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UNE CONCLUSION

«N ous voici arrivés au terme de ce voyage dans le temps et dans l


´es-pace. » Je ne suis pas mécontent de cette belle phrase, qui
peut parfaitement servir de métaphore pour notre vie d´homme, laquelle est un
long voyage parmi les différentes expériences de la condition humaine. Nicolas
Juan, mon cher fils, et vous mes chers descendants, si vous me lisez, sachez qu
´en une vie normale nous avons droit à quelques moments d´exaltation, une part
raisonna-ble de bonheur, pas mal d´ennui, des moments de désespoir, un bon
nombre de douleurs, physiques ou émotionnelles, et beaucoup de travail.
Malheureusement, et c´est ce qui m´a toujours paru mal fait dans la nature, qui
finalement n´est pas si bien organisée que ça, les bons moments ont
généralement lieu dans la première partie de la vie : enfance, amour, projets,
réalisations… Et les mauvais moments ont plutôt tendance à avoir lieu dans la
deuxième partie : deuils, déceptions, mala-dies, vieillesse, mort… Et cela pourrait
nous laisser sur l´impression pénible que la vie est mauvaise lorsque nous la
quittons, puisqu´elle se fait de plus en plus pe-sante jusqu´à sa fin inévitable. J´y ai
beaucoup pensé depuis la triste fin de Juan VÁSQUEZ et depuis la mort d
´Isabelle, mais je suis arrivé à la conclusion que pen-ser cela est ne voir qu´une
toute petite partie de la vie, la très petite partie qui nous correspond. Or, la vie est
bien au-dessus de nous puisqu´elle continue après nous. Isabelle disait toujours
qu´elle n´avait pas peur de la mort, puisqu´elle avait été heureuse, et qu´elle
voulait que je sois heureux après sa mort, et que je me rema-rie. Si donc, dans une
circonstance quelconque, un ou plusieurs de vous, mes des-cendants, deviez
traverser une série d´épreuves et vous laisser aller à des mo-ments de
découragement, j´aimerais vous léguer, pour que vous
puissiez appré-cier la vie à sa juste valeur, et pour que vous
puissiez vous hisser au-dessus de votre destin particulier,
quatre œuvres d´art qui m´ont beau-coup aidé : un film, une
peinture, une nouvelle et une musique.

Le film, si vous pouvez le trouver, s´appelle Shadowlands,


distribué par Warner Bros., avec Anthony HOPKINS et Debra
WINGER. Il ra-conte le destin authentique d´une divorcée
américaine et d´un professeur anglais de l´uni-versité d
´Oxford, C.S. LEWIS. Ce qui commen-ce comme des
relations littéraires continue comme un mariage de
convenance qui évolue en un mariage d´amour et finit en
tragédie quand elle meurt d´un cancer. Quelque temps avant
sa mort, dans un moment de rémission, ce couple va se
promener à la campagne et connaît un moment de bonheur.
Et elle le pré-vient, comme Isabelle m´a prévenu, qu´elle va
bientôt mourir, et qu´il lui faudra se souvenir de ce moment,
car le bonheur qu´il ressent main-tenant et la peine qu´il aura
au moment de sa mort ne sont en fait que les deux faces de
la même réalité. A la fin du film, il pleure avec le fils qu´elle lui
a laissé, et répète les mêmes paroles : « la peine de

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maintenant fait partie du bonheur d´alors : c´est le marché que la vie nous
propose ».

La peinture, c´est « L´allégorie du printemps » de Sandro BOTTICELLI que vous


pouvez voir en-dessous. Elle a été peinte en 1478, pour décorer la villa qu´avait
Lorenzo di Pierfrancesco de MÉDICIS près de Florence. Elle a été inspirée par un
poème de POLIZIANO, « Stanze per la giostra », qui avait été composé pour célé-
brer la victoire dans une joute de Giuliano de MÉDICIS, frère de Laurent de MÉDI-
CIS le Magnifique, et qui était lui-même inspiré par deux vers de LUCRÈCE et une
strophe d´HORACE. Le tableau représente, à droite, Zéphyr, dieu du vent. Il sou-
tient son amante Cloris et souffle sur elle, et elle se transforme en Flora, la déesse
du printemps, vêtue d´une tunique vaporeuse ornée de fleurs dont elle sort des
fleurs qu´elle distribue dans la prairie. Au centre, Vénus génitrix enceinte, surmon-
tée d´un Cupidon qui envoie une flèche droit vers le cœur de l´une des trois Grâ-

