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L'extension de la liste des modalités dans les commentaires du Perihermeneias et des Sophistici

Elenchi de Guillaume d'Ockham


Author(s): ERNESTO PERINI-SANTOS
Source: Vivarium, Vol. 40, No. 2 (2002), pp. 174-188
Published by: Brill
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41963680
Accessed: 22-01-2016 15:05 UTC

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L'extension
de la listedes modalitésdans les commentaires
du Perihermeneias
et des Sophistici Elenchi de Guillaumed'Ockham}

ERNESTO PERINI-SANTOS

Il y a une differenceimportanteentre les théoriesmodales des com-


mentairesde Guillaume d'Ockham sur les Réfutations et sur le
Sophistiques
La listedes modalitésn'est pas la même dans les deux cas.
Perihermeneias.
Cette difference est la conséquence de définitions distinctesde 'proposi-
tion modale' et, plus largement,de deux développementsdistinctsde la
logique modale. UExpositioin LibrumPerihermeneias présenteune théorie
modale à la foisplus cohérenteet plus prochede celle de la SummaLogicae.
Nous présentonsd'abord les deux versionsde la théoriemodale, ensuite
nous proposons une brève comparaison avec d'autres extensionsde la
listedes modalitésau Moyen Age, notammentcelle de Jean Buridan.Cet
articlepoursuitun double objectif: la comparaisonentreces deux textes
et l'indicationde la spécificitéde l'approche ockhamiennedes modalités,
qui ne semble pas avoir été perçue par les commentateurs.

chezOckham
de la listedes modalités
1. L'extension
L'extensionde la liste des modalitésn'est pas la même dans ces deux
textes.Dans le chapitreconsacré au paralogismede la compositionet de
la divisiondans le premierlivre du commentairedes Sophistici Elenchi
,
Ockham propose une liste de six modes, le vrai, le faux, le nécessaire,
- nous
l'impossible, et le possible
le contingent appelleronsles termesde cette
listeles modalitésaléthiques.Après avoir dit que touteproposition2 dans
laquelle est posé un mode avec un dictum doit
propositionis être distinguée

1 Nousremercions JoëlBiard,ClaudePanaccioet IrèneRosier-Catach pourlescom-


mentaires dansla composition
utiles de cetarticle.
Nousremercions aussiHubertHubien,
de sonédition
pourl'utilisation des Quaestiones , ClaudePanacciopour
Priora
inAnalitica
nousavoirpermis de présenteruneversion de ce textedanssonséminaire
antérieure à
de Québecà Trois-Rivières,
l'Université etJulieBrumberg-Chaumont, pourla correction
du français.
2 Le terme danscetarticle
'proposition' à desphrases,
renvoie à desentités
c'est-à-dire
linguistiques
pouvant êtrevraiesou fausses, l'usagemédiéval
suivant de 'propositi.

BrillNV,Leiden,
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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 175

selon la compositionet la division,le Venerabilis présentela liste


Inceptor
des modes :
Modiautemvocantur sex,scilicet
: verum,
falsum,
necessarium, contin-
impossibile,
gensetpossibile.3
D'autres termes,ajoute le philosophe anglais, peuvent avoir un com-
portementsemblable:
Et sicutdictumestde propositionibus
in quibusponuntur telles
modi'necessarium',
etc.,vel'necessario',
'impossibile' etc.,eodemmodouniformiter
'potest' dicendumest
de talibus in quibusponuntur
propositionibus istimodi'perse','peraccidens',
etsi
qui sintconsimiles,
qui competunt totispropositionibus
sicutaliimodi.Namsicut
dicitur
dealiquapropositionetotaquodestvera,velfalsa,
velnecessaria,
velpossibilis,
velimpossibilis,
itadiciturde totapropositionequodestperse velperaccidens.4
Les expressionsťperse' et ťperaccidens'parce qu'elles peuventêtreattribuées
à des propositionsentières,peuventêtre considéréescomme des modes,
et les propositionsqui les contiennent se comportent commeles propositions
avec les sixpremières modalités,du moinsen ce qui concernele paralogisme
de la divisionet de la composition.Il n'est pas tout à fait clair si les
modes 'perse' et 'peraccidens ' doiventêtre
ajoutés à la premièreliste ou
non,mais ce n'estpeut-êtrepas essentieldans ce contexte,une foisque l'on
a comprisque la distinction faitedans le passage les concerneégalement.
Cette même caractéristiquegouvernel'associationplus restreinte entre
les modalitésaléthiqueset les termesépistémiquesdans l'examen du para-
logismede l'accident:
Aliquandoautem concluditurconclusio
cumaliquacondicione totam
respiciente propo-
sitionem
; et tuncpotestessefallaciaaccidentis
sinefallaciaconsequentisquantum-
cumquepraemissae sintverae.Et istomodoesthicfallacia accidentis
: scioquod
omnistriangulushabettres; istetriangulus
esttriangulus
; ergoscioquodistetrian-
gulushabettres.Similiterhicestfallaciaaccidentis
'scioquodCoriscus esthomo;
Coriscus
estveniens; ergoscioquodveniens esthomo'; similiter
hic'omnem hominem
esseanimaiestnecessarium ; Sortesesthomo; ergoSortem esseanimaiestneces-
ethocaccipiendo
sarium', illasde necessario
propositiones in sensucompositionis.5
Si les termesépistémiquesn'y sont pas dits être des modes, le traitqui
les unitaux modalitésaléthiquesest le faitd'êtreprédicablede touteune
proposition.Il ne semble pas que l'on puisse étendrela liste des moda-
litésà partirde ce passage, les termesépistémiquessont en effetassociés
au seul cas des propositionsmodales au sens composé, on ne sait pas si

3 Cf.Guillaume LibrosElenchorum
d'Ockham, Expositiosuper , I, 3, 6, 60-61,éd. F. Del
Punta,A. Gambatese et S. Brown, (OPh III), 36.
4 Exp.Elenchi éd. Del Punta,Gambatese et Brown,
5 Exp.Elench
I, 3, 6, 106-113, (OPhIII), 37.
., I, 6, 3, 30-39,éd. Del Punta,Gambatese et Brown, (OPhIII), 51.

