume de non-tension
Ra et Rv : résistances ; Vt : volume total ; Vo : volume des Anglo-Saxons, correspond à la quantité maximale de
de non-tension ; Ptm : pression transmurale positive ; sang qu’il faut pour remplir le système veineux sans disten-
POD : pression auriculaire droite ;
PSM : pression systémique moyenne.
dre la paroi vasculaire, c’est-à-dire sans générer de pression
transmurale positive. Le volume Vt-Vo, situé au-dessus de
l’orifice de drainage, représente le volume « sous-tension »
(environ 30 % du volume total dans les conditions nor-
15 males) qui, lui, va générer une pression transmurale. La
e pression exercée par Vt-Vo lorsque le débit s’annule est la
rdiaqu
it ca PSM. Comme la capacitance du réservoir est très impor-
éb tante par rapport aux différents tubes (artériel mais aussi
D

10
veineux), on peut faire l’approximation en régime dyna-
mique que la pression motrice à l’orifice du réservoir est la
PSM. La valeur de la PSM dépend du volume sous tension
5 Point d’équilibre
Re (degré de remplissage) et de la capacitance du réservoir
tou
r ve (tonus vasculaire). Le débit de sortie (Qv) du réservoir
in e u
x (nor représente le retour veineux et Qv = PSM-POD ; les résis-
mal)
0 tances artérielles n’interviennent pas dans ce Rv modèle.
–4 0 +4 +8 Cela est en accord avec les constatations initiales de
Pression auriculaire droite (mmHg) Guyton qui avait montré que les résistances veineuses
Figure 12 / Représentation des courbes avaient une importance sur le retour veineux environ
de fonction cardiaque et de retour veineux 20 fois supérieure aux résistances artérielles. Le couplage
sur les mêmes coordonnées pompe-circuit dans ce modèle est réalisé par le niveau de
POD. En effet si la baisse de POD augmente le retour vei-
neux, elle diminue la précharge de la pompe donc le débit.
Pour un niveau donné de volémie (VT), de capacitance vas-
Cnabd culaire (assise ou surface du réservoir), de résistance au
retour veineux et de puissance de la pompe, la figure 12
illustre que, à l’équilibre, la POD, le débit cardiaque (et
PSM1 donc le retour veineux) sont déterminés par l’intersection
des courbes de débit cardiaque et de retour veineux. Ce
Q1 point d’équilibre est unique.
RVS1
Limite du modèle à un compartiment
Cth Certaines situations physiologiques, comme l’effort
musculaire intense, ou cliniques comme l’adapta-
RV LV tion aux clampages vasculaires, ne peuvent se com-
prendre à l’aide d’un seul compartiment. Aussi,
certains auteurs ont-ils proposé un modèle à deux
compartiments [45, 46].
PSM2

Q2 Cabd
Modèle à deux compartiments 
RVS2
La circulation périphérique est subdivisée en deux com-
partiments, splanchnique et non splanchnique (figure 13).
Le compartiment splanchnique se caractérise par une capa-
citance et une résistance au retour veineux élevées. La
Figure 13 / Modèle de la circulation pression moyenne dans ce modèle est la moyenne des pres-
avec deux circuits parallèles sions des réservoirs splanchnique et non splanchnique.
La circulation systémique a été divisée en un circuit intra- Chacune de ces pressions est influencée par la capacitance
abdominal et un circuit extra-abdominal. La flèche indique la fractionnelle du réservoir, les résistances artérielles et vei-
direction du flux. Cnabd : capacitance du circuit extra-abdominal ; neuses respectives conditionnant la distribution du sang
Cabd : capacitance du circuit abdominal ; PSM : pression
systémique moyenne ; Q : débit sanguin ; RVS : résistance
au sein du circuit. Le compartiment splanchnique est dit à
vasculaire systémique. Indice 1 pour le paramètre de la boucle non constante de temps élevée parce que le temps de transit
abdominale. Indice 2 pour le paramètre de la boucle abdominale. d’un globule rouge à travers ce réservoir est environ 5 fois
plus long qu’à travers le circuit non splanchnique. Lors d’un

500
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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

Figure 14 / Effet de l’exclusion Cna


vasculaire du foie dans le modèle
à deux compartiments
PSM : pression systémique moyenne (indice
1 pour le circuit non abdominal et indice 2 PSM’1 ≤ PSM1
pour le circuit abdominal, apostrophe pour Q’1 ≈ Q1
la situation du paramètre après clampage) ; RVS1 ≈ RVS’1
Q : débit sanguin ; RVS : résistance
vasculaire systémique ; POD : pression
auriculaire droite. Le clampage veineux
entraîne pour le territoire d’amont une Q’1 + Q’2 POD’ < POD
PSM’2 > PSM2
augmentation des résistances au retour LV Q’1 + Q’2 < Q1 + Q2
Q’2 < Q2
veineux dont l’intensité dépend de RVS’2 > RVS2
l’efficience des voies collatérales
que le sang doit emprunter pour revenir
à l’oreillette. C’est l’augmentation
de pression veineuse qui ouvre Ca
les collatérales. La séquestration sanguine
splanchnique, proportionnelle à
l’augmentation de la pression veineuse
et à la compliance veineuse, diminue
le volume sanguin circulant (Q’2 < Q2)
et l’équivalent dynamique de la pression
circulatoire moyenne du reste de
l’organisme (donc PSM’1 < PSM1).
Cette séquestration est le deuxième facteur à l’origine de la baisse du retour veineux (Q’1 + Q’2 < Q1 + Q2). Comme la POD est très abaissée,
le retour veineux du circuit supérieur n’est pas diminué malgré la chute de PSM. L’augmentation des résistances vasculaires du compartiment
abdominal a lieu au niveau veineux bien sûr (c’est le clampage) mais aussi artériel, ce qui limite la séquestration sanguine splanchnique. Le
circuit non abdominal fonctionne à des régimes de pression et de débit presque inchangés grâce à la redistribution et la chute de PSM.

exercice musculaire intense, le circuit splanchnique devient compliant, le clampage veineux réalisant alors une véri-
encore plus lent en raison d’une vasodilatation du circuit table « hémorragie interne ».
non splanchnique (musculaire) et d’une vasoconstriction
Selon l’espèce concernée, les territoires splanchnique et
du circuit splanchnique. L’essentiel de la volémie se répar-
cave inférieur peuvent être dotés de réseaux collatéraux
tissant dans le compartiment à temps de transit faible, on
plus ou moins développés, ce qui explique qu’un même
comprend que le retour veineux (et donc le débit car-
clampage puisse être très bien toléré dans une espèce et
diaque) augmente considérablement dans cette situation.
beaucoup moins bien dans d’autres. C’est le cas du clam-
Une fistule artérioveineuse aura le même effet. Nous allons
page cave sous-rénal, qui n’a pratiquement pas de réper-
voir comment ce modèle permet de comprendre les clam-
cussion hémodynamique chez l’homme et qui, chez le
pages vasculaires digestifs et, en particulier, l’exclusion vas-
chien, entraîne une chute de débit cardiaque notable. De
culaire du foie (figure 14).
façon encore plus caricaturale, le clampage de la veine
porte chez le chien est mortel en moins d’une heure,

Clampages vasculaires
comme l’avait montré Claude Bernard [47] alors qu’il est
toujours bien toléré chez l’homme.

Considérations générales Clampages caves 


Le clampage veineux entraîne une augmentation des Chez l’homme les débits physiologiques au niveau de
résistances au retour veineux dans le territoire d’amont. La la VCI sous-rénale, sus-rénale et sus-hépatique sont évalués
baisse du retour veineux résultante sera proportionnelle : à 800, 2 000 et 3 500 mL/min approximativement chez un
• à la présence et l’efficacité des voies collatérales ; adulte de 70 kg dont le débit cardiaque serait de 5 L/min
• à la capacitance et à la compliance du territoire concerné. [48]. Nous ne nous étendrons pas sur les clampages de la
Un nouvel état d’équilibre est obtenu quelques minutes VCI sous-rénale toujours bien supportée chez l’homme [49]
après application du clampage (figure 14). On conçoit que et qui entraîne chez le chien une diminution de retour vei-
cet état d’équilibre ne peut exister que sous deux condi- neux de 25 %, une élévation de la pression cave d’amont
tions : de 30 mmHg et une diminution de la PAM de 12 % [50].
• il existe un drainage veineux de suppléance sinon l’élé-
vation des pressions veineuses atteindrait le niveau de la Clampage de la veine cave
pression artérielle moyenne (PAM) et entraînerait une
souffrance irréversible par congestion veineuse ;
inférieure sus-rénal 
• lorsque le territoire est à capacitance et compliance éle- Le clampage de la VCI sus-rénale est plus intéressant,
vées (foie, secteur splanchnique), il existe une vasocons- puisqu’en l’absence de la collatéralité, il diminuerait le
triction artérielle du territoire clampé limitant le retour veineux de 40 % chez l’homme [51]. En fait, les
stockage sanguin dans le territoire clampé. Sinon, un études cliniques retrouvent de plus faibles diminutions de
clampage dans un tel territoire entraînerait la mort par retour veineux : 32 % chez le sujet éveillé [52] et 20 % chez
collapsus sans état d’équilibre. En effet, l’ouverture de le patient sous anesthésie générale [53]. La pression
voies collatérales veineuses n’est suffisamment efficace d’amont dans la VCI augmentait à 20 mmHg et la PAM
que si le territoire clampé n’est pas très étendu et très diminuait de 13 à 19 %.

501
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Clampage de la veine cave alors que le foie augmente rapidement de taille. La mort
survient en moins d’une heure et l’autopsie révèle un foie
inférieure sus-hépatique  très augmenté de volume alors que la rate, les reins et l’in-
L’obstruction aiguë de la VCI sus-hépatique a été étu- testin sont presque normaux [56]. La mort de l’animal était
diée depuis longtemps chez le chien comme modèle de donc attribuée à « l’hémorragie » de la circulation géné-
choc [54]. Elle entraîne une chute brutale de la PAM autour rale vers le foie, cul-de-sac circulatoire très compliant et de
de 40 mmHg avec un pincement de la pression différen- très grande capacitance, comme nous l’avons dit dans la
tielle [55]. Les pressions dans la VCI en amont de l’obstacle première section. Cette très grande compliance du foie
et dans la veine porte s’élèvent modérément à 25 mmHg expliquait pourquoi le collapsus survenait sans augmenta-
tion majeure des pressions d’amont. Cette hypothèse sem-
blait confirmée par la disparition du collapsus en cas de
ligature de la VCI sus-hépatique chez des chiens porteurs
d’une constriction chronique de la VCI sus-diaphragma-
tique : des veines collatérales efficaces avaient eu le temps
A de se développer entre foie et système porte vers le sys-
tème cave supérieur et l’occlusion aiguë complète de la VCI
ne retentissait plus sur le retour veineux ni sur les pressions
d’amont [5].

Clampages des vaisseaux


hépatiques (figure 15)
La réalisation de la chirurgie hépatique avec clampage
vasculaire du foie a pour but de réduire le saignement,
connu comme facteur prédictif majeur de complications
postopératoires [57, 58]. De plus, la réalisation de cette chi-
rurgie, en particulier lors de la libération des secteurs pos-
térieurs du foie (figure 16) [59], conduit parfois à la
B luxation du foie, source de mauvaise perfusion ou mauvais
drainage hépatique, voire même baisse brutale du retour
veineux avec collapsus. C’est pour ces différentes raisons
qu’ont été développées les différentes techniques de clam-
page. Avant d’aborder la description de ces techniques et
leur retentissement, soulignons que la récupération hépa-
tique postopératoire dépend de trois paramètres princi-
paux :
• la qualité du parenchyme hépatique : un foie d’hépato-
pathie (stéatose, cholestase et surtout cirrhose) ne tolé-
rera pas la même résection hépatique ni la même durée
d’ischémie qu’un foie sain. Le foie stéatosique supporte
mal l’ischémie [60] et le foie cirrhotique, en plus de sa
mauvaise tolérance, régénère mal, d’où un risque de
défaillance hépatique postopératoire plus élevé. Pour
diminuer ce risque, on effectue des résections hépatiques
notables que chez des patients classés A dans la classifi-
cation de Child. Pour affiner ce risque, certains utilisent
la rétention du vert d’indocyanine, colorant éliminé
Figure 15 / Clampage pédiculaire (A) et exclusion vasculaire du foie (B) presque exclusivement par le foie, pour tenter de prédire
En plus du clampage pédiculaire, la veine cave inférieure est clampée
en dessous et au-dessus des veines hépatiques.
le taux de résection possible (tableau 1) [61]. Il faut savoir
que la qualité du parenchyme restant est très difficile à
évaluer. La présence d’une hypertension portale com-
plique souvent cette chirurgie même chez des patients
classés Child A [62] ;

Tableau 1 / Étendue de l’hépatectomie possible


chez des patients atteints de cirrhose (ASA I ou II)

Nombre de segments
ICG R15 (%) à préserver
> 40 et < 50 > 7,5
> 30 et < 40 > 7,0
> 20 et < 30 > 6,0
> 10 et < 20 > 5,0
> 10 > 3,0
ICG R15 : pourcentage de rétention plasmatique
à 15 minutes du vert d’indocyanine ;
Figure 16 / Segmentation hépatique (d’après Couinaud [59]) ASA : classsification
de l’American Society of Anesthesiology

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

• la quantité de parenchyme restant : il est habituellement à moins de 50 mmHg alors que la pression veineuse portale
admis que l’on peut enlever les 4/5e du parenchyme s’élève entre 30 et 50 mmHg. Le retour veineux diminue
hépatique fonctionnel sur foie sain sans risque d’insuffi- de plus de 60 % en quelques minutes. Le pooling splanch-
sance hépato-cellulaire. Le foie retrouvera son volume en nique est supérieur à 50 % du volume sanguin circulant.
quelques semaines par hypertrophie compensatrice des Ni un remplissage vasculaire massif ni une perfusion de
segments restants. L’évaluation du parenchyme restant vasopresseurs ne peut corriger le collapsus. Si le clampage
peut être un problème crucial, soit pour des tumeurs mal est maintenu puis levé avant la mort de l’animal, celle-ci
situées, par exemple dans les secteurs IV et V avec petit survient inéxorablement en quelques heures avec un
lobe gauche même si le foie est sain, soit pour des résec- infarctus mésentérique à l’autopsie. L’absence d’anasto-
tions sur foie cirrhotique [63] ; mose porto-cave spontanée chez cette espèce expliquait
• le temps d’ischémie chaude : il est habituellement admis les conséquences létales du clampage pédiculaire. En effet,
qu’un parenchyme sain peut tolérer des durées d’isché- si la ligature portale est progressive [71] ou si le sang portal
mie de 90 minutes. Ce délai est beaucoup moins bien est dérivé par un shunt vers la circulation systémique [72],
connu pour les hépatopathies ; surtout, il est très variable les animaux survivent.
en fonction du degré de l’hépatopathie (pourcentage de Il en va tout autrement chez une espèce plus proche de
stéatose ou gravité de la cirrhose). Chez certains patients l’homme : le macaque. Child et al. avaient montré que la
cirrhotiques à fonction hépatique conservée et sans ligature de la veine porte entraînait une baisse modérée
hypertension portale, un clampage pédiculaire hépa- de la PAM autour de 20 % avec une augmentation impor-
tique de 50 minutes a permis une diminution des pertes tante mais non létale de la pression portale entre 27 et
sanguines et une amélioration des résultats postopéra- 46 mmHg [73]. L’artériographie digestive montrait que le
toires [64]. Il faut surtout bien comprendre l’hétérogé- sang splanchnique, immédiatement après la ligature por-
néité des patients cirrhotiques Child A. Dans notre tale, regagnait la circulation systémique par des collaté-
expérience personnelle, on a effectué chez certains rales pelviennes. Dans le même article, ces auteurs
patients des clampages de plus d’une heure alors que rapportaient la ligature de la veine porte chez 5 patients
pour d’autres, une ischémie de plus de 30 minutes ne atteints d’un cancer inextipable : la PAM était peu modi-
paraissait pas envisageable. C’est dans la situation de foie fiée et la pression portale s’élevait à environ 30 mmHg.
pathologique que les clampages intermittents pourraient Tous survivaient à moyen terme.
avoir le plus d’intérêt [65].
Dans une étude plus systématique, Delva et al. ont étu-
Ces trois paramètres interagissent avec des facteurs dié les conséquences du clampage pédiculaire chez
extra-hépatiques : une coronaropathie, une cardiopathie, 33 patients (tableau 2) : la PAM augmentait toujours, en
une atteinte respiratoire peuvent compromettre l’hémo- moyenne de 21 %, le débit cardiaque diminuait de 15 %
dynamique hépatique et, par là-même, la récupération et les résistances vasculaires systémiques augmentaient de
postopératoire. Dans cet esprit, Ziser et al. [66] avaient 56 %. Ces modifications étaient stables durant les hépatec-
montré qu’une altération de la fonction rénale, cardiaque tomies, dont la durée atteignait parfois 60 minutes. Ces
ou respiratoire et une hypotension per-opératoire étaient variations étaient semblables chez les patients avec ou sans
des facteurs de morbi-mortalité chez des patients cirrho- cirrhose. Les auteurs expliquaient la baisse modérée du
tiques subissant une chirurgie abdominale. débit cardiaque par un faible pooling splanchnique, en
Il existe trois principales méthodes de clampage lors de raison d’un bon réseau porto-cave chez l’homme.
la chirurgie hépatique : les clampages sectoriels ou sélec- L’augmentation notable des résistances vasculaires systé-
tifs, les clampages pédiculaires et l’exclusion vasculaire du miques était expliquée par des phénomènes neuro-humo-
raux réflexes à point de départ des barorécepteurs
foie.
thoraciques et portaux. Il est en effet connu que la dimi-
nution du volume sanguin thoracique (ici lié à un certain
Clampages sectoriels degré de séquestration sanguine splanchnique) peut acti-
ver des barorécepteurs cardio-pulmonaires [74]. Surtout,
Dans le cas de clampages sectoriels segmentaires ou
la présence chez l’animal de barorécepteurs dans différents
hémi-hépatiques, seule une fraction de parenchyme hépa-
organes abdominaux (foie, veine porte, rate) est bien
tique est clampée. Les indications sont rares (certaines
connue [20]. L’activation de ces récepteurs augmenterait
tumeurs de petite taille localisées à un segment). Ces clam-
la pression artérielle systémique [75]. Ainsi la faible chute
pages sectoriels ne s’accompagnent pas de modifications
du débit cardiaque serait plus que compensée par une
hémodynamiques. Le fait que le foie restant ne subisse
réponse vasoconstrictrice systémique importante expli-
aucune ischémie est un avantage mais il faut savoir que les
quant l’augmentation constante de la PAM. Cette hypo-
clampages sélectifs d’un hémifoie exigent une dissection
thèse semble avoir été récemment confirmée par
hilaire avec un risque non nul de plaie vasculaire ou sur-
Lentschener et al. Ces auteurs ont observé les modifica-
tout biliaire. De plus, pour certains foies particulièrement
tions hémodynamiques et hormonales (vasopressine, adré-
pathologiques, tout geste sur le foie (ou même une lapa-
naline, noradrénaline, dopamine et rénine) au cours de
rotomie), par les modifications de l’hémodynamique hépa-
clampages pédiculaires chez trois groupes de patients :
tique qu’il entraîne [67, 68], peut précipiter le patient vers infiltration du pédicule avec xylocaïne, infiltration du pédi-
la défaillance hépatique. cule avec placebo, lidocaïne intramusculaire. Dans les deux
derniers groupes, la PAM augmentait significativement
Clampage pédiculaire hépatique lors du clampage pédiculaire hépatique (CPH) dans des
(figure 15A) proportions identiques à ce qu’avaient décrit Delva et al.,
puis retrouvait son niveau antérieur au clampage après le
Le clampage du pédicule hépatique (manœuvre de déclampage. L’adrénaline, la noradrénaline et surtout la
Pringle) consiste en un clampage en masse, sans dissection vasopressine plasmatique étaient significativement aug-
hilaire, de l’artère hépatique, du tronc porte et de la voie mentées 5 minutes après le CPH dans les deux derniers
biliaire principale. Bien que cette technique fût décrite en groupes puis retournaient à leur valeur contrôle après le
1908 chez l’homme dans un contexte traumatique [69], elle déclampage. En revanche, dans le groupe « infiltration
n’a eu de véritable développement que beaucoup plus pédiculaire par la lidocaïne », la PAM chutait dès la
tard principalement en raison des travaux expérimentaux 3e minute après le CPH, restait significativement plus basse
chez le chien [47, 70]. En effet, chez le chien, la PAM chute qu’avant le CPH durant toute la phase de clampage et res-

503
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Tableau 2 / Effets hémodynamiques du clampage pédiculaire hépatique (CPH) (d’après Delva et al. [47])

Avant CPH Pendant CPH %


FC (bpm) 82,6 ± 1,8 85,0 ± 2,1* ➚3±1
PAS (mmHg) 130 ± 3 152 ± 4* ➚ 18 ± 2
PAD (mmHg) 71 ± 2 87 ± 2* ➚ 24 ± 3
PAM (mmHg) 91 ± 2 109 ± 2* ➚ 21 ± 2
PAPm (mmHg) 14,1 ± 0,6 12,3 ± 0,6* ➘ 12 ± 3
PAPd (mmHg)** 8,2 ± 0,6 6,9 ± 0,5* ➘ 10 ± 5
IC (L/min/m2) 3,66 ± 0,15 3,02 ± 0,13* ➘ 17 ± 2
RVS 1 255 ± 62 1 831 ± 89* ➚ 48 ± 4
FC (bpm) : fréquence cardiaque (battements par minute) ; PAS : pression artérielle systolique ;
PAD : pression artérielle diastolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ;
PAPd : pression artérielle pulmonaire diastolique ; IC : indice cardiaque ; RVS : résistance vasculaire systémique ;
* p < 0,05 comparé avec la valeur avant CPH ; ** N = 42

tait abaissée 6 minutes après déclampage. De plus, vaso- tation hépatique [76] ou du contrôle sélectif des veines
pressine et adrénaline diminuaient significativement sus-hépatiques pour les hépatectomies [77], elle a encore
5 minutes après le CPH et restaient abaissées 5 minutes largement sa place lors de certaines transplantations
après déclampage. Ces données semblent corroborer l’hy- hépatiques ou hépatectomies majeures [80]. Ses répercus-
pothèse que l’augmentation de la PAM observée lors du sions hémodynamiques sont importantes, que l’EVF soit
CPH est médiée par un réflexe à point de départ pédicu- effectuée pour transplantation hépatique ou hépatecto-
laire. Les auteurs étaient plus prudents en ce qui concernait mie majeure [78, 79, 81]. Cette réponse hémodynamique
le rôle de la vasopressine et des catécholamines, leur aug- consiste en une réduction d’environ 50 % du débit car-
mentation lors du CPH pouvant être cause de l’augmenta- diaque, accompagnée d’une augmentation d’environ
tion de PAM (suite au CPH) ou deuxième conséquence du 80 % des résistances vasculaires systémiques et d’une
CPH indépendante de la première (l’augmentation de la baisse modérée de la pression artérielle (moins de 10 %).
PAM). Nous rapprochons du CPH l’exclusion vasculaire du Cette baisse modérée de pression artérielle se fait surtout
foie sans interruption du flux cave, comme il est parfois aux dépens de la pression artérielle systolique tandis que
possible de le faire [76, 77]. En effet, la répercussion hémo- la pression diastolique diminue peu ou même augmente
dynamique est à peu près la même. comme nous l’avions trouvé dans l’étude où nous avions
cherché à standardiser les conditions d’anesthésie et de
Exclusion vasculaire du foie remplissage [82]. Dans notre étude, la PAM ne variait pas
sans préservation du flux cave significativement 5 minutes après l’EVF mais tendait à
diminuer tout au long de l’EVF et cette diminution de
(figure 15B) PAM devenait significative à la 30e minute de l’EVF
(tableau 3).
• Description
Les autres répercussions hémodynamiques sont les sui-
des phénomènes hémodynamiques vantes : baisse très marquée de la précharge, que celle-ci
L’exclusion vasculaire du foie (EVF) associe au clampage soit appréciée par la pression veineuse centrale (PVC)
du pédicule hépatique le clampage de la VCI sous-hépa- (tableau 3), la pression pulmonaire d’occlusion (figure 17)
tique et de la VCI sus-hépatique. Elle isole le foie de tout ou la surface télédiastolique du ventricule gauche par
apport sanguin et permet l’exérèse de volumineuses l’échocardiographie transœsophagienne (figure 18). La
tumeurs proches de la VCI sans risque d’hémorragie mas- baisse de la surface télésystolique du ventricule gauche ne
sive ou d’embolie gazeuse [57, 78, 79]. Bien que cette compensait pas la baisse de la surface télédiastolique, de
technique soit un peu moins utilisée au profit du clam- telle sorte que la fraction de raccourcissement de surface
page latéral de la VCI rétro-hépatique pour la transplan- du ventricule gauche était significativement diminuée.

Tableau 3 / Conséquences hémodynamiques de l’exclusion vasculaire du foie (EVF)

Variable T0 T1 T2 T3 T4
FC (bpm) 80 ± 13 95 ± 21* 99 ± 22* 98 ± 26* 79 ± 15
PAS (mmHg) 115 ± 18 115 ± 19 102 ± 17* 92 ± 9* 95 ± 10*
PAD (mmHg) 64 ± 11 79 ± 14* 71 ± 12* 62 ± 8 50 ± 6*
PAM (mmHg) 83 ± 14 91 ± 14 83 ± 12 73 ± 8* 66 ± 8*
PVC (mmHg) 7 ± 3,1 2,9 ± 2,3* 2,7 ± 2,3* 2,7 ± 2,1* 8,1 ± 3,5
Données exprimées en moyenne ± écart type
T0 : avant EVF ; T1, T2, T3, : 5, 15 et 30 minutes après clampage ; T4 : 15 minutes après déclampage
FC : fréquence cardiaque ; PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ;
PAM : pression artérielle moyenne ; PVC : pression veineuse centrale ; * p < 0,05 versus T0

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

30 70

POAP (mmHg) IC (L/min/m2)


56
15 5
20
4 42

10
3 28
10

2
14
5

1
0 0
T0 T1 T2 T3 T4
0 0
T0 T1 T2 T3 T4 STDVG STSVG FRS

POAP IC Figure 18 / Modifications consécutives à l’exclusion


vasculaire du foie (EVF) (d’après Eyraud et al. [81])
Figure 17 / Évolution de la pression d’occlusion T0 : avant EVF ;
de l’artère pulmonaire (POAP) T1, T2, T3 : 5, 15 et 30 minutes après le début de l’EVF ;
et de l’index cardiaque (IC) (d’après Eyraud et al. [81]) T4 : 15 minutes après le déclampage ;
T0 : temps avant exclusion vasculaire du foie (EVF) ; STDVG et STSVG : surfaces télédiastolique
T1, T2, T3 : 5, 15 et 30 minutes après le début de l’EVF ; et télésystolique du ventricule gauche ;
T4 : 15 minutes après le déclampage. FRS : fraction de raccourcissement de surface.

L’augmentation de la fréquence cardiaque limitait le reten- mmHg IU


tissement de la chute du volume d’éjection sur le débit car- 100
140
diaque. Celui-ci chutait d’environ 50 % comme dans les
études précédemment citées. Au déclampage, la pression
artérielle restait significativement diminuée par rapport à 120
son niveau d’avant clampage, la précharge du ventricule 80
gauche, le débit cardiaque et la fraction de raccourcisse- 100
ment du ventricule gauche revenaient à son niveau d’avant
clampage ; cela traduisait un certain niveau de vasodilata- 60
80
tion au déclampage (figure 19), que nous avions attribué,
d’une part, à l’hémodilution (les patients ayant en général
besoin d’un remplissage volémique pendant l’EVF) et, 60 40
d’autre part, à un syndrome d’ischémie-reperfusion.
En fait, ces variations globales cachent de fortes varia- 40
tions interindividuelles. Le débit cardiaque baisse de 30 à 20
60 %, la PAM varie de +15 à –15 % 5 minutes après le 20
début de l’EVF et de –5 à –20 % 30 minutes après le début
de l’EVF. Différents éléments concourent donc à la tolé- 0 0
rance individuelle à l’EVF comme le volume sanguin circu- T0 T1 T2 T3 T4
lant et le développement des voies veineuse collatérales
porto-systémiques, porto-caves et cavo-caves. L’intensité PAS RVSI
de la réponse vasoconstrictrice intervient aussi, ce qui
explique que pour une même diminution de débit car- Figure 19 / Évolution hémodynamique
au cours de l’exclusion vasculaire du foie (EVF)
diaque, la PAM puisse se maintenir ou diminuer. Il faut
(d’après Eyraud et al. [81])
remarquer que la fonction myocardique joue également PAS : pression artérielle systolique ;
un rôle : sur cœur sain, l’augmentation de vasoconstriction RVSI : résistance vasculaire systémique indexée ;
générée pour maintenir la PAM n’a pas d’effet sur la fonc- T0 : avant EVF ; T1, T2, T3 : 5, 15 et 30 minutes après EVF ;
tion myocardique, donc sur le débit cardiaque. Au T4 : 15 minutes après déclampage.
contraire, en cas de myocardiopathie, l’augmentation de
postcharge retentit de façon importante sur la fonction
pompe du ventricule gauche donc sur le débit cardiaque. ces raisons que Delva et al. ont préconisé un test d’EVF
Le degré d’anesthésie joue un rôle à plusieurs niveaux : si avant le commencement de toute résection programmée
l’anesthésie (halogénés ou autre hypnotique vasodilata- idéalement pour être réalisée sous EVF [53], tant la tolé-
teur) est trop profonde, la réponse vasoconstrictrice sera rance à l’EVF est multifactorielle et largement imprévisible
insuffisante et la pression artérielle ne sera pas maintenue. en dehors de cardiopathies avérées. Les conditions que
De plus, de façon moindre, l’anesthésie interagit avec le nous nous imposons avant la réalisation de ce test sont :
volume sanguin circulant (distribution sanguine, com- un niveau de remplissage vasculaire élevé, évalué par les
pliance vasculaire) et la fonction myocardique. C’est pour pressions de remplissage sur la sonde de Swan-Ganz ou par

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

la surface télédiastolique du ventricule gauche grâce à des équipes sont assez réservées sur ce type d’approche.
l’échographie transœsophagienne. La fonction pompe est En effet, la plupart des études montrant un bénéfice ne
optimisée en diminuant ou en arrêtant les anesthésiques s’intéressent pas aux suites à moyen et long terme des
halogénés. La tolérance à l’EVF se juge après 5 minutes de patients. L’étude la plus intéressante sur le sujet, déjà
test, sur le maintien relatif de la PAM, une chute de moins ancienne [92], comparait deux centres de taille et d’exper-
de 60 % de l’index cardiaque. Le maintien de la saturation tise comparable et ayant l’un, une stratégie de remplissage
veineuse en oxygène (SvO2) au-dessus de 70 % est égale- normal haut (PVC entre 7 et 10 mmHg) et une utilisation
ment pour nous un bon indicateur de tolérance, indiquant minimale de vasopresseur, et l’autre une stratégie de res-
que la réserve d’extraction en oxygène des territoires exté- triction volémique avec une PVC inférieure à 5 mmHg et
rieurs au clampage (donc en particulier le cerveau et le une utilisation de vasopresseur pour garder une pression
myocarde) est loin d’être entamée. Ce test, effectué sans artérielle systolique supérieure à 90 mmHg. Le résultat
remplissage supplémentaire permet à l’équipe médico- était effectivement une épargne transfusionnelle dans le
chirurgicale de vérifier que l’exclusion du foie est
centre « à PVC basse » mais une augmentation du taux
complète. Si ce n’est pas le cas, le foie gonfle et l’état
d’insuffisance rénale postopératoire et surtout de morta-
hémodynamique se détériore très rapidement. Le chirur-
lité postopératoire. Une enquête récente [93] a cherché à
gien devra alors rapidement déclamper et lier la veine (dia-
évaluer les pratiques anesthésiques des centres de trans-
phragmatique, surrénalienne droite) qui s’abouche entre
les clamps. Cette épreuve de clampage permet de prédire plantation des États-Unis. Bien qu’une large palette
de façon fiable la tolérance ultérieure de l’EVF. Lorsque d’agents vasopresseurs était utilisée, l’usage de vasopres-
l’EVF est bien préparée, au niveau chirurgical et anesthé- seur était d’autant moins fréquent que le programme était
sique, elle est tolérée. Sur plus de 200 EVF, nous n’avons important. Cela peut laisser penser que plus le centre est
renoncé qu’une seule fois à l’EVF après un test mal toléré, expérimenté, plus son recours aux agents vasopresseurs est
chez une patiente de 78 ans hypertendue, atteinte d’une restreint. La nécessité du recours à une CEC veino-veineuse
cardiopathie hypertrophique. a aussi été l’occasion de nombreuses publications en trans-
plantation hépatique. Aucune n’a montré un réel bénéfice
L’EVF a plusieurs avantages en chirurgie hépatique. en termes d’épargne sanguine ou de meilleure fonction
Tout d’abord, elle permet des résections de tumeurs hépa- rénale postopératoire [94]. Elles ne s’intéressaient ni à la
tiques, au contact de la VCI rétro-hépatique ou du
mortalité postopératoire, ni à la durée de séjour en réani-
confluent des veines sus-hépatiques, qui ne seraient pas
mation et comportaient de nombreux biais. La technique
résécables sans cette technique. Par ailleurs, elle autorise
du Piggy-Back avec ou sans shunt porto-cave transitoire a
un champ opératoire absolument exsangue, ce qui permet
depuis simplifié considérablement la question des cliniciens
au chirurgien d’effectuer son geste dans des conditions
optimales, à la fois carcinologique et technique (visualisa- même si sa supériorité n’a pas plus été démontrée [95] !
tion des canaux biliaires et des pédicules vasculaires). Cette La moindre tolérance du patient cirrhotique à l’EVF met
technique permet aussi de refroidir le foie (puisqu’il est au premier plan la capacité de vasoconstriction de l’orga-
isolé de la circulation) en le perfusant par l’artère avec une nisme dans ce phénomène. En effet, les shunts porto-caves
solution réfrigérée de sérum physiologique par exemple, sont particulièrement développés dans cette population et
l’effluent sortant par une incision de la VCI rétro-hépatique on ne voit pas pourquoi la proportion des shunts porto-
entre les deux clamps [83]. Cette technique a été remise au caves supérieurs serait différente de celle de la population
goût du jour car elle permet, seule, d’effectuer des actes
non cirrhotique. Ce sont donc probablement des méca-
chirurgicaux, longs et complexes sur la VCI rétro-hépatique
nismes neuro-hormonaux et de réactivité vasculaire qui
ou le confluent cavo-sus-hépatique [83-85]. La préservation
sont en jeu dans la tolérance à l’EVF. Nous allons mainte-
hypothermique du foie restant permet même d’effectuer
nant les passer en revue.
des hépatectomies majeures sur des foies pathologiques,
qui ne supporteraient pas une durée d’ischémie normo-
thermique continue longue ou une période d’instabilité • Descriptions des phénomènes
hémodynamique liée à un saignement [86]. neuro-hormonaux au cours de
Il en va différemment des EVF pour transplantation
l’exclusion vasculaire du foie
hépatique. Dans le cas où une EVF sans préservation du Il est habituellement admis [96, 97] que le maintien de
flux cave est requise, ce qui est rare, nous avons fréquem- la pression artérielle systémique repose sur trois systèmes :
ment recours à une assistance veino-veineuse, parce que le le système sympathique, lui-même partagé en deux com-
test d’EVF est mal toléré dans environ 10 % des cas. Cette posantes nerveuse (baroréflexe) et hormonale (noradréna-
tolérance hémodynamique du malade dépend aussi pro- line, adrénaline et dopamine sécrétées par les surrénales),
bablement de la tolérance de l’anesthésique devant la le système rénine-angiotensine et le système vasopressine.
modification hémodynamique liée à l’EVF. C’est ainsi Sous anesthésie générale, le baroréflexe est altéré et ce
qu’une équipe a rapporté 94 transplantations hépatiques
sont les autres composantes qui régulent la pression arté-
consécutives pratiquées sous EVF, sans préservation du flux
rielle. Pour déterminer les mécanismes en jeu dans l’adap-
cave, sans assistance [87]. D’autres équipes, au contraire,
tation hémodynamique à l’EVF, nous avions mesuré les
installent leur patient sous circulation extracorporelle
concentrations plasmatiques de ces hormones avant,
(CEC) dans plus de 30 % des cas [88]. En dehors de facteurs
inhérents à l’équipe médicale, il est admis qu’il existe une pendant et après EVF (tableau 4). Malgré la très forte
certaine proportion de patients greffés pour cirrhose chez baisse de précharge induite par l’EVF, l’activité rénine
qui les résistances vasculaires systémiques augmentent plasmatique était stable, alors que l’adrénaline, la nora-
peu. Et il est par ailleurs connu que la réponse vasculaire drénaline et surtout la vasopressine augmentaient signifi-
vasoconstrictrice à la noradrénaline et à l’angiotensine II cativement. Le taux de vasopressine était multiplié par 4
est atténuée chez des patients cirrhotiques [89, 90]. La dès la 5e minute de clampage. Au déclampage, noradré-
question du recours « facile » à l’administration d’agents naline, adrénaline et vasopressine retournaient à leur
vasoactifs n’a jamais été formellement tranchée. Bien que valeur contrôle d’avant clampage. Plusieurs interprétations
régulièrement des articles rapportent des expériences [91] étaient proposées :
positives sur ce type d’anesthésie, maintenant des pressions • le système rénine-angiotensine n’est pas déclenché lors
de remplissage basses, une hémodynamique systémique d’une EVF bien tolérée, probablement parce que la pres-
respectée et des pertes sanguines plus faibles, la plupart sion de perfusion de l’artère rénale est maintenue ;

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

Tableau 4 / Répercussion hormonale de l’exclusion vasculaire du foie (EVF)

Hormone T0 T1 T2 T3 T4
AVP (pg/mL) 8 ± 10 31 ± 26* 35 ± 28* 18 ± 22 9 ± 11
ARP (ng/mL) 4±3 4±3 5±3 6±4 6±4
Adrénaline (pg/mL) 175 ± 128 347 ± 292 471 ± 370* 384 ± 400 235 ± 167
Noradrénaline (pg/mL) 595 ± 366 1 226 ± 1 045 1 758 ± 1 445* 1 523 ± 1 149* 935 ± 892
Dopamine (pg/mL) 225 ± 193 237 ± 123 246 ± 168 282 ± 137 303 ± 235
T0 : avant EVF ; T1, T2, T3 : 5, 15 et 30 minutes après le début de l’EVF ; T4 : 15 minutes après le déclampage (n = 22)
AVP : arginine vasopressine ; ARP : activité rénine plasmatique

• les systèmes vasopressine et catécholaminergique dans le système porte : l’occlusion du flux veineux mésen-
plasmatiques sont au premier plan dans l’adaptation térique active le système sympathique et déclenche une
hémodynamique à l’EVF. Des arguments puisés dans la forte réponse systémique [20]. C’est l’augmentation de
littérature contribuaient à cette interprétation : pression portale qui déclenche le système [15] ; la réponse
Lentschener et al. [65], en inhibant cette réponse hormo- systémique à une distension du lit veineux splénique est
nale, supprimaient aussi la tolérance à un simple clam- abolie par la section du nerf splénique [19]. Ces travaux,
page pédiculaire. Cependant, pour pouvoir assurer cette ainsi que celui de Lentschener, plaident pour l’origine
dernière affirmation, il aurait fallu mesurer la réactivité splanchnique du déclenchement de la sécrétion hormo-
du baroréflexe, ce que nous n’avions pas fait. Or, même nale. Dans le cas de l’EVF, nous avions émis l’hypothèse que
si le baroréflexe est probablement altéré comme dans la chute brutale de la POD aurait pu déclencher la sécré-
toute anesthésie, il n’est peut-être pas aboli, puisque jus- tion posthypophysaire de vasopressine, mécanisme connu
tement on allège l’anesthésie avant l’EVF, ce que l’on ne sous le nom de réflexe de Henry-Gauer [74, 100].
fait pas avant un clampage pédiculaire. De prochaines L’augmentation rapide d’hormone natriurétique plasma-
études permettront de préciser le rôle du baroréflexe et tique (ANP) juste après l’EVF, sa redescente progressive
peut-être de confirmer l’importance du système vaso- pendant l’EVF et sa forte diminution lors du déclampage
pressine. plaident pour un rôle important de l’oreillette dans l’EVF
(figure 20).
Il est intellectuellement séduisant de placer la vasopres-
sine au centre du dispositif d’adaptation parce que cette
hormone si puissamment vasoconstrictrice exerce son effet Clampages associés
sur la circulation mésentérique préférentiellement [98, 99].
Or le chapitre précédent nous a bien montré que c’était ce de l’aorte sus-cœliaque
dont avait besoin le système circulatoire pour maintenir un
équilibre à un niveau adéquat de pression et de débit dans
et de la veine cave inférieure
la partie supérieure du corps : la vasoconstriction splanch- La ligature de l’aorte sus-cœliaque associée à la ligature
nique préférentielle limite la séquestration sanguine, donc de la VCI permet de prévenir chez le chien un collapsus
limite la baisse de précharge du ventricule gauche, et mortel, par séquestration sanguine dans le territoire
maintient une pression de perfusion dans le cerveau et le splanchnique [56]. C’est dans cet esprit que Heaney [101]
myocarde sans diminuer leur débit de perfusion (peu de avait proposé cette association pour la chirurgie hépa-
vasoconstriction de ces organes). L’origine du mécanisme tique : diminuer la séquestration splanchnique et mainte-
neuro-hormonal se trouve probablement principalement nir la PAM.

