26-290-A-20

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-290-A-20

Rééducation et réadaptation de l’arthrite

juvénile idiopathique
M Baticle
MC Commare
Résumé. – Le traitement des arthrites juvéniles idiopathiques doit être aujourd’hui mis en œuvre par des
C Glorion
équipes pluridisciplinaires spécialisées. La rééducation occupe une place prépondérante dans ce traitement.
F Huel
Elle est réalisée le plus souvent à domicile, en particulier lors des phases de rémission, en centre spécialisé ou
JL Sciberras
à l’hôpital lors des poussées inflammatoires ou après traitement chirurgical. L’objectif est de prévenir ou de
AM Prieur
réduire les attitudes vicieuses, de conserver les amplitudes articulaires et l’équilibre musculaire.
P Touzet¥ Ce traitement long et difficile a pour but de sauvegarder le potentiel fonctionnel articulaire et d’assurer au
malade une vie aussi proche que possible de la normale.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction
Lors de la première réunion à Santiago
(Chili) du Comité de la ligue internationale
des associations de rhumatologues (1994), il
a été décidé de ne plus parler d’arthrite
chronique juvénile ou d’arthrite rhumatoïde
juvénile mais plutôt d’arthrite juvénile
idiopathique (AJI). Cette décision a été
entérinée lors de la deuxième réunion à
Durban (Afrique du Sud) et les critères
d’inclusion et d’exclusion redéfinis [23].
Le traitement des AJI est une entreprise de
longue haleine. La prise en charge actuelle
ne peut être que multidisciplinaire [24].
La précocité de la rééducation est un des
moyens de préserver l’avenir fonctionnel de
l’enfant.
La rééducation a un rôle important à tous
les stades : au début, préventif, puis de
récupération articulaire et musculaire et,
enfin, palliatif pour aider au mieux dans
toutes les activités de la vie quotidienne.
Cette rééducation doit s’adapter à tous les
stades de la maladie et peut, en
conséquence, être réalisée en milieu
hospitalier, en centre de rééducation ou, le
plus souvent, au domicile.
Marc Baticle : Moniteur en médecine physique et réadaptation.
François Huel : Moniteur en médecine physique et réadaptation.
Jean-Luc Sciberras : Moniteur cadre, masseur kinésithérapeute.
Centre de rééducation fonctionnelle infantile (CRFI), château de Brolles,
77590 Bois-le-Roi, France.
Marie-Christine Commare : Médecine physique et réadaptation
(MPR), unité de rééducation.
Anne-Marie Prieur : Praticien hospitalier, unité d’immunologie,
hématologie, rhumatologie pédiatrique.
Christophe Glorion : Professeur des Universités, praticien hospitalier,
service d’orthopédie et de traumatologie pédiatrique.
Hôpital Necker-Enfants malades, 149-161, rue de Sèvres, 75015
Paris, France.
Philippe Touzet¥ : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
L’atteinte articulaire débute par la synovite.
Cette inflammation entraîne une douleur,
l’articulation se met spontanément en
attitude antalgique (détente maximale de la
capsule articulaire, des ligaments et des
muscles). Très rapidement, capsules,
ligaments et muscles vont se rétracter et
l’attitude antalgique va devenir une attitude
vicieuse irréductible. Parallèlement, la
prolifération synoviale va dégrader le
cartilage avec une prédilection pour les
zones de pression (pression majorée par les
contractions). Du fait de l’immobilité, la
zone de contact ne varie plus et va se
déformer. Plus tardivement peut apparaître
une fusion articulaire, voire une luxation ou
dislocation lorsque la destruction du
cartilage est très avancée. Parallèlement,
l’immobilité, l’inflammation, les traitements
cortisoniques, provoquent amyotrophie et
ostéoporose.
La rééducation peut s’opposer à ces
évolutions en limitant les conséquences de
l’inflammation synoviale. Cette rééducation
est difficile et doit être réalisée par des
professionnels expérimentés avec un
programme précis. Elle est contraignante et
doit donc s’adapter et s’intégrer à la vie
familiale et scolaire en tenant compte de
l’âge de l’enfant.
Formes cliniques
des arthrites juvéniles
idiopathiques et bases
du traitement médical
Le diagnostic d’AJI est évoqué devant une
arthrite débutant avant l’âge de 16 ans, sans
étiologie reconnue. L’anamnèse, l’examen
clinique et l’évolution doivent conduire au
diagnostic. Trois grands sous-groupes sont
reconnus selon le mode de début dans les
6 premiers mois : les formes systémiques
(20 % des cas), les formes polyarticulaires
(30 % des cas) et les formes oligoarticulaires
(50 % des cas) (tableau I). Chacun de ces
s o u s - g r o u p e s e s t d é fi n i p a r d e s
caractéristiques à la fois cliniques,
biologiques et parfois immunologiques ou
génétiques. La prévalence est environ de
3 000 cas en France. L’incidence est de 10 à
20 cas par an pour 100 000 enfants de moins
de 16 ans, avec une atteinte un peu plus
fréquente chez la fille [7].
FORMES À DÉBUT SYSTÉMIQUE
Les signes extra-articulaires dominent le
tableau clinique. Ces formes surviennent le
plus volontiers entre l’âge de 3 et 5 ans, avec
la même fréquence chez les filles et chez les
garçons, sauf avant l’âge de 1 an où elles
surviennent presque exclusivement chez les
filles. Une infection oto-rhino-laryngologique
dans les jours ou semaines précédant les
premiers signes est parfois retrouvée.
¶ Manifestations extra-articulaires
La fièvre est typiquement oscillante, avec
une réascension quotidienne toujours à la
même heure, résistant le plus souvent aux
traitements antipyrétiques. L’éruption
cutanée est en général maculeuse et
contemporaine de la fièvre. Adénopathies et
hépatosplénomégalie sont inconstamment
retrouvées et n’ont pas de caractère
[24, 25] spécifique. Les localisations viscérales sont,
par ordre de fréquence décroissante,
cardiaques (essentiellement péricardiques,
mais aussi myocardiques), pleuropulmo-
naires (le plus fréquemment pleurales),

Toute référence à cet article doit porter la mention : Baticle M, Commare MC, Glorion C, Huel F, Sciberras JL, Prieur AM et Touzet P¥. Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique. Encycl Méd Chir (Editions
Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-290-A-20, 2000, 14 p.
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Tableau I. – Classification des arthrites juvéniles idiopathiques (selon le groupe de travail de l’« International ligue against rheumatism »).
Arthrite systémique
Polyarthrite FR négatif
Polyarthrite FR positif
Oligoarthrite
Enthésite en rapport avec arthrite
Arthrite psoriasique
FR : facteur rhumatoïde ; CINCA : syndrome chronique, inflammatoire, neurologique, cutané et articulaire ; HLA : human leukocyte antigen.
Tableau II. – Stades radiologiques de Stein-
brocker.
Stade 1 Ostéopénie, appositions périostées
Stade 2 En plus, pincement des interlignes
Stade 3 En plus, érosions sous-chondrales
Stade 4 En plus, fusion des interlignes
abdominales (atteinte péritonéale ou
suppuration profonde), rénales (en rapport
avec l’amylose secondaire ou les
traitements), enfin exceptionnellement
n e u ro l o g i q u e s ( e n c é p h a l i t i q u e s ) o u
oculaires.
¶ Manifestations articulaires
L’atteinte articulaire est parfois retardée de
plusieurs semaines ou ne peut se manifester
que par des arthralgies aspécifiques. Les
arthrites qui se manifestent par un
gonflement articulaire et périarticulaire
(surtout évident au niveau du genou, du
carpe et du tarse) sont symétriques, oligo-
ou polyarticulaires. L’atteinte du rachis
cervical est fréquente, parfois responsable
d’un torticolis. L’atteinte temporomaxillaire
est plus tardive. Les signes radiographiques
évoluent selon les stades de Steinbrocker
(tableau II). La radiographie du rachis
cervical peut montrer une instabilité sus- ou
sous-jacente à une fusion vertébrale.
¶ Signes biologiques
I l s s o n t a s p é c i fi q u e s e t t é m o i g n e n t
simplement du syndrome inflammatoire. Il
n’y a pas d’autoanticorps.
2
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique Kinésithérapie
Critères Exclusions
Arthrite précédée ou accompagnant une fièvre quotidienne d’une durée d’au moins CINCA
2 semaines avec au moins un des signes suivants : Autres maladies inflammatoires récurrentes
- éruption fugace
- adénopathie
- hépatosplénomégalie
- atteinte séreuse
Arthrite touchant plus de cinq articulations pendant les 6 premiers mois Présence de facteur rhumatoïde
Arthrite systémique
Arthrite touchant plus de cinq articulations pendant les 6 premiers mois présence Absence de facteur rhumatoïde
de facteur rhumatoïde Arthrite systémique
Arthrite touchant une à quatre articulations pendant les 6 premiers mois Psoriasis dans la famille
Spondylarthropathie dans la famille
Présence de facteur rhumatoïde
Garçon âgé de plus de 8 ans HLA B 27 positif
Arthrite systémique
Arthrite et enthésite ou enthésite ou arthrite et au moins deux des critères suivants : Psoriasis dans la famille
- sensibilité des sacro-iliaques Arthrite systémique
- douleur rachidienne inflammatoire
- HLA B 27
- histoire familiale d’au moins une des pathologies suivantes : uvéite antérieure ;
spondylarthropathie confirmée ; colopathie inflammatoire
- uvéite antérieure
- garçon âgé de plus de 8 ans
Arthrite et psoriasis ou, en l’absence de psoriasis, arthrite avec au moins deux des Présence de facteur rhumatoïde
critères suivants : Arthrite systémique
- dactylite chez le patient
- piqueté unguéal ou onycholyse chez le patient
- psoriasis dans la famille
¶ Évolution
1 Enfant de 9 ans ayant
Elle se fait d’un seul tenant ou par poussées une arthrite juvénile idiopa-
itératives. Tout peut se voir entre une thique de forme polyarticu-
laire. Noter le flessum des
guérison totale sans séquelles et des
genoux avec subluxation
destructions articulaires très invalidantes. postérieure, le flessum des
Seules la sévérité et la précocité de l’atteinte hanches, le varus des pieds,
articulaire constitueraient des éléments le flessum des coudes, l’at-
pronostiques. teinte du carpe, l’attitude
du rachis.
¶ Complications
Ce sont essentiellement l’amylose
secondaire, rare mais grave, les retards de
croissance, en rapport avec la maladie et/ou
le traitement corticoïde, et, enfin, les
complications thérapeutiques, la plus
importante étant le syndrome d’activation
macrophagique.
