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Du cercle à l'hyperbole :

la trigonométrie hyperbolique


Kenz Zaghib
Supervision scientique : Louis-Philippe Giroux
Département de mathématiques et d'informatique
Collège Jean-de-Brébeuf

25 mars 2019

Résumé
La trigonométrie circulaire représente une pierre angulaire dans l'édice ma-
thématique et scientique d'aujourd'hui : de la résolution de gures géomé-
triques au calcul diérentiel et intégral, en passant par le traitement de signal
et l'architecture. Une trigonométrie analogue se fonde cette fois sur une autre
conique d'importance : l'hyperbole. Cet article la présente sous les angles géo-
métrique et analytique tout en explorant certaines applications en physique.

Préalables : Le lecteur avec une connaissance de base de la géométrie vec-


torielle, de la trigonométrie (niveau mathématique SN ou TS au secondaire) et
du calcul à une variable consultera avec prot l'article. Une familiarité avec les
nombres complexes est un atout.

Mots-clés : hyperbole, conique, géométrie analytique, fonctions hyperbo-


liques, trigonométrie hyperbolique, identités, réciproques, calcul diérentiel, cal-
cul intégral, chaînette, Maple

1 Préambule
Dans les manuels de calcul et les calculatrices, on retrouve souvent des fonctions
énigmatiques répondant aux noms de sinus, cosinus et tangente hyperboliques qui
complémentent à la fois les fonctions exponentielles et la trigonométrie usuelle. D'où
proviennent ce qualicatif d'hyperbolique et ce rapport étonnant avec les coniques ?
En quoi forment-elles l'analogue hyperbolique de la trigonométrie circulaire ? Malheu-
reusement, la plupart des références larguent les dénitions qui utilisent la fonction
exponentielle naturelle sans traiter du riche aspect géométrique qui les sous-tend. De
même, ces fonctions tirent leur origine de l'étude géométrique de l'hyperbole, initiée
notamment par le mathématicien anglais Roger Cotes, le mathématicien vénitien Vin-
cenzo Riccati et le mathématicien prussien Johann Heinrich Lambert [1]. Cet article
vise donc à introduire la trigonométrie hyperbolique sous l'angle géométrique et à
ensuiter passer en revue ses aspects algébriques et analytiques et ses liens privilégiés
avec les fonctions circulaires. Une application marquante en physique, le problème
de la chaînette, qui a mobilisé notamment Leibniz, les frères Bernoulli, Huygens et
Galilée, est de surcroît présentée.

Contact : kenz.zaghib@gmail.com
1
Perceptum Avril 2019

2 La géométrie de l'hyperbole
2.1 L'hyperbole : une conique

À l'image de la trigonométrie usuelle dénie dans le cercle unité, la trigonométrie


hyperbolique s'appuie sur l'hyperbole unitaire horizontale d'équation cartésienne :
x2 − y 2 = 1. (1)
L'hyperbole est une conique propre au même titre que le cercle, l'ellipse et la para-
bole 1 , c'est-à-dire qu'on peut les obtenir par l'intersection d'un plan avec un double
cône. L'hyperbole se caractérise comme lieu géométrique où la diérence des distances
entre un point de la courbe et les deux foyers est constante [2]. Elle est dite équilatère
lorsque ses asymptotes sont perpendiculaires [2]. Notez que toute conique peut se
dénir à partir d'un seul foyer, d'une droite appelée la directrice et d'un paramètre,
l'excentricité. Cette dénition unifocale et globale pour toutes les coniques peut se
retrouver dans la plupart des manuels de géométrie [3].

2.2 La paramétrisation de l'hyperbole

Le cercle unité C a pour équation x2 + y 2 = 1, et à partir de celle-ci, on parvient à


déterminer un angle θ qui paramétrise la courbe, ce qui signie exprimer les coordon-
nées d'un point du lieu (x, y) par un système de deux fonctions de ce même paramètre
(f (θ), g(θ)). En fait, on dénit ces fonctions pour qu'elles puissent correspondre aux
points (x, y). C'est ainsi que naissent les fonctions sinus et cosinus, et par extension
les fonctions tangente et sécante. L'angle en radians, aussi appelé arc, θ peut aussi
être interprété au moyen de l'aire d'un secteur circulaire. Rappelons que la mesure de
l'arc est isométrique à l'angle l'interceptant dans le cercle unité et qu'une relation de
proportionalité évidente se déduit entre l'angle (ou l'arc) et l'aire du secteur. Notons
2
t
l'aire du secteur correspondant à l'angle au centre θ et sachant que le rayon est
égale à 1 unité de longueur dans le cercle unité 2 :
angle au centre aire du secteur correspondant
= ,
angle plein aire du disque
θ t/2
⇐⇒ = 2,
2π πr
θ t
=⇒ = ,
2π 2π
=⇒ t = θ.

