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Bulletin de l'Association

Guillaume Budé

Georges Hermonyme de Sparte : ses manuscrits et son


enseignement à Paris
Jean Irigoin

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Irigoin Jean. Georges Hermonyme de Sparte : ses manuscrits et son enseignement à Paris. In: Bulletin de l'Association
Guillaume Budé, n°1, mars 1977. pp. 22-27;

doi : https://doi.org/10.3406/bude.1977.3380

https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1977_num_1_1_3380

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Georges Hermonyme de Sparte :

ses manuscrits et son enseignement à Paris

Après le vaste panorama que Mme de Romilly vient de


déployer devant nous, je vous propose de revenir quelques
instants sur le personnage dont l'arrivée à Paris représente
l'origine de ces « Cinq siècles d'hellénisme ». Georges Hermonyme
de Sparte serait fort mal connu s'il n'avait copié de sa main
un grand nombre de manuscrits grecs1, dont quelques-uns vous
seront montrés à l'issue de cette séance. Ses origines sont
inconnues. Il fait son apparition dans l'histoire comme un
personnage secondaire d'un drame shakespearien, trop tard pour
figurer dans Henri VI, trop tôt pour prendre place dans
Richard III, quand, vers le début de 1476, sur l'ordre du pape
Sixte IV, il se rend en Angleterre pour négocier la libération
de l'archevêque d'York, George Ne ville, le frère du fameux
comte de Warwick. Le roi Edouard IV, qui tenait
l'archevêque prisonnier depuis quatre ans, accepte de lui rendre la
liberté. Le négociateur heureux fait hommage au prélat, dont
il a apprécié la libéralité et sait le goût pour l'hellénisme, d'un
manuscrit copié par lui, un recueil des sentences des Pères
de l'Église, cadeau bien adapté à son bénéficiaire qui n'en
jouira pas longtemps car la mort l'emportera avant la fin de
l'année.
A son retour de Londres, Hermonyme s'arrête à Paris. Le
3 juin 1476, il achève dans cette ville le premier manuscrit
grec qui y ait été copié, la Suite d'Homère de Quintus de Smyrne,
une épopée ignorée du monde byzantin et découverte, vingt
ans plus tôt, par le cardinal Bessarion dans un monastère de
la terre d'Otiante, au sud de l'Italie. Hermonyme retourna-t-il
ensuite à Rome pour rendre compte de sa mission, avant de
revenir à Paris? Ou se fixa-t-il immédiatement dans notre
capitale? Quoi qu'il en soit, il renonce à la carrière
diplomatique et, dès 1477, il se trouve à Paris, où il accueille et initie
au grec l'Allemand Jean Reuchlin, encore jeune étudiant.
Et c'est là qu'il copie en 1478 et 1479 deux manuscrits du

1. La seule étude d'ensemble sur Georges Hermonyme reste celle


d'Henri Omonï, Notice sur Georges Hermonyme de Sparte, maître de
grec à Paris et copiste de manuscrits, publiée dans les Mémoires de la
Société d'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, t. 12 (1885), p. 65-98,
et t. 13 (1886), p. 110-113. On pourrait ajouter une trentaine de
manuscrits à. la liste qui y est donnée.
SES MANUSCRITS ET SON ENSEIGNEMENT 23