FORMES À DÉBUT
POLYARTICULAIRE (fig 1)
L’atteinte articulaire concerne au moins cinq
articulations, elle est symétrique et à
prédominance distale, touchant toutes les
articulations (y compris rachis cervical et
articulations temporomaxillaires). Des signes
nodules cutanés. L’atteinte du rachis cervical
extra-articulaires peuvent être présents, mais
peut aboutir à une instabilité C1-C2. Les
restent modérés. Ces polyarthrites sont
images radiologiques à type d’érosions des
caractérisées par leur grande hétérogénéité.
petites articulations des doigts sont précoces.
Il existe un syndrome inflammatoire
¶ Formes avec présence de facteurs
biologique souvent majeur et la présence de
rhumatoïdes
facteurs rhumatoïdes est affirmée sur un test
E l l e s re p r é s e n t e n t 1 0 % d e s f o r m e s au latex supérieur à 1/40 et un test de
polyarticulaires et touchent essentiellement Waaler-Rose supérieur à 1/32 (sur deux
les filles de 8 à 10 ans. La douleur domine examens réalisés à 3 mois d’intervalle). Le
souvent le tableau. Il peut exister des pronostic est souvent sévère.
Kinésithérapie Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
¶ Formes avec présence d’anticorps
antinucléaires
E l l e s re p r é s e n t e n t 3 5 % d e s f o r m e s
polyarticulaires et touchent essentiellement
les filles avant l’âge de 3 ans. Le risque
d’uvéite est important. Le pronostic est
variable.
¶ Formes polyarticulaires
avec synovite importante
Elles touchent avec la même fréquence filles
et garçons, essentiellement entre 8 et 10 ans.
La douleur est modérée. L’atteinte
tendineuse est fréquente. Il existe souvent
un syndrome inflammatoire biologique, il
n’y a pas d’autoanticorps. L’évolution
articulaire est tout à fait variable.
¶ Formes polyarticulaires avec peu
ou pas de synovite
La raideur domine le tableau, diffuse,
d’installation progressive, sans autre signe
clinique manifeste. La biologie ne retrouve
en général aucune anomalie. L’évolution se
f a i t v e r s l ’ a n k y l o s e a r t i c u l a i re n o n
douloureuse.
¶ Formes polyarticulaires avec
critères de spondylarthropathie
Il s’agit d’une atteinte inflammatoire
strictement périphérique, prédominant aux
membres inférieurs, asymétrique, survenant
surtout chez les garçons vers l’âge de
10-12 ans, avec le plus souvent une histoire
personnelle et familiale typique
(spondylarthrite ankylosante, psoriasis,
entéropathie inflammatoire, syndrome de
Fiessinger-Leroy-Reiter). L’atteinte des
enthèses en est caractéristique. L’évolution
se fait en général par poussées, entrecoupées
de périodes de rémission plus ou moins
prolongées. L’atteinte oligoarticulaire peut se
généraliser. L’antigène HLA-B27 (human
leukocyte antigen) est retrouvé dans 80 à 90 %
des cas.
FORMES À DÉBUT
OLIGOARTICULAIRE
Elles représentent 50 % des AJI. Elles
touchent moins de cinq articulations. Il n’y a
pas de manifestation extra-articulaire sauf
parfois, au début, quelques jours de fièvre.
Elles affectent préférentiellement les grosses
articulations des membres inférieurs, de
manière asymétrique. La douleur est
souvent modérée. L’atteinte initiale peut ne
concerner qu’une seule articulation, posant
alors un problème diagnostique. Il en existe
deux types, un type de début précoce et un
type de début tardif.
¶ Oligoarthrites à début précoce
Elles affectent la petite fille avant 5 ans. La
gêne fonctionnelle est le plus souvent
minime. Une atteinte du rachis cervical ou
une localisation temporomandibulaire
peuvent passer inaperçues. Biologiquement,
l’inflammation est modérée, voire absente. Il
existe des anticorps antinucléaires dans 70 %
des cas, d’aspect moucheté. Les signes
radiologiques montrent au début une
infiltration des parties molles, plus
t a rd i v e m e n t e t i n c o n s t a m m e n t d e s
altérations de l’interligne articulaire.
L’évolution articulaire est en général
favorable, peu destructrice. Dans 30 % des
cas, elle peut devenir polyarticulaire.
L’association à une uvéite antérieure
chronique est fréquente. Celle-ci,
d’installation tout à fait insidieuse, doit être
recherchée de façon systématique par un
examen à la lampe à fente tous les 3 mois.
Non traitée, elle peut être à l’origine de
séquelles graves.
¶ Oligoarthrites à début tardif
Elles affectent le garçon de plus de 10 ans.
Les douleurs d’insertion osseuse au niveau
des tendons y sont fréquentes. L’antigène
HLA-B27 est systématiquement recherché.
L’évolution peut se faire soit vers la
guérison, soit vers une spondylarthropathie
dans 30 % des cas.
[26]
TRAITEMENT MÉDICAL
Il est symptomatique et tend à contrôler
l’inflammation. Le traitement antalgique est
conjointement utilisé.
¶ Anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS)
Ils sont systématiquement utilisés au début.
Sont prescrits d’emblée l’acide acétylsalicy-
lique et l’ibuprofène. Les autres anti-
inflammatoires sont utilisés surtout chez le
grand enfant, l’indométacine est préféré
dans la spondyloarthropathie.
¶ Corticothérapie
Elle est utilisée à forte dose dans les formes
systémiques résistant aux AINS ou
compliquées et dans les uvéites, parfois en
bolus intraveineux. Elle est utilisée à faible
dose et transitoirement dans les formes
polyarticulaires ou de spondyloarthropathies
très inflammatoires résistant aux AINS. On
peut employer les infiltrations de corticoïdes
dans les formes oligoarticulaires résistant
aux AINS et pour les articulations restant
très inflammatoires dans les formes
polyarticulaires.
¶ Immunosuppresseurs
Ils peuvent être utilisés dans les formes
p o l y a r t i c u l a i re s e t d a n s l e s f o r m e s
systémiques résistant aux autres
thérapeutiques, ainsi qu’en cas d’amylose
(méthotrexate, chlorambucil).
¶ Traitements de fond tels sels d’or
et dérivés sulfhydrilés
Ils sont encore parfois utilisés dans les
formes polyarticulaires résistant aux AINS,
classiquement dans la spondylarthropathie.
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¶ Immunoglobulines
Elles sont utilisées dans les formes
systémiques sévères et en cas d’amylose.
¶ Autogreffe
Une intensification thérapeutique par
reconstitution immunohématologique
autogreffe de cellules souches de moelle
osseuse est actuellement en cours d’essai.
Rééducation de l’arthrite
juvénile idiopathique
La rééducation, réalisée de manière précoce,
nécessite une bonne connaissance de
l’évolution du processus inflammatoire ainsi
que des complications liées au traitement.
L’objectif de celle-ci consiste à préserver le
potentiel fonctionnel, ce qui paraît d’autant
plus difficile que l’atteinte revêt un caractère
précoce et extensif [35].
Les actions menées sont d’ordre préventif,
curatif, palliatif.
En ce qui concerne les gestes préventifs, la
difficulté réside dans l’acceptation par
l’enfant et sa famille de contraintes
thérapeutiques comprenant un suivi régulier
et strict. Ces dernières obligent le port
d’appareillages de repos ou de fonction,
ainsi qu’une limitation de l’activité, alors
que la perte fonctionnelle paraît encore
minime.
Les actes thérapeutiques à visée curative ont
pour but la récupération de secteurs
articulaires déficients mettant en danger
l’avenir fonctionnel et plus particulièrement
la marche.
Les soins palliatifs développent une stratégie
d’économie articulaire, véritable éducation
gestuelle, la nécessité de mettre en place des
moyens de suppléance, d’adapter
l’environnement et le niveau d’activité de
l’enfant (notion de deuil).
La prise en charge rééducative nécessite
d’établir une relation de confiance entre
chacun des membres de l’équipe
thérapeutique, l’enfant et sa famille. Le
t r a i t e m e n t s ’ a v è re l o n g , d iffi c i l e e t
douloureux, particulièrement en période de
poussée inflammatoire. C’est pourquoi tous
les moyens, et plus spécialement les moyens
ludiques, doivent être utilisés par le
rééducateur.
La rééducation s’organise selon trois
situations cliniques : une phase aiguë
inflammatoire qui correspond aux périodes
de poussée de la maladie ; une phase froide
qui s’intercale entre les poussées mais
pendant laquelle les atteintes, en particulier
sur le plan articulaire, peuvent s’aggraver
par simple facteur mécanique ; enfin une
phase de rémission qui prend en compte le
traitement des séquelles. Cette dernière
concerne l’adulte jeune.
EN PHASE AIGUË INFLAMMATOIRE
Plus facilement contrôlée dans les formes
monoarticulaires, l’évolution peut revêtir un
aspect préoccupant dans les formes
3
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généralisées tant les douleurs et l’altération
de l’état général peuvent être importants.
Les techniques de rééducation utilisées sont
celles décrites classiquement en entretien
articulaire et musculaire [18], mais adaptées
au seuil algique du patient ainsi qu’à ses
possibilités de participation.
¶ Prise en charge des membres
inférieurs
Attitudes vicieuses
– La hanche tend à se placer en flexion-
adduction ou légère abduction et rotation
interne.
– Le genou se positionne en flessum du fait
de déséquilibres tensionnels des plans
capsulaires et musculoaponévrotiques
postérieurs. Le potentiel rétractile des
muscles jumeaux et ischiojambiers paraît
très important.
– La cheville et le pied se placent le plus
souvent en flexion plantaire sous l’action du
triceps sural. Cette déformation accompagne
un varus calcanéen au niveau de l’arrière-
pied, auquel s’ajoute un avant-pied en hélice
(tendance à l’inversion au niveau de la
médiotarsienne ayant pour effet de creuser
l’arche interne tout en reportant l’appui sur
le rayon externe lors de la remise en charge).
Les orteils se placent en griffe.
Il est possible également de rencontrer une
insuffisance de la flexion plantaire. Elle
s’associe à un valgus de l’arrière-pied, un
écrasement de la voûte plantaire avec appui
majoré sur la tête des premier et deuxième
métatarsiens. Dans ce cas, les orteils sont
déviés latéralement en dehors. La reprise
d’appui peut être gênée par l’hallux valgus.
Installation
Elle réalise une mise au repos et permet une
décharge articulaire. L’objectif est de limiter
la douleur tout en évitant l’enraidissement
en attitude vicieuse.
L’installation correcte place les membres
inférieurs en rectitude, rotations neutres,
légère abduction au niveau des articulations
coxofémorales (20°), pied à 90° par rapport
au segment jambier.
L’abduction fémorale peut être augmentée
pour des nécessités de centrage articulaire
( o s t é o n é c ro s e d e l a t ê t e f é m o r a l e ) .