Nous constatons que l'angle θ vaut le double de l'aire du secteur correspondant 2t ,


qui peut donc servir de paramètre aux fonctions cosinus (pour la valeur en abscisse
x d'un point P sur le cercle) et sinus (pour la valeur en ordonnée y d'un point P
sur le cercle) alternativement et servira de parallèle intéressant lorsqu'on choisira le
paramètre de l'hyperbole.
1. À ceux-ci s'ajoutent les cas limites de coniques dégénérées : le point, la droite et deux droites
sécantes.
2. En coordonnées polaires, l'aire d'un secteur circulaire en général est donnée par l'intégrale à
paramètre A(t) = R r dθ [2, 3], qui donne bien lorsqu'on évalue dans le cercle unité.
t 1 2
0 2
t
2

2
Perceptum Avril 2019

y
P(cos θ, sin θ)

O x

Figure 1  Cercle unité d'équation canonique x2 + y2 = 1 ou d'équations paramé-


triques x = cos(θ), y = sin(θ), 0 ≤ θ < 2π . On peut aussi écrire cos2 t + sin2 t = 1 en
considérant t le double de l'aire du secteur circulaire en guise de paramètre.

Un angle hyperbolique, ou une longueur d'arc sur l'hyperbole, se révèlerait un


choix de paramètre certainement moins judicieux qu'avec le cercle, qui dispose d'un
rayon constant et présente, du fait de sa périodicité, qu'une poignée de valeurs re-
marquables. La longueur d'arc d'une hyperbole peut être en eet être innie 3 . Une
aire d'un secteur hyperbolique, en partant de l'axe des x dans le sens horaire ou anti-
horaire, serait donc plus envisageable par analogie avec le cercle. Bien que pouvant
être aussi innie, l'aire est plus facile à manipuler que la longueur d'arc de l'hyperbole
comme paramètre. Signalons que l'aire d'un secteur hyperbolique est orientée comme
celle du cercle, une aire s'établissant en sens horaire est de signe négatif alors qu'en
sens anti-horaire (dit aussi trigonométrique ou direct), le signe est positif. Nous allons
nous servir du paramètre t qui représente le double de l'aire orientée du secteur hy-
perbolique, qu'on appelle aussi, de manière analogue au cercle, un angle hyperbolique.

y Y

S0 S
O x

Figure 2  Hyperbole horizontale unité H d'équation canonique x2 − y 2 = 1. Un


secteur hyperbolique OSP d'aire t
2
est ombré avec, par convention, t de signe négatif.

Aux ns d'évaluation de l'aire ombrée 2t par intégration, nous changerons de repère
en eectuant une rotation du plan p de −π/4 [4]. Par nécessité, nous considérerons la
branche de droite d'équation x = 1 + y 2 ; le développement qui suit se généralise
3. Pour les lecteurs familiers avec l'arithmétique modulo n, un angle θ peut se ramener, pour les
calculs trigonométriques, à son équivalent (θ − 2π  ) modulo 2π, ce qu'on ne peut établir avec
θ

un paramètre hyperbolique. 2π

3
Perceptum Avril 2019

aisément à la branche de gauche par symétrie, qui conduit à une paramétrisation


légèrement diérente pour la branche de gauche. Notons →−ı , →
− les vecteurs unitaires
de la base du nouveau repère formée par les axes des X et des Y et →
4 −
x ,→
−y pour la
base du repère formée par les axes des x et des y .
La rotation étant de − π4 , on peut établir par trigonométrie les relations entre les
vecteurs des diérentes bases du plan :
√ √

− 2 −ı + 2 →
→ − ,
x =
2 2
√ √

− 2 −ı + 2 →
→ − .
y =−
2 2
Par projection orthogonale du vecteur position d'un point de l'hyperbole :
−−→
OP = x→

x + y→

y.

