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L'entre-deux-guerres est caractérisé par une double mise en cause : celle du régime politique
(la démocratie), par de nouvelles formes politiques nées après la Première Guerre mondiale
(le communisme d'un côté, les « fascismes » de l'autre) ; celle du régime économique (le
libéralisme), par le recours au dirigisme et à l'interventionnisme étatique. Le début des années
1920 inaugure en effet, en Europe, une crise des idéologies politiques traditionnelles. Partout,
la démocratie recule alors que les dictatures progressent et se lancent dans une politique
extérieure expansionniste.
C'est pourquoi on a parlé pour désigner cette période d'une « époque du fascisme » (Ernst
Nolte), d'une « époque du totalitarisme », ou encore d'une « époque de l'autoritarisme »,
caractérisée par ce recul du libéralisme et de la démocratie. Les « fascismes» seraient alors
l'expression de ce mouvement de discrédit et de retrait de la démocratie libérale. Nés de la
Première Guerre mondiale, ils meurent avec la fin de la Deuxième.
Trois axes de réflexion peuvent être dégagés pour cette période :
- En premier lieu, les « séquelles » de la Première Guerre mondiale. Les séquelles
économiques et sociales sont inégalement ressenties d’un pays à l'autre, mais compromettent
grandement la stabilité politique. Le mythe et l'illusion du « retour à la normale »
apparaissent, dans les démocraties libérales, comme une véritable obsession des années 1920.
D'autre part, les rancunes héritées de 1918 remettent en cause les équilibres précaires de
l'ordre établi par les traités de paix.
- En second lieu, il ne faut jamais perdre de vue les effets ravageurs de la crise de 1929, qui ne
font qu'accroître les difficultés. Ils pèsent considérablement sur les relations internationales
autant que sur la stabilité politique des Etats, que ce soit dans les anciennes démocraties ou
dans les « nouvelles ».
- En dernier lieu, il faut souligner l'influence capitale exercée sur tous les pays européens par
la Révolution bolchévique de 1917. Entre tentations et rejets, la Révolution de 1917, avec les
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potentialités de développement qu'elle sous-tend, est une donnée capitale pour tous les pays
européens dans l'entre-deux-guerres.
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européennes dans l'aire asiatique et pacifique. Mais ce sont surtout les États-Unis qui sont les
grands bénéficiaires du premier conflit mondial : le revenu national a doublé par rapport à
1914, et ils sont devenus la première puissance économique, financière et commerciale
mondiale, à la place de la Grande-Bretagne. Face à l’Europe, leur position est confortable :
non seulement ils sont devenus les créanciers de l'Europe, mais ils exportent vers elle produits
agricoles et produits industriels. Adossé à 50% du stock d'or mondial, le dollar supplante
désormais la livre sterling. Les Etats-Unis sont par ailleurs leaders mondiaux dans
l'exportation de produits manufacturés.
Les équilibres sectoriels se trouvent également durablement modifiés avec l'avènement de la
concentration capitaliste et l'émergence de nouvelles branches industrielles, ou encore l’essor
de l'organisation scientifique du travail. L'Etat joue de plus en plus le rôle d'arbitre et de
régulateur dans l’économie de marché, ce qui accroît les exigences sociales à son égard. Ce
renforcement de l'exécutif et la tendance à l'extension de ses champs d'intervention se
maintiennent en partie dans l'entre-deux-guerres. Même si la guerre 1914-1918 apparaît
comme une parenthèse dirigiste vite refermée face au libéralisme économique, sur le plan
politique et social des habitudes ont été prises, comme en France, où l’on parle de la
«dictature de Clemenceau », ou en Angleterre, où l’on évoque une « dictature de cabinet ».
Les structures sociales ont elles aussi été transformées. La guerre a créé une brutale remise en
cause des hiérarchies sociales, et ce sont les classes moyennes qui en sortent les plus
affectées. Les difficultés économiques et sociales expliquent le très fort mécontentement dans
tous les pays européens au début des années 1920. Dans la plupart des cas, une fraction
importante de la petite bourgeoisie se dresse contre l'Etat libéral qui n'a pas su protéger ses
intérêts. Cela alimente un vif ressentiment contre le libéralisme et les milieux dirigeants, jugés
responsables du conflit et rejetés au profit d’idéologies anticapitalistes, que ce soit le
socialisme ou les fascismes.
l'Ouest rien de nouveau, traitent de la guerre sur le mode du réalisme. D’autres choisissent
des procédés différents : Hemingway (L'Adieu aux armes), Henri Barbusse (Le Feu),
Apollinaire (Calligrammes), Céline (Voyage au bout de la Nuit).
Au niveau collectif, la volonté de témoignage rapproche de très nombreux anciens
combattants dans un rejet féroce de la guerre, symbolisé par le vocabulaire (« Plus jamais
ça »). Ce rejet rapproche des hommes très différents, mais soudés par une expérience
commune, au sein de la « génération du feu », qui a le sentiment d’avoir été broyée.
Une grande différence existe cependant entre les pays vainqueurs et les pays vaincus. Le
thème des « anciens combattants » est indissociable de la question des « démobilisations »,
puisqu'il s'agit de savoir ce que deviennent, dans l'après-guerre, les soldats retournés à l’état
de civils.
En France, il faut souligner l'importance numérique de ce groupe de population, qui
représente en 1935 encore 5 millions d'hommes. La moitié de la population active de l'entre-
deux-guerres a combattu durant la Première Guerre mondiale. Il est évident que dans ces
conditions, les anciens combattants pèsent lourd dans la vie politique de l'entre-deux-guerres,
puisqu'ils représentent entre un quart et la moitié de la masse électorale.
L’historien Antoine Prost a battu en brèche le mythe belliqueux et nationaliste dont le
mouvement des anciens combattants aurait été le chantre (exception faite des « Croix de
Feu », entre 1927 et 1936). Il s'agit d'abord d'un mouvement de masse (puisque la moitié des
survivants aurait adhéré à une association de ce type), qui se crée spontanément dans
l'immédiat après-guerre, avec notamment deux organisations de masse : l’UF (Union
Fédérale, qui compte 900000 adhérents en 1932), et l’UNC (Union Nationale des
Combattants). Initialement tourné vers la défense des intérêts des anciens combattants, ce
mouvement fonctionne comme une caisse de secours pour les plus démunis, comme un
groupe de pression ( qui arrache une retraite pour les anciens combattants en 1930), et comme
un groupe de sociabilité qui prolonge, dans une certaine mesure, la fraternité des tranchées.
Contrairement aux idées reçues, le mouvement des anciens combattants développe une
certaine pédagogie de la paix et un devoir de mémoire. Son pacifisme viscéral incitera
cependant certains membres à accepter la défaite en 1940.
En Italie et en Allemagne, la situation est différente. Les difficultés de réinsertion dans la vie
civile des soldats démobilisés, la rancune contre des traités de paix « honteux » (thème du
« Diktat » dénoncé par les Allemands après le traité de Versailles, ou encore du « Coup de
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poignard dans le dos ») favorisent l’apparition de groupes armés : les Corps Francs en
Allemagne, les « arditi » révolutionnaires en Italie, mais également les « fasci », noyau
primitif du parti de Mussolini, qui est initialement un regroupement d'anciens combattants
italiens. Ces groupes entretiennent dans leur pays la culture du « coup de force » et exportent
dans la sphère civile la violence dont ils ont fait l’expérience au front.
