Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
www.mediapart.fr
1
1/5
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
2
communiqué invitant les riverains à nettoyer leurs de la crèche de la préfecture doivent être fermées pour
locaux à l’« aide de lingettes humides » et à consulter une décontamination en urgence. Ce qui sera fait dans
leur médecin si nécessaire. les jours qui suivent.
À l’intérieur de la cathédrale, selon des documents Mais dans certains appartements de fonction, les taux
datés du 3 mai que Mediapart a pu consulter, les peuvent aussi être jusqu’à cinq fois supérieurs au seuil
prélèvements sont de 10 à 740 fois supérieurs aux de vigilance. Mediapart ne sait pas si des travaux y
seuils autorisés. À l’extérieur, la situation n’est guère ont été depuis lors réalisés. De nouveaux prélèvements
plus brillante. Sur le parvis, les taux de concentration ont été faits par la préfecture pour vérifier l'état de
en plomb prélevés sur le sol sont 500 fois au-dessus ses locaux après décontamination. Ils n'ont pas, à ce
du seuil réglementaire. À l’extérieur de la zone du jour, été communiqués aux agents.
chantier, sur certains ponts, dans des squares ou Toujours est-il qu'afin de ne pas alarmer ses propres
certaines rues, ces taux sont de 2 à 800 fois supérieurs agents, la préfecture explique lors de la réunion
au seuil. qu'elle ne souhaite pas publier les résultats de ces
Selon des inspecteurs contactés par Mediapart, « ce prélèvements. Réserve partagée par l’ARS qui affirme,
sont des taux tout à fait exceptionnels. Généralement, quant à elle, ne pas vouloir répondre aux sollicitations
sur des chantiers dits pollués, les taux peuvent être de des associations de riverains ou de défense de
20 à 100 fois supérieurs au seuil. Mais rarement au- l’environnement. Elles n’auront qu’à se tourner vers
delà. Et déjà, à ce stade, des protections très strictes la commission d’accès aux documents administratifs
doivent être prises pour protéger les ouvriers. Un suivi (Cada), expliquent posément les représentants de
médical peut également être exigé ». l’ARS, qui semblent avoir oublié leur mission
Le secret est bien gardé, comme le montre une réunion première, celle de prévenir les risques sanitaires.
du 6 mai dont le contenu a été rapporté par plusieurs Selon une personne présente à cette réunion, « l’ARS
sources à Mediapart. joue la montre. En ne communiquant pas sur les
Ce jour-là, dans les bureaux de l’agence régionale de résultats, elle oblige les associations à s’adresser à
santé, se retrouvent autour de la table des responsables la Cada et donc à s’engager dans un long parcours.
du laboratoire central de la préfecture de police, de Mais une fois qu’elles auront obtenu ces prélèvements,
la mairie de Paris, du centre antipoison, de la caisse l’ARS pourra dire que ces résultats sont anciens et
régionale d’assurance maladie et de la direction du qu’ils ont depuis baissé. C’est d’un cynisme à toute
travail. La question rapidement débattue est : faut-il ou épreuve ».
pas communiquer les résultats des prélèvements ? Conclusion de cette réunion : le 9 mai, la préfecture
et l’ARS signent un communiqué très laconique,
qui minimise les risques, alors même que certains
prélèvements sur les sols sont de 20 à 400 fois
supérieurs au seuil réglementaire sur des sites très
fréquentés, comme le pont et la fontaine Saint-Michel,
lieux non fermés au public, ou certains squares,
temporairement interdits mais rouverts depuis.
Carte des pollutions au plomb autour de Notre-Dame, résultats des prélèvements En taisant les dangers de la sorte, les autorités veulent
du laboratoire central de la préfecture de police de Paris, 6 mai 2019.
éviter un effet de panique et s'épargner une polémique.
La préfecture fait part de son embarras, certains
de ses locaux étant touchés par cette pollution au
plomb. Avec des taux deux fois supérieurs au seuil de
vigilance, la biberonnerie et la salle « mille-pattes »
2/5
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
3
3/5
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
4
En fait, la mairie de Paris avait proposé de Le ministère de la culture profite d’une situation qui
décontaminer le parvis de la cathédrale – un chantier lui est favorable. Le maître d’ouvrage relevant du droit
de deux semaines estimé à 450 000 euros. Pour cette public, l’inspection du travail ne peut ni le verbaliser
phase spécifique de décontamination, les ouvriers ni le mettre en demeure.