En substituant les relations entre les vecteurs des diérentes bases :


√ √ ! √ √ !
−−→ 2→
−ı + 2 →
− + y − 2 →
−ı + 2 →
− .
OP = x
2 2 2 2

Et en réorganisant pour mettre en évidence les règles de transformations :


√ √
−−→ 2(x − y) →
−ı + 2(x + y) →
− .
OP =
2 2
En eet, par projection orthogonale, cette équation vectorielle donne les règles de
transformations graphiques, symboliquement (x, y) 7→ (X, Y ), de l'hyperbole dans le
premier repère en (x, y) vers le second en (X, Y ).

2(x − y)
X= , (2)
√ 2
2(x + y)
Y = . (3)
2
En substituant les règles (2) et (3) dans l'équation (1) de l'hyperbole unitaire, on
obtient l'équation selon le nouveau repère :
1 1
XY = =⇒ Y = . (4)
2 2X
La prochaine étape est d'évaluer l'aire du secteur hyperbolique en fonction des coor-
données (X, Y ) an de dégager la paramétrisation. La gure 3 présente une construc-
tion géométrique mettant en relief le secteur hyperbolique ombré :
4. Une base orthonormée d'un plan est composée de deux vecteurs orthogonaux et unitaires,
formant une base vectorielle [5]. Au moyen d'une combinaison linéaire, ces deux vecteurs linéairement
indépendants peuvent engendrer tout vecteur du plan et adjoindre la base orthonormée d'une origine
permet de constituer un repère et des coordonnées.

4
Perceptum Avril 2019

41 42

O 2 λ X
2

Figure 3  Représentation de l'hyperbole unitaire dans le nouveau repère

Pour trouver l'aire ombrée, il √faut additionner l'aire du triangle rectangle 41 avec
l'aire sous la courbe entre X = 22 et X = λ et ensuite retrancher l'aire du triangle
rectangle 42. Calculons l'aire sous la courbe par intégration :
λ
Z λ  
1 1 1 1
dX = ln |x| = ln λ + ln(2) .


2
2 2X 2 √2 2 2
2

Les aires des triangles se déterminent


√ √ aisément en observant la gure. Les coordonnées
du nouveau sommet S sont ( 22 ; 22 ) selon les règles de transformation (2) et (3) et
l'ordonnée associée à λ respecte nécessairement l'équation (4).


2× 2 1
A41 = = ,
8 4
λ × Y (λ) λ 1
A42 = = = .
2 4λ 4
En additionnant l'aire du triangle 1 et le résultat de l'intégrale, puis en retranchant
l'aire du triangle 2 conformément à la gure 3, on obtient l'aire géométrique − 2t , t
étant d'orientation négative, du secteur hyperbolique en fonction de λ :
 
t 1 1 1
− = ln λ + ln(2) ⇐⇒ −t = ln λ + ln(2).
2 2 2 2
En appliquant l'exponentielle naturelle aux deux membres de l'équation :
√ e−t
e−t = λ 2 ⇐⇒ λ = √ .
2
λ représente une valeur de X quelconque, dont on cherche la paramétrisation f (t).
La valeur de Y associée est donc, selon l'équation (4) :

1 2 et
Y = = −t = √ .
2λ 2e 2
Nous avons obtenu la paramétrisation de X (ou λ) et Y en fonction de l'aire du
secteur hyperbolique 2t . Retournons au repère initial pour obtenir la paramétrisation
de l'hyperbole unitaire à l'aide des règles de transformation (2) et (3). On trouve
et + e−t
x= , (5)
2
et − e−t
y= . (6)
2

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Perceptum Avril 2019

Par analogie avec le cercle unité, on dénit à partir de l'équation (5) la fonction
cosinus hyperbolique notée cosh t et par l'équation (6) la fonction sinus hyperbolique
notée sinh t 5 . C'est l'émergence d'une nouvelle trigonométrie : la trigonométrie hy-
perbolique, dont les champs d'application sont riches et variés, allant de la géométrie
aux sciences physiques et au génie.

