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P I A I !

CRIS PROPHETIQUES DES CORBEAUX D'APOLLON

LECTURES MURCIENNES
# 016 / 16 - 03 – 2018

MADAME DE STAËL
MICHEL WINOCK.
( Fayard /Mars 2010 / 576 pp. )
N'ai jamais éprouvé, sans avoir trop lu grand-chose, une grand admiration
envers Mme de Staël, mais me suis laissé tenter par la curiosité littéraire et la belle
reproduction d'un fragment du tableau de Firmin Massot, Mme de Staël à côté du
buste de son père.
L'a dû salement tricher le Firmin car tous les témoignages concordent : Mme de
Staël n'était pas belle, l'on s'accorde même à la dépeindre comme laide, oui mais voilà,
à peine avait-elle ouvert la bouche que l'auditoire était suspendu à ses lèvres. Un
charme fou, dont elle usa et abusa. En plus elle était intelligente ! A un tel point que
Napoléon la craignait. Ou plutôt, qu'elle savait se rendre si insupportable qu'il lui fut
plus facile de l'exiler en Suisse et à quarante lieues de Paris que de discutailler sans fin
avec elle. Savait avoir toujours raison et se rendre indispensable à tous. Ses amants,
nombreux – la plupart de très beaux hommes – n'arrivaient point à la quitter. Elle
était dominatrice, régentait son troupeau à la baguette, ne se privait de rien et exigeait
tout de vous. Une forte personnalité, plutôt sympathique, généreuse, prête à porter
secours, et parfois en des circonstances dramatiques, à ses amis et même à ses ennemis.
Mais la médaille comporte son revers. Les bonnes fées s'étaient penchées sur son
berceau. Elle naquit fille de Necker, banquier, financier et ministre de Louis XVI. En
plus sous une époque formidable puisqu'elle traversa la fin de la Royauté, la
Révolution, l'Empire, le retour des Bourbons, les Cent-Jours et mourut à l'aube de la
Restauration. Une vie remplie de fracas politique.
Elle épousa les idées de son père, et fut partisane d'une monarchie tempérée.
Mais devant l'intransigeance des Ultras et la chute inévitable de la Royauté elle se
rallia à la République. Elle était pour la Liberté. Qui oserait contredire une telle idée ?
Elle abhorrait les lettres de cachet et la prison. Le principe est fort louable, encore
conviendrait-il de modérer la louange : du haut de ses millions, elle pensait davantage
aux personnes de l'élite aristocratique et bourgeoise qu'au menu peuple qui ne
comptait pas vraiment. Lorsque Napoléon s'empara du pouvoir elle combattit la
Tyrannie. Qu'était-ce que ces déplorables mœurs de surveillance policière de la haute
société ?
Le lecteur judicieux rétorquera qu'il était tout à fait normal que Mme de Staël
s'occupât de son milieu, et que c'était au peuple de trouver en lui-même la force de
briser ses chaînes. Nous ne pouvons lui donner tort. Mais le problème se pose d'une
manière plus retorse qu'il n'en a l'air.
Que Mme de Staël s'inquiétât de sa liberté et de celle de ses semblables ne serait
pas un mal en soi si en la théorisation de son argumentation elle n'étendait la liberté de
l'individu au droit, pour ce dernier, de commercer librement. Autrement dit derrière
l'arbre de l'habeas corpus se cache au sein de la doctrine libérale la forêt d'un
mercantilisme prédateur et comminatoire qui fonde l'essence première du libéralisme.
Comme si pour prospérer heureux il vaudrait mieux se cacher à l'ombre des belles
paroles !
Les choses ne sont jamais simples. Elles se donnent à nous sous forme de
contradictions à première vue difficiles à résoudre. Il est tout de même amusant de
constater que la liaison tourmentée qui unira Mme de Staël à son amant Benjamin
Constant commence sous les apparences conjointes de la théorisation de la pensée
libérale et de la passion romantique, et se termine par le sauve-qui-peut constantien
fatigué de la frénésie sentimentale de sa Dame, en même temps décidé coûte que coûte
à établir sa fortune, quitte à trahir ses propres principes et à rejoindre Napoléon
durant les Cent-Jours...
Pour être tout à fait juste il reste à préciser que Mme de Staël en vint à souhaiter
la victoire de l'Empereur redoutant avec le retour des ultras dans les fourgons ennemis
la reformation de l'ancienne alliance totalitaire du Trône et de l'Eglise, dans des
années où cette fille des Lumières finissait par se tourner vers une religiosité sans rite,
d'obédience protestante ( et familiale ), réalisant ainsi cette première mouture, qui
parcourra toute une partie de la pensée socialisante du dix-neuvième siècle, du
christianisme en ménage avec le libéralisme. Cette union se perpétuera au vingtième
siècle sous diverses formes : en la politique de la main tendue de structures
révisionnistes issues de mouvements prolétariens aux chrétiens de gauche, en cette
idéologie infra-monothéiste qui est à la base plus ou moins conscientisée du crédo
libéral actuel. Social-démocratie, démocratie chrétienne, démocratie libérale, chacune
de ces variantes idéologico-historiales n'étant que la monnaie de la pièce qu'elles se
tendent mutuellement. Une parfaite illustration symbolique de la libre circulation de
l'argent et des capitaux en ce bas-monde ! Car il est bon de laisser à Dieu un des côtés
de la pièce afin qu'il ne perde pas la face, et de garder le dividende surnuméraire de
l'échange pour les hommes de bonne volonté.
Ceci parfaitement résumé par le lent retour vers le classicisme du Goethe adulte
qui ne souffre plus que de son propre vieillissement. La geste héroïque de Lord Byron
allant mourir à Missolonghi fondera le romantisme révolutionnaire auquel Mme de
Staël se refusera, très logiquement, d'émarger. Dans ses amours les plus tumultueuses
elle reste une femelle d'ordre terrifiée par l'apparition historiale, et puis subliminale
dans l'imaginaire de la petite-bourgeoisie, du couperet sanglant de 93. Une femme de
tête en quelque sorte.
André Murcie. ( 2009 )