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176 PERINI-SANTOS
ERNESTO

peuventrecevoiraussi une interprétation


les propositionsqu'ils affectent
au sens divisé. Si tel ne devait pas être le cas, les termesépistémiques
ne seraientque partiellement semblablesaux modalités; en fait,les propo-
sitionsavec des termesépistémiquespeuventrecevoiraussi une interpré-
tationin sensudivisionis
.6 La différenceentreces termeset des expressions
ť
comme 'pers¿ et peraccidentsemble s'estomper.
Dans l'examen du paralogismede l'accident,7Ockham traiteles ter-
mes épistémiquescomme des modes, encore une fois,parce qu'ils peu-
vent affectertoute une proposition, sans que prédicats modaux et
épistémiquesne soientjamais explicitementassociés. Si la proximitédu
comportementlogique des termesmodaux et des prédicatsépistémiques
est reconnue,la possibilitéde les regrouperdans une catégorieunique
n'est pas considérée.

Or YExpositio in librum étendsans ambiguïtéla listedes moda-


Perihermenias
litésà tous les termespouvant être attribuésà une propositionentière,y
comprisles termesépistémiques:
Et estdicendum magisestmodalis
quodalia causaquarealiquapropositio quam
alianonpotest nisiquiain aliquapropositione
assignari aliquismodusseu
ponitur
terminus
de totapropositione velponitur
verificabilis aliquisterminus idem,
significans
quamvisdiversomodo,cumtalitermino de totapropositione.8
praedicabili
Ce critèreétaitprésentde manièretimidedans YExpositio in libros
Elmchorum,
' '
où il permettaitde considérer'perse et 'peraccidenscomme des modes,
quoi que d'une façon peu explicite,et d'envisagerl'adjonctiondes ter-
mes épistémiquesaux modalitésaléthiques.Il est ici clairementannoncé
et sert à construirela liste des termesmodaux. Si le degré de modalité
ne semble correspondreà rien dans la théorie ockhamienne,les con-
séquences de cettedéfinition de 'propositionmodale' pour la constitution
de la liste des termesmodaux sont pleinementassumées.
Cette définitionconvientaux modalitéstraitéespar Alistóte,le néces-
saire, l'impossible,le possible et le contingent,mais elle s'applique aussi
à bien d'autrestermes:
modales
suntpropositiones
Ex istopatetquodmultae in quibusnonponitur
aliquis
praedictorum nam
modorum, omnis in
propositio qua ponitur vel'falsum'
'verum'

6 Cf.Exp.Eiench
., II, 9, 3, 19-27,éd.Del Punta, Gambatese etBrown, (OPhIII),236.
7 Cf.,parexemple, Exp.Eiench., II, 9, 4, 56-61et II, 9, 4, 144-159, éd. Del Punta,
Gambatese etBrown, (OPhIII), 239; 241-2.
8 Guillaumed'Ockham. inLibrum
Expositio Perìhermeneias , II, 5, 4, 34-38,éd.
Aristotelis
A. Gambateseet S. Brown, (OPhII), 460.

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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 177

vel'demonstratum' vel'scitum'vel'creditum'
et huiusmodi,
estpropositio
modalis.
Undeomnestalessuntmodales 'omnem hominem esseanimalestscitum',
'omnem
triangulum haberetresestdemonstratum',ethuiusmodi,ethocquiaintalibuspropo-
sitionibus ita ponituraliquisterminusqui verificatur
de totapropositionesicutin
aliis; igituritaeritpropositio
modalis.9
Il n'y a aucun doute quant aux modalitésacceptées,ni sur le critèrequi
permetde les considérercomme telles. La liste de modes ainsi engen-
drée resteouverte: tout ce qui satisfaità ce critèreest appelé mode.
La théoriedes propositionsmodales développée à la suite prend en
comptecetteextension.Ainsi,lorsquele Venerabilis Inceptorexaminela con-
versionentre les propositionsau sens divisé et au sens composé ayant
pour sujet un pronom démonstratif ou un nom propre et pour prédicat
un termecommun,il prend soin de préciserque cela ne s'applique pas
aux modalitésconcernantnotre connaissance.10Cette remarque indique
qu'une thèse générale sur une propositionmodale concerne en principe
tous les prédicatsmodaux de la liste étendue des modalitéset non pas
les seules modalitésaléthiques.
La définitionde 'propositio
modalis'l'extensionde la listedes modalités,
et la portéedes thèsesde la logique modale sont identiquesdans le com-
mentairedu Perìhermendas et dans la SummaLogicae.Le mode est défini
dans ce derniertextecomme ce qui est prédicablede toute une propo-
sition.11Les modes ne sauraient se limiteraux modalités traitéespar
Aristote,tout comme dans le commentairedu Perìhermendas :
Sed talesmodisuntpluresquamquatuor : namsicutpropositio
praedicti alia est
necessaria,aliaimpossibilis,
aliapossibilis,
aliacontingens,
itaaliapropositio
estvera,
aliafalsa,aliascita,aliaignota,aliaprolata,aliascripta,
aliaconcepta,
aliacredita,
aliaopinata, aliadubitata,et sicde aliis.12
Les modalitésnon aristotéliciennessont objet d'un traitementspécifique,
qui vientsystématiquement après l'examen du nécessaire,du possible,de
l'impossibleet du contingent.13

9 Per.,II, 5, 4, 53-60,éd. Gambatese et Brown, (OPhII), 461.


10Exp.
Exp.Per.,II, 5, 4, 220-31, éd. Gambatese et Brown, (OPhII), 467.
11Guillaume d'Ockham, Summa , II, 1, 44-48,éd. Ph. Boehner, G. Gài et S.
Logicae
Brown, (OPhI), 242-3: "Circaquodestsciendum quodpropositiodiciturmodalispropter
modum additum inpropositione. Sednonquicumque modussufficitad faciendumpropo-
sitionem modalem, sedoportet quodsitmoduspraedicabilis de totapropositione,
et ideo
propriedicitur'moduspropositionis' tamquam verificabilis
de ipsamet propositione.".
12Summa Logicae, II, 1,50-54,éd. Boehner, Gài et Brown, 243.
13Cf.Summa , II, 29,les (ÒPh I),
Logicae chapitres30,41 à 43 et 64,de III-1, ou encoreIII-3,
11,39-55,éd. Boehner, Gài et Brown,(OPhI), 638-9.

