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Contribution

De l’État et de la Gouvernance
A la lecture de son texte, on conclut que Mouloud Hamrouche n’est candidat à rien. Mais rien
n’autorise non plus à affirmer qu’il ferme toutes les portes.
Mouloud Hamrouche
13 janvier 2019 à 11 h 19 min

Aucune réponse ne peut contenir toute la vérité. Aucune démarche n’est exempte de faille.

Beaucoup n’avaient jamais noté et d’autres, de ma génération, avaient simplement oublié que
la Proclamation de Novembre 1954 avait posé comme objectif la restauration de l’État
national souverain comme finalité du combat libérateur et comme garantie de l’indépendance
nationale.

Or, l’État algérien du XVIe siècle, dépourvu de leadership national, faiblement structuré,
pauvrement armé et défendu, a été phagocyté puis détruit. Il est vrai que depuis, l’absence de
l’État a été cruellement ressentie à la défaite de chaque résistance et à l’échec de chaque
révolte contre une colonisation de peuplement ou une perte d’un droit. Cet Etat était quêté
pendant toutes les nuits de la soumission.

Un État qui cristalliserait la volonté de tous les Algériens et leur prodiguerait défense, sécurité
et dignité. Cet espoir avait rendu une survie miraculeusement possible pour tout un peuple
livré à la déchéance et promis à l’errance et l’extinction. Ces implorations de populations
meurtries et humiliées ont été convoquées, de nouveau, après les massacres du 8 Mai 1945.
Elles seront saisies avec force et détermination par l’esprit incubateur de l’OS (Organisation
spéciale du PPA – février 1947).

L’État algérien sera proclamé par la Déclaration de Novembre 1954, «texte constitutif»
assumé par les fondateurs/acteurs du FLN/ALN. Cette quête de restauration de l’État national
tenue est devenue, à la fois, l’expression d’un nationalisme identitaire algérien et sa finalité.
Un nationalisme de refondation de l’identité, de l’Etat national et de la nation.

En clamant d’emblée ce droit à la restauration de l’État national souverain, les fondateurs


avaient opté et ambitionné le modèle contemporain de l’État-nation européen (westphalien
1648, Allemagne). Les organes issus de la Soummam, CNRA et CCE (1956), la formation du
GPRA (1958), la constitution des bataillons de l’ALN aux frontières par le mixage des unités
de différentes wilayas, décidée par le trio Krim- Boussouf-Bentobal ainsi que la création de
l’état-major général ont été des décisions et des actions déterminantes dans la poursuite de ce
but et le façonnage futur de l’armée nationale et des contours de l’Etat souverain et de sa
diplomatie.

Une activité diplomatique prodigue sur les cinq continents et l’établissement de relations avec
tant d’Etats et de gouvernements, notamment avec les pays arabes, les pays du bloc
communiste et la Chine, confortaient cette démarche révolutionnaire étatique inhabituelle.

Cette exigence a conduit à l’adhésion volontaire et unilatérale aux Conventions de Genève sur
la guerre, à la Croix-Rouge et à d’autres organisations internationales et régionales, comme la
Ligue arabe au Caire (ligue d’Etats), l’Organisation des pays non-alignés à Bandung et
l’Organisation africaine à Monrovia, ainsi qu’à une présence intense aux Nations unies. Cette
démarche conférait au combat des Algériens l’objectif de restaurer leur Etat national plus que
celui de lutter pour une simple indépendance.

Ces actions menées par les dirigeants algériens de la Révolution avaient soulevé tant de
considérations et de soutiens, en Europe, dans le monde arabe et en Amérique, comme en
témoignent soutiens et aides qu’apportèrent concrètement de nombreux hommes politiques et
penseurs, français, allemands, autrichiens, suédois, suisses, italiens, grecs, espagnols,
américains et canadiens à la cause des Algériens. Certains sont devenus chefs d’Etat,
chanceliers, Premiers ministres et ministres, notamment J. F. Kennedy, B. Kreisky, Olof
Palme, Pierre Elliott Trudeau et Michel Rocard.

