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la trigonométrie hyperbolique
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Kenz Zaghib
Supervision scientique : Louis-Philippe Giroux
Département de mathématiques et d'informatique
Collège Jean-de-Brébeuf
25 mars 2019
Résumé
La trigonométrie circulaire représente une pierre angulaire dans l'édice ma-
thématique et scientique d'aujourd'hui : de la résolution de gures géomé-
triques au calcul diérentiel et intégral, en passant par le traitement de signal
et l'architecture. Une trigonométrie analogue se fonde cette fois sur une autre
conique d'importance : l'hyperbole. Cet article la présente sous les angles géo-
métrique et analytique tout en explorant certaines applications en physique.
1 Préambule
Dans les manuels de calcul et les calculatrices, on retrouve souvent des fonctions
énigmatiques répondant aux noms de sinus, cosinus et tangente hyperboliques qui
complémentent à la fois les fonctions exponentielles et la trigonométrie usuelle. D'où
proviennent ce qualicatif d'hyperbolique et ce rapport étonnant avec les coniques ?
En quoi forment-elles l'analogue hyperbolique de la trigonométrie circulaire ? Malheu-
reusement, la plupart des références larguent les dénitions qui utilisent la fonction
exponentielle naturelle sans traiter du riche aspect géométrique qui les sous-tend. De
même, ces fonctions tirent leur origine de l'étude géométrique de l'hyperbole, initiée
notamment par le mathématicien anglais Roger Cotes, le mathématicien vénitien Vin-
cenzo Riccati et le mathématicien prussien Johann Heinrich Lambert [1]. Cet article
vise donc à introduire la trigonométrie hyperbolique sous l'angle géométrique et à
ensuiter passer en revue ses aspects algébriques et analytiques et ses liens privilégiés
avec les fonctions circulaires. Une application marquante en physique, le problème
de la chaînette, qui a mobilisé notamment Leibniz, les frères Bernoulli, Huygens et
Galilée, est de surcroît présentée.
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Contact : kenz.zaghib@gmail.com
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Perceptum Avril 2019
2 La géométrie de l'hyperbole
2.1 L'hyperbole : une conique
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Perceptum Avril 2019
y
P(cos θ, sin θ)
O x
y Y
S0 S
O x
Aux ns d'évaluation de l'aire ombrée 2t par intégration, nous changerons de repère
en eectuant une rotation du plan p de −π/4 [4]. Par nécessité, nous considérerons la
branche de droite d'équation x = 1 + y 2 ; le développement qui suit se généralise
3. Pour les lecteurs familiers avec l'arithmétique modulo n, un angle θ peut se ramener, pour les
calculs trigonométriques, à son équivalent (θ − 2π ) modulo 2π, ce qu'on ne peut établir avec
θ
un paramètre hyperbolique. 2π
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Perceptum Avril 2019
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Perceptum Avril 2019
41 42
√
O 2 λ X
2
Pour trouver l'aire ombrée, il √faut additionner l'aire du triangle rectangle 41 avec
l'aire sous la courbe entre X = 22 et X = λ et ensuite retrancher l'aire du triangle
rectangle 42. Calculons l'aire sous la courbe par intégration :
λ
Z λ
1 1 1 1
dX = ln |x| = ln λ + ln(2) .
√
2
2 2X 2 √2 2 2
2
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Perceptum Avril 2019
Par analogie avec le cercle unité, on dénit à partir de l'équation (5) la fonction
cosinus hyperbolique notée cosh t et par l'équation (6) la fonction sinus hyperbolique
notée sinh t 5 . C'est l'émergence d'une nouvelle trigonométrie : la trigonométrie hy-
perbolique, dont les champs d'application sont riches et variés, allant de la géométrie
aux sciences physiques et au génie.
3 La trigonométrie hyperbolique
3.1 Les rapports hyperboliques
La représentation géométrique
D CA P
O S B x
sinh t SA
= ,
cosh t 1
sinh t
⇐⇒ SA = = tanh t.
cosh t
Le segment SA représente donc la tangente hyperbolique [4], bien tangente à la
courbe, associée au secteur hyperbolique de la gure 4. De même, on peut déduire
la représentation géométrique de la fonction sécante hyperbolique en considérant une
identité pythagoricienne obtenue en divisant l'équation (7) par cosh t :
Ainsi, un triangle rectangle d'hypoténuse 1 et avec une cathète dont la valeur tanh t
aurait une autre cathète égale à la sécante hyperbolique du même angle t. En traçant
le cercle unité et en projetant sur l'axe des y le segment SA, on remarque que le
segment DC forme avec le rayon du cercle unité OC un triangle rectangle, d'où :
DC = sech t.