Aux Etats-Unis, la situation est encore différente, car l’armée américaine a reposé sur le
volontariat, et non sur la conscription obligatoire comme en France ou en Allemagne. En
conséquence, les «veterans» exercent une très forte influence dans l'entre-deux-guerres, et
notamment l’association « American Legend», créée par des officiers démobilisés en 1919,
qui réclament des compensations financières à leur engagement (un soldat américain pendant
la guerre gagnait un dollar par jour, alors qu'un ouvrier des usines Ford en gagnait 5). Ils sont
à l'origine de la grande manifestation en faveur de la conservation de leurs aides financières,
la «marche du Bonus», en juin 1932, dans le contexte de la crise de 1929.
Indéniablement, à bien des points de vue, la Première Guerre mondiale marque de son sceau
les années 1920 et 1930. Pour résumer, dans les pays où le pouvoir politique a été fort et a
conservé la prééminence sur le pouvoir militaire, où les institutions sont restées stables, et où
l’économie a su s’adapter à l’effort de guerre, les effets de la guerre ont pu être limités dans
les années 1920 (France, Grande-Bretagne). En revanche, dans les pays où le consensus
politique avant 1914 était déjà érodé, où la cohésion sociale était fragile, où le développement
économique était insuffisant, les effets furent ravageurs : l'effondrement militaire
s'accompagne de la chute du régime (Autriche-Hongrie, Russie, Italie, Allemagne), et
débouche sur des guerres civiles réelles (Russie), ou larvées (Allemagne, Italie).
des salaires plus importants, ce qui pousse la consommation à la hausse. Chez Ford, la
revalorisation salariale pour les ouvriers des usines entraîne un salaire de cinq dollars par jour.
Les conséquences de ce compromis entre salaire et production qu’on appelle « fordisme »
sont immenses : les Etats-Unis entrent dans l'ère de la consommation de masse et le
modernisme pénètre dans le quotidien des Américains. Cela s'explique par la baisse du prix
des articles et par l'augmentation des salaires, qui engendrent un accroissement du pouvoir
d'achat. Mais il ne faut pas oublier les crédits à la consommation, dont les Américains sont
friands. Tout Américain moyen peut consommer et se rendre propriétaire de ces symboles de
la prospérité que sont : l'aspirateur, le réfrigérateur, la machine à laver, la radio (12 millions de
foyers en possèdent une en 1929), la voiture (un Américain sur cinq en possède une en 1929,
alors qu'en Europe elle reste un produit de luxe).
Il en résulte un bouleversement profond des modes de vie. Les Américains sont en majorité
des citadins; la ville américaine change d'aspect (paysages standardisés, extension des
banlieues). Les loisirs se multiplient.
Certains symboles résument la période : les usines Ford (15 millions de Ford T produites entre
1908 et 1927), Rockefeller (le roi du pétrole, grâce à la Standard Oil), la construction de
l'Empire State Building (1929).
b- Les Républicains et le « retour à la normale »
Le mécontentement social (causé par la conversion de l’économie de guerre en économie de
paix, avec effondrement de certaines productions et envolée des prix) provoque dans le pays
une vague de manifestations et de grèves en 1919, qui porte les Républicains au pouvoir en
1920 avec l'élection de Harding à la Maison Blanche. Ils ont fait campagne sur le thème du
« retour à la normale » (« Back to normalcy »). Ils restent au pouvoir durant toutes les années
1920, avec l'élection de Coolidge en 1924 et de Hoover en 1928.
Le programme républicain s'appuie sur quelques grandes lignes. En matière économique,
c’est le libéralisme à tout prix qui prime. L'Etat intervient le moins possible dans l'économie
et laisse carte blanche aux milieux d'affaires du « Big Business ». C’est le règne du « laissez
faire », bien résumé par une célèbre formule : « Moins de gouvernement dans les affaires, et
plus d’affaires dans le gouvernement ». En politique étrangère, les Républicains ne reprennent
pas à leur compte le programme de paix et de sécurité commune de Wilson, et laissent le
Sénat refuser la ratification du traité de Versailles, ce qui entraîne la non-participation
américaine à la Société des Nations. En outre, les Républicains sont conscients de la
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puissance d’un courant isolationniste dans l’opinion publique, et n’entendent donc intervenir
en politique internationale que dans la mesure où les intérêts américains sont directement
concernés. Ainsi, les Etats-Unis proposent le plan Dawes (1925), puis le plan Young (1929)
pour régler le problème des Réparations dues par l’Allemagne à la France, qui empoisonne les
relations internationales. D’une façon générale, les années 1920 correspondent à ce qu’on
appelle la « diplomatie du dollar », où ce sont moins les intérêts de l’Etat fédéral que ceux des
banques qui conduisent la politique américaine. Mais après la crise de 1929, et surtout après
l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne, les Etats-Unis sont de plus en plus méfiants
vis-à-vis des affaires européennes, et se tiennent volontairement en retrait. Si l’on ne peut
parler d’un isolationnisme américain étendu sur les années 1919-1939, il est clair que c’est
l’unilatéralisme qui prévaut dans les relations avec l’Europe à partir de 1933, car les
Américains ne veulent pas se trouver pris malgré eux dans un engrenage en Europe. En
revanche, ils ne se privent pas de s’immiscer dans les affaires du Pacifique, ou dans celles
d’Amérique Latine, conformément à la doctrine Monroe de 1823 (définition de l’Amérique
Latine comme le « pré carré » américain, et refus de l’ingérence européenne dans les affaires
du continent américain).
En matière sociale, la politique est délibérément conservatrice. Les lois des quotas de 1921 et
1924 limitent le nombre des étrangers accueillis sur le sol américain, mettant ainsi un terme à
la tradition du « melting pot ». Le puritanisme connaît son apogée avec le vote du 18e
amendement (loi de prohibition de fabrication, vente et consommation d’alcool). Le religieux
fait son retour en force, perceptible par la prolifération des sectes. Face à cette atmosphère
particulière, les stratégies de contournement des lois se multiplient. La prohibition entraîne la
prolifération des réseaux de contrebande et des guerres entre gangs rivaux (ex : à Chicago).
Dans le domaine politique, une série de scandales politico-financiers éclate, et discrédite
l'administration Harding. Les années 1920 voient également la renaissance du Ku Klux Klan,
qui connaît alors un regain d'audience (entre 2 et 3 millions d’adhérents) et alimente le
racisme contre tous ceux qui n'appartiennent pas à la catégorie des WASP (White Anglo-Saxon
Protestants).
2) La crise de 1929
La prospérité des années 1920 ne doit pas faire oublier les laissés-pour-compte, qui sont très
nombreux à la campagne et dans les minorités. Mais en 1929, c’est carrément la conjoncture
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économique qui se retourne, et qui précipite des pans entiers de la société américaine dans la
détresse. En effet, le jeudi 24 octobre 1929 (« jeudi noir »), le krach boursier de Wall Street
apparaît comme la première étape d’une crise qui s’étend à l’ensemble de l’économie
mondiale sous l’action de trois facteurs :
- une spéculation boursière, qui est le fait de nombreux petits épargnants américains. Entre
1925 et 1929, la valeur totale des titres cotés à Wall Street triple, dopée par les achats
d’actions à crédit. Cette fièvre ne peut se prolonger indéfiniment, d’autant plus que les cours
des actions deviennent sans rapport avec la santé réelle des entreprises, et que la production
industrielle ralentit au printemps 1929. Les premières baisses de cours suscitent la panique
d’actionnaires, qui vendent leurs titres parce que l’espoir de réaliser une plus-value s’envole.