DE L'ALLEMAGNE
MADAME DE STAËL
( Garnier Flammarion / 1967 )

Première véritable lecture de Mme de Staël, l'ouvrage qui lui permet de rester
célèbre encore de nos jours. Deux tomes, plus de sept cent pages en petits caractères,
plus de quarante ans qu'il dort dans ma bibliothèque, jamais le temps, beaucoup de
préventions aussi. Au final, un véritable écrivain, suscite l'envie d'en lire d'autres.
Mais De L'Allemagne d'abord. Un livre qui permit au public français de s'ouvrir à la
littérature allemande et le coup de gong théorique du début du romantisme par chez
nous. Parle en connaissance de cause, a appris l'allemand, a visité Goethe, a été
l'amante d'August Willhelm Schlegel... Difficile de faire mieux.
Triche un peu. Parle bien de l'Allemagne mais aussi un peu de l'Angleterre et
beaucoup des français. Eléments de comparaisons, influences, oppositions, certes. Mais
cette fille du dix-huitième siècle nous semble surtout être actée par une vision toute
littéraire issue des canons esthétiques du grand siècle. Son jugement sur les
philosophes est surprenant, ne s'étend guère sur Rousseau, apprécie sa sensibilité déjà
pré-romantique mais note cet état de fait sans s'y attarder, une évidence en quelque
sorte. Peu de lignes sur Diderot, mais quel compliment ! L'Encyclopédie la laisse inerte,
ce n'est pas l'écrivain ou l'agitateur qui lui plaisent mais le causeur, l'homme de salon à
la conversation éblouissante. Nous surprend quant à Voltaire, se réfère constamment à
sa poésie et à son théâtre. Notre époque ne partage point cette vue entachée du plus
pur classicisme. Les idées philosophiques de ces deux derniers messieurs ne
l'intéressent point. Sentent un peu trop le fagot. D'esprit ouvert elle ne professera que
du bout des lignes un théisme des moins argumentés. Le Dieu de la Bible est encore
présent en sa pensée. En filigrane indélébile. Non pas le grand-père à barbe blanche
mais elle le considère en dernier ressort comme la dernière caution morale
indépassable. L'on aperçoit ainsi ce qui l'a séduite chez ce peuple de penseurs issus de
Kant.
Germania divisa est in partes bis. Le Nord et le Sud. Un pays empli de brume et
de tristesse. Deux capitales, Berlin et Vienne, mais pas de centre intellectuel. Nos
écrivains sont solitaires, enfermés dans la tour d'ivoire de leurs localisations politico-
géographiques. N'échangent que très peu entre eux. Chacun développe ses marottes
dans son coin. Tant qu'ils acceptent les autorités de leurs autorités gouvernementales
respectives ils bénéficient d'une grand liberté de pensée. L'Empire en déliquescence
n'impose point d'esthétique communautaire.
La partie consacrée à la poésie est des plus irritantes. Sans arrêt elle loue
l'habileté des poètes allemands tout en prenant soin de préciser à chaque fois que les
traductions sont dans l'impossibilité de rendre cette virtuosité. Si vous désirez goûter à
ces fruits inaccessibles, apprenez l'Allemand. Toutefois les quelques traductions qu'elle
donne de Bürger sont des plus appétissantes. Quitte sans regret la poésie pour le
théâtre. S'en donne à coeur joie, résume et critique une vingtaine de pièces. L'est dans
son élément. L'on se croirait dans les querelles qui opposèrent Corneille à Racine. Elle
applaudit à plusieurs reprises au non-respect de la règle – typiquement française – des
