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(1829-1880)
Pascal Eugène Bergeyre Lagrange, naît le 23 mars 1829 dans la ville de Bayonne,
capitale du Pays basque français, située dans le Sud-Ouest de la France, tout près de la
frontière avec l'Espagne dans ce qui est actuellement le Département des Pyrénées
Atlantiques. Ses parents se nommaient monsieur Antoine Bergeyre et madame Jeanne-
Etienette Lagrange. 1
Il était le sixième enfant d’une fratrie de huit (cinq garçons trois filles). Son amour pour
les chevaux, sa vocation à soulager les maux qui affligent les animaux domestiques et
d’élevage et son intérêt à soigner les pathologies et les maladies infectieuses des
animaux de la ferme, ont fait germer les gènes qu'il portait de ses ascendants. En effet, il
descendait d'une longue lignée de maréchaux-ferrants qui prend sa source à Arthez-de-
Béarn (Pyrénées Atlantiques) vers 1680 avec Daniel Bergeyre, alias Bascou, et qui
continue avec Bernard Pascal Bergeyre, son grand-père paternel, qui a travaillé comme
maréchal-ferrant, et Antoine, son père, qui déjà exerçait en tant que "artiste vétérinaire"
dans la campagne bayonnaise. Sa mère, Jeanne Lagrange, était aussi la fille d'un
commerçant de chevaux de Bayonne.2
1
Eugenio BERGEYRE et Daniel WIART. Standard Pedigree Tree. Cercle Généalogique du Languedoc,
France. 1989-2000
2
Daniel WIART et Xavier CABANTOUS. L´Aventure Mexicaine d´Eugène BERGEYRE”. Cercle
Généalogique du Languedoc, France. No. 117, 4eme. Trimestre. 2007. p. 30.
1
De plus, son grand frère, Jean Baptiste Prosper Bergeyre, s'est aussi avéré être un
vétérinaire distingué, après avoir hérité de la clinique et de la clientèle de son père à
Bayonne. De cette façon, un trisaïeul, un grand-père, un père et un frère, ainsi que les
vertes prairies qui couvrent ce confluent de la Nive et de l’Adour, ont dû marquer
profondément et de manière indélébile l'esprit juvénile d'Eugène, et l'ont conduit à faire
des études de médecine animale à L'École Nationale Vétérinaire de Toulouse dans le sud
de la France.
2
Ses études de médecine vétérinaire
En foi de quoi il lui a été délivré le présent extrait, en vertu duquel M. Bergeyre (Pascal
Eugène) est autorisé à exercer la médecine vétérinaire.
3
Archives Historiques du Ministère de la Défense. Mexico, D.F. Département de Direction générale des
Archives Militaires. Secrétariat de Guerre et de Marine. Caisse Numéro 63. D/III.6/1080. Dossier 00015.
Année 1935.
3
Dossier scolaire de l’élève Pascal Eugène Bergeyre Lagrange
Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, France 18504
Le jeune diplômé
4
Document aimablement fourni par M. Daniel Wiart. 2009.
4
Comme nous le voyons dans les documents édités ci-dessus, notre personnage obtient le
diplôme qui lui permet d'exercer la profession de vétérinaire en France en 1850, à l'âge
de 21 ans, quand Louis Napoléon Bonaparte gouvernait le pays en tant que premier et
unique président de la Seconde République (1848-1851). Le futur Napoléon III, neveu
du grand Napoléon I, s'apprêtait à donner le coup d'État qui fera de lui l'Empereur des
Français en 1852, constituant ainsi le Second Empire qui durera jusqu'en 1870.
Pendant ce temps, dans le Mexique du milieu du XIXe siècle, le président en place était
don José Joaquín Antonio Florencio de Herrera et Ricardos (1792-1854), militaire
remarquable et homme politique mexicain qui occupa à trois reprises le poste de
président du pays. Le pays se relevait avec d'énormes difficultés après l'injuste et
traumatisante invasion nord-américaine qui, au travers du Traité de Guadalupe Hidalgo,
l’avait dépossédé et amputé de plus de deux millions de kilomètres carrés dans le Nord
de son territoire.
La lutte entre les libéraux et les conservateurs commençait à resurgir et à s'enflammer.
Cependant, malgré tout, le Mexique était un pays dans lequel tout était à faire et qui
offrait de grandes opportunités pour travailler et pour entreprendre n'importe quel type
d'affaires et amasser de grandes fortunes.
