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Résistance à l’incendie

des ponts routiers

Collection | Références
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Guide méthodologique
Résistance à l’incendie
des ponts routiers

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement


Infrastructures de transport et matériaux - 110 rue de Paris - 77171 Sourdun
Siège social : Cité des mobilités - 25, avenue François Mitterrand - CS 92 803 - F-69674 Bron Cedex
Groupe de rédaction :
• Jacques BERTHELLEMY (Cerema Infrastructures de transport et matériaux)
• Marjorie BOURQUENCIER (Cerema Est)
• Pauline CAULET (Cerema Méditerranée)
• Pascal CHARLES (ex Sétra)
• Loïc DIVET (IFSTTAR)
• Tarek FAR (Cerema Méditerranée)
• Jean-Claude HIPPOLYTE (ex Sétra)
• Anthony HEKIMIAN (Cerema Méditerranée)
• Anaïs JACQUEL (DRIEA)
• Jean-Michel LACOMBE (Cerema Infrastructures de transport et matériaux)
• Jean-Michel MOREL (IFSTTAR)
• Pierre PEYRAC (DRIEA)
• Fabien RENAUDIN (Cerema Est)
• Yannick TARDIVEL † (Cerema Infrastructures de transport et matériaux)
• Pierre TROUILLET (DGITM/DIT/GRN)
• Aurélie VIVIER (ex Sétra)

Groupe de relecture :
• Sébastien DEFAUX (Cerema Normandie-Centre)
• Jean-François DOUROUX (RATP)
• Jean-Marc FRANSSEN (Université de Liège)
• Didier GERMAIN (Cerema Centre-Est)
• Bruno GODART (IFSTTAR)
• Laurent LABOURIE (Cerema Normandie-Centre)
• Bérénice MOREAU (CETU)

2 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Préambule

Le comportement à l’incendie des ponts est une préoccupation importante pour les maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre
et gestionnaires. Des accidents de la circulation surviennent, provoquant des incendies parfois sur, sous ou à proximité
des ouvrages. De même, des occupations humaines des abords de l’ouvrage, campements provisoires, etc. peuvent
être la cause d’incendies accidentels. Ces incendies n’ont pas en général de conséquences extrêmes mais on relève
à l’étranger quelques cas d’incendies ayant provoqué un effondrement d’ouvrage.

Actuellement, le comportement au feu des ponts n’est pas traité par la réglementation française qui ne concerne que
les bâtiments et les tunnels. Dans ces deux cas, le confinement apporté par la structure qui aggrave les conséquences
de l’incendie et la difficulté d’évacuer les personnes pendant l’incendie imposent aux structures une durée minimale de
résistance. La norme NF ISO 23932 [1] applicable à toutes les configurations d’ouvrage (par exemple, les bâtiments,
les infrastructures de transport et les installations industrielles) fournit les principes généraux relatifs à une méthodologie
« performantielle » utiles aux ingénieurs pour l’évaluation du niveau de sécurité incendie des ouvrages, neufs ou existants.

En ce qui concerne la sécurité des personnes, pour les ponts, la problématique est sensiblement différente dans la mesure
où la question de l’évacuation se pose avec un degré moindre. Contrairement au cas des incendies dans un tunnel,
les usagers voient l’incendie qui concerne un pont et peuvent modifier leur comportement en conséquence. De plus, il
est souvent relativement facile pour les personnes de se dégager des effets de l’incendie, en se déplaçant de quelques
mètres perpendiculairement à l’axe de l’ouvrage si elles se trouvent sous celui-ci ou en s’éloignant longitudinalement
pour les personnes qui se trouvent sur le tablier. Dans quelques rares cas cependant, par exemple pour les ouvrages
à câbles, les durées de résistance à l’incendie peuvent être très réduites et l’usager peut être surpris par la rapidité
du phénomène.

D’autre part, lorsque les enjeux socio-économiques sont forts, la préservation des ouvrages d’art vis-à-vis des risques,
y compris l’incendie, devient inévitable.

Il y a donc lieu de s’intéresser au comportement de ces ouvrages en cas d’incendie et de l’améliorer pour la sécurité
des usagers et la préservation de la voie de communication. Cette étude n’est indiquée que pour les structures à risque
élevé pour des raisons d’efficacité économique.

Par ailleurs, après un incendie ayant endommagé un pont, la question du maintien ou non de la circulation sur l’ouvrage
se pose et une réponse doit y être apportée, souvent dans l’urgence. Or, il n’existe pas, à ce jour, de documents pour
aider le gestionnaire dans cette situation.

En réponse à ces enjeux, le présent guide :


• expose, dans le cadre de la conception, des méthodes d'évaluation du transfert d'énergie et du comportement au
feu des structures. Le présent guide s’appuie essentiellement sur les prescriptions des Eurocodes, mais n’aborde
pas la définition fine des scénarios de feu à utiliser dans le cadre de projets d’ouvrages neufs. Le recours, dans de
nombreux cas, à des méthodes très sophistiquées d'évaluation de la résistance des structures peut s'avérer nécessaire
lorsque les approches simplifiées donnent des durées de résistance très faibles ;
• donne des éléments quant à la  conduite à tenir après un incendie et propose des méthodes d’évaluations
structurales d’un ouvrage incendié ;
• présente une méthode d’analyse du risque «incendie» pouvant aider le maître d’ouvrage à la détermination de ses
prescriptions pour un patrimoine ou pour un ouvrage. Cette analyse des risques peut être déclinée en deux étapes :
d’abord une analyse simplifiée d’évaluation du risque puis, si celui-ci est jugé très élevé, une analyse détaillée.
Le présent guide ne traite que de l’analyse simplifiée ;
• liste des dispositions envisageables pour améliorer le comportement au feu, depuis le surdimensionnement, jusqu’à
la protection.

Préambule 3
Sommaire
Préambule 3
Introduction 7
Généralités sur le « risque incendie » 7
Exigences du maître d’ouvrage 7
Retour d’expérience des incendies 7
Parallèle avec les incendies dans les tunnels 8
Origines des incendies affectant les ponts 8
1 - Trafic 8
2 - Feux liés à des présences humaines sous ou dans les ouvrages 8
3 - Cas particulier de la foudre 10
4 - Feux de broussailles 10

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 11


1 - Introduction 11
2 - Modélisation de l’incendie 11
2.1 - Courbes nominales température/temps 12
2.2 - Modèles Eurocode 1 basés sur les puissances d’incendie 13
2.3 - Modèles issus de la littérature 15
2.4 - Modèles numériques complexes 15
3 - Transfert de chaleur à la structure 16
3.1 - Transferts par convection 16
3.2 - Transferts par rayonnement 16
3.3 - Comparaison et bilan des transferts 20
4 - Effets thermiques dans la structure 22
4.1 - Généralités 22
4.2 - Structure en béton 22
4.3 - Élément de structure en acier 26
4.4 - Élément de structure mixte acier-béton 31
4.5 - Câble (hauban, précontrainte extérieure) 33
5 - Programmes de calcul pour le calcul thermique 34

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 37


1 - Introduction 37
2 - Comportement des matériaux 37
2.1 - Béton (hors zone d'écaillage) 37
2.2 - Armatures passives à haute adhérence 39
2.3 - Aciers de précontrainte 40
2.4 - Aciers de charpente métallique 40
3 - Comportement des sections de structure 41
3.1 - Généralités 41
3.2 - Lois de comportement des sections 42

Sommaire 5
4 - Comportement global de la structure 45
4.1 - Les différents modes de ruine 45
4.2 - Modélisation des sections 46
4.3 - Sollicitation de la structure 49
4.4 - Modélisation globale 49
4.5 - Vérifications à mener 51
5 - Exemples d’applications 54
5.1 - Pont en béton 54
5.2 - Bipoutre mixte 55
5.3 - Pont à haubans 58

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 61


1 - Aspects juridiques 61
1.1 - Mise en sécurité de l’ouvrage 61
1.2 - Recherches de responsabilités 61
1.3 - Préserver ses droits 62
1.4 - Niveau et étendue de la réparation 62
2 - Aide à la compréhension des phénomènes physiques en jeu 62
2.1 - Vulnérabilité des différents matériaux 62
2.2 - Vulnérabilité des différents types de structures 73
3 - La démarche à suivre après un incendie 75
3.1 - R appels sur le vocabulaire et les principes de l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien des Ouvrages d’Art 75
3.2 - Mesures à prendre immédiatement après l’incendie 78
3.3 - Evaluation de la portance après incendie 79
4 - Exemples d’ouvrages incendiés 89
4.1 - Exemple d’un incendie sous un pont dalle en béton précontraint à deux nervures 89
4.2 - E xemple d’un incendie sous un viaduc à travées indépendantes à poutres préfabriquées précontraintes
par post-tension (VIPP) 94
4.3 - Exemple d’un incendie sous un pont dalle en béton armé 97
4.4 - Exemple d’un incendie sur et sous une dalle orthotrope 106
4.5 - Exemple d’un incendie sous un ouvrage mixte acier-béton 114
4.6 - Exemple d’un viaduc en béton précontraint à précontrainte extérieure 117

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 119


1 - L’analyse du « risque incendie » 119
1.1 - Rappel du vocabulaire des analyses de risques 119
1.2 - Généralités 120
1.3 - Analyse des cas répertoriés d’ouvrages incendiés 122
1.4 - Analyse simplifiée du risque incendie 123
1.5 - Analyse détaillée des risques 132
2 - Diminution du risque incendie pour un ouvrage neuf ou existant 132
2.1 - Introduction 132
2.2 - Diminution de l’aléa 133
2.3 - Diminution de la vulnérabilité 134
2.4 - Diminution des conséquences 136

Annexes 137
Annexe 1 - Bibliographie 137
Annexe 2 - Photographies de plaques métalliques revêtues de différentes protections anticorrosion
chauffées au four 140

6 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Introduction

Généralités sur le « risque incendie »


Un incendie peut résulter des conditions d’exploitation des infrastructures de transport situées sous et sur les ouvrages
d’art. Les poids lourds, par les matières inflammables qu’ils transportent (réservoirs, chargement), constituent le facteur
déterminant du risque incendie. Le risque peut être accru quand les itinéraires sont autorisés aux transports de matières
dangereuses (TMD) car la  rapidité et l’intensité de l’incendie peuvent être plus importantes. Des caractéristiques
« accidentogènes » de l’infrastructure augmentent la probabilité d’un incendie.

Si le trafic est une cause évidente des incendies, il ne faut pas négliger d’autres causes. Les feux peuvent avoir d’autres
origines, humaines, naturelles (la foudre par exemple sur des haubans). Le feu peut même se déclarer à l’intérieur
du tablier (cas des caissons) si son accès est laissé libre.

Lorsque la structure porteuse est au-dessus des voies, le risque est accru pour les usagers pris dans un embouteillage.
La  vulnérabilité des structures dépend de leur conception. De manière générale, les  ouvrages dont les  éléments
métalliques résistants sont protégés (ponts en béton armé) résistent mieux que ceux dont les éléments métalliques
sont directement exposés aux effets de l’incendie (ponts à charpente métallique, ponts à haubans, ponts suspendus).
Cette généralité n’est plus vraie quand, sous la violence de l’incendie, le béton s’écaille et dégarnit les armatures.
La précontrainte résiste moins bien que les aciers de charpente et les aciers de béton armé, mais elle est en général
mieux protégée par l’enrobage de béton. Les structures hyperstatiques ont globalement un meilleur comportement
que les structures isostatiques, bien que l’incendie génère des efforts hyperstatiques dus aux dilatations difficiles à
appréhender. Les structures en bois peuvent être plus ou moins sensibles à l’incendie suivant leur conception.

Exigences du maître d’ouvrage


Lorsque le maître d’ouvrage décide d’avoir une exigence de protection de ses ouvrages vis-à-vis de l’incendie, il doit
définir :
• pendant l’incendie, le scénario de feu contre lequel il souhaite protéger l’ouvrage: l’Eurocode précise: « Lorsque
la résistance à l’incendie est exigée, les structures doivent être calculées et construites telles qu’elles conservent
leur fonction porteuse durant la durée d’exposition au feu appropriée » (exigence des Eurocodes thématiques) ;
• après l’incendie, son exigence vis-à-vis de l’état de l’ouvrage. L’Eurocode n’impose pas d’exigence sur la résistance
résiduelle et la déformation de l’ouvrage après incendie ( cf. Eurocode 1991-1-7). Celles-ci doivent donc être spécifiées.

Retour d’expérience des incendies


En France, les  exemples  d’incendie survenus sous ou sur des ouvrages d’art sont assez peu nombreux. On compte
par exemple  environ en moyenne un incendie par an sous un ouvrage dans la  région Ile-de-France. Ces incendies
ont en général peu de conséquences car les  ponts sont majoritairement des ouvrages en béton robustes et parce
que les  incendies sont rapidement maîtrisés. Pour les  ouvrages métalliques, malgré les  déformations importantes
observées, aucun effondrement ne s’est produit jusqu’à maintenant. Le pont Mathilde à Rouen, par exemple, a été
gravement endommagé, mais a résisté à un incendie de 2 heures (cf. photo 1).

A l'étranger, les exemples d'incendies ayant occasionné des désordres voire un effondrement d'ouvrage sont plus
nombreux, mais l’incendie reste une cause mineure dans la ruine des ouvrages. Il existe des cas spectaculaires
d’effondrement d’ouvrages, essentiellement générés par des camions citernes transportant des hydrocarbures. Par
exemple, un ouvrage en Californie s’est effondré en 2007 sur un autre ouvrage qu’il surplombait à la suite de l’incendie
d’un camion-citerne transportant plus de 30 tonnes de fuel. D’après les témoins, les flammes montaient à près de
60 mètres de haut.

Le paragraphe 1-3 du chapitre 4 détaille le retour d’expérience obtenu à partir de l’analyse d’une base de données
comprenant 154 ponts incendiés entre 1997 et 2015.

Introduction 7
Photo 1 : Déformation d’un tablier métallique soumis à un incendie sous ouvrage

Parallèle avec les incendies dans les tunnels


En France, le  risque incendie pour les  infrastructures routières est principalement pris en compte dans les  tunnels
routiers et les  tranchées couvertes de longueur supérieure à 300 mètres. Bien qu’une réglementation existât déjà
avant l’incendie dans le tunnel du Mont-Blanc en 1999, celle-ci a été renforcée à la suite de cet accident. Les principes
d’analyse des risques ont été introduits et appelés «étude spécifique de danger» pour traiter le risque en réduisant
la probabilité d’occurrence et l’intensité des incendies et en limitant ainsi les conséquences humaines.

Le lecteur pourra se reporter aux guides du CETU (Centre d’Études des Tunnels, [2] [3] [4]) pour plus de précisions.

Pour les ponts routiers, il n’est pas justifié d’imposer les mêmes niveaux de résistance. En effet, il n’y a pas de notion
de confinement et l’évacuation des usagers est sensiblement plus aisée. Le  présent guide s’inspire des méthodes
d’analyse des risques conçues pour les tunnels routiers. Il les transpose pour les ponts et viaducs en conservant bien
sûr le souci de la sécurité des personnes.

Origines des incendies affectant les ponts


1 - Trafic
Sur les  ouvrages d’art, un risque incendie important est lié au trafic routier et notamment aux poids lourds qui
transportent de grandes quantités de marchandises plus ou moins inflammables  dans des conditions qui peuvent
favoriser le démarrage d’un incendie.

Dans de nombreux cas, le  feu est une conséquence d’un accident (choc sur une pile  ou sur un tablier de pont,
renversement de véhicule), mais parfois il peut être dû à la surchauffe du moteur ou des freins, ou du chargement.

2 - Feux liés à des présences humaines sous ou dans les ouvrages


En plus des incendies consécutifs à l’exploitation normale  des voies routières, des utilisations humaines peuvent
être aussi à l’origine d’incendies, notamment lorsque des véhicules (poids lourds, trains, péniches, caravanes, etc.)
stationnent sous des ponts (cf. photo 2 et photo 3).

Ce type d’incendies est assez fréquent mais ils sont en général moins violents que ceux impliquant des poids lourds,
même s’ils peuvent être localement très défavorables. Il y a cependant peu de méthodes permettant d’évaluer
la probabilité de tels scénarios et les puissances d’incendie associées.

8 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Photo 2 : Importante dégradation du béton due à l’incendie d’un campement provisoire sous ouvrage
ayant occasionné la fermeture d’une bretelle d’autoroute pendant plusieurs semaines

Photo 3 : Autre exemple de dégradation due à un incendie d’un campement provisoire sous ouvrage

Il convient également de citer le cas de feu à l’intérieur même de ponts caissons provoqué par des liquides enflammés
amenés par l’assainissement ou par des occupants non autorisés (cf. photo 4).

Introduction 9
Photo 4 : Gaine d’un câble de précontrainte extérieure entièrement fondue suite à un incendie lié à une occupation du caisson

Dans ce dernier cas, la gestion du risque consiste à réduire l’aléa, en interdisant l’accès au caisson par un système
anti-intrusion efficace.

Certains ouvrages peuvent se situer au-dessus d’installations permanentes, parkings, stations-service, maisons, etc.,
et dans ces cas, la probabilité d’occurrence d’un incendie doit également être examinée.

3 - Cas particulier de la foudre


Les très grands ouvrages à câbles peuvent être atteints par la foudre. Un courant électrique de forte intensité peut
alors le  parcourir. Cela  provoque un échauffement et des sollicitations équivalentes à celles  qui se produisent lors
d’un incendie. Le matériau de protection des câbles (cire ou graisse) peut alors prendre feu et causer un incendie.

Il existe des méthodes permettant d’évaluer le risque «foudre» sur les installations. On peut se référer au document
«UTE C17-108» [5] d’avril 2006 édité par l’AFNOR qui permet d’évaluer le risque et le besoin de protection, en fonction
de différents facteurs. Ce document renvoie à d’autres documents traitant de ce sujet. Le niveau de risque dépend de
la région, de la forme et des dimensions de la structure, de l’environnement (autres éléments plus ou moins hauts),
du niveau de protection de la structure (quand elle existe), et de l’importance des conséquences. Du point de vue du
traitement du risque «foudre», trois types de conséquences sont envisagés (perte en vies humaines, d’exploitation,
ou d’héritage culturel). Des niveaux maximaux admissibles sont fournis pour ces trois types de conséquences.

Si le risque «foudre» s’avère supérieur aux seuils indiqués, le traitement du risque consiste à mettre en place une
protection (quatre niveaux) destinée à réduire la vulnérabilité de l’ouvrage. Étant donné l‘existence de ces documents,
le présent guide n’apportera pas d’élément complémentaire sur ce sujet. On recommande donc d’appliquer l’analyse
de risque indiquée dans le  document de l’AFNOR cité précédemment, et de dimensionner une protection de type
parafoudre (appelée SPF : système de protection contre la foudre) si le risque est trop élevé.

4 - Feux de broussailles
Ces feux ne sont que peu énergétiques, notamment à cause de la  faible  végétation régnant ordinairement sous
les ouvrages.

10 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Chapitre 1 

Modélisation et effets de l’incendie


1 - Introduction
Le comportement des structures soumises à un incendie fait appel à des domaines scientifiques variés, interagissant
les uns avec les autres et très spécifiques. L’ingénierie du feu suppose de pouvoir définir des incendies de manière
suffisamment fiable pour pouvoir en déduire le comportement de la structure. Bien que de nombreuses recherches
existent sur le processus de développement d’un incendie, il y a peu de modèles simples et fiables permettant de
le caractériser suffisamment précisément. Le phénomène fait appel à la science de la thermodynamique, à la dynamique
des fluides, au rayonnement électromagnétique. Il est de plus fortement dépendant de la source d’incendie (géométrie,
type de matériau, quantités, etc.) et des conditions environnantes (vent, obstacles, etc.).

Pour pallier ces différentes difficultés, le domaine de la construction utilise des courbes normalisées, qui représentent
la montée en température de l’incendie au cours du temps. Ces courbes sont internationalement codifiées et acceptées.
Elles sont cependant très restrictives car elles ramènent l’incendie à la donnée d’une température, dont on ne sait pas
très bien si elle se manifeste au niveau de la flamme ou des fumées chaudes, ni comment elle se répartit dans l’espace.
De plus, cette notion n’est pas suffisante pour vérifier le comportement des structures, car ce sont les températures des
matériaux de la structure elle-même qui sont importantes. Le transfert de chaleur se fait de l’incendie vers le matériau
par l’intermédiaire d’un flux de chaleur. Autrement dit, la  température du solide au niveau de son interface avec
les gaz d’incendie n’est pas égale à la température de ces gaz.

Étant donné que les éléments de l’incendie sont en général sous forme de fluide ou de gaz (flamme) et ne sont pas
de la matière solide, le transfert de chaleur se fait par convection (transmission de chaleur d’un gaz chaud à un solide)
et par rayonnement (transmission de chaleur par rayonnement électromagnétique entre deux corps).

Les théories de la convection et du rayonnement permettent de relier le flux de chaleur transmis aux températures
des corps en présence c’est-à-dire, en pratique, la température issue de la courbe normalisée et la température de
la structure. Dès lors, la détermination des températures dans les matériaux solides constituant la structure n’est plus
qu’un problème de conduction avec des flux de chaleur aux limites de ce matériau.

Ce chapitre a pour vocation de décrire les différents phénomènes thermiques en jeu, depuis l’incendie lui-même jusqu’à
ceux qui se développent au sein de la structure. Cette analyse précède l’analyse mécanique car elle est le plus souvent
découplée de cette dernière. L’état mécanique du matériau (contraintes et déformations) dépend des températures
et flux thermiques, alors que l’inverse est moins vrai. En effet, le comportement de la structure sous incendie peut
impacter le transfert thermique, par exemple les grandes déformées qui changent les facteurs de forme. L’analyse
mécanique étudiée ultérieurement fait l’objet du chapitre 2.

Les trois parties suivantes traitent de la modélisation de l’incendie, du transfert de chaleur à la structure, et de la répartition
des températures dans la structure. Ces trois étapes bien séparées sont à mener les unes à la suite des autres.

2 - Modélisation de l’incendie
L’objectif de ce paragraphe est de décrire la  manifestation de l’incendie, et notamment les  grandeurs qui seront
utiles ultérieurement pour envisager les processus de transfert de chaleur à la structure. On cherche ainsi à déterminer
les températures des corps (solides ou gazeux) qui vont transmettre de la chaleur à la structure.

La manifestation la plus simple de l’incendie est représentée par les courbes normalisées température-temps, qui ne
nécessitent pas de connaître ou de modéliser l’incendie (cf. paragraphe 2.1).

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 11


Les modèles plus évolués supposent, à défaut de connaître toutes les caractéristiques des matériaux de la combustion
et leur quantité, de fournir un ordre de grandeur de la  puissance de l’incendie (quantité de chaleur émise par
l’incendie par unité de temps) et de l’évolution de cette puissance au cours du temps. Ces modèles sont plus délicats,
car les hypothèses sont nombreuses, et les résultats en termes de température s’éloignent en général des courbes
normalisées.

Une fois l’évolution de la puissance connue au cours du temps, il faut encore déterminer les caractéristiques géométriques
de l’incendie ainsi que la  répartition de la  température grâce par exemple  aux modèles  de feu isolé fournis dans
l’Eurocode 1 partie 1-2 [6] (cf. paragraphe 2.2). On cite au paragraphe 2.3 d’autres modèles et formules simplifiées
permettant de modéliser l’incendie. Ces modèles  sont issus de la  littérature et principalement repris et résumés
dans les  publications de l’INERIS. Enfin, le  paragraphe 2.4 expose sans trop de détails les  modèles  sophistiqués
permettant de définir les températures en tout point du milieu environnant l’incendie. Ce sont des méthodes basées
sur les équations de la dynamique des fluides (modèles dits «CFD» Computational Fluid Dynamics), qui nécessitent
des outils très perfectionnés, sont très consommatrices de temps de calculs et requièrent une grande expérience de
la part de l’utilisateur. Il convient d’utiliser des moyens plus simples pour contrôler l’ordre de grandeur des résultats
obtenus. Elles sont donc à réserver à des cas extrêmement particuliers.

2.1 - Courbes nominales température/temps


Ces courbes présentent le gros avantage d’être facilement utilisables par l’ingénieur de structure et de lui apporter un
certain confort dans son évaluation du comportement au feu puisqu’elles sont unanimement reconnues.

Courbe température/temps normalisée CN – ISO 834


La  courbe la  plus communément utilisée est la  courbe ISO  834, dite aussi courbe CN («Courbe Normalisée») dans
l’instruction technique sur les tunnels. C’est la courbe utilisée dans le bâtiment. Cette courbe est donnée par l’expression
suivante (Eurocode 1-1-2 [6] paragraphe 3.2.1) :

où t est donné en minutes.

Cette température, , représente la température des gaz en °C. L’illustration graphique de cette courbe est donnée
sur la figure 1 (courbe «CN»).

Courbe de feu extérieur


L’Eurocode 1 partie 1-2 donne également la courbe de feu extérieur qui est moins sévère puisqu’elle ne monte qu’à
680 °C. Cette courbe est donnée par l’expression suivante (Eurocode 1-1-2 [6] paragraphe 3.2.2) :

où t est donné en minutes.



Cette température, , représente la température des gaz en °C. L’illustration graphique de cette courbe est donnée
sur la figure 1 (courbe «feu extérieur»).

Courbe d’hydrocarbure (HC)

L’Eurocode 1 partie 1-2 fournit une troisième courbe, dite courbe d’hydrocarbure (non majorée), notée HC. Cette courbe
est donnée par l’expression suivante (Eurocode 1-1-2 [6] paragraphe 3.2.3) :

où t est donné en minutes.


Cette température, , représente la température des gaz en °C. L’illustration graphique de cette courbe est donnée
sur la figure 1 (courbe «HC»).

Courbe d’hydrocarbure majorée (HCM)


L’instruction technique annexée à la circulaire 2000-63 considère une courbe enveloppe de tous les incendies rencontrés
en tunnel, la courbe d’hydrocarbure majorée, notée HCM. Cette courbe a pour expression :

où t est donné en minutes.

Cette température, , représente la température des gaz en °C. L’illustration graphique de cette courbe est donnée
sur la figure 1 (courbe «HCM»).
La courbe HCM est semblable à la courbe HC, mais supérieure puisque le palier maximal de température est de 1300 °C.

12 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Comparaison des courbes

On voit très clairement sur la figure 1 que la courbe HC monte en moins d’un quart d’heure à la température maximale de
1100 °C (1300 °C pour la courbe HCM) et reste constante par la suite. La courbe CN – ISO 834 monte plus lentement et
ne dépasse 1000 °C qu’au bout d’une heure vingt. Les courbes sont ici représentées jusqu’à 200 minutes d’incendie,
mais elles peuvent naturellement s’étendre au-delà de cette durée. La courbe CN – ISO 834 peut être utilisée pendant
4 h et monte alors jusqu’à 1150 °C.

Figure 1 : Courbes nominales température/temps jusqu’à 200 minutes

Choix des courbes


Les courbes CN – ISO 834 et feu extérieur sont en général adaptées pour les incendies qui peuvent survenir sur et
sous les ponts.
Pour prendre en compte les feux d’hydrocarbures (TMD, présence de bonbonnes de gaz), on peut utiliser la courbe HC
qui donne des températures nettement plus élevées, et surtout une montée en température beaucoup plus rapide.
La courbe HCM sera réservée à des cas exceptionnels et est habituellement utilisée dans le cadre des tunnels.

2.2 - Modèles Eurocode 1 basés sur les puissances d’incendie


L’Eurocode 1 donne un certain nombre de modèles avancés de feux naturels, mais qui sont d’application réservée au
domaine du bâtiment. Seul le modèle de feu isolé peut être utilisé pour des ponts, puisqu’il donne le modèle d’un
incendie hors de tout obstacle, ou alors avec un obstacle en plafond à une certaine hauteur. Ce modèle est représenté
dans l’annexe informative C de l’Eurocode 1 partie 1-2 [6].

Figure 2 : Modèle de feu localisé (annexe C de la norme NF EN 1991-1-2 [6])

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 13


Ce modèle suppose de connaître le diamètre D de l’incendie et la puissance Q produite par l’incendie. Il faut d’abord
calculer la longueur de flamme du feu localisé à partir de l’expression :

où Lf est donnée en mètres, D en mètres et Q en Watts.

Il est indiqué que le diamètre de l’incendie est limité à 10 m et la puissance de l’incendie à 50 MW.

Des indications sur les puissances d’incendie de véhicules routiers peuvent être trouvées à l’annexe C du guide du
CETU « Guide des dossiers de sécurité des tunnels routiers – Fascicule 4 : Les études spécifiques des dangers » [2]. On
reportera le lecteur vers ce document permettant d’avoir une bonne idée des puissances d’incendie développées par
tous types de véhicules, par exemple :
• incendie de véhicules  de tourisme (Energie de 18000 MJ) développant une puissance de 8  MW pendant environ
50 minutes ;
• incendie d’un fourgon (Energie de 63000 MJ) développant une puissance de 15 MW pendant environ 80 minutes
(surface de 6 m²) ;
• incendie d’un PL de 35 tonnes (Energie de 125000 MJ) développant une puissance de 30 MW pendant environ
90 minutes ;
• incendie d’un PL de 35 tonnes avec charge fortement combustible (Energie de 330000 MJ) développant une puissance
de 100 MW pendant environ 70 minutes (surface de 50 m²) ;
• incendie d’une citerne de 20 tonnes de chargement liquide inflammable  (Transport de Matières Dangereuses)
(Energie de 960000 MJ) développant une puissance de 200 MW pendant environ 100 minutes (surface de 80 m²).

Ces puissances sont utilisées pour le  dimensionnement de la  ventilation, mais n’ont qu’un caractère indicatif pour
le dimensionnement des structures.

L’application de la formule de la longueur de flamme, avec une puissance de 30 MW, une surface de 20 m² et un
diamètre D = 5 m donne une hauteur de flamme d’environ 10 m. Bien qu’elle ne soit pas applicable au-delà de 50 MW,
son application donne respectivement environ 15 m pour un feu de 100 MW et environ 20 m pour un feu de 200 MW
(citerne inflammable). Ceci donne le point le plus haut atteint par la flamme. Au-dessus, on trouve les fumées issues
de la combustion. La hauteur réelle de l’incendie est donc sensiblement supérieure à la longueur de flamme.

L’Eurocode 1 partie 1-2 (annexe informative C) donne ensuite la  formule  qui permet de calculer, si la  flamme ne
touche pas le plafond (L f<H, cf. figure 2), la distribution des températures le long de l’axe de la flamme en fonction
de la hauteur z au-dessus du foyer, :

avec :

l’origine virtuelle de l’axe (en mètres)

la composante de convection du débit calorifique (en Watts)

Avec ces formules, les températures sont inférieures à 500 °C dès que l’on dépasse en hauteur environ 10 m pour
le feu de 30 MW, 15 m pour le feu de 100 MW et 21 m pour le feu de 200 MW (bien que dans ces deux derniers cas
les formules ne soient en toute rigueur pas applicables) cf. figure 3.

14 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 3 : Feux localisés : distribution des températures le long de l’axe de la flamme en fonction de la hauteur
(pour le cas 8 MW (VL), la surface prise en compte est de 2 m²)

Si l’on prend en compte le fait que, lors de l’incendie d’un véhicule, la hauteur de la source se situe entre 3 et 4 m
au-dessus de la chaussée alors on peut raisonnablement penser que, en l’absence de transport de matières dangereuses,
les températures baissent significativement au-delà d’une quinzaine de mètres de haut. Dans le cas d’incendies de
matières fortement inflammables (citernes d’essence par exemple), cette hauteur dépasse 25 m de haut.

Ces indications (15  m pour un feu hors matières dangereuses et 25  m pour un feu de matières dangereuses) ne
représentent qu’un ordre de grandeur de la zone d’influence de l’incendie dans le sens vertical, utile pour évaluer
qualitativement l’impact de l’incendie sur un ouvrage, mais insuffisant pour garantir sa sécurité dans toutes les conditions
d’incendie.

2.3 - Modèles issus de la littérature


De nombreux modèles  d’incendie existent dans la  littérature internationale, ils sont en général établis sur la  base
d’expérimentations sur des feux de nappe. On peut renvoyer le lecteur vers les publications de l’INERIS qui sont très
nombreuses sur le sujet. On peut citer par exemple le document « Méthodes pour l’évaluation et la prévention des
risques accidentels (DRA 006) Feux de nappe » [7] qui relève les différentes formules issues de la littérature, mais
explique aussi simplement les phénomènes. D’autres documents traitent de sujets analogues et sont disponibles en
téléchargement sur le site internet de l’INERIS.

2.4 - Modèles numériques complexes


L’utilisation de simulations d’incendie est naturellement la voie qui semble la plus sûre pour modéliser correctement
un incendie et tenir compte des particularités de l’incendie (dimensions, emprise, type de chargement etc.) mais aussi
de l’environnement (présence de vent, objets, géométrie de la structure impactée).

De tels modèles prennent en compte à la fois les équations de la dynamique des fluides, les effets thermodynamiques,
et les effets de convection et de rayonnement. Lorsque tous ces effets sont bien pris en compte, ils permettent d’obtenir
une carte des flux reçus à la surface des éléments, ce qui permet de procéder ensuite au calcul des températures à
l’intérieur des solides.

Malheureusement, de tels modèles  sont longs à mettre au point et nécessitent des temps de calcul extrêmement
longs, compte tenu du caractère fortement non linéaire des équations de la dynamique des fluides. De plus, ils ne
couvrent qu’un seul cas et, pour avoir une panoplie suffisamment variée de situations d’incendie possibles, il faut
refaire le même calcul de nombreuses fois ce qui multiplie les temps de calcul.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 15


Enfin, le  dernier inconvénient de ces méthodes est qu’elles  nécessitent, outre des logiciels perfectionnés et des
puissances de calcul importantes, des connaissances très pointues en ingénierie du feu et en modélisation de toutes
les caractéristiques d’incendie. Elles doivent être utilisées par des organismes spécialisés uniquement.

On renvoie le lecteur au guide du CETU sur le comportement au feu des tunnels routiers [4] pour plus de détail sur ces
méthodes et sur les précautions à prendre. Dans le cas de l’analyse à l’incendie des ponts routiers, on ne conservera
ces méthodes que dans des situations très particulières avec des enjeux importants, mais on préfèrera les méthodes
simplifiées pour les cas courants.

3 - Transfert de chaleur à la structure


Comme cela a été précisé dans l’introduction de ce chapitre, les deux modes de transfert de chaleur des gaz à la structure
sont la convection et le rayonnement. Ces deux modes de transfert sont de natures très différentes et sont explicités
dans les paragraphes suivants.

3.1 - Transferts par convection

3.1.1 - Principe
La convection est un mode de transport d’énergie par l’action combinée de la conduction et du mouvement du milieu.
La convection est le mécanisme le plus important de transfert d’énergie entre une surface solide et un liquide ou un gaz.

Le transfert d’énergie par convection d’un gaz dont la température est supérieure à celle de la surface solide s’effectue
en plusieurs étapes. D’abord la chaleur s’écoule par conduction des molécules du fluide adjacentes à la surface vers
la surface. L’énergie ainsi transmise augmente la température de la surface et fait baisser la température du fluide.
Ensuite les  molécules  vont se mélanger avec d’autres molécules  situées dans une région à haute température et
provoquer un écoulement. Dans ce cas l’écoulement transporte le fluide et l’énergie et le restitue à la surface solide
réceptrice.

En pratique, le flux de chaleur transmis du gaz vers la surface solide est proportionnel à la différence de température
entre ces deux éléments. Le coefficient d’échange gaz-surface solide traduit l’efficacité de ce transfert, à différence
de température donnée.

3.1.2 - Détermination
Le flux de convection (quantité d’énergie transmise à une surface unitaire pendant un temps unitaire) s’écrit :

(en W.m-2)

Avec :
a c : coefficient de transfert thermique par convection (en W.m -2.K-1)
T gaz : température des gaz à proximité de l’élément exposé au feu (en K)
Tstructure : température de surface de l’élément (en K)

L’Eurocode 1-1-2 [6] indique de prendre pour la courbe CN – ISO 834, pour la courbe
d’hydrocarbure (que l’on étend à la courbe HCM), et pour le côté non exposé au feu.

3.2 - Transferts par rayonnement

3.2.1 - Principe
Tous les  corps solides, liquides ou gazeux émettent un rayonnement de nature électromagnétique. Cette émission
d’énergie représente un flux de chaleur émis par le corps considéré. Ce rayonnement est composé de radiations de
longueurs d’ondes différentes (0,3 μm à 100 μm) donnant des spectres continus dans le cas des solides et des spectres
de bandes pour certains gaz. L’intensité dépend de la température du corps. Le vide et la plupart des gaz simples 
(O2, N2, H2) constituent des milieux parfaitement transparents à la propagation de ce rayonnement. Certains gaz composés

16 Résistance à l’incendie des ponts routiers


(en particulier CO 2, H 2O, CO, CH 4) sont seulement partiellement transparents, car la propagation s’accompagne d’une
diminution de l’énergie transportée. Certains liquides et solides (polymères, verres) entrent également dans cette
catégorie. Mais la majorité des liquides et solides sont opaques, car ils arrêtent la propagation de tout rayonnement
dès leur surface.

Les  corps opaques émettent un rayonnement caractérisé par un flux thermique proportionnel à la  puissance 4 de
la température absolue (exprimée en Kelvin) de ce corps.
Ainsi :

où s est la constante universelle de Boltzmann, égale à , est l’émissivité de surface du corps


opaque (sans unité).

Lorsque ce flux est reçu par un corps absorbant, il n’est que partiellement absorbé par ce corps. On définit de la même
manière un coefficient d’absorption qui se trouve être le même que l’émissivité . Par conséquent, le rayonnement
reçu par le corps absorbant de la part du corps émetteur est donc :

Cependant, le corps absorbeur émet lui aussi du rayonnement, et le bilan de flux thermique reçu est la différence entre
le flux de rayonnement reçu, et le flux de rayonnement émis. De plus, le processus se complique lorsque l’on prend
en compte la fraction non absorbée du flux qui est réfléchie au corps émetteur. Lui-même en absorbe une partie et
en réfléchit l’autre de sorte que le bilan est nettement plus difficile à évaluer.

Le résultat de ces différents effets se traduit au travers de la formule suivante :

qui représente le flux thermique reçu par le corps 2 de la part du corps 1.


On remplace souvent cette formule  par car l’émissivité de l’un des corps (le  feu) est
prise égale à 1.

Cette formule ne fait absolument pas intervenir de conditions géométriques. Elle n’est applicable que si les deux corps
émettent directement l’un sur l’autre. En réalité, il faut raisonner différemment et séparer la source de l’incendie en
surfaces élémentaires de centre M1 et d’aire dA1. La surface cible a une aire dA2 et est située au niveau du point M2.
Si on note l’angle entre la normale sortante à dA1 et la ligne M1M2 et l’angle entre la normale sortante à dA2 et
la ligne M 1M 2, alors la quantité d’énergie reçue (par unité de temps) par rayonnement de dA1 vers dA2 est :

où S1-2 est la distance entre M1 et M2 (figure 4).

Figure 4 : Détermination du facteur de forme

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 17


Le flux de rayonnement reçu par dA2 est donc la somme de tous les flux élémentaires émis par les surfaces dA1 de
sorte que :

qui peut, si la température et l’émissivité de l’émetteur sont uniformes, se mettre sous la forme :

avec qui est appelé le facteur de forme puisqu’il ne

dépend que de la géométrie (la forme).

Le facteur de forme F est compris entre 0 et 1. Lorsque le feu est proche de la paroi qui reçoit le rayonnement, il
vaut quasiment 1, mais dès que l’on s’éloigne du feu il diminue. Pour les tunnels routiers, l’exiguïté de l’espace dans
le tunnel et l’importance de l’incendie conduit systématiquement à des facteurs de forme égaux à 1. Par contre, pour
un incendie en plein air, dès que l’on s’éloigne de l’incendie, le flux de rayonnement devient plus faible.

3.2.2 - Détermination du rayonnement en cas d’incendie


On fait l’hypothèse que la température des gaz est proche de celle des flammes, donnée par la courbe normalisée
adéquate. Le flux de rayonnement s’écrit donc :

Pour le rayonnement, on prendra donc :


: l’émissivité de surface de la paroi, variable suivant les matériaux

: l’émissivité du feu, égale à 1


s   : la constante de Boltzmann, égale à

F est le  facteur de forme, qui dépend de la  géométrie relative de la  source de rayonnement (les  gaz) et de
la cible (la paroi). Si on fait l’hypothèse que les gaz sont opaques et lèchent la paroi, on prend F=1.

Pour des matériaux courants, l’Eurocode 1 [6] préconise de prendre une émissivité de 0,8. L’Eurocode 3 [8] ramène cette
valeur à 0,7 pour l’acier au carbone, et jusqu’à 0,4 pour l’acier inoxydable. On verra plus loin que c’est le phénomène
de rayonnement thermique qui est prépondérant, de sorte que le choix du type d’acier a une importance considérable.
Pour le béton, l’Eurocode 2 partie 1.2 a aussi ramené la valeur à 0,7.

18 Résistance à l’incendie des ponts routiers


3.2.3 - Modification du facteur de forme
On prend en compte un élément de structure situé à une distance « d » d’un incendie. On suppose que l’élément de
structure est parallèle à la face externe de l’incendie, supposée être dans un plan vertical. On suppose que l’incendie
a une longueur de 10 m et une hauteur de 10 m. On considère plusieurs distances d’éloignement d entre l’élément
de structure et l’incendie (1 mètre, 2 m, 5 m, et 10 m). On calcule le facteur de forme en fonction de la position (dans
l’axe longitudinal et dans l’axe transversal) de la structure par rapport au centre de l’incendie (cf. figure 5).

Figure 5 : Détermination du facteur de forme

Facteur de forme pour d=1m, F est proche de 1 Facteur de forme pour d=2m, F=0,8/0,9

Facteur de forme pour d=5m, F < 0,5 Facteur de forme pour d=10m, F < 0,3

Figure 6 : Facteur de forme

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 19


Au travers de ces 4 dessins (figure 6, même convention de couleur pour le  facteur de forme F, en fonction de
la position de l’élément récepteur), on constate que pour un feu de dimension 10 m x 10 m (hauteur x largeur), qui
est un feu relativement important, le facteur de forme ne commence à baisser qu’au-delà de 2 m de l’incendie. Il n’a
significativement baissé qu’au-delà de 5 m (division par 2).

3.2.4 - Effet d’ombre pour les structures mixtes


Les Eurocodes 3 [8] et 4 [9] introduisent un facteur de correction pour l’effet d’ombre sur les structures métalliques.
Cet effet d’ombre est une des applications de la  détermination du facteur de forme (qui diminue le  rayonnement
thermique de l’incendie) étudié ci-dessus. La semelle inférieure d’un bipoutre protège du rayonnement thermique
le reste de la poutre (une partie de l’âme et de la semelle supérieure) du rayonnement de l’incendie situé a priori
en dessous. De même, la  partie supérieure de la  semelle  inférieure n’est pas exposée de la  même manière que
la partie inférieure. La réduction peut s’avérer particulièrement intéressante suivant les caractéristiques géométriques
des semelles et âmes des bipoutres.

Cependant, on peut considérer que le  rayonnement électromagnétique n’est pas simplement émis par la  flamme
mais aussi par les fumées et gaz chauds qui se dégagent de l’incendie, et qui remplissent l’espace disponible. Pour
le rayonnement provenant des fumées, le facteur d’ombre n’a plus aucun sens. On évitera donc d’utiliser ce coefficient
bien que l’Eurocode le permette. Par contre, l’éloignement de l’incendie de la structure métallique pourra être pris en
compte par le facteur de forme tel que défini précédemment, mais sur la base d’une définition précise de la géométrie
et des scénarii d’incendie.

3.3 - Comparaison et bilan des transferts


Comme cela a été vu précédemment, les flux thermiques par convection et par rayonnement dépendent tous les deux
de la  différence de température entre les  gaz chauds et la  structure. Si la  première est bien connue (car elle  est
issue des courbes normalisées), la  seconde dépend des modes de transmission de la  chaleur dans la  structure.
Les flux de convection et de rayonnement dépendent donc aussi de la structure, néanmoins la tendance observée et
les comparaisons entre les deux flux semblent ne pas trop dépendre de la structure. La figure 7, la figure 8 et la figure
9 donnent l’évolution durant la première heure des flux de convection et de rayonnement dans l’hypothèse d’une
structure métallique ayant un facteur de massivité de 35 m-1 (élément métallique de 5,7 cm d’épaisseur exposé des
deux côtés), pour les courbes CN – ISO 834, HC et HCM (émissivité feu = 1 ; émissivité de l’acier = 0,7).

Figure 7 : Courbe CN – ISO 834, comparaison flux de rayonnement et flux de convection (en W.m-2)

20 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 8 : Courbe HC, comparaison flux de rayonnement et flux de convection (en W.m-2)

Figure 9 : Courbe HCM, comparaison flux de rayonnement et flux de convection (en W.m-2)

On constate sur ces graphes que le flux de rayonnement est quasiment toujours plus élevé que le flux de convection. Son
pic est 3 à 4 fois plus élevé que le pic du flux de convection aussi bien pour la courbe CN – ISO 834 que pour la courbe
HCM. Ceci montre bien que la réflexion à mener autour du facteur de forme, traduisant l’efficacité du rayonnement
est nettement plus intéressante que celle concernant la convection des gaz.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 21


4 - Effets thermiques dans la structure
4.1 - Généralités
Comme cela  a été expliqué dans le  paragraphe précédent, l’action de l’incendie sur les  structures se caractérise
principalement par l’établissement d’un flux de chaleur sur les parois du matériau, aux limites donc. Ce flux entraîne
une élévation de la température en tout point du matériau. Cette évolution est liée à deux phénomènes au niveau
des matériaux : leur chaleur spécifique et leur conductivité thermique.

Lorsqu’un matériau reçoit de la chaleur, sa température s’élève plus ou moins en fonction de sa chaleur spécifique.
Plus celle-ci est élevée, moins la température s’élève rapidement et inversement. La chaleur spécifique est notée Cp
(sous-entendu à pression constante), et s’exprime en Joules par kilogramme et par degré Kelvin. Elle signifie qu’il faut
apporter une quantité de chaleur Cp (en Joules) pour élever la température d’un kilogramme de matériau d’un degré
(Kelvin ou Celsius). Plus celle-ci est élevée, plus il faut de quantité de chaleur pour augmenter la température d’un corps.

Le  second phénomène qui intervient est la  conduction thermique. Celle-ci caractérise la  manière dont le  flux de
chaleur se transmet progressivement à l’ensemble du matériau, y compris pour les zones situées à l’intérieur. Le flux
de chaleur transmis entre deux zones distinctes est directement proportionnel à la différence de température entre
ces zones. Le facteur de proportionnalité est le coefficient de conductivité thermique noté l.

Ces deux phénomènes se relient via l’équilibre thermique d’un volume élémentaire de matériau. La quantité de chaleur
reçue par le volume élémentaire est utilisée pour élever sa température. Le flux de chaleur net reçu par le volume
élémentaire est lié au flux de conduction entrant depuis les parties de structure plus chaudes que le volume considéré,
et au flux sortant vers les parties plus froides. Cet équilibre s’écrie mathématiquement par l’équation de la chaleur
dont la forme générale est donnée ci-dessous :

On voit dans cette équation apparaître la chaleur spécifique C p et l’évolution de la température du volume élémentaire
( ), et de l’autre côté le terme de conductivité thermique représenté par le coefficient l et la différence de température
représentée par le gradient de température : ,
Au niveau des parois du matériau en contact avec l’incendie, il y a égalité entre le flux thermique issu de l’incendie
(convection et rayonnement) et le flux de conduction :

ce qui permet d’obtenir les conditions aux limites du problème.

La  traduction de cette équation de la  chaleur et des conditions aux limites associées est très différente suivant
les  matériaux  : le  béton est peu conducteur, donc il s’établit un profil de températures très différentes au sein de
la matière. En pratique, le béton présent au cœur de la structure est assez éloigné des parois et ne voit quasiment pas
l’incendie. Les épaisseurs de béton étant en général assez importantes, supérieures à 25 cm dans la majorité des cas,
le problème thermique se ramène assez souvent à l’examen des 5-10 premiers centimètres.

Inversement, l’acier est très bon conducteur, donc la température s’équilibre assez rapidement au sein de la matière.
Ceci est d’autant plus vrai que les épaisseurs des structures métalliques sont en général assez faibles. Néanmoins, on
verra par la suite que le phénomène de conduction au sein de l’acier peut tout de même entraîner des différences de
température au sein d’une même structure composée d’éléments d’épaisseur différente.