ces qui sont à gauche, et qui sont Aglaé, Euphrosyne et Thalie. Celle qui est visée
est Aglaé, représentée sous les traits de Simonetta VESPUCCI, « la bella Simo-
netta », épouse d´un cousin germain d´Amerigo VESPUCCI, le voyageur florentin
qui a donné son nom à l´Amérique. Simonetta était la plus belle femme de son
temps, et elle était l´amante de Giuliano, qui apparaît à l´extrême-gauche du ta-
bleau sous l´apparence du dieu Mercure. Simonetta et Giuliano étaient le couple
idéal de la Renaissance, mais un couple tragique, car Simonetta est morte de
« consomption », c´est à dire de tuberculose, en 1476, à l´âge de 22 ans, et Giulia-
no a été assassiné dans la Cathédrale de Santa Maria del Fiore de Florence, le
jour de Pâques de 1478, lors de la conspiration des PAZZI. Le tableau est donc un
hommage à un couple disparu prématurément, et une idéalisation de ce couple par

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son association avec un couple mythologique, le couple Flora-Zéphyr, qui n´est au-
tre que l´un des nombreux avatars d´un couple mythique que l´on retrouve tout au
long de l´histoire depuis les anciens Egyptiens, et aujourd´hui dans le conte de la
Belle au Bois Dormant et de son Prince charmant. C´est en fait un très vieux conte,
beaucoup plus profond qu´il ne pourrait sembler à première vue, puisqu´il rend
compte du cycle de la vie et de la mort. Dans le conte originel, avant qu´il n´ait été
édulcoré par Charles PERRAULT, la Belle est violée dans son sommeil et rendue
enceinte, et elle se réveille en donnant naissance… au printemps. C´est en fait une
transposition du cycle de l´hiver et du printemps, et de la façon comme la nature,
endormie pendant l´hiver, mais grosse de promesses, se réveille au printemps et
donne naissance à la végétation et donc à la vie. Ce tableau, fait après la mort de
Giuliano, est donc une affirmation du triomphe de la vie sur la mort, car, même
si les individus et les générations disparaissent, la vie refleurit toujours sous
d´autres formes.

La nouvelle, c´est « Désespoir est mort » de VERCORS. VERCORS, qui s´appe-


lait en fait Jean BRULLER, est devenu célèbre grâce à son récit « Le silence de la
mer », qui a aujourd´hui perdu de son impact, bien qu´il ait été voté parmi les 50
livres les plus importants du XXº siècle. A mon avis, « Désespoir est mort » bien
que tout autant le produit de son époque, est plus intemporel, et atteint à l´univer-
salité. Il décrit l´abattement qui saisit des militaires français après la débâcle de
1940, et l´incident minuscule qui leur rend courage. Voici la fin de la nouvelle :

« C´est alors que nous vîmes venir les quatre petits canetons.
Je les connaissais. Souvent j´avais regardé l´un ou l´autre, l´une ou l´autre de
ces très comiques boules de duvet jaunâtre, patauger, sans cesser une seconde
de couiner d´une voix fragile et attendrissante, dans les caniveaux ou la moindre
flaque. Plus d´une fois, l´un d´eux m´avait ainsi aidé à vivre, un peu plus vite, un
peu moins lourdement, quelques-unes des minutes de ces interminables jours. Je
leur en savais gré.
Cette fois, ils venaient tous quatre à la file, à la manière des canards. Ils
venaient de la grande rue, claudicants et solennels, vifs, vigilants et militaires. Ils
ne cessaient de couiner. Ils faisaient penser à ces défilés de gymnastes, portant
orgueilleusement leur bannière et chantant fermement d´une voix très fausse. J´ai
dit qu´ils étaient quatre. Le dernier était le plus jeune, - plus petit, plus jaune, plus
poussin. Mais bien décidé à n´être pas traité comme tel. Il couinait plus fort que les
autres, s´aidait des pattes et des ailerons pour se tenir à la distance réglementaire.
Mais les cailloux que ses aînés franchissaient avec maladresse mais fermeté for-
maient, pour lui, autant d´embûches où son empressement venait se buter. En
vérité, rien d´autre ne peut peindre fidèlement ce qui lui arrivait alors, sinon de dire
qu´il se cassait la gueule. Tous les six pas, il se cassait la gueule et il se relevait et
repartait, et s´empressait d´un air martial et angoissé, couinant avec une profusion
et une ponctualité sans faiblesse, et se retrouvait le bec dans la poussière. Rare-
ment ai-je assisté à rien d´aussi comique. Ainsi défilèrent-ils tous les quatre, selon l
´ordre immuable d´une parade de canards, et, toujours couinant, tournèrent-ils le
coin de la ruelle. Et nous vîmes le petit, une dernière fois, se casser la gueule
avant de disparaître. Et alors, voilà, RANDOIS nous mit ses mains aux épaules, et

