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FAUX TITRE
385
Daniel Fondanèche
Le papier sur lequel le présent ouvrage est imprimé remplit les prescriptions
de ‘ISO 9706: 1994, Information et documentation - Papier pour documents -
Prescriptions pour la permanence’.
ISBN: 978-90-420-3610-9
E-Book ISBN: 978-94-012-0881-9
© Editions Rodopi B.V., Amsterdam - New York, NY 2012
Printed in The Netherlands
…les merveilleuses découvertes enfantées
par le seul dix-neuvième siècle, (…)
ces découvertes devraient vous faire présager
les miracles que nous réservent les siècles futurs.
Le Faure & de Graffigny
Le Soleil et les petites planètes
Introduction
Comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans Paralittératures1, ces litté-
ratures spécialisées ne sont pas nées ex nihilo, mais elles sont une exten-
sion de la littérature générale, une sorte de spécialisation, tout simple-
ment parce que leurs auteurs ne peuvent faire abstraction de leurs huma-
nités – même si elles ont été limitées en ce qui concerne les autodidactes
–, de leur formation. Ils en sont imprégnés et ceci transparaît plus ou
moins dans leurs écrits : la forme et l’équilibre de la phrase, l’allusion à
un « classique », les contenus culturels, le montage dramatique, tout en
porte témoignage. Le côté innovant de leur travail va porter sur la thé-
matique qu’ils enrichissent par une autre approche, par une perception
nouvelle en créant de nouveaux genres. Par exemple, la littérature élé-
giaque est devenue la littérature amoureuse, puis le roman sentimental
qui a ouvert la porte à la manifestation de l’éros s’est dégradé en porno-
graphie, pendant que le roman à l’eau de rose sauvegardait les « bons
sentiments ». Il en sera de même avec les « littératures d’imagination
scientifiques » qui vont intégrer à un développement romanesque clas-
sique – même s’il lui arrive de tendre vers le rocambolesque – tout un
substrat scientifique que les auteurs vont puiser dans la Révolution in-
dustrielle du XIXe siècle. Pendant que les vulgarisateurs vont « enseigner
les foules » par le biais d’articles dans des revues spécialisées, les écrivains
1 FONDANÈCHE, Daniel. Paralittératures. Paris : Vuibert, 2005, 732 p.
6 La littérature d’imagination scientifique
2 BRIDENNE, Jean-Jacques. La littérature française d’imagination scientifique. Paris : Dasson-
ville, 1950, 283 p.
Introduction 7
1 – Un peu d’histoire
Tout le monde a dévoré Les Mystères de Paris, même les gens qui ne savent
pas lire : ceux-là se les font réciter par quelque portier érudit (…) Des
malades ont attendu pour mourir la fin des Mystères de Paris ; le magique
la suite à demain les entraînait de jour en jour, et la mort comprenait qu’ils
ne seraient pas tranquilles dans l’autre monde s’ils ne connaissaient pas le
dénouement de cette bizarre épopée 2
1 Le premier gros producteur en terme de feuilleton sera Paul de Kock dont on peut re-
tenir Georgette, ou la nièce du tabellion (1821), Gustave, ou le mauvais sujet (1821), La laitière de
Montfermeil (1827),… On peut aussi penser à Frédéric Soulié avec Eulalie Pontois (1830),
Les Mémoires du diable (1837-38),… ou encore à Paul Féval avec Les Mystères de Londres
(1834-44), Le Fils du diable (1844),…
2 GAUTIER, Théophile. Histoire de l’art dramatique : 1858-1859, série III. in « Préface » au
main était froide comme celle d’un serpent » ou encore « Son chapeau était tellement
Les conditions d’émergence 11
Voltaire écrit quelque part que Henri IV fut assassiné parce qu’un fakir
de l’Inde commença sa promenade du pied droit au lieu de la commen-
cer du pied gauche. (…) Sans doute, il importe d’être sévère pour les
écarts de la littérature, mais la sévérité ne doit pas aller jusqu’à l’injustice,
qui est à la fois une mauvaise action et un mauvais calcul, car elle ôte
toute autorité à la critique.4
1845, p. 1 (2e ed.). On notera que Voltaire a inventé « l’effet papillon » bien avant Ed-
ward Lorenz, qui n’en parla qu’en 1972.
5 Ibid., p. 17, 18.
12 La littérature d’imagination scientifique
Ceste année les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez
mal : les muetz ne parleront guières : les riches se porteront un peu
mieulx que les pauvres, & les sains mieulx que les malades.
Plusieurs moutons, boeufz, pourceaulx, oysons, pouletz & canars, mour-
ront & ne sera sy cruelle mortalité entre les cinges & dromadaires.
Vieillesse sera incurable ceste année à cause des années passées.7
6 VAREILLE, Jean-Claude. Le Roman populaire français (1789-1914). Limoges : PU-
LIM/Nuit blanche, 1994, p. 84.
7 RABELAIS. « Pantagruélines pronostications » in Œuvres complètes. Paris : Gallimard,
8 BOLLÈME, Geneviève. La Bibliothèque bleue : la littérature populaire en France du XVIe au
XIXe siècle. Paris : Julliard, 1971, p. 8 (Collection Archives, n° 44).
9 Ibid., p. 12.
14 La littérature d’imagination scientifique
10Donc peu de temps avant la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881.
11BOLÈME, Geneviève, op. cit., p. 13. On notera qu’entre 1815 et 1848, en France, le
régime de la presse sera modifié 18 fois.
Les conditions d’émergence 15
Mais on est mal à l’aise pour aller plus loin dans la critique : Walther
Scott, Fenimore Cooper, Charles Dickens, Balzac, Dumas, furent aussi
des feuilletonistes, Eugène Sue, Ponson du Terrail, Saxe Rohmer (Fu
Manchu) ou Gaston Leroux (Chéri Bibi) sont régulièrement réédités.
Donc, sans posséder la moindre lettre de noblesse, le roman populaire,
13Cité par THOVERON, Gabriel. Deux siècles de paralittératures. Liège : Éditions du CE-
FAL, 1996, p. 176.
16 La littérature d’imagination scientifique
14 Ibid., p. 112. 1 F de 1830 ± = 2,40 € (2010). 1 F de 1850 ± = 2,75 € (2010). En 1850 le
salaire moyen est de 3,60 F pour 12 heures de travail, pour un homme, d’1,50 F pour une
femme et de 0,50 F pour un enfant. 1 kg de pain coûte 0,37 F, 500 g de beurre 1,77 F.
15 Ibid., p. 112.
Les conditions d’émergence 17
16 Thoveyron, op. cit., p. 160.
17 Papier de pâte à bois de mauvaise qualité, grisâtre.
18 La littérature d’imagination scientifique
18 Ce fait divers sanglant, sept personnes d’une même famille assassinées par le dénommé
Troppmann qui a peut-être agi (mais le saura-t-on jamais) sur ordre des services du
contre-espionnage allemand ?…
19 ZOLA Émile. Au Bonheur des dames. Paris : Eugène Fasquelle, 1906, p. 84 (Bibliothèque
Charpentier, t. 1).
Les conditions d’émergence 19
np.
20 La littérature d’imagination scientifique
C’est à toi que je veux dédier ce livre, jeune homme de mon pays, à toi
que je connais si bien (…) et que tu vas cherchant dans nos volumes, à
nous tes aînés, des réponses aux questions qui te tourmentent. Et des ré-
ponses ainsi rencontrées dans ces volumes dépend un peu de ta vie mo-
rale, un peu de ton âme ; – et ta vie morale, c’est la vie morale de la
France même ; ton âme, c’est son âme.23
Si bien que l’on pourrait faire d’une part de cette littérature populaire,
une œuvre patriotique, une lecture de célébration tout autant du progrès,
que des valeurs morales et sociales.
La révolution de 1848 a sonné le glas des bonnes relations entre la
bourgeoisie et le peuple. Jusqu’à cette époque, dans le même immeuble,
on voyait les bourgeois aux premiers étages et des gens du peuple aux
étages supérieurs. Après ces journées de révolte, les bourgeois vont com-
mencer à se méfier d’un peuple contestataire et violent, d’autant plus que
c’est une révolution qui s’est exportée dans toute l’Europe. C’est mauvais
pour les affaires. Il est vrai que la révolte des canuts lyonnais en 1831 a
laissé de mauvais souvenirs, même si elle a été réprimée avec beaucoup
de brutalité. Les travaux d’Haussmann vont contribuer à faire augmenter
les prix des terrains, des immeubles, des loyers. Le vain peuple est pro-
gressivement rejeté dans les quartiers déshérités, au-delà des fortifica-
tions où va se développer « l’argot des fortifs », hors des murs qui entou-
rent Paris, formant la « barrière » encore symbolisée aujourd’hui par le
périphérique.
À partir de 1880, et de la manifestions des mineurs le 1er mai à An-
zin, le monde ouvrier va s’organiser pour aboutir à la création de la CGT
en 1895. Entre 1895 et 1899, 35 % des grévistes appartiennent à la
grande industrie de transformation et de traitement (textile, métallurgie,
mines). La durée moyenne des grèves s’allonge passant de 7 jours en
22 PERNOT, Denis. op. cit., p. 195.
23 BOURGET, Paul. Préface « À un jeune homme » in Le Disciple. Paris : Plon, 1901, n.p.
Les conditions d’émergence 21
24 C’est ce que relatait le « roman rural » de l’École de Brive à ses débuts, cf. Paralittéra-
25 Mal conçu, ce navire ne fera que 12 voyages. Il roulait énormément et supportait très
26 La Pluralité des mondes habités (1862), Les Mondes imaginaires et les mondes réels (1864), Les
Mondes célestes (1865), Études et lectures sur l’astronomie (9 volumes 1866-1880), Contemplations
scientifiques (1870), L’Atmosphère (1871), Histoire du ciel (1872),…
Les conditions d’émergence 27
1 – Lucien
1 LUCIEN. « Histoire véritable » dans Romans grecs et latins. Paris : Gallimard, 1958, p.
1345 (Bibli. Pléiade, Éd. Pierre Grimal, n° 134).
2 Ibid., p. 1346. Ici Lucien reprend le paradoxe d’Épiménide le Crétois.
30 La littérature d’imagination scientifique
C’est ainsi que le nouvel Ulysse arrive sur la Lune, habitée et cultivée, dit-
il. C’est là qu’il rencontre des cavaliers chevauchant des vautours à trois
têtes qui le conduisent au Roi Endymion qui est en guerre contre Phaé-
ton, le Roi du soleil. C’est la première Guerre des Étoiles qui se déroule
avec l’aide de « Cavaliers-Vautours (…) des cavaliers montés sur des Sa-
lades ailées (…) les Lance-Millets et les Bombardiers d’ail. Le Roi avait
aussi reçu un contingent d’aillés de la Grande-Ourse, trente mille Lance-
Puces et cinquante mille Court-Vents. »4 Phaéton, lui, dispose de « Cava-
liers-Fourmis, [de] Moustiques de l’Air, [de] Danseurs de l’Air, [de]
Champignons-Tiges, [de] Chiens-Glands envoyés par les habitants de Si-
rius, [et de] Centaures-nuées [qui] arrivèrent une fois le sort de la bataille
décidé… »5
Le premier livre, qui contient le récit de la bataille entre Endymion et
Phateon, sera grandement pillé au XVIIIe siècle, dans Les Aventures du Ba-
ron de Müchausen, qui est également un récit burlesque.
La description faite des habitants – rien que des mâles qui enfantent
par le mollet – de la Lune est un mélange curieux de végétal et d’humain,
Lucien fait même allusion à une particularité physique qui rappelle le
kangourou : « Ils utilisent leur ventre comme une besace (…) leur ventre
peut s’ouvrir et se refermer (…) l’intérieur est tout velu et hérissé de
poils, si bien que les nouveaux-nés, lorsqu’il gèle, viennent s’y fourrer. »6
On peut sans doute conjecturer que Lucien a entendu quelques récits de
voyage où l’on aurait pu voir des marsupiaux, en Afrique du Sud
(Queensland). Il y en avait peut-être encore à cette époque. Tout aussi
extraordinaire et en extrapolant un peu, Lucien décrit une sorte de téles-
cope à miroir, situé en haut d’un puits, qui permet de voir et d’entendre
ce qui se passe sur Terre depuis le soleil, le puits faisant office de micro
directionnel.
3 Ibid., p. 1346-1347.
4 Ibid., p. 1350.
5 Ibid., p. 1351-1352.
6 Ibid., p. 1356.
Les précurseurs 31
7 Souvenir de l’école pythagoricienne où les planètes ne sont pas associées aux dieux :
Mercure était Stilbon « celui qui brille » ; Mars était Pyroïs, « le brûlant » ; Jupiter était
Phaéton, « le scintillant » ; Vénus était Hesperos (Vesper en latin), « celle du soir », ou
Eosphoros, « celle qui amène l’aube », ou encore Phosphoros, « celle qui porte la lu-
mière », (à rapprocher du latin Lucifer, le porteur de lumière). Voir Hésiode et sa Théogo-
nie.
32 La littérature d’imagination scientifique
3 – Francis Godwin
Michel, 1938.
15 GODWIN, Francis. L’homme dans la Lune ou le voyage chimérique fait au monde de la Lune,
nouvellement découvert par Dominique Gonzales, aventurier espagnol, autrement dit le courrier volant.
Paris : François Piot et I. Guignard, 1648, 196 p.
16 Ibid., p. np.
17 Ibid., p. np.
Les précurseurs 35
Vous verrez par leur moyen les hommes fendre les airs, et voler sans
ailes. Il ne tiendra qu’à vous, sans bouger, et sans l’aide de personne,
d’envoyer en diligence des courriers où vous voudrez, et d’en avoir la ré-
ponse tout à l’heure.18
Mes Gansas, comme autant de chevaux qui auraient pris le frein au dent,
s’élevèrent tout à coup, et fendirent l’air d’une vitesse incroyable. (…)
quand j’aperçus que par l’espace d’une heure, il montèrent toujours droit,
et aussi vite qu’une flèche. (…)22
…je me trouvais toujours tout droit entre la Terre et la Lune. (…) car
j’admets le sentiment de Copernicus, qui tient, qu’elle [la Terre] ne cesse
de tourner en rond de l’Est à l’Ouest, (laissant aux planètes ce mouve-
ment que les Astrologues appellent naturel) et non pas sur les Poles de
l’Equinoxial, communément nommés les Poles du Monde, mais sur ceux
du Zodiaque…23
On passera sur le fait que Gonzales dit se trouver dans une zone
tempérée grâce à la chaleur des rayons du soleil, qu’il n’a pas de difficulté
à respirer. Ses cygnes l’emportent à pas « …moins de cinquante lieues
par heure. Je remarquais en ce passage (…) que tant plus que je
m’avançais, tant moins je trouvais grand le globe entier de la Terre ;
comme au contraire celui de la Lune s’accroissait à tout moment… »24
Mieux, la Terre lui semble s’obscurcir et des taches y apparaissent,
variables à cause de la rotation terrestre, comme celle formée par l’Afri-
que, en forme de poire, dit-il. Puis, une masse brillante, c’est l’Atlantique
et deux taches qui forment les Amériques. Après ce qu’il appelle
l’« Océan Occidental, un mélange confus de taches », va figurer les « In-
des Occidentales ». Si bien que la rotation terrestre « est ici le seul moyen
que j’avais de compter les jours, et de mesurer le temps. »25 Après un
voyage de onze ou douze jours, il arrive à proximité de la Lune et, dès
lors, débute un récit dystopique.