4.2 - Structure en béton


Tel que cela a été indiqué précédemment, l’équation de la chaleur est la suivante :

où Cp(T) est la chaleur spécifique du béton (J.kg-1.K-1), ρ la masse volumique du béton (kg.m-3) et λ la conductivité
thermique du béton (W.m-1.K-1). Ces grandeurs sont données dans l’Eurocode 2 partie 1-2. Elles varient toutes les 3 en
fonction de la température atteinte, ce qui fait qu’en pratique cette équation ne peut être résolue que numériquement.

22 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Il est admis de ne pas tenir compte de la présence du ferraillage actif ou passif dans le calcul de la distribution des
températures. Pour des éléments de poutre, il convient donc de prendre en compte la  géométrie de la  poutre et
de résoudre cette équation numériquement, dans le cas d’un calcul à 2 dimensions (on considère les températures
uniformes dans le sens longitudinal). Un exemple est présenté dans le paragraphe 4.2.3 ci-après.

La  situation se simplifie pour les  éléments de dalle, puisque du fait de la  symétrie, le  calcul revient à un calcul à
une dimension ( cf. paragraphe 4.2.2). De plus, les éléments de dalle en béton, dans les ponts, ont très souvent des
épaisseurs supérieures à 20 cm, et ne sont dans ce cas chauffés que d’un seul côté. Dans ce cas, seuls les 10 premiers
centimètres sont significativement chauffés. La condition aux limites du côté de la paroi non chauffée ne modifie pas
le  résultat du calcul, y compris sa position. Par conséquent, pour les  éléments de béton rectangulaire (type dalle)
chauffés sur une paroi seulement, la distribution est la même quelle que soit l’épaisseur de l’élément. Ceci est très
intéressant, car le  calcul thermique peut être réalisé une seule  fois et couvrir tous les  cas de figure. Le  calcul est
présenté dans le  paragraphe 4.2.3 ainsi que la  démonstration permettant de montrer l’insensibilité du résultat à
l’épaisseur de l’élément.

Dans le cas général, on ne tient pas compte de la propagation spécifique de la chaleur due à la présence des aciers
à l’intérieur du béton.

4.2.1 - Évolution des caractéristiques avec la température

4.2.1.1 - Chaleur spécifique


La chaleur spécifique du béton sec est donnée par les expressions suivantes :

En plus de cette évolution, la  courbe représentant la  chaleur spécifique du béton en fonction de la  température
présente un pic vers 100-115 °C puis décroît linéairement jusqu’à 200 °C pour rattraper la courbe initiale. Ceci est lié
au changement d’état de l’eau emprisonnée dans le béton, qui consomme beaucoup d’énergie pour passer de l’état
liquide à l’état vapeur (chaleur latente de vaporisation). Au niveau du matériau global, ceci est modélisé simplement
par une augmentation ponctuelle et très forte de la chaleur spécifique du béton. Le pic monte à 1470 J/kg/K si la teneur
en eau (notée u ) représente 1,5 % du poids du béton, et 2020 J/kg/K si elle représente 3 % du poids du béton. Cet
effet est cependant relativement limité puisqu’il ne se produit qu’à 100  °C. Dans les  cas standards, on le  néglige
d’autant plus que la teneur en eau réelle reste une inconnue.

4.2.1.2 - Conductivité thermique


L’Eurocode 2 [10] [11] donne deux valeurs pour la conductivité thermique : l’une est une valeur supérieure et l’autre
une valeur inférieure. L’annexe nationale  de l’Eurocode précise qu’en dessous de 150  °C environ, c’est la  valeur
supérieure qui doit être prise en compte, et qu’au-dessus, c’est la valeur inférieure.

La conductivité thermique du béton est donc donnée par l’expression suivante :

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 23


4.2.1.3 - Courbes chaleur spécifique et conductivité du béton

Figure 10 : Conductivité et chaleur spécifique pour le béton (u = 1,5 %)

La masse volumique du béton évolue aussi avec la température (effet de l’évaporation de l’eau), mais l’évolution n’est
pas importante et peut être négligée (cf. l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] [11] pour les lois d’évolution).

4.2.2 - Calcul d’un élément de dalle


Les  dalles  en béton sont des éléments que l’on rencontre très souvent en conception d’ouvrages d’art. Cela  peut
être le cas des ponts dalles et autres portiques et cadres. Mais cela concerne aussi les dalles nervurées où les zones
planes sont nombreuses et les zones de « coin », dans lesquelles se concentre la température, peu représentatives
dans le comportement global. De même les ponts plus importants à caisson en béton, où même les dalles béton de
ponts mixtes (bipoutres ou caissons mixtes) sont des éléments de dalle.

Ces cas sont très intéressants car le problème thermique se ramène à un problème à un seul degré de liberté, du fait
de la symétrie. De plus, compte tenu de la faible conductivité du béton, seuls les 10 premiers centimètres sont en
pratique chauffés, si bien que tout ce qui est au-delà de 20 cm de la paroi chauffée (si on chauffe la paroi d’un seul
côté uniquement) n’a pas d’influence sur la température. Comme en pratique, les éléments de dalle en ouvrages d’art
font rarement moins de 20 cm d’épaisseur, il suffit de calculer une fois pour toute la répartition des températures pour
les différentes courbes d’incendie envisagées pour pouvoir traiter un grand nombre de situations de pont en béton.
Ces courbes considèrent la profondeur par rapport au parement exposé au feu. Dans le cas d’un diagnostic d’un ouvrage,
pour tenir compte de l’écaillage, la profondeur est calculée par rapport au parement écaillé, de manière sécuritaire.

Les courbes de la figure 11 représentent les profils des températures dans une dalle en béton à différents instants
(toutes les 10 minutes jusqu’à une heure) pour la courbe CN – ISO 834. En parallèle, on donne les variations continues
de température en différents points à l’intérieur du béton, en fonction de leur éloignement (à partir de 3  cm et
tous les cm jusqu’à 7 cm car cela représente les différents points d’implantation possible des armatures passives à
l’intérieur du béton).

Pour établir ces courbes, on a pris une émissivité du béton de 0,7, une masse volumique de 2500 kg/m3 mais décroissant
avec la température, les lois de conductivité thermique et de chaleur spécifique telles que décrites précédemment
sans prendre en compte le pic de chaleur à 100 °C, et le coefficient de convection indiqué précédemment en fonction
du type de courbes.

24 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Profil des températures toutes les 10 minutes Évolution de la température en différents points

Figure 11 : Dalle de 20 cm soumise à un incendie selon courbe CN – ISO 834

4.2.3 - Exemple de calcul d’une poutre


Le calcul des températures à l’intérieur d’une poutre en béton est plus compliqué, qu’il y ait un talon inférieur ou non.
En effet, en cas de présence d’un talon inférieur, on rencontre souvent des angles vifs ou des goussets. Les angles aigus
donnent des concentrations de température car un même élément de béton est chauffé sur deux faces. Inversement
un angle obtus donne des températures plus faibles.

Outre ces aspects concernant le talon des poutres, on trouve en général une âme de faible épaisseur qui va être chauffée
des deux côtés. Même si elle peut être qualifiée de dalle au sens où le problème n’a qu’un degré de liberté, elle est
chauffée des deux côtés donc la répartition des températures est différente. On peut considérer que si l’âme a une
épaisseur de plus de 20 cm alors tout se passe comme si elle était chauffée de manière indépendante de chaque côté et
on peut prendre les profils donnés au paragraphe 4.2.2. Par contre si elle est plus fine, les deux profils de température
se chevauchent et cela donne des températures plus élevées. Les courbes de la figure 12 illustrent ce point. Au bout
d’une heure avec la courbe CN – ISO 834, le profil est rigoureusement le même jusqu’à 7 cm de profondeur. Au-delà,
les températures sont plus élevées lorsque l’incendie agit des deux côtés, mais sont suffisamment faibles (moins de
200 °C) pour que cela ne modifie pas le comportement.

Figure 12 : Incendie d’un seul côté, ou des deux côtés d’une paroi de 20 cm entre 10 min et 60 min (courbe CN – ISO 834).
Profondeurs en abscisse (mm) et températures en ordonnée (°C)

Pour le hourdis supérieur des poutres, on rentre cette fois dans l’hypothèse du paragraphe 4.2.2 précédent et on peut
donc appliquer les résultats qui s’y rapportent.

Si les coins sont suffisamment éloignés les uns des autres, la combinaison des différents résultats précédents permet
d’obtenir le profil des températures dans la poutre. Il est prudent dans le calcul mécanique de ne pas tenir compte
des aciers de coin, car outre les températures importantes qui se concentrent dans un coin de béton, on peut obtenir
des éclatements de béton du fait de gradients de température très forts dans des zones avec des angles vifs.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 25


Elément de dalle (1D)
chauffé d’une seul côté
Elément de dalle (1D)
chauffé des deux côtés

Coin dit « obtus » où


les températures plus faibles
Coin dit « aigu » où
se concentrent
les températures élevées
se concentrent

Figure 13 : Différents types de calcul thermique sur une poutre en béton avec talon

4.3 - Élément de structure en acier


Pour un élément en acier, l’équation de la chaleur est la même que pour le béton :

Lorsque les épaisseurs de structure sont faibles, ce qui est fréquemment le cas pour des structures métalliques, et
lorsque ces éléments sont chauffés des deux côtés, on a une répartition quasiment constante des températures dans
l’épaisseur, de sorte que la résolution de l’équation de la chaleur n’apporte aucun intérêt dès lors que l’on n’étudie pas
la propagation longitudinale. L’évolution des températures est alors simplement régie par le flux de chaleur entrant
aux extrémités et la chaleur spécifique, comme illustré par l’équation suivante :

où V est le volume de l’élément.



Si l’on suppose le flux constant dans l’espace et que l’on note A la surface totale exposée à l’incendie, alors l’équation
se simplifie :

ce qui donne :

Cette représentation fait apparaître trois facteurs, l’un géométrique A/V appelé facteur de massivité de l’élément,
l’autre ne dépendant que des caractéristiques du matériau (chaleur spécifique et masse volumique), et le  dernier
étant le flux de chaleur. En pratique, c’est donc le facteur de massivité qui détermine les différentes températures
obtenues dans des éléments métalliques de taille différente.

4.3.1 - Évolution des caractéristiques avec la température


4.3.1.1 - Chaleur spécifique
La chaleur spécifique de l’acier est donnée par les expressions suivantes :

26 Résistance à l’incendie des ponts routiers


On voit apparaître un pic de chaleur spécifique vers 735  °C, qui provient d’un début de changement de phase.
La résistance de l’acier est, à ces températures, extrêmement faible, donc ce pic de chaleur n’apporte pas de gain
significatif dans la résistance mécanique de l’ensemble.

4.3.1.2 - Conductivité thermique


La conductivité thermique de l’acier est donnée par l’expression suivante :

4.3.1.3 - Courbes chaleur spécifique et conductivité de l’acier

Figure 14 : Conductivité et chaleur spécifique de l’acier

4.3.2 - Plaques d’épaisseur constante


Les structures métalliques sont décomposables en général en éléments plans, au moins pour les ponts. A l’exception
des zones de jonction entre deux éléments, le problème ne présente qu’un seul degré de liberté, et le flux entrant et
la chaleur spécifique peuvent être simplement déterminés.

Si l’on considère un élément métallique plan d’épaisseur e et de dimension b x h, alors le volume de l’élément est
e x b x h. Si l’on considère qu’il est chauffé des deux côtés, avec un flux de chaleur uniforme prenant en compte
la  convection et le  rayonnement, et dépendant de la  courbe d’incendie choisie et de la  température de l’élément
métallique, alors l’équation précédente se simplifie encore :

Avec :
T : la température, supposée uniforme du plat métallique (en K)
e : l’épaisseur de l’élément métallique plan (en m)
Cp : la chaleur spécifique de l’acier (en J.kg-1.K -1)
r : la masse volumique de l’acier (en kg.m-3)
: le flux de chaleur uniforme auquel est soumise chacune des 2 faces du plat métallique (en W.m-2)

Les températures au sein de la structure métallique ne dépendent que de l’épaisseur de l’élément et de la courbe


d’incendie choisie. Elles  peuvent être tabulées une bonne fois pour toute. Cela  a été réalisé dans la  figure 15 et
la figure 16 pour différentes valeurs de l’épaisseur.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 27


Figure 15 : Courbes de montée en température pour une tôle en fonction de son épaisseur, courbe CN – ISO 834

La montée en température est représentée pour des épaisseurs variant de 10 mm à 160 mm tous les 10 mm. On voit
dans ce diagramme l’effet très important du facteur de massivité. La résistance de l’acier descend en dessous de 50 %
dès que l’on dépasse 600 °C. On voit sur le graphe que la température de 600 °C est dépassée au bout de 20 minutes
si l’épaisseur est de 30 mm, et 47 minutes si l’épaisseur est de 120 mm.

Dans le cas de la courbe HCM, les durées nécessaires pour atteindre la température de 600 °C sont très réduites, et
le  changement d’épaisseur n’offre pas beaucoup d’intérêt puisque l’on atteint 600  °C en 5 à 14  minutes pour des
épaisseurs de 30 à 120 mm. La température de 800 °C, au-delà de laquelle l’acier perd quasiment toute sa résistance,
est atteinte en moins de 22 minutes pour une épaisseur de 120 mm. D’où l’intérêt de l’intervention rapide des pompiers
pour abaisser la température.

Figure 16 : Courbes de montée en température pour une tôle en fonction de son épaisseur, courbe HCM

28 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Avec la courbe HC, les résultats sont plus favorables, mais sans changer significativement les ordres de grandeur.

Figure 17 : Courbes de montée en température pour une tôle en fonction de son épaisseur, courbe HC

4.3.3 - Cas d’éléments de structure composés de plusieurs plaques


Lorsque la  structure métallique est composée de plusieurs plaques métalliques jointives les  unes des autres (cas
des poutres en I), la question se pose de savoir comment généraliser la formule précédente. Le facteur de massivité
peut en effet s’entendre pour toute la structure (surface totale exposée divisée par le volume total) ou élément par
élément. Lorsque tous les éléments ont la même épaisseur, les deux approches coïncident. Par contre, lorsque deux
plaques d’épaisseur différente sont reliées, la question devient délicate.

Les parties « feu » des Eurocodes 3 et 4 proposent en pratique les deux approches. L’Eurocode 3 [8] raisonne plutôt en
fonction du facteur de massivité global, alors que l’Eurocode 4 [9] propose de raisonner élément par élément (mais
permet quand même de considérer la température de l’âme égale à celle de la semelle inférieure si l’âme fait moins
de 500 mm de haut, ce qui n’est jamais le cas dans les ponts bipoutres mixtes). Quoiqu’il en soit, les deux Eurocodes
laissent la possibilité d’utiliser des méthodes avancées consistant à calculer directement le champ des températures,
ce qui fait alors appel à un calcul 2D.

La  méthode globale  présente l’inconvénient de sous-estimer les  températures dans les  éléments plus fins que
la moyenne, et de les surestimer dans les éléments plus épais. La méthode élément par élément donne des températures
différentes dans deux éléments métalliques reliés entre eux, ce qui, compte tenu de la grande conductivité thermique
de l’acier, n’est guère réaliste.

En fait, la conductivité thermique de l’acier est très élevée à l’échelle des épaisseurs des structures en acier courantes,
mais ne peut être considérée comme infinie à l’échelle des éléments eux-mêmes. Pour les poutres en I des ponts,
les éléments sont en général de grandes dimensions (nettement plus élevées que les poutres de bâtiment), de sorte
qu’il peut s’établir des températures différentes dans des éléments d’épaisseur différente, même reliés entre eux
(avec un profil de température continu à la jonction).

On considèrera donc que l’on peut appliquer la méthode du facteur de massivité élément par élément, en négligeant
les rattrapages de température au niveau des jonctions. La petite étude menée dans le paragraphe suivant confirme
cette hypothèse.

La  seconde conséquence de cette observation est que, lorsque les  éléments sont très épais, la  température n’est
pas rigoureusement uniforme. Les semelles des poutres en I de ponts de grande portée présentent en général des
épaisseurs assez importantes, donc cet effet peut être favorable. Même si l’effet est favorable, il reste faible mais
les calculs nécessaires associés peuvent être très fastidieux. On négligera donc cet effet dans les situations courantes
et on considèrera la température constante dans chaque élément d’épaisseur donnée, et régie, élément par élément,
par l’équation thermique décrite précédemment en faisant apparaître le facteur de massivité de l’élément.

Le chapitre suivant décrit des cas de prise en compte de la conductivité thermique dans l’acier, et donne plusieurs
types de résultats (jonction entre deux éléments d’épaisseur différente, température dans une section d’acier épaisse).

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 29


4.3.4 - Prise en compte de la conductivité thermique
La conductivité thermique de l’acier est nettement plus élevée que celle du béton. Elle est en effet de 50 W/m/K aux
températures ambiantes, et descend jusqu’à 27 W/m/K à 800 °C, soit 25 à 50 fois plus élevée que celle du béton. Pour
des petites épaisseurs, on peut considérer que la température est uniforme. Cependant elle ne l’est pas réellement.
De plus, dès que la  longueur de propagation dépasse 20  cm, un important gradient de température peut exister.
Le modèle présenté dans cette section permet d’illustrer ces deux éléments et de pouvoir en tirer des conclusions utiles.

On représente une zone de jonction entre une âme d’épaisseur 26 mm et une semelle d’épaisseur 120 mm. Pour ne
pas avoir de calculs trop lourds, on se restreint à un carré de 20 cm x 20 cm décrit dans la figure 18 :

Figure 18 : Jonction entre deux éléments d’épaisseur différente

On impose un flux thermique correspondant à la courbe CN – ISO 834 sur les parois exposées à l’incendie (symbolisées
par un trait rouge sur le schéma de la figure 18). On utilise les mêmes hypothèses pour le calcul thermique que dans
les paragraphes précédents mais en réalisant un calcul 2D.

La figure 19 illustre les surfaces de température au sein de ce système.

Figure 19 : Répartition des températures (en °C sur l’axe vertical) à la jonction de deux profilés métalliques de 120 mm d’épaisseur et 26 mm
Dès que l’on s’éloigne de 10 cm de la zone de jonction, tout se passe comme si les deux éléments n’étaient pas reliés

On constate d’une part que la température n’est pas uniforme dans la semelle d’épaisseur 120 mm. Cependant, il n’y
a que 40 °C d’écart entre la paroi et le cœur de l’élément. On reviendra sur ce point ci-dessous puisque cet effet peut
être simplement retrouvé avec un calcul 1D.

Par contre, on voit bien qu’il y a un réel écart de température entre la semelle et l’âme. Ceci était a priori en partie
prévisible, puisque le facteur de massivité n’est pas le même dans les deux éléments. Néanmoins, on aurait pu penser
que du fait de la forte conductivité thermique, la température allait s’équilibrer. Ce n’est manifestement pas le cas
dès que l’on s’éloigne d’une dizaine de centimètres de la zone de jonction. Or les éléments de structure métallique
(âmes et semelles) des ponts mixtes ont en général des longueurs nettement plus grandes compte tenu du domaine
d’emploi de ces structures.

30 Résistance à l’incendie des ponts routiers


On peut donc parfaitement considérer que la température est uniforme au sein d’un élément d’épaisseur constante, mais
différente entre deux éléments d’épaisseurs différentes, même si ceux-ci se rejoignent. En pratique, on calcule donc
une température uniforme pour chaque élément de tôle de même épaisseur.

Ceci simplifie grandement le  calcul, puisque l’on peut déterminer la  température de chaque élément de poutre
indépendamment les  uns des autres. Les  courbes tabulées au paragraphe précédent peuvent donc être reprises
telles quelles.

La non-uniformité des températures à l’intérieur d’un élément d’épaisseur donnée peut se retrouver à l’aide d’un calcul
1D. Les figures 20 donnent les résultats obtenus pour deux configurations d’épaisseur et pour la courbe CN – ISO 834. Il
y a très peu d’écart de température (50 °C au maximum) entre la paroi exposée à l’incendie et le centre, et la moyenne
est, à quelques degrés près, rigoureusement identique à la température que donnerait le calcul en considérant une
conductivité infinie. Il est donc totalement justifié de considérer une température uniforme dans l’acier.

Figures 20 : Profil des températures (en °C) dans une section d’acier toutes les 10 minutes (courbe CN – ISO 834)
pour une épaisseur de 60 mm (à gauche) et 120 mm (à droite)

4.4 - Élément de structure mixte acier-béton


Une structure mixte acier-béton est composée d’éléments en acier et d’éléments en béton qui se rejoignent dans
certaines zones. La structure peut être décomposée en éléments indépendants les uns des autres, et le calcul thermique
peut être mené aisément dans chaque élément.

Il faut cependant se préoccuper de la zone de jonction car on ne peut les dissocier dans le calcul thermique.

Les ponts routiers mixtes acier béton sont répartis en général en 3 grandes familles : ponts à poutrelles enrobées,
bipoutres mixtes et caissons mixtes. Pour ces différentes familles, on peut réaliser le calcul thermique matériau par
matériau pour la  plupart des éléments (hourdis en béton, âme et semelle  inférieure du bipoutre, âme et hourdis
inférieur du caisson mixte). Il reste à étudier deux cas de figure :
• la  présence d’une semelle  connectée au béton sur une de ses faces, et en contact avec l’incendie sur l’autre
(semelle supérieure de bipoutre ou semelle inférieure de poutrelle enrobée) ;
• la présence d’une âme à l’intérieur du béton (cas des poutrelles enrobées).

Pour évaluer ces phénomènes, il faut modéliser l’interface acier-béton. Il faut se donner deux conditions d’interface.
La  première est l’égalité des températures entre le  béton et l’acier immédiatement adjacent, et la  seconde est
la continuité du flux thermique. La distribution des températures sera donc continue, mais le gradient de température
discontinu du fait de la grande différence de conductivité thermique entre les deux matériaux.

4.4.1 - Cas d’une semelle en acier jointive à une dalle en béton


Une semelle supérieure de pont mixte présente une face directement exposée à l’incendie, mais l’autre face n’est
pas exposée. Elle  est en contact avec le  béton. Ceci a deux conséquences bien différentes  : d’une part le  flux de
chaleur n’arrive que par le côté exposé à l’incendie, ce qui réduit le facteur de massivité ; d’autre part, la chaleur peut
s’évacuer par le béton, beaucoup plus facilement que par l’air ambiant car il y a contact direct entre deux matériaux.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 31


Le premier point est facile à prendre en compte. Il suffit de compter une seule paroi exposée au feu au lieu de 2 dans
le facteur de massivité. Globalement, cela divise par deux ce facteur. Tout se passe comme si on avait une épaisseur
équivalente double  de celle  réellement en place. Si par exemple  la  semelle  supérieure fait 120  mm d’épaisseur,
la température atteinte sera la même que si elle faisait 240 mm d’épaisseur.

Ce flux « sortant » de chaleur est difficile à quantifier car il faut faire un calcul thermique prenant en compte le béton. On
peut soit négliger cet effet et considérer que la chaleur ne sort pas (cela est sécuritaire et peut suffire dans la majorité
des cas), ou bien réaliser un calcul thermique.

Comme dans les cas précédents, si l’on suppose la dalle béton suffisamment épaisse, le calcul thermique ne va dépendre
que de l’épaisseur de la semelle et de la température de l’incendie. Cela reste un calcul 1D dès que la semelle est
suffisamment large, ce qui est le cas pour les bipoutres et même les poutrelles enrobées.

Les figures 21 donnent plusieurs courbes provenant d’un calcul thermique réalisé avec plusieurs épaisseurs de métal
(respectivement 60 mm et 120 mm), et pour la courbe CN – ISO 834. Ces courbes peuvent être utilisées dans n’importe
quelle configuration du moment que la semelle dépasse 30 cm de large.

Figures 21 : Profil des températures (sous courbe CN – ISO 834) dans une section mixte – métal (60 mm à gauche ou 120 mm à droite) et béton

4.4.2 - Cas d’une âme de poutrelle enrobée


Une âme de poutrelles enrobées est relativement peu chauffée par l’incendie. Le flux entrant de chaleur arrive par
le petit côté inférieur de l’âme, et éventuellement un peu par le béton inférieur chauffé par la semelle. Par contre,
dès que l’on s’éloigne de la semelle inférieure, la chaleur peut s’évacuer par les deux côtés en contact avec le béton,
et même sans cet effet, la température diminue du fait de la conductivité thermique non infinie dans l’acier. On peut
donc pratiquement considérer qu’une âme de poutrelle  enrobée, du moment que l’on respecte la  conception type
des ponts à poutrelles enrobées, n’est sollicitée par l’incendie que sur sa partie inférieure sur quelques centimètres.

Pour illustrer ce résultat, on réalise un calcul thermique sur une portion d’un pont à poutrelles enrobées, constituées
de poutrelles HEB 600. On ne modélise qu’une portion de largeur 250 mm de la poutrelle. L’âme a une épaisseur de
16 mm et est enrobée de béton.

32 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 22 : Modélisation d’une poutrelle enrobée (semelle + âme et béton environnant)
Températures données sur l’axe vertical (en °C)

La figure 22 montre que la semelle inférieure est chauffée relativement uniformément sauf près de l’âme. Celle-ci
est quasiment à la température du béton qui l’environne (plus frais que l’acier de la semelle) qui n’est pas en contact
avec l’incendie. On voit même que l’âme «refroidit» la semelle à la jonction âme-semelle mais sur une petite distance.

On tire de ce modèle que la température de la semelle inférieure des poutrelles enrobées de béton peut être considérée
à partir du modèle 1D présenté précédemment ( cf. paragraphe 4.4.1). La température du béton est évaluée par ce
même modèle, et la température de l’âme est égale à celle du béton qui l’environne. Les courbes précédentes peuvent
donc exactement être reprises dans le modèle de calcul.

4.5 - Câble (hauban, précontrainte extérieure)


Les Eurocodes ne donnent pas de caractéristiques thermiques des câbles. L’Eurocode 3 [8] s’intéresse aux aciers utilisés
pour les charpentes, et l’Eurocode 2 [10] ne donne pas d’élément (conductivité, chaleur spécifique) pour les armatures
passives ou actives étant donné qu’elles sont supposées à l’intérieur du béton, et que c’est le béton qui leur impose
sa température.

Pour les haubans et les câbles de précontrainte extérieure au contact du feu, on prendra donc les mêmes caractéristiques
thermiques que pour l’acier de charpente.

Il y a une grande diversité de câbles et de haubans dans la construction. Leur point commun est en général une forme à
peu près circulaire, et leur composition à base de torons, eux-mêmes constitués de fils (ou directement un ensemble de
fils). Quoi qu’il en soit, les éléments métalliques sont adjacents les uns des autres, et malgré le toronnage, on peut
considérer que le câble est une section circulaire métallique homogène protégée par une gaine, et éventuellement
par du coulis de ciment.

Compte tenu de la  violence des incendies que l’on considère, on va supposer que cette gaine ne joue pas de
rôle protecteur (sauf si elle est conçue pour) et que l’acier est directement en contact avec l’incendie.

Compte tenu de la symétrie de révolution liée à la forme circulaire du câble, le problème thermique, à deux degrés
de liberté, se ramène très vite à un problème à un seul degré de liberté. Néanmoins, les résultats précédents liés à
la très grande conductivité thermique de l’acier peuvent être repris ici, et on considèrera la température uniforme à
l’intérieur du câble. Le facteur de massivité est égal à 2/R où R est le rayon (périmètre 2pR divisé par la section pR²).
Les résultats thermiques pour la charpente peuvent être reconduits en remplaçant l'épaisseur par le rayon.

Ce modèle suppose que les câbles reçoivent un flux thermique maximal sur tout leur pourtour. Ceci suppose qu'ils
sont à l'intérieur de l'incendie, ou au moins que des fumées chaudes de l'incendie exercent à la fois une convection
et un rayonnement sur le câble. Lorsque le câble est en dehors de l'incendie, il ne reçoit que le flux de rayonnement,
et pas sur la totalité de son pourtour (les 2/3 environ pour tenir compte de l'encombrement du feu). Ceci augmente
la durée de montée en température de 50 % environ ( cf. figures 23).

Pour les ponts à haubans, on renvoie au chapitre 2. Il faudra tenir compte de la distance des câbles par rapport au foyer.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 33


Figures 23 : Montée en température (en °C en ordonnée et temps en min en abscisse) dans un câble en fonction du rayon, dans le cas où
les câbles sont complètement dans l’incendie (en haut), et dans le cas où ils sont extérieurs (rayonnement seul sur 2/3 de la surface avec
un facteur de forme égal à 1, courbe du bas) sous courbe CN – ISO 834

5 - Programmes de calcul pour le calcul thermique


Il existe de nombreux logiciels permettant de réaliser des calculs thermiques. Il convient cependant de vérifier que
toutes les variations des caractéristiques thermiques et de rayonnement des matériaux sont bien prises en compte.

Pour pallier cette difficulté, il est également possible de développer des outils informatiques permettant de réaliser
ces calculs thermiques, dans le cas à 1 dimension comme dans le cas à 2 dimensions.

Un module spécifique du logiciel ST1 est en cours de développement au Cerema à la date de publication du guide.

En s’inspirant de la méthode proposée dans le DTU P92-701 [12], on peut adopter la démarche suivante.

On réalise un maillage de l’élément dont on veut obtenir la température, par exemple en approchant la géométrie
globale par des petits carrés de dx x dx où dx est une dimension suffisamment faible (1 mm en général). On sépare
alors les carrés en contact avec l’extérieur (interface), des carrés situés au milieu de l’élément.

Pour les carrés situés au milieu de l’élément et adjacents à d’autres éléments de structure, on utilise l’équation de
la chaleur :

34 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Avec :
T : la température au sein de l’élément variable en fonction du temps et de l’espace (en K)
l : la conductivité du matériau constitutif de l’élément (en W.m-1.K -1)

Cp : la chaleur spécifique du matériau constitutif de l’élément (en J.kg-1.K -1)
r : la masse volumique du matériau constitutif de l’élément (en kg.m-3)

On suppose que localement les variations du coefficient de conductivité thermique ne sont pas trop fortes si bien que

l’on peut écrire : .

En discrétisant cette expression en temps et en espace, et en notant i le numéro de l’élément dans le sens des x et
j dans le sens des y, il vient :

Figure 24 : Principe de discrétisation

Partant de la connaissance des températures à l’instant t, il est très aisé d’obtenir les températures à l’instant t+Dt.

Pour les éléments d'interface, cette expression ne peut pas être utilisée. Par contre, on peut écrire que le flux thermique
entrant est égal au flux de conduction.

Pour une interface verticale (x = constante), cette expression se discrétise de la façon suivante :

(élément i-1 à l’intérieur de la structure, et élément i à l’interface)

L’inconnue apparaît alors à plusieurs endroits (flux, conductivité, et terme en gradient de la température). On peut
cependant faire l’approximation que le flux et la conductivité à l’instant t+Dt sont proches de ceux à l'instant t ce qui

aboutit à la formulation suivante : qui permet de déduire connaissant


(calcul précédent) et (issu de l’itération précédente).

Pour une interface horizontale, on a une expression équivalente :

(élément j-1 à l’intérieur de la structure, et élément j à l’interface).

Cette formulation se simplifie aisément au cas à une dimension.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie 35


Si le pas du maillage (Dx = 1 mm) est fixé pour des considérations de précision des résultats (les gradients forts de
températures agissent sur une épaisseur de quelques dizaines de millimètres seulement), le pas de temps est fixé
pour des raisons de convergence du schéma. Il faut en gros s'assurer que : soit

(facteur 100 environ) ce qui conduit pour du béton à environ 10 millisecondes, et pour de l’acier à 0,1 millisecondes
(à cause de la conductivité thermique nettement plus élevée) pour le béton.

Pour une durée d’incendie allant de 1 heure à 2 heures, cela représente un nombre important d’itérations.

Nota : I l est également possible de tenir compte de la variation de la conductivité thermique dans l’espace. Dans
ce cas, pour un calcul en 1D, on obtient l’expression suivante :

Avec l’expression facilement déterminable en dérivant les expressions données par


l’Eurocode.

36 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Chapitre 2 

Résistance d’un ouvrage pendant


l’incendie
1 - Introduction
Les matériaux sont très largement impactés par l’évolution de leur température par exemple pour le béton et l’acier,
dès que celle-ci atteint des valeurs au-delà de 300 °C environ. Toutes leurs caractéristiques mécaniques sont modifiées,
le plus souvent dans le sens de la dégradation.

Pour les matériaux béton et acier (armatures passives, précontrainte et aciers de charpente), la loi de comportement
contrainte-déformation est profondément modifiée, à la fois pour la limite élastique ou la résistance à la rupture, de
même que pour le module de déformation. Les matériaux chauffés résistent moins bien et sont plus souples.

Cela modifie également les limites de déformations, mais dans le sens d’une augmentation. Bien que les matériaux
soient plus souples et moins résistants, ils sont plus ductiles.

Enfin, toutes les  caractéristiques qui interviennent dans un modèle  mécanique sont modifiées  : masse volumique,
coefficient de dilatation thermique, etc.

Cette modification du comportement des matériaux au niveau local a bien entendu des conséquences au niveau semi-
global (comportement des sections de poutres ou de dalles), et au niveau global (comportement d’ensemble du pont).

Selon l’étendue de l’incendie, les  efforts peuvent être redistribués suivant une répartition non étudiée lors du
dimensionnement de l’ouvrage. De plus, les températures importantes créent des déformations thermiques (dilatations,
courbures) susceptibles de créer des efforts très importants dans les structures hyperstatiques pouvant aller au-delà
de la capacité résistante de la structure. On se place à l’état limite accidentel ce qui autorise à prendre en compte
le comportement élasto-plastique des matériaux, et les redistributions d’efforts par formation de rotules plastiques.
La  structure ainsi plastifiée est capable  de se déformer sous réserve que les  matériaux aient des capacités de
ductilité suffisantes.

L’objet de ce chapitre est de présenter l’évolution des caractéristiques mécaniques des matériaux avec la température,
d’en déduire les comportements des sections au niveau semi-global (lois moment-courbure ou effort normal-déformation
longitudinale  pour des éléments de poutres ou de dalles) et d’étudier les  conséquences au niveau de l’ouvrage.
Ce chapitre présente également une méthode pour mener l’analyse et des exemples sur diverses structures types.

2 - Comportement des matériaux


2.1 - Béton (hors zone d'écaillage)
On utilise pour évaluer l’évolution des caractéristiques du béton les  lois données par l’Eurocode 2 partie 1-2 [10]
corrigées éventuellement par l’annexe nationale [11]. On ne donne pas ici le détail de la formulation mathématique
de ces lois, relativement volumineuse. Toutefois, on fournit ci-dessous les différentes lois de comportement du béton
obtenues à différentes températures.

L’Eurocode 2 prescrit deux types de lois de comportement pour le  béton, l’une obtenue pour des granulats siliceux, et
l’autre pour des granulats calcaires. Elles sont données via le tableau 3.1 et la figure 3.1 de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] [11].

En cas d’incertitude sur la nature des granulats (calcaire-siliceux), on utilisera la loi des granulats siliceux qui est plus
défavorable.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 37


Nota : P
 our des températures inférieures à 50 °C, les lois de l’Eurocode 2 de la partie 1-2 [10] ne se raccordent
pas exactement à la loi donnée dans la partie 1-1 [13] [14].

Figure 25 : Lois de comportement en fonction de la température pour le béton à granulats siliceux (fck = 35 MPa)

La figure 25 fait apparaître que la résistance du béton décroît en fonction de la température. En parallèle, la déformation
correspondant à la résistance maximale augmente également au-delà des 3,5 pour mille classiquement utilisés pour
le béton à froid.

Le  module  élastique diminue rapidement. La  simple  diminution de la  résistance avec la  température n’a donc pas
beaucoup de signification en pratique, puisque la résistance maximale n’est atteinte qu’à des taux de déformation très
élevés. Des analyses simplifiées de calcul à l’ELU avec béton comprimé chauffé en considérant le béton à sa résistance
maximale sur une certaine hauteur n’ont donc pas beaucoup de sens physique. Il faut réaliser des calculs plus précis
prenant en compte la distribution des déformations au sein de la section, et les contraintes associées.

Le paragraphe 3.3.1 de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] donne également les dilatations thermiques du béton en fonction
de la température, on note que leur évolution n’est pas linéaire.

Figure 26 : Dilatation thermique totale du béton en fonction de la température

L’attention est attirée sur le fait que le refroidissement du béton est accompagné d’une perte de résistance. Après
retour à 20 °C, la résistance résiduelle est minorée de 10 % pour des températures maximales atteintes supérieures
à 300 °C (cf. Annexe C de l’Eurocode 4-1-2 [9]).

38 Résistance à l’incendie des ponts routiers


2.2 - Armatures passives à haute adhérence
Comme pour le béton, on utilise pour évaluer l’évolution des caractéristiques des aciers passifs les lois données par
l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] corrigées éventuellement par l’annexe nationale [11]. On ne donne pas ici le détail de
la formulation mathématique de ces lois, relativement volumineuse. Toutefois, on fournit ci-dessous les différentes
lois de comportement des aciers passifs obtenues à différentes températures.

On trouve en pratique 4 types de lois, décrites dans les tableaux 3.2a et 3.2b de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] et illustrées
dans la figure 3.3 de l’Eurocode. On distingue les aciers de classe N ou de classe X, ainsi que les aciers formés à froid
ou laminés à chaud. L’annexe nationale précise que la classe N est à utiliser avec le choix du type d’acier (formé à
froid ou laminé à chaud), si celui-ci peut être justifié. En l’absence de justification, on utilise les caractéristiques des
aciers de classe N, formés à froid. La figure 27 illustre les lois de comportement en fonction de la température pour
ce type d’acier, que l’on recommande pour les calculs mécaniques.

Figure 27 : Lois de comportement en fonction de la température pour l’acier formé à froid de classe N
(contrainte en MPa en fonction de la déformation en pour mille)

Ces courbes font apparaître, comme pour le béton, une perte de résistance du matériau, un assouplissement caractérisé
par un module de déformation plus faible et une plus grande ductilité.

Le paragraphe 3.4 de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] donne également les dilatations thermiques de l’acier en fonction
de la température, on note que l’évolution n’est pas linéaire.

Figure 28 : Dilatation thermique totale de l’acier

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 39


2.3 - Aciers de précontrainte
Les caractéristiques des aciers de précontrainte sont également fournies dans l’Eurocode 2 partie 1-2 [10]. Elles suivent
les mêmes lois mathématiques que les aciers passifs mais avec les valeurs données dans le tableau 3.3. On distingue
les aciers de précontrainte formés à froid (torons et fils) de classe A ou B et les aciers de précontrainte trempés et
revenus (barres). L’annexe nationale indique que, pour les aciers de précontrainte formés à froid, seule la classe A
doit être prise en compte. Un exemple de loi, dépendant de la température, est donné dans la figure 29 :

Figure 29 : Lois de comportement en fonction de la température pour un acier de précontrainte formé à froid de classe A
(contrainte en MPa en fonction de la déformation en pour mille)

Ces courbes font apparaître, comme pour les aciers passifs, une perte de résistance du matériau, un assouplissement
caractérisé par un module de déformation plus faible, et une plus grande ductilité.

Le paragraphe 3.4 de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] donne également les dilatations thermiques de l’acier de précontrainte
en fonction de la température (cf. figure 28).

2.4 - Aciers de charpente métallique


Les caractéristiques mécaniques des aciers au carbone de charpente métallique pendant l’incendie sont données dans
l’Eurocode 3 partie 1-2 [8]. Elles se trouvent dans le tableau 3-1 et sur la figure 3.1. Aux arrondis près, on se rend
compte que les évolutions des facteurs de réduction en fonction de la température sont très proches de celles des
aciers passifs de classe N laminés à chaud, mais que les valeurs des caractéristiques à froid sont différentes.

La figure 30 fait apparaître, comme pour les aciers passifs et de précontrainte, une perte de résistance du matériau,
un assouplissement caractérisé par un module de déformation plus faible, et une plus grande ductilité.

Le paragraphe 3.4.1.1 de l’Eurocode 3 partie 1-2 [8] donne également les dilatations thermiques de l’acier en fonction
de la température. Ce sont les mêmes valeurs que pour les aciers passifs.

40 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 30 : Lois de comportement en fonction de la température pour un acier de charpente métallique
(contrainte en MPa en fonction de la déformation en pour mille)

Concernant les aciers thermomécaniques, l’article «  Untersuchungen zum zeitabhängigen mechanischen


Materielverhalten von S460 im Brandfall  », paru dans la revue Stahlbau (81-2012) contient des informations fort
intéressantes sur le comportement au feu de plusieurs aciers thermomécaniques, et montre un comportement au feu
conforme aux exigences de l’Eurocode 3 partie 1-2 vis-à-vis de la résistance au feu pendant l’incendie.

3 - Comportement des sections de structure


3.1 - Généralités
Cette partie est importante car le comportement thermomécanique des sections doit permettre de faire le lien entre
l’évolution des caractéristiques des matériaux (cf. chapitre 1 au sujet des calculs thermiques et paragraphe 2 du présent
chapitre concernant l’évolution des matériaux avec la température) et les données à entrer dans un modèle de calcul
de structure.

L’utilisation de logiciels de calcul de structures prenant en compte les effets volumiques, les fortes non-linéarités dues
aux effets thermiques et les plastifications est possible. Néanmoins, de tels calculs sont extrêmement complexes et
nécessitent des outils spécialisés et du temps.

Le but de ce paragraphe est de montrer que, sur des typologies de sections simples et courantes, on peut déduire des
caractéristiques équivalentes (module de déformation, inertie, section, gradient thermique, température uniforme)
utilisables dans un programme linéaire.

Avec des logiciels linéaires permettant un calcul itératif par programmation (comme le logiciel ST1 du Cerema), on peut
mener des analyses plus sophistiquées prenant mieux en compte le comportement thermomécanique des sections
et les plastifications successives.

Le  postulat de base de tout ce qui va suivre est que les  hypothèses de la  Résistance des Matériaux (planéité des
sections notamment) restent valables sous sollicitations d’incendie, avec des variations importantes des rigidités au
sein d’une section et avec des gradients forts et non linéaires. Cette hypothèse est en pratique bien vérifiée sauf sur
des éléments d’épaisseur très faible (dalles en béton de moins de 20 cm d’épaisseur).

Lorsque la  section fait craindre une non-planéité des sections, il faut employer des logiciels aux éléments finis et
modéliser les différents éléments de la section, et leur épaisseur, ce qui conduit à des modèles extrêmement volumineux
et peu aisés à interpréter.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 41


3.2 - Lois de comportement des sections
Dans cette partie, on présente l’influence de la température sur les lois « moment-courbure » des sections types, ce qui
permet d’en déduire des informations sur la rigidité effective des sections, sur les gradients thermiques équivalents
imposés et sur les moments maximums.

Cette loi de comportement de la section, dite loi « moment-courbure » (M/g) prend en compte le comportement réel
des matériaux, ainsi que la fissuration du béton (contrainte nulle dès que le béton est tendu). Elle est donnée pour
une valeur d’effort normal constant.

Elle est obtenue en calculant, pour chaque valeur de courbure (g), la déformation longitudinale de la fibre moyenne
(e0) telle que l’effort normal soit égal à l’effort normal imposé par l’extérieur. On note que cet effort normal varie peu
pendant l’incendie, sauf en présence de précontrainte.

Conformément au document [4], on considère que la déformation totale de la section (e tot) reste linéaire quels que
soient la sollicitation et le profil de température. Quelle que soit l’ordonnée z de la section, on peut écrire :

La déformation mécanique (induite par les contraintes dans les matériaux) s’en déduit :

Avec eth la déformation thermique.

En utilisant les lois de comportement des matériaux décrites au paragraphe 2 « Comportement des matériaux », on
trouve la valeur de la contrainte en tout point de la section.

Par intégration de ces contraintes sur la surface S, il est possible de calculer le torseur d’efforts (M ; N) pour chaque
valeur du couple (g ; e0).


Inversement, il est possible  de calculer les  déformations pour chaque valeur du couple  (M ; N), ce processus est
relativement long compte tenu des itérations nécessaires pour aboutir au résultat du fait du comportement fortement
non linéaire des matériaux (élasto-plasticité, fissuration du béton, etc.).

L’effort tranchant résistant est également modifié par l’incendie. En première approximation, il est établi sur la base
des mêmes calculs qu’à froid mais en prenant les caractéristiques réduites des matériaux et la variation de la partie
du béton comprimée dans les sections.

3.2.1 - Loi de comportement d’une section de béton armé (dalle – poutre)


Pour illustrer le comportement en « moment-courbure » du béton armé, on considère une dalle de 50 cm d’épaisseur
ferraillée à l’aide de 5 HA 25 par mètre en face inférieure, et 5 HA 20 par mètre en face supérieure. On représente
sur la figure 31 les lois « moment-courbure » (moment en MN.m, courbure en mrad/m) pour la courbe CN – ISO 834,
pour une durée de 120 min par paliers de 15 minutes.

On constate que seule la partie de la courbe vers les moments positifs (partie droite de la courbe) est affectée par
l’incendie. En effet, lorsque la dalle est sollicitée en moment positif, les aciers qui travaillent en traction sont situés
en partie inférieure et directement exposés à l’incendie. Plus la  température augmente, moins la  frontière entre
comportement élastique et comportement plastique est marquée (la  zone de transition s’arrondit). Du côté des
moments négatifs, l’incendie n’a que très peu d’influence puisque les aciers supérieurs (qui travaillent en traction) ne
sont pas chauffés. Il y a cependant une légère diminution du moment plastique maximal (15 % au bout de 2 h). En
effet, le béton inférieur est fortement chauffé, donc ses caractéristiques mécaniques diminuent. Le centre de gravité
du béton comprimé remonte un peu, le bras de levier des aciers supérieurs diminue en conséquence, de même que
le moment résistant.

Par ailleurs, la  pente de la tangente à la  courbe à l’origine (point de moment nul) diminue avec le  temps. Cette
tangente représente la rigidité élastique EI de la section. Comme la section est fissurée, la rigidité est principalement
liée aux aciers passifs. Compte tenu de l’affaiblissement du module de l’acier, cette rigidité diminue avec le temps.

42 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Enfin, le gradient thermique non-linéaire entraîne des autocontraintes dans la section et une courbure pour un moment nul.

Figure 31 : Loi « moment-courbure » pour une dalle en béton armé sous courbe CN – ISO 834 de 1 à 120 minutes par paliers de 15 minutes

3.2.2 - Loi de comportement d’une section de béton précontraint (dalle – poutre – caisson)
Lorsque la structure est précontrainte, le comportement est modifié puisque le béton est très majoritairement non fissuré.
De plus, les câbles sont plus enrobés et donc moins chauffés, mais leurs caractéristiques diminuent plus fortement avec
la température (cf. paragraphe 2.3). On reprend la même dalle que dans le cas précédent (cf. paragraphe 3.2.1), mais
on considère ici des aciers passifs minimums (HA 12 tous les 20 cm) et par contre 2 câbles 7T15S (tension initiale à
20 °C de 1160 MPa) enrobés de 8 cm en partie inférieure de la dalle.

La  courbe de la  figure 32 est un peu différente de la  précédente compte tenu de la  précontrainte de la  section.
En effet, lorsque le moment est faible, toute la section est comprimée. Puis au-delà d’un certain moment, la section
se décomprime, fissure et la rigidité apparente diminue progressivement au fur et à mesure que l’épaisseur de béton
comprimé diminue. Enfin, les aciers de précontrainte plastifient.

On retrouve toutefois le gradient thermique équivalent et un comportement linéaire lorsque les moments sont faibles.

Figure 32 : Loi « moment-courbure » pour une dalle en béton précontraint sous courbe CN – ISO 834 de 1 à 120 minutes par paliers de 15 minutes

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 43


On donne un second exemple  obtenu pour un caisson en béton précontraint ( cf. figure 33), avec un incendie sur
l’ouvrage cette fois. En effet, les  grands ouvrages en béton précontraint ont plus de risque d’être sollicités par un
incendie au-dessus qu’en dessous, car ils sont en général à une hauteur importante par rapport au sol.

On retrouve le même type de loi, mais inversée par rapport au cas précédent puisque les câbles sont en partie haute,
et l’incendie s’effectue par au-dessus.

Du côté des moments positifs, on retrouve les  3 domaines  : élastique comprimé, élastique fissuré et plastique.
Du côté des moments négatifs, les  différents domaines sont nettement moins marqués du fait de la  température
(cf. paragraphe 2 « Comportement des matériaux »).

Le gradient thermique est inversé par rapport aux cas précédents car l’incendie est au-dessus de l’ouvrage.

