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Banque de la République d’Haïti

DOCUMENT CADRE

RÉPUBLIQUE D’HAÏTI

VOIES ET MOYENS 1

POUR LA STABILITÉ FINANCIERE

ET UNE REPRISE ECONOMIQUE EQUILIBREE
_________________________________________________________________________

7 février  2010

PRÉAMBULE

1.1 Haïti vient de faire face à l’une des plus sévères catastrophes naturelles l’ayant jamais 
frappée, un tremblement de terre de catégorie 7.0 provoquant la destruction quasi­intégrale du 
centre­ville de Port­au­Prince et de quatre villes avoisinantes, la perte d’environ 200,000 vies 
humaines   et   l’affectation   directe   ou   indirecte   de   3   millions   d’Haïtiens   selon   les   estimations 
préliminaires. A première vue, cette situation présente des perspectives plutôt sombres pour 
l’économie et la population. Toutefois, au­delà de ces risques immédiats, cette crise, comme bien 
d’autres,   offre   une   véritable   opportunité,   celle   de   ne   pas   se   contenter   tout   simplement   de 
reconstruire mais de littéralement repenser les structures économiques et sociales de même que 
l’organisation spatiale du pays, certes de sa capitale, Port­au­Prince, mais également des autres 
villes d’importance. Il est réconfortant et encourageant de noter que suite à ce séisme, le pays 
fait l’objet de la plus forte mobilisation internationale de son histoire et de promesses d’aide 
financière   apparemment   sans   précédent,   avec   notamment   la   recommandation   du   Directeur 
Général du Fonds Monétaire International d’entreprendre un « Plan Marshall » pour Haïti. 

1.2 Certes,   les   retombées   réelles   des   programmes   d’aide   ont   souvent   été   en   deca   des 
espérances,   les  décaissements  ayant  été majoritairement  dirigés  vers  l’humanitaire,  avec  des 
retombées de courte durée, en lieu et place d’un développement économique réel susceptible 
d’affranchir le pays de sa dépendance de l’assistance internationale. C’est l’occasion de rompre, 
une fois pour toutes, avec cet état de choses, d’impulser la croissance et la création d’emplois en 
1
Le Ministère de l’Economie et des Finances et la Banque de la République d’Haïti remercient les
banquiers et économistes qui ont, de bonne grâce, participé à l’élaboration de ce document : Pierre-
Marie Boisson, F. Carl Braun, Kesner Pharel et Bernard Roy.
1
s’appuyant   prioritairement   sur   l’investissement,   sur   de   meilleures   bases,   dans   les   secteurs 
bâtiment et travaux publics, agricole, manufacturier, touristique et commercial, servis par une 
organisation spatiale et des services publics nettement plus adéquats découlant de politiques 
publiques cohérentes.

1.3 Ce document n’a pas l’ambition d’adresser l’ensemble des actions, mesures et politiques 
publiques correspondant à l’ampleur de la situation et des ambitions susvisées. Il se concentre 
plutôt sur les aspects concernant le système financier et les mesures à prendre en vue : (i) de 
maintenir une bonne qualité de portefeuille  et de mitiger l’impact des  pertes  subies  par ses 
clients emprunteurs ; et (ii) de permettre aux banques de supporter, à travers l’octroi de crédit, 
l’effort de reconstruction nécessaire. Nous distinguerons, à cet effet, cinq phases, savoir : (a) la 
restauration immédiate du système de paiements ; (b) le rétablissement d’une capacité minimale 
de  l’Etat  dans les  domaines liés à la santé du système, principalement sa capacité fiscale et 
douanière, la justice et la sécurité publique; (c) la gestion des pertes attendues ; (d) la relance du 
crédit à court terme ; et (e) la reconstruction et la relance subséquente de l’économie. Le cas 
particulier du portefeuille de microcrédit, représentant environ 15% du total du système, est 
considéré de manière distincte, compte tenu de ses spécificités propres.