Les aventures de Gonzales vont servir de base au récit de Cyrano de
Bergerac pour construire sa propre dystopie qui fera dire à Boileau dans
son Art poétique :
22 Ibid., p. 65, 68.
23 Ibid., p. 78, 79.
24 Ibid., p. 81, 82.
25 Ibid., p. 85.
Les précurseurs 37
26 CYRANO de BERGERAC, Savinien [Hercule Savinien de Cyrano]. Voyage dans la
Lune. Paris : Flammarion, 1970, p. 32 (GF, Préface de Maurice Laugaa, n° 232). On re-
trouvera une situation assez semblable (réminiscence ?) chez Maupassant dans sa nou-
velle « l’Homme de Mars ».
27 Ibid., p. 32, 33.
Les précurseurs 39
« parce que je n’avais pas bien pris mes mesures, je culbutais rudement
dans la vallée. »28
Pour soulager ses blessures il s’enduit le corps de moelle de bœuf (si
elle est connue pour ses bienfaits sur le cuir chevelu, elle est aussi, sous
forme de pommade, un reconstituant de la peau. C’est sans doute à cela
auquel Cyrano fait allusion) et voit que des soldats partis couper du bois
pour le feu de Saint-Jean, avaient ramené sa machine volante. Les soldats
décident de lui adjoindre des fusées pour en faire un élément de spec-
tacle.
Son projet semble réalisé malgré lui, Cyrano va sur la place du Fort
et croit que les soldats vont se servir de sa machine comme combustible
pour leur feu de Saint-Jean « et me jetais tout furieux dans ma machine
pour briser l’artifice dont elle était environnée ; mais j’arrivais trop tard,
car à peine y eus-je mis les deux pieds que me voilà enlevé dans la
nue. »30 C’est donc malgré lui, contrairement à ce qui est souvent affirmé,
que Cyrano se trouve embarqué dans une sorte de fusée à étage faite à
partir de sa machine volante (et non de fusées attachées autour de lui, en
confondant ce système avec l’essai précédent, comme on le lit fréquem-
ment) qui va le propulser au-delà du point de Lagrange vers la Lune.
Vous saurez donc que la flamme ayant dévoré un rang de fusées (car on
les avait déposées six à six, par le moyen d’une amorce qui bordait
chaque demi-douzaine) un autre étage s’embrasait, puis un autre, en sorte
que le salpêtre embrasé éloignait le péril en le croissant. La matière toute
fois étant usée fit que l’artifice manqua ; et lorsque je ne songeais plus
qu’à laisser ma tête sur celle de quelque montagne, je sentis (sans que je
remuasse aucunement) mon élévation continuer, et ma machine prenant
congé de moi, je la vis retomber vers la terre.31
L’architecte construit chaque palais, ainsi que vous voyez, d’un bois fort
léger, y pratique dessous quatre roues ; dans l’épaisseur de l’un des murs,
il place des soufflets gros et nombreux et dont les tuyaux passent d’une
ligne horizontale à travers le dernier étage de l’un à l’autre pignon. De
cette sorte, quand on veut traîner les villes autre part (car on les change
d’air à toutes les saisons), chacun déplie sur l’un des côtés de son logis
quantité de larges voiles au devant des soufflets ; puis ayant bandé un
ressort pour le faire jouer, les maisons en moins de huit jours, avec les
bouffées continues que vomissent ces monstres à vent et qui s’engouf-
frent dans la toile, sont emportées, si l’on veut, à plus de quatre cents
lieues.33
L’autre type de maison est tout aussi surprenant et n’a pas fourni un
modèle actuel généralisé, mais n’en existe pas moins sous une forme ou
sous une autre de façon expérimentale, car c’est un modèle particulière-
32 Ibid., p. 95.
33 Ibid., p. 95, 96.
Les précurseurs 41
Voici l’architecture des secondes que nous appelons sédentaires : les lo-
gis sont presque semblables à vos tours, hormis qu’ils sont de bois, qu’ils
sont percés au centre d’une grosse et forte vis, qui règne de la cave jus-
qu’au toit, pour les pouvoir hausser ou baisser à discrétion. Or la terre
est creusée aussi profond que l’édifice est élevé, et le tout est construit de
cette sorte, afin qu’aussitôt que les gelées commencent à morfondre le
ciel, ils descendent leurs maisons en les tournant au fond de cette fosse
et que, par le moyen de certaines grandes peaux dont ils couvrent et cette
tour et son creusé circuit, ils se tiennent à l’abri des intempéries de l’air.
Mais aussitôt que les douces haleines du printemps viennent à le radou-
cir, ils remontent au jour par le moyen de cette grosse vis dont j’ai par-
lé.34
34 Ibid., p. 96.
42 La littérature d’imagination scientifique
Et peu après, il leur mettra entre les mains « des parolles gelées, et sem-
bloient dragées, perlées de divereses couleurs. »37 Fixer la parole pour
pouvoir effectuer, comme avec les statues, les bustes et les portraits, un
35 RABELAIS, François. Le Quart livre in Œuvres complètes. Paris : Gallimard, 1955, p. 690
(Bibliothèque de la Pléiade, n° 15).
36 Ibid., p. 692.
37 Ibid., p. 692.
Les précurseurs 43
voyage dans le temps, semble donc avoir tenté les auteurs38. Dans
L’Autre Monde, Cyrano fait progresser ce motif en nous livrant une ma-
chine de son invention.
Élargi de la cage aux singes où il était détenu – aventure que l’on re-
trouvera ultérieurement –, Cyrano fréquente maintenant la bourgeoisie
intellectuelle sélène. Après une discussion, il a enfin le loisir d’examiner
les « livres » qui sont à sa disposition. Les « livres » se présentent sous
forme de boîtes précieuses :
38 Dans les notes figurant dans le Quart Livre, de Jacques Boulanger et de Lucien Scheler,
signalent d’autres auteurs qui se sont inspirés de Plutarque pour conserver les paroles
dans la glace. On peut penser que la naissance de ce mythe est à imputer à des récits de
voyageurs qui ont pris des craquements de la glace des régions sub-polaires pour des cris
ou des vociférations.
39 CYRANO, op. cit., p. 104, 105.
44 La littérature d’imagination scientifique
une plage du disque. Mais ces machines sélènes sont certainement plus
complexes.
En extrapolant plus encore, cette aiguille deviendrait la flèche de sé-
lection sur un écran d’ordinateur, que l’on va poser sur un fichier numé-
rique pour l’ouvrir, en cliquant sur son icône. Ou mieux encore, ces
« livres » préfigureraient un lecteur MP3 ou un Smartphone car : « Ce
présent m’occupa plus d’une heure, et enfin, me les étant attachés en
forme de pendants d’oreille, je sortis en ville pour me promener. »40
On peut penser que Cyrano a ici été inspiré par les premières
montres portables (oignons) qui ont vu le jour au début du XVIe siècle et
la fuite des meilleurs orfèvres-horlogers français en direction de Genève
à la suite de l’intensification des guerres de religion. Comme l’on fabri-
quait déjà des boîtes à musique miniature, les serinettes, le pas était pos-
sible entre la reproduction musicale avec un cylindre à picots et la repro-
duction de la voix. Ce pas a été franchi par Cyrano.
Le dernier élément, pré-sciencefictif donné par Cyrano est représenté
par un nouveau mode d’éclairage. Nous savons que les Lunaires s’éclai-
rent grâce à des globes où ils enferment des vers luisants, mais : « ces pe-
tits feux insectes perdent beaucoup de leur éclat quand ils ne sont pas
amassés, ceux-ci, vieux de dix jours, ne flambaient presque point. »41 Ef-
fectivement la durée de vie du ver luisant est assez courte et la luciférine
dont ils sont porteurs va en s’affaiblissant assez rapidement. Aussi, le
Démon de Socrate propose-t-il un autre mode d’éclairage.
40 Ibid., p. 105.
41 Ibid., p. 102.
42 Ibid., p. 102, 103.
Les précurseurs 45
5 – Jonathan Swift
quel le monarque a la haute main, la pierre est munie à l’un de ses côtés
d’un pouvoir attractif, et de l’autre d’un pouvoir répulsif. Ainsi, quand
il lui plaît que l’aimant soit tourné vers la terre par son pôle ami, l’île
descend. Si le pôle ennemi est tourné vers la terre, aussitôt l’île, en haut,
remonte.44
6 – Robert Paltock
Le jeune Pierre Wilkins qui a été dépouillé de son bien par son beau-
père, s’embarque sur un navire pour courir l’aventure, comme Domingo
Gonzales, le héros de Godwin. Son souhait se réalisera au-delà de ses es-
pérances, puisqu’après bien des péripéties, il échoue, seul, sur une île de
l’hémisphère Sud où débute une robinsonnade interrompue par la visite
inopinée d’une jeune femme, Youwarky, qui tombe du ciel. En quelques
mois, Pierre apprend la langue des Glumms et Youwarky apprend
l’anglais. C’est ainsi qu’elle peut lui raconter son arrivée surprenante :
Nous étions une bande de jeunes Gawris [fille volante], qui avions fait la
partie de venir autour de cet Arkoé [étendue d’eau entourée d’un bois]
nous divertir dans un fwangean [partie de vol], comme il est d’ufage en
certains tems de l’année. (…) une de mes camarades se mit à me pour-
suivre. (…) comme je prenais mon effort pour remonter, elle me choqua
rudement, & froiffa fi fort la partie fupérieure de mon Graundy [couver-
ture & aile de peau avec lesquelles volent les Glumms], que je perdis
l’équilibre. (…) je tombai avec violence… 45
45 PALTOCK, Robert. Les Hommes volans ou les aventures de Pierre Wilinks, T1 in PUIS-
SIEUX, Philippe Florent (de). Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, T. 22.
Amsterdam : s.e., 1788, p. 169-170. (la traduction du Glumm est celle que l’auteur donne
en note)
46 Ibid., p. 178.
48 La littérature d’imagination scientifique
van der Paele » (1436) et jusque sur l’autoportrait au pastel de Jean Si-
méon Chardin en 1771. C’est donc une invention relativement récente.
De l’union de Pierre et de Youwarky nait un Yawm [enfant mâle]
pourvu d’un Graundy, qu’ils appellent Pedro. Trois ans plus tard, le
couple a déjà trois enfants. Peu après, Paltock donne enfin une descrip-
tion exhaustive du Graundy :
47 Ibid., p. 204-207.
50 La littérature d’imagination scientifique
48 VOLTAIRE. Micromégas. Paris : Le Livre de Poche, 2000, p. 30 (Libretti, n° 14 904).
Soit une circonférence de : 64 120 000 000 km contre 40 075 km pour la Terre.
49 Ibid., p. n.p.
50 Ibid., p. 31. La longévité est à l’avenant de la taille ; quant au bannissement, il faut sans
doute y avoir une allusion aux poursuites dont Voltaire fut l’objet après la publication de
ses Lettres philosophiques en 1734. Il s’était réfugié à Cirey (devenu Cirey/Blaise, près de
Bar/Aube) chez Mme du Châtelet.
51 Cette idée d’utilisation d’une comète pour se déplacer dans l’univers sera reprise par
Astrotheologie, or a démonstration of the being and attibutes of God from survey of the heavens (1715),
avoir vu dans la lunette astronomique l’empyrée, c’est-à-dire le lieu le plus élevé du ciel
Les précurseurs 51
On constate que Voltaire s’inspire des travaux de Kepler qui croyait que
le mouvement des planètes était du au magnétisme. En dépit de quelques
erreurs de calculs, on voit que Voltaire sait inclure les sciences dans un
récit satirique et burlesque, puisque là est l’essentiel de son propos.
Micromégas, accompagné d’un saturnien (« un nain de mille toises »,
soit 1 949,036 m, en prenant pour référence la Toise du Chatelet), sau-
tant de lune en lune (on a voulu voir là une anticipation de l’effet de pro-
pulsion donné par la rotation d’une planète à un objet que l’on envoie
dans l’espace comme les Voyagers), arrivent sur Jupiter où ils restent un
an.
que la Terre… » Périmètre de Saturne : 378 675 km. Voltaire a oublié les virgules dans
ses calculs, Saturne est seulement 9,4492 fois plus grosse que la Terre.
54 400 000 millions de km en réalité 550 300 000 km, l’erreur est grossière, mais au XVIIe
autour de Mars en vertu du principe que le nombre de satellites devait doubler en fonc-
tion de l’éloignement du soleil de la planète : Vénus = 0, Terre = 1, Mars = 2, Jupiter =
4, … Déimos et Phobos, seront découvert en 1877 par l’astronome américain Asaph Hal
et les noms de ces deux satellites furent suggérés par Henry Madan (1838-1901), profes-
seur au collège d’Eton, puisque les deux fils de Mars portaient ces noms.
52 La littérature d’imagination scientifique
Il y avait dans chaque rue un garde qui veillait à l’ordre public ; qui diri-
geait la marche des voitures (…) Je remarquais que tous [les voitures] les
allants prenaient la droite, et que tous les venants prenaient la gauche.
(…) On évitait par là les rencontres fâcheuses.62
60 MERCIER, Louis Sébastien. L’An 2440. Paris : France ADEL, 1977, p. 46 (Biblio-
anticipateur.
62 Ibid., p. 52, 53. Pour avoir une idée du désordre des rues de Paris, on se reportera au
Le télescope est le canon moral qui a battu en ruine toutes les supersti-
tions, tous les fantômes qui tourmentaient la race humaine (…) on ap-
porte un microscope ; on lui découvre alors un nouvel univers, plus mer-
veilleux encore que le premier. (…) La loi divine qui parle d’un bout du
monde à l’autre est bien préférable à ces religions factices, inventées par
des prêtres.67
Levant les yeux en l’air, j’aperçus une machine immense, qui avançait à
pleines voiles et qui, planant à une prodigieuse hauteur au-dessus de la
ville, semblait vouloir y descendre. Chacun accourut ; on braqua les lu-
nettes. L’un criait : c’est le vaisseau qui vient d’Afrique ; non disait l’autre, il
arrive de Philadelphie. Pendant ces discours l’étrange vaisseau descendait
lentement de quatre mille six cents pieds de hauteur. Il aborda sur une
place publique (…) Il arrivait de Pékin. La traversée avait été de sept
jours et demi.70
69 Si Mercier insiste peu sur cet aspect dans la première version et le chap. 38, « Des
sors inutiles aux habitants de ce terrible élément (…) si nous avons trou-
vé le secret de conserver tous les grains, et d’en faire des provisions dans
les années abondantes pour suppléer aux années de stérilité…71
Ils firent des roues qui s’engrainaient ; ils compliquèrent les mouve-
ments, & parvinrent à faire un rouage en bois, qui mettait en jeu deux
ailes de toile. Cette lourde machine pouvait faire élever de terre un
homme, mais il fallait un mouvement très-fatiguant pour faire aller le
rouage. (…) Jean vola tant que ses forces le lui permirent ; mais elles fu-
rent épuisées en moins d’un quart d’heure. (…) Enfin, ils perfectionnè-
71 Ibid., p. 315, 316.
56 La littérature d’imagination scientifique
rent leurs ailes ; & après quelques additions, & après avoir substitué du
taffetas à la toile, ils parvinrent à se donner un mouvement horizontal-
progressif, & même rétrograde ; à s’élever perpendiculairement, & à
s’abaisser à volonté.72
On voit ici une machine relativement simple, sur laquelle Restif donne
peu de détails : une armature, des ailes semblables à celles d’une chauve-
souris, un système d’engrenage et l’aventure se termine mal puisque
l’inventeur, Jean Vézinier, tombe dans un étang et se tue. Son ami et
complice, Victorin, va donc perfectionner cette machine, moins pour le
plaisir de voler que d’en faire un instrument de séduction auprès des de-
moiselles de son village.