EVF

ä Pression portale æ Pression veineuse


centrale
Sécrétion de
catécholamines et de
vasopressine

Ouverture de veines ä Résistance artérielle


collatérales (porto-cave et systémique (surtout
cavo-caves (inf → sup)) splanchnique)

1. Limitation de la séquestration sanguine dans le territoire


splanchnique et cave inférieur
Figure 20 / Schéma intégré
de l’adaptation hémodynamique 2. Maintien de la pression artérielle systémique et du débit
de perfusion du territoire cave supérieur
à l’exclusion vasculaire du foie (EVF)

507
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Clampage isolé de l’aorte • redistribution du sang de la partie inférieure du corps


vers la partie supérieure. De plus, l’exclusion du compar-
sus-cœliaque (figure 21) timent hépato-splanchnique, à constante de temps basse
Le clampage de l’aorte thoracique descendante a deux (transit long du sang) diminue la résistance au retour vei-
effets principaux sur le système circulatoire [101, 102] : neux. Il y a davantage de sang dans le territoire vascu-
• élévation brutale de la postcharge qui abaisse la courbe laire à faible constante de temps et moins dans le
de fonction cardiaque et donc le débit cardiaque pour territoire à constante de temps élevé : le retour veineux
un même niveau de contractilité et pour une même pré- augmente d’autant que le territoire supérieur est moins
charge. Sur cœur sain, il y a une augmentation réflexe de compliant et que la pression circulatoire moyenne du cir-
contractilité visant à maintenir le volume d’éjection sys- cuit non splanchnique est augmentée.
tolique ; Ces observations ont un prérequis capital : un cœur
sain. Sinon l’augmentation de postcharge induit une dimi-
nution de contractilité et une augmentation des pressions
Co
lla de remplissage. L’augmentation de POD limitera alors le
tér
ale retour veineux. En fait, même les expérimentations ani-
s
males ne sont pas aussi formelles sur l’augmentation du
VCS débit cardiaque lors d’un clampage de l’aorte thoracique.
Stockland et al. [102] ont étudié chez le chien les consé-
quences sur la fonction ventriculaire gauche, le débit car-
diaque et sa distribution entre la VCI et la veine cave
Ao supérieure (VCS), la veine azygos étant liée dans cette
Clampage étude. Le débit cardiaque baissait de 18 % et se redistri-
VG aorte sus- buait en grande partie dans le territoire de la VCS dont le
cœliaque débit augmentait de 155 %. Dix pour cent du débit car-
diaque revenait encore par la VCI, fait attribué aux artères
collatérales (mammaire, épigastrique, etc.). La pression sys-
tolique ventriculaire gauche augmentait de 80 % et la
pression télédiastolique augmentait de 3 à 8 mmHg. Le
volume d’éjection systolique ne variait pas de façon signi-
Foie Compartiment ficative. L’interprétation donnée était que la redistribution
splanchnique du sang vers le territoire supérieur augmentait le volume
autre qu’hépatique télédiastolique du ventricule gauche mais que le
Figure 21 / Effet du clampage de l’aorte sus-cœliaque mécanisme de Frank-Starling était contrebalancé par l’aug-
(d’après Stockland et al. [90]) mentation de postcharge. Même sur cœur sain, l’augmen-
En pointillés : état contrôle avant clampage. tation brutale et majeure de postcharge ne pourrait être
En plein : après clampage. complètement compensée par une augmentation de pré-
VCS : veine cave supérieure ; VG : ventricule gauche ; Ao : aorte. charge et de contractilité [103]. Celle-ci n’était d’ailleurs
pas finement étudiée. Deux remarques permettent de
recadrer ces résultats dans l’analyse théorique rapportée
en début de chapitre : ces animaux sont anesthésiés et ont
Col été opérés d’une chirurgie majeure (thoraco-phrénotomie)
laté et il n’est pas exclu qu’il existe dans ces conditions un cer-
rale
s tain degré d’altération de fonction cardiaque. De plus, la
ligature azygos a pu limiter le retour veineux du territoire
de la VCI. Quoiqu’il en soit, ces résultats expérimentaux
sont assez proches de ceux retrouvés chez des patients opé-
rés d’anévrysme de l’aorte thoracique, dont on sait que la
fonction cardiaque est souvent altérée [104].

Ao Clampage associé
VG de l’aorte sus-cœliaque
et de la veine cave inférieure
Stockland et al. ont étudié l’association du clampage de
l’aorte thoracique descendante et de la VCI intrathora-
cique. Le débit cardiaque chute alors de 73 % et devient
égal au débit de base de la VCS. Les pressions systolique et
diastolique du ventricule gauche ne varient pas. Le clam-
page veineux permet donc une adaptation du volume cir-
Foie
Intestin culant au nouveau circuit, « amputé » par le clampage
artériel, selon des caractéristiques de pression inchangées
Figure 22 / Clampage de l’aorte sus-cœliaque associé et un débit adapté au territoire distribué (figure 22).
à l’exclusion vasculaire du foie (EVF)
Le clampage de l’aorte sus-cœliaque associé limite la séquestration Chez l’homme, la technique du quadruple clampage a
dans le territoire splanchnique, donc la baisse du débit cardiaque, connu un regain d’intérêt dans les années 1990 pour des
et augmente les résistances artérielles. Sur cœur sain, la pression cas très spécifiques de chirurgie hépatique majeure [105]
artérielle au-dessus du clampage aortique augmente. La taille du
mais a été abandonnée depuis. Les répercussions de ce
cœur est plus petite que lors de l’EVF seule. La taille du
compartiment non abdominal est à peu près la même type de clampage ont été bien étudiées par Delva et al.
qu’en situation contrôle mais la pression y est plus élevée. [53]. Le débit cardiaque chute de 41 % alors que la PAM et
VG : ventricule gauche ; Ao : aorte. les résistances vasculaires systémiques augmentent respec-
tivement de 33 et 140 %. Les pressions de remplissage ne

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

varient pas significativement. Par rapport à l’EVF seule


(figure 23), le clampage associé diminuait moins le débit
cardiaque grâce à un meilleur retour veineux et augmen-
tait la PAM. Le fait que le débit cardiaque restait supérieur
au débit habituellement attribué au seul territoire cave
supérieur, contrairement aux observations de Stockland,
s’expliquait par une plus grande redistribution du sang
dans le territoire cave supérieur ; en effet, dans la situation
clinique d’EVF associée au clampage de l’aorte sus-
cœliaque, le foie est totalement exclu de la circulation au
niveau veineux et artériel et, en outre, le système azygos,
réseau collatéral majeur entre les deux systèmes caves,
n’est pas clampé, ce qui n’était pas le cas dans le travail de
Stockland. Pendant la période de quadruple clampage, les
modifications hémodynamiques restent stables. À la levée
des clamps veineux, toujours réalisée en premier, le retour
veineux augmente brutalement, entraînant une augmen- VG
tation des pressions de remplissage, du débit cardiaque et
de la PAM. Le déclampage aortique qui doit être fait pro-
gressivement entraîne une chute importante de PAM, le
plus souvent de courte durée. Delva notait cependant que
même si l’association du clampage sus-cœliaque à l’EVF
améliorait la PAM, la tolérance cardiaque était parfois
médiocre avec augmentation importante des pressions de
remplissage, apparition d’extrasystoles et d’une régurgita-
tion mitrale [53]. Il est clair, pour ces raisons et les raisons
théoriques que nous avons énoncées plus haut, que le qua-
druple clampage doit être réservé à des patients ayant une
fonction cardiaque strictement normale. De plus, le clam-
page aortique sus-cœliaque entraîne une ischémie beau- Figure 23 / Exclusion vasculaire du foie (EVF) seule :
séquestration splanchnique plus importante
coup plus importante du territoire splanchnique, mais
qu’en cas de clampage associé de l’aorte sus-cœliaque
surtout une baisse du débit sanguin rénal de 85 % (aug- En pointillés : situation avant EVF. VG : ventricule gauche.
mentation du risque de nécrose tubulaire sur rein patho-
logique) et du débit de la partie inférieure de la moelle
épinière de plus de 90 % (possibilité de paraplégie si l’ar-
tère d’Adamkievicks naît au-dessous du clampage). Enfin,
le retentissement sus-strictural du clampage sus-cœliaque effet est probablement transitoire après l’induction anes-
expose au risque d’hypertension intracrânienne [106] si thésique et n’a de conséquence que chez des patients pré-
l’augmentation de la pression artérielle est importante, sentant une pathologie hépatique [108]. Les nouveaux
l’autorégulation du débit sanguin cérébral étant altérée produits utilisés pour l’entretien de l’anesthésie entraîne-
sous anesthésie. En fait, il n’a d’intérêt que dans une situa- raient même une augmentation du débit artériel hépa-
tion exceptionnelle : énorme tumeur hépatique ou rénale tique, à l’instar de l’isoflurane [109]. La laporotomie, en
avec envahissement de la VCI où les trois clampages pédi- revanche, réduit de façon notable le débit sanguin hépa-
culaire, VCI sus- et sous-hépatique ne parviennent pas à tique [67]. D’autres événements comme l’hypovolémie
exclure le foie de la circulation. induisent une chute globale du débit splanchnique en
raison de la sécrétion endogène rapide d’hormones
vasoactives (catécholamines, angiotensine, vasopressine)

Circulation entraînant une vasoconstriction diffuse du territoire


splanchnique [110]. Cela conduit à une redistribution volé-
hépato-splanchnique mique vers les organes tels le cerveau et le cœur qui ont
une faible réserve d’extraction en oxygène et une très
dans des situations courte tolérance à l’ischémie. Comme nous l’avons déjà
exposé, la capacité de vasoconstriction du territoire
cliniques autres que splanchnique est sans commune mesure avec n’importe

les clampages digestifs


quel autre territoire de l’organisme [111] et même lorsque
l’équilibre hémodynamique « normovolémique » a été
rétabli, cette vasoconstriction peut subsister dans certains
Nous ne reviendrons par sur les difficultés méthodolo- territoires. Si l’ischémie se prolonge, une nécrose villosi-
giques à mesurer en pratique le débit splanchnique et taire survient, augmentant la perméabilité intestinale et
hépatique [26]. De très nombreuses situations rencontrées pouvant permettre la translocation de bactéries intesti-
en clinique sont susceptibles de modifier le débit sanguin nales ou de toxines [112].
splanchnique et hépatique. Nous souhaiterions exposer
quelques-unes d’entre elles souvent rencontrées en anes-
thésie-réanimation, susceptibles d’influer sur la circulation Remplissage vasculaire
splanchnique.
Les modifications de volémie ont un impact majeur sur
le débit sanguin splanchnique, quelle que soit leur origine :
Anesthésie et chirurgie hémorragie [113] ou pantalon anti-choc [114]. Même une
petite hémorragie, rapidement contrôlée entraîne une
Si les agents anesthésiques peuvent agir sur le débit réduction du débit sanguin splanchnique chez des sujets
sanguin splanchnique par effet inotrope négatif et modi- sains. L’effet de la volémie circulante sur le débit sanguin
fication de l’effet tampon de l’artère hépatique [107], cet splanchnique n’a jamais été étudié en réanimation pour

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

des raisons méthodologiques mais il semble que le remplis- déjà précaire, comme une anastomose, vers la nécrose.
sage vasculaire améliore le pH intramuqueux gastrique, L’effet cardiaque ou rénal bénéfique devra donc être mis
très dépendant du débit sanguin splanchnique [115], chez en balance judicieusement avec l’effet splanchnique délé-
les patients de réanimation [116]. tère. Chez un patient jeune, sans risque vasculaire cérébral
ou cardiaque, c’est la circulation digestive qui devient la
circulation à risque lors d’une chirurgie digestive et qui
Agents catécholaminergiques  doit être préservée.

Les catécholamines exogènes reproduisent l’effet des La discussion entre restriction volémique per-opératoire
catécholamines endogènes. Dans les études expérimen- (avec utilisation d’un vasopresseur) et remplissage vascu-
tales, la stimulation des récepteurs alpha-adrénergiques laire (sans nécessité d’utilisation de vasopresseur) est tou-
par la dopamine, la noradrénaline et l’adrénaline aug- jours d’actualité entre les fervents défenseurs du régime
mente les résistances vasculaires rénale et viscérale et dimi- « plutôt sec », qui serait protecteur contre l’œdème tissu-
nue les débits sanguins de ces deux régions [117]. Les effets laire et épargnerait les pertes sanguines en chirurgie hépa-
de la dobutamine dépendent de l’équilibre entre la tique, et les partisans du régime « normovolémique » qui
vasoconstriction médiée par les récepteurs alpha et la vaso- épargnerait toutes les autres circulations. Là encore, même
dilation médiée par les récepteurs bêta [118]. La dopéxa- des études récentes et bien conduites [128] ne sont pas
mine, qui possède des effets b-2 et dopaminergiques mais vraiment capables de dire quel but doit être recherché, et
pas d’effet a semble avoir des effets bénéfiques sur la cir- avec quel monitorage. Ce qui est en revanche frappant est
culation splanchnique [119]. le remplissage vasculaire per-opératoire dans les études de
chirurgie digestive de nos collègues européens ou améri-
Les catécholamines sont souvent utilisées en réanima- cains : le groupe dit « sec » reçoit des volumes qui sont
tion en cas de défaillance circulatoire mais leur effet sur la jugés comme « standard » par la plupart des équipes fran-
circulation splanchnique ne peut pas tout à fait être prédit çaises, et le groupe dit « normovolémique » reçoit des
par leurs caractéristiques pharmacologiques seules ou apports qui seraient jugés excessifs [129].
extrapolé à partir d’études expérimentales. En effet, en
réanimation, leur effet peut être modifié, par exemple, par
la “down-regulation” des récepteurs. Ainsi, chez les Vasodilatateurs
patients présentant une insuffisance cardiaque chronique,
la dopéxamine augmente le débit sanguin splanchnique, L’effet des vasodilatateurs sur le débit splanchnique est
ce que ne permet ni la dopamine ni la dobutamine [120]. plus controversé [130]. Mais là encore, des études expéri-
Après chirurgie cardiaque, dobutamine et dopamine aug- mentales incitent à la prudence : l’adénosine et l’isopréna-
mentent significativement le débit sanguin splanchnique line peuvent induire un phénomène de vol au sein de la
[121] mais, malgré cette nette augmentation, le pH intra- circulation intestinale par redistribution du flux sanguin
muqueux gastrique (pHi) est diminué ou n’est pas corrigé. [1]. Quant aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, soit
Ces effets sont encore plus nets en cas de bas débit car- ils réduisent de façon très faible le débit hépato-splanch-
diaque [122]. En revanche, la dobutamine corrige le pH nique, soit ils n’ont pas d’effet en cas de défaillance car-
intragastrique de patients septiques [123]. Il semble donc diaque [131]. Après chirurgie cardiaque, l’énalapril n’aurait
que la pathologie sous-jacente à l’état critique puisse aucun effet ni sur le débit cardiaque ni sur le débit hépato-
influencer la réponse de la circulation splanchnique aux splanchnique mais réduirait le pHi gastrique [132].
drogues vasoactives. La cause de la diminution du pHi mal-
gré une augmentation de débit splanchnique n’est pas
claire. Il se pourrait que leur effet ne soit pas uniforme sur Hyperpression
l’ensemble de cette circulation : dans un modèle de choc
endotoxinique chez le porc, les résistances vasculaires du intra-abdominale
côlon étaient très augmentées après perfusion de dopa-
L’importance de la pression intra-abdominale (PIA)
mine ou de noradrénaline alors que le reste de la circula-
comme marqueur pronostique en réanimation a été remis
tion splanchnique était respecté [124]. Surtout, il est
en valeur récemment [133]. Plusieurs facteurs contribuent
fondamental d’avoir présent à l’esprit que les effets des
à diminuer la perfusion splanchnique dans cette situation,
drogues vasoactives peuvent avoir des effets très différents
à des valeurs de PIA très variables d’un sujet à l’autre mais
sur la microcirculation malgré des effets similaires sur la
pouvant apparaître dès 10 mmHg [134]. Le mécanisme est
distribution sanguine dans les gros vaisseaux [125]. Des
rapporté sur la figure 24. L’augmentation de PIA peut se
études expérimentales sur la péritonite corroborent ce
rencontrer dans de nombreuses situations : pancréatite
concept : l’administration de dobutamine entraîne plus de
nécrotico-hémorragique, hémorragie intra- ou rétro-péri-
lésions hépatiques que l’administration de dopéxamine,
tonéale, sepsis intra-abdominal, distension gazeuse ou
pour une augmentation de débit cardiaque similaire [126].
œdémateuse de l’intestin, fermeture abdominale sous ten-
Les catécholamines peuvent aussi modifier de façon impor-
sion après chirurgie abdominale. Dans certains cas, une
tante l’activité de nombreuses voies métaboliques du foie
indication opératoire formelle est posée pour traiter la
et donc modifier par ce biais le débit sanguin splanchnique
cause intra-abdominale. Dans d’autres cas, il s’agira surtout
et sa distribution [127]. Pour toutes ces raisons, les caté-
de contrôler les facteurs susceptibles de diminuer la perfu-
cholamines peuvent induire des modifications de la perfu-
sion abdominale : optimisation du débit cardiaque, dimi-
sion régionale et entraîner un déséquilibre entre la
nution des pressions intrathoraciques si le patient est en
demande métabolique de certaines régions et leur apport
ventilation mécanique, déplétion hydrosodée lorsque cela
en oxygène et en nutriments. Aussi, dans la période péri-
est possible.
opératoire d’une chirurgie digestive, leur administration
doit être bien réfléchie, davantage que dans toute autre Le tableau 5 rapporte l’effet des principales autres
situation. En effet, tout vasoconstricteur agira en premier situations pathologiques sur les débits sanguins hépatique
lieu sur la circulation splanchnique, et la vasoconstriction et splanchnique. Nous ne détaillerons pas le sepsis abordé
induite peut faire basculer une zone muqueuse à perfusion dans un autre chapitre.

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Circulation hépato-splanchnique et physiologie des clampages digestifs 45

Distribution sanguine
préférentielle dans le
PIA territoire supra-aortique

Compression de la VCI Compression des


organes abdominaux
Élévation du
diaphragme

Déclenchement
Compression thoracique du SRA
cardiaque
Figure 24 / Retentissement d’une aug- ææ Précharge
mentation de pression intra-abdominale ä Postcharge
(PIA) sur la circulation splanchnique
PAM : pression artérielle moyenne ;
DSS : débit sanguin splanchnique ; æ PAM ææ DC
VCI : veine cave inférieure ;
SRA : système rénine-angiotensine ;
PPA : pression de perfusion abdominale ; æ PPA
DC : débit cardiaque. æ DSS

Tableau 5 / Situations cliniques pouvant entraîner des modifications du débit sanguin hépatique

Situation Débit artériel Débit portal Débit total


Hypotension ➘➘ ➘
Saignement ➘ ➘➘ ➘➘
Choc cardiogénique ➘ ➘➘ ➘➘
Sepsis → → →
a1-mimétiques ➘ ➘ ➘➘
Dopa (dose d) ➚ ➚ ➚
Hypercapnie ➘ ➘ ➘
Anesthésie (isoflurane)
Laparotomie ➘ ➘ ➘
Hyperpression abdominale → ➘➘ ➘➘
Hyperpression OD (EP, PEEP intempestive) ➘ ➘➘ ➘➘
Dose d : dose dopaminergique ; OD : oreillette droite ; EP : embolie pulmonaire ; PEEP : pression télé-expiratoire positive

Conclusion dulatrice ne doit intervenir qu’une fois les pertes volé-


miques « correctement » compensées : malgré tous les pro-
grès réalisés dans le monitorage de la précharge cardiaque,
Une bonne connaissance de la physiologie de la circu- force est de reconnaître que la volémie optimale relève
lation splanchnique est indispensable pour la prise en
autant de l’expérience du clinicien que de valeurs hémo-
charge des patients les plus graves en anesthésie-réanima-
dynamiques même obtenues de façon dynamique avec des
tion, et en particulier en traumatologie et en chirurgie
épreuves thérapeutiques. La réanimation des patients les
digestive ou hépatique. En effet, le clinicien est souvent
enclin à favoriser la PAM aux dépens de tout autre para- plus graves nous aide à comprendre que la circulation
mètre, comme le fait l’organisme en situation critique. Or, splanchnique peut être au cœur des problèmes à moyen
en dehors de situations spécifiques, neuro- ou cardio-chi- terme et qu’il faut savoir trouver un compromis à court
rurgicales, ou chez des patients clairement identifiés coro- terme entre une pression artérielle « suffisante » et une
nariens, l’aide principale que peut apporter le médecin à perfusion splanchnique optimale. Les prochaines années
l’organisme malade est l’ajustement du milieu intérieur, en nous apporterons probablement des outils pour apprécier
particulier de la volémie. L’adjonction de thérapie vasomo- mieux la perfusion splanchnique en pratique clinique.

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PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

46
Métabolisme
• Rappels anatomiques
• Métabolisme hépatique
hépatique
• Détoxification hépatique
• Explorations Fabrice Michel, Claude Martin
Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique,
Hôpital Timone 2, Université Aix-Marseille, Marseille

Rappels anatomiques Le lobule est composé de 80 % d’hépatocytes dont l’or-


ganisation en travées (travées de Remak) constitue une
barrière fonctionnelle entre la lumière des canalicules
Le foie pèse de 1 300 à 1 600 g. Il occupe la loge sous- biliaires et les capillaires sinusoïdes. De plus, la proximité
phrénique droite et la région épigastrique. C’est un organe des hépatocytes avec la bile et le sang permet des
intrapéritonéal. Il est divisé en deux lobes principaux droit échanges actifs modifiant leur composition. Le pôle baso-
et gauche par le ligament falciforme. Du lobe droit sont latéral de la cellule est en rapport avec l’endothélium des
individualisés deux lobes plus petits, les lobes carré et capillaires sinusoïdes. L’espace qui sépare ces deux struc-
caudé séparés par le hile du foie. La segmentation hépa- tures est appelé espace de Disse, ou espace périsinusoïdal.
tique d’après Couinaud se fait en 8 segments selon la sys- À ce niveau, les hépatocytes forment des microvillosités qui
tématisation portale et des veines sus-hépatiques augmentent la surface d’échange. L’endothélium des capil-
(figure 1). laires sinusoïdes forme des pores permettant au plasma de
passer librement dans l’espace de Disse. C’est à ce niveau
La connaissance de l’anatomie des voies biliaires et de
que peuvent être captées les macromolécules circulantes
la vascularisation hépatique est indispensable à la compré-
provenant du sang systémique ou veineux porte.
hension des fonctions hépatiques.
Les canalicules biliaires, où est initialement sécrétée la
Le foie est doté d’une double vascularisation. La veine
bile, sont formés, au pôle apical de la cellule, par la jonc-
porte draine le sang veineux provenant du tube digestif,
tion de plusieurs hépatocytes. Ils forment un réseau dense
de la rate et du pancréas ; elle pénètre dans le foie par le
en trois dimensions convergeant vers les canaux biliaires
hile et se ramifie pour former les branches de la veine
qui permettent de drainer la bile, en sens inverse du sang,
porte. L’artère hépatique propre apporte au foie du sang
vers le hile hépatique (figure 2).
artériel. Elle pénètre également par le hile et se divise pour
donner naissances à des branches de l’artère hépatique qui On trouve également dans le foie les cellules de Kupffer
circulent parallèlement aux vaisseaux portes. Les canali- qui sont des macrophages situés sur la paroi libre de l’en-
cules biliaires naissent, eux, dans le parenchyme hépatique. dothélium des capillaires sinusoïdes. Ils ont pour fonction
Ils se drainent dans les canaux biliaires qui eux aussi circu- de phagocyter toute matière étrangère de façon à l’élimi-
lent parallèlement aux vaisseaux portes et confluent pour ner de la circulation sanguine. Enfin, dans l’espace de
donner la voie biliaire principale qui sort du foie par son
hile. Dans le foie, la bile circule à contre-courant du sang.
L’unité fonctionnelle du foie est le lobule hépatique
(figure 2). Sa structure complexe est en rapport direct avec
la vascularisation et avec les nombreuses fonctions méta-
boliques et glandulaires endocrines et exocrines du foie. La
section transversale du lobule hépatique est classiquement
représentée sous la forme d’un hexagone. À chaque angle,
à l’extérieur de l’hexagone, se trouve la section d’une
branche de l’artère hépatique, d’une veine du système
porte et d’un canal biliaire (triade portale). Ces vaisseaux
et les canaux biliaires circulent dans l’espace séparant les
différents lobules hépatiques appelé espace porte. De ces
vaisseaux naissent des capillaires sinusoïdes qui pénètrent
dans le lobule. Les réseaux capillaires veineux porte et arté-
riel s’anastomosent et se drainent dans une veine centro-
lobulaire située au centre du lobule (figure 2). Les veines
centro-lobulaires convergent pour former les trois veines
sus-hépatiques supérieure, moyenne et inférieure drainant Figure 1 / Les 8 segments hépatiques
le sang hépatique vers la veine cave inférieure.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

hépatique. Le pôle basolatéral de la cellule est en


contact étroit avec les capillaires sanguins (dits sinu-
soïdes). L’espace qui les sépare est appelé espace de
Disse, lieu d’échanges intenses et permanents entre
le secteur plasmatique et l’hépatocyte.

Métabolisme hépatique
Le foie reçoit du système porte les petites molécules
produites par la digestion. Il intervient dans le métabo-
lisme des glucides, des protéines et des lipides. Il joue un
rôle clé dans le métabolisme énergétique puisqu’il est
capable de stocker ou de distribuer aux tissus les substrats
énergétiques.

Métabolisme des lipides,


des acides et sels biliaires
(figure 3)
Figure 2 / Schéma de l’architecture hépatique Les lipides sont une source énergétique majeure de l’or-
Les flèches indiquent le sens de circulation : centripète, se drainant ganisme. Après absorption, ils sont émulsionnés dans le
dans la veine centro-lobulaire pour le sang artériel, et centrifuge tube digestif au contact de la bile et en partie hydrolysés
pour la bile formée au sein du tissu hépatique et drainée par la lipase pancréatique. Les acides gras et les monogly-
vers les canaux biliaires. cérides ainsi formés s’associent aux sels biliaires et devien-
nent des micelles qui pénètrent dans la cellule. Les acides
gras à chaîne courte ou moyenne sont transportés vers le
foie par le système porte. À partir des acides gras à chaîne
longue et de glycérol, les enzymes de la cellule intestinale
Disse, se trouvent également les cellules d’Ito qui sont impli- resynthétisent des triglycérides. Ils s’associent à des phos-
quées dans le métabolisme et le stockage de la vitamine A pholipides, du cholestérol et des protéines pour former de
ou la synthèse de molécules du secteur extracellulaire. Il est très grosses particules lipoprotéiques appelées chylomi-
aussi fort probable que ces cellules soient capables de se crons. Ces chylomicrons passent dans le vaisseau chylifère
transformer en fibroblastes et de produire alors du colla- de la villosité et empruntent ainsi la voie lymphatique qui
gène. De ce fait, elles pourraient participer aux phéno- les amène, par le canal thoracique, dans la circulation
mènes physiopathologiques conduisant à la cirrhose. générale. Au contact de l’endothélium capillaire du tissu
Dans l’espace porte, un riche réseau artériolaire nais- adipeux, par l’intermédiaire d’une lipoprotéine lipase (LPL)
sant des branches de l’artère hépatique forme un plexus extracellulaire, les triglycérides vont être en partie trans-
formés en acides gras libres (AGL) et glycérol. Les acides
de capillaires autour des canaux biliaires. Ils se drainent
gras sont ainsi distribués directement aux cellules pour leur
ensuite dans la branche de la veine porte. Ces plexus péri-
métabolisme énergétique ou stockés dans les adipocytes.
biliaires permettent là aussi des échanges bidirectionnels
Les « restes » de chylomicrons (appelés aussi remnants de
entre le secteur plasmatique et la bile.
chylomicrons) sont donc appauvris en triglycérides et pro-
Le foie occupe une place stratégique dans le système portionnellement plus riches en cholestérol. Ils s’enrichis-
circulatoire puisqu’il reçoit tout le sang provenant du tube sent également en apoprotéine B et E puis sont transportés
digestif sous-diaphragmatique ainsi que du sang de la cir- jusqu’au foie. Au niveau basolatéral de la membrane de
culation artérielle systémique. Il joue un rôle de filtre dont l’hépatocyte, plusieurs récepteurs spécifiques captent les
les buts sont d’épurer le sang de nombreuses substances restes de chylomicrons qui entrent dans la cellule par endo-
toxiques endogènes et exogènes (xénobiotiques), et d’éli- cytose où ils sont dégradés dans les lysosomes. Les acides
miner toute particule étrangère à l’organisme. Par ailleurs, gras obtenus par la dégradation de ces restes comme ceux
il va jouer un rôle essentiel dans le métabolisme du glu- entrés directement dans l’hépatocyte serviront à la forma-
cose, des lipides et des protides. tion d’acétyl CoA, substrat énergétique pour l’hépatocyte,
ou, s’ils ne sont pas utilisés dans ce sens, à celle d’acide
acéto-acétique destiné au métabolisme énergétique d’au-
L’unité fonctionnelle hépatique est représentée par tres organes (cœur, cerveau, rein, muscle). Cependant, les
le lobule hépatique, qui regroupe des hépatocytes acides gras dans l’hépatocyte peuvent aussi être ré-estéri-
vascularisés par des branches de l’artère hépatique fiés en triglycérides pour être stockés ou relargués dans la
et des branches du système porte. Ces deux réseaux circulation à destination des autres tissus. Ce transport se
s’anastomosent pour se drainer dans la veine cen- fait alors sous la forme de lipoprotéines de très basse den-
tro-lobulaire. Les veines centro-lobulaires confluent sité (VLDL pour very low density lipoproteins) qui associent
vers les veines sus-hépatiques qui se drainent dans les triglycérides, le cholestérol et les phospholipides. La syn-
la veine cave inférieure. Au sein du lobule naissent thèse des VLDL est réalisée de façon continue par les cel-
les canalicules biliaires formés par l’agencement en lules hépatiques, permettant la sécrétion permanente des
canaux des hépatocytes au niveau de leur pôle api- triglycérides de synthèse endogène. Naturellement, cette
cal. À ce niveau, la cellule sécrète de nombreuses synthèse augmente considérablement après les repas, pour
substances constitutives de la bile ainsi que les revenir à un état basal à jeun. C’est la lipoprotéine lipase
déchets du métabolisme ou les substances toxiques. extracellulaire au contact des capillaires qui hydrolyse les
La bile se draine vers les canaux biliaires et circule triglycérides des VLDL. Des édifices plus petits, enrichis en
en sens inverse du sang pour se diriger vers le canal apoprotéines B et E, se restructurent autour des esters de

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Métabolisme hépatique 46

cholestérol et des molécules restantes de triglycérides. Les


« restes » de VLDL ainsi formés sont des édifices plus petits
que les VLDL, appelés lipoprotéines de densité moyenne
(IDL pour intermediate density lipoproteins) ou b-VLDL
hépatiques. Leur métabolisme les conduit soit à être captés
directement par l’hépatocyte, par des récepteurs spéci-
fiques différents de ceux captant les restes de chylomi-
crons, soit à être dégradés en lipoprotéines de basse
densité (LDL pour low density lipoproteins) par la lipase
hépatique. Les LDL, riches en cholestérol et phospholipides,
peuvent être captés par les cellules de l’organisme où ils
serviront au métabolisme des cellules mais la majeure par-
tie est, elle aussi, captée au niveau de la membrane baso-
latérale de l’hépatocyte par des récepteurs (LDL
récepteurs) spécifiques.
La dégradation des chylomicrons et des VLDL au niveau
des cellules endothéliales va libérer également du cholesté-
rol, des phospholipides et des apoprotéines qui vont
conduire à la formation des lipoprotéines de haute densité
(HDL pour high density lipoproteins). Ces HDL s’enrichissent
également en cholestérol non estérifié issu des membranes
cellulaires des tissus périphériques. Une enzyme plasmatique
d’origine hépatique, la LCAT (lecithin cholesterol acyltrans-
ferase), permet l’estérification du cholestérol excédentaire
de ces particules. Le cholestérol peut être transféré aux LDL
ou aux VLDL, permettant son retour vers le foie (les HDL
sont souvent qualifiées de « bon cholestérol »).
Le foie est donc la plaque tournante du métabolisme
du cholestérol (figure 3). Ce dernier est utilisé par l’orga-
nisme dans la synthèse des membranes cellulaires, dans le
renouvellement des épithéliums ou pour la synthèse des
Figure 3 / Métabolisme des lipoprotéines
hormones stéroïdiennes, mais le devenir de la plus grande
IDL : intermediate density lipoprotein (lipoprotéine de densité moyenne) ;
partie du cholestérol est son excrétion dans la bile soit LDL : low density lipoprotein (lipoprotéine de faible densité) ;
directement soit, surtout, après avoir été transformé en VLDL : very low density lipoprotein (lipoprotéine de très faible densité) ;
acide biliaire. Les acides biliaires primaires sont l’acide cho- HDL : high density lipoprotein (lipoprotéine de haute densité).
lique et l’acide chénodésoxycholique, tous les deux synthé-
tisés à partir du cholestérol. Ils sont conjugués dans le foie
avec le glycocolle ou la taurine pour faire les sels biliaires
primaires – glycocholate, glycochénate, taurocholate et
taurochénate – plus solubles que leur acide correspondant. hépatique puis au niveau rénal. La vitamine E se présente
Ces sels sont excrétés dans la bile vers l’intestin. Ils sont des sous deux formes après absorption digestive : a et g-toco-
cofacteurs indispensables à l’action de la lipase pancréa- phérol. Les deux formes sont différenciées dans le foie ou
tique au cours de la digestion des lipides, dans le duodé- l’a-tocophérol est distribué dans la circulation au sein des
num et le jéjunum. Dans l’iléon, sous l’action des bactéries VLDL et le g-tocophérol est excrété dans la bile. La vita-
intestinales, les sels biliaires sont déconjugués. L’acide cho- mine K, dont le rôle essentiel est d’intervenir dans la syn-
lique est partiellement transformé en acide désoxycholique thèse des facteurs de coagulation, est soit apportée par
et l’acide chénique en acide lithocholique. Ce sont des l’alimentation (vitamine K1 d’origine végétale) soit produite
acides biliaires secondaires. Les acides biliaires primaires et par les bactéries intestinales (Escherichia coli). Son métabo-
secondaires sont réabsorbés dans l’iléon et transportés par lisme est le même que les autres vitamines liposolubles.
la veine porte vers le foie. Tous les acides biliaires recaptés
par le foie sont reconjugués comme les acides biliaires pri-
maires, sauf l’acide lithocholique qui est sulfoconjugué ou Le foie reçoit les acides gras à chaîne courte ou
réoxydé en ursodésoxycholate, acide biliaire tertiaire. Les moyenne apportés par le système porte directement
sels biliaires primaires et secondaires qui en sont issus sont du tube digestif. Il capte également les lipoprotéines
excrétés à nouveau dans la bile : cette voie métabolique circulantes (restes de chylomicrons et LDL) qu’il
est le cycle entéro-hépatique des sels biliaires. Une faible métabolise pour donner du cholestérol et des trigly-
proportion d’acide biliaire est également excrétée dans les cérides. Une partie de ces derniers peut être utilisée
fèces. Il faut également noter que 50 % du cholestérol à des fins énergétiques tandis que le cholestérol sert
excrété dans la bile peut être réabsorbé par l’intestin grêle
à la formation de la bile. D’autre part, le foie synthé-
avec le cholestérol alimentaire.
tise les VLDL qui repartent dans la circulation à des-
tination des muscles et du tissu adipeux. Les LDL
Le foie intervient enfin dans le métabolisme des vita- sont captés spécifiquement par l’hépatocyte et sont
mines liposoluble. Les vitamines A, D, E et K, après absorp- source de cholestérol. Le cholestérol sert à la forma-
tion par le tube digestif, sont intégrées aux chylomicrons ou tion des acides biliaires primaires qui sont transfor-
VLDL. La vitamine A, après captation par le foie des restes més dans le tube digestif après excrétion de la bile
de chylomicrons, est transportée dans les sinusoïdes, liée à en acides biliaires secondaires. Ils sont ensuite réab-
la retinol-binding protein (RBP) et être soit stockée dans les sorbés et transportés jusqu’au foie par l’intermé-
cellules d’Ito soit transformée en acide rétinoïque servant à diaire du système veineux porte. Le foie peut alors
la phototransduction au niveau rétinien. La vitamine D, les ré-excréter dans la bile (cycle entéro-hépatique).
d’origine alimentaire comme celle synthétisée par la peau, Les vitamines liposolubles A, D, E et K sont métabo-
doit être activée d’abord par le cytochrome P450 au niveau lisées par le foie et transportées par les VLDL.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Rôle dans le métabolisme la glycogénogenèse au cours du jeûne (hormone hypergly-


cémiante), et l’insuline, qui la favorise dans les périodes
des glucides postprandiales (hormone hypoglycémiante). L’adrénaline
a également un rôle hyperglycémiant. Le glucose peut être
Le foie est, avec le muscle, l’un des organes essentiels utilisé pour la synthèse d’autres molécules énergétiques de
dans le métabolisme glucidique puisqu’il est capable de réserve : les acides gras. Cette lipogenèse débute par une
stocker ou de libérer du glucose dans le sang en fonction glycolyse partielle qui conduit au pyruvate et au citrate au
des besoins métaboliques de l’organisme. Les hexoses, sein de la mitochondrie. Lorsque les besoins énergétiques
dont le glucose est le principal représentant, sont issus de de la cellule sont comblés, la charge importante en ATP
la digestion des polysaccharides apportés par l’alimenta- inhibe le cycle de Krebs, provoquant la sortie du citrate de
tion. Ils sont absorbés par l’entérocyte puis transportés au la mitochondrie. Celui-ci est alors utilisé pour la synthèse
foie par le système veineux porte. Le glucose est capté par des acides gras qui sont eux-mêmes stockés sous forme de
le foie par un récepteur spécifique : le récepteur GLUT-2, triglycérides. Ces réactions sont réalisées au niveau des
qui est présent en grande quantité si de l’insuline est sécré- hépatocytes et des adipocytes.
tée après absorption de glucose. Si, au contraire, la glycé-
Bien qu’importantes, les réserves en glycogène seraient
mie est basse, GLUT-2 est quasiment absent des
rapidement épuisées si elles étaient la seule source d’éner-
membranes cellulaires. Le fructose et le galactose sont éga-
gie. Le foie est le seul organe (avec le rein de façon acces-
lement captés par l’hépatocyte.
soire) à pouvoir synthétiser du glucose à partir de
Le foie peut stoker le glucose par polymérisation sous précurseurs non glucidiques. C’est la néoglucogenèse. Les
la forme de glycogène (figure 4) (glycogénogenèse). Le substrats principaux à cette synthèse de glucose sont prin-
glycogène est un polysaccharide ramifié (grâce à l’enzyme cipalement le lactate, certains acides aminés (l’alanine en
branchante). Ses ramifications lui assurent une meilleure particulier) et le glycérol libéré par la lipolyse.
solubilité et facilitent sa dégradation par les enzymes de
la glycogénolyse. Il peut être synthétisé et stocké au niveau
Le glucose absorbé par le tube digestif est capté par
des cellules musculaires. Le fructose et le galactose peuvent
l’hépatocyte par des récepteurs spécifiques dont le
également servir à la synthèse de glycogène en utilisant
nombre est augmenté par l’insuline. Le fructose et
des voies métaboliques propres à l’hépatocyte. Si les
le galactose sont également captés par le foie. Le
besoins en glucose de l’organisme augmentent, le foie
glucose peut être stocké sous la forme de glycogène
peut alors effectuer la réaction inverse, à savoir libérer du
(glycogénogenèse). En cas de besoin énergétique
glucose à partir du glycogène. Les deux réactions sont
important, le glycogène peut être dégradé en glu-
consommatrices d’adénosine triphosphate (ATP), aussi la cose (glycogénolyse). Le foie régule ainsi la glycé-
régulation doit être extrêmement rigoureuse, en fonction mie sous l’action de deux hormones principales : le
des besoins de la cellule. Le rôle du foie est de maintenir glucagon (hyperglycémiante) et l’insuline (hypogly-
une glycémie autour de 5 mmol/L. Au niveau hépatique, cémiante). Lorsque les stocks de glycogène sont suf-
les mécanismes de glycogénogenèse et de glycogénolyse fisants, le glucose peut être utilisé pour la synthèse
sont contrôlés par deux hormones : le glucagon, qui inhibe d’acides gras, eux-mêmes stockés sous forme de tri-
glycérides (lipogenèse). Le glucose peut également
être synthétisé par le foie à partir de molécules non
glucidiques comme le lactate, le glycérol ou certains
acides aminés (néoglucogenèse).