Nouveau Testament grec, destinés à David Chambellan,


maître des requêtes de l'hôtel du roi.
Que pouvait alors représenter Paris pour un Grec chassé
de sa patrie par les Turcs — Constantinople est tombée en
1453, Mistra, sa Sparte natale, en 1460? Certes, après les
brumes de la Tamise, le soleil du printemps parisien devait
réconforter un Méditerranéen. Et, dans ce dernier tiers du
règne de Louis XI, la sève humaniste commence à bouillonner
dans l'université et autour d'elle ; le recteur Guillaume Fichet
vient de faire installer à, la Sorbonne, en 1470, une presse à
imprimer, et, après son départ pour l'Italie, Robert Gaguin
devient le coryphée des humanistes français. Mais, en 1477,
pour un Grec qui a vécu en Italie et y a vu refleurir les lettres
grecques, la France, avec sa capitale, paraît un pays barbare,
au sens originel du root, c'est-à-dire un pays où la langue
grecque n'est ni connue ni comprise. A une date où la
Bibliothèque pontificale, à Rome, compte plus de huit cents
manuscrits grecs, où les Médicis, à Florence, en ont déjà
rassemblé plus de six cents, où le cardinal Bessarion en offre, de son
vivant, près de cinq cents à Saint-Marc de Venise, la librairie
du roi très chrétien n'en possède pas un. Seule l'abbaye de
Saint -Denis — en souvenir de son patron, un Athénien, Denys
l'Aréopagite — conserve une petite collection de manuscrits
grecs, quatre au total, tous de contenu religieux, dont le plus
récent, aujourd'hui au Musée du Louvre, lui a été offert en
1408 par l'empereur Manuel Paléologue.
Malgré cette situation qui doit lui paraître lamentable,
ou peut-être à cause d'elle, Hermonyme décide de s'installer
à Paris ; il y résidera une trentaine d'années, jusqu'à sa mort
semble*t-il. Sans aller jusqu'à parler d'une chaire de grec,
on assure qu'il obtint des émoluments réguliers pour enseigner
le grec en Sorbonne. Le montant ne devait pas en être très
élevé, car Hermonyme est resté toute sa vie un besogneux.
Dès son arrivée, il recherche un protecteur — le premier sera
le cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon, qui se plaît plus
dans le palais des Bourbons, près du Louvre, que dans sa
métropole. Il se trouve quelques élèves — dont Jean Reuchlin
sera l'un des premiers. Il se fait des amis. A tous, il procure des
livres qu'il copie lui-même. Dans une lettre qu'il adresse à
Reuchlin, alors étudiant à Orléans, en lui envoyant un
exemplaire de la grammaire grecque de Théodore Gaza transcrit
de sa main, il offre quelques ouvrages à son ancien élève :
« Le dictionnaire dont tu me parles est non pas à moi, mais à
un de mes amis ; il est à vendre pour six écus. Quant au
recueil de fables que tu as vu dans ma chambre, il n'est pas à
vendre, mais une copie que j'en ai faite est à ta disposition. »
Hermonyme a compris qu'un moyen de gagner sa vie est de
faire le commerce des manuscrits grecs, denrée introuvable
sur le marché parisien ; mais au lieu de vendre les exemplaires
24 GEORGES HEKMONYME DE SPARTE :

qu'il a apportés avec lui, et plus tard ceux qu'il se fera


envoyer d'Italie ou de Crète, il se contente de proposer ceux qu'il
produit lui-même1. Aussi, parmi la centaine de manuscrits
de sa main qui nous sont parvenus, certains textes sont
recopiés quatre ou cinq fois. Il serait trop long d'énumérer la liste
des auteurs et des œuvres qui s'y trouvent représentés, pour
les poètes, d'Hésiode, Pindare, Eschyle et Euripide, jusqu'à
Denys le Périégète et Quint us de Smyrne, et pour les
prosateurs, de Thucydide, Platon, Xénophon, Isocrate, Eschine et
Démosthène, à Plutarque et Diogène Laërce. Avoir rassemblé
progressivement à Paris un tel trésor, en avoir assuré la
diffusion vingt ans avant les premières impressions grecques d'Aide
Manuce, trente ans avant que ne fonctionnât à Paris la presse
grecque de Gilles de Gourmont, voilà quel a été, et il n'est pas
mince, le premier mérite d'Hermonyme.
Mais il a un autre mérite, qui lui est souvent contesté : celui
d'avoir été le premier à enseigner la langue grecque à Paris,
d'une façon régulière, et à faire connaître dans leur langue
originelle les chefs-d'œuvre de l'Antiquité hellénique. Il était
peut-être chargé officiellement de cette tâche, mais il y
trouvait aussi un intérêt personnel : comment vendre des livres
écrits dans une langue que l'acquéreur ignore? Assurément,
un certain snobisme peut jouer — et il a joué dans le cas de
plusieurs commandes passées à Hermonyme — mais ce
snobisme a des limites. On vend plus de livres si l'on a affaire à de
vrais lecteurs. Aussi Hermonyme a-t-il, tout au long de son
séjour, enseigné la langue grecque aux amateurs parisiens,
jeunes étudiants ou érudits déjà chevronnés. Si Reuchlin n'a
guère plus de vingt ans quand il aborde l'étude du grec sous
sa direction, Guillaume Budé en a vingt -cinq, Erasme trente
quand il s'y remet après une initiation brève et lointaine,
Jacques Lefèvre d'Etaples trente-cinq. Voilà de quoi encou-

