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Le Lierre et la chauve-souris - Propos liminaires : traits dʼune esqui…la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle - Presses Sorbonne Nouvelle

02/08/2019 8(21 AM

Presses
Sorbonne
Nouvelle
Le Lierre et la chauve-souris | Élizabeth Durot-Boucé

Propos liminaires :
traits d’une
esquisse
culturelle. Le
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climat intellectuel à
e
la fin du XVII
e
siècle et au XVIII
siècle
p. 29-48

Texte intégral
It was the best of times, it was the worst of times, it
was the age of wisdom, it was the age of foolishness,
it was the epoch of belief it was the epoch of
incredulity, it was the season of Light, it was the
season of Darkness, it was the spring of hope, it was
the winter of despair, we had everything before us,
we had nothing before us, we were all going direct to
Heaven, we were all going direct the other way1 —

1688-1760 – Rationalisme et néo-


classicisme
1 L’évolution du genre romanesque au XVIIIe siècle est liée aux
transformations de la vie politique, des structures
économiques et sociales, des mentalités. Le roman reflète la
société, ses idéologies et ses problèmes.
2 En politique, la première moitié du XVIIIe siècle est marquée
par un retour à la stabilité après les déchirements de la guerre
civile et de la Restauration. La révolution de 1688 — tournant

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dans l’histoire politique, sociale et économique de


l’Angleterre — montre un désir de paix, d’équilibre entre le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La monarchie
modérée triomphe. Tel qu’il est expliqué et vanté par Locke
dans ses deux traités sur le gouvernement (Treatises of Civil
Government, 1690), le contrat qui lie les deux parties en
présence apparaît comme rationnel et bénéfique ; le
souverain tire son pouvoir du peuple qui le lui confie
héréditairement dans l’intérêt de la communauté. Le système
politique anglais — ce « mélange heureux, » « concert entre
les Communes, les Lords et le Roi » comme l’appelle Voltaire
dans ses Lettres philosophiques2 — va devenir un modèle
pour les philosophes du XVIIIe siècle.
3 Entre 1714 et 1760, le peuple anglais, las des combats, se
contente de stabiliser les acquis de la Révolution et d’accepter
un système de gouvernement oligarchique. Si l’on excepte la
rébellion jacobite de 1745, ultime tentative de déstabilisation
politico-religieuse et dernière guerre civile sur le sol
britannique, c’est une époque de stabilité en politique, en
religion, en littérature, stabilité nécessaire pour permettre à
la nation de retrouver son équilibre après un siècle de
remous. Les arts reflètent ce même souci d’équilibre et
illustrent une conception de la beauté liée aux notions d’ordre
et de régularité. En musique, l’humanisme classique, c’est-à-
dire l’alliance de la grandeur, de l’équilibre et de la grâce, se
manifeste avec Haendel et s’incarne dans la symphonie, dont
Haydn affirme, par ses œuvres, qu’elle « recherche l’unité
dans la diversité. »3 En architecture, le contraste est
saisissant entre l’emphase des églises et des chapelles
construites sous le règne des premiers Stuarts et l’allure
froide et rationnelle des églises londoniennes de Wren. Il
devient de bon ton, pour les jeunes gens de bonne famille, de

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voyager en France et en Italie. L’un des plus illustres de ces


jeunes voyageurs, Lord Burlington, fait, au début du règne de
Georges Ier, un séjour prolongé en Italie où il s’éprend de
l’architecture palladienne au point de former, à son retour en
Angleterre, une école de jeunes architectes pour concevoir et
exécuter des édifices dans ce style.
4 Ce que l’on estime au plus haut point, c’est le bon sens ; ce
que l’on regarde avec méfiance, c’est l’enthousiasme4. Par
certains côtés, cette époque peut sembler monotone, mais sa
stabilité n’est pas synonyme d’inertie, car, sous cet ordre
apparent, naissent des idées et des mouvements qui vont
s’exprimer pleinement un peu plus tard et subvertir en
profondeur cet ordre superficiel. La vie politique est d’ailleurs
très animée, le pays vivant dans un climat d’élections
permanentes, whigs et tories se livrant une lutte d’influence
passionnée au début du siècle. Les cafés, les clubs, les églises
deviennent des lieux de discussion fiévreuse où l’on brasse
des idées nouvelles, où l’on attaque ses adversaires avec
virulence et où l’on prend la défense de ses alliés avec fougue.
5 La nation peut à présent se consacrer à la tâche de son
développement économique et social. Dans cette atmosphère
d’enthousiasme général se développe une véritable mystique
du commerce, source de richesse et de pouvoir face aux
autres nations5. A ce climat d’optimisme et de confiance
contribuent aussi les philosophes, savants et théologiens qui
essaient d’apporter une réponse aux questions que l’homme
se pose sur lui-même, sur sa destinée et sur le monde qui
l’entoure. Selon Milan Kundera, « le rationalisme du XVIIIe
siècle repose sur la phrase fameuse de Leibniz : nihil est sine
ratione. »6 Newton avec ses Principia (1687) et Locke avec
son Essay concerning Human Understanding (1690)
exercent une influence profonde et ont contribué à faire

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reculer les ténèbres : l’univers est une machine bien réglée


dont le fonctionnement n’a rien de mystérieux. Le XVIIIe
siècle fait de Newton le porte-drapeau de la rationalité
physico-mathématique, du contrôle de la théorie par
l’expérience, de l’induction à partir des phénomènes, du rejet
des hypothèses métaphysiques et des questions d’essence,
ainsi que de la cosmologie créationniste du Dieu horloger.
Newton éclaire ce qui était plongé dans les ténèbres comme le
soulignait Pope dans l’Epitaphe qu’il destinait à Sir Isaac
Newton : « Nature and Nature’s Laws lay hid in Night ; / God
said, Let Newton be ! and all was Light ! »7 L’homme peut
donc éprouver le sentiment réconfortant de vivre dans un
monde rationnel, qu’il peut déchiffrer et ainsi dominer.
L’image de l’univers offerte par Newton et l’interprétation de
l’esprit humain proposée par Locke modifient la façon dont
l’honnête homme voit le monde8. L’essai de Locke ruine
l’innéisme des idées. L’idée, selon lui, n’est authentifiée que
dans et par l’expérience. La sensibilité est à l’origine de notre
connaissance : l’entendement, mot clé du XVIIIe siècle,
désigne notre faculté de connaître. La philosophie des
Lumières est et veut être une philosophie de l’entendement.
L’enthousiasme de l’époque pour l’ordre et l’harmonie est
directement inspiré de l’œuvre de Newton et c’est sous
l’influence de la science nouvelle et de la philosophie de
Locke, fondée sur la raison, que se modifient les théories
politiques et religieuses de la fin du XVIIe siècle. « Le
rationalisme ambiant correspond à un besoin d’ordre et de
clarté après les luttes sanglantes qui déchirèrent l’Angleterre
au cours de la guerre civile. »9
6 Partout transparaît un sentiment de soulagement et de
libération. L’on se sent libéré de la tension ressentie à vivre
dans un univers mystérieux ainsi qu’affranchi de l’ignorance