En deux mois, les valeurs industrielles baissent d’un tiers, ce qui place un million et demi
d’épargnants dans une situation difficile. Née dans la sphère financière, la crise se propage
alors à toute l’économie réelle : la consommation chute, les investissements se raréfient, les
banques doivent réduire le crédit. Les prix, déjà orientés à la baisse avant octobre 1929,
accentuent le mouvement de déflation, dans des proportions spectaculaires pour les produits
agricoles (-70% en trois ans).
- l’insuffisance des marchés, que la prospérité américaine a longtemps masquée. Au cours des
années 1920, la production industrielle a crû plus rapidement que le marché mondial. Celui-ci
reste étroit : la vitalité démographique des pays développés s’est ralentie, et seule une fraction
précise de la population a accès aux équipements que la nouvelle industrie produit en masse
(automobiles, électroménager). Si l’on peut difficilement parler de surproduction, on peut
estimer avec l’économiste J. Galbraith qu’il y a bien une sous-consommation résultant d’une
répartition inégale des revenus et des richesses.
- l’internationalisation de l’économie explique le caractère contagieux d’une crise qui
concerne la première puissance commerciale du monde. Les échanges internationaux
diminuent de 60% entre 1929 et 1933. Par le jeu de la concurrence, tous les pays doivent
répercuter la baisse des prix américaine sur leurs propres productions, et les pays fournisseurs
des Etats-Unis se retrouvent en grande difficulté. La déflation se généralise. En outre, les
hommes d’affaires américains retirent leurs capitaux investis à l’étranger, ce qui fragilise le
système bancaire de certaines économies (Allemagne, Autriche, Royaume-Uni).
La situation sociale au début des années 1930 devient dramatique. Les difficultés des
entreprises se traduisent par une vague de licenciements qui grossit le nombre des chômeurs
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(12 millions en 1932), tant ouvriers qu’employés. Les privilégiés d’hier se retrouvent dans les
bidonvilles des grosses agglomérations, la misère se répand comme une traînée de poudre, le
« rêve américain » est brisé.
Dans un premier temps, aucune mesure gouvernementale ne permet de juguler la crise. Les
fondements du libéralisme ne sont pas remis en cause, et tout le monde pense que les
équilibres économiques vont se rétablir d’eux-mêmes. Le président Hoover est tellement
persuadé que la croissance va repartir qu’il se refuse à toucher à la monnaie ou à accorder une
aide publique aux chômeurs. Son impopularité croissante lui coûte la victoire aux
présidentielles de 1932, qui ouvrent le chemin de la Maison Blanche à Roosevelt.
tard, il est contraint à un changement d’alliance en raison des divisions créées au sein de son
gouvernement par la crise économique. Au total, en dix ans, cinq gouvernements se sont
succédé. Mais le sentiment de crise est atténué par la légitimité entretenue par la dissolution
de la chambre des Communes et le retour aux urnes à chaque renversement d’alliance au
gouvernement.
En France, l’instabilité est d’abord liée à la dispersion des forces politiques, qui contraint
chaque gouvernement à s’appuyer sur des coalitions hétéroclites. Elle s’explique aussi par
l’indiscipline des parlementaires, qui prévaut dans les formations politiques en position de
charnière (Parti Radical et droite modérée). La valse des ministères atteint des sommets lors
d’épisodes particuliers (1925-1926, 1932-1934), aucun ministère ne dépassant le cap des six
mois. Pour enrayer ce phénomène, deux types de majorité peuvent se dégager : les majorités
regroupant la droite (le Bloc National de 1919), ou la gauche (le Cartel des gauches de 1924,
ou celui de 1932, ou encore le Front populaire de 1936), ou alors les majorités rassemblant les
modérés de centre gauche et de centre droit (gouvernements d’Union Nationale).
Généralement, les élections se font selon une logique bipolaire, tandis que les parlementaires,
une fois élus, sont tentés par les rapprochements d’Union Nationale. De ce fait, le résultat des
urnes (nettes majorités en voix à droite ou à gauche) a tendance à être contredit par le jeu
parlementaire, et il en résulte un inévitable sentiment de frustration dans l’opinion publique et
le corps électoral, qui alimente un certain antiparlementarisme :
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La France réagit différemment. La croissance économique est plus vigoureuse, mais la France
reste endettée auprès des banques américaines parce qu’elle compte sur le versement des
Réparations prévues par le traité de Versailles, que l’Allemagne n’effectue pas. Le résultat est
que le franc connaît une première crise en 1924, qui n’est que provisoirement réglée. En effet,
la détérioration du cours du franc par rapport à celui de la livre sterling entraîne la chute du
gouvernement du Cartel des gauches en 1926, et son remplacement par un gouvernement
d’Union Nationale conduit par Poincaré. Le franc fait alors l’objet d’une politique de
stabilisation, qui est en fait une dévaluation de 80%, ce qui assainit la situation. Mais si la
France a rétabli sa parité-or en 1928, ce n’est pas sur la base de la valeur du franc de 1914, de
façon à ne pas pénaliser les industriels.
secours. Dans ces conditions, les critiques de l’Etat se font plus radicales, et les aspirations à
un Etat fort en viennent à mettre en péril la démocratie parlementaire.
répression et s'est divisé en 1903 entre une branche marxiste pragmatique, celle des
mencheviks qui sont prêts à une alliance avec la bourgeoisie progressiste pour renverser le
tsar, et une branche marxiste révolutionnaire, celle des bolcheviks qui se veulent des militants
d'avant-garde capables de provoquer la révolution ouvrière et d'instituer la dictature
prolétarienne qu'exercera le POSDR.
En 1905, une première révolution russe a secoué Saint-Pétersbourg et s'est terminée dans un
bain de sang, révélant au passage l'impréparation du POSDR. Mais en 1917, bien qu'ils ne
représentent qu'un groupuscule à l'échelle de la Russie, les bolcheviks savent s'adapter au
contexte nouveau créé par les difficultés de la Première Guerre mondiale et par la
décomposition du pouvoir tsariste.
constitution. Ils n'ont pas l'intention d'intervenir dans l'économie. Ils prennent cependant
quelques mesures symboliques : abolition de la peine de mort, autonomie pour les nationalités
de l'ancien empire des tsars.
- les Soviets, élus par les ouvriers et les soldats (et quelquefois les paysans), au niveau des
grandes villes, notamment le soviet de Saint-Pétersbourg qui comprend 3000 délégués. Ils
réclament l'arrêt de la guerre, du pain et des augmentations de salaire.
- les bolcheviks, qui n'ont pas joué de rôle déterminant dans le déclenchement de la
révolution, mais qui profitent d'une amnistie et du retour de Lénine en Russie (dans un wagon
de plomb autorisé au voyage par les responsables militaires allemands) pour réclamer l'arrêt
de la guerre, la révolution sociale, et l'édification d'une République des Soviets. Lénine
expose ces objectifs à Saint-Pétersbourg (rebaptisée Petrograd) dans ses célèbres "Thèses
d'avril" (17 avril 1917). Profitant du climat révolutionnaire, les bolcheviks se développent
rapidement (80000 membres en mai 1917) et multiplient l'agitation de rue.