L’extensibilité des muscles abducteurs est
alors surveillée.
S’il est relativement aisé de contrôler les
amplitudes de la tibiotarsienne, il est plus
difficile de limiter les déviations de l’arrière-
pied. Leur potentiel évolutif s’accroît avec la
déformation. Les orthèses de positionnement
deviennent alors difficilement adaptables et
leur efficacité restreinte.
Moyens mis en œuvre pour l’installation
Les moyens mis en œuvre sont :
– les lits à assise variable et les cales de
mousse réalisées sur mesure ;
4
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
2 Orthèse de repos cruropédieuse.
– les lits-coques en mousse injectée, très
confortables, qui permettent un meilleur
contrôle des inclinaisons de bassin ;
– les chariots plats aménagés (exemple :
installation d’une barre de traction) ;
– les fauteuils roulants aménagés (exemple :
atteinte localisée du genou) ;
– l’appareillage au moyen d’orthèses
cruropédieuses de posture, solidarisées ou
non et munies d’ailettes antirotatoires (fig 2) ;
– la mise en traction intermittente ou
continue.
La particularité de l’AJI tend à fixer les
articulations dans la position où elles sont
placées. De ce fait, il est nécessaire de
réaliser dès que possible des changements
de position en complément de l’installation
de base. Ceux-ci étant très douloureux, ils
sont réalisés après massage ou application
de chaleur, à vitesse très lente et sans
générer de tension.
¶ Prise en charge des membres
supérieurs
Attitudes vicieuses
L’épaule est atteinte dans les formes
généralisées. L’articulation glénohumérale
tend à se fixer en adduction, rotation interne
e t l é g è r e fl e x i o n . C e t t e l i m i t a t i o n
s’accompagne de remaniements osseux
associés à une amyotrophie. L’épaule
devient instable, entraînant des conflits au
niveau de la coiffe des rotateurs. Ces
conditions sont susceptibles de
compromettre la reprise de la marche avec
cannes.
Le coude évolue vers une limitation de ses
amplitudes vers l’extension, la pronation et
Kinésithérapie
la supination. Ces déficits ajoutés à ceux de
l’épaule et de la main influent sur les actes
quotidiens tels que la toilette et l’habillage,
mais aussi la possibilité de tirer, de pousser,
de prendre appui pour se lever ou soulager
son dos.
Le poignet et la main se placent en flexion
sous l’action du pannus synovial de la face
dorsale de l’articulation. La tension des
m u s c l e s fl é c h i s s e u r s a c c e n t u e l a
déformation. Cette malposition
s’accompagne d’un déficit des muscles
extenseurs, d’une déviation du carpe et du
métacarpe en inclinaison cubitale ou radiale.
Cette dernière se compense par une
déviation des doigts en sens inverse.
L’articulation est instable du fait de la
subluxation dorsale de la tête radiale. Les
articulations métacarpophalangiennes et
interphalangiennes se placent en flexion
sous l’action des fléchisseurs. Ces dernières
sont fréquemment limitées dans les deux
sens, parfois ankylosées. Les distensions et
ruptures tendineuses ou ligamentaires sont
responsables des déformations des doigts
dites en « boutonnière », en « col de
cygne », plus rarement en « maillet » et
pouce en « Z ».
Installation
L’articulation glénohumérale est positionnée
en abduction à 90° dans le plan de
l’omoplate, les amplitudes de rotation sont
contrôlées dans un secteur variant de 10° de
rotation interne à 40° de rotation externe. La
rotation externe est privilégiée, de même que
l’extension au niveau du coude. Lorsque la
pronation et la supination de l’avant-bras
sont limitées, le positionnement est réalisé à
l’inverse de la limitation la plus importante
à condition de conserver une amplitude
minimale de 30° en supination. En phase
aiguë, le poignet et la main sont placés dans
une position la plus proche possible de la
position de fonction.
Moyens mis en œuvre pour l’installation
– En ce qui concerne l’épaule, l’installation
par coussin d’abduction s’avère nécessaire.
– Au niveau du coude, le positionnement
par orthèse de type hélicoïdal ou articulée
s’avère difficilement supportable. Les
postures alternées sur coussin ou avec
gouttière de flexion puis d’extension sont
mieux acceptées.
– Le poignet et la main sont maintenus à
l’aide d’une orthèse de repos antalgique.
Lorsqu’elles sont supportées, le port alterné
d’orthèses de flexion et d’extension permet
de limiter l’enraidissement. Les orthèses de
correction sont contre-indiquées à ce stade.
¶ Prise en charge du rachis
Attitudes vicieuses
– Il faut prévenir l’inversion de courbure du
rachis cervical. Cette attitude vicieuse réalise
une projection de la tête vers l’avant,
Kinésithérapie
fréquemment associée à une limitation
asymétrique des rotations. L’atteinte des
articulations temporomaxillaires entraîne
une diminution de l’ouverture de la bouche,
accompagnée de douleurs à la mastication
rendant l’alimentation difficile.
– Au niveau du rachis dorsolombaire,
l’attitude en cyphose totale est la plus
courante. Le rattrapage de l’horizontalité du
regard entraîne un surmenage de la
charnière cervicodorsale. La cyphose, en
majorant les pressions au niveau du mur
vertébral antérieur, est responsable de
tassements spontanés sur un os fragilisé.
C e t t e d é f o r m a t i o n d o u l o u re u s e e s t
autoaggravante. Plus rarement peut survenir
une hyperlordose avec dos creux, secondaire
à un flessum de hanche.
Installation
Le décubitus dorsal est organisé strictement
à plat, en alternance avec le décubitus
ventral, en prenant soin de ne pas
contraindre la région cervicale ainsi que les
pieds qui doivent être dégagés.
Moyens mis en œuvre pour l’installation
– En ce qui concerne les articulations
temporomaxillaires, la mise au repos de ces
articulations passe par une alimentation
moulinée, voire une supplémentation par
sonde de gavage. L’installation varie en
fonction de l’importance de la déformation,
de son ancienneté, ainsi que du risque de
survenue d’une luxation atloïdoaxoïdienne.
– Au niveau du rachis cervical, en fonction
de la sévérité des déformations, la position
peut être contrôlée par simple oreiller
anatomique, collier cervical plus ou moins
rigide, minerve à plastron, traction par halo
crânien ou plâtre Halo-cast en
postopératoire.
– Le port d’un Lombostat ou corset de
maintien peut s’avérer nécessaire de manière
transitoire. La fonte musculaire qu’ils sont
susceptibles d’entraîner doit être prise en
compte en limitant leur utilisation et en leur
associant un entretien musculaire.
¶ Prise en charge de la douleur
La douleur de l’enfant doit être prise en
considération et évaluée [15, 17].
Il s’agit d’une douleur de type inflammatoire
qui s’accompagne d’une tuméfaction de
l’articulation du fait de l’existence d’un
œdème périarticulaire, auquel peut s’ajouter
un épanchement intra-articulaire variable. La
douleur provoque une amyotrophie rapide.
Elle est responsable de contractures
musculaires qui fixent les déformations et
majorent les dégradations articulaires en
créant des zones d’hyperpression localisées.
Le massage à visée antalgique, en
association avec les techniques de lever de
tension appliquées de manière douce et
progressive, soulage efficacement. L’œdème,
en tant que facteur limitant du retour
veineux ainsi que de la mobilité articulaire,
est traité par le drainage lymphatique
manuel et la posture déclive.
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
*
A *
3 Mobilisation spécifique du genou.
¶ À propos de la physiothérapie
La physiothérapie constitue un adjuvant
précieux de début et même parfois de fin de
séance de rééducation. Elle comporte
principalement les applications de
compresses et enveloppements à chaleur
humide. Le froid paraît moins bien supporté,
excepté sur les articulations très
inflammatoires présentant une réaction
liquidienne. L’électrostimulation
transcutanée à visée antalgique est utilisée
principalement chez l’adolescent pour les
algies d’origine vertébrale ou les sciatalgies
(à l’occasion d’une reprise d’activité par
exemple). Les ultrasons sont utilisés sur les
contractures musculaires ainsi que sur les
tendinites.
¶ À propos de la balnéothérapie
La balnéothérapie en eau chaude (35° à
37° C) est un préalable indispensable aux
activités quotidiennes et facilite les séances
de rééducation. À domicile, un bain d’une
trentaine de minutes, associé à une
automobilisation lente des articulations,
permet un dérouillage plus rapide et
beaucoup moins douloureux qu’à sec. La
durée du dérouillage matinal varie en
fonction de l’importance de l’atteinte, mais
aussi de l’état inflammatoire.
Après une poussée, elle autorise une reprise
d’activité progressive dans de bonnes
conditions mécaniques et constitue une
étape du protocole de reverticalisation.
¶ Entretien articulaire
Il fait appel aux techniques de mobilisation,
passive ou active, aidée dès que possible.
Les mouvements sont effectués à vitesse
lente dans des secteurs articulaires libres, de
manière analytique, afin d’éviter au
maximum les compensations et en
respectant la limite douloureuse. Chaque
mouvement est tenu quelques secondes dans
l’amplitude obtenue afin de laisser le temps
à l’enfant de se détendre.
Les techniques de mobilisation doivent
permettre une décompression des
articulations de manière à limiter la douleur,
ainsi que l’impaction des surfaces
articulaires responsables de lésions au
niveau des cartilages (fig 3).
¶ Entretien musculaire [40, 41]
À cette phase, il se limite à conserver les
propriétés physiques du muscle, c’est-à-dire
26-290-A-20
B
sa capacité à se laisser allonger au moyen
d’étirements lents et doux, sa contractilité en
le sollicitant par un travail isométrique à
différentes amplitudes, puis par un travail
d y n a m i q u e a i d é e n d é c o m p re s s i o n
articulaire dès que les conditions locales le
permettent.
Quel que soit le type de travail musculaire,
y compris en isométrique, les contraintes
articulaires augmentent. La rapidité du
mouvement est aussi un facteur de
contrainte. Les effets mécaniques sur
l’articulation sont variables en fonction du
niveau de dégradation de l’articulation.
L’observation clinique doit guider le choix
technique.
EN PHASE FROIDE
Deux situations peuvent être décrites.
¶ Entretien
Cette rééducation s’effectue dans le cadre
d’une surveillance orthopédique. Les
séances, d’une durée de 45 minutes, au
rythme de deux ou trois fois par semaine,
sont organisées au cabinet du kinésithéra-
peute. L’adaptation et le port régulier de
l’appareillage doivent être vérifiés. Toute
aggravation de l’état orthopédique doit
amener à consulter sans délai.