Figure 33 : Loi « moment-courbure » pour un caisson en béton précontraint chauffé au-dessus,
courbe CN – ISO 834 à 120 minutes (moment en MN.m en fonction de la courbure en mrad/m)

3.2.3 - Loi de comportement d’une section de structure mixte (type bipoutre)


Pour une section représentant un bipoutre mixte, le comportement est très différent suivant le signe du moment du
fait de la présence de la dalle en béton. Celle-ci est comprimée lorsque les moments sont positifs et tendue, donc
fissurée, lorsque les moments sont négatifs.

Lorsque la semelle inférieure est chauffée, les deux moments résistants extrêmes sont impactés. En effet, qu’elle soit
tendue ou comprimée, la semelle inférieure joue un rôle très important dans la résistance de la section. Ce n’était
pas le cas des aciers passifs d’une section de béton armé qui jouent, eux, peu de rôle lorsqu’ils sont comprimés car
le béton comprimé est prépondérant.

La figure 34 présente les lois « moment-courbure » pour la courbe CN – ISO 834 pour une durée de 45 minutes par
paliers de 5 minutes. On s’arrête désormais à 45 minutes du fait de la plus grande susceptibilité de l’acier de charpente
vis-à-vis de l’incendie par rapport aux aciers passifs ou de précontrainte.

On retrouve cependant le  même type d’évolution avec la  température que dans les  cas précédents, à savoir
un assouplissement de la section, une diminution du moment plastique maximal, et la présence d’un gradient thermique.

44 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 34 : Loi « moment-courbure » pour un bipoutre mixte, de 0 à 45 minutes par paliers de 5 minutes (Courbe CN – ISO 834)

3.2.4 - Loi de comportement d’une section de poutrelles enrobées


La loi « moment / courbure » peut s’obtenir de la même façon pour un pont à poutrelles enrobées. On va retrouver
le même type de comportement, mais celui-ci dépendra fortement de la quantité d’armatures longitudinales inférieures
par rapport à la  section de la  semelle  inférieure des poutrelles. On sera plus proche du bipoutre si le  ferraillage
longitudinal est faible, et plus proche de la  dalle  en béton armé s’il est élevé. Néanmoins, l’ouvrage sera moins
sensible à l’incendie que le bipoutre puisque la semelle inférieure de la poutrelle n’est chauffée que d’un seul côté.

3.2.5 - Loi de comportement de câbles de haubans ou de ponts suspendus


Le comportement des câbles (haubans, précontrainte, suspentes) est proche de celui du matériau acier puisqu’il n’y a
pas de flexion. La loi « effort normal – déformation longitudinale » se déduit aisément des lois contrainte-déformation,
s – e, des matériaux. Il y a aussi une déformation longitudinale thermique (sans effort) du fait de la dilatation de
l’acier sous la température.

4 - Comportement global de la structure


4.1 - Les différents modes de ruine
La prise en compte de rotules plastiques conformes aux lois « moment-courbure » permet une adaptation ductile de
la structure aux déformations thermiques qui lui sont imposées.

En pratique, dans les  zones où l’effort tranchant est important (près des appuis) les  rotules  plastiques sont de
dimensions réduites. En effet, la variation de moment par unité de longueur (égale à l’effort tranchant) évolue peu,
la plastification d’une section conduit à un simple décalage de la courbe des moments dont le maximum est égal au
moment plastique et dont la pente reste quasi constante ce qui entraîne un retour à un comportement élastique. On
parle ainsi de rotule plastique. Pour mémoire, l’Eurocode 2 partie 1-1 [13] fixe la dimension des rotules plastiques
à 0,6 fois la hauteur de la section dans le cas d’un encastrement. Pour le métal, le critère dépend de la géométrie
des sections. Il n’est pas possible de généraliser.

Les capacités de plastification de la structure peuvent être utilisées, comme en analyse sismique. La formation successive
de rotules plastiques diminue le degré d’hyperstaticité de la structure jusqu’à ce que celle-ci devienne isostatique. Une
fois la structure isostatique, toute augmentation de température ne se traduira que par des déformations, les efforts
n’évoluant plus. Les moments résistants des structures peuvent rester suffisants et il faut simplement dans ce cas se
contenter de vérifier les rotations des rotules plastiques (cf. paragraphe 4.5.2), ce qui peut s’avérer dimensionnant
compte tenu des dilatations en jeu.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 45


En pratique, deux modes de ruine apparaissent pour des structures ayant un minimum de ductilité :
• le premier correspond au dépassement de la rotation d’une des rotules plastiques, bien que la structure soit encore
à même de reprendre les charges appliquées (poids propre et un minimum de surcharges) ;
• le second mode de ruine intervient lorsqu’une nouvelle rotule rend la structure instable (hypostatique).

Pour les structures qui n’ont pas de ductilité (ruine causée par la rupture fragile du béton ou par instabilité d’une paroi
métallique), il n’y a ni rotule plastique, ni redistribution d’effort et la ruine de l’ensemble apparaît lorsque les capacités
résistantes sont dépassées.

Toutes les considérations sur les rotules plastiques ne concernent pas les mécanismes de ruine liés à l’effort tranchant
pour lesquels il convient de mener les calculs élastiques avec les caractéristiques dégradées des matériaux.

4.2 - Modélisation des sections


Les  méthodes de calculs présentées dans ce paragraphe sont celles  déjà décrites dans le  document du CETU
« compléments au guide comportement au feu des tunnels routiers » de mars 2011 [4].

4.2.1 - Simplification des lois de comportement des sections


Les lois « moment–courbure » des sections sont assez fortement non linéaires. Leur implémentation dans un logiciel de
calcul de structures n’est pas évidente. Toutefois, ces différentes lois montrent un caractère linéaire élastique lorsque
les sections ne sont pas trop sollicitées, ce qui est le cas pour la très grande majorité des sections. En effet, le moment
plastique n’est en général atteint que très ponctuellement. Il est donc très intéressant de pouvoir se ramener à
un comportement linéaire en tout point, sauf aux endroits où se développent potentiellement des rotules plastiques.

La  loi «  moment–courbure  » est alors linéarisée de la  façon représentée sur la  figure 35. Il est possible  d’ajouter
un comportement plastique parfait en bornant les moments à la valeur du moment maximum admissible, même si
l’on atteint ce moment progressivement.

Figure 35 : Linéarisation de la loi « moment-courbure »

Au final, la loi peut s’écrire ainsi :

46 Résistance à l’incendie des ponts routiers


: moment dépendant de la courbure et de la température

: rigidité en flexion dépendant de la température

: courbure totale

  : courbure thermique

: moment plastique dépendant de la température

Il est à noter que l’origine de la  courbe ne correspond pas à une courbure totale  nulle  à cause des déformations
thermiques imposées. De plus, les différentes caractéristiques EI, g th et Mplast dépendent de la température.

Si l’écaillage doit être pris en compte, ce dernier peut être considéré de manière simplifiée en déterminant la distribution
des températures et la résistance des sections en diminuant les sections de l’épaisseur d’enrobage dès le début de
l’incendie.

Dans un logiciel de calcul linéaire, on peut entrer le comportement parfaitement linéaire élastique dans un premier
temps, et étudier la  distribution des moments par rapport aux moments maximums. Lorsqu’il y a dépassement
du moment plastique, on introduit une rotule  plastique et un moment ponctuel égal au moment plastique. On
renouvelle le processus plusieurs fois s’il le faut. Si ce processus aboutit, alors on doit vérifier que les rotations des
rotules plastiques sont acceptables. Si le processus n’aboutit pas, ce qui s’obtient par exemple lorsque l’on est obligé
d’introduire plus de rotules plastiques qu’il n’y a de degrés d’hyperstaticité, alors la structure n’est plus justifiée. Ceci
représente les deux modes de ruine évoqués précédemment.

Pour les câbles et les haubans, on peut aboutir à des lois similaires de la forme :

: effort normal dépendant de la déformation et de la température

: rigidité à l’effort normal dépendant de la température


: déformation total

: déformation thermique

: effort normal plastique dépendant de la température

4.2.2 - Méthodes de calculs des lois de comportement des sections


Le logiciel ST1 du Cerema est très bien adapté pour prendre en compte ce type de problèmes grâce à son module de
pseudo-programmation. En effet, il est possible d’utiliser pour toutes les sections les lois « moment-courbure » établies
au préalable. Pour chacune des sections, on entre à la première itération la rigidité de la loi « moment-courbure » à
l’origine, et la déformation thermique imposée. On récupère les moments, on en déduit les courbures, et on corrige
les  rigidités (termes EI) à la  baisse de sorte de mieux représenter le  comportement réel à la  prochaine itération
(cf. figure 36). Si le moment obtenu par le calcul dépasse de beaucoup le moment maximum, on peut avoir besoin
de plusieurs itérations avant de converger vers le résultat.

Il existe plusieurs méthodes permettant de déterminer au mieux la rigidité EI à l’itération n+1 de sorte de converger
plus rapidement vers la solution définitive.

Méthode incrémentale
Il s’agit de considérer que le comportement de la structure est localement, c’est-à-dire pour une faible variation de
l’effort, linéaire. Pour que la  variation de l’effort soit faible, il faut introduire les  différents chargements (charges
extérieures et déformations imposées d’origine thermique) de façon progressive, par incrémentations successives,
en réactualisant à chaque étape les paramètres de rigidité de la structure, de manière à suivre au plus près la loi de
comportement réelle.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 47


Ainsi, sur une loi « moment-courbure » fictive, on peut schématiser le déroulement du calcul de la façon illustrée à
la figure 36.

Figure 36 : Rigidités tangentes [4]

Méthode itérative (ou de substitution)


Dans cette méthode, on ne cherche pas à suivre tout au long du calcul le comportement de la structure réelle, mais
seulement à trouver le même point d’équilibre par un chemin linéaire plutôt qu’en suivant la courbe moment-courbure
réelle. On introduit cette fois la totalité du chargement à chaque itération. Les rigidités des barres et la déformation
thermique imposée sont réajustées à l’issue de chaque itération, en fonction des déformations calculées par
le modèle linéaire et des efforts résultants de ces déformations, intégrés sur les sections réelles.

On utilise les rigidités « sécantes » de la structure, illustrées sur la loi « moment-courbure » de la figure 37.

Figure 37 : Rigidités sécantes [4]

4.2.3 - Rôle du phasage de construction


Le phasage de construction intervient dans la distribution des contraintes dans les différents matériaux de la structure.
Lorsqu’une section est construite par phase, les différentes phases de construction n’ont pas la même déformation à
la jonction (cas d’un bipoutre mixte où la déformation de la semelle supérieure n’est pas la même que la déformation

48 Résistance à l’incendie des ponts routiers


de la dalle en béton immédiatement adjacente). Par conséquent, la distribution des contraintes n’est pas celle que
l’on aurait si la section était construite en une seule fois.

De même, lorsque toute la structure est construite par phases, la distribution des moments dépend des phases de
construction.

Néanmoins, lorsqu’on évalue les ouvrages d’art vis-à-vis d’un incendie, on s’autorise toutes les plastifications nécessaires
(du moment que les déformations sont acceptables vis-à-vis des limites des matériaux) puisque le cas testé est un
chargement accidentel très défavorable. L’incursion des matériaux dans leur domaine plastique gomme les différences
d’état initial entre les matériaux mis en œuvre à des temps différents. Il subsiste des écarts de déformation, mais qui
n’ont aucune conséquence puisque les matériaux sont à leur palier plastique.

Cette constatation doit bien entendue être prise avec précaution puisque l’on peut trouver des cas particuliers dans
lesquels ceci ne se vérifie pas, ou bien lorsqu’une instabilité survient avant l’incursion dans le domaine plastique.

Cependant, il est très difficile de coupler un comportement des sections non linéaires, dépendant de la température,
et un phasage de construction. On utilisera donc la constatation précédente pour mener les calculs thermiques comme
si la structure était construite en une seule phase, et l’on supposera que le phasage ne modifie pas les conclusions
de l’étude d’incendie.

4.3 - Sollicitation de la structure

4.3.1 - Chargement « incendie »


Comme on l’a vu précédemment, le chargement « incendie » est composé uniquement de déformations thermiques
imposées, qui, avec une modélisation de type « poutres », se représente par une température uniforme et un gradient
thermique d’ensemble. Le gradient réel des températures n’est pas linéaire, mais ceci est pris en compte, de même
que les autocontraintes qui en résultent, dans la loi moment courbure de la section.

L’étendue de l’incendie compte beaucoup dans le calcul. L’effet du gradient thermique est d’autant plus important
que la longueur où il s’exerce est élevée. Compte tenu de l’emprise des incendies telle qu’évoquée dans les chapitres
précédents, on pourra prendre en compte une étendue de l’ordre d’une vingtaine de mètres longitudinalement (des
longueurs plus grandes peuvent être prises). On fera le  calcul avec la  sollicitation thermique et sans sollicitation
thermique, de façon à couvrir l’ensemble  des étendues d’incendie possible  (le  calcul sans déformation thermique
imposée simule un incendie fortement localisé, dont la température chute significativement dès que l’on s’éloigne
du feu).

4.3.2 - Autres charges


La situation d’incendie est extrêmement peu fréquente. La période de retour est suffisamment élevée pour pouvoir
mener l’analyse dans le cas d’un ELU accidentel. Il convient cependant de tenir compte, outre les charges permanentes,
d’une partie des charges d’exploitation sur l’ouvrage. Ces charges d’exploitation sont bien entendu plus faibles que
les charges caractéristiques, voire fréquentes. On recommande donc de considérer 50 % des charges fréquentes sur
l’ouvrage au moment de l’incendie. Le positionnement de ces charges n’est pas nécessairement optimisé pour produire
le maximum d’effet. Il n’est donc pas nécessaire de chercher l’enveloppe des efforts produits, mais d’intuiter quelques
positions défavorables, et de tester l’ouvrage en situation d’incendie avec ces chargements.

4.4 - Modélisation globale


Les  parties «  Feu  » des Eurocodes et leurs annexes nationales  (parties 1-2 [6] [15] [10] [11] [8] [16] [9] [17] des
Eurocodes 1, 2, 3 et 4 pour l’acier et le béton) proposent plusieurs types de modélisation pour prendre en compte
l’incendie. Ces méthodes ont été écrites pour le bâtiment, donc il y a lieu de les adapter pour le cas des ouvrages
d’art. En particulier, les méthodes très simplifiées (résistance à partir de considérations géométriques, d’épaisseur, ou
à partir de la méthode de la température critique, cf. paragraphe 4.4.1 ci-dessous), bien adaptées au cas des poutres
isostatiques, trouvent leurs limites sur les ponts.

Les Eurocodes proposent des méthodes simplifiées ou avancées. Les méthodes simplifiées reviennent à déterminer
les valeurs de résistance maximale des éléments chauffés en utilisant les courbes de réduction de la résistance avec
la température. On compare ces valeurs de résistance aux sollicitations calculées sur la base d’un modèle élastique
linéaire, en prenant en compte des charges réduites.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 49


Les  méthodes avancées consistent à réaliser des modèles  de calcul représentant la  réalité de l’incendie, c’est à
dire les  rigidités réduites des matériaux, les  déformations thermiques et les  redistributions d’efforts pourvu que
les instabilités soient évitées.

Les  différentes méthodes possibles  vont être exposées dans les  paragraphes suivants. Il est conseillé de réaliser
des méthodes plutôt évoluées avec les structures mixtes, qui sont plus sensibles à l’incendie et présentent des durées
de résistance relativement faibles. Pour les structures en béton, des méthodes plus simplifiées peuvent être utilisées
car elles sont moins sensibles à l’incendie. Dans tous les cas autres que des travées isostatiques, l’analyse est à mener
au minimum avec un modèle de calcul intégrant l’effet des dilatations thermiques.

4.4.1 - Sans modèle particulier


Parmi les  méthodes simplifiées, les  Eurocodes 3 et 4 applicables  aux structures métalliques et mixtes proposent
une  méthode dite de la  température critique. Cette méthode ne nécessite aucun calcul de structure. Elle  revient
simplement à évaluer la marge de dimensionnement (rapport entre les charges ELU de dimensionnement et les charges
réelles, dans une combinaison d’ELU accidentel, au moment de l’incendie) et à calculer la température critique au-delà
de laquelle cette marge est entièrement consommée par la réduction des caractéristiques mécaniques de l’acier sous
un incendie. Ceci ne nécessite donc pas de calcul mécanique, par contre il faut calculer les températures dans l’acier
et les comparer à cette température critique.

L’Eurocode 3 précise bien que cette méthode n’est applicable que lorsque la structure est dimensionnée en plasticité
et non en instabilité (paragraphe 5.6 de l’Eurocode 3 [18] [19]). De plus, elle est très sécuritaire puisque ne permet
aucune redistribution d’efforts.

Pour les éléments en béton, il existe aussi des règles de dimensionnement très simplifiées portant sur les dimensions
des structures, l’enrobage des aciers passifs, etc. Un certain nombre de valeurs tabulées sont également données.

Compte tenu du fonctionnement mécanique des ouvrages d’art, et de l’importance de ceux-ci, on préférera des
méthodes plus évoluées, au minimum celles préconisées dans le paragraphe suivant.

4.4.2 - Élastique linéaire avec effet des dilatations thermiques


La  méthode élastique linéaire avec prise en compte des effets des dilatations thermiques revient à utiliser
le modèle décrit au paragraphe 4.2.1 sans prise en compte de la plasticité. En fonction de la température atteinte dans
les matériaux, on déduit la rigidité équivalente chauffée EI, les déformations thermiques (déformation d’ensemble et
gradient thermique), et les efforts résistants (moments, efforts tranchants) en fonction de la température.

L’état limite de la structure est atteint dès qu’un des efforts résistants est dépassé.

Lorsque la courbe HCM est utilisée sur un pont en béton, l’effort résistant doit tenir compte du phénomène d’écaillage
du béton, limité au premier lit d’armatures ou à une certaine profondeur.

4.4.3 - Elasto-plastique limité avec effet des dilatations thermiques


La  modélisation est identique au cas précédent, sauf que lorsqu’un moment plastique est dépassé, on autorise
la  formation d’une rotule  plastique ponctuelle. On introduit dans le  modèle  une rotule  parfaite, et un moment
correspondant au moment plastique de la  section. On peut autoriser plusieurs formations de rotules  plastiques
successives, à condition de ne pas former de mécanisme (auquel cas l’ouvrage n’est plus justifié).

La contrepartie est que les rotations des rotules doivent être limitées (cf. paragraphe 4.5.2).

4.4.4 - Analyse plastique complète (poutres/dalles), dilatations thermiques


On utilise directement les lois « moment-courbure » exactes présentées précédemment, éventuellement en utilisant
des logiciels adaptés (tels que ST1, cf. paragraphe 4.2.2).

4.4.5 - Analyse plastique complète volumique, dilatations thermiques


On utilise dans ce dernier niveau d’analyse un logiciel aux éléments finis permettant une analyse élasto-plastique
prenant en compte les lois de comportement des Eurocodes. On peut très vite se retrouver au-delà de l’ingénierie
classique, mais cela peut être utile dans certains cas à fort enjeu.

50 Résistance à l’incendie des ponts routiers


4.5 - Vérifications à mener

4.5.1 - Vérification des capacités résistantes des sections


Les capacités résistantes des sections doivent être vérifiées pour que la structure puisse être justifiée.

Pour les  moments, les  valeurs maximales  sont plafonnées au moment plastique après redistribution des efforts. Il
convient de vérifier la ductilité et l’absence d’instabilité.

Pour les  efforts tranchants, à moins d’utiliser des modélisations complexes, ou pour certains types de structures
inhabituelles, il n’y a pas de redistribution possible.

4.5.2 - Vérification des rotations des éventuelles rotules plastiques


Lorsqu’une analyse plastique est utilisée, et que la  formation successive de rotules  plastiques n’entraîne pas de
mécanisme, il y a lieu de vérifier les rotations des rotules plastiques. Cette vérification peut être contraignante car
les déformations thermiques sont très importantes, vues les températures atteintes.

On trouve beaucoup d’éléments permettant de vérifier les rotations des rotules plastiques pour les éléments en béton.
L’Eurocode 2 partie 1-1 [13] y consacre un paragraphe entier (clause 5.6.3). De même toute la conception parasismique
suppose la formation de rotules plastiques, et les dispositions constructives contraignantes que l’on trouve permettent
d’atteindre de grandes valeurs de rotation admissible.

Globalement, un bon ordre de grandeur de la  rotation plastique admissible  consiste à multiplier la  courbure
plastique maximale, évaluée à l’aide de la loi « moment-courbure », par la longueur de la rotule plastique, évaluée
« expérimentalement ». Cette dernière est souvent une fraction (5 à 10 %) de la longueur entre la rotule et le point
de moment nul. On trouve aussi d’autres formules en référence à la hauteur des sections (en général 0,5 h jusqu’à h).
L’Eurocode 2 [13] donne directement des valeurs de la rotation maximale en fonction de la position de l’axe neutre
dans la section. On renvoie le lecteur aux documents du CETU, notamment la référence [4] qui contient une annexe
présentant toute la théorie des rotules plastiques.

Pour les structures métalliques, il y a peu d’éléments car l’acier est nettement plus ductile qu’une section en béton
armé, pour laquelle  c’est le  comportement fragile  du béton qui réduit la  ductilité. La  partie pont de l’Eurocode 3
[20] interdit l’utilisation d’une analyse plastique pour le  dimensionnement des ponts, mais laisse la  possibilité à
l’annexe nationale  [21] d’utiliser une telle  analyse pour les  situations accidentelles, ce qui est le  cas ici. L’annexe
nationale  ne donne pas d’élément particulier, et l’on peut donc considérer qu’une analyse plastique est possible,
suivant les  indications de l’Eurocode 3 partie 1-1 [18] à condition de réaliser un certain nombre de vérifications.
Le paragraphe 5.6 présente les exigences requises. Il n’y a pas comme pour les structures en béton de limite de rotation
donnée, mais plutôt des critères à vérifier pour que la ductilité des rotules soit suffisante.

L’Eurocode 3 autorise l’analyse plastique lorsque, d’une part, la  stabilité au droit de la  rotule  plastique peut être
assurée et que, d’autre part, ces barres ont une capacité de rotation suffisante. La première condition concerne pour
les bipoutres la condition de déversement qui doit être empêché pour assurer un comportement plastique suffisant.
La seconde condition est considérée comme vérifiée lorsque les sections sont de classe 1.

Lorsque les rotules se forment sur les sections sur appui des bipoutres mixtes, il est peu probable que l’analyse plastique
soit possible puisque ces sections sont rarement de classe 1 à cause de l’âme, et que la condition de déversement
est souvent déterminante. Par contre, lorsque la rotule est envisagée en travée, l’analyse plastique est totalement
justifiée (sections de classe 1 en général et semelle inférieure tendue sans risque de déversement).

4.5.3 - Cas particulier des ponts métalliques


Les  ponts métalliques sont dimensionnés soit en fonction de la  limite plastique des sections, soit en fonction
des  instabilités. Lorsqu’un incendie intervient sur une structure métallique, l’impact du feu est facile  à prendre en
compte lorsque les  éléments sont dimensionnés en plasticité  : il suffit d’intégrer les  caractéristiques réduites des
matériaux en fonction de la température. Par contre, lorsque la structure est dimensionnée vis-à-vis des instabilités,
la prise en compte des effets thermiques est plus délicate, puisque le dimensionnement aux instabilités fait à la fois
intervenir la limite d’élasticité de l’acier, mais aussi la rigidité de ce matériau. Or ces deux éléments n’évoluent pas
de la même manière avec la température, et en pratique la rigidité baisse plus rapidement que la limite élastique,
au moins au début. Il est donc probable qu’en situation d’incendie, le critère d’instabilité reste déterminant, voire
le devienne s’il ne l’est pas à froid. On trouvera toutes les démarches de justifications dans l’Eurocode 3, partie 1-2 [8].

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 51


Quelques exemples  de vérifications concernant les  structures habituelles  d’ouvrages métalliques et mixtes sont
développés ci-dessous.

4.5.3.1 - Résistance plastique des sections


La détermination de la résistance plastique des sections en fonction de la température est délicate, puisque les différents
éléments de la section ne sont pas à la même température. Afin de ne pas trop compliquer l’analyse, on négligera
complètement l’âme dans la détermination des moments résistants. L’âme apporte en général peu de contribution à
la résistance en flexion, donc ce n’est pas trop défavorable. Par contre, ceci permet d’une part de traiter de la même
manière les sections, qu’elles soient de classe 1, 2, ou 3 et d’autre part de ne pas tenir compte de l’interaction moment
de flexion-effort tranchant.

De la même manière, on néglige la participation des semelles, en général négligeable, dans la résistance à l’effort
tranchant des sections.

Une fois les résistances plastiques (moment et effort tranchant) et les éventuelles redistributions prises en compte,
il faut s’intéresser aux instabilités qui peuvent être plus déterminantes.

Pour un bipoutre mixte, plusieurs types d’instabilités, détaillés dans les paragraphes ci-dessous, sont à prévoir.

4.5.3.2 - Voilement local de l’âme


Lorsque l’âme est fortement comprimée (du fait des efforts de flexion de la section complète) et peu raidie, elle risque
de se voiler. Le voilement dépend du rapport entre la longueur de l’élément (hauteur de l’âme) et son épaisseur. Ceci
détermine en général la classe de la section. Le principe pour classer les sections est le même qu’en situation non

chauffée, mais en prenant le facteur égal à au lieu de . L’effet thermique apparaît directement
et forfaitairement dans le coefficient 0,85.

Globalement, avec ce changement, la classe des sections peut augmenter. Inversement, l’élancement c/t doit être
plus petit pour rester dans une même classe.

Comme il est déjà rare que les âmes de pont soient de classe 1 ou 2, en situation d’incendie, un comportement plastique
est d’autant moins possible si l’on considère l’âme. Il est donc conseillé de négliger complètement la présence de
l’âme pour évaluer les moments et rigidités en flexion. On peut dans ce cas considérer un comportement plastique
des sections (sauf celles en classe 4 cependant).

4.5.3.3 - Voilement de l’âme dû à l’effort tranchant


Lorsque l’âme est cisaillée par de l’effort tranchant, elle est soumise à des tractions et à des compressions inclinées
à 45°. Dans le sens de la compression, les risques de voilement sont réels et conditionnent souvent plus la résistance
de l’âme que la plasticité. Les différentes formules donnant l’effort tranchant résistant avant voilement de l’âme sont
rappelées ci-dessous, en ajoutant la dépendance à la température.

avec , et

: valeur de calcul de la résistance au voilement par cisaillement de l’âme

: limite d’élasticité

: module d’élasticité de l’acier de charpente à la température de l’âme

: coefficient partiel

  : hauteur de l’âme

: épaisseur de l’âme

  : facteur de réduction pour instabilité

52 Résistance à l’incendie des ponts routiers


  : élancement réduit de l’âme

  : cisaillement critique de voilement

  : coefficient de voilement sous cisaillement

: coefficient de Poisson

On voit que la dépendance de l’effort tranchant résistant varie de manière complexe avec la température. Si on néglige
la participation des semelles à la résistance à l’effort tranchant, cette valeur est à comparer à l’effort tranchant résistant

du fait de la plasticité, qui vaut :

La comparaison des deux efforts revient donc en pratique à la comparaison du facteur et de .

On donne sur la figure 38 la courbe et les courbes de variation de la limite élastique de l’acier et de son module à
l’origine, en prenant comme exemple une âme en acier S355 de 26 mm d’épaisseur, et une hauteur de 2,56 m avec
un espacement des raidisseurs transversaux supposés rigides de 8 m. On se rend compte que la rigidité diminue avant
la résistance. Le facteur baisse donc dans un premier temps. Puis la limite élastique baisse aussi et évolue
plus rapidement, ce qui fait que le facteur reste à peu près constant dans cette seconde étape. Par rapport au
cas sans incendie, la diminution du facteur est de l’ordre de 20 % au maximum, alors que dans le même temps
la limite élastique baisse considérablement. La présence de l’incendie accentue le risque de voilement de l’âme, mais
cela reste surtout l’effet de la diminution de la limite élastique qui est prépondérant.

Figure 38 : Courbes , fy(T)/fy, E(T)/E (température en abscisse)

4.5.3.4 - Déversement de la semelle inférieure comprimée


Contrairement à la  semelle  supérieure qui est connectée à la  dalle, et donc rigidement tenue latéralement,
la  semelle  inférieure n’est tenue latéralement que grâce aux entretoises courantes et sur appui. Comme elle  est
très comprimée sur appui, elle risque de flamber latéralement, ce qui représente, au niveau de la section globale,
un déversement de la section. Pour pouvoir utiliser une analyse plastique dans le comportement global et permettre
d’éventuelles  redistributions d’efforts, il faut éviter les  instabilités et donc le  déversement. Celui-ci est fortement
impacté par l’effet de la  température. On rappelle  ci-dessous les  différentes formules  qui permettent d’évaluer
le déversement, en ajoutant la dépendance à la température.

Le critère à vérifier est  :

 , facteur minimal d’amplification à appliquer aux sollicitations de l’ELU pour atteindre la résistance caractéristique
de la section transversale la plus sollicitée du tablier.

En situation d’incendie, on peut ramener le coefficient de sécurité à 1. Ecrit autrement, le critère devient :

où M est le moment sollicitant, avec les charges réduites et les effets des dilatations thermiques
Ed
à l’ELU accidentel. M Rd (T) est le moment résistant de la section avec prise en compte de la température.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 53


Cette écriture montre que l’utilisation d’une analyse globale plastique, avec redistribution des efforts suite à la formation
de rotules plastiques, n’est possible que si le coefficient vaut 1, c’est-à-dire si l’effort réel est très largement
inférieur à l’effort critique provoquant l’instabilité.

On a :

Avec :
• et pour une section de classe 1, 2 ou 3,

•  et défini dans le  tableau 6.3 de l’EC3-1-1 [18] (dans le  cas
courant d’un profilé en acier laminé à chaud) pour une section de classe 4,

Et

: facteur de réduction calculé pour l’élancement réduit

: f acteur minimal d’amplification à appliquer aux sollicitations de l’ELU pour atteindre la résistance
critique au déversement

Le moment résistant a déjà été déterminé auparavant. Par contre, le moment critique de déversement est nettement plus
difficile à calculer, puisqu’il fait appel à des calculs de mode de flambement qui dépendent de la rigidité des différents
éléments qui s’opposent au déversement (âme, entretoises, montants verticaux etc.). Or, tous ces éléments sont
d’épaisseurs différentes, donc sont chauffés différemment. Soit l’on peut déterminer les nouveaux moments critiques
de déversement avec l’effet de la température, soit on doit procéder en simplifiant le comportement, et en considérant
que toutes les rigidités sont réduites dans le même rapport. Il faut donc prendre la température de l’élément le plus
fin, qui est le plus chauffé, et considérer que l’affaiblissement de la température s’applique à tous les autres éléments.
On en déduit alors que :

Avec : : le module d’élasticité de l’acier en considérant la température maximale de la charpente

Au final, on peut évaluer le facteur et déterminer le moment maximal supporté par la structure.

4.5.3.5 - Flambement
Se reporter à l’article 4.2.3 de l’Eurocode 3, partie 1-2 [8].

5 - Exemples d’applications
Pour illustrer les méthodes présentées dans les paragraphes précédents, on étudie la vulnérabilité à l’incendie de trois
types d’ouvrages bien différents : pont en béton, bipoutre mixte et pont à haubans.

5.1 - Pont en béton


Le comportement à l’incendie des ponts en béton de faibles portées est relativement similaire à celui des tranchées
couvertes, qui font l’objet d’une réglementation stricte, surtout après l’incendie dans le tunnel du Mont Blanc en 1999.

La  réglementation des tunnels routiers nécessite des vérifications au feu sur des durées relativement longues (de
2 à 4 heures). Les tunnels et notamment les tranchées couvertes sont de bons exemples de vérification de résistance
au feu. On renvoie le lecteur vers les deux guides publiés par le CETU sur le sujet (références [3] et [4]), notamment
le second qui présente des méthodes de calcul non linéaire de structures en béton armé.

54 Résistance à l’incendie des ponts routiers


5.2 - Bipoutre mixte
Le cas des bipoutres mixtes est particulièrement intéressant, car ce sont des ouvrages très courants pour des gammes
de portées très larges. Ces ouvrages sont souvent situés au-dessus des autoroutes notamment lorsqu’une grande portée
doit être franchie. L’exemple est intéressant, car les structures métalliques sont très sensibles à l’incendie. C’est pour
cela que dans les bâtiments à ossature métallique, on protège quasiment systématiquement les poutrelles métalliques.

Dans le cadre d’une analyse de risques qui ne vise pas à établir la garantie d’une durée de résistance, mais à informer
les  gestionnaires d’ouvrages de la  sensibilité des ouvrages vis-à-vis du risque incendie, ou encore de classer ces
ouvrages par rapport à ce risque dans un but d’améliorer les plus critiques, il est intéressant d’établir objectivement
le comportement réel de tels ouvrages vis-à-vis de l’incendie.

5.2.1 - Description de l’ouvrage


L’ouvrage étudié ici est exactement celui décrit dans le guide d’application des Eurocodes 3 et 4 aux ponts routiers
[22], qui est donc complètement défini et dimensionné aux Eurocodes. Ceci permet d’offrir sur un même ouvrage
l’ensemble des justifications envisageables Il s’agit d’un bipoutre mixte à entretoises comportant 3 travées (60 m -
80 m - 60 m). On renvoie au guide cité précédemment pour plus de détails sur la géométrie de l’ouvrage. L’objectif
de cet exemple est simplement de permettre aux bureaux d’études de se recaler pour qu’ils puissent affermir leur
démarche de calculs sous feux normalisés. Ceci ne dispense pas de chercher à établir des scénarios de feu plus réalistes.

5.2.2 - Scénarios d’incendie


On va considérer quatre scénarios d’incendie distincts, deux se produisant sous l’une des travées de rive, et deux se
produisant sous la travée centrale. On considère pour les travées étudiées un incendie sous la mi-travée, ainsi qu’un
incendie près d’un des appuis. Compte tenu des grandes travées, il n’est pas raisonnable  en effet de considérer
un incendie sur toute la travée. On suppose donc que l’incendie se produit sur une longueur de 20 m ou 40 m. On
ne considèrera que la courbe CN – ISO 834, puisque l’on a vu précédemment que l’utilisation de la courbe HCM avec
des structures métalliques présente peu d’intérêt compte tenu de la faible résistance de ces structures vis-à-vis de
l’incendie.

5.2.3 - Comportement des sections


On considère un niveau d’analyse élevé, en utilisant les lois « moment-courbure » des 4 types de section présentes
sur l’ouvrage, et donc toutes les redistributions d’effort associées. Il conviendra cependant de vérifier que les efforts
tranchants résistants ne sont pas atteints, que les  rotations plastiques admissibles  ne sont pas dépassées et que
les moments maximums avec prise en compte du déversement ne sont pas non plus dépassés.

5.2.4 - Résultats et conclusion

5.2.4.1 - Effort tranchant


On considère un cas de chargement avec 50 % des charges fréquentes (UDL sur les travées 1 et 2, et TS au milieu de
la travée centrale). On représente sur la figure 39 la courbe des valeurs absolues des efforts tranchants (« T ») ainsi
que la courbe des efforts tranchants résistants, avec prise en compte de la température, à différents instants et pour
la courbe CN – ISO 834. Il est à noter que c’est le voilement sous cisaillement qui est dimensionnant par rapport à
l’effort plastique de l’âme, et que ceci est amplifié par l’incendie.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 55


Figure 39 : Effort tranchant sollicitant, et efforts tranchants résistants à plusieurs instants le long de l’ouvrage

On se rend compte que l’effort tranchant résistant chute assez rapidement et passe sous l’effort tranchant sollicitant
sur appui au bout de 20 minutes sous la courbe CN – ISO 834. Néanmoins, le dépassement est ponctuel et on ne tient
pas compte des réductions d’effort tranchant sur appui, et de la possible contribution de la dalle (0,5 MN). Néanmoins,
au bout de 25 minutes, il ne reste plus que les mi-travées qui restent justifiées vis-à-vis de l’effort tranchant.

On peut considérer que si l’âme se voile, il reste une part de résistance possible  après voilement (comportement
post-flambé). On peut supposer qu’il y a peu de chance qu’il y ait un incendie majeur sous un ouvrage à un endroit
où l’âme présente un défaut initial non négligeable mais l’on peut aussi considérer que l’incendie génère un défaut
initial s’il y a une différence de température entre les deux parois de l’âme.

Néanmoins, ceci ne modifie que très peu la conclusion car la résistance plastique de l’âme sans voilement devient
elle aussi rapidement insuffisante, dès que l’on dépasse 25 minutes d’incendie sous la courbe CN – ISO 834. De plus,
il faut signaler que la résistance de l’âme au voilement tient compte de l’effet favorable des montants verticaux, dont
les éléments présentent des épaisseurs de 20 et 30 mm, donc du même ordre de grandeur que l’âme. Leur rigidité et
résistance sont donc aussi fortement réduites, mais il est quasiment impossible de déterminer comment cela modifie
l’effort tranchant résistant avant voilement de l’âme. Quoi qu’il en soit cela montre que le voilement de l’âme reste
sans doute le phénomène initiateur de la ruine de l’ouvrage.

La conclusion est que l’ouvrage résiste à l’incendie 20 minutes lorsque l’incendie a lieu près des appuis, et un peu plus
(30 minutes) à mi-travée. La perte de résistance est due à une instabilité par voilement de l’âme, et les redistributions
ne fonctionnent pas puisque l’ouvrage est incapable de reprendre une travée complète en console (le moment sur
l’autre appui est multiplié par 6 environ, alors qu’il n’y a qu’une marge de 2 à l’ELU accidentel). Lorsque la rupture a
lieu à mi-travée, l’ouvrage continue de fonctionner, mais avec une rupture de pente à mi-travée. Cependant, dès que
l’on s’éloigne d’une vingtaine de mètres de la mi-travée, le fonctionnement mécanique après disparition de l’âme
n’est plus garanti, car la dalle ne parvient pas à reprendre l’effort tranchant et à compenser la perte de l’âme.

5.2.4.2 - Moment fléchissant


Le  comportement en moment fléchissant est nettement plus favorable. Ceci s’explique facilement puisque
les semelles sont nettement plus épaisses que l’âme (épaisseur de 40 mm – 55 mm – 80 mm et 120 mm alors que
l’âme ne fait que 18 et 26  mm). Compte tenu du fait que la  ruine de l’âme est le  phénomène déterminant dans
le comportement sous incendie de l’ouvrage, on ne représente ici que deux scénarios réalistes, à titre illustratif, ainsi
qu’un scénario maximaliste consistant à placer l’intégralité du pont dans l’incendie.

Le premier scénario consiste à placer l’incendie sous la travée centrale, sur une longueur de 40 m centrée sur la mi-
travée. On représente sur la figure 40 les résultats obtenus avec la courbe CN – ISO 834 au bout de 35 minutes (soit
10 minutes de plus que la résistance à l’effort tranchant le permet).

On représente sur une même courbe la  déformée, les  moments dans l’ouvrage, ainsi que les  moments résistants
extrêmes prenant en compte, le cas échéant, l’effet des températures.

56 Résistance à l’incendie des ponts routiers


On constate que les moments sont négatifs dans quasiment tout l’ouvrage, y compris au milieu de la travée centrale.
Ceci est lié à l’effet des dilatations thermiques, et notamment du gradient thermique négatif (fibre inférieure chauffée)
qui crée un moment négatif sur toute la travée centrale du fait des effets hyperstatiques. Par contre, la déformée de
la partie chauffée a une courbure orientée vers le haut, ce qui traduit le fait que la courbure thermique imposée (effet
du gradient thermique) positive a un effet supérieur à la courbure mécanique négative du fait du moment négatif.
De plus, la structure est plus souple dans la zone chauffée donc les courbures sont plus fortes bien que les moments
ne soient pas très importants.

On constate que le moment résistant minimum est atteint aux abscisses x = 87 m et x = 114 m qui correspondent au
changement d’épaisseur des semelles (de 55 mm à 40 mm). Des rotules plastiques se forment dans cette zone, et se
traduisent par des ruptures de pente sur la déformée. Les rotations sont largement vérifiées, mais comme le moment
est négatif, il est difficile de s’assurer s’il y a ou non déversement (les semelles inférieures sont comprimées, bien
qu’elles se soient allongées globalement du fait de la dilatation thermique).

Figure 40 : Courbe de moments fléchissants pour un incendie au milieu de l’ouvrage entre les abscisses 80 m et 120 m (mi-travée à x=100 m)

Le second scénario consiste à placer l’incendie près de l’appui, sur la travée centrale, sur une longueur de 20 m à partir
de l’appui. On représente sur la figure 41 les résultats obtenus avec la courbe CN – ISO 834 au bout de 35 minutes
(soit 15 minutes de plus que la résistance à l’effort tranchant le permet dans cette zone).

Figure 41 : Courbe de moments fléchissants pour un incendie près d’un appui entre les abscisses 60 m (appui) et 80 m

Les sections chauffées ayant des épaisseurs plus élevées qu’à mi-travée, la température est moins élevée, et donc
la réduction des résistances du fait de la température moins forte. Les moments résistants ne sont pas atteints, mais
il ne faut pas que la section soit plus chauffée encore. En moment, on reste élastique, mais on a vu précédemment
que la rupture est déjà survenue du fait de l’effort tranchant.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 57


Le dernier scénario consiste à placer l’incendie sur tout l’ouvrage, bien que ce scénario soit irréaliste. On représente
sur la figure 42 les résultats obtenus avec la courbe CN – ISO 834 au bout de 35 minutes.

Figure 42 : Courbe de moments fléchissants pour un incendie sur tout l’ouvrage

Le calcul a beaucoup de difficultés pour converger. La courbe de moment peine à ajuster les efforts hyperstatiques de
sorte d’être à l’intérieur de la zone autorisée et en pratique n’y arrive pas (discontinuité de moment aux abscisses
87 m et 114 m, moment constant sur les 30 m au centre ce qui n’est physiquement pas possible). Les déformées sont
très grandes (plusieurs mètres), et la stabilité n’est pas assurée. Ce scénario illustre le mode de ruine où l’on épuise
l’hyperstaticité de la structure pour former un mécanisme qui ne parvient pas à reprendre les efforts.

En conclusion, mis à part le scénario catastrophe et irréaliste où les 200 m de pont sont chauffés, l’ouvrage arrive assez
bien à accepter des durées d’incendie de 35 minutes et sans doute au-delà, moyennant la formation de rotules plastiques
et la vérification des rotations de celles-ci. Néanmoins, les moments sont négatifs sur quasiment toute la longueur
du pont, et compte tenu des réductions de caractéristiques mécaniques, le déversement peut se produire partout. Il
est très difficile voire impossible de l’appréhender complètement. On restera donc prudent sur la durée de résistance
en flexion de l’ouvrage.

5.2.4.3 - Conclusion générale


Le bipoutre présenté ici a une résistance vis-à-vis de l’incendie de 20 à 25 minutes, à cause principalement de l’effort
tranchant. Les capacités en moment de flexion sont légèrement plus élevées (à condition de supposer que les poutres
ne déversent pas), mais sans intérêt. Le point faible des bipoutres est donc principalement l’âme qui est très fine en
général.

5.3 - Pont à haubans


La modélisation d’un pont à haubans soumis à un incendie est un exercice délicat. On commence dans un premier
temps à analyser le comportement d’un hauban, soumis sur une certaine longueur, à un incendie.

Les  conditions aux limites des haubans ne peuvent pas se simplifier aisément, puisque l’extrémité côté tablier
du câble  n’est ni soumise à une force constante, ni un déplacement constant car la  rigidité du tablier intervient.
Néanmoins, si l’on considère le tablier suffisamment rigide dès lors que peu de câbles seulement sont touchés par
l’incendie, alors on peut pratiquement considérer que la longueur totale du câble (incluant les effets thermiques et
mécaniques) ne varie pas.

Avant l’incendie, le  câble  est soumis à une certaine contrainte. On prend sp = 0,3 fpk = 558 MPa pour l’exemple.
La  déformation mécanique est égale  à  :  %. Si le  câble  a une longueur totale  de Lc = 100 m,
sa déformation initiale totale est de 28,6 cm.

Lorsque l’incendie se produit, une déformation longitudinale thermique apparaît sur une longueur Lf correspondant
à l’influence de l’incendie. La contrainte reste constante le long du câble et le déplacement total de l’extrémité est
le même qu’en configuration initiale.

58 Résistance à l’incendie des ponts routiers


On a donc :

et soit si on suppose que la limite élastique n’est pas atteinte :

Il vient donc : d’où

Ceci est bien entendu une approximation au sens où l’on suppose le comportement linéaire ce qui n’est pas le cas
rigoureusement dès que le câble est chauffé.

La figure 43 donne l’évolution des différentes déformations données ci-dessus avec le temps dans le cas favorable sans
convection et avec rayonnement sur seulement les 2/3 du périmètre. Le câble fait 100 m de long, et sa partie chauffée
représente 30 m. On suppose qu’il est tendu à 30 % de sa limite à la rupture en situation accidentelle (charges réduites).

Figure 43 : Cas d’un hauban chauffé par l’incendie. Déformations pour la courbe CN – ISO 834 avec rayonnement seul sur 2/3 du périmètre.
Portion de 30 m de câble chauffée par rapport à une longueur totale de 100 m.

On se rend compte que du fait de la forte dilatation du câble dans la partie chauffée, la déformation dans la partie non
chauffée («eps méca froid») diminue, et donc l’effort aussi. On perd la moitié de l’effort initial au bout de 30 minutes,
et le câble est complètement détendu au-delà de 50 minutes.

Si l’on considère l’incendie très localisé, alors la tension du câble n’évolue pas dans la partie non chauffée. C’est donc
la résistance des haubans qui conditionne la résistance globale. En pratique, la résistance résiduelle est de 30 % de
la résistance initiale au bout de 30 minutes. Il y a donc potentiellement disparition du câble au bout de 30 minutes.

Chapitre 2 - Résistance d’un ouvrage pendant l’incendie 59


Les  conclusions sont donc assez similaires que l’incendie soit localisé ou étendu. Le  mode de rupture semble  plus
brutal si l’incendie est localisé (ce qui rejoint l’expérience puisque l’on sait que si l’on chauffe localement un câble au
chalumeau, il se rompt brutalement) que s’il est étendu (détension en douceur). Par contre, si c’est l’effort qui reste
constant dans le câble et non le déplacement total, alors la rupture est brutale dans les deux cas.

Si l’on considère le câble complètement entouré des fumées de l’incendie, alors les durées de 30 minutes sont ramenées
à 20 minutes. Sous un feu HCM, les durées ne dépassent pas les 10 minutes même si le câble est un peu éloigné de
l’incendie (pas de convection et rayonnement sur 2/3 du pourtour).

La conclusion globale de cette analyse est qu’il est peu utile de réaliser des calculs complexes sous sollicitation d’incendie
pour les ponts à câbles (haubans, ponts suspendus) sauf si le diamètre du câble est suffisamment important (plus de
40 cm, ce qui est rarement le cas) auquel cas l’inertie thermique du câble apporte une durée non négligeable. Il faut
supposer que le hauban dans l’incendie disparaît assez rapidement.

La tenue d’un pont à haubans par rapport à un incendie va dépendre du nombre de haubans sollicités par l’incendie, et
donc de l’interdistance entre ancrages des haubans, et de la capacité de l’ouvrage à supporter la rupture de plusieurs
haubans le cas échéant. Si l’on utilise la courbe CN – ISO 834, l’emprise de l’incendie est d’environ 20 m dans le sens
longitudinal et 20 m en hauteur. Si l’on utilise la courbe HCM, la hauteur peut être portée à 40 m.

Pour un pont suspendu, le même type d’analyse peut être mené sur les suspentes si le câble porteur n’est pas dans
l’incendie. S’il est susceptible d’être concerné par l’incendie, et que son diamètre n’est pas suffisamment important pour
retarder la montée en température, alors l’ouvrage a peu de chance de résister à l’incendie sans protection adaptée.

60 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Chapitre 3 

Gestion d’un ouvrage incendié


1 - Aspects juridiques
Lors d’un incendie comme lors de tout accident qui porte atteinte à l’intégrité d’une infrastructure, le maître d’ouvrage
tentera de se faire indemniser pour le préjudice subi.

Ceci a des conséquences notables  sur l’organisation des phases techniques d’auscultations, de surveillance et de
mise au point du projet de réparation dans la mesure où les interventions effectuées sur l’ouvrage doivent, tout au
long du processus, préserver les droits du maître d’ouvrage et, autant que possible, permettre un règlement rapide
de la situation.