Pour quels motifs a-t-il émigré ? Quelles illusions ou bien quels manques l’ont-ils
poussé à s’embarquer pour un pays si différent et étranger ? Que cherchait-il ? Est-ce
l'esprit d'aventure ? L'absence d'un avenir prometteur dans son pays natal ? Le désir ou
l'image d'un pays et une société où il pourrait faire une fortune rapidement ?
La source documentaire suivante est une très longue lettre écrite par Eugène à ses
parents depuis la ville de Mexico et datée du 1er juillet 1853.5
En plus d'être une missive à caractère familial, la lettre mentionnée semble aussi être un
fascinant journal de voyage, puisqu’Eugène y raconte les vicissitudes, les joies et les
souffrances qu'il endura durant une longue et pénible traversée maritime sur le navire "le
Panama". Il y décrit aussi les imprévus et les dangers du difficile trajet en direction de la
5
Eugenio Bergeyre y Flores. Archives de la famille Bergeyre à Mexico et à Bayonne.
5
capitale mexicaine effectué dans une diligence tirée par huit chevaux, depuis le port
insalubre et inhospitalier de Veracruz, dont la population était, au moment de son
arrivée, dévastée par une épidémie de Cholera morbus.6
Cette lettre du 1er juillet 1853 (à peine arrivé dans la ville de Mexico), écrite à l'âge de
24 ans avec des mots tendres et émouvants, est destinée à ses parents et est aussi
révélatrice, puisque dans sa partie finale, le texte mentionne : “le mois prochain […]
vous saurez amplement quelle sera ma position”
Messieurs Wiart et Cabantous, experts généalogistes français qui ont étudié la famille
Bergeyre et qui ont publié cette lettre dans la revue du Cercle Généalogique du
Languedoc, précisent dans une note de bas de page que :
“Eugène démarre son activité à Mexico avec pour objectif: amasser un pécule en cinq
ou six ans, rembourser les dettes contractées avant son départ et revenir une fois fortune
faite”.7
Tout porte à croire qu’Eugène est donc parti au Mexique de sa propre initiative sans
avoir de proposition préalable d'offre d'emploi.
Tout indique, par conséquent, que notre personnage est venu s'établir pour exercer sa
profession de vétérinaire dans une ville et dans un pays où des services de ce genre
n'existaient pas. Seulement un mois après son arrivée dans la capitale mexicaine, Eugène
fait paraitre une annonce dans l'un des principaux journaux mexicains du XIXème siècle
: “El Siglo Diez y Nueve”.
Dans l’édition du lundi 1er aout 1853, l’annonce suivante parait dans le quotidien
mentionné ci-dessus :
AU PUBLIC
6
Eugène Bergeyre lui-même écrivit dans cette lettre : « On a surnommé Veracruz: “le tombeau des
Européens”, et c´est avec trop de raison. Si j´y étais resté quelques jours, la crainte de ne pas voir mon
bon frère Victor aurait finit par me faire craindre que j´étais atteint de quelqu´une de ces maladies… »
7
WIART ET CABANTOUS. L’Aventure Mexicaine...
8
Quotidien EL SIGLO DIEZ Y NUEVE. Mexico, lundi 1er aout 1853. 7èmeTome. Número
1.682. Editor: Sr. Francisco Zarco. HEMEROTECA NACIONAL. FONDO RESERVADO. UNAM.
6
307-10-1
7
Page du quotidien « El Siglo Diez y Nueve » où est parue l’annonce du Dr Eugene BERGEYRE pour
offrir ses services en tant que vétérinaire professionnel, ainsi que des services de maréchal-ferrant et de
pension pour chevaux.
Cette même publicité est parue à neuf reprises entre le 1er août et le 9 septembre de la
même année. Cette annonce revêt en fait une grande importance, puisqu’il s'agit
probablement de la première publicité dans laquelle un professionnel de la médecine
vétérinaire offre ses services privés aux habitants de la ville de Mexico. De plus, il s'agit
sûrement de la première clinique privée pour soigner les maladies des grands animaux,
mais aussi des plus petits, comme par exemple les chiens.9
Eugène s’est mis sérieusement au travail et rapidement il a dans son écurie plus de 18
chevaux à soigner et un compatriote lui permet d'obtenir un contrat avec la compagnie
de diligences.