¶ Récupération fonctionnelle
et réalignements articulaires
La régression des phénomènes inflamma-
toires aigus permet d’entreprendre la
récupération fonctionnelle. Celle-ci impose
un réalignement articulaire.
Le choix des techniques est argumenté en
fonction de l’état ambulatoire du patient, de
sa coopération, de l’importance des
déformations. La mobilisation passive
spécifique, les étirements associés aux
postures manuelles et instrumentales, la
mise en traction, l’appareillage de posture
dynamique vont permettre d’éviter ou de
limiter les séquelles.
Subluxation postérieure du tibia sous
le fémur dans le cadre du flessum de genou
Le flessum de genou est la situation le plus
fréquemment rencontrée.
Le tibia se place en arrière et en dehors par
rapport à l’extrémité inférieure du fémur,
5
26-290-A-20 Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
majorant l’aspect de flessum et de valgum
du genou. Il paraît important d’évaluer
chacune de ces déviations. Les manœuvres
de réduction sont réalisées à l’aide de prises
courtes (sans bras de levier), en
décompression et glissement d’arrière en
avant du tibia sous le fémur afin d’éviter la
formation d’une encoche condylienne par
effet de came.
La réduction de la déformation nécessite
souvent la pose d’une traction collée
intermittente ou continue à 1/10e du poids
du corps.
En dehors des séances de rééducation, le
maintien de la posture peut être réalisé par
une orthèse de correction progressive ou à
secteur.
Le traitement chirurgical est discuté pour
des articulations très inflammatoires en
flessum irréductible supérieur à 30°.
Subluxation externe de rotule
La subluxation externe de rotule survient
par distension des ailerons rotuliens internes
et insuffisance du vaste interne. Les facteurs
aggravants sont le flessum et le valgus.
L’utilisation des techniques de renforcement
musculaire, en particulier celles utilisées en
neurofacilitation proprioceptive, sont
indiquées, de même que les méthodes
utilisant les réactions posturales, car elles
peuvent être pratiquées de manière à induire
des mises en tension articulaire très
progressives. Le port d’une genouillère de
recentrage peut s’avérer nécessaire.
Luxation externe de rotule
La luxation externe de rotule peut apparaître
de manière brutale. Elle s’accompagne
souvent d’un flessum et d’un valgum. La
rééducation, après intervention chirurgicale,
vise à récupérer d’abord l’extension du
genou, puis la flexion. En postopératoire, le
genou est placé dans une gouttière
cruropédieuse ou une simple attelle de
Zimmer, pour une période de 6 semaines.
L’entretien musculaire est débuté à j3 sous
couvert de l’attelle. L’entretien articulaire
débute dès la régression de l’œdème dans
les amplitudes libres sans mise en tension
des sutures. La récupération, après
cicatrisation interne, doit être prudente afin
d’éviter une récidive. La reprise de la
marche s’effectue sous couvert de l’orthèse
en association avec des exercices de contrôle
du genou sur plan incliné et une prise en
charge en balnéothérapie.
Hanche
L’atteinte de cette articulation représente, en
raison de son retentissement fonctionnel
(perte potentielle de la marche), un tournant
dans la vie de l’enfant présentant une AJI.
En période aiguë, la mise en décharge par
bandes de traction collées ou non à 1/10e
du poids du corps permet de limiter la
douleur et de réduire progressivement
l’attitude vicieuse. On recherche l’extension,
6
4 Draisienne.
une rotation neutre, ainsi qu’une légère
abduction de 20° à 30°. La récupération
articulaire reste le plus souvent
accompagnée d’une traction nocturne. Dans
la journée, une décharge partielle est
obtenue par l’utilisation d’une draisienne. La
rééducation insiste sur les amplitudes
d’extension, abduction, rotation externe. Le
renforcement musculaire intéresse les
fessiers, le quadriceps, les ischiojambiers, le
triceps sural. En fonction de l’atteinte
(nécrose, excentration, destruction), puis de
la récupération articulaire, la reprise de la
déambulation s’effectue progressivement à
l’aide du plan incliné et de la balnéothérapie.
La décharge partielle est obtenue par
l’utilisation d’une draisienne. Celle-ci facilite
le bon alignement articulaire ainsi qu’un
renforcement musculaire (fig 4).
Pied
Le rééducateur se trouve régulièrement
confronté à des douleurs d’appui
i n fl a m m a t o i r e s , o s t é o p o r o t i q u e s ,
mécaniques, du fait des déformations. Les
techniques de massage, mobilisation,
étirements sont complétées par le port de
semelles de répartition d’appui, d’orthèses
facilitant la reprise de la marche (fig 5).
Rachis
Le rachis se place le plus souvent en
cyphose globale. Il arrive cependant que,
sous l’influence du flessum de hanche, le
Kinésithérapie
bassin se place en antéversion, provoquant
ainsi une hyperlordose. Celle-ci se compense
par une augmentation de la cyphose dorsale
et une inversion de la courbure cervicale.
Dans ce cas, la reprise de la marche peut
s’accompagner de manifestations
douloureuses liées à des surmenages
mécaniques des zones charnières ou des
articulations apophysaires postérieures au
niveau lombaire, voire des douleurs de type
radiculaire.
L’entretien des mobilités, y compris de la
cage thoracique, ainsi que la rééducation
posturale sont indispensables. Elles prennent
en compte l’existence éventuelle de
tassements vertébraux, l’apparition d’une
scoliose. La rééducation respiratoire va
participer à la mobilisation costale dans le
sens inspiratoire et limiter de ce fait le
déficit. L’utilisation des relaxateurs de
pression va dans ce sens.
Les orthèses utilisées sont le Lombostat, le
corset anticyphose, le corset de réduction de
scolioses (CTM [corset de Chêneau -
Toulouse - Münster]).
La mise en traction par halo de réduction
peut s’avérer nécessaire (exemple : torticolis
avec destruction osseuse).
Ces dispositifs sont toujours accompagnés
d ’ u n e n t re t i e n m u s c u l a i re e t d ’ u n e
surveillance étroite, notamment sur le plan
neurologique.
En cas de subluxation de l’apophyse
odontoïde, le travail en extension du rachis
cervical supérieur est contre-indiqué.
Épaule
L’articulation glénohumérale est plus
rarement atteinte, la récupération articulaire
concerne l’abduction et la rotation externe.
Le renforcement musculaire concerne plus
particulièrement les abaisseurs et abducteurs
de la tête humérale. L’utilisation de cannes
axillaires d’aide à la marche reste possible.
Coude
Les techniques de récupération articulaire
manuelles avec postures alternées en fin de
course par orthèses de type gouttière sont
plus adaptées que les orthèses dynamiques.
L’appui sur les coudes peut être douloureux
et rendre impossible l’utilisation de cannes
antébrachiales.
5 Chaussons intérieurs
moulés avec répartition
d’appui.
Kinésithérapie
6 Orthèses.
A. Orthèse nocturne.
Main
La mobilisation rigoureuse et la posture en
prévention des déformations des
articulations du carpe et des doigts
conditionnent l’avenir fonctionnel du
membre supérieur. La technique de
mobilisation doit être analytique avant d’être
globale. Le geste thérapeutique doit
s’orienter vers un travail de dextérité plutôt
que de force et rechercher les compensations
les moins nocives ainsi que les adaptations
matérielles les plus rentables en termes
d’économie articulaire. L’ergothérapie tient
ici une place importante.
La rééducation est complétée par le port
d’orthèses de correction diurnes ou par des
orthèses de fonction spécialisées telles que
les orthèses d’opposition ou de stabilisation
du pouce. Les orthèses de repos sont mises
la nuit, elles placent la main et le poignet en
position de fonction [1, 11] (fig 6).
AU STADE DES SÉQUELLES
À la phase de rémission, nous nous trouvons
c o n f ro n t é s a u x s é q u e l l e s . C e l l e s - c i
dépendent de la réponse au traitement
médical, de la sévérité de la maladie, mais
aussi de la qualité de la prise en charge
rééducative durant toute cette évolution.
– Sur le plan articulaire, l’apparition d’une
arthrose précoce est la règle.
– L’atteinte des genoux et des hanches est
la plus invalidante entraînant douleurs,
attitudes vicieuses et perte de la marche.
L’utilisation du fauteuil roulant manuel ou
plus souvent électrique se fera en dernier
recours.
– Aux membres supérieurs, c’est l’atteinte
des extrémités qui va limiter l’indépendance.
– Les atteintes extra-articulaires peuvent
parfois dominer le tableau, en particulier les
atteintes oculaires.
– La rééducation à ce stade ne peut se
concevoir que dans le cadre d’un
programme de réadaptation ou chirurgical,
à moyen ou plus long terme. L’entretien
articulaire et musculaire décrit
précédemment s’avère indispensable.
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
*
A *
B. Orthèse de fonction.
Réadaptation
La réadaptation s’inscrit dans la prise en
charge au long cours de l’enfant AJI qui est,
dans la majorité des cas, traité à son
domicile. Elle s’appuie sur la participation
indispensable de l’enfant et de sa famille qui
doivent comprendre et acquérir un certain
n o m b re d e t e c h n i q u e s : p r é v e n t i o n
articulaire, mise en place et surveillance des
orthèses... Cependant, ces techniques ne
peuvent résumer à elles seules la
réadaptation qui s’intéresse également à
l’adaptation de l’environnement de l’enfant,
à son orientation dans les activités sportives
et de loisirs, dans sa scolarité et plus tard sa
vie professionnelle, afin de favoriser son
épanouissement affectif, intellectuel et
psychomoteur, et l’émergence d’une réelle
autonomie.
PRÉVENTION
DE LA DÉTÉRIORATION
ARTICULAIRE
¶ Économie articulaire
De retour au domicile, certains gestes de la
vie quotidienne, effectués sans précaution,
sont source de contraintes mécaniques
nocives s’exerçant sur les articulations et
contribuant à leur déstabilisation précoce.
Un ensemble de gestes et techniques
préventifs doit être appris et intégré par
l’enfant et la famille au cours d’un séjour en
centre de rééducation. Un support écrit,
agrémenté de schémas simples et explicatifs
mettant en parallèle gestes nuisibles et gestes
préventifs, leur est distribué avant la sortie
et servira de rappel [11].
Principes préventifs dans les atteintes
des membres supérieurs
– Proscrire toute préhension de force et tous
les gestes accentuant une déformation
existante.
– Ne jamais saisir un objet pesant à bout de
bras, au contraire, rechercher un
soulèvement par prise bimanuelle, par
répartition de la charge sur les avant-bras,
26-290-A-20
B
objet ramené près du corps, ou par
l’utilisation d’astuces techniques (sac à dos,
caddie...).