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PERINI-
SANTO
S

2. Les différentes
extensions
de la listedesmodalités
La natureet la raison de cette extensionde la liste des modalitésn'ont
pas été saisiespar les éditeursdu commentaire d'Ockhamsurle Perikermerwas.
Le renvoi,en note en bas de page, à Siger de Courtraiet à Ammonius
nous semble en effettrompeur.14 Il est vrai que ces auteurs ont consi-
déré que le nombre des modes n'était point limité à ceux traitéspar
Aristote,mais la liste étendue des modalitésne correspondpas du tout
à celle proposée par le Venerabilis Inceptor.
L'extensiondes modalitésconsidéréepar Ammoniuset Sigerde Courtrai
se retrouvechez Boèce. Pour le romain,le nombrede propositions modales
est beaucoup plus importantque les quatre modalités aristotéliciennes,
puisque les adverbesy sont inclus:
Omnispropositio autsineullomodosimpliciter ut Socrates
pronuntiatur, ambulat
veldiesestvelquicquid etsineullaqualitate
simpliciter suntautem
praedicatur. aliae
quae cumpropriis dicunturmodis,ut estSocratesvelociter
ambulat.ambulationi
enimSocratis modusestadditus,cumdicimus eumvelociterambulare,quomodo
enimambulet, id quodde ambulatione
significai eiusvelociter
praedicamus.15
Il n'y a pas de critèrequi sépare les modes aristotéliciens
des adverbes,
si ce n'est le faitqu'Aristotene traiteque des premiers.Cette approche
des modalités,que nous appelonsadverbiale,se retrouveà plusieursreprises
au long du Moyen Age. Ainsi plusieursauteursdistinguent deux sens de
ou
'mode', davantage,pour exclureles adverbesdu senspropre.16
L'héritage
textuelmontreune tension entre les quatre modalitésaristotéliciennes,
d'un côté, et les adverbesboéciens,de l'autre.
Ammoniuset Siger de Courtrai se situentdans cette tradition,l'ex-
tension de la liste des modalités aux adverbes se fait à partir d'une
définitionde 'mode' comme modificateurdu verbe. Ainsi peut-on lire
dans la traductionlatine d'Ammonius:

14Exp.Per.,II, 5, 4, éd. Gambateseet Brown, (OPhII), 461«.


15Boèce,InLibrum Aristotelů
DeInterpretationen
editiosecunda
, éd.Meiser,Leipzig1880,377,
4-11.
16Guillaume de Sherwood. William
ofSherwood - 'Introductions
inlogicami,
1.7.1,21-27,
éd.Ch.H.Lohr,P. KunzeetB. Mussler, in: Traditio, 39 (1983),219-99.
Voirainsi,entre
Guillaume
autres, de Sherwood, 1, 7, 1,éd. Lohre.a.,232,21-7: "Modusigi-
Introdução,
turdicitur
communiter etproprie.Communitersic: Modusestdeterminado alicuiusactus.
Et secundum hocconvenit omniadverbio. Propriesic: Modusestdeterminado praedicati
in subiecto
uthicpatet: 'Homonecessario estanimal.' Determinatur enimhic,quomodo
predicatuminhereat subiecto.Si autemdiceretur : 'Homocurrit solumdeter-
velociter',
minaturactusverbisecundum se etnoninherentia eiuscumsubiecto. Undea talibusnon
dicitur
propositiomodalis."

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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 179

Modusquidemigitur
estvoxsignificativa inestpraedicatum
qualiter subiecto,
puta
cumdicimus
velociter, 'lunavelociter
restituitur'.17
Le nombrede modes est évidemmenténorme,ce sonten faitles adverbes,
dont personnene songeraità dresserune liste:

[. . .] numerus
autem ipsorumnatura
quidem nontamen
nonestinfinitus, estcompre-
hensibilis sicutnequenumerus
nobis, universalium
subiectorum
velpraedicatorum.18
En renvoyantà Ammonius,Siger de Courtraia dans l'espritl'extension
des modalitésaux adverbes. Aristote,selon lui, ne compte que quatre
modes parce que

[. . .] omnes ad istosquosexprimit
reduci
possunt Philosophus, modispe-
tamquam
cialesad generales.19
Si les modes sont les adverbes,cette réductionsemble difficile, à moins
qu'il n'ait en vue, plus modestement,une parenté de comportementde
ceux-ci et des modalitésaristotéliciennes.Il reste que l'augmentationdu
nombredes modalitésest bien acceptée,au pointd'êtreincommensurable
par notreesprit,mais il s'agit d'une liste d'adverbes.
Or cetteextensiondes modalitésn'est pas du toutcelle d'Ockham. Le
résultatobtenu n'est pas le même, parce que les principesde la con-
structiondes deux listessont différents. Sur ce point,le seul antécédent
d'Ockham que nous ayons trouvé est un autre franciscainoxonien du
début du XIVe siècle, Martin d'Alnwick. Son activité est légèrement
antérieureà celle du Venerabilis . Il faut prendrecette hypothèse
Inceptor
avec la prudencede mise pour ce typed'affirmation touchantle Moyen
Age. Martin était dans le couventfranciscaind'Oxford en 1300, et y a
été lecteuren 1311.20Sa définitiondes modalitésest trèsproche de celle
d'Ockham, même si elle est moins développée:
Terminus modalis
estomnis
talisterminus
quisubicitur
velpredicatur,
velsaltem
su-
bicivelpredicali
potest, alicuius
respectu complexi sicut
totalis, respectu
propositionis.21

17Ammonius, Commentaire
surlePeňHermeneiasďAristote.Traduction
deGuillaumedeMoerbeke
,
éd. G. Verbeke,Louvain1961,388.
18Ammonius, Commentaire
, éd. Verbeke 1961{op.cit.,supra,note17),388.
19Sigerde Courtrai,
£eger vanKortrijk,
Commentator
vanPerihermeneias
, éd. G. Verhaak,
Bruxelles1964,148.
20Cf.A.B.Emden, A Biographical oftheUniversity
Register toA.D. 1500, vol.I,
ofOxford
Oxford 1957,26-7.
Martin De Veritate
d'Alnwick, etFalsitate , 13,dans: L.M.de Rijk,Some
Propositionis 14th
CenturyTracts
ontheProbationes
Terminorum
, Nijmegen 1982,10.