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il s´appuya sur nous pour se lever, et ce faisant il serra les doigts, affectueuse-
ment, et nous fit un peu mal. Et il dit :
- A la soupe ! Venez. Nous en sortirons.
Or, c´était cela justement que je pensais : nous en sortirons. Oh ! Je mentirais
en prétendant que je pensai ces mots-là exactement. Pas plus que je pensai alors
précisément à des siècles, à d´interminables périodes plus sombres encore que
celle-ci qui s´annonçait pourtant si noire ; ni au courage désespéré, à l´opiniâtre-
té surhumaine qu´il fallut à quelques moines, au milieu de ces meurtres, de
ces pillages, de cette ignorance fanatique, de cette cruauté triomphante,
pour se passer de main en main un fragile flambeau pendant près de mille
ans. Ni que cela valait pourtant la peine de vivre, si tel devait être notre des-
tin, notre seul devoir désormais. Certes, je ne pensai pas précisément tout cela.
Mais ce fut comme lorsqu´on voit la reliure d´un livre que l´on connaît bien.
Comment ces quatre petits canards, par quelle voie secrète de notre esprit
nous menèrent-ils à découvrir soudain que notre désespoir était pervers et stérile ?
Je ne sais. Aujourd´hui où je m´applique à écrire ces lignes, je serais tenté d´ima-
giner quelque symbole, à la fois séduisant et facile. Peut-être n´aurais-je pas tort.
Peut-être, en effet, inconsciemment pensai-je aux petits canards qui déjà devaient
défiler non moins comiquement sous les yeux des premiers chrétiens, qui avaient
plus que nous lieu de croire tout perdu. Peut-être trouvai-je qu´ils parodiaient as-
sez bien, ces quatre canetons fanfarons et candides, ce qu´il y a de pire dans les
sentiments des hommes en groupe, comme aussi ce qu´il y a de meilleur en eux.
Et qu´il valait de vivre, puisqu´on pouvait espérer un jour extirper ce pire,
faire refleurir ce meilleur. Peut-être. Mais il se pourrait plus encore que, tout cela,
je le découvrisse seulement pour les besoins de la cause. Au fond, j´aime mieux le
mystère. Je sais, cela seul est sûr, que c´est à ces petits canards délurés,
martiaux, attendrissants et ridicules, que je dus, au plus sombre couloir d´un
sombre jour, de sentir mon désespoir soudain glisser de mes épaules com-
me un manteau trop lourd. Cela suffit. Je ne l´oublierai pas. »

La musique, c´est le 3º mouvement de la sonate Nº 31 en la bémol majeur op.


110, de Ludwig van BEETHOVEN. C´est un chef d´œuvre absolu, une des plus
belles musiques qui existent, et elle nous transmet un message définitif. Mon
interprète favori, pour l´écouter, c´est Claudio ARRAU. J´ai assisté à un concert de
Claudio ARRAU, et j´en garde le souvenir. Ce soir-là, il a joué surtout du LISZT. C
´était quelques mois avant sa mort, il était vieux, il était malade, et on se deman-
dait si, comme le petit canard, il n´allait pas tomber de son siège et se casser la
gueule. Mais, comme le petit canard, il n´a pas renoncé et a joué, et je n´ai jamais
entendu un pianiste comme lui. Il n´a pas joué cette sonate, et c´est dommage, car
lui-même était l´illustration parfaite de son message, que je vais essayer de vous
expliquer maintenant. Pour cela, il faut d´abord analyser la structure de la pièce.
Elle est composée de sept éléments qui sont l´introduction, le premier arioso, la
première fugue, le deuxième arioso, la transition, la deuxième fugue, et le final. Je
vous indique les temps dans l´interprétation de Claudio ARRAU, qui dure 11´17´´ :
Intr 1º 1º 2º Transition 2º Final
Arioso Fugue Arioso Fugue

