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Freud sur Moïse et le monothéisme*
Présentation
Cette conférence fut prononcée en 1958. Elle n'a jamais été publiée par
Strauss, et cette version, fondée sur un enregistrement, n'a semble-t-il pas été
revue par lui. Néanmoins, on peut penser qu'elle a quelque intérêt. Nous la
proposons comme un témoignage, à la fois de la pensée de Strauss et de son
intervention dans la cité.
* Cette conférence fut présentée par Leo Strauss à la Hillel House de l'université de Chicago.
Elle semble avoir été prononcée au printemps 1958, bien que la date précise ne soit pas connue.
Strauss utilisait apparemment des notes qui avaient été préparées auparavant, mais elles ont été
perdues. Un auditeur anonyme en fit une transcription à partir d'un enregistrement sur bande
magnétique. La version présente se fonde sur cette transcription. Il faut ajouter qu 'il semble que
Strauss η 'ait ni révisé ni approuvé cette version de la conférence. Les notes doivent beaucoup à
K. Hart Green, l'éditeur américain de ce texte ; qu'il trouve ici l'expression de notre reconnaissance.
(O.S.)
1. Voir Platon, Alcibiade majeur, ''6e-' '%b.
2. Les textes les plus importants sont les suivants : « Athènes et Jerusalem, reflexions prélimi-
naires », Études de philosophie politique platonicienne, Paris, Belin, 1992 ; « Progrès ou Retour »,
La Renaissance du rationalisme politique classique, Paris, Gallimard, 1993 ; Droit naturel et his-
toire, en part. § 38 et 39 du chap. π.
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536 Leo Strauss
et l'autre prétend
de la vie, et que
savoir la recherch
à ce que la révéla
sance pleine d'am
réfuter la révél
tout-puissant est
sans présupposer
ont besoin d'orien
la révélation de
l'homme. Mais il
les deux. La conn
nité de la révélat
validité de la ré
hommes, certain
recherche indépen
philosophie (clas
cette incompatib
losophe ». Si bien
de l'interrogation
pas besoin de l'e
« philosophe
il »,
purement et sim
accepter le défi r
grandeur, et en q
pas montrer que
omniscient, dont
absurdes et mépr
totale, qu'il reco
connaissance tota
étrangère au savo
le philosophe ne
sur le sens de l'existence humaine et sur la vie bonne.
Ces prémisses une fois posées, toutes les tentatives pour expliquer le fait
religieux tombent dans la vanité, parce qu'elles reposent sur le présupposé
3. Il ne devrait pas être besoin de rappeler que la phisosophie est l'exercice de la raison en acte,
et que les sciences, dont la séparation institutionnelle de la philosophie date de deux siècles (sur
vingt-cinq), sont en ce sens des parties de la philosophie, ce qui évidemment n'implique aucune
soumission institutionnelle ou humaine quelle qu'elle soit, la philosophie comme la science
(moderne) sont des activités que personne ne saurait prétendre incarner totalement.
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Freud sur Moïse et le monothéisme 537
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538 Leo Strauss
la société libérale
individus qui peuv
discriminations pr
et de la liberté d'
Freud se comport
renié le peuple de
envers les Juifs.
permettrait d'évac
du problème hum
aucune certitude.
sociale et politiqu
fique générale de
la culture ».
Strauss en tout cas va très loin en terminant sa conférence par la description
nietzschéenne du « dernier homme » dans le prologue de son Zarathoustra.