Il est utile de rappeler, pour plus de liens, de contextes et d’éclairages, que le modèle d’Etat
westphalien du XVIIe siècle – contemporain de l’Etat algérien du XVIe siècle – avait pour
objectif d’instituer définitivement et pacifiquement un lien charnel et indéfectible de la
triptyque : population, territoire et volonté nationale souveraine. Et in fine, mettre un terme
aux conflits et aux violences communautaires cycliques en interne, rompre avec la continuelle
composition et recomposition des populations, des territoires et des modifications des
frontières au gré des allégeances, des accessions aux trônes ou des guerres de souverains et de
princes aux motivations souvent religieuses.

L’État est une souveraineté du pays et un consensus scellé de ses citoyens

En quoi la révolution anglaise (1688–1689) avait-elle réglé la problématique de la corrélation


entre l’Etat, la souveraineté, le Pontife et les autres pouvoirs institutionnels, notamment celui
de l’Exécutif ? Comment la révolution française (1789-1799), qui avait donné à l’humanité le
texte le plus universel sur la liberté et les droits de l’homme, avait-elle manqué la question de
la corrélation entre l’Etat et la religion, demeurée en suspens faute d’avoir rapatrié le Primat ?

En quoi la Grande réforme allemande de l’Eglise et de l’Etat du XVIe siècle avait-elle


débouché sur un bornage subtil entre un Etat souverain solide, un Exécutif fort et contrôlé,
une implication permanente des citoyens ?

Ces trois exemples ne se distinguent pas par la perception du rôle et de la mission de l’Etat,
mais par l’organisation des pouvoirs constitutionnels séparés et par de subtiles articulations
des champs et des compétences qu’exerce un Exécutif limité par une durée et un mandat
libéré par des électeurs.

Certes, l’Exécutif gère un droit d’administration des attributs régaliens de l’Etat ainsi que des
droits inaliénables des citoyens en tant que gouvernement national non en tant que
gouvernement d’une majorité temporaire. Car, ces attributs ne sont pas sujets à
interprétations, à modifications, à réductions ou à négociations, car ils sont hors de son champ
et hors de sa compétence.

Néanmoins, il peut prendre des mesures en cas de menace pour préserver l’ordre
constitutionnel, protéger le pays et défendre les intérêts nationaux, mais nullement pour
exercer ses propres pouvoirs et ses mandats. C’est pour cela que l’Exécutif n’empiète jamais
sur les champs de l’Etat, sauf si des événements graves et urgents l’y invitent selon des
procédures constitutionnelles. Dans ce cas, l’Exécutif agit au nom de l’Etat par des procédures
et des habilitations légales.

Ce modèle d’Etat-nation avait libéré les peuples d’Europe de l’acte d’allégeance à des
monarchies divines, «monarques tenant prétendument leurs pouvoirs de Dieu ou gouvernant
en son nom». Cette transmutation a permis aux citoyens de faire acte de fidélité à la
communauté nationale, à l’Etat national de leur pays, à sa Constitution et non plus à ses
dirigeants ou gouvernants.

Cette évolution a autorisé les citoyens à se défaire de leurs gouvernants par la voie des urnes
ou de la contestation sans être inquiétés, accusés de trahison, d’intelligence avec l’ennemi ou
de perdre leur citoyenneté, leurs droits et surtout leurs droits à la protection et à la sécurité.
Mieux encore, cette évolution heureuse a mis l’armée nationale hors obligation d’allégeance
aux princes et aux monarques ni aux gouvernants. L’armée ne devait plus sa fidélité qu’au
pays, à son devoir envers la nation et à sa mission de défense du pays et de ses intérêts, y
compris à l’extérieur.

La souveraineté nationale et l’Etat sont des formes d’expressions et d’organisations les plus
achevées et les plus subtiles que l’homme ait inventé, après celles de divins monarques et
empereurs. Quant au fait religieux, à cause de sa force émotionnelle, son lien identitaire et
social fort, il pénétra la nation et l’Etat.