Cette idée d’hommes volants est peut-être un héritage de Vinci, mais
plus sûrement du roman de Robert Paltock, Les Hommes volants ou les aven-
tures de Pierre Wilkins (1750), qui avait été traduit et publié en France par
Philippe Florent de Puisieux en 1763. Il faut bien reconnaître que les
ailes volantes de Restif ressemblent beaucoup à celles de Paltock. La ma-
chine de Victorin est décrite avec un luxe de détails.
Victorin s’ajusta ses ailes. Une large & forte courroie (…) lui ceignait les
reins ; deux autres plus petites, attachées à des brodequins, lui garnis-
saient latéralement chaque jambe & cuisse, puis venaient passer dans une
boucle-de-cuir, fixée à la ceinture des reins : deux bandes fort larges se
continuaient le long des côtes, & joignaient un chaperon qui garnissait
les épaules par quatre bandes, entre lesquelles passaient les bras. Deux
fortes baleines mobiles, dont la base était appuyée sur les brodequins,
pour que les pieds pussent les mettre en jeu, se continuaient sur les côtés,
assujettis par de petits anneaux de buis huilé, & montaient au dessus de
la tête, afin que le taffetas des ailes se prolongeât jusque-là. Les ailes atta-
chées aux deux bandes latérales extérieures, étaient placées de-façon
qu’elle portaient l’Homme dans toute sa longueur, y compris la tête & la
moitié des jambes. Une sorte de parasol très pointu, & qui dans son ex-
tension était retenu par six cordons de soie, servait à faire avancer, à ai-
der à lever la tête, ou à prendre une situation tout à fait perpendiculaire.
Comme l’Homme-volant devait pouvoir faire usage de ses deux mains, le
ressort qui donnait le mouvement aux ailes était mis en jeu par deux
courroies qui passaient sous la plante de chaque pied de-sorte que pour
voler il fallait faire le mouvement ordinaire de la marche (…) Les deux
72 RESTIF de la BRETONNE, Nicolas Edme. La Découverte australe par un homme volant ou
le Dédale français. Paris : France ADEL, 1977, p. 36-37 (Bibliothèque des utopies). Le texte
est conforme à l’édition, elle-même respectant les « fantaisies » orthographiques ou typo-
graphiques de Restif.
Les précurseurs 57
pieds donnaient chacun un mouvement complet aux deux ailes ; ils les
dilataient & les faisaient battre simultanément, mais par l’effet d’un petit
rouage, le pied droit opérait l’allongement du parasol fermé, & le pied
gauche le ramenait en le rouvrant. Ce mécanisme était exécuté par les
deux baleines collatérales, mues par une roue à deux crans qui passaient
sous les pieds, & qui, en tournant du même côté tirait la baleine gauche,
& en continuant, accrochait un bouton de la baleine droite pour le pous-
ser. Ces même ressorts pouvaient aussi être mus avec la main.73
73 Ibid., p. 40, 41.
74 Ibid., p. 41, 42.
58 La littérature d’imagination scientifique
75 Ibid., p. 43.
76 Ibid., p. 71. « *Belle et grande vérité ! que jamais une Société trop nombreuse; un État
trop vaste ne peuvent être heureux. »
77 Ibid., p. 83. Cette tentation des « terres australes » est reprise des Pythagoriciens qui
croyaient qu’il existait dans l’hémisphère Sud une terre immense, l’Antichtone, pour con-
trebalancer le poids des terres de l’hémisphère Nord. On en retrouve la trace dans Les
Avantures de Jacques Sadeur dans la découverte et le voyage des Terres australes (1676) de Gabriel de
Foigny ou chez Denis de Vairasse avec son Histoire des Sevarambes, peuples qui habitent une
partie du troisième Continent apellé la Terre australe (1677), chez le Roi de Pologne Stanislas
Leszczynski dans l’Entretien d’un Européen avec un Insulaire du Royaume de Dumocala (1752) ou
encore chez le Président Charles de Brosses dans son Histoire des navigations aux Terres
Australes (1756). C’est chez lui que l’on trouve l’idée de coloniser le continent austral avec
tous les indésirables, ce que feront les Anglais en Australie. En 1749, Buffon évalue ces
Les précurseurs 59
Ici, Restif reprend à son compte cette maxime héritée de l’alchimie mé-
diévale : « La nature a horreur du vide ».
Si Restif n’offre rien de très révolutionnaire sur le plan scientifique,
en revanche, son projet de Constitution (18 articles) est typiquement
utopique : égalité entre les individus, droit à l’éducation, rémunération en
fonction des besoins de l’individu, bannissement des oisifs, six heures de
travail par jour, comme chez More unicité du vêtement, justice réduite,
on pratique le bannissement, la relégation et la peine de mort pour les
crimes contre l’État, le bon citoyen et les vieillards seront honorés. Ces
propositions entrent dans le cadre du plan utopique défini par Platon,
mais certaines seront encore d’actualité chez les utopistes pré-socialistes
au siècle suivant comme chez Owen, Saint-Simon, Bazard, Enfantin,
Fourier ou Gaudin. En revanche, le côté spéculatif sera moins exploité.
Le projet de Restif, cet « agité de l’écritoire » comme le surnommait
Voltaire, est bien utopique, mais il l’agrémente d’inventions qu’il détaille
avec beaucoup plus de soins que ses prédécesseurs. La tentation de voler
s’accentue maintenant que l’aérostation a fait son apparition. Ce n’est
plus une vue de l’esprit, comme à l’époque de Cyrano.
79 Ibid., p. 215-217.
80 Ibid., p. 220-223.
Les précurseurs 61
Dans l’avenir à travers les événements qui nous assaillent, quel sera le
rôle de la littérature ? Il sera immense, selon nous ! Elle aura à formuler
81 HUGO, Victor. La Légende des Siècles. Paris : Hachette, 1862, p. 355, 356.
82 DU CAMP, Maxime. « Préface » in Les Chants modernes. Paris : Librairie nouvelle, 1860,
p. 13.
83 Ibid., p. 25.
62 La littérature d’imagination scientifique
84 Ibid., p. 29, 30.
85 RICHEPIN, Jean. « La Mer » in La Gloire de l’eau. Paris : Fasquelle, 1886, p. 327.
86 GHIL, René. « Introduction » in De la Poésie scientifique. Paris : Gastein-Serge, 1909,
trielle anglaise, vue par les intellectuels du XIXe siècle, a des aspects sé-
duisants. Ses aspects révolutionnaires, vont, en arrivant sur le continent,
donner des idées aux auteurs en les engageant à imaginer une littérature
de vulgarisation des sciences de leur temps.
3
1 – Émile Souvestre
1 SOUVESTRE, Émile. Le Monde tel qu’il sera. Paris : Coquebert, 1846, p. 6.
2 Ibid., p. 11.
L’émergence 67
Nous avons affaire ici à un monde aux techniques achevées, mais surtout
à un monde de l’illusion, de l’apparence, où ce que l’on offre n’est pas le
réel, mais un erzatz qui permet de faire fortune.
À l’époque où Souvestre écrit, on construisait pour durer, tout pou-
vait se réparer, tout était accessible car rien n’était sous blister, or on se
croirait à notre époque, matériaux en moins. Aujourd’hui on parlerait co-
lonne de marbre en poudre de pierre moulée sur béton, de tapisserie en
fibre non tissée, de parquet en PVC, de fibre creuse imitant le velours,…
et tout serait conçu pour ne pas durer plus de deux ans. Quant à l’idée de
réaliser une substantielle plus-value, elle est également très actuelle.
Même la nourriture est artificielle : « Recette pour le miel. – Prenez
de la mélasse, de la farine de seigle, aromatisez avec de la fleur d’orange,
composée de sel de zinc, de cuivre et de plomb ; vous aurez du miel du
mont Hymète. »7
Nous retrouverons ce souci de la nutrition dans les années à venir,
chez Villiers, Le Faure et de Graffigny, Verne, Robida (voir la charge de
Filox Lorris contre la « mal-bouffe »), mais sous une autre forme et de
façon beaucoup moins critique que celle-ci, qui nous rappelle ce que l’on
trouve sur les étiquettes actuelles, rédigées en « politiquement consom-
mable ».
Autre trace d’une approche scientifique prospective, jusqu’ici, Sou-
vestre n’a évoqué que la puissance de la vapeur qui faisait fonctionner la
6 Ibid., p. 34, 35.
7 Ibid., p. 45.
L’émergence 69
Cette idée que leur navire est à l’abri sous l’eau sera réexploitée par
Le Faure et de Graffigny lors de l’exploration de Vénus par leurs héros.
Souvestre a peut-être pris cette idée de sous-marin chez Mercier ?…
C’est peut-être, également, l’électricité qui assure l’automation dans la
maison de M. Atout :
Atout leur montra d’abord une boîte dans laquelle arrivaient les lettres
qui lui étaient adressées, et leur expliqua comment d’immenses conduits
établissaient au moyen du vide, cette distribution à domicile. Il leur ou-
vrit ensuite des robinets chargés de conduire partout, l’eau, la lumière, le
feu et l’air rafraîchi. Il leur indiqua les tuyaux destinés à l’arrivée des
journaux, les fils électriques établissant une correspondance télégra-
8 Ibid., p. 40.
9 Ibid., p. 55.
10 Ibid., p. 53.
70 La littérature d’imagination scientifique
phique aussi rapide que la pensée avec les fournisseurs du dehors ; les
appareils panoptiques au moyen desquels la vue pouvait surmonter les
obstacles et franchir toutes les distances.11
Nous avons là, en germe, des éléments que nous allons être amenés à re-
trouver par la suite, essentiellement chez Verne et Robida, mais, en solli-
citant un peu le texte – au demeurant assez vague – on pourrait voir par-
fois ici une préfiguration d’Internet surtout avec la « correspondance té-
légraphique aussi rapide que la pensée », ainsi qu’avec ces « appareils pa-
noptiques » qui peuvent peut-être être assimilés aux nombreuses web-
cams du Net.
Quant à la presse, on apprendra plus tard, qu’elle se limite à un seul
journal : « LE GRAND PAN ne paraissait ni à certains jours, ni à cer-
taines heures : imprimé sur un papier sans fin, il paraissait toujours. »12 De-
puis l’imprimerie, cette feuille va seule vers les domiciles où elle doit être
lue en temps réel. De la même façon, sa confection semble grandement
automatisée : « Chaque article achevé était jeté dans un tube qui le con-
duisait jusqu’à la machine, où il était imprimé sans l’intermédiaire des
compositeurs… »13 Ici, on peut penser à la composition électronique de
la presse contemporaine où les articles passent directement de l’ordina-
teur du journaliste au logiciel de mise en page (PAO), puis à l’impression.
Quant au Grand Pan, il fait penser au flux RSS comme au système
d’information en continu des chaînes de radio, de télévision, et sur In-
ternet à la technique du push.
À la table de M. Atout, tout est également automatique : une grande
cuiller remplit les assiettes, un couteau découpe seul le gigot et la volaille,
Vous le voyez (…) dans une maison bien machinée, comme celle-ci, per-
sonne n’a besoin de personne (…) Le progrès doit avoir pour but de
tout simplifier, de faire que chacun vive pour soi et avec soi ; c’est à quoi
nous sommes arrivés.14
11 Ibid., p. 54.
12 Ibid., p. 217.
13 Ibid., p. 225.
14 Ibid., p. 55.
L’émergence 71
Nous avons là une partie de ce que l’on va trouver dans les dessins et
les textes de Robida, y compris dans ce souci écologique de récupération
des effluences de la civilisation moderne. C’est une des dernières traces
du monde industriel que l’on trouve chez Souvestre. Le reste est beau-
coup plus consacré à l’aire sociale, mais dans une perspective conjectu-
rale qui, souvent, ne manque pas d’intérêt.
On en trouve justement une première trace lors de la promenade sur
la « Grande avenue des cheminées » qui ressemble beaucoup aux prome-
nades « au bois », à cheval ou en calèche, telles qu’elles se faisaient à
l’époque : le lieu où il fallait être vu quand on appartenait à la « bonne
société ». Ici, l’unification de la Terre et le brassage des population a fait
que :
Tous les sangs s’étaient mêlés. Mais, comme dans une terre abandonnée
à elle-même, où les plantes les moins précieuses ne tardent pas à tout en-
vahir, les races les plus déshéritées avaient fini par prévaloir dans les gé-
nérations successives, et la fraternité générale avait amené la laideur uni-
verselle.16
15 Ibid., p. 72.
16 Ibid., p. 75.
72 La littérature d’imagination scientifique
On trouve, dans cette remarque, une pointe xénophobe qui n’a rien
d’étonnant pour l’époque. On en retrouvera la marque, par la suite, chez
plusieurs auteurs, dans les références faites à Galton.
En revanche, on sait que Souvestre a été un pédagogue qui a mis en
œuvre des approches pédagogiques nouvelles à son époque et il n’est pas
étonnant qu’il se préoccupe d’éducation dans ce roman en dénonçant
l’absurde qu’elle peut avoir. Pour élever les enfants à Sans-Pair : comme
nous sommes dans un monde collectiviste, imprégné des bienfaits du
saint-simonnisme, les enfants sont pris en charge par la collectivité
jusqu’à l’âge où ils deviennent producteurs à leur tour.
Mon Dieu, je compte sur votre infinie bonté pour obtenir l’époux selon
mon cœur : qu’il soit assez riche pour me donner un équipage, un hôtel,
des loges au grand théâtre de Sans-Pair, et puisse-t-il, ô mon Dieu ! mon-
trer autant de courage à agrandir sa fortune que j’aurais de plaisir à la dé-
penser !20
19 Ibid., p. 88-90.
20 Ibid., p. 94.
74 La littérature d’imagination scientifique
On aura bien sûr reconnu là une critique du fouriérisme et déjà une pré-
figuration du Brave New World d’Huxley avec la fabrication de travailleurs
« sur mesure » ou encore de Soleil vert de Harry Harrison où l’individu se-
ra transformé, post mortem, en nourriture pour le rentabiliser jusqu’à sa fin
dernière.
De la même façon le sort des individus semble être voué à une cer-
taine forme d’élimination eugénique dès qu’ils présentent une faiblesse,
dès qu’ils ne sont plus « rentables ». Maurice et Marthe rencontrent le Dr
Minimum qui représente la nouvelle vague des médecins qui a mis en
place un nouveau système :
… qui consiste à vous donner une maladie que vous n’avez point encore,
à l’élever en serre chaude pour en hâter le développement. De cette ma-
nière, le patient mourait, en général, dès le second ou le troisième jour, ce
qui était pour lui une évidente économie de temps. (…) On peut donc
dire, en principe, qu’un hôpital bien administré est celui où les malades
sont assez mal pour que la caisse s’en trouve bien.26
24 Ibid., p. 150.
25 Ibid., p. 150-158.
26 Ibid., p. 161-165.
76 La littérature d’imagination scientifique
27 Ibid., p. 165.
L’émergence 77
Art. 4 . Toutes les places seront occupées par le sexe le plus intéres-
sant et le plus faible (…)
Art. 5 . Tous les hommes se marieront et toutes les femmes reste-
ront filles, c’est-à-dire que les premiers seront enchaînés et n’auront que
des devoirs, tandis que les secondes seront libres et n’auront que des
droits.