x 28 x 19 x 10 sol la bémol
la mi bémol majeur majeur
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0 1.35 3.56 6.22 8.22 8.41 8.56 9.58


11.17
Voyons maintenant le sens de ces mots, et l´enchaînement des éléments. L´in-
troduction, comme son nom l´indique, sert à introduire la pièce, et BEETHOVEN y
use d´un procédé qui est comme sa signature, la répétition d´une note, la, 28 fois
(dans la partition ; à l´écoute, cela semble beaucoup moins). Et il remet ça au
début du 1º arioso, avec 19 mi bémol successifs. Le terme arioso est dérivé d´aria,
une mélodie accompagnée dans l´opéra. L´arioso est similaire, généralement plus
lyrique, disons plus triste. Dans cette sonate, BEETHOVEN renforce cette impres-
sion en lui donnant le titre d´ «arioso dolente». La fugue est l´exercice de compo-
sition classique par excellence, qui consiste à prendre un thème musical et à le
traiter selon des règles très précises qui développent, selon des procédés d´imita-
tion, un contraste entre un sujet, ou antécédent, et une réponse, ou conséquent,
qui peut être parallèle, contraire, asymétrique, rétrograde… Cela peut sembler
scolaire, mais maints chefs d´œuvre ont été produits ainsi. Une fugue culmine
toujours en forme ascen-
dante, mais ici, au mo-
ment où devrait venir sa
conclusion, la musique
se désintègre, retombe,
et l´arioso revient, mais
avec quelques change-
ments dans le rythme et
dans les silences qui le
rendent plus pathétique.
La transition, comme son
nom l´indique aussi, sert
à passer d´un élément à
un autre, en ce cas grâce
à la répétition, dix fois et
en crescendo, de l´ac-
cord de sol majeur, sol-
si-ré, arpégé ensuite. De
là on repasse à la fugue,
mais inversée, et si le fi-
nal en la bémol majeur
est ascendant comme
doit l´être le final tradi-
tionnel d´une fugue, ce n
´est plus le contrepoint
habituel des fugues mais quelque chose d´entièrement nouveau (pour écouter
cette musique, voir page 428).
Maintenant, voyons ce que BEETHOVEN veut nous dire avec cette musique. Il

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nous a laissé dans la partition une quantité d´informations, avec des instructions
très détaillées sur la façon dont il voulait qu´on joue ce troisième mouvement, com-
me tu peux voir sur la page 426 où je te reproduis les premières mesures, qui vont
jusqu´au début du premier arioso. Cela montre bien qu´il voulait nous dire quelque
chose de très spécifique.
En fait, il nous donne là une métaphore de sa vie. Dans l´introduction, les notes
répétées expriment une image qui était devenue presque une obsession pour lui,
celle de quelqu´un qui frappe à la porte (comme dans le célèbre exemple du début
de la 5º symphonie). Si l´on sait qu´il avait pensé au suicide car il souffrait beau-
coup de sa surdité, qu´il s´était replié sur lui-même et s´était littéralement enfermé
dans sa souffrance, cette obsession pour cette image traduit bien son isolement et
son désir d´en sortir. Et elle lui permet de nous ouvrir la porte sur son univers inté-
rieur. Le premier arioso nous révèle ses souffrances en une sorte de confession.
Avec la fugue, il cherche ensuite la consolation dans la musique, mais la peine est
trop forte et il retombe dans son désespoir avec le deuxième arioso. La transition
est dramatique, elle suggère sa mort avec l´accord de sol majeur qui est comme le
glas qui sonne pour son enterrement. Mais vient ensuite la deuxième fugue avec
son final triomphant qui nous montre comment BEETHOVEN triomphe de ses
peines et de son destin et atteint l´immortalité, grâce à sa musique certes,
mais aussi grâce à l´exemple de volonté qu´il nous laisse.