Mais l’Exécutif n’aura plus autorité sur le fait sacré et le religieux n’aura plus d’emprise sur
l’exercice du pouvoir de gouvernement. La société et l’Etat avaient ainsi tissé et renforcé des
liens et des attaches identitaires et religieux forts en rapatriant le Primat et en l’immunisant de
toute influence ou interférence extérieures.

Le modèle d’Etat se fondera sur un pari et une promesse. Une homogénéisation des
populations, des territoires et de la pratique religieuse, voire linguistique qui mettrait fin aux
violences entre populations, entre populations et gouvernants. Comme elle préviendrait les
agressions externes en les rendant injustifiées et illégitimes, et éviterait des guerres entre
nations par une réciproque reconnaissance de la souveraineté absolue aux peuples, à leurs
Etats et à leurs territoires par des traités, des conventions, et l’établissement de rapports
diplomatiques et consulaires.

Il se dotera ainsi de multitudes de traités et de conventions qui permettent à des nations


souveraines, quels que soient leurs tailles, leurs puissances et leurs types de gouvernement, de
coexister, de vivre ensemble (entre nations-Etat) et d’avoir des rapports réciproquement
fertiles et fructifiants.

Il donnera naissance successivement à deux grandes organisations mondiales : la Société des


Nations et l’Organisation des Nations unies. Il nourrira et renforcera des sentiments et des
cultures identitaires à fort ancrage. Comme il rendra presque impossible toute fusion farfelue
entre deux Etats et empêchera toute désarticulation sociétale.

Car pour s’immuniser, durer et se stabiliser sur le plan interne, il s’est inventé un ordre
institutionnel démocratique fort, des contre-pouvoirs puissants – outils qui servent à protéger
l’Etat et la société – des processus constitutionnels, politiques et sociaux de compromis et de
validation en lieu et place d’un droit divin ou d’un diktat de pouvoirs absolus et
irresponsables. Chose que nos aïeuls n’ont pas su faire, malheureusement !
En international, le modèle n’atteindra jamais sa promesse et ne mettra pas un terme à la
guerre. Pire, il subira deux grandes guerres mondiales des plus meurtrières et des plus
dévastatrices.

Il provoquera également une course effrénée à des invasions et des expansions territoriales
colonialistes des plus génocidaires et des plus appauvrissantes des zones et des pays riches en
matières premières à piller.

Ainsi, il se jouera de toutes les frontières des plus faibles Etats et pays, dont l’Algérie, au nom
d’un libéralisme économique d’accroissement, en combinant un nationalisme résolu et sans
faille de dedans et une globalisation sans vergogne de dehors, au motif d’une fallacieuse
mission civilisatrice.

Mais ces atroces et féroces guerres n’ont pas eu raison de l’idée de l’Etat national ni anéanti la
volonté des peuples dominés de continuer à résister et à survivre. Ces échecs et désastres
n’ont pas mis fin non plus aux convoitises et aux prétentions de domination et de destruction
de l’autre.

Aucune stratégie de domination ou de destruction n’est explicite

Cette dernière cruelle leçon que le temps enseigne depuis le règne de Rome aux mauvais
élèves, pour exaucer convoitises et velléités, des stratégies et des démarches sont, tout le
temps, en action pour fragiliser et affaiblir élites et gouvernants d’autres pays pour les
maintenir sous influence, sous pression et chantages.

Bloquer les conditions de l’émergence de l’Etat national ou empêcher ses institutions de


pouvoirs politiques, sociaux, économiques et culturels de s’établir, de s’affirmer, de se
responsabiliser et de se discipliner, procède de ce même axiome. Plus qu’une question de
démocratie et de droits de l’homme, il est question d’Etat garant et protecteur du peuple
souverain, de son territoire et de ses intérêts.

Car l’Etat et ses institutions obligent à ériger la vertu en emblème et en solution de toute
question de gouvernance et de politique dont les corrélats sont l’incarnation identitaire et non
des intérêts personnels qui évoquent la tentation de corruption.

Une telle vertu étatique n’avait-elle pas manqué et ces maux n’avaient-ils pas prospéré dans la
régence Algérie ? Etat national dirigé par des étrangers à cause d’une pauvreté dans le
leadership national et d’un manque d’évolutions positives et subtiles à temps dans les
aptitudes et les instruments de la gouvernance algérienne de l’époque.