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180 PERINI-
ERNESTO S
SANTO

Il en tire la conséquence pour l'extensionde la liste des modes. Outre


les modalitésaristotéliciennes, sontmodaux les verbesconcernantles actes
de l'espritet le terme ťper se'22 D'autres caractéristiquesde la théorie
modale ockhamiennese trouventchez lui, comme le faitque toutesles
propositionsqui ont un termemodal ne sontpas nécessairement modales,
le termedoit être pris modaliter ; il doit être attribué
, et non pas indefinite
à toute la proposition,et non pas être une partie du sujet et du prédi-
cat.23Sans développerdavantage ce parallèle,il nous suffitde marquer
la spécificitéde l'extension des modalités de Martin d'Alnwick et de
Guillaumed'Ockham, differente de celle qui faitdes adverbesdes modes,
dans la traditionboécienne.
Si le rapprochement de la théorieockhamienneavec Siger de Courtrai
et Ammoniusn'est évidemmentpas correct,il y a encore une autrevoie.
Il s'agit des textesqui explorentla proximitédes comportements logiques
des modalitésaléthiqueset des termesépistémiques,assez nombreuxau
Moyen Age et maintesfoisétudiésdans la littérature secondaire,notam-
ment par Weidemann,24Knuuttila25et Boh.26 Cette parenté de com-
portementapparaît surtoutdans l'applicationde la distinctionentresens
diviséet sens composé et dans l'examen de la validitédes inférencesavec
les propositionsaffectéesdes termesmodaux et épistémiques.27 Le rap-
prochemententreces deux typesde termesremonte,d'une certainefaçon,
aux discussionssur le statutde Yenuntiabile au XIIe siècle, qui concerne
des phrasesenchâsséesdans des contextescréésaussi bien par les modalités

22Alnwick, De Veritate etFabitate, 13,éd. De Rijk1982{op.cit.,supra,note22), 10:


"Sic autemdico: talestermini concernentes actumanime,ut 'scire', ínescire' ,
'ymaginarf
' ' ' ' dicipotest cum
', dubitare
intellegere [...]; et istadictioperse' que satisproprie modalis,
ipsapotest predicalide aliquocomplexo ut'homo
totali, estanimaiperse'"
23Cf.Alnwick, De Veritate , 13,éd.De Rijk1982(op.cit.,
etFalsitate supra, note22),10;
Ockham, Exp.Per.,II, 5, 4, 44-45,éd. Gambatese et Brown, (OPhII), 461; id.,Summa
III-1, 121-122,
Logicae, éd. Boehner, Gài,et Brown, (OPhI), 467.
24Cf.H. Weidemann, Ansätze zu einer desWissens
Logik beiWalterBurleigh,dans: Archiv
fìirGeschichte derPhilosophie, 62 (1980),32-45.
25Cf.S. Knuuttila, Modalitiesinmedieval , London1993,176-96.
Philosophy
26Cf.I. Boh,Epistemic Logic intheLater MiddleAges, London1993.
27Cf.Weidemann 1980[op.cit.,supra,note24); N. Kretzmann, Sensuscompositus,
Sensusdivisus, andpropositional dans:Medioevo,
Attitudes, 7 (1981),195-229 ; J. Biard,Les
Sophismesdusavoir : Albert deSaxeentre JeanBuridan etGuillaume dans: Vivarium,
Heytesbury,
27 (1989),36-50; S. Knuuttila, Über praktische undLogik
Argumentation desWollens imMittelalter,
dans: K. Jacobi(éd.),Argumentationstheorie - Scholastische zu denlogischen
Forschungen undseman-
tische
Regeln korrekten
Folgerns, Leiden1993,612-3.Une importante partiede l'histoire de
cetteassociation se développe autour de Guillaume Heytesbury etRichard Billingham ; cf.
A. Maierù,Terminologia logica dellatarda Roma1972,540-600.
Scolastica,

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D'OCKHAM 181

aléthiques que par les expressionsépistémiques.28S'il est clair que la


définitionockhamiennede la modalités'inscritdans cette lignée,encore
faut-ildistinguerl'admission d'un comportementlogique commun aux
termesépistémiqueset aléthiquesde leur réunionsous un conceptunique.
Il ne s'agitpas seulementd'une affairede définitionstipulative,bien que
ce soit aussi cela, mais de l'ensembledes outilsthéoriquesmis en œuvre.
Ainsi Gauthier Burleigh,qui reconnaîtla parenté de comportement
des termesépistémiqueset des modalitésaléthiques,ne les réunitpas sous
un concept unique. Seules les dernièressont pour lui des modalités:
Ad formam dubitationis
dicendum quodnonomnisdictiodenotans propositionem
facitpropositionemmodalem, sed solumdictionessignificantes
qualitatem
proposi-
tionis
denominatis
(sicBoh
, denominantis
ed.Venetiis
1497)radone addentes
compositions
aliquidsupracompositionem faciunt modalem.
propositionem Et propter
hoc,"sci-
tum", ethuiusmodi
"dubitatum", nonfaciuntpropositionemmodalem,quiasignificant
qualitatemanimeet nonqualitatem Sed "contingens",
propositionis. et
"necesse",
huiusmodisignificant
qualitatem et ideocumaccipiuntur
propositionis, ut determi-
nantverbum rationecompositionsfaciunt
propositionemmodalem.29
Ce texteest représentatif d'une traditionqui semble dominanteau XIVe
siècle. Elle associe le comportement logique de ces deux typesde termes
sans les réunirdans la même catégorie.
Jean Buridan propose une versionintéressanted'une théorieassociant
termesépistémiques et modalitésaléthiques,en quelque sorteentreBurleigh
et Ockham. Les questionssur le Perihermeneias et le Tractatus
de consequentiis
traitent seulementdes modes "principaux", les modesaléthiques,
c'est-à-dire,
tout en admettantun nombrebien plus importantde modalités.30

28Cf.entre autres C.H. Kneepkens, Please don'tcallmePeter: I amanenuntiabile, nota