Rôle dans le métabolisme


des protides
Le foie est capable de synthétiser des protéines qui ont
un rôle physiologique capital comme l’albumine ou les fac-
teurs de la coagulation, mais il est capable également de
dégrader les acides aminés non utilisés par l’organisme.
Après absorption par le tube digestif, les acides aminés
sont directement captés par le foie à partir des capillaires
sinusoïdes. Cette étape se fait grâce à des transporteurs
transmembranaires Na+ dépendants. Au contraire du glu-
cose, les acides aminés ne peuvent pas être stockés. Ils doi-
vent impérativement être utilisés immédiatement ou
dégradés par l’hépatocyte.
L’albumine est la protéine plasmatique la plus abon-
dante. Elle joue un rôle de transporteur de molécules mais
elle est également responsable du maintien de la pression
oncotique plasmatique. Le foie produit environ 10 g/j d’al-
bumine. D’autres molécules de transport vont être synthé-
tisées comme la céruloplasmine, la transferrine,
l’hémopexine, la growth hormone binding protein, le glu-
tathion (GSH) ou la RBP (tableau 1). Les facteurs de la
Figure 4 / Structure du glycogène
coagulation, en dehors du facteur Willebrand et du VIIIC,
Le glycogène est un polymère des molécules de glucose.
La glycogène synthase et l’enzyme branchante permettent cette synthèse sont aussi synthétisés par le foie. Il s’agit des facteurs vita-
et, inversement, la glycogène phosphorylase et l’enzyme débranchante mine K dépendants (II, VII, IX et X) et vitamine K indépen-
permettent de libérer du glucose à partir du glycogène. dants (V, VIII, XI, XII, fibrinogène et XIII). À l’opposé, des
facteurs anticoagulants sont aussi synthétisés par le foie

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Métabolisme hépatique 46

comme l’antithrombine III, les protéines C et S. Les apopro-


téines des lipoprotéines, la protéine C réactive et l’a2- Tableau 1 / Principales protéines synthétisées par le foie
microglobuline sont également synthétisées par le foie
Albumine
(tableau 1). Lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour la biosyn- Céruloplasmine
thèse de protéines, d’hormones ou de nucléotides, les Transferrine
acides aminés peuvent être dégradés pour fournir de Ferritine
l’énergie. La déamination oxydative conduit à la formation CBG (corticoïd biding globulin)
Protéines de transport GH binding protein
d’acétyl CoA, de pyruvate ou de citrate qui vont permettre Haptoglobine
d’alimenter la voie de la néoglucogenèse. L’alanine est par- Hémopexine
ticulièrement impliquée dans cette voie qui permet la pro- Retinol-binding protein
duction de glucose entre les repas. La déamination conduit Protéine de liaison de la vitamine D
Autres globulines
par ailleurs à la formation d’ammoniac, extrêmement
toxique pour l’organisme mais qui est dégradé par une Fibrinogène
série de réactions aboutissant à la formation d’urée (cycle Protéines de la coagulation Facteurs de la coagulation sauf VIII
Procoagulantes Protéines C et S
de l’urée). L’urée sort de l’hépatocyte par l’intermédiaire Anticoagulantes Antithrombine III
d’une aquaporine puis est éliminée par voie rénale. Une Plasminogène
petite partie de l’ammoniac est utilisée pour la synthèse Apolipoprotéines A, B, C, D et E
de glutamine.
Fibrinogène
Protéines de phase inflammatoire a1-antitrypsine
Les acides aminés apportés par la digestion sont cap- Protéine C réactive
tés par l’hépatocyte grâce à des transporteurs trans-
membranaires. Ils ne peuvent pas être stockés et a-fœto-protéine
Autres protéines Facteurs du complément C1, C3, C6
sont soit dégradés, soit utilisés pour la synthèse pro- Haptoglobine
téique. Le foie synthétise l’albumine, protéine la plus
abondante du plasma aux rôles physiologiques mul-
tiples, mais également d’autres transporteurs, un
grand nombre des facteurs intervenant dans les phé-
nomènes de coagulation et dans leur régulation, les
apoprotéines des lipoprotéines ou bien encore la qui est ainsi créé sert de moteur à d’autres transporteurs
protéine C réactive, l’a2-microglobuline, etc. Les actifs permettant le transfert d’acides aminés, de bicarbo-
acides aminés peuvent également servir à la syn- nates, d’ions H+ et même d’acides biliaires. En plus de ces
thèse d’hormones ou de nucléotides. La déamina- pompes et canaux habituels, l’hépatocyte est doté de sys-
tion conduit à la formation de citrate et de pyruvate tèmes de transport transmembranaire plus spécifiques.
qui vont permettre d’alimenter la voie de la néoglu- C’est le cas, par exemple, du transporteur NTCP (Na-tauro-
cogenèse. cholate cotransporting polypeptide) qui prend en charge
certains sels biliaires mais également des stéroïdes, l’aman-
tidine ou la phalloïdine en échange d’ion Na+. Les trans-

Détoxification hépatique porteurs OATP-1 et OATP-2 (organic anion transport


protein 1 et 2) participent aussi au transport des acides
biliaires ou d’autres anions organiques. L’OATP-2 trans-
Notre environnement fait que nous sommes exposés en porte également des prostaglandines et le thromboxane
permanence à des substances exogènes potentiellement B2. Il est d’ailleurs présent dans de nombreuses cellules de
toxiques. La détoxification hépatique se fait en plusieurs l’organisme. La bilirubine circulante, produit de dégrada-
étapes ; tout d’abord par la captation des molécules tion de l’hème, est également transportée dans l’hépato-
toxiques par l’hépatocyte. Ensuite celles-ci sont transpor- cyte. Si OATP-1 peut prendre en charge en partie la
tées et métabolisées au sein de l’hépatocyte puis éliminées bilirubine, il existe un second transporteur qui est la bili-
par sécrétion dans la bile ou dans le sang. De très nom- translocase, présente au niveau de la membrane basolaté-
breuses substances peuvent ainsi être prises en charge, rale. Cette protéine sert aussi de transporteur à l’acide
métabolisées et éliminées par le foie. C’est le cas des molé- nicotinique et à la rifampicine. Il existe encore d’autres
cules endogènes (comme les sels et acides biliaires réabsor- transporteurs comme les OCT (organic cations transpor-
bés par l’intestin grêle, la bilirubine, la choline ou la ting, de type I ou II) qui transportent les cations orga-
thiamine) mais aussi de molécules exogènes comme les niques. Ceux-ci peuvent être des amines aliphatiques ou
médicaments (par exemple cholinergiques, anesthésiques aromatiques (antibiotiques ou anesthésiques locaux par
locaux, certains antibiotiques, paracétamol), les polluants, ex.), mais aussi des molécules endogènes (choline, thia-
les solvants, les colorants, les pesticides et herbicides, etc. mine, etc.).
Avant de les métaboliser, l’hépatocyte doit récupérer
les toxiques dans le sang circulant. Cela se passe au niveau Le traitement des molécules à éliminer peut ensuite se
des capillaires sinusoïdes. La perméabilité de ces derniers faire de différentes façons. Si de nombreuses substances
et les villosités du pôle basolatéral des hépatocytes font de endogènes peuvent être directement intégrées aux lyso-
l’espace de Disse une zone d’échanges intenses entre le somes où elles seront complètement digérées, de multiples
sang et l’épithélium hépatique. Si certaines substances xénobiotiques au caractère souvent très hydrophobe
peuvent diffuser librement du sang vers le cytoplasme, le seront pris en charge par un processus de détoxification
transfert des molécules toxiques est largement augmenté qui se déroule en trois phases. La phase 1 de cette biotrans-
par différents mécanismes actifs. formation, ou phase de fonctionnalisation, consiste à ren-
dre la molécule plus polaire en introduisant une fonction
Comme toutes les cellules, les hépatocytes possèdent chimique nouvelle (– OH, NH2, COOH). Ce sont le plus sou-
les systèmes de transport transmembranaire les plus cou- vent des réactions d’oxydation, catalysées par les cyto-
rants. Les pompes Na/K par exemple, au niveau de la mem- chromes P450, mais qui peuvent être parfois des réactions
brane apicale et d’une partie de la membrane basolatérale, de réduction, d’hydrolyse, d’époxydation, de désamina-
permettent de maintenir des concentrations intracellu- tion, de déshalogénation ou de désalkylation. Les cyto-
laires basses en Na+ et hautes en K+. Le flux entrant de Na+ chromes P450 sont des mono-oxygénases essentielles dans

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

la fonction de détoxification. Elles sont situées principale- • le syndrome de Crigler-Najjar lié à un déficit congénital
ment dans le réticulum endoplasmique et sont constituées en uridine diphosphate glucuronosyl transférase (UDPG
d’une partie protéique et d’un groupement prosthétique transférase) à l’origine d’un ictère néonatal et d’une
(hème) liés à un atome de fer. Leur action ne se limite pas encéphalopathie par hyperbilirubinémie ;
à la biotransformation des toxiques puisqu’elles intervien- • le syndrome de Dubin-Johnson, dû à l’absence d’un trans-
nent dans le métabolisme de très nombreux composants porteur canaliculaire de la bilirubine (canalicular multiple
endogènes, par exemple l’hydroxylation des stéroïdes, des organic anion transporter) responsable d’un ictère à bili-
vitamines A et D et des acides biliaires. rubine essentiellement conjuguée.
La phase 2, ou phase de conjugaison, permet d’ajouter L’activité de certaines enzymes impliquées dans les bio-
à la molécule un radical hydrophile facilitant alors son transformations peut être différente selon les individus et
transport et son élimination biliaire ou urinaire. La conju- chez les mêmes individus selon qu’ils prennent ou non cer-
gaison des xénobiotiques avec l’acide b-glucuronique est tains médicaments. Tous les individus n’ont pas le même
la plus fréquente des réactions de cette phase. L’enzyme équipement enzymatique et la vitesse de métabolisation
qui catalyse cette conjugaison est l’uridine diphosphate des médicaments peut varier. Un des exemples les plus
glucuronosyl transférase (UDPG transférase). Elle intervient connus est celui de l’acétylation de l’isoniazide : chez les
dans le métabolisme des phénols ou de la bilirubine. La acétyleurs rapides, sa demi-vie est de 1 heure et chez les
bilirubine libre, insoluble, doit être conjuguée pour être acétyleurs lents de 3 heures. L’activité des enzymes varie
soluble, puis transportée par l’albumine dans le plasma et aussi physiologiquement au cours du développement.
éliminée dans la bile et les urines. Le paracétamol est aussi Chez le nouveau-né et plus encore chez le prématuré, la
éliminé sous forme glucuronoconjuguée. La morphine est métabolisation des médicaments peut être plus lente que
partiellement glucurono conjuguée. Cette conjugaison ne chez l’adulte.
la rend pas inactive mais facilite son élimination urinaire
Certains médicaments peuvent aussi modifier l’activité
et empêche son passage à travers la barrière hémato-
enzymatique des hépatocytes (tableau 2). On parle d’inhi-
méningée.
bition enzymatique lorsqu’un médicament réduit l’activité
Les sulfotransférases permettent la conjugaison à l’ion d’une enzyme. Ainsi, l’action des cytochromes P450 peut
sulfate de certains stéroïdes, des catécholamines, de l’alcool être diminuée par le valproate de sodium, la cimétidine,
ou de certains composants carcinogènes. D’autres réactions l’érythromycine, la carbamazépine ou le ritonavir. Des
de conjugaison pourront intervenir comme la conjugaison substances non médicamenteuses retrouvées dans l’ali-
au glutathion par la glutathion-S-transférase (métabolisme mentation peuvent également avoir un rôle inhibiteur.
d’hydrocarbures aromatiques), la méthylation (métabo- C’est le cas de la naringénine que l’on retrouve dans le jus
lisme de la nicotine), l’acétylation (métabolisme des sulfa- de pamplemousse. Cette substance ralentit le catabolisme
mides ou de l’isoniazide), la glycoconjugaison (conjugaison de certains médicaments comme les anticalciques, le mida-
au glycocolle de certaines substances aromatiques) ou zolam ou la cyclosporine, élevant leur concentration san-
encore la gluthamoconjugaison (conjugaison à la gluta- guine.
mine).
Inversement, d’autres médicaments sont susceptibles
Ces deux phases ne sont pas obligatoires et certaines d’accroître l’activité des systèmes enzymatiques. C’est l’in-
molécules ne subiront que l’une ou l’autre de ces réactions. duction enzymatique. Les principales molécules impliquées
Il est important de noter que ces systèmes de détoxification sont le méprobamate, le phénobarbital, la carbamazépine
n’atteignent pas forcément leur but et, dans certains cas, ou la rifampicine. Les conséquences peuvent être une inhi-
la biotransformation des molécules peut conduire à la for- bition de l’activité de la molécule elle-même ou d’une
mation d’une molécule plus toxique que le composant ini- autre molécule ayant les mêmes voies cataboliques. Par
tial. Le benzopyrène (hydrocarbure polycyclique inhalé exemple, la rifampicine diminue l’action du cortisol ou de
dans la fumée de tabac) subit une époxydation dans le foie certains contraceptifs oraux par augmentation de leur
qui aboutit à un produit plus cancérigène que le substrat : dégradation.
dans ce cas, la phase 1 conduit à une augmentation de la
En pathologie humaine, les crises de porphyrie peuvent
toxicité de la molécule (protoxique).
être déclenchées par des inducteurs enzymatiques. Les
La phase 3 consiste à évacuer les composés hydrophiles porphyries sont des maladies génétiques liées à un déficit
dans la bile. Cela est réalisé par transport actif des compo- enzymatique entravant la synthèse de l’hème. Chez les
sés grâce à des systèmes enzymatiques capables de prendre patients qui en sont atteints, l’emploi de certains médica-
en charge des molécules très variées et, en particulier, de ments inducteurs de l’acide amino-lévulinique synthétase
nombreux médicaments, modifiant ainsi leur action. Parmi (enzyme qui catalyse une étape initiale de la synthèse de
ces enzymes, on retrouve les MDR (multidrug resistance l’hème) va provoquer en aval une accumulation de por-
proteins). MDR1 et MDR3 sont présentes au niveau de la phyrines (précurseurs de l’hème) responsables des crises.
membrane des cellules canaliculaires mais leurs actions L’expression clinique peut varier de façon importante
sont en réalité très différentes. Alors que MDR1 participe selon le déficit enzymatique. Le centre français des por-
activement à l’élimination des xénobiotiques, MDR3 est un phyries propose un outil en ligne permettant d’identifier
système permettant l’enrichissement de la bile en phos- les molécules contre-indiquées dans cette pathologie
pholipides, composant indispensable de la bile. (http://www.porphyrie.net). En anesthésie, la kétamine et
L’élimination des molécules après conjugaison peut être l’étomidate sont à proscrire. Le midazolam, le desflurane
assurée par d’autres systèmes échangeurs d’ions. Le pas- ou le propofol sont utilisables, comme le sont aussi la mor-
sage direct de certaines molécules par diffusion est aussi phine, le sufentanil, le fentanyl, l’alfentatil ou le rémifen-
possible. De nombreuses pathologies par déficit enzyma- tanil. L’atracurium, le cisatracurium, le rocuronium ou la
tique de ces systèmes ont été décrites : succinylcholine sont également autorisés. Il faut se souve-
• le syndrome gris (grey syndrome) survenant chez les nir que le paracétamol par voie intraveineuse ne peut pas
enfants recevant du chloramphénicol et ayant de faibles être administré alors que la forme orale est possible (sans
capacités de glucuronidation ; dépasser 3 g/j).

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Métabolisme hépatique 46

Tableau 2 / Principaux cytochromes (CYP), principes actifs à marge thérapeutique étroite


et métabolisés par ces CYP, inhibiteurs et inducteurs

CYP Principes actifs Inhibiteurs Inducteurs


Clozapine Énoxacine
1A2 Théophylline Fluvoxamine
Répaglinide
2CB Gemfibrozil Alcool (en prise chronique)
Rosiglitasone
Tabac
Fluoxétine, paroxétine Millepertuis
Flécaïnide, propafénone
2D6 Quinidine
Métoprolol Thioridazine Anticonvulsivants
Carbamazépine
Ergotamine Phénobarbital
Dihydroergotamine Jus de pamplemousse Phénytoïne
Amiodarone, disopyramide Amiodarone
Midazolam, triazolam, zolpidem Diltiazem, vérapamil Anti-infectieux
Cisapride Kétoconazole, itraconazole Rifampicine
Ifosfamide Voriconazole, posaconazole Rifabutine
3A4 Ciclosporine, tacrolimus, sirolimus Fluconazole, miconazole Éfavirenz
Alfentanil, fentanyl, méthadone Ritonavir, nelfinavir, amprénavir, Névirapine
Pimozide indinavir, atazanavir... Griséofulvine
Sildénafil, tadalafil, vardénafil Érythromycine, clarithromycine,
Simvastatine, atorvastatine josamycine
Inhibiteurs de la tyrosine-kinase Telithromycine
Alcaloïdes de l’ergot (vasoconstricteurs)

L’induction des cytochromes P450 par les médicaments En dehors des tableaux bruyants des affections aiguës
ou les xénobiotiques est en partie expliquée par l’augmen- comme la cholécystite, l’angiocholite ou les hépatites
tation de la transcription d’un gène codant pour la syn- aiguës, la présence de certains signes cliniques peut orien-
thèse de ces cytochromes. ter vers l’existence d’une hépatopathie (tableau 3) qu’il est
nécessaire de rechercher par des examens complémen-
taires souvent simples.
Au niveau de l’espace de Disse, les échanges entre
le secteur plasmatique et l’hépatocyte vont permet- L’imagerie est un examen facile à réaliser et, bien
tre d’épurer le sang des molécules toxiques. Le pôle qu’opérateur dépendant, très performant pour mettre en
basolatéral de la cellule est doté de nombreux évidence les calculs, les dilatations des voies biliaires ou les
transporteurs permettant le transport actif trans- lésions tumorales. Dans le cadre des insuffisances hépato-
membranaire de très nombreuses substances endo- cellulaires, son intérêt est moindre. La tomodensitométrie
gènes (sels biliaires) ou exogènes (médicaments, fournit parfois quelques renseignements supplémentaires
toxiques). Si les substances endogènes peuvent être avec un bénéfice important dans l’étude du pancréas. Sur
le plus souvent directement hydrolysées, de nom- le plan biologique, plusieurs molécules peuvent être
breux xénobiotiques vont suivre un processus de dosées dans le plasma, chacune reflétant une partie de l’ac-
détoxification se déroulant en trois phases. La tivité hépatique.
phase 1 consiste à rendre la molécule plus polaire
L’augmentation de la bilirubine sérique est assez peu
par des réactions d’oxydation principalement. Elle
spécifique. La différenciation entre bilirubine non conju-
est catalysée par le cytochrome P450. La phase 2
guée ou conjuguée permet de distinguer une obstruction
permet de rendre la molécule hydrophile, par conju-
gaison à l’acide b-glucuronique le plus souvent. La
phase 3 consiste en l’élimination des molécules
hydrophiles dans la bile par d’autres systèmes de
transport actif transmembranaire ou par simple dif- Tableau 3 / Signes cliniques au cours des atteintes hépatiques
fusion. L’efficacité de ces systèmes enzymatiques
peut varier d’un individu à l’autre ou selon l’âge. De Anorexie parfois amaigrissement
nombreux médicaments peuvent augmenter (induc- Asthénie
Malaises
teurs enzymatiques) ou diminuer (inhibiteurs enzy- Signes Fièvre ou fébricule
matiques) leur action. Enfin, chaque étape du fonctionnels Impuissance
transport ou de la biotransformation peut être Aménorrhées
entravée par une anomalie enzymatique et être res- Douleurs de l’hypochondre droit
Prurit
ponsable d’une maladie donnée (porphyrie, syn-
drome de Crigler-Najjar, syndrome gris, etc.). Ictère
Xanthomes
Angiomes stellaires
Érythème palmaire
Explorations Signes
d’examen
Dépilation
Gynécomastie
Ecchymoses (troubles de la coagulation, thrombopénie)
Hépatomégalie
Du fait des rôles multiples que le foie joue dans l’orga- Splénomégalie
nisme et de la complexité de son fonctionnement, toute Hypertension portale (ascite, circulation collatérale)
atteinte hépatique pourra avoir des conséquences très Hypertrophie parotidienne
diverses et parfois extrêmement graves. Encéphalopathie hépatique (flapping tremor, fetor hepaticus)

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

des voies biliaire d’une insuffisance hépatique. Les taux Les complications œdémateuses et ascitiques sont souvent
sériques de bilirubine ne sont pas corrélés avec la gravité associées. La synthèse des facteurs de la coagulation peut
de la maladie. L’élévation peu importante de la bilirubine être altérée soit par carence vitaminique (trouble de l’ab-
non conjuguée se retrouve dans la maladie de Gilbert (de 2 sorption de la vitamine K au cours d’une cholestase chro-
à 4 % de la population), maladie à transmission autoso- nique), soit par l’insuffisance hépato-cellulaire responsable
mique dominante à l’origine d’une faible activité de d’une diminution de la synthèse protéique globale. Le fac-
l’UDPG transférase. teur V (proaccélérine), non vitamine K dépendant, est le
plus spécifique de l’insuffisance hépato-cellulaire.
L’alanine amino-transférase (ALAT) et l’aspartate
amino-transférase (ASAT) sont deux autres enzymes pré- Enfin, en cas de signes cliniques évocateurs ou d’ano-
sentes dans le cytosol de l’hépatocyte. L’ALAT est spéci- malies du bilan hépatique, il est indispensable d’éliminer
fique du tissu hépatique, alors que l’ASAT se retrouve une hépatite en recherchant les antigènes HBs et Hbe, et
également dans le muscle strié et dans le myocarde. Leur les anticorps anti-HBc, Hbe et HBs pour l’hépatite B, et le
élévation est un signe sensible et précoce de la cytolyse dosage des immunoglobulines (Ig) M et G anti-hépatites A
hépatique avec, normalement, un rapport ASAT/ALAT infé- et C.
rieur à 1. L’inversion de ce rapport oriente vers une hépa-
topathie alcoolique.
En présence de signes cliniques évocateurs d’une
La synthèse de phosphatase alcaline (PA) augmente hépatopathie, en dehors des explorations habi-
dans les canalicules biliaires lorsque la bile n’est pas suffi- tuelles, les explorations paracliniques doivent être
samment excrétée. Cette augmentation de la production les suivantes :
se fait progressivement et les taux sériques varient lente- • albuminémie ;
ment. Les lésions infiltrantes du tissu hépatique sont éga- • recherche d’une cholestase (dosage de la biliru-
lement à l’origine d’une augmentation de la phosphatase bine libre et conjuguée, des GT, des phosphatases
alcaline. D’autres atteintes, en particulier osseuses, en élè- alcalines) ;
vent les taux sanguins. • recherche d’une cytolyse (dosage de l’ALAT et
l’ASAT) ;
La gamma-glutamyl transférase (gGT) s’élève dans le
• réalisation d’un temps de prothrombine (TP) et
sang au cours de nombreuses maladies hépatiques et, en
dosage du fibrinogène. Si le TP est diminué,
particulier, lorsqu’il existe une cholestase. Sa spécificité est
dosage des facteurs de la coagulation.
faible. L’alcoolisme chronique est responsable d’une induc-
tion enzymatique élevant le taux des gGT.
Si le bilan hépatique est perturbé, une échographie
La synthèse protéique peut également être altérée. Le peut être réalisée en sachant qu’elle contribue peu au
taux d’albumine diminue au cours des atteintes hépatiques diagnostic des atteintes diffuses. Les sérologies des hépa-
diffuses très avancées, en particulier au cours des cirrhoses. tites A, B et C sont alors indispensables.

LECTURES COMPLÉMENTAIRES

[1] Elferink RO. Cholestasis. Gut 2003 ; 52 (suppl. 2) : 42-8. [5] Negus R, Summerfield J. Liver physiology. In : Evers AS, Maze
[2] Hardikar W, Suchy FJ. Hepatobiliary function. In : Born WF, M (eds). Anesthesic pharmacology: physiologic principles and clini-
Boulpaep EL (eds). Medical physiology; a cellular and molecular cal practice. Philadelphie : Churchill Livingstone, 2004 ; 355-65.
approach. Philadelphie: Saundners, 2003 : 975-1002. [6] Trauner M, Boyer JL. Bile salt transporters: molecular charac-
[3] Liska DJ. Detoxification enzyme systems. Altern Med Rev 1998 ; terization, function, and regulation. Physiol Rev 2003 ; 83 : 633-71.
3 ; 187-98. [7] Zwillman M, Melendez J. Physiology and pharmacology of the
[4] Nebert DW, Russell DW. Clinical importance of the cyto- liver. In : Hemmings HC, Hopkins PM (eds). Foundations of anesthe-
chromes P450. Lancet 2002 ; 360 : 1155-62. sia basic and clinical sciences. Londres : Mosby, 2000 : 631-40.

522
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PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

47
• Notions de physiologie intégrée Physiologie métabolique
• Métabolisme cellulaire :
hiérarchie des priorités intégrée
• Échanges intercellulaires :
compétition ou coopération
• Physiologie d’organe : Carole Ichai
les grandes fonctions au service de la communauté
d’après le texte original de Xavier Leverve (†)
• Régulation de la glycémie :
un exemple d’intégration métabolique Service de réanimation, Hôpital Pasteur 2, Nice ;
IRCAN (INSERM U1081, CNRS UMR 7284), Université de Nice, Nice

a notion d’intégration est inhérente à celle de (éléments figurés du sang par exemple). Le milieu intérieur,
physiologie : l’observation in vivo d’effets déclen- notion fondamentale de l’intégration métabolique telle
chés au niveau de cellules ou d’organes représente qu’il a été décrit par Claude Bernard, représente l’espace
évidemment la forme la plus avancée d’intégra- commun à toutes ces entités cellulaires comme à toutes ces
tion. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la science car fonctions et la constance de sa composition reflète le com-
notre aptitude à disséquer de manière de plus en promis permanent issu du métabolisme de chacune d’entre
plus fine des mécanismes isolés se heurte à une dif- elles, de leur compétition et de leur coordination.
ficulté majeure dès lors qu’il faut les replacer dans
leur contexte de grande complexité métabolique. Notre compréhension de cette intégration métabo-
C’est tout l’enjeu de la « biologie intégrative », lique, de ses lois, de ses objectifs et de ses contraintes est
encore appelée system biology, qui cherche à don- très limitée. Cependant, l’utilisation des outils modernes,
ner du sens à l’intégration extrême du plus grand du point de vue des performances analytiques comme de
nombre de paramètres obtenus par l’utilisation des celui des capacités de modélisation, permet d’entrer de
outils analytiques les plus modernes. Le même plus en plus dans le monde extraordinairement complexe
enjeu se retrouve évidemment dans le traitement de l’intégration physiologique et pathologique. Ainsi, à
de désordres complexes pour lesquels il est parfois des situations d’objectifs physiologiques spécifiques, par
bien difficile de dissocier l’anomalie initiale de ses exemple de reproduction, de croissance, d’état de veille ou
conséquences ou encore de séparer les perturba- de sommeil, d’activité physique, de jeûne, ou de situation
tions délétères de celles qui sont adaptatives. La postprandiale, correspondent des environnements méta-
tentation de corriger les différentes anomalies
boliques précis et particuliers, orchestrés par un cortège de
métaboliques rencontrées au cours de syndromes
réponses endocrines et neuro-endocrines auquel s’ajoute
pathologiques plus ou moins complexes (équilibre
un contexte paracrine et cytokinique, très activement étu-
acido-basique, glycémie, ionogramme, pression
partielle d’oxygène, de dioxyde de carbone, etc.) dié. Dans ces situations physiologiques, les finesses de
est permanente ! C’est une démarche logique vers régulation et d’interactions des multiples éléments qui par-
la connaissance en l’absence de compréhension ini- ticipent au résultat final ne sont pas toujours parfaitement
tiale fine et complète des relations de causalité et comprises, mais l’objectif général et sa finalité sont en
d’adaptation ou non des différentes anomalies, règle générale clairs. À l’opposé, dans un contexte patho-
mais elle ne permet cependant pas d’en déduire un logique complexe, l’intégration métabolique et sa régula-
bénéfice thérapeutique direct per se. C’est précisé- tion sont toujours de compréhension difficile, mais la
ment l’objet des études actuelles cherchant à déter- compréhension de l’objectif lui-même peut être discutable.
miner les effets précis sur la morbidité et la Une réponse métabolique (hyperthermie, hypercatabo-
mortalité, et pas seulement sur les fonctions, des lisme, acidose, modification d’un débit sanguin local, etc.)
différentes démarches thérapeutiques proposées. est-elle adaptée ou non ? La réponse est-elle toujours la
même selon le contexte, l’intensité des désordres, le
moment de l’évolution ? Cette réflexion « physiopatholo-
Notions gique » ou « étiopathogénique » correspond à un aspect
difficile de la démarche thérapeutique. Parmi les « anoma-
de physiologie intégrée lies » observées par rapport à la « valeur normale », il n’est
pas toujours facile de séparer exactement le mécanisme
Le fonctionnement de concert des nombreuses cellules d’adaptation du trouble délétère de celui qu’il faut tolérer
de l’organisme, plus ou moins autonomes mais obéissant ou amplifier ou, au contraire, prévenir ou combattre. De
à des lois communes, représente bien l’idée d’intégration plus, la difficulté de quantification des échanges métabo-
métabolique organisée autour d’un projet commun : la vie. liques (flux) intercellulaires ou interorganes, seuls vérita-
Ces cellules, entités minimales ou pièces de base du puzzle, bles éléments dynamiques du métabolisme, par rapport à
peuvent être organisées en unités fonctionnelles (acini, la détermination habituelle des concentrations plasma-
îlots, alvéoles, glomérules, villosités, etc.), au sein d’or- tiques statiques, outil habituel d’exploration en biologie
ganes ou, au contraire, être apparemment indépendantes clinique, ne permet pas de réelle approche dynamique.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

États d’équilibre Un tel état, stricto sensu, n’existe jamais au cours d’un
processus vivant car il est le synonyme d’un immobilisme
ou états stationnaires total : c’est la mort. In vivo, les voies métaboliques au sein
d’un réseau sont en état stationnaire, avec différentes
On appelle état d’équilibre la situation dans laquelle la caractéristiques particulières : état stationnaire propre,
réaction dans un sens (Vf) est strictement égale à la réac- phénomènes oscillants, succession d’états « préstation-
tion en sens inverse (Vr) de sorte que le bilan (ou flux net) naires »… L’état stationnaire se définit par le fait que tous
est nul : les flux et tous les intermédiaires impliqués directement et
V

A ← f 
→B
 indirectement sont constants (figure 1A). Ainsi, l’apport de
Vr
substrat initial au système doit être stœchiométriquement
Vf = Vr , [ A] = [B] , JA →B = O égal à la disparition du produit final du système. Au repos,
où v est la vitesse, les crochets indiquent la concentration, le métabolisme oxydatif est stationnaire : l’oxygène est
J est le flux, A et B sont des métabolites. apporté de manière constante à la même vitesse qu’il est
utilisé, de telle sorte que les pressions partielles, artérielles
ou veineuses, en oxygène (PaO2, PvO2) sont constantes
malgré une utilisation très active et toutes les molécules
d’oxygène utilisées se retrouveront dans les produits finals
(très majoritairement, les molécules d’eau). Les cycles
métaboliques représentent également des états station-
naires. Dans le cas du cycle glucose-lactate de Cori
(figure 2), l’énergie apportée au système est représentée
majoritairement par la b-oxydation hépatique, tandis que
glucose et lactate ne sont que des métabolites intercon-
vertis. Chaque système cellulaire – « anaérobie-hématie »
ou « aérobie-foie » dans le cycle de Cori – utilise comme
substrat le produit de l’autre, de sorte que le cycle réalisé
est également un exemple d’état stationnaire interorgane.
Cette interdépendance très étroite entre deux voies méta-
boliques montre bien que ce qui influence l’une influence
l’autre, même sans autre intervention.
Autour d’un état stationnaire tel qu’il vient d’être
défini, différentes transitions physiologiques incessantes
ou pathologiques correspondent à des réajustements per-
manents aux nouvelles contraintes extérieures en une suc-
cession d’états stationnaires [1].

Contrôle et régulation
Figure 1 / État stationnaire, contrôle métabolique, régulation métabolique
Une fois le fonctionnement de la voie métabolique
Un réseau métabolique est constitueépar une succession d’étapes défini, il faut analyser les éléments qui interviennent dans
enzymatiques organisées pour effectuer un travail métabolique donné. la détermination du résultat final : les flux et les concen-
Dans cet exemple, 4 étapes enzymatiques e1, e2, e3 et e4, ont pour substrats trations des réactants. Les paramètres qui permettent
et/ou produits respectifs les composés A, B, C, D et E, le travail métabolique d’ajuster le flux peuvent être séparés en deux groupes
est la transformation de A en E. (figure 1) :
A. Par opposition à la situation d’équilibre, où le flux net est égal à 0 • les paramètres « thermodynamiques », c’est-à-dire cor-
(voir le texte), l’état stationnaire est caractérisé par un flux constant :
par unité de temps, une quantité fixe de substrat A (fournie au système)
respondant à la force qui « pousse » un substrat à être
est transformée en produit E (évacué du système). Ainsi, toutes les vitesses transformé en produit. Ce type de paramètres est sous la
des différentes étapes intermédiaires sont égales et constantes, de même dépendance des forces1, c’est-à-dire des concentrations
que les concentrations des intermédiaires sont constantes également. des différents réactants : plus la concentration du subs-
B. Contrôle métabolique. Si le système est perturbé de manière ponctuelle trat est grande, plus la probabilité de sa transformation
(inhibition de l’étape 2 par exemple), il en résulte dans un premier temps en produit le sera aussi (jusqu’à une certaine valeur :
une élévation de la concentration du substrat B et une diminution
notion de saturation, cf. infra). À l’opposé, la concentra-
de celle du produit C jusqu’à ce que s’instaure un nouvel état stationnaire.
Le résultat sur le flux global (nouvel état stationnaire) dépendra tion du produit peut être suffisante pour s’opposer à la
des caractéristiques des différentes étapes. Si la première étape e1 est très réaction. Ainsi, la concentration de tous les réactants
sensible à la concentration de son produit B (inhibition par rétroaction), (avec d’autres paramètres physico-chimiques comme
l’élévation de B sera responsable d’une réduction du flux de l’étape e1 température, le pH, etc.) définit l’importance de cette
qui s’imposera à l’ensemble de la voie métabolique (état stationnaire : force qui « pousse » ou « freine » la transformation selon
toutes les vitesses sont égales). À l’opposé, si l’étape n’est pas sensible les cas ;
à son produit B, celui-ci pourra s’élever de manière importante et ainsi
compenser l’effet inhibiteur de la perturbation initiale sur l’étape e2. • les paramètres dits « cinétiques » qui correspondent à la
Dans ce cas, la perturbation initiale n’aura pas de conséquence sur le flux capacité de la « machinerie enzymatique » à effectuer la
en résultant. On appelle ceci le contrôle métabolique. transformation substrat-produit. Il s’agit ici des paramè-
Dans le premier cas le contrôle est important, dans le second il est nul. tres enzymatiques (activité, affinité, caractère allosté-
C. Lorsque la même perturbation initiale entraîne une action rique) ainsi que des effecteurs (ions ou cofacteurs par
sur un effecteur (hormone, cofacteur, ion, etc.), celui-ci peut à son tour exemple) qui agissent sur la cinétique de la réaction.
intervenir sur l’activité d’une des étapes (enzymes) du système.
On parle alors de régulation métabolique. Ces deux modes de relation
entre intermédiaires métaboliques sont à la base du fonctionnement
intégré et on voit bien combien leur interdépendance est étroite.
1. Force ou potentiel ; dans notre exemple, il s’agit de potentiel chimique.