Art. 6 . Les femmes auront seules les clefs des caisses publiques et
privées ; on laisse aux hommes le soin de les remplir !28
(…) qui ne laissent tomber que de petites pièces et retiennent toutes les
grosses… »30 C’est bien pour cela que Banqman est candidat à la députa-
tion, non pour ce que la fonction lui apporte comme pouvoir, mais
comme marqueur social. Chez Robida, on trouvera également un Prési-
dent mécanique.
Au bout de leur troisième jour en l’an 3000 Maurice et Marthe
s’endorment et voient que Dieu est navré de ce que sa création est deve-
nue : il déclenche l’apocalypse.
Souvestre est un saint-simonien modéré car il montre ici certains
bienfaits (apparents) de ce système, mais surtout ses dérives possibles si
on pousse le système à son extrémité. Ce qui devrait assurer le bonheur
de l’homme, le progrès, la mécanisation, peut devenir un enfer et c’est
bien pour cela que son roman est une dystopie où l’on trouve malgré
tout des éléments conjecturaux intéressants, qui rencontreront un écho
vers la fin du siècle, essentiellement chez Robida. Ce roman peut aussi
apparaître comme une œuvre charnière entre les dystopies classiques et
les approches plus modernes de la prospective. Cette tendance se re-
trouve chez Bulwer Lytton.
dans une immense caverne. Or, les Vril-ya sont aussi des hommes vo-
lants. Peut-on affirmer que Bulwer Lytton a été lecteur de Paltock et de
Tyssot ?… Ce n’est pas exclu.
Ici, on pénètre dans le monde des Vril-ya par un puits de mine, puis
une grotte et enfin par une sorte de porte en bordure du décor.
Au dessus de moi, il n’y avait pas de ciel, mais la voûte d’une grotte.
Cette voûte s’élevait de plus en plus à mesure que le passage d’élargissait,
elle finissait par devenir invisible au dessus d’une atmosphère de nuages
qui la rendait invisible.32
32 BULWER LYTTON, Edward George. La Race future. Paris : E. Dentu, 1888, p. 14.
33 Ibid., p. 16.
80 La littérature d’imagination scientifique
celui des] sphinx sculptés (…) Je sentais que cette image humaine était
douée de forces hostiles à l’homme.34
34 Ibid., p. 17, 18.
35 Ibid., p. 115.
36 Ibid., p. 20.
37 Ibid., p. 128.
38 Ibid., p. 20, 21.
39 Ibid., p. 21.
40 Ibid., p. 49.
L’émergence 81
41 Ibid., p. 61.
42 Ibid., p. 62, 63.
43 Ibid., p. 68.
82 La littérature d’imagination scientifique
Enfin, on trouve exposée une sorte de théorie eugéniste, que l’on re-
trouvera très atténuée chez Flammarion. Ce passage explique aussi le
titre de l’ouvrage :
…nous fûmes chassés d’une région qui semblerait être votre monde su-
périeur, afin de nous perfectionner et d’arriver à l’épuration complète de
notre race par l’âpreté des luttes que nos pères eurent à soutenir; et lors-
que notre éducation sera achevée, nous sommes destinés à retourner
dans le monde supérieur pour y supplanter toutes les races inférieures
qui l’occupent aujourd’hui.49
44 Ibid., p. 117.
45 Ibid., p. 198.
46 « …elles se sont transformées par l’hérédité et se sont adaptées au genre de nourriture
Et ceci bien que les Vril-ya, comme les Utopiens de More, se présen-
tent comme des êtres pacifiques et doux, égalitaristes et dénués
d’ambition, ce qui est plutôt paradoxal, face à leurs intentions affichées.
Si le narrateur a parlé du vril, il n’a pas encore parlé de la baguette de
vril que tous les Vil-ya tiennent en main et qui s’apparente à une baguette
magique.
Elle est creuse ; la poignée est garnie de plusieurs arrêts, clefs ou ressorts,
par lesquels on peut changer la force, la modifier, la diriger. (…) On la
porte souvent sous la forme d’une canne de promeneur, mais elle est
garnie de coulisses qui permettent de l’allonger ou de la raccourcir à vo-
lonté. Quand on s’en sert dans un but spécial, on tient la poignée dans la
paume de la main, l’index et le médius en avant. On m’assura, cependant,
que la puissance de la baguette n’était pas la même dans toutes les mains
(…) ces peuples ont inventé certains tubes par lesquels le fluide vril peut
être conduit vers l’objet qu’il doit détruire, à travers des distances
presque indéfinies (…) cinq cents ou six cents kilomètres.51
Baguette magique, mais aussi, arme absolue car elle n’a pas qu’une
portée qui semblait alors immense, mais une efficacité redoutable puis-
qu’elle peut « …réduire en cendres une ville deux fois grande comme
Londres ou New York, dans un espace trop court pour que j’ose l’indi-
quer. »52 En visitant un musée, le narrateur, peut constater l’évolution
technique des Vril-ya : ils ont connu les voitures et les vaisseaux à va-
peur, les ballons.
La puissance des Vril-ya leur est donnée par leurs mains qui sont
plus puissantes que les nôtres et grâce à un nerf qui va du poignet au
pouce, adaptation darwinienne, leur permettant de guider le vril par la
pensée. C’est d’ailleurs la découverte du vril, mille ans plus tôt, qui a mo-
difié l’homme et l’a rendu aussi sage et posé. Un portrait retient
l’attention du visiteur, c’est celui d’un sage ressemblant plus ou moins à
une grenouille !… Un discours qui semble une charge humoristique
contre le darwinisme.
Si « les peuples heureux n’ont pas d’histoire », comme le rappelle
Paul Valery dans Mauvaises pensées et autres53, c’est le cas des Vril-ya qui
n’éprouvent pas le besoin de la création littéraire. Leur maigre presse
n’est que scientifique et encore n’examine-t-on dans les sciences que
51 Ibid., p. 135-137.
52 Ibid., p. 138.
53 VALERY, Paul. Mauvaises pensées et autres. Paris : Gallimard, 1966, p. 903 (Bibliothèque
leurs côtés pratiques. Les arts ne les attirent pas d’avantage et ne se mani-
festent pas par la nouveauté.
En fait, c’est un peuple proche de la stase, peut-être même entré en
entropie, mais qui lutte contre ce mouvement par des brassages de popu-
lation – parfois agressifs – comme chez More. On pratique l’exogamie en
faisant comme dans la Grèce primitive : une expédition chez un peuple
voisin permet d’enlever quelques femmes pour renouveler le patrimoine
génétique.
Les véhicules dont se servent les Vril-ya se divisent en trois catégo-
ries dont une, les seconds, rappelle Cyrano :
On ne peut pas dire que Bulwer Lytton fait preuve d’une imagination
débordante. Malgré tout, on retrouvera trace de ces machines volantes
chez Le Faure et de Graffigny, lors du passage de leurs héros chez les
Martiens où on les voit se servir d’une barque volante.
Ce manque d’originalité se retrouve dans le système d’ailes, en plume
d’oiseau, qui ressemble à celui que Restif décrit laborieusement, mais de
façon plus convaincante :
Les ailes sont attachées aux épaules par des ressorts d’acier léger mais so-
lide ; quand elles sont étendues, les bras glissent dans des coulisses prati-
quées à cet effet et formant comme une forte membrane centrale. Quand
les bras se lèvent, une doublure tubulaire de la veste ou de la tunique
s’enfle par des moyens mécaniques, se remplit d’air, qu’on peut augmen-
ter ou diminuer par le mouvement des bras, et sert à soutenir le corps
comme sur des vessies, les ailes et appareils, assez semblables à un bal-
lon, sont fortement chargés de vril…55
té, en dépit de l’aide que lui apporte Zee, la fille de ses hôtes, qui est
amoureuse de lui… ce qui a le don de l’effrayer. En revanche, l’un des
frères aînés de Zee lui fait cadeau d’une réplique de la montre qu’il lui a
confiée :
Elle est en or et les aiguilles en diamant et elle joue en sonnant les heures
un air favori des Vril-ya. Elle n’a besoin d’être remontée que tous les dix
mois et elle ne s’est jamais dérangée [déréglée] depuis que je l’ai.56
Objet insignifiant, certes, mais qui est une projection en direction des
montres actuelles car elle marque aussi bien les heures sur que sous
Terre, comme les montres électroniques contemporaines qui peuvent af-
ficher l’heure de plusieurs villes de fuseaux horaires différents et qui sont
radio-pilotées depuis une horloge atomique, pour être toujours à l’heure
exacte.
Le visiteur découvre la maison de campagne de son hôte, une mai-
son végétale, pré-écologique.
56 Ibid., p. 218.
57 Ibid., p. 227, 228.
86 La littérature d’imagination scientifique
58 VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Auguste (de). L’Ève future. Paris : de Brunhoff, 1886,
p. 5.
59 Ibid., p. 7.
L’émergence 87
60 L’idéal en iranien
61 VILLIERS, op. cit., p. 12.
62 Ibid., p. 17.
63 Ibid., p. 18.
88 La littérature d’imagination scientifique
…dans vingt et un jours, miss Alicia Clary vous apparaîtra, non seule-
ment transfigurée, non seulement de la « compagnie » la plus enchante-
resse, non seulement d’une élévation d’esprit des plus augustes, mais re-
vêtue d’une sorte d’immortalité. – Enfin, cette sotte éblouissante sera
non plus une femme, mais un ange ; non plus une maîtresse, mais une
amante ; non plus la Réalité, mais l’idéal.67
ment, vers le point céleste marqué par la sixième étoile de la constellation d’Hercule (soit
Zéta Herculis, d’après notre langage). » Villiers. « L’analyse chimique du dernier soupir » in
Contes cruels. Paris : Clamann-Levy, 1883, p. 205.
65 Villiers, op. cit., p. 46.
66 Il s’agirait plutôt de la Vénus de Milo et non de la « Venus Victrix » de Canova pour
laquelle Pauline Borghèse a posé (1805-1808), qui n’est pas au Louvre, puisque c’est là
que Lord Ewald amène Alicia, mais à la Galerie Borghèse à Rome.
67 Villiers, op. cit., p. 83.
L’émergence 89
68 Ce texte sera également publié en feuilleton dans L’Étoile française en 1881, dans La Vie
moderne en 1885-86, remanié plusieurs fois, il restera à l’état d’ébauche pour un roman que
Villiers appelle Le Sosie (1886), avant d’être édité en 1886 sous le titre L’Ève future chez de
Brunhoff.
69 VIBERT, Bernard. Villiers l’inquiéteur. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 1995,
p. 120.
70 VILLIERS, op. cit., p. 89.
71 Ibid., p. 90.
90 La littérature d’imagination scientifique
n’existe pas encore, mais qu’Edison définit comme un être non vivant72 :
un robot.
N’oublions pas que le terme ne sera forgé par Carel Capek qu’en
1920 pour sa pièce R. U. R. (Rossum’s Universal Robots), mais on peut pen-
ser que Thea von Harbou va se souvenir de L’Ève future lorsqu’elle écrivit
le scénario de Métropolis (1927), puisque son androïde va se transformer
en Maria (comme Hadaly en Alicia), la passionaria de la ville basse,
même si c’est une Maria dévoyée que Rotwang va fabriquer pour Joh le
maître de Métropolis.
Villiers présente alors une invention qui permet de dupliquer, de co-
loriser et de projeter la photographie d’Alicia, qui deviendra une sorte de
moule qui servira de modèle à la forme humanisée d’Hadaly.
Leurs automates sont dignes de figurer dans les plus hideux salons de
cire (…) Ces ouvrages (…) au lieu de donner à l’Homme le sentiment de
sa puissance, ne peuvent que l’induire à baisser la tête devant le dieu
Chaos.75
Il est vrai que les automates ne sont que des mécaniques, alors
qu’Hadaly fonctionne grâce à la « fée électricité » et l’électromagnétisme,
c’est pourquoi « …puisque je me sens ainsi défié par l’Inconnu (…) Je
prétends réaliser pour vous, milord, ce que nul homme n’a jamais osé
tenter pour son semblable. »76
Ainsi, Edison apparaît-il bien comme un technicien démiurge, prêt à
transgresser les lois de la nature grâce à la science, pour offrir à Lord
74 Ibid., p. 96.
75 Ibid., p. 97.
76 Ibid., p. 101.
92 La littérature d’imagination scientifique
77 Ibid., p. 103.
78 http://www.fabula.org/forum/colloque99/221.php
79 VILLIERS, op. cit., p. 112.
80 Ibid., p. 116.
81 Ibid., p. 131.
L’émergence 93
tem qui fit merveille dans les années 60, mais aussi le fonctionnement des
moteurs de recherche.
Les articulations de l’andréide sont en acier-fer lubrifiés par de l’huile
de rose.
Tous les mois vous en glisserez la valeur d’une petite cuillère entre les lèvres de
Hadaly (…) Le baume subtil se répandra de là dans l’organisme magnéto-
métallique de Hadaly. Ce flacon suffit pour un siècle et plus…82
À la ceinture, Hadaly porte un poignard qui lui sert à éloigner les in-
trus. Seul Lord Ewald pourra l’approcher de près.
Comme chez les Vril-ya avec leur baguette, on trouve dans ce poi-
gnard une sorte de Taser®, aussi opportun que redoutable. On retrouvera
une arme électrique chez Paul d’Ivoi.
Enfin, Hadaly peut se baigner. « Une petite perle de marbre rose, à
gauche du triple collier, sur la poitrine, amène une interposition inté-
rieure de verres dont l’adhérence hermétique empêche l’eau de ce bain de
pénétrer en l’organisme de la naïade. »87 Un système bien complexe
d’autant plus que l’eau de son bain est soumise à une préparation spé-
ciale, mais qui rend Hadaly hermétique.
Après avoir consacré bien des pages à expliquer, avec un discours as-
sez misogyne, pourquoi Edison créé Hadaly en souvenir d’un ami tombé
dans la déchéance à cause d’une « sauteuse d’enfer », Villiers revient à
l’écriture d’inspiration scientifique avec une projection cinématogra-
phique parlante à partir d’une succession de micro-photos sur plaques de
verre :
Installée sur une sorte de table à dissection, Hadaly est ouverte par
Edison au moyen d’une de ses bagues-commande. Tout le premier cha-
pitre du cinquième livre du roman est consacré à une sorte d’autopsie
technique de l’andréide.
C’est pourquoi le noble Anglais, remué outre mesure par l’aplomb ter-
rible de l’électricien, sentit le froid de la science lui glacer le cœur à cet
extraordinaire énoncé. (…) C’est grâce au mystère qui s’élabore aussi
dans ces disques de métaux, et qui s’en dégage, que la chaleur, le mou-
vement et la force sont distribués dans le corps de Hadaly. (…) Ici, est le
moteur électro-magnétique des plus puissants, que j’ai réduit à ces pro-
portions et à cette légèreté, et auquel viennent s’ajuster tous les induc-
teurs. (…) Cette étincelle (…) produit la respiration en impressionnant
cet aimant situé verticalement entre les deux seins et qui attire à lui cette
lame de nickel, annexée à cette éponge d’acier, – laquelle, à chaque ins-
tant revient à sa place, à cause de l’interposition régulière de l’isolateur.