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et de la barbarie des siècles gothiques. Les lois naturelles sont


expliquées par la Nouvelle Philosophie et l’on a l’impression
que s’ouvre un monde nouveau de raison et d’expérience
sensorielle. Le sentiment qui prévaut est un sentiment
général d’émancipation des spectres historiques, un
sentiment de sécurité après les bouleversements de la Guerre
Civile. La bourgeoisie consolide sa position de classe
dirigeante, à l’aide notamment de ce que l’on a désigné
comme le « mythe gothique. » Ce mythe fait remonter aux
Saxons, venus des forêts de Germanie, le système de
gouvernement où le pouvoir du prince est limité par
l’assemblée du peuple — ce qui fait dire à Montesquieu dans
son éloge de la Constitution britannique : « Ce beau système
a été trouvé dans les bois. »10 Aux yeux de ceux qui étaient
dépourvus de culture latine, « les chênes séculaires valaient
bien les ruines du forum pour accréditer l’idée que
l’Angleterre, “mère des parlements”, était l’élue de
l’histoire. »11
7 L’optimisme règne, le pays est entré dans l’ère de la
consommation, comme en témoigne la littérature de l’époque
où fleurissent les descriptions de l’activité commerciale12.
Symptôme également de l’essor de la consommation,
l’apparition de nombreuses stations de villégiature et le
développement des rues commerçantes.
8 La société anglaise de 1660 à 1790 donne au voyageur
français — qui la voit avec le regard indulgent de Voltaire,
dont les Lettres philosophiques sont publiées en 1734 —
l’image d’une certaine stabilité, malgré des changements
internes certains. « Curieux hybride, »13 cette société assiste
— du fait que le suffrage est censitaire — à la montée en
puissance des milieux d’affaires. La noblesse se divise en deux
groupes principaux, les Lords, grands seigneurs possédant

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d’immenses domaines, et la gentry, baronnets ou simples


squires. Les premiers éprouvent la nostalgie d’un passé plus
glorieux et nourrissent des rêves d’héroïsme. La petite
noblesse campagnarde, quant à elle, formée de moyens et de
petits propriétaires, compose en fait plutôt une bourgeoisie
rurale. En bas de l’échelle sociale, la masse anonyme des
ouvriers agricoles, des apprentis et des artisans est guettée
par la pauvreté et par la criminalité quand elle n’est pas
absorbée dans un système paternaliste. Comme le déclare
Roy Porter, la mobilité sociale des individus joue le rôle de
soupape de sécurité, mais il ne faudrait pas commettre
l’erreur de croire que cette ascension est bien accueillie14. De
plus, le paternalisme se révèle souvent n’être qu’un vernis qui
se craquelle sous l’effet de la brutalité des grands
propriétaires terriens. La violence se trouve d’ailleurs être
l’un des traits distinctifs de la société anglaise de l’époque.
Les enfants étaient battus à la maison, à l’école et au travail ;
les criminels étaient mis au pilori, fouettés ou pendus en
public ; même les amusements et les sports violents avaient la
préférence des Anglais de l’époque de Hogarth. La violence de
la populace ne faisait, en partie du moins, que refléter celle de
ses dirigeants : les têtes desséchées des rebelles du dernier
soulèvement jacobite de 1745 continuèrent d’orner Temple
Bar jusqu’en 1777, et les exécutions publiques à Tyburn furent
maintenues par le Parlement jusqu’en 1783. Ce fait de société
n’est d’ailleurs pas l’apanage de l’Angleterre mais caractérise
l’Europe de l’époque. En fait, affirme Michel Foucault, ce qui
sous-tend cette pratique du supplice, c’est « une politique de
l’effroi, »15 réactivant le pouvoir dont il affirme la supériorité
intrinsèque. Mais ce mépris du corps se rattache à une
attitude générale à l’égard de la mort : les épidémies qui
déciment périodiquement la population, la mortalité infantile

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énorme, les famines, tout cela rend la mort familière. Ce n’est


qu’à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, que les
supplices vont progressivement disparaître et la punition
cesser d’être un spectacle.
9 Enfin, les soulèvements populaires sont endémiques pendant
tout le XVIIIe siècle : les émeutes éclatent contre
l’augmentation du prix du pain, contre les enclosures, contre
les workhouses, contre les lois sur la milice, contre les
Écossais, les Irlandais, les catholiques, les juifs et autres non-
conformistes. Si ces émeutes se produisent durant tout le
siècle, elles sont toutefois plus fréquentes après 1750,
témoignant d’une insatisfaction et d’un mal de vivre
croissants.

Le règne de Georges III (1760-1815) —


Malaise, mal de vivre, insatisfaction
10 A l’optimisme ambiant de la première moitié du XVIIIe siècle
succède donc peu à peu un certain malaise. Avec l’accession
au trône de Georges III, en 1760, l’Angleterre se trouve à une
étape de transition entre la civilisation du passé, agricole et
rurale, et le monde moderne industriel. La plupart des sujets
anglais de Georges III sont encore employés dans
l’agriculture. Le changement révolutionnaire apparaît plus tôt
à la campagne que dans l’industrie. L’accélération du système
de l’enclosure16 voit disparaître les francs-tenanciers. Les
cottagers et les squatters perdent leur principal moyen de
subsistance après l’enclosure des terres communes et
viennent grossir les rangs des indigents, contribuant à
l’alourdissement de la taxe destinée à leur venir en aide (poor
tax). Le malaise social vient aggraver les difficultés
économiques. C’est que la situation politique et sociale
anglaise est loin d’être aussi idyllique ou harmonieuse que

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l’affirment les « philosophes » français. Après 1750, l’on


assiste presque chaque année à des soulèvements, à des
émeutes ou à des grèves. Dans les campagnes et dans les
villes, l’écart se creuse entre « les deux nations » au rythme
des scandales financiers et de l’accélération du processus des
enclosures.
11 Les événements qui jalonnent le règne de Georges III, la
mécanisation de la production, l’irruption des masses
populaires sur l’échiquier socio-politique, la perte des
colonies américaines, la Révolution française, amènent un
changement d’atmosphère. Sur le plan intérieur, la maladie
du roi, la montée du radicalisme et la répression confèrent à
ces soixante années de règne, de 1760 à 1820, une tonalité
relativement sombre. Le pays est secoué par plusieurs vagues
contestataires, qu’il s’agisse de l’émotion soulevée par l’affaire
John Wilkes, par les Gordon riots ou encore par
l’Indépendance américaine et par la Révolution française. Ces
soulèvements donnent ainsi une dimension politique à une
situation d’agitation sociale, due en grande partie à
l’augmentation des prix de la nourriture après de mauvaises
récoltes. Dans la seconde partie du siècle, les food riots
touchent l’ensemble du pays. Le vertige et le doute succèdent
à la sérénité. A ce malaise et à cette inquiétude vient s’ajouter
l’appréhension ressentie devant l’urbanisation croissante du
pays. Le centre de gravité de l’économie nationale est en train
de basculer du sud vers les Midlands, des campagnes vers les
villes. L’essor des centres industriels frappe l’imagination de
manière négative. La Révolution industrielle s’annonce, les
villages se vident de leurs habitants et une grande nostalgie
des temps anciens et des vieux modes de vie se fait jour. Ce
qui est visible dans le roman (chez Fielding et chez Smollett
en particulier) l’est aussi en poésie. Oliver Goldsmith, auteur