1.1 - Mise en sécurité de l’ouvrage


Le gestionnaire doit prendre les mesures immédiates pour évaluer l’état de l’ouvrage et s’assurer du niveau de service
résiduel et prendre les éventuelles mesures d’exploitation adaptées : restriction de circulation, fermeture de l’ouvrage
si son état met en danger la sécurité des personnes (risque de rupture, barrière de sécurité endommagées, etc.).

1.2 - Recherches de responsabilités


Deux cas de figures principaux sont à distinguer :
• l’incendie volontaire ;
• l’incendie accidentel (notamment celui provoqué par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité
imposée par la loi ou le règlement – art 322-6 code pénal).

L’incendie volontaire :
Dans le cas d’un incendie dont l’origine est vraisemblablement criminelle, il faut permettre aux officiers de police
judiciaire de recueillir tous les éléments sur les lieux du sinistre pouvant permettre de retrouver l’auteur de l’incendie.
Aussi, il est recommandé aux techniciens de n’intervenir qu’une fois que la police les y aura autorisés.

L’incendie accidentel (notamment celui provoqué par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité
imposée par la loi ou le règlement) :

Dans le  cas d’un incendie consécutif à la  survenue d’un accident comme l’incendie d’un véhicule  stationné sous
un pont, le maître d’ouvrage cherchera à recouvrer le montant des frais relatifs à la remise en état de l’ouvrage auprès
du propriétaire du véhicule en cause. S’il est assuré, l’assureur pourrait se subroger dans les droits de son assuré et
prendre en charge la réparation des dommages causés à l’ouvrage. De même, le gestionnaire peut tenter de se faire
indemniser pour les  préjudices qu’il aura subis sur ses propres infrastructures (glissières de sécurité, panneaux de
signalisation, etc.) ou pour le  coût des mesures d’exploitation qu’il aura dû mettre en œuvre (déviations, mise en
place d’alternats, etc.).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 61


1.3 - Préserver ses droits
Tout au long du processus d’investigations, de mise au point du projet, le  maître d’ouvrage ou les  gestionnaires
concernés doivent veiller à préserver leurs droits ultérieurs :
• les constats doivent commencer dès l’accident déclaré (si possible), être rigoureux, être accompagnés de photographies
et, être retranscrits dans un procès-verbal dressé par un agent assermenté ou par un huissier de justice ;
• les rapports des pompiers et des forces de l’ordre sont très utiles à la compréhension des faits générateurs et même
des conséquences structurales (selon la durée de l’incendie par exemple), il est donc important de les conserver ;
• si les mesures d’urgence sont évidemment prises sans délai, sous la responsabilité exclusive du gestionnaire de
l’ouvrage, les interventions ultérieures sur ouvrage qui pourraient altérer le niveau de la preuve doivent être faites
avec l’accord des parties adverses ou de l’expert nommé par le tribunal ;
• les rapports d’inspections de l’ouvrage, les plans, les rapports des différents experts techniques seront à disposition
des parties ;
• les communications au public et aux tiers doivent être gérées avec soin.

Toutes les décisions prises doivent être traçables et tous les documents doivent être archivés avec soin.

1.4 - Niveau et étendue de la réparation


Indépendamment de la recherche des responsabilités, l’étendue ou le périmètre de la réparation est le second problème
« technico-juridique » à régler avec les différentes parties. Le principe général est celui d’une remise « en l’état »
existant avant l’incendie et non pas d’une remise « en état » ; cependant, le maître d’ouvrage peut être amené à
réaliser des travaux que, autrement, il n’aurait pas dû réaliser. Il n’est par ailleurs pas toujours facile de fixer l’état
de référence avant incendie.

Dans le cas des ouvrages métalliques, il a été montré, lors de l’incendie du pont Mathilde à Rouen, l’intérêt du relevé
laser-topographique 3D pour fixer le périmètre des parties affectées et donc le périmètre de la réparation, en référence
aux normes sur les tolérances de déformations acceptables. Les auscultations des matériaux complètent et confirment
le contexte global des dégradations. La réparation d’un ouvrage métallique est, en principe, souvent possible mais
elle est conditionnée par les possibilités d’intervention in-situ ou de dépose de l’ouvrage.

Dans le  cas des ouvrages en béton armé, si seules  des réparations superficielles  sont nécessaires, elles  sont alors
relativement faciles  à circonscrire in-situ . Si les  structures sont endommagées plus profondément, un projet de
réparation voire de reconstruction doit être mis au point.

Dans le cas des ouvrages en béton précontraint, il peut vite s’agir de grosses réparations structurales : renforcement
par précontrainte additionnelle, remplacement de tout ou partie d’un tablier suivant les possibilités. Comme il n’est
pas aisé de déterminer l’étendue des dégâts, a priori , sans investigations détaillées, il faut ici être particulièrement
réservé sur les suites à donner en l’absence d’investigations complètes.

Dans tous les  cas, les  réparations et interventions nécessaires sur les  éléments accessoires, les superstructures et
les chaussées sont à circonscrire avec soin car elles peuvent s’étendre sensiblement au-delà des ouvrages concernés
ou être découvertes trop tard.

2 - Aide à la compréhension des phénomènes physiques en jeu


2.1 - Vulnérabilité des différents matériaux

2.1.1 - Cas des ponts métalliques


La vulnérabilité est forte pour les structures en acier qui sont en général directement exposées aux flammes du fait
de la sensibilité de ce matériau vis-à-vis des hautes températures (abaissement des caractéristiques et déformations).

Pour les  structures en alliages d’aluminium comme les  structures porteuses de signalisation verticale  (PPHM),
la vulnérabilité est extrêmement forte et les structures incendiées sont le plus souvent irrécupérables.

62 Résistance à l’incendie des ponts routiers


2.1.1.1 - Importance des déformations et estimation de la température maximale atteinte
Afin d’apprécier la gravité d’un incendie survenu au droit d’une structure en métal, il est primordial d’évaluer, en premier
lieu, les déformations de la structure qui peuvent traduire l’apparition de plastifications locales au cours de l’incendie.

Les effets thermiques ont pu aussi engendrer des contraintes très élevées dans les pièces dont les déformations sont
empêchées. Les  plastifications durant l’incendie peuvent être aussi à l’origine de concentrations de contraintes. Il
peut en résulter des pliures ou des déchirures au pied de certains cordons de soudure, ou au sein de certaines tôles,
notamment les  tôles  assemblées par boulons ou rivets. La  capacité portante de la  structure risque d’en être alors
gravement réduite, même une fois refroidie. C’est pourquoi les fissures, pliures et déchirures doivent être recensées
et leurs effets analysés. C’est l’objet des investigations décrites au paragraphe 3.3.3.6.

Afin d’évaluer les caractéristiques mécaniques résiduelles de l’acier, il peut s’avérer utile d’évaluer les températures
maximales atteintes au sein de ses différents éléments constitutifs ainsi que l’étendue de la zone affectée.

L’ordre de grandeur des températures atteintes peut être obtenu à partir de l’état des différentes couches de peintures ;
notamment pour les ouvrages protégés par une peinture anti-corrosion à base de minium (oxyde de plomb rouge) qui a
la propriété d’avoir un point de fusion (décomposition) de 500 °C, suffisamment élevé pour être significatif. En l’absence
de minium, produit qui n’est plus utilisé depuis le milieu des années 80 en raison de sa toxicité, les constatations
in situ resteront limitées.

La photo 5 indique par ses zones de couleurs noire, grise ou blanche les zones de métal dont la température est restée
très en deçà de 500 °C. Seules les zones faiblement étendues en orange se sont approchées de 500 °C.

Photo 5 : Multipoutre mixte – La présence de minium indique que la température est globalement restée inférieure à 500 °C

Cette estimation des températures maximales atteintes permet, sur la base d’éléments disponibles dans la littérature,
d’évaluer l’impact sur la limite élastique et la résistance ultime obtenues après refroidissement. On trouvera en annexe 3
des tableaux de photographies de plaques métalliques revêtues de différentes protections anticorrosion, qui ont été
chauffées vingt minutes au four à différentes températures. En première approche, ces tableaux peuvent fournir des
indications précieuses.

2.1.1.2 - Les caractéristiques métallurgiques après l’incendie


Des essais dont les  résultats ont été présentés dans le  Fire Safety Journal [23] ont montré que des traitements
thermiques, d’une durée de 4 heures et inférieurs à 600 °C avec refroidissement à l’air libre, avaient peu d’effet sur
les caractéristiques mécaniques obtenues après refroidissement à température ambiante (ces essais ne concernent
pas des aciers thermomécaniques).
L’attention est toutefois attirée sur le fait que les conditions de refroidissement peuvent influencer ces résultats, avec
un risque de trempe métallurgique. Cependant, cette trempe est relativement théorique car les  moyens d’action
des pompiers ne sont en général pas en mesure de la provoquer sur la structure proprement dite pour les ponts.
À ce titre, c’est le foyer qui doit être combattu en priorité en évitant par précaution d’asperger le pont.
Après un échauffement dépassant 700 °C, on redoute une diminution de la résilience en cas de trempe (augmentation
de la température de transition à 27 J de la résilience KV), plutôt qu’une diminution de la résistance à la traction et de

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 63


la limite élastique ce qui rend en pratique l’acier cassant après refroidissement, en particulier par basses températures
en hiver. On peut être ainsi amené à chauffer la charpente après un incendie pour éviter que sa température descende
en dessous d’une certaine température (par exemple 5 °C dans le cas du chauffage provisoire du pont Mathilde) en
attendant d’avoir vérifié la  qualité résiduelle  de l’acier par des essais de dureté, des répliques métallographiques
ou des essais Charpy. La  mesure de la  dureté Vickers et les  répliques métallographiques font partie d’un standard
américain d’évaluation des réacteurs chimiques en chaudronnerie ayant subis des surchauffes : API 579 part 11 «fire
damage» [24].

Le risque de perte des caractéristiques mécaniques apparaît dès 500 °C pour les aciers thermomécaniques quelle que
soit leur limite élastique.

Influence de la température maximale en fonction de l’état de livraison de l’acier


Les caractéristiques mécaniques des aciers dépendent de leur composition chimique et du traitement thermique qu’ils
ont subi lors de leur élaboration.
L’état de livraison des aciers de structure indique quel type de traitement thermique le produit a ainsi subi. Il existe
quatre états de livraison :
• brut de laminage (+AR) ;
• normalisé (+N ou N) ;
• thermomécanique (+M ou M) ;
• trempé-revenu (Q).
Les aciers structurels trempés-revenus ne sont pas utilisés en ouvrages d’art.
Au cours de l’incendie, la composition chimique n’est en général pas affectée et les éléments qui peuvent induire
un comportement mécanique différent de l’acier avant et après l’incendie sont les suivants :
• l’état de traitement thermique de l’acier ;
• la température maximale atteinte au cours de l’incendie ;
• la vitesse de refroidissement de l’acier.
Pour les aciers bruts de laminage et normalisés, on peut distinguer la température maximale atteinte par l’acier au
cours de l’incendie suivant que celle-ci dépasse ou ne dépasse pas 1000 °C environ.
En dessous de cette température, l’effet pourra être considéré comme neutre pour les aciers normalisés et brut de
laminage car leurs caractéristiques mécaniques, en dehors de leur composition chimique, vont être très dépendantes
de leur taille de grain. Or on peut considérer que la taille de grain ne va croitre de façon significative qu’à partir de
1000 °C environ. Les aciers ayant subi une élévation de température au-dessus de 1000 °C verront en revanche chuter
leur limite élastique, leur limite à la rupture et leur résilience.
Les  aciers thermomécaniques regroupent tous les  aciers de structure, en dehors des aciers trempés-revenus, qui
présentent des caractéristiques qui ne peuvent être obtenues ou conservées par un traitement thermique seul.
La  température à partir de laquelle  l’acier va perdre de manière irréversible  ses caractéristiques mécaniques au
cours de l’incendie va dépendre du traitement réellement subi par l’acier lors de son élaboration et celui-ci est très
dépendant du producteur.
Pour ces aciers, la température à partir de laquelle les caractéristiques mécaniques vont être affectées est très
inférieure à 1000 °C, et cette température varie d’un acier à l’autre. Ainsi la norme NF EN 10025-4 [25] indique que
les caractéristiques mécaniques peuvent être altérées à partir de 580 °C alors que le fascicule FD CEN TR 10347 [26] indique
que les opérations de traitements de formage à chaud « ne sont pas envisagées » sur les aciers thermomécaniques.
Une  analyse spécifique est nécessaire après incendie pour s’assurer des performances mécaniques résiduelles de
ces aciers.

Influence de la vitesse de refroidissement de la structure


A température ambiante, l’acier présente une micro-structure d’équilibre de type ferrito-perlitique. Lorsqu’il est porté
au-delà de 725  °C, cette structure se transforme au moins partiellement en austénite. Lors de l’opération inverse,
l’austénite va se transformer en structure ferrito-perlitique sauf si la  vitesse de refroidissement est telle  que
la réorganisation de la structure n’a pas le temps de se produire. De nouvelles micro-structures apparaissent alors
suivant la vitesse de refroidissement : bainite ou martensite. Ces micro-structures sont très fragiles et doivent donc
être évitées.
La vitesse de refroidissement dépend de la température maximale atteinte et de la puissance de refroidissement du
milieu environnant. S’il n’y a pas de risque pour une exposition à l’air libre, la projection d’eau sur la structure pour
éteindre l’incendie peut amener à se poser la question. Cependant, pour des aciers de structures classiques, la vitesse
de refroidissement nécessaire pour que la formation d’une structure fragile au moins partiellement puisse se produire,

64 Résistance à l’incendie des ponts routiers


est de l’ordre de 15 secondes pour passer de 800 à 500 °C. Ce niveau de refroidissement ne peut pas être atteint à
cœur pour une structure massive en milieu ouvert.
On rappelle ci-dessous les différentes micro-structures des aciers et fontes en fonction de la température.
Le pourcentage de carbone des aciers courants de charpente est de l’ordre de 0,2 %.

Figure 44 : Diagramme fer/carbone (abscisse : pourcentage de carbone, ordonnée : température)

2.1.2 - Cas des ponts en béton armé

2.1.2.1 - Eclatement et écaillage du béton


Lorsqu’un incendie se développe près d’une paroi de béton, deux phénomènes proches peuvent conduire à de la perte
de matière au niveau du béton : l’éclatement et l’écaillage. Ces deux termes peuvent être définis assez précisément [3].

L’éclatement désigne le mécanisme par lequel les parements en béton perdent une partie de leur béton de surface
(cf. photo 6). Il s’agit de morceaux de béton qui se détachent au cours de l’agression par le feu, souvent dans les zones
les plus chauffées et les moins confinées, telles que, par exemple, les angles inférieurs de la retombée rectangulaire
d’une poutre de plancher ; on constate alors que des morceaux significatifs de section triangulaire se détachent
mettant à nu l’armature latérale du premier lit d’aciers. Ces morceaux sont assez gros et peu nombreux. Ils résultent du
détachement de la zone d’enrobage non armée située dans l’angle de section. Les morceaux détachés ne proviennent
jamais du volume intérieur à la cage d’armatures. Ils sont d’autant plus gros que l’enrobage des aciers est important.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 65


Photo 6 : Eclatement Photo 7 : Ecaillage

L’écaillage consiste en un détachement progressif et continu de très petits morceaux de béton qui sont expulsés avec
force du parement exposé au feu ( cf. photo 7). Ces morceaux ont la particularité d’être de très faible épaisseur (quelques
millimètres) et très aplatis (leurs dimensions perpendiculaires à l’épaisseur sont de l’ordre de quelques centimètres).
Ces morceaux sont très nombreux et sont assimilables  à des copeaux minces qui se détachent successivement en
grand nombre et sur des surfaces très étendues en proportion de leur taille. L’épaisseur de béton diminue donc par
fines écailles, pour atteindre des valeurs de plusieurs centimètres, voire dizaines de centimètres. Ce phénomène
se rencontre principalement lorsque les  sections de béton sont soumises à de fortes montées en température (ce
qui est le cas quand la courbe HCM est utilisée) ou bien lorsque le béton est peu poreux (cas des BHP). A l’inverse,
des bétons formulés avec des fibres organiques résistent bien à ce phénomène. La manifestation de ce phénomène
dépend de caractéristiques telles que la composition du béton et ses propriétés associées (notamment sa porosité et
sa teneur en eau), sa géométrie et son état de contrainte. En général, pour les bétons courants, elle peut commencer
dès les premières minutes de l’incendie et s’arrêter au bout de 30 min, il s’agit de l’écaillage explosif. Dans le cas
rare d’une montée en température très lente (quelques degrés par minute), elle ne commence qu’à partir d’un certain
temps d’exposition et se poursuit continûment tant que l’incendie n’est pas maîtrisé, à une vitesse quasi-constante.
L’épaisseur de la pièce diminue alors progressivement et de façon quasi proportionnelle au temps.

Le processus d’écaillage provient du couplage de phénomènes thermo-hydriques et thermo-mécaniques des sections :

Phénomènes thermo-hydriques :
Dans la zone de béton fortement chauffée, l’eau s’évapore. Un gradient de vapeur d’eau se crée vers l’intérieur du
béton. Lorsque la vapeur arrive dans des zones plus froides, elle se condense. L’eau qui se forme vient occulter les pores
du béton et crée un bouchon qui empêche la vapeur d’eau de migrer vers l’intérieur du béton. La pression monte,
le béton se met en traction pour compenser cette pression jusqu’à ce que la pression soit trop grande. Le béton cède
et une écaille se décolle. On voit bien que la porosité du béton, le taux initial d’humidité et l’importance des gradients
de température jouent un rôle dans le phénomène. Ensuite le processus se répète identique à lui-même.

Phénomènes thermo-mécaniques :
L’élévation non uniforme de la température au sein du béton génère des dilatations différentielles entre la peau et
le cœur du béton, à l’origine d’autocontraintes qui favorisent l’écaillage du béton (compression au niveau de la peau).
La  présence d’une cage d’armature ne modifie pas significativement le  phénomène sauf si les  barres d’acier sont
d’un diamètre tel qu’elles constituent un obstacle physique à l’expulsion du béton qu’elles masquent. Elles permettent
alors de limiter le phénomène aux zones non masquées par les barres. En revanche, les aciers de petit diamètre ne
permettent pas d’escompter d’effet de ralentissement significatif de l’enlèvement progressif de matière. On note
que les aciers dégarnis sont en contact direct avec l’incendie, ils perdent alors toute leur résistance. D’un point de
vue réglementaire, seul le terme d’éclatement est employé (instruction technique annexée à la circulaire 2000-63
[27] [28], DTU FB [12], Eurocode 2 partie 1-2 [10] [11]). Il recouvre alors les deux phénomènes présentés ci-dessus.
Le terme d’écaillage est fréquemment employé dans la littérature. Pour le dimensionnement, les termes d’écaillage
et d’éclatement peuvent être utilisés indifféremment car ils conduisent l’un et l’autre à une perte de matière qu’il
faut pouvoir prendre en compte dans le  calcul, thermique d’une part (modification des conditions aux limites) et
mécanique d’autre part (réduction de section) [3].

L’écaillage reste difficile à évaluer et il n’existe pas de texte ou d’étude permettant de le quantifier dans le cas général.
On reste toujours sur le résultat d’essais à réaliser au coup par coup. Néanmoins, le phénomène est généralement
limité pour les bétons ordinaires soumis à la courbe CN – ISO 834.

66 Résistance à l’incendie des ponts routiers


2.1.2.2 - Aciers d’armature du béton
Les aciers d’armature du béton, selon leur nature et leur date de mise en œuvre, peuvent présenter une plus grande
variété d’états de livraison qui n’apparaissent pas, contrairement aux aciers de structure, dans la  dénomination
des produits.
À l’exception des plus anciennes armatures du béton armé non adhérentes, les armatures du béton se présentent sous
forme écrouie (produits issus de l’empreintage, de l’étirage ou du tréfilage, voire du torsionnage pour des produits
plus anciens), trempé-autorevenu ou trempé-revenu.
Tous ces états de livraison sont sensibles à des élévations de température bien inférieures à 1000 °C. Ainsi, le processus
de recristallisation antagoniste à l’effet d’écrouissage se produit à des températures inférieures à 500 °C.

2.1.2.3 - Vulnérabilité des ponts en béton armé


L’expérience montre que la vulnérabilité est faible.
• il est conseillé de vérifier l’épaisseur écaillée de béton dans la zone la plus touchée (sur les zones plates et non
les angles) afin d’estimer l’enrobage résiduel des aciers. Si l’enrobage reste supérieur à 3 cm et que la durée d’incendie
est inférieure à 1 heure, il est probable que la structure ne soit pas endommagée. En effet, si les armatures restent
enrobées, leur température n’a pas dépassé les  450  °C, les  armatures devraient conserver leur limite élastique.
L’état limite ultime ne devrait pas être entamé ;
• il est conseillé également d’observer les arêtes épaufrées. Si du béton est susceptible de tomber, il est nécessaire
de purger ;
• si l’enrobage des armatures est inférieur à 3 cm après incendie ou si la durée d’incendie est supérieure à 1 heure, il
est en général nécessaire de poursuivre la réflexion pour pouvoir envisager une réouverture à la circulation (analyse
des plans de ferraillage, pourcentage d’aciers concernés, type d’armature, etc.). A noter que, pour les  ouvrages
anciens, l’enrobage avant incendie dépasse rarement 3 cm.

2.1.2.4 - Impact sur la durabilité des ouvrages en béton


L’élévation de la température du béton lors d’un incendie entraîne un certain nombre de transformations physico-
chimiques et microstructurales qui vont alors conduire à un changement des propriétés mécaniques et de transfert.
Ces transformations physico-chimiques concernent aussi bien la matrice cimentaire que les granulats du béton.
Mais il s’agit principalement du départ de l’eau libre et de l’eau liée contenues dans la matrice cimentaire qui peut
conduire à une augmentation considérable de la porosité du béton sans induire obligatoirement des désordres visuels
(écaillage). Selon la  durée de l’incendie, un béton soumis à une température proche de 300 à 400  °C peut voir
sa porosité doublée.
Lors du diagnostic de la structure ayant subi un incendie, il est nécessaire de prévoir des mesures de porosité dans
différentes zones (saines, plus ou moins éloignées du foyer) afin de vérifier l’état réel d’altération du béton d’un point
de vue microstructural. En effet, une augmentation importante de la porosité aura alors pour conséquence d’accélérer
le risque de corrosion des aciers en favorisant le transfert du CO2 dans la matrice cimentaire.
En fonction des résultats du diagnostic par mesure de la porosité à l’eau du béton, il pourra être nécessaire de prévoir
la mise en place d’un revêtement dans les parties les moins endommagées afin de s’assurer de la pérennité des aciers
vis-à-vis du phénomène de corrosion par carbonatation.

2.1.3 - Cas des ponts en béton précontraint

2.1.3.1 - Cas des câbles extérieurs directement soumis aux flammes


La vulnérabilité est élevée. Il est conseillé de regarder si les câbles de précontrainte ont potentiellement été touchés.
Si tel est le cas, il est préférable de ne pas remettre l’ouvrage en circulation tant que des investigations n’ont pas
été effectuées.
L’étude du document [29] a montré qu’un échauffement local d’un câble au-dessus de 250 °C conduit à sa rupture.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 67


Figure 45 : Illustration de la tension relative à fpk en fonction de la déformation.
Action d’une augmentation de température sur un câble de précontrainte extérieure

En cas d’incendie, un câble extérieur est généralement chauffé sur une faible partie de sa longueur. En conséquence,
la dilatation thermique reste faible par rapport à l’allongement mécanique qui conduirait à une détention du câble.
En première approximation, la tension du câble peut être considérée constante.

En se référant aux caractéristiques mécaniques des aciers de précontraintes de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] et pour
un câble tendu après perte à 0,7 fpk, on obtient, pour les câbles extérieurs, une rupture théorique à environ 300 °C.
L’étude du document [29] donnait une rupture à 250 °C qui correspondrait plutôt à un câble tendu à 0,8 fpk.

Photo 8 : Rupture de câbles de précontrainte extérieure pendant un incendie

Une gaine PEHD non fondue indique alors une faible dégradation du câble injecté au coulis de ciment, la température
de fusion de la gaine étant proche de 130 °C.

Dans ce cas, puisque la température de l’armature ne pourra avoir été portée au-delà de 130 °C, les éventuelles pertes
de précontrainte ne sont pas significatives. Il conviendra d’admettre que les caractéristiques de calcul sont respectées
et que le câble remplit et remplira son rôle pour la durée de vie initialement prévue [29].

Dans le cas où le câble est rompu ou dans le cas intermédiaire où la gaine PEHD est fondue, mais le câble n’est pas
rompu, il est en général nécessaire de poursuivre la réflexion pour pouvoir envisager une réouverture à la circulation
(analyse des plans et du fonctionnement de l’ouvrage, pourcentage de câbles concernés, etc.).

68 Résistance à l’incendie des ponts routiers


2.1.3.2 - Cas des câbles intérieurs au béton
La vulnérabilité est moyenne.
L’élément chauffé, tendu à longueur constante, ne se rompt pas car il ne lui est pas appliqué de déformation
supplémentaire nécessaire à la rupture (sauf si des rotules apparaissent dans la structure, que les joints s’ouvrent et
qu’il se produit des surtensions dans les câbles). Les phénomènes de dilatation différentielle béton/armature et de
relaxation conduisent à diminuer la contrainte dans le matériau sans que la rupture de l’acier ne se produise.

Les câbles de précontrainte intérieurs au béton et injectés au coulis de ciment « adhèrent » à la structure.


Lorsqu’un câble est soumis à un réchauffement relativement local, un réancrage s’effectue dans les sections voisines
qui reprennent les évolutions de contraintes liées aux différentes températures atteintes. Au niveau local, tant qu’il
n’y a pas rupture de la section, les efforts du câble chauffé sont repris par les câbles non atteints.

Figure 46 : Illustration de la tension relative à fpk en fonction de la déformation.


Action d’une augmentation de température sur un câble de précontrainte intérieure

Au refroidissement, le  même processus se déroule  mais la  contrainte finale  dans le  câble  n’est plus la  contrainte
initiale en raison des déformations plastiques irréversibles [29].

Pendant l’échauffement, il se produit une chute locale du module élastique du câble qui conduit, à allongement constant
du câble, à une perte de tension locale de celui-ci. Lors du refroidissement après incendie le module augmente mais
pas la tension.

Cette perte de tension du câble  peut être évaluée à partir des lois contrainte/déformation du paragraphe  3.2 de
l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] ( cf. figures 48.b). La  température maximale  atteinte par le  câble  pendant l’incendie
peut être estimée, en première approche avant de disposer de résultats de mesures, à partir de l’Eurocode 2
partie 1-2 [10], en connaissant la position du câble dans la dalle et la durée d’incendie (cf. figures 48.a). On considère
que la déformation du câble par rapport au béton varie peu avant et après incendie car il n’y a pas de glissement
entre l’acier de précontrainte et le béton.

En se basant sur les principes ci-dessus, il est possible d’estimer la perte de précontrainte en fonction de la température
atteinte.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 69


Figure 47 : Illustration de la tension résiduelle pour une tension avant incendie de 0,6 et 0,7 fpk
dans un câble intérieur en fonction de sa température maximale atteinte

Pour savoir si la perte de tension est tolérable et envisager une réouverture à la circulation, il est en général nécessaire
de poursuivre la réflexion (pourcentage de câbles concernés, modélisation de la structure avant et après incendie, etc.).

a) b)

Figures 48 :
a) Distributions de température dans les dalles (hauteur h = 200) pour R15-R240 (Eurocode 2 partie 1-2 [10])
b) Lois contrainte-déformation des câbles de précontrainte (Eurocode 2 partie 1-2 [10], 3.2.4)

Une attention particulière doit être portée au cas où l’incendie s’est produit au niveau des têtes d’ancrage des câbles,
notamment dans le cas d’une injection à la cire.

En première urgence, l’observation du béton peut permettre de donner des informations sur la température atteinte
par les câbles. Par exemple, la fib [30] propose une méthode d’étude des couleurs rappelée ci-dessous, même si dans
les faits elle s’avère en général difficilement opérationnelle.

Extrait traduit de [30] Appendix 6 : La couleur du béton peut changer suite à l’échauffement. Les propriétés mécaniques d’un
béton de couleur normale auront été très peu modifiées par les effets d’échauffement. Inversement, un béton de couleur
rose, apparemment sain, verra sa résistance et son module élastiques significativement réduits. Un béton de couleur gris-
blanchâtre et chamois sera faible et friable.

70 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Il est généralement admis que la résistance en compression du béton est peu affectée par des températures allant jusqu’à
300 °C. Au contraire, le béton exposé à des températures de plus de 600 °C ne présente pas une résistance suffisante.

Pour l’examen de la structure en béton endommagée par le feu, il peut être suffisant d’entreprendre un examen visuel et de
« sonder » à l’aide d’un marteau en acier afin de déterminer l’étendue du béton endommagé, des excavations locales étant
faites pour établir la  profondeur de la  décoloration rose. Le  «  sondage  » permet de distinguer rapidement le  matériau
délaminé et les zones de béton faible du matériau sain. La frontière interne de la coloration rose est typiquement prise
comme l’isotherme à 300 °C.

Cette méthode a ses limites. L’étendue du changement de couleur varie avec le  type de granulats (grossiers ou fins).
La décoloration rose qui apparaît est due à la présence de sels ferreux et est produite par un changement dans leurs états
d’hydratation. L’effet tend à être plus marqué avec les granulats siliceux. Il est peu probable que les granulats de roches
concassées éruptives ou calcaires montrent cet effet. Bien que le fait de mouiller le béton affecté rehausse les couleurs,
rendant les changements plus faciles à distinguer, établir la limite de décoloration peut être difficile. Il doit être reconnu
que le  béton qui n’est pas devenu rose n’est pas nécessairement non endommagé par le  feu ; les  sels ferreux peuvent
simplement ne pas être présents.

Il est à noter que la valeur de 300 °C citée par le document [30], peut conduire à des pertes locales de résistance
dans le béton de 15 % pour les granulats siliceux ( cf. figure 25). De même, la figure 25 indique, pour une élévation
de 600 °C, une perte de résistance du béton de 55 %.

Photo 9 : Granulats rosis par l’incendie

2.1.4 - Cas des ponts présentant une réparation par matériau composite
La vulnérabilité est moyenne.

Selon les  recommandations de l’AFGC sur la  réparation et le  renforcement des structures en béton au moyen des
matériaux composites [31], l’ouvrage sans renforcement doit résister à l’incendie en combinaison ELU accidentel dans
les zones à risque définies dans le CCTP. Il est important de le vérifier.

Lorsque le  renforcement composite est protégé par un revêtement protecteur ou ignifuge, il est recommandé de
prendre connaissance des spécifications sur la classe de résistance au feu des matériaux de protection.

Concernant la résine, il existe deux températures caractéristiques :


• la température de transition vitreuse (notée Tg), de l’ordre de 50 à 70 °C pour les résines époxy polymérisant à
froid, qui est proche de la température maximale de service en terme mécanique ;
• la  température de fusion, de l’ordre de 150  -  200  °C, au-delà de laquelle  la  résine est liquide et s’écoule  ;
le renforcement composite collé est alors clairement dégradé.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 71


Lorsqu’un ouvrage renforcé par matériau composite a été directement soumis au feu, il est conseillé :
• d’examiner visuellement les renforcements en déposant tout ou partie des protections ;
• de réaliser une série de prélèvements d’adhésif pour mesurer la température de transition vitreuse ;
• de réaliser des essais de cohésion superficielle du collage des renforts.

De manière générale, l’état du composite n’est pas un indicateur de son adhésion au substrat béton. Cela peut sembler
évident pour un composite pultrudé (plat rigide) dont la  matrice est de bien meilleure qualité que l’adhésif  : une
bonne tenue de la matrice après l’incendie ne présage en rien de la tenue de l’adhésif. Ceci est tout aussi vrai pour
des composites moulés au contact avec la même résine que celle qui a servi d’adhésif (tissu collé). En effet, après
avoir été soumise à une température supérieure à la  température de transition vitreuse, la  couche adhésive a pu
partiellement se détacher du substrat. Si la montée en température n’a pas été trop importante, la baisse a permis
au polymère de se re-durcir, celui-ci n’étant plus forcément complètement adhérant. D’où la pertinence des essais de
cohésion superficielle du renforcement même si celui-ci semble en bon état.

Il est donc le plus souvent décidé immédiatement après l’incendie de limiter le tonnage sur l’ouvrage ou encore de
restreindre le nombre de voies circulées dans l’attente des premiers résultats des essais.

L’attention est attirée sur le fait que l’altération du renforcement par matériaux composites n’est pas limitée au strict
périmètre de l’incendie, mais peut s’étendre à l’ensemble de la zone affectée thermiquement notamment par diffusion
de la chaleur dans les armatures.

2.1.5 - Cas des ponts en bois


Il convient de distinguer la  réaction au feu (inflammabilité et combustibilité) de la  stabilité au feu. La  réaction au
feu définit l’aptitude du matériau à s’enflammer et à propager un incendie, tandis que la  stabilité au feu qualifie
la capacité du matériau à conserver ses propriétés mécaniques durant un incendie.

2.1.5.1 - Inflammabilité, réaction au feu


Tous les  matériaux de construction sont classés vis-à-vis de leur réaction au feu, sur une échelle  allant de M0
(incombustible) comprenant le béton et l’acier, à M5 (combustible très facilement inflammable).
Le bois est un matériau combustible, qui se décompose sous l’effet de la chaleur, classé M3 en général et M4 pour
des épaisseurs inférieures à 14 mm en feuillu et 18 mm en résineux. Le  pont de Lucerne, en Suisse, avec plus de
six siècles  de service avant son incendie accidentel en 1993, rappelle  cette vulnérabilité du bois. Des traitements
ignifugeants permettent d’atteindre un classement M1. L’inflammabilité du bois se réduit avec la densité. Les bois
exotiques, généralement plus denses, sont de ce fait mieux adaptés aux platelages de passerelles.
Ce classement est modifié par la norme européenne NF EN 13238 [32] « Essais de réaction au feu des produits de
construction. Modes opératoires de conditionnement et règles générales de sélection des substrats » qui définit sept
euroclasses A1, A2, B, C, D, E, F.
Ce classement harmonise les essais au feu dans l’Union Européenne. Les euroclasses sont :
• A1, qui correspond à un matériau tout à fait incombustible ;
• A2, qui s’applique à l’ancienne classe M0 et à certains matériaux classés M1 ;
• B aux autres matériaux classés M1 ;
• C qui correspond à M2 ;
• D, E et F qui correspondent aux matériaux de construction les plus inflammables anciennement classés M3 et M4,
et donc aux bois.

2.1.5.2 - Stabilité au feu


Le  bois est un matériau isolant, aussi la  température très élevée en surface (1000  °C) diminue rapidement avec
l’épaisseur : la zone carbonisée est fine et protège le bois à l’intérieur. La température chute fortement dès que l’on
pénètre dans le bois. En moyenne, la vitesse de progression de la zone carbonisée est de 0,7 mm/min. Le bois conserve
de bonnes caractéristiques mécaniques au feu, il subit uniquement une diminution de section correspondant à la zone
carbonisée. En première urgence, il faut apprécier l’épaisseur carbonisée.

72 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 49 : Carbonisation du bois – extrait du guide technique des ponts en bois [33]

Vis-à-vis de la stabilité au feu, les éléments les plus faibles sont les assemblages réalisés à l’aide d’interfaces métalliques.
Les assemblages avec éléments métalliques les moins vulnérables sont ceux ancrés profondément dans le bois. De
même, certains aciers inoxydables austénitiques conservent des propriétés mécaniques suffisantes jusqu’à environ
1000 °C pour les assemblages de charpentes en bois.

2.1.6 - Cas des ponts en maçonnerie


La vulnérabilité est faible, on a essentiellement des dégradations superficielles de joints, de pierres ou de briques.
Il convient de vérifier si les joints, voire le hourdage, n’ont pas été trop endommagés par l’incendie et si les pierres
n’ont pas été trop disloquées.

2.2 - Vulnérabilité des différents types de structures

2.2.1 - Cas d’un incendie sous ouvrage


Pour un incendie sous ouvrage, les dommages sont généralement plus importants.

Une zone noircie n’est pas nécessairement endommagée. Il apparaît pertinent de concentrer la visite sur la  partie
douteuse exposée aux flammes, le reste de l’ouvrage pouvant être étudié par la suite.

Les appareils d’appui peuvent être endommagés et gêner les déformations de la structure. Il convient dans ce cas de
les remplacer.

La démarche diffère selon qu’il s’agit d’un ouvrage métallique, d’un ouvrage en béton armé, d’un ouvrage en béton
précontraint, d’un ouvrage réparé par matériau composite ou d’un ouvrage en bois (cf. paragraphe 2.1).

2.2.2 - Cas d’un incendie sur ouvrage


En général, après constatation d’un incendie sur ouvrage (sauf structure porteuse latérale, ponts à haubans, ponts
suspendus), la vérification de l’enrobé est un élément d’appréciation important, en complément de l’examen du profil
en long et de l’alignement du dispositif de retenue. S’il n’a pas été complètement enlevé, il y a de grandes chances
pour qu’il n’y ait pas de problème. Il en est de même si la dalle béton a été atteinte mais que le hourdis n’est pas
précontraint transversalement. En général, il apparaît alors envisageable de remettre l’ouvrage en circulation, celle-ci
restant simplement coupée le temps de prendre des mesures vis-à-vis d’éventuels endommagements des dispositifs
de retenue et de procéder au démontage de candélabres ou d’éléments de signalisation touchés par le feu.

Dans le cas d’une fermeture de l’ouvrage, il convient d’apprécier la nécessité d’interdire également la circulation sous
l’ouvrage.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 73


2.2.2.1 - Cas des dalles en béton précontraint et des dalles orthotropes
Si la dalle béton a été atteinte et si le hourdis est précontraint transversalement, l’ouvrage peut être endommagé
lorsque l’on se situe au niveau des points hauts de câbles  (notamment au droit des nervures à l’encastrement de
l’encorbellement) et au niveau des ancrages de précontrainte en rive de hourdis. Il est alors conseillé d’observer
l’écaillage du béton et de connaître la durée d’incendie.
La mise en œuvre d’une palée provisoire pour mise en sécurité qui modifie ou risque de modifier le schéma statique
doit être précédée d’une analyse approfondie.
Dans le cas d’une dalle orthotrope, le platelage peut avoir été endommagé. Il faut donc éviter de modifier le schéma
statique général de l’ouvrage sans une analyse approfondie. En effet, le platelage comprimé de la photo 10 est en
équilibre après l’incendie sous l’effet des charges de compression du platelage générées sous poids propre dans
la travée isostatique. Une remise en traction des augets déformés du fait d’une mise sur palée intermédiaire aurait
par exemple pu conduire à des déchirures.

Photo 10 : Platelage de dalle orthotrope endommagé

Des mesures de restriction de circulation peuvent alors être envisagées, par exemple, lorsque l’encorbellement présente
un doute, il est pertinent de ne pas y circuler en attendant l’inspection détaillée.

Toutefois, dans le cas du pont Mathilde, une palée provisoire aurait été probablement mise en place à partir du quai si
des déchirures des soudures âmes/semelles étaient apparues à l’about de la poutre la plus exposée à l’incendie. Une
telle palée est seulement mise au contact de façon à pouvoir reprendre les descentes de charge en cas de défaillance
de la poutre déchirée, et elle suppose généralement qu’on est en mesure de souder des raidisseurs locaux de l’âme
si cela est nécessaire (cf. figure 50).

Figure 50 : Palée provisoire envisagée pour le pont Mathilde


dont la mise en œuvre n’a pas été nécessaire

2.2.2.2 - Cas des ouvrages à structure porteuse latérale


Dans ce cas, la vulnérabilité est élevée. Un incendie sur un ouvrage à structure porteuse latérale risque de créer des
dommages importants, il est conseillé de maintenir la coupure de circulation jusqu’à ce que tout doute sur l’état de
la structure soit levé.

74 Résistance à l’incendie des ponts routiers


2.2.2.3 - Cas des ponts suspendus ou à haubans
L’étude du document [29] sur les effets de la température sur les aciers pour câbles indique que les conséquences des
incendies peuvent se traduire par un abaissement de la résistance mécanique du câble en-dessous de la sollicitation
pour laquelle il a été prévu de résister aux alentours de 300 °C.
A court et moyen termes, les haubans peuvent subir une perte de charge ou de précontrainte liée à la surlongueur
d’allongement à chaud ou à une augmentation de la vitesse de relaxation.
La  tenue d’un pont à haubans suite à un incendie va dépendre du nombre de haubans sollicités par l’incendie, et
donc de l’inter-distance entre ancrages des haubans, et de la capacité de l’ouvrage à supporter la rupture ou perte de
précontrainte de plusieurs haubans le cas échéant.
Il est à noter que les ponts à haubans récents (construits depuis 1985) sont en général conçus pour fonctionner avec
un hauban de moins sous charges réduites.
Il est conseillé de regarder si les câbles ont potentiellement été touchés. Si tel est le cas, il est préférable de ne pas
remettre l’ouvrage en circulation tant que des investigations n’ont pas été effectuées.
Dans le cas des ponts suspendus, les câbles porteurs, les câbles de retenue et les câbles de tête sont particulièrement
sensibles, dans le cas où ces derniers sont susceptibles d’être concernés par l’incendie, l’ouvrage a peu de chance de
résister à l’incendie sans protection adaptée. Pour un pont suspendu, la circulation doit être interrompue jusqu’à ce
qu’une analyse des éléments porteurs soit réalisée.

3 - La démarche à suivre après un incendie


3.1 - Rappels sur le vocabulaire et les principes de l’Instruction Technique
pour la Surveillance et l’Entretien des Ouvrages d’Art
Dans ce chapitre, le vocabulaire utilisé est celui défini dans l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien
des Ouvrages d’Art de 2010 [34] [35] [36] [37] (ITSEOA 2010) qui traite de la surveillance, de l’évaluation de l’état,
de l’entretien et de la réparation des ouvrages d’art. Cette instruction est d’application obligatoire pour les ouvrages
du Réseau Routier National.

Ce paragraphe rappelle donc les définitions des termes qui seront employés. Pour plus de précisions, il est conseillé
de se reporter à l’ITSEOA 2010.

3.1.1 - Politique de gestion d’un patrimoine d’ouvrages d’art


Il sera notamment fait référence aux différents niveaux de gestion définis dans l’ITSEOA 2010 [34]. Le maître d’ouvrage
gestionnaire identifie dans son organisation les trois niveaux suivants :
• le niveau décisionnel qui est constitué par la direction de la maîtrise d’ouvrage du gestionnaire. Il est le garant de
la politique de gestion de son patrimoine ;
• le niveau organisationnel qui met en œuvre la politique définie par le niveau décisionnel et qui propose à ce dernier
les amendements qu’il juge utile d’apporter ;
• le niveau opérationnel qui a pour mission d’intervenir sur les ouvrages pour réaliser ou contrôler les opérations de
surveillance, d’entretien ou de réparation. Il organise également les mesures relatives à l’exploitation (restriction
de circulation, signalisation temporaire, etc.) afin d’en permettre le  bon déroulement et assurer la  sécurité des
personnes. Ce niveau est généralement constitué d’entités ou de services à compétences territoriales.

Le maître d’ouvrage gestionnaire précise les conditions dans lesquelles s’exercent la coordination et le contrôle des


différentes actions de surveillance, d’entretien et de réparation.

Pour mener à bien certaines de ses missions, il fait appel aux compétences existantes au sein du réseau scientifique
et technique de l’Etat, voire à des compétences externes si nécessaire.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 75


3.1.2 - Restrictions d’utilisation : restrictions de circulation et restrictions pour les occupants du
domaine public
Définies dans le fascicule 3 de l’ITSEOA 2010 [37], les restrictions d’utilisation sont des mesures de sécurité immédiate :
leur mise en application peut se faire très rapidement. Ces mesures sont prises ou proposées par le maître d’ouvrage
gestionnaire, en liaison avec le  niveau décisionnel et organisationnel. Dans les  cas d’extrême urgence, le  niveau
opérationnel peut mettre en application les mesures nécessaires, puis en rendre compte au niveau supérieur. Le niveau
opérationnel est chargé de mettre en œuvre ces restrictions de circulation, de contacter les forces de police ou de
gendarmerie, et d’avertir les tiers concernés.

Pour les ouvrages des itinéraires importants, le fascicule 3 de l’ITSEOA 2010 [37] conseille de préparer, même en l’absence
de désordres, les  consignes nécessaires à l’application des mesures de sécurité immédiate, afin que ces  dernières
puissent être prises le plus rapidement possible en cas de nécessité.

Toute mesure de restriction de circulation doit en effet faire l’objet d’un arrêté de la part de l’autorité compétente,
et nécessite une phase d’instruction qui demande généralement un délai relativement important. Il convient donc de
souligner l’intérêt de préparer convenablement des mesures qui ne doivent ensuite être mises en application que si
un événement particulier le justifie.

Les restrictions de circulation peuvent porter sur les points suivants (cf. ITSEOA 2010 [37] chapitre 6 § 1.1) :
• catégories d’usagers admis sur l’ouvrage ;
• largeur offerte au trafic ;
• espacement entre véhicules, ou le cas échéant entre poids lourds seulement ;
• limitation de vitesse, éventuellement adaptée en fonction des catégories de véhicules.

Les restrictions sur les catégories d’usagers admis à utiliser l’ouvrage sont justifiées lorsque le risque est lié au poids
des véhicules circulant sur la chaussée ; les seules restrictions dont il est généralement possible d’obtenir l’application
effective sont :
• l’interdiction de tout poids lourd par une limitation à 3,5 t ;
• l’interdiction à tout véhicule automobile ;
• la fermeture totale de l’ouvrage (y compris aux piétons).

Cette dernière restriction est nécessaire dès lors que le risque encouru est celui d’un effondrement de l’ouvrage à vide.

D’une façon générale, les restrictions apportées à la circulation pour des raisons de sécurité doivent être appliquées
rigoureusement. Pour cela, elles doivent être matérialisées par des obstacles robustes qui empêchent physiquement
les infractions.

Une réduction de la largeur offerte au trafic se traduit le plus souvent par la réduction du nombre de voies, elle est
justifiée par exemple dans le cas où le risque est lié à la position transversale des véhicules.

La  réglementation de l’espacement entre véhicules, le plus souvent les poids lourds, a pour objectif de n’admettre
qu’un véhicule à la fois sur une même travée.

La limitation de la vitesse des véhicules lourds est un moyen peu efficace pour diminuer de façon significative les effets
dynamiques, sauf dans le cas où il existe des irrégularités de chaussée sur l’ouvrage ou une irrégularité de profil en
long située juste avant l’ouvrage.

La limitation de vitesse et la réglementation de l’espacement entre poids lourds sont des mesures difficiles à faire
respecter sans l’appui des forces de police.

L’ITSEOA 2010 [37] précise également que le niveau opérationnel doit informer les occupants du domaine public des
risques présentés par l’ouvrage et des conséquences potentielles sur les réseaux que ces occupants gèrent, afin que
ces derniers puissent prendre les mesures de sécurité adéquates.

3.1.3 - Protection des tiers


Lorsque la  défaillance de l’ouvrage est susceptible  de provoquer des accidents dans sa zone d’influence, les  tiers
doivent être informés de la situation afin qu’ils puissent prendre les mesures adéquates pour se protéger (cf. ITSEOA
2010 [37] chapitre 6 § 2).

76 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Ces mesures comprennent notamment :
• des restrictions d’utilisation des voies de communication franchies par l’ouvrage ;
• l’évacuation le cas échéant des zones habitées menacées par un effondrement de l’ouvrage ;
• des études de déviation pour des services d’urgence implantés à proximité de l’ouvrage (pompiers, hôpitaux, police,
gendarmerie, etc.), ces informations devraient pouvoir être trouvées dans le dossier de l’ouvrage.

3.1.4 - Visite exceptionnelle et inspection détaillée exceptionnelle


A la suite de circonstances particulières susceptibles d’avoir endommagé un ouvrage (crue, glissement de terrain, séisme,
passage d’un convoi exceptionnel dans des circonstances anormales, accident, etc.), une visite exceptionnelle peut
être réalisée.

Si nécessaire, une inspection détaillée exceptionnelle peut aussi être organisée lorsqu’une anomalie grave a été décelée.

3.1.5 - Surveillance renforcée


Dans le  cas d’un ouvrage pour lequel il existe des doutes sur l’évolution de désordres, le  niveau organisationnel
propose au niveau décisionnel de placer l’ouvrage sous surveillance renforcée en définissant les principes de celle-ci.
La décision de placer l’ouvrage sous surveillance renforcée est alors prise par le maître d’ouvrage gestionnaire, après
proposition du niveau décisionnel qui est responsable de son exécution (cf. ITSEOA 2010 [37] chapitre 4 § 3).