(…) Voici les deux phonographes d’or, inclinés en angle vers le centre de
la poitrine, et qui sont les deux poumons de Hadaly. (…) Un seul ruban
d’étain peut contenir sept heures de ses paroles. (…) Au-dessus de ses
poumons, voici le Cylindre où seront inscrits, en relief, les gestes, la dé-
marche, les expressions du visage et les attitudes de l’être adoré. C’est
l’analogie exacte des cylindres de ces orgues perfectionnés, dits de Barba-
rie, et sur lesquels sont incrustées, comme sur celui-ci, mille petites aspé-
rités de métal. (…) de même ici, le Cylindre, sous ce même peigne qui
étreint les extrémités de tous les nerfs inducteurs de l’Andréïde, joue (…),
les gestes, la démarche, les expressions du visage et les attitudes de celle que l’on in-
carne dans l’Andréïde. L’inducteur de ce Cylindre est, pour ainsi dire, le
grand sympathique de notre merveilleux fantôme. (…) les deux pou-
mons et le grand sympathique de Hadaly sont reliés par ce même et
unique mouvement dont le fluide est l’impulseur. Une vingtaine d’heures
parlées, suggestives, captivantes sont inscrites sur cet album de feuilles,
ineffaçables grâce à la galvanoplastie, – et leur Correspondances-expressives
sont, également, inscrites sur les aspérités de ce Cylindre, lesquelles sont
incrustées au micromètre.89
89 Ibid., p. 212-218.
96 La littérature d’imagination scientifique
mates, dont il s’était moqué plus tôt : un rouleau à picots doté ou non de
ruban perforé.
Si l’on extrapole un peu, en sollicitant le texte, on pourrait voir là une
préfiguration des « Winchesters » d’IBM, ces premiers et volumineux an-
cêtres du disque dur d’un système informatique. Mais au-delà de cette vi-
sion un peu exagérée des choses, si Edison utilise des rubans d’étain
pour « programmer » la voix d’Hadaly dans un échange entre les deux
phonographes centraux, en se souvenant de la commande des métiers à
tisser semi-automatiques que Jacquard a mis au point en 1801, il aurait
pu utiliser un mécanisme semblable à celui-ci : un ruban perforé qui au-
rait pu emmagasiner beaucoup plus d’informations qu’un système de
rouleau à picots. Malgré tout, on est assez proche des principes présidant
au fonctionnement de la machine de Babbage. Villiers en avait-il entendu
parler ?… C’est peu probable. Le reste de la description du « système
Hadaly » est à l’avenant.
Cette analyse d’Anne Le Feuvre renforce l’idée que plus qu’un Faust ou
qu’un Frankenstein, Edison est un Pygmalion romantique, qui rêve de
forger la femme parfaite : belle, discrète, intelligente, fidèle, dévouée et
aimante. C’est une perspective qui nous rapproche de ce qui est peut-être
l’une des sources d’inspiration de Villiers : « L’homme au sable » d’Hoff-
90 http://www.fabula.org/forum/colloque99/221.php
L’émergence 97
91 « Tout à coup, vers cette époque, Sitting-Bull (…) ayant remporté un inattendu et san-
glant avantage sur les troupes américaines envoyées contre lui (…) l’attention stupéfaite
de cette nouvelle (…) se porta sur les Indiens menaçants et quitta de vue Edison pour
quelques jours… » (p. 310) Villiers fait référence à la bataille de Little Big Horn, elle a eu
lieu le 25 juin 1876, alors que le roman se déroule en 1889 !…
92 VILLIERS, op. cit., p. 315.
98 La littérature d’imagination scientifique
93 Ibid., p. 326.
94 Ibid., p. 368.
L’émergence 99
4 – Louis-Henri Boussenard
95 VERSINS, Pierre. Encyclopédie de l’utopie et de la science-fiction. Lausanne : L’Âge d’homme,
1972, p. 126.
96 BOUSSENARD, Louis. Les Secrets de Monsieur Synthèse. Paris : C. Marpon & C. Flam-
marion, n.d., p. 4.
97 Cette population du centre de l’Inde était réputée pour fournir des spécialistes de la
guérilla. À cette époque, dans les romans populaires, on trouve souvent des gardes du
corps originaires de l’Inde, des Sikhs en particulier.
98 Ibid., p. 18.
100 La littérature d’imagination scientifique
99 Ibid., p. 26.
100 Ibid., p. 29.
L’émergence 101
Synthèse qui est également frappé par la gracilité de leur membres et en-
core plus étonné de les voir voler.
On voit donc que Boussenard, même s’il sollicite les faits, entretient bien
des liens étroits avec les sciences.
L’interlocuteur de Synthèse (devenu Shien-Chung ou Né Avant), Ta-
Lao-Yé (Grand Vieux Monsieur), lui apprend que la Terre est dans une
nouvelle phase de glaciation, qu’elle est devenue inhabitable au-delà du
48e parallèle et à peine au niveau du 40e.
Depuis 4000 ans la Terre vit sous un régime de république univer-
selle. La race a évolué pour donner des macrocéphales afro-asiatiques,
après que la race jaune ait écrasé la race blanche au XXIVe siècle.
L’homme blanc, pour l’homme volant du douzième millénaire : « C’est
un être de transition… le plus parfait des animaux, j’en conviens, mais la
plus inférieure des créatures digne aujourd’hui du nom d’homme. »107 Ce
fut alors le début de la nouvelle glaciation après une série de cataclysmes.
La naissance de la nouvelle race profita aux deux anciennes, héritant de
la résistance des noirs et du savoir des jaunes.
Entre les trentièmes parallèles Nord et Sud, la Terre est principale-
ment peuplée d’afro-chinois et dans cette zone, il n’y a plus que des mers
résiduelles, où un anneau de terre domine le globe. Boussenard
n’explique pas la présence de cet « anneau de terre » opportun pour créer
une forme d’unité mondiale.
Mis à part l’idée que le processus de lévitation est un don naturel,
mais caché de l’homme, le seul reste de spéculation dans cet ouvrage est
consacré à la communication avec Mars, qui se fait par une sorte de télé-
106 ROSTAND, Jean. « Une thèse médicale sur la congélation des animaux
rieurs (1811) » in Revue d’histoire des sciences et leurs applications, 1966, p. 53. (Vol. 19, n° 19-
1).
107 BOUSSENARD, op. cit., p. 61.
104 La littérature d’imagination scientifique
graphe optique : une surface immense est recouverte d’un drap blanc,
tantôt étendu, tantôt ôté grâce à l’action de 450 à 500 000 hommes (nous
reviendrons sur cette idée qui n’est pas de Boussenard, pas plus que celle
qui suit).
Les Martiens ont reconnu nos signaux ; c’est maintenant à nos astro-
nomes de surveiller la manœuvre de leurs correspondants planétaires et
de ne pas laisser perdre une seule des occultation de la lumière que leurs
télescopes leur font apercevoir dans Mars.108
Il est vrai que les Martiens observent la Terre depuis des milliers
d’années. S’en étant aperçus, les hommes ont mis au point une sorte de
code Morse. « Les Martiens comprirent à merveille et répondirent à
l’occultation rythmique de notre surface blanche, par des éclairs succes-
sifs produits dans un ordre identique. »109
Pour autant, on n’apprendra pas le contenu des conversations terro-
martiennes, mais après que Ta-Lao-Yé ait décrit une société quasi idéale,
Synthèse se rend compte que tout n’est pas pour le mieux dans ce meil-
leur des mondes et, comme dans toutes les utopies, il apparaît que la per-
fection dissimule une forme d’enfer de la dépendance et de l’assujettis-
sement.
Dans ce roman qui s’achève avec la mort de monsieur Synthèse,
Louis Boussenard n’innove que peu et reste principalement dans la di-
mension de l’aventure, mais sans vraiment atteindre le cadre utopique, ce
qui aurait pu se faire pour renouveler le roman de Louis Sébastien Mer-
cier. D’autres seront plus innovants que lui.
le mettra en scène dans Mort à crédit sous les traits de Roger-Marin Cour-
tial des Pereires. Quant à Georges Le Faure, sa production a été essen-
tiellement destinée à la jeunesse avec quelques romans conjecturaux qui
préfigurent, mais dans des versions moins agressives, ceux du belliciste
Capitaine Danrit.
Les « Aventures extraordinaires d’un savant russe » est le titre géné-
rique d’un ensemble de quatre volumes illustrés : La Lune (1889), Le Soleil
et les petites planètes (1889), Les Planètes géantes et les comètes (1891) et Le Désert
sidéral (1896). On retrouvera, dans l’entre-deux-guerres, quelque chose
d’assez semblable dans les Voyages extraordinaires d’un petit parisien, dans la
stratosphère, la Lune et les planètes qui ont été publiés en fascicules chez Fe-
renczi entre 1933 et 1938, dans une série qui s’inscrivait dans « Les
Aventuriers du ciel ». Les quatre romans de Le Faure et de Graffigny,
ont bénéficié d’une courte préface de Camille Flammarion, qui plante
bien le projet des deux auteurs :
C’est que l’étude de l’univers exerce d’elle-même, sur tous ceux qui
l’entreprennent, un charme profond et captivant. C’est qu’on éprouve
d’intenses jouissances à s’élancer, sur les ailes de l’imagination, vers ces
mondes qui gravitent, de concert avec nous, dans l’immensité des cieux,
vers ces comètes, mystérieuses messagères de l’infini, vers ces étoiles
scintillant radieuses à notre zénith.111
Gontran son assistant, bien qu’il soit nul en astronomie. Aussi l’amène-t-
il voir son télescope : 16 m de long pour un diamètre de 2 m. Ossipoff le
pointe sur la Lune pour montrer à Gontran :
Cette première description nous montre une planète bien moins érodée
qu’elle ne l’est, mais qui est le modèle dominant comme le prouvent les
représentations des pulps et jusqu’à celle assez semblable qu’en donnera
Hergé dans sa BD, On a marché sur la Lune.
En revanche, Ossipoff défend l’existence d’une atmosphère sur la
Lune, comme le fera Michel Ardan chez Verne contre le Capitaine Ni-
choll, mais c’était une opinion qui avait encore cours à l’époque, et pour
cela, le savant rêve à sa colonisation. Ne manque qu’un véhicule et
quelques hommes intrépides pour s’y rendre.
Depuis plusieurs années, j’ai dans mes cartons les plans d’un canon gi-
gantesque et tout, à l’heure, avant votre visite, je faisais ma dernière ex-
périence sur une poudre spéciale dont les effets sont suffisants pour en-
voyer dans la lune…tout ce que je voudrais y envoyer... Donc, la lune est
habitable et j’ai trouvé un moyen de m’y rendre...113
Or, c’est cette poudre qui va le faire accuser d’être un nihiliste, préparant
un attentat contre le Tsar et qui le fera condamner à la déportation en
Sibérie, à Ekatherinbourg, dans les mines de sel.
Pour délivrer Ossipoff, Gontran bénéficiera de l’aide d’un de ses
amis d’enfance, Alcide Fricoulet, qui va fabriquer un aéroplane à aile del-
ta, disposant d’une chaudière à vapeur : « mon cerf-volant tiré en avant,
grâce aux hélices, avec une vitesse qui peut aller jusqu’à cinquante mètres
par seconde […] et franchir d’une seule traite mille kilomètres. »114 Ceci
semble correspondre au projet de James W. Butler et Edmund Edwards
qui avaient déposé un brevet, en 1867, pour un avion à aile delta, propul-
sé par un jet de vapeur. Un tel projet ne sera repris qu’en 1930 et devien-
112 GRAFFIGNY, Henri (de) & LE FAURE, Georges. Aventures extraordinaires d’un savant
russe : La Lune. Paris : Edinger, 1889, n.p. [(Chap. 2]).
113 n. p., Chap. 2.
114 n. p., Chap. 4. [50 m/sec = 180 km/h]
L’émergence 107
dra une forme courante par la suite et jusqu’à des modèles surprenants
comme le Bell X-48B ou les appareils furtifs comme le F-117A Night
Hawk, le SR-71 Blackbird ou le B-2 Spirit. Ici, comme chez D’Ivoi, les
auteurs proposent un plan de l’appareil.
Alcide fait parvenir une lunette de vue à Ossipoff, puisqu’il connaît
le propriétaire de la mine où il est employé comme comptable. Le savant
va y découvrir un message annonçant son enlèvement prochain : « sur
l’un des verres était collé un petit morceau de collodion, grand tout au
plus comme l’ongle d’un pouce. »115
Ce microfilm n’est pas une invention des auteurs, le procédé a été
breveté le 21 juin 1859 par le Français Prudent René-Patrice Dagron et
cette technique a été employée pour envoyer des messages par pigeon
voyageur pendant le siège de Paris par les Prussiens en 1870.
Mourant, l’un des camarades de détention d’Ossipoff, lui lègue une
fortune en pierres précieuses trouvées dans la mine116. L’enlèvement ré-
ussit car l’appareil d’Alcide peut aussi se mettre en vol stationnaire.
Si ce type d’appareil avait été envisagé en août 1944 avec le Dornier
DO31 ou le Focke-Wulf Triebflugel et si le premier vol (01/03/45) du
Bachem Ba 349 Natter a été un échec, le principe du VTOL (Vertical
Take-Off and Landing = décollage et atterrissage vertical) sera repris après
la guerre notamment en Angleterre avec le Rolls-Royce TMR – que l’on
avait surnommé le « lit cage volant » –, qui volera en 1957 et qui devien-
dra le Short SC-1 (avion à aile delta !), opérationnel dès octobre 1958. En
URSS la firme Yakovlev va faire voler la série des Yak-36 à 41 à partir de
1960. Par la suite bien des firmes (Bell, Boeing, Curtiss, Fock-Wulf,
Hawker, Heinkel, Lockheed, Ryan, SNECMA,…) vont développer ce
type d’appareil, sans qu’il s’impose vraiment, qu’il soit à hélices ou à réac-
teurs, même si les Harrier GR5 anglais ont fait merveille pendant la
guerre des Malouines en 1982.
Ossipoff, Séléna, Gontran et l’inventif Alcide partent se réfugier en
France. Pendant le trajet, Ossipoff évoque l’aérostation et les premiers
essais d’hélicoptères, sujet qui est longuement développé par Henri de
Graffigny dans Récits d’un aéronaute : fantaisies aérostatiques (1889).
Le quatuor atterrit en catastrophe près de l’observatoire de Nice,
c’est là qu’ils vont rencontrer l’astronome américain Jonathan Farenheit
qui affirme que la Lune est une immense mine de diamants. Celui-ci
115
n. p., Chap. 5.
116
Ceci n’est pas sans rappeler le « cadeau » de l’Abbé Farias à Edmond Dantès dans Le
Comte de Monte Cristo de Dumas.
108 La littérature d’imagination scientifique
117 n. p., Chap. 6.
118 Ibid.
119 Ibid.
L’émergence 109
chincha. Ce dernier est bien à une cinquantaine de kilomètres de Quito alors que le Co-
topaxi est à quelques centaines de kilomètres plus au Sud. Quant au Chimborazo, dont il
est également question, il est encore plus au Sud. Les auteurs évoqueront une terrible et
meurtrière explosion du Cotopaxi le 15 février 1843. C’est totalement imaginaire et
même s’il y a confusion avec le Guagua Pichincha, à cette époque il est entré en éruption
le 1er janvier 1831 sans faire de victimes. Quant à l’éruption du Cotopaxi en 1880, si elle
dura 5 mois (février à juillet), elle fut inoffensive. Les autres indications volcaniques sont
également fantaisistes.