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du Vicar of Wakefield (1766), roman campagnard, est


également le poète de The Deserted Village (1770), qui
célèbre les temps anciens et évoque la nostalgie des façons
ancestrales de vivre aux champs.
12 La réflexion sur les rapports entre la démographie et la
prospérité d’un pays aboutit à la conclusion que le progrès
social est incompatible avec un accroissement excessif de la
population. Malthus, en 1798, dans son Essay on the
Principle of Population, prophétise un monde de famine. Les
contemporains du pasteur Malthus éprouvent d’autant plus la
hantise d’une démographie galopante que l’urbanisation
s’accompagne d’anonymat, d’incompréhension et de
ségrégation. La ville apparaît comme le symbole de l’anti-
nature — thème très ancien puisqu’il est déjà évoqué par
Horace et par Virgile, avant d’être repris notamment par
Marlowe. William Cowper, dans son long poème The Task,
paru en 1785, oppose la ville, monde de l’homme, à la
campagne, monde de Dieu17. « L’urbanisation équivaut à un
recul du sacré, à une “désacralisation” progressive de
l’univers. »18 La civilisation urbaine semble à l’opposé de
l’idéal de simplicité naturelle dont la campagne apparaît
comme le cadre obligé. La ville détourne l’homme de ses
préoccupations spirituelles et de ses devoirs religieux. Dans
son poème Retirement, William Cowper plaide la cause de la
nature en déclarant fuir « loin des conflits et du tumulte ; loin
de scènes où Satan livre sa guerre la plus victorieuse. »19 De
plus, les liens traditionnels tissés dans les communautés
rurales se désagrègent dans les cités.
13 Dans son roman épistolaire Humphry Clinker, publié en
1771, Smollett présente un tableau plutôt sombre de la
civilisation urbaine en Angleterre et des conséquences du
progrès pour les hommes20. Ce qui est grave, aux yeux de

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Smollett, c’est que « cette perversion de la nature est moins


subie par l’homme qu’elle n’est voulue. »21 Matthew Bramble
enrage de voir le bouleversement d’un ordre hiérarchique
qu’il croyait — ou voulait croire — établi à tout jamais. Le
spectacle du brassage social de Bath ou de Londres lui inspire
une haine solide, son principal reproche à cette nouvelle
société étant la disparition d’une structure hiérarchisée
stable22. Il ne cesse d’exprimer ses regrets de la vie rurale qu’il
menait dans sa campagne galloise en des accents nostalgiques
pour « l’impeccable pureté d’un âge d’or édénique. »23
14 Au contraire, dans la civilisation urbaine, à l’ancienne
relation de maître à serviteur se substitue un rapport de
maître à esclave. Dans les villages et les bourgs, le squire est
le centre de l’autorité et de la culture. La philanthropie à cette
époque est très étendue. Elle se teinte souvent d’un mobile
utilitaire : encourager l’ordre social en enseignant le devoir
d’obéissance à ses supérieurs sur l’échelle sociale.
15 En ville, à Londres en particulier, l’instabilité urbaine se
trouve liée à un climat social caractérisé par « une dilution
générale des distinctions hiérarchiques, des rapports de
subordination, et même des liens familiaux et affectifs, qui
assuraient jusqu’alors la stabilité de l’édifice social. »24 Dans
ce climat de confusion morale, chacun veut être son propre
maître et personne ne se reconnaît plus aucune allégeance ou
aucun attachement. Or, ce sont précisément ces liens de
dépendance et de solidarité, survivance du vieux système
féodal, qui assuraient l’équilibre et l’harmonie de la société
d’autrefois. Celle-ci se caractérisait par des liens plus étroits,
des rapports plus intimes et plus personnalisés entre
subordonné et supérieur qui tendaient à prévenir les tensions
en masquant les distances sociales sous le paternalisme des
rapports hiérarchiques. Le milieu urbain engendre la solitude

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morale de l’individu et une désintégration de l’édifice social


dans son entier. Le fossé se creuse entre les deux extrémités
de la société. Le respect et la docilité se transforment en des
sentiments de rancune et d’hostilité.
16 Devant semblable constat, le remède préconisé par certains
est le retour à la terre, à une vie plus saine et naturelle.
Finalement, l’on en revient toujours à la conviction que la
campagne est un monde plus sain et plus pur, la résidence
rurale étant le couronnement de la réussite du citadin. Les
héros de Fielding ou de Smollett en sont la preuve, eux qu’un
« impérieux mouvement centrifuge reconduit à la campagne
après les épreuves londoniennes. »25
17 L’école anglaise de peinture de la deuxième moitié du XVIIIe
siècle, avec Reynolds et avec Gainsborough en particulier,
place ses modèles, non dans des salons splendides et
fastueux, mais en plein air, entourés d’animaux fidèles, avec,
en arrière-plan, une nature sans tache26. Ces descriptions
d’une nature riante et heureuse qui abondent dans le
troisième roman de Mrs Radcliffe, The Romance of the
Forest, soulignent aussi l’opposition entre la campagne
naturelle, toute de simplicité et de bonheur, domaine de la
famille gouverné par les sentiments et la sympathie, et la ville
artificielle, cruelle, mercenaire et hypocrite, habitée par des
individus gouvernés par leur intérêt personnel égoïste. David
Durant insiste sur le conservatisme d’Ann Radcliffe qui
oppose le monde de la famille, raisonnable et bienfaisant, à
celui de l’individu isolé, synonyme de chaos et
d’irrationalité27. Les relations entre les nobles et leurs
paysans sont empreintes de cordialité et de respectueux
attachement mais l’on ne peut s’empêcher de constater
qu’elles sont fortement teintées de paternalisme. La Luc, dans
la demeure de qui Adeline trouve refuge, jouit du respect et

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de l’affection de tous les villageois qu’il considère comme ses


enfants : « “I live surrounded by my children,” said he,
turning to M.Verneuil, who had noticed their eagerness,‘for
such I consider my parishioners » (RF272). Apprenant la
nouvelle de son retour au château, les paysans de La Luc
accourent pour l’accueillir et leurs chaleureuses exclamations
remplissent de joie le cœur du bon pasteur « who met them
with the kindness of a father, and who could scarcely forbear
shedding tears to this testimony of their attachment » (RF
360). Les gens du château invitent leurs paysans aux fêtes
qu’ils donnent (RF 361), jouissent du spectacle idyllique de la
joie et de l’harmonie que leur procurent famille et serviteurs
ainsi réunis et au petit matin, les braves paysans regagnent
leur humble logis chantant les louanges de leur bon maître
(RF 362). Quand ce ne sont pas les maîtres qui invitent les
serviteurs, ils les honorent de leur présence. Ainsi, le comte
de Villefort va-t-il dans les bois, accompagné de sa famille,
assister à la fête des paysans (MU 500). En fait, comme le
note David Durant, tous les romans de Mrs Radcliffe
commencent dans le cadre pastoral édénique de la sécurité
d’une vie familiale idyllique avant de glisser vers la
présentation d’un monde déchu où la figure paternelle du
villain trahit et persécute l’héroïne, pour finir par revenir au
havre d’une nouvelle vie familiale qui reprend les vertus de la
famille initiale28. Cette opinion est corroborée par April
London qui voit dans la structure du roman The Mysteries of
Udolpho la marque de l’engagement conservateur de Mrs
Radcliffe29. De même le besoin d’expliquer le surnaturel, trait
caractéristique des premiers romans gothiques de Walpole à
Ann Radcliffe, atteste de la nécessité de retrouver « un
équilibre social et moral, » selon Elizabeth R. Napier30.
18 Clara Reeve, dans The Old English Baron (1777-1778), se fait

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également le chantre de la vie pastorale et du paternalisme.