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Physiologie métabolique intégrée 47

Lorsqu’un système est dans un état stationnaire, le


moindre changement de la concentration d’un des inter-
médiaires ou d’un facteur cinétique (une quantité de trans-
porteur ou de récepteur par ex.) peut affecter l’ensemble
du réseau. Les informations qui résultent de ces change-
ments (activation ou inhibition) conduisent à établir de
« nouvelles règles de fonctionnement » transmises à la voie
métabolique considérée ainsi qu’à toute autre voie méta-
bolique qui lui est reliée. Cette transmission peut s’effec-
tuer de deux manières :
• la modification appliquée sur une étape donnée peut
affecter successivement les concentrations de tous les
métabolites reliés en amont comme en aval à cette étape
(figure 1B). On appelle cette forme d’information, trans- Figure 2 / Le cycle de Cori : exemple d’état stationnaire
mise par la contiguïté de changements successifs de Le cycle lactate-glucose est un exemple d’état stationnaire :
concentration des intermédiaires, « le contrôle métabo- les substrats et les produits sont consommés et régénérés en permanence,
lique » (figure 1B) [1] ; de telle sorte que les concentrations des intermédiaires sont constantes.
• la modification d’un des quelconques intermédiaires La mesure des concentrations ne renseigne que peu ou pas du tout `
affecte directement ou indirectement (via un effecteur) sur la vitesse de renouvellement qui, pourtant, est l’élément
la cinétique enzymatique d’une autre étape. On appelle le plus important. La perte de rendement quantitatif (1/3 seulement
cette forme d’information la « régulation métabolique » de l’énergie utilisée pour la synthèse du glucose est récupéré
lors de son hydrolyse) est compensée par un avantage qualitatif :
(figure 1C). Cette régulation peut être à court terme avec
l’énergie glycolytique produite dans les hématies provient
différents effecteurs – calcium ou phosphorylation – ou, de l’oxydation aérobie des acides gras dans le foie.
au contraire, à long terme. Il s’agit alors des effets trans-
criptionnels qui ont été décrits pour la plupart des nutri-
ments et en particulier pour le glucose [2].
Le contrôle s’exerce par les variations des concentra-
tions des métabolites, la régulation affecte une ou plu- réduction des dépenses. En revanche, à l’échelle de l’orga-
sieurs étapes enzymatiques. Ces différents éléments nisme dans son ensemble, la réduction du débit circulatoire
peuvent apparaître comme très théoriques, pourtant c’est qui en découle peut avoir des répercussions considérables.
cette interférence entre des voies métaboliques, connexes Sans vouloir entrer dans la discussion de l’utilité ou non de
ou non, qui joue un rôle déterminant dans l’intégration la correction de l’acidose dans cette situation, cet exemple
métabolique et, par là, dans le fonctionnement de concert illustre bien le conflit d’intérêts qui résulte de pareilles
de nos organes. situations. Par l’alcalinisation, l’intervention thérapeutique
impose un choix (la correction de l’acidose) différent de la
solution spontanément adoptée par l’organisme dans
Métabolisme cellulaire : cette situation de déficit énergétique [6, 7].

hiérarchie des priorités Les mécanismes qui permettent de comprendre et d’im-


poser une hiérarchie des priorités au sein de la cellule sont
mal connus. Par exemple, l’étude des mécanismes respon-
Chaque cellule est une entité capable de convertir de sables du transfert et de la distribution de l’énergie dans
l’énergie : à partir de l’énergie redox contenue dans les la cellule et de leur régulation fait l’objet d’actives
nutriments, elle est capable d’effectuer un travail propre, recherches2. Dans la cellule cardiaque, on a pu mettre en
qui est une transformation énergétique, tel que travail évidence que la compartimentation cellulaire3 et la cana-
mécanique, synthèse chimique, genèse de potentiels, lisation métabolique4 jouaient un rôle déterminant dans
transport de molécules, etc. [3, 4]. Dans les organismes plu- l’établissement des priorités [8-10]. Il est vraisemblable que
ricellulaires, on peut diviser ces activités cellulaires en deux lors de situations pathologiques extrêmes, comme c’est le
groupes : celles à finalité « égoïste », c’est-à-dire dont l’in- cas dans les atteintes aiguës sévères, la mise en place de
térêt est limité à la survie de la cellule elle-même, et celles nouvelles stratégies de priorités bouleverse la hiérarchie
à finalité « altruiste », c’est-à-dire orientée vers la collecti- « physiologique », mais la connaissance du caractère adap-
vité de l’organisme dans son ensemble. Bien sûr, cette dis- tatif ou délétère de ces modifications n’est pas toujours
tinction est un peu schématique ; cependant, on conçoit claire [11-13].
facilement que l’hépatocyte qui synthétise du glucose, de
l’urée ou des corps cétoniques travaille pour la collectivité
tandis que lorsqu’il synthétise des protéines indispensables
à sa propre homéostasie comme la Na-K ATPase, les
enzymes du cycle de Krebs ou toute autre protéine vitale,
il « travaille » davantage pour son propre compte. Cette 2. Il est intéressant de souligner le parallélisme existant entre la physiologie
distinction permet d’illustrer le conflit d’intérêts qui peut intégrée et le fonctionnement de nos sociétés industrielles...
exister entre l’individu (la cellule) et la communauté (l’or- 3. La compartimentation cellulaire correspond à l’existence de zones dif-
ganisme), et ce d’autant plus que l’organisme se trouve férentes au sien d’une cellule. On parle de macrocompartimentation pour
les différents secteurs séparés par des membranes (mitochondrie, peroxy-
dans une situation critique imposant des choix et des sacri- some, réticulum endoplasmique, etc.) et de microcompartimentation pour
fices (l’état de choc par exemple). Ainsi, parmi de nom- définir des zones différentes mais plus virtuelles car non séparées par une
barrière physique. Ainsi, par exemple, dans l’environnement immédiat
breuses conséquences métaboliques, l’acidose a pour effet d’une activité enzymatique donnée, on peut supposer que la concentration
de réduire la dépense énergétique des cellules cardiaques d’un réactant soit différente de celle retrouvée dans une autre partie de
la cellule.
en diminuant la contraction, par exemple via la réduction
du nombre de récepteurs catécholaminergiques [5]. D’un 4. La canalisation est une notion qui correspond au transfert direct d’un
réactant d’une enzyme à une autre sans passage par une mise en solution
strict point de vue d’homéostasie cellulaire, il s’agit là d’un dans le milieu : dans la chaîne respiratoire, les électrons passent directe-
mécanisme d’adaptation, la cellule compensant la réduc- ment d’un complexe à l’autre sans jamais se retrouver libres dans le milieu.
Ceci a comme principale caractéristique de définir un « trajet donné » : le
tion de la production d’énergie due à l’acidose, en réponse composé synthétisé par l’enzyme E1 ne pourra être transmis qu’à l’enzyme
à une hypoxie ou une ischémie par exemple, par une E2 et à nulle autre.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Échanges intercellulaires : phosphate (ATP) issue de la glycolyse gliale qui permet l’ac-
tivation de la pompe à Na+K+ ATPase nécessaire au cou-
compétition ou coopération plage captation de glutamate et sortie de sodium des
astrocytes [18].
De la conception même de milieu intérieur, il ressort
bien que le métabolisme de chaque cellule peut influencer
celui de toutes les autres cellules, proches ou distantes, Physiologie d’organe :
comme, à l’inverse, il peut être influencé par le leur. Si l’on
considère le gradient d’oxygène le long d’un capillaire du
les grandes fonctions au
fait de la consommation prélevée par les cellules au fur et
à mesure du trajet circulatoire, les premières cellules sont
service de la communauté
exposées à un sang oxygéné, elles sont dans un état méta-
Chaque organe possède une fonction spécialisée qui lui
bolique que l’on pourrait qualifier d’« oxydé », tandis qu’à
permet de jouer sa partition spécifique dans le concert
l’extrémité distale du capillaire, à l’opposé, le sang est rela-
bien orchestré de la physiologie de l’organisme.
tivement appauvri en oxygène et l’état d’oxydoréduction Cependant, la présence de fonctions complémentaires,
cellulaire est davantage situé sur le versant « réduit » [14, endocrine et immunitaire par exemple, est de mieux en
15]. Du fait des capacités d’oxydation mitochondriales les mieux reconnue. Par ailleurs, une fonction précise peut
premières cellules (oxydées) vont transformer une partie être en fait partagée par différents tissus. L’uréogenèse est
du lactate plasmatique en pyruvate, le nicotinamide adé- un bon exemple d’une voie métabolique qui, selon les cas,
nine dinucléotide réduit (NADH) fourni étant oxydé par la peut être ou non partagée entre différents tissus. La syn-
mitochondrie. À l’opposé, dans les cellules distales, du fait thèse de l’urée à partir d’ammoniaque et de bicarbonate
de la pénurie relative d’oxygène, la réoxydation du NADH est une fonction spécifique du foie, car seuls les hépato-
en nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) sera assurée cytes possèdent la totalité de l’équipement enzymatique
par la transformation inverse de pyruvate en lactate. Si l’on leur permettant de réaliser l’ensemble du cycle de Krebs-
fait le bilan dans un tel exemple, on voit que non seule- Henseleit [19]. Cependant, la plupart des tissus, parmi les-
ment le métabolisme de certaines cellules peut influencer quels le muscle et le cerveau, possèdent une arginase,
celui d’autres cellules, mais que, de plus, il existe à la fois enzyme permettant de cliver l’arginine en urée et orni-
une compétition et une coopération entre elles. Le résultat thine. Ainsi, de manière indiscutable, le foie est « indispen-
final est une intégration et l’interconversion lactate-pyru- sable » pour assurer la synthèse de l’urée, comme cela est
vate permet en fait de « délocaliser » la respiration [14-16]. bien apparent si l’on considère l’effondrement de la syn-
En effet, dans ce modèle, les cellules proximales respirent, thèse de l’urée lors de déchéances hépatiques sévères.
partiellement bien sûr, pour les cellules distales. Le résultat Cependant, comme le clivage de l’arginine peut être effec-
final est celui d’un métabolisme intégré dans lequel les cel- tué dans d’autres cellules, on peut observer une produc-
lules au sein d’une même entité peuvent avoir des diffé- tion d’urée « ectopique » comme cela a été montré dans
rences métaboliques plus ou moins marquées. l’insuffisance rénale chronique au cours de laquelle le cer-
Un autre exemple de coopération métabolique est celui veau devient le siège prédominant de la production de
du métabolisme glucidique avec interaction glucose-lacate l’urée [20, 21]. Dans cet exemple, si l’urée provient indis-
au niveau cérébral. Cette interaction entre neurones, astro- cutablement du cerveau, sa formation n’aurait pas été pos-
sible en l’absence de l’équipement enzymatique du foie.
cytes et cellules endothéliales est réalisée au niveau de la
Ainsi, il apparaît que dans l’objectif de comprendre des
barrière hémato-encéphalique. Les neurones et astrocytes
altérations métaboliques pathologiques, même la mesure
baignent dans un liquide interstitiel qui contient du glu-
soigneuse de différences artérioveineuses à travers un
cose et du lactae à une concentration de 1 mM. La quantité
organe précis peut être prise en défaut.
de glucose est maintenue grâce au glucose plasmatique,
alors que le lactate est l’objet d’échanges intercellulaires

Régulation de la glycémie :
entre astrocytes et cellules gliales, et il est éliminé au
niveau sanguin [17]. Le gradient de concentration au
niveau de la barrière hémato-encéphalique entre sang et
cerveau permet un transport facilité du glucose à travers un exemple d’intégration
les cellules endithéliales grâce à des transporteurs de glu-
cose (GLUT pour glucose transporters) de type GLUT 1. Ce
métabolique
dernier est présent dans les astrocytes alors que les trans-
porteurs GLUT 3, qui ont une forte affinité et des capacités L’homéostasie glucidique avec les multiples tissus et
de transport élevées pour le glucose, sont situés dans les organes concernés, chacun avec ses propres caractéris-
neurones. L’expression des transporteurs GLUT est régulée tiques, et la variété des différentes situations physiolo-
par la concentration circulante de glucose : elle est stimu- giques ou pathologiques rencontrées forment un bon
lée en cas d’hypoglycémie. Au repos, le glucose sanguin est exemple d’intégration métabolique. On peut classer les tis-
capté et métabolisé par les neurones, par la classique voie sus selon leur degré de dépendance vis-à-vis du glucose
avec les tissus. Ils peuvent être :
de la glycolyse. En cas d’activation des neurones (épilepsie,
• totalement dépendants (hématies, cellules de la cornée
ischémie, etc.), le glucose est métabolisé par les astrocytes
et des tissus transparents de l’œil, médullaire rénale, leu-
qui produisent du lactate et de la glutamine. Le lactate
cocytes) ;
produit pénètre dans les neurones grâce à ses transpor-
• fortement dépendants (cerveau) ;
teurs d’acides monocarboxyliques (MCT pour monocar-
• faiblement dépendants (la plupart des autres tissus, en
boxylic acid tranporters) pour être finalement métabolisé
présence d’oxygène).
par les neurones par la voie du cycle de Krebs. La gluta-
mine provenant des astrocytes pénètre elle aussi dans les De même, en fonction de la sensibilité à l’insuline, on
neurones pour produire du glutamate qui sera massive- distinguera les tissus très (foie, muscle et tissu adipeux) ou
ment libéré dans la fente synaptique pour produire l’exci- faiblement (tous les autres tissus) sensibles à l’insuline.
tation neuronale. Les astrocytes vont ensuite recapter ce Enfin, les caractéristiques cinétiques du métabolisme cel-
glutamate hautement toxique grâce à un mécanisme cou- lulaire du glucose (transport par les GLUT) et phosphory-
plé à une réabsorption de sodium. C’est l’adénosine tri- lation par l’hexokinase) conduisent à définir des tissus à

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Physiologie métabolique intégrée 47

forte affinité (cerveau) pour le glucose, c’est-à-dire qu’ils


sont pratiquement toujours saturés aux valeurs physiolo- Conclusion
giques de la glycémie (Km5 : 0,1 mM pour une glycémie
proche de 5,5 mM). Le métabolisme de tels tissus n’est pra- Plus que dans tout autre type de recherche, fondamentale
tiquement pas affecté par les variations de la glycémie sauf par exemple, le passage du stade « phénoménologique »,
pour une réduction extrême (hypoglycémie) : le cerveau c’est-à-dire descriptif, au stade « mécanistique », ou expli-
est traité prioritairement. À l’opposé, les tissus ayant une catif, est particulièrement difficile dans la recherche cli-
faible affinité (foie et cellules du pancréas) ne sont prati- nique. En effet, le nombre de variables, l’ampleur des
quement jamais saturés par le niveau plasmatique de la variations et, surtout, la complexité des interconnexions et
glycémie (Km de la glucokinase : 10 mM). Dans ce cas, le des régulations rendent particulièrement complexes la
métabolisme de telles cellules reste dépendant des valeurs réflexion métabolique. La recherche expérimentale, en iso-
de la glycémie, même très élevées (synthèse de glycogène, lant effectivement une variable, simplifie considérable-
sécrétion d’insuline). Ces tissus ne sont pas hautement prio- ment la quête de causalité, au prix d’un éloignement des
ritaires, mais ils sont sensibles aux variations de la glycémie conditions physiologiques. De plus, l’activité clinique en
dans une très large échelle. Bien sûr, de nombreux effec- soins intensifs présente une autre différence essentielle par
teurs (hormones, facteurs de croissance, cytokines, vita- rapport à la recherche, c’est l’exigence fréquente d’une
mines, minéraux, médicaments, etc.) interviennent pour conclusion un peu hâtive et imposée par la nécessité de
réguler ce métabolisme selon les différentes situations phy- prise de décisions en situation d’incertitude. En effet, dès
siologiques ou physiopathologiques qui nécessitent une la constatation d’« anomalies métaboliques » concomi-
adaptation de l’homéostasie glucidique. Les modifications tantes à la situation d’agression, se pose la question de
rencontrées au cours d’états physiologiques ou patholo- savoir s’il faut ou non lutter contre ces phénomènes de
giques via différents effecteurs, comme l’insuline, ou dif- « réponse » à l’agression. Que faut-il respecter ou ampli-
férentes cytokines, conduisent à établir de nouvelles fier, modérer ou canaliser, voire prévenir et empêcher ? En
hiérarchies de priorités en rapport avec l’état physiolo- fait, il s’agit du problème de l’opposition entre traitement
gique ou pathologique. symptomatique et traitement étiologique et l’on voit bien
que cette réflexion complexe de l’intégration métabolique
débouche directement sur des notions thérapeutiques de
première importance. L’objectif de la thérapeutique est
d’interférer avec l’affection en cause pour en infléchir le
cours ou pour en atténuer les conséquences délétères. La
conduite de la thérapeutique passe souvent par trois
étapes :
• l’établissement d’un lien entre un symptôme et une évo-
lution ;
• la recherche d’une causalité ;
• enfin, l’instauration d’une thérapeutique en procédant
5. On appelle Km la concentration en substrat qui permet d’obtenir une souvent par tâtonnements, c’est-à-dire en se reposant sur
vitesse de réaction égale à la moitié de la Wmax. Lorsque cette valeur est une continuelle vérification a posteriori.
petite, on dit que l’affinité est grande, c’est-à-dire qu’une faible concen-
tration est suffisante pour obtenir une grande vitesse. Par contre, la réac- La lutte aveugle contre les « conséquences métabo-
tion est facilement saturée, c’est-à-dire que la vitesse est peu influencée
par la concentration. Lorsque l’affinité est faible (Km important), la vitesse liques de l’agression » s’apparente complètement à une
de la réaction reste très sensible aux variations de concentration même seule démarche symptomatique qui doit toujours être éva-
pour des niveaux élevés : les cellules b du pancréas font la différence entre
5, 10 et 15 mM de glucose tandis que le cerveau est totalement saturé à
luée non pas tant sur l’efficacité de la correction du symp-
1 mM. tôme que sur sa participation au résultat final.

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527
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page528

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

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528
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page529

PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

48
Besoins nutritionnels
• Évaluation de l’état nutritionnel
Jean-Fabien Zazzo*, Luc Cynober**,
• Éléments traces essentiels en nutrition humaine :
focus sur le sélénium
Xavier Forceville***, Véronique Ducros****,
Emmanuel Besnier*****, Fabienne Tamion******
• Vitamines en nutrition humaine
* CLAN central de l’AP-HP, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart
• Physiopathologie des troubles nutritionnels ** Service de biochimie et nutrition, Hôpital Cochin, Paris ;
dans les états d’agression : Faculté de pharmacie Paris-Descartes, Paris
conséquences thérapeutiques *** Service de réanimation médico-chirurgicale, CH de Meaux,
Grand hôpital de l’Est francilien, Meaux
• Éléments traces essentiels et vitamines : **** Département de biochimie, toxicologie et pharmacologie,
place des micronutriments en situation d’agression UM de biochimie-hormonologie & nutrition, CHU Grenoble, Grenoble
***** Service de réanimation cardiaque,
département d’anesthésie-réanimation, CHU Rouen, Rouen
****** Service de réanimation médicale,
pôle réanimation-anesthésie SAMU, Hôpital Charles-Nicolle,
CHU Rouen, Rouen

a prévalence de la dénutrition varie selon le d’autre part, la dénutrition (légère, modérée ou sévère).
développement économique du pays, l’âge et les Dans ce chapitre, nous concentrerons notre attention sur
conditions socio-économiques des individus. En la dénutrition, les méthodes diagnostiques, le rôle des élé-
France, le nombre d’individus dénutris, enfants, ments traces essentiels et des vitamines puis les consé-
adultes et sujets âgés, est estimé entre 2 et 6 mil- quences thérapeutiques liées à la physiopathologie des
lions. Pour définir un état de dénutrition, les socié- états d’agression.
tés savantes ont proposé, après l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), des critères et des Une confusion est encore entretenue entre les termes
valeurs seuils basés sur les données simples de de « malnutrition » et de « dénutrition ». La dénutrition
l’examen clinique, la biologie et, plus récemment, définit un état de l’organisme caractérisé par une déplé-
sur des techniques d’imagerie corporelle permet- tion des réserves ou une consommation alimentaire insuf-
tant d’identifier, en pratique clinique, des altéra- fisante ne permettant pas de couvrir les besoins
tions de la composition corporelle. Au cours d’une métaboliques. Quant à la malnutrition, elle désigne un
hospitalisation, l’état nutritionnel se détériore mauvais état nutritionnel dont les causes sont une carence
d’autant plus rapidement que la pathologie à l’ad- globale des apports ou une carence spécifique ou, à l’op-
mission est sévère et les comorbidités multiples. posé, un état pléthorique. Selon la Haute Autorité de santé
Une durée d’hospitalisation de plus de 7 jours (HAS) et l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation
aggrave l’état nutritionnel chez 30 à 40 % des en santé (ANAES) [2], « la dénutrition protéino-énergé-
patients, le plus souvent en raison d’une dette tique résulte d’un déséquilibre entre les apports et les
nutritionnelle par rapport à des besoins métabo- besoins protéino-énergétiques de l’organisme. Ce déséqui-
liques augmentés [1]. La dénutrition a une valeur libre entraîne des pertes tissulaires avec des conséquences
pronostique au cours des pathologies chroniques fonctionnelles délétères ». Ainsi, la définition de la dénu-
ou aiguës. trition intègre la notion de répercussions en termes de
fonctions (musculaire, immunitaire, etc.) [3]. À ces concepts
s’est ajoutée la notion de sarcopénie qui a été définie ini-
tialement par une diminution progressive de la masse
Évaluation musculaire chez les sujets âgés entraînant une perte fonc-

de l’état nutritionnel
tionnelle [4]. L’OMS vient d’ajouter la sarcopénie à la clas-
sification internationale des maladies (CIM-10 M62.84).
Cette définition concerne, par extension, toutes les situa-
Définitions de la dénutrition tions cliniques associant une perte de masse maigre, une
perte de fonction associée et une inactivité ; elle est secon-
et objectifs de l’évaluation daire à une diminution importante des apports protéiques
dans des situations aussi différentes que le vieillissement,
Le statut nutritionnel répond au concept d’état les pathologies chroniques (avec composante inflamma-
homéostatique qui est un état d’équilibre entre les apports toire ou non), les états d’agression, le cancer [5]. La sarco-
et les dépenses + les pertes. La rupture de cet état d’équi- pénie, fréquente au cours des tumeurs solides, est difficile
libre par variation de l’un, de l’autre ou des deux paramè- à diagnostiquer par des examens cliniques simples alors
tres entraîne un état de malnutrition. Il s’agit d’un terme qu’elle est un déterminant pronostique indiscutable, y
générique qui reflète deux situations opposées : d’une compris chez les individus obèses chez lesquels elle est
part, la pléthore (surpoids, obésité, obésité morbide) et, encore trop rarement évoquée [6, 7] (figure 1).

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

De façon intéressante, d’autres définitions intègrent les se dénutrissent mais seulement 20 à 25 % font des compli-
notions de pronostic de la maladie [8] et des facteurs étio- cations, infectieuses ou non [15]. Néanmoins, ce sont les
logiques tels que l’insuffisance des apports et l’existence patients à risque de dénutrition qui se dénutrissent et les
d’un état inflammatoire [9, 10]. Cette évolution qui patients dénutris qui sont à risque de complications. Par
consiste à prendre en compte les causes et les consé- conséquent, il n’est pas étonnant que les paramètres utilisés
quences de la dénutrition va conditionner les questions pour répondre à un item soient pollués par les autres.
qu’il faut se poser, les outils pour y répondre et l’interpré-
tation des données obtenues dans le cadre de l’évaluation
de l’état nutritionnel [11-13] (figure 2) : Marqueurs cliniques
1. le malade est-il à risque de dénutrition ?
2. le malade est-il dénutri et si oui quelle est la sévérité du
et anthropométriques
processus ? L’European Society for Clinical Nutrition and
3. le malade est-il à risque de complications liées à sa dénu- Metabolism (ESPEN) a proposé, dans le cadre d’un consen-
trition ? sus international selon la méthodologie Delphi, un classe-
4. quels malades peuvent tirer bénéfice d’un soutien nutri- ment des troubles nutritionnels [13]. L’indice de masse
tionnel ? corporelle (IMC) [poids (en kg)/taille2 (en mètre)] est le cri-
5. comment évaluer l’efficacité du programme de renutri- tère le plus ancien mais il est pris en défaut pour identifier,
tion mis en œuvre ? à lui seul, un état de dénutrition, dans diverses situations
Il faut bannir le terme « risque nutritionnel » (nutritional cliniques (sujet grabataire, inflation hydrosodée, obésité
risk des Anglo-Saxons) car on ne sait pas s’il évoque le risque morbide). Les critères diagnostiques faisant consensus
de dénutrition ou le risque de ses complications : un risque sont : une perte de poids significative récente, l’IMC et l’in-
est un risque. Par exemple, une personne âgée peut voir ses dex de masse non grasse (ou masse maigre). La valeur seuil
apports alimentaires fortement diminués après la perte de de masse maigre, estimée par impédancemétrie ou image-
son conjoint mais ce n’est pas une fatalité. De même, après rie, est rapportée à la surface corporelle (< 15 kg/m2 chez
la femme et < 17 kg/m2 chez l’homme). L’ESPEN propose
une chirurgie digestive étendue, presque tous les malades
ainsi deux définitions (tableau 1) dont la seconde est plus
sensible et devrait être retenue pour un dépistage rapide
et simple en routine clinique.
Avant de poser le diagnostic de dénutrition, il est
Trouble nutritionnel recommandé d’identifier les patients à risque de dénutri-
tion à l’aide de l’un des index composites les plus utilisés
(cf. plus bas). Cette double détermination, dénutrition
et/ou risque de dénutrition, doit permettre de poser l’in-
Anomalies du statut
Malnutrition Surnutrition dication d’une prise en charge thérapeutique nutrition-
en micronutriments
nelle et de la surveillance de son efficacité.

Dénutrition Cachexie/ Sarcopénie Fragilité Surpoids Obésité


conséquences
nutritionnelles
Marqueurs fonctionnels
des pathologies
• La force musculaire de préhension (hand grip strength)
Figure 1 / Schéma des classements des troubles nutritionnels diminue dans les états de carence nutritionnelle. Cette
méthode simple, peu coûteuse et réalisable en consulta-

Cause ou
Ce que nous voyons Comment l’évaluer Comment traiter
conséquence

Inflammation Apport alimentaire Screening du risque


Dépenses Cause de dénutrition Prévenir
Exercice énergétiques
Inflammation

Poids Conséquence Évaluation de Traiter la


Masse non grasse la dénutrition (1) dénutrition
+ +
Cause Inflammation (2) Inflammation

Cause et (1) + (2) Évaluer l’efficacité


Fonctions + fonction (muscle du traitement
conséquence

Infections Cause et (1) + (2)


Cicatrisation conséquence + morbi-mortalité
Figure 2 / Rationnel
physiopathologique
Défaillance Traiter les défaillances de l’exploration
organique Conséquence organiques,l’inflammation de la dénutrition
Mortalité et la dénutrition (d’après Soeters et al. [14]).

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Besoins nutritionnels 48

Tableau 1 / Définition de la dénutrition (ESPEN, 2015 [13])

Proposition 1 Proposition 2
IMC < 18,5 kg/m2 Perte de poids (involontaire)
> 10 % sans précision du temps nécessaire
ou > 5 % au cours des 3 derniers mois associée à :
• un IMC < 20 kg/m2 (si < 70 ans) ou < 22 kg/m2 (si ≥ 70 ans)
• ou index de masse maigre < 15 kg/m2 (femme) et 17 kg/m2 (homme)

tion ou au lit du malade, est peu utilisée bien que sa rela-


Tableau 2 / Valeurs de la force musculaire (dynamométrie main dominante)
tion avec la dénutrition ait été établie. Elle est parfaite- chez l’homme et la femme en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC) [4]
ment corrélée à l’évaluation subjective globale et permet
de distinguer un état nutritionnel normal d’un état de
IMC (kg/m2) Force développée (kg)
dénutrition plus ou moins altéré [16]. La force muscu-
laire, mesurée à l’aide d’un dynamomètre, contribue éga- Homme ≤ 24 ≤ 29
lement au diagnostic de la sarcopénie, notamment chez
24,1 – 26 ≤ 30
des sujets en surpoids ou obèses [7]. Les valeurs seuils
sont fonction du sexe et de l’IMC : une sarcopénie est 26,1 – 28 ≤ 30
évoquée si, pour l’homme, la force développée est infé- > 28 ≤ 32
rieure à 30 kg et, chez la femme, inférieure à 20 kg
Femme ≤ 23 ≤ 17
(tableau 2) [4]. Une confirmation ne sera obtenue que
par des mesures biophysiques ou par imagerie. 23,1 – 26 ≤ 17,3

• Les tests de vitesse de marche, chez le sujet âgé, sont 26,1 – 29 ≤ 18


habituellement réalisés sur 4 ou 6 mètres : la sarcopénie > 29 ≤ 21
est définie par une vitesse inférieure à 1 m/s sur une dis-
tance de 6 mètres ou une vitesse inférieure à 0,8 m/s sur
une distance de 4 mètres [17]. dans de nombreux hôpitaux, ces ostéodensitomètres
devraient être plus souvent utilisés pour le diagnostic
Mesures biophysiques d’une dénutrition.

Les mesures biophysiques permettent de mesurer la


masse grasse, la masse maigre (ou masse non grasse), la
Mesures par l’imagerie [22]
masse osseuse et les compartiments hydriques intra- et La tomodensitométrie (CT scan) et l’imagerie par réso-
extracellulaires. nance magnétique (IRM) sont considérées comme les
méthodes de référence pour la mesure de la masse non
Bioimpedance Analysis (BIA) grasse. Leur distribution territoriale, leur disponibilité et le
coût des examens en font des outils de recherche notam-
ou impédancemétrie corporelle ment épidémiologique, plus rarement des techniques diag-
L’impédancemétrie permet d’estimer la masse grasse et nostiques de deuxième niveau dans des situations cliniques
la masse non grasse. Son utilisation clinique en ambula- particulières.
toire ou au lit du malade, son faible coût et sa reproducti- • Le CT scan estime la masse musculaire avec une précision
bilité permettent d’établir l’état nutritionnel d’un individu de l’ordre de 1 % mais nécessite une irradiation plus
adulte ou âgé [18]. L’équation proposée par le groupe importante que la DXA. L’évaluation de la masse maigre
suisse est validée, par rapport aux résultats obtenus par et le diagnostic de sarcopénie par cette méthode ne sont
DXA, pour des individus de 20 à 94 ans et avec un IMC com- envisageables que si l’indication du CT scan est portée
pris entre 17,0 et 33,8 kg/m2 [19] : pour une autre raison clinique (bilan diagnostique, suivi
Masse maigre = -4,104 + (0,518 × taille2/résistance) thérapeutique).
+ (0,231 × poids) + (0,130 × réactance)
• L’IRM calcule le volume des masses tissulaires en partant
+ (4,229 × sexe : homme = 1, femme = 0),
du principe d’une densité supposée constante de la
taille en cm, poids en kg, résistance et réactance en ohms.
masse musculaire (1,04 g/cm3) et du tissu adipeux
Cette technique est peu adaptée aux patients en état (0,92 g/cm3). Surtout utilisée pour des études épidémio-
critique en raison de l’inflation hydrique et des troubles de logiques ou interventionnelles dans des groupes homo-
la perméabilité capillaire [20]. gènes en termes de pathologie (obésité de l’adulte ou de
l’enfant, hémodialyse, cancérologie, VIH), l’IRM est peu
utilisable en routine clinique du fait de son coût, de ses
DXA (dual-energy x-ray contraintes liées au champ magnétique et de l’expertise
absorptiometry) nécessaire des radiologues impliqués.
ou absorptiométrie biphotonique
C’est la méthode de référence utilisée pour valider les Évaluation nutritionnelle
autres méthodes d’estimation de la masse maigre et de la
dans les situations aiguës
masse grasse et pour définir la sarcopénie. L’examen s’ef- L’évaluation nutritionnelle des patients à leur
fectue en 20 minutes sur une table utilisant une faible dose admission dans les unités de réanimation ou de
de rayons X de deux niveaux d’énergie [21]. Disponibles soins continus n’est pas actuellement une priorité

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

des équipes médicales bien que cet état contribue • Transferrine


grandement au pronostic vital, à la survenue de
complications nosocomiales et à l’allongement de Son temps de demi-vie (8 jours) est trop court pour
la durée de séjour. La simple application des critères apprécier une dénutrition chronique et trop long pour éva-
luer une dénutrition aiguë ou l’efficacité d’une renutrition.
diagnostiques récemment publiés par l’ESPEN per-
Et surtout, sa concentration augmente dans les carences
met de fixer à plus de 50 % la prévalence d’une
martiales. Le dosage de la transferrine plasmatique n’a
dénutrition ou d’un risque associé à un état de
donc aucun intérêt dans le cadre de l’évaluation de l’état
dénutrition par un score de risque SNAQ supérieur nutritionnel.
ou égal à 3 [23].
• Transthyrétine
Marqueurs biologiques Ce nom vient de sa fonction : Transporteur de la
Thyroxine et du Rétinol. Son ancien nom, préalbumine, ne
doit plus être utilisé car source de confusion : beaucoup
Marqueurs de l’état nutritionnel : croient que la préalbumine est le précurseur de l’albumine
protéines alors qu’en réalité ce terme vient de sa mobilité à l’élec-
trophorèse.
Plusieurs protéines circulantes synthétisées par le foie
sont pertinentes dans l’exploration de l’état nutritionnel, Le temps de demi-vie très court de la transthyrétine
d’une part, en raison de la spécificité tissulaire de leur syn- (TTR) en fait un marqueur de choix pour le diagnostic de
thèse et, d’autre part, parce que le facteur limitant de la dénutrition aiguë et, surtout, de l’efficacité d’un pro-
celle-ci est l’approvisionnement en acides aminés, qu’il soit gramme nutritionnel [27]. Les valeurs seuils données par la
d’origine exogène (alimentation) ou endogène (issu de la HAS (dénutrition : < 110 mg/L ; dénutrition sévère :
< 50 mg/L) sous-estiment gravement la prévalence de la
protéolyse, essentiellement musculaire). La limitation est
dénutrition en hôpitaux MCO (médecine, chirurgie, obsté-
la spécificité de leurs variations, lourdement impactée par
trique) et gériatriques. Une étude très récente de cohorte
l’inflammation qui réprime leur synthèse via une hypersé-
rétrospective [28] suivie d’une étude prospective de vali-
crétion de l’interleukine 6 (IL-6) par les cellules de Küpffer.
dation des seuils [29] donne des seuils à 170 mg/L et
Pour cette raison, il faut toujours doser la C Reactive 110 mg/L, respectivement, avec une sensibilité et une spé-
Protein (CRP) en parallèle, quelle que soit la question à cificité acceptables. La TTR a également une valeur pronos-
laquelle on veut répondre (voir questions 2, 3 et 5 supra). tique de morbi-mortalité [27]. Pour être interprétable, le
La synthèse de ces protéines est également affectée par la dosage de la TTR doit être accompagné de celui de la CRP,
fonctionnalité hépatique, et leur dosage ne doit donc pas surtout dans le cadre du suivi de l’efficacité du programme
être prescrit en cas d’insuffisance hépatocellulaire. de renutrition. La concentration de la TTR est affectée par
l’existence d’une insuffisance rénale mais moins que ne
• Albumine l’est la Retinol Binding Protein (RBP) [27].
Cette protéine reste très populaire dans le diagnostic
• Retinol Binding Protein
de la dénutrition et de l’évaluation de sa sévérité.
Cependant, dès lors qu’il existe un état inflammatoire, la La RBP, tout comme la TTR, transporte la vitamine A et
diminution de sa concentration résulte avant tout d’une ces deux protéines forment dans la circulation un complexe
augmentation de sa vitesse de dégradation et de sa fuite marcromoléculaire. Pour cette raison, il existe une corréla-
dans le compartiment interstitiel [24]. tion remarquable entre les concentrations de RBP et celles
de la TTR, excepté dans l’insuffisance rénale (la RBP est
En l’absence d’inflammation, l’albumine reste un bon détruite dans les tubules) au cours de laquelle son augmen-
marqueur de la dénutrition dans certaines situations, en tation est observée [27]. En outre, son dosage nécessite un
gériatrie en particulier, mais non dans l’anorexie mentale appareil dédié et son coût est plus élevé que celui de la TTR.
[25]. Toutefois, en raison de son temps de demi-vie très
long (21 jours), cela ne s’applique qu’aux états de dénutri- Par conséquent, bien que sa sensibilité soit bonne en
raison de son temps de demi-vie extrêmement court
tion chronique (c’est-à-dire les patients qui n’ont pas été
(12 heures), son dosage n’a pas d’intérêt dans le cadre de
détectés en temps utile !). Comme la mesure diagnostique
l’évaluation de l’état nutritionnel, en pratique clinique.
est le point de référence des mesures suivantes visant à
s’assurer de l’efficacité de la renutrition (cf. question 5
supra), mieux vaut utiliser d’emblée la transthyrétine dont Marqueur du turn-over protéique :
le temps de demi-vie est de 48 heures (cf. infra). bilan d’azote
Autant la détermination de l’albumine est totalement L’azote (N) est aux protéines ce que le calcium est à l’os,
inutile dans le cadre du diagnostic de la dénutrition, les deux étant sujets à renouvellement avec une phase
autant elle est un marqueur indiscutable du risque de com- d’accrétion et une phase de résorption (respectivement
plications liées à la dénutrition (réponse à la question 3 protéosynthèse et protéolyse dans le cas des protéines).
supra). Une albuminémie inférieure à 30 g/L (valeurs nor- Le bilan d’azote est donc la différence entre l’azote
males : 35-50 g/L) a une valeur pronostique en termes de ingéré et l’azote éliminé. Comme l’équilibre protéo-
morbi-mortalité [25]. synthèse/protéolyse est dépendant de la prise alimentaire,
Enfin, notons que les valeurs pronostiques seuils de l’al- le bilan azote doit être fait sur une base nycthémérale ou,
buminémie ont été définies par la méthode de référence mieux, 3 jours de suite, pour lisser les variations quoti-
(néphélométrie). Les dosages réalisés par une autre diennes.
méthode (immunoturbidimétrie, colorimétrie) sont nette- L’azote ingéré est facile à calculer quand le malade est
ment moins spécifiques et doivent donc être interprétés sous nutrition parentérale ou entérale exclusive. C’est
avec prudence [26]. beaucoup plus difficile lorsqu’il existe des apports oraux

532
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Besoins nutritionnels 48

spontanés ; en effet, si l’on retient le chiffre moyen de 1 g La 3-MHis est présente dans toutes les viandes et la
de protéines = 0,16 g d’azote, il existe de très grosses dif- consommation alimentaire de celles-ci est un facteur
férences d’une protéine à l’autre. confondant. En réalité, ce problème ne se pose pas car l’in-
dication du dosage fait qu’il s’agit le plus souvent de
Les pertes en azote sont avant tout urinaires (à 85- malades sous nutrition parentérale ou entérale qui reçoi-
90 %), secondairement fécales (moins de 10 %) et le reste vent des produits ne contenant pas de 3-MHis.
sous forme dite insensible (par la peau, les cheveux, etc.)
[27]. Par conséquent, excepté lorsqu’il existe une patholo- Un autre facteur limitant est la méthode dosage qui
gie intestinale exsudative ou malabsorptive et lors de brû- nécessite une chromatographie en phase liquide à haute
lures sévères, la détermination de l’azoturie suffit. L’azote performance (HPLC).
urinaire est essentiellement sous forme d’urée (75-85 %)
Néanmoins, ce type d’appareil existe dans tous les cen-
et le reste sous forme d’ammoniaque, de créatinine et
tres hospitaliers universitaires, régionaux et certains hôpi-
d’acides aminés libres. Par conséquent, il existe des for-
taux généraux.
mules [27] qui permettent de calculer les pertes en azote
à partir de la mesure de l’urée urinaire corrigée des pertes
urinaires non uréiques et des pertes non urinaires.
Cependant, les malades hypercataboliques ont une ten-
Index composites
dance à l’acidose métabolique qui est prévenue ou corri- Déjà en 2005, plus de 70 outils de dépistage avaient été
gée par activation de l’ammoniogenèse et inhibition de mis au point, répondant à des objectifs différents : identi-
l’uréogenèse [27]. Par conséquent, chez ces malades, la fier l’état nutritionnel ou la nécessité d’une intervention
seule détermination de l’urée minore très sérieusement les nutritionnelle, prédire la morbi-mortalité liée à la dénutri-
pertes en azote et améliore faussement le bilan, parfois de tion et/ou l’efficacité de la renutrition. Tous nécessitent
façon très importante [30]. Ainsi, c’est seulement la déter- moins de 15 minutes pour être réalisés [32]. Nous détaillons
mination de l’azote total urinaire qui donne un résultat ci-dessous les index les plus utilisés.
fiable. Celle-ci est réalisée par pyrochimioluminescence qui
fournit un résultat très rapidement mais nécessite un appa-
reillage coûteux, donc rarement disponible. La méthode
Index du risque de dénutrition,
de Kjeldahl est laborieuse et les réactifs utilisés sont dan- de la dénutrition
gereux [27]. Une autre exigence est le recueil parfait des et de sa sévérité (MNA)
urines de 24 heures et leur homogénéisation, ce qui est dif-
ficile surtout en cas de diurèse élevée (> 2 L), fréquente Le MNA (Mininutritional Assessment) a tout d’abord
dans certaines situations cliniques. été établi sous une forme détaillée avec un volet dépistage
(6 items) et un volet évaluation globale (12 items) [33]. Sa
En dehors de ces réserves, le bilan azote est très utile mise en œuvre étant jugée trop longue, une forme simpli-
pour apprécier l’efficacité d’une renutrition. En revanche, fiée a été élaborée (MNA-SF) avec seulement 6 items et les
le bilan azote reflète mal la sévérité de l’état de dénutri- valeurs seuils suivantes :
tion car il peut être équilibré dans toutes sortes de situa- • < 8-11 points : risque de dénutrition ;
tions cliniques [27]. • < 0-7 points : état de dénutrition.
Cet index a été validé pour la population gériatrique.
Marqueur de la masse musculaire : Le problème est que cet index comprend des facteurs de
créatinine urinaire risque de dénutrition (diminution de la prise alimentaire,
stress psychologique ou maladie aiguë, problèmes neurop-
La créatinine est libérée spécifiquement par le muscle sychiatriques, etc.) et des marqueurs de dénutrition avérée
au décours du catabolisme de la phosphocréatine avant (perte de poids, adynamie, IMC ou circonférence brachiale,
d’être éliminée dans les urines. En l’absence d’insuffisance etc.), cette ambiguïté se reflétant dans la signification des
rénale et, rapportée à la taille, elle reflète bien la masse seuils définis ci-dessus.
musculaire.