A rwte
thing. ontheenuntiabileandtheproper Noun , dans: C. Marmo (éd.),Vestigia, Verba
Imagines, -
Semiotics
andLominmedieval theologicalTexts (XHth-XIVth century
j, fTurnhoutl 1997,83-98.
29Burleigh,Super artemveterem
. . ., citédansBoh 1993(op.cit.,supra,note26),144.II
estsurprenant de voircomment Bohcitece textepourillustrer l'inclusionhabituellede
'sàturiet 'dubitatum
' danslesdiscussions de logiquemodale, sansremarquer que Burleigh
lesexclutdesmodalités; cf.Boh1993(op.cit.,supra, note26),43-4.Ce textetardif peut
êtreunecritique à la thèseockhamienne. Voiraussila critique parBurleigh de l'asso-
ciation(aussiockhamienne) destermes modaux à desprédicats danslesdeuxversions du
De Puntate Artis
Logicae (Gauthier Burleigh, De Puntate Artis
Logicae, éd. Ph. Boehner, St.
Bonaventure 1955: TractatusLongior, 56, 16- 57, 16,et Tractus brevior, 235,14- 237,12).
Weidemann 1980(op.cit.,supra,note24) traitedu comportement logiquedes termes
épistémiques,explorant la distinction de leurportée dansuneproposition, sanslesinclure
parmilesmodalités ; cf.toutefoisH. Weidemann, , dans: Historisches
Modallogik Wörterbuch
derPhilosophie,
Bd.6,Basel-Stuttgart 1984,36,quiattribue l'extension de la logiquemodale
auxtermes épistémiques aussibienà Ockham qu'à Burleigh.
30JeanBuridan, Tractatusdeconsequentiis
, II, 1,8-12,éd.H. Hubien, Louvain-Paris 56.
1976,

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182 PERINI-
ERNESTO SANT
OS

Dans une questionsur le Perihermeneias


, le maîtrepicard est trèsproche
d'Ockham :

Quia de modalibusloquiincepimus, viderequidvocamus


oportet propositionem
modalem.Etde hoccommuniter etbene,quodmodalis
dicitur, propositio in
dicitur
qua poniturdeterminatioinnatadeterminarecopulam kathegorice
propositionis et
etiampredicali
de hoctermino Et huiusmodi
'propositio'. sunt'ne-
determinationes
cessarium',
'possibile',
'contingens', 'verum',
'inpossibile', 'falsum',
'scitum',
'creditum',
'opinatum', et huiusmodi.31
'apparens'
Buridan définitles modalitéspar une conjonction,dont seule la deux-
ième clause équivaut à l'approche ockhamienne. Par cette définition,
doiventpouvoirexercerces deux fonctionstous les termesmodaux, dont
le cas le plus particulier,
les épistémiques; ils représentent la copule devant
êtremodifiée aussi des termescomme ' scitwř
ou ' .32Ces deux
par opinatum'
fonctionnements séparentles propositionsmodales composées et divisées,
si bien que leur premièredifférence est que

[. . .] in compositis etin divisis


velpredicatur
modussubicitur non,sedestdetermi-
natiocopule.33
S'il arriveau maîtrepicard de dire que les propositionsinsensucompositionis
ne sontpas des propositionsmodales à proprementparler,34 il semblesur-
toutavoirune logique modale à double clé. On sera d'autantplus sensible
à cettedifférencesi l'on a à l'espritles différents
degrésd'engagement modal
de Quine et son refusdes modalitésdere, et donc le double registre de fonc-
tionnement possiblede la logique modale.35L'extensionde cetteremarque
à Ockham doit prendreen compte les deux contextesconceptuelsdans
lesquelsles modalitésaléthiquessonttraitées.En effet, malgrésa théoriede
la propositionmodale résolumentmétalinguistique, le Venerabilis est
Inceptor
à un
sans doute plus disposé accepter engagementontologique modal pour
des possibiliaque Quine, ce qui apparaît dans sa théoriede la variation
de la suppositiondu sujet des propositionspossiblesin sensudivisionis.

31JeanBuridan, Questiones
Longe super Librum , II, 7, éd. R. vanderLecq,
Perihermeneias
Nijmegen 1983,77, 12-23.
32Nousdevons à ce typede cas et unecorrection
l'attention dansla compréhension
de ce passagede Buridan à ClaudePanaccio.
33Buridan, Questiones , II, 7, éd. Van derLecq 1983[op.cit.,supra,note31),77,
Longe
25-6.
34Buridan, Questiones
Longe,II, 7, et II, 10,26,éd. Van derLecq 1983(op.cit.,note,
supra,31),78,6-7,96,31-4.Cf.aussiR. vanderLecq,Buridan onmodal , dans:
Propositions
H.A.G.Braakhuis,C.H. Kneepkens, L.M.deRijk(éds), EnglishLogic andSemantics
, Nijmegen
1981,428.
35W.V.Quine,Three Grades ofModalIrwohment , dans: id.,TheWays ofParadoxandother
Essays.Revisedandenlarged Edition, Cambridge, Mass.1976,158-76.

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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 183

Ce double registreapparaît clairementdans le Tractatus de consequentiis


de Jean Buridan, qui réservedes traitementsdistinctsaux propositions
modales au sens composé et au sens divisé.Les livresII et IV, qui exami-
nentles conséquencesentreles propositionsmodales,traitentséparément
de deux types de propositions: les chapitres3 à 6 du livre II et les
chapitres2 et 3 du livre IV s'occupent des propositionsau sens divisé,
alors que les propositionsau sens composé sont l'objet du chapitre7 du
livreII et du chapitre1 du livreIV. Seul le chapitre1 du livreII traite
des deux typesde propositionmodale,justementpour les distinguer.Les
propositionsmodales au sens divisé sont proches des propositionsau
4 ' et ' -
présentet au futuret de certainsprédicatscomme mortuus intelligi
bilis' par l'ampliationde la suppositiondes termes.Dans ces cas, l'ex-
'
pression quod est permet de résoudrel'ambiguïtéde la supposition,et
donc de déterminerquelles inférencessont valides.36Malgré cette dis-
tinctionde domaines,les termesépistémiquesne sont pas inclus parmi
les modalités,mais sont traitésdans la partie consacrée aux propositions
37Les contextes
de inesse. qui causentl'ampliationde la sup-
propositionnels
position et ceux Y
qui provoquent appellatorationis
n'ont pas le même effet
sémantiqueet n'incluentpas les mêmes cas.38

