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Caroline Verzat
De Boeck Supérieur | « Entreprendre & Innover » 2015/4 n° 27 | pages 81 à 92
1AJZEN, I., FISHBEIN, M. (1980) Understanding attitudes and predicting social behavior, Englewood
Cliffs, N.J.: Prenctice Hall.
2SHAPERO, A. (1982) Social dimensions of entrepreneurship, in Kent,C., Sexton D., Vesper, K. (eds)
The encyclopedia of entrepreneurship, Englewood Cliffs, N.J.:Prentice Hall, pp 72-90.
Dossier : « Esprit d’entreprendre, es-tu là ? » Mais de quoi parle-t-on
et renforcées bien plus tôt vis-à-vis d’acti- vités de projets de toutes sortes dès lors
qu’ils comportent des enjeux motivants pour les élèves et des défis. De même, si l’on
ne peut modifier l’entourage familial des élèves influant sur leurs choix de car- rière, il
est envisageable de développer des cultures de classe ou de groupes de camarades
et de nouer des relations cha- leureuses et stimulantes avec des entrepre- neurs afin
d’influencer favorablement leurs perceptions normatives. Enfin, c’est géné- ralement
l’objectif majeur en éducation que d’agir sur les sentiments de compé- tence. Mais
encore faut-il que les compé- tences dont il est question soient définies non comme
des compétences de création d’entreprise mais comme des compétences de
réalisation de projets beaucoup moins complexes ou en d’autres termes, que le
processus de développement des compé- tences entrepreneuriales soit connu. Or ce
n’est pas le cas et il n’est pas sûr qu’on puisse repérer un chemin unique.
Une manière de contourner cette objec- tion est de penser l’esprit d’entreprendre
comme une façon d’agir et de penser
«escoemntmreeprleneurs ». Sans viser à définir l’esprit d’entreprendre, des
recherches récentes sur la cognition entre- preneuriale nous donnent néanmoins des
pistes conceptuelles utiles.
dans le réfrigérateur et préparer un repas acceptable avec, alors qu’en suivant une
démarche de causation, le cuisinier com- mence par choisir une recette puis se
fournit les ingrédients nécessaires pour la réaliser.
Si l’on cherche à comprendre plus préci- sément le fonctionnement interne sous-
jacent de l’entrepreneur lorsqu’il agit ainsi, deux sphères de processus inter- reliés
apparaissent, l’une liée au fonction- nement mental, l’autre à la construction
identitaire. Dans le fonctionnement men- tal des entrepreneurs ont été observés des
biais de perception (notamment sures- timation des bénéfices, sous-estimation des
risques et du temps nécessaire pour développer une activité, sur-confiance en ses
propres capacités), des heuristiques de décision (simple et rapide à partir d’un
nombre limité d’informations), des heuris- tiques créatives (essayer quelque chose de
différent), des émotions intenses et plus optimistes que la moyenne, des passions
(sentiments positifs profonds). Plusieurs modélisations en cours d’étude suggèrent
que ces dimensions se renforcent mutuel- lement et se stabilisent au fil de la succes-
sion d’expériences à travers des patterns d’attribution causale (notamment moins de
biais d’attribution interne des succès et externe des échecs que la moyenne), des
scripts experts (notamment en recon- naissance de situation, tolérance à l’am- biguïté
et vigilance) et des croyances de contrôle. Tous ces éléments contribuent à construire
une « auto-efficacité entrepre- neuriale » consistant à convertir les échecs perçus
dans toute expérience en leçons pour l’avenir dans les domaines de l’iden- tification
d’opportunités de business, la création de nouveaux produits, la com- mercialisation
des innovations et la prise de risque. L’auto-efficacité et les passions
fondateur et/ou développeur de l’organi- sation et en tant que leader d’influence dans
un réseau économique. Nous propo- sons ci-dessous un schéma simplifié inédit
permettant de résumer ces différentes dimensions.