Dès lors, toute la difficulté pour le gouvernement provisoire est de rétablir l’ordre en Russie et
de tenir tête aux Soviets, instrumentalisés par les bolcheviks, qui entretiennent par ailleurs
l'agitation sociale. La situation devient vite intenable, et le socialiste-révolutionnaire modéré
Kerenski devient premier ministre dans un contexte de crise ministérielle, alors que ni la
bourgeoisie, ni le monde ouvrier ne sont satisfaits de l'évolution politique. Kerenski, à la tête
d’un gouvernement formé de socialistes-révolutionnaires et de menchéviks opposés au
pouvoir des Soviets, ne peut se maintenir au pouvoir qu'en abusant de la répression, ce qui
facilite la progression des bolcheviks.
poursuivre la guerre) tente de réprimer l'activité des bolcheviks, qui ripostent en appelant à
l'insurrection générale. Le lendemain, Kerenski prend la fuite, tandis que les insurgés
proclament la destitution du gouvernement provisoire et reçoivent le soutien du Congrès des
Soviets de toutes les Russie, où les bolcheviks sont majoritaires. Le 8 novembre, la mise en
place du Conseil des commissaires du peuple, organe de gouvernement présidé par Lénine et
composé de 15 bolcheviks, entraîne la publication immédiate d'un décret sur la paix, invitant
tous les belligérants à cesser les hostilités (il demande « la paix sans indemnités ni
annexions »), et d'un autre décret sur la terre, annulant la dette des paysans et expropriant les
grands propriétaires fonciers au profit des Soviets paysans. La nouvelle société soviétique se
met rapidement en place.
Cependant, les fameux décrets d'octobre ne conviennent pas à tout le monde dans la mesure
où il y a en Russie des nostalgiques du régime tsariste, des mencheviks, des socialistes-
révolutionnaires (SR) opposés à la collectivisation des moyens de production (ils sont très
bien implantés dans les campagnes), et des libéraux partisans de l'esprit de février 1917. Tous
ces courants d'opposition sont pourchassés dès janvier 1918. Pendant ce temps, la nouvelle
constitution de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) est rédigée
et ratifiée le 10 juillet 1918. Les différents organes qu'elle prévoit, depuis les Soviets locaux
jusqu'au Congrès des Soviets, sont mis en place au début de 1918.
- une opposition des nationalités, qui soulève contre le pouvoir central des bolcheviks tous les
peuples traditionnellement en lutte pour obtenir leur autonomie : Ukraine, Finlande, Arménie,
Géorgie… À cause de ce mouvement, six mois après la prise du pouvoir, les bolcheviks
contrôlent à peine un quart du territoire de la Russie des tsars.
- une opposition étrangère, incarnée par les anciens alliés de la Russie tsariste pendant la
Première Guerre mondiale, et inspirée par la peur de voir la Révolution bolchevique se
répandre dans le monde.
Le danger principal pour les bolcheviks vient du soutien apporté aux aristocrates contre-
révolutionnaires par les puissances étrangères. La France et la Grande-Bretagne sont en effet
d'autant plus acharnées à la perte du régime soviétique que les bolcheviks ont signé en mars
1918 avec l'Allemagne un traité de paix séparée, le traité de Brest-Litovsk, qui comporte
certes pour la Russie d’importantes pertes territoriales, mais qui est vécu à Paris et à Londres
comme une trahison. Le résultat est qu’à la fin de la Première Guerre mondiale, les deux
capitales occidentales donnent le coup d'envoi d'une intervention militaire étrangère aux côtés
des Russes blancs, face à laquelle les bolcheviks réagissent avec l'énergie du désespoir. En
1919, la toute jeune Armée Rouge créée un an auparavant par Trotski réussit cependant à
desserrer l’étau occidental. En 1920, les corps expéditionnaires français et britanniques se
retirent, laissant l'Armée Rouge affronter pendant un an l'offensive spectaculaire déclenchée
par la Pologne pour agrandir les frontières que lui a données le traité de Versailles.
Le bilan de ces trois années de guerre supplémentaire est particulièrement lourd. Entre 7 et 10
millions de personnes sont mortes entre 1918 et 1922, principalement de faim et d'épidémies.
Ces décès s’ajoutent à ceux de la Première Guerre mondiale. En outre, le contexte de guerre
civile et étrangère a justifié la mise en place d'une dictature économique et politique qui prend
le nom de « communisme de guerre ». Ainsi, face aux difficultés, l'appareil d'État a été
renforcé dès les premiers mois de la Révolution, et la bureaucratie s’est développée. La
reprise en main revêt un incontestable volet policier, avec la création en janvier 1918 de la
police politique, la Tcheka, chargée d'éliminer les ennemis de l'intérieur. Le contexte favorise
les méthodes les plus répressives : des tribunaux révolutionnaires et des camps de
concentration apparaissent alors. Sur le plan économique, la situation d'urgence entraîne une
étatisation qui se traduit par la nationalisation plus ou moins rapide des moyens de
production : flotte marchande, entreprises industrielles, chemins de fer, mines, exploitations
agricoles. Dans l'agriculture, on crée des fermes d’Etat (sovkhozes) sur les grands domaines
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À la mort de Lénine, le 21 janvier 1924, Staline a toutes les cartes en main. Il peut se
présenter comme l'héritier du défunt. Il diffuse ses thèses et organise le culte rendu à sa
mémoire. Ainsi, un mausolée pour Lénine est édifié sur la Place Rouge, en plein centre de
Moscou. Sur le plan économique, c'est la continuité dans la NEP, qui permet à Staline de se
poser en modéré. Les résultats commencent à se faire sentir, puisque le niveau de production
agricole de 1913 est retrouvé en 1923, et que la production industrielle connaît une embellie.
À l'intérieur du Parti, Staline peut mettre à l'écart tout ceux qui le gênent, notamment Trotski,
qui ne s'est rallié aux bolcheviks qu'en 1917 et s'est opposé à plusieurs décisions importantes
du nouveau régime, depuis Brest-Litovsk jusqu'à la NEP. En 1928, l'heure est venue pour un
nouveau tournant. Il sera décisif, puisqu'il va imprimer le régime jusqu'en 1953 sous le nom
de stalinisme.
1) La concentration du pouvoir
Staline est parvenu à éliminer ses opposants lors de la succession à Lenine en se présentant
comme un point d'équilibre au sein du Parti. Dès lors, il reprend certaines orientations de
Lénine, en en modifiant quelquefois le sens. Ainsi, depuis 1917, le régime soviétique se veut
démocratique. En théorie, le pouvoir appartient à des assemblées, les Soviets, qui représentent
le prolétariat à différents niveaux (commune, canton, district, province, Union). Cette
conception du pouvoir est confirmée dans les constitutions. Celle de 1923, ratifiée en 1924,
reprend les dispositions de la constitution de 1918. Elle institue l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques, qui repose sur des Soviets locaux élus au suffrage universel. Au
sommet de la pyramide des Soviets, on trouve le Congrès des Soviets de l'Union, qui désigne
le Comité exécutif central (le Tsik). Celui-ci délègue en fait ses pouvoirs à deux organes
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permanents, qui jouent un rôle essentiel dans le système : le Praesidium du Tsik d'un côté, et le
Conseil des Commissaires du Peuple de l'autre. La concentration du pouvoir est ainsi
clairement affirmée.