Pour résumer, quel est donc ce message que je vous transmets ? Que bonheur
et malheur sont indissociables, que la vie refleurit toujours, qu´il faut conti-
nuer à transmettre même dans les moments d´abattement, et qu´il faut tou-
jours faire preuve de volonté et d´énergie, car cette volonté et cette énergie
qui nous permettent de surmonter et de mépriser les obstacles sont la vie
même, et elles nous assurent l´immortalité. Car immortels sont les êtres hu-
mains, et aussi les petits canards, qui ont su, contre vents et marées, « faire éner-
giquement leur longue et lourde tâche ».
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.

Cumaná, 8 mai 2002.

Post-scriptum : Comme vous le dit le titre, ceci est « une » conclusion, mais ce
n´est pas « la » conclusion. Il ne tient qu´à vous d´ajouter des
chapitres à cette histoire… et de les écrire.

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Le troisième mouvement de la sonate Nº 31 op 110 en La bémol majeur de
BEETHOVEN, interprétée par Claudio ARRAU, est enregistré à partir d´un disque
où il joue les trois dernières sonates de BEETHOVEN (avec la Nº 30 op. 109 en Mi
majeur et la Nº 32 op. 111 en Ut mineur), sonates qui « nous jettent brusquement
dans un autre monde, cette zone étonnante des dernières années de
BEETHOVEN… ». Quoique si vous voulez mon avis personnel, Claudio ARRAU n
´a pas su mettre dans la sonate op 111 tout ce que sait y mettre Alfred BREN-DEL,
qui est la référence absolue pour écouter l´ariette. Je continue à vous trans-crire
ce que dit Lucien REBATET (qui était un horrible facho mais qui savait deux ou
trois choses en musique) sur les trois dernières sonates de BEETHOVEN. « Au
cours des sonates op. 109 et 110, quelques formules traditionnelles tentent un
retour, mais pour être aussitôt balayées par les rythmes impérieux, rageurs, ou le
grand souffle du cantabile, l´andante de l´op. 109 étant particulièrement émouvant.
Et comment ne pas signaler au moins, parmi tant de beautés, les variations de cet-
te sonate, et le chapitre autobiographique de l´op 110, composé après la maladie
de 1821, que dit l´arioso mourant, auquel succède le raidissement de la volonté, le
retour vainqueur à la vie, le condensé de toute une existence ?… Mais l´insur-
passable chef-d´œuvre reste l´ariette – quelle ironie cachée dans ce terme d´opé-
ra-comique ! – de l´op. 111, le thème le plus suave, le plus immatériel de toute la
musique, que BEETHOVEN précipite dans la cataracte des variations, d´où elle
revient, encore plus ineffable, par une coda qui est une transfiguration. L´op. 111 n
´a que deux mouvements. Rien n´aurait pu succéder à la sublime ariette. Ce n´est
plus seulement la fin de la 111 mais de toute la sonate de piano. BEETHO-VEN l´a
reçue des mains de HAYDN et de MOZART, régulière, un peu grêle, élégante avec
ses alter-nances de bonne
com-pagnie. Au cours de
vingt années il l´a changée
en poèmes d´une telle
den-sité que sa forme,
après lui, n´aura plus de
sens. SCHUMANN s´y
essaiera encore
quelquefois, et ce ne
seront pas ses gran-des
pages. LISZT n´en fera qu
´une seule expé-rience,
sans pouvoir se départir
de sa veine rhap-sodique.
CHOPIN bapti-sera
sonates deux suites de
pièces sans liens. Ensuite, il
n´y aura plus guère sous
ce nom que de l
´académisme, ou alors
des musiques d´une toute
autre essence ».

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« Il a été construit pour eux des portes et des demeures,
Mais elles sont tombées en ruine.
Leurs pierres tombales sont couvertes de poussière
Et leurs tombes sont oubliées.
Mais leur nom est toujours prononcé
A cause des livres qu´ils ont écrits.
Sois un écrivain, place cela en ton cœur » .

Livre de connaître le mode d´existence de Rê.

FIN

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