devaient porter des scaphandres. Sous le couvert de Contactées par Mediapart, ni la Cramif ni la direction
l’anonymat, un proche du dossier confirme : « Des de l’inspection du travail n’ont accepté de répondre à
hommes en scaphandre sur le parvis de la cathédrale nos questions.
auraient effrayé les passants. L’existence d’un danger
La mairie de Paris affirme avoir fait une série de
aurait été évidente. »
prélèvements dans les établissements scolaires situés
Le ministère de la culture a donc préféré reprendre dans les alentours de la cathédrale, dont les résultats,
la main et a choisi de faire décontaminer la zone rendus publics, sont conformes aux seuils autorisés.
en quelques jours seulement, par des salariés peu Quant aux mesures de l’espace public, « elles relèvent
protégés, et n’ayant pas revêtu les tenues d’usage. de la préfecture et de l’ARS. La mairie de Paris plaide
Cette précipitation a pour résultat que le parvis est pour une transparence mais, précise-t-elle, nous ne
aujourd'hui encore contaminé. pouvons nous substituer à l’État ».
Sourd aux différentes relances des contrôleurs, le Les pressions exercées sur le chantier sont fortes.
ministère de la culture s’affranchit allègrement des Comme nous l’explique l’un des intervenants, « à
règles du code du travail. chaque fois que les risques d’intoxication au plomb
Dès le 9 mai, l’inspection du travail a pourtant alerté sont abordés, on nous rappelle “l’urgence impérieuse
la Drac, chargée des travaux sur le chantier, sur de consolider l’édifice”. C’est comme cela qu’on
la nécessité de prévoir des mesures de protection écarte le danger du plomb ».
contre les risques d’intoxication au plomb pour Une des personnes chargées du suivi des prélèvements
les salariés. Plus d’un mois plus tard, le 19 juin, déplore que « les instances de l’État se comportent
le constat des ingénieurs de sécurité de la caisse comme lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986.
régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (la C’est aussi absurde que le nuage qui n’a pas traversé
Cramif), également chargée de contrôler le chantier, les frontières. Le plomb est resté au-dessus de la
demeure accablant : « Les taux de concentration en cathédrale ».
plomb dans les poussières sont élevés et largement
Un salarié du ministère de la culture regrette que «
au-dessus du seuil réglementaire. Les salariés sont
toute communication sur le chantier [soit] contrôlée.
donc toujours exposés à des risques d’intoxication
On n’a pas accès à beaucoup d’information et ceux qui
par le plomb […], les installations dédiées à la
s’en occupent, le service des monuments historiques,
décontamination des salariés ne répondent pas aux
sont connus pour être des taiseux contrairement aux
dispositions du code du travail. »
archéologues qui se font entendre s’il y a un problème.
Le cabinet du ministre de la culture Franck Riester Donc c’est la loi du silence ».
assure auprès de Mediapart que « des mesures ont été
Une « loi du silence » qui convient parfaitement au
prises », sans pouvoir préciser lesquelles et explique
gouvernement et aux autorités sanitaires. Pourtant, les
qu'une réunion avec la direction du travail s'est tenue le
langues se délient et certaines entreprises contactées
27 juin pour que « tout se passe au mieux ». Mais cela
par Mediapart font part de leurs inquiétudes, ne
n'a rien arrangé. Les procédures de décontamination
souhaitant pas devenir des « boucs émissaires » en
demeurent très en deçà des exigences réglementaires.
cas de scandale. « On tente déjà de nous faire porter
la responsabilité de l’incendie. Il y a une pression
énorme qui est mise sur tous les intervenants et
le ministère de la culture n’assume même pas ses
4/5
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
5
responsabilités en tant que maître d’ouvrage. Rien Sur le chantier, cette perspective inquiète de
n’est fait pour préserver la sécurité et la santé des nombreux intervenants selon lesquels les dangers pour
ouvriers. On nous demande de faire le travail que doit la santé et l’environnement risquent de s’accroître en
faire normalement le maître d’ouvrage », déplore l’un toute opacité.
des chefs d’entreprise. Boite noire
Le projet de loi pour Notre-Dame de Paris, en La plupart de nos interlocuteurs ont préféré garder
cours d’adoption, prévoit notamment la création d’un l’anonymat, travaillant sur le chantier et craignant de
établissement public et des dérogations aux règles perdre leur emploi.
d’urbanisme et de protection de l’environnement.
Directeur de la publication : Edwy Plenel Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Directeur éditorial : François Bonnet Courriel : contact@mediapart.fr
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Capital social : 24 864,88€. Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Société des Amis de Mediapart. Paris.
5/5