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Exercice Unité 4

Lisez le texte et faites les activités proposées.

Pierre Michon parcourt les siècles à grandes enjambées. (1) S’il commence par explorer sa
mémoire familiale en mêlant au fil de sa vie les rumeurs de sa généalogie, il franchit vite les
frontières du siècle, en remontant le cours des récits de sa grand-mère. (2) L’écrivain n’aura
dès lors de cesse d’arpenter les temps et de déplier les durées au gré d’un souci de l’archive,
dont il ne se sépare jamais. (3) C’est la noire livrée du siècle orphelin de Baudelaire et Balzac
dans Rimbaud le fils. C’est un siècle des Lumières en rose et noir, où les chairs de Watteau
contrastent avec la couleur d’encre de Goya dans Maîtres et Serviteurs. Ou encore le temps
des petits maîtres qui s’affrontent dans les parages de Claude le Lorrain, quand ce n’est pas
dans les sombres habits médiévaux ou la volte des empereurs de l’Antiquité tardive. (4)
Toujours précis et documentés, les textes de Pierre Michon engrangent un savoir historique,
façonnent dans ses carnets une bibliothèque élective où puiser une référence, l’allant d’une
phrase ou la rareté d’un mot d’époque. Un récent numéro de la revue Critique a pu ainsi se
consacrer à l’étude de « Pierre Michon, historien », pour montrer comment l’écrivain
s’approprie et subvertit tout à la fois les procédures historiographiques. Il délaisse pourtant
la tentation du roman historique et ses couleurs locales pour chercher dans les textes
historiques la notation attestée, le mot précis que nul n’emploie désormais : (5) il dépiaute
l’histoire et y cueille quelques détails singuliers et dérisoires à la fois susceptibles d’évoquer
un temps, d’enchanter la langue et de susciter chez son lecteur un décentrement culturel.
(6) Malgré les siècles, les bouleversements historiques et les renversements des
représentations, c’est pourtant toujours du même homme que parle Pierre Michon. (7) Car
selon lui le roman historique, qui plonge dans le passé, ne révèle pas la singularité d’une
espèce mais simplifie l’être humain. Ces romans en costume sont tour à tour un moyen de
déguiser notre temps ou de mettre à nu des permanences :
On met des costumes d’époque pour débattre de ce dont on ne peut débattre. C’est notre
propre problématique qu’on habille dans des défroques du passé. (8) Le costume permet un
détour qui épure l’essence du problème, son éternelle contemporanéité. Si on veut que ça soit
crédible au XVIIe siècle, (9) il faut que ça ait perduré jusqu’à nous : je ne parle pas de
l’humain au XVIIe siècle, ou au XIXe, mais de ce qui dans l’humain est commun à tous les
siècles, sous des déguisements divers. Notre fraternité avec un personnage apparaît d’autant
plus forte qu’il se meut dans des vêtements, des décors, un air du temps différents.1

(10) Sous la variété des costumes, c’est toujours le même homme, les mêmes désirs et les
mêmes gestes, comme si l’histoire ne cessait de se répéter, sans progrès, ni décadence. Mais
pour faire émerger ce bloc identique qui traverse les âges, pour mettre à nu les invariants
anthropologiques, il faut faire varier les costumes, multiplier les déguisements et les
défroques. L’appréhension de l’identité se fait au détour d’une différence, comme si la

1
Pierre Michon, Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature, Albin Michel, 2007, p. 27-28.
répétitivité des existences et la fraternité des hommes n’étaient jamais si évidentes qu’en
changeant de période et de mœurs, qu’en diversifiant les approches et les formes.
(11) En dépit des siècles traversés, Pierre Michon n’élabore donc pas une écriture
historienne. C’est même l’envers de l’histoire qu’il traque. Et pour fixer un socle aux
atermoiements des siècles et des saisons, pour débarrasser les hommes de leurs colifichets
inessentiels, l’écrivain arpente les géographies et cartographie les territoires. (12) Il sait
comme d’autres, comme Claude Simon ou Pierre Bergounioux, que la géographie est l’autre
de l’histoire. Attentif à la localisation, amoureux des toponymes, Pierre Michon semble bien
parfois écrire des récits géographiques, comme Jean Echenoz avouait écrire des romans
géographiques. (13) Car le territoire sédimente une durée et parfois conditionne l’histoire.
Fascination de l’archaïque à travers la grotte de La Grande Beune, désir de modeler le
paysage dans Les Abbés ou inscription des écrivains dans une géographie sociale dans Trois
auteurs : ces trois livres sont autant de tentatives pour dire au détour de la géographie les
démêlés de l’individu avec le temps, avec la renommée future comme avec la scène interdite
de ses origines.
C’est à travers ce sentiment géographique que Christine Jérusalem propose d’étudier la
littérature contemporaine dans une très suggestive analyse. À son tour, elle dessine des
frontières, et souligne des partages en distinguant les écrivains de la terre perdue (Pierre
Michon, Pierre Bergounioux), ceux du terrain (François Bon, Jean Rolin) et du territoire
(Marie NDiaye, Jean Echenoz). Sans nostalgie ni complaisance pour le folklore local, les
écrivains de la terre perdue répercutent selon elle la grande cassure qui a vu sombrer le monde
rural dans les années 1960. (14) C’est donc une expérience de la perte et de la dépossession
qui les taraude et qui place leurs livres parfois sous le signe d’une époque crépusculaire aux
allures d’épilogue. Pourtant Pierre Michon transfigure la province, en invoquant tour à tour
les profondeurs enfouies de la géologie (La Grande Beune), les forêts transposées dans la
peinture (Le Roi du Bois et Maîtres et Serviteurs). Telle épaisseur à la fois culturelle et
archaïque déporte l’évocation géographique hors des célébrations nostalgiques pour lui
donner l’ampleur d’une investigation mythique qui brasse les éléments, ramène à la surface
une puissance tellurique ou fait rejaillir une profondeur érotique.

Laurent Demanze, Territoires de Pierre Michon.


https://www.cairn.info/revue-roman2050-2009-2-page-5.htm# (Consulté le 25 mai 2019)

1. Indiquez si les phrases numérotées et soulignées sont des phrases simples ou


complexes (coordonnés, juxtaposées ou subordonnées). Si c’est le cas, indiquez quels
sont les mots ou les signes de ponctuation qui marquent la coordination, la
juxtaposition ou la subordination.
2. Dans la phrase 14, quelle est la fonction de la conjonction ET ?
3. Les mots en gras, indiquent une opposition, une concession ou une restriction ?

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