– Éviter la préhension digitopalmaire, en
particulier lors des serrages en rotation
(poignées, couvercle), la prise pollicidigitale
dans le serrage d’objets fins (stylos), pour
utiliser la prise globale, au besoin favorisée
par des adjuvants techniques (ouvre-
robinet, ustensiles à gros manches).
– Pour se lever à partir de la position assise,
ne pas prendre appui sur les poignets mais
utiliser un siège surélevé facilitant le
transfert.
Principes préventifs dans les atteintes
des membres inférieurs
La préservation de l’articulation
coxofémorale est un objectif prioritaire pour
l’avenir fonctionnel de l’enfant AJI, mais
devant rester compatible avec l’autonomie.
Ceci a conduit au concept de « décharge
active », procédé dans lequel les contraintes
mécaniques sont reportées de la hanche au
bassin par l’utilisation d’une draisienne (vélo
sans pédale) ou d’un tricycle. Cette décharge
active est mise précocement et largement en
place dès les premiers signes d’atteinte de la
coxofémorale et est souvent associée à une
traction nocturne.
Les activités avec station debout prolongée
ont le même effet. Il faut donc favoriser leur
réalisation en position assise par
aménagement du poste de travail : siège
surélevé, plan de travail adapté.
Enfin, le poids est aussi un facteur d’usure
et de surcharge des articulations portantes
(hanches, genoux) d’où hygiène pondérale
et contre-indication du port de charges.
¶ Prévention de l’enraidissement
et des attitudes vicieuses
La lutte contre l’enraidissement concourt à
la prévention de la détérioration articulaire.
Le bain chaud au réveil, dans la baignoire
familiale, avec mobilisation de toutes les
articulations, est conseillé, en particulier
dans les formes à période de dérouillage
matinal prolongé.
7
26-290-A-20 Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
Le maintien d’une articulation dans la même
position, source de son enraidissement, doit
être combattu y compris à l’école : la station
assise est interrompue périodiquement par
quelques pas, l’écriture par des autoexercices
de mobilisation et d’extension des doigts et
du poignet et des exercices d’autoétirement.
Enfin, l’installation de l’enfant est étudiée
afin de prévenir les attitudes vicieuses.
Position allongée
– Le décubitus dorsal, membres inférieurs
en extension, est la meilleure position.
L’adjonction d’un coussin ou planche au
bout du lit maintient les pieds à angle droit.
En revanche, il faut combattre le coussin
sous les genoux qui entretient le flessum.
– Le décubitus ventral, pieds en dehors du
lit, est une bonne posture d’extension. La
« position du sphinx », en posture de jour,
permet la poursuite d’activité.
– Le décubitus latéral, et a fortiori la
position couchée en « chien de fusil », ne
sont pas conseillés, néanmoins il peut être
possible avec un coussin entre les jambes,
évitant leur croisement.
– Enfin, dans les atteintes des vertèbres
cervicales risquant d’entraîner une attitude
vicieuse en flexion du cou, il est préférable
de réduire au maximum la taille de l’oreiller
et de dormir sur un lit plat.
Position assise
Elle demande l’adaptation correcte du poste
de travail.
Pour les activités pénibles, la position assis-
debout est préférable et est atteinte grâce à
un siège réglable en hauteur (système à
roulettes de préférence) et un plan de travail
adapté.
Dans les cas difficiles, l’utilisation d’un siège
à assise réglable est idéale.
¶ Orthèses et aides techniques
Orthèses
Leur but est de maintenir le segment de
membre dans la position choisie, soit de
repos, soit de fonction. Elles sont fabriquées
le plus souvent en matériau thermoformable
léger permettant des adaptations.
Leur prescription doit définir les effets
m é c a n i q u e s re c h e rc h é s , l a p o s i t i o n
articulaire désirée et les conditions
d’utilisation, en particulier la durée de port.
Cette prescription ne se conçoit qu’assortie
d’une surveillance régulière : observance du
port et tolérance, résultat, complications
éventuelles telles que points d’appui cutané,
douleurs, réactions inflammatoires ou
allergiques.
• Orthèses de repos et de posture [1]
Elles réalisent une posture ou immobili-
sation de l’articulation atteinte pour limiter
les contraintes mécaniques et maintenir une
position correcte :
– position de repos : avec port de l’orthèse
quasi permanent lors d’une poussée
8
inflammatoire où elle concourt à réduire les
phénomènes douloureux et à prévenir
l’installation d’une attitude vicieuse
antalgique ; le risque principal d’un
enraidissement articulaire est prévenu par
une mobilisation au moins biquotidienne,
infradouloureuse, autour de la position de
repos ;
– position de fonction : avec port nocturne
uniquement sur une articulation refroidie ;
mais souvent l’orthèse de posture est utilisée
au décours d’une poussée inflammatoire où
elle prend le relais des postures réalisées par
le kinésithérapeute et permet de ne pas
perdre, pendant le repos, ce qui a été gagné
lors des séances ; dans ce cas, l’orthèse est
réalisée en matériau thermoformable et
modifiée en fonction des gains articulaires
obtenus pour se rapprocher de la position
de fonction (rééducation d’un flessum de
genou, de coude, gain en flexion dorsale sur
un poignet, une cheville) ; pendant cette
phase de gain articulaire, la durée du port
est fonction de la correction obtenue ;
– dynamiques : certaines équipes utilisent des
orthèses de posture dynamiques avec lames,
ressorts ou élastiques, pour la récupération
des raideurs des doigts.
• Orthèses d’activité
Elles maintiennent l’articulation atteinte
dans sa position de fonction ou au plus près
de celle-ci si l’articulation est déformée,
pendant une activité potentiellement
déformante, en limitant les contraintes
mécaniques nocives ou en stabilisant une
articulation instable. Sa tolérance et son
acceptation par l’enfant sont primordiales
car elle est utilisée lors des activités
quotidiennes. Elle doit être d’un
encombrement minimal, plus courte que les
orthèses de repos, réalisée en matériau léger
(thermoformable ou tissu baleiné) et
confortable (habillage mousse ou cuir) en
veillant à l’esthétique (choix de la couleur).
La plus courante est l’orthèse courte de
poignet utilisée lors de l’écriture, à l’école
mais aussi pour toutes les autres activités
manuelles.
Aides techniques
Ces dispositifs fabriqués par l’atelier
d’ergothérapie ou achetés dans le commerce
sont utiles dans la protection articulaire en
supprimant des gestes nocifs ou en
suppléant à des amplitudes articulaires
diminuées.
Ils doivent être utilisés largement :
– ustensiles à manche épaissi (stylo,
couverts...) limitant les prises fines ;
– clef ouvre-robinet limitant les prises en
torsion-rotation ;
– dispositifs de suppléance : pince ramasse-
objet lorsque l’enfant ne peut se baisser,
peigne à long manche dans les limitations
coude-épaule, brosse à dents électrique,
enfile-chaussette, tourne-page... ;
Kinésithérapie
– fermetures adhésives type Velcrot pour
faciliter l’habillage.
Les aides techniques se conçoivent dans un
intérieur dont la conception elle-même aura
été revue lors d’une visite au domicile :
aménagement du poste de travail (siège,
plan de travail, pupitre), des sanitaires (siège
WC surélevé), de la cuisine.
VIE DE L’ENFANT AVEC ARTHRITE
JUVÉNILE IDIOPATHIQUE
¶ Organisation du traitement [10]
Dans la majorité des cas, l’enfant doit et peut
être traité au domicile. La réalisation correcte
du programme ambulatoire implique :
– une adhésion de l’enfant et de la famille
au traitement qui ne peut être obtenue que
s’il est parfaitement compris ; d’où
l’utilisation d’une information didactique
utilisant tous les supports : explications
orales, supports écrits, démonstrations
d’utilisation des orthèses et aides techniques,
des manœuvres d’autoassouplissement,
autoétirement ;
– le traitement doit être simple, compatible
avec la scolarité, la vie sociale et familiale ;
– l a r é a l i s a t i o n d u p ro g r a m m e e s t
encouragée par une surveillance régulière :
clinique, examens complémentaires,
appareillage, et par la réalisation de bilans
permettant d’en évaluer l’efficacité, bilans
articulaires et bilan fonctionnel type MIF
(mesure d’impédance fonctionnelle pour
enfants) môme ; des séjours courts en centre
de rééducation spécialisé peuvent être
proposés, par exemple pendant les vacances
scolaires, pour intensifier la rééducation ; si
l’évolution contraint à une hospitalisation ou
à un séjour de longue durée en centre de
rééducation, il faut veiller à ce que la prise
en charge scolaire soit, dans la mesure du
possible, poursuivie ;
– les associations d’aide aux familles,
comme l’association Kourir, fournissent un
soutien très utile.
¶ Scolarité et orientation
professionnelle
Dans la plupart des cas, la fréquentation
d’un établissement scolaire ordinaire est
possible, en dehors des périodes de poussée
inflammatoire. Cette intégration est
organisée par un ensemble de textes
législatifs : loi cadre du 30 juin 1975
complétée récemment par le Bulletin officiel
no 41 du 1er nov 99 : accueil des enfants et
adolescents atteints de troubles de la
santé. [22]
Une information précise délivrée à l’école
permet d’obtenir les adaptations nécessaires,
au besoin par l’établissement d’une
convention d’intégration avec l’aide le la
Commission départementale d’éducation
spéciale (CDES) : aménagement du siège et
du plan de travail, utilisation des orthèses
de poignet et stylos modifiés, respect des
Kinésithérapie Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
périodes de dérouillage, limitation du port
de charge par l’utilisation d’un double jeu
de livres scolaires, voire aménagement de
l’accessibilité pour permettre les
déplacements en draisienne. En complément
de la scolarité, l’intervention d’une équipe
spécialisée d’un service d’éducation spéciale
et de soins à domicile (SESSAD) est souvent
proposée.
Le problème de l’orientation scolaire et
professionnelle de l’enfant AJI doit être
abordé précocement à la lumière de
l’évolutivité prévisible de sa maladie et de
ses possibilités scolaires. Cette réflexion est
pluridisciplinaire : médecins, ergothéra-
peutes, enseignants, conseillers d’éducation
et souhaits de l’enfant. Dans les formes
polyarticulaires, l’orientation se fait au
mieux vers une activité sédentaire, peu
exigeante sur le plan articulaire, mais
demandant souvent un niveau scolaire
c o r re c t e t l a p o u r s u i t e d e s é t u d e s .
L’association atteinte polyarticulaire et
retard scolaire est un handicap redoutable.
¶ Activités sportives et de loisirs
Elles sont importantes car elles permettent
un contact avec les autres enfants et
concourent à l’équilibre psychologique et
surtout à l’autonomisation.
Les activités sportives sont contre-indiquées
en phase inflammatoire. Dès le début de la
régression, la natation est autorisée.