Freud, par son ouvrage, désacralise les problèmes les plus importants auxquels
l'homme est confronté, il rapetisse tout, et ainsi, il justifie l'oubli des grandes
questions. Or c'est en se confrontant à ces grandes questions que l'homme se
cultive, au sens traditionnel, peut-être toujours valable, de ce mot. Par suite,
Freud contribue par son œuvre à la dégradation de la culture humaine, et plus
précisément à la crise de la civilisation occidentale. Ce sont au contraire les
sciences humaines, qui ont prétendu désacraliser ou délivrer l'homme de la
morale, et qui, en prétendant avoir résolu la question des valeurs, ont enlevé à
l'homme européen et occidental en général la force de lutter et de croire aux
valeurs de son héritage antique et moderne. Et il ne faudrait pas croire que le
relativisme généralisé qui règne aujourd'hui, que l'esprit de tolérance univer-
selle, constitue une approche plus « ouverte ». Car prétendre qu'on possède une
solution et prétendre qu'il n'y a aucune solution sont deux attitudes qui revien-
nent au même : le mépris ou l'oubli des grandes questions. L'attitude de Strauss
est tout autre : il ne défend pas une solution contre une autre, mais il nous
rappelle l'exigence philosophique de se confronter aux grands problèmes. Il ne
s'agit pas tellement de choisir entre Athènes et Jérusalem, Strauss en un sens
a choisi, puisqu'il est philosophe, mais d'accepter le dialogue fécond et difficile
entre la raison et la révélation. Les Lumières, dont Freud est ici clairement un
descendant, prétendaient avoir démontré l'inanité des prétentions de la révéla-
tion, donc avoir résolu le problème. L'historicisme radical, qui prétend que tout
change et que rien, aucune valeur, aucun problème, ne subsiste identique, égalise
tout et donc justifie l'étanchéité entre toutes les opinions supposées toutes aussi
légitimes les unes que les autres, prétend donc implicitement avoir résolu le
problème. L'attitude de Strauss consiste, comme hier, à accepter le défi repré-
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Freud sur Moïse et le monothéisme 539
Olivier Sedeyn
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Dans la dernière conférence que j'ai eu l'honneur de présenter à la Hillel
House, il y a quelques années, j'ai dû plaider pour qu'on prête l'oreille à une
philosophie qui m'est totalement étrangère, mais par laquelle je n'ai pu m'empê-
cher d'être impressionné Κ Ma tâche est aujourd'hui entièrement autre. Il est de
notre devoir de savants et peut-être de notre devoir d'êtres humains de concilier
à la fois l'ouverture d'esprit et l'intransigeance. Il nous faut être capables de
résister aux tentations ; par exemple, à la tentation d'accepter comme vrai ce
qui n'est qu'imaginaire ou attrayant. Il n'est besoin d'aucune intransigeance
pour rejeter ce qui est absurde, et cependant, il n'est pas toujours possible de
le négliger. Un grand savant du passé a dit : « Je ne méprise pour ainsi dire
rien », ce qui signifie, entre autres choses, que nous pouvons apprendre quelque
chose en examinant ce qui est absurde, ne serait-ce que ceci : que nous sommes
encore une fois confondus par la beauté transcendante du principe de contra-
diction.
Le projet de présenter cette conférence est né l'an passé au cours du repas
de la Pâque lorsque l'un de mes jeunes amis me parla d'une conférence sur le
même sujet faite par un de mes collègues, un éducateur très remarqué. Après
avoir relu la Haggadah de Pâque et m'être replongé dans les grands événements
de l'Egypte il y a tant de milliers d'années, je fus un peu choqué par la
présentation donnée dans le livre de Freud ou par mon collègue. Et ainsi j'ai
dit qu'il me fallait présenter une autre conférence sur le même sujet en exposant
l'autre versant des choses. Bien sûr, je n'avais pas assisté à cette conférence, et
je ne me rappelle pas aujourd'hui ce que ce jeune ami m'en avait dit à l'époque,
mais j'ai dit alors que je présenterais l'autre face de la médaille en faisant la
supposition, qui est peut-être intolérable d'un point de vue de la numismatique,
selon laquelle il peut y avoir des médailles dont les deux faces semblent exac-
tement semblables. Vous voyez, c'était parce que ce que j'avais entendu dire
ce soir-là à la table du dîner au sujet de la compréhension de Moïse par Freud
m'avait rappelé quelque chose sur quoi je travaillais à l'époque, à savoir les
opinions de Machiavel sur Moïse en particulier et sur la Bible en général2.