Cette profondeur historique revendiquée, à juste raison, par les fondateurs de l’OS et du
FLN/ALN rappelait en fait un droit du sol, des droits et des acquis légaux en international. La
quasi-totalité des tracés de nos frontières date de cette époque, comme en témoignent des
traités, des reconnaissances mutuelles et des relations consulaires établis en leur temps avec
des puissances de l’époque ou lors d’affrontements maritimes et de batailles navales.

Ces legs et ces fragilités de la gouvernance ont visiblement échappé ou étaient négligés par
des gouvernants post-libération nationale. N’était-ce pas ce déficit en leadership national et en
bonne gouvernance qui avait autorisé et suscité le recours à l’aide de la Sublime-Porte ?
Des expériences plus immédiates d’un demi-siècle dans notre voisinage, pays arabes et autres
pays du Sud, ont démontré que tout régime qui ne s’accommode pas d’un ordre national
institutionnel, de contre-pouvoirs et surtout de contrôles ne peut pas résister aux conjonctures
et aux tempêtes ni lui, ni son armée, ni son peuple, faute de volonté souveraine exercée en
interne et incarnée par l’Etat national et une gouvernance comptable.
état et Gouvernance

Ce sont toutes ces raisons qui font que l’Etat et la gouvernance nationale sont deux notions et
deux problématiques distinctes. Pour l’Etat et les hommes d’Etat, il n’y a que des missions et
des devoirs, point de pouvoir. Le pouvoir et son exercice relèvent d’un gouvernement soumis
à contrôle.

Car l’Etat souverain est toujours dans une logique de constance, de continuité, de
préservation, de défense, de protection et de sécurité. L’Etat ne peut s’établir ni fonctionner
sur des promesses ou des illusions. Car il ne peut dépendre de scrutins ni compromettre ni
transiger ni concéder. L’Etat national, par l’entremise de ses fondés, est le seul à même, du
fait des principes qui le fondèrent et des misions qui l’animèrent, de protéger, d’accompagner,
de sanctionner, de pardonner et de réhabiliter à travers des pouvoirs institutionnels.

L’Etat national sanctionne le crime d’Etat ou le crime constitutionnel, parce que ce sont des
crimes contre l’Etat que ses fondés avaient commis ou n’avaient pas su éviter. L’Etat protège
ses serviteurs et ses commis. Et c’est la raison pour laquelle aucun pouvoir et/ou aucune
fonction d’autorité d’Etat ne s’exerce dans l’anonymat, sans habilitation, sans autorisation,
sans vérification et sans contrôle a priori et a posteriori. C’est aussi, pour que l’Etat ne soit
jamais privatisé au profit d’un groupe, un intérêt, une secte ou une influence extérieure.

L’Exécutif, quant à lui, est un pouvoir politique gouvernant, compétent pour engager et mettre
en œuvre des politiques et des actions de régulation, des projets d’innovation, de
développement, d’ajustement, de changement et de contrôle dans tous les champs d’activités
politiques, sociales économiques et culturelles. Mais pour cela, il doit se prévaloir d’un
mandat.

Et parce que ses choix, ses décisions et ses non-décisions impactent durablement la société, il
doit les soumettre à débat et à approbation pour qu’ils soient toujours compatibles avec les
intérêts de la collectivité nationale et qu’il demeure lui-même comptable et responsable
constitutionnellement devant l’électorat national de ses faits, de ses méfaits et de ses résultats.

Cette règle permet de fonder et de légitimer le choix d’autres politiques, d’autres visions,
d’autres projets, d’autres profils, d’autres équipes et alternatives.

C’est pourquoi, la Constitution est une constitution d’institutions nationales et de pouvoirs


séparés qui s’imposent à tout responsable. Car elle transcrit et précise les devoirs, les tâches et
les missions que des hommes et des femmes élus ou désignés assument et sur lesquels ils
seront interpellés et interrogés de droit.