3 La trigonométrie hyperbolique
3.1 Les rapports hyperboliques

La représentation géométrique

Les fonctions cosinus et sinus hyperboliques permettent d'écrire l'hyperbole uni-


taire sous forme paramétrique, avec 2t en guise d'aire du secteur hyperbolique prenant
ses valeurs réelles positives entre 0 et l'inni. Notons que le ± devant la fonction cosh
résulte de la paramétrisation par symétrie de la branche de gauche, qui conduit à
l'opposé du cosinus hyperbolique pour la valeur en x.
(
x = ± cosh t
H : ,t ∈ R
y = sinh t

La forme cartésienne de l'équation de l'hyperbole unitaire horizontale est x2 − y 2 = 1,


d'où une première identité hyperbolique centrale :
cosh2 (t) − sinh2 (t) = 1. (7)
Cette identité ressemble beaucoup à l'identité pythagoricienne cos2 θ + sin2 θ = 1
pour un cercle. Par analogie, dénissons les fonctions tangente, cotangente, sécante
et cosécante hyperboliques [4] :
sinh t
tanh t = , (8)
cosh t
cosh t
coth t = , (9)
sinh t
1
sech t = , (10)
cosh t
1
csch t = . (11)
sinh t
Tout comme dans le cercle, ces rapports peuvent être représentés sur l'hyperbole
unitaire .
Comme vu précédemment, la mesure des segments OB et BP correspond respec-
tivement à cosh t et à sinh t. En outre, on remarque que les triangles AOS et P OB
sont semblables par la condition minimale de similitude des deux angles congrus. De
ce fait, on peut écrire en associant les segments homologues :
BP SA
= .
OB OS
5. Dans les pays francophones, on a longtemps écrit ch, sh et tgh (ou th) pour les fonctions cosinus,
sinus et tangente hyperboliques. Cet usage tend à disparaître au prot de la notation internationale,
tout comme la notation tg au lieu de tan.
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Perceptum Avril 2019

D CA P

O S B x

Figure 4  Représentation géométrique des fonctions hyperboliques au sein de l'hy-


perbole unitaire d'équation x2 − y 2 = 1

Sachant les segments connus et les coordonnées du sommet (1,0)

sinh t SA
= ,
cosh t 1
sinh t
⇐⇒ SA = = tanh t.
cosh t
Le segment SA représente donc la tangente hyperbolique [4], bien tangente à la
courbe, associée au secteur hyperbolique de la gure 4. De même, on peut déduire
la représentation géométrique de la fonction sécante hyperbolique en considérant une
identité pythagoricienne obtenue en divisant l'équation (7) par cosh t :

1 − tanh2 t = sech2 t ⇐⇒ sech2 t + tanh2 t = 1. (12)

Ainsi, un triangle rectangle d'hypoténuse 1 et avec une cathète dont la valeur tanh t
aurait une autre cathète égale à la sécante hyperbolique du même angle t. En traçant
le cercle unité et en projetant sur l'axe des y le segment SA, on remarque que le
segment DC forme avec le rayon du cercle unité OC un triangle rectangle, d'où :

DC = sech t.

En revanche, la représentation de la sécante hyperbolique est strictement arbi-


traire, tout comme pourraient être celles de la cosécante et de la cotangente hyperbo-
liques. Seuls les rapports sinh, cosh et tanh revêtent un véritable intérêt géométrique
dans la conique.

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Perceptum Avril 2019

Pour aller plus loin... les nombres complexes et la trigonométrie


La trigonométrie circulaire emploie souvent pour faciliter les calculs les nombres com-
plexes (nombre de la forme a + ib, où i2 = −1 et a, b ∈ R) au moyen de la formule
d'Euler eiθ = cos θ + i sin θ et du théorème de Moivre eriθ = cos(rθ) + i sin(rθ). Les
formules homologues pour les nombres complexes s'écrivent :
cosh(rt) + sinh(rt) = ert

La correspondance est d'autant plus évidente sous cette forme :


et + e−t eit + e−it
cosh t = cos t = (13)
2 2
et − e−t eit − e−it
sinh t = sin t = (14)
2 2i
Par analogie, on dit que les fonctions sinh et cosh sont 2πi-périodiques alors que les
fonctions circulaires sin et cos sont 2π -périodiques. En fait, les fonctions complexes
(f : C → C) viennent unier la trigonométrie. Remarquons par exemple que cos x =
cosh ix.

La représentation graphique

Voici les représentations graphiques des six rapports hyperboliques, tracées à l'aide
du logiciel de calcul formel Maple.