Cependant, lorsque je commençai à lire le texte de Freud, ce que j'ai fait
1.11 peut s'agir ici d'une conférence intitulée «Conversation avec Martin Buber », qui fut
prononcée par Strauss, et qui eut lieu à la Hillel House de l'université de Chicago le 3 décembre
1951.
2. Voir Leo Strauss, Thoughts on Machiavelli, Glencoe, 111., Free Press, 1958.
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Freud sur Moïse et le monothéisme 541
3. Ernst Simon, « Sigmund Freud, le Juif», Leo Baeck Institute Yearbook 2, 1957, p. 270-305.
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542 Leo Strauss
« Ces paroles sont imprégnées d'un profond pathétique, le pathétique d'un Juif qui
est fier de la force vitale de son vieux peuple. C'est là la première position positive
adoptée par le livre : c'est une continuation directe du nationalisme juif de Freud, qui
avait auparavant revêtu une forme vague et ambivalente, et qui atteint ici une expres-
sion plus claire et moins hésitante. La deuxième note positive résonne lorsque Freud
parle du pathétique des souffrances juives [...] Comme la fierté juive du Freud âgé
est grande ! En se fondant sur ses opinions, nous nous attendrions à ce qu'il ajoute
que l'ensemble du point de vue du peuple d'Israël, en dépit de son attachement obstiné
à sa religion, se fonde sur une erreur fondamentale - le sacré d'une "illusion" sans
aucun "avenir". Freud n'aurait pas nié la vérité de son argumentation au cours de
n'importe quel débat rationnel, mais ici, cela n'influence pas son choix des mots et
son style, et en fait, cela semble avoir été oublié lorsqu'il écrivit ces passages et
d'autres semblables [...] Freud parle ici comme un grand patriote spirituel juif, et
l'effet positif sur lui est si grand qu'il utilise des arguments qui s'annulent mutuelle-
ment. Nous pouvons présumer qu'il s'est rendu compte de ces contradictions, mais
qu'il n'y a pas attaché d'importance décisive et qu'il a pensé qu'elles pourraient être
résolues à un niveau de synthèse plus élevé. Mais il y a une autre contradiction qui
annihile presque la théorie principale de son livre. Au commencement du deuxième
essai, Freud prétend que le monothéisme juif est un emprunt à l'Egypte. Mais, plus
loin, dans le troisième essai, il affirme que le maître de Moïse, le roi Akhenaton, "a
suivi des pressentiments qui par l'intermédiaire de sa mère ou par d'autres voies
étaient parvenus jusqu'à lui de l'Orient proche ou lointain". Ainsi, "il faut (!) que
l'idée du monothéisme soit revenue à la manière d'un boomerang (!) dans le pays de
son origine". (Notez le saut logique de "peut-être l'Orient proche ou lointain" à une
conclusion irrésistible sur la Palestine en tant que patrie du monothéisme !) »4.
4. Ibid., p. 287-289.
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Freud sur Moïse et le monothéisme 543
5. Voir le Kuzari de Yéhuda Halévi, premières pages, traduit par Charles Touati, Paris, Verdien
ο. Moïse et le monotneisme, rans, uainmara, collection « laees », trad. υ. Heim, p. öJ. loutes
les références renvoient à cette édition.
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544 Leo Strauss
« On aurait pu s'attendre à ce que Tun des nombreux auteurs qui ont reconnu que
Moïse est un nom égyptien en aurait tiré la conclusion, ou du moins envisagé Γ éven-
tualité, que le porteur d'un nom égyptien était lui-même un Égyptien » (p. 65).
« Nous n'avons pas un mot de lui, à part ceux qui se trouvent dans les Livres saints
et les traditions écrites des Juifs. Bien que la décision soit dépourvue d'une certitude
historique ultime, la grande majorité des historiens ont exprimé l'opinion selon
laquelle Moïse a effectivement existé et que la sortie d'Egypte sous sa conduite a bien
eu lieu en fait. On a maintenu avec raison que l'on ne pourrait comprendre l'histoire
ultérieure d'Israël si cela n'était pas admis. Aujourd'hui, la science est devenue bien
plus prudente et elle traite la tradition avec bien plus d'indulgence que ce n'était le
cas aux premiers jours de la recherche historique » (p. 63-64).