Toutes ces lacunes et anormalités ainsi que ces prismes déformants empêchent l’État national
de transcender, le gouvernement d’agir, la démocratie de s’ancrer et de fonctionner. Ces flous
et ces dysfonctionnements ne pouvaient se résorber et se corriger présentement que par des
approches graduelles et séquentielles et par la pondération et la lucidité des élites nationales
face à de responsables institutions constitutionnelles et de vrais partis de militants.
Face à ce qui s’apparente à des débuts d’échec dans l’édification de l’État et dans la mise en
place des conditions de l’exercice de la gouvernance, le déficit en élites politiques et en de
vraies forces d’adhésion, notre pays a besoin plus que jamais de discernement pour faire face
aux diverses menaces, peurs, désespoirs et résignations.

Des Algériens forgés dans l’OS, mis à l’épreuve du combat par le FLN/ALN étaient capables
de s’organiser, de se structurer et de mener une guerre en s’appuyant sur de libres
consentements et participations des populations de toutes les régions, enclaves et autres
réduits pour réussir. Ils ont vaincu.

La crise de l’été 1962, qui remettra en cause des acquis de cette épopée et changera des
priorités opérées durant la guerre, a été un tournant dramatique qui causera un retard
préjudiciable pour le projet de l’État au profit d’un système de pouvoir plutôt que de
gouvernance. Et quand l’homme du 19 juin a repris ce combat là où il s’était arrêté, le souffle
révolutionnaire reprenait ses droits. Beaucoup y avaient cru et s’étaient engagés.

Si la liberté et la sécurité constituent l’âme de l’État national et les fondements de


l’indépendance, elles sont des assises légitimant pour tout gouvernement. C’est à l’État
national de maintenir vivaces les pré-conditions de la valorisation de l’identité nationale, de la
souveraineté, de la liberté et de l’indépendance plus qu’au gouvernement.

L’État veille sur l’exigence de la continuité des pouvoirs régaliens sans s’immiscer dans des
décisions et des arbitrages gouvernementaux. Car ces questions se traitent et se règlent par des
mécanismes politiques constitutionnels et législatifs.

In fine, c’est aux élites politiques dans des cadres institués et aux électeurs de le faire. Mais
l’Etat demeure, dans certaines circonstances graves, l’adjudicateur de tout dysfonctionnement
qui mettrait en danger les trois fondements de notre renaissance : la liberté, l’indépendance et
la souveraineté. L’Etat ne laissera jamais la confiance nationale citoyenne en ces trois
fondements se briser.

La suprématie de la solution nationale en interne demeure de mise. Tout pouvoir de secte,


d’ombre ou d’influence non identifiée qui échappe à tout contrôle est une menace traîtresse
contre l’Etat et ces trois fondements. Car, dans de tels cas de figure, même le recours à
l’armée risque d’être inopérant.

Des forces comportementales émotionnelles antigouvernance, antisociales et antisociétales


ont démontré par le passé qu’elles étaient en mesure de contrer les lois et les décisions de
régulations et de redressements. Elles sont des survivances de la période
soumission/insoumission.

L’Etat, à l’instar de l’armée, ne peut, du fait de sa nature et de la nature de ses missions, de


son rôle et de sa finalité, structurer la société.

Ce qui structure une société ce sont les partis, le débat et l’intérêt. Mais le débat ne peut à lui
seul avoir de sens et de contenus dans une situation délétère et de légèreté, sans engagement et
sans militantisme politique, économique, social et culturel.

Ce sont la militance, la confrontation d’idées et l’affrontement des intérêts qui procurent


adhésion, solidarité, dynamisme et vitalité à la société. Mais ceux-ci ne prospèrent que dans
un environnement de liberté et de sécurité. Deux fondements qui relèvent de la mission de
l’Etat et de la garantie constitutionnelle pour qu’elles soient et demeurent inviolables,
inamovibles, illimitées et illimitables. La liberté est un droit inné de l’humain en tout lieu et
en tout temps.