9
Gustavo GARCÍA DELGADO. Primer Anuncio de Servicios Veterinarios ofertados en un Periódico
en México. Memorias de la Primera Jornada de Historia de la Medicina Veterinaria y Zootecnia. Facultad
de Medicina Veterinaria y Zootecnia. Universidad Nacional Autónoma de México.
24 y 25 agosto 2000 p. 54-55.
8
militaire expert et que l'armée française aurait envoyé Eugène Bergeyre, mandaté au
Mexique pour prendre soin des chevaux de l'écurie présidentielle ainsi que des coqs de
combat du président Santa Anna. C'est un grand regret, mais devant la rigueur de la
recherche historiographique et des preuves documentaires étudiées, il est nécessaire de
reconnaître que le mythe n’a aucun fondement. Je me souviens de nos professeurs nous
racontant cette histoire très romantique qui s’est transmise de bouche à oreille à travers
plusieurs générations dans le milieu professionnel vétérinaire de notre pays.
"En attendant, le déjeuner fut annoncé. Madame de Santa Anna m'a conduite à la salle à
manger. Calderón a été placé en tête de table, moi à sa droite, Santa Anna en face de
Calderón, et son épouse à ma droite. Le déjeuner fut excellent. Il fut constitué d’une
multitude de plats espagnols, de viande et de légumes, de poisson, de volaille, de fruits
et de sucreries, un café, du vin, etc., le tout servi dans une vaisselle française blanche et
or. Après le déjeuner […] nous visitâmes les dépendances et les bureaux, ainsi que le
cheval de bataille préféré du général, un vieux coursier blanc, peut-être un philosophe
plus sincère que son maître; quelques coqs de combat, élevés avec un soin spécial,
puisque les batailles de coqs sont un des divertissements favoris de Santa Anna …."10
Le président Santa Anna fonda virtuellement "d’un trait de plume" le Collège National
Agricole et vétérinaire au moyen du décret présidentiel numéro 4001 daté du 17 août
1853 au Palais du Gouverneur de la ville de Tacubaya. Cependant, quelques années
passeront avant que la dite institution, ses élèves, son équipe enseignante et les cours ne
prennent corps physiquement et ne soient opérationnels. Les cours sur l'agriculture
débutent en février 1854 et l’enseignement vétérinaire ne commence qu'en janvier 1856,
dans l'édifice vétuste de l’ancien couvent dominicain de San Jacinto., situé dans le
quartier de Tacuba, à l’ouest de la ville de Mexico.
Dans une liste de Professeurs et Employés de l’année 1857, le Dr. Eugenio Bergeyre
apparaît comme titulaire de la chaire de "Mariscalia y Exterior".11 De la même manière,
notre aimé et inoubliable maître Ramirez Valenzuela, éminent bactériologiste et
historien de la médecine vétérinaire, cite Bergeyre en ces termes :
10
Mme CALDERÓN DE LA BARCA. La Vida en México, durante una residencia de dos años en ese
País. México. Editorial Porrúa. Primera Edición, Colección Sepan Cuantos. 1967. pp.30-31.
11
Adolfo BARREIRO. Reseña Histórica de la Enseñanza Agrícola y Veterinaria en México. 1906.
Tipografía El Libro del Comercio. México, p. 11. "Mariscalia" peut s'entendre par "art du Maréchal
Ferrant" et "Exterior" comprend l'étude de l'aspect extérieur du cheval (son pelage).
9
"En ce qui concerne l'enseignement de la Médecine Vétérinaire, le Dr. Río de la Loza12,
n'a pas eu de problèmes, puisque les chaires étaient sous la responsabilité d'un
vétérinaire militaire français compétent, le Dr. Eugene Bergeyre, qui résidait au
Mexique depuis 1853. Le Dr. Bergeyre avait été titulaire des chaires de Délinéation,
Anatomie, Pharmacologie, "Mariscalía et Extérieur", Pathologie, ainsi que de Chirurgie
Vétérinaire. Il fut donc par conséquent le premier médecin vétérinaire à avoir enseigné
en tant que professeur dans cette école et il a formé scientifiquement et moralement les
premières générations de médecins vétérinaires qui ont constitué les fondations de la
profession au Mexique ".13
Dans ce cas, je présume que Bergeyre a dû être contacté et invité par Santa Anna pour
collaborer avec lui afin de s'occuper des chevaux de l'écurie présidentielle.