En général, la  surveillance renforcée a pour objectif de suivre d’une façon plus attentive l’évolution d’un ouvrage
défectueux ou douteux, pendant une certaine durée :
• soit, dans le cas le plus général, pour détecter une évolution anormale ou déceler toute aggravation susceptible de
mettre en jeu la sécurité ;
• soit, dans le cas où l’examen de la structure n’a pas permis d’expliquer les causes exactes des désordres ou lorsque
l’auscultation n’a pas permis d’évaluer l’état réel dans lequel se trouve l’ouvrage, pour mieux identifier les problèmes
et mieux appréhender son comportement.

La nature de ces objectifs implique qu’un régime de surveillance renforcée ne peut être appliqué pendant une durée
trop courte ; sauf exception, un délai de l’ordre d’un an constitue un minimum.

La surveillance renforcée se distingue de la haute surveillance (présentée dans le paragraphe suivant) par le fait que
la sécurité présentée par la structure ne doit pas être mise en cause pendant toute la durée de cette opération, et
que des consignes ne sont pas indispensables.

L’ITSEOA 2010 [37] précise que la surveillance renforcée d’un ouvrage peut être effectuée par des examens réguliers
et parfois fréquents de celui-ci (examens visuels périodiques, moyens de mesures simples à mettre en œuvre tels que
le relevé de fissures), accompagnés ou non par une instrumentation permettant un suivi de l’évolution des désordres
grâce à des relevés périodiques de mesures.

Lorsque la surveillance renforcée ne comporte que des examens visuels, les objectifs et la fréquence du programme
de surveillance sont fixés par le niveau décisionnel. L’organisation de ces examens est de la responsabilité du niveau
organisationnel. L’interprétation des résultats est du ressort du niveau organisationnel qui doit avertir le  niveau
décisionnel en cas d’évolution défavorable du comportement de l’ouvrage.

Lorsque la surveillance renforcée comporte l’utilisation d’instruments de mesures, le programme de surveillance est
établi par le niveau organisationnel après consultation et avis des spécialistes dont l’intervention est souhaitable. Il
est ensuite arrêté par le maître d’ouvrage gestionnaire.

Si, pendant cette période de surveillance renforcée, une défaillance de l’ouvrage est à redouter, il convient de prendre
des mesures de sécurité immédiate ou de sauvegarde.

3.1.6 - Haute surveillance


Lorsque des désordres constatés sur un ouvrage paraissent susceptibles de mettre en cause la sécurité ou la tenue de
l’ouvrage, le maître d’ouvrage gestionnaire peut décider de le placer sous haute surveillance de manière à permettre,
en cas de danger imminent, le déclenchement immédiat par les autorités compétentes des actions nécessaires pour
assurer la sécurité (cf. ITSEOA 2010 [37] chapitre 5).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 77


Il s’agit d’une mesure d’exception qui consiste à guetter l’apparition d’un signe faisant craindre la  possibilité de
défaillance à très court terme, afin de prendre immédiatement les mesures nécessaires et préalablement définies :
• dans tous les cas pour garantir la sécurité des usagers et des tiers ;
• dans certains cas, pour limiter les conséquences matérielles de la défaillance, voire pour l’empêcher de se produire.

Dans la pratique, la haute surveillance consiste à suivre l’évolution d’une ou plusieurs grandeurs physiques mesurables de
préférence, et à provoquer, dès que ces grandeurs physiques atteignent un seuil permettant de caractériser une situation
dangereuse, l’application des mesures de sécurité prédéfinies.

La  mise en place d’un régime de haute surveillance se distingue de celle  d’un régime de surveillance renforcée
(cf. paragraphe 3.1.5 ci-dessus) par le fait qu’elle doit être conditionnée par l’exécution préalable des deux opérations
suivantes :
• une analyse poussée des phénomènes susceptibles  de se produire, permettant une évaluation des risques
correspondants ;
• un établissement de consignes précises, adaptées au cas particulier, et qui doivent être appliquées strictement en
cas de nécessité. Cet ensemble de consignes doit inclure les consignes d’exploitation du trafic à appliquer en cas
de restriction d’utilisation de l’ouvrage.

Le  maître d’ouvrage gestionnaire prend non seulement la  décision de placer un ouvrage sous haute surveillance,
mais il en fixe également les principaux objectifs. L’organisation et la mise en place de cette haute surveillance est
de la responsabilité du niveau décisionnel. Le programme de mise sous haute surveillance est établi par le niveau
organisationnel après consultation et avis des spécialistes dont l’intervention est souhaitable, et le niveau opérationnel.
Il est ensuite soumis à l’accord du niveau décisionnel, puis arrêté par le maître d’ouvrage gestionnaire.

3.2 - Mesures à prendre immédiatement après l’incendie

3.2.1 - Généralités
A la suite d’un incendie sur ou sous ouvrage, un certain nombre de mesures sont à prendre immédiatement avant
d’entamer la phase d’investigations spécifiques. Sont notamment présentés dans ce paragraphe les principes généraux
(fonction du lieu de l’incendie et du type d’ouvrage) permettant au maître d’ouvrage gestionnaire de décider, après
une visite exceptionnelle, du maintien de la  fermeture ou de la  remise en circulation de l’ouvrage. Ces principes
généraux sont à adapter en fonction des cas rencontrés. Il est important de noter que ceci est affaire d’appréciation
et non l’application d’une réglementation.
Les investigations spécifiques à mener par la suite sont présentées dans le paragraphe 3.3 intitulé « Evaluation de
la portance après incendie » de ce chapitre.
Pendant l’incendie, la  circulation sur et sous ouvrage est généralement coupée, sauf en cas d’incendie mineur.
Les pompiers et les services de sécurité sont alors présents sur les lieux afin respectivement d’éteindre l’incendie et
de maintenir les coupures de circulation. Il est souhaitable de les mobiliser jusqu’à la fin de réalisation d’une visite
exceptionnelle de l’ouvrage.
Nous attirons particulièrement l’attention sur le  risque de ruine des ouvrages en béton fortement élancés lors de
la phase de refroidissement, plusieurs heures encore après la fin de l’incendie. Un tel accident tragique s’est produit
en Suisse en 2004 durant lequel sept membres d’une brigade de pompiers ont été tués par l’effondrement soudain
d’une structure en béton d’un parking souterrain après avoir éteint l’incendie [38].
Cette visite exceptionnelle doit nécessairement être effectuée avant toute remise en circulation. Il s’agit d’observer
les parties d’ouvrage qui pourraient avoir été endommagées par l’incendie. L’ITSEOA 2010 [36] (chapitre 3 § 3.4) précise
que c’est le chef du niveau opérationnel concerné par l’ouvrage qui est responsable de cette visite exceptionnelle et
qui doit la déclencher en informant le niveau organisationnel. Elle peut être faite par les agents du niveau opérationnel
et/ou les agents du niveau organisationnel.
Généralement, les spécialistes en ouvrages d’art ne sont pas immédiatement présents sur les lieux et il appartient
au gestionnaire de décider de rouvrir ou non à la circulation, avec ou sans restriction. Il doit alors disposer d’outils lui
permettant d’analyser dans quelle mesure l’ouvrage est endommagé.
Tout d’abord, il doit quantifier l’intensité de l’incendie. Pour cela, il est nécessaire de recueillir des informations
auprès des pompiers, des forces de police ou de gendarmerie et des témoins, notamment sur les  caractéristiques
de l’incendie : les combustibles (bouteilles de gaz, hydrocarbures, véhicules courants, etc.), sa durée, son étendue,
la distance de son foyer à la structure, etc.
Il est conseillé ensuite d’analyser le profil en long et l’alignement du dispositif de retenue.

78 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Si l’on ne se situe pas dans le cas de dalles pleines, il est nécessaire d’identifier les différents éléments de la structure
porteuse : éléments longitudinaux (poutres porteuses) et éléments transversaux (entretoises, nervures transversales,
hourdis). Dans le  cas d’éléments longitudinaux de la  structure porteuse, l’effondrement global ou en chaîne de
l’ouvrage est possible, alors que les conséquences à redouter sont plus locales dans le cas d’éléments transversaux
de la structure porteuse. Elles concernent généralement uniquement la zone atteinte par l’incendie.

Il est indispensable de définir le lieu de l’incendie (sur ou sous ouvrage) et le type de l’ouvrage (métallique, béton
armé, béton précontraint, réparé par matériau composite, en bois).

Il est utile de réaliser une première liste des éléments les plus fortement touchés et une estimation initiale de l’étendue
des désordres. Après examen visuel, des plans définissant un zonage et un bilan détaillant les désordres des éléments
seront préparés pour obtenir une vue d’ensemble de la situation.

Dans le cas de la mise en œuvre de palées provisoires, l’effet de la modification du schéma statique longitudinal doit
être analysé.

3.2.2 - Cas où ces premiers éléments n’ont pas permis de conclure


En cas de doute, s’il est impossible  de conclure rapidement sur les  endommagements, des essais de chargement
(cf. document [39]) peuvent également être réalisés pour apprécier la capacité portante résiduelle de l’ouvrage. Ces
épreuves doivent en théorie rester dans les limites usuelles en la matière (sollicitation comprise entre celles des charges
fréquentes et les 3/4 des charges caractéristiques de l’Eurocode [40] [41], ou bien entre les 2/3 et les 3/4 de A(l) pour
le règlement français précédent [42]). En l’absence des données de calculs nécessaires, l’essai de chargement peut, par
exemple, être réalisé avec 2 camions de 26 tonnes (ou 32 tonnes) par voie de circulation pour une portée moyenne.
Il est intéressant, dans le cas d’incendie sur des ponts à poutres, ou dans les cas d’incendie excentrés sous l’ouvrage
de faire procéder à des chargements excentrés en concentrant les files de 2 camions sur les zones les plus sensibles.

Ces épreuves réalisées avec le souci de sécurité des personnes doivent être accompagnées de mesures topométriques.

Si aucune perte de portance n’a été mise en évidence, il est possible de rétablir la circulation.

Même si la circulation est susceptible d’être rouverte, il est conseillé de poursuivre les investigations les jours suivants
et de mettre l’ouvrage sous surveillance renforcée, voire sous haute surveillance.

3.3 - Evaluation de la portance après incendie

3.3.1 - Investigations et calculs à mener


Les investigations à mener suite aux mesures prises immédiatement après l’incendie doivent être définies dans un
programme établi sous la responsabilité du niveau organisationnel, en collaboration éventuelle avec des organismes
spécialisés. Ce programme d’investigations définit les actions du type inspection détaillée, auscultation, calculs, etc.,
nécessaires au traitement du problème.

Lorsque l’état de l’ouvrage est considéré, à la suite de l’incendie, comme douteux ou défectueux, il doit d’abord faire
l’objet d’une inspection détaillée, puis d’investigations complémentaires afin de :
• confirmer l’existence ou l’absence de désordres s’il y a un doute ;
• déterminer les causes des désordres et les mécanismes de leur évolution ;
• définir les réparations ou renforcements à effectuer ;
• le cas échéant, effectuer l’analyse préalable qui sert à définir le dispositif de haute surveillance.

Les définitions de « défectueux » et de « douteux » sont fournies dans l’ITSEOA 2010 [37] et rappelées ci-dessous.
• l’état d’un ouvrage est qualifié de défectueux lorsque des désordres majeurs structurels ont été mis en évidence,
que leur gravité a pu être appréciée au moins sommairement, et que ces désordres sont susceptibles, soit tels quels,
soit après évolution, de mettre en cause la sécurité ou la pérennité de l’ouvrage ;
• l’état d’un ouvrage est qualifié de douteux lorsque l’analyse ne permet pas de conclure : soit parce que des désordres
ont été constatés, mais que l’analyse n’a pas permis d’apprécier la gravité réelle ou potentielle, soit parce que des
désordres n’ont pas été mis en évidence, mais des indices permettant d’en soupçonner l’existence ont été reconnus.
Cette situation doit être transitoire et les investigations effectuées doivent permettre de reclasser l’ouvrage dans
la catégorie des ouvrages en état normal ou défectueux.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 79


Du début de l’expertise jusqu’à la fin de la réparation, la continuité des opérations doit être assurée ; cela nécessite
une bonne coordination entre les différents niveaux du maître d’ouvrage gestionnaire.

3.3.2 - Inspection détaillée exceptionnelle


L’ITSEOA 2010 [36] précise qu’à la suite de circonstances particulières susceptibles d’avoir endommagé un ouvrage, une
visite exceptionnelle peut être réalisée et qu’une inspection détaillée exceptionnelle peut être organisée lorsqu’une
anomalie grave a été décelée. Suite à un incendie sur ou sous ouvrage, il est possible de se trouver dans cette situation.
La phase d’investigations spécifiques commence alors par une inspection détaillée exceptionnelle. Celle-ci ne concerne
que les  parties d’ouvrage endommagées par l’incendie. Elle  permet d’évaluer l’étendue des désordres et d’établir
le diagnostic. C’est aussi à partir des résultats de cette inspection et, en particulier, d’un classement en zones d’égal
niveau de dégradations que l’on pourra décider du choix, du nombre et de la localisation des autres investigations à
mener, directement sur le site mais également en laboratoire sur les prélèvements qui seront effectués sur la structure.

L’inspection détaillée exceptionnelle est prescrite par le niveau décisionnel (cf. ITSEOA 2010 [36] chapitre 3 § 3.4).
Elle  doit être dirigée et exploitée par un agent qualifié de niveau ingénieur. Elle  doit être réalisée par des agents
ayant une qualification adéquate.

Les rapports d’inspection détaillée exceptionnelle sont remis au niveau organisationnel qui en fait l’exploitation et
qui rend compte au niveau décisionnel des suites à donner. Un exemplaire du rapport est conservé dans le dossier de
l’ouvrage (cf. ITSEOA 2010 [36] chapitre 3 § 3.5).

Lorsque les résultats de l’inspection détaillée ne permettent pas d’atteindre l’ensemble des objectifs des investigations,
et en particulier pour déterminer plus complètement les causes et les mécanismes d’évolution des désordres, il peut
être nécessaire d’effectuer :
• une auscultation ;
• une étude par le calcul ;
• une auscultation et une étude par le calcul menées conjointement.

3.3.3 - Auscultation

3.3.3.1 - Généralités
Il est souhaitable que la réparation de l’ouvrage soit précédée d’une inspection détaillée et d’une étude approfondie
de l’ouvrage ; l’auscultation, au même titre que les  calculs ou recalculs, fait partie de cette étude approfondie. Il
s’agit d’un ensemble d’examens et de mesures spécifiques faisant le plus souvent appel à des techniques élaborées,
destiné à approfondir la connaissance réelle d’un ouvrage, à partir des résultats de l’inspection détaillée ( cf. ITSEOA
2010 [37] chapitre 3).
L’auscultation d’un ouvrage d’art doit faire l’objet d’un programme qui en fixe les objectifs généraux, et qui précise
la nature des investigations à effectuer.
Le  programme d’auscultation est établi par le  niveau organisationnel et arrêté par le  niveau décisionnel, après
consultation et avis des spécialistes dont l’intervention est souhaitable, ou même, le cas échéant sur leur proposition.
Le niveau opérationnel est informé de son contenu (cf. ITSEOA 2010 [37] chapitre 3 § 4). Le nombre d’intervenants lors
de l’auscultation peut être important, le niveau organisationnel doit donc définir un cadre de références (numérotation
des piles, numérotation et emplacements des carottes, etc.) de façon à faciliter le recoupement des résultats à l’issue
de l’auscultation.
Les méthodes d’auscultation sont parfois coûteuses, et l’une des difficultés de l’établissement d’un bon programme
d’auscultation est de procéder à toutes les investigations nécessaires à l’expertise ainsi qu’à l’établissement du projet
de réparation, tout en évitant les essais et recherches inutiles. L’établissement du programme doit donc être précédé
d’une phase de réflexion, et le programme peut être revu en cours d’exécution, si nécessaire, en fonction des premiers
résultats obtenus et de l’interprétation qui peut en être faite (cf. ITSEOA 2010 [37] chapitre 3 § 4).
Les investigations conduites avant l’établissement d’un projet de réparation doivent répondre aux objectifs suivants :
• évaluer l’ampleur des désordres : cette évaluation fait souvent appel à une conjugaison de techniques de contrôles non
destructifs (généralement qualitatives) et de techniques quantitatives appliquées sur des prélèvements ;
• établir le diagnostic ;
• définir ou étayer des hypothèses de calcul : la détermination de caractéristiques mécaniques des matériaux constitue
un cas courant.

80 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Les investigations peuvent être de deux natures :
• analyse du mode de fonctionnement réel de la structure ou d’un de ses éléments, à vide et/ou sous chargements ;
• appréciation de l’état ou des propriétés des matériaux en place.

Assez souvent, ces deux types d’analyse existent dans une même campagne d’investigations. Les  deux natures
d’investigations font appel à divers moyens d’auscultation.

3.3.3.2 - Les moyens permettant d’apprécier le fonctionnement de la structure


Ils sont variés, et il est souvent nécessaire de les associer dans une même auscultation. On peut distinguer :
• les épreuves de chargement ;
• les mesures d’ordre topométrique ou géométrique (évolution du nivellement ou mesure de déformation générale ou
de déplacement sous chargement) ;
• les mesures directes de forces ;
• les mesures locales de fonctionnement (mesure de déformation locale, extensométrie, fissurométrie, etc.).

3.3.3.3 - Les moyens permettant d’apprécier l’état des matériaux comprennent


• les techniques d’examen des matériaux en place soit visuel, soit par des méthodes plus raffinées ;
• les études et analyses sur prélèvements.

Le prélèvement d’un échantillon sur un ouvrage a l’inconvénient d’être partiellement destructif. Il est donc recommandé
d’extraire des échantillons les plus petits possible, en nombre limité, et aux endroits les moins vitaux de la structure.
Il en résulte un second inconvénient, à savoir que les  renseignements obtenus ne peuvent être représentatifs de
l’ensemble de l’ouvrage. Le plus souvent, on utilise donc ces échantillons comme référence d’étalonnage, ou comme
élément comparatif, afin de compléter les  informations que l’on peut tirer d’essais non destructifs effectués sur
l’ouvrage. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de méthode non destructive pouvant donner des résultats suffisamment
sûrs sans aucun rattachement à un étalonnage sur le même matériau.

3.3.3.4 - Evaluation de l’état d’un béton soumis à un incendie


Lors de l’auscultation, on cherche, entre autres, à évaluer les caractéristiques mécaniques résiduelles du béton des
parties d’ouvrage restant, ainsi qu’à connaître la profondeur de l’endommagement dans le but d’optimiser les travaux
de réparation. L’objectif de cette investigation est d’établir un relevé quantitatif des dégâts occasionnés par l’incendie
en termes de surface atteinte, de profondeur d’altération (éclatement, écaillage, fissuration, modifications physico-
chimiques, etc.).
Des informations en termes de diminution des caractéristiques (module d’élasticité, résistance mécanique) des matériaux
restés en place doivent également être apportées, ce qui est plus complexe. Ces informations sont notamment
déterminantes pour définir d’une part, l’épaisseur de béton à dégager et, d’autre part, les techniques à mettre en
œuvre pour reconstituer le béton disparu.
L’ensemble des techniques permettant d’apprécier l’état d’un béton soumis à un incendie est détaillé dans le recueil
des méthodes d’essai des lpc n°62 [43] « Présentation des techniques de diagnostic de l’état d’un béton soumis à
un incendie ». Une synthèse de ces techniques est proposée ci-dessous.
Il convient également de noter qu’un échauffement du béton supérieur à environ 65 °C peut générer même sur du
béton mature, ce qui a été confirmé par la thèse de Badreddine Kchakech [44], une réaction sulfatique interne (RSI).
Une vigilance particulière devra être accordée dans les zones incendiées lors de la réalisation des Inspections Détaillées
Périodiques afin de confirmer/infirmer l’effectivité de ce risque.

Mesures in-situ
Pour ce qui concerne les  mesures in situ , et notamment dans le  cas de dégâts de grande ampleur, les  essais non
destructifs sont à privilégier grâce à leur facilité de mise en œuvre et à leur cadence élevée. Parmi ceux-ci, deux
méthodes sont particulièrement intéressantes : la mesure de dureté superficielle au scléromètre et l’auscultation sonique.
• la sclérométrie est couramment utilisée, elle ne requiert qu’un matériel léger et sa mise en œuvre est rapide et
simple. Elle nécessite toutefois d’être menée avec beaucoup de soin et dans le strict respect des procédures afin de
fournir des données fiables et exploitables. Les inconvénients de cette méthode sont la faible profondeur investiguée
et la sensibilité à l’état de surface ;

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 81


• l’auscultation sonique exige un matériel plus sophistiqué et une plus grande expérience dans la pratique de la mesure
et dans l’interprétation de ses résultats. Les cadences de mesure sont plus faibles, mais les résultats obtenus sont
plus fiables. Par ailleurs, la  profondeur d’investigation est plus grande et les  données restituées plus diverses
(hétérogénéités, délaminages, profondeur des fissures, etc.).

D’autres campagnes de mesures in situ complémentaires peuvent renseigner sur la profondeur d’altération du béton
comme par exemple des forages destructifs avec enregistrement des paramètres de forage, des reconnaissances au
radar ou des mesures soniques par ondes de surface. Des recoupements d’autres essais peuvent également, dans
certains cas, être apportés par le traitement numérique des images des parements incendiés.

Études en laboratoire
Les investigations in-situ peuvent ensuite être complétées par une étude en laboratoire sur des prélèvements carottés.
Les  prélèvements carottés sont le  plus souvent utilisés pour l’estimation des températures atteintes à différentes
profondeurs dans le béton. Les méthodes les plus couramment adoptées sont l’examen au microscope électronique à
balayage, les analyses thermiques, la diffractométrie des rayons X. Les carottes incendiées sont découpées en tranches
et comparées au béton sain mis au four.
Mais il est également possible d’avoir recours à la colorimétrie, à la thermoluminescence et aux analyses chimiques
et pétrographiques.
Une campagne d’essais mécaniques classiques peut également être menée avec pour objectif notamment de valider
et de calibrer les mesures non destructives réalisées sur ouvrage : détermination de la résistance à la compression et
à la traction, mesure de module d’élasticité et de vitesse du son.
S’il apparaît nécessaire de caractériser finement la variation de dégradation suivant la profondeur, on peut recourir à deux
méthodes de mesure : le relevé de profils soniques sur carottes ou la détermination de profils de module d’élasticité
par la mesure de fréquence de résonance sur disques minces découpés dans les carottes.

3.3.3.5 - Evaluation de l’état des aciers de béton soumis à un incendie


Aciers passifs
L’état des armatures d’une structure en béton peut s’apprécier dans un premier temps à partir des résultats
des  investigations menées sur le  béton. En effet, la  détermination des températures maximales  atteintes au sein
du béton (soit par étude en laboratoire, soit par calcul) permet d’évaluer à l’aide de différents abaques l’impact de
l’incendie sur la résistance ultime et la limite élastique des armatures obtenues après refroidissement.
Les caractéristiques mécaniques des aciers (limite élastique, à rupture et module) se réduisent avec la montée en
température, mais l’acier laminé à chaud est moins sensible  que l’acier formé à froid. Les  coefficients réducteurs
en fonction du type d’acier sont alors donnés dans l’article 3.2.3 de la norme NF EN 1992-1-2 [10]. L’évolution des
caractéristiques mécaniques dépend aussi des conditions d’échauffement comme indiqué au paragraphe 2.12 (p.143)
du document de la fib [30].
Des essais effectués sur aciers après incendie montrent que la  limite élastique et de rupture varient peu et sont
presque entièrement retrouvées après refroidissement tant que la température maximale reste inférieure à environ
450 °C pour de l’acier formé à froid et 600 °C pour de l’acier laminé à chaud. Le module quant à lui ne change pas
(cf. document fib [30] p.143).
Au-delà, l’évaluation devient plus complexe et l’avis d’un expert ou la  réalisation d’essais sont alors nécessaires.
De la même manière, des essais sont utiles lorsque l’évaluation de la capacité portante résiduelle de l’ouvrage est
particulièrement sensible  à la  résistance des armatures. Ces essais normalisés (norme NF  EN  ISO 6892-1 d’octobre
2009 [45]) permettent de mesurer les  caractéristiques mécaniques usuelles  : la  résistance à la  traction, la  limite
conventionnelle d’élasticité à 0,2 % ainsi que l’allongement à la rupture.
Réalisés sur des aciers d’ouvrages incendiés d’une grande agglomération française, ces essais ont montré que la limite à
la rupture est le plus souvent conservée même à très haute température et que la limite élastique diminue (cf. tableau 1).
Le rapport limite de rupture sur limite élastique se rapproche alors de celui des ronds lisses (perte d’écrouissage).

82 Résistance à l’incendie des ponts routiers


ft f 0,2 ft/f 0,2 εuk
Ouvrage n°1
453 MPa 350 MPa 1,29 13,5 %
(aciers HA)
Ouvrage n°2.a
705 MPa 609 MPa 1,16 8,6 %
(aciers HA)
Ouvrage n°2.b
694 MPa 592 MPa 1,17 8,7 %
(aciers HA)
Aciers HA classe B
1,08 5 %
(selon EC2)
Aciers Rond Lisse ou HA classe C
1,15 à 1,35 > 7,5 %
(selon EC2)

Tableau 1 : Caractéristiques d’aciers d’ouvrages incendiés

L’adhérence acier-béton pendant l’incendie et après refroidissement est également affectée d’une manière dépendant
aussi bien de la  sévérité et de la  durée de l’incendie que du type et de l’état de l’armature passive concernée  ;
néanmoins peu d’éléments sont disponibles à ce sujet sur les armatures plus récentes.

Quelques éléments d’appréciation peuvent toutefois être formulés à partir des différents essais réalisés et résumés
dans le document [46] :
• l’adhérence est réduite lorsque la  température augmente et cette réduction est plus importante que celle  de
la résistance en compression du béton ;
• le  pourcentage de perte d’adhérence est à température identique plus important pour des armatures lisses que
pour des armatures nervurées ;
• le diamètre des barres a peu d’effet sur la réduction de l’adhérence ;
• le type de granulats du béton influe sur l’adhérence à des températures élevées ;
• plus l’enrobage est faible, plus la réduction de l’adhérence est importante.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 83


Une évaluation de l’adhérence en fonction de la température, qui reste toutefois approximative en raison de la complexité
du phénomène d’ancrage, peut être obtenue à partir des courbes fournies par Zhaohui Huang [46] suivantes :

Figure 51 : Variation de la capacité d'ancrage en fonction de la température

Cette perte d’adhérence peut conduire, de manière sécuritaire, à ne pas tenir compte des aciers ancrés et/ou recouverts
longitudinalement dans la zone chauffée.

La dégradation des armatures affectées par l’incendie (chauffées, apparentes, voire non-adhérentes) doit être prise
en compte dans les calculs en retenant des valeurs réduites des caractéristiques mécaniques.

A défaut de données sur les températures atteintes des armatures apparentes ou non-adhérentes, il est possible de
les négliger.

Acier de précontrainte
Les propriétés mécaniques des aciers de précontrainte après refroidissement se détériorent pour des températures
maximales atteintes plus faibles que pour les armatures passives. Ainsi, la résistance ultime après refroidissement
diminue de manière linéaire à partir de 200  °C pour atteindre 50  % de sa valeur initiale  lorsque la  température
maximale  a atteint 600  °C. En dessous d’une température d’échauffement de 200  °C, les  aciers de précontrainte
retrouvent leurs caractéristiques mécaniques après refroidissement. Dans le cas d’armatures de précontrainte tendues
à 80 % de la Force de Rupture Garantie (FRG), une rupture spontanée risque de se produire à partir d’une température
de 300 °C.

Figure 52 : Résistance ultime et limite élastique des aciers de précontrainte après refroidissement [30] [47]

84 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Dans le  cas des armatures de précontrainte, l’attention est également attirée sur les  pertes de précontraintes qui
résultent principalement de la chute de la limite élastique des armatures lors de l’échauffement. Les pertes de tension
peuvent également être aggravées par la réduction du module élastique du béton et par le phénomène de relaxation
des armatures soumises à des températures élevées.

Figure 53 : Fil tréfilé. Evolution du taux de relaxation à 20 °C pour divers traitements thermiques (maintien à X °C pendant 1 ou 4 heures suivi
d’un refroidissement lent). Pour 4 heures à 100 °C ou 1h à 300 °C le taux de relaxation maximal garanti est dépassé [29]

Un incendie peut avoir un impact sur le taux de relaxation même à des températures relativement faibles (de l’ordre
de 80 °C) en fonction de sa durée (cf. figure 53 et document du LCPC [29]).

Lorsque l’évaluation de la  capacité portante de l’ouvrage est particulièrement sensible  à la  tension résiduelle  des
armatures actives intérieures, cette dernière peut être obtenue, pour un fil, un toron voire un câble entier, à partir d’une
mesure à l’arbalète (cf. photo 11 et guide technique du LCPC « Mesure de la tension des armatures de précontrainte
à l’aide de l’arbalète » [48]).

Photo 11 : Mesure de l’effort d’un fil à l’aide de l’Arbalète

Dans le cas de la précontrainte extérieure, l’accession à l’effort d’un câble et son interprétation dans l’évaluation de
la capacité portante est un peu plus délicate : si la gaine est injectée au coulis, la mesure à l’arbalète est possible.
Une approche avec les méthodes vibratoires peut être aussi utilisée pour estimer la tension résiduelle de câbles de
précontrainte extérieure présumée dégradée par un incendie (méthode des lpc n°35 [49]), par exemple pour l’incendie
du pont de l’ONIA à Toulouse (12T15 et 19T15 dans gaine PEHD remplie de coulis de ciment). L’analyse vibratoire
des câbles  sains et des câbles  chauffés dans la  même section et les  sections voisines a permis de conclure que
les câbles dégradés par incendie sont restés sous les seuils induisant des pertes par relaxation, et ont gardé toutes
leurs caractéristiques mécaniques.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 85


3.3.3.6 - Evaluation de l’état d’une charpente métallique soumise à un incendie
Examen des assemblages : cordons de soudure, boulons ou rivets
Les  effets thermiques peuvent engendrer durant l’incendie des contraintes très élevées dans les  pièces dont
les déformations sont empêchées. Il en résulte des pliures, voire des déchirures au pied de certains cordons de soudure,
ou au sein de certaines tôles, notamment les tôles assemblées par boulons ou rivets.
Un premier examen visuel attentif des cordons soudures peut être complété d’une part par ressuage pour détecter
des fissures débouchantes, et d’autre part par magnétoscopie et ultra-sons pour détecter des défauts sous-jacents
(environ 1 mm) des assemblages soudés dans les zones exposées au feu.
Le schéma statique interne des efforts peut avoir été modifié durant l’incendie du fait des plastifications irréversibles. Il
en résulte des concentrations de contraintes. Durant l’incendie, l’effort tranchant peut par exemple être seulement repris
par une diagonale tendue selon un schéma de résistance ultime. Aux deux extrémités de la diagonale, les contraintes
dans l’assemblage sont alors très élevées, ce qui peut causer des déchirures.
Ces déchirures sont le signe d’une charpente devenue dangereuse, en particulier si elle est portée par des appareils
d’appui qui risquent de se bloquer du fait d’une dégradation irréversible causée par l’élévation de la température. Ce
peut être le cas des appareils d’appui glissants selon la qualité du téflon. À cet égard, il est beaucoup plus facile de
juger de l’état des appareils d’appui à rouleau et balanciers. Il est recommandé de mesurer les  déplacements et
déformations des appareils d’appui pour apprécier leur comportement sous variations thermiques.
Les ouvrages assemblés par rivets ou par boulons HR sont exposés à des risques particuliers. Après un incendie, il
est souhaitable  de vérifier les  assemblages sollicités par des effets thermiques ou directement exposés aux fortes
températures, ce qui concerne particulièrement les boulons HR : un échantillon d’au moins 5 boulons ou rivets peut
être prélevé et l’intégrité de l’acier des boulons ou des rivets peut être vérifiée par la dureté Vickers et les répliques
métallographiques.
Dans le cas particulier des boulons HR, il convient de vérifier la tension de précontrainte, ce qui n’est pas le cas des
assemblages rivetés.
On pratique ensuite des essais de traction et si possible des essais Charpy sur les vis ou les rivets. Les tests peuvent être
plus exhaustifs si les résultats sont mauvais et le remplacement systématique des boulons HR ou des rivets est alors
nécessaire. Pour ne pas affaiblir l’assemblage, ces démontages, tests et remplacements de boulons ou de rivets sont
bien entendu menés au besoin un boulon ou un rivet à la fois. Si c’est possible et nécessaire, des palées provisoires
peuvent être mises au contact de la charpente pour mettre le pont en sécurité durant les opérations sur les assemblages.

Dureté Vickers
Des essais de dureté (norme EN ISO 6507-1 d’avril 2006 [50]) permettent, par comparaison avec des mesures réalisées
dans des zones saines et croisées par l’analyse micrographique de la structure cristalline de l’acier, d’avoir une estimation
de l’impact de l’incendie sur les caractéristiques mécaniques.

L’acier dont la structure métallographique


est modifiée par l’incendie devient
fragile  et cassant, et il présente aussi
une plus grande dureté du fait par
exemple de la présence de martensite.
La  dureté est mesurée localement par
enfoncement d’une pointe diamantée.

La  mesure de la  dureté Vickers est un


examen non destructif et peu coûteux. Il
est donc possible de multiplier les points
de mesure pour s’assurer de l’intégrité
de nombreuses zones ou pour préciser
l’étendue des zones fragilisées. Figure 54 : Principe de la mesure et appareil portatif
qui rend possible une mesure in situ parfaitement non destructrice

Répliques métallographiques
Cette technique est normalisée et permet le diagnostic de l’acier après un incendie en plusieurs points au moyen d’un
équipement portatif léger.

86 Résistance à l’incendie des ponts routiers


La méthode comporte cinq étapes :
• meulage local pour éliminer les couches superficielles d’oxydes, de peinture, ou de décarburation ;
• préparation de la zone par polissage à l’aide de papiers abrasifs de plus en plus fins ;
• attaque métallographique de la zone polie pour révéler la microstructure, par une solution chimique à base d’acide
nitrique et d’éthanol ;
• prise de l’empreinte de la microstructure par pose d’un film d’acétate de cellulose ;
• examen au microscope du film.

Les répliques métallographiques sont possibles sur de petites surfaces d’un centimètre carré et peuvent être prises
après préparation par exemple sur la tête d’un boulon HR. Les répliques métallographiques sont des examens non
destructifs qui sont complémentaires des mesures de la dureté Vickers car elles permettent de préciser les causes des
augmentations éventuelles de la dureté qui auraient été détectées.

Essais Charpy sur des prélèvements


Des essais de choc sur éprouvette Charpy (normes NF EN ISO 148 de Janvier 2011 [52]) permettent de déterminer
l’énergie de rupture KV en flexion par choc (cf. photo 12 et figure 55).
L’intérêt de l’essai Charpy sur une structure incendiée est de vérifier s’il y a eu fragilisation par surchauffe. En effet,
contrairement à une fragilisation par formation d’une structure martensitique qui peut être détectée par essais de dureté
ou de métallographie, la fragilisation par grossissement de grain qui concerne notamment les aciers thermomécaniques
est quantifiable par l’essai Charpy.
Ces prélèvements sont de taille réduite : 10 x 10 x 55 mm 3. En outre, ils fournissent des informations plus appropriées
après un incendie sur le risque de fragilisation due à la trempe dans les zones où la température aurait pu excéder
725 °C.
Ces prélèvements de petite taille  sont découpés de préférence à la  scie refroidie à l’eau pour que la  chaleur de
la découpe ne fausse pas les résultats. Ils peuvent toujours être pratiqués sans danger pour la structure sur un raidisseur
longitudinal d’âme.

Photo 12 : Prélèvement pour essai Charpy sur un raidisseur


longitudinal de l’âme

Figure 55 : Principe de l’essai

Relevé topométrique laser 3D

Le  relevé en trois dimensions des déformations de la  charpente à l’aide d’un balayage laser permet d’acquérir
les coordonnées de centaines de millions de points sur un pont.

Pour un ouvrage métallique, ces relevés peuvent être utiles à plusieurs titres car :
• ils facilitent la détection de pliures voir de déchirures qui sont peu perceptibles sur place en raison de la noirceur
des tôles causée par les fumées ;

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 87


• ils permettent de modéliser la géométrie déformée en raison des plastifications éventuelles causées par l’incendie.
Il est ainsi possible de tenir compte de ces déformations dans un modèle de calcul non linéaire tenant compte du
voilement ou des effets de membranes dans les coques. Pour le maillage du modèle de la figure ci-dessous, un pas
régulier de relevé de 5 cm a été adopté ;
• ils permettent enfin et surtout de faire le constat des déformations hors spécifications normatives ou au-delà des
déformations mesurées dans les zones non affectées par l’incendie afin le cas échéant de décider de l’étendue de
la zone à remplacer lors des travaux de remise en état.

Figure 56 : Exemple de modélisation effectuée à partir d’un relevé 3D

Éviter les prélèvements inutiles ou mal placés


Une fois le fonctionnement mécanique de la structure parfaitement compris, les essais non destructifs in-situ peuvent
être le cas échéant complétés dans des zones destinées à être remplacées par des essais dits «normalisés», en fait
beaucoup plus agressifs car réalisés en laboratoire à partir de prélèvements d’échantillons plus importants dont
les dimensions à titre indicatif sont de l’ordre de 30 cm de longueur sur 5 cm de largeur.
Ces essais (norme NF EN ISO 6892-1 d’Octobre 2009 [45]) ne permettent de mesurer que les caractéristiques mécaniques
usuelles : la résistance à la traction, la limite conventionnelle d’élasticité à 0,2 % ainsi que l’allongement à la rupture
et le module d’élasticité. Ces résultats ne sont pas essentiels pour le diagnostic après l’incendie.
Ces prélèvements n’ont aucun caractère obligatoire et doivent même être évités dans les zones que l’on pense pouvoir
conserver pour remettre l’ouvrage en service. Les prélèvements pourraient causer des dégâts plus sévères pour l’ouvrage
que ceux de l’incendie et nécessiter d’entreprendre des travaux de réparation coûteux et inutiles.
Bien entendu, ces prélèvements risquent d’affaiblir la structure et de provoquer sa ruine. Ils sont donc aussi à proscrire
dans le cas où le fonctionnement mécanique de l’ouvrage après l’incendie n’est pas encore bien compris.

3.3.3.7 - Evaluation de l’état d’un matériau composite collé soumis à un incendie


Comme il l’a été mentionné au paragraphe 2.1.4, il est recommandé de :
• réaliser une série de prélèvements d’adhésif pour mesurer la température de transition vitreuse conformément à
la norme NF EN 12614 [53] ;
• réaliser des essais de cohésion superficielle du collage des renforts conformément à la norme NF EN 1542 [54].

3.3.4 - Calculs
Des calculs d’évaluation structurale peuvent également être menés. Les besoins en calcul pour l’expertise sont très
variables selon les cas.

Ces calculs prennent en compte les  éventuelles  caractéristiques dégradées des matériaux (résistance, géométrie,
section, etc.) déterminées par les diverses investigations réalisées sur l’ouvrage endommagé.

Ils peuvent permettre de conclure sur la possibilité de remettre en circulation ou sur le niveau de limitation de tonnage
à retenir.

88 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Les exemples d’ouvrages incendiés présentés ci-après donnent quelques indications sur les calculs effectués.

Pour plus de détail sur les principes des calculs, il conviendra de se reporter au chapitre 2 du présent guide.

4 - Exemples d’ouvrages incendiés
Dans cette partie, des exemples de mesures conservatoires, de mise en sécurité et d’investigations après incendie
sont présentés pour des ouvrages de différents types.

4.1 - Exemple d’un incendie sous un pont dalle en béton précontraint à deux nervures

4.1.1 - L’incendie
Un incendie s’est déclaré dans un campement provisoire qui était installé sous la  deuxième travée d’un ouvrage,
occasionnant des dégâts visibles sur la structure (cf. photo 13). La circulation sur l’ouvrage a été interdite immédiatement
dans l’attente d’un avis sur son état.

Photo 13 : L’ouvrage incendié

4.1.2 - Visite exceptionnelle


Une visite exceptionnelle de l’ouvrage a été réalisée rapidement par le maître d’ouvrage gestionnaire en présence
de spécialistes en ouvrages d’art.

L’ouvrage a été identifié comme un pont dalle en béton précontraint à deux nervures et à quatre travées continues.
Il est précontraint longitudinalement et transversalement.

Aucun désordre structurel montrant un endommagement catastrophique de l’ouvrage n’a été observé. Cependant,
l’incendie a endommagé le béton sur la moitié de la surface de la deuxième travée, entraînant un écaillage superficiel
pour une grande partie, mais un écaillage plus profond sur des zones sensibles à mi-travée (cf. photos 14), mettant
notamment à nu des armatures transversales  majeures. L’ensemble  de ces observations a conduit à la  possibilité
que la précontrainte longitudinale ait été touchée en sous face de l’une des deux nervures, et que la précontrainte
transversale l’ait été aussi au niveau du hourdis intermédiaire.

A l’issue de cette visite, il est apparu nécessaire de :


• procéder à un nettoyage des parements (purge des morceaux de béton et lavage des suies) et du sommier de
la culée à proximité de l’incendie ;
• conduire des expertises sur l’état réel des deux types de précontrainte au titre des investigations complémentaires ;
• procéder au changement des appareils d’appuis de la même culée.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 89


a) b)

Photos 14 : a) Deuxième travée du pont dalle en béton précontraint à deux nervures et à quatre travées continues après incendie,
b) Écaillage au niveau de l’une des deux nervures

4.1.3 - Calculs : détermination de la capacité portante de l’ouvrage incendié


Des calculs ont été réalisés par des spécialistes en ouvrages d’art afin de déterminer, de manière théorique et en
fonction des données disponibles, la capacité portante de la structure.

Le dossier d’ouvrage a permis de savoir que :


• la précontrainte longitudinale est réalisée par des câbles 12T13 ;
• la  précontrainte transversale  est réalisée par des câbles  12f8 tendus d’un seul côté, avec un espacement entre
câbles variant de 0,90 m près des appuis à 0,67 m en milieu de travée.

Renseignements pris auprès de témoins et des pompiers, la durée d’exposition au feu de l’ouvrage a pu être estimée
à 2h par le niveau opérationnel.

Le dossier d’ouvrage étant néanmoins incomplet et l’auscultation non terminée au stade des calculs, il a été nécessaire
de faire certaines hypothèses sur l’incendie, les matériaux et le mode de réalisation de l’ouvrage :
• il a été retenu l’hypothèse d’un incendie d’une durée de 2h avec une montée en température conforme à la norme
ISO 834 (courbe CN – ISO 834) ;
• il a été supposé que les câbles utilisés pour la précontrainte sont de classe I à très basse relaxation ;
• puisqu’il était courant lors de la construction de l’ouvrage d’utiliser des bétons de résistance nominale élevée pour
les ouvrages précontraints, la valeur de 30 MPa a été adoptée.

La flexion longitudinale et la flexion transversale ont été étudiées sur deux modèles séparés.

Flexion longitudinale
Une première modélisation a été réalisée avec le logiciel ST1 afin de vérifier l’état de la structure avant l’incendie en
tenant compte de la géométrie de chaque câble, du phasage de construction et du fluage du béton.
La température atteinte dans le béton au niveau des câbles de précontrainte (au nombre de 10) au cours de l’incendie
a été estimée à partir de l’annexe A de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] (cf. figure 57). Cet abaque donne la répartition
des températures dans une poutre hxb = 800x500 pour une durée d’incendie de 2 heures. Ces valeurs peuvent être
utilisées pour les nervures dont les dimensions hxb = 1450x1400 sont supérieures. Les températures ont été estimées
en tenant compte d’un écaillage de deux centimètres et d’une épaufrure de l’angle inférieur.
La  perte de tension dans les  câbles  a été estimée à partir des lois contrainte/déformation du paragraphe  3.2 de
l’Eurocode 2 partie 1-2 [10] (cf. tableau 2). On considère que la déformation du câble par rapport au béton varie peu
avant et après incendie (pas de glissement entre l’acier de précontrainte et le béton), et que la perte de tension se
produisant pendant l’incendie à la température maximale atteinte est conservée après l’incendie.
Une seconde modélisation prenant en compte les nouvelles tensions calculées des câbles a alors été réalisée portant
sur l’état après incendie pour la  nervure la  plus touchée. Il a été estimé que la  précontrainte longitudinale  restait
surabondante et que les nervures étaient aptes à supporter les charges civiles routières. Un essai de chargement a
été demandé pour confirmer ce résultat.

90 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 57 : Distribution de température (°C) dans une poutre, hxb = 800x500

R120 (Eurocode 2 partie 1-2 [10])

Temp. acier fpy,θ /( b fpk ) fpp,θ /( b fpk ) Ep,θ /Ep ept,θ [-] epu,θ [-]
θ [°C] ff t&r ff t&r ff t&r ff, t & r ff, t & r
Classe A Classe B
1 2a 2b 3 4 5 6 7 8 9
20 1.00 1.00 1.00 1.00 1.00 1.00 1.00 0.050 0.100
100 1.00 0.99 0.98 0.68 0.77 0.98 0.76 0.050 0.100
200 0.87 0.87 0.92 0.92 0.62 0.95 0.61 0.050 0.100
300 0.70 0.72 0.86 0.86 0.58 0.88 0.52 0.055 0.105
400 0.50 0.46 0.69 0.69 0.52 0.81 0.41 0.060 0.110
500 0.30 0.22 0.26 0.26 0.14 0.54 0.20 0.065 0.115
600 0.14 0.10 0.21 0.21 0.11 0.41 0.15 0.070 0.120
700 0.06 0.08 0.15 0.15 0.09 0.10 0.10 0.075 0.125
800 0.04 0.05 0.09 0.09 0.06 0.07 0.06 0.080 0.130
900 0.02 0.03 0.04 0.04 0.03 0.03 0.03 0.085 0.135
1000 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.090 0.140
1100 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.095 0.145
1200 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.100 0.150
Note : Pour des valeurs intermédiaires de températures, une interpolation linéaire peut être utilisée.

Tableau 2 : Valeurs des paramètres contrainte-déformation aux températures élevées des aciers de précontrainte formés à froid (ff) (torons et fils)
ou trempés et revenus (t&r) (barres) (tableau 3.3 paragraphe 3.2 Acier de précontrainte - Eurocode 2 partie 1-2 [10])

Flexion transversale
Une modélisation a été réalisée pour l’état avant incendie et une seconde pour l’état après incendie. Le modèle utilisé
comprend les deux nervures longitudinales et le hourdis intermédiaire représenté par des barres transversales pour
former une structure de type « poutre échelle ». La précontrainte transversale a été modélisée par deux forces égales et
opposées centrées sur le centre de gravité du hourdis d’épaisseur 20 cm.
La température atteinte dans le béton au niveau des câbles de précontrainte a été estimée à partir de l’annexe A de
l’Eurocode 2 partie 1-2 [10], Figure A.2. Cet abaque donne la répartition des températures dans une dalle d’épaisseur
20 cm (cf. figure 58.a).
La température des câbles est vraisemblablement restée en dessous de 350 °C. La perte de tension dans les câbles a
pu être estimée comme précédemment, à partir des lois contrainte/déformation du paragraphe  3.2 de l’Eurocode
2 partie  1-2  [10]. La  seconde modélisation portant sur l’état après incendie a alors montré que les  tractions dans
le hourdis ont été limitées à une valeur proche de 1 MPa.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 91


a) b)

Figure 58 : a) Répartition de la température dans une dalle d’épaisseur 20 cm (figure A.2 modifiée de l’annexe A de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10]),
b) Isothermes contrainte-déformation de l’acier de précontrainte à 20 °C et 350 °C.

L’IP1 [55] (règlement de béton précontraint en vigueur en 1973) n’acceptant pas de traction dans le béton en service,
la  précontrainte transversale  est apparue insuffisante pour respecter l’IP1. Néanmoins, selon le  BPEL [56], il est
possible d’admettre des tractions sous combinaison rare, à condition que la section contienne suffisamment d’aciers
passifs. Il est apparu nécessaire d’avoir des données complémentaires sur les aciers passifs en place, la qualité du
béton et la température maximale atteinte au niveau des câbles transversaux pour estimer la capacité du hourdis.

4.1.4 - Auscultation
En parallèle  des calculs, des investigations sur la  précontrainte ont été menées. Ces investigations passent par
la détermination des températures maximales atteintes en fonction de la profondeur et par la détermination précise
du positionnement de cette précontrainte (en complément des plans de câblages).