Cette liberté inclut la liberté de croyance, de conscience, d’expression et de création. C’est


pourquoi, la sécurité et l’intégrité physiques, la sécurité des droits, tous les droits, la sécurité
des biens ne doivent souffrir d’aucune faille ni exception. Dans ces champs de droits, on
retrouve le droit de vote et l’acte de voter qui bénéficient de ces mêmes garanties de sécurité
et de protection de l’Etat.

Ces perspectives n’étaient-elles pas dans le viseur des créateurs/fondateurs de l’OS et du


FLN/ALN ? Premières structures et assises pour la restauration de l’Etat national. L’ANP est
une création historique, singulière et précieuse du peuple qui ne vient pas d’un legs.

Car l’ADN de l’OS, de l’ALN et de l’ANP est le même et doit le demeurer. Cet ADN indique
que les promoteurs de l’OS (1947) n’ont pas uniquement fait le pari de requalifier des
Algériens aliénés en militants, conscients, lucides et prêts à se battre pour restaurer l’Etat
national, changer la situation du pays, mettre un terme à la condition indigène mais également
celui d’en faire des hommes et des femmes libres et responsables.

Aucune armée nationale au monde n’est apolitique, encore moins antipolitique. Toute armée
est consciente et au fait des politiques publiques, des choix, des programmes projetés et des
alternatives qui se projettent, et surtout des défis et des enjeux sous-jacents.

Le modèle de l’Etat contemporain avait, pour toutes ces raisons, dégagé l’armée de l’emprise
des souverains, des hommes et des conjonctures pour qu’elle forme corps avec l’Etat et le
peuple, la nation. L’armée avait cessé d’être un instrument entre les mains de souverains,
empereurs et gouvernants ou un outil de répression. Les armées ont été et demeurent au cœur
de la naissance et de la puissance des nations.

Elles ont profilé des alliances et des relations de leurs pays.


La guerre sous toutes ses formes ou la paix, factice ou durable, sont des appréciations et des
choix politiques qui relèvent de la gouvernance, des élites et la hiérarchie militaire.

Car la guerre, comme expliquait Clausewitz, est la continuation de la politique par d’autres
moyens. Si le choix de la guerre revient aux élites politiques gouvernantes et institutionnelles,
la conduite de la guerre, elle, est l’affaire de militaires et autres experts.

L’histoire des guerres enseigne que déroutes, débâcles et défaites étaient souvent des
inconséquences ou des suites de turpitudes, de fragilités ou d’absence d’entente entre élites et
encadrements du pays, plutôt qu’un manque de courage ou de sacrifice chez le peuple et son
armée. Une gouvernance ou une élite peut être la cause d’une défaite, jamais un peuple.

C’est pourquoi, il s’agit simplement de savoir quelle autorité politique constitutionnelle aurait
le droit d’envoyer un djoundi (soldat) pour tuer et se faire tuer sur un théâtre d’opération.
L’armée et son commandement ne peuvent à eux seuls se donner cet ordre souverain. Donc,
seul un chef d’Etat légitime peut le faire en passant par le gouvernement et le Parlement selon
des modes, des modalités et des procédures prévus par la Constitution.
L’ONU, qui est une organisation supranationale fondée et composée par des Etats souverains,
est également chargée de préserver la paix et d’accompagner toutes les guerres, toutes les
formes de solutions et d’ententes.

Si toute révolution est un bouleversement d’un ordre structuré et hiérarchisé, la Révolution


algérienne avait ambitionné en plus la restauration d’un ordre étatique national, né de
résistance pour conserver et préserver nos côtes maritimes des tentatives d’occupations
espagnoles.

Cet ordre n’a pu être instauré ni immunisé faute d’une adhésion populaire unifiée, de la
fragilité des élites et l’absence d’un leadership national capable d’exploiter ce succès, du fait
des structures sociales trop enfermées et enclavées datant du XIVe siècle, que la conquête
coloniale du XIXe a su exploiter, affaiblir et détruire, malgré de farouches résistances et de
généreux sacrifices.

La restauration d’un Etat qui ne soit pas celui d’hier mais un Etat souverain démocratique et
social dans le cadre des valeurs de l’islam. Un Etat à l’instar d’un Etat westphalien libéré au
XVIIe siècle du droit divin et de souverains émotionnels, devenu un «monstre froid».