Index du risque de complications


Marqueur du catabolisme protéique liées à la dénutrition
musculaire : 3-méthyl-histidine
La 3-méthyl-histidine (3-MHis) est spécifiquement pré-
• NRI et GNRI
sente dans l’actine et la myosine musculaires. Sa synthèse Le NRI (Nutritional Risk Index) combine l’albuminémie
est post-traductionnelle (par méthylation de l’histidine et la perte de poids selon la formule [34] :
déjà présente dans la protéine). Lors de la protéolyse, NRI = [1,519 × albuminémie (g/L)]
n’ayant pas de codon qui la reconnaisse, la 3-MHis n’est + 41,7 × [poids actuel/poids usuel].
pas réutilisée dans la synthèse protéique et est éliminée
Trois valeurs seuils ont été établies :
par le rein sans être réabsorbée au niveau tubulaire.
• > 97,5 % : pas de risque de complications lié à la dénutri-
Rapportée à la créatininurie (pour tenir compte de la
tion ;
masse musculaire), la 3-MHis est un excellent marqueur du
• 83,5 à 97,5 % : risque modéré de complications ;
catabolisme protéique myofibrillaire des muscles striés (les
• < 83,5 % : risque élevé de complications.
muscles lisses ne sont pas contributifs) [31].
Le NRI est un index de risque de complications et non
La détermination du rapport 3-MHis/créatininurie per-
d’un risque de dénutrition comme cela est indiqué à tort
met d’évaluer la sévérité de la dénutrition en situation
dans diverses publications. Les raisons de cette erreur ont
hypercatabolique et de suivre l’efficacité de la renutrition.
été analysées par Bernard et al. [35].
Comme il s’agit d’un rapport de concentrations, les valeurs
obtenues sont moins dépendantes d’un recueil correct des Parce que la notion de poids usuel est floue chez le
urines de 24 heures que ne l’est la mesure de l’azoturie. sujet âgé (> 75 ans), Bouillanne et al. [36] ont proposé le

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

GNRI (Geriatric NRI) dans lequel le poids idéal (calculé par


la formule de Lorentz) remplace le poids usuel, selon la for-
Index permettant de définir
mule : les malades susceptibles de tirer
GNRI = [1,489 × albuminémie] un bénéfice d’un soutien nutritionnel
+ 41,7 × [poids actuel/poids idéala]
a si le rapport est > 1, la valeur 1 est retenue. • NRS - 2002
Quatre valeurs seuils ont été établies : Tout comme le MNA, le NRS - 2002 (Nutritional Risk
• > 98 : pas de risque de complications ; Screening - 2002) combine des éléments du risque de dénu-
• 92-98 : risque bas de complications ; trition (prise alimentaire, âge, sévérité de la maladie) et des
• 82-92 : risque élevé de complications ; items signant une dénutrition (IMC, perte de poids) [40].
• < 82 : risque majeur de complications. Ce score est établi en étapes : si à l’un des items de
La pertinence du GNRI a récemment été étendue à l’évaluation initiale (IMC, perte de poids, diminution des
d’autres populations comme, en particulier, les insuffisants ingesta, sévérité de la pathologie), la réponse est « oui »,
rénaux chroniques [37]. l’évaluation complète est réalisée. Un score supérieur ou
égal à 3 doit conduire à une prise en charge nutritionnelle.
• Index pronostique Ce score est très utilisé dans les études épidémiologiques
ou d’intervention.
inflammatoire et nutritionnel
L’index pronostique inflammatoire et nutritionnel (PINI) • SGA
est le rapport de deux protéines marqueurs de l’état
inflammatoire et de deux protéines marqueurs de l’état Le SGA (Subjective Global Assessment) est basé sur la
nutritionnel [27] : perte de poids, la prise alimentaire, l’existence de symp-
tômes digestifs, les capacités fonctionnelles, l’existence d’un
CRP (mg/L) × orosomucoïde (mg/L) stress métabolique et l’examen clinique [41]. Il mélange
PINI = .
albumine (g/L) × TTr (mg/L) donc, comme les scores précédents, risque de dénutrition
Son intérêt est que ce rapport étant un produit de et dénutrition avérée. Les malades sont classés :
concentrations, il est insensible aux variations du volume • A : état nutritionnel normal ;
(hémodilution ou hémoconcentration). • B : dénutrition modérée ;
• C : dénutrition sévère.
Les valeurs seuils sont, pour des malades souffrants de
dénutrition chronique : Le SGA pourrait permettre d’identifier les malades sus-
• < 1 : pas de risque de complications ; ceptibles de bénéficier d’une nutrition préopératoire.
• 11-20 : risque modéré ;
• 21-30 : risque élevé ; • MUST
• > 30 : risque vital. Le MUST (Malnutrition Universal Screening Tool) a été
Bonnefoy et al. [38] ont montré que le risque de com- conçu pour établir l’état nutritionnel et identifier les
plications augmentait d’un facteur 4,3 pour un PINI supé- patients (en ville et consultants) qui ont besoin d’une assis-
rieur ou égal à 25. Chez des malades de réanimation, la tance nutritionnelle [42]. Ce score combine l’IMC, la perte
valeur seuil est PINI supérieure à 300 [39]. Le PINI reste uti- de poids des 3 à 6 derniers mois et l’existence d’une mala-
lisé en gériatrie. die aiguë. Le risque de dénutrition est défini selon le score
suivant :
• 0 = faible → pas d’action ;
• 1 = moyen → surveiller ;
Tableau 3 / Principaux marqueurs en fonction des questions posées • 2 = élevé → traiter.

Question Paramètres • SNAQ


Le SNAQ est un questionnaire simple destiné à l’éva-
Ingesta
Le malade est-il à risque luation rapide chez les patients admis à l’hôpital (perte de
1 Dépenses énergétiques
de dénutrition ? poids de 3 kg par mois, diminution de l’appétit et de la
MNA
consommation d’un complément nutritionnel) ou rece-
IMC
Perte de poids vant une nutrition entérale [43]. Sa sensibilité, sa spécifi-
Le malade est-il dénutri et si oui DEXA cité et sa reproductibilité sont excellentes, et il peut être
2 quelle en est la sévérité ? Transthyrétine (+ CRP) réalisé par tous les professionnels de santé même non
3-méthylhistidine/créatinine Ur entraînés.
MNA

Le malade est-il à risque de Albumine • NUTRIC


3 NRI, GNRI
complications liées à sa dénutrition ? PINI Le NUTRIC (Nutrition Risk in Intensive Care) a été établi
NRS - 2002 pour les malades de réanimation. Il combine des scores de
Quels malades peuvent tirer bénéfice SGA gravité (APACHE II, SOFA, etc.) et la concentration plasma-
4 d’un soutien nutritionnel ? MUST tique en IL-6. Comme les résultats de ce dosage sont diffi-
SNAQ ciles à obtenir en temps réel, les auteurs [44] ont proposé
5 Comment évaluer l’efficacité Transthyrétine (+ CRP) un score modifié excluant le dosage de cette cytokine.
du programme de renutrition ? Bilan d’azote Moyennant quoi, ils montrent, évidemment, que ce sont
MNA : Mininutritional Assessment ; IMC : indice de masse corporelle ; les malades les plus graves qui tirent le plus grand bénéfice
DEXA : dual energy X-ray absorptiometry ; CRP : C Reactive Protein ; d’une nutrition assistée.
NRI : Nutritional Risk Index ; GNRI : Geriatric NRI ;
PINI : index pronostique inflammatoire et nutritionnel ;
NRS - 2002 : Nutritional Risk Screening - 2002 ; SGA : Subjective Global Assessment ;
MUST : Malnutrition Universal Screening Tool ; Les principaux marqueurs en fonction des questions
SNAQ : Short Nutritional Assessment Questionnaire posées sont résumés dans dans le tableau 3.

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page535

Besoins nutritionnels 48
Éléments traces essentiels Toutefois, si les ETE sont par définition des atomes rares
[46], leur action peut être ubiquitaire dans les cellules et
en nutrition humaine : avoir un retentissement considérable sur leur fonctionne-
ment (figure 3). Les ETE modulent la composition du milieu
focus sur le sélénium hydrique intracellulaire (dont le potentiel redox), notam-
ment par les séléno-enzymes, en particulier la famille des
glutathions peroxydases (GPx) et contrôlent ainsi l’ensem-
Définition de la notion ble des réactions biologiques et le fonctionnement cellu-
laire [48, 49] et, partant, le fonctionnement des organes et
Un élément trace essentiel (ETE) est un atome présent de l’organisme tout entier. Mais, pour tous les ETE, un
dans les tissus animaux et humains à une concentration apport excessif ou une accumulation peuvent être toxiques.
relativement constante et faible correspondant à moins de
0,1 g/kg, et souvent beaucoup moins : 0,2 mg/kg pour le Comme les ETE sont des atomes, les carences ne peu-
sélénium (Se), soit moins de 20 mg pour un adulte de 75 kg vent exister que par défaut d’apports ou pertes excessives
(tableaux 1 et 2). Il a un rôle indispensable dans une ou et non compensées. Le terme « ETE » (analogue du
plusieurs grandes fonctions biochimiques. Sa carence Essential Trace Elements anglo-saxon) remplace souvent
induit des perturbations biochimiques et/ou des manifes- maintenant l’ancien terme « oligo-élément » (du grec oli-
tations cliniques qui peuvent être prévenues ou traitées gos : rare, peu). Il existe par ailleurs des ETE qui sont pure-
par une supplémentation [45]. ment toxiques comme le mercure. Certains de ces ETE

Exocytose vésiculaire Vésicules mantelées


du Zn2+ dans le lait Zn2+
par la clarithine

Dégradation et internalisation
médiées par l'ubiquitine
Zn2+
UB N
N N
UB K6
K6
LL LL
Ac
cu

C
m
ula
tio

C C
n

2
du

SV nT
Zn

uZ
2+

Zn2+
nd

Zn2+
Ubiquitination
atio

sur les 2 lysines K4 et K6


alis

UB exposant 2 dileucines (LL)


ern

à L9 et L293
Int

K4/6
N N N
C
C
Ubiquitination sur
une des 2 lysines
AG (K4 ou K6) conduit
à la migration
vers VS C
N
Figure 3 / Action C
ubiquitaire des éléments N C
traces essentiels ZnT2 (42 kDa)
Endocytose

dans la cellule :
exemple du zinc (Zn2+)
(d’après Kasana et al. [47])
N : azote ; C : carbone ; RER
PRL : prolactine ;
Jak2/STAT5 : Janus N AP
Kinases 2/Signal N Zn2+
Transducers and Activators
of Transcription 5 ; Augmentation de la
ZnT2 : famille de protéine transcription de l'ARNm NC
pour la protéine ZnT2
de transport du zinc ; Translocation du ZnT2 dans
NC : noyau cellulaire ; et la membrane cellulaire (voie accessoire)
RER (ou REG) : réticulum C
Épissage
endoplasmique granuleux ;
alternatif ZnT2 (35 kDa)
AG : appareil de Golgi ; C
Zn2+
VS : vésicule sécrétoire ;
UB : ubiquitine ;
AP : autophagosome. Activation de Sécrétion du Zn2+
Cette figure a été reprise la voie Jak2/STAT5 à travers la
en page de couverture membrane cellulaire
du Journal de la FESTEN
(Fédération des sociétés
européennes des éléments
traces et minéraux) . Récepteur PRL
PRL

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

comme l’arsenic (As) peuvent être aussi des médicaments, Une modification
mais avec une marge de sécurité faible [50, 51]. Le
sélénium peut être, selon la dose, la concentration (ou l’ad- de l’approche du monde vivant
ministration) et le composé (figure 4), nutriment, médica- L’approche du monde vivant par les ETE fait ainsi res-
ment ou poison, expliquant la complexité de l’approche sortir l’importance de la qualité du milieu hydrique intra-
des ETE et leur marge de sécurité restreinte. cellulaire [64] et l’impact de son contrôle sur le
fonctionnement cellulaire.

Origine et importance Les enzymes anti-oxydantes séléniées modifient le


potentiel redox par leur contrôle de la concentration en
des éléments traces essentiels peroxydes. Ils agissent de ce fait sur de nombreuses cas-
cades, en particulier par leur action stabilisatrice sur les
Origine du concept ponts disulfures essentiels aux structures tertiaires et qua-
et lien avec le potentiel redox ternaires des protéines et à la liaison entre facteur trans-
criptionnel et ADN [65, 66]. Toutefois, les composés
La notion d’élément trace est née des progrès de la chi- séléniés chimiques peuvent être des oxydants puissants et
mie analytique, en lien avec la chimie atomique, du milieu agir de manière inverse sur les ponts disulfures qu’ils rom-
du xxe siècle permettant de déterminer par la spectromé- pent [67]. Cet exemple du sélénium explique l’importance
trie la teneur en atome d’un tissu ou d’un organisme indif- fonctionnelle des ETE, mais aussi la marge de sécurité fai-
féremment de son état biochimique (ion, cofacteur, atome ble entre nécessité et toxicité.
inclus dans une molécule). Le rôle de certains de ces
atomes présents en toutes petites quantités (< 0,1 g/kg) a
été découvert dans les années 1970 [52, 53]. Certains, Mode d’action
comme le sélénium, initialement connu dans les années
1930 comme toxique, semblait avoir un rôle clé dans le Éléments traces essentiels comme
fonctionnement de l’organisme [54]. Chez l’homme, on a cofacteurs (mécanismes habituels)
ensuite observé que sa carence (< 17 mg/j de Se) pouvait
être mortelle (maladie de Keshan, en Chine, ou chez les Les ETE, sauf le sélénium, vont se lier au niveau de leur
patients recevant une nutrition parentérale sans sélénium). site d’action par des liaisons ioniques. Ainsi, le fer se fixe
Dans les deux cas, la cardiomyopathie non obstructive res- sur l’hème sous forme Fe++, mais sous cette forme, il
ponsable de décès est prévenue par une supplémentation expose à la réaction de Fenton très dangereuse car créant
[55]. Une dizaine d’années plus tard, des revues générales le radical libre OH• qui oxyde la première molécule ren-
confirment le chemin parcouru pour le sélénium [56] puis contrée. Le stockage se fait sous forme Fe+++ (ferritine et
le zinc (Zn) [57]. Les modèles knock-out (KO) ont confirmé hepcidine). Il en est de même pour le cuivre. Le zinc sous
le rôle indispensable et vital des ETE [58], sans oublier leur forme Zn++ intervient dans la conformation de nom-
toxicité, ni leur intérêt médicamenteux [59-61]. breuses enzymes et modifie ainsi leur activité (figure 3).
Le phénomène est identique au niveau de l’ADN pour les
Parallèlement, l’importance du potentiel redox dans le protéines à doigt de zinc [68]. La liaison du métal aux pro-
fonctionnement cellulaire était découverte en 1934 avec téines peut être plus ou moins forte : métallo-enzymes
la réaction d’Haber-Weiss (ou de Fenton) pour le fer (Fe). vraies où elle est forte et activateur métallique où elle est
Comme nous le reverrons par la suite, le sélénium (par les plus faible. Elle peut se faire au niveau du site actif
enzymes séléniés [62]) et d’autres ETE comme le fer, le cui- (comme pour le Zn++ : fixation du substrat, réaction, pro-
vre (Cu) et le zinc ont un rôle clé dans le contrôle du poten- tection de structure) ; à distance (conformation molécu-
tiel redox. Ils régulent de ce fait de très nombreux laire) ou en augmentant stabilité et durée de vie de la
métabolismes [63]. protéine [46].

AJR AMT LT DL min

Apport Apport Pharmaco- Médicament Poison


nutritionnel nutritionnel nutriment
Prévention optimal
des à adapter Figure 4 / Effet d’un élément
carences aux conditions trace essentiel selon la dose, le
composé et sa concentration
Toxicité chronique À forte dose, la toxicité (et l’effet
médicamenteux) va varier
Limite des considérablement en fonction :
signes cliniques Limite nutrition du composé, de la dose, de la voie
de carence d’administration entérale ou
parentérale et de la modalité
d’administration intraveineuse
(concentration).
AJR : apports journaliers recom-
Carence pouvant Toxicité pouvant mandés ; AMT : apport maximal
être mortelle être mortelle tolérable ; LT : limite de toxicité ;
DL : dose létale.

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Besoins nutritionnels 48

Éléments traces essentiels • La toxicité chronique (sélénose) entraîne des troubles des
phanères (ongles secs et cassants, alopécie), gastro-intes-
inclus dans un acide aminé : tinaux et neurologiques ainsi que des rashs cutanés et
l’exception du sélénium une cirrhose. Les composés séléniés peuvent également
être carcinogènes. Il existe un débat sur le seuil de risque,
Un seul atome de sélénium est toujours présent au
qui a conduit à abaisser l’apport maximal tolérable (AMT
niveau du site actif des enzymes séléniées sous la forme
ou tolerable upper intake level) de 400 mmg à 200 mg par
d’un acide aminé particulier, la sélénocystéine (Secys) [58,
jour dans les recommandations belges [78].
69]. Il est nécessaire à l’activité enzymatique. Le stockage
du sélénium est réalisé dans la sélénométhionine. Le trans-
port de SeCys entre le foie et les tissus est assuré dans le Apports nutritionnels
plasma par la sélénoprotéine P (SePP1), seule protéine à
Entre ces deux situations de carence et de poison, il
avoir plusieurs SeCys [70]. Il n’y a pratiquement pas, à l’état
existe une zone intermédiaire nutritionnelle que l’on peut
physiologique, de sélénium sous forme ionique.
diviser en trois parties.

Apport nutritionnel, • Apports journaliers recommandés


ou apports nutritionnels conseillés
pharmaconutriment, Les apports journaliers recommandés (AJR) ou apports
médicament ou poison ? nutritionnels conseillés (ANC) correspondent aux besoins
de plus de 97,5 % de la population. Ils sont proches des
De la carence au poison Dietary Reference Intakes (DRI) [79, 80], définis sur la dis-
parition des signes cliniques de déficit si ceux-ci sont
On peut distinguer plusieurs stades entre carence et patents, puis sur l’optimisation de fonctions enzymatiques,
toxicité pour un ETE selon la dose administrée ou ingérée. prises comme référence jusqu’à leur plateau. Pour le sélé-
Pour un même ETE, il faut tenir compte aussi du composé nium, il s’est agi de la glutathion peroxydase plasmatique
qui contient l’ETE, particulièrement pour la biodisponibi- (GPx3). La question s’est posée pour la SePP1 qui est peut-
lité et la toxicité. La voie d’administration (entérale ou
être augmentée au-delà du plateau de la GPx3 par un
parentérale) modifie également son métabolisme. Enfin,
apport supplémentaire mais est-ce pertinent pour la
la durée d’administration intraveineuse change sa concen-
santé ? La détermination des AJR a permis de conduire des
tration sanguine et donc sa toxicité (ou son action médi-
interventions de fortification de l’alimentation pour des
camenteuse) [71]. Par ailleurs, les ETE peuvent avoir entre
populations carencées ou sub-carencées. Elles sont bien
eux des actions synergiques ou antagonistes [72]. En
connues pour l’iode avec une fortification du sel. Pour le
dehors du sélénium, les différents aspects entre carence et
sélénium, une fortification des fertilisants en sélénium en
toxicité des ETE sont indiqués dans les tableaux 4 et 5.
Finlande aurait eu un effet positif sur les maladies cardio-
vasculaires [81].
• Carences (tableau 4)
En France, les ANC datent de 2001 [82]. Un rapport euro-
Les carences se constituent par défaut d’apport ou péen a été rédigé par l’European Food Safety Authority
pertes non compensées. Les décès par carence en sélénium (EFSA) pour l’alimentation humaine et animale [45]. Une
surviennent principalement chez les femmes enceintes et mise à jour a été faite en 2015 pour la Belgique [78]. Les
les enfants en bas âge par hyperoxydation et déficit immu- apports recommandés chez l’adulte et chez l’enfant sont
nitaire [73]. Dans cette situation de carence, il existe une indiqués dans les tableaux 6 et 7.
diminution des enzymes séléniées et, bien que retardée
(préservation), une diminution en sélénium et en SePP1 Pour l’alimentation parentérale totale, une analyse ETE
plasmatique. Les modèles KO pour SeCys sont létaux par ETE a été réalisée en 2009 [88]. Une mise à jour a été
confortant l’importance vitale des enzymes séléniées chez faite en 2014 par la société d’Australie et d’Asie (AuSPEN
les mammifères [58]. pour Australasian Society for Parenteral and Enteral
Nutrition) [89]. Selon ces publications, les apports en sélé-
• Empoisonnements, toxicité chronique, nium pourraient être augmentés et les apports en cuivre,
carcinogénicité et tératogénicité chrome (Cr), manganèse (Mn) et molybdène (Mo) diminués
par rapport aux précédentes recommandations. L’apport en
(tableau 5)
ETE doit être journalier pendant la nutrition parentérale
• La toxicité aiguë varie dans un rapport de 1 à 7 000 en totale (NPT). Les dosages ne se justifient qu’en cas de NPT
fonction du composé sélénié, le sélénite de sodium prolongée ou en présence de signes cliniques potentielle-
(Na2SeO3) étant l’un des composés les plus toxiques, simi- ment en rapport avec un tableau de carence ; les méthodes
laire en termes de toxicité clinique et de dose que les sels d’évaluation (marqueurs du statut) ayant toutes des limites.
d’arsenic (As) [74]. La dose létale minimale semble être La mise à jour du traité de nutrition clinique par la Société
du même ordre de grandeur chez l’homme que chez les francophone nutrition clinique et métabolique (SFNEP) a
autres mammifères (de 1 à 3 mg/kg) [75-77]. In vitro, la repris la synthèse des recommandations [90]. Les recom-
cytotoxicité est directement liée à la concentration et mandations européennes pour la pédiatrie, publiées par
s’exerce particulièrement sur les cellules activées cancé- l’ESPEN [87] sont reprises dans le même traité ainsi que les
reuses [60, 61]. recommandations belges [78]. Une revue concerne les
Chez l’homme comme chez l’animal, l’intoxication aiguë enfants de moins de 2 ans [91]. Il existe notamment un
par voie orale entraîne initialement des signes gastro- débat sur le fer dans l’alimentation parentérale en pédia-
intestinaux (diarrhée, vomissements incoercibles, par trie. L’apport peut être particulièrement dangereux en
cytotoxicité intestinale) et des troubles neurologiques. Le situation de Kwashiorkor (concentration basse en ferritine)
décès va survenir par syndrome de détresse respiratoire ou en cas d’excès d’apport. En revanche, l’apport en fer est
aiguë et comportant un état de choc réfractaire, avec nécessaire en cas d’alimentation parentérale prolongée et
une part de cardiomyotoxicité et des défaillances multi- chez les nouveau-nés avec un petit poids. Un suivi du statut
viscérales. en fer est également nécessaire en cas d’alimentation enté-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Tableau 4 / Éléments traces essentiels (ETE) : modes d’action, fonctions et carences

ETE (contenu Populations à risque


Propriétés Fonctions biochimiques Signes cliniques de carence
corporel total)* de carence
Métabolisme thyroïdien • Constituant des hormones • Hypothyroïdie • Carence d’apport
thyroïdiennes T4 et T3 • Hypothermie (2 milliards d’individus
• Interaction avec le Se • Asthénie dans le monde,
Iode (I) (protection thyroïdienne) • Troubles mentaux, cognitifs 141 millions d’Européens)
(15 mg) • Interaction avec Fe et Zn • Hypercholestérolémie • Femmes > hommes
• Risque cardiovasculaire
• Ostéoporose
• Transport de l’oxygène • Utilisation de l’oxygène, • Anémie microcytaire Carence d’apport la plus
et d’électrons (hème) besoins énergétiques • Troubles cognitifs fréquente dans le monde :
• Composant de très nom- cellulaires • Infections (immunité – femmes enceintes
Fer (Fe) breuses enzymes : métabo- • Immunité cellulaire) (3e trimestre)
(4,5 g) lisme énergétique, • Fonction cérébrale • Prématurité, hypotrophie – petite enfance
oxydoréduction (catalase) • Balance oxydative • Perlèche, glossite de Hunter, – saignements répétés
• Bactéricidie (réaction ongles bombés – végétariens, végétaliens
de Fenton oxydante)
• Comme le Fe, cofacteur d’un • Métabolisme du Fe, • Anémie arégénérative Maladie de Menkès génétique
grand nombre de protéines érythropoïèse • Leuconeutropénie (déficit létal)
et d’enzymes dont l’enzyme • Anti-oxydante (SOD) • Altération du goût
anti-oxydante Cu-Zn SOD • Respiration cellulaire • Dépigmentation
• Assure l’intégrité du (cytochrome c oxydase) • Fractures (enfant)
Cuivre (Cu) collagène et de l’élastine • Métabolisme de la mélanine • Ostéoporose
(75 mg) • Anti-inflammatoire, • Altération des métabolismes
antiviral, anti-infectieux glucidique, énergétique,
• Métabolisme osseux lipidique
• Dopamine b hydroxylase • Risque coronarien
• Troubles de la maturation
du SNC
• Dans plus de 300 métallo- • Réponse immunitaire • Infections (déficit immunité Carence d’apport :
enzymes • Effet anti-apoptotique non spécifique et acquise) – fistules digestives, diarrhées
• Protéines à doigt de Zn • Inhibition du NF-kB • Retard de cicatrisation – femmes enceintes,
• Métallothionéines, métallo- (cible majeure du Zn) • Acrodermite péri-orificielle allaitantes
protéines • Anabolisme protéique • Alopécie – nourrissons
• Neurotransmetteur (croissance) • Retard de croissance (nutrition artificielle)
et neuromodulateur • Fonctions cérébrales et pubertaire – sujets âgés en institution
Zinc (Zn) • Désaturases (métabolisme • Métabolisme • Troubles de la vision nocturne – alcool, tabac, cirrhose,
(2,25 g) des AG) phosphocalcique • Troubles cognitifs (enfants, insuffisance rénale, diabète
• Conformation spatiale • Métabolisme des prosta- personnes âgées) – hypersudation
des protéines glandines • Ostéoporose – brûlures étendues
• Anti-oxydant biologique • Métabolisme glucidique • Dysgueusie – végétariens et végétaliens
(rôle particulier ADN) • Renouvellement des entéro- • Malformation du squelette
cytes et taille des villosités et du SNC
• Non-fermeture tube neural
• Constituant structurel • Protection anti-oxydative • Cardiopathie congestive • Carence d’apport (associée
de plus de 25 familles • Contrôle du potentiel redox (maladie de Keshan) au déficit en iode) aiguë,
d’enzymes intracellulaire • Infections (déficit immunité chronique :
• Acide aminé particulier • Protection antiradicalaire cellulaire) – sujet âgé (carences d’apport,
SeCys • Maintien du potentiel de • Myalgies, déficit de la force surtout en institution)
• Peroxydases, dont membrane mitochondrial musculaire, arthropathie – cirrhose, MICI
glutathions peroxydases • Anti-apoptotique • Pseudo-albinisme • Pertes : brulures étendues,
Sélénium (Se) (GPx), phosphohydroxyl GPx • Immunité (phagocytose, • Atteinte cartilagineuse diarrhées, fistules, EER
(15 mg) (PHGPx) activation et prolifération (maladie de Kashin-Beck) • Besoins accrus :
• Tyorédoxines réductases des lymphocytes) • Macrocytose érythrocytaire – stress oxydant ? sepsis,
• Sélénoprotéine (SePP1) • Action des hormones • Syndrome de basse T3 agressions aiguës
(10 SeCys) 3-5’déiodinases thyroïdiennes • Fonctions cognitives – maladies cardiovasculaires
• Détoxification des xénobio- • Agrégation plaquettaire – inflammation neuro-
tiques et des métaux lourds augmentée (prostaglandines) dégénérative (SLA, AVC,
• Métabolisme de l’acide • Augmentation du LDL- infections virales (HIV),
arachidonique cholestérol et lipoperoxydes cancers
• Sous forme Cr+++ Homéostasie du métabolisme • Intolérance au glucose • Syndrome métabolique,
• Facteur de tolérance glucidique • Diabète insulinorésistant obésité, maladies cardio-
Chrome (Cr) au glucose, fixation • Risque cardiovasculaire vasculaires
(1,5 mg) de l’insuline au récepteur • Neuropathie périphérique • Stress, grossesse, exercice
• Favoriserait ostéoporose intense, traumatismes
• Sujet âgé
Cofacteur enzymatique (SOD • Reproduction Déficits discutables, sauf
Manganèse mitochondriale, hydrolase, • Croissance osseuse en nutrition parentérale
(Mn) (15 mg) transférases, enzymes de la • Fonctionnement cérébral de longue durée
synthèse nucléique) • Néoglucogenèse

Constituant de métallo- Réactions d’oxydoréduction, Tachycardie, tachypnée, Déficit discutable


Molybdène enzymes formation de l’acide urique, irritabilité, scotomes centraux,
(Mo) (7,5 mg) détoxification des sulfites intolérance à la perfusion des
acides aminés, hypo-uricémie
Inhibiteur enzymatique Dents, métabolisme
Fluor (F) (3 g) phosphocalcique
* Pour un adulte de 70 Kg. SOD : superoxyde dismutase ; SNC : système nerveux central ; AG : acides gras ; NF-kB : nuclear factor kappa B ; Secys : sélénocystéine ;
MICI : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ; EER : épuration extrarénale ; SLA : sclérose latérale amyotrophique ; AVC : accident vasculaire cérébral

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Besoins nutritionnels 48

Tableau 5 / Éléments traces essentiels (ETE) : toxicité aiguë et chronique

ETE Mécanisme Toxicité aiguë Toxicité chronique


Cytotoxicité par radicaux libres (R°) : • > 10-20 mg/kg : diarrhée, vomissement, Prédisposerait à des pathologies oxyda-
– réaction de Fenton : création de nécrose intestinale, état de choc avec tives chroniques (diabète de type II, mala-
radical libre (R°) très oxydant défaillances multiviscérales dies cardiovasculaires, cancer, maladies
– favorise la croissance bactérienne • Dose létale > 60 mg/kg (1re cause neurodégénératives) :
Fer (Fe) d’empoisonnement chez l’enfant – hémochromatose héréditaire secondaire
de moins de 6 ans aux États-Unis) à un trouble de l’absorption (cirrhose)
• Toxicité sub-aiguë (50 mg/j sels de Fe), – prise excessive hémosidérose (cirrhose)
troubles intestinaux trouble de l’absorption du Cu et du Zn
Agrégation de la protéine-bêta-amyloïde ? > 30-50 mg/j :
– diminution de la ferritine, de la
cuprémie, de la SOD Cu-Zn-dépendante,
Zinc (Zn) augmentation du HDL cholestérol
– diminution de l’absorption du Cu
– immunodépression (> 150 mg/j)
Cytotoxicité par R° Insuffisance hépatique aiguë très rare • Maladie de Wilson génétique
– réaction de Fenton (production (30 mg/j, suivi de 60 mg/j) (case report), de surcharge (Allemagne et Inde)
de radical libre OH° très oxydant) précédée de douleurs abdominales • > 10 mg/j : une surcharge pourrait parti-
Cuivre (Cu) et associée à une insuffisance rénale ciper à la maladie d’Alzheimer (avec un
déficit en Zn)
• Risque d’accumulation si cholestase
(diminution de l’excrétion)
• Cytotoxicité (R°) (interaction entre les Dose létale dépendante du composé • Sélénose (> 900 mg/j) : phanère, poly-
composés contenant du Se et les ponts Na2SeO3 > 3 mg/kg : troubles gastro- névrite, encéphalopathie, rashs cutanés,
disulfures S-S ou directe) intestinaux, neurologiques, puis décès cirrhose ; (odeur alliacée de l’haleine)
Sélénium • Effet paradoxal anti-oxydant limitant par état de choc réfractaire avec • Carcinogène (seuil discuté, pourrait être
(Se) l’apoptose des cellules cancéreuses défaillances multiviscérales (cardio- de 300 mg, en comprenant supplémenta-
(discuté) (et à doses modérées) respiratoire, puis rénales et hépatiques), tion et apport nutritionnels)
rapidement réversible en l’absence de • Tératogène (animal, serait non retrouvé
décès immédiat chez l’homme)
> 1 000 mg/j : décès sur ingestion,
Iode (I) Oxydant Hypothyroïdie néonatale
nécrose intestinale, état de choc
(Seuil discuté 11 mg/j ?) : neurotoxicité
(dont troubles de la mémoire,
dépression) ; syndrome extrapyramidal
Manganèse similaire à la maladie de Parkinson
(Mn) (inhalation de poussière de Mn) ;
sa toxicité est facilitée par une pathologie
hépatique chronique
Essentiellement le Cr hexavalent :
Chrome (Cr) Toxicité sur les acides nucléiques carcinogène, mutagène ;
toxicité hépatique discutée
Na2SeO3 : sélénite de sodium ; SOD : superoxyde dismutase

Tableau 6 / Éléments traces essentiels (ETE) : apports journaliers recommandés (AJR) (voie digestive et parentérale chez l’adulte)

Apports Sujet
ANC Grand Diarrhées Hémo-dia-
augmentés Nutrition agressé de
ou AJR brûlé et fistules filtration
ETE Population AMT (UL) LT (LOAEL) parentérale réanimation
(DRI) (brûlures (période continue
à risque (ANC) (sepsis)
AA (AI) ouvertes) aiguë) sur IRA**
(discutés) (débattu)
Limiter (si Limiter (si Limiter (si Limiter (si
Iode (I) 150 mg/j 1,1 mg 1,7 mg ANC désinfection désinfection désinfection désinfection
iodée) iodée) iodée) iodée)
À éviter À éviter À éviter
Non ou À éviter
Fer (Fe) 8 mg/j 18-27 mg 45 mg 70 mg (réaction (réaction (réaction
1,1 mg (Fenton)
de Fenton) de Fenton) de Fenton)
Chrome (Cr) 60 mg 120 mg/j Inconnu Inconnue 15 µg > ANC > ANC > ANC > ANC
Cuivre (Cu) 0,9 mg/j 1,5-2 mg 10 mg 10-60 mg 1-1,2 mg 1-1,2 mg/j 4 mg/j 1-1,2 mg/j 1,2-5 mg/j
Zinc (Zn) 8-11 mg/j 12 mg/j 40 mg/j 60 mg/j 6,5 mg 12 mg/j 40 mg/j 15-20 mg/j 12-40 mg/j
200*- 100-200 100- 100 mg -
Sélénium (Se) 55-70 mg/j 100-200 mg 900 mg 60 mg 500 mg/j
400 mg (700) mg/j* 200 mg/j 200 mg/j
Manganèse 1,8-2,3 mg/j 2-5 mg 11 mg 15 mg ANC ANC ANC ANC ANC
(Mn)
Molybdène 45 mg/j 2 mg Inconnue ANC ANC ANC ANC ANC
(Mo)
* En particulier dans le cadre des agressions sévères (dont choc septique), il pourrait être bénéfique d’administrer le sélénium au-delà de l’AMT et sur une durée limitée
(discuté) [83, 84] ; l’étude de phase III récente est négative. ** Voir les références [85] et [86]
ANC : apports nutritionnels conseillés ; DRI : Dietary Reference Intakes ; AA : apports adéquats ; AI : Adequate Intakes ; AMT : apport maximal tolérable ;
UL : tolerable upper intake level ; LT : limite de toxicité ; LOAEL : Lowest Observed Adverse Effect Level ; IRA : insuffisance rénale aiguë

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

rale prolongée. Des recommandations sont adaptées pour rieures à la limite de l’apport maximal tolérable (AMT). En
la néonatalogie [92, 93]. Les médicaments injectables dis- prenant comme exemple le sélénium, en deça de cette
ponibles en France sont indiqués dans le tableau 8. limite, la molécule dans lequel celui-ci est inclus n’est pas
considérée comme importante pour la toxicité, en
On parle d’apports adéquats ou Adequate Intakes
revanche elle l’est pour la biodisponibilité.
(AI) si l’AJR ne peut être calculé.
• Concept de pharmaco-nutriment
• Situations nécessitant
Au-delà de l’AMT et en deçà de la limite de toxicité a
des apports nutritionnels augmentés été défini le concept de pharmaco-nutriment essentielle-
Dans certaines situations à risque, comme chez ment pour le sélénium. Dans ce cadre, on cherche à obtenir
l’agressé, sont discutés ou proposés des apports supérieurs un effet métabolique avec une stimulation des séléno-
aux AJR de certains ETE et en particulier de sélénium. Ils enzymes pour faire face de façon ponctuelle à une situa-
doivent être modérés en fonction de l’apport nutritionnel tion pathologique. Par exemple, dans l’étude REDOX, la
de la population et du régime alimentaire individuel. En dose de sélénium sous forme de Na2SeO3 par voie entérale
Europe, en particulier au Nord, comme aux États-Unis et et parentérale était proche de 1 mg d’équivalent Se.
en Chine, il existe une carence relative [94]. La France a des L’objectif était d’optimiser une synthèse d’enzymes sélé-
apports médians de l’ordre de 50 mg par jour [82]. Les doses niées anti-oxydantes, notamment en situation d’agression
préconisées dans ces situations restent néanmoins infé- [95].

Tableau 7 / Apports recommandés en éléments traces essentiels (ETE) chez l’enfant


d’après l’European Food Safety Authority (EFSA) et le CSS [78]

ETE 0-6 mois 7-12 mois 1-3 ans 4-8 ans 9-13 ans 14-18 ans
Iode (µg/j) 90 90 90 90 90-120 120-130
Fer (mg/j) 0,7-0,8* 8 8 8 11 H 11 ; F 15
Cuivre (mg/j) 0,3 0,3 0,4 1,1-1,3 1,1-1,3 1,1-1,5
Zinc (mg/j) 2 4 4 6 9 9-11
Sélénium (mg/j) 12,5 15 20 20-30 30-50 65
Chrome (très discuté) (mg/j) 30-40 50-70 60-80 60-80
Manganèse (mg/j) 0,02-0,5 0,5 1 2 3
Molybdène (mg/j) 2 10 15 25-35 35-50 50-65
Fluor (mg/j) 0,4 0,6 1 1,5 3
* Un suivi du statut en fer est nécessaire en cas de nutrition entérale prolongée [87]. Les besoins sont plus importants chez le prématuré (baisse des
réserves). Au cours de l’allaitement, le fer maternel est sous forme complexée à la lactoferrine

Tableau 8 / Éléments traces essentiels (ETE) injectables disponibles en France

Oligo-
éléments Pediaven Pediaven Pediaven Pediaven
Pediaven
solution N2 G15 G20 G25
injectable Sélénium Zinc
Nutryelt Tracutil Tracitrans
Nouveau-né (de injectable injectable
Enfants et (24-48 2 jours Nourrissons, enfants, adolescents
nourrissons
ETE premières à 1 mois (stable)
(par litre) heures) de vie)
Aguettant Braun Fresenius Aguettant Fresenius Aguettant
(40 mL)
10 mL 10 mL 10 mL pour Pour Pour Pour Pour Pour 10 mL 10 m
par amp. par amp. par amp. 1 litre 250 mL 250 mL 1 litre 1 litre 1 litre
1 mL/kg**
Iode 130 mg 127 mg 127 mg 5 mg/L 2,5 mg 2,5 mg 50 mg 50 mg 100 mg
Fer* 1 mg 2 mg 1,1 mg 50 mg/L – – 500 mg 500 mg 1 mg
Cuivre 0,3 mg 0,76 mg 1,3 mg 30 mg/L 57,5 mg 65 mg 300 mg 300 mg 600 mg
Zinc 10 mg 3,3 mg 6,5 mg 101 mg/L 507,5 mg 575 mg 2 mg 2 mg 4 mg 10 mg
Sélénium 70 mg 24 mg 30 mg 4,7 mg/L 4,8 mg 5,25 mg 50 mg 50 mg 100 mg 100 mg
Chrome 10 mg 10 mg 10 mg 2 mg/L 0,5 mg 0,75 mg 20 mg 20 mg 40 mg
Manganèse 55 mg 550 mg 270 mg 10 mg/L 1,5 mg 1,5 mg 100 mg 100 mg 200 mg
Molybdène 20 mg 10 mg 20 mg 4,8 mg/L – – 50 mg 50 mg 100 mg
Fluor 950 mg 570 mg 950 mg 50 mg/L 20 mg 22,5 mg 500 mg 500 mg 1 mg
* Les formes injectables de fer seul ne sont pas indiquées. ** Apports conseillés selon les résumés des caractéristiques des produits (RCP)

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Besoins nutritionnels 48

Au-delà de la nutrition, Les besoins en éléments traces


le médicament essentiels anti-oxydants
Au-delà de la limite de toxicité (ou LOAEL pour Lowest sont-ils augmentés ?
Observed Adverse Effect Level) (900 mg/j pour le sélénium), Dans ces conditions, il semble logique d’optimiser les
il ne s’agit plus de nutrition, mais de médicament et ce, défenses anti-oxydantes. Dans la défense anti-oxydante sont
d’autant que l’on est par voie intraveineuse et en adminis- impliqués le zinc, le cuivre, le manganèse et le sélénium. Ils
tration sur une courte durée. Le Na2SeO3 est cytotoxique agissent de façon séquentielle pour abaisser progressive-
comme indiqué précédemment pour des concentrations ment le niveau énergétique des électrons des radicaux libres
supérieures à 2-5 mmol/L d’équivalent sélénium. L’utilisation par voie enzymatique en complément d’autres anti-oxy-
de cette cytotoxicité comme médicament a été proposée dants non enzymatiques (vitamines E, C et A et d’autres
en cancérologie [60]. Ceci pourrait également s’appliquer composés) [104]. Ces ETE ont également une action amélio-
au sepsis [61, 71]. rant les défenses immunitaires [105-107]. Cette augmenta-
tion d’apport n’a eu qu’un effet modéré, avec une
Entre carence et poison se situent les apports diminution des infections pulmonaires secondaires [108].
recommandés et thérapeutiques (figure 4) : Néanmoins, cet apport accru est d’autant plus justifié s’il
• un apport minimal nécessaire pour ne pas avoir de existe un état précarentiel dans la population [109] ou des
déficit a servi de base pour déterminer les AJR ou pertes accrues (épuration extrarénale par hémodiafiltration
ANC (DRI pour Dietary References Intakes) ou, par continue [85, 110], brûlures exsudatives [86] ou pertes diges-
défaut, des apports adéquats ou Adequate tives à débit élevé [111]). Il conviendrait alors d’augmenter
Intakes (AI). Les ETE doivent compléter toute ali- par un facteur d’environ 2 ou 3 les apports en sélénium, zinc
mentation parentérale de façon à éviter l’instau- et cuivre. Ceci correspond aux recommandations de l’ESPEN
ration de carence [96]. Les sub-déficits d’apport en [112], l’American Society for Parenteral and Enteral
ETE accroissent le risque d’infections, de maladies Nutrition (ASPEN) [83] et l’AusPEN [89].
cardiovasculaires, de cancers, de maladies inflam-
matoires (Se, Zn, Fe), de maladies neurodégénéra- Sélénium et sélénite de sodium
tives (Se, Zn) et probablement de diabète (Cr) ;
• dans certaines situations, il peut être nécessaire
dans le choc septique
d’augmenter les apports. Les doses préconisées En situation de carence profonde, on constate une
restent néanmoins inférieures à la limite de l’AMT diminution du sélénium plasmatique, de la SePP1 et de la
qui correspond au tolerable upper intake level GPx3 avec une moindre résistance à l’agression oxydative
(UL) ; ainsi qu’une immunodépression.
• le pharmaco-nutriment correspond à une adminis-
tration au-delà de l’AMT et en deçà de la limite de Dans le choc septique (état d’hyper-oxydation), on
toxicité (LOAEL). Il peut être discuté dans des constate :
situations aiguës où les besoins seraient accrus ; • comme dans les autres agressions aiguës, une concentra-
• au-delà de la limite de toxicité, il peut exister un tion plasmatique effondrée en sélénium et en SePP1 [84,
usage comme médicament où, comme dans la 113-115]. Elle est corrélée à la gravité et au pronostic. On
toxicité, vont intervenir le composé et la dose observe une diminution rapide de la concentration plas-
(ainsi que la concentration, notamment si injection matique en sélénium (1,5 % du sélénium corporel) et en
intraveineuse). SePP1 (60 % du sélénium plasmatique) qui précède les
signes cliniques chez tous les mammifères étudiés en sep-
sis ou lors de brûlures (souris, rats, moutons) [71, 116,