L’ouvrage a été nettoyé et passé au scléromètre par les spécialistes en ouvrages d’art. Les armatures de précontrainte
intérieure ont été localisées à l’aide du radar. Le programme de carottage a pu être défini.

La méthodologie retenue par les spécialistes en pathologie du béton pour évaluer la température atteinte dans le béton
consiste à caractériser l’impact de l’échauffement sur les constituants du béton par analyses thermiques (ATD/ATG)
et diffractométrie des rayons X (DRX). Le protocole d’essai comporte 2 étapes :
• un étalonnage en laboratoire. L’étalonnage est réalisé sur un béton témoin issu d’une zone non incendiée. Il consiste
à traiter thermiquement une tranche de béton à 100, 200, 300, 400 ou 500 °C pendant 2 heures pour ensuite réaliser
les  essais d’ATD/ATG et DRX. Ces traitements thermiques ont permis d’identifier des traceurs caractéristiques de
la température atteinte par le béton ;
• la  caractérisation de l’impact de l’incendie sur le  béton. Pour cela, les  carottes de béton incendié ont été
échantillonnées en 4 tranches de 2 cm. Les  tranches obtenues sont ensuite concassées puis broyées. La  poudre
obtenue est analysée par ATD/ATG et DRX.

Les essais ont révélé que :


• le béton du hourdis du côté de la pile la plus touchée a atteint une température comprise entre 100 et 200 °C sur
une profondeur de 40 mm. L’échauffement a atteint 100 °C à 60 mm et la température est restée inférieure à 100 °C
au-delà de 60 mm de profondeur ;
• le béton de la nervure la plus touchée carotté au droit du foyer principal a subi un échauffement moins intense que
le béton du hourdis. Une température comprise entre 100 et 200 °C a été atteinte dans les 20 premiers millimètres
de profondeur. Au-delà, la température est restée inférieure à 100 °C ;
• les bétons de la nervure la plus touchée à mi-travée et de l’autre nervure ont été exposés à un échauffement de
faible intensité. La température de ces bétons n’a pas atteint 100 °C.

Les distances données ne prennent pas en compte la perte de matière provoquée par l’incendie.

92 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Connaissant la localisation des armatures de précontrainte intérieure, il a été montré que la température des câbles de
précontrainte n’est jamais montée au-delà de 100 °C. En conséquence, les pertes de précontrainte longitudinale et
transversale ont très probablement été faibles, voire négligeables.

L’auscultation a révélé que les températures atteintes étaient bien plus faibles que celles supposées pour les calculs
et que le hourdis devait être apte à supporter les charges civiles routières, moyennant vérification à l’aide d’un essai
de chargement.

4.1.5 - Essais de chargement


Les  conclusions des calculs et de l’auscultation ont montré la  nécessité de réaliser des essais de chargement.
Les spécialistes en ouvrages d’art ont défini la procédure de l’essai de chargement et les valeurs numériques théoriques
à mesurer. Il s’agissait de vérifier le comportement de l’ouvrage au niveau de la travée incendiée vis-à-vis de la flexion
longitudinale et transversale. Le chargement de l’ouvrage a été réalisé par deux camions de 26 tonnes.

Concernant la flexion longitudinale, deux chargements ont été proposés :


• chargement longitudinal n°1 : le comportement de la travée a été analysé à partir de la mesure des flèches des
deux nervures à mi-travée sous un chargement centré, les deux camions ont été placés dans l’axe du tablier selon
le sens normal de circulation aux abscisses suivantes : l’avant du camion 1 était à 7,3 m de la pile la plus touchée
et le camion 2 était derrière le camion 1 à touche-touche ;
• chargement longitudinal n°2 : les deux camions ont été placés de manière symétrique par rapport à l’axe de l’ouvrage,
chacun au niveau d’une nervure. L’avant des camions était à 12,3 m de la pile la plus touchée.

Le comportement du hourdis en flexion transversale a été évalué par la mesure de la courbure. Les capteurs ont été
placés dans une section saine pour servir de courbe d’étalonnage et dans les zones endommagées. Le chargement a
été réalisé par un camion placé sur la nervure la plus touchée avec les roues côté Sud sur l’axe du tablier. Les résultats
ont été lus sur des comparateurs placés en sous-face du hourdis dans l’axe de l’ouvrage.

Les rotations des nervures sous charges décentrées mesurées étaient conformes aux prévisions du calcul et n’ont pas
montré d’affaiblissement des nervures vis-à-vis de la flexion longitudinale.

Concernant la  flexion transversale  du hourdis, les  valeurs mesurées en partie centrale  étaient du même ordre de
grandeur que les valeurs de calcul, mais il a été constaté un affaiblissement des sections incendiées par rapport aux
sections saines.

Il a été décidé de rouvrir l’ouvrage en autorisant la circulation sur une file centrée sur l’axe de l’ouvrage. L’ouvrage a
été placé sous surveillance renforcée jusqu’à sa réparation.

4.1.6 - Réparation
Le béton dégradé a été purgé par hydrodémolition de façon superficielle après avoir préalablement repéré les aciers
de précontrainte ( cf. photos 15). Les  fissures ont été injectées. Le  béton purgé a été reconstitué par projection de
mortier. Lorsque cela a été nécessaire, des aciers ont été ajoutés par scellement. La circulation initiale a pu être rétablie.

a) b)

Photos 15 : a) Intrados après hydrodémolition, b) Intrados après projection de mortier

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 93


4.2 - Exemple d’un incendie sous un viaduc à travées indépendantes à poutres
préfabriquées précontraintes par post-tension (VIPP)

4.2.1 - L’incendie
Un incendie s’est déclaré sous un ouvrage stratégique d’une rocade, au niveau d’une travée de rive du tablier portant
un sens de circulation. L’incendie éteint et les pompiers partis, le maître d’ouvrage gestionnaire a décidé de rouvrir
l’ouvrage à la circulation compte tenu de sa bonne connaissance de la structure et du fait que la zone endommagée
se trouvait sous la voie rapide non empruntée par des véhicules lourds.

L’ouvrage a néanmoins été placé sous surveillance renforcée, une visite journalière devant être effectuée par le niveau
opérationnel afin de vérifier qu’aucun nouvel élément ne se détache de l’ouvrage et qu’aucune nouvelle dégradation
n’apparaisse. Cette surveillance a été maintenue jusqu’à la réalisation d’essais de chargement.

4.2.2 - Visite exceptionnelle et premiers calculs


Une visite exceptionnelle a aussitôt été effectuée par des spécialistes en ouvrages d’art et des spécialistes en durabilité
des matériaux, à la demande du maître d’ouvrage gestionnaire, afin d’estimer les désordres causés par l’incendie.
Une première analyse a pu être proposée.

L’ouvrage a été identifié comme un viaduc à travées indépendantes à poutres préfabriquées précontraintes par
post-tension. Constitué de deux tabliers parallèles  et indépendants, il comporte trois travées indépendantes.
Le fonctionnement de chaque partie de structure pouvant être isolé du reste, seule la zone directement soumise à
l’incendie (travée de rive d’un des deux tabliers) a été étudiée. La pile touchée par l’incendie est constituée de colonnes
voiles reliées en tête par un chevêtre en béton armé. Le chevêtre supporte les poutres du tablier par l’intermédiaire
d’appuis en élastomère.

La visite exceptionnelle a révélé une concentration des dégâts sous les poutres sur une longueur d’environ 5 à 6 m,
à proximité de la pile intermédiaire (cf. photos 16) :
• la pile est constituée d’un chevêtre appuyé sur des fûts verticaux suffisamment massifs pour ne pas avoir été fragilisés
par le faible écaillage qui a été constaté. Les appareils d’appui étaient peu visibles, mais l’absence de déformation
visible semblait indiquer que leurs caractéristiques mécaniques ont été globalement conservées ;
• les  poutres étaient écaillées sur une longueur d’environ 5 m près de la  pile. Le  talon des poutres présentait un
écaillage limité au centimètre en partie axiale, mais beaucoup plus important au niveau des arêtes. Il pouvait
localement atteindre 4 à 5 cm jusqu’à 10 cm au niveau de l’arête inférieure. Les âmes étaient écaillées de manière
relativement uniforme sur une épaisseur inférieure au centimètre ;
• l’entretoise sur appui présentait un écaillage inférieur au centimètre sur sa face verticale avec un écaillage plus
important au niveau des arêtes ;
• le hourdis n’avait pu être examiné de près. Il semblait cependant que l’écaillage se limitait à une épaisseur de 1 et
à 2 cm, les aciers extérieurs n’étant visibles à aucun endroit.

a) b)

Photos 16 : a) Travée de rive de VIPP atteinte par l’incendie, b) Écaillage au niveau des poutres, de l’entretoise et du hourdis

Immédiatement après la  visite exceptionnelle, une série de calculs a été réalisée par les  spécialistes en ouvrages
d’art afin d’évaluer, de manière théorique et en fonction des données disponibles, la capacité portante de la structure.

94 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Le dossier de l’ouvrage a permis de savoir que la travée incendiée comporte 6 poutres de longueur 24 m et de hauteur
2,70 m, espacés de 3,4 m. Les poutres sont précontraintes par 6 câbles 12f8 Freyssinet. Elles sont entretoisées sur
appuis (voile de 0,25 m précontraint par 2 câbles 12f8) et en milieu de travée (voile de 0,5 m précontraint par 3
câbles 12f8). Les âmes des poutres ont pour épaisseur 0,2 m en partie courante et 0,32 m près des appuis. Le hourdis
d’épaisseur 0,21 m est précontraint transversalement par des câbles  12f8 Freyssinet espacés d’environ 1 m. Il
est constitué par une partie coulée en place entre les ailes des poutres. La reprise de bétonnage ne comporte pas
d’aciers passifs, ce qui constitue un point de fragilité vis-à-vis de l’effort tranchant en cas de diminution de l’effort
de précontrainte transversale.

Les  représentants de la  police présents sur place lors de l’incendie ont déclaré que l’incendie s’était développé à
la  suite de l’explosion d’une bouteille  de gaz donnant immédiatement l’alerte. Les  secours une fois sur place ont
maîtrisé le sinistre en une vingtaine de minutes. La durée d’incendie a été estimée à 30 min. Étant donné la nature
des combustibles, il a été supposé que les  températures lors de l’incendie étaient proches de la  courbe de feu
d'hydrocarbures majorée (courbe HCM). De plus, il a été considéré que les  aciers passifs avaient retrouvé leurs
caractéristiques initiales si leur température n'avait pas dépassé 600 °C au cours de l’incendie (cf. document [57]).

Poutres
En prenant l’hypothèse d’un incendie HCM de 30 minutes, il a été possible d’accéder à la répartition des températures
en fonction de la  profondeur à l’intérieur du béton à partir de la  loi de propagation de température décrite dans
l’Eurocode [10] (cf. figure 59). Les valeurs obtenues montrent qu’il suffit d’un enrobage à l’intérieur du béton non
écaillé supérieur à 2 cm pour que les aciers ne perdent pas de manière irréversible leurs caractéristiques mécaniques.

Répartition des températures HCM30 en fonction de la profondeur à l’intérieur du béton


0 cm 1 cm 2 cm 3 cm
température °C 1279 886 596 406

Figure 59 : Répartition des températures dans les poutres en fonction de la profondeur à l’intérieur du béton

La  précontrainte longitudinale  des poutres est assurée par 6 câbles. En observant l’écaillage maximum, il a été
constaté que 5 câbles  ont conservé leurs caractéristiques sur toute la  longueur. Seul un câble  a semblé avoir des
caractéristiques diminuées sur une zone entre 4 et 6 m, à proximité de l’about des poutres. Il s’agit d’une zone pour
laquelle la précontrainte est généralement surabondante.
Les étriers d’effort tranchant sont constitués de cadres en acier Tor f10 espacés de 0,25 m. En considérant un écaillage
moyen de 0,5 cm, la température atteinte est comprise entre 750 et 850 °C, ce qui ne garantit pas une réversibilité
complète des caractéristiques mécaniques de l’acier.

Entretoises
Seule l’entretoise sur appui est concernée. La résistance à la flexion est essentiellement obtenue par 2 câbles 12f8
dont l’enrobage est resté partout supérieur à 5 cm. Il n’y a pas eu de perte de résistance en flexion. Vis-à-vis des
contraintes de cisaillement, une augmentation de la contrainte de 2,5 % a été obtenue, ce qui reste faible.

Hourdis
La résistance à la flexion de moment positif du hourdis est assurée par des câbles transversaux dont l’enrobage initial
est de 4,5 cm par rapport à la face inférieure. Si l’on admet une profondeur d’écaillage légèrement inférieure à 2 cm,
on obtient une température maximale des câbles de 450 °C, conduisant à une perte de précontrainte d’environ 60 %.
En cas de valeur d’écaillage plus importante, il pourrait y avoir un risque de rupture fragile du hourdis, au niveau de
la section de reprise de bétonnage avec les ailes des poutres, dans le cas où la voie rapide serait circulée par des
poids lourds (ce qui est théoriquement interdit par le code de la route).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 95


Cette première analyse a été conduite sur la  base d’une reconnaissance rapide de l’état de la  structure. Une
évaluation complète de l’ouvrage à partir d’une inspection détaillée a été demandée, toutefois, les premiers éléments
disponibles ont montré que le risque d’une détérioration importante de la structure porteuse n’était pas avéré mais qu’en
revanche, il existait un risque de rupture locale du hourdis. Il a donc été décidé, à l’issue de la visite exceptionnelle et
des premiers calculs, de maintenir la circulation sur l’ouvrage, tout en programmant un essai de chargement à très
court terme de façon à évaluer la perte de précontrainte dans la structure porteuse et le hourdis.

4.2.3 - Essais de chargement


Concernant la vérification de la flexion longitudinale, l’ouvrage a entièrement été modélisé afin de vérifier l’état de
la structure à l’état nominal et en situation dégradée. Il a été montré par le calcul qu’il n’y avait pas de décompression
à mi-travée, y compris en cas de rupture accidentelle d’un câble. En conséquence, seules les flèches des poutres ont
été mesurées lors des essais sous la charge correspondant à deux camions de 40 tonnes.
Concernant la vérification de la flexion transversale du hourdis, le hourdis a été instrumenté dans l’axe de la voie rapide.
Les câbles transversaux de la zone la plus critique ont été repérés par pachomètre et instrumentés par un comparateur
de déplacement. La  mesure a consisté à évaluer l’allongement de la  fibre inférieure en flexion transversale  sous
charges d’exploitation. Une zone témoin indemne a été instrumentée à l’identique pour servir de référence. Cette
zone témoin a été choisie dans la même section transversale sous la voie lente.
Trois chargements ont été réalisés :
• deux camions de 40 tonnes axés respectivement sur la voie rapide et la voie médiane ;
• un camion de 26 tonnes dont une des files de roue est dans l’axe de la voie rapide ;
• un camion de 40 tonnes dont une des files de roue est dans l’axe de la voie rapide.

Les essais de chargement n’ont pas montré de comportement anormal des poutres et des entretoises, par contre ils ont
confirmé une perte importante de la précontrainte transversale du hourdis. Dans ces conditions, le respect de la non-
décompression du hourdis a conduit à limiter la circulation sur la voie rapide à des véhicules légers dont le PTC était
inférieur à 12 t, ce qui était déjà le cas. L’interdiction a été renforcée par un message sur PMV en amont de l’ouvrage.

Résultats de l’essai de chargement


n° câble 2 3 4 5
distance /à laxe de l’entretoise 1,38 m 2,12 m 2,89 m 3,69 m
précontrainte restante 38% 43% 48% non exploitable

Tableau 3 : Résultats de l’essai de chargement

4.2.4 - Auscultation et compléments de calculs


Un diagnostic du matériau béton armé a été réalisé par les spécialistes en durabilité des matériaux. Une inspection
détaillée de la zone sinistrée et de ses abords a été effectuée ainsi qu’une campagne de mesures par scléromètre
destinée à évaluer l’étendue et la profondeur de béton atteintes. Ceci a permis de préciser et de compléter les calculs.

L’auscultation a permis de préciser que les dégâts sous les poutres se concentraient sur une longueur d’environ 6 à
7 m et que les poutres étaient écaillées sur une longueur d’environ 6 m près de la pile. L’écaillage du hourdis a été
évalué à un peu moins de 2 cm.

Dans les poutres, près des appuis, il a été montré que vis-à-vis de l’effort tranchant au moins 90 % de la précontrainte
a été conservée, l’enrobage des câbles en prenant en compte l’écaillage étant de 5,5 à 6 cm (cf. figure 60).

Les  calculs ont également montré que le  niveau de résistance du hourdis permettait le  passage des camions de
livraison de 12 tonnes, mais devenait insuffisant pour ceux de 16 tonnes, dans le cas défavorable d’un chargement
de file entre la voie médiane et la voie rapide. Un camion de 16 tonnes centré sur les voies de circulation ne posait
pas de problème de flexion.

Au niveau de la reprise de bétonnage hourdis/aile des poutres, la contrainte de cisaillement admissible a été comparée
aux contraintes de cisaillement obtenues pour les charges du fascicule 61 titre II [42]. Il est apparu que la section de
reprise de bétonnage devait pouvoir accepter le passage d’un camion de type Bc (30 tonnes), mais qu’un convoi plus
lourd et plus concentré de type Bt entamait le coefficient de sécurité.

96 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 60 : Isothermes contrainte-déformation de l’acier de précontrainte à 20 °C et 450 °C

4.2.5 - Réparation
Au niveau des talons des poutres, un sablage a été réalisé, de même que la passivation des armatures et la reconstruction
de leur enrobage. Le  hourdis a été renforcé par la  mise en place de six pièces de ponts rapportées sous hourdis.
Chaque pièce de pont est fixée aux trois poutres les plus touchées par une barre placée dans une gaine injectée de
coulis de ciment.

Photos 17 : Vue des 6 pièces de pont, légèrement précontraintes, rapportées sous le hourdis

4.3 - Exemple d’un incendie sous un pont dalle en béton armé

4.3.1 - L’incendie
Un violent incendie s’est déclaré sous une travée centrale  d’un pont en béton armé à cinq travées continues. Cet
incendie est dû à l’embrasement d’un camping-car, puis à l’explosion de deux bonbonnes de gaz qu’il contenait. Quatre
autres véhicules stationnant sous la travée ont également été détruits et trois autres ont subi des dégâts importants.

Le feu a brûlé pendant environ 20 minutes avant l’intervention des pompiers, qui auraient mis ensuite 2 heures à
l’éteindre (selon les voisins et témoins interrogés).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 97


La  structure en béton armé du tablier a été endommagée et laissait apparaître de nombreuses armatures
transversales dégarnies.

Les services techniques de la Communauté Urbaine, arrivés très tôt sur place, ont décidé d’empêcher immédiatement
la circulation sur l’ouvrage dans l’attente d’un avis sur son état.

4.3.2 - L’ouvrage incendié

Figure 61 : Coupe longitudinale partielle de l’ouvrage incendié

Les données disponibles sur l’ouvrage sont partielles et essentiellement constituées de plans de coffrage. Les conditions
d’appui ne sont pas connues et non visibles sur site, il est probable que le tablier repose sur des sections rétrécies
sur piles.

La coupe transversale de l’ouvrage donne quelques indications sur la géométrie du tablier :


• largeur de l’ouvrage : 10 m avec les encorbellements ;
• épaisseur du tablier : 0,52 m au centre avec une pente de 2 % soit une épaisseur de 0,45 m au niveau du fil d’eau.

Figure 62 : Coupe transversale de l’ouvrage incendié

La portée de la travée incendiée est de 11 m.

4.3.3 - Visite exceptionnelle


Une visite exceptionnelle de l’ouvrage a été réalisée rapidement par le maître d’ouvrage gestionnaire en présence
de spécialistes en ouvrages d’art.

Aucun désordre structurel montrant un endommagement catastrophique de l’ouvrage n’a été observé (absence
notamment d’une déformation prononcée et de fissures importantes) et les désordres se limitaient à la travée incendiée.
La partie haute des piles et les zones d’appui ne présentaient pas de désordres significatifs.

98 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Néanmoins, l’incendie a endommagé le béton sur une grande partie de la surface de la deuxième travée (environ 80 %).

L’observation de la dalle en intrados de la travée incendiée permet de distinguer essentiellement deux grandes zones
selon l’importance de l’écaillage du béton (cf. photo 18).

Photo 18 : Vue de l’intrados de la travée incendiée

Zone A : Elle est située côté travée 3 et présente un écaillage superficiel sur une bande d’environ 3,70 m le long de
la pile, quasiment aucun acier n’y est apparent (cf. photo 19) ;

Photo 19 : Zone présentant un écaillage superficiel

Zone B : Elle est située côté travée 1 et le béton d’enrobage y a pratiquement intégralement disparu. La nappe inférieure
se compose d’aciers transversaux dont une très grande partie est apparente, voire n’est plus du tout enrobée de
béton. Sur une zone de quelques mètres carrés et située environ à mi-travée, la nappe suivante, constituée d’aciers
longitudinaux, est apparente mais aucun acier n’est complètement dégagé (cf. photo 20).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 99


Photo 20 : Zone présentant un écaillage important du béton d’enrobage

L’épaisseur d’écaillage de béton dans la  zone B est estimée à 5 cm, sauf dans les  zones de transition dalle  /
encorbellements, où les éclats sont ponctuellement plus profonds.
Les aciers transversaux sont sains en apparence. Aucune déformation n’est observée, excepté un léger bâillement de
ces aciers totalement dégagé sur une grande longueur.
L’examen visuel de l’intrados n’a pas permis de repérer les éventuelles zones de recouvrement des aciers longitudinaux.
Les désordres relevés traduisent un endommagement important du tablier au droit de la travée incendiée avec une
diminution certaine de sa résistance en flexion transversale et des doutes quant à sa résistance en flexion longitudinale Il
a donc été décidé de maintenir la fermeture de l’ouvrage y compris aux véhicules légers et aux transports en commun.
A l’issue de cette visite, il est apparu nécessaire de :
• fermer l’accès sous la travée incendiée ;
• procéder à un nettoyage des parements (purge des morceaux de béton et lavage des suies) ;
• mieux cerner l’importance des désordres et leur conséquence sur l’état des matériaux au titre des investigations
complémentaires.

4.3.4 - Auscultation
Le faible tirant d’air de la travée de l’ordre de 3 m en moyenne fait que le béton a été directement soumis à l’incendie.
En conséquence, il a chauffé de manière importante et ses propriétés mécaniques ont été altérées. L’important écaillage
constaté a également entraîné une élévation significative de la température dans les armatures.

Les investigations complémentaires envisagées ont pour objectif :


• de mieux cerner la surface dégradée et la profondeur atteinte ;
• de déterminer les caractéristiques après incendie des armatures ;
• de déterminer la  position des éventuels recouvrements des armatures longitudinales  en l’absence de plans de
ferraillage.

Analyses réalisées sur le béton


Les investigations ont consisté à :
• effectuer une campagne sclérométrique en intrados de la travée ;
• réaliser de petites purges ponctuelles  pour apprécier les  caractéristiques du béton incendié sur les  premiers
centimètres en intrados de la dalle ;
• effectuer des essais de résistance en compression sur des carottes prélevées dans la dalle ;
• réaliser des analyses chimiques.

Campagne sclérométrique
L’objectif de cette campagne est de délimiter la  zone altérée par l’incendie et d’évaluer la  perte de résistance du
béton en place.

100 Résistance à l’incendie des ponts routiers


8 zones ont été testées ainsi que deux zones de référence. Les zones de référence ont été choisies sur une travée
non incendiée.

Figure 63 : Position des zones testées au scléromètre

Dans les  zones écaillées et éclatées, on observe des pertes de résistance variant de 34 à 44  %, ce qui est bien
évidemment très important. Ces résultats sont à relativiser dans le sens ou seule la résistance de surface est mesurée
par le scléromètre. Ainsi, rien n’indique que le béton soit altéré en profondeur. Toutefois, la campagne sclérométrique
permet d’identifier avec une relative précision les zones altérées, qu’il est nécessaire de purger.

Ouverture de fenêtres en intrados de la dalle


La réalisation des fenêtres a permis de montrer que dans les zones altérées, un béton d’apparence plus saine (coloration
grise au lieu de blanche) est trouvé à environ 6 cm, la référence étant l’intrados de la dalle, non écaillé ( cf. photos 21).

a) b)

Photos 21 : Fenêtre avec recherche d’un béton gris sain et cohérent b) sous un béton blanc peu cohérent a)

Carottages en intrados de la dalle


5 carottages de diamètre 50 mm et de longueur visée 100 mm ont été réalisés. Les résultats des essais de compression
ont permis de conclure que le béton n’avait pas été altéré trop en profondeur. Toutefois, les caractéristiques mécaniques
du béton en place ne sont pas très élevées, de l’ordre de 30 MPa.

Analyse chimique
Les  analyses ont été réalisées par Analyseur Thermogravimétrique couplé à une analyse calorimétrique
différentielle qualitative (Mettler Toledo ATG/DSC1).
La perte de masse constatée sur échantillons de béton aux environs de 650 - 750 °C, caractéristique de la perte de CO 2
durant l’analyse thermogravimétrique montre que le béton étudié n’a pas subi de température supérieure à 800 °C
lors de l’incendie. La présence des flux de chaleur caractéristiques de la présence d’eau dans certains minéraux des
granulats au-dessus de 800 °C et du changement de forme du quartz confirment cette hypothèse.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 101


La perte de masse à 450 °C caractéristique de l’eau de la portlandite est très nettement présente sur 2 des prélèvements.
Cette présence d’eau confirme que le béton n’a pas atteint une température supérieure à 500 °C. Les différences de
pertes constatées entre les échantillons laissent supposer que le béton a ainsi pu atteindre 450 °C en surface.
Cette hypothèse est compatible avec l’analyse des armatures : cette température n’est pas suffisante pour altérer des
armatures étirées à chaud.

Analyses réalisées sur les armatures


Deux prélèvements d’armatures ont été réalisés dans le  but de vérifier que le  métal n’a pas subi de modification
de structure (trempe éventuelle) ou de pertes importantes au niveau des caractéristiques mécaniques. Pour cela,
les analyses suivantes ont été réalisées :
• une métallographie ;
• une analyse de dureté ;
• une analyse chimique ;
• un essai de traction.

Métallographie
La détermination de la teneur en inclusions, réalisée suivant la norme NF A 04-106 [58], révèle une assez forte teneur
en oxydes globulaires de type D3e et une légère présence de sulfures de type A1. La structure est de type ferrite-
perlite avec une assez faible proportion de perlite. La taille de grain, déterminée suivant la norme NF EN ISO 643 [59],
donne un résultat ASTM de 8, ce qui correspond à une structure fine.
Il n’y a pas eu de changement de structure suite à l’incendie, le risque d’une trempe martensitique a pu être exclu. Une
observation des bords (zone potentiellement plus affectée par l’incendie) ne montre pas de modifications particulières
et il n’y a pas d’indice d’endommagement par fluage sous forme de micro-vides ou de microfissures (cf. photos 22).

a) b)
Photos 22 : Vue de la structure granulaire du pont étudié (x500) a) et d’une structure ayant subi une trempe (x1000) b)

Caractéristiques mécaniques
Un essai de traction a été réalisé suivant la norme NF EN ISO 15630-1 [60]. La résistance élastique (Re) mesurée est
de 430 MPa et la résistance mécanique à la rupture (Rm) de 463 MPa, avec un allongement (Agt) de 6,9 %.
Ces résultats ont été comparés aux propriétés connues des aciers des années 1970. Il s’agit très probablement d’un
acier de nuance FeE400 de catégorie 3 (Re mini de 400 MPa, Rm mini de 440 MPa et Agt mini de 5 %).
Les essais de dureté (moyenne de 10 essais) donnent une valeur de 158 Hv5, ce qui est en accord avec la structure et
la composition chimique de l’acier. Les résultats des essais ne sont pas homogènes (valeurs de 146 à 177 Vickers) ;
le centre de l’échantillon est légèrement moins dur. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que l’acier soit de type « Tor »,
ce que la géométrie des nervures semble également indiquer.

Analyse chimique
L’analyse chimique a été réalisée par spectrométrie d’étincelle.
Le  taux de carbone est de 0,176  % et le  taux de carbone équivalent est de 0,296  %. Ces taux n’amènent pas de
remarque particulière pour ce type d’acier. La teneur en éléments fragilisant est correcte pour le soufre (0,028 %), mais
élevée pour le phosphore (0,081 % pour un maximum admissible de 0,05 % pour les aciers de béton armé actuels).

102 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Recherche des zones de recouvrements des armatures longitudinales
L’examen de l’intrados de la  travée par technique Radar n’a pas permis de déterminer avec certitude la  nature et
la position des recouvrements des aciers longitudinaux. Il a cependant été détecté que le ferraillage longitudinal était
constitué d’un lit de deux armatures en milieu de travée et d’une seule armature à proximité des piles. Le passage
d’une à deux armatures se fait a priori à une distance comprise entre 1 et 2 m de la pile, soit dans une zone comprimée
à vide, ce qui est rassurant vis à vis de l’ancrage des armatures longitudinales.

Synthèse des auscultations


Les investigations réalisées montrent que les propriétés mécaniques de l’acier, de type FeE400 de catégorie 3, n’ont
pas été modifiées par l’incendie.
Concernant le  béton, les  essais ont montré qu’il a pu perdre, dans les  zones les  plus altérées, jusqu’à 44  % de sa
résistance. Ceci est cohérent avec les analyses chimiques qui indiquent que le béton est monté, probablement au-dessus
du camping-car, jusqu’à 450 °C. Jusqu’à 200 °C, la diminution de la résistance à la compression du béton est en effet
assez faible, mais elle devient plus rapide à des températures supérieures et, à 300 °C déjà, elle peut atteindre 30 %
de la valeur initiale. A partir de cette température, la pâte de ciment durcie, qui s’est d’abord légèrement dilatée, se
contracte, alors que les granulats se dilatent, plus ou moins fortement selon leur nature.

4.3.5 - Calculs : détermination de la capacité portante de l’ouvrage incendié


L’observation de l’ouvrage après incendie ne fait pas apparaître de déformation résiduelle du tablier ni de fissuration
anormale  en intrados. Les  investigations réalisées laissent en outre supposer que le  béton a atteint dans ses
premiers centimètres une température d’au plus 450 °C. Ces éléments sont plutôt favorables vis-à-vis de la résistance
structurale de l’ouvrage.

La  puissance de l’incendie a vraisemblablement été inférieure à celle  du feu donné par la  norme ISO  834 (courbe
normalisée). En effet, la  distribution de température dans une dalle  d’épaisseur d’au moins 20 centimètres peut
être déterminée à partir de la  figure A2 de l’Eurocode 2 partie 1-2 [10]. Au bout de 2 heures (durée supposée de
l’incendie), la surface du béton aurait dû atteindre plus de 1100 °C. Les armatures transversales dont l’enrobage peut
être estimé à 3 cm auraient dû atteindre 750 °C et les armatures longitudinales, qui ont un enrobage de 5 cm environ,
une température de 575 °C.

Figure 64 : Distribution de température dans une dalle (hauteur = 20 cm) sous courbe de feu normalisé
CN – ISO 834 selon figure A2 de l’Eurocode 2 Partie 1-2 [10]

Compte tenu de l’absence de désordres majeurs et de l’intégrité des armatures transversales, les plus exposées, les calculs
réalisés suite à l’incendie ont eu pour objectifs de s’assurer de la résistance de l’ouvrage à sa remise en service après
réparation. Les sections ont été vérifiées à l’ELU, ce qui permet de s’affranchir du phasage de réalisation de la réparation.
En l’absence de plan de ferraillage, les sections d’acier ont été déterminées à partir des relevés réalisés sur site.

Les calculs réalisés ont montré que l’ouvrage est apte à supporter en flexions longitudinale et transversale les charges
pour lesquelles il a été dimensionné. Les vérifications ont été réalisées selon les règles CCBA 68 et 70 [61] en considérant
les effets des charges civiles du fascicule 61 titre II de 1971 [42]. La résistance caractéristique du béton a été prise
égale à 30 MPa. La limite élastique des armatures est prise égale à 400 MPa.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 103


4.3.6 - Réparation
La première phase de la réparation a consisté à réaliser une purge de l’intrados au marteau-burineur.

L’ordre de grandeur des épaisseurs à purger a été estimé au préalable  sur la  base des examens visuels et des
auscultations par grandes zones (en gros de 2 à 5 cm). Comme il n’est pas facile de contrôler l’épaisseur de purge,
les consignes suivantes ont été données :
• purge de ce qui n’est pas adhérent ;
• dégagement des armatures transversales lorsque leur béton d’enrobage paraissait friable (enrobage assez faible et
souvent en dessous de 3 cm) ;
• p a s d e d é g a g e m e n t s u p p l é m e n t a i r e d e s a r m a t u r e s l o n g i t u d i n a l e s   o u a l o r s t r è s l o c a l e m e n t .
Les armatures transversales étaient déjà visibles sur pratiquement la largeur de dalle sur environ 3 m de long après
incendie, les purges en ont dégagé une très grande majorité. L’ouvrage immédiatement coupé lors de l’incendie
n’a donc pas été ré-ouvert.

Photo 23 : Vue générale de l’intrados après purge

Le support a été réceptionné par :


• examen visuel et sondage au marteau sur l’intégralité de la surface, aucune zone sonnant creux ou mal adhérente
ni aucune fissuration ou micro-fissuration n’a été détectée ;
• essais d’adhérence contradictoires avec essais comparatifs sur travée saine (cf. photo 24).

Photo 24 : Vue d’un essai de pastillage - rupture dans le béton support

104 Résistance à l’incendie des ponts routiers


La réparation a consisté à :
• sabler l’intrados ;
• passiver les armatures et reconstituer localement le ferraillage (armatures prélevées) ;
• réaliser des scellements pour maintenir les aciers transversaux et assurer une meilleur tenue du mortier projeté
(environ 5 scellements HA8 / m² doublé dans les zones où les armatures longitudinales étaient localement visibles)
(cf. photo 25),

Photo 25 : Vue des aciers et des épingles passivées

• projeter un mortier par voie sèche en deux passes, dont une passe de finition (cf. photo 26) ;
• attendre 3 semaines de séchage avant épreuves de chargement.

Photo 26 : Mortier projeté en intrados de la travée

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 105


4.3.7 - Essais de chargement
Avant réouverture à la circulation, des épreuves de chargement ont été réalisées. Il s’agissait de vérifier le comportement
de l’ouvrage au niveau de la travée incendiée vis-à-vis de la flexion longitudinale et transversale. La procédure de
l’essai de chargement et les valeurs numériques théoriques à mesurer ont préalablement été déterminées.

Les épreuves ont été réalisées avec deux camions de 26 tonnes (1 par voie), compte tenu des petites longueurs de
travée (cf. photo 27).

Photo 27 : Camions en position pour les épreuves de chargement

Les épreuves de chargement n’ont pas fait apparaître de problèmes particuliers (flèches conformes, pas de fissuration
anormale détectée du mortier projeté).

A l’issue des épreuves, le pont a pu être ré-ouvert à la circulation sans restriction particulière. La durée de fermeture
de l’ouvrage a été de 2 mois et demi.

4.4 - Exemple d’un incendie sur et sous une dalle orthotrope

4.4.1 - L’ouvrage
Le  pont Mathilde à Rouen a été construit entre 1976 et 1979 et comporte en particulier deux travées jumelles  en
acier de 115 m de longueur. Chacune de ces travées métalliques se compose d’une dalle orthotrope portée par deux
poutres de 4 m de haut, espacées de 17,35 m et reliées entre elles tous les 4 mètres par des pièces de pont. Chacune
de ces travées métalliques s’appuie d’une part sur une culée à une extrémité et à l’autre extrémité sur l’about en
porte-à-faux d’un pont en béton précontraint [62] [63].

Figure 65 : Élévation longitudinale du pont de Mathilde (les travées en acier sont en bleu)

Figure 66 : Coupe transversale d’une travée métallique du pont de Mathilde

106 Résistance à l’incendie des ponts routiers


4.4.2 - L’incendie
Un camion-citerne s’est retourné dans une courbe d’accès au pont. Son chargement de carburant s’est enflammé sur
le pont et s’est répandu d’abord sur la largeur entière de la plate-forme de la travée en acier du côté Sud, puis a coulé
vers les bords et les extrémités du tablier, mettant le feu à des camions garés sous l’extrémité du pont. Le pont a été
alors soumis à un feu violent dont on a estimé que la température a atteint entre 650 et 800 °C.

Les pompiers sont intervenus très rapidement. Les importantes quantités de combustibles apportés sur le pont par
le  camion-citerne ou présents dans les  véhicules  stationnés sous le  pont ont entretenu le  foyer durant une heure
trente environ. Les pompiers ont utilisé de l’eau pour refroidir le pont, ce qui a permis de limiter la température dans
la charpente métallique avant qu’elle n’atteigne la température critique de 725 °C environ, et a probablement sauvé
le pont.

Cette température est en effet celle au-dessus de laquelle l’austénite commence à se former. Par conséquent, si l’action
de refroidissement par arrosage n’est pas menée très rapidement, l’effet de trempe métallurgique sur un acier ayant
dépassé la température critique peut entraîner une fragilisation.

4.4.3 - Gestion de la crise

4.4.3.1 - Mesures immédiates


Pour la sécurité, le pont a été immédiatement fermé au trafic routier, et de plus la navigation sur la Seine sous le pont
a été interdite. Ces décisions ont été prises au vu des incertitudes qui pesaient alors sur la stabilité du pont.
Un cabinet spécialisé a aussitôt été mandaté pour porter un premier diagnostic, et une cellule de crise a été activée par
le Préfet, regroupant tous les gestionnaires de voirie. Le préfet sollicite également les services de l’État pour apporter
une aide technique aux services du Conseil Général. Un comité technique a été constitué par des spécialistes qui se
sont réunis début novembre pour affiner le diagnostic et proposer une instrumentation de l’ouvrage.
Parallèlement, un nouveau plan de circulation a été mis en place et adapté quotidiennement.

4.4.3.2 - Mesures de sécurité complémentaires


Des éléments de corniches endommagés ont été démontés pour éviter leur chute.
Un chauffage des 10 derniers mètres de la  poutre aval a été mis en place par prudence en décembre pour éviter
toute rupture fragile par temps froid dans les cordons de soudure de la zone particulièrement sollicitée du fait des
déformations des âmes et du risque de fragilisation des aciers, tous les résultats des analyses spécifiques n’étant pas
encore connus.

4.4.3.3 - Décisions du Conseil Général en liaison avec le Comité Technique


Au vu des résultats des premières investigations et des premiers calculs, la circulation fluviale sous l’ouvrage a été
rétablie fin décembre 2012, mais la circulation routière n’a pas été rétablie.

4.4.4 - Description des principaux désordres de la charpente métallique


Le platelage est resté déformé en forme d’accordéon sur environ 40 mètres à partir de la culée Sud, les pièces de pont
s’étant alternativement soulevées et abaissées sous l’effet conjugué de la chaleur qui abaisse le module d’élasticité,
et surtout de la compression apparue durant l’incendie dans le tablier du fait de la dilatation empêchée du tablier. Un
candélabre en alliage d’aluminium situé dans la zone des foyers a complètement disparu.

À température élevée, la limite d’élasticité d’un acier diminue. Si elle devient insuffisante par rapport aux contraintes
produites par les charges, la structure se déforme par plastification ou instabilité élastique. Ainsi, l’âme de la poutre
aval s’est déformée de façon impressionnante durant l’incendie : une diagonale tendue s’est formée sur une longueur
de 8 m à partir de la culée avec une onde pliant le premier montant intermédiaire à 4 m de la culée (cf. photo 28).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 107


Photo 28 : Déformations des âmes des deux premiers panneaux de la poutre côté aval

4.4.5 - Investigations particulières concernant les effets de la chaleur sur le tablier métallique

4.4.5.1 - Observation des couleurs


L’observation des couleurs de la protection anti-corrosion met en évidence une carte de répartition des températures
atteintes par la charpente (cf. photo 29). L’annexe 3 du présent guide fournit une aide à l’interprétation.

Photo 29 : Couleurs prises la protection anti-corrosion

4.4.5.2 - Relevé topographique laser


Un relevé en trois dimensions des déformations de la  charpente a été effectué à l’aide d’un balayage laser. Cette
technique a permis d’acquérir au total les coordonnées de 500 millions de points sur le pont dont 100 millions pour
l’extrémité de la  poutre aval. L’interprétation de ce relevé permet la  création d’une maille  polygonale  avec une
précision de ±1 à 2 millimètres. La poutre a eu un déplacement vertical de l’ordre de 217 millimètres et les déplanations
transversales de l’âme dans le tronçon d’about varient entre -160 millimètres et 290 millimètres par rapport au plan
moyen.
Le relevé topographique a permis de réaliser un modèle mécanique de l’about de la poutre aval. Il est permis de supposer
que durant l’incendie, la marge de sécurité vis-à-vis du voilement et de la ruine de la poutre était faible en raison
des caractéristiques mécaniques dégradées de l’acier. En revanche, l’about du pont est stable après refroidissement,
et un premier calcul au second ordre géométrique mené courant décembre 2012 avec matériau élastique a permis
d’exclure tout risque d’effondrement de l’ouvrage refroidi sous son propre poids.

108 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Figure 67 : Déformations de l’âme du même tronçon de 12 m

4.4.5.3 - Examen des cordons de soudure


Un premier examen visuel attentif des cordons soudures de forte épaisseur sur la poutre aval Sud n’a pas fait apparaître
de fissuration : cette observation concerne l’assemblage les montants verticaux dont en particulier le montant d’about
sur les âmes, les assemblages horizontaux âme-semelles, ainsi que les cordons de fixation des raidisseurs longitudinaux
très déformés par l’incendie. Cet examen important a été ensuite complété d’une part par ressuage pour détecter
des fissures débouchantes dans les zones d’accrochage de la diagonale tendue, et d’autre part par magnétoscopie et
ultra-sons pour détecter des défauts internes dans les zones exposées au feu.

Indépendamment d’un secteur présentant des petits cratères de corrosion sur une longueur de 400 millimètres, et
excepté quelques secteurs à la  jonction des âmes avec les  membrures qui auraient nécessité des rechargements,
les soudures ont été jugées en bon état.

Par ailleurs, des examens déjà réalisés en 1998 (ressuage, magnétoscopie et ultra-sons) ont été reproduits selon
les mêmes protocoles sur les soudures d’attache des tôles additionnelles des membrures inférieures. Aucune dégradation
n’a été détectée.

Il convient de noter que les poutres du pont de Mathilde sont entièrement soudées : cette configuration a contribué à
la survie du pont car l’expérience montre que les assemblages boulonnés peuvent être le siège de dégradations graves
lors d’un incendie. Pour les cordons de soudure dont l’acier n’a pas subi de transformation métallurgique, la température
de l’incendie a même probablement amélioré leur résistance en les soulageant des contraintes résiduelles de fabrication
comme dans une opération de détensionnement.

4.4.5.4 - Effet de la chaleur sur l’acier : Mesure de la dureté de Vickers


Ces examens ont été menés dans la zone atteinte par l’incendie avec une ou plusieurs mesures supplémentaires dans
une zone non atteinte afin de comparer les résultats.

4.4.5.5 - Effet de la chaleur sur l’acier : répliques métallographiques


Il a été possible de procéder en dix points à des répliques métallographiques qui ont pu être interprétés début décembre
2012. Neuf points ont été déterminés sur place en fonction des courbures de la tôle et de son aspect en surface sur
la poutre aval, pour la plupart du côté intérieur car c’est entre les poutres du pont que l’air chaud s’est trouvé piégé
et que la température est montée le plus.

Une de ces répliques a été effectuée côté extérieur dans le  secteur directement arrosé par les  sapeurs-pompiers.
Certains points sont sur des cordons de soudure. Un point de référence a été pris hors de la zone soumise à l’incendie
(cf. photo 30).

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 109


Photo 30 : Principaux emplacements des répliques

Photo 31 : Exemple de structure de l’acier observée au microscope sur le film

Les résultats se sont avérés très positifs car la structure observée est partout purement ferrito-perlitique sans trace de
martensite ou d’autre structure dégradée par une température excessive. Par ailleurs, l’Institut de Soudure souligne
l’absence de tout indice de fissuration lié à l’endommagement par fluage ou attaque par métaux liquides.

4.4.5.6 - Effet de la chaleur sur l’acier : Échantillons prélevés pour des essais Charpy
De multiples éprouvettes ont été prélevées pour essais Charpy dans les augets. Ces raidisseurs fermés du platelage
sont très redondants vis-à-vis de la stabilité de la structure incendiée, et de toute façon irrécupérables. On a aussi
prélevé des éprouvettes pour essais Charpy en extrémité des raidisseurs longitudinaux des âmes de la poutre aval
car ces prélèvements n’affaiblissent pas significativement la  structure subsistante  : prise sur le  bord et orientée
parallèlement au raidisseur, l’entaille n’occasionne qu’une découpe d’un peu plus de 1 centimètre de profondeur. Ces
prélèvements de petite taille sont découpés à la scie refroidie à l’eau pour que la chaleur de la découpe ne fausse
pas les résultats (cf. photo 32).

Photo 32 : Prélèvement pour essai Charpy sur un raidisseur longitudinal du platelage

110 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Les Kv à moins 20 degrés centigrades des aciers prélevés sur le pont Mathilde après l’incendie sont compris entre 75
et 125 Joules sur l’éprouvette normalisée de 1 cm², ce qui est dans les normes des performances tolérées. Ils étaient
tous au-dessus de la valeur de référence moyenne Kcv fixée à 50 J/cm2, ce qui élimine tout risque de fragilisation et
de propagation de fissure sous charge permanente.

4.4.5.7 - Autres investigations sur des prélèvements d’acier


Aucun prélèvement n’a été effectué dans les poutres elles-mêmes pour des raisons de sécurité.
Des analyses chimiques ont été réalisées sur des échantillons prélevées sur un raidisseur horizontal, un raidisseur vertical
et deux augets. Les échantillons se sont révélés bien provenir d’éléments en acier de nuance E 36-4 et d’épaisseur
inférieure ou égale  à 16  mm. La  spectrométrie d’étincelle  a révélé des teneurs en carbone (0,19  ; 0,195  ; 0,198  ;
0,214) relativement élevées mais restant en dessous de la valeur limite fixée dans la norme à 0,22. L’incendie n’a
donc pas altéré la composition chimique de ces échantillons.
Le carbone équivalent de ces aciers est compris entre 0,423 % et 0,462 %, ce qui donne une susceptibilité forte à
la fissuration à froid. Le laboratoire a conclu que les études qualifiant des procédures de soudure devraient tenir compte
de ce risque et fixer des précautions pour les modes opératoires de soudage lors de la réparation.
Un unique prélèvement pour essai de traction a été pratiqué dans la  zone exposée à l’incendie, sur le  montant
vertical d’appui côté aval. Ces découpes sont très profondes, c’est pourquoi aucun autre prélèvement n’a été fait dans
la charpente de la poutre aval du côté de l’incendie pour éviter d’affaiblir la structure dans cette zone. Les résultats
des essais sur ce prélèvement concernant la limite élastique et le module d’élasticité sont conformes aux données
des CCPU figurant au dossier de l’ouvrage, sans qu’une évolution particulière puisse donner une indication concernant
l’effet de la chaleur.
Des échantillons complémentaires ont été prélevés pour préciser les propriétés mécaniques. Parmi 17 échantillons,
11 ont eu une limite d’élasticité plus élevée que la valeur de référence de la norme NF A 35-501 [64], Re = 355 MPa,
et six échantillons (venant tous des raidisseurs du platelage) ont eu une limite d’élasticité inférieure à cette valeur.
Pour ce qui concerne la contrainte limite Rm, 15 échantillons ont eu une valeur Rm supérieure à la valeur de référence
Rm = 510 MPa, et deux échantillons (des raidisseurs du platelage) ont eu une valeur inférieure à 510 MPa. On a ainsi
constaté que les raidisseurs d’âme étaient d’une catégorie d’acier plus élevée en résistance que les raidisseurs pliés
en augets du platelage.
Pour chacun des 17 échantillons, les valeurs d’élongation étaient au-dessus de la valeur de référence fixée à 22 % (pour
une épaisseur de plaque comprise entre 3 et 30 millimètres). Les modules d’élasticité mesurés étaient généralement
satisfaisants et proches de 210 GPa (entre 200 et 230 GPa).

4.4.6 - Investigations particulières concernant les effets de la chaleur sur les appareils d’appui


Les appareils d’appui sont des appareils à pots glissant sur une feuille de téflon. Les joints de chaussée se sont ré-
ouverts après l’incendie, ce qui semblait montrer que les appareils d’appui mobiles fonctionnaient à nouveau. Mais cette
réouverture n’était peut-être seulement due qu’au raccourcissement du platelage déformé après son refroidissement.
Les appareils d’appui n’étant pas visitables, l’état du téflon était donc inconnu. Les allongements des deux poutres
qui n’ont pas été exposées de la même manière à l’incendie au droit de la culée Sud en même temps bien sûr que
la température extérieure ont été mesurés.