Ce schéma a le mérite de mettre en évi- dence un ensemble de processus qui se
construisent progressivement à tra- vers l’analyse réflexive plus ou moins consciente
d’une succession d’expé- riences de réussite et d’échec. Mais il ne dit pas dans quel
ordre ces processus se construisent ni à partir de quels types d’expériences. Étant
donné la centralité du concept, le cycle d’entraînement de l’auto-efficacité explicité
par Bandura et repris par Mauer, Neergaard et Kirketerp- Linstad (2009) apporte une
compréhen- sion utile des conditions d’entraînement de l’esprit entrepreneurial. Nous
le repro- duisons ci-dessous.
On voit que l’expérience de maîtrise dans des situations antérieures, mais aussi l’ob-
servation d’autres personnes qui me res- semblent en train de réussir (expérience
vicariante) sont également utiles pour progresser. On peut noter que si le succès
est finalement au rendez-vous, ce n’est pas sans avoir traversé des difficultés, des
erreurs et des échecs. Lorsque l’individu a une bonne perception d’auto-efficacité,
ceux-ci sont perçus comme passagers et supportables. Ils constituent alors des
sources d’apprentissage qui obligent l’individu à remettre en cause ses scripts
inadaptés et à en construire de nouveaux. Nous savons aussi par les sciences de
l’éducation que l’apprentissage expérien- tiel qui permet de tirer des leçons de l’ex-
périence peut s’auto-réguler mais aussi être éduqué par des accompagnements
adaptés.
Pour élaborer un programme de formation visant à éduquer un tel état d’esprit, il reste
maintenant à traduire les différents processus explicités en objectifs de forma- tion
clairs pour les élèves comme pour les enseignants et à les adapter aux niveaux
primaire, secondaire et supérieur.
en entrepreneuriat. Le fait de vouloir agir est non moins important car il se rapporte au
sens que l’action a pour le sujet et au degré de confiance qu’il a dans ses propres
capacités. Ces éléments apparaissent tout aussi cruciaux dans la dialogique perma-
nente qui existe entre l’individu et son action ou projet de type entrepreneurial. Le
modèle de Le Boterf, sur lequel nous basons notre représentation de synthèse sur
l’esprit d’entreprendre, formule que la compétence correspond à une construc- tion à
partir d’une combinaison de res- sources. Cette construction comporte plusieurs
Dossier : « Esprit d’entreprendre, es-tu là ? » Mais de quoi parle-t-on
éléments :
− Les schèmes opératoires caractérisant la compétence en acte, c’est-à-dire les
comportements observables en situation manifestant que l’individu est compétent.
− L’inventaire des ressources person- nelles (intériorisées ou incorporées à la
personne) que l’individu mobilise pour réaliser ces activités. On distingue parmi les
ressources personnelles les différents niveaux de savoirs (connaissances géné-
rales, d’environnement, procédurales), les différents types de savoir-faire (expérien-
tiels, relationnels, cognitifs ou métacogni- tifs) et les différents types de savoir-être
(qualités ou aptitudes, ressources physio- logiques, émotionnelles, culturelles).
− Les ressources de l’environnement que l’individu mobilise pour réaliser ces
activi- tééssea:urx relationnels, documentaires, informationnels, d’expertise, outils de
proximité (machines, équipements…).
− Les critères de performance attendus dans une situation donnée. Ces critères
correspondent aux attentes de l’environ- nement qui va juger de la compétence. En
effet, il ne suffit pas de se sentir com- pétent pour l’être, il s’agit toujours d’un
jugement social. Ces critères sont plus ou moins concrets et mesurables mais tou-
jours spécifiques à la situation.