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Freud sur Moïse et le monothéisme 545
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546 Leo Strauss
genre, dans la mesure où elles ont un noyau historique, la famille qui élève
l'enfant censé avoir été abandonné est la famille réelle. La famille que l'on tient
pour avoir abandonné l'enfant est une famille fictive. Un humble berger et sa
femme élèvent un enfant, et il se révèle un homme extrêmement habile et il
devient le gouvernant. Que fera-t-il en tant qu'homme intelligent, c'est-à-dire
doté d'une intelligence politique ? Il dira que le berger et sa femme ne sont pas
ses parents, qu'ils n'ont fait que l'élever. Si nous acceptons cette règle d'inter-
prétation des histoires de ce genre, cela signifierait que Moïse était un Égyptien
que des Juifs ont élevé.
En d'autres termes, tandis que Cyrus était réellement le fils de pauvres bergers
qui est devenu ensuite le fondateur de l'Empire perse, et prétendit avoir été
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Freud sur Moïse et le monothéisme 547
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548 Leo Strauss
aux exigences de
question (qu'est-c
et à se mêler à ces
vante est proposée
son émergence par
tisan du culte hér
consistait à trouve
Cette argumentat
laquelle Moïse étai
il dit, de cette thè
« [...] On disait de M
eu une difficulté à
Aaron (que l'on ap
Pharaon. À nouveau
à la tentative de re
peut avoir encore un
légèrement déform
pas capable de com
L.S.] sans l'aide d'u
début de leurs rela
reprise dans un bon
selon laquelle Moïs
Il me faut vous l
religion biblique d
« La différence la
religion juive aband
adhérait encore » (
C'est là un sous-en
accompli pour pr
religieuse. Mais q
Moïse ?
Des considérations du genre de celles ici esquissées, qui impressionneraient
certaines personnes, n'impressionnent en rien Freud, qui sait bien mieux à quoi
s'en tenir. Une difficulté d'un genre tout à fait différent le trouble. Certains
savants modernes nient, explicitement ou implicitement, que la fondation d'une
nouvelle religion par Moïse ait eu quoi que ce fût à faire avec l'Egypte. Il s'agit
là d'exégètes qui ont d'autres soucis : ils disent que l'événement décisif a eu
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Freud sur Moïse et le monothéisme 549
« En 1922, Ernst Sellin fît une découverte d'une importance décisive. Il trouva dan
le livre du prophète Osée (deuxième moitié du vnr siècle) des traces incontestable
d'une tradition disant que le fondateur de leur religion, Moïse, a connu une fin violen
lors d'une rébellion de son peuple obstiné et réfractaire. La religion qu'il avait institu
fut alors abandonnée [...] Reprenons à Sellin la conjecture selon laquelle le Moï
égyptien a été tué par les Juifs, et la religion qu'il avait instituée abandonnée
(p. 105-106).
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550 Leo Strauss
prêtre du sauvage
On n'a pas besoin
qu'il y a des gens
Le grand événem
tion du monoth
entendu.
« Jahvé soutient q
cela est vrai - et i
nom » (p. 116-117
« II ne dit pas en
penchez sur le pa
puissant - L.S.] [...
dans la nouvelle re
lieux du pays. Peut
locales que les imm
invoquant, on don
élevé dans le pays,
là un stratagème i
avaient un jour po
Je remarque ici u
ment sceptique,
arrivé, et, comm
à-dire la critique
pourquoi alors ne
fut un homme tr
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Freud sur Moïse et le monothéisme 551
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552 Leo Strauss
d'envisager les ch
cation causale : P
quoi les Juifs en
parler, la question
car nous avons ap
tien Moïse n'a fai
est : pourquoi a-t
rement et radicalement monothéistes ?
« Je crois donc que l'idée d'un Dieu unique, ainsi que l'insistance sur les exigences
éthiques au nom de ce Dieu et que le rejet de tout cérémonial magique, appartenaient
en fait à la doctrine mosaïque, qui n'a trouvé en premier lieu aucun écho, mais qui
s'est développée après un long temps et qui a finalement prévalu. Comment expliquer
un tel délai et où trouvons-nous des phénomènes similaires ? » (p. 150.)