(a) y = cosh x (b) y = sinh x (c) y = tanh x

(d) y = sech x (e) y = csch x (f) y = coth x


Figure 5  Courbes représentatives des fonctions hyperboliques
Malgré une apparence semblable à la parabole, la courbe représentative de la
fonction cosh est appelée une caténaire et présente des propriétés diérentes (dérivée,
sommet, limite). En eet, lorsqu'on passe à la limite en l'inni positif, les fonctions

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cosh et sinh se confondent avec l'exponentielle naturelle. La forme de cloche de la


fonction sech fait d'elle une distribution de probabilités (à la normalisation près,
c'est-à-dire ajouter un facteur an que l'aire sous la courbe égale 1, probabilité d'un
événement certain), notamment utilisée dans la modélisation des orbitales en chimie
et en physique quantiques et dans les prédictions nancières d'évolution des actions.
Mentionnons que ces fonctions admettent des réciproques, moyennant pour sech et
cosh une restriction du domaine, qui s'expriment par des compositions de fonctions
algébriques dans une fonction logarithmique. Par exemple, la réciproque de la fonc-
tion sinus hyperbolique est appelée l'argument sinus hyperbolique et a pour équation
(prouvez-le à partir de l'expression exponentielle de sinh !) :
 √ 
argsinh x = ln x + x2 + 1 , x ∈ R.

4 Le calcul diérentiel et intégral des fonctions hy-


perboliques
Après avoir déni en rapport avec l'hyperbole et abordé la trigonométrie hyperbo-
lique, nous passons au calcul appliqué à ces fonctions, qui en représente une mise en
÷uvre intéressante et cruciale lorsque nous mettrons en lumière quelques applications.
La dérivation est assez simple du fait que ces fonctions s'expriment en termes d'ex-
ponentielle naturelle. Or, la recherche de primitives et ses applications géométriques
s'avèrent aussi riches que celles de la trigonométrie circulaire.

4.1 La dérivation des fonctions hyperboliques

Les fonctions hyperboliques se dérivent tout simplement en les réécrivant avec des
exponentielles. Dérivons la fonction sinus hyperbolique :
ex − e−x ex + e−x
 
d d
sinh x = = = cosh x.
dx dx 2 2
On retrouve la fonction cosinus hyperbolique. De même, en dérivant la fonction co-
sinus hyperbolique, on retombe sur la fonction sinus hyperbolique. Au signe près,
l'analogie avec les fonctions circulaires se poursuit même sur le plan des dérivées ! On
établit donc les règles de dérivation suivantes :
d
sinh x = cosh x, (15)
dx
d
cosh x = sinh x. (16)
dx
Déterminons la dérivée de la fonction tangente hyperbolique à la lumière des dérivées
précédentes et de la règle de dérivation d'un quotient de fonctions :
sinh0 x cosh x − sinh x cosh0 x
 
d d sinh x
tanh x = = ,
dx dx cosh x cosh2 x
cosh2 x − sinh2 x
= .
cosh2 x

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Perceptum Avril 2019

On remarque au numérateur l'identité hyperbolique de base qui est égale à 1. La


dérivée de la fonction tanh est donc l'inverse du cosinus hyperbolique au carré, ou
encore la fonction sécante hyperbolique au carré. Énonçons les règles de dérivation
suivantes, que le lecteur est invité à vérier :
d
tanh x = sech2 x, (17)
dx
d
sech x = −sech x tanh x, (18)
dx
d
csch x = −csch x coth x, (19)
dx
d
coth x = −csch2 x. (20)
dx

4.2 L'intégration des fonctions hyperboliques

Les règles d'intégration simples

On peut  lire à l'envers  les règles de dérivation et en tirer des règles d'intégra-
tion, en ajustant le facteur s'il y a lieu. Par exemple,
Z
cosh x dx = sinh x + C, (21)
Z
sinh x dx = cosh x + C, (22)
Z
csch2 xdx = − coth x + C, C ∈ R. (23)

Les primitives de tanh et sech (et similairement coth et csch) sont un peu moins
triviales.
Z Z
sinh x
tanh x dx = dx.
cosh x
On eectue le changement de variable u = cosh x ⇒ du = sinh x dx
Z
du
= ln |u| + C = ln | cosh x| + C.
u
On a bien sûr reconnu l'intégrale du logarithme népérien [6]. D'autres intégrales sont
disponibles dans le complément en ligne de même qu'une présentation des identités
hyperboliques et des fonctions réciproques hyperboliques.