trois unités. Prend pour cela systématiquement appui sur Shakespeare, toutefois elle
reste une fervente partisane de l'unité d'action – ce qui ne manque pas de
contradiction. Mais son dada, son cheval de Troie, qui lui permet de rendre de
souverains arrêts aussi tranchants qu'une lame de guillotine, c'est la notion de
caractère. Non tel personnage n'aurait jamais agi de cette manière, son idiosyncrasie le
lui interdit... Pour le sujet de la pièce, la thématique abordée, les intentions de l'auteur,
elle s'en moque. N'empêche que son analyse de Faust ( le premier ) ne manque ni de
justesse ni de compréhension. Passe un peu vite sur les romans et l'ensemble des autres
écrits en prose. Les portraits des écrivains sont trop rapides, Wieland, Herder ont droit
à quelques égards – notons que Goethe a toujours tenu à marquer une certaine
déférence pour ces deux devanciers - et tresse une somptueuse couronne de lauriers à
l'historien Johannes von Müller. L'on peut sourire, celui qui se taille la part du lion de
toutes les deux premières parties de l'essai, reste Talma, l'acteur français dont à la
suivre une seule mimique éclipse les efforts psychologiques de tous les dramaturges
d'outre-Rhin... A la fin de son dithyrambe, Germaine de Staël, un peu gênée, avoue
qu'elle s'est laissée emporter par la passion. Et nous par le style. Ecrit d'esprit, comme
on parlait aux temps heureux de la Royauté. Fougue exaltée tempérée par une ironie
paradoxale. Perfide rapière.
Mais venons-en aux choses sérieuses. Philosophie ! Incontinent agrémentée
d''une clausule des plus décevantes car elle se hâte de préciser dès le titre : Philosophie
et Morale ! Priez pour nous. Déception surtout qu'elle avait expédié fissa Luther, se
contentant d'aborder son action sous son seul aspect politique. En exagérant nous la
traiterions de pré-marxiste ! Mais non, ce n'était pas un saut dialectique qualitatif,
juste un recul. Pour mieux rebondir dans les vieilles ornières. Fichte, Schelling et
Frédéric Schlegel expédié en un chapitre ! Hegel aux abonnés absents. Deux chapitres
sur Jacobi qui circonscrit la pensée philosophique dans le cadre étroit de la révélation
biblique, et beaucoup de bien sur les frères Moraves, secte qui prône le retour à une vie
communautaire des plus strictes. Madame de Staël choisit son camp : le christianisme.
Loue à plusieurs reprises les bienfaits de l'examen de conscience permis par l'éclosion
de la Réformation. N'en veut pour preuve que la vitalité du protestanisme dans le
Nord du pays et la stérilité intellectuelle du catholicisme dans les régions du sud.
Coucou le revoilou, Luther entre par la grande porte, a droit à un éloge appuyé. Finies
les saillies verbales, Madame de Staël expose ses propres idées. Considérations sur les
bienfaits d'une religiosité tempérée seule garante d'une société sans heurt. Le titre de
la dernière partie est tout un programme. Religion et Enthousiasme. La religion
comme régulateur de la société. Vision très conservatrice. La femme considérée en tant
que chaste épouse du mari qui se doit de lui témoigner protection et fidélité. Le lecteur
se permettra de remarquer que le rôle attribuée à la gent femelle ne correspond guère