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Freud sur Moïse et le monothéisme 553
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554 Leo Strauss
naissance à la névr
fer par un père q
première étape. L
deuxième étape. Le
mange est causé pa
au père, être le pèr
abandonnent le dés
des frères. Une esp
loi et la morale. Un
communauté des f
genre (l'interdictio
persista : on adore
telle est la religio
premier substitut
sous ces formes, il
substitut du père.
qui est omnipotent
avec lui de la culpa
comprenons pourq
profond que les Ju
n'était pas au prem
pas non plus lié au
Nous comprenons
Juifs, bien qu'il n
monothéisme resta
gique n'existait pa
assimilé au père. M
père : ils ne s'étaien
accompli de nouvea
ment fort, une fix
excellence de Dieu,
de Freud mérite d'
remplies : a. si la r
l'homme a bien été
transformée en un
des symboles relig
existe quelque cho
e. s'il n'y a pas de r
transition du polyt
Freud examine cer
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Freud sur Moïse et le monothéisme 555
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556 Leo Strauss
de la possibilité d'u
revivre.
Je passe à une ques
« Si nous sommes to
- tirer fo du matériel
être adapté, puis rass
psychologique - ne d
on a tout à fait raison
il me faut évoquer le
sévères imposées hab
pourrait être possible
et qui, en conséquenc
tion » (p. 201).
« J'adhère encore à cette ligne de pensée [la théorie smithienne - L.S.]. On m'a
souvent reproché avec véhémence de ne pas changer mes opinions dans les éditions
ultérieures de mon livre [Totem et tabou], dans la mesure où les ethnologues plus
récents ont tous sans exception abandonné les théories de Robertson Smith et les ont
en partie remplacées par d'autres qui s'en écartent grandement. Je répondrai que ces
prétendus progrès de la science me sont bien connus. Cependant, je n'ai été convaincu
ni de leur exactitude ni des erreurs de Robertson Smith. La contradiction n'est pas
toujours réfutation ; une nouvelle théorie ne signifie pas toujours un progrès. Avant
tout, cependant, je ne suis pas un ethnologue, mais un psychanalyste » (p. 236).
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Freud sur Moïse et le monothéisme 557
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558 Leo Strauss
législateur ou fon
des hommes les p
connaissance du p
immuable. Ce car
perfection du lég
chose que Ton ne
d'un respect non
que dans d'autres
ne peuvent avoi
Qu'est-ce qui sous
anciennes ? Le ch
et cela porte atte
sainteté des lois q
notion selon laqu
par une discorde
sens du terme. L'ordre a donné un sens ; en dehors de l'ordre, se trouvent
l'absence de sens et le chaos. Par conséquent, il faut s'attacher à la loi. Freud
appelle cet attachement une obsession. Il sous-entend qu'il n'y a pas de fonde-
ment rationnel à un tel attachement. Mais une conduite qui n'est pas rationnelle
pour certains hommes peut être très rationnelle pour d'autres. Pour un citoyen
d'une république moderne, il serait irrationnel de s'attacher à une loi faite par
le Congrès l'année dernière comme à quelque chose d'immuable, bien que
l'attachement à la Constitution aurait déjà un statut un peu différent.