Progressivement ensuite sont choisis
d’autres sports en fonction de la topographie
de l’atteinte articulaire : bicyclette, marche,
jeux de ballon.
Chez le jeune enfant, les indispensables
activités de jeux et de récréation sont
encouragées : en particulier réalisation de
pâte à sel, pâte à modeler, peinture digitale,
jeux avec balle de mousse ou grosse éponge
pour les jeux d’eau. Plus tard, d’autres
activités permettant une bonne utilisation
des membres supérieurs sont favorisées :
poterie et modelage, tissage, peinture sur le
plan mural, activités musicales, modélisme,
informatique...
¶ Aspects psychosociaux
L’AJI, maladie de longue durée douloureuse
et invalidante, possède toutes les
caractéristiques susceptibles de perturber le
développement de l’enfant. Le rééducateur
doit être sensibilisé à ces risques
psychologiques et, lorsque le besoin s’en fait
sentir, proposer une prise en charge par un
psychologue averti. Dans notre expérience,
il ne semble pas exister de corrélation entre
la sévérité de l’atteinte et les difficultés
psychologiques.
Chirurgie [2, 34, 37]
L’orthopédiste-pédiatre fait partie de
l’équipe de « première ligne » qui prend en
charge ces patients. Il intervient actuellement
au cours de la maladie au stade de pleine
évolution où il s’agit d’éviter ou de freiner
la dégradation articulaire et de conserver
l’autonomie des fonctions locomotrices et au
stade des séquelles où il s’agit de restaurer
les fonctions qui ont été perdues
(déambulation aux membres inférieurs,
relation/autonomie aux membres
supérieurs, soutien au rachis). La perte de
ces fonctions peut être due à une grande
évolutivité de la maladie, mais également
aux difficultés dans la prise en charge de
l’enfant pendant les phases de pleine
évolution.
Les progrès très significatifs enregistrés ces
dernières années sont dus aux progrès
techniques de l’anesthésie et de la chirurgie,
mais également à la constitution d’équipes
médicochirurgicales pluridisciplinaires.
DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES
¶ Difficulté de l’anesthésie
Il est souhaitable que l’anesthésiste
connaisse bien la maladie de façon à
dédramatiser l’acte technique et surtout de
façon à ne pas donner l’impression à l’enfant
et à la famille que c’est une anesthésie
« exceptionnelle ou rarement réalisée ».
Plusieurs techniques d’anesthésie sont
possibles et leur déroulement doit être
clairement expliqué à l’enfant.
Nous n’avons jamais observé chez l’enfant
ou l’adolescent de complications liées à
l’imprégnation cortisonique et il ne nous
paraît pas nécessaire d’augmenter la dose
d e c o r t i c o s t é ro ï d e s d a n s l e s s u i t e s
opératoires immédiates.
¶ Difficulté de la chirurgie
L’ostéoporose est un problème majeur dans
l’AJI sévère et majore les facteurs de risque.
Ceci impose une grande minutie et l’absence
de toute manœuvre forcée lors de cette
chirurgie, sous peine de voir survenir des
fractures métaphysaires, des écrasements
épiphysaires ou des tassements vertébraux.
Les interventions de libération des parties
molles ou d’implantation prothétique sont
de ce point de vue les plus dangereuses.
¶ Risques infectieux
Le caractère chronique de cette maladie
inflammatoire, l’administration fréquente
d’immunomodulateurs ou d’immunosup-
presseurs (corticoïdes le plus fréquemment),
l’hypoprotidémie sont autant de facteurs
augmentant le risque infectieux. Une
prophylaxie antibiotique est systématique
pour la plupart des interventions majeures,
notamment les interventions intra-
articulaires ou les interventions comportant
une section osseuse.
¶ Rééducation préopératoire
Lorsque l’enfant est bien suivi, cette
préparation n’est que l’intensification des
traitements orthopédiques permanents.
26-290-A-20
Parfois, lorsque la prise en charge habituelle
est médiocre, la préparation à la chirurgie
débute par la mise en route des
indispensables moyens orthopédiques
jusque-là négligés. Elle comporte trois
aspects :
– le réalignement des membres inférieurs qui
peut nécessiter une traction lourde continue
sous anesthésie péridurale par cathéter à
demeure ;
– la prévention de l’ostéoporose qui se fait par
la mobilisation et la mise en charge ; celle-ci
peut ne pas être totale du fait des rétractions
et destructions articulaires, mais ce qui peut
être fait en piscine ou sur plan incliné est
toujours bénéfique ;
– la musculation doit être entreprise avant
l’intervention ; la récupération de la
musculature sera difficile à obtenir puisque
l’articulation est enraidie et douloureuse,
mais si un petit secteur de mobilité persiste,
il doit être utilisé au maximum.
La kinésithérapie préparatoire permet enfin
à l’enfant et au kinésithérapeute de faire
connaissance ou de reprendre contact, la
période immédiate postopératoire n’étant
pas propice aux apprentissages.
TRAITEMENTS CHIRURGICAUX
¶ Interventions à visée diagnostique
Le premier contact de l’enfant porteur d’AJI
avec la chirurgie est souvent la biopsie,
surtout dans les formes oligo- ou
monoarticulaires. La biopsie classique
chirurgicale est cependant une intervention
dangereuse car elle peut être à l’origine de
raideurs intra-articulaires définitives. Il faut
donc, dans la mesure du possible, essayer
de l’éviter et la réserver aux cas où les
analyses clinique, biologique et radiologique
ne permettent pas de conclure de manière
satisfaisante. Le risque d’une biopsie
arthroscopique est moindre, mais il n’est pas
nul et il faut utiliser cette intervention
judicieusement et parcimonieusement.
¶ Traitement local
de l’inflammation articulaire
Les traitements locaux de la maladie
articulaire peuvent paraître illogiques dans
une maladie générale mais, du point de vue
de la fonction, la dégradation est liée à la
somme de différentes maladies locales.
Les traitements locaux de la maladie ont
donc pour objet d’éteindre l’inflammation
articulaire chaque fois que celle-ci menace
l’articulation ou entraîne une destruction de
celle-ci, ou chaque fois que l’atteinte
articulaire entraîne une perte de la fonction :
de relation pour le membre supérieur, de
déambulation pour le membre inférieur, de
protection du névraxe pour le rachis.
[30]
Le traitement local consiste à détruire la
synoviale soit par méthode chimique
(corticoïde microcristallisé), soit par méthode
mécanique (synovectomie).
9
26-290-A-20
Synoviorthèse [27]
La synoviorthèse consiste à détruire la
synoviale en injectant dans l’articulation un
produit caustique. Nous avons l’habitude
d’utiliser chez l’enfant l’hexacétonide de
triamcinolone (Hexatrionet).
Le produit doit être injecté strictement en
intra-articulaire ; ceci nécessite souvent, chez
le jeune enfant, une anesthésie générale en
cas d’injections multiples ou pour atteindre
d e s a r t i c u l a t i o n s d i ffi c i l e s ( s o u s -
astragalienne, hanche, poignet, coude). Une
arthrographie est alors nécessaire.
Synovectomie et ténosynovectomie
La synovectomie consiste à détruire la
synoviale mécaniquement, soit par
fragmentation et aspiration en arthroscopie,
soit par excision en bloc par méthode
chirurgicale conventionnelle. Ces
interventions sont proposées lorsqu’une
articulation reste fonctionnellement gênante
malgré un traitement complet bien conduit
pendant plusieurs mois (et après échec des
synoviorthèses).
Rééducation après traitement local [4]
Pour les hanches, une immobilisation par
traction continue dans l’axe pendant
72 heures au minimum suit systémati-
quement la synoviorthèse. Pour les genoux,
l’immobilisation se fait en orthèse
crurojambière.
Après 3 jours ou plus pour réduire les
attitudes vicieuses, la remise en charge se
fait progressivement, avec phase de
déambulation avec appui soulagé si cela est
nécessaire.
La récupération des amplitudes peut être
facilitée au genou par l’utilisation d’un
arthromoteur.
Le retour au domicile peut se faire
rapidement en poursuivant une rééducation
deux ou trois fois par semaine et en insistant
sur l’hygiène de vie, notamment des
postures en décubitus ventral et l’utilisation
de sièges hauts. La reprise d’activités
sportives adaptées (piscine, vélo) est
fortement conseillée.
Le séjour en centre peut être nécessaire en
raison d’attitude vicieuse et/ou
d’excentration de la hanche, parfois en
raison de forme grave avec atteintes
articulaires multiples ou ayant subi plusieurs
synoviorthèses hanche et genou [14, 28].
Dans tous les cas, après la phase
d’immobilisation en traction de 3 jours, la
traction est poursuivie avec une phase de
re c e n t r a g e v a r i a b l e n é c e s s i t a n t u n e
surveillance radioclinique étroite.
La kinésithérapie est biquotidienne dès la
sédation des phénomènes inflammatoires,
précédée d’une séance de balnéothérapie
d’environ trois quarts d’heure où l’on exige
une certaine activité musculaire au niveau
des membres inférieurs. On peut être amené
à remplacer cette balnéothérapie par des
bains chauds à 36°-37° C avant toute
mobilisation, pour faciliter le dérouillage.
10
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
La kinésithérapie s’effectue dans le calme et
l’on s’aide de la chaleur. Nous commençons
par des étirements, des massages, puis un
travail de mobilisation passive en traction,
décompression, puis active aidée. Des
périodes de postures sont parfois
indispensables, manuelles ou avec
mécanothérapie. Puis s’enchaîne un
entretien musculaire en isométrique, en
insistant sur le renforcement des abducteurs
et rotateurs externes. On ajoute
progressivement un travail global sur vélo
et lors de la séance de balnéothérapie.
Pour l’autonomie, on proscrit le fauteuil
[20] roulant pour utiliser le chariot plat
permettant de poursuivre la traction.
Une fois le recentrage et la disparition des
attitudes vicieuses obtenus, la remise en
charge est débutée en accord avec le
chirurgien, en balnéothérapie et sur plan
incliné, très progressivement en fonction de
la surveillance clinique (souplesse, absence
de douleurs) et parfois radiologique,
permettant le passage dans les barres
parallèles en 1 à 3 semaines. La reprise de la
marche peut alors être travaillée avec l’appui
au sol, la répartition de la masse, le passage
du pas ; on prend rapidement le relais avec
le Rollator, puis les cannes anglaises
adaptées.
P a r f o i s , e n p r é s e n c e d ’ u n e n é c ro s e
épiphysaire surajoutée, on freine la reprise
des activités de l’enfant avec mise en
décharge active grâce à la draisienne dans la
journée pour les déplacements et traction
nocturne. Les autres articulations ne sont pas
oubliées avec nouvelles orthèses, etc.