4.3 Une application des fonctions hyperboliques : la chaînette

Les fonctions hyperboliques interviennent dans plusieurs descriptions géométriques


du plan ou de l'espace impliquant les coniques ou les transformations graphiques, mais
également en physique (mécanique céleste, transformation des vitesses en relativité
restreinte, propagation des vagues dans l'océan, enveloppe de paquets d'ondes quan-
tiques). On s'intéresse maintenant au problème classique de la chaînette, c'est-à-dire
la forme que prendrait une corde ou un câble soumis uniquement à son propre poids.

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Perceptum Avril 2019

d
T2
y0 Fg
T1
x
0 x x + dx

Figure 6  Schéma d'une chaînette soutenue par deux pylônes et illustration des
forces s'exerçant sur un arc de chaînette de longueur d`.

Ce problème de statique revêt un intérêt majeur en architecture et en génie civil.


Galilée pensait que c'était une parabole, ce que le savant allemand Joachim Jung a
réfuté à l'aide des propriétés géométriques de la conique.
La corde est en équilibre statique, la somme des forces et des moments de force sur
chaque petit élément d`i constituant la corde est nulle. On peut ignorer la rotation,
comme toutes les forces en jeu sont colinéaires avec la distance aux pivots. Les forces
en jeu sont la force gravitationnelle et les deux tensions aux extrémités de chaque arc.
La deuxième loi de Newton s'écrit pour l'élément d` illustré :

− − → → − →

T1 + Fg + T2 = 0 . (24)
La force gravitationnelle sur la surface terrestre peut s'écrire à l'aide de la densité
linéique de masse µ, exprimée en kg/m. Elle est dénie par l'équation :
dm
µ= . (25)
d`
On peut donc réécrire la force gravitationnelle s'exerçant sur l'arc d` de masse dm
dans la gure 6 comme :


Fg = −dm g →
− = −µg d`→
− . (26)
L'étude de la tension est plus délicate : deux tensions s'exercent selon la troisième loi
de Newton, conséquence des interactions avec les deux arcs de corde adjacents. Mal-
gré qu'on suppose la densité linéique constante (la masse est répartie uniformément),
la tension n'est pas uniforme en raison de l'action de la gravité. En tant que forces
de contact d'origine électrostatique (à l'instar de la force normale) [13], les tensions
sont tangentes à la courbe. Néanmoins, les deux forces de tension aux extrémités de
l'arc considéré sur l'intervalle [x, x + dx] ne sont pas colinéaires. On réécrit l'équa-
tion vectorielle (24) en deux équations scalaires selon les composantes horizontales
et verticales, ce qui conduit au système d'équations (les signes tiennent compte de
l'orientation des forces) : (
−T1x + T2x = 0
(27)
T2y − T1y − Fg = 0.
Les composantes horizontales de la tension sont donc égales par la première équa-
tion du système, peu importe l'élément de longueur considéré. On substitue aussi
l'équation (26) pour la norme de la force gravitationnelle :

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Perceptum Avril 2019

T2

d
dy
 ( x) dx y
T1
x

Figure 7  Schéma des tensions tangentes à la chaînette et projections sur les axes

(
T1x = T2x
(28)
T2y − T1y − µg d` = 0.
La gure 7 permet d'établir un lien entre les composantes de la tension, selon
l'angle de tangence α(x) qui est fonction, au même titre que la dérivée, de l'abscisse
x. On déduit donc du schéma les relations suivantes :
(
T1x = T1 cos α
=⇒ T1y = T1x tan α. (29)
T1y = T1 sin α

La tangente de l'angle de tangence à un point d'abscisse x correspond à la dérivée de


la courbe d'équation y = f (x) :
dy
tan α = . (30)
dx
De retour à la deuxième équation du système (28), la tension verticale est la compo-
sante variable, elle peut donc être envisagée comme fonction de l'abscisse x en notant
T1y = Ty (x) et T2y = Ty (x + dx).

Ty (x + dx) − Ty (x) = µg d`.