Apports chez le patient 117]. Il n’y a cependant pas dans le sepsis (en dehors des
brûlures exsudatives ou de pertes digestives) de pertes
agressé : le rationnel de sélénium, qui ne pourraient être qu’urinaires. La
SePP1 a une action enzymatique et une action de trans-
L’état de choc : port de la SeCys entre le foie et les tissus [70]. Sa fixation
sur l’endothélium est favorisée par l’acidose et sa forma-
un état d’hyperoxydation tion dans le foie est contre-régulée par les cytokines pro-
ou stress oxydant inflammatoires [118] ;
• des résultats encourageants d’une supplémentation
L’état de choc septique se caractérise, à sa phase ini-
avaient été obtenus chez des patients de réanimation
tiale, par une production accrue de radicaux libres (et plus
[101, 119], mais sans expérimentation animale préalable
encore par un déplacement du potentiel redox cellulaire
publiée et d’un mécanisme incertain ;
vers l’oxydation) du fait de l’hyperactivité des polynu-
• à partir de ces éléments, il a été supposé qu’il existerait
cléaires, du blocage de la chaîne mitochondriale et des
une carence en sélénium dans le choc septique et les
phénomènes d’ischémie-reperfusion [97, 98]. Il en résulte
états d’agression aiguë. Le Na2SeO3 a été considéré
une agression de l’endothélium de la microcirculation où
comme un possible pharmaconutriment efficace sur la
l’adhésion des polynucléaires hyperactivés à l’endothé-
mortalité du choc septique par induction de la synthèse
lium joue un rôle majeur [99]. De cette agression vont
de SePP1 [120]. En revanche, sa caractéristique de molé-
découler les défaillances multiviscérales. Cet état se carac-
cule oxydante et sa cytotoxicité n’ont pratiquement pas
térise également par une activation d’un grand nombre
été mentionnées [60, 61]. Les nombreuses méta-analyses
de cascades dans le cadre de la réponse innée [100].
réalisées sont en faveur d’une tendance à la réduction de
Une réaction inflammatoire aiguë va s’observer lors des la mortalité pour les doses les plus importantes (pratique-
états infectieux, au cours des pancréatites aiguës, des brû- ment toutes réalisées avec un bolus initial de 30 min)
lures étendues et des polytraumatismes. Les suppléances [121-125]. Les doses utilisées sont au-delà de la limite de
d’organe, en réanimation, permettent la survie de patients toxicité (LT). Toutefois, l’effet du bolus n’a pas été étudié
[101]. Il en résulte un état chaotique avec une immunodé- dans ces méta-analyses. Surtout, celles-ci ne prennent pas
pression secondaire responsable alors de la majorité des en compte les résultats négatifs non encore publiés de
décès [102, 103]. l’étude randomisée de phase III SISPCT (1 180 patients)

541
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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

dont les inclusions ont été terminées en mars 2013 et sont le plus souvent des précurseurs de co-enzymes mais
dont les résultats négatifs (absence d’effet sur la morta- aussi parfois des précurseurs d’hormones et elles agissent
lité) ont été présentés à l’European Intensive Care quelquefois comme des anti-oxydants (tableau 9).
Medicine annual congress (ESICM) en 2014 [126]. Or le

Source
Na2SeO3 est disponible actuellement en Allemagne
(Selenase®T) et préconisé à des doses largement au-delà
de la limite de toxicité (LT) ; On a coutume de dire qu’une alimentation saine et
• au total, il n’existe actuellement pas, en pratique cli-
variée permet d’apporter en quantité suffisante les vita-
nique, d’argument net pour utiliser le Na2SeO3 à des
mines pour couvrir les besoins. En effet, toutes les vita-
doses au-delà de la limite de toxicité (LT) pour un effet
mines ne proviennent pas des mêmes groupes d’aliments.
d’induction enzymatique anti-oxydante chez les patients
en état d’agression aiguë. En revanche, les résultats Les vitamines du groupe B seront trouvées plutôt dans les
actuels n’excluent pas l’intérêt d’une approche médica- produits céréaliers, les produits laitiers et les viandes-œufs-
menteuse du Na2SeO3 (ou d’autres composés oxydants poissons (à l’exception des folates que l’on trouvera aussi
séléniés) pour réduire l’activité des polynucléaires hyper- dans les légumes et fruits). La vitamine C sera essentiellement
activés et de la SEPP1 pour protéger l’endothélium. apportée par les fruits et les légumes, la vitamine E par les
huiles. La vitamine A sous forme de rétinol et d’esters réti-
nyliques sera délivrée par l’ingestion des produits laitiers, du
Vitamines beurre et des œufs mais elle peut également être apportée
par l’intermédiaire des caroténoïdes provitamines A (b-caro-
en nutrition humaine tène principalement) contenus dans certains fruits et
légumes. Pour les vitamines dont l’origine alimentaire n’est
Les vitamines sont des substances organiques sans valeur pas exclusive comme la vitamine K, elle sera disponible à par-
énergétique mais indispensables à la vie et à un métabo- tir des légumes verts et des huiles végétales ; pour la vita-
lisme normal, que l’homme ne sait pas synthétiser sauf pour mine D, à partir des huiles animales et des poissons gras.
deux d’entre elles (vitamine D et K). Certaines peuvent être
obtenues à partir de précurseurs comme le tryptophane
pour la vitamine PP ou quelques caroténoïdes pour la vita-
Métabolisme
mine A. Treize vitamines sont recensées et elles sont habi-
tuellement classées en fonction de leur solubilité : soit
Vitamines liposolubles
solubles dans l’eau [vitamine C et vitamines du groupe B Le métabolisme des vitamines liposolubles (A, D, E, K)
(B1, B2, B3 ou PP, B5, B6, B8, B9 et B12)], soit solubles dans est très lié au métabolisme lipidique. L’absorption intesti-
les lipides (vitamines A, D, E et K). Physiologiquement, ce nale de ces vitamines est effectuée principalement sous

Tableau 9 / Fonctions biologiques et formes actives des vitamines

Vitamine Formes actives Fonctions biologiques


A (rétinol) Vision, synthèse kératine,
Provitamine A Rétinal 11-cis différenciation épithéliale
(b et a-carotène, b-cryptoxanthine) Acide rétinoïque tout trans Immunité cellulaire
D (D3 = cholécalciférol 1,25 dihydroxyvitamine D3 (ou D2) Homéostasie calcique
ou D2 = ergocalciférol)
E (a, b, g, d tocophérols RRR-a-tocophérol Antioxydant lipophile
et tocotriénols)
Phylloquinone (K1) Synthèse facteurs II, VII, IX, X
K (K1, K2, K3) Ménaquinone (K2) et protéines C et S ; ostéocalcine
Ménadione (K3) forme de synthèse
Co-enzyme de transfert,
B1 (thiamine, aneurine) Thiamine pyrophosphate (TPP) décarboxylase et transcétolase
Flavine adénine dinucléotide (FAD) Co-enzyme d’oxydoréduction, deshydrogénase,
B2 (riboflavine) Flavine mono nucléotide (FMN) oxydase, mono-oxygénase
Nicotinamide adénine dinucléotide (NAD)
B3 (PP, niacine) Nicotinamide adénine dinucléotide phosphate Co-substrat d’oxydoréduction, deshydrogénase
(NADP)
Co-enzyme A (CoA)
B5 (pantothénate) Co-enzyme de transfert, acyl et CoA transférase
Acyl carrier protein (ACP)
B6 (pyridoxine) 5’ phosphate de pyridoxal (PLP) Co-enzyme de transfert, transaminases
B8 (H, biotine) Biotinyl-AMP Co-enzyme de transfert, carboxylases
Tétrahydrofolate (THF) Co-enzyme de transfert, radical monocarboné
B9 (acide folique) 5 méthyl THF avec différents degrés d’oxydation,
5 formyl THF synthèse ADN
Méthylcobalamine
B12 (cobalamine) Co-enzyme de transfert, radical CH3
Adénosylcobalamine
Co-enzyme d’oxydoréduction,
Acide L-ascorbique
C (acide ascorbique) mono- et di-oxygénase
Acide déhydroascorbique Anti-oxydant, synthèse du collagène

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:02 Page543

Besoins nutritionnels 48

forme de micelles lipidiques mixtes. Des transporteurs des Les vitamines liposolubles ont des rôles multiples ; cer-
lipides (SR-B1, NPC1L1, CD36) ont été identifiés comme tains les considèrent comme des pro-hormones en particu-
transporteurs des vitamines D et E au sein de l’entérocyte lier la vitamine A et la vitamine D. La vitamine A joue un
[127]. Il semble que l’absorption de la vitamine A et de la rôle majeur dans la vision, la croissance, l’immunité et la
vitamine K se produise aussi via des transporteurs mais qui différenciation cellulaire. La vitamine D a un rôle primor-
n’ont pas été encore identifiés [127]. Les vitamines (D, E, K dial dans le maintien de l’homéostasie phosphocalcique et
et A réestérifiée) sont ensuite sécrétées puis incorporées la minéralisation osseuse. D’autres effets potentiels de la
aux chylomicrons et libérées dans la lymphe avant de vitamine D observés en cas de déficit (risque accru d’acci-
rejoindre la circulation sanguine. dents cardiovasculaires, de cancers) ne sont pas actuelle-
ment pris en considération d’un point de vue clinique en
raison d’un niveau de preuve insuffisant [130]. La princi-
Vitamines hydrosolubles pale propriété de la vitamine E est d’être un anti-oxydant
naturel, capable de piéger et de neutraliser les radicaux
Le métabolisme des vitamines hydrosolubles (sauf B6,
peroxyles formés à partir de l’oxydation radicalaire des
B9 et B12) se déroule selon un mécanisme de transport
acides gras poly-insaturés, présents dans les phospholipides
actif sodium-dépendant saturable et, lorsque les doses sont
membranaires ou les lipoprotéines. La vitamine K inter-
plus élevées, mise en jeu de phénomène de diffusion pas-
vient comme cofacteur dans la gamma-carboxylation des
sive. Les folates et la vitamine B6 utiliseraient un processus résidus glutamate des protéines. Cela concerne, entre
de transport actif saturable mais pH-dépendant [128] alors autres, les facteurs de la coagulation II, VII, IX et X, les pro-
que le métabolisme de la vitamine B12 est tout à fait à part téines C et S ainsi que l’ostéocalcine.
et spécifique. Le lieu d’absorption intestinal des vitamines
hydrosolubles est principalement le jéjunum sauf pour les À retenir
vitamines C et B12 (iléon).
• Treize vitamines (4 liposolubles et 9 solubles dans
L’homme ne sait pas synthétiser les vitamines hydroso- l’eau) indispensables au bon fonctionnement de
lubles mais la flore bactérienne intestinale est capable de l’organisme nécessitent d’être apportées par une
produire un certain nombre d’entre elles. La contribution alimentation variée.
de cette source à la santé humaine fait l’objet de nom- • Leur absorption intestinale est régulée par des
breux doutes et débats [129]. transporteurs différents, leur circulation dans le
sang est en liaison avec des protéines spécifiques,
Au niveau sanguin, les vitamines sont transportées il existe peu ou pas de stockage.
libres ou liées à des protéines de transport non spécifiques • Ce sont des précurseurs de co-enzymes, parfois
(albumine, lipoprotéines) ou spécifiques telles que la RBP d'hormones, et certaines ont une fonction anti-
(Retinol Binding Protein) pour la vitamine A, DBP (vitamin oxydante.
D Binding Protein) pour la vitamine D, a-TPT (alpha

Tableau clinique des carences


Tocopherol Transfer Protein) pour la vitamine E, FBP
(Folate Binding Protein) pour la vitamine B9, et les trans-
cobalamines pour la vitamine B12. et diagnostic biologique
Peu de vitamines sont stockées dans l’organisme. Parmi
Les carences vitaminiques sont rares en France alors que
les vitamines hydrosolubles, seules les vitamines B9 et B12
les insuffisances se rencontrent plus couramment. Les
sont stockées au niveau hépatique mais les réserves sont
carences s’observent encore dans des conditions bien par-
faibles (quelques mg). Les vitamines liposolubles sont plus
ticulières : soit par apports insuffisants (patients très dénu-
facilement stockées dans les graisses et cela peut être un tris, régime particulier excluant certains types d’aliments,
risque car un excès de ces vitamines en particulier A et D anorexie mentale, alcoolisme chronique), soit par modifi-
peut s’avérer délétère (tératogénicité et hépatotoxicité de cation du métabolisme (patients souffrant de pathologies
la vitamine A, hypercalcémie si surcharge en vitamine D). ou ayant subi une chirurgie digestive entraînant des
malabsorptions sévères, patients sous dialyse, en alimen-

Fonctions biologiques tation parentérale sans complémentation, iatrogénie due


à des médicaments pris au long cours, etc.).
des vitamines Le tableau 10 reprend les principaux symptômes des
carences vitaminiques et indique le(s) marqueur(s) biolo-
Les vitamines du groupe B ont toutes un rôle de co- gique(s) avec le(s)quel(s) étayer le diagnostic. Ces biomar-
enzyme et sont donc indispensables au bon fonctionne- queurs sont plus ou moins spécifiques et disponibles en
ment de l’organisme. Ce sont des co-enzymes de réactions pratique clinique courante. Ils peuvent aider au diagnostic
d’oxydoréduction, comme le groupement NAD-NADP issu des insuffisances vitaminiques les plus fréquentes dont la
de la vitamine B3 ou FAD-FMN issu de la vitamine B2, qui symptomatologie est en général plus fruste.
sont essentielles au métabolisme énergétique. On trouve
également des co-enzymes de transfert de groupements
[TPP (vitamine B1), co-enzyme A issu de la vitamine B5, PLP
Besoins nutritionnels et
(vitamine B6), biotine, THF (vitamine B9), cobalamine (vita- apports nutritionnels conseillés
mine B12)] indispensables dans le métabolisme des glu-
cides (B1, B5), des acides aminés (B6, B5, B8, B9), des acides per os et par voie parentérale
gras (B5, B8) et dans la synthèse de l’ADN (B9, B8, B12) et (en dehors des situations
des neuromédiateurs (B6, B12). La vitamine C, en tant que
cofacteur des réactions d’hydroxylation, intervient dans la aiguës et carentielles)
synthèse du collagène, des catécholamines, de la carnitine, Comme indiqué plus haut, les besoins en vitamines chez
des acides biliaires et la dégradation de la tyrosine. C’est l’homme sont couverts par une alimentation saine et
aussi un activateur de l’absorption du fer non héminique, variée. Pour les vitamines du groupe B, un apport en pro-
un protecteur des structures cellulaires contre les attaques téines et un apport énergétique suffisants sont en parallèle
radicalaires. requis.

543
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:03 Page544

PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

Tableau 10 / Signes cliniques des carences et marqueurs biologiques à explorer

Vitamine Carences/symptômes Marqueurs biologiques

Cécité nocturne, xérophtalmie si carence profonde Vitamine A plasmatique mais dépend de : infection,
A Sécheresse de la peau et conjonctive inflammation, apport protéique, zinc
Sensibilité aux infections des voies respiratoires Ratio RBP/préalbumine meilleur en période de stress
25-hydroxyvitamine D plasmatique : marqueur du statut
Rachitisme chez l’enfant, ostéomalacie chez l’adulte
D 1,25 dihydroxyvitamine D : forme active à réserver
Déminéralisation osseuse, fractures et tassements à certaines pathologies
Rare : anémie hémolytique, ataxie Vitamine E plasmatique
E et autres troubles neurodégénératifs à défaut d’un marqueur plus sensible
Syndrome hémorragique si carence profonde
K Vitamine K1 plasmatique pour des apports récents
Ecchymoses, épistaxis
Béribéri si carence profonde avec neuropathies
± troubles cardiovasculaires
(insuffisance cardiaque, œdèmes)
B1 Thiamine diphosphate sang total
Syndrome de Wernicke-Korsakoff
(confusion, troubles de la déglutition,
troubles oculomoteurs et ataxie)
Rare : lésions cutanéo-muqueuses
B2 (stomatite, chéilite) et oculaires non spécifiques, Activité de la glutathion réductase érythrocytaire
anémie ferriprive
Pellagre (éruption pigmentée symétrique dans
les zones exposées au soleil) si carence profonde
Troubles dermatologiques (lésions buccales) Métabolites urinaires de la niacine
B3 associés à des anomalies digestives mais peu utilisé en pratique courante
(vomissements et diarrhées) et neurologiques
(dépression, fatigue, perte de mémoire)
Exceptionnel : pas de signes spécifiques (ensemble de
B5 signes cutanés, digestifs, neurologiques)
Non spécifiques : retard de croissance, alopécie, ané- Phosphate de pyridoxal sang total moins sensible
B6 mie microcytaire, convulsions, hyperexcitabilité à l’inflammation que dans le plasma
Rare : dermatite, alopécie et troubles neurologiques
B8 Vitamine B8 sérique
(dépression, hallucinations, paresthésies)
Folates sériques (mais fonction des apports récents),
Macrocytose, anémie mégaloblastique arégénérative, folates érythrocytaires (meilleur marqueur du statut)
B9 thrombopénie, désordres digestifs, Homocystéine plasmatique totale mais non spécifique
troubles neurologiques sans démyélinisation (B9, B6, B12)
Vitamine B12 sérique, test Holo-TC mesurant
Macrocytose, anémie mégaloblastique arégénérative, la forme active (pas encore en pratique courante)
B12 pancytopénie, signes cutanéo-muqueux, troubles Acide méthylmalonique sérique
neurologiques (sclérose combinée de la moelle) (effecteur métabolique plus lourd à mettre en œuvre)
Scorbut si carence profonde
avec syndrome hémorragique, œdèmes,
C Vitamine C plasmatique pour des apports récents
hyperkératose, irritabilité, asthénie, anorexie,
faiblesse musculaire, sensibilité aux infections
RBP : Retinol Binding Protein ; Holo-TC : holotranscobalamine

Les besoins nutritionnels concernent les individus ; ils nel moyen [besoin moyen (100 %) + 2 écarts-types (ET) ; ET
expriment la quantité de nutriment utile au niveau des tis- correspondant à 15 % sauf pour les folates (ET à 20 %) et
sus donc tiennent compte de l’absorption intestinale. Pour les vitamines B6, B12 (ET à 10 %)].
les vitamines, le besoin est parfois plus difficile à évaluer. Depuis 2010, un programme de révision des valeurs
En effet, certaines sont moins indispensables que d’autres nutritionnelles de référence (VNR) a été lancé par l’EFSA
car elles peuvent être apportées indirectement (par ex., comme indiqué dans le tableau 11 [45]. Elles correspon-
tryptophane et vitamine B3, b-carotène et vitamine A) ou dent au niveau le plus élevé d’apport quotidien qui n’im-
car leur présence dans l’alimentation est très ubiquitaire plique pas d’effet indésirable sur la santé. Ces VNR
et la quantité nécessaire très faible (vitamine B3 et B8). définissent soit des apports nutritionnels de référence pour
la population, soit des apports adéquats lorsque le panel
En France, les ANC ont été définis par rapport au besoin
d’experts de l’EFSA a considéré qu’il n’y avait pas suffisam-
nutritionnel moyen [82]. Ce sont des valeurs de référence ment d’évidence scientifique disponible pour déterminer
moyennes mesurées à partir d’un groupe d’individus carac- les valeurs correspondant aux besoins moyens et donc un
térisé (sexe, âge et condition physique), qui sont extrapo- apport de référence pour la population. Le calcul des
lées pour représenter les besoins dans la population apports adéquats a été basé sur les apports observés pour
générale. L’extrapolation est calculée afin de permettre de chacune des vitamines dans différents groupes au sein de
couvrir, avec une marge de sécurité, les besoins de près de l’Union européenne recevant une alimentation classique
97,5 % des individus en bonne santé. Pour la plupart des et pour lesquels aucun signe de carence n’était présent
vitamines, l’ANC correspond à 130 % du besoin nutrition- et/ou les marqueurs biologiques de statut ne se sont pas

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Besoins nutritionnels 48

Tableau 11 / Apports quotidiens recommandés en vitamines chez l’adulte

Dose journalière recommandée


ANC France 2001 [82] VNR EFSA [45]
Vitamine ASPEN 2012 [131]
Nutrition orale Nutrition parentérale
800 mg EAR* (H) 750 mg EAR (H)
A (rétinol) 990 mg EAR
600 mg EAR (F) 650 mg EAR (F)
D (cholécalciférol) 5 mg 15 mg 5 mg
E (alpha-tocophérol) 12 mg 13 mg (H)11 mg (F) 10 mg
K (phylloquinone) 45 mg 1 mg/kg poids corporel# 150 mg
1,3 mg (H)
B1 (thiamine) 6 mg
1,1 mg (F)
1,6 mg (H)
B2 (riboflavine) 3,6 mg
1,5 mg (F)
14 mg (H)
B3 (PP, niacine) 6,6 mg NE/1 000 kcal** 40 mg
11 mg (F)
B5 (pantothénate) 5 mg 5 mg 15 mg
1,8 mg (H)
B6 (pyridoxine) 6 mg
1,5 mg (F)
B8 (biotine) 50 mg 40 mg 60 mg
330 mg (H)
B9 (acide folique) 300 mg (F) ; 330 mg DFE*** 600 mg
400 mg si enceinte ou allaitante
B12 (cobalamine) 2,4 mg 4 mg 5 mg
110 mg (H)
C (acide ascorbique) 110 mg 200 mg
95 mg (F)
ANC : apports nutritionnels conseillés ; VNR : valeurs nutritionnelles de référence ; EFSA : European Food Safety Authority ;
ASPEN : American Society for Parenteral and Enteral Nutrition
* EAR, expression en Équivalent Activité Rétinol. 1 mg EAR = 1 mg rétinol = 12 mg b-carotène = 24 mg caroténoïdes provitamine A (a-carotène ou b-cryptoxanthine)
** NE/1 000 kcal (équivalent niacine pour 1 000 kilocalories) ; 60 mg de tryptophane équivalent à 1 NE, défini à partir du besoin moyen avec un coefficient
de variation (CV) de 10 %
*** 1 mg DFE (Dietary Folate Equivalent) = 1 mg folate alimentaire = 0,6 mg acide folique issu d’un aliment enrichi ou d’un supplément consommé
avec un aliment = 0,5 g d’acide folique pris seul à jeun
# EFSA : Tolerable upper intake levels for vitamins and minerals 2006 (vitamin K)

révélés assez discriminants. Des apports adéquats ont été dommages neurologiques irréversibles. Cette encéphalo-
fixés pour les vitamines liposolubles (D, E et K) et hydroso- pathie se rencontre chez le patient dénutri si l’apport glu-
lubles (B5, B8, B12) ; certaines vitamines n’ont pas encore cidique est important (et non précédé d’un apport en
été étudiées (B1, B2 et B6). Pour les folates, la vitamine A, thiamine) par augmentation des besoins en thiamine ou
la vitamine C et la niacine, ce sont des apports nutritionnels en présence d’une carence en magnésium liée à l’adminis-
de référence pour la population qui ont été définis [45]. tration chronique de diurétiques (cofacteur des réactions
Lors d’une nutrition parentérale, l’apport journalier en de trancétolisation, conversion thiamine en thiamine
vitamines, associé aux éléments traces essentiels, est indis- diphosphate) [131].
pensable pour assurer le maintien des fonctions métabo-
liques. La plupart des vitamines sont présentes à doses
recommandées comme indiqué dans le tableau 11. Focus sur la vitamine D
L’étape « absorption intestinale » étant shuntée, la bio- L’intérêt croissant de ces dernières années à propos de
disponibilité des vitamines est augmentée. la vitamine D nous amène à faire un point sur cette vita-
mine.
L’apport journalier en vitamines hydrosolubles doit
représenter 2 à 5 fois l’apport oral car, d’une part, les Chez l’homme, l’apport peut être de source différente
patients en nutrition parentérale ont des besoins plus soit par l’alimentation d’origine végétale (vitamine D2 ou
importants et, d’autre part, l’excrétion urinaire de ces vita- ergocalciférol) ou animale (vitamine D3 ou cholécalciférol),
mines est augmentée lors de l’administration intraveineuse soit par synthèse de vitamine D3 sous l’action des ultravio-
[131]. L’apport journalier en vitamines liposolubles doit lets B (UVB) sur le 7-déhydrocholestérol stocké dans les
être grossièrement du même ordre de grandeur que per couches profondes de l’épiderme. Cette synthèse est la
os sauf pour la vitamine D (ANC vitamine D per os à 15 mg principale source de vitamine D naturelle chez l’homme car
depuis 2010 aux États-Unis). Le groupe de travail de les sources alimentaires (poissons gras ou certains champi-
l’ASPEN souhaiterait la mise sur le marché d’une prépara- gnons) sont plus restreintes. Toutefois, il existe en France
tion contenant uniquement de la vitamine D pour traiter une large gamme d’aliments enrichis en vitamine D3 (pro-
les carences profondes [131]. duits laitiers, céréales du petit-déjeuner, huiles végétales,
Soulignons l’apport essentiel de thiamine sous peine etc.) qui peut contribuer de façon conséquente à l’apport
d’engendrer une encéphalopathie de Wernicke qui, non journalier car leur teneur en vitamine D est variable de
traitée rapidement, induit un syndrome de Korsakoff avec 0,75 mg à 25 mg/100 g [132]. Très encadrée jusqu’en 2006,

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

la réglementation concernant l’enrichissement des ali- chez des sujets en bonne santé [134]. Quel que soit le seuil
ments en France a depuis suivi les règles définies au sein retenu, l’insuffisance en vitamine D est importante en
de l’Union européenne (1925/2006/EC) [132]. France, 80 % des sujets adultes présentaient une concen-
tration de 25(OH)D inférieure à 75 nmol/L et 42,5 % infé-
On s’accorde pour dire que les deux formes D2 et D3 rieure à 50 nmol/L dans l’étude ENNS 2006-2007 [135] ;
ont le même métabolisme et une activité biologique équi- dans l’étude VARIETE plus récente, on observe toujours le
valente au long cours ; on parlera donc de vitamine D. même pourcentage (80 % < 75 nmol/L) [136].
Cependant, pour instaurer une supplémentation, on pré-
férera la vitamine D3 si celle-ci n’est pas quotidienne à En France, les ANC pour la vitamine D datant de 2001
cause de sa demi-vie plus longue. sont de 5 mg par jour chez l’adulte et 10-15 mg par jour
chez le sujet de plus de 75 ans [82] et nécessiteraient d’être
L’absorption intestinale de la vitamine D est dépen- réévalués. Plus récemment, un groupe d’experts européens
dante des lipides comme vu précédemment. Après absorp- a souhaité une harmonisation des apports recommandés
tion, la vitamine D est véhiculée dans le sang, liée à une au sein de l’Europe. Il a estimé à 20 mg par jour l’apport
protéine de transport (la DBP), jusqu’au foie où elle subit chez le sujet adulte en bonne santé et chez le sujet âgé,
une hydroxylation en 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D] apport suffisant pour avoir une concentration sanguine en
ayant une demi-vie d’environ 3 semaines. Cette hydroxy- 25(OH)D supérieure ou égale à 50 nmol/L [137], cette
lation en 25 est très peu régulée. De façon consensuelle, concentration étant définie comme souhaitable pour un
la concentration en 25(OH)D est considérée comme un métabolisme phosphocalcique optimal. En 2016, l’EFSA a
marqueur de choix pour apprécier le statut en vitamine D. repris l’ensemble des études et considère que des apports
Au niveau rénal, la forme 25(OH)D subit une seconde adéquats de 15 mg par jour pourraient permettre d’attein-
hydroxylation en 1 pour donner, la 1,25-dihydroxyvita- dre la concentration circulante de 50 nmol/L en 25(OH)D
mine D [1,25(OH)2D] qui est le métabolite actif (pro- chez des sujets peu exposés au rayonnement solaire ; pour
hormone). Cette hydroxylation rénale est très régulée par les sujets exposés, il faudrait diminuer les VNR, voire les
les hormones du métabolisme phosphocalcique [para- supprimer, si l’exposition est intense. En l’état des connais-
thormone (PTH), FGF-23 (Fibroblast Growth Factor)]). sances actuelles, les VNR pour la vitamine D ne prennent
L’hydroxylation en 1 se produit également dans des tissus pas en compte les effets extra-osseux [138]. L’hypothèse
périphériques pour exercer des effets localement, non liés récente que les faibles concentrations en vitamine D sont
au métabolisme osseux. La forme 1,25(OH)2D circulante la conséquence plutôt que la cause des pathologies va dans
agit par voie génomique en se liant à un récepteur cytoso- le sens de limiter l’apport au seul maintien de la masse
lique, le VDR (vitamin D receptor), au niveau cellulaire. Elle osseuse.
favorise l’absorption intestinale du calcium et active la
résorption osseuse. La demi-vie de la 1,25(OH)D est très
courte (4 heures). Après action, une 24-hydroxylase
La forme 25(OH)D est le marqueur biologique du
transforme les formes mono- et di-hydroxylées en produits
statut en vitamine D.
inactifs (24,25-dihydroxyvitamine D et 1,24,25-trihydroxy-
La supplémentation en vitamine D est actuellement
vitamine D).
à réserver au maintien de la santé osseuse.
La vitamine D par l’intermédiaire de la 1,25(OH)2D Quinze à 20 mg par jour seraient nécessaires pour
rénale a un rôle essentiel dans le maintien de l’homéosta- atteindre la concentration optimale en 25(OH)D qui
sie calcique et la minéralisation osseuse. La production doit se situer aux alentours de 75 nmol/L chez
locale de 1,25(OH)2D ne participe pas au métabolisme l’adulte jeune.
phosphocalcique mais dépend de la concentration en
25(OH)D sanguine. Elle est à l’origine des effets intracrines
génomiques rapportés (carence en vitamine D et augmen-
tation du risque relatif de cancer colorectal, augmentation
Vitamines et stress oxydant
du risque cardiovasculaire, baisse de l’immunité innée, Le stress oxydant correspond à une augmentation des
etc.). Parmi tous ces effets potentiels, seule une relation concentrations intracellulaires des espèces réactives de
dose-effet entre l’apport de vitamine D et le maintien des l’oxygène ou de l’azote (ROS pour reactive oxygen species,
fonctions immunitaires a été récemment reconnue par RNS pour reactive nitrogen species) et donc à un déséqui-
l’EFSA [133]. libre de la balance anti-oxydant/espèces réactives en faveur
de ces dernières. Les ROS ou RNS ont été souvent associées
L’insuffisance en vitamine D est assez fréquente du fait
à l’induction de dommages lipidiques, protéiques ou au
du degré faible d’exposition au soleil lié à plusieurs raisons
niveau de l’ADN et ainsi considérées à l’origine de maladies
(saison, port de vêtements couvrants, utilisation de crème
chroniques comme le cancer ou les maladies cardiovascu-
solaire) et de caractéristiques physiologiques (pigmenta-
laires. Cependant, ces vingt dernières années, il a été
tion de la peau, âge). Il n’existe toujours pas de consensus
démontré qu’ils servent également de molécules « signal »
sur la valeur seuil correspondant à un risque d’insuffisance.
pour réguler des processus physiologiques. Il est mainte-
Cette valeur seuil est basée initialement sur la relation
nant admis que les ROS et RNS sont produites de manière
entre 25(OH)D et PTH, c’est-à-dire la valeur de 25(OH)D au-
extrêmement contrôlée et fonctionnent in vivo comme des
dessous de laquelle la PTH n’augmente pas. Or, la sécrétion
signaux messagers, en particulier le peroxyde d’hydrogène.
de PTH varie également en fonction de plusieurs facteurs
Elles régulent l’expression génique, activent des récepteurs
dont le calcium (calcium ionisé, apports calciques). La
et des facteurs de transcription nucléaires [139].
malabsorption calcique s’observe pour des concentrations
de 25(OH)D inférieures à 25 nmol/L. On s’accorde Les vitamines C, E et les caroténoïdes (provitamines A
aujourd’hui à considérer que des valeurs plasmatiques de pour certains) sont des anti-oxydants naturels, non enzy-
25(OH)D de moins de 25-30 nmol/L (10-12 ng/mL) corres- matiques qui représentent une des lignes de défense
pondent à un statut vitaminique carencé ; de 30 à 50 nmol/L contre le stress oxydant. Elles agissent sur les radicaux
à un statut insuffisant. Un statut vitaminique D optimal libres en captant leur électron célibataire, d’où l’appella-
correspond à une concentration plasmatique de 25(OH)D tion de piégeur de radicaux libres, pour les transformer en
supérieure à 50 nmol/L (20 ng/mL) pour certains experts et molécule stable. La vitamine piégeuse devient à son tour
à 75 nmol/L (30 ng/mL) pour d’autres. En population géné- un radical et sera soit détruite, soit régénérée par une
rale, le seuil de 50 nmol/L a été retenu comme suffisant autre vitamine. C’est le cas de la vitamine E qui est régé-

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Besoins nutritionnels 48

nérée par la vitamine C. Les caroténoïdes sont impliqués plexe comprenant différentes sources d’anti-oxydants (éga-
dans le piégeage de deux ROS majeures, l’oxygène singulet lement enzymes, flavonoïdes, anthocyanes, etc.) et d’es-
(1O2) et le radical péroxyle (ROO°). Ils neutralisent l’oxy- pèces réactives et qu’il faut savoir adresser les bonnes doses
gène singulet en captant l’énergie de celui-ci par leurs d’anti-oxydants au bon patient au bon moment.
nombreuses doubles liaisons conjuguées puis en la dissi-
pant sans être détruits. Le lycopène puis le b-carotène
seraient les plus efficaces. Ils bloquent donc l’initiation des
Les vitamines anti-oxydantes (E, C et caroténoïdes)
réactions radicalaires mais aussi leur propagation en
ne représentent qu’une des lignes de défense
consommant deux radicaux péroxyles par molécule de
contre le stress oxydant (piégeage des radicaux
caroténoïdes et contribuent ainsi à la défense contre la
libres essentiellement).
péroxydation lipidique. La vitamine E bloque principale-
Se méfier des fortes doses de vitamines car elles
ment les radicaux peroxyles lipidiques (LOO°) pour empê-
peuvent être pro-oxydantes ; privilégier un apport
cher la propagation des réactions de peroxydation
nutritionnel par une alimentaire variée de fruits et
radicalaire des acides gras insaturés. C’est le principal anti-
légumes.
oxydant liposoluble de l’organisme. La vitamine C hydro-
soluble est présente dans les fluides cellulaires comme le
cytosol ou la matrice cytoplasmique alors que les caroté- Physiopathologie
des troubles nutritionnels
noïdes et la vitamine E lipophiles sont prédominants dans
les membranes cellulaires.
Le système de défense anti-oxydante est complexe ; il a dans les états d’agression :
conséquences
été postulé que des composés de structure différente pou-
vaient interagir de manière synergique et renforcer l’effet
anti-oxydant de chacun. Il a été ainsi montré que les vita-
mines E, C et le b-carotène exercent des effets synergiques thérapeutiques
à l’encontre des espèces réactives de l’azote. Au sein des
caroténoïdes, un mélange de caroténoïdes provitamine A Un patient admis en réanimation est en situation de
et de xanthophylles a plus de pouvoir antioxydant que détresse et de stress métabolique aigu se traduisant par
chaque composé pris séparément. Cela serait vraisembla- une modification de la dépense énergétique et du méta-
blement lié à leur différence de polarité lipophile qui leur bolisme énergétique (figure 5). Une prise en charge nutri-
permet d’intégrer la couche lipidique de la membrane à tionnelle adaptée à cette modification est un élément clé
différents niveaux. Par ailleurs, il a été rapporté que les du pronostic.
vitamines E et C ne sont pas des piégeurs efficaces pour des
ROS qui sont des messagers physiologiques importants
comme l’anion superoxyde (OH°), le monoxyde d’azote
Rappel sur l’adaptation
(NO) et le peroxyde d’hydrogène [140]. métabolique à l’agression aiguë
Les études de supplémentation en vitamines anti-oxy- La phase initiale de l’agression est caractérisée par un
dantes n’ont pas toujours montré des effets probants sur la état d’hyper-catabolisme visant à fournir les métabolites
santé : effet protecteur des fruits et légumes dans les études nécessaires. Plusieurs médiateurs sont à l’origine de cette
épidémiologiques versus effet délétère avec augmentation déviation du métabolisme : les hormones dites de
de la mortalité lors des essais interventionnels avec de fortes contre-régulation (ACTH, cortisol, glucagon), les catécho-
doses de vitamines. L’une des raisons avancées est qu’elles lamines circulantes, une résistance aux facteurs anabo-
n’agissent pas seules mais au sein d’un système très com- liques (principalement l’insuline et la GH) ainsi que certains

Production protéique inflammatoire


Synthèse de l’urée et de l’ammoniac
Synthèse d’albumine

Néoglucogenèse Hydrolyse des triglycérides


Glycogénolyse Libération des acides gras et du glycérol

Pyruvate Acides gras libres

Tissu adipeux
Acétyl-CoA

Glutamine Tissus
Alanine à renouvellement
ATP rapide

Captation insulino-
Cycle de Krebs dépendante du glucose
Glycolyse

Figure 5 / Modifications métaboliques Protéolyse


liées à l’agression Synthèse protéique
ATP : adénosine triphosphate ; Concentration en glutamine
CoA : co-enzyme A.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

facteurs synthétisés par l’intestin (cholécystokinine, pep- Le stress inflammatoire rencontré modifie le méta-
tide YY) et les tissus adipeux (adiponectine, leptine, résis- bolisme afin d’optimiser la disponibilité énergé-
tine) [141]. Bien que l’intensité de cette phase soit corrélée tique :
à la sévérité de la pathologie initiale et aux comorbidités • stimulation de la protéolyse ;
du patient (notamment présence d’une dénutrition poten- • insulinorésistance avec hyperglycémie ;
tielle ou avérée), l’inflammation systémique aiguë joue un • augmentation de la lipolyse.
rôle clé par la présence de cytokines pro-inflammatoires
(TNF-a, IL-1 et IL-6) sur la production des facteurs catabo-
liques et l’insulinorésistance [142]. Toutes ces modifications
des voies métaboliques induisent prioritairement une pro- Apports calorico-azotés
téolyse, puis une lipolyse plus tardive, responsables d’une
réduction rapide des masses musculaires, d’une modifica-
dans les situations d’agression
tion de la composition corporelle et d’une dénutrition que La dépense énergétique de repos des patients est
des thérapeutiques nutritionnelles précoces et adaptées augmentée en raison d’un intense catabolisme et des thé-
vont freiner puis secondairement corriger. rapeutiques utilisées [145]. Des recommandations formali-
sées d’experts ont été publiées en 2014 sous l’égide de la
Métabolisme protéique Société de réanimation de langue française (SRLF), de la
Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) et
Une augmentation importante du catabolisme pro- de la SFNEP [146]. Le niveau des apports journaliers requis
téique est observée dès les premiers instants de la réaction est difficile à déterminer mais doit théoriquement couvrir
inflammatoire. À l’inverse de l’état de jeûne, l’absence de les besoins azotés et caloriques. L’adaptation des besoins
cétogenèse dans les états inflammatoires favorise le main- journaliers est complexe en raison des difficultés à identi-
tien de la protéolyse. Cette protéolyse a pour objectif de fier les phases pro- et anti-inflammatoires des patients. Les
fournir certains acides aminés devenus essentiels tels que méthodes de référence que constitue la calorimétrie
la glutamine indispensable aux cellules à division rapide
directe ou indirecte sont peu applicables au patient de réa-
et aux entérocytes ; parallèlement, on observe une dimi-
nimation, et les méthodes isotopiques non utilisables en
nution de la synthèse protéique et une diminution de la
routine. Les recommandations consensuelles actuelles pro-
concentration tissulaire de glutamine par augmentation
posent un apport quotidien de 20 à 25 kcal/kg par jour
de son efflux [143]. De plus, l’augmentation du pool dis-
d’apports non protéiques à la phase aiguë puis de 25 à
ponible d’alanine constitue une source d’énergie dans une
30 kcal/kg par jour pendant la phase de récupération. Le
situation où la disponibilité cellulaire du glucose est dimi-
poids utilisé est celui habituel ou, à défaut, celui indiqué à
nuée au sein des tissus insulinorésistants. En effet, l’ala-
nine permet la production de pyruvate grâce à un l’admission pour des IMC compris entre 20 et 35 kg/m2
couplage des réactions de transamination et de désami- [146]. Ces apports sont censés couvrir 80 à 100 % des
nation oxydative. besoins énergétiques chez la plupart des patients et
notamment limiter la dette énergétique à la phase aiguë.
Toutefois, un certain nombre d’études récentes remettent
Métabolisme glucidique en cause l’intérêt d’un apport calorique intégral à la phase
L’insulinorésistance est considérée comme un méca- initiale. Ainsi, une méta-analyse de 2016 de Marik et al. ne
nisme adaptatif à l’état de stress afin de fournir une quan- montrait pas de différence entre l’administration d’une
tité suffisante de glucose aux organes vitaux comme le nutrition intégrale d’emblée et une « sous-nutrition » per-
cerveau. Elle est corrélée au pronostic des patients. Elle missive durant la phase initiale de réanimation (20 à 50 %
résulte d’une modification de la signalisation cellulaire des besoins théoriques) [147]. Ces résultats confortent plu-
dépendante du récepteur à l’insuline et d’une down-regu- sieurs études de bonne méthodologie [148, 149]. En outre,
lation de l’expression du transporteur GLUT-4 exprimé le suivi à 1 an des patients de l’étude randomisée EDEN ne
principalement dans le muscle et le tissu adipeux, limitant montrait pas de différence quant à la capacité musculaire
dès lors l’assimilation du glucose par ces tissus dits insuli- [150], suggérant un impact modeste d’une nutrition res-
nodépendants [141]. Au niveau hépatique, l’augmentation trictive sur la protéolyse à la phase initiale de réanimation.
de la néoglucogenèse et de la glycogénolyse est à l’origine Par ailleurs, la restriction des apports caloriques pourrait
de l’hyperglycémie des états inflammatoires [143]. stimuler les processus d’autophagie indispensables à la
Parallèlement, une augmentation de l’expression du défense contre les pathogènes [151]. Cette absence de dif-
GLUT-1 dans certains organes vitaux (système immunitaire, férence tient probablement au fait qu’après 6 jours d’ali-
tissu en cours de cicatrisation, poumons et cerveau) induit mentation dite restrictive, les apports étaient augmentés
une captation élevée du glucose et permet une augmen- à pleine dose. Au-delà de cette première phase apparaît
tation de la glycolyse comme source d’énergie adaptative une réorientation métabolique vers l’anabolisme. Il est
[144]. Le pyruvate ainsi produit est ensuite utilisé comme donc probable que fournir des apports calori-azotés opti-
substrat au cycle de Krebs ou transformé en lactate. maux durant cette période est indispensable afin de res-
taurer le pool protéique musculaire. Cependant, aucune
Métabolisme lipidique étude de méthodologie satisfaisante n’a étudié à ce jour
les effets de différents protocoles de nutrition durant cette
L’utilisation des lipides endogènes est probablement la période sur la réhabilitation.
principale source d’énergie chez les patients de réanima-
tion lorsque le support nutritionnel est insuffisant. La lipo- Les apports protéiques visent à limiter la protéolyse et
lyse permet l’utilisation des triglycérides transformés en à subvenir aux besoins en acides aminés. Il est actuellement
acides gras libres et glycérol. La b-oxydation des acides gras recommandé d’apporter 1,2 à 1,5 g/kg par jour de pro-
permet leur transformation en acétyl co-enzyme A (acétyl- téines [146]. Il est démontré qu’un apport inférieur ne per-
CoA) puis son utilisation dans le cycle de Krebs ou la céto- met pas de limiter la perte musculaire induite par
genèse et est responsable de la production d’ATP. l’agression [152].