Au milieu des années 1930, Staline veut souligner davantage la dimension démocratique du
régime soviétique. Il s'agit de gommer l'image répressive du régime. En 1936, il présente donc
une nouvelle constitution, qui instaure le suffrage universel, fait référence aux droits de
l'homme, et confère une autonomie théorique aux républiques fédérées. Dans ce texte, le
Congrès des Soviets de l'Union est remplacé par un Soviet suprême. Mais il ne s'agit que d'un
changement de façade, étant donné que la réalité du pouvoir est conservée essentiellement par
le PCUS.
Cela n'est possible que parce que dès 1917, le Parti est au coeur de l'appareil d'État, au point
qu'il se confond peu à peu avec lui. À partir de 1922, alors que toutes les autres organisations
politiques ont été supprimées, le Parti exerce un contrôle total sur la vie publique. C'est lui qui
désigne les listes uniques de candidats soumis aux électeurs, à tous les niveaux, de même que
les candidats aux fonctions exécutives. Il contrôle également les fonctionnaires, qui lui
rendent des comptes. Surtout, les instances suprêmes du pouvoir exécutif de l'État sont
doublées par les plus hautes instances dirigeantes du Parti : au Praesidium du Soviet suprême
et au Conseil des Commissaires du Peuple correspondent le Comité central et le Bureau
politique (Politburo) du Parti. Dans ces conditions, le chef de l'État en URSS, c'est-à-dire le
Président du Praesidium du Soviet suprême, a moins de pouvoir que le secrétaire général du
Parti.
Au fil des années, grâce à l'élimination de ses opposants et à la promotion d'apparatchiks
dévoués, Staline a réussi à dominer le Parti de façon toute-puissante. Dès 1930, le Bureau
politique n'est composé que de staliniens, et les congrès annuels du Parti ne jouent aucun rôle.
De 1934 à 1939, la quasi totalité des cadres du Parti est d'ailleurs renouvelée. Dans ces
conditions, ces nouveaux apparatchiks soutiennent Staline de façon inconditionnelle parce
qu'ils lui doivent leur ascension (Jdanov, Beria, Malenkov, Khrouchtchev).
C'est ce qui permet à Staline d'exercer un pouvoir personnel remarquable. Cette
personnalisation du pouvoir est renforcée par un culte de la personnalité qui s'adresse d'abord
aux militants du Parti, mais aussi à l'opinion. Ce culte apparaît en 1929, pour le 50e
anniversaire de Staline. La production artistique et littéraire valorise l'image du nouveau
Lénine, et du constructeur du socialisme. L'histoire joue un rôle central dans ce culte, facilité
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 27
par la disparition de tous les autres bolcheviks de 1917 (Trotski s'est exilé en 1929 et a été
assassiné au Mexique en 1940).
2) La mobilisation économique
A la concentration du pouvoir correspond la mobilisation économique, qui doit mettre les
facteurs de production au service de la puissance politique. Cela revêt plusieurs formes.
La collectivisation agraire est une réalisation centrale du régime à partir de 1929. Elle répond
à trois objectifs : mieux contrôler les paysans, qui représentent 80 % de la population
soviétique, par l'intermédiaire des structures créées dès 1918 que sont les fermes d'État
(sovkhozes) et les coopératives agricoles (kolkhozes) ; marginaliser le secteur privé et réduire
le pouvoir de la petite bourgeoisie rurale des paysans propriétaires, les koulaks ; transférer les
revenus du produit agricole vers la politique d'industrialisation par le biais de l'action de
l'État, quitte à sacrifier l'agriculture à l'industrie. Dès 1930, le régime stalinien enclenche la
"dékoulakisation" : sous l'action de la terreur, les koulaks sont expropriés, et une bonne partie
d'entre eux sont déportés. La collectivisation s'effectue à marche forcée, dans un climat qui
n'est pas loin de rappeler la guerre civile. En 1937, elle est quasiment achevée, au prix d'une
famine qui fait près de 6 millions de morts. Les kolkhozes représentent alors 93 % des
exploitations.
De son côté, l'industrialisation fait l'objet d'une priorité politique, définie par des plans
quinquennaux lancés à partir de 1928 (1928-1932 : premier plan ; 1933-1937 : deuxième plan,
etc...). Cette industrialisation se caractérise par la suppression du secteur privé, qui est
effective dès 1931. Officiellement, cela répond à l'objectif idéologique d'édification de la
société sans classes. Mais en pratique, les objectifs sont surtout économiques : contrôler
l'ensemble des investissements et de la production pour donner la priorité aux énergies et à
l'industrie lourde au détriment des industries de biens de consommation. Il en résulte un
certain irréalisme dans les performances recherchées, qui n'est pas sans lien avec la
propagande orchestrée. En effet, l'industrialisation mobilise l'ensemble de la société. Les
intellectuels et les artistes sont mis à contribution pour exalter la figure de l'ouvrier au nom du
"réalisme socialiste". Les conditions de travail sont rationalisées afin d'améliorer la
productivité. Les ouvriers sont encouragés à se dépasser, à l'image du mineur Stakhanov, qui,
selon la propagande, abat 102 tonnes de charbon en 6 heures en août 1935. On met sur pied
une véritable bureaucratie pour surveiller la réalisation du plan et la productivité des
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 28
3) Un système totalitaire
Avec le stalinisme, le contrôle politique ne se limite pas à l'appareil du Parti et aux fonctions
les plus élevées de l'État. La société russe perd aussi tout caractère pluraliste, ce qui se voit
particulièrement bien dans le domaine religieux et dans le domaine culturel. La religion
chrétienne orthodoxe est en effet une cible privilégiée de l'action politique, dès la fin de la
période du communisme de guerre. Un contrôle des autorités locales est effectué sur les
paroisses, et à partir de 1929 les prêtres sont assimilés aux koulaks. Dans ces conditions, en
1932, il ne reste que quatre évêques russes orthodoxes sur 160, et 4200 paroisses sur 54000. Il
faut attendre le tournant de 1941 et l'entrée en guerre de l'Allemagne nazie contre l'URSS
pour voir le régime soviétique et l'Eglise orthodoxe se rapprocher. En parallèle, durant tout
l'entre-deux-guerres, les fidèles des confessions musulmane et juive sont inquiétés parce que
leur spécificité religieuse est jugée contre-révolutionnaire.
Cette logique répressive n'a pu être développée qu'à l'aide d'un appareil très perfectionné. Né
dans un contexte de révolution et de guerre civile, le régime soviétique a mis en place un
arsenal répressif de façon précoce pour venir à bout de tous les types d'oppositions :
opposition politique, avec des formations adverses et concurrentes comme les mencheviks ou
les socialistes-révolutionnaires (SR) ; opposition sociale, les bolcheviks considérant
naturellement la bourgeoisie comme un ennemi de classe ; opposition des minorités
nationales, avec les mouvements autonomistes dans le Caucase (Arméniens, Géorgiens) ou en
Asie centrale (Azerbaïdjan, Kazakhstan). La lutte contre les opposants a pris plusieurs formes.