Depuis, aucun humain ne peut plus prétendre être cet Etat ni l’incarner par lui-même, encore
moins pour lui-même, son groupe ou un groupe d’intérêt particulier. Même si le chef d’Etat
légitime est fondé à l’incarner à l’étranger pour manifester une souveraineté nationale face
aux autres souverainetés d’Etat et non face à d’autres pouvoirs.

Ce schéma a permis aux citoyens libres, aux gouvernements et aux politiques de jouer avec
leurs émotions, ambitions, peurs, audaces, innovations, tolérances, interdits et coercitions,
voire contestations en jouant aux chaises musicales ou en cherchant à établir d’autres rapports
de force.

Quant à la problématique de la religion, ses dogmes non sujets à modération, à modification


ou à remise en cause et ses fortes doses d’émotionnel, elle ne peut relever du jeu politique et
de gouvernement, car elle relève de la liberté de la foi, de la liberté de conscience plus
précisément. Là est le corrélat d’autrefois avec le droit divin des monarques et l’acte
d’allégeance qui ne pouvaient être remis en cause sans déclencher les foudres de la répression
ou de la guerre.

C’est pourquoi l’Etat se fonde sur une volonté nationale collective et une volonté individuelle
libre, d’où la Charte des droits de l’homme, plus opposable aux gouvernements qu’aux Etats-
nation. Cela explique pourquoi c’est l’Etat national qui bénéficie, non les hommes et les
gouvernements, de la soumission et la fidélité de l’ensemble des citoyens, tandis que le
gouvernement obtient des adhésions et des soutiens de moments et de conjonctures.

Là est le cœur de la question dynamique du gouvernement par le peuple et pour le peuple, qui
doit demeurer en concordance totale avec l’Etat national et la nation. Il doit être et rester sous
un contrôle constitutionnel et en harmonie avec les intérêts de la majorité des citoyens.

Équation état, Armée et gouvernance politique

Beaucoup d’auteurs, de chercheurs et d’essayistes placent la question de l’armée parmi des


sujets de société ou de politique. Cette approche controversée est due à son implication
parfois dans des champs de maintien de l’ordre et de pouvoir, ou de répression suite à un
désordre social grave ou une faillite institutionnelle manifeste.

La composante humaine de l’armée fait partie des sujets de société. L’armée, elle, par sa
nature et son organisation, est une sphère de l’Etat dont elle est la colonne vertébrale du fait
de sa mission et sa finalité, qui se recoupent et se confondent latéralement avec celles de
l’Etat.

Des expériences et des études, y compris dans de vieux pays structurés socialement et
démocratiquement, où l’armée avait servi de base un temps pour gouverner, ont démontré que
cela nuit à sa mission et à sa finalité.

De même que cela brouille ses rapports avec la société, menace ses articulations et son
organisation, affaiblit sa cohésion et sa discipline. Bien plus, cela force ses composantes,
particulièrement le corps des officiers, à adhérer à des idéologies et à devenir partie prenante
des conflits internes.

Tous ces risques peuvent la faire chavirer d’une institution nationale à une institution anti-
establishment. Un demi-siècle d’observations en Amérique latine, en Afrique et dans le
monde arabe ainsi que les guerres coloniales indiquent qu’une armée nationale trop impliquée
dans des conflits avec des civils ou des groupes armés perd de son agilité et de sa capacité
opérationnelle. La nature de ces conflits et de ces confrontations ne procure pas de batailles
décisives ni de victoire définitive.

Que nos failles, nos erreurs, douleurs et malheurs d’hier, que nos errances post-libération et
que nos violences et crises du pouvoir nous aident à tirer le maximum d’enseignements pour
le parachèvement de la mise en place de l’Etat national.

L’instauration d’une gouvernance fondée sur un exercice institutionnalisé des pouvoirs


séparés, la garantie de l’existence des contre-pouvoirs, des contrôles et des voies de recours.

Par Mouloud Hamrouche


Ancien chef de gouvernement
(6 septembre 1989-3 juin 1991)

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