i. Un problème capital, qui ne semble pas avoir déjà été posé, encore
moins résolu, est celui de l'origine des œuvres classiques recopiées par
Hermonyme à Paris. Il est douteux que, dès son arrivée, il ait eu à sa
disposition tous les textes grecs qu'il devait transcrire au cours de
trente années ; il est donc probable que, le succès aidant, la demande
croissant, il ait fait appel à des correspondants en Italie ou en Crète,
mais rien ne l'atteste poxrr le moment. Il conviendrait donc de faire une
enquête siir la tradition de chacune des œuvres copiées par lui. A titre
d'exemple, je citerai l'exemplaire des Lois do Platon qui a appartenu
à Guillaume Budé après être passé entre les mains de son aïeul maternel
Jean Picart : conservé aujourd'hui à Leyde (Vossianus gr. F. 74), c'est
une des deux seules copies faites, à la Renaissance, sur le fameux
Platon de Paris (Parisinus gr. 1807), qui se trouvait alors en Italie ; toutes
les autres copies dépendent du Vaticanus gr. 1, transcrit directement
sur le Parisinus vers le milieu du Xe siècle. Comment Hermonyme a-t-il
eu connaissance de cet exemplaire précieux? Comment en a-t-il obtenu
une copie? Autant de questions sans réponse pour l'instant, mais
l'enquête mériterait d'être tentée.
SES MANUSCRITS ET SON ENSEIGNEMENT 25

rager ceux qu'on appelle aujourd'hui « grands commençants »


ou « grands débutants » ! Hermonyme fournit à ses élèves les
instruments de travail indispensables en transcrivant lui-
même des grammaires, notamment celle de Théodore Gaza,
dont quatre exemplaires nous sont parvenus, des exercices
d'application, comme les Erotemata de Manuel Moschopoulos,
et enfin des lexiques grec-latins. Il ne faut pas oublier, en effet,
que c'est en latin, non en français, que les humanistes parisiens
de la fin du XVe siècle et des premières années du XVIe
traduisaient le grec. Toujours pour aider ses élèves dans leur travail,
Hermonyme donne une version en latin de diverses œuvres
grecques1; il fait même imprimer dès 1478, par les soins
d'Ulrich Gering, le prototypographe parisien, installé non plus
dans la Sorbonne même, mais à deux pas, rue Saint- Jacques,
près de l'église Saint-Benoît-le-bien-Tourné, sa traduction du
traité pseudo-aristotélicien Des vertus et des vices, un classique
de la propédeutique humaniste. Pour atteindre le même but, il
adopte une mise en pages particulière dans un certain nombre
de ses manuscrits : les interlignes, très forts, permettent à
l'élève d'inscrire, entre les lignes du texte grec, une traduction
supralinéaire en latin ; dans quelques cas, pour aider le débutant,
c'est Hermonyme lui-même qui semble avoir écrit la version
latine de son cru. De technique byzantine, ces livres sont faits
le plus souvent avec du papier champenois, fabriqué dans la
région de Troyes où se fournissent normalement les papetiers
parisiens du temps. En revanche, pour les manuscrits de luxe
ou d'apparat, toujours bilingues, Hermonyme fait appel à un
copiste spécialisé dans la transcription des textes latins, qui
confectionne son livre à l'occidentale et transcrit la traduction
latine sur une colonne, celle de droite, laissant libre l'autre où
Hermonyme copie à son tour le texte grec.
Comme exemple de ce type de livre, il faut mentionner au
moins le superbe lectionnaire du cardinal de Bourbon2. Ce
manuscrit, copié entre la fin de 1476, moment où l'archevêque
de Lyon a été élevé à la pourpre, et 1486, année de sa mort,
est illustré de quinze grandes miniatures, dont Miss E. Spencer
a, voici à, peine quelques mois, identifié le peintre8 : Maître
François, un artiste d'origine néerlandaise qui travaille à
Paris de 1465 à, 1489. La page de titre, qui porte les armes du
cardinal, est précédée d'un poème de dédicace en latin dont
l'auteur serait Robert Gaguin ; il y est dit, notamment, que
« Charles, évêque de la lignée des Bourbons, a préféré cette

1. D'autres traductions d'Hermonyme sont restées inédites, par


exemple celles qu'il a données des Préceptes conjugaux de Plutarque et
de divers opuscules relatifs aux Sept sages.
2. Paris, Bibliothèque nationale, grec 55.
3. Eleanor P. Spencer, Le lectionnaire du cardinal Charles II de
Bourbon, dans Les dossiers de l'archéologie, n° 16, mai-juin 1976, p. 124-
129.
26 GEORGES HERMONYME DE SPARTE :

œuvre en caractères grecs aux pierres les plus somptueuses ».