De la même manière, nous n'avons pas été capables de trouver un document qui prouve
qu'Eugene Bergeyre ait servi dans l'armée mexicaine du temps du Général Santa Anna ni
même de ses successeurs. Cependant, on ne doute pas du fait que Bergeyre se soit
12
Le Dr Leopoldo Rio de la Loza, chimiste, médecin et scientifique mexicain reconnu, fut le premier
directeur de l'Ecole Nationale d'Agriculture et de Médecine Vétérinaire.
13
Manuel RAMÍREZ VALENZUELA. El Establecimiento de la Primera Escuela de Agricultura y
Veterinaria en México. Sus Antecedentes y Primera Etapa de Vida. Revista Veterinaria México. Facultad
de Medicina Veterinaria y Zootecnia. Universidad Nacional Autónoma de México. Août 1978. p. 12
14
FRANCISCO DE ASÍS FLORES Y TRONCOSO. Tesis: Historia de la Medicina en México, desde la
Época de los Indios hasta el Presente. Tesis de la Escuela Nacional de Medicina. México, 1888. Instituto
Mexicano del Seguro Social. Segunda Edición Facsimilar. 1982. Tomo III, p. 247.
15
Nous avons cherché auprès de diverses sources, mais principalement dans le riche dossier du Dr.
Bergeyre que l'on trouve aux Archives Historiques du Ministère de la Défense à Mexico, et nous n'avons
pas été capables de trouver un document qui prouve que notre personnage ait servi dans l'armée
mexicaine. Cependant, la mention que fait Flores Troncoso dans son œuvre nous suffit pour apporter la
preuve de la présence et de l'inscription de M. Bergeyre dans l'armée mexicaine.
10
occupé de l'écurie présidentielle, puisqu'il était le professionnel adéquat pour le faire, du
temps de Santa Anna, et pourquoi pas, aussi durant les années suivantes.
Pour se rendre compte de l'énorme importance que revêt le Dr. Bergeyre, en tant que
professeur fondateur et membre de la première génération d'enseignants et du rôle
capital qu'il a joué dans la fondation de la première École d'Agriculture et de Médecine
Vétérinaire, voici l'extrait d'un texte écrit par les collègues vétérinaires et historiens
Cervantès, Roman, López et Uribe :
"Grâce à la conception médicale qui existait de la profession, axée principalement sur les
soins aux chevaux, on raconte qu'en 1853 Santa Anna a reçu du vétérinaire Eugène
Bergeyre l'idée de fonder la première école vétérinaire au Mexique. Tout semble
indiquer que ce médecin français est celui qui a fait remarquer au président la nécessité
de fonder une école vétérinaire dans le pays, puisque jusqu'alors, aucune école de ce type
n'existait et que la médecine vétérinaire n'était pas considérée comme une discipline
scientifique ".16 et 17
16
Juan Manuel CERVANTES SÁNCHEZ, Ana M. ROMÁN et Cristian LÓPEZ. Origen y Evolución de
la Escuela de Medicina Veterinaria (1853-1914)
17
URIBE M, B. I. La profesionalización de la medicina veterinaria a través de los trabajos y los días de
José de la Luz Gómez. Tesis de licenciatura. Facultad de Filosofía y Letras. UNAM. México, 2008. p. 44
11
Quatre documents sont énumérés dans cette liste :
1- "Nomination en tant que Professeur de Médecine Vétérinaire", établi par le Général
Don Antonio López de Santa Anna". Date non mentionnée. Ce document se trouve
égaré.
La Révolution d'Ayutla commandée par le chef méridional Juan Álvarez, avait expulsé
Santa Anna du pays en 1855 et l'avait poussé à s'exiler en Colombie. Eugène perd là son
ami et son mécène. Les gouvernements libéraux d'Ignacio Comonfort et de Benito
Juárez ont été vaincus par des ennemis vigoureux, les conservateurs, au cours
d'interminables guerres intestines. Les armées et les gouvernements de Félix Maria
Zuloaga, de Miguel Miramón et de Juan Nepomuceno Almonte, s'imposent
temporairement entre 1858 et 1864. Les Mexicains et tous les étrangers domiciliés au
Mexique, surtout dans la ville de Mexico, doivent apprendre à vivre et à s'adapter à
chaque soubresaut de la politique nationale et aux pénuries et vicissitudes liées à la
guerre civile. C'est ce que font aussi Eugène et son frère Victor. Onze ans se sont
écoulés depuis son arrivée.
12
Le second empire.