Diviser les deux membres par dx permet de retrouver d'une part la dérivée de la
tension verticale et, d'autre part, la longueur d'arc de la courbe :
Ty (x + dx) − Ty (x) d`
= µg ,
x + dx − x dx
s  2
dTy dy
= µg 1+ .
dx dx

On cherche à former une équation diérentielle dont la solution serait la courbe y =


f (x). En dérivant la relation (29) et en prenant T1x en guise de constante découlant
des couples d'action-réaction (entre les arcs de corde), on obtient :
dy dTy d2 y
T1y = T1x tan α = T1x =⇒ = T1x 2 . (31)
dx dx dx

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On insère ce dernier résultat, ce qui nous permet d'obtenir une équation diérentielle
ordinaire du second ordre qu'on ramène au premier ordre avec le changement de
variable u(x) = y 0 (x) :
s
 2
2
dy dy
T1x 2 = µg 1 + ,
dx dx
du √
T1x = µg 1 + u2 .
dx
En séparant les variables, puis en intégrant les deux membres et en notant la constante
a = Tµg
1x
:
Z Z
du
a√ = dx.
1 + u2
On eectue la substitution hyperbolique u = sinh v ⇒ du = cosh v dv :
Z Z
cosh v dv
ap = dx.
1 + (sinh v)2

Par l'identité hyperbolique de base, 1 + sinh2 v = cosh2 v :


Z Z
cosh v dv
a = dx,
cosh v
Z Z
a dv = dx, puisque cosh v ≥ 1.

av = x + C1 ,
x + C1
v= .
a
La fonction réciproque de sinh est l'argument sinus hyperbolique. On réexprime main-
tenant l'équation selon la variable u, puis obtenir l'équation de y :
x + C1
argsinh u = ,
a
x + C1
u = sinh ,
a
dy x+C
= sinh .
dx a
En séparant les variables à nouveau et en intégrant les deux membres :
Z Z
x+C x + C1
dy = sinh dx =⇒ y = a cosh + C2 .
a a
Pour déterminer les deux constantes d'intégration C1 et C2 , on emploie les deux
conditions initiales tirées de la situation physique y(0) = y0 et y 0 (0) = 0, étant donné
qu'en x = 0, on a un minimum. En dérivant et en substituant la deuxième condition
initiale, on apprend que C1 est nulle :
x+C C1
y 0 (x) = sinh =⇒ 0 = sinh =⇒ C1 = 0.
a a

13
Perceptum Avril 2019

Pour déterminer la valeur de C2 , on utilise le résultat précédent.


x
y(x) = a cosh + C2 =⇒ y0 = a cosh 0 + C2 =⇒ y0 = a + C2 =⇒ C2 = y0 − a.
a
En conclusion, l'équation de la chaînette (considérant que le sommet est sur l'axe des
y ) s'exprime à l'aide d'un cosinus hyperbolique et d'un paramètre physique lié aux
propriétés matérielles de la corde :
x Tx
y = a cosh + y0 − a, a = . (32)
a µg
La courbe du cosinus hyperbolique ressemble par ailleurs à une parabole pour de
petites valeurs de x (c'est-à-dire |x| ≤ 0, 1). Si on recourt au développement de
Maclaurin du cosh, on a une parabole pour de très petites valeurs x, donnée par
l'équation y = cosh x = 1 + x2 + O(x4 ) (O(x4 ) désigne le terme d'erreur qui est de
2

degré 4).
La chaînette est une gure omniprésente : les ls électriques entre deux pylônes,
des ls dans les toiles d'arraignée ou encore le prol d'une caténoïde, la surface d'aire
minimale formée par deux anneaux ou générée par la révolution d'une chaînette.
La chaînette et la caténoïde illustrent le principe de moindre action [16], c'est-à-dire
qu'elles minimisent l'action, qui est liée au lagrangien, soit la diérence entre l'énergie
cinétique et l'énergie potentielle. Ce principe, d'abord d'origine optique (la lumière
emprunte un chemin extremum), est au fondement de la mécanique de Lagrange, une
alternative à la mécanique newtonnienne qui s'arrime mieux à la physique quantique.
On retrouve la chaînette inversée dans les arches dans des constructions signées
par l'architecte catalan Gaudi ou, à certaines diérences près, le Gateway Arch qui
surplombe la ville de Saint-Louis au Missouri. Cependant, dans les ponts suspendus,
à l'image du Golden Gate Bridge qui trône sur la baie de San Francisco, les câbles
ne sont soumis pas uniquement à leur poids, mais également à d'autres chaînes qui
tiennent le pont. Alors, ses câbles adoptent plutôt la forme d'une parabole.