36Cf.Buridan, Tractatus
deconsequentiis
, I, 8, 439-520; II, 6, 3-17; III, 4, 299-321 ; IV,
I, 10-16,éd. Hubien1976(op.cit.,supra,note30),46-8; 6; 93-4; 111.La supposition
étendue danslespropositions à modalitésaristotéliciennes etdanslespropositions au passé
etau futur estaussiacceptée parOckham, ce quine change passa définition de 'propo-
sition modale', ni la théorieconstruiteà partir de cettedéfinition, maismontre le double
registrethéorique danslequelsonttraités lesmodalités réelles; cf.Summa , I, 72 et
Logicae
II, 7, éd. Boehner, Gài,et Brown, (OPhI). La continuité entrela logiquetemporelle et
celledesmodalités aléthiqueschezOckham estbienmiseen évidence, entre autres, dans
C. Normore, TheLogicofTime andModality inthe Later Middle Ages : TheContributionofWilliam
ofOckham , Thèsede Doctorat, UniversityofToronto, 1975; C. Normore, DivineOmniscience,
Omnipotence andFuture : AnOverview,
Contingence dans: T. Rudavsky (éd.),Divine Omniscience
andOmnipotence inMedieval , Dordrecht
Philosophy 1985,3-22; E. Karger, A Study ofWilliam
ofOckham's ModalLogic , Thèsede Doctorat, University ofCalifornia-Berkeley, 1976.La
thèsede Lagerlund se limiteaussiaux modalités aléthiques ; cf.H. Lagerlund, Modal
intheMiddle
Syllogistics Ages,Leiden2000.
37Cf.Buridan, deconsequentiis,
Tractatus III, 3, 19-98,éd. Hubien1976(op.cit.,supra,
note30),101-3.
38Surla différence entrelesdeuxcas,cf.A. Maierù, etConnotatiochez
Significatio Buridan,
dans: J. Pinborg (éd.),TheLogic ofJohn Buridan , Copenhage 1976,112-3.Surla notion
ďappellatio rationis
etle traitement des"verbes mentaux" chezBuridan, cf.aussiE. P. Bos,
Mental Verbs in Terministic
Logic(John Buridan , Albert ofSaxony, MarsiliusofInghen), dans:
Vivarium, 16(1978),56-69; R. vanderLecq,John Buridan onIntentionality
, dans: E.P.Bos,
(éd.),MedievalSemanticsandMetaphysics,
Nijmegen 1985,281-90 ;J.Biard, LeCheval deBuridan.
Logique etphilosophiedulangage dansl'analysed'unverbe dans: O. Pluta(éd.),Die
intentionnel,
Philosophieim14.und15.Jahrhundert, Amsterdam 1988,119-37 ; Biard1989(op.cit.,supra,
note27); L.M.deRijk, John BuridanonUniversals, in: Revuede métaphysique etde morale,
97 (1992),35-59.

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184 PERINI-
ERNESTO S
SANTO

Il est toutefoisremarquable que cette différenced'effetsémantique


n'empêchenullementla considérationdes sens diviséet composé des pro-
positionsayantun prédicatépistémique,qui pourrontêtreconsidérées,de
ce pointde vue, des propositions modalescommeles autres.39 Cette distinc-
tiongénérale,qui dépendde différentes portéesqu'un termepeut avoirdans
une proposition,permetnotammentla descriptiondes inférencesqui "ex-
portent"ou "importent"le sujetdans ou horsde la portéede la modalité.
On peut estimerqu' Ockham lui-mêmeoffredes exemplesde propo-
sitionsdans lesquellesla copule est modifiéepar un termeépistémique,
et ainsi voir 'scituÝdans ' SortesscituresseanimaVcomme un modificateur
de la copule.40La modificationde la copule semble toutefoiss'approcher
plus des théoriesadverbiales,comme celle de Boèce, que des théories
liant les termesmodaux aux propositions,comme l'ockhamienne.Il n'est
surtoutpas aisé d'imaginerle rôle des termesépistémiquescomme des
modificateurs de copule, du moins dans un cadre ockhamien; celle-ciest
pour Ockham un typede syncatégorème, alors que ceux-là sont des pré-
dicats catégorématiques.On peut se demander commentles modalités
aristotéliciennes peuvent être à la fois des modificateurs de copule (ou
simplementdes copules) et des prédicats.Nous nous limiteronsici à indi-
quer une pistepour la solutionde ce problèmedans ce qu'on peut appeler
la double appartenancedes modalitésaristotéliciennes, à la fois en con-
tinuitéavec les copules passées et futures41 et définiscomme des prédicats
métalinguistiques d'un certaintype. Il nous semble que la théorieock-
hamienne de la propositionmodale offreun cadre métathéoriquedans
lequel se développe la théoriedes modalitésdites réelles,les modalités
aristotéliciennes,mais aussi, entreautres,des modalitésépistémiques.On
peut ainsi estimerque la théorieockhamiennede la propositionmodale
est incomplète,elle ne traitepas de la sémantiquedes modalitésaris-
totéliciennes, même s'il y a une théorieockhamiennepour de tellessitua-
tions.Il n'en va pas de même dans la logique de Buridan,dans laquelle
toutefoisil n'est pas clair commentun termeépistémiquepeut modifier
la copule. On remarqueraaussi que Burleigh,qui accepte ces deux clauses
pour la définition de 'mode', ne garde que les modalitésaristotéliciennes.42
Aussi bien chez Ockham que chez Buridan, on note l'existencede
comportements logiques communsaux propositionsmodales aléthiqueset
39Voir,parexemple, , II, Quaestio18a,éd.H. Hubien(non
Priora
inAnalytica
Quaestiones
publiée).
40Summa II, 9, 23-25,éd. Boehner,
Logicae, Gài et Brown,(OPhI), 273.
41Summa , I, 72,3-6,éd. Boehner,
Logicae Gài,et Brown, (OPhI), 214.
42Burleigh,
De Puntate Artis , Tract.
Logicae éd. Boehner
Brevior, note
1955(op.cit.,supra,
29),234.