"La suite s'est arrêtée devant la Cathédrale, qui occupe la deuxième partie de la grande
place, à droite du Palais. Là un Te Deum a été chanté et ensuite toute la cour a
parcouru à pied un chemin couvert de tapis et à l'abri d'une tente en direction de la
résidence. Des drapeaux et des milliers de guirlandes de superbes fleurs ornaient
l'entrée, dans laquelle se trouvaient les portraits de ses majestés, d'ailleurs assez mal
peints. Une foule immense couvrait la grande place, mais l'ordre et la quiétude
régnaient partout ; les mexicains et les indiens ne sont ni impatients ni bruyants. Ce
peuple a montré beaucoup d'intérêt de joyeuse façon et l'accueil reçu à Mexico fut
extrêmement cordial…." 18
C'est de cette manière apparemment prometteuse que débute la période connue dans
l'histoire du Mexique comme étant le "Deuxième Empire". Les mille jours que gouverna
le bien intentionné et libéral jeune archiduc de la Maison d'Autriche furent un mandat
très complexe, marqué par la tragédie et voué à l'échec et durant lequel Eugène Bergeyre
a joué un rôle majeur en tant que militaire et scientifique.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'être ému en les tenant entre mes mains. Ce fut comme la
sensation de pouvoir toucher l'histoire du doigt. Il s'agit là de deux documents, simples
bouts de papier, mais qui ont été manipulés à la fois par l'empereur Maximilien et par le
Dr Bergeyre.
Le premier document est une lettre écrite en espagnol par le Dr Eugène Bergeyre, aide
vétérinaire de seconde classe dans l'armée française, et adressée à l'inspecteur général du
ministère de la guerre du second empire. Elle est datée du 23 août 1866 et il y réclame le
poste de vétérinaire principal. La réponse, donnée cinq jours plus tard, se trouve dans la
18
Comtesse Paula Von Kolonitz. Voyage à Mexico en 1864. Colección SepSetentas. Primera Edición.
México, 1976. p. 74.
13
partie inférieure du même document. Datée du 28 août de la même année, elle lui
attribue en effet le poste de vétérinaire principal dans l'armée impériale française.
14
Traduction :
1866 et 1867
(N° 5.00001)
Section 24
BERGEYRE, Dr Eugenio
-----------------------------------------------------
23 août
28 août
E. S.
L'inspecteur Général
François Mellet
19
Je suppose qu'il s'agit d'une erreur de transcription : il devrait y avoir "armée du Mexique"
15
Ensuite, le deuxième feuillet, investi de la plus grande valeur documentaire pour la
présente étude, contient précisément la nomination du Professeur Eugène Bergeyre au
poste de Vétérinaire Principal du Corps de Santé de l'Armée Française que l'Empereur
Maximilien signe de sa main le 7 septembre 1866 au château Impérial de Chapultepec. 20
20
Les deux documents se trouvent à la Direction Générale des Archives et d'Histoire du Ministère de la
défense. Boite n° 63.D/III.6/1080. Année 1935.
16
Traduction :
Voulant rivaliser avec le grand homme corse qui avait envoyé en Égypte, avec l'armée
française, une commission scientifique et culturelle afin d'étudier les richesses du pays
des pharaons, Napoléon III, neveu de Napoléon Bonaparte, fit la même chose au
Mexique. La France avait besoin que son invasion militaire au Mexique fût avalisée par
des intellectuels de renom qui rendraient les faits plus acceptables. En même temps,
ceux-ci auraient la possibilité de récolter des données à propos du pays, de ses richesses
naturelles, minières, agricoles, archéologiques, artistiques, etc… Il s'agissait en effet,
d'une invasion impériale mais avec des visées scientifiques et culturelles. Déjà avant
l'occupation du Mexique, l'empereur français avait créé, à l'initiative de son ministre de
l'Instruction Publique Victor Duruy, la Commission Scientifique, Littéraire et Artistique
17
du Mexique dont le règlement a été édité en 1864. Elle a été fondée à Paris par décret de
Napoléon III le 27 février 1864 et a été nommée "Expédition Scientifique du Mexique".