1.4 Une brève présentation du contexte pré­désastre permettra d’illustrer à la fois l’ironie de 
la catastrophe survenant au moment­même où le pays donnait des signes de normalisation, 
aussi   bien   que   la   forte   probabilité   d’une   réponse   vigoureuse   de   la   société,   facilitée   par   un 
nouveau climat social, fait de courage, d’esprit d’initiative, de solidarité d’espoir et de volonté 
de dialogue et de construction.

CONTEXTE PRE­DESASTRE

2.1 Le désastre nous surprend à notre cinquième année de croissance consécutive


du Produit Intérieur Brut, avec un taux de croissance réelle de 2.9% en 2009, en
net contraste avec celui de la plupart des pays du monde pendant cette période
de profonde récession, six années de réduction quasi-ininterrompue de
l’inflation, une régression de l’insécurité que vit la société haïtienne depuis 20
ans et qui a connu son apogée en 2005, un programme d’investissement public
important, particulièrement dans le secteur agricole qui franchit en 2009, pour la
première fois depuis de nombreuses années, le chiffre de croissance réelle de
5% par année, et des progrès notables dans de nombreux domaines
institutionnels et sociaux, y compris le dialogue entre secteurs privé et public.
Sur ce dernier point, il est plus que symptomatique de noter que, tranchant avec
la tendance de nombreuses années, l’investissement privé ait été en nette
reprise durant les trois dernières années, l’investissement étranger direct
dépassant le demi milliard de dollars, incluant la construction par la Royal
Caribbean Cruise Line, dans le cadre d’un partenariat avec le Gouvernement, de
l’un des quatre plus importants ports de croisière de la Caraïbe, les
investissements d’envergure consentis notamment dans les domaines de la
téléphonie cellulaire, de la minoterie, de l’infrastructure portuaire, de l’hôtellerie,
de l’énergie et de la finance. Soixante pour cent de la dette extérieure d’Haïti ont
été annulés en 2009, suite aux efforts d’assainissement financier et de meilleure
gouvernance publique entrepris par l’Etat Haïtien.
2
2.2 Ce contexte justifie la conviction que la nation haïtienne porte en elle les
germes de reconstruction et de reprise requis en la circonstance. Dans ce
contexte, l’effort de reconstruction et de reprise économique requiert l’appui
d’un secteur financier renforcé et capable de jouer pleinement son rôle
institutionnel.

RESTAURATION DU SYSTEME DE PAIEMENTS

3.1 Grâce à l’excellente collaboration entre la communauté bancaire et les


autorités publiques concernées, la restauration du système de paiements a pris
place en seulement neuf (9) jours pour les villes de province et onze (11) jours pour
la zone métropolitaine. Cette phase a surtout consisté en la remise en état de
fonctionner des installations bancaires existantes, incluant principalement la
réactivation des systèmes d’information et de communication, affectés par
l’effondrement des immeubles les logeant, la fermeture et la validation des données
comptables et la sécurisation des services bancaires, le tout conduisant à une
reprise des opérations sur base minimale dans l’immédiat et progressive par la
suite. Ces opérations se sont limitées, en un premier temps, aux services de caisse
(retraits, dépôts et paiement de transferts d’émigrés), avec rationnement
temporaire des tirages de la clientèle, et se sont étendus quelques jours après à
d’autres services (achat de chèques), aux transferts électroniques et aux services
de banque à distance (cartes bancaires, internet, ATM). Il importe cependant de
noter que les dommages causés au réseau financier télématique, connectant la
banque centrale aux banques et au Ministère des Finances, compromettent le
retour à l’efficacité pré-désastre du système de paiements, notamment au niveau
des transferts de banque à banque et du paiement des employés de l’Etat par crédit
direct à leur compte en banque.