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Besoins nutritionnels 48

Ainsi, en l’état actuel des connaissances, il semble rai- glutamine. La détoxification de l’ammoniac ayant lieu au
sonnable d’assurer des apports caloriques modestes, niveau hépatique, toute insuffisance aiguë et sévère de sa
autour de 20 kcal/kg par jour, en évitant toute surnutrition fonction est également une contre-indication. L’adminis-
lors de la première semaine de réanimation, et de garantir tration de glutamine en complément d’une alimentation
un apport protéique relativement élevé. entérale continue n’a pas à ce jour montré de bénéfice cli-
nique évident. Toutefois, des travaux expérimentaux
récents suggèrent dans un modèle murin septique un
La phase aiguë de réanimation se traduit par un bénéfice sur l’inflammation, l’immunité cellulaire et la
catabolisme intense. mortalité [158]. Ainsi, les produits de nutrition parentérale
Une administration de 1,2 à 1,5 g/kg par jour de ne contenant pas de glutamine, leur administration est
protéines est recommandée. recommandée chez les patients agressés de réanimation
Une administration de 20 à 25 kcal/kg par jour de bénéficiant d’une alimentation parentérale, à la dose de
calories non protidiques est actuellement recom- 0,35 g/kg par jour (soit 0,5 g/kg/j de dipeptides) pendant
mandée mais il existe un intérêt croissant pour des au moins 10 jours [146]. La teneur en glutamine des solutés
stratégies de « sous-nutrition » calorique permis- d’alimentation entérale est faible. Malgré l’absence de
sive. preuve clinique, l’administration d’un complément paren-
Une administration de 25 à 30 kcal/kg par jour de téral peut être envisagée, notamment en cas d’apports
calories non protidiques est ensuite recommandée caloriques faibles à la phase initiale du séjour.
lors de la phase catabolique.

La glutamine est un acide aminé essentiel au cours


Place de la glutamine des processus inflammatoires.
Elle participe au fonctionnement des cellules à divi-
La glutamine est un acide aminé primordial dans le sion rapide et constitue également une source
fonctionnement des tissus à renouvellement cellulaire d’énergie.
rapide. Elle participe à la synthèse protéique et des nucléo- Sa supplémentation est recommandée en cas de
tides mais également comme source d’énergie, en associa- nutrition parentérale exclusive chez le patient
tion ou alternative au glucose, et régule certaines voies de agressé. Les dernières études semblent contre-
signalisation cellulaire [153]. Son rôle devient majeur dans indiquer son administration en cas de défaillance
les situations d’agression aiguë où sa captation par certains multi-viscérale.
tissus est fortement augmentée afin d’optimiser la réponse
immunitaire cellulaire, de participer à la synthèse de pro-
téines de la phase inflammatoire (par ex., heat shock pro- Apports lipidiques
tein), de renforcer les défenses contre le stress oxydant
grâce à la production de glutathion et de maintenir l’inté- Les lipides représentent une source d’énergie impor-
grité physique et immunologique de la barrière intestinale tante pour un volume restreint, délivrant 9 kcal/g. Au-
[153]. En effet, la glutamine est le substrat énergétique pri- delà du caractère purement énergétique, les acides gras
vilégié des entérocytes grâce à son oxydation quasi com- poly-insaturés des séries n-3 (w3) et n-6 (w6) sont les pré-
plète. La glutamine est, en période d’agression aiguë, un curseurs des eicosanoïdes et influencent donc la réaction
acide aminé conditionnellement essentiel, les apports exo- inflammatoire. De plus, leur utilisation module la signali-
gènes étant insuffisants, d’autant plus que le patient n’est sation cellulaire immunitaire par modification de la com-
plus nourri, et sa libération provient donc essentiellement position lipidique de la membrane plasmique. L’être
de la protéolyse musculaire. Une supplémentation en glu- humain ne peut pas synthétiser cette double liaison en n-
tamine est donc potentiellement bénéfique dans ces situa- 3 ou n-6, et les acides gras précurseurs de ces séries, dits
tions car elle permet de diminuer l’atrophie villositaire essentiels, doivent donc être apportés par l’alimentation.
intestinale et de limiter la perméabilité intestinale [154]. L’acide linoléique, précurseur de la série n-6, permet la
L’administration parentérale de glutamine se fait sous production d’acide arachidonique et donc d’eicosanoïdes
forme de dipeptides garantissant sa stabilité en solution de la série 2 telles que les prostaglandines PGE1 et PGE2,
aqueuse ; cette voie est préférable en raison d’une effica- impliquées dans les mécanismes de perméabilité vascu-
cité moindre de la voie entérale sur les concentrations cir- laire et de vasodilatation. De même, l’acide arachido-
culantes [155]. Plusieurs essais, confirmés par une nique est un précurseur des leucotriènes de type 4
méta-analyse de 2015, ont mis en évidence un effet béné- impliqués dans le chimiotactisme des cellules inflamma-
fique de la supplémentation en glutamine en complément toires et la perméabilité vasculaire. Dans la famille des
de la nutrition parentérale sur l’incidence des infections acides gras de la série n-3, les acides eicosapentaénoïque
nosocomiales, sur la durée de ventilation mécanique et, a (EPA) et docosahexaénoïque sont des précurseurs des leu-
minima, sur la durée d’hospitalisation, sur la morbidité cotriènes de type 5 dont les effets inflammatoires sont 10
[156] ainsi que sur les coûts de séjour [157]. L’incidence des à 30 fois plus faibles que pour le type 4. L’EPA est présent
hyperglycémies semble réduite, la glutamine participant en forte quantité dans les huiles de poisson. Il est égale-
probablement à la couverture énergétique. Ces bénéfices ment précurseur des prostaglandines de type 3 entrant
ont récemment été remis en question par l’étude multicen- en compétition avec celles de type 2. Une supplémenta-
trique randomisée REDOX étudiant les effets de la gluta- tion en EPA diminue la disponibilité de l’acide arachido-
mine et d’anti-oxydants lors d’états de choc [95]. La nique des membranes cellulaires et entre en compétition
morbi-mortalité à 6 mois était augmentée dans le groupe avec l’acide arachidonique au niveau des cyclo-oxygé-
traité. Cependant, les patients inclus dans ce travail béné- nases et des lipo-oxygénases. Les acides gras poly-
ficiaient de glutamine dès leur admission de façon insaturés en n-3 sont, par ailleurs, des précurseurs de
conjointe à une alimentation entérale, dont la place dans médiateurs lipidiques impliqués dans la résolution de l’in-
les situations instables n’est pas encore définie. Au moins flammation comme les résolvines, les marésines et les pro-
35 % des patients présentaient une insuffisance rénale. Le tectines. Ils peuvent également limiter les voies de
métabolisme de la glutamine conduit à une diminution de transduction cellulaire de l’inflammation, notamment en
l’épuration rénale d’ammonium. Ainsi, en l’absence d’épu- inhibant l’activation des récepteurs TLR (toll-like recep-
ration extrarénale, la présence d’une insuffisance rénale tors) ou en activant le récepteur PPARg (peroxisome pro-
sévère contre-indique actuellement l’administration de liferator-activated receptor gamma). La supplémentation

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

préférentielle en acide gras w3, en modifiant le ratio n-


6/n-3 des acides gras membranaires, pourrait limiter les Éléments traces essentiels
réactions inflammatoires et vasculaires délétères.
et vitamines :
Les recommandations de la Society of Critical Care
Medicine éditées en 2009 encouragent l’utilisation de la
place des micronutriments
supplémentation en w3 chez les patients en états critiques,
a fortiori sous ventilation mécanique [159]. Ainsi, une
en situation d’agression
méta-analyse de 2015 a mis en évidence une réduction de (Cf. supra le paragraphe sur le sélénium et le choc infec-
la mortalité (odds-ratio 0,64) par l’utilisation d’w3 chez des tieux.)
patients présentant un syndrome de réponse inflamma-
toire systémique (SIRS) [160]. De même, une méta-analyse
portant sur 8 études et 181 patients hospitalisés pour pan- Sélénium
créatite aiguë grave mettait en évidence une diminution Le sélénium entre dans la composition des sélénopro-
de la mortalité, des complications infectieuses et de la téines telles que la glutathion peroxydase, la thiorédoxine
durée d’hospitalisation. L’analyse en sous-groupe ne réductase, la phosphohydroxyl glutathion peroxydase et la
retrouvait pas de bénéfice pour la voie d’administration SePP1 (cf. supra). Ces enzymes luttent contre le stress oxy-
entérale des w3 contrairement à la voie parentérale [161]. dant et l’hyperoxydation en favorisant la réduction du
Dans une autre méta-analyse portant sur 21 études rando- peroxyde d’hydrogène, du peroxynitrite et de certains
misant 1 487 patients bénéficiant de chirurgies abdomi- peroxydes organiques (figure 6). Au cours des situations de
nales majeures, l’administration d’w3 en postopératoire stress, notamment infectieux, la production de ces radicaux
réduisait la durée d’hospitalisation, le taux d’infection et libres augmente fortement sous l’impulsion d’une up-regu-
améliorait le bilan hépatique [162]. Les données concer- lation des NO synthase inductible et de l’hypoxie tissulaire.
nant le syndrome de détresse respiratoire aiguë sont plus Il en résulte une accumulation de radicaux libres dépassant
discordantes. Une méta-analyse ne retrouvait pas de diffé- les capacités d’épuration par les séléno-enzymes et faisant
évoquer un déficit en sélénium [120]. L’administration exo-
rence significative sur la mortalité et sur la durée de venti-
gène de sélénium réduit aussi les phénomènes d’oxydation
lation ou d’hospitalisation [163].
et pourrait renforcer les défenses endothéliales [119]. Son
Au total, l’apport en acide gras w3 semble apporter un administration au cours des états de choc paraît donc licite
bénéfice clinique aux patients agressés. Ceci a conduit au en traitement unique ou associé à un cocktail vitaminique.
développement de spécialités de nutrition parentérale L’une des premières études randomisées mettait en évi-
composées d’un mélange d’huiles, alliant les bénéfices de dence une diminution significative de la mortalité (42,4 vs
chaque, et contenant entre 10 et 15 % d’huile de poissons 56,7 %) chez des patients présentant un stress infectieux
pour obtenir un ratio w3/w6 compris entre 2/1 et 3/1. en réanimation et recevant une dose initiale en bolus
(30 min) de 1 mg de sélénium sous forme de Na2SeO3 suivie
d’une dose quotidienne de 1 mg de sélénium [120]. Les
Les lipides constituent une source importante 5 méta-analyses récentes citées plus haut, réalisées chez
d’énergie grâce à leur b-oxydation. des patients de réanimation en choc septique, n’ont pas
Les acides gras poly-insaturés w3 modulent les permis de conclure formellement à une amélioration de la
mécanismes inflammatoires. mortalité ; signalons qu’elles étaient hétérogènes dans leur
Leur utilisation clinique améliore le pronostic des population et les posologies administrées [121-125, 165,
patients en SIRS. 166]. Toutefois (cf. supra), l’étude de phase de Bloos [166]
Une supplémentation en cas de nutrition parenté- est négative.
rale est fortement recommandée et doit être envi- Comme médicament à des concentrations élevées, cer-
sagée en cas de nutrition entérale pour obtenir un tains composés séléniés oxydants, comme le Na2SeO3,
ratio w6/w3 entre 2/1 et 3/1. pourraient avoir un effet immunomodulateur en inhibant

Espèces oxydantes Voie de détoxification


2H2O + disulfure
de glutathion
O2
ROO° °OH Glutathion peroxydase
H2O2
Vitamine E
Superoxyde dismutase
ROOH

Glutathion peroxydase
ONOO– O2°– + NO
ROH + H2O + disulfure
de glutathion

O2 O2
L-arginine N-hydroxy-L-arginine L-citrulline + NO
NADPH NADPH

NO-synthase Figure 6 / Stress oxydant

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Besoins nutritionnels 48

l’expression de cytokines pro-inflammatoires induites par toire est suggéré pour ces doses importantes [174]. La com-
le NF-kB (nuclear factor kappa B), en augmentant l’apop- plémentation en fer doit couvrir les besoins journaliers
tose des polynucléaires neutrophiles et en exerçant un d’un patient hospitalisé ; il ne semble pas exister à ce jour
effet bactéricide ou virucide direct [164]. de place pour des doses plus importantes.

Chez le patient agressé de réanimation, un apport Vitamines (cf. supra pour compléter)
modérément augmenté en sélénium par rapport
• La vitamine A participe activement à l’immunité en par-
aux apports journaliers recommandés est probable-
ticipant à la production d’anticorps, à la modulation des
ment bénéfique. Ces apports seront d'autant plus
marqueurs de l’inflammation et aux activités cyto-
importants qu'il existe des pertes conséquentes
toxiques et de phagocytose des cellules immunitaires
(brûlures étendues, diarrhées, fistule digestive,
[175]. Les patients de réanimation présentent des
hémodiafiltration) ou un état carentiel préalable. La
concentrations plasmatiques de vitamine A fortement
supplémentation se fera alors avec les autres
diminuées, suggérant une place pour une supplémenta-
éléments traces anti-oxydants (tableau 4).
tion quotidienne [176].
• La vitamine E participe pareillement à la réaction immu-
Zinc nitaire en favorisant les mécanismes de phagocytose et
Le zinc joue un rôle important dans la cicatrisation, la de cytotoxicité envers les pathogènes, mais aussi au tra-
fonction immunitaire et la lutte contre le stress oxydant. Il vers de la régulation de la réaction inflammatoire. Elle
est primordial au fonctionnement d’un grand nombre de intervient également dans la lutte contre le stress oxy-
métalloprotéases, facteurs de transcription et de réplica- dant et fait donc partie des supplémentations vitami-
tion [167]. Il participe aussi au métabolisme du glutathion, niques anti-oxydantes.
justifiant sa co-administration avec le sélénium. Il partici- • La vitamine C est un cofacteur de la synthèse du colla-
perait au contrôle glucidique en favorisant la production gène qui présente aussi des propriétés anti-oxydantes
d’insuline et l’activité de ses récepteurs [167]. Un déficit en limitant l’apparition des radicaux libres de l’oxygène et
zinc est observé chez les patients de réanimation, notam- participe à la restauration du glutathion [177]. Son utili-
ment septiques. Ce déficit est corrélé avec l’importance du sation pourrait également :
stress inflammatoire et de la dysfonction d’organe [168]. – favoriser la sécrétion endogène de noradrénaline et de
Un seul essai clinique suggère qu’une supplémentation en vasopressine, participant ainsi au tonus vasomoteur ;
zinc améliorait le pronostic de patients cérébrolésés [169].
– diminuer l’activation du NF-kB, réduisant de ce fait la
Deux autres travaux mettaient en évidence un possible
production de cytokines pro-inflammatoires et la dys-
effet bénéfique d’un mélange anti-oxydant contenant du
fonction d’organe et promouvant la production de
zinc sur la cicatrisation et les infections de patients brûlés
cytokines anti-inflammatoires ;
[170]. Les doses utilisées variaient de 10 à 40 mg selon les
– favoriser l’activité du récepteur au glucocorticoïde ;
études.
– promouvoir le chimiotactisme des cellules immunitaires
et les phénomènes de phagocytose [178].
Cuivre Cependant, comme les autres micronutriments, la
Tout comme le zinc, le cuivre est un cofacteur de nom- concentration plasmatique est fortement abaissée au
breuses enzymes dont la superoxyde dismutase. Il participe cours des états septiques graves, motivant l’intérêt par-
donc également à la lutte contre le stress oxydant. Il assure ticulier pour une supplémentation [177]. Plusieurs essais
l’intégrité du collagène et de l’élastine et participe ainsi à cliniques mirent en évidence un bénéfice à l’utilisation
la cicatrisation. Aucune étude n’a pour l’instant étudié son de hautes doses d’acide ascorbique (1 à 3 g/j) en termes
impact propre chez des patients de réanimation, d’autant de complications infectieuses, durée de ventilation méca-
qu’aucune différence significative n’a pu être mise en niques et défaillance d’organe [178]. Le bénéfice de
évidence quant aux concentrations plasmatiques ou éry- fortes doses de vitamine C n’est pas formellement établi
throcytaires de Cu au cours des infections [171]. Son admi- chez le patient agressé. La voie d’administration paren-
nistration à faibles doses, conjointe avec du zinc et du térale est à privilégier devant la saturation rapide des
sélénium chez des grands brûlés, était néanmoins associée mécanismes d’absorption digestive.
à une amélioration de la cicatrisation et une diminution
des infections pulmonaires [170, 172]. Une supplémenta- • La vitamine D induit la prolifération des cellules T régu-
tion en cuivre ne doit actuellement être envisagée que latrices et module l’immunité cellulaire. En outre, elle
dans le cadre d’un ensemble de facteurs anti-oxydants, régule l’expression des peptides antibactériens cathélici-
sans dépasser la dose journalière de 1,2 mg. dine et b-défensine exprimés dans certains épithéliums.
De plus, la vitamine D3 présente un rôle dans la forma-
tion des autophagosomes et donc dans les processus
Fer (cf. supra) d’autophagie indispensables à la lutte contre les patho-
Le fer régule également l’activité de la myéloperoxy- gènes intracellulaires. Ses concentrations plasmatiques
dase des neutrophiles, indispensable à leur activité bacté- sont également effondrées chez les patients de réanima-
ricide. Le déficit en fer est présent chez 35 % des patients tion et de façon corrélée à la sévérité [179]. L’essai ran-
admis en réanimation alors même que ces patients présen- domisé VITdAL-ICU a étudié l’administration de
tent des besoins accrus en hémoglobine. La plupart des vitamine D3 à forte dose (540 000 UI) chez 475 patients
données concernant l’administration de fer nous viennent présentant un déficit en vitamine D [180]. Si aucune dif-
des situations pré- ou postopératoires de chirurgies pro- férence significative n’était mise en évidence concernant
grammées à risque hémorragique. Les situations d’agres- le pronostic de l’ensemble de la population étudiée,
sion aiguë diffèrent avec une origine souvent l’analyse en sous-groupe relevait un gain sur la mortalité
multifactorielle de l’anémie. Chez des patients polytrau- hospitalière et à 6 mois des patients présentant un déficit
matisés présentant une anémie, l’administration intravei- profond (< 12 ng/mL). Enfin, la toxicité de hautes doses
neuse de fortes doses de fer n’est suivie d’aucun bénéfice semble faible puisque les études portant sur plus de
sur le taux d’hémoglobine [173]. De plus, un risque théo- 100 000 UI en une prise orale chez des sujets sains ne
rique de stimulation de l’activité bactérienne et inflamma- mettaient pas en évidence de toxicité significative. En

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

l’absence de niveau de preuve suffisant, une supplémen- Toutefois, cette stratégie ne semble pas diminuer la fré-
tation à haute dose n’est actuellement pas recomman- quence des pneumopathies et n’est actuellement plus
dée. recommandée [183]. Enfin, la complication la plus fré-
quente est la non-atteinte des objectifs énergétiques en
raison de l’intolérance digestive et des multiples arrêts
Le stress oxydant au cours des états inflammatoires
d’administration. L’un des principaux problèmes pratiques
est un facteur de gravité. L’utilisation de micronu-
posés par la nutrition entérale est que le ratio calories/pro-
triments semble pourvoir réduire son intensité.
téines disponible dans les produits actuellement commer-
Le sélénium présente des propriétés anti-oxydantes
cialisés ne permet en général pas d’apporter une quantité
avec un probable effet bénéfique sur le pronostic,
restreinte de calories (de l’ordre de 20 kcal/kg/j ou moins)
suggérant son administration en réanimation.
avec une quantité de protéines suffisante, et le recours à
Zinc, cuivre, vitamines A, E et C présentent tous des
des compléments protéinés devient le plus souvent néces-
effets anti-oxydants justifiant leur administration
saire.
sous forme de « cocktails » au cours du séjour en
réanimation. La nutrition parentérale permet de pallier les différents
La vitamine D est probablement indiquée chez les problèmes posés par la nutrition entérale. Cependant, elle
patients présentant un déficit sévère. a le défaut d’une administration non physiologique, avec
Il n’existe à ce jour pas de place pour une supplé- un risque d’atrophie pour la muqueuse digestive, une
mentation à forte dose en fer. éviction de la circulation splanchnique et du passage hépa-
tique, et présente des complications propres. Des compli-
cations métaboliques sont possibles avec apparition d’une
Nutrition artificielle : cholestase attribuée à la diminution de la clairance biliaire
et un possible syndrome de renutrition, voire une « surnu-
quelle voie d’administration ? trition » potentiellement délétère à la phase initiale. Ces
deux dernières complications sont exceptionnellement ren-
Nutrition entérale ou parentérale ? contrées lors d’une nutrition entérale exclusive.
La nutrition entérale est actuellement la voie privilé-
giée en raison de son caractère plus physiologique et d’un Quand débuter la nutrition ?
coût et de complications moindres [146]. En effet, son uti- Une méta-analyse récente portant sur 234 patients de
lisation aurait un effet protecteur sur la paroi intestinale 6 essais randomisés suggérait que l’initiation de la nutri-
et la trophicité entérocytaire et limiterait donc la translo- tion dans les 24 heures de l’admission améliorait la survie
cation bactérienne [181]. Il existe néanmoins un risque [184]. Bien que les essais inclus dans ce travail aient pré-
théorique (0,1 à 0,3 %) d’ischémie digestive par « vol senté certains biais, notamment un nombre relativement
splanchnique » incitant un certain nombre de praticiens à faible de patients, il est actuellement recommandé avec un
différer la nutrition entérale en cas d’instabilité hémody- accord fort de débuter une nutrition entérale dans les
namique. Une autre complication de la nutrition entérale 24 heures chez les patients dénutris ou jugés incapables de
est la survenue de vomissements par retard de la vidange s’alimenter dans les 3 jours. En cas d’impossibilité d’attein-
gastrique. Celle-ci est, dans la majorité des cas, multifacto- dre les objectifs nutritionnels avec une nutrition entérale,
rielle avec possible effet du caractère continu du débit une complémentation des apports par voie parentérale est
d’alimentation, de possibles effets secondaires de certains recommandée au plus tard dans la semaine suivant l’ad-
médicaments (morphiniques, neuroleptiques, etc.) et, dans mission [185].
certains cas, un iléus intestinal (chirurgie digestive, état de
choc, ischémie digestive, etc.). L’utilisation de prokiné-
tiques, tels que l’érythromycine à faibles doses (300- La nutrition entérale permet le maintien de la tro-
750 mg/j) ou de métoclopramide (30 mg/j), permettant phicité et de la fonction intestinale avec peu de
d’améliorer la vidange gastrique ainsi qu’une position complications.
semi-assise peut être recommandée pour limiter leur pré- La nutrition parentérale exclusive ou de complé-
sence. Bien que l’incidence des vomissements fût augmen- ment est un choix acceptable en cas d’impossibilité
tée dans l’étude randomisée CALORIES comparant ou de contre-indication, mais au prix d’un plus
nutrition entérale et parentérale chez 2 388 patients de grand nombre de complications.
réanimation, aucune différence n’était rapportée sur l’in- La nutrition artificielle doit être débutée dans les
cidence des infections pulmonaires ou sur la mortalité 24 heures de l’admission du patient.
[182]. Une stratégie habituelle cherchant à limiter le risque Les objectifs caloriques sont controversés mais ne
d’inhalation est de rechercher la présence d’un important doivent pas dépasser 25 kcal/kg par jour à la phase
résidu gastrique par aspiration dans la sonde gastrique. aiguë.

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PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

49
Sources d’énergie,
réserves de l’organisme,
• Énergie des aliments
• Réserves énergétiques dépense énergétique,
• Composantes de la dépense énergétique
• Mesure de la dépense énergétique
dénutrition
• Régulation de la balance énergétique
• Dénutritions Cécile Bétry, Martine Laville, Cyrielle Caussy
Service d’endocrinologie, diabétologie et de nutrition
et Centre de recherche en nutrition humaine Rhône-Alpes,
Centre hospitalier Lyon-Sud, Hospices civils de Lyon
et Université Claude-Bernard Lyon 1, Lyon

ous les processus biologiques nécessaires au L’énergie brute du saccharose et du lactose est de
maintien de l’homéostasie, à la croissance et à l’ac- 3,95 kcal/g (16,5 kJ/g), celle de l’amidon de 4,20 kcal/g
tivité physique sont consommateurs d’énergie. (17,6 kJ/g), celle des protéines en moyenne de 5,6 kcal/g
Chez l’homme, les apports énergétiques provien- (23,4 kJ/g) et celle des lipides de 9,2 à 9,5 kcal/g (de 38,5 à
nent exclusivement de l’apport alimentaire. De 39,8 kJ/g).
multiples réactions chimiques, regroupées sous la
dénomination « métabolisme énergétique », per-
mettent de transformer les aliments en source Énergie métabolisable
d’énergie pour les différents tissus. La stabilité du
poids est la résultante d’un équilibre permanent L’énergie métabolisable correspond à la fraction du
entre dépenses énergétiques de l’organisme et contenu énergétique de l’aliment qui peut être utilisée par
apport énergétique de l’alimentation. Tout dés- l’organisme, c’est-à-dire à la différence entre l’énergie
équilibre prolongé va être à l’origine de deux des brute de l’aliment et les pertes fécales et urinaires. Une
plus importants problèmes de santé publique de la fraction variable des constituants alimentaires n’est pas
planète : l’obésité et la dénutrition. digérée (moins de 1 % pour l’amidon, de l’ordre de 80 %
pour les fibres des fruits et légumes) et est éliminée dans
les selles. Le microbiote intestinal participe au métabolisme
Unités d’énergie énergétique en symbiose avec l’hôte [1]. Il permet notam-
L’unité internationale d’énergie est le joule (J), mais ment la production d’acides gras à chaîne courte qui sont
les kilocalories (kcal) sont encore souvent utilisées. des sources d’énergie grâce à la fermentation des fibres
Une calorie est la quantité de chaleur nécessaire alimentaires [2]. L’élimination urinaire des déchets azotés
pour élever de 1 °C la température de 1 g d’eau. (urée, créatinine) et des composés de détoxication s’accom-
C’est une unité très petite. On lui préfère en pra- pagne d’une perte d’énergie correspondant à 4 ou 5 % de
tique la kilocalorie (1 kcal = 1 000 cal) : l’énergie brute ingérée.
1 kcal = 4,18 kJ.
Classiquement, la teneur en énergie métabolisable des
aliments est calculée à partir de la composition chimique à

Énergie des aliments l’aide de coefficients établis par Atwater [3] : 4 kcal/g
(16,7 kJ/g) de glucides (saccharose, amidon), 4 kcal/g
(16,7 kJ/g) de protéines et 9 kcal/g (37,7 kJ/g) de lipides.
L’énergie contenue dans les aliments n’est pas totale-
Les erreurs d’estimation sont inférieures à 2 % pour des
ment biodisponible. En effet, au cours de la digestion des
régimes courants, mais peuvent atteindre 4 % pour les
aliments et du métabolisme des nutriments qui en déri-
régimes riches en fibres. Dans ce cas, l’erreur peut être
vent, interviennent diverses pertes d’énergie, variables
selon la composition chimique des aliments. réduite en utilisant une valeur de 2 kcal/g (8,4 kJ/g) de
fibres alimentaires.

Énergie brute Énergie nette


L’énergie brute d’un aliment est la quantité de chaleur
produite par la combustion de 1 g de cet aliment dans L’énergie nette est le contenu énergétique de l’aliment
une bombe calorimétrique sous pression d’oxygène. Elle qui contribue à couvrir les dépenses énergétiques de l’in-
s’exprime en calories ou en joules par gramme d’aliment. dividu. Elle correspond à l’énergie métabolisable des ali-

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

ments moins la thermogenèse alimentaire associée à la lisés par le foie et le muscle comme substrats éner-
digestion et au métabolisme des nutriments. Ces pertes de gétiques. Le cerveau n’est pas capable d’utiliser les
chaleur dépendent de la nature des nutriments (glucose, acides gras comme source d’énergie. Dans le foie,
acétate, acides aminés, acides gras longs) et des voies les acides gras peuvent être soit réestérifiés en tri-
métaboliques qu’ils empruntent. L’énergie nette corres- glycérides, soit (en situation de jeûne) transformés
pond à la valeur énergétique réelle d’un aliment. Sa déter- en corps cétoniques pour être utilisés par le muscle
mination nécessite la réalisation de bilans énergétiques en et le cerveau.
chambre calorimétrique.
Aussi, malgré l’intérêt de l’énergie nette, en raison des
difficultés expérimentales pour la déterminer, la valeur
énergétique des aliments est exprimée en kilocalories (kilo-
Composantes
joules) d’énergie métabolisable par gramme de produit. de la dépense énergétique
La dépense énergétique de l’adulte comporte trois
Réserves énergétiques composantes : le métabolisme de base, la thermogenèse
et l’activité physique. Chez l’enfant ou lors de la grossesse,
Les besoins en énergie étant continus et l’apport ali- de l’énergie est dépensée pour la croissance de l’orga-
mentaire intermittent, il est indispensable qu’une partie nisme. Les situations d’agression entraînent une dépense
de l’énergie absorbée soit stockée (tableau 1). énergétique accrue.

Les réserves en hydrates de carbone permettent de cou-


vrir les besoins énergétiques de l’organisme pendant moins Métabolisme de repos
de 24 heures. Les réserves en glucose libre sont de l’ordre
d’une dizaine de grammes. La principale source de réserves Le métabolisme de repos correspond à la dépense
glucidiques de l’organisme est donc le glycogène muscu- d’énergie mesurée en conditions standardisées chez un
laire et hépatique Toutefois, le glycogène musculaire ne individu à jeun, couché et éveillé en situation de thermo-
peut être utilisé que par le muscle. En effet, la production neutralité. Il représente la consommation en énergie
du glucose à partir du glycogène nécessite la transforma- nécessaire pour assurer les fonctions vitales de l’orga-
tion du glucose-6-phosphate en glucose grâce à une nisme : travail des pompes membranaires nécessaire pour
enzyme la glucose-6-phosphatase. Cette enzyme est pré- maintenir les gradients ioniques, renouvellement des
sente dans le foie, la corticale rénale et l’intestin grêle, constituants de l’organisme (en particulier des protéines),
mais pas dans le muscle. La présence de glucose-6-phos- travail cardiaque et respiratoire. Il existe une grande varia-
phatase dans le rein et l’intestin grêle explique la capacité bilité interindividuelle de la dépense énergétique de repos.
de ces organes à produire du glucose à partir de composés La dépense énergétique de repos est directement corrélée
non glucidiques grâce à la néoglucogenèse. Le foie est à la masse musculaire de l’individu et varie donc en fonc-
capable de produire du glucose à la fois via la glycogéno- tion de l’âge, du sexe et du poids. La dépense énergétique
lyse et la néoglucogenèse. de repos est d’environ 10 % plus élevée chez l’homme que
chez la femme, à poids et taille égaux du fait d’une diffé-
Les réserves énergétiques protéiques sont importantes,
rence de composition corporelle. La dépense énergétique
mais toute mobilisation se fait au détriment de la fonction
de repos la plus élevée par kilo de poids s’observe chez le
puis de la structure d’un ou de plusieurs tissus, et leur
nourrisson ; elle décroît ensuite de façon nette jusqu’à
mobilisation massive n’est pas compatible avec le maintien
20 ans, puis plus lentement ensuite. La masse maigre repré-
de la vie.
sente en moyenne 80 à 85 % du poids chez l’homme
normo-pondéral et 75 à 80 % chez la femme, ces chiffres
Les réserves énergétiques sont essentiellement étant évidemment plus faibles chez l’obèse. Chez le sujet
stockées dans le tissu adipeux sous forme de trigly- sain, la dépense énergétique de repos est estimée à
cérides. Elles sont libérées sous forme d’acides gras 30 ± 3,5 kg par kilo de masse maigre. Le métabolisme de
libres non estérifiés et de glycérol. Le glycérol est repos (MR) peut également être estimé à l’aide de diffé-
capté par le foie où il contribue à la production de rentes équations de prédiction. La plus couramment utili-
glucose par la voie de la néoglucogenèse, tandis sée est celle de Harris-Benedict [4], où P est le poids (en
que les acides gras non estérifiés peuvent être uti- kg), T la taille (en m) et A l’âge (en années) :

Tableau 1 / Réserves énergétiques de l’organisme pour un homme de 70 kg

Poids Glucose et glycogène Protéines mobilisables Triglycérides


Tissus
kg g kcal g kcal g kcal
Sang 10,0 15 60 100 400 5 45
Foie 1,0 100 400 100 400 50 450
Intestin 1,0 0 0 60 240 1 1
Cerveau 1,4 2 8 40 160 0 0
Muscle 30,0 300 1 200 4 000 16 000 600 5 400
Tissu adipeux 15,0 20 80 300 1 200 12 000 108 000
Peau, poumon, rate 4,0 13 52 240 960 40 360
Total 450 1 800 5 000 20 000 12 695 114 255

558
1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:03 Page559

Sources d’énergie, réserves de l’organisme, dépense énergétique, dénutrition 49

• femmes : nières décennies, la mécanisation des travaux agricoles et


MR = 655 + (9,5634 × P) + (184,96 × T) + (4,7657 × A) ; industriels a réduit la part des dépenses liées aux travaux
• hommes : physiques. En revanche, les activités de sport et de loisirs se
MR = 66,47 + (13,7516 × P) + (500,33 × T) + (6,7550 × A). sont développées. Les différentes activités physiques de la
vie (déplacements, tâches ménagères, activités profession-
nelles, sport, etc.) correspondent à une fourniture de travail
Thermogenèse alimentaire très variable selon leur nature et les individus. Au sens phy-
sique du terme, le travail (exprimé en joules) est le produit
La prise alimentaire augmente les dépenses énergé- d’une force par un déplacement. L’intensité du travail se
tiques de l’individu au repos de manière proportionnelle caractérise par sa puissance, exprimée en watts (J/s). La
à la quantité d’énergie ingérée. Elle représente habituel- dépense énergétique croît avec l’intensité de l’effort ; elle
lement 10 à 15 % des dépenses énergétiques d’un sujet atteint un plateau où la consommation d’oxygène est défi-
sédentaire. Cette thermogenèse alimentaire diffère selon nie comme la consommation maximale d’oxygène (VO2max),
le type d’aliment (5-10 % pour les glucides, 0,5 % pour les variable d’un sujet à l’autre en fonction de l’état nutrition-
graisses, 20-30 % pour les protéines). Elle est en majeure nel, de l’entraînement, mais assez fixe pour un sujet donné.
partie expliquée par le coût énergétique associé à l’absorp- L’exercice est suivi d’une période de durée variable
tion intestinale, au stockage et à la transformation des ali- (quelques dizaines de minutes à quelques heures) pendant
ments [5] : c’est la part dite « obligatoire » de la laquelle la dépense énergétique reste supérieure à la
thermogenèse alimentaire. À celle-ci s’ajoute une part dépense de repos. Ces phénomènes doivent être pris en
« facultative » qui explique en partie la grande variabilité compte pour l’estimation des dépenses ou des besoins éner-
interindividuelle de la réponse énergétique à un repas. gétiques selon la nature, l’intensité et la durée du travail.
Dans certaines conditions (administration importante de Le tableau 2 donne quelques exemples de dépenses éner-
glucides), cette portion de la thermogenèse alimentaire gétiques en réponse à différentes activités physiques.
peut être inhibée par les agents b-adrénolytiques, ce qui Les différentes composantes de la dépense énergétique
indique un rôle du système nerveux sympathique dans son sont donc variables d’un individu à l’autre en fonction de
contrôle [6]. paramètres énumérés dans le tableau 3.