Les lettres de créance et son prestige en tant qu'enseignant et scientifique ont fait que le
Dr. Eugène Bergeyre21 fut invité à faire partie de cette commission formée de 150
spécialistes des plus diverses branches de la science, des arts et de la littérature. Quand
les travaux ont commencé dans la ville de Mexico, le 19 avril 1864 à midi, dans le grand
salon des actes de l'École des Mines, le Général François Achille Bazaine, en s'adressant
à la Sixième Section (de Médecine, Chirurgie et Hygiène) a déclaré :
21
Sur la liste qui se trouve dans le dossier d'Eugène Bergeyre aux archives historiques ministère de la
défense, il est fait mention de sa nomination en tant que membre de la Commission Scientifique du
Mexique.
22
Démonstration de l’influence de la France sur la Médecine Mexicaine. Journal EXCELSIOR du 16 mai
1981. Mexique
18
Membre fondateur de l’Académie Nationale de Médecine du Mexique
Un autre fait intéressant est que Bergeyre a fait partie du jury lors de l'examen
professionnel du Dr. José de la Luz Gomez, vétérinaire réputé et scientifique mexicain
qui est devenu Professeur Vétérinaire en 1862 à l'École Nationale d'Agriculture et
Médecine Vétérinaire de San Jacinto.
23
FERNÁNDEZ DEL CASTILLO, FRANCISCO. Historia de la Academia Nacional de Medicina en
México. Ediciones Fournier, 1956.
24
Academia Nacional de Medicina. Presidentes 1864-2006. México. ANM, 2006. p. 7
25
SANFILIPPO, JOSÉ. Comunicación personal. México D.F, 15 de Febrero, 2010
26
Diccionario Porrúa de Historia, Biografías y Geografía. México D. F. Editorial Porrúa. Sexta Edición,
1995. p. 864.
27
BERGÈYRE, EUGÈNE. “El Tifo Carbonoso”. Gaceta Médica de México. Tomo I, 1864-1865.
28
LEGUISTIN, A. “El Cowpox”. Gaceta Médica de México. Tomo I, 1864-1865. (Coxwpox : variole de
la vache)
29
Directorio de Comercio del Imperio Mexicano. 1867. p. 248.
19
Dr Eugène Bergeyre
Ville de Mexico, aux environ de 1866
En 1880, après un séjour de 27 ans sur le sol mexicain nous découvrons le personnage
fait de chair et de sang. Il nous apparait comme l'homme qui s'apprête à retourner dans
sa France bien aimée, mais qui est aussi déchiré par l'amour profond qu’il ressent pour
son pays adoptif, son cher Mexique. Comme il le mentionne lui-même, avant son départ
il désire s'acquitter religieusement et civilement de ses obligations en tant qu’homme.
Avant tout, il épouse en février de l'année mentionnée ci-dessus madame Felipa Soto, la
mexicaine avec qui il a eu quatre enfants : Eugène Louis, né en 1869, Pascal Victor, né
en 1872, Amédée Charles, qui voit le jour en 1873 et Marie Françoise, née en 1876.
20
Dans une dernière lettre écrite à son frère Prosper, avant de s'embarquer à Veracruz le 15
mars 1880, il l'informe de sa misère et de ses problèmes d'argent au Mexique :
“Je n´emporterais du Mexique qu´une chose, la pauvreté, mais une pauvreté honorable
et sans tache. Dieu est témoin que je lutte, depuis trois ans, contre tous les déboires qui
attendent les Européens au Mexique. Ces trois ans de vaines espérances, de soucis sans
nombre, de dépenses sans fins, m´ont rendu la vie annone, ont réduit mon avoir à
rien...”
Les retrouvailles avec son pays basque natal sont tristement de courte durée. Eugène et
son frère Pascal meurent à l'automne 1880. Son épouse aimée Felipa, décède en 1882.
Victor quitte ce monde en 1885 sans descendance. Malheureusement donc, Eugène ne
verra pas ses enfants Eugenio et Victor retourner au Mexique en 1886 et 1888.
Contrairement à leur père, Eugenio et Victor s’y enracineront et y fonderont une famille.
Une vingtaine de ses descendants habitent donc maintenant dans la ville de Mexico ainsi
que dans diverses parties du pays, la majorité d'entre eux portant le nom de
BERGEYRE.
Une entreprise de sellerie et importation d'articles pour chevaux, cavaliers et voitures à chevaux, détenue
par Pascal Victor Bergeyre, fils du Dr. Eugène Bergeyre, située au 4 de la rue de l’Independence à
Mexico.
Vers 1890.
21
Tombe du Dr Eugène Bergeyre et de son épouse Felipa Soto
Cimetière St Léon à Bayonne
22
REMERCIEMENTS
23