RESTAURATION DE LA CAPACITE MINIMALE DE SERVICE DE L’ETAT

4.1 L’un des secteurs les plus touchés par le séisme du 12 janvier est indubitablement l’Etat, 
avec   la   destruction,   entre   autres,   d’immeubles   d’institutions   directement   liées   au 
fonctionnement du système financier, la Direction Générale des Impôts, le Palais de Justice, le 
Palais de Ministères, le Ministère de la Justice et le Port de Port­au­Prince, indispensable au 
fonctionnement   de   l’Administration   Douanière.   La   crise   a   également   sévèrement   affecté 
l’appareil de sécurité publique, par la disparition de l’état­major de la MINUSTAH et plus de 
300   membres  du  personnel  de  cette  institution  et l’évasion  de  plus  de  3,000 prisonniers   du 
Pénitencier National, entrainant une brusque augmentation de la criminalité, au moment­même 
ou les forces de sécurité subissent de lourdes pertes en personnel­clé. 

4.2 Face à   cette  situation,   il  est impératif de réhabiliter  en  urgence  certaines  institutions 
publiques   vitales   au   bon   fonctionnement   de   l’Etat   en   général   et   du   système   financier   en 
particulier :

(a) L’appareil fiscal et douanier, frappé par la destruction de l’immeuble central de la 
DGI, par la mort de ses principaux dirigeants et par l’affaiblissement de la capacité 
administrative des douanes ; il s’agit ici (i) pour la DGI, de rapidement combler les 
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vacances au niveau de l’équipe de direction, d’aménager des espaces provisoires de 
travail   et   d’engager   au   plus   vite   le   travail   de   reconstruction ;   et   (ii)   pour 
l’administration   des   douanes,   de   libérer,   par   anticipation,   la   plus   grande   partie 
possible des marchandises entreposées, en prenant les mesures requises pour assurer 
la   taxation  future,   d’engager  au  plus   tôt  les   travaux  de  réhabilitation  portuaire   et 
aéroportuaire et de réhabilitation des espaces affectés et de compléter au plus tôt les 
investissements   requis   dans   les   ports   de   provinces   pour   poursuivre   le   travail   de 
renforcement de la capacité de collecte en cours depuis plusieurs années ;

(b) L’appareil judicaire et de sécurité publique, lourdement affecté par l’effondrement du 
Palais de Justice et du Ministère de la Justice et les ravages causés par le séisme aux 
forces de police et à la Minustah ; il s’agit ici de faire appel d’urgence à la coopération 
internationale en vue de reconstituer  au plus tôt l’effectif de la force des  Nations­
Unies, d’intensifier le recrutement et la formation d’officiers de justice et de policiers 
et de combler au plus tôt la carence en immeubles de la Justice en aménageant en 
urgence des espaces temporaires et en engageant l’effort de construction de nouveaux 
immeubles.

3 MITIGATION DES PERTES DU SYSTEME FINANCIER

5.1 Une   autre  conséquence  de   la catastrophe  est  la  décapitalisation  brutale   de  nombreux 
clients emprunteurs de la capitale et des autres villes touchées par le séisme, suite à la perte 
d’actifs immobiliers et de marchandises. Une partie du risque sera certes assumée par les polices 
d’assurance   acquises   par   les   concernés.   Toutefois,  ces   polices   pourraient,   pour   de   multiples 
raisons, ne couvrir qu’une partie des dommages, ce qui maintiendrait de nombreux clients dans 
un état d’insolvabilité et entrainerait un risque de contraction du crédit et donc de récession  et 
d’’accroissement du chômage.

5.2 Pour   faire   face   à   ce   risque,   les   premières   mesures   à   recommander   sont   d’ordre 
réglementaire.   Il   s’agira   donc   essentiellement   d’adapter   la   réglementation   prudentielle,   afin 
d’alléger certaines contraintes et de faciliter l’octroi de crédit.

4 RELANCE DU CREDIT A COURT TERME

6.1 Le système bancaire regorge de liquidités et peut facilement faire face aux besoins de 
crédit de la clientèle. Actuellement en effet, le total des dépôts est de l’ordre des 100 milliards de 
gourdes alors que le crédit n’est que de 36 milliards, soit un ratio prêts/dépôts de seulement 
36%, contre 55­60% dans la région. Le problème du faible recyclage de ces fonds en crédit tient 
aujourd’hui : (i) de la faiblesse de la demande solvable ; et (ii) du faible niveau de capital­risque 
disponible dans l’économie. 