Sir Philip Harclay montre un intérêt manifeste pour le bien-
être de ses vieux serviteurs et de ses vétérans (Reeve 94).
Mais sous ce dehors respectueux des traditions et des usages
établis, pourrait se dissimuler un autre visage, moins
conventionnel, comme le suggère Suzy Halimi : « A la lire de
près, on y découvre en effet à côté du respect des traditions,
du code de la morale bourgeoise, un frémissement différent
en filigrane ; une affirmation discrète mais ferme des droits
de la femme dans le couple et hors du couple. »31 Le XVIIIe
siècle anglais est donc loin d’être ce modèle d’harmonie et
d’organisation rationnelle vanté sur le continent. Le nombre
de suicides est alarmant, « All over Europe England was
known as the home of gloom and despair. “A kind of
melancholy reigns there,” reported a French agent to his
government in 1756, “a sombre and taciturn humour”. »32 Les
visiteurs européens, à l’instar de Montesquieu33, sont
stupéfaits de constater le nombre de suicides en Angleterre.
Cette épidémie de suicides va de pair avec l’alcoolisme (qui
sévit depuis le début du siècle). Le gin, venu de Hollande avec
Guillaume d’Orange, est adopté par les pauvres de Londres
et, pendant soixante ans, devient à la fois source de profit
pour les fermiers et pour les distilleries et calamité sociale
aux conséquences incalculables. Le gin — sans doute la
drogue la plus largement diffusée à l’époque — est souvent
littéralement ingurgité avec le lait maternel, selon Derek
Jarrett34. En 1751, William Hogarth fait paraître Gin Lane,
gravure destinée, selon les dires de l’artiste, à réformer les
vices propres aux classes populaires. Le tableau brossé ici est
à peine exagéré.
19 Au fil des décennies, c’est aussi une époque où l’on a les nerfs
à fleur de peau, où l’on découvre le mal de vivre et les

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vapeurs. Le spleen, la « maladie anglaise, »35 est à la mode


dès le début du XVIIIe siècle. Les Anglais finissent d’ailleurs
par s’alarmer de ce fléau, le nombre de suicides dans le
royaume étant plus important que partout ailleurs au monde.
La mélancolie — fait médical, social et religieux — trahit un
malaise et une insatisfaction devant le matérialisme ambiant.
Reflet d’un mal de vivre qui existait déjà au XVIIe siècle, la
mélancolie est liée à la résurgence du puritanisme. Le
puritain, à cause de sa peur de l’Enfer, éprouve une crainte
morbide de la mort. Il n’est guère surprenant, dans ce climat
général de tristesse et de morosité, que la poésie de la mort et
de la mélancolie, où le surnaturel se mêle à l’horreur, exerce
un attrait croissant sur le public. Ainsi que le signale Maurice
Lévy, « l’architecture gothique flatte la sensibilité splénétique
des contemporains de Young, Hervey et Blair. Thomas
Warton goûte “Les Plaisirs de la Mélancolie” (1745) sous les
amples voûtes de quelque abbaye en ruine, qui remplissent
son âme d’une religieuse horreur. »36 La plupart des poèmes
de l’époque ont pour thème la méditation sur les tombes, de
préférence à minuit, la vanité de l’existence, le suicide, le
sommeil et la mort :
Entre 1700 et 1726, la mélancolie que les poètes se mettent à
cultiver avec un plaisir non dissimulé, apparaît vraiment
comme l’emblème du rêve, la quête de l’imaginaire, le moyen
le plus simple d’échapper à la réalité quotidienne et aux
tensions inhérentes à une société compétitive, dominée à la
fois par une hiérarchie très stricte et la poursuite des biens
matériels37.
20 Ce courant de mélancolie et d’horreur qui prend de l’ampleur
au XVIIIe siècle va aboutir au roman gothique, genre littéraire
mieux fait que la poésie pour répondre aux aspirations des
classes moyennes. Comme le résume fort justement Maurice
Lévy, « le roman noir procèderait alors d’une vulgarisation,
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sinon tout à fait, d’une démocratisation du Rêve » :


Le phénomène remarquable, en cette fin de siècle, n’est pas
tant l’apparition de thèmes nouveaux, que leur transfert du
véhicule poétique ou théâtral au véhicule romanesque. Tout
semble se passer comme si le roman, jeune encore, et jusqu’à
présent confiné dans son rôle de miroir des mœurs,
s’apprêtait à jouer, à l’usage de la classe sociale qui l’avait
engendré, un rôle analogue, — mais dans un registre combien
inférieur ! — à celui de la poésie exaltante, et à prendre la
relève du théâtre shakespearien, — mais avec quelle
déperdition ! — pour assurer la permanence d’un Fantastique
domestiqué, censuré, mais réel38.

Émergence d’une nouvelle sensibilité


21 La Révolution française, puis la Terreur, suivies par les
guerres napoléoniennes inquiètent, effrayent la population et
assombrissent l’atmosphère déjà troublée de la fin du siècle.
Le sentiment de la mort se fait omniprésent, « le sanguinaire
devient le quotidien »39 et l’accent est mis sur le tragique de la
vie. Tout cela favorise l’éclosion de nouveaux genres
littéraires : le roman gothique — lancé par The Castle of
Otranto de Horace Walpole en 1764 — connaît un véritable
succès à partir des années 1790. La poésie, dès le milieu du
siècle, a pour thème favori la mort et la méditation
mélancolique sur la nuit et sur la destinée individuelle ou
collective. De plus, dans les années 1790, le théâtre allemand,
inspiré du Sturm und Drang, remporte un grand succès sur la
scène anglaise : la tragédie de Schiller, Die Raüber (1781),
enthousiasme Hazlitt et Coleridge et inspire à Mrs Radcliffe
certaines de ses scènes de brigands40.
22 L’avènement du genre fantastique semble avoir correspondu,
aux alentours de 1770, à une renaissance de l’irrationnel,
fréquemment teinté d’aspect scientifique, quand se