121 n. p., Chap. 7.
122 n. p., Chap. 10.
L’émergence 111
Nous sommes proches des ampoules de rosée dont Cyrano s’était ceint
la première fois pour aller dans la Lune. Nous passons alors du roman
d’imagination scientifique à la magie, en cette fin du premier volume.
123 Les points de libration ont été calculés par Lagrange en 1772.
124 n. p., Chap. 18. Nous reviendrons sur les appareils à réaction.
125 n. p., Chap. 19. Les Sélénites ne sont pas décrits, mais l’illustrateur les représente très
grands (±1,80 m) et grêles à cause du manque de pesanteur, avec une grosse tête sans
doute parce qu’ils sont très intelligents, comme les afro-chinois que l’on a trouvé chez
Boussenard ?…
126 n. p., Chap. 19.
112 La littérature d’imagination scientifique
Le second volume, Le Soleil et les petites planètes (1889), débute par une
référence aux travaux de Gay-Lussac sur les gaz, puis à ceux de Nichol-
son et Carlisle sur l’analyse de l’eau par électrolyse, en 1800. Ossipoff,
grâce à la synthèse chimique, parvient à fabriquer de la nourriture. Rap-
pelons que c’est à partir des travaux de Kékulé en 1857 que débutera la
synthèse des composés organiques.
Comme Sharp leur a volé leur obus et a enlevé Séléna, ils vont pren-
dre le sien, le rendre opérationnel avec la poudre magique d’Ossipoff,
afin de pouvoir rejoindre Vénus vers où se dirige Sharp, comme le leur
apprend un « Lunarien » qui tient l’information des Vénusiens.
Ils disposent d’une sorte de téléphote dont la nature préfigure ce que
l’on trouvera chez Paul D’Ivoi dans Dr Mystère (1899) :
Nous avons là un procédé qui sera plus ou moins repris dans la science-
fiction alimentaire avec les vaisseaux se déplaçant à une vitesse luminique
et même supra-luminique, en s’affranchissant quelque peu des théories
127 GRAFFIGNY (de), Henry et LE FAURE, Georges. Les Aventures extraordinaires d’un
savant russe : II. Le Soleil et les petites planètes. Paris : Édinger éditeur, 1889, n. p., Chap. 2.
128 On attribue généralement à Archimède l’invention du miroir parabolique. La légende
veut qu’il l’ait utilisé pour incendier les voiles des vaisseaux romains lors du siège de Sy-
racuse (-215 à -212). Depuis, on a démontré que ce procédé était techniquement impos-
sible.
129 n. p., Chap. 2.
L’émergence 113
Par suite de cette inclinaison d’axe, les saisons qui, sur Vénus, se succè-
dent de cinquante-six en cinquante-six jours, sont fort tranchées; la zone
polaire descend jusqu’à 35° de l’Équateur de même que les régions tropi-
cales s’étendent jusqu’à 35° des pôles, en sorte que deux zones, beau-
coup plus larges que les zones tempérées de notre globe, empiètent
constamment l’une sur l’autre, appartenant à la fois aux climats polaires
et aux climats tropicaux. Ces régions subissent donc d’énormes varia-
tions de chaleur et de froid. (…) cette planète a, pour la protéger de
l’ardeur solaire, une enveloppe fort épaisse de nuages, en sorte que la
température n’y doit guère être plus élevée que sur Terre...131
130 n. p., Chap. 3.
131 Ibid.
114 La littérature d’imagination scientifique
L’humanité qui règne sur le monde de Vénus, doit offrir les plus grandes
ressemblances avec la nôtre et aussi, probablement, les plus grandes res-
semblances morales. On peut penser, néanmoins, que Vénus étant née
après la Terre, son humanité est plus récente que la nôtre. Ses peuples en
sont-ils encore à l’âge de pierre ? Toutes conjectures, à cet égard, seraient
évidemment superflues, les successions paléontologiques ayant pu suivre
une autre voie sur cette planète que sur la nôtre.132
132 FLAMMARION, Camille. Cité par les auteurs. n. p., Chap. 5.
133 Ibid.
L’émergence 115
Les rues sont également dallées de bronze. C’est pourtant une ville pro-
visoire puisque les Vénusiens migrent deux fois par an pour chercher des
températures tempérées sur l’autre hémisphère. Pendant ce temps
l’infâme Sharp est déjà reparti avec Séléna vers Mercure. Nos héros font
de même avec la sphère des Sélénites, miraculeusement retrouvée.
Leur arrivée sur Mercure : « la planète étendait sa masse énorme, ter-
rifiante, dont les aspérités titanesques n’apparaissaient encore que va-
guement, baignées dans une atmosphère gazeuse fort épaisse »135, est
quelque peu mouvementée. Mais fort heureusement, Mercure est dotée
d’une atmosphère respirable et ils arrivent dans un espace alpin :
…au pied même d’une montagne fort élevée, sur la lisière d’une forêt
dont les arbres avaient arrêté la sphère ; non loin de là, serpentant sur le
flanc de la montagne, un ruisselet chantonnait d’une voix cristalline, re-
flétant dans ses eaux la lumière discrète de Vénus.136
Mais c’est de l’eau bouillante. En réalité, Mercure, qui a été survolée par
les sondes Mariner et Messenger (2008) a un aspect lunaire à cause d’une
atmosphère quasi inexistante. Sa température moyenne est de 179° C.
L’imaginaire de Le Faure et de Graffigny sera conforté par les cartes fan-
taisistes qu’en ont dressées Schiaparelli puis Lowell en 1896.
Les visiteurs découvrent un animal étrange :
Peu après, ils découvrent Séléna, abandonnée par Sharp, qui est parti en
direction du Soleil.
Les aventuriers constatent qu’il se passe des choses étranges sur Mer-
cure. La forêt où ils sont arrivés la veille est devenue une montagne de
diamants, la composition de l’air change sans cesse.
Ils se croient encore sur Mercure alors qu’ils sont sur une comète qui
a arraché 1 km2 à Mercure, avec plantes et faune. Ils vont passer derrière
le Soleil et se diriger vers Saturne après avoir croisé l’orbite de Vulcain.
Ceci rappelle, bien sûr, le roman de Verne, Hector Servadac (1877), où une
partie de la Terre est arrachée par une comète qui part aux confins du
système solaire avant de ramener les héros à leur place. C’est là un thème
qui a fait florès et qui sera encore utilisé en 1960 pour Terre en fuite de
Francis Carsac.
L’orbite de Mercure a une légère anomalie qui ne concorde pas avec
les Lois de Kepler. Urbain Le Verrier pour expliquer cette perturbation,
et conseillé par François Arago, va d’abord se pencher sur une autre
anomalie : les perturbations de l’orbite d’Uranus. Elles vont s’expliquer
en 1846 avec la découverte mathématique de Neptune le 31 août 1846,
dont l’existence sera confirmée par les observations de Johann Gottfried
Galle le 23 septembre 1846. Le Verrier reprend alors le problème de
Mercure, à la suite de la lettre que lui envoie un astronome amateur qui
pense avoir découvert un corps céleste entre le Soleil et Mercure. Rai-
sonnant par analogie, Le Verrier postule pour l’existence d’une petite
137 Ibid.
138 Ibid.
L’émergence 117
…le ballon national qui fait le service entre Mars et ses satellites. (…) ce
cylindre que vous voyez là et qui m’a paru être fait d’une sorte d’étoffe
métallique, ne mesure pas moins de cent soixante mètres de long sur
douze mètres de diamètre ; il est traversé, de part en part, dans le sens de
la longueur, par un tube dans lequel se trouve un axe autour duquel
l’appareil, actionné par un moteur électrique placé dans la nacelle, tourne
à raison de quatre à cinq tours par seconde : ce que vous voyez là, à la
surface extérieure de l’appareil, est une hélice de vingt-cinq mètres de
diamètre, faisant trois tours complets, ce qui lui donne un pas de cin-
quante mètres. Il s’ensuit que l’appareil avance de deux cents mètres à la
seconde, soit, en moyenne, de sept cents kilomètres à l’heure. (…) À
l’avant, la nacelle s’effilait, ainsi que la proue d’un navire, et le ballon
s’allongeait en pointe, fendant l’espace presque sans bruit…139
139 n. p., Chap. 14.
118 La littérature d’imagination scientifique
pas de roues, et ensuite que ses parois n’ont aucun point de contact avec
celles du tube dans lequel il circule.140
…quatre fois par siècle, deux nations, désignées à l’avance par un aréo-
page international, se mesureraient l’une contre l’autre, de manière à ra-
mener la population martienne à un chiffre en rapport avec la superficie
des continents.143
C’était une sorte de mât paraissant avoir près de quinze mètres de haut et
portant, à sa partie supérieure, une hélice à huit branches, dont chacune
avait, pour le moins, la dimension des ailes d’un moulin à vent. Au-
140 n. p., Chap. 15. Cf : CERMARK Anne-Laure et LE BRIAND, Élisa. « Le Réseau
avant l’heure : la Poste pneumatique à Paris (1866-1984) » in Les Cahiers pour l’histoire de la
Poste, mai 2006, n° 6.
141 Voir : « Un bateau rapide projet de M. Raoul Pictet » in La Nature. Paris : Masson,
1881, p. 354.
142 Le Soleil. n. p., Chap. 15.
143 Ibid.
L’émergence 119
144 n. p., Chap. 16.
145 Ibid.
120 La littérature d’imagination scientifique
…cette sphère colossale, s’avançant toujours sur eux, allait les écraser de
sa masse, elle éclata, comme éclatent dans l’espace ces belles fusées mul-
ticolores par lesquelles se terminent ordinairement les feux d’artifice.
Seulement, au lieu de se dissoudre, comme font les parties infinitésimales
des fusées, et de devenir invisibles, les fragments de ce monde repoussés
par une force intérieure à la sphère, s’enfuirent de tous côtés dans
l’espace assombri. (…) le spectacle saisissant auquel nous venons d’assis-
ter a été photographié d’après nature et le brisement de cette planète a
été pour nous tel qu’il a été, il y a des siècles, pour les Martiens.148
146 Ibid.
147 Ibid.
148 Ibid.
149 Dans le troisième volume, Ossipoff la cherchera au-delà de Neptune en tant que pla-
nète !…
L’émergence 121
Aussi avaient-ils suspendu leur ville dans l’espace par un moyen des plus
simples : d’immenses caissons métalliques, remplis d’un gaz plus léger
que l’air, jouaient le rôle de ballons et servaient de fondations aux mai-
sons ; quant aux matériaux employés à la construction, ils étaient,
presque tous, composés de cellulose pure, rendue, par des procédés spé-
ciaux, aussi dure que l’acier, quoique demeurant très mince et imper-
méable. Le gaz qui remplissait les caisson était produit par la réaction de
substances chimiques les unes sur les autres ; au moyen des câbles ratta-
chant la cité aérienne à la terre ferme et contenant intérieurement des fils
métalliques, l’électricité produite à terre arrivait jusqu’aux habitations
pour fournir la lumière, la chaleur et la force motrice, indispensables aux
besoins journaliers.156
Nous sommes dans un rêve qui rappelle Swift et Verne, mais avec un
élément intéressant : l’utilisation de la cellulose moulée qui sera inventée
en 1904 par Martin L. Keyes et dont parlera aussi Robida. Aujourd’hui,
elle fait partie des biomatériaux recyclables, elle sert dans divers secteurs :
alimentaire (boîtes à œufs, plateaux pour fruits et légumes, bar-
quettes,…), médical (haricots jetables, plateaux,…), horticole (godets
pour plants), vétérinaire (bac à litière), industriels (emballages de protec-
155 n. p., Chap. 18.
156 LE FAURE, Georges & GRAFFIGNY (de), Henry. Aventures extraordinaires d’un savant
russe : III. Les Planètes géantes et les comètes. Paris : Édinger éditeur, 1891, n. p., Chap. 1.
L’émergence 123
C’était une sorte de cigare métallique, long d’environ trente mètres, ter-
miné en pointe à chaque extrémité et paraissant avoir, à son plus fort
renflement, un diamètre de quatre à cinq mètres. (…) à l’avant et à
l’arrière de ce véhicule se trouvaient des propulseurs actionnés par des
moteurs invisibles.157
Une fois en vol, ce « cigare » déploie des ailes pour améliorer sa por-
tance comme le second appareil de Robur, l’Épouvante. Nous sommes
proches du principe de l’avion à géométrie variable, dont nous avons dé-
jà parlé, comme les Rockwell B-1 Lancer, le Mirage G de Dassault, le F14
Tomcat de Grumman, ou les Soukhoï SU-17 et SU-24. Le premier avion à
voilure à géométrie variable sera l’avion expérimental Bell X-5 en 1951.
C’est un peu sur ce principe qu’ils se décident à construire un nouvel
appareil pour regagner la Terre. Ce que les auteurs vont décrire se rap-
proche du principe de la turbo réaction avec la présence d’une sorte de
tuyère ou de turbine :
…elle aspirait les astéroïdes par un tube de faible diamètre et les refoulait
à l’arrière par une ouverture plus large. La forme extérieure adoptée était
celle d’un cylindre de cinq mètres de diamètre et de six mètres de long;
ce cylindre était intérieurement traversé, dans le sens de sa longueur, par
un tuyau concentrique d’un mètre et demi de diamètre et de longueur
triple, dans lequel se mouvait la vis d’Archimède à trois filets, jouant le
rôle d’hélice propulsive. À l’extrémité antérieure, ce tuyau se terminait en
tronc de cône; l’autre extrémité affectait la forme évasée d’un tuyau de
cheminée de locomotive. Le logement des voyageurs devait être formé
par l’espace annulaire séparant le tuyau intérieur du grand cylindre qui
constituait la coque même du navire.158
Les aéroplanes, les aviateurs, les poissons aériens, les oiseaux méca-
niques, les hélicoptères électriques, les machines volantes, tout était ra-
166 FLAMMARION, Camille. La Fin du monde. Paris : Flammarion, 1894, p. 2.
L’émergence 127
En fait tout le monde est inquiet. Le monde entier s’est mis en stase à la
suite de l’annonce d’une catastrophe planétaire. Plus rien ne fonctionne
tant l’idée que le monde court à sa perte : une comète devrait heurter la
Terre. Cette hypothèse semble confirmée par l’observatoire de Gao-
risankar168, installé au sommet de l’Himalaya : « …l’astre vagabond pour-
rait amener une catastrophe universelle en empoisonnant l’atmosphère
respirable… »169, soit en percutant la Terre, soit en la frôlant. C’est du
moins ce qu’annonce « un nouveau phonogramme [venu] cette fois du
Mont Hamilton en Californie… »170 On remarquera que Flammarion est
en retrait, sur le plan des communications, par rapport à ses collègues qui
utilisent déjà le « téléphote » !…
Si l’hypothèse de la percussion ne semble pas retenue, le passage de
l’orbite de la Terre dans la queue de la comète pourrait être fatal car :
« L’analyse spectrale signalait surtout l’oxyde de carbone dans la constitu-
tion chimique de la comète. »171 À cette époque, on ne connaissait pas la
composition d’une comète et on s’imaginait que sa traînée pouvait être
composée de gaz nocifs, ici le monoxyde de carbone. Par ailleurs le
nombre de comètes ayant franchi l’orbite de la Terre pendant le XIXe
siècle avait été important, ce qui générait une certaine inquiétude – nous
reviendrons sur ce point.