6.2 A court terme donc, on peut faire l’hypothèse de l’existence d’une demande accrue de 
crédit en provenance des besoins en immobilisation et en reconstitution de fonds de roulement, 
demande   dont   les   perspectives   de   solvabilité   devraient   être   assez   prometteuses   du   fait   des 
volumes   attendus   de   transferts   de   la   diaspora,     des   exportations   manufacturières,   des   flux 
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d’aide et, par voie de conséquence de l’activité commerciale. Le problème réel à adresser n’est donc  
pas le manque de liquidité mais la faiblesse du capital­risque disponible dans le système bancaire et dans  
l’économie en général.

6.3 Pour   faire   face   à   ce   problème,   il   faudra   sensiblement   renforcer   le   capital­risque   à   la 
disposition du système bancaire, à travers entre autres les mesures suivantes :

1. Etablissement de fonds de garantie partiel, couvrant les crédits offerts par les banques 
en vue aussi bien d’assurer la relance de l’économie; ces fonds de garantie viseraient 
aussi bien les crédits futurs que le refinancement de crédits existants avant le séisme.

2. Etablissement de mécanismes de recapitalisation des banques, prévoyant notamment : 

(i) l’émission de dettes subordonnées par les banques commerciales ; et

(ii) le rachat de portefeuilles de créances en souffrance par un fonds ou une entité financière  
dédiée à cette fin, à l’instar de la « Resolution Trust Corporation » créée dans les 
années 80 pour contribuer à la résolution de la crise des caisses d’épargne aux 
Etats­Unis d’Amérique. Dans le cas d’Haïti, il serait toutefois indiqué d’envisager 
que   le   recouvrement   des   créances   rachetées   des   banques   soit   confié   à   ces 
institutions elles­mêmes, sur base de commissions liées aux sommes effectivement 
recouvrées, de façon à bénéficier au mieux de leur expérience dans le domaine. 

3. Elargissement des mécanismes de garantie acceptables par la BRH, incluant par exemple 
le warrant de marchandises.

4. Encouragement aux banques à utiliser au mieux les mécanismes juridiques disponibles, 
tels le leasing d’équipement.

6.4 Ces quatre mesures contribueront à agiliser le crédit bancaire, en renforçant le niveau de 
capital   devant   soutenir   l’octroi   des   crédits   additionnels   nécessaires   et   en   permettant   aux 
banques   d’accroître   leur   prise   de   risque.   En   vue   d’en   renforcer   l’efficacité,   les   autorités 
s’efforceront également d’adopter la combinaison la plus appropriée de politiques financières et 
monétaires en vue de stimuler efficacement le crédit tout en maintenant la stabilité des prix et 
de   l’économie.   Ceci   pourrait   comprendre,   au   gré   de   la   situation,   la   révision   des   outils   de 
politique monétaire notamment les réserves obligatoires, les bons BRH et les interventions sur  
le marché des changes. Ces mesures viendront en réaction à la baisse de la liquidité disponible 
découlant de la reprise du crédit.

5 CAS PARTICULIER DE  LA MICROFINANCE

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7.1 Le crédit aux microentreprises, représentant, après inclusion du portefeuille offert par les 
caisses d’épargne, environ 15% du portefeuille total du système financier, présente un caractère 
distinct,   en   particulier   dû   à   l’absence   quasi­généralisée   de   garanties   tangibles   solvables,   à 
l’inexistence de mécanisme d’assurance tous risques dans ce secteur, à l’extrême vulnérabilité 
de   la   grande   majorité   des   emprunteurs   à   ce   genre   de   crise   et   à   leur   grande   mobilité 
géographique. Il faut donc s’attendre à une certaine détérioration de la qualité du portefeuille 
des   institutions   de   microfinance   (IMFs),   dont   le   maintien   constitue   pourtant,   pour   plus   de 
200,000   familles,   le   principal   outil   de   financement   et   en   même   temps   l’unique   mécanisme 
d’assurance contre les risques de perte de leurs modestes actifs.