L’ergothérapie va permettre de prévenir la
détérioration articulaire, les raideurs et
désaxations, ce qui implique de prendre en
compte l’ensemble des activités de l’enfant
dans sa vie quotidienne : habillage,
déshabillage (pince allongée …), à l’école,
avec adaptation de la position assise sur
siège-selle, utilisation de pupitre surélevé.
À sa sortie, l’enfant reçoit un livret-conseil
d’économie articulaire et d’hygiène de vie.
¶ Traitements des séquelles
Attitudes vicieuses
La perte d’un secteur utile de mobilité d’une
articulation doit être prévenue par la
physiothérapie (attelle, kinésithérapie,
traction...). En cas d’échec ou si la
physiothérapie a été négligée, on peut
récupérer un bon alignement par des
interventions chirurgicales de libération des
parties molles (ténocapsulotomie) ou de
réaxation osseuse (ostéotomie) qui ont
l’avantage de ne pas imposer un
traumatisme supplémentaire à l’articulation.
L’immobilisation postopératoire de 15 jours
à 3 semaines est nécessaire, au mieux avec
une traction plutôt qu’un plâtre.
Troubles de croissance
La persistance d’une inflammation au
voisinage des zones de croissance peut
entraîner des troubles par hypercroissance
Kinésithérapie
asymétrique : inégalité de longueur des
membres inférieurs, genu valgum, coxa
valga avec subluxation de hanche.
Ces déformations ajoutent une cause d’usure
prématurée des cartilages articulaires
d’origine mécanique aux destructions liées à
la maladie inflammatoire. Elles doivent donc
être corrigées par ostéotomie directionnelle.
Les épiphysiodèses (blocage de l’activité du
cartilage de croissance) permettent de
corriger progressivement une inégalité de
longueur, si elles sont faites précocement.
Luxation et subluxation
Deux mécanismes concourent à disloquer les
articulations. La synovite entraîne une
distension capsuloligamentaire, puis une
destruction de ces structures, ce qui
provoque une instabilité. La destruction des
appuis osseux entraîne également une
luxation dans les articulations très mobiles
(poignet, rachis cervical, épaule...).
Ces luxations doivent être prévenues par
physiothérapie (orthèse, traction...), mais dès
qu’elles sont installées, il faut les réduire par
traction parfois facilitée par des ténotomies,
puis les stabiliser par divers procédés
chirurgicaux : arthrodèse (rachis cervical,
poignet...), arthroplastie prothétique (épaule,
hanche...). Parfois, on réalise une simple
résection épiphysaire (tête radiale ou tête
cubitale).
Ankylose
L’ankylose (fusion osseuse spontanée) est un
mode de guérison de la maladie et on
cherche parfois à accélérer le processus en
immobilisant en bonne position l’articulation
(arrière-pied). Mais si l’ankylose se fait en
mauvaise position (par exemple en varus
équin) ou si l’ankylose atteint une
articulation dont la mobilité est primordiale,
il faut intervenir, soit pour corriger la
position vicieuse, soit pour remobiliser
l ’ a r t i c u l a t i o n p a r u n e a r t h ro p l a s t i e
prothétique (épaule, coude, hanche, genou,
doigt).
Destruction articulaire
Ce terme ultime de la maladie articulaire
entraîne la perte fonctionnelle du (ou des)
membre(s). La récupération des fonctions de
déambulation (membre inférieur) ou de
relation et d’autonomie (membre supérieur)
nécessite une suite d’interventions
complexes pour lesquelles une stratégie doit
être élaborée avec la participation de
l’adolescent et de sa famille. Les
arthroplasties totales (hanche, genou
essentiellement) rendent alors d’immenses
services. Les problèmes de miniaturisation
prothétique se posent dans les cas qui ont
les plus sévères déformations et les plus
importants retards de croissance.
• Arthroplastie totale de hanche [12, 21, 30, 31]
(fig 7)
On se retrouve souvent dans une situation
difficile en raison du terrain et de la
Kinésithérapie
8 Cas d’une adolescente de 16 ans présentant une destruction du genou gauche avec varus (A). Arthroplastie totale
miniaturisée du genou (B).
multiplicité des atteintes : il est bien rare,
lorsque l’on en est au stade de la prothèse
totale de hanche, que les genoux ou les
chevilles soient intacts.
La rééducation débute le lendemain de
l’opération sous couvert de l’analgésie
péridurale continue. On mobilise donc
immédiatement la hanche en flexion,
extension, abduction, rotation externe. On
évite l’adduction et la rotation interne, qui
sont les positions luxantes.
Très rapidement, on demande à l’enfant une
participation active et la reverticalisation est
autorisée à j3 ou j4 (dès l’ablation des drains
de Redon en général), parfois retardée en
cas de greffe complémentaire.
De toute façon, la reverticalisation se fait
lentement avec des séances sur le plan
Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
*
A *
C social.
*
D s’accompagne ou non d’une attitude
7 Cas d’une adolescente de 14 ans avec destruction des
hanches. Destructions articulaires multiples ayant
abouti à un état grabataire avec des flessums de hanches
et de genoux (A). Après une longue préparation en trac-
tion et deux arthroplasties de hanches et de genoux, un
programme de reverticalisation a été entrepris avec suc-
cès (B). Radiographie du bassin sur laquelle on peut ob-
server la destruction des deux hanches (C). Résultats
après arthroplastie de modèle très réduit des deux han-
ches, le cotyle a été greffé avec le résidu de tête fémorale
*
B (D).
*
A *
B
incliné au début puis, dès que la cicatri-
sation le permet, l’utilisation de la
balnéothérapie.
L’utilisation de cannes permet de soulager
les articulations, mais aussi de compenser le
d é fi c i t d e s s t a b i l i s a t e u r s d o n t l e
renforcement devient une priorité.
• Arthroplastie de genou (fig 8)
La priorité postopératoire est la récupération
des amplitudes articulaires avec l’utilisation
d’un arthromoteur sous analgésie.
La reprise de l’appui soulagé se fait sous
couvert d’une attelle crurojambière tant que
le verrouillage actif en extension n’est pas
acquis.
26-290-A-20
Indications
de la rééducation [3, 5, 8, 9, 13, 29, 35]
Les indications thérapeutiques des AJI sont
difficiles à systématiser étant donné la
diversité des tableaux cliniques : forme de la
maladie, stade évolutif, localisations
articulaires.
Ces indications dépendent aussi de l’âge de
l’enfant, de sa personnalité et du contexte
Les attitudes vicieuses, l’amyotrophie, les
mauvaises habitudes posturales s’installent
très vite et sont d’autant plus difficiles à
effacer qu’elles sont installées depuis
longtemps.
FORME PAUCIARTICULAIRE
EN PHASE DE DÉBUT
La première conséquence est l’amyotrophie,
en raison de l’atteinte d’un membre. Elle
vicieuse.
Il faut conserver les mobilités et muscler
l’enfant par un travail actif orienté.
Le bain chaud du matin est indispensable
lorsqu’il existe une période de dérouillage.
Les mesures d’hygiène posturale sont
expliquées et l’appareillage de posture
nocturne est prescrit dès l’apparition des
premiers degrés de limitation articulaire.
FORME PAUCIARTICULAIRE
INSTALLÉE
L’évolution se traduit par l’apparition
d ’ a t t i t u d e s v i c i e u s e s fi x é e s o u d e
subluxations. La rééducation doit
s’intensifier.
¶ Articulation très inflammatoire
et douloureuse
Il faut prévenir les déformations par la mise
au repos de l’articulation en bonne position
(attelles, tractions...). La mobilisation grâce à
l’utilisation de tous les moyens antalgiques
doit être réalisée avec précaution et suivie
d’un entretien musculaire en isométrique.
Dans les cas où, malgré ces traitements,
l’évolution inflammatoire se poursuit, il peut
être nécessaire de passer à des traitements
locaux (synoviorthèses et/ou synovec-
tomies) qui nécessitent parfois une
hospitalisation en centre de rééducation
spécialisé [14, 28].
¶ Articulation inflammatoire
et enraidie
L’objectif est de retrouver les mobilités. Il
faut alterner repos et mobilisation passive,
mobilisation active aidée et postures.
Le travail musculaire ne doit pas être
négligé, ni les différents moyens antalgiques.
À cette phase, la rééducation peut être
insuffisante, d’où l’importance d’une prise
en charge pluridisciplinaire.
11
26-290-A-20 Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique Kinésithérapie

FORME GÉNÉRALISÉE
EN PHASE AIGUË
L’évolution est souvent dominée par les
atteintes viscérales et une atteinte de l’état
général. La rééducation est souvent négligée
et pourtant d’importance. Quelques
semaines de négligence peuvent laisser des
séquelles qui mettent des mois à se corriger,
avec parfois le recours à la chirurgie [2, 37].
Cette rééducation doit tenir compte de la
douleur en utilisant la chaleur par tous les
moyens adaptés à chaque cas. Parfois, une
articulation hyperalgique peut bénéficier
d ’ a p p l i c a t i o n d e f ro i d , d ’ u n A I N S
( Ti s s u g e l t ) . L a m i s e a u re p o s d e s
articulations atteintes par une orthèse
immobilisant les articulations sus- et sous-
*
A *
C
jacentes et réalisée au plus près de la
position de fonction est souvent nécessaire,
entrecoupée de mobilisations passives très
douces, biquotidiennes, sans jamais dépasser
les seuils douloureux.
Dès l’amélioration des signes inflamma-
toires, cette mise au repos utilisant les
différents moyens, attelles, tractions, est
adaptée en collaboration étroite entre les
soignants, la famille et l’enfant (souvent lors
de l’hospitalisation), pour arriver en position
de fonction. Le port devient nocturne et un
*
B
travail actif aidé est mis en place.
Enfin, il faut limiter autant que possible
l’amyotrophie, l’ostéoporose, et reprendre
l’appui progressivement au besoin grâce à *
D
la balnéothérapie, au plan incliné... 9 Enfant de 9 ans présentant une destruction rapide de la hanche gauche (arthrite juvénile idiopathique systémi-
que). Aspect radiologique (A) : pincement articulaire, nécrose, excentration. Mise en traction continue de recentrage
(B). Évolution favorable après plusieurs semaines, récupération de la mobilité, aspect radiologique (C) permettant
FORME GÉNÉRALISÉE la mise en décharge active en draisienne (D).