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développent de nouvelles pratiques de connaissance telles


que le mesmérisme, la phrénologie ou la pathognomonie. Le
fantastique traduit un fonds d’angoisse émanant d’une
situation politique confuse et parfois alarmante. Sade prétend
que les romans noirs sont le fruit des révolutions41. De même,
l’on pourrait soutenir que le fantastique s’accorde avec le
climat d’inquiétude ressenti par toute une génération. Les
années 1780 sont hantées par un sentiment de
bouleversement social et métaphysique, terrain propice à
l’éclosion et au développement de la nostalgie :
Le roman gothique affectionne les châteaux et les
souterrains ; ce n’est pas attachement esthétique aux vieilles
pierres, mais recherche des dédales et des signes qui
révèleront un ailleurs, et régression aux sources de l’Histoire
dans l’espoir d’un recommencement, d’une possession de
l’ordre42.
23 « Au lieu de s’accommoder de leur univers quotidien, certains
essaient de s’en évader, du moins par la pensée. Mécontents
du présent, ils se tournent avec nostalgie vers le passé, qu’ils
idéalisent par contraste. »43 C’est ce que The Castle of
Otranto opère dans le cas d’Horace Walpole : ses
préoccupations « antiquaires » et gothiques sont avant tout
une façon d’échapper à des évènements politiques
désagréables44. Éloigné dans le temps, le gothique paraît
exotique, au même titre que les chinoiseries qui sont, elles,
éloignées dans l’espace, affirme Kenneth Clark45. La fuite
dans le passé celtique ou médiéval participe, comme la poésie
où l’on chante les louanges de la campagne, d’un refus du
modèle de civilisation que l’Angleterre est en train d’adopter
au cours de la deuxième moitié du siècle.
24 Une œuvre de la Renaissance ou de l’art classique fait souvent
naître un sentiment de beauté mais l’architecture gothique

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inspire à celui qui la contemple un sentiment de respect et de


crainte. Coleridge précise la différence qu’il ressent lorsqu’il
pénètre dans un temple grec et quand il entre dans une
cathédrale gothique : l’art grec est beau, dit-il, mais l’art
gothique est sublime46.
25 On assiste effectivement à une évolution du goût au fil du
siècle et à l’émergence d’une nouvelle sensibilité, ou plutôt à
son développement. Car déjà bien avant la deuxième moitié
du XVIIIe siècle, se faisait sentir l’attirance de la terreur et du
mystère — ainsi qu’en témoignent les drames élisabéthains et
la poésie du début du XVIIIe siècle. En 1757 paraît l’essai sur
le sublime de Burke légitimant l’architecture gothique qui se
pare d’attraits nouveaux. On découvre l’horreur comme
source de plaisir. Ce mélange de fascination et de répulsion,
de plaisir et de crainte, au spectacle des objets ou
phénomènes imposants par leur ampleur, par leur intensité
ou par leur aspect ténébreux avait déjà été ressenti et évoqué
bien auparavant dans les lettres et dans les récits de voyages
d’Addison à Beckford. Le Grand Tour est en partie
responsable de l’intérêt pour les paysages de montagnes et les
aspects sauvages et grandioses de la Nature. Ces idées sont à
l’origine d’un symbolisme imaginatif que l’on appellera
ensuite le sublime de la nature, c’est-à-dire une esthétique
dont les critères essentiels sont l’immensité, la grandeur et la
terreur.
26 En fait, c’est le newtonianisme qui, selon Voltaire, est
responsable de la rupture avec le rationalisme classique et de
la formation d’une nouvelle vision du monde. « Le
newtonianisme est la vérité qui a écrasé les fables du
cartésianisme. »47 L’empirisme prend le relais de la
philosophie cartésienne : l’individu découvre la vérité par
l’intermédiaire de ses sens. On se dirige vers un art de la

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sensibilité, une esthétique de l’irrégularité qui s’opposent à


l’art classique fait de cohérence et de raison. Rousseau dans
son Emile, ou de l’éducation (1762), affirme la prééminence
des sentiments sur les idées : « Exister pour nous, c’est
sentir ; notre sensibilité est incontestablement antérieure à
notre intelligence, et nous avons eu des sentiments avant des
idées. »48
27 C’est grâce aux théoriciens du goût (Burke en 1757 avec son
Philosophical Enquiry into the Origin of Our Ideas of the
Sublime and the Beautiful et longtemps avant lui le Grec
Longin dont le traite du Sublime est très largement diffusé
grâce à Boileau qui en publie la traduction en 1674) que tout
un secteur de l’expérience, écarté du domaine de la réflexion
esthétique par les théoriciens du Beau, se révèle
progressivement. Ainsi, dès la fin du XVIIe siècle apparaît en
Angleterre une école du Goût opposée à l’école du Bon Sens.
28 La nouvelle catégorie du sublime permet d’assumer tout ce
qui touche au sombre, à l’inquiétant, au terrible, au gothique
et de lui donner une valeur esthétique. Le beau et le sublime
s’opposent rigoureusement dans le détail et point par point :
le beau ne peut pas être obscur, il est léger et délicat ; sont
beaux les objets petits aux surfaces lisses. Le beau se fonde
sur le plaisir. Au contraire, sont sublimes les objets aux vastes
dimensions qui rappellent la notion d’infini. Leurs surfaces
sont rugueuses, irrégulières ; l’obscurité est nécessaire car
elle est inquiétante : le mystère requiert la pénombre. La
prodigieuse verticalité de la cathédrale se trouve légitimée par
Burke dans la section vu de son traité où il note que
« l’extrême grandeur de dimension est sublime » et que la
perpendiculaire est plus voisine du sublime que le plan
incliné. Ainsi que le remarque Maurice Lévy : « Si le gothique,
au sens le plus général du terme, tant dans son acception

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littéraire qu’architecturale, retrouve quelque audience au


milieu du XVIIIe siècle, c’est à l’apparition de cette nouvelle
catégorie du sublime ou à son élargissement, qu’il le doit. »49
29 Le gothique a maintenant sa catégorie, le sublime, et l’on
découvre du même coup sa valeur esthétique.
30 William Gilpin (1724-1804) dans ses Three Essays (parus en
1792 mais écrits dès 1776) élabore un troisième principe
d’appréciation esthétique irréductible au Beau et au Sublime :
le Pittoresque. L’un de ses premiers ouvrages publiés se
trouve être un dialogue entre deux amis qui débattent des
beautés du jardin de Stowe. C’est ici que l’on trouve les
composantes les plus importantes du pittoresque dans le
paysage : la variété et l’irrégularité sont sources de plaisir (ce
qui, au XVIIIe siècle, est le but véritable de l’art). Dans son
essai « On Picturesque Beauty, » établissant une distinction
entre les objets beaux — qui plaisent aux yeux dans leur état
naturel — et les objets pittoresques, il définit comme
pittoresque tout objet qui plaît par quelque qualité propre à
fournir un sujet avantageux à la peinture50. Les longues
excursions d’Emily, l’héroïne des Mysteries of Udolpho,
fusains et cartons en main, prennent tout leur sens dans le
contexte du « voyage pittoresque. »
31 Gilpin parvient lentement à une sorte de définition ou
d’analyse de ce concept. Il trouve dans le Philosophical
Enquiry into the Origin of Our Ideas of the Sublime and
Beautiful de Burke, en 1757, une base solide à ses
spéculations et conclut qu’il est nécessaire d’ajouter à ces
deux concepts une troisième notion, le Pittoresque. Burke a
déclaré que l’uni ou la netteté était l’un des éléments de la
beauté ; Gilpin voit dans la rudesse, l’opposé de la douceur, le
facteur essentiel du pittoresque. Une structure de Palladio
peut être des plus élégantes, mais, introduite dans un tableau,

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elle devient immédiatement académique et cesse de plaire.