Les mesures suivantes doivent être considérées de manière séparée pour ce secteur :

1. Octroi de dons humanitaires aux microentrepreneurs qu’on arrivera à retracer, en vue 
notamment   de   leur   permettre :   (i)   de   faire   face   à   leurs   besoins   de   consommation 
immédiats ;   et   (ii)   de   reconstituer   leurs   actifs   fixes   et   circulant,   en   complément   des 
microcrédits   qu’ils   devraient   recevoir   des   IMFs.   La   distribution   de   tels   dons   devrait 
logiquement   s’appuyer   sur   les   IMFs   elles­mêmes,   de   façon   à   bénéficier   de   leur 
connaissance des bénéficiaires et de leur capacité à les atteindre à travers leur réseau. 

2. Etablissement de fonds de garantie partiels destinés à relancer le microcrédit aux clients 
des zones touchées par le séisme et répondant aux spécificités propres à la microfinance, 
fonds répondant toutefois à la même logique que celle des fonds à développer pour le 
système bancaire. Ces fonds de garantie viseraient aussi bien les crédits futurs  que le 
refinancement de crédits existants avant le séisme.

3. Etablissement de mécanismes de recapitalisation des IMFs suivant le modèle «Resolution 
Trust   Corporation,   similaire   à   celui   proposé   au   paragraphe   6.3.3   pour   les   banques, 
prévoyant le rachat de portefeuilles de créances en souffrance par un fonds ou une entité 
financière dédiée à cette fin et confiant aux IMFs le recouvrement des créances rachetées 
des IMFs sur base de commissions liées aux sommes effectivement recouvrées. 

4. Etablissement de fonds de garantie ou autres formes d’assurance couvrant les risques 
futurs liés à l’avènement de catastrophes naturelles ou autres chocs externes à l’activité 
des IMFs.

6 RECONSTRUCTION DE L’INFRASTRUCTURE URBAINE

8.1 L’un des faits les plus marquants de l’histoire socio­économique d’Haïti des soixante (60) 
dernières années est l’importante migration de la population du pays en quête de mieux­être 
face à la paupérisation rurale.   L’une des conséquences de cette migration   a été la croissance 
démographique effrénée des principales villes, particulièrement la capitale, Port­au­Prince, dont 
le taux de croissance a été d’environ 2.5 fois celui de la population haïtienne dans son ensemble. 
Ainsi, la ville de Port­au­Prince est aujourd’hui habitée par environ 2.5 millions de personnes 
(25% de la population), dont la plupart logés dans des conditions précaires et insalubres dans 
les « établissements informels ». De plus, la plupart des artères de la capitale sont aujourd’hui 
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envahies   de   commerces   informels,   opérant   dans   des   conditions   sanitaires   et   de   sécurité   en 
dessous des standards minimum.

8.2 En   détruisant   littéralement   une   partie   substantielle   des   immobilisations   publiques   et 
privées de la capitale et des autres villes sinistrées, le séisme du 12 janvier donne en fait, la 
première   opportunité réelle  de complètement  repenser  l’organisation spatiale du pays.  Il  ne 
s’agit  pas d’une  simple reconstruction, mais plutôt d’une reconfiguration. On peut  penser à 
refaire   la   voierie   et   la   plupart   des   bâtiments   publics,   utilisant   pour   ce   faire,   des   normes 
adéquates de protection contre les risques de séisme, d’incendie et d’inondation. L’adoption de 
telles normes et de mécanismes efficaces de contrôle par l’Etat est indispensable à la protection 
des   vies   et   des   biens   face   aux   risques   naturels.   Elle   constitue   également   une   condition 
primordiale à la relance saine du crédit, les banques   aussi bien que leurs assureurs étant en 
effet susceptibles d’accroître dorénavant leurs exigences de qualité et de ne financer, d’assurer 
ou de prendre en garantie que des immeubles construits selon des normes adéquates. 

8.3 De surcroit, l’exode forcé d’une partie non négligeable des habitants de la ville à la suite 
des dommages causés par le séisme entraîne de fait un certain degré de déconcentration, qui s’il 
est renforcé, offre l’opportunité de décongestionner la capitale et de développer les principales 
villes de province. 