La propagande a été très développée, grâce notamment à l'organe de presse officiel du Parti, la
Pravda. La surveillance politique a été constante grâce à une police spécialisée : à la Tcheka
(1918) a succédé le Guépéou (1922), lui-même transformé en NKVD (1934). Celui-ci
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 29
emploie, à la fin des années 1930, plus d'un million de personnes et fait régner un climat de
suspicion généralisée. Enfin, des moyens de coercition de masse ont été organisés avec la
mise en place d'un système concentrationnaire dès 1918 autour de l'administration du Goulag.
Dans les années 1930, la déportation des déviationnistes politiques, des koulaks, puis des
victimes des épurations staliniennes dans l'Armée Rouge et le Parti prend de l'ampleur : de
1930 à 1953 (mort de Staline), 15 millions de Soviétiques sont passés par le Goulag.
Cette terreur d'État s'est peu à peu modifiée. Jusqu'au milieu des années 1930, elle a concerné
des fractions parfois importantes de la population. De 1936 à 1938, c'est l'ensemble de la
société soviétique qui est visée. Cela répond à deux objectifs : d'une part, un objectif officiel
d'élimination d'une opposition menaçante au sein du Parti lui-même. Dès janvier 1935, la
répression est dirigée contre d'anciens responsables soviétiques, Zinoviev et Kamenev,
accusés d'avoir animé des réseaux contre la ligne définie par Staline. D'autre part, un objectif
plus profond de renforcement du contrôle personnel et totalitaire de Staline sur le Parti et
l'État. Menées par le NKVD, les purges de 1936 à 1938 touchent le Parti dans toutes les
régions, à tous les niveaux, et sont particulièrement sévères à Moscou dans les instances
supérieures. Il s'agit d'éliminer tous ceux qui risquent de gêner le pouvoir personnel de Staline
(officiers de l'Armée Rouge, vieux militants, notables locaux et apparatchiks). En deux ans,
1,5 million de personnes ont été arrêtées, et 680000 exécutées, au terme de procès souvent
expéditifs.
Même s'il se veut démocratique, le stalinisme présente donc tous les aspects d'un système
totalitaire : absence de libertés, terreur et répression arbitraire, étatisation de l'économie, de la
société et de la culture, volonté de former un Homme Nouveau sur le modèle de l'ouvrier zélé
et instruit. Le "socialisme dans un seul pays", fondé sur l'accroissement du pouvoir d'État et la
mobilisation du prolétariat au service de la production, semble bien éloigné des principes
originels du marxisme. Mais il n'y a pas que l'URSS à avoir engendré un totalitarisme dans
l'entre-deux-guerres.
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 30
C'est bien le roi Victor-Emmanuel III qui porte Mussolini au pouvoir. Deux raisons militent
pour ce choix :
- depuis l'été 1922, le PNF semble maître de la rue. L’annonce d'une mobilisation des troupes
fascistes fait craindre une guerre civile. En appelant Mussolini au pouvoir avant l'arrivée des
Faisceaux à Rome, Victor-Emmanuel espère éviter d'un coup d'État et pense normaliser le
fascisme;
- la démission du ministère Facta souligne l'absence de majorité stable, susceptible de soutenir
un gouvernement. Seule l'Union nationale pouvait sauver le régime. Mais, en refusant d'entrer
dans un tel gouvernement, Mussolini a, comme les socialistes, fait échouer cette perspective.
Il faut toutefois relativiser la portée de la décision de Victor-Emmanuel III le 29 octobre 1922.
Le premier gouvernement de Mussolini regroupe en effet des représentants de différents partis
(dont le PPI, c’est-à-dire les démocrates chrétiens), et s'appuie sur une majorité parlementaire.
C'est donc dans le cadre du régime libéral que Mussolini opère progressivement sa révolution
fasciste. Dans un premier temps, il obtient des parlementaires le vote des pleins pouvoirs (les
24 et 29 novembre 1922). Puis, des élections donnent aux fascistes une écrasante majorité
(avril 1924). Ce n’est véritablement qu’après l’assassinat du député socialiste Matteotti par
des miliciens fascistes, le 19 juin 1924, que Mussolini a tendance à durcir son régime: c'est
alors que le régime parlementaire disparaît, et que la dictature commence.
Dans ce contexte, le mécanisme de la démocratie semble brisé. A partir de mars 1930, pour
éviter de faire appel aux sociaux-démocrates du SPD, le vieux maréchal Hindenburg,
président de la République, constitue des gouvernements qui n'ont pas de majorité
parlementaire. Sans légitimité populaire, ses chanceliers, pris au sein du Zentrum (Brüning)
ou de la droite conservatrice du DNVP (von Papen, von Schleicher) doivent s'imposer par la
force : ils dissolvent le Reichstag trois fois en deux ans. Mais ils sont impuissants à contenir la
violence de rue. Ainsi, communistes et nazis se livrent à une sanglante surenchère. En janvier
1933, von Schleicher tente de désamorcer la crise en envisageant une réforme sociale
relativement audacieuse, mais il est désavoué par Hindenburg, qui est devenu la seule source
de légitimité politique.
Rappel
5 mars 1933 : Elections au Reichstag : majorité relative pour le NSDAP (44% des voix)
23 mars 1933 : 441 députés (contre 92) votent les pleins pouvoirs à Hitler
Juin 1933 : Liquidation des partis. Le NSDAP devient un parti unique
Janvier 1934 : Abolition des institutions locales
1er août 1934 : Mort de Hindenburg. Hitler reste chancelier et devient président
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 35
milieux d'affaires, des hauts fonctionnaires et de la famille royale. Mussolini récolte des fonds
importants, qui lui permettent de professionnaliser et de salarier ses troupes.
Dès lors, la synthèse fasciste s'apparente à une droite populaire.
d'abord au sein des classes moyennes indépendantes et des jeunes, puis dans les différentes
couches de la société;
- une action directe présentée non comme une menace putschiste, mais comme une
participation à la lutte contre le communisme : le développement des SA, puis des SS est
justifié par la volonté de maintenir l'ordre;
- une participation au jeu électoral. Tout au long de la stabilisation de la République de
Weimar, le NSDAP stagne. Les élections législatives de mai 1928 n'envoient que 12 députés
au Reichstag. Celles de novembre 1930 et de juillet 1932 enregistrent une poussée
impressionnante (107, puis 230 députés). Parvenu au second tour de l'élection présidentielle,
le 10 avril 1932, Hitler recueille plus de 13 millions de voix (soit près de 37% des suffrages
exprimés), face à Hindenburg (53%), pourtant soutenu par l'ensemble des partis politiques (à
l'exception du KPD, qui présente son propre candidat).
En 1932, le nazisme est devenu un phénomène de masse dont les motivations sont confuses,
voire contradictoires : expression d'un mécontentement, aspirations révolutionnaires, volonté
de retour à l'ordre... Alors qu'il est soutenu par une partie des élites allemandes, il représente
une droite en rupture plus radicale avec le système que le fascisme au moment de son arrivée
au pouvoir.