Pour la rendre pittoresque, c’est-à-dire digne de figurer dans
un tableau, il faut la transformer en ruine : « from a smooth
building we must turn it into a rough ruin. No painter who
had the choice of the two objects would hesitate a
moment. »51
32 Deux ans plus tard, Uvedale Price (1747-1829) reprend le
livre de Gilpin comme point de départ et affirme que le
pittoresque doit être considéré comme une catégorie
totalement distincte de celles du sublime et du beau52. Ses
principaux éléments sont la rudesse et l’irrégularité et il
oppose l’architecture grecque au gothique. Un temple grec en
parfait état, à la surface lisse et égale — que ce soit en
peinture ou en réalité — est beau. Quand il est en ruine, il est
pittoresque53. L’art antique est beau, mais le gothique est
pittoresque.
33 Au milieu du XVIIIe siècle, en architecture, comme en
littérature, les tendances nouvelles relèvent à des degrés
divers de la catégorie du sublime. Le retour nostalgique vers
le passé, idéalisé, est amorcé en architecture mais aussi en
littérature : James Macpherson commence à « traduire »
Ossian en 1760 sous le titre alléchant de Fragments of
Ancient Poetry, Collected in the Highlands of Scotland, and
Translated from the Galic or Erse Language, qui suscite un
enthousiasme considérable. Poussé par ses admirateurs,
Macpherson fait le tour de l’Écosse, à la recherche de
documents pour son poème Fingal, an Ancient Epic Poem,
publié en 1762, qui se veut être la traduction fidèle par
Macpherson d’une épopée composée par Ossian, fils de
Fingal, et remontant à une période éloignée de l’histoire
écossaise. Une seconde épopée, Temora (1763), suit avec une
rapidité suspecte. Ces œuvres sont accueillies avec

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enthousiasme et la renommée d’Ossian s’étend au Continent


où Schiller et Goethe se joignent au concert de louanges.
L’immense popularité de ces poèmes survit à la révélation de
la supercherie de leur auteur, dénoncée en 1805.
34 En 1764 Horace Walpole publie, sous le pseudonyme
d’Onuphrio Muralto, The Castle of Otranto, se donnant à lire
à l’origine comme la traduction d’un manuscrit italien de
1529. Cet ouvrage, considéré comme le premier roman
« gothique, » remporte un succès immédiat et a connu depuis
sa première publication plus de cent cinquante éditions. En
1765, Thomas Percy publie The Reliques of Ancient English
Poetry qui contribue largement à l’enthousiasme pour les
anciennes poésies anglaises, reprenant les ingrédients
traditionnels des ballades de jadis et des tragédies de
Shakespeare, sorcières, revenants, meurtres et autres
sortilèges.
35 En architecture, le palladianisme — dont les excès avaient
déjà suscité la peinture satirique de Hogarth dans son
Masquerades and Operas — doit composer avec la nouvelle
vogue. Jusque vers le milieu du siècle l’architecture est
dominée par les équilibres sereins, la sobriété rigoureuse et
les partages symétriques dont Christopher Wren avait
emprunté le secret à Palladio. En 1747 Horace Walpole
aménage Strawberry Hill dans le style gothique, y ajoutant
tours, créneaux et vitraux. James Wyatt construit Lee Priory
en 1782 pour Thomas Barrett puis Fonthill Abbey en 1796
pour William Beckford. Eglises, ruines vraies ou fausses
apparaissent dans les parcs aménagés par Lancelot
« Capability » Brown et ses successeurs. Ces « fabriques » ne
sont peut-être pas des œuvres d’art mais elles montrent que
le goût anglais évolue. En fait, tout au long de l’époque
« classique » avait persisté un intérêt limité mais réel pour

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l’architecture médiévale qui ne perdit pas ses droits du jour


au lendemain. Le bouleversement avait été très progressif et
l’art gothique avait encore ses rares champions. Certaines
églises – certes peu nombreuses – furent construites au XVIIe
siècle et au début du XVIIIe siècle dans le style gothique et
c’est dans ce style que Sir Christopher Wren lui-même ne
dédaigna pas de proposer des plans pour l’achèvement des
tours de Westminster Abbey.
36 Grâce aux travaux des « antiquaires, » l’on redécouvre les
grands monuments nationaux d’un passé glorieux qui avaient
été tournés en dérision par une mode venue de l’étranger. En
1707, se fonde à Londres une Société d’Antiquaires (Society of
Antiquaries) qui tient des réunions hebdomadaires sous la
présidence de son secrétaire, William Stukeley, et se donne
pour champ d’activité la recherche des antiquités, en
Angleterre, antérieures au règne de Jacques Ier (1603-1625).
Stukeley attire l’attention de ses contemporains sur des
monuments comme le Roman wall, Stonehenge ou Avebury.
Dans son Itinerarium Curiosum (1724), Stukeley décrit les
architectures qui ont suscité son admiration ou son
indignation de les trouver en ruine. Discernant dans
l’architecture gothique une similitude avec l’image de la forêt,
il juge qu’il s’agit là de la meilleure façon de décorer une
galerie ou une bibliothèque54. En 1724 il est l’un des
précurseurs d’une mode qui devait faire de très nombreux
adeptes : il fait édifier une des premières « folies » gothiques,
si révélatrices du goût du temps.
37 Plus largement répandus que les travaux des antiquaires, les
recueils de planches dessinées et gravées par les artistes
topographes qui reproduisent châteaux et abbayes en ruine
(conséquence de la dissolution des monastères prononcée par
Henry VIII, puis de la guerre civile)55 contribuent dans une

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certaine mesure à cette entreprise de régénération nationale.