8.4 Dans cette optique, l’Etat devrait, à brève échéance, considérer les mesures suivantes :

1. Etude   d’un   « Nouveau   Port­au­Prince »   prévoyant   un   zoning   urbain   approprié,   la 


reconstruction   de   l’infrastructure   de   la   ville   et   le   repositionnement   des   immeubles 
administratifs   et   des   principaux   services   publics,   incluant   aires   de   stationnement, 
habitations   à   loyers   modérés,   marchés   publics,   places   publiques,   autres   espaces 
récréatifs, gares routières, etc. ;

2. Délimitation de zones ciblées pour utilisation collective en fonction du nouveau zoning  
et acquisition par l’Etat des espaces requis ;

3. Construction des nouvelles infrastructures, avec, toutes les fois que possible, concession 
des services à des opérateurs privés, choisis par appel à la concurrence (gestion des aires 
de stationnement, gares routières, marchés publics, etc.) ;

4. Adoption dans les meilleurs délais de normes adéquates de protection contre les risques 
de   séisme,   d’incendie   et   d’inondation   et   émergence   d’un   système   plus   efficace   de 
contrôle de leur application rigoureuse par les autorités en charge ; et

5. Réforme   urgente   du   Système   de   Conservation   Foncière   et   de   Gestion   des   Droits   de 


Propriété.

7
8.5 Un tel projet aurait, entre autres, le mérite de redonner à la capitale un meilleur aspect et 
une capacité accrue d’attirer le niveau d’activité touristique qui fit sa gloire dans les années 50. Il 
permettrait   également   d’accroître   sa   capacité   d’accueil   d’industries   manufacturières   et 
d’activités  de  service,  incluant le commerce.  De la sorte,  il  constituerait  l’un  des  principaux 
moteurs de croissance économique des 10 prochaines années.

8.6 Pour éviter toutefois que le succès d’un tel programme ne vienne inciter à une nouvelle 
explosion démographique, il conviendrait de lancer en parallèle, un programme de construction 
similaire   de   plusieurs   villes   de   province   destiné   à   mieux   répartir   la   population   et 
décongestionner la capitale. Pour ce faire, on peut également envisager un train de mesures 
comprenant des travaux d’infrastructure (routes, énergie, etc), visant à faciliter l’accès aux villes 
périphériques à la capitale 2. 
Un tel programme devrait tenir compte des potentiels sectoriels régionaux (touristique, agricole, 
agro­industriel, etc) afin d’en améliorer la compétitivité dans la quête d’une augmentation de 
création d’emploi, de la production et des exportations émanant des zones concernées. L’idée 
est de faire en sorte que les coûts d’opération des entreprises dans les zones ciblées soient plus 
bas qu’à Port­au­Prince.
8.7 Sous   l’angle   financier,   un   tel   programme   nécessite,   en   tout   premier   lieu,   un   apport 
important   de   ressources   externes   pour   le   financement   des   infrastructures   publiques   sus 
énoncées.   Il   renforce   également   néanmoins   l’opportunité   de   l’établissement   de   fonds   de 
garantie partiels, en vue d’adresser spécifiquement le besoin de crédit spécifiquement lié aux 
infrastructures   confiées   à   des   opérateurs   privés,   tels   infrastructures   scolaires,   récréatives, 
touristiques, en aire de stationnement et autres.

7 RELANCE VIGOUREUSE ET EQUILIBREE DE L’ECONOMIE REELLE

9.1 Compte tenu du contexte actuel, il est envisagé d’engager au plus tôt des
programmes de création massive d’emplois en vue d’atténuer les effets négatifs de
cette catastrophe sur le niveau de vie de la population. Ces programmes tablent
notamment sur : (i) le financement à court terme de projets à haute intensité de
main-d’œuvre autour du nettoyage et du recyclage des déchets de matériaux
générés par l’effondrement d’immeubles dans les zones les plus touchées par le
séisme ; et (ii) le financement à moyen terme de projets de reconstruction des
zones dévastées. Eu égard à la faiblesse de l’épargne publique, de tels programmes
vont inéluctablement nécessiter l’augmentation substantielle des apports étrangers
dans le financement du budget d’investissement de la République et la mise sur
pied de partenariats entre les secteurs public et privé en vue du financement
d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, électriques et de
télécommunications dans les principaux départements géographiques du pays
jouissant d’un potentiel de croissance.