1) Le culte du chef
Dans l'opposition, les progrès du fascisme et du nazisme reposent en partie sur la fascination
exercée par Mussolini et Hitler sur les masses. Une fois arrivés au pouvoir, ces deux hommes
utilisent leur charisme, source de légitimité pour exercer le pouvoir. La relation qui les lie aux
masses comporte une dimension affective et irrationnelle :
Mussolini Hitler
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 38
Il est clair que les deux hommes ont aussi bénéficié d’un certain recul de la pensée rationaliste
occidentale, particulièrement perceptible avant même la Première Guerre mondiale avec le
développement de la psychanalyse et de la philosophie de l’instinct. Ainsi, dès la fin du XIXe
siècle, le philosophe allemand Nietzsche dénonce une pensée occidentale appauvrie, qui
véhiculerait des fausses valeurs, parmi lesquelles figurent la justice et la démocratie. À la
morale du troupeau, il oppose celle du Surhomme, dont la volonté de puissance peut
transformer le monde. Cette pensée légitime la violence politique et un certain anarchisme
individualiste, à l'instar d'autres travaux menés à la veille de la Grande Guerre, comme ceux
de l’intellectuel et militant syndicaliste-révolutionnaire français Georges Sorel, qui rédige ses
Réflexions sur la violence en 1906. Sorel a été lu par Mussolini et Hitler, qui en ont retenu
l’exaltation du coup d’éclat individuel en politique.
2) Le parti unique
En Allemagne, la loi sur l'instauration du parti unique (14 juillet 1933) sanctionne un état de
fait, puisque les différents partis ont été interdits au préalable. Dirigé par Rudolf Hess, un
proche de Hitler, le NSDAP doit être monolithique, afin de soutenir efficacement le régime.
En conséquence, l'aile gauche du parti, structurée autour des SA et de leur chef Röhm, est
brutalement éliminée lors de la « Nuit des Longs Couteaux », du 29 au 30 juin 1934. Le
NSDAP est alors devenu un véritable parti de masse : il rassemble 4,5 millions d'adhérents.
La loi du 1er décembre 1933 sur « la sauvegarde de l'unité du parti et de l'État» confond l'État
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 39
et le parti, ce qui donne à celui-ci un pouvoir exclusif et dominant : les chefs du parti sont
automatiquement promus comme ministres. Dirigées par Heinrich Himmler depuis 1929, les
SS (Sections Spéciales) symbolisent cette confusion : cette formation paramilitaire, émanant
du NSDAP, devient une véritable armée de 200000 hommes et double les instances régulières
de l'État (police et armée).
En Italie, ce sont les lois «fascistissimes» de novembre 1926 qui suppriment la liberté de la
presse et dissolvent les partis hostiles au régime. Devenu un parti unique, le Parti national
fasciste joue un rôle comparable au NSDAP. Dirigé à partir de 1931 par Achille Starace, il
regroupe plus de 2 millions d'adhérents. Il participe activement à la propagande du régime et
au maintien de l'ordre, par l'intermédiaire de la milice, qui comprend jusqu'à 700000 hommes.
Depuis 1932, tout fonctionnaire est contraint d'y adhérer: l'ensemble de l'État italien est ainsi
fascisé.
La pratique du parti unique facilite la mise au pas des institutions :
- en Italie, elle a lieu de façon progressive. En 1925-1926, plusieurs lois mettent fin au
système parlementaire : responsable devant le roi seulement, le chef du gouvernement peut
légiférer par décret, tandis que les parlementaires perdent leur droit d'initiative. À partir de
1928, le recrutement de la Chambre des députés dépend totalement du Grand conseil du
fascisme, qui comprend les compagnons du Duce, les ministres, et quelques hauts
fonctionnaires. En 1938, elle est remplacée par une Chambre des Faisceaux et des
Corporations, qui comprend les dirigeants des organisations fascistes;
- en Allemagne, le Reichstag n'est plus qu'une Chambre d'enregistrement. La loi du 30 janvier
1934 sur la reconstitution du Reich ôte tout pouvoir aux Länder, désormais contrôlés par des
Staathalter, gouverneurs tout-puissants représentant directement le Führer.
3) Les structures-relais
Le Parti n'est pas le seul instrument au service de l'État totalitaire. Diverses structures
permettent de contrôler la société. La jeunesse fait l'objet d'une attention spécifique. Elle est
embrigadée dans des mouvements qui diffusent les valeurs du régime (autorité, obéissance au
chef, croyance en l'Homme Nouveau, refus de l'individualisme), et qui empruntent aux
organisations paramilitaires une partie de leur organisation et de leur rituel. En Italie, les
enfants sont inscrits aux Fils de la Louve de quatre à huit ans, aux Balilla et aux Jeunes
italiennes de 8 à 14 ans, aux Avanguardisti et aux Jeunes italiennes entre 14 et 18 ans. Les
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 40
1) Le contrôle de l'économie
Fascisme et nazisme sont tiraillés entre leur propension au dirigisme économique
(conséquence de leur antilibéralisme et de leur culture autoritaire) et la nécessité de respecter
l'autonomie des industriels qui ont permis leur arrivée au pouvoir. Ils ont dû conserver un
système capitaliste, mais leur politique a suivi plusieurs phases. Le contrôle de l'État sur
l'économie se renforce peu à peu, et aboutit, en 1940, à l'instauration d'une économie de
guerre marquée par l'étatisation de fait des économies allemande et italienne.
Phases Italie Allemagne
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 41
2) La propagande
Le contrôle des esprits se fait par l'action des groupements politiques, mais aussi par une
intervention directe du pouvoir sur l'opinion. La propagande est un souci constant des régimes
totalitaires : elle est l'objectif prioritaire d'une politique culturelle souvent ambitieuse, qui
s'adresse aux masses. En Allemagne, elle est confiée à l'un des principaux dirigeants du parti
nazi, Joseph Goebbels, qui fait appliquer les principes préalablement définis par Hitler:
confusion entre information et propagande, simplification et répétition de thèmes et d'images
propres à mobiliser les foules, anti-intellectualisme. En Italie, le ministère de la Presse et de la
propagande se transforme, en 1937, en un grand ministère de la Culture populaire : il filtre les
informations destinées aux journaux et propage des messages pro-gouvernementaux sur des
supports multiples. Dans les deux États, les affiches géantes, les actualités
cinématographiques, la radio, les cartes postales sont particulièrement prisées, dans la mesure
où elles recourent à des effets (montage, jeux sur l'image et le son) qui favorisent un rapport
affectif à la politique. Les grandes manifestations (ex : les grandes messes aux flambeaux du
parti nazi à Nuremberg) exacerbent l'émotion des masses, et symbolisent l'unité de la nation
derrière le régime et son chef. Ces rassemblements sont l'occasion d'une communion quasi-
mystique entre les dirigeants et la foule. Organisées par le parti nazi dès les années 1920, les
fêtes données chaque année à Nuremberg permettent à l'ensemble des composantes de la
société (jeunesses, travailleurs, sportifs, militants...) de manifester leur adhésion au régime :
principal ordonnateur de ces rassemblements, Albert Speer leur donne une dimension quasi-
religieuse. En Italie, les grandes cérémonies se font de plus en plus fréquentes, comme pour
éviter le détachement de l'opinion par rapport au régime : la proclamation de la prise d’Addis
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 42
Abbeba (Ethiopie, 1936), la Journée de l'Empire (1937), ou la visite officielle de Hitler (1938)
donnent lieu à des parades grandioses.
