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La philo au berceau

LA STRATÉGIE DE L’ENFANCE

Laurent Bachler

ERES | « Spirale »

2016/4 N° 80 | pages 272 à 273


ISSN 1278-4699
ISBN 9782749253985
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.inforevue-spirale-2016-4-page-272.htm
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La pause philo de Laurent Bachler,
professeur de philosophie à Chambéry,
laurent.bachler@neuf.fr
La philo au berceau

La stratégie de l’enfance

« Si les adultes font croire aux enfants qu’eux-


mêmes sont des adultes, les enfants, eux,
“laissent” croire aux adultes qu’eux-mêmes
sont des enfants. Des deux stratégies, la
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dernière est la plus subtile, car si les adultes l’autre et dans les relations à l’autre serait
croient qu’ils sont des adultes, les enfants, finalement de dépendre de ces relations et de
eux, ne croient pas qu’ils sont des enfants. Ils ce regard. Prisonnier de ce jeu de regard, nous
le sont, mais ils n’y croient pas. Ils naviguent serions alors soumis à l’autre. Finalement, j’ai
sous le pavillon de l’enfance comme sous un besoin de l’autre pour qu’il me dise ce que je
pavillon de complaisance 1. » suis, ce que je dois être, et même ce que je veux
être. Je n’existe que dans le regard de l’autre. Je
Jean Baudrillard suis donc totalement dépendant de lui, soumis à
l’autre, contrôlé par l’autre.
« Les enfants naviguent sous le pavillon de
l’enfance comme sous un pavillon de complai- C’est pourquoi Jean Baudrillard défend cette
sance. » Par cette formule saisissante, le philo- idée paradoxale : il vaut mieux être contrôlé par
sophe Jean Baudrillard pointe ce qu’il nomme quelqu’un d’autre que par soi-même. Comment
une stratégie « lascive ». Nous construisons comprendre ce paradoxe ? Cela tient au fait que
notre identité en laissant les autres nous mettre dans la soumission à l’autre, au moins nous
dans une position ou une posture, en laissant avons quelque chose à quoi nous opposer, un
les autres nous dire qui nous sommes. Nous point sur lequel exercer notre résistance et notre
subtilisons ainsi aux autres une part d’énergie, contestation. Cela implique donc que, certes,
une « énergie volée », pour découvrir ce que nous prenons appui sur le regard de l’autre pour
nous sommes. définir ce que nous sommes, mais nous gardons
la liberté de refuser, à tout moment, cette iden-
Pour autant, cela ne fait pas de notre identité tité, cette image, ce rôle. Nous gardons la liberté
quelque chose de figé et d’aliénant. Le risque de ne pas nous réduire à ce que l’autre pense de
que nous courons à vivre sous le regard de nous. Nous gardons la liberté de laisser croire

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Ne soyons toutefois pas naïfs. Il peut arriver
à tous, adultes comme enfants, d’être dupes
à l’autre que nous sommes tels qu’il nous veut, de cette stratégie et de croire que nous nous
sans l’être véritablement. confondons alors avec cette identité d’emprunt.
Cela arrive souvent lorsque nous croyons en
C’est très exactement cela qu’ont compris notre propre essence. Lorsque nous oublions
les enfants. Ils laissent en quelque sorte les que nous jouons aux adultes et que nous nous
adultes leur dire ce que doit être l’enfance. Et ils croyons vraiment adultes, en pensant même
suivent ce plan. Mais ils savent en eux-mêmes que c’est là notre essence, ou notre finalité, alors
qu’ils ne sont enfants que pour ces adultes, et nous perdons notre liberté. « L’ironie supérieure
qu’ils sont aussi autre chose, et qu’ils seront de la communauté est perdue. » La liberté donc
bien autre chose que cela. Ils acceptent finale- est l’enjeu de cette stratégie lascive. Cette stra-
ment, par un acte de complaisance envers les tégie de l’enfance, par laquelle l’enfant laisse
adultes, de jouer les enfants. Cela permet aux croire à l’adulte qu’il est l’enfant que l’adulte
adultes de se dire qu’ils sont bien des adultes. veut, est en réalité la liberté de l’enfance.
Mais les adultes sont dupes de cette stratégie
qui consiste à laisser l’autre nous dire ce que
nous sommes ; alors que les enfants ne le sont
probablement pas. « Celui qui laisse croire est
toujours supérieur à celui qui croit », nous dit 1. J. Baudrillard, La transparence du mal. Essai sur les
encore J. Baudrillard. phénomènes extrêmes, Paris, éd. Galilée, 1990.

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