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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 185

à celles qui possèdentdes verbes concernantles actes de l'esprit,selon


l'expressionmédiévale.Ils ne traitentpas les deux cas de la même façon;
alors que l'anglais déploie une logique modale homogène mais incom-
plète, qui n'explique tous les aspects sémantiquesdes prédicatsmodaux,
le françaisa un critèreet une logique modale à double entrée,qui rend
compte du fonctionnement des modalitésaristotéliciennes,quitteà avoir
une théoriemoinsclairedes modalitésépistémiques. Le maîtrepicardchoisit
la voie qui semble prédominanteau Moyen Age tardif.On indique des
comportements logiques communs à ces deux typesde termes,notam-
ment à propos des sens divisé et composé des propositions,sans les réu-
nir sous un même concept,comme le faitGuillaumeHeystesbury.43 Il est
intéressantde noterque Richard Billingham,dans son Speculum Puerorum,
réunitles termesprédicablesde propositionsentièrestantôtsous le con-
cept de terminus officialis ), tantôtsous celui terminus
(ou officiabilis modalis,
solutionqui est à peu près équivalenteau concept ockhamiende moda-
lité.44En ce qui concerneBuridan,il est clair que sa démarchethéorique

43Voirainsilesdéfinitions dupremier, dudeuxième etduseptième modes selonlesquels


uneproposition peutêtreau sensdiviséet au senscomposé ; Guillaume Heytesbury, De
sensudivisoetcomposito , 3vb-4ra et4rb,Venise, 1500: "Unde7 vel8 modis acciditdiversitas
componendi veldividendi. Etprimus modus sicutinprincipio fuit exemplificatum estmedi-
antehocverbo ampliativo possum velquocumque consimili ampliativo sicut convenit. verum,
possibile,impossibile, contingens : etsicde aliisquibuscumque similibusaccidit compositio
etdivisio. Secundus modus estmediante termino habente vimconfundendi : sicut
sunt huius-
modiverba: requiro : indigeo presuppono : incipio: desidero : cupio: volo: teneo: debeo:
necessarium : semper : in eternum : eternaliter : immediate : et sic de aliis."; "Septimus
modusmediantibus terminis verbalibus actumvoluntatis siveintellectus significantibus:
sicutmediante hocverboscio,hesito, credo,volo,desidero, appeto. et sicde aliis."
44Le
concept de 'terminus ' chezRichard
ojjìcialis Billingham couvre aussibienlestermes
concernant lesactesde l'esprit que lesmodalités, maisne le faitpas dansle cadred'une
théorie modale ; Richard Billingham, Speculum puerorum , 1, IV, 1-11,éd. Maierù,345-6:
"Terminus officialispotest diciquilibet terminus qui in se importât aliquodofficium pos-
itivům velprivativum, velministerium. Suntautemhuiusmodi termini concernentes actum
mentis, ut 'scire','intelligere', 'dubitare', 'percipere', 'credere', 'imaginari', 'apparere' et
similia,et universaliter quaecumque suntrespectu complexi et universaliter quaepossunt
esserespectu universalis ut 'possum promittere tibipomum', licetnechoc nec hoc,et
similiter de aliis; similiter haecquattuor 'possibile','impossibile', 'necessarium', 'contin-
gens',et hocverbum 'est'quandosumitur impersonaliter, ut 'estte esse',et haecdictio
'non'etquodlibet signum universale negativum ratione li 'non'cumquo convertitur." (cf.
A. Maierù, Lo "Speculum puerorum siveTerminus estin quem"di Ricardo Billingham,
dans: Studi Medievali, 3 (1970),297-397). Uneautreversion '
du textea ''officiabilis au lieu
de 'officialis'
; cf. Terminus estin Quem siveSpeculum puerorum , recensio altera,1, 20, éd.
L.-M.deRijk,dans: id.,Some 14th Century Tracts onthe Probationes Terminorum, Nijmegen 1982,
86. Il estplusintéressant de noterqu'uneautreversion de ce texte, ou un autretexte
intituléSpeculum Puerorum, attribué aussià Billingham et trèsprochede celuiéditépar
Maierù, au lieude 'terminus oßcialis' utilise'terminus modalis' cf.Richard
; Billingham, Speculum
puerorum, 8-11,p. 215-7, dans : L.M. de Rijk, Another « Speculum Puerorum » attributed
toRichard
Billingham.Introduction andText , dans: Medioevo, 1 (1975),203-35.

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186 PERINI-
ERNESTO S
SANTO

double, qui tantôttraiteséparémentles différents cas de figure,tantôt


applique à tous les termesmodaux la distinctionentresens composé et
sens divisé, est plus importanteque sa définitionétendue de 'mode'.
Guillaume d'Ockham et, avant lui, Martin d'Alnwick,définissant £mode'
de façon assez large pour inclure les deux groupes, en tirentles con-
séquences pour le développementhomogènede la théoriedes modalités.
Ils montrentla diversitéd'approchespossiblespour rendrecompte d'un
même type de phénomène.
Une brève remarque métathéoriquepeut rendreplus claire l'impor-
tance de cette diversitéd'approche. Il nous semble que parler de recon-
naissance des modalitésnon aléthiques,comme le fait Boh,45peut être
trompeur,si l'on veut suggérerpar là l'existenced'un domaine indépen-
dant des théoriesqu'il s'agiraitsimplementde décrire.Les modalitéssont
des outilsconceptuelsdéfinissurtoutde façon stipulative.46 La reconnais-
sance de la proximitédes comportements logiques des termes modaux
et
aléthiques épistémiques ne contraintnullement à les rassembler sous
un conceptunique. Même si on le fait,ce conceptpeut ne pas êtrecelui
de modalité. La diversitéde constructions théoriquesn'est aucunement
en oppositionavec la reconnaissanced'un ensemblecommunde données
dont il fautrendrecompte; tel est le cas, nous semble-t-il, de l'examen
des termesépistémiqueset modaux par ces auteursmédiévaux.

3. Conclusion
entreles deux textesockhamiensest évidente,par la définition
La différence
et par le nombrede modalités,mais aussi par la théoriemodale esquis-
sée. Le commentairedu Perihermeneiasest plus proche de la SummaLogicae
et plus développé que le commentaire des Réfoitations Si les
Sophistiques.

45Cf.Boh 1993{op.cit.,supra, note26),46. Knuuttilaestplusprudent surce point;


voirKnuuttila 1993{op.cit.,supra, note25),176.
46La précautiondécoule icide ce qu'onpourraitappelerle doublestandard desthéories
médiévales, rendre
qui veulent compte à la foisdesdonnées logiques et
ou linguistiques
de l'usagedesconcepts auxquels ellesontrecours parla tradition
; si le premieraspect
offrele terrain
desdéfinitions le deuxième
stipulatives, contraintà desconsidérations pro-
presà desdéfinitionsexplicatives.UElementarium , faussement
Logicae attribuéà Ockham,
donneunexemple de ce doublefonctionnement dansuneréfutation
desdéfinitions, assez
maladroite, ockhamienne,
d'inspiration des thèsesde Burleighconcernant les modalités
;
cf.Guillaumed'Ockham, Elementarium IV, 18,éd.E.M.Buytaert,
Logicae, G. GaietJ.Giermek,
(OPhVII), 141-2.Il n'estpas sansintérêt de voirdanscetapocryphe le témoignage des
premières autourdesthèses
discussions ockhamiennes,dontcellessurlesmodalités ; sur
lessujetsqui nousintéressentici,voirleschapitres17 à 20 du livreIV.