Ici, c’est plus qu’une simple comète qui est en cause, mais un énorme
et improbable astre errant : « Trente fois le diamètre du globe terrestre !
Lors même que la comète passerait entre la Terre et la Lune, elles [sic] les
toucherait donc toutes les deux… »172
Flammarion qui est pourtant un vulgarisateur éminent, n’en est pas
moins d’un enthousiasme qui confine parfois au délire (il fut l’un de ceux
qui soutenait le peuplement de Mars après les élucubrations de Schiapa-
relli !). À titre de comparaison, rappelons que le noyau de la comète de
Halley mesure 16 x 8 x 7 km, alors que celle de Flammarion a un dia-
mètre de 381 600 km (presque trois fois la taille de Jupiter !) et, effecti-
167 Ibid., p. 3.
168 Le Gauri Sankar est bien un massif (7 134 m) de la chaîne himalayenne, mais nul ob-
servatoire n’y est installé. En revanche l’observatoire Lick de l’Université de Californie est
bien installé au sommet du Mont Hamilton depuis 1876.
169 FLAMMARION, op. cit., p. 13.
170 Ibid., p 14-16.
171 Ibid., p. 19.
172 Ibid., p. 20.
128 La littérature d’imagination scientifique
173 Ibid., p. 20.
L’émergence 129
182 Ibid., p. 138.
132 La littérature d’imagination scientifique
On cessa d’y voir des signes de colère de Dieu, mais on discuta scientifi-
quement les cas de rencontre possibles et l’on craignit ces rencontres.
(…) Dans le cours du dix-neuvième siècle, des prophètes de malheur
(…) ont annoncé vingt-cinq fois la fin du monde, d’après des calculs ca-
balistiques ne reposant sur aucun principe sérieux.185
188 Ibid., p. 212.
189 Ibid., p. 226.
L’émergence 135
sont une émanation d’un mauvais anglais, parfois mal traduit ou alors lit-
téralement. En revanche, Flammarion perçoit bien un phénomène que
l’on constate tous les jours un peu plus, mais sans qu’il lui attribue une
cause précise : « …la langue anglaise s’était répandue sur toute la surface
du globe. (…) Aucun essai de langue universelle artificiellement créée
n’avait réussi. »190
Ici, Flammarion fait référence au Volapük créé en 1879 par Johann
Martin Schleyer et à l’Esperanto créé en 1887 par Ludwik Lejzer Za-
menhof, qui connurent un relatif intérêt dû à la nouveauté, au début du
XXe siècle, avant de se marginaliser.
Cette attention de Flammarion pour les langues artificielles est, peut-
être, à mettre en relation avec le onzième Chapitre du roman de Bulwer
Lytton, La Race future, qu’il consacre de façon détaillée à la langue des
Vril-ya ?… À moins que cet intérêt pour les langues soit aussi imputable
au retentissement des travaux de Franz Bopp sur la grammaire comparée
dans les langues indo-européennes : Grammaire comparée des langues sans-
crites, zende, grecque, latine, lithuanienne, slave, gothique, et allemande (1833-
1849).
Alors que nous sommes très proches de la première guerre mondiale,
Flammarion pense que la guerre aura disparu à l’échelle mondiale avant
le XXVe siècle. On la tient maintenant pour quelque chose de barbare et
Flammarion en rend pour partie responsable l’union des femmes en Eu-
rope, contrairement à Robida qui y voyait un progrès social. D’ailleurs :
« Les femmes étaient électrices et éligibles. »191
En cela Flammarion tient pour acquise la victoire des féministes, des
« bas-bleus » dont le combat s’est affirmé pendant le siècle avec des au-
teurs comme Sophie Gay, George Sand ou Delphine de Girardin et qui
se poursuivra sur un terrain plus politique avec les « suffragettes » dont le
combat va commencer aux USA en 1903, sous l’impulsion d’Emmeline
Pankhurst. Flammarion pense peut-être aussi à l’action des saint-
simoniens en faveur des femmes ?…
Ici, Flammarion associe l’action féministe à un combat anti-
militariste puisque les femmes refusent de se marier avec un jeune
homme portant l’uniforme. Débarrassé des dépenses de guerre – Flam-
marion n’envisage pas que le poids du complexe militaro-industriel
puisse peser sur les décisions du monde politique :
190 Ibid., p. 231.
191 Ibid., p. 238.
136 La littérature d’imagination scientifique
195 Ibid., p. 247.
196 Ibid., p. 247, 248.
138 La littérature d’imagination scientifique
giné un système semblable reposant sur une vis sans fin, qui aurait littéra-
lement vrillé l’air. On sait que les Chinois, au IVe siècle faisaient voler des
jouets à aile rotative, proches de l’hélicoptère. En 1754 le Russe Lomo-
nossov, avait fait la démonstration d’un appareil à ailes tournantes, con-
trarotatives pour qu’il ne tourne pas sur lui-même, fonctionnant avec un
ressort. En 1784, les Français Launoy et Bienvenu font voler une ma-
quette mue par le même système d’entraînement à ressort, devant
l’Académie des sciences. En 1861, le vicomte Ponton d’Amécourt in-
vente le mot « hélicoptère » qu’il forge sur des racines grecques. Il faut
attendre 1877 pour que l’Italien Forlanni fasse voler un engin ascension-
nel de 350 kg jusqu’à une hauteur de 13 m, doté d’un moteur à vapeur.
En 1887, c’est le Français Trouvé qui expérimente un modèle avec un
moteur électrique, relié au sol par ses fils d’alimentation. En 1905, les
frères Dufaux dotent leur appareil d’un moteur à explosion et lui font ar-
racher une charge de six kilos. Il faudra attendre le 13 novembre 1907
pour que Paul Cornu effectue un premier vol à bord de son hélicoptère
de 203 kg à 1,5 m du sol. Cette même année les frères Bréguet, Charles
Richet ou Louis Léger, font également des essais. C’est donc à partir de
1907 que l’on date les débuts de l’hélicoptère.
Nous retrouverons aussi l’aérostation chez Verne et chez D’Ivoi,
comme nous l’avons rencontrée chez Le Faure et de Graffigny. Depuis
les frères Montgolfier en 1783, elle a fait des progrès. On se souvient de
Gambetta s’échappant en ballon de Paris assiégé le 7 octobre 1870, pour
aller lever des troupes en province. Mais le véritable progrès dans ce do-
maine est le ballon dirigeable.
Louis Griffard avait expérimenté un dirigeable mû par un petit mo-
teur à vapeur et une hélice en 1852, mais le poids du moteur posait des
problèmes bien qu’il ait effectué un trajet de 27 km. Le moteur électrique
expérimenté par Charles Renard et Arthur Krebs en septembre 1884,
trouve ses limites dans la faible capacité des piles sèches. Il ne parcourt
que 8 km.
Les progrès dans le domaine ne seront sérieux qu’avec l’utilisation du
moteur à explosion. C’est ce qui se passe entre 1900 et 1908 avec les
zeppelins qui étaient propulsés par deux moteurs Daimler. Le profilage
et le moteur à explosion lui permettront des vols transatlantiques, aussi
retrouvera-t-on des modèles de dirigeables chez Robida, comme chez
Flammarion.
En France, la firme Zodiac lancera son premier dirigeable (un mo-
dèle semblable fera de la publicité pour Le Petit journal en 1908 à une vi-
tesse de 28 km/h) le 30 juin 1906. Le Comte de la Vaulx était propulsé
L’émergence 139
Moins précis que Verne dans Paris au XXe siècle, Flammarion place le
port maritime de Paris dans la plaine de saint-Denis, mais l’idée est sem-
blable et il la complète par d’autres moyens de transport, ce qui donne à
penser que les navires qui accostent là doivent surtout contenir du fret.
« …bien des voyageurs les prenaient encore, malgré les trains réguliers
d’aéronefs, le tunnel et le viaduc de la Manche. »199
Incidemment, on relèvera que Flammarion tient pour acquis et réali-
sé le vieux projet de tunnel sous la Manche puisque les premiers plans de
Desmarets datent de 1751. En 1801, Mathieu-Favier avait proposé un
tunnel en deux parties, le passage supérieur dédié aux véhicules, l’infé-
rieur pour l’évacuation des eaux d’infiltration. Napoléon l’aurait bien uti-
lisé pour envahir l’Angleterre… En 1833, Aimé Thomé de Gamond pré-
197 Ibid., p. 248.
198 Ibid., p. 248.
199 Ibid., p. 248.
140 La littérature d’imagination scientifique
triment des campagnes ; l’agriculture était exploitée par les usines à élec-
tricité… »203
Si les tours d’un kilomètre de haut, construites dans Paris, ne servent
que pour l’éclairage, il serait logique que l’on réduise la surface de la
campagne au profit des habitations pour absorber la croissance de la po-
pulation. Or comme cette croissance est faible, on ne peut expliquer
l’augmentation de la surface habitable que par un nouvel urbanisme qui
pourrait être représenté par les Cités-Jardins d’Ebezener Howard qui
commenceront à se concrétiser à partir de 1902 avec la cité de Letch-
worth.
Autre innovation dont Flammarion ne nous donne pas l’application :
« …l’hydrogène était extrait de l’eau des mers… »204 à laquelle on songe
pour l’alimentation des piles à combustible, mais c’est une opération
coûteuse et dispendieuse en énergie, en revanche, il semble que si l’on
soumet l’eau de mer à un champ intense d’ondes de radio fréquence (mi-
cro-ondes), il se produise un effet semblable à celui de l’électrolyse per-
mettant un dégagement spontané d’hydrogène, comme l’a montré John
Kanzius en 2007, ce qui serait peut-être plus économique qu’une extrac-
tion classique.
Notation également intéressante : « …les chutes d’eau et les marées
utilisées donnaient au loin leur force transformée en lumière… »205 Si les
barrages sont utilisés depuis l’Antiquité, l’idée de construire des barrages
hydroélectriques ne s’imposera qu’après 1890 et la mise au point par Tes-
la de la génératrice à courant alternatif, qui permet de transporter le cou-
rant beaucoup plus loin qu’avec le courant continu. De la même façon, si
les premiers « moulins à marée » sont apparus au XIIe siècle, sans être
menés à bien, les premiers projets d’usines marémotrices ne verront le
jour en France que dans les années 1920. Flammarion a donc là une idée
prémonitoire.
203 Ibid., p. 250.
204 Ibid., p. 205-251.
205 Ibid., p. 251.
L’émergence 143
Certes, nous n’en sommes pas encore aux concepts de noosphère que
Teilhard de Chardin développera en 1955 ou de village planétaire que
Marshall McLuhan expose en 1967, mais on y touche avec cette expan-
sion des télécommunications.
Effectivement les communications téléphoniques internationales ont
commencé à être une réalité à partir de 1890, quant à la « téléphonosco-
pie », si on pouvait l’assimiler à de la visiophonie chez Verne, D’Ivoi,
Robida ou même chez Flammarion au début de ce roman, maintenant il
apparaît que nous avons affaire à une préfiguration de la télévision,
comme chez Robida. Il n’est pas possible de désigner un inventeur de la
télévision, même si le terme (Televisor) a été déposé en 1923 par John Lo-
gie Baird pour un appareil capable de transmettre une image en 8 lignes
et 400 points, il faudra attendre 1931 pour que les premières émissions
réelles d’images télévisées apparaissent. Mais en 1910, l’idée était dans
l’air surtout depuis qu’en 1862 l’abbé Giovani Caselli a transmis une
image fixe de Paris à Amiens par un procédé de phototélégraphie par fils
qui préfigure le bélinographe qui sera présenté en 1907 et adopté par
l’ensemble de la presse pour la transmission de textes et d’images.
En revanche, l’idée de transmettre « par influence cérébrale » des sy-
nesthésies aux téléspectateurs relève de la magie, mais l’idée de « recons-
tituer l’être absent », peut préfigurer le développement actuel de télévi-
sions en 3D avec ou sans lunettes spéciales ; alors que sans lunettes, ce
pourrait être le cas avec la télévision holographique expérimentée dans
plusieurs laboratoires par le consortium 3DTV Network depuis quelques
années, elle reste pour l’heure aux effets d’annonce.
Comme souvent très vague, Flammarion donne à entendre que la
robotisation va se développer : « Les machines mues par la force élec-
trique s’étaient graduellement substituées aux travaux manuels. »207 Ce
développement peut être perçu comme accompagnant le taylorisme né
du développement de l’OST dans les années 1880 qui aboutira au for-
disme en 1908.
Flammarion y voit la fin d’une certaine forme d’esclavage et il pro-
longe cette idée par une proposition surprenante que l’on avait déjà vue
dans la première partie de son roman : remplacer les domestiques qui
206 Ibid., p. 251.
207 Ibid., p. 252.
144 La littérature d’imagination scientifique
…et les repas les plus somptueux s’effectuaient non plus autour de tables
où fumaient les débris d’animaux égorgés (…) mais en d’élégants salons
(…) au milieu d’une atmosphère légère que les parfums et la musique
animaient de leurs harmonies. Les hommes et les femmes n’avalaient
plus avec une gloutonnerie brutale des morceaux de bêtes immondes
(…) D’abord les viandes avaient été distillées ; ensuite, puisque les ani-
maux ne sont formés eux-mêmes que d’éléments puisés au règne végétal
et au règne minéral, on s’en était tenu à ces éléments. C’était des bois-
sons exquises, en fruits, en gâteaux, en pilules, que la bouche absorbait
les principes nécessaires à la réparation des tissus organiques, affranchie
de la nécessité grossière de mâcher des viandes.209
Ce n’est pas une nourriture en pâte comme chez Verne ou chez Ro-
bida, mais une alimentation végétarienne agrémentée de pilules, peut-être
de protéines ?…
Après ce couplet végétarien, Flammarion affirme qu’à partir du
soixantième siècle, le cerveau des femmes a commencé à se développer.
Voilà qui serait jugé quelque peu misogyne aujourd’hui, mais qui ne cho-
quait pas en 1894, époque où la femme n’avait pas encore de droits, mais
n’oublions pas qu’au 60e siècle, comme Flammarion l’a affirmé au début
de son roman, les femmes sont devenues l’égal de l’homme.
Cette mutation s’accompagne d’une modification plus générale de
l’humanité, due à quatre causes : « …le développement des facultés intel-
208 Ibid., p. 252.
209 Ibid., p. 253.
210 Ibid., p. 254.
L’émergence 145
Ce couplet eugéniste est sans doute inspiré par les écrits de Francis Gal-
ton, créateur du terme, qui, en 1883, entendait, à partir des travaux de
son cousin Charles Darwin et des théories de Malthus, montrer que l’on
pouvait améliorer la race humaine par une sélection soigneuse de la po-
pulation. On a déjà vu une idée proche chez Boussenard, quant à l’aspect
général des hommes de ce temps, il rappelle les énervés de Robida.