Entre 1726 et 1742 paraissent tous les ans vingt-quatre
planches nouvelles représentant les ruines des châteaux, des
cathédrales, des monastères ou des abbayes de presque tous
les comtés d’Angleterre. La vue du monastère de Saint-
Augustin peinte à l’aquarelle par Samuel Hieronymous
Grimm (1771) (Musée de Canterbury) est caractéristique de la
fidélité avec laquelle ce peintre représente les édifices anciens
— raison pour laquelle la Society of Antiquaries fait souvent
appel à ses services. Son dessin soigneux, sa transcription
scrupuleuse des motifs et sa façon de rehausser l’intérêt des
vues topographiques en introduisant des personnages font
tout l’attrait des œuvres de Grimm. Cependant, suggère
Maurice Lévy, « ces gravures délicates qui représentent des
voûtes effondrées, des murs couverts de lierre et des colonnes
brisées s’adressent déjà davantage à la sensibilité qu’à
l’érudition. »56 Le passé qu’évoquent ces dessins est plus celui
du poète que celui de l’historien ; et il se prête bien mieux à
une méditation mélancolique sur la fuite du temps qu’à une
réflexion historique. A la fin du XVIIIe siècle, l’on passe de la
topographie pure à une vision plus « artistique » du paysage.
38 A cet égard, le contraste qu’offre l’aquarelle de Paul Sandby,
Travellers Near a Castle on a Hill (Calais, Musée des Beaux-
Arts et de la Dentelle), avec celle de Grimm, pourtant
antérieure d’une dizaine d’années seulement, est révélateur.
Il s’agit bien ici d’une œuvre issue de la tradition
topographique, mais en rupture avec elle. Paul Sandby
appartient à la génération des artistes topographes mais il
évolue, vers 1780-1790, vers un art plus enlevé, plus
« romantique. » Le paysage est transcrit de manière
dynamique, les formes sont amples et mouvantes et Sandby
utilise la lumière pour animer et rythmer la composition. La

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différence se voit également sur le plan de la technique : alors


que Grimm travaille à la plume, Sandby préfère ici le pinceau,
plus souple et moelleux.
39 Les ouvrages savants ou de demi-érudition, publiés par les
« antiquaires » ou les topographes, se sont multipliés depuis
les premières décennies du XVIIIe siècle : tout d’abord précis,
voire fastidieux par leur pesante érudition, ils finissent par
s’adresser davantage à la sensibilité du public qu’à son
intellect. Le contraste que soulignent les gravures des
topographes entre la grandeur première des édifices
médiévaux et leur décadence présente encourage une
réflexion sur la fuite du temps et porte à la mélancolie. Il
serait injuste de sous-estimer l’influence de ces ouvrages.
c’est bien grâce à eux que le public cultivé se réconcilie
progressivement avec un art longtemps honni. On voit donc
que le goût, au fil des décennies, varie sensiblement. La
multiplication des « fabriques » de style gothique à partir des
années 1740 en apporte également la preuve incontestable.
40 Siècle des Lumières mais aussi siècle de l’Illuminisme : on a
beaucoup écrit sur cette époque où se célèbre la victoire de
l’homme sur son environnement et sur son avenir. Peut-être
devrait-on insister davantage sur l’amertume de cette
victoire. Peu à peu, dit Annie Le Brun, « une ombre s’infiltre
entre la vie et sa représentation. »57 Le spleen, la
désespérance, minent les raisons de vivre : assistant fascinés
à l’agonie d’une civilisation mais encore impuissants à agir,
tous, en Angleterre comme en France ou en Allemagne et
dans le reste de l’Europe, sont marqués par le
désenchantement. A partir de la seconde moitié du siècle,
personne n’échappe, à un moment ou à un autre, à l’ennui, ce
mal du XVIIIe siècle. Ayant cru aux vertus de la finitude,
l’homme du XVIIIe siècle se découvre la passion de l’infini, et

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il cherche dans la nature « quelque remède à ce dégoût du


bien-être » que réclame Julie à Saint-Preux58. L’idylle
pastorale constitue l’une des illusions de régénérescence
d’une noblesse lasse et blasée, à l’image de Marie-Antoinette
s’enflammant a Trianon pour les bergeries. Mais ce rêve
pastoral prend les couleurs de la mélancolie (ce que
Shakespeare a déjà senti dans As You Like It) et l’on se plaît à
croire que l’origine du malaise actuel est à chercher dans la
perte d’un passé mythique, âge d’or servant d’alibi pour
objectiver la perte du bonheur. L’émotion et la sensibilité se
voient tout à coup redevenir indispensables. Dans un
domaine tout autre, celui de l’économie, Adam Smith, dont la
Theory of Moral Sentiments paraît en 1759, ne démontre-t-il
pas que la sensibilité est la base indispensable à toute
organisation sociale harmonieuse ? Cette sensibilité — déjà
bien sûr présente dans la poésie du début du siècle — va
trouver à s’extérioriser dans le goût pour les ruines et dans la
construction de « fabriques » pittoresques tout comme dans
la conception des jardins paysagers, avant de s’exprimer dans
le roman noir.

Notes
1. Charles Dickens, A Tale of Two Cities, (1859), ed. Edward
Wagenknecht, New York, Random House, 1950, p. 3.
2. Voltaire, Lettres philosophiques, (1734), éd. René Pomeau, Paris,
Garnier-Flammarion, 1964, p. 60.
3. Dictionnaire encyclopédique Larousse, Paris, Larousse, 1994, p. 1500.
4. Michèle Plaisant, « La poésie de la nature et le concept d’enthousiasme
(1726-1750) : redécouverte, évolution et transformations, » BSEAA XVII-
XVIII no 38, 1994, p. 172 : « L’enthousiasme semble chargé de
connotations négatives. En fait, enthusiasm est un terme ambigu qui se
prête à une interprétation duelle. La méfiance des critiques anglais à
l’égard de l’enthousiasme est étroitement liée à la crainte du retour

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possible du fanatisme religieux du XVIIe siècle. »


5. Sur le développement des échanges et du commerce, on consultera
avec profit Commerce(s) en Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, éd. Suzy
Halimi, Paris, Publications de la Sorbonne, 1990.
6. Kundera p. 196.
7. Pope, « Intended for Sir Isaac Newton, in Westminster-Abbey, » 1730,
Twickenham vol. VI, p. 317 (vers 1 et 2).
8. Max Milner, La Fantasmagorie, Paris, PUF, 1982, p. 254 : « Le siècle
des Lumières a été aussi, dans un certain sens, le siècle de la lumière, et
le développement des réflexions et des techniques permettant de
maîtriser les lois de sa propagation et de redresser ou de modifier, en les
utilisant, les apparences du monde a déplacé les frontières entre le réel et
l’illusoire, entre l’objectif et le subjectif, et même entre le présent et le
passé, d’une manière qui ne pouvait être sans conséquences sur le statut
de l’imaginaire dans la littérature, et notamment dans cette fraction de la
littérature dont le propre est de jouer sur les limites du vérifiable et de
l’invérifiable, du possible et de l’impossible, et d’en imposer la présence
avec une égale probabilité. »
9. Michèle Plaisant, La Sensibilité dans la poésie anglaise au début du
XVIIIe siècle. Evolution et transformations, 2 vols.,Paris, Champion,
1975, vol. I, p. 27.
10. Montesquieu, De l’esprit des lois, (1748), Œuvres complètes, 2 vols.,
éd. Roger Caillois, Paris, Gallimard, 1949-1951,vol. II, p. 407.
11. Michel Baridon, Les Jardins. Paysagistes-Jardiniers-Poètes, Paris,
Robert Laffont, 1998, p. 810.
12. Par exemple The Fleece de John Dyer (1757), traitant du commerce de
la laine, et aussi les vers des Seasons de Thomson évoquant le port de
Londres : « Autumn, » 1730, Chalmers vol. XII, p. 436.
13. La formule est de Michel Baridon, Jardins p. 805.
14. Roy Porter, English Society in the Eighteenth Century,
Harmondsworth, Pelican, 1982, p. 65.
15. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 60.
16. Voir sur ce sujet Mark Overton, Agricultural Revolution in England:
The Transformation of the Agrarian Economy, 1500-1850, Cambridge,

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CUP, 1996, p. 148.