− Le système de guidage interne à l’in- dividu qui lui permet de mobiliser ses
différentes ressources pour réaliser ces activités. Ce système de guidage repré-
sente la dynamique du modèle, il explique sur la base de quels éléments construits
dans le passé, au cours de l’action et visés dans le futur l’individu mobilise ses diffé-
rentes ressources pour réaliser les activi- tés qui manifestent sa compétence. Trois
types d’éléments interviennent dans le guidage : 1) les compétences déjà exis- tantes
construites par le passé, c’est-à- dire les activités que l’individu sait déjà réaliser avec
compétence et qu’il peut reproduire sans difficulté 2) les représen- tations opératoires
que l’individu a de la situation présente (quel est le problème à résoudre ?, quelles
sont ses causes ?, ses conséquences ?) et pour le futur (quel est le futur désirable à
atteindre ?), 3) l’image que l’individu a de lui-même composée à la fois du jugement
personnel qu’il émet sur ses propres ressources et compé- tences, de ses valeurs
personnelles et du jugement par autrui qu’il perçoit.
En appliquant ce modèle aux compo- santes de l’esprit d’entreprendre telles qu’elles
sont décrites par les trois sources consultées, nous obtenons les objectifs de
formation suivants, dans lesquels réappa- raissent les dimensions de l’intention et la
cognition entrepreneuriale.
prescrivent des manières d’agir dans des situations spé- cifiques. La métacognition
décrit le travail par lequel l’élève prend l’habitude d’analyser le pourquoi de ses
réussites, de ses erreurs, de ses difficultés, et de stabiliser les procédures
d’apprentissage efficaces.
professeurs ont rarement été entrepre- neurs eux-mêmes. Pour eux, le référen- tiel
est une aide précieuse, car il explicite les différentes ressources et capacités à
entraîner, ce qui leur permet de conce- voir, mener puis évaluer des actions de
formation adéquates, c’est-à-dire d’opérer la transition didactique.
Néanmoins le référentiel n’est jamais un outil magique, loin s’en faut. Dans le cas de
l’esprit d’entreprendre, sachant qu’il s’agit d’une compétence complexe à entraîner
sur la durée du primaire à l’université, il faut maintenant repérer les activités
adaptées, les sous-objectifs visés et les critères de performance honorables à chaque
niveau d’étude. Un véritable chantier d’identification des situations- problèmes
adéquates à la préparation des différentes ressources que nous avons inventoriées
est à mener, ainsi que des critères acceptables pour les évaluer. Les auteurs de
terrain consultés sont incom- plets sur le sujet : A. Gibb (2005) montre que de
nombreuses activités pédago- giques sont possibles13 pour entraîner les différents
types d’habiletés, attributs et capacités visées. Mais sa liste est très générique. Elle
ne spécifie pas le niveau d’étude auquel ils conviennent et ne pré-
Dossier : « Esprit d’entreprendre, es-tu là ? » Mais de quoi parle-t-on
une logique de progression entre les trois niveaux d’étude basée sur les visées : au
primaire, il faudrait d’abord viser les savoir-être entreprenants, au secondaire, la
culture projet, à l’université, l’interac- tion avec le milieu entrepreneurial. Mais les
situations éducatives adaptées et les critères de performance ne sont que
partiellement identifiés et tributaires de chaque situation citée en exemple. Le livre de
Surlemont et Kearney (2009) identifie une batterie de critères de per- formances vis-
à-vis de chaque capacité et l’illustre pour une situation pédagogique (e« slecondaire
enseigne au primaire » dans le cadre d’un cours de science). Mais toutes les
autres déclinaisons dans d’autres situations pédagogiques sont à inventer !
Voilà donc un beau chantier à mener dans toute classe ou école qui voudrait se lan-
cer dans un projet de formation visant à développer l’esprit d’entreprendre : défi- nir
les objectifs concrets prioritaires que l’on vise, choisir une activité adaptée et réaliste
compte tenu du niveau des appre- nants, puis définir les indicateurs qui vont
permettre de l’évaluer. C’est en outre un excellent moyen d’engager la collabo- ration
avec l’ensemble des parties pre-
nerannétes conc
: le ou les enseignants,