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Perceptum Avril 2019
La représentation graphique
Voici les représentations graphiques des six rapports hyperboliques, tracées à l'aide
du logiciel de calcul formel Maple.
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Perceptum Avril 2019
Les fonctions hyperboliques se dérivent tout simplement en les réécrivant avec des
exponentielles. Dérivons la fonction sinus hyperbolique :
ex − e−x ex + e−x
d d
sinh x = = = cosh x.
dx dx 2 2
On retrouve la fonction cosinus hyperbolique. De même, en dérivant la fonction co-
sinus hyperbolique, on retombe sur la fonction sinus hyperbolique. Au signe près,
l'analogie avec les fonctions circulaires se poursuit même sur le plan des dérivées ! On
établit donc les règles de dérivation suivantes :
d
sinh x = cosh x, (15)
dx
d
cosh x = sinh x. (16)
dx
Déterminons la dérivée de la fonction tangente hyperbolique à la lumière des dérivées
précédentes et de la règle de dérivation d'un quotient de fonctions :
sinh0 x cosh x − sinh x cosh0 x
d d sinh x
tanh x = = ,
dx dx cosh x cosh2 x
cosh2 x − sinh2 x
= .
cosh2 x
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Perceptum Avril 2019
On peut lire à l'envers les règles de dérivation et en tirer des règles d'intégra-
tion, en ajustant le facteur s'il y a lieu. Par exemple,
Z
cosh x dx = sinh x + C, (21)
Z
sinh x dx = cosh x + C, (22)
Z
csch2 xdx = − coth x + C, C ∈ R. (23)
Les primitives de tanh et sech (et similairement coth et csch) sont un peu moins
triviales.
Z Z
sinh x
tanh x dx = dx.
cosh x
On eectue le changement de variable u = cosh x ⇒ du = sinh x dx
Z
du
= ln |u| + C = ln | cosh x| + C.
u
On a bien sûr reconnu l'intégrale du logarithme népérien [6]. D'autres intégrales sont
disponibles dans le complément en ligne de même qu'une présentation des identités
hyperboliques et des fonctions réciproques hyperboliques.
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Perceptum Avril 2019
d
T2
y0 Fg
T1
x
0 x x + dx
Figure 6 Schéma d'une chaînette soutenue par deux pylônes et illustration des
forces s'exerçant sur un arc de chaînette de longueur d`.
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Perceptum Avril 2019
T2
d
dy
( x) dx y
T1
x
Figure 7 Schéma des tensions tangentes à la chaînette et projections sur les axes
(
T1x = T2x
(28)
T2y − T1y − µg d` = 0.
La gure 7 permet d'établir un lien entre les composantes de la tension, selon
l'angle de tangence α(x) qui est fonction, au même titre que la dérivée, de l'abscisse
x. On déduit donc du schéma les relations suivantes :
(
T1x = T1 cos α
=⇒ T1y = T1x tan α. (29)
T1y = T1 sin α
Diviser les deux membres par dx permet de retrouver d'une part la dérivée de la
tension verticale et, d'autre part, la longueur d'arc de la courbe :
Ty (x + dx) − Ty (x) d`
= µg ,
x + dx − x dx
s 2
dTy dy
= µg 1+ .
dx dx
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Perceptum Avril 2019
On insère ce dernier résultat, ce qui nous permet d'obtenir une équation diérentielle
ordinaire du second ordre qu'on ramène au premier ordre avec le changement de
variable u(x) = y 0 (x) :
s
2
2
dy dy
T1x 2 = µg 1 + ,
dx dx
du √
T1x = µg 1 + u2 .
dx
En séparant les variables, puis en intégrant les deux membres et en notant la constante
a = Tµg
1x
:
Z Z
du
a√ = dx.
1 + u2
On eectue la substitution hyperbolique u = sinh v ⇒ du = cosh v dv :
Z Z
cosh v dv
ap = dx.
1 + (sinh v)2
av = x + C1 ,
x + C1
v= .
a
La fonction réciproque de sinh est l'argument sinus hyperbolique. On réexprime main-
tenant l'équation selon la variable u, puis obtenir l'équation de y :
x + C1
argsinh u = ,
a
x + C1
u = sinh ,
a
dy x+C
= sinh .
dx a
En séparant les variables à nouveau et en intégrant les deux membres :
Z Z
x+C x + C1
dy = sinh dx =⇒ y = a cosh + C2 .
a a
Pour déterminer les deux constantes d'intégration C1 et C2 , on emploie les deux
conditions initiales tirées de la situation physique y(0) = y0 et y 0 (0) = 0, étant donné
qu'en x = 0, on a un minimum. En dérivant et en substituant la deuxième condition
initiale, on apprend que C1 est nulle :
x+C C1
y 0 (x) = sinh =⇒ 0 = sinh =⇒ C1 = 0.
a a
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Perceptum Avril 2019
degré 4).