Freud prend son critère de la rationalité chez l'homme moderne. Il estime
tacitement la conduite des premiers hommes à l'aune d'un critère de rationalité
applicable à l'homme moderne. Nous ne disons pas d'un homme qu'il est obsédé
si, ayant fait naufrage, il s'attache de toutes ses forces à une planche, ou s'il
court frénétiquement pour échapper à un tigre. Or supposons que ce qu'il fuit
n'était pas un tigre mais quelque chose qu'il a pris pour un tigre. Des erreurs
de ce genre ne sont pas nécessairement pathologiques. Même si cette erreur
venait d'une crainte habituelle des tigres, on pourrait facilement dire que dans
les rapports avec les tigres, même une prudence exagérée est fort indiquée. Or,
supposons que l'homme des premiers temps était plus ignorant que l'homme
moderne, et qu'il avait moins de facilité pour distinguer entre les choses véri-
tablement dangereuses et celles qui paraissaient seulement dangereuses. Il serait
raisonnablement effrayé de bien des choses dont nous ne sommes pas raison-
nablement effrayés. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser au Tout. Le soleil
se lèvera-t-il toujours ? L'inondation inouïe de l'an passé ne sera-t-elle pas
suivie d'une inondation infiniment pire l'an prochain ? Il supposait que ce dont
il dépendait était plus puissant et plus grand que lui, et que tout ce qui était
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Freud sur Moïse et le monothéisme 559
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560 Leo Strauss
refuse tacitement
justifier ce refu
puissent être des
qu'il existe une gr
que certaines expr
taines formes de
pas du tout que ce
dictoire. La raison
en question. Il n
Présence ou l'Appe
un mur très facile
Tentons de voir
l'œuvre de Freud
gieuse. Le problèm
nous sommes cer
psychologique de
ment un agnostiq
le fondement de
qu'aucun Dieu n'e
Dieu dans le Tout
mystères ne sont
mes ont en princ
serait un chemin
exprimer ces mys
mystères.
Le problème de savoir comment les Juifs ont pu survivre jusqu'à nos jours n'est
pas un problème qui se soit révélé aisé à résoudre. « Cependant, on ne peut pas
raisonnablement exiger ou espérer de réponses exhaustives à de telles énigmes »
(p. 243-244). En d'autres termes, le mystère persiste fondamentalement. Mais
Freud n'en tire aucune conclusion. Il semble vivre dans la perspective d'un
progrès infini de la science, sans se rendre compte que le progrès infini de la
science implique la perpétuité des problèmes irrésolus, car s'il en était autrement
le progrès n'aurait pas besoin d'être infini. Mais les problèmes qui persistent
toujours irrésolus sont difficiles à distinguer des mystères. L'explication scien-
tifique de la genèse de la religion, et par conséquent de la religion elle-même,
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Freud sur Moïse et le monothéisme 561
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562 Leo Strauss
peuvent devenir
opinion a été ex
un homme dont
lis ce que Nietzsc
« "Qu'est-ce que Γ
Qu'est-ce qu'une é
La terre est devenu
chose. Sa race est a
longtemps.
"Nous avons inventé le bonheur", disent les derniers hommes, et ils clignent de l'œil.
Ils ont quitté les régions où il était difficile de vivre, car on a besoin de chaleur. On
aime encore son voisin et on se frotte à lui, car on a besoin de chaleur.
Le fait d'être malade et de nourrir du soupçon sont des péchés pour eux : on s'avance
avec précaution. Celui qui trébuche encore sur des pierres ou sur des êtres humains
est un insensé ! Un peu de poison de temps à autre : cela donne des rêves agréables.
Et beaucoup de poison à la fin, pour une mort agréable.
On travaille encore car le travail est une forme de distraction. Mais on aura soin que
cette distraction ne devienne fastidieuse. On ne devient plus pauvre ni riche : l'un et
l'autre demandent trop d'efforts. Qui veut encore gouverner ? Qui obéit ? L'un et
l'autre demandent trop d'efforts.
Pas de berger et un unique troupeau ! Tout le monde veut la même chose, chacun est
semblable à chacun : quiconque se sent différent va volontairement dans un asile de
fous.
"Auparavant, tout le monde était fou", disent les plus raffinés, et ils clignent de l'œil.
On est intelligent et l'on sait tout ce qui est arrivé avant : ainsi la dérision n'aura-t-elle
pas de fin. On se querelle encore, mais on se réconcilie vite - cela pourrait gâter
notre digestion.
On a ses petits plaisirs du jour et ses petits plaisirs de la nuit : mais on révère la santé.
"Nous avons inventé le bonheur", disent les derniers hommes, et ils clignent de
l'œil»7.
Leo Strauss
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