à la vie de notre conseillère matrimoniale. Une existence que l'on considèrera au vu de
ses propres critères comme dissolue, péché contre la chair, véniel si on le mesure à
l'aune de son action politique dont l'occupation est théoriquement dévolue aux seuls
messieurs... L'a dû se rendre compte de ses propres contradictions, alors elle jette son
va-tout, son joker censée faire passer la pilule : l'enthousiasme ! Cette faculté qui vous
emporte hors de vous. Rassurez-vous sur des coteaux fort modérés. Les Harmonies
Poétiques et Religieuses d'Alphonse de Lamartine publiées en 1830 peuvent être
considérées comme la traduction poétique de l'enthousiasme staëlien. A sa décharge
nous devons le reconnaître, la vie et l'activisme politique de Madame de Staël est une
préfiguration des passions romantiques. Une certaine complaisance nombrilesque qui
n'est pas sans exagération : la censure napoléonienne, qu'elle dénonce sauvagement,
subie par son ouvrage se résume en tout et pour tout à la suppression d'une vingtaine
de lignes. A l'écouter elle serait la victime propitiatoire de la tyrannie absolue...
Rappelons que cette censure était monnaie courante sous le roi dont son père adoré fut
ministre... Quant à la religion chrétienne qu'elle défend avec tant d'obstination
obscurantiste – suffit de lire les dénonciations sans équivoque de d'Holbach et de La
Mettrie, accusés du crime de lèse-majesté de pensée matérialiste - nous nous
souviendrons de l'intransigeance doctrinale de l'Eglise qui se traduisit régulièrement
au cours des siècles par de multiples autodafés ( de livres et d'auteurs ) attentatoires à
la liberté de pensée. Et puis en opposition directe avec cet auto-regard un tant soit-peu
égotistement complaisant du poëte sur sa propre grandeur incommensurable,
l'engagement politique plus souvent au nom du Peuple qu'à ses côtés...
N'oublions pas que Germaine de Staël fut une propagandiste résolue du libéralisme,
tant individuel qu'économique. Doctrine qui certes réfute la guerre, terrible activité
humaine qui au-delà des violences qu'elle provoque à l'encontre des biens et des
personnes a pour principal défaut de gêner la libre circulation des marchandises. Ce
n'est pas un hasard si de nombreuses pages du Capital sont réservées à conceptualiser
les circuits idéo-transformatif du concept de marchandise. Le libéralisme aime et
prône la stabilité. Il ne prise guère les citoyens qui pencheraient un peu trop vers les
modalités de production auto-suffisante. Il n'est pas bon que ces idées germent un peu
trop fermement dans leur tête. La religion s'avère être un filtre idéal, un adoucissant
qui lessive à grande eau de l'obéissance passive le cerveau des concitoyens par trop
délibérément actifs. La pensée réactionnaire – quand on la compare aux avancées
théoriques des Lumières – et profondément conservatrice – toujours présentée sous les
auspices d'une certaine modernité progressiste - de Madame de Staël est annonciatrice
du mode de déploiement des doctrines économiques libérales. Elle est même en notre
pays des plus actuelles en le sens où elle porte en elle les modalités discursives de leurs
diffusions médiatiques particulièrement en vigueur de nos jours.
André Murcie. ( Septembre 2017 )

# 017 du 23 / 03 / 2018 : LIMONOV

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