Un modèle longitudinal du pont entier par des barres a été réalisé avec les travées en béton précontraint sur l’Ile Lacroix
et les  deux travées métalliques. L’inertie thermique des travées en béton est prise en compte. Ce modèle  permet
d’expliquer les allongements observés avec l’hypothèse d’un frottement très petit au droit de l’appareil d’appui.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 111


Figure 68 : Comparaison des allongements mesurés et calculés

La figure représente en rouge la température extérieure qu’on suppose être également la température des travées
métalliques, et représente en vert la température des travées en béton en tenant compte de leur inertie thermique.
Les  courbes des allongements calculés par le  modèle  permettent d’estimer le  coefficient de frottement de l’appui
soumis à l’incendie à une valeur d’environ 30  %. L’hypothèse du non-blocage des appareils d’appui est donc une
hypothèse réaliste.

4.4.7 - Recalcul de la structure déformée par l’incendie


4.4.7.1 - Calcul élastique dans la nouvelle géométrie très déformée
À partir des relevés topographiques un modèle mécanique de l’about de la poutre aval a été réalisé. Courant décembre
2012, un premier calcul a été mené avec matériau élastique mais aux grands déplacements, c’est à dire en tenant
compte des effets de second ordre comme les effets de membrane ou de voilement, par itérations et recherche d’une
convergence. Ce premier calcul élastique a permis de mieux comprendre le comportement de la structure déformée
en vue de rouvrir la navigation sous le pont.

Figure 69 : Calcul élastique sous 1,35 G + H

Ce premier calcul a permis d’expliquer la bonne tenue de l’ouvrage à vide avec des contraintes (Von Mises = 366 MPa)
restant alors dans le domaine élastique sous son poids propre pondéré par le coefficient 1,35 et en tenant compte
de l’effet des déformations géométriques importantes résiduelles de l’incendie. Un effort concomitant horizontal H
de 300 tonnes a été pris en compte par prudence pour tenir compte de frottement dans l’appareil d’appui car on ne
disposait pas encore au mois de décembre d’un long enregistrement des effets de la température sur les dilatations.
La figure 70 montre les contraintes sur les fibres extrêmes des coques les plus sollicitées.

4.4.7.2 - Calcul plastique dans la nouvelle géométrie très déformée


Un calcul plastique a ensuite permis de montrer que la structure restait même stable en pondérant le poids propre
par  2. La  convergence de la  structure est obtenue à ce niveau de charge en tenant compte à la  fois de l’équilibre

112 Résistance à l’incendie des ponts routiers


des efforts aux grands déplacements dans la géométrie déformée, et de la loi de comportement plastique du matériau.
Cette  réserve de sécurité permet lors des travaux de remise en état à un engin léger d’accéder au platelage pour
les travaux.

Figure 70 : Calcul plastique - poids propre pondéré par 2 (échelle allant de 0 à 377 MPa)

4.4.8 - Décisions prises pour la réparation


Dans le contexte de la remise en état après un sinistre, c’est le remplacement à l’identique des parties endommagées
de l’ouvrage, soit une quarantaine de mètres, qui a été retenu par le Maître d’Ouvrage.

Pour effectuer ce remplacement, le pont a été déposé par voie fluviale ( cf. photos 33), cette technique offrant de
nombreux avantages. Le pont est transporté à quai pour y être découpé et les parties endommagées sont remplacées
par des parties neuves.

Cette technique n’occasionne que très peu de gêne à la navigation sauf durant les deux journées de manœuvre pour
la dépose et la repose.

Ainsi, cette méthode présente moins de risques que la mise en œuvre d’une palée provisoire dans la Seine qui aurait
modifié profondément en phase provisoire le fonctionnement mécanique de la travée métallique en mettant le platelage
déformé et plié en traction avec un risque de déchirures au droit des plis.

Le lestage de la console béton précontraint permet aux consoles en encorbellement en béton précontraint de supporter
en l’absence de la travée métallique toute la précontrainte ayant été mise en tension par phases.

Les aléas de chantier sont plus réduits car toutes les contraintes liées au travail au-dessus de la Seine sont évitées,
d’où aussi une probable meilleure qualité d’exécution.

Cette technique ne cause donc pas de nuisance due au chantier en ville, notamment lors de la rénovation de l’ancienne
protection anticorrosion. Le décapage en ville au-dessus de la Seine aurait nécessité la mise en œuvre d’un platelage
engageant le  gabarit de navigation et d’une enceinte de confinement pour assurer à la  fois de bonnes conditions
d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement

Photos 33 : Dépose de la travée centrale par barge pour remplacement partiel (1/3 de la travée)

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 113


4.5 - Exemple d’un incendie sous un ouvrage mixte acier-béton

4.5.1 - Les ouvrages concernés


Ce pont stratégique situé sur une rocade est constitué de six ouvrages principaux et de deux bretelles de raccordement.

Pour les six ouvrages principaux, la structure est composée de deux poutres sous chaussée en caissons de fortes sections
3,5 m de largeur par 3 ou 4 m de hauteur, reliées par une série de pièces de ponts de faibles sections espacées de
2,8 m environ. Les assemblages sont rivetés (cf. photo 34 et photo 35).

Photo 34 : Assemblage riveté Photo 35 : Pièces de pont

4.5.2 - L’incendie
Au cours de la  nuit du 15 au 16 décembre 1988, un incendie s’est déclaré sous le  caisson Ouest. Par principe de
précaution, le gestionnaire de l’ouvrage a logiquement décidé, avec l’avis des services de l’État, de fermer aussitôt
la rocade dans un sens de circulation, le sens intérieur.

Le foyer concernait des wagons stationnés sur des voies ferrées. Cet incendie s’est déclenché dans un dépôt de matériaux
de drainage très légers (6 tonnes pour 120 m3) mais dégageant une forte chaleur (7500 calories par gramme).

Les caissons des ouvrages étant situés à environ huit mètres au-dessus du sol, le feu peut être localisé entre trois et
huit mètres sous les ouvrages.

On estime que le feu a duré une vingtaine de minutes seulement. Il a pu être maîtrisé rapidement par les pompiers.

Précisons aussi que les flammes n’atteignaient pas le pont.

4.5.3 - Dégâts constatés sur la structure


En dépit de la violence de l’incendie, le foyer étant éloigné de la charpente métallique, seuls des dégâts légers ont été relevés
dans les cordons de soudure secondaires. En particulier, l’ouvrage ne présentait pas de déformation plastique évidente.

4.5.3.1 - Aspect extérieur du pont après l’incendie


Une première visite des experts en ouvrages d’art a eu lieu de nuit, entre 21 et 22 heures, l’examen extérieur a
été très limité. Il a été constaté qu’il n’y avait pas d’assemblages boulonnés par boulons HR sur l’ouvrage mais des
assemblages rivetés. L’examen visuel n’a révélé aucune dégradation.
Il a seulement été possible de remarquer la zone noircie par l’incendie et d’examiner, à la lueur des torches, les pièces
de pont reliant les caissons dans la zone de l’incendie : la peinture apparaît blanche. Il semble qu’il s’agisse de la couche
primaire antirouille au minium de plomb, normalement rouge, qui a changé de couleur sous l’effet d’une modification
chimique produite par l’élévation de température.
Cette zone des pièces de pont reliant les deux caissons de l’ouvrage et portant la dalle de béton ne surplombe pas
le foyer de l’incendie car elle est plus à l’Est. En revanche, elle constitue des compartiments où une quantité relativement
faible des gaz chauds produits par l’incendie a pu stationner, prisonnière de la forme du pont.

114 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Aucune déformation anormale, comme celles qui auraient été produites par des phénomènes de flambement ou de
voilement, ou par de très grandes déformations plastiques, n’a été observée dans le cas présent.
Il n’a pas été possible d’examiner alors le béton de la dalle.

4.5.3.2 - Aspect intérieur du pont après l’incendie


En se rapprochant de la zone qui surplombe le foyer, différents niveaux de dégradation de la peinture ont été constatés :
• les couches de surface commencent par cloquer ;
• puis à couler ;
• les couches de surface deviennent alors pulvérulentes (déposant de la suie dans tout l’ouvrage), ou tombent par
plaques, faisant apparaître par endroits des tâches rouges  : la  couche primaire antirouille  au minium de plomb.
Selon la vigueur des flammes, ces couches de peinture superficielle ont pu véritablement brûler en s’oxydant, ou
se consumer sans flamme ;
• on constate ensuite, lorsqu’on se rapproche du foyer, une dégradation de la  sous-couche, qui devient noire et
pulvérulente à son tour.
Certains ont pu observer par un examen attentif que dans les zones les plus chauffées par l’incendie, la couche primaire
antirouille était localement devenue blanche à la sous-face du fond de caisson située au-dessus du foyer. En revanche,
à l’intérieur des caissons, son aspect restait celui d’une transformation en poussière noire.
À la suite d’un incendie de ce type, il est souhaitable que les différentes zones soient photographiées, et qu’une carte
des différents stades de la dégradation de la peinture dans l’ouvrage soit établie pour permettre une amélioration de
nos connaissances, et une diffusion de l’information.

4.5.3.3 - Fissurations mineures de la charpente métallique


À l’intérieur du caisson surplombant le foyer,
deux fissures ont pu être observées au pied
des raidisseurs verticaux :

Figure 71 : Fissures aux pieds des raidisseurs

Ces fissures s’expliquent très facilement : les différents raidisseurs intérieurs du caisson étaient à une température
certainement bien inférieure à celle de la tôle de fond de caisson, ce qui a produit une dilatation différentielle qui a
eu tendance à déchirer l’âme du raidisseur vertical à son point faible. Ces contraintes thermiques se sont ajoutées aux
contraintes résiduelles de soudage non négligeables dans le cas de la disposition constructive figurée.
On peut évaluer la  dilatation différentielle  au niveau de ce raidisseur, de 300 millimètres, pour une différence de
température de 200 degrés :

a = 0,30 x (1,1.10-5 x 200) = 0,66.10-3 m

Soit 7 dixièmes de millimètres : la fissuration n’est pas étonnante.


Il a également été constaté une légère fissuration du cordon longitudinal de soudure de la semelle d’un raidisseur
vertical sur la tôle du fond de caisson.
Des réparations étaient nécessaires, mais le pont a pu être remis en service.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 115


4.5.3.4 - Mouvement des appareils d’appui
Il a été constaté, d’une part que les appareils d’appui à balancier placés sur la culée Sud étaient légèrement basculés
vers la culée, bien que ce fût l’hiver, et d’autre part que les appareils d’appui fixes sur la culée Nord s’étaient déplacés
(vers le Nord évidemment) d’environ 15 à 20 millimètres.

Ce déplacement des appareils d’appui fixes ne peut être expliqué que d’une seule façon : l’incendie a provoqué un
échauffement et une dilatation de l’ouvrage qui a produit une extension vers le Sud, jusqu’à ce que l’ouvrage vienne
en butée sur la culée Sud. La poursuite de l’incendie et de la dilatation a produit alors un mouvement, qui n’a plus
pu avoir lieu que vers le Nord, provoquant le déplacement des appareils d’appui.

L’incendie n’ayant régné sur une vingtaine de mètres de longueur, on pourrait sous-estimer ces effets thermiques
en ignorant la diffusion rapide de la chaleur dans le métal. Mais il est très probable que, si la très forte élévation de
température de la structure n’a régné que sur une longueur aussi limitée, la diffusion de la chaleur jointe à la rétention
des gaz chauds entre les  deux caissons de l’ouvrage d’une part, et dans les  caissons d’autre part, ont provoqué
une élévation de température générale  certainement supérieure à celle  qui a été réglementairement prévue dans
la conception et les calculs de la structure.

De plus, un gradient de température dû à l’échauffement supérieur du fond de caisson par rapport au reste de
la structure s’est formé.

Il serait donc possible de modéliser les phénomènes thermiques de la façon suivante :


• une élévation générale de la température de l’ouvrage ;
• un gradient de température général, correspondant à un échauffement complémentaire de la tôle de fond de caisson ;
• une élévation locale de température dans la zone du foyer de l’incendie ;
• et un gradient local dans cette même zone, correspondant à un échauffement complémentaire de la tôle de fond
de caisson.

Mais il serait très difficile de fixer des valeurs précises pour ces différentes variations de température. Il est par contre
facile de montrer qu’on explique ainsi le mouvement des appareils d’appui.

4.5.4 - Épreuves de l’ouvrage par chargement


La capacité portante globale de l’ouvrage a été vérifiée par des épreuves de chargement afin d’assurer la réouverture
du pont en toute sécurité. Ces épreuves ont été menées dans la nuit qui a suivi celle de l’incendie.

Par ailleurs, en plus des cas de charges centrées initialement prévus qui ont été limités aux 3/4 des charges routières
réglementaires, des cas de charges excentrées sur chaque demi-ouvrage ont également été effectués pour solliciter
les caissons en torsion. Les essais ont ainsi permis de comparer le comportement de chaque caisson du pont bi-caisson
dont seul le caisson Ouest avait été directement exposé à l’incendie. Pour des raisons de sécurité, cette charge a été
installée par paliers successifs (une rangée de camions à la fois).

Ce niveau de charge élevé est bien adapté au cas des ponts métalliques en bi-caisson d'une rocade péri-urbaine, qui
sont parfois effectivement lourdement chargés par le trafic poids lourd. Rappelons qu’à l’époque de l’incendie, la masse
des charges d’épreuves de réception devait être comprise entre les 2/3 et les 3/4 des charges routières réglementaires.

Les  flèches mesurées et immédiatement interprétées sur place étaient en accord avec celles  résultant du calcul. Il
n’a pas été relevé de flèche résiduelle après déchargement ni de non-linéarités lors de l’application successive des
charges par paliers.

Enfin, il n’a pas été relevé de différence significative entre les comportements des caissons Est et Ouest, notamment
sous l’action des charges dissymétriques d’essai, alors que seul le caisson Ouest a été violemment soumis à l’incendie.

Dès le  samedi 17 décembre 1988 au matin, après réunion d’un comité d’examen des épreuves, le  pont a pu être
ré-ouvert à la circulation.

116 Résistance à l’incendie des ponts routiers


4.6 - Exemple d’un viaduc en béton précontraint à précontrainte extérieure

4.6.1 - L’ouvrage
Le viaduc construit dans les années 80 comporte 6 travées continues à poutre caisson en béton précontraint pour une
longueur totale de 567 m.

La plate-forme du tablier de 19,60 mètres de largeur comporte une pente transversale unique de 5 %. De ce fait,
l’évacuation des eaux a été prévue à l’intérieur du caisson pour le sens de circulation situé le plus en hauteur.

Figure 72 : Coupe longitudinale

Précontrainte de l’ouvrage
La précontrainte longitudinale est mixte :
• précontrainte intérieure au béton constituée de câbles 19 T15 pour la précontrainte de fléau et de câbles 12 T15
pour la précontrainte de continuité.
• précontrainte extérieure au béton réalisée avec des câbles  19  T15 ancrés sur les  entretoises des piles  et culées,
déviés par des diaphragmes béton. Les câbles visibles à l’intérieur du caisson sont protégés par des gaines PEHD
(polyéthylène à haute densité) injectées au coulis de ciment.
Le  hourdis supérieur est précontraint transversalement à l’aide de câbles  4  T15 (espacement de 60  cm en partie
courante et de l’ordre de 25 cm à l’approche des culées).

Assainissement, évacuation des eaux


L’ouvrage a un profil en long selon une pente constante de 0,9 % pour le Sens 2 et présente un dévers unique penté à 5 %.

Figure 73 : Coupe transversale

L’eau est de ce fait évacuée :


• pour la chaussée Sens 1 le plus haut : du tablier vers un collecteur présent à l’intérieur du caisson sous le terre-
plein central par l’intermédiaire de gargouilles aménagées sous la DBA (séparateur double en béton renforcé par
deux fils adhérents) ;
• pour la  chaussée Sens 2 en contrebas  : du tablier vers une corniche-caniveau par l’intermédiaire de passages
aménagés au travers de la longrine béton armé d’ancrage des dispositifs de sécurité.

Chapitre 3 - Gestion d’un ouvrage incendié 117


4.6.2 - L’incendie
Un accident impliquant deux poids lourds est à l’origine de l’incendie. Le chargement était en partie composé de rouleaux
de papier. Suite à une collision, les réservoirs des véhicules se sont enflammés et se sont répandus sur l’ouvrage puis
à l’intérieur du caisson par le réseau d’assainissement, notamment par le système de collecteur en PVC (Polychlorure
de Vinyle). L’incendie a duré 150 min. Les canalisations en PVC ont fondu et ont permis la propagation de l’incendie
dans le caisson à proximité des câbles de précontrainte extérieure.

4.6.3 - Dégâts constatés sur la structure et premières dispositions prises


Le  revêtement de la  chaussée a été calciné sur ses 8  cm de hauteur sur plusieurs mètres carrés. C’est pourquoi
la précontrainte transversale a été vérifiée car elle est située sous la chaussée à une profondeur dans le béton lui
assurant un enrobage de 9 cm. On a aussi observé des déformations de la BN4 et de sa longrine sur quelques mètres.

En dépit du foyer alimenté par l’essence enflammée sur et à l’intérieur de l’ouvrage, celui-ci ne présente pas de
déformation structurale. En effet, le  poids propre de l’ouvrage est supporté par les  câbles, intérieurs aux âmes en
béton, qui n’ont pas souffert de l’incendie.

Il n’y a pas eu de détérioration de la gaine en PEHD de la précontrainte extérieure à l’intérieur du caisson et on estime
donc que la perte de tension éventuelle sous l’effet de la chaleur a été limitée à la durée de l’incendie. Les canalisations
d’assainissement en PVC dans la zone touchée par l’incendie ont dû être en revanche remplacées.

4.6.4 - Réparations et mesures prises pour l’avenir


La réparation des dispositifs endommagés de l’ouvrage suite à l’incendie a été réalisée en deux phases. La première
phase de la réparation décrite plus haut a permis de remettre l’ouvrage rapidement en service.

La  seconde phase de renforcement de la  robustesse du pont est intervenue plus tard. Elle  est recommandée pour
tous les  ponts à précontrainte extérieure. Elle  a consisté à déposer les  anciennes canalisations en PVC du système
d’assainissement, y compris celles qui avaient été reprises après l’incendie. Elles ont été remplacées par des canalisations
en fonte sur toute la longueur de l’ouvrage.

Les canalisations et leurs accessoires sont en fonte et conformes à la norme NF EN 598 [65] et à la norme NF EN 877 [66].

Photo 36 : Exemple de recueil d’assainissement en fonte Photo 37 : Canalisation principale en fonte

118 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Chapitre 4 

Gestion d’un patrimoine vis-à-vis


du « risque incendie »
1 - L’analyse du « risque incendie »
1.1 - Rappel du vocabulaire des analyses de risques
Conformément aux principes développés dans le  document du Cerema, «  Maîtrise des risques - Application aux
ouvrages d’art » [67], trois facteurs sont à évaluer et à renseigner de la manière la plus complète possible pour produire
une analyse de risque sur un ouvrage d’art. Ce sont l’« aléa », la « vulnérabilité » et la « gravité des conséquences »,
appelée aussi « enjeu ».

« L’aléa » est le phénomène qui est à l’origine du risque, qui peut se produire ou non au cours de la vie de l’ouvrage.
Il est très important de noter que l’aléa est « incertain ». Un aléa est en toute rigueur caractérisé par sa probabilité
d’occurrence pendant une période de référence (on parle aussi de période de retour de l’événement qui peut être
décennale, centennale ou plus) et l’intensité de sa manifestation.

« La vulnérabilité » est la sensibilité de l’ouvrage vis-à-vis de l’aléa. Cette vulnérabilité dépend de l’aléa proprement
dit, mais aussi de l’ouvrage, car les ouvrages sont plus ou moins sensibles aux différents aléas. La vulnérabilité dépend
de plusieurs aspects : la conception de l’ouvrage, mais aussi son état réel pour un ouvrage existant. La vulnérabilité
peut s’évaluer suivant deux aspects : la vulnérabilité locale qui concerne le comportement des éléments de structure
directement soumis à l’aléa, et la vulnérabilité globale qui prend en compte la contribution d’autres éléments de
structure, pas directement exposés à l’aléa, mais pouvant reprendre une partie des efforts suite à la  rupture de
l’élément soumis à l’aléa, et à la redistribution des efforts qui suit.

« La gravité des conséquences » (ou encore l’enjeu, ou l’importance) comptabilise les pertes de vies humaines et
les dommages directs à la fin de l’événement exceptionnel sur les ouvrages et les coûts de réparation associés. Ceci
inclut également les perturbations économiques et sociales qui découlent essentiellement des pertes d’exploitation
de l’infrastructure routière ou des installations et équipements desservis, mais aussi des atteintes à l’environnement.

Ces trois facteurs se combinent pour donner un niveau de risque.

Il est à noter que le document définit également la notion de « danger » (ou « criticité ») qui est une étape intermédiaire
de la démarche permettant de synthétiser les aspects « aléa » et « vulnérabilité ».

L’analyse des risques peut être complète (tous les aléas connus sont envisagés) ou partielle (un seul type d’aléa est
envisagé) pour restreindre l’analyse lorsqu’une famille d’ouvrage est par exemple particulièrement sensible à un aléa,
ou pour traiter un aléa spécifique (incendie, affouillement) sans compliquer l’analyse avec les autres aléas possibles.

Les  différents concepts de l’analyse des risques présentée précédemment sont purement descriptifs et basés sur
l’observation des différents risques pouvant survenir sur une structure. L’étape suivante est nécessairement décisionnelle,
puisque l’analyse des risques est conduite dans le but d’évaluer un ouvrage ou un parc d’ouvrages pour éventuellement
prendre des mesures. Cette étape est appelée « maîtrise des risques » et inclut l’analyse des risques et le traitement
des risques évalués.

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 119


1.2 - Généralités
Compte tenu des conséquences humaines et économiques pouvant résulter d’un incendie sur un ouvrage d’art, une
méthodologie d’analyse des risques est proposée dans le présent guide. La méthode utilisée est celle qui est présentée
dans le guide du Cerema « Maîtrise des risques - Application aux ouvrages d’art » [67]. Elle est déclinée dans le cas
particulier de l’incendie.

De manière succincte, cette méthodologie propose deux étapes de réflexion. Dans le cadre d’un patrimoine d’ouvrages,
la première étape est une analyse simplifiée appliquée systématiquement à tous les ouvrages et dont le but est de
mettre en évidence ceux qui présentent le  risque le  plus élevé. Pour ces ouvrages, en nombre faible  a priori , une
seconde étape de gestion du risque consistant en une analyse détaillée est effectuée afin de mieux cerner le risque
réel et de le quantifier pour proposer des améliorations éventuelles.

Les deux analyses, simplifiée et détaillée, sont menées sur le même principe. La seule différence réside dans le niveau
de détail des évaluations menées et la sophistication des outils utilisés. Dans les deux cas, on évalue successivement
l’aléa (l’incendie), la vulnérabilité (comportement au feu de l’ouvrage) et la gravité des conséquences (dégâts humains,
matériels et économiques). Le  niveau du risque résulte alors de ces trois facteurs et peut être évalué de manière
qualitative (matrice de risque) ou quantitative. L’analyse de risque dans le cas de l’incendie vise donc à évaluer ces
trois paramètres.

Les  tableaux 4 et 5 ci-dessous synthétisent la  méthodologie de l’analyse des risques qui comprend deux étapes,
l’appréciation du niveau de danger, puis l’appréciation du niveau de risque.

Vulnérabilité Vulnérabilité Vulnérabilité Conséquences Conséquences Conséquences


faible moyenne élevée faibles moyennes élevées

Niveau d’Aléa Niveau de Danger


Danger faible Danger faible Danger moyen Risque faible Risque faible Risque moyen
faible faible

Niveau d’Aléa Niveau de Danger


Danger faible Danger moyen Danger élevé Risque faible Risque moyen Risque élevé
moyen moyen

Niveau d’Aléa Niveau de Danger


Danger moyen Danger élevé Danger élevé Risque moyen Risque élevé Risque élevé
élevé élevé

Tableau 4 : Croisement Aléa x Vulnérabilité = Danger Tableau 5 : Croisement Danger x Conséquences = Risque

Ce chapitre explicite une méthodologie pour apprécier le niveau du risque incendie sur un ouvrage donné ou sur un
parc d’ouvrages. Il s’agit de principes généraux qui ne sauraient couvrir l’ensemble des configurations et qui doivent
éventuellement être adaptés par les  concepteurs et les  gestionnaires aux cas particuliers de leurs ouvrages. Cette
méthode a été calibrée sur un échantillon représentatif d’ouvrages.

Les moyens d’évaluer l’aléa, la vulnérabilité et la gravité des conséquences et les méthodes pour combiner ces facteurs
et en déduire un indicateur simple sont détaillés dans les paragraphes suivants du présent chapitre.

Ces principes, moyens et méthodes sont donnés uniquement pour l’analyse simplifiée, le présent document n’abordant
pas l’étape de l’analyse détaillée.

Pour plus d’informations sur les  phénomènes physiques lors de l’incendie, le  lecteur est invité à se reporter aux
chapitres 2 et 3.

120 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Organigramme de la méthodologie

Analyse simplifiée de risque

- identification et évaluation
Investigations
de l‘aléa
- vulnérabilité
- conséquences

Impossibilité de statuer sur


le risque : investigations
complémentaires à réaliser

Sélection des risques

Risque élevé
Risque Faible Risque Moyen
ou risque diificile à évaluer

Pas de conséquence Amélioration de la conception Analyse détaillée du risque


sur la conception pour un ouvrage à faible coût pour un ouvrage à sélectionné pour une meilleure
à construire construire connaissance du risque réel :
- évaluation de l‘aléa
Pas d‘intervention pour Pour un ouvrage existant, pas - vulnérabilité
un ouvrage existant d‘intervention ou intervention à - conséquences
faible coût Possibilité de ne détailler
(une analyse détaillée est qu‘une partie
également envisageable)

Requalification Maintien en
du risque risque élevé
en faible ou
moyen

Mesures pour réduire le risque


en intervenant :
- sur l‘aléa
- ou sur la vulnérabilité
- ou sur les conséquences

Figure 74 : Méthodologie de l’analyse des risques

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 121


1.3 - Analyse des cas répertoriés d’ouvrages incendiés
L’analyse s’appuie sur une base de données de ponts incendiés entre 1997 et 2015 qui a été constituée grâce aux
travaux suivants :
(1) G
 .Peris-Sayol, I. Paya-Zaforteza, S. Balasch-Parisi and J. Alós-Moya. (2017). Detailed Analysis of the Causes of Bridge
Fires and Their Associated Damage Levels. Journal of Performance of Constructed Facilities, Vol 31 Issue 3 - June 2017
(2) G
 uillem Peris-Sayol's PhD Thesis: Peris Sayol, G. (2017). Análisis de la respuesta frente al fuego de puentes
metálicos multijácena.

Cette base contient de nombreuses informations concernant 154 ponts incendiés dans différents pays : localisation,
type de structures, origine de l’incendie, position du feu par rapport à l’ouvrage, gravité des dommages observés.

Concernant les dommages, ceux-ci sont classés en cinq niveaux de gravité des désordres :
1 : Impact mineur
2 : Impact limité
3 : Dommages partiels (ouvrage réparable)
4 : Dommages majeurs (cas du Pont Mathilde à Rouen par exemple)
5 : Ruine

Il ressort les principales analyses suivantes basée sur cet indice de gravité :

A) Les ponts incendiés se situent majoritairement en zone urbaine ou suburbaine (2/3 des cas) et les feux avec foyer
sous l’ouvrage sous plus fréquents (60% des cas) que les feux avec foyers sur ouvrage (40% des cas). Hors ponts en
bois, les dommages occasionnés sur les ponts en milieu rural (indice de gravité moyen de 2,61) sont supérieurs à
ceux occasionnés aux pont urbains (indice de gravité moyen de 2,21), probablement du fait des délais d’intervention
nécessaires aux pompiers. Cependant, sous feu de camions citernes, les indices de dégâts sont par contre très voisins
du fait de la puissance des feux.

B) Les dommages les plus importants (indice de gravité 4 et 5) sont dus de manière très majoritaire à des incendies
de camions citernes transportant des hydrocarbures. Les conséquences de l’incendie de voitures (indice de gravité
moyen de 1,08) ou de poids lourds (indice de gravité moyen de 1,57) sont très faibles au regard des désordres induits
par les camions citerne (indice de gravité moyen de 3,06). C’est cet aléa qui doit principalement être pris en compte
dans une démarche de prévention des risques, sauf, bien sûr lorsque leur circulation est interdite.

C) Les délais de remise en état des dommages d’indice de gravité 4 est en moyenne de 5 mois (hors ponts en bois).

D) Les feux sous ouvrage sont très nettement plus graves (indice de gravité moyen de 2,64) que les feux situés sur
ouvrage (indice de gravité moyen de 1,7) du fait que les structures porteuses sont très majoritairement situées sous la
chaussée. Les feux situés sur ouvrages peuvent parfois (dans environ 25% des cas) du fait d’écoulements de liquides
inflammables occasionner un foyer sous l’ouvrage et dans ces cas, les désordres observés sont particulièrement graves
(indice de gravité moyen de 3,7).

E) Vis-à-vis du risque de ruine de l’ouvrage sous incendie, il ressort que les ponts en bois, fortement présents aux
Etats Unis, présentent une résistance aux incendies nettement inférieure à celle des ponts en acier ou en béton. Les
ponts métalliques s’avèrent aussi plus sensibles que les ponts en béton. Selon cette base, sur la période observée,
tous les ponts ruinés (vingt-quatre ouvrages) sont soit en bois (15 ruines) soit en métal (9 ruines). Ceci ne signifie
aucunement que la ruine des ponts en béton est impossible, mais elle reste très rare, ce fut par exemple le cas du
pont d’Atlanta sur l’Interstate 85 qui s’effondra en 2017.

F) Vis-à-vis des désordres induits sur les structures, il ressort que tous les matériaux souffrent gravement de l’incendie,
l’acier comme le béton. Sous feu de camions citernes situés sous ouvrage, les désordres sur les ponts à poutres en
béton ont un indice de gravité moyen de 3,45 contre un indice de 3,9 pour les ponts à poutres en acier (ou mixtes).
La raison provient de la plus grande conductivité thermique de l’acier ainsi que des faibles épaisseurs des pièces
constituant les structures métalliques.

G) Vis-à-vis du type de structure,


• Les ponts à poutres sous chaussées constituent la majorité des structures ayant été fortement dégradées (indice
de gravité de niveau 4 ou 5).
• Aucun cas d’incendie majeur sur les ponts suspendus ou à haubans n’a été recensé sur cette période, ce qui ne
permet pas de retour d’expériences sur ces structures.
• Pour les structures en treillis métalliques, trois incendies majeurs avec foyer situé sur la chaussée ont été recensés
conduisant à des désordres relevant d’un indice de gravité moyen de 3.

122 Résistance à l’incendie des ponts routiers


• Les structures porteuses constituées de caissons ou de poutres présentent des indices de gravité de désordres sous
feux de camions citernes situés sous l’ouvrage assez voisins.
• Les ponts en béton précontraint offrent un meilleur enrobage protecteur aux câbles de précontrainte que les ponts
en béton ne l’offrent aux armatures passives, ce qui est bénéfique sous incendie.
• Les ouvrages de type bipoutre ont un meilleur comportement que les ponts à poutres métalliques, du fait de la
stabilisé offerte pas la dalle en béton armée aux poutres.

1.4 - Analyse simplifiée du risque incendie


Les principes ci-dessous sont très généraux et peuvent être adaptés au contexte particulier des ouvrages considérés.
Ils ont été testés et validés sur le patrimoine d’une DIR.

1.4.1 - Principes
L’analyse simplifiée peut mener à trois niveaux de risque :
• risque faible : dans ce cas, aucune disposition particulière n’est à envisager ;
• risque moyen : pour un ouvrage à construire, on peut rendre l’ouvrage moins vulnérable (augmenter les enrobages,
les épaisseurs de charpente métallique) ou réduire l’aléa après une analyse plus détaillée. Pour un ouvrage existant,
la réduction de vulnérabilité est généralement d’un coût élevé. Une analyse détaillée peut être utile pour évaluer
plus précisément les facteurs influents ;
• risque élevé : une analyse détaillée s’impose pour évaluer plus précisément les facteurs prépondérants (ouvrages
neufs ou existants).

L’aléa incendie est défini de manière simplifiée, en définissant un « niveau d’aléa » (faible, moyen, élevé) en fonction
d’un certain nombre de facteurs (trafic poids-lourds (PL), présence de matières dangereuses, conditions accidentogènes
particulières, habitations sous ouvrages, etc.).

Le niveau de l’aléa d’un incendie peut être différent suivant que celui-ci a lieu sur ou sous l’ouvrage. Par exemple,
parmi les facteurs ayant une importante influence sur l’aléa, on trouve les niveaux du trafic routier poids lourds qui
peuvent être différents pour les  voies portées et les  voies franchies. De plus, sous ouvrage, le  type d’occupations
permanentes ou temporaires est aussi déterminant.

On se doit donc de distinguer deux cas en évaluant un aléa d’incendie sur ouvrage et un aléa d’incendie sous ouvrage.
Or le niveau de l’aléa d’un incendie sous ouvrage dépend de la hauteur libre sous l’ouvrage, pour le tablier en tout
cas mais pas pour les appuis.

On distinguera donc dans la méthode simplifiée 3 types d’aléa :


• l’aléa d’un incendie sur l’ouvrage ;
• l’aléa d’un incendie sous le tablier de l’ouvrage ;
• l’aléa d’un incendie à proximité des appuis de l’ouvrage.

Pour les ponts dont l’intérieur est accessible, le risque doit être considéré comme élevé. La réduction de l’aléa passe
obligatoirement par leur fermeture avec un système anti-intrusion efficace.

De même, pour les ponts pour lesquels les eaux récupérées sur le tablier transitent par l’intérieur de l’ouvrage le risque
doit être considéré comme élevé.

La  vulnérabilité est établie de manière simplifiée, sans calcul, mais en prenant en compte notre connaissance des
structures (à dire d’expert). Pour un ouvrage donné, la vulnérabilité peut être différente suivant que l’incendie peut
atteindre les appuis, la structure porteuse ou pas. On distinguera donc là aussi trois familles de vulnérabilité :
• la vulnérabilité d’un ouvrage pour un incendie sur l’ouvrage ;
• la vulnérabilité du tablier pour un incendie sous l’ouvrage ;
• la vulnérabilité des appuis pour un incendie sous l’ouvrage.

Les ouvrages sont répartis en trois classes de vulnérabilité (faible, moyenne ou élevée) en fonction de leur conception
(cf. paragraphe 1.4.3). Pour les ouvrages existants, il peut être utile de modifier ce classement pour prendre en compte
l’état réel de l’ouvrage.

Les conséquences sont également définies de manière qualitative et simplifiée (élevées – moyennes – faibles).

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 123


Les  paragraphes suivants 1.4.2 à 1.4.4 donnent des indications pour évaluer ces 3 critères de manière simplifiée.
Les valeurs numériques utilisées dans les évaluations simplifiées ci-dessous ne résultent pas d’analyses statistiques
précises mais d’un jugement collégial recoupé par des calibrations sur échantillonnage réel.

L’analyse simplifiée des risques a pour objectif de faire un premier tri dans un patrimoine d’ouvrages existants, ou
d’orienter les études pour un ouvrage neuf. Elle est calibrée pour faire ressortir les cas les plus critiques (qui concernent,
normalement, un faible pourcentage d’un parc d’ouvrages).

Lorsque le  risque est qualifié de faible  ou de moyen mais qu’un certain nombre de dispositions sont prises
(cf. paragraphe 2 du présent chapitre), l’analyse peut s’arrêter au niveau simplifié. Dans les autres cas, une analyse
plus détaillée peut être menée (cf. paragraphe 1.5 du présent chapitre).

1.4.2 - Évaluation de l’aléa


L’objectif de ce paragraphe est de définir une méthode simplifiée permettant de classer l’aléa en 3 niveaux : faible,
moyen et élevé.

Ce classement repose sur l’utilisation de critères très simples et facilement accessibles.

Les critères sont les suivants :


• niveau de trafic poids lourds ;
• transport de matières dangereuses (TMD) ;
• présence d’une conduite de gaz portée par l’ouvrage ;
• caractéristiques accidentogènes au droit de l’ouvrage ;
• environnement de la zone franchie :
--franchissement au-dessus d’installations permanentes ou provisoires susceptibles de présenter une source d’incendie,
--franchissement au-dessus de voies ferrées ou voies navigables,
• hauteur libre sous l’ouvrage.

1.4.2.1 - Définition des critères


Niveau de trafic poids lourds (PL)
Le niveau de trafic poids lourds est classé en 3 niveaux : faible, normal, élevé. Il est déterminé directement à partir
du nombre de poids lourds moyen journalier annuel TMJA (lorsque l’ouvrage supporte ou franchit les deux sens de
circulation, il faut prendre le trafic total).

entre 0 et 2000 entre 2000 et 5000 supérieur à 5000


TMJA sur ou sous l’ouvrage
PL/jour PL/jour PL/jour

niveau de trafic poids lourds Faible Normal Elevé

Tableau 6 : Niveaux de trafic poids lourds

Transport de matières dangereuses (TMD)


Le transport de matières dangereuses sur ou sous ouvrage sera pris en compte (cf. tableau 8) pour les ouvrages sur
ou sous lesquels, la circulation de TMD est :
• soit autorisée ;
• soit susceptible d’évolution, selon le gestionnaire.

Caractéristiques accidentogènes au droit de l’ouvrage


Lorsque dans la zone à proximité d’un pont se trouvent des points de conflits tel que carrefour plan, bretelle d’entrée
et de sortie, etc., on peut considérer qu’il existe un facteur accidentogène aggravant l’aléa (cf. tableau 9).

Présence d’une conduite de gaz portée par l’ouvrage


Lorsqu’une conduite de gaz est portée par l’ouvrage (sur ou sous le tablier), l’aléa est majoré (cf. tableau 10).
Selon le guide du projeteur Ouvrages d’Art du Sétra [68] (page 150) : « les conduites de gaz sont interdites à l’intérieur
des structures fermées ». Il serait souhaitable de généraliser autant que possible ce principe quel que soit le type de

124 Résistance à l’incendie des ponts routiers


tablier de l’ouvrage. L’effet de l’incendie d’une conduite de gaz est tel que l’on considèrera qu’il peut atteindre des
structures porteuses par le dessus aussi bien que des structures porteuses par le dessous.

Environnement de la zone franchie


Le gestionnaire appréciera le niveau de sensibilité de la zone franchie par l’ouvrage vis-à-vis de l’aléa incendie.
Les ouvrages peuvent franchir des installations permanentes ou provisoires, telle que bâtiment, parking, des voies
ferrées ou voies navigables, etc.
Trois types de zones peuvent être définies : très sensible, sensible, peu sensible.
Les franchissements d’une station essence ou d’un parking en zone urbaine ou de conduites de gaz ou d’hydrocarbures
peuvent par exemple être qualifiés de très sensibles.
Le franchissement d’une zone pouvant accueillir un campement provisoire peut être qualifié de sensible.

Hauteur libre sous l’ouvrage


La hauteur libre à considérer est celle située au-dessus des éventuelles voies franchies ou des zones telles que définies
au paragraphe précédent.

1.4.2.2 - Classement de l’aléa


Le niveau d’aléa d’un incendie sur ouvrage pourra donc être différent de celui d’un incendie sous ouvrage. Il est à
noter qu’un incendie sous ouvrage peut être la conséquence d’un incendie sur ouvrage (ou inversement).
Pour chacun des critères définis précédemment, on définit une cotation. Les notes obtenues pour chacun des critères
sont ajoutées et comparées aux seuils permettant de classer l’aléa en niveau élevé, moyen ou faible.
Qualification de l’aléa pour un incendie sur le pont en situation normale d’exploitation

Critère A Niveau de trafic PL sur le pont


Trafic journalier moyen annuel sur
5000 ≤ TMJA 2000 ≤ TMJA < 5000 TMJA < 2000 TMJA=0
le pont
Valeurs de A = 5 3 1 0
Tableau 7 : Aléa – critère A pour un incendie sur le pont

Critère B Transport de matières dangereuses


Circulation de TMD Oui Non
Valeurs de B = 2 0
Tableau 8 : Aléa – critère B pour un incendie sur le pont

Caractéristiques accidentogènes de la voie portée


Critère C
au droit de l’ouvrage
Caractéristiques accidentogènes de la voie
Elevées Moyennes Faibles
portée au droit de l’ouvrage
Valeurs de C = 2 1 0
Tableau 9 : Aléa – critère C pour un incendie sur le pont

Critère D Conduite de gaz portée par le tablier


Présence d’une conduite de gaz
Oui Non
portée par le tablier
Valeurs de D = 4à7 0
Tableau 10 : Aléa – critère D pour un incendie sur le pont

L’indice est la somme des 4 valeurs : IA1 = A+B+C+D

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 125


Les seuils de classement sont les suivants :

Niveaux de l’aléa d’un incendie Niveaux de l’aléa d’un incendie


Indice IA1
sur l’ouvrage (avec TMD) sur l’ouvrage (sans TMD)
Indice = 0 Nul Nul
Indice ≤ 3 Faible Nul
4 ≤ Indice ≤ 6 Moyen Faible
7 ≤ Indice Élevé Moyen
Tableau 11 : Seuils de classement de l’aléa pour un incendie sur le pont

Qualification de l’aléa pour un incendie sous le pont en situation normale d’exploitation


Dans le cas d’un incendie sous ouvrage, on distinguera l’aléa d’un incendie sous ouvrage pour le tablier de celui pour
les appuis.

Cas du tablier
Comme pour l’aléa d’un incendie sur ouvrage, on retrouve, pour l’aléa d’un incendie sous ouvrage, les quatre premiers
critères définis précédemment  ; ici le  trafic, le  caractère accidentogène et la  présence de transports de matières
dangereuses concernent la (les) voie(s) franchies, le critère D lié à la présence de conduite de gaz portée par l’ouvrage
concerne lui toujours la  voie portée. On rappelle  que si l’ouvrage franchit une conduite de gaz, cette situation est
prise en compte dans le critère supplémentaire lié à l’environnement de la zone franchie. Les niveaux de ce critère
et les valeurs attribuées à chacun d’entre eux sont définis dans le tableau 12.

Critère E Environnement de la zone franchie :


Ouvrage franchissant une zone Très sensible Sensible Peu sensible
E= 5 2 0
Tableau 12 : Aléa – critère E pour un incendie sous le pont (tablier)

Un paramètre supplémentaire intervient dans la qualification de l’aléa d’un incendie sous ouvrage, il s’agit de la hauteur
libre H sous ouvrage. En effet, au-delà d’une certaine hauteur, l’effet des températures de l’incendie est négligeable.
On considèrera qu’au-delà de 15 m de hauteur libre sous ouvrage l’incendie d’un poids-lourd ne se fait plus ressentir.
Dans le  cas d’un incendie de matières dangereuses (circulation de TMD ou franchissement d’une station essence)
la hauteur de 15 m est portée à 25 m au moins, voire plus pour une conduite de gaz (Hgaz-lim qui reste à déterminer
par une étude spécifique). Ceci amène à pondérer :
• les  critères A, B et C précédents rattachés au trafic par un coefficient aH égal à 0 ou 1 suivant la  hauteur H et
la circulation ou pas de TMD sous l’ouvrage ;
• le critère D est indépendant de la hauteur libre sous l’ouvrage puisque la conduite de gaz est portée directement
par le tablier ;
• le  critère E par un coefficient gH égal à 0 ou 1 suivant la  hauteur H et la  présence ou pas, sous l’ouvrage, d’une
station essence ou d’une conduite de gaz.

Pondération aH Hauteur de l’ouvrage


Circulation de TMD H ≤ 15m 15m < H ≤ 25m H >25m
oui 1 1 0
non 1 0 0

Pondération g H Hauteur de l’ouvrage


Franchissement d’une
H ≤ 15m 15m < H ≤ 25m H >25m
station essence
oui 1 1 0
non 1 0 0

126 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Pondération g H Hauteur de l’ouvrage
Franchissement d’une
H ≤ 15m 15m < H ≤ Hgaz-lim* H > Hgaz-lim*
conduite de gaz
oui 1 1 0
non 1 0 0
Tableau 13 : Pondération des critères A, B, C, E pour un incendie sous le pont (tablier)

* Hgaz-lim : hauteur à déterminer par une étude spécifique

L’indice de l’aléa (IA2) incendie sous ouvrage pour le tablier est donc obtenu par la formule suivante :

IA2 = aH.(A+B+C) + D + g H.E

Enfin, on notera que les valeurs précédentes sont valables pour des ouvrages de largeurs classiques. Plus le rapport
entre la largeur de l’ouvrage d’une part, et les dimensions transversales (largeur et hauteur libre) de la voie franchie,
d’autre part, est important, plus on se rapproche de la  problématique des tunnels. Pour les  ouvrages très larges
(> 30 m), la probabilité d’un incendie sous l’ouvrage est plus forte et les températures atteintes lors de cet incendie
seront plus élevées. Pour ces ouvrages, la valeur de l’aléa devra donc être majorée de 1.

Les seuils de classement sont les suivants :

Niveaux de l'aléa d’un incendie sous Niveaux de l'aléa d’un incendie sous
Indice IA2
l’ouvrage pour le tablier (avec TMD) l’ouvrage pour le tablier (sans TMD)
Indice ≤ 3 Faible Nul
4 ≤ Indice ≤ 6 Moyen Faible
7 ≤ Indice Élevé Moyen
Tableau 14 : Seuils de classement de l’aléa pour un incendie sous le pont (tablier)

Cas des appuis


On notera que, même si la hauteur libre H sous le tablier est importante, les appuis peuvent être soumis aux effets
d’un incendie sous ouvrage. Par ailleurs, leur vulnérabilité est différente de celle du tablier. Ceci conduit à définir un
aléa spécifique pour les appuis.
L’aléa d’un incendie sous ouvrage pour les appuis se détermine avec des critères identiques à ceux qu’on utilise pour
le tablier mais les coefficients de pondération aH et g H n’interviennent pas.
En revanche, la distance « d » entre les appuis et les sources potentielles d’incendie intervient en tant que paramètre
supplémentaire dans la qualification de l’aléa d’un incendie sous ouvrage. En effet, au-delà d’une certaine distance,
l’effet des températures de l’incendie est négligeable.
Le gestionnaire estimera si les appuis peuvent être soumis ou pas aux effets d’un incendie sous ouvrage. Il appréciera
si la distance « d » entre les appuis et les sources potentielles d’incendies est suffisante pour que l’effet de l’incendie
puisse être considéré comme négligeable ou pas.
Dans ce but, des coefficients pondérateurs peuvent être affectés respectivement aux critères A, B, C, D et E précédemment
définis. On distinguera trois coefficients :
• d’une part ad qui s’appliquera aux critères A, B, et C rattachés au trafic ;
• d’autre part bd, qui s’appliquera au critère D rattaché à la présence d’une conduite de gaz portée par l’ouvrage ;
• et enfin g d, qui s’appliquera au critère E lié à l’environnement de la zone franchie.

On considère en général qu’au-delà de 5 m de distance horizontale, l’incendie d’un poids lourd n’a plus d’influence
sur un élément de structure.

Dans le cas de la circulation de poids lourds, si la chaussée est encadrée par des dispositifs de retenue de niveau H2,
on pourra, par exemple, considérer l’effet des incendies comme négligeable si la distance appuis-dispositifs H2 est
supérieure à environ 5 m et donc prendre ad = 1 si d < 5 m et ad = 0 si d > 5 m.

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 127


.

Figure 75 : Zone d’influence transversale de l’incendie

L’indice de l’aléa sous ouvrage pour les appuis (IA3) est donc obtenu par la formule suivante :

IA3 = ad.(A+B+C) + bd.D + g d.E

Enfin, on notera que les valeurs précédentes sont valables pour des ouvrages de largeur classique. Pour les ouvrages
très larges (>30 m), la valeur de l’aléa devra donc être majorée de 1.

Les seuils de classement sont les suivants :

Indice IA3 Niveaux de l’aléa d’un incendie sous l’ouvrage pour les appuis
Indice ≤ 3 Faible
4 ≤ Indice ≤ 6 Moyen
7 ≤ Indice Élevé

Tableau 15 : Seuils de classement de l’aléa pour un incendie sous le pont (appuis)

Les appareils d’appui peuvent poser des problèmes structurels après l’incendie s’ils sont détériorés ou bloqués. Mais
en général, ils ne concourent pas à la vulnérabilité durant l’incendie.