La chaînette est une gure omniprésente : les ls électriques entre deux pylônes,
des ls dans les toiles d'arraignée ou encore le prol d'une caténoïde, la surface d'aire
minimale formée par deux anneaux ou générée par la révolution d'une chaînette.
La chaînette et la caténoïde illustrent le principe de moindre action [16], c'est-à-dire
qu'elles minimisent l'action, qui est liée au lagrangien, soit la diérence entre l'énergie
cinétique et l'énergie potentielle. Ce principe, d'abord d'origine optique (la lumière
emprunte un chemin extremum), est au fondement de la mécanique de Lagrange, une
alternative à la mécanique newtonnienne qui s'arrime mieux à la physique quantique.
On retrouve la chaînette inversée dans les arches dans des constructions signées
par l'architecte catalan Gaudi ou, à certaines diérences près, le Gateway Arch qui
surplombe la ville de Saint-Louis au Missouri. Cependant, dans les ponts suspendus,
à l'image du Golden Gate Bridge qui trône sur la baie de San Francisco, les câbles
ne sont soumis pas uniquement à leur poids, mais également à d'autres chaînes qui
tiennent le pont. Alors, ses câbles adoptent plutôt la forme d'une parabole.
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Perceptum Avril 2019
(a) Des arches caténaires (b) Des chaînettes métal- (c) Le Golden Gate
dans la Casa Batlló conçue liques suspendues dans la , pont suspendu
Bridge
par Gaudi
Casa Milà de Gaudi, à Bar- aux câbles paraboliques
celone
( c Sara Terrones,
Wikimedia Commons) ( c Etan J. Tal, Wikime- c Rich
(
Niewiroski Jr.,
dia Commons) Wikimedia Commons)
Figure 9 Les chaînettes chez Gaudi et le mythique Golden Gate Bridge, dont la
densité linéique dépend de la coordonnée x.
Références
[1] Bibby N, Hoare G, Hyperbolic Functions : an Approach by Analogy, Teaching Mathematics and
its Applications : An International Journal of the IMA. 1989 Jan 1;8(1) :23-9.
[2] Audin, M , Géométrie, 2e édition, Paris : EDP Sciences, 2006.
[3] Coxeter, HSM, Introduction to Geometry, John Wiley & Sons, Toronto, 1969.
[4] Shervatov, VG, Hyperbolic Functions, Dover Publications, Mineola, New York, 2007.
[5] Papillon, V. avec la collaboration de Dimitri Zuchowski Vecteurs, matrices et nombres complexes,
2e édition, Groupe Modulo, Montréal, 2011.
[6] Hodgson, MI et Bérubé, J, Calcul intégral, 2e édition, Collège Jean-de-Brébeuf, 2015.
[7] Weisstein, EW, Osborn's Rule, MathWorld - A Wolfram Web Resource,
http://mathworld.wolfram.com/OsbornsRule.html, Consulté le 3 avril 2018.
[8] Arnaudiès, JM et Lelong-Ferrand, J, Cours de mathématiques, Tome 2 : Analyse, Masson, Paris,
1977.
[9] Bélanger, M, De Serres, M, Bérubé, J, Calcul diérentiel, Groupe Modulo, Montréal, 2011.
[10] Adams, RA et Essex, C, Calculus : A Complete Course, 9e édition, Pearson Addison-Weasley,
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[11] Stewart, J, Calculus, 6e édition, Nelson Éducation, Toronto, 2008.
[12] Spivak, M, Calculus, 3e édition, Publish or Perish Inc., Houston, 1994.
[13] Kleppner, D et Kolenkow, R, Introduction to Mechanics, 2e édition, Cambridge University Press,
2014.
[14] Bodin, A, La chaînette, Laboratoire de mathématiques Paul Painlevé, Université de Lille, 2015.
[15] Morin, D, Introduction to Classical Mechanics, Cambridge University Press, 2008.
[16] Ito M, Sato T. In situ observation of a soap-lm catenoida simple educational physics expe-
riment. European Journal of Physics. 2010 Jan 19;31(2) :357.
[17] Osserman R. Mathematics of the gateway arch. Notices of the AMS. 2010 Feb;57(2) :220-9.
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