Il doit y avoir là, quelque trace de ce snobisme auquel j'ai déjà,
fait allusion. Dans ce livre de grand luxe, l'un des tout
premiers ouvrages grecs transcrits à Paris si, comme le suggère
Miss Spencer, il a été offert à Charles de Bourbon pour fêter
son élévation au cardinalat, sont associés l'art d'un peintre
néerlandais, la technique et la calligraphie d'un copiste
français, la calligraphie d'un copiste grec.
Parmi les manuscrits de facture byzantine, qu'ils contiennent
des textes sacrés ou des œuvres antiques, un bon nombre a
appartenu à Guillaume Budé, dont ils portent les armes :
« d'argent au chevron de gueules accompagné de trois grappes
de raisin de pourpre pamprées de sinople » ; c'est le cas, parmi
les volumes exposés, d'un livre de grand format qui contient
l'œuvre complète de Thucydide1, et d'un petit volume qui
offre à, la suite les deux plus fameux discours d'Eschine et de
Démosthène : le Contre Ctésifthon et le Discours sur la couronne2.
Un autre manuscrit, copié pour un secrétaire du roi très
chrétien (le nom a été effacé), est probablement le jumeau de celui
dont Budé s'est servi pour établir les premières traductions
du grec qu'il ait publiées : le livre imprimé en 1505 par Josse
Bade, avec une lettre-préface de Lefèvre d'Étaples, offre
exactement le même contenu que ce volume, soit trois traités de
Plutarque (La tranquillité de l'âme, La fortune des Romains,
La fortune d' Alexandre) et la lettre de saint Basile à saint
Grégoire de Nazianze sur la vie solitaire3. D'autres manuscrits
ont appartenu à l'helléniste français Jacques Toussain, comme
la grammaire grecque de Théodore Gaza4, l'un des nombreux
exemplaires qu'Hermonyme a transcrits pour ses élèves, et
une tragédie d'Euripide, Hécube5, celle dont Érasme a publié
la traduction latine à Paris en 1506, chez Josse Bade (mais
son travail, entrepris à Louvain, a peu de chances d'être en
rapport avec la copie d'Hermonyme).
Le choix des œuvres classiques représentées dans ces
manuscrits nous ramène à, un problème fondamental. Par la
variété et la qualité des textes qu'il a mis à la disposition de
ses élèves, par le souci pédagogique qu'atteste, entre autres,
la disposition adoptée dans certains de ses livres, Hermonyme
nous semble être un helléniste de goût et un bon professeur.
Comment se fait-il, dans ces conditions, que ses élèves les
plus illustres, un Érasme, un Budé, un Beatus Rhenanus, aient
porté sur lui un jugement si sévère, parfois même injurieux?
Il faut d'abord faire la part de ce qui est simple plaisanterie
d'étudiant ou bon mot glissé dans une lettre pour faire rire un

1. Paris, Bibliothèque nationale, grec 1638.


2. Ibid., grec 3004.
3. Ibid., grec 972.
4. Ibid., grec 2587.
5. Ibid., grec 2813.
SES MANUSCRITS ET SON ENSEIGNEMENT 27

correspondant. Mais il faut surtout, je crois, établir parmi les


élèves d'Hermonyme une distinction entre deux générations.
Les premiers, ceux auxquels il a révélé le grec et je donne au
verbe son sens le plus fort : ceux qui ont eu à travers lui la
révélation de ce qu'est la poésie ou la pensée grecque ceux
pour qui il a été le premier et le seul maître de grec dans cet
îlot parisien, ceux-là lui en ont gardé une grande
reconnaissance et sont, pour la plupart, devenus ses amis, comme Jean
Reuchlin et David Chambellan, ou, un peu plus tard, Jacques
Lefèvre d'Étaples, sur qui il a exercé une influence certaine.
En revanche, la seconde génération, celle de 1494 et des années
suivantes, contemporaine du début des guerres d'Italie,
découvre la place que l'hellénisme a prise dans l'humanisme
transalpin ; elle sait le rôle que commencent à jouer les livres
grecs imprimés à Florence et à Venise ; elle reconnaît en Janus
Lascaris, que Charles VIII ramène d'Italie avec lui, le savant
érudit et distingué dont elle avait rêvé. Du coup, pour ses
élèves de la seconde génération, Hermonyme n'est qu'un
Graeculus, un pauvre Grec comme tant d'autres qui cherchent
à gagner leur vie dans la péninsule ; et les livres qu'il copie et
recopie à Paris ne représentent plus, pour eux, qu'une parcelle
du trésor de l'hellénisme. L'homme n'a pas changé, mais les
circonstances ont bouleversé les idées reçues, et la jeune
génération, mieux informée, est plus sévère, presque cruelle, pour
le maître vieilli. Mais à nos yeux, à cinq siècles de distance,
le rôle que Georges Hermonyme a joué, durant trente ans,
dans le développement de l'humanisme français est loin d'être
négligeable. J'espère vous en avoir convaincu.
Jean Irigoin.

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