(a) Caténoïde ma- (b) Caténoïde (c) Le Gateway Arch à Saint-


térialisée par une d'équations para- Louis, Missouri. On peut y
pellicule de savon métriques (u, v) 7→ faire un tour d'ascenseur et ob-
(u, cosh u cos v, cosh u sin v) server la vue sur la ville et
tracé sur Maple le euve Mississipi.
c Blinking
( Spirit,
Wikimedia Commons) ( c Daniel
u, v ∈ R Schwen, Wikimedia Commons)

Figure 8  Exemples de chaînettes et de caténoïdes. Le Gateway Arch est une caté-


naire modiée, les diérences s'expliquant par des contraintes relatives à la structure,
à la stabilité, à l'esthétisme ( courbe discrète  inscrite dans un carré, présence de
triangles équilatéraux), aux mesures parasismiques et aux eets des vents. [17]

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Perceptum Avril 2019

(a) Des arches caténaires (b) Des chaînettes métal- (c) Le Golden Gate
dans la Casa Batlló conçue liques suspendues dans la , pont suspendu
Bridge
par Gaudi Casa Milà de Gaudi, à Bar- aux câbles paraboliques
celone
( c Sara Terrones,
Wikimedia Commons) ( c Etan J. Tal, Wikime- c Rich
( Niewiroski Jr.,
dia Commons) Wikimedia Commons)

Figure 9  Les chaînettes chez Gaudi et le mythique Golden Gate Bridge, dont la
densité linéique dépend de la coordonnée x.

Remerciements L'auteur remercie Louis-Philippe Giroux pour ses explications savantes


et généreuses sur une variété de sujets mathématiques et ses suggestions judicieuses tout au
long du projet. Merci également à Rédha Samet pour ses encouragements et les discus-
sions intéressantes en matière d'intégration, Alexandre Desfossés Foucault pour son aide et
son expertise avec le logiciel extraordinaire Maple et Stéphane Houle pour les discussions
intéressantes sur les principes de variation en physique.

Références
[1] Bibby N, Hoare G, Hyperbolic Functions : an Approach by Analogy, Teaching Mathematics and
its Applications : An International Journal of the IMA. 1989 Jan 1;8(1) :23-9.
[2] Audin, M , Géométrie, 2e édition, Paris : EDP Sciences, 2006.
[3] Coxeter, HSM, Introduction to Geometry, John Wiley & Sons, Toronto, 1969.
[4] Shervatov, VG, Hyperbolic Functions, Dover Publications, Mineola, New York, 2007.
[5] Papillon, V. avec la collaboration de Dimitri Zuchowski Vecteurs, matrices et nombres complexes,
2e édition, Groupe Modulo, Montréal, 2011.
[6] Hodgson, MI et Bérubé, J, Calcul intégral, 2e édition, Collège Jean-de-Brébeuf, 2015.
[7] Weisstein, EW, Osborn's Rule, MathWorld - A Wolfram Web Resource,
http://mathworld.wolfram.com/OsbornsRule.html, Consulté le 3 avril 2018.
[8] Arnaudiès, JM et Lelong-Ferrand, J, Cours de mathématiques, Tome 2 : Analyse, Masson, Paris,
1977.
[9] Bélanger, M, De Serres, M, Bérubé, J, Calcul diérentiel, Groupe Modulo, Montréal, 2011.
[10] Adams, RA et Essex, C, Calculus : A Complete Course, 9e édition, Pearson Addison-Weasley,
Toronto, 2018.
[11] Stewart, J, Calculus, 6e édition, Nelson Éducation, Toronto, 2008.
[12] Spivak, M, Calculus, 3e édition, Publish or Perish Inc., Houston, 1994.
[13] Kleppner, D et Kolenkow, R, Introduction to Mechanics, 2e édition, Cambridge University Press,
2014.
[14] Bodin, A, La chaînette, Laboratoire de mathématiques Paul Painlevé, Université de Lille, 2015.
[15] Morin, D, Introduction to Classical Mechanics, Cambridge University Press, 2008.
[16] Ito M, Sato T. In situ observation of a soap-lm catenoida simple educational physics expe-
riment. European Journal of Physics. 2010 Jan 19;31(2) :357.
[17] Osserman R. Mathematics of the gateway arch. Notices of the AMS. 2010 Feb;57(2) :220-9.
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