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LES MODALITÉS
DANSLES COMMENTAIRES
D'OCKHAM 187

deux textesvont dans le même sens, il semble surtoutque l'intégration


de la réflexionsur ces termesest plus importantedans le commentaire
du Perihermeneias, notammentpar la mise en place d'une stratégiedestinée
à rendrecompte de ce type de phénomène.
Cette conclusionpourraitinviterà inverserl'ordre de compositionde
deux commentairespar rapportà celui présentépar les éditeursde deux
Il est bien sûrpossibled'expliquerla différence
textes.47 d'étatde la théorie
modale par le faitque le Perihermeneias sembleun locustextuelplus appro-
prié à un tel développementque les Réfutations Même si l'on
Sophistiques.
accepte un tel raisonnement, il resteà expliquerpourquoi les résultatsdu
premier n'ont pas été intégrés dans le deuxième.
L'ordre établi par les éditeursest étayépar les renvoiscroisésdans les
textesockhamiens.Le premierse trouvedans le commentairein librum
Elenchorum, au Perihermeneias:
Prototoistocapitulo
estnotandum quoddoctrinaPhilosophihictradita
specialiter
valetad impediendumconsequentiamquandoarguitura divisis
ad coniuncta,
quando
in divisis,
aliquidbisaccipitur de quo dictumestin II Perihermeneias
.48
Le deuxièmeest dans le commentaire
du Perihermeneias
, aux Sophistici
Elenchi
,
par un verbe au futur:
Et estin omnibus
talibus
fallacia sicutin II Elenchorum
accidentis, ostendetur.49
Dans les deux cas, Ockham semble renvoyerà son commentaire,plutôt
qu'à Aristotelui-même,et le futurdu deuxième texte cité doit corre-
spondreà l'ordrede lecturedes textesdu Stagirite.Indépendammentdes
renvoisà l'intérieurdes textesockhamiens,cet ordre de lecture est la
motivationla plus fortepour placer la compositionde YExpositio sur le
Perihermeneiasen premier.
En effet,l'argumentle plus importantse trouvesimplementdans l'or-
drehabitueldes commentaires des œuvreslogiquesd'Aristote, le Perihermeneias
,
comme partie de la Logica Vêtus , venant avant les Réfutations ,
Sophistiques
Yordonaturalis
, selon les éditeursd'Ockham,50et dans le faitqu'il ne sem-
ble pas que le Venerabilis Inceptorait eu le temps de les commenterplus
d'une fois. Si cette considérationest un argumentfortpour garder la
chronologieadoptée par les éditeurs,les différences conceptuellesentre

47Exp.Per.,Introductio,éd.Gambatese etBrown, (OPhII), 13*; Exp.Elenchi


Introductio,
éd. Del Punta,Gambatese et Brown, (OPh III), 13*.
48Exp.Elench., II, 16,4, 40-43,éd. Del Punta,Gambatese et Brown, (OPhIII), 305.
49Exp.Per., II, 4, 6, 22-23,éd. Gambatese et Brown,(OPh II), 451.
50Exp.Per.,Introductio, éd. Gambatese et Brown, (OPhII), 13*.

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188 ERNESTO
PERINI-SANTOS

les textesdoiventêtre prises en compte aussi, ce qui suggèreun cadre


plus complexe de la productiondes œuvresd'Ockham.51
Quoi qu'il en soit de leur ordre de composition,il nous semble clair
que les théoriesmodales de ces deux textesne sontpas les mêmes et que
celle du commentairedu Perihermeneias est à la foisplus développéeet plus
proche de la SummaLogicaeque celle de YExpositio superLibrosElenchorum.
La reconnaissancede ce point doit s'accompagnerde la reconnaissance
de la spécificitéde l'extensionde la liste des modalitéset, d'une façon
plus générale,de la théoriemodale du Venerabilis La théoriedu
Inceptor.
maître nominalistereprésenteen effetune rupturepar rapport à une
importantetradition,qui remonteau moins à Ammonius et à Boèce,
associant les modalitésà des adverbes. Le cœur de cette tradition,qui
trouveune expressionparticulièrement claire chez GauthierBurleigh,est
la compréhensiondes modalitéscomme des modificateurs de la copule.
Jean Buridan voit les modalitésà la foiscomme des prédicablesde propo-
sitionset comme des modificateurs de la copule. Cette duplicitéapparaît
dans le fait que les termesépistémiques,tout en étant comprisdans la
liste de modalités,ne figurentpas dans les textesque le maîtrepicard
consacre au traitement des modalités.Guillaumed'Ockham, à l'instarde
Burleigh, a une théorie modale simpleet sans ambiguïté,mais sa définition
de modalitécomme des prédicablesde propositionsentières,et seulement
comme des prédicablesde propositionsentières,aussi bien dans le com-
mentairesur le Perihermeneias que dans la SummaLogicae,lui donne une
place tout à faitoriginaledans l'histoiredes théoriesmodales.

Belo Horizonte,Brésil
de Filosofia
Departamento
Federalde Minas Gerais
Universidade

51On remarquera aussile traitement en un certain sensmoinsdéveloppé desmoda-


dePraedestinatione
litésdansle Tractatus etdePraescientiaDwina, aussibiendansla classification
despropositionsaffectées
destermesépistémiques comme deinesse(cf.Tractatus
dePraedestinatione
Deirespectu
etdePraescientia FuturorumContingentium, éd. Ph.Boehner
II, 45-51; III, 329-38,
etS. Brown, (OPhII), 521-2; 532),quedansl'explication du sensdivisédespropositions
modales paruneapproche différentede celleadoptéedansYExpositio surle Perihermeneias
et dansla Summa Logicae(cf.Tractatus
, I, 309-12,éd. Boehner et Brown,(OPhII), 519).
Cetteremarque estd'autantplusimportante quele textetraite du croisement
précisément
destermes épistémiquesetdesmodalités aléthiques.

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