9.2 Dans un tel contexte, il faut toutefois craindre les effets pervers de l’afflux
massif de ressources dans ces secteurs et l’importance des apports externes,
susceptibles de créer un « syndrome hollandais » (Dutch Disease Effect), entrainant
2
L’effet recherché est le décongestionnement des points d’entrée/de sortie à la capitale (Carrefour,
Plaine du Cul-de-Sac, etc)
8
l’affaiblissement de la compétitivité des secteurs marchands de l’économie
(exportation et industrie de substitution aux importations, dont l’agriculture). Ce
phénomène se fait déjà cruellement sentir du fait de l’invasion de produits importés
à des fins humanitaires et distribués gratuitement sur le marché dans les semaines
ayant suivi le séisme, menaçant de faillite les entreprises domestiques produisant
ou vendant des produits similaires. Ce fut le cas, par exemple, de l’eau traitée et de
produits pharmaceutiques fabriqués localement ou même de produits importés sur
base onéreuse par les opérateurs commerciaux. Il convient pour l’Etat, les bailleurs
traditionnels et autres donneurs d’étudier au plus vite les mesures requises pour
pallier ce problème et acquérir au moins en partie leurs produits humanitaires des
producteurs et commerçants établis sur la place.

9.3 Sur une base plus structurelle cependant, il est plus que jamais impératif de
poursuivre, en parallèle, l’effort de réflexion et de planification mené en 2009 par la
Présidence à travers le Groupe de Travail sur la Compétitivité (GC), visant une
croissance économique équilibrée et répartie dans toutes les couches sociales et les
différentes régions du pays, s’appuyant, dans l’immédiat, sur le développement de
cinq grappes de croissance : (i) les fruits, racines et tubercules ; (ii) l’élevage ; (iii) la
confection ; (iv) le tourisme ; et (v) la cinquième grappe récemment ajoutée par le
Groupe, tenant compte de la conjoncture actuelle, celle du logement et du
développement urbain. L’effort à faire dès l’année 2010 est l’établissement, en
concertation avec l’ensemble des acteurs, des filières touchées, de véritables plans
d’affaire de ces grappes, prévoyant principalement les politiques et investissements
publics requis pour leur développement, incluant routes, énergie, éducation et
formation, technologie et environnement, justice et sécurité, normes de
construction et, de manière générale, un environnement d’affaires adéquat.

9.4 Le développement de ces grappes productives et des grappes de support y


afférentes devra en particulier permettre une véritable décentralisation économique
passant par la création de pôles de croissance dans les départements
géographiques jouissant de secteurs dont la compétitivité pourrait être stimulée par
les investissements dans infrastructures susmentionnées, notamment dans le
secteur touristique, en dehors de la capitale haïtienne;

9.5 Une telle stratégie de relance économique post-désastre devrait favoriser à


moyen terme:
• Un accroissement des recettes d’exportation du pays ;

• Une augmentation de la production et de la création d’emplois en particulier


dans les secteurs bâtiments et travaux publics, ceux liés au tourisme tels la
restauration et l’hôtellerie, l’agriculture et l’élevage ;

• Des perspectives d’élargissement du portefeuille de crédit des institutions


financières du pays;

• Un apaisement social ;

• Un ralentissement de l’exode rural et de l’immigration illégale ;

• Une réduction de la pauvreté et de la criminalité qui en découle ;


9
• Une augmentation de l’assiette fiscale ;

• Une réduction des sorties de devises au titre des dépenses de voyages et en


conséquence des effets positifs sur les objectifs de stabilité monétaire et
financière de la BRH. Il en découlerait également une réduction des coûts de
mise en œuvre de la politique monétaire;

• D’autres externalités positives résultant de la dynamisation de l’économie de


la région, incluant les impacts positifs sur le secteur de la construction et les
services y associés.

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