1.4.3 - Évaluation de la vulnérabilité


On rappelle en préalable que les ponts caissons avec câbles extérieurs sont très vulnérables vis-à-vis d’un incendie à
l’intérieur d’un caisson. Aussi, comme préconisé en introduction, il est rappelé que les accès aux caissons de ces ouvrages
doivent être interdits par un système anti-intrusion efficace. De même, il faut éviter que des conduits d’évacuation
des eaux ne résistant pas à un incendie ne soient situés dans le caisson car en cas d’incendie les conduits pourraient
conduire le liquide enflammé à l’intérieur.

Dans la méthode simplifiée, il est proposé de distinguer trois familles de vulnérabilité :


• une pour un incendie sur ouvrage ;
• une pour un incendie sous ouvrage vis-à-vis du tablier ;
• une pour un incendie sous ouvrage vis-à-vis des appuis.

Chacune de ces vulnérabilités se décline en trois classes : faible, moyenne ou élevée.

On classe les différents types de structure en fonction des matériaux utilisés. Le tableau 16 indique les niveaux de
vulnérabilité pour un incendie sur ouvrage et sous ouvrage (pour le tablier). Il s’agit d’une vulnérabilité globale (sous-
entendu de la portance de l’ouvrage) qui conditionne la tenue de l’ouvrage pendant l’incendie. L’ouvrage peut également
présenter des vulnérabilités locales  susceptibles  d’affecter sa remise en exploitation, par exemple, précontrainte
transversale des hourdis des VIPP de la première génération pour un incendie sur ou sous ouvrage.

128 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Vulnérabilité des ouvrages sous feu de forte puissance (TMD)
En l’absence de TMD, les classes seront réduites d’un niveau.

Type d’ouvrage Incendie sur ouvrage Incendie sous ouvrage

Pont en maçonnerie Faible Faible


Cadres, portiques, ponts dalles en BA ou BP, portiques sur palplanches Faible Faible
Ponts dalles BP à nervure, ponts caisson BP (post tension), pont à
Faible Moyen
poutres BA
Ponts à poutres BP (PRAD ou VIPP) Faible Elevé
Ponts à poutrelles enrobées Faible Faible
Ponts mixtes (bipoutres ou caissons) et ponts métalliques (dalles
Faible Elevé
mixtes de type "Robinson")
Ponts métalliques (dalles orthotropes) Elevé Elevé
Ponts en béton précontraint avec câbles extérieurs apparents et
Faible à moyen Elevé
précontrainte intradossée
Pont à poutres latérales métalliques ou bow-strings Moyen Moyen
Moyen à élevé en fonction
Ponts à haubans Moyen
du système d’ancrage
Ponts suspendus Elevé Moyen
Faible si dalle BA et
poutres sous chaussée
Ponts en bois Très Elevé
Elevé si poutres latérales.
Très élevé si platelage bois
Tableau 16 : Niveaux de vulnérabilité pour un incendie sur ouvrage et sous ouvrage (pour le tablier)

On trouve en annexe 2 un tableau récapitulant pour chaque type d’ouvrage de la  méthode IQOA (Image Qualité
Ouvrage d’Art méthode d’évaluation de l’état des ouvrages), les  classes de vulnérabilité proposée pour les  deux
familles « incendies sur ouvrage » et « incendie sous ouvrage ».

La  vulnérabilité des appuis peut aussi être prise en compte suivant le  même principe. On détermine la  classe de
vulnérabilité en fonction du matériau des appuis selon le tableau 17.

Appuis

Matériaux Vulnérabilité

Métal Elevée
Béton précontraint Elevée
Béton armé Moyen
Maçonnerie Faible
Aucun Nulle
Tableau 17 : Niveaux de vulnérabilité pour un incendie sous ouvrage (pour les appuis)

Nota : les piles marteaux en béton précontraint sont particulièrement vulnérables car elles ne présentent pas de
redondances.

A noter que les pylônes au-dessus de la structure porteuse (cas des ponts à haubans ou suspendus) sont considérés
comme faisant partie de la structure porteuse.

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 129


1.4.4 - Évaluation de la gravité des conséquences

1.4.4.1 - Principes généraux


Les incendies qui menacent l’ouvrage peuvent avoir des conséquences sur la sécurité des personnes, sur son aptitude
au service et sa durabilité.

Pour les ponts routiers, il a été retenu une méthode simplifiée d’évaluation de la gravité des conséquences qui repose
essentiellement sur des critères socio-économiques représentatifs.

La  méthode d’évaluation consiste à définir un indice de priorité socio-économique (ISE) tel que développé dans
le guide du Cerema de mai 2006 « Guide pour la gestion des ouvrages d’art à l’usage des départements et autres
collectivités » [69].

Cet indice est conçu pour refléter le  niveau d’intérêt que présentent les  ouvrages - selon le  jugement du maître
d’ouvrage - d’un point de vue stratégique, politique, économique, social, culturel, etc.

L’indice ISE est défini suivant une échelle allant de 1 à 5. Il vaut 1 lorsque l’ouvrage considéré est peu stratégique.
Le maître d’ouvrage attribue à l’indice ISE la valeur maximale de 5 lorsque l’ouvrage présente un intérêt majeur.

Le processus d’attribution se décompose en deux étapes :


• une définition des règles de détermination des indices ISE par le maître d’ouvrage ;
• une mise en œuvre de ces règles par le gestionnaire dans le but d’attribuer un indice ISE à chaque ouvrage.

Les conséquences humaines sont jugées au même degré d’inadmissibilité pour l’ensemble du patrimoine. Elles ne
permettent pas de discriminer les ouvrages. Dans la méthode détaillée, on peut faire intervenir le facteur humain en
fonction des niveaux de pertes humaines.

Élaboration des règles de détermination de l’indice ISE


Avec l’aide du service gestionnaire, le maître d’ouvrage élabore les règles de détermination de l’indice ISE.
En premier lieu, le  maître d’ouvrage détermine tous les  critères nécessaires à la  définition de l’importance socio-
économique des ouvrages. Ces critères relèvent des catégories suivantes :
A. Classification du réseau
B. Enjeux
C. Valeur patrimoniale
D. Incidence de la réduction du niveau de service
Puis, le maître d’ouvrage définit le poids relatif qu’il souhaite donner à chacune des catégories A, B, C et D en fonction
des orientations politiques du département. Dans ce but, des coefficients pondérateurs, α, β, γ et δ, sont affectés
respectivement aux catégories A, B, C et D, sachant que la somme de ces coefficients vaut l’unité (α + β + γ + δ = 1).

Attribution d’un indice ISE à chaque ouvrage


Le gestionnaire détermine l’indice socio-économique ISE de chaque ouvrage du patrimoine, à partir des règles établies
par le maître d’ouvrage.
Il attribue une valeur V(J) de 1 à 5 à chaque catégorie J, pour J = A à D, en jugeant de l’importance des différents
critères de cette catégorie (par exemple : V(A) = 4). S’agissant de cette étape, aucune formule mathématique n’est
proposée. En effet, pour un ouvrage donné, en général, un seul critère (voire deux) s’avère suffisant dans une catégorie.
Il calcule ensuite l’indice ISE avec la formule :
αV(A) + βV(B) + γV(C) + δV(D)
La  détermination d’un indice ISE pour chaque ouvrage du patrimoine est un travail assez considérable  pour
le gestionnaire. Cependant, l’indice ISE constituant une valeur intrinsèque de l’ouvrage, il ne devrait pas faire l’objet
d’une réévaluation systématique.

130 Résistance à l’incendie des ponts routiers


L’indicateur socio-économique, ainsi évalué, permet de définir des niveaux de conséquences :

Indicateur socio-économique Niveaux de conséquences


ISE < 3 1 faibles
3 ≤ ISE < 5 2 moyennes
5 = ISE 3 élevés

Tableau 18 : Niveaux de conséquence

1.4.4.2 - Application aux risques incendie


L’élaboration du mode de détermination de l’indice ISE est un travail des plus délicats. Il faut définir précisément
les différents critères retenus, veiller à leur représentativité et éviter les effets pernicieux.

Si l’on n’y prend pas garde, certains critères peuvent inclure totalement ou partiellement d’autres critères également
sélectionnés, et donc conduire à des comptes doubles, voire triples, qui diminueraient fortement l’influence des
autres paramètres. Une étude de sensibilité des critères et des coefficients pondérateurs choisis paraît donc un
préalable indispensable à la réalisation de la deuxième étape.

A titre d’exemple on pourra proposer les critères suivants :

A. classification du réseau
Hiérarchisation du réseau : critère dépendant de la catégorie de l’itinéraire porté par l’ouvrage.

B. enjeux
Habituellement, ce critère fait reposer le niveau d’importance des enjeux sur le trafic routier de la voie portée.
Or le volume du trafic intervient déjà dans la qualification de l’aléa, pour éviter de surévaluer ce paramètre, il ne sera
pas pris en compte dans ce critère B.
On pourra adopter d’autres critères n’intervenant pas dans l’aléa tel que :
• rôle de desserte de l’ouvrage : activité économique, touristique, etc. ;
• enjeux particuliers : importance de la voie franchie, ouvrage supportant un réseau d’intérêt national.

C. valeur patrimoniale
Valeur de reconstruction : coût de la construction d’un ouvrage garantissant le même niveau de service

D. incidence de la réduction du niveau de service


Déviation : ce critère caractérise les incidences de déviation en cas de coupure temporaire ou définitive de l’ouvrage
(possibilité de déviation ou non, gêne induite pour les usagers).

1.4.5 - Évaluation du niveau de risque


Le niveau de risque est apprécié en croisant dans un premier temps le niveau d’aléa et la vulnérabilité, ce qui donne
le  niveau de danger. L’aléa et la  vulnérabilité sont dissociés suivant que l’incendie a lieu sur ou sous ouvrage, on
obtient un tableau de danger qui s’applique aux 3 cas : incendie sur ouvrage, incendie sous ouvrage pour le tablier
et incendie sous ouvrage pour les appuis (cf. tableau 19).

Danger incendie sur OA, sous OA Vulnérabilité incendie


pour le tablier ou sous OA
pour les appuis Faible Moyenne Elevée

Faible Danger faible Danger faible Danger moyen

Aléas incendie Moyen Danger faible Danger moyen Danger élevé

Elevé Danger moyen Danger élevé Danger élevé

Tableau 19 : Croisement Aléa incendie sur OA, sous OA pour le tablier ou sous OA pour les appuis x Vulnérabilité incendie
sur OA= Danger incendie sur OA

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 131


Dans un second temps, on retient la valeur la plus élevée des trois niveaux de danger précédents (danger sur ouvrage,
danger sous ouvrage pour le tablier et danger sous ouvrage pour les appuis). On aboutit à un niveau de danger.

Dans un troisième temps, on croise le niveau de danger ainsi obtenu et le niveau des conséquences, ce qui donne
le niveau de risque du tableau 20.

Conséquences
Risque
Faibles Moyennes Elevées

Faible Risque faible Risque faible Risque moyen

Niveau de Danger Moyen Risque faible Risque moyen Risque élevé

Elevé Risque moyen Risque élevé Risque élevé

Tableau 20 : Tableau de risque : Croisement Danger x Conséquence

1.5 - Analyse détaillée des risques


L’élaboration de l’éventuelle analyse détaillée peut être confiée à un bureau d’études spécialisé dans le domaine des
risques qui étudiera notamment des scénarios d’incendie et procèdera à une évaluation structurale.

Pour les ouvrages sensibles, les ouvrages situés dans une zone pour laquelle a été établi un Plan de Prévention des
Risques (PPR), les  ouvrages situés à proximité d’installations classées, etc., l’analyse détaillée peut être élargie à
une étude de type « étude spécifique des dangers (ESD) », à l’image de celle réalisée pour les dossiers de sécurité
en tunnel. Basée notamment sur le  retour d’expérience relatif aux incidents et accidents significatifs, elle  décrit
les accidents susceptibles de se produire durant la phase d’exploitation, quelle qu’en soit l’origine ainsi que la nature
des conséquences possibles. Elle précise les mesures propres à réduire la probabilité que ces accidents ne surviennent
ainsi que les conséquences de ces accidents.

On renvoie le lecteur aux documents du CETU décrivant l’ESD [2] et son processus d’élaboration, ainsi qu’à la norme
NF ISO 16732-1 « Ingénierie de la sécurité incendie – Evaluation du risque d’incendie – Partie 1 : Généralités » [70].

2 - Diminution du risque incendie pour un ouvrage neuf ou existant


2.1 - Introduction
Ce chapitre a pour but de lister les principales stratégies à disposition des concepteurs ou des gestionnaires d’ouvrages
pour maîtriser le « risque incendie » sur un ouvrage d’art.

Ces stratégies jouent sur les trois leviers de l’analyse de risque : l’aléa, la vulnérabilité et les conséquences.

Lorsque le risque est considéré comme moyen, il est recommandé de réduire l’aléa, la vulnérabilité ou les conséquences
pour aboutir à un risque faible dans le cas d’un ouvrage à construire. Pour un ouvrage existant, on recommande de
prendre des mesures permettant de diminuer le niveau de risque pour autant que ces mesures ne soient pas trop
lourdes et qu’elles soient économiquement acceptables.

Lorsque le risque est considéré comme élevé, il est recommandé de réduire l’aléa, la vulnérabilité ou les conséquences
pour aboutir à un risque faible dans le cas d’un ouvrage à construire ou à un risque faible ou moyen dans le cas d’un
ouvrage existant.

Ces indications sont évidemment à adapter aux différents cas particuliers. En effet, il convient de distinguer, d’une part,
le risque humain lié à l’incendie et à ses conséquences directes et, d’autre part, le risque économique lié à la perte
de l’ouvrage ou à sa fermeture provisoire.
• la  mise en œuvre de mesures réduisant le  risque est obligatoire quand les  conséquences humaines s’avèrent
inacceptables. En pratique, il convient de concevoir des ouvrages neufs ou de protéger les ouvrages existants pour
qu’ils aient au moins une durée minimale  de résistance à l’incendie permettant l’évacuation des usagers. Cette
durée est très sensiblement plus courte que dans le cas des tunnels ;
• dans le cas contraire, le coût des dispositions doit être en rapport avec l’évaluation des conséquences économiques
attendues. Des conceptions ou protections plus lourdes, permettant une résistance de l’ouvrage pendant le temps
de l’action des pompiers (2 heures par exemple) sont à étudier vis-à-vis du critère économique.

132 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Lorsque le maître d’ouvrage décide d’avoir une exigence de protection de ses ouvrages vis-à-vis de l’incendie, il doit définir :
• pendant l’incendie, le scénario de feu contre lequel il souhaite protéger l’ouvrage : l’Eurocode précise : « Lorsque
la résistance à l’incendie est exigée, les structures doivent être calculées et construites telles qu’elles conservent
leur fonction porteuse durant la durée d’exposition au feu appropriée » (exigence des Eurocodes thématiques) ;
• après l’incendie, son exigence vis-à-vis de l’état de l’ouvrage. L’Eurocode n’impose pas d’exigence sur la résistance
résiduelle et la déformation de l’ouvrage après incendie (cf. Eurocode 1991-1-7). Celles-ci doivent donc être spécifiées.

2.2 - Diminution de l’aléa


Plusieurs stratégies sont possibles pour s’attaquer à la cause de l’incendie afin d’empêcher, de retarder ou de maîtriser
l’incendie :
• analyser les causes des incidents et accidents survenus puis en traiter l’origine ;
• interdire le passage aux véhicules transportant des matières dangereuses, limiter le tonnage des poids lourds, réduire
la vitesse (pour éviter les accidents ou la surchauffe) ;
• empêcher l’accès sous les zones critiques : par exemple, dans le cas des franchissements de gare de triage ou de
zone portuaire, éviter le stationnement de trains ou camions contenant des matières inflammables sous l’ouvrage,
dans le cas de parking, éviter le stationnement à proximité de parties de structures vulnérables ;
• éviter le stockage de matières inflammables et les campements provisoires non autorisés sous ouvrage ;
• éloigner autant que faire se peut les véhicules contenant des matières dangereuses des structures porteuses des
ponts à structures latérales (par exemple mesures d’exploitation, dispositifs de retenue adaptés, rajouts de lisses
sur les diagonales d’un pont à poutres latérales en treillis Warren) ;
• prévoir un système d’alerte automatique des pompiers en cas d’incendie (intégré à l’élément le plus critique comme
l’âme près des appuis par exemple) ;
• prévoir un système d’extinction à proximité (poteau incendie et bâche à eau), poste d’appel d’urgence.

Par exemple, en Allemagne, la travée de l’ouvrage en bois de la photo 38 a été accidentellement incendiée et a dû
être entièrement reconstruite. Il est désormais strictement interdit de camper ou d'allumer des feux sous l’ouvrage
et celui-ci fait l’objet d’une surveillance particulière à cet égard.

Photo 38 : Ouvrage en bois reconstruit après incendie

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 133


2.3 - Diminution de la vulnérabilité

2.3.1 - Améliorer le comportement global d’un ouvrage neuf


La montée en température dans le béton et l’acier est dépendante des quantités de matériaux en place.

Pour les ponts en béton, l’enrobage des aciers passifs participe beaucoup à la résistance de l’ensemble et peut être
augmenté pour diminuer les températures atteintes par les aciers passifs lors d’un incendie.

Il est également possible de recourir à un béton fibré (fibres plastiques de polypropylène par exemple, uniquement
pour empêcher l’écaillage) comme composant naturel des structures en béton armé ou précontraint.

Pour les structures mixtes, la vitesse de montée en température dépend du facteur de massivité (ou surface spécifique)
de l’élément métallique, inversement proportionnel à l’épaisseur. Il est donc possible soit d’augmenter les épaisseurs
des éléments, soit de préférer des éléments moins larges et plus épais par rapport à des éléments élancés. Dans ce
cas, on améliorera aussi le comportement aux instabilités. Il ne faut cependant pas oublier que la limite élastique de
l’acier peut diminuer en fonction de l’épaisseur.

Il est également possible  d’améliorer le  comportement au feu en surdimensionnant les  sections. Les  matériaux
travailleront à un taux plus faible et il faudra donc plus de temps pour que la résistance diminuée du fait de l’incendie
soit inférieure à la contrainte réelle au sein de ceux-ci. Ce principe est bien sûr peu économique, surtout dans le cas
des structures mixtes.

Ce n’est pas parce qu’une résistance est dépassée dans une section que la stabilité de l’ouvrage n’est plus assurée. Des
redistributions peuvent être possibles à condition que les ouvrages aient été conçus dans ce sens, avec suffisamment
de robustesse. Les moyens pour conférer à l’ouvrage une robustesse suffisante lui permettant de mieux résister aux
effets d’un incendie localisé sont les suivants :
• assurer la redondance des éléments potentiellement en contact avec l’incendie ;
• faciliter les redistributions plastiques ;
• utiliser des matériaux plus ductiles (utilisation d’aciers ductiles, par exemple armatures en béton armé de classe C,
confiner le béton) ;
• rendre l’ouvrage plus hyperstatique, encastrer sur culée ou sur appui ;
• utiliser le soudage à la place du boulonnage ;
• empêcher l’effondrement en chaîne à défaut de pouvoir empêcher l’effondrement local.

2.3.2 - Protéger un ouvrage neuf ou existant


Les  mesures de protection sont plutôt adaptées aux ouvrages existants, mais peuvent convenir pour des ouvrages
neufs quand le renforcement structurel correspondant nécessite des modifications disproportionnées.

La  méthode la  plus économique pour améliorer le  comportement au feu d’un ouvrage existant est de protéger
les éléments porteurs. Plusieurs systèmes existent, correspondant à des domaines d’emploi spécifiques. Il convient
de vérifier qu’ils présentent les garanties suffisantes (essais certifiés par un laboratoire agréé en résistance au feu). Il
faut noter que les produits résistants à la courbe Hydrocarbure Majorée (HCM) ( cf. chapitre 1 paragraphe 2.1) sont plus
rares. Le guide « Systèmes de protection passive contre l’incendie – Justification des performances pour les structures
de tunnel routier » [71] fournit des éléments utiles à la justification et à l’acceptation des systèmes de protections
passives (protections par plaques ou par matériaux projetés).

Le type de protection dépend de l’élément à protéger. On peut citer les exemples suivants :


• plaques intégrées au coffrage pour béton (cf. photo 39), ou rajoutées pour ouvrage existant (cf. photo 40).

134 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Photo 39 : Exemple de protection par plaques des piédroits et de la traverse d’une tranchée couverte
(construite mais pas encore mise en service)

Photo 40 : Mise en œuvre de plaques de protection

• béton/mortier projeté ou autres revêtements mis en place par flocage sur ouvrages d’art existants.

Le flocage est un procédé de recouvrement par projection qui est couramment utilisé dans le domaine du bâtiment
pour améliorer l’isolation thermique, la protection acoustique mais également pour la protection incendie passive.
Les revêtements projetés sont subdivisés en systèmes pâteux ou fibreux.

Le flocage peut aussi bien être réalisé sur des structures métalliques que sur des structures béton.

Chapitre 4 - Gestion d’un patrimoine vis-à-vis du « risque incendie » 135


L’efficacité de la  protection au feu augmente en fonction de son épaisseur qui peut être déterminée à partir des
documents techniques du produit utilisé :
• les peintures intumescentes (sur profilés métalliques essentiellement) présentent la particularité d’être expansibles en
cas d’exposition prolongée à une source de chaleur dépassant une certaine température (par exemple augmentation
de 25 fois l’épaisseur à 300  °C). Elles  s’appliquent en complément de la  protection anti-corrosion et peuvent,
de manière facultative au sens de la  protection incendie, recevoir une peinture de finition qui devra toutefois
être compatible avec la peinture intumescente utilisée. Elles sont le plus souvent utilisées pour la protection des
poteaux et poutres de bâtiments, pour lesquels les documents techniques des différents produits existants indiquent
les épaisseurs de peinture à mettre en œuvre en fonction de la température critique de l’élément à protéger, de son
facteur de massivité (ou du profilé du commerce concerné et des faces exposées au feu) et de la durée de stabilité
visée (sous courbe CN – ISO 834 uniquement, cf. chapitre I paragraphe 2.1). Ces épaisseurs sont déterminées à partir
d’essais permettant de déterminer la contribution à la résistance au feu des protections réactives appliquées aux
éléments en acier (norme NF EN 13381 8 [72]). Il existe également des produits plus performants permettant des
niveaux de protection au feu plus élevés qui sont utilisés dans des environnements à haut risque : établissements
pétrochimiques, terminaux de GNL (Gaz Naturel Liquéfié), etc. Par analogie, de tels produits devraient présenter
des niveaux de protection au feu mieux adaptés à la protection d’un pont métallique exposé à l’aléa d’un incendie
d’hydrocarbures. A notre connaissance, de tels produits n’ont toutefois jamais été appliqués sur des ouvrages d’art
et la question de leur compatibilité avec les protections anticorrosion et couches de finition, par ailleurs nécessaires
afin de répondre aux exigences de durabilité et de rendu esthétique, n’a pas encore été traitée. Il convient toutefois
de noter que l’application de peintures intumescentes peut conduire à un aspect de surface non lisse présentant
un effet « peau d’orange ».
• les protections des câbles et haubans : les câbles de précontraintes extérieures (extra ou intradossées) ou les haubans
peuvent être protégés par des systèmes à plusieurs composants  : une enveloppe extérieure (métallique ou en
PEHD), un matériau isolant (matelas ou pulvérulent) dans le vide annulaire entre le câble et l’enveloppe extérieure
et éventuellement des joints intumescents entre les tronçons permettant les mouvements des câbles.
• les protections des appareils d’appui : conformément à l’annexe A informative de la norme NF EN 1337-9 de novembre
1998 « Appareils d’appui structuraux – Protection » [73] : « Des écrans protecteurs peuvent dans ce cas être fixés sur
les appareils ou la structure adjacente. […] Il est à noter dans ce contexte que si les appareils d’appui bénéficient
de mesures spéciales de protection, il y a lieu que celles-ci soient faciles à enlever ou suffisamment souples pour
permettre le contrôle et l’accès aux appareils d’appui. ».

Le  premier inconvénient de tous ces matériaux de protection est leur tenue dans le  temps, en général inférieure
à la  durée de vie des ponts, ce qui nécessite leur remplacement périodique. Ceci doit être intégré dans l’analyse
économique réalisée au moment du choix.

Le  second inconvénient est que certaines protections cachent les  éléments porteurs qui ne sont plus visitables  et
constituent ainsi un obstacle à la réalisation de la surveillance de l’ouvrage. Les plaques rajoutées sur un ouvrage béton
ne permettent pas, par exemple, de déceler l’apparition de fissures dans la structure. Lorsque le système empêche
nettement d’évaluer l’état de la structure, il faut qu’il soit démontable. Ceci doit être aussi intégré dans le coût de
la protection surtout si le seul moyen de démonter la protection est de la détruire. La mise en place d’un système de
protection sur les parties sensibles (limitées en nombre) d’un ouvrage est une mesure qui peut être réalisée à peu de
frais et facilement si les parties sensibles sont accessibles sans trop perturber la circulation.

A l’inverse, la mise en place d’une protection générale sur tout l’ouvrage et résistante à un incendie d’hydrocarbure
est une mesure lourde et très onéreuse, qui ne s’impose pas systématiquement si le risque est seulement moyen.

2.4 - Diminution des conséquences


Afin de diminuer les conséquences, une stratégie envisageable est la fermeture automatique par un système physique
ou par feu rouge d’alerte de l’ouvrage portant la voie qui risque d’être incendiée.

136 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Annexes
Annexe 1 - Bibliographie

[1] NF ISO 23932 : Ingénierie de la sécurité incendie - Principes généraux, août 2009.
[2] CETU, Guide des dossiers de sécurité des tunnels routiers : Fascicule 4 - Les études spécifiques des dangers
(ESD), septembre 2003.
[3] CETU, Comportement au feu des tunnels routiers - Guide méthodologique, mars 2005.
[4] CETU, Comportement au feu des tunnels routiers - Compléments au guide de 2005, mars 2011.
[5] UTE Union Technique de l’Electricité et de la Communication, UTE C17-108 : GUIDE PRATIQUE : Analyse simplifiée
du risque foudre, avril 2006.
[6] NF EN 1991-1-2 : Eurocode 1 : Actions sur les structures - Partie 1-2 : actions générales - Actions sur
les structures exposées au feu, juillet 2003.
[7] INERIS, Méthodes pour l’évaluation et la prévention des risques accidentels (DRA-006) - Feux de nappe, Octobre
2002.
[8] NF EN 1993-1-2 : Eurocode 3 : Calcul des structures en acier - Partie 1-2 : règles générales - Calcul du
comportement au feu, novembre 2005.
[9] NF EN 1994-1-2 : Eurocode 4 : Calcul des structures mixtes acier-béton - Partie 1-2 : règles générales - Calcul du
comportement au feu, février 2006.
[10] NF EN 1992-1-2 : Eurocode 2 : Calcul des structures en béton - Partie 1-2 : règles générales - Calcul du
comportement au feu, octobre 2005.
[11] NF EN 1992-1-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1992-1-2:2005, octobre 2007.
[12] DTU P92-701 : Règles de calcul FB - Méthode de prévision par le calcul du comportement au feu des structures
en béton, décembre 1993.
[13] NF EN 1992-1-1 : Eurocode 2 : Calcul des structures en béton - Partie 1-1 : règles générales et règles pour
les bâtiments, octobre 2005.
[14] NF EN 1992-1-1/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1992-1-1:2005, mars 2016.
[15] NF EN 1991-1-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1991-1-2, février 2007.
[16] NF EN 1993-1-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1993-1-2:2005, octobre 2007.
[17] NF EN 1994-1-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1994-1-2:2006, octobre 2007.
[18] NF EN 1993-1-1 : Eurocode 3 : Calcul des structures en acier - Partie 1-1 : Règles générales et règles pour
les bâtiments, octobre 2005.
[19] NF EN 1993-1-1/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1993-1-1:2005, août 2013.
[20] NF EN 1993-2 : Eurocode 3 : Calcul des structures en acier - Partie 2 : Ponts métalliques, mars 2007.
[21] NF EN 1993-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1993-2:2007, décembre 2007.
[22] Sétra, Guide méthodologique « Eurocodes 3 et 4 - Application aux ponts-routes mixtes acier-béton », juillet 2007.
[23] J.-M. Franssen et P. Vila Real, Fire Design of Steel Structures - ECCS Design manuals, Ernst & Sohn, mai 2010.
[24] API 579-1/ASME FFS-1 : Fitness-For-Service - Part 11 « Assessment of Fire Damage », juin 2007.
[25] NF EN 10025-4 : Produits laminés à chaud en aciers de construction - Partie 4 : conditions techniques de
livraison pour les aciers de construction soudables à grains fins obtenus par laminage thermomécanique, mars
2005.
[26] FD CEN/TR 10347 : Guide pour le formage des aciers de construction lors de leur mise en oeuvre, février 2008.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 137
[27] Annexe n°2 à la circulaire interministérielle n° 2000-63 du 25 août 2000 relative à la sécurité dans les tunnels
du réseau routier national : Instruction technique relative aux dispositions de securite dans les nouveaux
tunnels routiers.
[28] Circulaire interministerielle N° 2006-20 DU 29 MARS 2006 relative à la sécurité des tunnels routiers d’une
longueur supérieure à 300 mètres.
[29] P. Brevet et A. Raharinaivo, Effets de la température sur les propriétés mécaniques des aciers pour câbles, LCPC,
mars 2005.
[30] fib (CEB-FIP), Bulletin 17 « Management, maintenance and strengthening of concrete structures » - Appendix 6
« Fire », avril 2002.
[31] AFGC, Recommandations provisoires « Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des
matériaux composites », février 2011.
[32] NF EN 13238 : Essais de réaction au feu des produits de construction - Modes opératoires de conditionnement
et règles générales de sélection des substrats, août 2012.
[33] Sétra, Guide technique « Les ponts en bois - Comment assurer leur durabilité », novembre 2006.
[34] Sétra, Instruction technique pour la surveillance et l’entretien des ouvrages d’art (ITSEOA) - Fascicule 0 :
Dispositions générales applicables à tous les ouvrages, décembre 2010.
[35] Cerema, Instruction technique pour la surveillance et l’entretien des ouvrages d’art (ITSEOA) - Fascicule 1 :
Dossier d’ouvrage, mai 2016.
[36] Sétra, Instruction technique pour la surveillance et l’entretien des ouvrages d’art (ITSEOA) - Fascicule 2 :
Généralités sur la surveillance, décembre 2010.
[37] Sétra, Instruction technique pour la surveillance et l’entretien des ouvrages d’art (ITSEOA) - Fascicule 3 :
Auscultation, surveillance renforcée, haute surveillance, mesures de sécurité immédiate ou de sauvegarde,
décembre 2010.
[38] M. Salah Dimia, M. Guenfoud, T. Gernay et J.-M. Franssen, « Risks of collapse for concrete columns during and
after the cooling phase of a fire », 2015.
[39] Sétra, Guide technique « Epreuves de chargement des ponts-routes et passerelles piétonnes », mars 2004.
[40] NF EN 1991-2 : Eurocode 1 : Actions sur les structures - Partie 2 : Actions sur les ponts, dues au trafic, mars 2004.
[41] NF EN 1991-2/NA : Annexe Nationale à la NF EN 1991-2:2004, mars 2008.
[42] Fascicule 61 titre II «CONCEPTION, CALCUL ET EPREUVES DES OUVRAGES D’ART - Programmes de charges et
épreuves des ponts-routes» du Cahier des Prescriptions Communes (CPC) (circulaire n°71-155), décembre 1971.
[43] LCPC, Méthodes d’essai des lpc n°62 : « Présentation des techniques de diagnostic de l’état d’un béton soumis
à un incendie », décembre 2005.
[44] B. Kchakech, « Etude de l’influence de l’échauffement subi par un béton sur le risque d’expansions associées à
la Réaction Sulfatique Interne », septembre 2015.
[45] NF EN ISO 6892-1 : Matériaux métalliques - Essai de traction - Partie 1 : méthode d’essai à température
ambiante, octobre 2009.
[46] Z. Huang, « Modelling the bond between concrete and reinforcing steel in fire », Engineering Structures, 32
(11), pp. 3660-3669, 2010.
[47] J. Atienza et M. Elices, « Behavior of prestressing steels after a simulated fire : Fire-induced damages »,
Construction and Building Materials (Volume 23), pp. 2932-2940, Mars 2009.
[48] LCPC, Guide technique « Mesure de la tension des armatures de précontrainte à l’aide de l’Arbalète »,
novembre 2009.
[49] LCPC, Méthode d’essai LPC n°35 : « Mesure de la tension des câbles par vibration », janvier 1993.
[50] NF EN ISO 6506-1 : Matériaux métalliques - Essai de dureté Brinell - Partie 1: méthode d’essai, novembre 2014.
[51] NF EN ISO 6507 : Matériaux métalliques - Essai de dureté Vickers, mars 2006.
[52] NF EN ISO 148 : Matériaux métalliques - Essai de flexion par choc sur éprouvette Charpy.
[53] NF EN 12614 : Produits et systèmes pour la protection et la réparation des structures en béton - Méthodes
d’essais - Détermination de la température de transition vitreuse des polymères, avril 2005.
[54] NF EN 1542 : Produits et systèmes pour la protection et la réparation des structures en béton - Méthodes
d’essais - Mesurage de l’adhérence par traction directe, juillet 1999.
[55] Instruction provisoire relative à l’emploi du béton précontraint - IP1 - Circulaire n°44 du 12 août 1965.

138 Résistance à l’incendie des ponts routiers


[56] Fascicule n°62 titre I Section II du CCTG : Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages et
constructions en béton précontraint suivant la méthode des états limites - BPEL 91 révisé 99 (Circulaire n°99-28
du 6 avril 1999), avril 1999.
[57] B. Kirby, D. Lapwood et G. Thomson, The Reinstatement of Fire Damaged Steel and Iron Framed Structures,
British Steel Corporation Swinden Laboratories, 1986.
[58] NF A04-106 : Produits sidérurgiques - Méthodes de détermination de la teneur en inclusions non métalliques
des aciers corroyés - Partie II : méthode micrographique à l’aide d’images-types, septembre 1984.
[59] NF EN ISO 643 : Aciers - Détermination micrographique de la grosseur de grain apparente, avril 2013.
[60] NF EN ISO 15630-1 : Aciers pour l’armature et la précontrainte du béton - Méthodes d’essai - Partie 1 : barres,
fils machine et fils pour béton armé, décembre 2010.
[61] Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages et constructions en béton armé - CCBA - Circulaire
MEL n°68-119 du 11 décembre 1968 (CCBA 68) et Circulaire MEL n°70-115 du 27 octobre 1970 (CCBA 70).
[62] B. Godart, J. Berthellemy et J.-P. Lucas, « Diagnosis of a large steel bridge close to collapse during a fire », 37th
IABSE Symposium “Engineering for Progress, Nature and People”, Madrid, 3-5 septembre 2014.
[63] B. Godart, J. Berthellemy et J.-P. Lucas, « diagnosis, assessment and repair of the Mathilde bridge close to
collapse during a fire », Structural Engineering International, août 2015.
[64] NF A 35-501 : Aciers de construction d’usage général. Nuances et qualités. Tôles minces, moyennes et fortes,
larges plats, laminés marchands et poutrelles.
[65] NF EN 598+A1 : Tuyaux, raccords et accessoires en fonte ductile et leurs assemblages pour l’assainissement -
Prescriptions et méthodes d’essai, août 2009.
[66] NF EN 877 : Tuyaux et raccords en fonte, leurs assemblages et accessoires destinés à l’évacuation des eaux des
bâtiments - Prescriptions, méthodes d’essais et assurance qualité, novembre 1999.
[67] Sétra, Maîtrise des risques - Application aux ouvrages d’art, janvier 2013.
[68] Sétra, Guide du Projeteur Ouvrages d’Art - Ponts Courants, janvier 1999.
[69] Sétra, Guide méthodologique « Gestion des ouvrages d’art à l’usage des départements et autres collectivités
locales », mai 2006.
[70] NF ISO 16732-1 : Ingénierie de la sécurité incendie - Évaluation du risque d’incendie - Partie 1 : généralités, avril
2012.
[71] CETU, Systèmes de protection passive contre l’incendie - Justification des performances pour les structures de
tunnel routier, mars 2013.
[72] NF EN 13381-8 : Méthodes d’essai pour déterminer la contribution à la résistance au feu des éléments de
construction - Partie 8 : protection réactive appliquée aux éléments en acier, juillet 2013.
[73] NF EN 1337-9 : Appareils d’appui structuraux - Partie 9 : protection, novembre 1998.
[74] P. Trouillet et J.-P. Brunet-Buschiazzo, « Incendies des ouvrages d’art - Manifestations, conséquences - Cas
particulier des ouvrages à précontrainte extérieure », Bulletin des LPC 209, pp. 35-48, mai juin 1997.
[75] J. Alos-Moya, I. Paya-Zaforteza, A. Hospitaler et P. Rinaudo, « Valencia bridge fire tests: Experimental study of a
composite bridge under fire », Journal of Constructional Steel Research 138, pp. 538-554, août 2017.

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 139
Annexe 2 - P hotographies de plaques métalliques revêtues
de différentes protections anticorrosion chauffées au four

Préambule
L’étude, dont cette annexe constitue une synthèse rapide, reste une étude préliminaire qui devra être complétée afin
de s’assurer que le mode opératoire utilisé est représentatif de la réalité. Notamment, l’étude de l’interaction entre
la nature de l’incendie (durée, température, vitesse de montée en température, moyen d’extinction, combustible...)
et la dégradation de la protection anticorrosion n’a pas été menée. Enfin, la taille des échantillons est ici réduite et
limite l’effet de l’inertie des réactions de dégradations et de la conductivité thermique qui peuvent intervenir sur un
ouvrage incendié.

En conséquence, le  présent document ne permet pas d’établir une corrélation entre l’aspect d’une peinture d’un
ouvrage incendié et la température maximale atteinte lors de l’incendie.

1/ Protocole d’essai
L’essai a pour objet de soumettre une pièce métallique revêtue d’un système de protection anticorrosion à une montée
en température dans un four à moufles.

L’essai simule la montée en température d’un incendie, et permet d’observer l’évolution d’aspect de différents systèmes.

Chaque échantillon est placé dans le four et subit une montée en température de 0 °C jusqu’à 1 000 °C.

Cette montée en température est réalisée par palier de 100 °C. À chaque palier, la température est maintenue pendant
45 minutes, puis l’échantillon est observé et photographié avant passage au palier suivant.

2/ Échantillons testés
Les systèmes de protection anticorrosion suivants ont été testés :

• système C3 ZNV 652 ;


Ce système se compose d’une couche de métallisation, d’une couche de 40 µm d’époxyde phosphate de zinc et
d’une couche de finition de 80 µm en polyuréthane acrylique.

• revêtement au plomb ;
Ce système comporte une couche primaire de 40 µm de glycérophtalique minium de plomb orange, une 2 e couche
de composition similaire mais de couleur marron, une 3 e couche de peinture glycérophtalique gris foncé et une
couche de finition également en glycérophtalique de couleur gris clair.

• système C3 AMV 354, issu de la charpente du pont Mathilde ;


Le système comprend 2 couches d’époxyde polyamine modifié de chacune 120 µm et une couche de finition en
polyuréthane acrylique de 40 µm.

Pour chacun des systèmes, les observations et photographies correspondantes de l’essai sont exposées ci-après.

140 Résistance à l’incendie des ponts routiers


3/ Évolutions d’aspect des 3 échantillons

Système C3 ZNV 652


T °C
Photo Obs. aspect

-

(état initial)

Photo A1

100° Aucune évolution visible

Photo A2

200° Aucune évolution visible

Photo A3

Le revêtement est devenu


marron foncé.

Quelques petites cloques


300° sont apparues.

NB : la métallisation
en sous-face est devenue
bleue.
Photos A4 et A5

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 141
Système C3 ZNV 652
T °C
Photo Obs. aspect

Le revêtement est devenu


noir.
400°
Pas d’évolution
des cloques

Photo A6

Le revêtement est devenu


gris clair.

500°
Fort craquelage,
décollement généralisé
avec formation de gros
copeaux

Photo A7

600° Pas d’évolution majeure

Photo A8

Sur une partie de sa


700° surface, le revêtement
devient jaune pâle

Photo A9

142 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Système C3 ZNV 652
T °C
Photo Obs. aspect

Propagation de la couleur
800°
jaune pâle

Photo A10

Propagation de la couleur
900°
jaune pâle

Photo A11

Le revêtement est devenu


jaune clair, sauf en
1000°
quelques endroits où
il est blanc

Photo A12

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 143
Système au minium de plomb
T °C
Photos Obs. aspect

-
État initial : 4 couches
0° numérotées 1
(primaire minium de
plomb) à 4 (finition)

Photo A13

100° Aucune évolution majeure

Photo A14

Toutes les couches
sont plus foncées,
sauf couche 3.
200°
Apparition de quelques
petites cloques sur toutes
les couches, sauf couche 1

Photo A15

Revêtement marron
300° très foncé, presque
uniformément noir

Photo A16

144 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Système au minium de plomb
T °C
Photos Obs. aspect

Glycéro Couche Fort éclaircissement


minium finale de toutes les couches,
Glycéro marron Sous- gris
avec retour des couleurs
minium couche clair
orange grise d’origine
foncée
Grosses craquelures sur
400° l’ensemble de la couche 4
Fines craquelures sur
les couches 1 à 3
Décollement des couches
3 et 4
Photo A17

500° Éclaircissement général

Photo A18

Éclaircissement général
(particulièrement
couche 3)
600°

Augmentation des
craquelures

Photo A19

Éclaircissement général
700° La couche 4 est devenue
blanche.

Photo A20

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 145
Système au minium de plomb
T °C
Photos Obs. aspect

Éclaircissement
des couches 1 et 2
(couche 1 minium
800° de plomb blanche, très
légèrement orangé)
Les couches 3 et 4 sont
plus foncées

Photo A21

Noircissement général
La couche 1 (minium de
plomb) n’est plus orangée
mais grise.
900°
La couche 1 (minium
de plomb) n’est plus
adhérente au support
(tout le revêtement est
décollé du support).

Photo A22

Pas d’évolution majeure


de la couleur

1000° Les couches sont solidaires


entre elles mais ne
sont plus adhérentes au
support

Photo A23

146 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Système C3 AMV 543 : échantillon pont Mathilde
T °C
Photo Obs. aspect

-

(état initial)

Photo A24

100° Aucune évolution visible

Photo A25

200° Aucune évolution visible

Photo A26

Revêtement très foncé,


presque noir
300°
Formation de petites
cloques

Photo A27

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 147
Système C3 AMV 543 : échantillon pont Mathilde
T °C
Photo Obs. aspect

Revêtement noir

400° Formation de petites


cloques de quelques mm
de diamètre

Photo A28

Revêtement noir
Gonflement du film
(cloque sur l’ensemble 
de l’échantillon)
500°
Après refroidissement
total de l’échantillon :
apparition de petits
morceaux de couleur
blanche-rouille

Photo A29

Revêtement rouge orangé

600°
Désagrégation du film
superficiel : formation
de petits copeaux

Photo A30

Revêtement rouge orangé


800°
Léger éclaircissement

Photo A31

148 Résistance à l’incendie des ponts routiers


Système C3 AMV 543 : échantillon pont Mathilde
T °C
Photo Obs. aspect

900° Revêtement brun

Photo A32

Revêtement orangé
1000° très clair
Craquelures

Photo A33

Chapitre 1 - Modélisation et effets de l’incendie


Annexes 149
Notes :

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150 Notes
Notes :

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Notes 151
© 2018 - Cerema

Le Cerema, l’expertise publique pour le développement durable des territoires.

Le Cerema est un établissement public, créé en 2014 pour apporter un appui scientifique et technique renforcé dans l’élaboration,
la  mise en œuvre et l’évaluation des  politiques publiques de  l’aménagement et du  développement durables. Centre d’études  et
d’expertise, il a pour vocation de diffuser des connaissances et savoirs scientifiques et techniques ainsi que des solutions innovantes
au cœur des projets territoriaux pour améliorer le cadre de vie des citoyens. Alliant à la fois expertise et transversalité, il met à
disposition des méthodologies, outils et retours d’expérience auprès de tous les acteurs des territoires : collectivités territoriales,
organismes de l’État et partenaires scientifiques, associations et particuliers, bureaux d’études et entreprises.

Toute reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement du Cerema est illicite (loi du 11 mars 1957). Cette reproduction
par quelque procédé que se soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

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Pôle édition multimédia : Pascale Varache

Mise en page › Graph’Imprim : 9-11 rue Sinclair 94000 Créteil

Crédits photos › © Cerema, DRIEA, APRR

Impression › Jouve - 1, rue du Docteur Sauvé - 53100 Mayenne - Tél. 01 44 76 54 40


Cet ouvrage a été imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement (norme PEFC) et fabriqué proprement (norme ECF).
L’imprimerie Jouve est une installation classée pour la protection de l’environnement et respecte les directives européennes en
vigueur relatives à l’utilisation d’encres végétales, le recyclage des rognures de papier, le traitement des déchets dangereux par
des filières agréées et la réduction des émissions de COV.

Achevé d’imprimer : octobre 2018


Dépôt légal : octobre 2018
ISBN : 978-2-37180-281-0
ISSN : 2276-0164
Prix : 70 €

Éditions du Cerema
Cité des mobilités
25 avenue François Mitterrand
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La collection « Références » du Cerema
Cette collection regroupe l’ensemble des documents de référence portant sur l’état de l’art dans les
domaines d’expertise du Cerema (recommandations méthodologiques, règles techniques, savoir-faire...),
dans une version stabilisée et validée. Destinée à un public de généralistes et de spécialistes, sa rédaction
pédagogique et concrète facilite l’appropriation et l’application des recommandations par le professionnel en
situation opérationnelle.

Résistance à l’incendie des ponts routiers


Le comportement à l’incendie des ponts est une préoccupation importante pour les maîtres d’ouvrage, maîtres
d’oeuvre et gestionnaires. Des accidents de la circulation surviennent, provoquant des incendies parfois sur,
sous ou à proximité de ponts. De même, des occupations humaines des abords de l’ouvrage, campements
provisoires, etc. peuvent être la cause d’incendies accidentels.
Que ce soit pour évaluer un ouvrage ou un patrimoine vis-à-vis de ce risque avant un incendie, ou pour évaluer
un ouvrage après un incendie notamment pour autoriser une éventuelle remise en circulation, il n’existe
quasiment pas de documents traitant de ces points relatifs aux ouvrages d’art.
Le présent guide :
• dans le cadre de la conception, expose des méthodes d’évaluation du transfert d’énergie et du comportement
au feu des structures ;
• dans le cadre d’une évaluation après un incendie, donne des indications quant à la conduite à tenir dans
l’urgence tout de suite après l’incendie et sur les investigations et recalculs qui peuvent être effectués pour
apprécier la résistance structurale de l’ouvrage endommagé ;
• présente une méthode d’analyse simplifiée du risque «incendie» pouvant aider le maître d’ouvrage à
la détermination de ses prescriptions pour un patrimoine ou pour un ouvrage. Il évoque les dispositions
envisageables pour diminuer ce risque.

Sur le même thème (Evaluations structurales, réparations et


renforcements des ouvrages existants)
Maîtrise des risques - Application aux ouvrages existants - Sétra, janvier 2013
Note d’information n°35 Méthodes courantes d’évaluation structurale des ouvrages existants - Pratiques
en vigueur dans le RST - Sétra, mai 2012
Conception des réparations structurales et des renforcements des ouvrages d’art - Cerema, 2015
Diagnostic et renforcement sismiques des ponts existants - Cerema, 2017
Guide pour l’évaluation structurale et la réparation des VIPP - Cerema, (à paraître)

Aménagement et cohésion des territoires - Ville et stratégies urbaines - Transition énergétique et climat - Environnement et ressources
naturelles - Prévention des risques - Bien-être et réduction des nuisances - Mobilité et transport - Infrastructures de transport - Habitat et bâtiment

Prix : 70 €
ISSN : 2276-0164
ISBN : 978-2-37180-281-0

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement - www.cerema.fr
Infrastructures de transport et matériaux - 110 rue de Paris - 77171 Sourdun - Tél. +33 (0)1 60 52 31 31
Siège social : Cité des mobilités - 25, avenue François Mitterrand - CS 92 803 - F-69674 Bron Cedex - Tél. +33 (0)4 72 14 30 30

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