Dépenses La dépense énergétique de l’adulte sain comporte


plusieurs composants :
liées à la thermorégulation • le métabolisme de repos, dépendant du poids, de
la taille, de l’âge, du sexe et de la composition
La régulation de la température corporelle à 37-37,5 °C corporelle (masse maigre), estimée à environ
est essentielle pour l’organisme humain. Lors de l’exposi- 30 ± 3,5 kcal par kilo de masse maigre ;
tion à des températures externes basses, les mécanismes
de thermorégulation tendent à diminuer les pertes de cha-
leur. Les sujets exerçant une activité physique au froid Tableau 2 / Dépense énergétique lors de différentes activités
maintiennent leur température centrale en raison de la physiques (d’après [7])
production de chaleur importante associée au travail mus-
culaire. Chez le sujet au repos, et dans le cas où les méca- Dépense énergétique
nismes de thermorégulation s’avèrent insuffisants, une Activité (kcal/min)
baisse de la température centrale entraîne le frisson. Ce
processus élève de manière importante les dépenses Repos, allongé 1
d’énergie. Lorsque la protection à l’exposition au froid par Nulle Repos, assis 1,1-1,3
l’habillement et le chauffage des habitations est adéquate, Repos, debout 1,1-1,9
les variations saisonnières de température jouent un rôle
négligeable dans les dépenses énergétiques globales. Écriture, assis 1,1-2,2
2 km/h 2,5
Marche à plat
Activité physique 5 km/h 4,5
Course à plat 10-12
L’activité physique est le second facteur de variation de
Nage (30 m/min) 7-9
la dépense et des besoins énergétiques des individus, après
le poids et la composition corporelle. Au cours des der- Course à vitesse maximale 15-25

Tableau 3 / Facteurs intervenant sur les différentes composantes de la dépense énergétique

Facteurs intrinsèques Facteurs extrinsèques


Masse maigre
Âge, sexe
Métabolisme basal Hormones thyroïdiennes
Débit de renouvellement protéique
Prise alimentaire
État nutritionnel Ingestion de substances thermogéniques
Thermogenèse Activité du système nerveux sympathique Stress
Tissu adipeux brun Exposition au froid
Masse musculaire Durée et intensité
Activité physique Rendement des muscles (VO2max) des exercices musculaires
VO2max : consommation maximale d’oxygène

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

• la thermogenèse alimentaire, variable selon le dépenses d’énergie selon le même principe qu’avec un boî-
type des aliments ; tier ventilé, mais pendant des périodes prolongées
• les dépenses liées à la thermogenèse ; (24 heures et plus) [8].
• l’activité physique, la dépense croissant avec l’in-
tensité de l’effort.
Méthode à l’eau
doublement marquée
Mesure Cette méthode repose sur l’utilisation d’isotopes sta-
bles : le deutérium (2H) et de l’oxygène 18 (18O), tous deux
de la dépense énergétique apportés sous forme d’eau marquée : 2H2O (eau deutérée)
et H218O (eau enrichie en 18O). L’eau doublement marquée
Différentes méthodes peuvent être utilisées pour mesu- ingérée se dilue dans l’eau totale de l’organisme. Le deu-
rer la dépense énergétique. térium de l’eau n’est éliminé que dans les urines alors que
l’oxygène 18 est éliminé aussi sous forme de dioxyde de
carbone (CO2). La différence de vitesse d’élimination de ces
Calorimétrie directe deux isotopes permet de calculer la production de CO2. La
mesure de l’élimination des isotopes est réalisée sur envi-
Cette méthode, complexe à mettre en œuvre, repose ron 14 jours chez les adultes. La production de CO2 calculée
sur le principe de l’égalité entre production de chaleur et est une moyenne sur cette période. Une certaine stabilité
dépenses d’énergie de l’individu. La réalisation de la de la situation métabolique est nécessaire pendant la
mesure nécessite une enceinte de taille réduite et hermé- mesure. La dépense énergétique totale est calculée à partir
tique permettant la quantification de la perte de chaleur. de cette production de CO2 et de la détermination ou de
Les mesures obtenues sont très précises (± 1 W). La calori- l’estimation du quotient respiratoire (VO2/VCO2) [9]. Le
métrie directe est une méthode historique qui est très peu principal avantage de cette méthode est sa simplicité d’uti-
utilisée. lisation. Il suffit de boire la dose d’eau doublement mar-
quée (sans goût particulier) et de fournir un échantillon
d’urine (ou de salive) à J7 et J14. Les isotopes utilisés sont
Calorimétrie indirecte stables et permettent donc également des mesures chez
les petits enfants et les femmes enceintes. La précision des
Cette méthode repose sur le principe que l’énergie uti- mesures est de 3 à 5 %. Le principal défaut de cette
lisée par l’organisme résulte de l’oxydation des nutriments méthode est qu’elle n’est disponible que dans de rares cen-
(lipides, protéines, glucides, alcool). Il est donc possible tres spécialisés. En partie à cause du prix des isotopes (l’eau
d’utiliser la consommation globale d’oxygène de l’orga- enrichie en oxygène 18 est chère) mais aussi de l’équipe-
nisme pour déterminer indirectement la production ment nécessaire pour réaliser les mesures (spectrométrie
d’énergie à partir des macronutriments. La production de masse isotopique) et de l’expertise imposée par les cal-
d’énergie par litre d’oxygène consommé est de 5,01 kcal culs de production de CO2, cette méthode reste peu utili-
(20,96 kJ) pour le glucose, 4,66 kcal (19,5 kJ) pour les lipides sée malgré son potentiel. En conclusion, il s’agit d’une
et 4,34 kcal (18,16 kJ) pour les protéines. Le calcul exact de méthode de « terrain », utilisable là où nulle autre
la dépense énergétique nécessite donc de connaître la par- méthode n’est utilisable (sportifs, expéditions lointaines,
ticipation relative de chacun de ces substrats à la consom- conditions habituelles de vie, etc.), qui vient en complé-
mation totale d’oxygène. L’oxydation nette des protéines ment des autres techniques décrites ici.
peut être déterminée à partir de l’excrétion urinaire
d’azote. Par ailleurs, la mesure simultanée de la consom-
mation d’oxygène et de la production de gaz carbonique
Autres méthodes
permet de calculer la participation relative des glucides et Des méthodes plus simples pour estimer les dépenses
des lipides aux oxydations totales. En effet, le rapport oxy- énergétiques des individus dans les conditions habituelles
gène consommé/gaz carbonique produit est de 1,0 lors de de vie sont également disponibles et sont actuellement uti-
l’oxydation de glucides et de 0,7 lors de l’oxydation de lisées largement par le grand public.
lipides. Il est donc possible de calculer précisément les oxy- • L’utilisation d’un cardiofréquencemètre pour déduire la
dations nettes de ces deux substrats à partir des échanges dépense énergétique est fondée sur la relation linéaire
respiratoires totaux mesurés en oxygène et gaz carbo- existant entre la fréquence cardiaque et la dépense éner-
nique, auxquels on aura retranché les échanges gazeux gétique pour des activités physiques d’intensité crois-
attribuables à l’oxydation des protéines (cette dernière sante. Cependant, cette relation varie selon les capacités
étant obtenue à partir de l’excrétion urinaire d’azote). La cardiaques, le sexe, le type d’activité et l’état d’entraîne-
mesure des échanges gazeux respiratoires s’effectue en ment physique des individus.
collectant l’air expiré à l’aide soit d’un masque, soit d’un
• Le podomètre permet d’évaluer le nombre de pas d’un
embout buccal, soit encore d’un boîtier placé sur la tête du
individu. L’utilisation du podomètre repose sur le prin-
sujet. Cette dernière méthode de collecte est la plus utili-
cipe que la majeure partie de l’activité physique d’un
sée. Le boîtier est ventilé avec un débit constant d’air. La
sujet est liée à la marche. Cet outil reste donc peu précis
mesure du débit d’air au travers du boîtier et des diffé-
pour quantifier exactement la dépense d’énergie globale
rences de concentration d’oxygène et de gaz carbonique
mais est utilisé pour les recommandations visant à lutter
à l’entrée et à la sortie du boîtier permettent le calcul de
contre la sédentarité (marcher plus de 10 000 pas/j).
la consommation d’oxygène et de la production de gaz
carbonique. Cette mesure non invasive peut être effectuée • Les accéléromètres permettent de quantifier et d’enre-
aisément chez des patients coopératifs. L’inconfort lié au gistrer l’intensité de mouvement selon un ou trois axes
port du boîtier sur la tête limite cependant la durée de la au cours d’une activité physique. Pour avoir des mesures
mesure à quelques heures. Celle-ci ne permet donc pas suffisamment précises, des relations individuelles doivent
d’évaluer les dépenses réelles de la vie quotidienne. Pour être établies entre quantité de mouvements et dépense
pallier ces limitations, certains centres d’investigation dis- énergétique mesurée par calorimétrie indirecte.
posent d’une chambre calorimétrique. Il s’agit d’une cham- • Le GPS peut également être utilisé pour mesurer le mou-
bre hermétique, ventilée, qui permet de mesurer les vement.

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1Physio humaine.qxp_Mise en page 1 22/02/2017 10:03 Page561

Sources d’énergie, réserves de l’organisme, dépense énergétique, dénutrition 49

En couplant ces différentes techniques, il est possible


de déterminer précisément l’activité physique d’un sujet Tableau 4 / Dépense énergétique liée à l’activité physique
en s’affranchissant des artefacts liés aux transports en voi-
ture par exemple. La méthode factorielle permet d’évaluer Multiple
Catégorie Activité
les dépenses énergétiques journalières d’un individu en de la DER
recueillant le type et la durée des activités pratiquées au 1 1,0 Sommeil, sieste, repos allongé
cours de la journée. Chaque type d’activité peut être
exprimé en multiples du métabolisme de base pour unifor- Position assise (TV, jeux de société, repas,
2 1,5 lecture, travail de bureau, transports, etc.)
miser les données entre les individus. Le coefficient de
variation est en moyenne de 10 % [10]. La méthode facto- Position debout (toilette, cuisine, travaux
3 2,2
rielle est plus simple, plus fiable et plus précise que la ménagers, achat, vente, travail de laboratoire, etc.)
méthode d’enregistrement de la fréquence cardiaque. Sa Marche, jardinage, gymnastique,
4 3,0
précision est liée à celle de l’estimation du métabolisme de activité professionnelle manuelle
base ou de repos. Elle nécessite une bonne compliance des 5 3,5 Activité physique intense (maçonnerie, sport, etc.)
sujets pour le recueil de leurs activités journalières (nature,
intensité, durée) [11]. Le coût énergétique de chaque acti- Sport de compétition, travaux de terrassement,
6 5,0
vité quotidienne a été déterminé dans des populations de travaux forestiers, etc.
sujets adultes variées. On peut classer les activités selon DER : dépense énergétique de repos
leur coût énergétique en six groupes correspondant à des
multiples croissants de la dépense énergétique de repos
(DER) (tableau 4).
La dépense énergétique totale (DET) pourra donc être Tableau 5 / Dépense énergétique moyenne en fonction de l’activité
calculée en fonction de l’activité physique moyenne tenant
compte du temps passé à chaque activité. Par exemple, la
Activité Durée (h) Multiple de la DER
journée d’une vendeuse peut se décomposer comme dans
le tableau 5. L’activité moyenne de cette vendeuse est donc Sommeil 8,0 1,0
de :
Toilette 1,0 2,2
(8 × 1) + (1+ 2 + 8) 2,2 + (2,5 + 1,5 + 1) 1,5
= 1, 65.
24 Cuisine, ménage 2,0 2,2
TV, lecture 2,5 1,5
Sa dépense énergétique totale (kcal/j) est de : DER
× 1,65. La dépense énergétique totale est donc calculée Travail 8,0 2,2
comme un multiple de la dépense énergétique de repos Repas 1,5 1,5
en fonction de l’activité physique journalière moyenne.
Voiture 1,0 1,5
Total 24,0 1,65
La calorimétrie indirecte à partir de la mesure des
échanges respiratoires est la technique la plus habi- DER : dépense énergétique de repos
tuelle de mesure des dépenses énergétiques ;
cependant, la durée de la mesure est habituelle-
ment limitée. La méthode de l’eau doublement mar-
quée, encore peu disponible, permet une mesure masse maigre métaboliquement active et, d’autre part, il
des dépenses énergétiques totales sur des durées existe une augmentation de l’efficacité énergétique des
de plusieurs jours. D’autres techniques fondées sur processus métaboliques avec une diminution de la dépense
la fréquence cardiaque ou la méthode factorielle énergétique par unité de masse maigre. Cette augmenta-
permettent une estimation correcte des dépenses. tion du rendement énergétique est liée à une diminution
de l’activité sympathique et de la concentration en hor-
mones thyroïdiennes (syndrome de basse T3). La surnutri-
tion est, au contraire, associée à une augmentation de la
Régulation de dépense énergétique par augmentation de la masse mai-

la balance énergétique gre, de la thermogenèse postprandiale et du coût énergé-


tique de la locomotion lié à l’augmentation du poids
corporel.
La dépense énergétique est très variable d’un individu
La régulation de la balance énergétique passe égale-
à l’autre. Cette variabilité dépend de différents facteurs,
ment par une régulation très fine de la prise alimentaire
le plus important étant la masse musculaire du sujet. Ces
au niveau central. Elle se fait à la fois sur le court terme en
facteurs de variation individuelle de la dépense énergé-
lien avec la rythmicité des repas et sur le plus long terme.
tique ont été rappelés dans le tableau 3.
Les travaux de recherche des dernières décades ont révélé
La régulation de la balance énergétique permet une l’importance de l’axe intestin-cerveau dans cette régula-
adéquation entre la prise alimentaire et la dépense éner- tion. Le noyau arqué de l’hypothalamus est un centre inté-
gétique. Elle explique que le poids puisse rester stable pen- grateur des signaux de faim et de satiété. De nombreuses
dant de nombreuses années. Une dérégulation de ce hormones et cytokines permettent d’informer cette struc-
système est à l’origine de troubles tels que l’obésité ou ture de l’état des réserves énergétiques. La leptine est une
l’anorexie mentale. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’un cytokine sécrétée par le tissu adipeux qui joue le rôle d’adi-
sujet souffrant d’obésité a un poids stable lorsque la postat et qui a un effet satiétogène [12, 13]. Les animaux
balance énergétique est à l’équilibre. La dépense énergé- déficients en leptine, comme la souris ob/ob, prennent du
tique est modulée en fonction de l’apport alimentaire pour poids à la fois par une augmentation de l’appétit et par
tenter de maintenir une stabilité pondérale. En effet, un diminution de leur dépense énergétique. Chez l’homme,
jeûne prolongé ou une restriction calorique importante l’obésité commune n’est pas expliquée par un défaut en
entraîne une baisse du métabolisme de repos par deux leptine mais il existe de rares cas d’obésité monogénique
mécanismes : d’une part, il existe une diminution de la lié à un déficit en leptine. Le peptide YY (PYY) sécrété par

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

le tube digestif en période postprandiale proportionnelle-


ment à l’apport calorique est une autre hormone satiéto-
Physiopathologie
gène. À l’inverse, la ghréline sécrétée par l’estomac est et classification
orexigène [14]. Parmi les autres facteurs sécrétés par le
tractus digestif et impliqués dans la régulation de la prise Les mécanismes responsables de la dénutrition peuvent
alimentaire, citons la cholecytokinine, le GLP-1 (glucagon- être regroupés en trois grandes catégories : la carence
like peptide-1) ou encore l’oxyntomoduline. Les nutri- d’apport, l’augmentation des pertes et l’augmentation des
ments, et particulièrement les métabolites des acides gras, besoins, les trois mécanismes pouvant être combinés.
peuvent aussi directement impacter la prise alimentaire.
Le noyau arqué n’est pas la seule structure responsable de
la régulation de la prise alimentaire au niveau central. Le Dénutrition par carence d’apport :
système de la récompense qui implique le système dopa- du jeûne au marasme
minergique est aussi fortement impliqué, notamment dans
Ces carences d’apport peuvent venir d’un jeûne volon-
la composante hédonique de la nourriture. Une dérégula-
tion de ce système est associée à l’obésité [15]. taire, de régimes restrictifs, d’une anorexie mentale ou
d’atteintes digestives (vomissements, troubles de la déglu-
tition, obstacles du tube digestif haut).

Dénutritions On distingue habituellement quatre phases successives


lors d’une carence globale d’apport [19, 20] :
Les dénutritions, appelées aussi malnutritions protéino- • la phase postabsorptive, d’une durée de quelques
énergétiques ou malnutritions protéino-caloriques, repré- heures ;
sentent un des problèmes majeurs de santé publique de la • la phase d’adaptation, jeûne bref de 1 à 3 jours ;
planète. Le terme « malnutrition » est très général ; il signifie • le jeûne prolongé, qui peut durer plusieurs semaines
que les apports nutritionnels sont mal équilibrés, pouvant selon l’état des réserves énergétiques initiales ;
correspondre soit à une carence, soit à un excès d’apport • la période terminale où les altérations métaboliques se
d’un ou de plusieurs nutriments. En revanche, les dénutri- compliquent d’altérations organiques et tissulaires rapi-
tions se voient lorsque les apports énergétiques et/ou pro- dement irréversibles.
téiques sont insuffisants pour couvrir les dépenses de
l’organisme : déséquilibre global protéino-calorique provo- • Phase postabsorptive
qué par des apports insuffisants et/ou des dépenses métabo-
liques ou des pertes excessives ; carences plus spécifiquement C’est l’intervalle de temps qui sépare deux prises ali-
protéiques lorsque le catabolisme protéique est élevé et/ou mentaires et qui dure au maximum de 12 à 14 heures
les apports insuffisants ou de qualité médiocre. (jeûne nocturne). En période postprandiale précoce, l’élé-
vation de la glycémie et des acides aminés plasmatiques,
en stimulant la sécrétion d’insuline, oriente le métabolisme
Vue d’ensemble vers l’oxydation des hydrates de carbone et le stockage des
nutriments ingérés : augmentation de la captation tissu-
Pour des déséquilibres de durée brève, des mécanismes laire du glucose et de son utilisation (oxydation ou
d’adaptation se mettent en place ; les effets pathologiques stockage sous forme de glycogène) ; inhibition de la lipo-
de la sous-nutrition ne se manifestent que pour des déséqui- lyse endogène et de l’oxydation des acides gras ; augmen-
libres prolongés ou particulièrement importants, comme tation de la synthèse des triglycérides et de leur stockage
ceux qu’on peut observer dans les pathologies aiguës. adipocytaire ; augmentation de la synthèse des protéines
La dénutrition a initialement été décrite dans les pays en et réduction de la protéolyse.
développement. On considère qu’elle y atteint 60 à 80 % des À mesure que s’éloigne le dernier repas, la situation
enfants, qui sont particulièrement exposés du fait de leurs métabolique se modifie : la décroissance de la glycémie et
besoins énergétiques et protéiques élevés rapportés au poids de l’insulinémie permet l’augmentation progressive de la
corporel ; les infections fréquentes, en particulier gastro- lipolyse adipocytaire, de l’oxydation des acides gras puis
intestinales, représentent un facteur aggravant important.
de la cétogenèse hépatique, tandis que le glucose provient
Cependant, la dénutrition n’est pas l’apanage des pays de la glycogénolyse hépatique, exclusive d’abord, puis
en développement ; les états de dénutrition sont extrême- associée à la néoglucogenèse.
ment fréquents dans les pays développés. Ils touchent spéci-
fiquement certaines catégories de la population : personnes • Jeûne bref de 12 heures à 3 ou 4 jours
démunies, à bas revenus, associant en général dénutrition et
précarité, personnes âgées et malades hospitalisés. Toutes les Progressivement, le glycogène hépatique s’épuise et la
études européennes et nord-américaines retrouvent, chez 30 totalité du glucose utilisé par l’organisme provient de la
à 60 % des patients hospitalisés en médecine ou en chirurgie, néoglucogenèse. Cette synthèse de glucose se fait essentiel-
des stigmates cliniques et biologiques de malnutrition pro- lement à partir des acides aminés libérés par le muscle, ala-
téino-énergétique [16, 17], leur état nutritionnel continuant nine et glutamine principalement, avec pour corollaire une
souvent à se dégrader au cours de l’hospitalisation [18]. La importante excrétion d’urée. Le glycérol n’est à ce stade
dénutrition est particulièrement élevée aux âges extrêmes qu’un appoint ; le lactate, autre substrat néoglucogénique
de la vie : 5 à 10 % des personnes âgées à domicile et 15 à important, ne permet pas de synthèse nette de glucose
40 % en établissement en sont atteintes ; 10 % des enfants puisqu’il est lui-même issu du glucose (cycle de Cori).
hospitalisés en France présentent une dénutrition sévère, et L’oxydation des lipides devient prépondérante sur celle
les nourrissons sont les plus exposés. du glucose, directe ou indirecte via les corps cétoniques
Cette malnutrition hospitalière est également impor- produits par le foie. Cependant, certains organes restent
tante chez les patients porteurs de maladies chroniques et dépendants du glucose pour leur métabolisme énergé-
représente un facteur d’aggravation de la morbidité et de tique soit totalement (hématies, médullaire rénale), soit
la mortalité de nombreuses pathologies. Elle mérite toute partiellement (cerveau, leucocytes, tissus en phase de crois-
l’attention du corps médical. sance ou de maturation, myocarde).

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Sources d’énergie, réserves de l’organisme, dépense énergétique, dénutrition 49

Les besoins en glucose sont estimés à environ d’une maldigestion par insuffisance pancréatique et/ou
180 g/24 heures pour un adulte. Les cellules sanguines et hépatique qui altère le métabolisme des nutriments absor-
la médullaire rénale en consomment environ bés.
40 g/24 heures : il s’agit de glycolyse « anaérobie », le lac-
tate libéré est réutilisé pour la synthèse de glucose. Le glu-
cose oxydé, qui doit donc être complètement synthétisé,
Dénutrition par hypermétabolisme
est donc de 140 g/24 heures.
• Réponse métabolique à l’agression aiguë
• Jeûne prolongé [21, 22]
Deux modifications métaboliques vont apparaître pro- Tout phénomène pathologique aigu grave entraîne dif-
gressivement : l’augmentation de la concentration plasma- férents mécanismes d’adaptation métabolique qui ne sont
tique des corps cétoniques et la réduction de l’excrétion plus orientés, comme dans le jeûne, vers l’épargne maxi-
d’urée. L’augmentation de la production et de la concentra- male mais peuvent être responsables d’une dénutrition
tion plasmatique des corps cétoniques permet à différents rapide. Les traumatismes multiples, les interventions chi-
organes, dont le cerveau, de les utiliser à la place du glucose rurgicales majeures, les brûlures étendues, les états infec-
dont l’oxydation passe de 140 à 40 g/24 heures environ. tieux sévères… s’accompagnent de phénomènes
Cette réduction de la consommation glucidique permet une métaboliques divisés en une première phase qui dure
épargne protéique qui se traduit par la réduction de l’ex- quelques jours, et une seconde phase plus « hypermétabo-
crétion d’urée. Il s’agit du mécanisme essentiel de l’adapta- lique » dont la durée dépend de la sévérité du stress. Au
tion au jeûne prolongé. Celui-ci est associé à la réduction du cours de cette réponse métabolique, différents phéno-
métabolisme énergétique et du renouvellement des pro- mènes neuro-humoraux, caractéristiques de la réponse
téines pour permettre la survie jusqu’à 5 à 6 semaines. Ces inflammatoire, vont se succéder : production de différents
mécanismes d’adaptation sont principalement sous la médiateurs (cytokines pro-inflammatoires et anti-inflam-
dépendance de deux modifications hormonales : matoires, produits activés du complément, prostaglan-
• la diminution de l’insulinémie réduit l’oxydation des glu- dines, radicaux libres de l’oxygène, médiateurs lipidiques,
cides et permet une activation de la lipolyse et de la céto- monoxyde d’azote, facteurs activés de la coagulation), élé-
genèse. La baisse de l’insulinémie réduit aussi la synthèse vation simultanée de l’insuline et des hormones dites
des protéines, en particulier au niveau musculaire. La dif- contre-régulatrices : glucagon, cortisol et catécholamines.
férence entre protéolyse et synthèse protéique muscu- Ces modifications conduisent à une redistribution des
laire est légèrement positive, de sorte que le territoire métabolites entre les différents organes (changement de
musculaire libère en permanence des acides aminés pour priorités métaboliques) et à des modifications immuni-
la synthèse du glucose ; taires. Tout événement intercurrent, toute réintervention
• la diminution des hormones thyroïdiennes joue un rôle chirurgicale ou tout épisode infectieux peut conduire à la
essentiel dans l’adaptation au jeûne : « régulation » des réapparition de la phase aiguë. Ainsi, la réponse métabo-
dépenses énergétiques, réduction du renouvellement des lique à l’agression peut-elle être comprise comme un
protéines et du catabolisme des acides aminés, associées balancement permanent entre une réponse inflamma-
à la diminution du métabolisme de base. toire, dont les excès peuvent être très destructeurs, et les
Lorsque tous les mécanismes d’adaptation sont en place conséquences de l’anergie immunitaire, qui peuvent éga-
sans phénomène pathologique intercurrent, le principal lement être très délétères, l’équilibre entre les deux ayant
facteur variable qui détermine la durée potentielle du un rôle déterminant dans le pronostic vital.
jeûne est l’importance de la masse grasse. Le tableau cli- L’augmentation de la dépense énergétique est un phé-
nique réalisé dans cette situation par une absence totale nomène constant chez les patients polytraumatisés, infec-
ou par une réduction importante des apports alimentaires tés ou sévèrement brûlés. Elle peut atteindre 100 % pour
correspond au marasme. les grands brûlés. Il coexiste une élévation de la glycémie
liée à l’état d’insulinorésistance induite par les modifica-
• Phase terminale
tions hormonales et une accentuation de la production
Elle correspond théoriquement à l’épuisement des endogène de glucose (et de son utilisation), caractéristique
réserves lipidiques de l’organisme. Il s’ensuit une réduction des états d’agression. L’augmentation de l’utilisation du
de la concentration des corps cétoniques et des acides gras glucose est davantage en rapport avec un recyclage (cycles
plasmatiques et une nouvelle ascension de l’excrétion lactate-glucose de Cori ou alanine-glucose de Felig)
d’azote, par l’utilisation des protéines, pour satisfaire les qu’avec une oxydation complète : le quotient respiratoire
besoins énergétiques. Compte tenu de la réduction progres- reste proche de 0,8, témoignant d’une oxydation lipidique
sive des protéines des muscles squelettiques, d’autres tissus importante. Dans la majorité des cas, l’agression s’accom-
sont touchés. Les synthèses hépatiques sont longtemps pré- pagne d’une augmentation de l’oxydation lipidique, les
servées avec maintien de concentrations « subnormales » lipides demeurant un substrat privilégié de l’organisme
des protéines viscérales comme l’albumine plasmatique. La agressé. Les triglycérides plasmatiques sont souvent élevés
morbidité est liée à la réduction de la masse protéique et (rôle d’une réduction de l’activité de la lipoprotéine lipase
commence par une limitation de l’activité physique, se pour- endothéliale) et le cholestérol plasmatique est diminué.
suit avec la baisse de l’immunité cellulaire puis l’apparition
de complications infectieuses et cutanées, de troubles car- Les corps cétoniques sont le plus souvent abaissés, en
diaques et l’évolution se fait vers la mort. relation avec l’hyperinsulinémie.
Les modifications du métabolisme protéique au cours
Dénutrition de l’agression sont caractérisées par une augmentation
par augmentation des pertes globale du catabolisme, supérieure à l’augmentation des
synthèses (d’où l’augmentation des pertes azotées uri-
Ces augmentations des pertes sont le plus souvent d’or- naires), une redistribution protéique du territoire muscu-
dre digestif : malabsorption par atteinte du côlon et/ou de laire vers d’autres territoires privilégiés comme le foie
l’intestin grêle lors de maladies inflammatoires chroniques protéines inflammatoires (fibrinogène, orosomucoïde, pro-
intestinales (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique), téine C réactive) dont la synthèse est stimulée] ou les tissus
de maladie cœliaque ou de résection intestinale, en parti- cicatriciels. Ces phénomènes sont sous la dépendance des
culier de l’intestin grêle. Elles peuvent également résulter modifications endocrines et des cytokines.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

• Malnutrition protéique Le risque de dénutrition est également accru dans les


et état pathologique chronique suites d’une chirurgie bariatrique, qu’elle soit de type res-
trictive ou malabsorptive. Les carences vitaminiques (vita-
Entité clinique, décrite il y a plus de 100 ans, le kwas- mines D, B12, B9, B1 A, E, K) et en oligo-éléments (sélénium,
hiorkor affecte, dans son acception originelle, les nourris- zinc, fer) sont fréquentes, et la dénutrition protéino-éner-
sons des pays à faible niveau de vie, principalement lors de gétique est favorisée par l’importance et la rapidité de
leur sevrage. Actuellement, ce type de malnutrition corres- perte de poids, les troubles digestifs (vomissements, diar-
pond à la conjonction de déficits nutritionnels prédomi- rhées) et les troubles du comportement alimentaire [24].
nant sur les apports protéiques et de pathologies Une supplémentation à vie est nécessaire dans les chirurgies
chroniques ou aiguës, infectieuses pour la plupart. La gra- malabsorptives.Un suivi nutritionnel rapproché est donc
vité de cette malnutrition tient principalement aux trou- indiqué durant au moins 2 ans après une chirurgie baria-
bles de la synthèse protéique et à l’atteinte hépatique. Les trique afin de dépister et prendre en charge ses complica-
mécanismes physiopathologiques sont complexes et peu- tions nutritionnelles.
vent être décomposés schématiquement en trois facteurs
principaux : Anomalies physiologiques
• des facteurs nutritionnels caractérisés par un apport pro-
téique insuffisant, à la fois d’un point de vue qualitatif associées à la malnutrition
et quantitatif, l’apport énergétique étant classiquement protéino-énergétique
peu réduit ;
• des atteintes du tractus gastro-intestinal responsables de La malnutrition protéino-énergétique entraîne une
malabsorption et conduisant à une amplification du défi- altération des fonctions et de la structure de tous les
cit d’apport ; organes. La plupart des anomalies, sinon toutes, sont
• des facteurs pathologiques additionnels, états infectieux réversibles lors de la restauration du statut nutritionnel.
chroniques (paludisme, infection et parasitoses diverses,
etc.), qui modifient profondément le profil métabolique Mortalité
et hormonal et préviennent la mise en place des méca- La conséquence ultime de la malnutrition protéino-
nismes d’adaptation au jeûne. énergétique est bien entendu le décès du patient. Le délai
Cette association entraîne rapidement une déplétion de survenue du décès est très variable selon les circons-
protéique importante, responsable de conséquences mor- tances et le type physiopathologique de cette malnutrition.
bides sévères. L’élément physiopathologique central domi- La dénutrition par carence d’apport peut être compatible
nant ce tableau est constitué par la réduction de la avec une survie prolongée : 30 grévistes de la faim de l’Irish
synthèse protéique : l’hypoalbuminémie est marquée, sou- Republican Army (IRA) ont jeûné pendant 70 jours, ils ont
vent inférieure à 20 g/L ; elle engendre une ascite et des perdu 38 % de leur masse corporelle, et la mortalité à
70 jours était de 30 % [25]. En revanche, toute infection,
œdèmes périphériques. L’hépatomégalie, parfois très
toute agression surajoutée va précipiter l’évolution fatale
importante, est due à une stéatose qui est rapportée à
en accentuant la perte protéique : parmi les grévistes de
deux phénomènes : la persistance d’un apport énergétique
l’IRA, l’un d’eux, qui avait eu une blessure par arme à feu,
fournissant au foie les substrats nécessaires pour la syn-
est décédé beaucoup plus rapidement que les autres [25].
thèse des triglycérides et le défaut protéique limitant la
synthèse hépatique des apolipoprotéines nécessaires au
métabolisme lipidique. Les modifications de l’environne- Tractus digestif
ment hormonal et métabolique (insulinorésistance) contri- Les changements structuraux ou fonctionnels provien-
buent également à la constitution de cette stéatose. Enfin, nent à la fois de la sous-alimentation et de la diminution
on retrouve souvent des troubles cutanés (escarres, retard de la stimulation de l’intestin par les nutriments ingérés.
de cicatrisation, etc.), qui sont également en rapport avec Ils comportent des anomalies histologiques et des fonc-
les anomalies du métabolisme protéique. tions enzymatiques. Une baisse de la hauteur des villosités
intestinales est associée à une baisse des taux de disaccha-
ridase et d’aminopeptidase de la muqueuse. Les sécrétions
De nombreuses affections chroniques ou récur- gastriques et pancréatiques sont réduites en volume et ont
rentes peuvent s’accompagner d’un tableau de des concentrations plus faibles d’acide et d’enzymes diges-
dénutrition qui s’inscrit entre marasme et kwashior- tives. Le volume de la bile et la concentration des acides
kor selon l’importance du déficit d’apport et du syn- biliaires conjugués dans la bile sont réduits. Des quantités
drome inflammatoire ou infectieux. En pratique substantielles de bactéries anaérobies strictes ou faculta-
médicale courante, la dénutrition relève donc de tives sont fréquemment présentes dans la partie supé-
mécanismes multiples qui ne se résument pas à rieure de l’intestin grêle, expliquant probablement
l’anorexie. Chaque épisode aigu ou subaigu est res- l’augmentation des acides biliaires libres. Une malabsorp-
ponsable d’une dégradation lente, mais inexorable, tion des hydrates de carbone, des vitamines hydrosolubles
de l’état nutritionnel qui, à son tour, conditionnera et liposolubles et des graisses peut survenir, le degré de la
l’évolution et les complications. stéatorrhée étant proportionnel à la sévérité de la malnu-
trition protéino-énergétique. Ces altérations de l’absorp-
Dénutrition et obésité tion diminuent la capacité d’assimilation des aliments et
peuvent aggraver la dénutrition.
La dénutrition n’est pas exclusivement retrouvée chez
les sujets maigres, elle peut exister chez les sujets obèses.
Celle-ci est multifactorielle et peut être favorisée par des
Fonctions immunologiques
régimes restrictifs répétés, par des situations de stress ou Le lien entre la malnutrition et l’altération des défenses
d’agression (infection, chirurgie) ou par le vieillissement et immunitaires est observé de longue date. La malnutrition
ses comorbidités. À cela s’ajoutent les situations de préca- protéino-énergétique altère simultanément les réponses
rité économique et sociale, plus fréquente chez les sujets immunitaires à médiation cellulaire et l’immunité humo-
obèses, qui favorisent les carences protéiques et vitami- rale [26]. L’intégrité fonctionnelle des lymphocytes T, des
niques malgré la richesse des apports caloriques [23]. polynucléaires et du système du complément est unifor-

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Sources d’énergie, réserves de l’organisme, dépense énergétique, dénutrition 49

mément atteinte. De plus, le fonctionnement des lympho- Ces changements structuraux sont associés à des modi-
cytes B est également altéré, engendrant une diminution fications des performances myocardiques, plus évidentes
de la sécrétion des immunoglobulines de type G (IgG) et A au cours de l’effort et se traduisant par une baisse du débit
(IgA). Enfin, la sécrétion des cytokines telles que les inter- cardiaque, du volume d’éjection et de la capacité de travail
leukines (IL-1, IL-2, IL-12) et l’interféron gamma (IFN-g) est maximale. Ces altérations cardiaques sont réversibles : la
diminué ainsi que l’activation des macrophages. Chez les masse du ventricule gauche ainsi que le débit cardiaque
enfants, la malnutrition chronique engendre une atrophie augmentent après plusieurs semaines de renutrition.
du thymus et fragilise les défenses immunitaires naturelles,
en particulier la barrière intestinale. En outre, l’efficacité Masse musculaire
des vaccins vivants atténués est également diminuée lors
des malnutritions sévères [26].
et fonction musculaire
Lors de la malnutrition, la fonction musculaire est dimi-
Les mécanismes physiopathologiques entre cette dys-
nuée en lien avec la diminution de la masse musculaire
fonction immunitaire et la malnutrition sont encore mal
caractérisée par la sarcopénie. Ce phénomène est particu-
connus par manque d’études. Certains facteurs hormo-
lièrement aggravé chez les sujets âgés et augmente le
naux, en particulier la diminution de la leptine et de l’hor-
risque de chute et de comorbidités [29].
mone de croissance lors de la malnutrition, sont impliqués
dans l’atrophie du thymus et l’altération des fonctions des
lymphocytes T [26]. Système respiratoire
Au-delà de la carence protéino-énergétique globale, les Tous les muscles, le diaphragme et les autres muscles
carences isolées de certains nutriments ont des répercussions respiratoires subissent une atrophie structurale et fonc-
sur la fonction immunitaire. Ainsi, les carences en acides tionnelle entraînant une diminution des pressions inspira-
aminés essentiels mais aussi de certains acides aminés non toire et expiratoire et de la capacité vitale. Le maintien
essentiels, en particulier la glutamine et l’arginine, altèrent d’une ventilation correcte est difficile chez des patients
la réponse immunitaire. Le déficit en acides gras (en parti- sévèrement mal nourris en raison de la diminution de la
culier poly-insaturés) modifie la réponse inflammatoire force des muscles respiratoires et d’une altération de la
puisqu’ils constituent des précurseurs des éicosanoïdes, commande ventilatoire [30,31].
agents médiateurs de l’inflammation. Ce déficit altère éga- Une renutrition efficace améliore la physiologie pulmo-
lement la structure des membranes cellulaires, en particulier naire et augmente la probabilité d’être sevré d’une venti-
des macrophages et cellules mononuclées, diminuant ainsi lation assistée.
leur réactivité immunologique. La carence en vitamine A
intervient dans l’intégrité des muqueuses et favorise la pro-
duction des IgA sécrétoires. Elle est également impliquée Cicatrisation
dans l’altération de la réponse immunitaire aux vaccins. Les individus bien nourris apposent davantage de col-
Enfin, les éléments traces (zinc, fer et cuivre) sont également lagène sur les plaies chirurgicales que ne le font les indivi-
indispensables aux réactions immunitaires [27]. dus ayant une malnutrition, même légère. La renutrition
préopératoire des patients mal nourris permet une meil-
La malnutrition diminue ainsi les défenses de l’orga-
leure cicatrisation des plaies qu’une renutrition entreprise
nisme et favorise la susceptibilité aux infections, ce qui, en
seulement en postopératoire. Le lâchage de suture des
retour, aggrave la malnutrition [28].
anastomoses intestinales est moins fréquent chez des ani-
maux bien nourris que chez des animaux mal nourris. De
Système endocrinien même, les escarres sont plus fréquentes chez les sujets
exposés lorsqu’ils sont dénutris [32].
Les altérations hormonales, fréquentes dans la malnutri-
tion protéino-énergétique, sont pour une part en relation
avec l’affection déclenchante (état infectieux) ainsi qu’avec Influence de la malnutrition
les adaptations physiologiques à l’état de dénutrition. sur le cours de l’hospitalisation
Les taux sériques de tri-iodothyronine (T3) et de thy- De nombreuses études ont montré qu’il existait une
roxine (T4) sont habituellement diminués, associés à une corrélation entre le statut protéino-énergétique et l’issue
augmentation des concentrations de T3 reverse (3,5,5’-tri- de l’hospitalisation. Par exemple, une baisse de l’albumine
iodothyronine), tout comme dans le syndrome à basse T3. sérique ou de la transferrine, une perte de poids récente
Au cours des malnutritions protéino-énergétiques et involontaire de plus de 10 %, une baisse modérée de la
modérées ou sévères de l’adulte, un dysfonctionnement force de préhension, une diminution du nombre total de
lymphocytes (< 1 200 éléments par microlitre) sont des fac-
gonadique primaire est fréquent avec des taux diminués
teurs prédictifs d’une incidence accrue de la morbidité lors
de testostérone ou d’œstrogènes circulants et une baisse
de l’hospitalisation [31, 33, 34]. En outre, plusieurs de ces
de la fertilité. L’aménorrhée est fréquente.
paramètres permettent de prédire la durée d’une hospita-
lisation postopératoire, le risque de mortalité hospitalière
Système cardiovasculaire et de complications. Dans tous les types de pathologies, la
dénutrition représente un facteur indépendant de compli-
La malnutrition protéino-énergétique modérée ou
cations et de mortalité : pathologies médicales (cirrhose,
sévère entraîne des altérations qualitatives et quantitatives
accident vasculaire cérébral, insuffisance respiratoire,
du cœur. La masse myocardique est diminuée, quoique
insuffisance rénale [35-38]) ou chirurgicales (chirurgie
proportionnellement moins que le poids corporel.
générale, cardiaque, orthopédique [33, 39, 40]).
L’analyse microscopique révèle une atrophie myofibrillaire,
un œdème et, moins fréquemment, une nécrose et une Un suivi attentif de la restauration d’un statut nutrition-
infiltration par des cellules inflammatoires chroniques. nel peut diminuer la morbidité liée à la malnutrition pro-
L’atteinte du système de conduction myocardique peut téino-énergétique. De plus, la réponse aux interventions
expliquer les troubles de la conduction observés en parti- nutritionnelles souligne l’importance de l’évaluation et de la
culier dans l’anorexie mentale. thérapeutique nutritionnelle chez les patients hospitalisés.

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PHYSIOLOGIE HUMAINE APPLIQUÉE n PARTIE V – PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF ET DE LA NUTRITION

La dénutrition représente un problème majeur de lier, modifie complètement les mécanismes d’adap-
santé publique, tant dans les pays en développe- tation au jeûne simple.
ment que chez certaines catégories de la population L’hypermétabolisme et la réaction inflammatoire
des pays développés (patients hospitalisés, enfants, prolongée sont responsables d’importants troubles
personnes âgés ou obèses). du métabolisme protéique aboutissant rapidement
Elle peut être de type global, conséquence d’un à des déplétions majeures aux conséquences mor-
bides sévères.
apport protéino-calorique insuffisant : le jeûne pro-
Tous les organes et toutes les fonctions, en particu-
longé donne lieu à des adaptations métaboliques lier immunologiques, sont altérés par la dénutrition,
successives qui permettent une tolérance prolon- d’autant plus intensément et rapidement qu’il s’agit
gée, la phase terminale ne survenant qu’au bout de d’une carence protéique prédominante, les altéra-
plusieurs semaines. tions ayant pour corollaire une augmentation
L’association de cette insuffisance d’apport à tout importante de la morbidité et de la mortalité chez
type d’agression prolongée, infectieuse en particu- les patients atteints.

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