EN PHASE CALME
La prise en charge doit comporter les
mesures d’hygiène de vie et fait partie de la La constatation d’une atteinte sévère de la poussée du pied entraînant le mouvement
vie quotidienne de l’enfant : bains chauds, hanche impose la « mise en décharge acti- de la marche avec travail musculaire
mobilisations, postures... La séance par le ve » [35] jusqu’à stabilisation des lésions. Ce [fessier]).
kinésithérapeute doit être faite au moins traitement lourd, qui ne peut se faire qu’en La traction devient nocturne. À l’école,
trois fois par semaine, la balnéothérapie centre spécialisé, permet de sauver l’enfant est assis sur une selle haute et des
étant bien entendu un atout, mais l’autonomie de la marche chez ces enfants périodes de posture sont installées.
insuffisante à elle seule. autrefois condamnés au fauteuil roulant ou La kinésithérapie avec récupération
Cette kinésithérapie doit aller dans le sens au lit (fig 9). d’amplitude, travail actif, travail de la
de la récupération de l’amplitude articulaire L’enfant est installé en traction continue au marche avec pas pelvien, est proposée. Les
et de la musculation et comporte la 1/10 e du poids du corps (bandes non transferts en appui complet sont autorisés.
surveillance des mesures d’hygiène réalisées collées) dans le plan du lit, avec une La piscine est conseillée, le retour au
par l’enfant et sa famille. abduction progressive. domicile est possible. Pendant cette période,
La posture nocturne par attelle de poignet et Le matin, en fonction de l’état de l’enfant, la les traitements locaux sont souvent indiqués
traction des membres inférieurs (parfois prise en charge commence par un bain (synoviorthèses).
orthèses) est généralement réalisable, chaud ou la balnéothérapie, ou toute Lorsque la destruction articulaire est trop
discutée en fonction des séquelles propres à physiothérapie chaude. importante et l’autonomie à la marche
chaque articulation, et reste un très bon menacée, l’indication d’arthroplastie
moyen de réduction des attitudes vicieuses. La balnéothérapie permet un travail prothétique peut être posée, repoussée à
musculaire et une marche en immersion l’adolescence (à partir de 14 ans) [21].
jusqu’à la poitrine.
FONCTION DES ARTICULATIONS
Puis la kinésithérapie comporte une ¶ Genou
¶ Hanche [16, 19, 36, 38]
mobilisation passive et active aidée et un L’atteinte est fréquente et souvent
Elle entraîne des conséquences fonction- entretien musculaire, le plus souvent deux inaugurale. Elle s’accompagne d’une
nelles majeures avec perte de la marche. Elle fois par semaine. tuméfaction et limitation des secteurs
se manifeste par une limitation douloureuse Après amélioration, obtenue après une extrêmes, avec rapidement flessum et
du mouvement et, d’emblée, par une durée très variable, de quelques semaines à amyotrophie quadricipitale. L’évolution peut
attitude antalgique en flexion, adduction, quelques mois (assouplissement, diminution se faire vers une subluxation postérieure ou
rotation interne avec une contracture du de la douleur, début de reconstruction postéroexterne, et une subluxation externe
psoas et des adducteurs. Elle s’accompagne radiologique), les déplacements vont être de la rotule [33].
très rapidement d’une amyotrophie du repris sous couvert de la draisienne Cela rappelle l’importance de la posture par
quadriceps et des fessiers. (décharge partielle, extension de hanche, orthèse ou traction nocturne, voire orthèse

12
Kinésithérapie Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
souple baleinée pour la marche, mise en
décharge par cannes, et de la kinésithérapie
avec mobilisations spécifiques, étirements,
dès les premiers signes, pour éviter les
programmes lourds.
Ces programmes lourds nécessitent la
collaboration médicochirurgicale avec, dans
un premier temps, synoviorthèse et traction
continue. Les autres indications sont
discutées en fonction de chaque évolution.
¶ Pied [32]
L’atteinte intéresse le plus souvent l’arrière-
pied (tibiotarsienne, sous-astragalienne),
mais peut concerner toutes les articulations
et s’accompagner de ténosynovite.
Diverses déformations sont observées [6, 39].
La kinésithérapie ne doit pas être négligée
avec lutte contre l’équin et le varus
calcanéen, la chute de l’avant-pied avec
rétraction plantaire (entraînant un pied
creux), la griffe et autres déformations des
orteils (marteau, hallux valgus).
En dehors des mobilisations spécifiques et
des étirements, on s’aide d’un maintien
orthétique : semelles orthopédiques,
chaussons intérieurs moulés contrôlant le
calcanéum, maintien de voûte, pelote ou
barre rétrocapitale, matériaux d’absorption,
orthèses d’avant-pied (orthoplastie en
élastomère de silicone), tout cela dans un
bon chaussage.
Parfois, la déformation devient irréductible
et la chaussure orthopédique est
indispensable.
¶ Épaule
Peu souvent atteinte, lorsqu’elle existe, la
limitation apparaît dans l’abduction
élévation, rotation externe (main-nuque),
gênant les activités de la vie quotidienne.
L’ergothérapie complète pleinement la
kinésithérapie dans la restauration des
amplitudes et le travail musculaire
progressif associé à une installation
posturale nécessitant parfois des aides
techniques adaptées.
¶ Coude
L’atteinte se traduit par un flessum, mais
surtout une atteinte de la pronosupination.
Cette articulation répond mal à la
rééducation : en dehors de l’ergothérapie, on
s’aide parfois d’orthèses de posture
alternées.
Heureusement, une perte d’amplitude ne
gêne pas les activités de la vie quotidienne
(20°-120° en flexion-extension, 30°-70° en
pronosupination).
¶ Poignet
L’atteinte est fréquente, surtout dans les
formes polyarticulaires.
Le déficit initial est en extension, puis la
déviation radiale ou cubitale apparaît.
La gêne pour l’écriture ou certaines activités
de la vie quotidienne impose une prise en
charge précoce.
La mise en œuvre d’attelles de posture
nocturnes doit être faite dès les premiers
signes et évite l’aggravation.
Lorsque le déficit est instauré, on passe à
des orthèses de repos avec correction
progressive.
La douleur ou l’instabilité amène à proposer
une orthèse de stabilisation de fonction
laissant libres les préhensions et contrôlant
le poignet et la première commissure pour
ne pas gêner les activités de la vie
quotidienne. Certaines orthèses du
commerce sont utilisées. La kinésithérapie
recherche un étirement des fléchisseurs et la
conservation des amplitudes fonctionnelles
(20E-20F 10° cubital [20o d’extension, 20o de
flexion, 10o d’inclinaison cubitale]).
L’ergothérapie propose des activités
ludiques (métier à tisser, réalisation de
poteries colombines) avec travail sur les
extenseurs.
L’hygiène de vie prend ici toute son
importance.
¶ Main
Comme au niveau du poignet, les
déformations doivent être prévenues par un
maintien nocturne et la prise en charge ne
p eu t êt re di sso c i ée. Cep en dan t , l e s
déformations sont insidieuses.
Les conséquences sont longtemps une
simple diminution des amplitudes et de la
force de préhension.
Un bilan des préhensions précis est
indispensable pour le suivi de ces enfants,
ainsi qu’un bilan analytique qui permet de
préciser les différents types d’orthèses.
Une mobilisation s’efforce de lutter contre
ces attitudes.
Les aides techniques ont toute leur
importance (exemple : adaptation des
crayons, couverts...).
¶ Rachis
Trois problèmes se posent : les instabilités et
compressions cervicales menaçant la moelle,
les tassements vertébraux multiples liés à
l’ostéoporose secondaire à la corticothérapie
prolongée et les scolioses.
Rachis cervical
La tendance à la cyphose doit être
combattue par des postures et le port d’une
minerve souple, sur mesure en phase
inflammatoire. L’oreiller doit être proscrit.
La kinésithérapie consiste en un travail
isométrique des fléchisseurs et extenseurs,
après avoir mobilisé prudemment le cou
dans les différents secteurs en s’aidant de la
chaleur locale. Secondairement, un travail
dynamique contrôlé est entrepris.
L’instabilité du rachis cervical est
préoccupante et doit être recherchée
régulièrement, et avant toute anesthésie
générale (clichés dynamiques et imagerie
par résonance magnétique en cas de doute).
En effet, l’atteinte des articulations
26-290-A-20
postérieures entraîne soit une fusion, soit
une instabilité par destruction des appuis
osseux et des ligaments (l’instabilité se situe
le plus souvent en C1-C2).
Lorsqu’il existe un bloc vertébral étendu, les
contraintes sont reportées aux limites de ce
bloc, entraînant une hypersollicitation qui
accentue l’instabilité.
On voit donc des luxations ou des
instabilités multidirectionnelles qui peuvent
entraîner des lésions médullaires, soit par
compression, soit par contusions répétées.
Le traitement est chirurgical : arthrodèse
éventuellement après décompression par
laminectomie ou réduction des luxations par
halotraction.
Tassements vertébraux
Les tassements vertébraux étagés entraînent
une cyphose, mais rarement une
compression médullaire. Les quelques cas
qui auraient présenté des signes
neurologiques ont été rapidement soulagés
après une immobilisation immédiate en
décubitus en coquille plâtrée.
Le traitement comporte ensuite une
reverticalisation progressive en corset aussi
précoce que possible, dès l’indolence
obtenue, car l’immobilisation prolongée
aggrave l’ostéoporose et la fragilité osseuse.
Ce corset est supprimé progressivement
après 3 à 4 mois. La reconstruction
vertébrale chez l’enfant jeune est
spectaculaire, surtout si le traitement a pu
être adapté.
Scolioses
L a f r é qu e n c e d e s s c olios e s d a n s la
population des AJI semble plus importante
que dans la population générale.
Lorsqu’elles sont évolutives, le traitement
orthopédique est nécessaire, mais pas
toujours réalisable.
Il faut donc souvent intervenir pour réaliser
d e s re d re s s e m e n t s a v e c a r t h ro d è s e
vertébrale et fixation métallique, comme
dans les scolioses idiopathiques graves.
¶ Articulation temporomaxillaire
L’atteinte est fréquente, entraînant une
diminution d’ouverture de bouche et un
micrognatisme.
La physiothérapie peut soulager en phase
inflammatoire (et une alimentation adaptée).
La kinésithérapie est peu utilisée, un travail
de diduction est souhaitable.
Conclusion
La place de la rééducation est capitale dans le
traitement des AJI afin de sauvegarder l’avenir
fonctionnel des articulations.
13
26-290-A-20 Rééducation et réadaptation de l’arthrite juvénile idiopathique
Elle doit être entreprise avec détermination et
espoir d’autant que l’enfant conserve très
longtemps des possibilités de reconstruction et
de remodelage articulaire.
Références
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Il ne faut pas oublier que l’évolution spontanée
de l’AJI se fait vers une guérison dans près
de la moitié des cas après un temps plus ou
moins long. La prise en charge globale,
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Kinésithérapie
pluridisciplinaire et précoce des enfants AJI
par des équipes spécialisées permet aujourd’hui
d’atteindre l’âge adulte avec les séquelles les
moins invalidantes possibles.
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