17. William Cowper, « The Sofa, » The Task (1785), Chalmers vol. XVIII,
p. 672 : « God made the country, and man made the town. »
18. Jean-Paul Hulin, La Ville et les écrivains anglais 1770-1820, Paris,
Champion, 1978, p. 141.
19. William Cowper, Poems, eds John D. Baird and Charles Ryskamp,
Oxford, Clarendon, 1980, p. 186.
20. Tobias Smollett, The Expedition of Humphry Clinker, (1771), ed.
Lewis M. Knapp, Oxford, OUP, 1966, p. 86-88.
21. Paul-Gabriel Boucé, Les Romans de Smollett, Paris, Didier, 1971,
p. 259.
22. Smollett, Humphry Clinker p. 88.
23. Boucé, p. 262.
24. Hulin, p. 163.
25. Hulin, p. 55.
26. Voir à ce sujet Jean Arrouye, « Lumières dans la peinture, » Vie,
formes et lumière(s), éd. Guyonne Leduc. BSEAA XVII-XVIII Hommage
à Paul Denizot, 1999, p. 293-302.
27. D. Durant, « Ann Radcliffe and the Conservative Gothic, » SEL no
22,1982, p. 530.
28. Durant, « Ann Radcliffe and the Conservative Gothic », p. 520.
29. April London, « Ann Radcliffe in Context: Marking the Boundaries of
The Mysteries of Udolpho, » ECL no 10, 1986, p. 39.
30. Elizabeth R. Napier, The Failure of Gothic. Problems of Disjunction
in an Eighteenth-Century Literary Form, Oxford, Clarendon, 1987,
p. 10.
31. Suzy Halimi, « La femme au foyer vue par Clara Reeve, » BSEAA
XVII-XVIII no 20, 1985, p. 160.
32. Derek Jarrett, England in the Age of Hogarth (1974), St Albans,
Paladin, 1976, p. 176.
33. Montesquieu, De l’esprit des lois, vol. II, p. 485-486.
34. Jarrett, p. 62.

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35. La formule est de George Cheyne, The English Malady: Or, a


Treatise of Nervous Diseuses of All Kinds. With the Author’s Own Case,
London, G. Strahan, 1733.
36. Maurice Lévy, « Le premier renouveau gothique et la sensibilité
anglaise au milieu du dix-huitième siècle, » EA no 16, 1961, p. 350.
37. Plaisant II, p. 784.
38. Maurice Lévy, « Le roman noir et la société anglaise à la fin du XVIIIe
siècle, » EA no 23,1964, p. 104.
39. Jean Dulck, Jean Hamard, et Anne-Marie Imbert, Le Théâtre anglais
de 1660 à 1800, Paris, PUF, 1979, p. 231.
40. A l’acte IV, scène 5, l’action se déroule dans la forêt, la nuit, avec, au
centre, un vieux château en ruines. Schiller, Die Raüber (1781), éd.
Raymond Dhaleine, Paris, Aubier-Montaigne, 1942, p. 274-275.
41. Donatien, Alphonse, François de Sade, « Idée sur les romans, » (1791)
Œuvres complètes, 12 vols., Paris, Editions Tête de feuilles, 1973, vol. X,
p. 15.
42. Irène Bessière, Le Récit fantastique. La poétique de l’incertain,
Paris, Larousse, 1974, p. 205.
43. Ducrocq, p. 167.
44. John Samson, « Politics Gothicized: The Conway Incident and The
Castle of Otranto, » ECL no 10,1986, p. 145.
45. Kenneth Clark, The Gothic Revival, London, John Murray, 1962,
p. 51.
46. Samuel Taylor Coleridge, « Lectures 1808-1819. On Literature, » The
Collected Works of S. T. Coleridge, ed. R. A. Foakes, 16 vols., London,
Routledge & Kegan Paul, Princeton (N.J), Princeton UP, 1987, vol. V,
p. 79.
47. Voltaire, lettre du 28 juin 1773, voir Littré, sub voce
« newtonianisme. »
48. Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’éducation, (1762), éd. François
Richard, Paris, Garnier, 1964, p. 353.
49. Maurice Lévy, Le Roman « gothique » anglais 1764-1824(1968)
Paris, Albin Michel, 1995, p. 76.

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50. William Gilpin, Three Essays: On Picturesque Beauty, on


Picturesque Travel and on Sketching Landscape, to Which Is Added a
Poem on Landscape Painting (1792), Eighteenth-Century Critical
Essays, ed. Scott Elledge, 2 vols., Ithaca, New York, Cornell UP, 1961,
vol. I, p. 1048.
51. Gilpin, Three Essays, Elledge, p. 1049.
52. Uvedale Price, An Essay on the Picturesque As Compared with the
Sublime and the Beautiful, (1794), London, J. Robson, 1796, p. 82-83.
53. Price, p. 63.
54. William Stukeley, Itinerarium Curiosum or, an Account of the
Antiquitys and Remarkable Curiositys in Nature or Art, Observed in
Travels thro Great Britain. Illustrated with Copper Prints, London,
1724, p. 64.
55. Le souterrain dans lequel sont élevées les filles de Mary Stuart, dans
le roman de Sophia Lee, communique avec un manoir bâti sur les ruines
d’une ancienne abbaye. Sophia Lee, The Recess (1783), ed. Devendra P.
Varma, New York, Arno, 1972, vol. I, p. 15: « She led us thro the Abbey,
which might rather be called a palace; it was erected upon the ruins of
one destroy’d at the Reformation, and still was called by the name of St.
Vincent. It had all the Gothic magnificence and elegance. » Et un peu
plus loin, la narratrice précise: Lee vol. I, p. 42: « it was once a Convent,
inhabited by nuns of the order of St. Winifred, but deserted before the
abolition of Convents, from falling into decay. »
56. Lévy, Le Roman gothique anglais, p. 17.
57. Annie Le Brun, Les Châteaux de la subversion, Paris, J.-J. Pauvert,
1982, p. 93.
58. Jean-Jacques Rousseau, Julie, ou la nouvelle Héloïse (1761), éds.
Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, Paris, Gallimard, 1961, vol. II,
p. 694.

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DUROT-BOUCÉ, Élizabeth. Propos liminaires : traits d’une esquisse


culturelle. Le climat intellectuel à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle
In : Le Lierre et la chauve-souris : Réveils gothiques. Émergence du
roman noir anglais (1764-1824) [en ligne]. Paris : Presses Sorbonne
Nouvelle, 2004 (généré le 02 août 2019). Disponible sur Internet :
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DUROT-BOUCÉ, Élizabeth. Le Lierre et la chauve-souris : Réveils
gothiques. Émergence du roman noir anglais (1764-1824). Nouvelle
édition [en ligne]. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 2004 (généré le 02
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