Contrôlée par des organismes d'État, la production artistique doit véhiculer les valeurs du
régime. L'architecture se veut grandiose, les films cinématographiques mettent en exergue
l'histoire nationale et les qualités de la race, la littérature est généralement édifiante. En Italie,
les artistes conservent une relative liberté, à condition de ne pas s'engager sur le terrain
politique (ex : Musée de la Civilisation Romaine, au Sud de Rome). En Allemagne, la
nazification culturelle est précoce et complète. Dès 1933, les bibliothèques publiques sont
expurgées des «mauvais livres», brûlés lors d'autodafés spectaculaires. Les artistes juifs, mais
aussi les non-conformistes, sont l'objet de tracasseries et doivent souvent s'exiler. Coupable
d'être non-figuratif et « non-allemand », l'art moderne est considéré comme dégénéré. La
liberté, fût-elle esthétique, n'est pas compatible avec un régime étendant son contrôle sur la
vie des citoyens.
1) La répression politique
L’unification morale et politique de la Nation se fait également par la terreur. Nazisme et
fascisme ont accédé au pouvoir dans un contexte de violence politique, qui permet de
légitimer l'utilisation du terrorisme d'État. La répression politique est précocement employée:
- en Italie, la répression concerne essentiellement les adversaires déclarés du régime. Les
communistes sont traqués par la police politique: l'OVRA (Organisation de vigilance et de
répression de l'antifascisme). Ils sont traduits devant le Tribunal spécial, qui prononce surtout
des peines d'emprisonnement et de relégation au bagne ;
- en Allemagne, la répression est organisée à une autre échelle. Dès le printemps 1933, le
mécanisme de la terreur de masse est mis en place. Le régime crée des camps de
concentration (mais c’est une invention de l’URSS des années 1920, et les Britanniques en
ont aussi créé pendant la Guerre des Boers au tout début du XXe siècle) pour accueillir les
militants communistes et socialistes arrêtés au lendemain de l'incendie du Reichstag (ex.
Dachau). A la veille de la Seconde Guerre mondiale, près d'un million de personnes sont
détenues dans une cinquantaine de camps, où la mortalité est très élevée (il ne faut toutefois
pas confondre avec les camps d’extermination, créés en 1941-1942 en relation avec la
Solution Finale, comme Auschwitz-Birkenau). La terreur de masse est l'une des armes
principales de cette répression, qui s'attaque à toutes les oppositions politiques. Dès juin 1934,
«la Nuit des Longs Couteaux» se conclut par l'élimination massive des SA. La terreur d'État
est l'œuvre de la SS et de la Gestapo (la police politique), qui, à partir de 1936, sont toutes
deux dirigées par Himmler. Symbole du régime, la SS est rationnellement organisée : elle
comprend une branche administrative, des sections spécialisées (pour la gestion des camps de
concentration notamment) et un corps militaire d'élite (la Waffen-SS).
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 44
2) L’antisémitisme
Après l’élimination d’une grande partie des dirigeants communistes, les Juifs constituent une
cible privilégiée pour le régime hitlérien. L’antisémitisme est une composante fondamentale
de l’idéologie nazie depuis Mein Kampf. Il inspire une politique de discrimination, puis de
persécution de plus en plus violente, comme si les dirigeants souhaitaient répondre aux
difficultés de la société allemande par la recherche de boucs-émissaires.
Rappel :
1933 Boycott des magasins juifs
1933-1934 Exclusion des Juifs hors de certaines
professions (fonction publique, presse, culture,
barreau)
Septembre 1935 Lois de Nuremberg : les Juifs sont exclus de la
citoyenneté allemande
1935-1938 Décrets additionnels aux lois de Nuremberg :
mise en place d’un régime d’exception pour
les Juifs
Ces dispositions antisémites s'appuient sur une propagande faisant du Juif l'ennemi de la
Nation. Le cinéma par exemple conditionne l'opinion allemande, apparemment indifférente à
une politique devenue meurtrière avant même la Seconde Guerre mondiale.
Le fascisme repose également sur une idéologie raciale. Mais, en Italie, la politique antisémite
n'atteint pas la même dimension meurtrière : elle repose essentiellement sur des lois
d'exclusion des Juifs.
3) Le nationalisme
La politique extérieure des régimes fasciste et nazi correspond à une double logique :
- elle justifie le projet totalitaire : l'encadrement de l'économie et de la société, la répression de
toutes les forces antinationales, l'amélioration de la race, le triomphe du principe d'autorité
sont censés préparer la Nation à une expansion territoriale et à la guerre.
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 45
- elle canalise vers l'extérieur la violence propre aux idéologies fasciste et nazie, l'étranger
jouant (au même titre que le communiste et le juif) le rôle de bouc-émissaire.
Toutefois, l'expansionnisme de ces deux pays ne s'inscrit pas dans la même culture :
- la politique extérieure du régime fasciste reprend la mystique impérialiste du nationalisme
italien, telle qu'elle a été développée depuis la fin du XIXe siècle. Ainsi, la guerre d'Éthiopie
(1935-1936) permet d'accroître un Empire colonial déjà composé de la Libye, de l'Erythrée et
d'une partie des côtes somaliennes. Elle témoigne d'une volonté de présence italienne en
Méditerranée, qui se traduit également par l'implantation de colonies d'émigrants en Tunisie,
en Algérie et dans l'île de Malte. À la fin des années 1930, Victor-Emmanuel III est ainsi roi
d'Italie, Empereur d'Éthiopie et roi d'Albanie, après l'annexion de ce pays en 1939.
- l'expansionnisme allemand reste cantonné au continent européen. Il repose sur des
considérations politiques multiples : il s'agit à la fois d'effacer la honte du traité de Versailles,
d'illustrer les qualités diplomatiques et guerrières de Hitler, de donner corps au rêve d'une
Mitteleuropa germanique et d'élargir l'espace économique et commercial allemand. En juillet
1934, Hitler dévoile la logique de sa politique : avec l'appui des nazis autrichiens, il tente une
annexion de l’Autriche, mais doit renoncer sous la pression italienne. L’annexion réussie de
l’Autriche (Anschluss, 12 mars 1938), des Sudètes (29 septembre 1938), puis de la Bohême-
Moravie (15 mars 1939) constituent autant d'étapes du projet nationaliste de Hitler.
Conclusion
Le fascisme et le nazisme, s’ils se rejoignent sur certains points (dynamique révolutionnaire
fondée sur une idéologie globalisante, embrigadement totalitaire), obéissent à des évolutions
différentes : la transformation de la dictature fasciste en totalitarisme prend une décennie et
reste partielle, tandis que le nazisme s'impose d'emblée par la terreur et la mort. Quant à la
comparaison des deux régimes avec l’URSS de Staline, elle est assez largement biaisée : là où
Staline remet à un futur indéterminé la révolution mondiale pour assurer par la terreur la
construction du « socialisme dans un seul pays », afin de faire de l’URSS la « mère-patrie du
socialisme », le régime nazi rejette la nazification totale de la société allemande au lendemain
de la victoire finale, en ne ciblant pendant longtemps que des minorités précises qualifiées
d’« ennemis intérieurs ». Les nazis obtiennent ainsi un « ralliement de raison » des élites et de
la population allemandes, que Staline n’obtient que par la répression. L’articulation entre
politique intérieure et politique extérieure est donc très différente entre les deux pays. En
A. CHAUOU -–Lycée de Kerichen – Pôle CMC 46
Sommaire
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