La « bonne société » victorienne semblait affolée par la montée d’un
Lumpenprolétariat dans lequel elle voyait une forme de dégénérescence so-
ciale dont elle redoutait la contagion. Ceci aboutira à la justification d’une
ségrégation forcenée en Afrique du Sud (où Galton s’était rendu en
1850) et aux USA, en passant par la dystopie d’Huxley Le Meilleurs des
mondes (1932), puis à la folie que l’on sait lors de la Seconde Guerre mon-
diale. Cette tendance, chez Flammarion, est confirmée par l’affirmation
de l’émergence d’une race unique, évidemment blanche… il ne manque
plus que « judéo-chrétienne ». Et c’est ainsi que : « Vers le deux centième
siècle environ, l’espèce humaine cessa de ressembler aux singes. »213
Robida s’intéressera, mais à plus court terme à la transformation de
l’homme avec une augmentation de la boîte crânienne, mais on est, chez
lui, assez proche de la pochade. Quelques années plus tard, avec un ma-
tériel à peu près semblable et des intentions qui ne le sont pas moins,
Gaston de Pawlowski ira beaucoup plus loin que Flammarion. Dans
211 Ibid., p. 254.
212 Ibid., p. 254, 255.
213 Ibid., p. 256.
146 La littérature d’imagination scientifique
Par le biais de cette image de la Grande Russie rêvée par les Tsars,
Flammarion reprend un thème qu’il hérite de l’auteur de romans
d’aventure et d’espionnage qui ont commencé à se diffuser avec ceux de
l’Anglais William Le Queux. Par la suite le Capitaine Danrit lancera
l’expression de « péril jaune » dans son roman, L’invasion jaune en 1905 et
dont on trouvait déjà quelques marques dans certains romans de Paul
D’Ivoi. Pour la Chine, à cette époque, Camille Flammarion avance le
chiffre d’un milliard d’habitants, ce qui semblait alors énorme alors que
ce chiffre a été atteint en 1980. Ici, installés sur la Mer Caspienne en Rus-
sie, comme en France, les Chinois ont peuplé l’Aquitaine.
Flammarion revient partiellement sur des hypothèses émises dans la
première partie de cette histoire avec une double hypothèse pour la
transformation physique du pays : soit un affaissement, soit une éléva-
tion géologique de la France de 50 m. Son dessin en serait considérable-
ment modifié. C’est ce qui s’est passé au cours des siècles et c’est ce que
le monde a connu depuis sa formation. Mais ce n’est pas le seul change-
ment prévisible.
« Le Progrès est la loi suprême imposée à tous les êtres par le Créa-
teur. (…) nous constatons que le Progrès régit la nature et que tout être
créé évolue constamment vers un degré supérieur. »215 Cette profession
de foi darwinienne introduit une nouvelle étape dans la réflexion de
Flammarion.
214 Ibid., p. 259.
215 Ibid., p. 275, 276.
L’émergence 147
L’homme que nous avons déjà vu évoluer vers une race unique, mais
petit avec une grosse tête (en schématisant) et malgré tout beau, a égale-
ment dépassé le stade des six sens primitifs pour atteindre « une délica-
tesse exquise. »216 Ce nouvel homme, ce mutant a développé :
…un septième sens, le sens électrique [qui permettait] selon les tempé-
raments, d’exercer une attraction ou une répulsion sur les corps, soit vi-
vants, soit inertes. Mais le sens qui dominait tout les autres et qui jouait
un grand rôle dans les relations humaines, c’était assurément le huitième,
le sens psychique, qui faisait communiquer entre elles les âmes à dis-
tance.217
L’amour était devenu la loi suprême, portant son propre but en lui-
même, laissant dans l’ombre et dans l’oubli l’antique devoir de la perpé-
tuité de l’espèce (…) Depuis longtemps, d’ailleurs, c’était des rangs du
peuple que sortaient les générations solides ; car les couches aristocra-
tiques énervées n’avaient que de rares descendants chétifs et infirmes et
l’on avait vu dans les resplendissantes cités une nouvelle race de femmes
ramener sur le monde le charme caressant et lascif des voluptés orien-
tales, raffinées encore par le progrès d’un luxe extravagant.219
219 Ibid., p. 278, 279.
220 Ibid., p. 280.
L’émergence 149
néplaine au bout de neuf millions d’années. Il est vrai que l’idée de dérive
des continents et par la même la tectonique des plaques, ne sera présen-
tée par Alfred Wegener qu’en janvier 1912, mais sans convaincre,
comme cela avait été le cas pour Mendel.
C’est l’étude des fonds marins dans les années 1960 qui relancera
cette idée à partir du modèle de Convection de Hess (1960). C’est elle
qui empêchera la Terre de ressembler à la bille que prévoit Flammarion.
En revanche, le refroidissement de la Terre entraîna la disparition pro-
gressive de l’eau qui s’enfonça toujours plus profondément dans la terre
et la Terre – c’est ce que l’on retrouvera chez Rosny dans La Mort de la
Terre – s’est mise à ressembler à la Mars fantasmatique de Schiaparelli.
« Cette époque marqua l’apogée de l’humanité terrestre. À partir de là, les
conditions de la vie s’appauvrirent. (…) le jour vint où la décadence
commença. »225
Et c’est ce qu’avec beaucoup de redites, Flammarion va développer
dans les derniers chapitres de son roman, jusqu’à une fin dramatique qui
rappelle ce que Wells montre dans un passage de La Machine à explorer le
temps (1895), ou la fin du monde décrite par William Hogson dans La
Maison au bord du monde (1908).
Ce qui reste de population s’est réfugié à l’équateur. Partout des villes
fantômes. Presque plus d’eau, un air raréfié, une température qui tend
vers zéro, plantes et animaux disparaissent aussi. Si le premier homme
s’appelait Adam, avec un A pour D, le dernier sera Omegar, avec Ome
pour :, première et dernière lettres de l’alphabet grec. « L’héritier du
genre humain sentit se condenser dans sa pensée le sentiment profond
de l’immense vanité des choses. »226 Au moment où il songe au suicide,
un sentiment inconnu l’arrête. Or, sur l’ancienne Ceylan, la dernière
femme, Eva, médite sur son peu d’avenir. Heureusement, grâce à ses
pouvoirs psychiques, elle a repéré Omegar qui arrive peu après : « Vous
m’avez appelé : je suis venu. »227 Tous deux rêvent de l’inaccessible Jupi-
ter, la terre en devenir. Pour oublier, ils sillonnent la Terre morte
jusqu’en Égypte où ils rencontrent le fantôme de Khéops et meurent sur
les vestiges d’une pyramide. Un pâle soleil brûla encore quelques millions
d’années avant de devenir une boule noire. Le temps entre en stase.
Flammarion est plus un essayiste et un conférencier vulgarisateur
qu’un romancier. Son imaginaire reste faible et même s’il connaît bien les
225 Ibid., p. 297, 298.
226 Ibid., p. 324.
227 Ibid., p. 336.
L’émergence 151
décrit dans la revue La Nature : Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie.
Suivi de : Bulletin météorologique de La Nature, Boîte aux lettres, Nouvelles scientifiques in « Le ba-
teau électrique de M. G. Trouvé ». Paris : Masson, 1881, p. 19.
229 D’IVOI, Paul. La Diane de l’archipel. Paris : Tallandier, 1897, p. 194.
152 La littérature d’imagination scientifique
trade devant une sorte de clavier aux touches noires et blanches alter-
nées, Taxidi se tenait raide, les yeux fixés sur des hublots trouant la paroi
à la hauteur de sa tête, qui lui permettaient de voir au dehors. Un fanal
électrique, encastré dans l’enveloppe du wagon, éclairait à la fois le com-
partiment et la route sur laquelle roulait l’automobile.230
Cette sorte de blindé électrique sera de nouveau utilisé par Paul D’Ivoi
dans La Capitaine Nilia en 1898. Le Karrovarka est également un véhicule
amphibie : « …nous flotterons, mon appareil étant incomparablement
plus léger que le volume d’eau qu’il déplace. »231
Voilà qui rappelle l’expérience tentée en 1804 par un pharmacien
américain, Oliver Evens, qui avait mis derrière un chariot de pionnier, un
« Prairie schooner », une roue à aubes entraînée par un moteur à vapeur,
l’ensemble roulait sur terre et se comportait comme un bateau sur l’eau.
D’ailleurs cet usage mixte est contenu dans le nom de l’appareil,
comme l’expliquera Taxidi à ses invités. Le nom de son blindé provient
du grec, Karros pour chariot et Varka pour bateau qui se propulse à la vi-
tesse « invraisemblable de cinquante kilomètres heure. Ce n’était plus une
automobile, mais un train lancé à toute vapeur. »232
Ce véhicule contient une autre invention étrange de Taxidi :
230 Ibid., p. 196, 197.
231 Ibid., p. 202.
232 Ibid., p. 215.
L’émergence 153
rant (…) vous ne pèserez plus, et il vous sera loisible de vous étendre sur
l’air ambiant à la hauteur qui vous conviendra.233
233 Ibid., p. 207-209.
234 Cité par Pierre Versins, in op. cit., p. 53.
154 La littérature d’imagination scientifique
L’avion, qui était encore une sorte d’Éole perfectionné, dans le Cou-
sin de Lavarède (1897), grandement imité de l’aéronef de Robur de Verne,
L’Épouvante, est maintenant devenu quelque chose de courant. D’Ivoi fait
même allusion aux pionniers de l’époque, comme les frères Voisin :
« Puis son entrée chez les frères Loisin, les constructeurs d’aéroplanes de
Billancourt… »237, montre que D’Ivoi a bien pris en compte le progrès
technique au-delà de la simple spéculation représentée par le « télé-
phote ».
Mais déjà, le jeune ingénieur et aviateur, François de l’Étoile, songe à
un appareil révolutionnaire dont l’Allemagne rêve de s’emparer, ce qui
nous conduit du roman d’aventure spéculative, au roman d’espionnage
mis à la mode par l’Anglais Le Queux. D’ailleurs, une certaine Miss
Veuve fera exploser une usine en Allemagne, elle volera les plans de
François de L’Étoile, puis elle se rend à Paris pour éliminer des criminels
235 Voir : http://www.ina.fr/economie-et-societe/environnement-et-urbanisme/video/
CAF86014983/a-quand-la-voiture-electrique.fr.html
236 D’IVOI, Paul. L’Aéroplane fantôme : le voleur de pensée. Paris : Ancienne Librairie
238 D’Ivoi précise que c’est un explosif « analogue à la dynamite ». En fait, c’est un com-
Conséquence : un froid d’environ cent degrés au-dessous de zéro dans toute la zone
avoisinante… » in VERNE, Jules. Les Cinq cent millions de la Bégum, p. 133.
156 La littérature d’imagination scientifique
Les fenêtres étaient fermées, la porte était également fermée à clef, mais
le prisonnier, ou plutôt la prisonnière puisqu’il s’agit de Miss Veuve, a
disparu. Un mystère digne de celui de la Chambre jaune (1908) de Gaston
Leroux.
Tout ceci n’empêche pas le déroulement d’une parade militaire où
est présenté un nouvel aéroplane, accompagné de trois zeppelins. « Il est
énorme. Il peut porter quinze hommes. C’est presque un navire aérien.
Ses dimensions sont colossales. »242
On sent que les mots manquent à D’Ivoi pour décrire cet appareil
qu’il voudrait gigantesque et somptueux, mais juste à ce moment-là, les
trois zeppelins qui étaient à cette démonstration, s’abattent ensemble,
anéantis par Miss Veuve.
Elle survole alors le lieu de ses exploits dans un mystérieux appareil :
244 Ibid., p. 208-210.
158 La littérature d’imagination scientifique
Nous avons encore affaire, comme le stylo à acide carbonique, à une in-
vention quelque peu délirante.
D’Ivoi, dans la mesure où il prête beaucoup aux ondes hertziennes et
surtout dans la mesure où il néglige le problème de l’alimentation de son
arme, présente quelque chose qui serait tout juste bon, dans le volume
mis en jeu, à n’être qu’un briquet fonctionnant grâce à l’effet piézo-
électrique.
D’Ivoi n’en exploitera pas moins un appareil semblable dans Les Vo-
leurs de foudre (1912) qui provient peut-être d’une idée qu’il avait exploitée
dans Le Prince Virgule (1904) où il présentait un projeteur parabolique ca-
pable d’envoyer un rayon de radium focalisé et tueur. Il utilisera encore
245 Ibid., p. 242.
246 Ibid., p. 243, 244.
L’émergence 159
le radium dans deux romans : Le Roi du radium (1908) et Le Radium qui tue
(1910). Il est vrai que la découverte du radium en 1898 par Marie Curie
et son prix Nobel en 1903, a marqué les esprits comme on le verra, mais
D’Ivoi ne pouvait envisager que ce même radium tuerait Marie Curie en
1934.
Le sommet de l’inventivité technologique semble avoir été atteint par
Paul D’Ivoi dans Docteur Mystère (1899) où l’électricité est encore reine.
L’essentiel du roman se déroule en Inde où apparaît un surprenant,
mais bienveillant Dr Mystère avec une machine qui, par certains côtés,
rappelle encore le Karrovarka de Taxidi dans La Diane de l’archipel. D’Ivoi
décrit l’appareil avec force détails.
247 D’IVOI, Paul. Le Docteur Mystère. Paris : J’ai Lu, 1983, p. 32, 33 (« Voyages excen-
triques », n° 1458).
248 Ibid., p. 46.
160 La littérature d’imagination scientifique
argent et jaune d’or, puis un salon (…) Ici encore les cloisons représen-
taient les deux teintes de l’aluminium et du bronze, mais ce n’étaient plus
des quadrilatères qui y étaient figurés. Non, sur tout le pourtour de la
salle, des personnages combattaient, priaient ; des guerriers, des prêtres,
des femmes se groupaient, illustration métallique du grand poème brah-
manique, le Mahabaharata (…) dans la salle à manger. Ici les combinai-
sons de l’aluminium formaient sur les murs des guirlandes de fleurs. (…)
« J’allais oublier (…) » Du doigt il désignait une rangée de boutons ali-
gnés à droite de la fenêtre. « Sous chacun de ces « appels » électriques,
Messieurs, se trouve, vous le voyez, une étiquette portant le nom d’une
des liqueurs préférées par les hommes en tous pays. Pour être servis à
votre goût, il vous suffira d’appuyer sur le bouton correspondant à la
boisson choisie ».249
J’entrais alors dans une salle à manger, ornée et meublée avec goût sé-
vère. De hauts dressoirs de chêne, incrustés d’ornements d’ébène,
s’élevaient aux deux extrémités de cette salle, et sur leurs rayons à ligne
ondulée étincelaient des faïences, des porcelaines, des verreries d’un
prix inestimable. La vaisselle plate y resplendissait sous les rayons que
versait un plafond lumineux, dont de fines peintures tamisaient et
adoucissaient l’éclat.250
249 Ibid., p. 47, 48.
250 VERNE, Jules. Vingt mille lieues sous les mers. Paris : Hetzel, 1871, p. 71.
251 D’IVOI, op. cit., p. 48.
L’émergence 161
Si l’on projette dans une salle des rayons Röntgen sur les murailles, préa-
lablement garnies de panoplies, clous, armes de métal, il se produit entre
les divers objets des étincelles électriques d’une puissance extraordinaire.
(…) lesdits rayons avaient le pouvoir de décomposer subitement en posi-
tive et négative l’électricité neutre répandue à la surface de tous les
corps.255
255 Ibid., p. 79, 80.
L’émergence 163
Si donc, à la partie supérieure de mon réflecteur, j’ai une mire V fixe, pa-
rallèle à B, il me suffira de viser par le cran de mire l’objet à atteindre, et
le miroir, tournant sur des tourillons, le couvrira de son faisceau.257
Autant D’Ivoi n’a pas été prolixe sur son émetteur d’ondes hert-
ziennes, autant il est disert sur son émetteur de rayons X, actualité oblige.
Par ailleurs, si D’Ivoi donne d’amples explications sur son « rayon de la
mort », on peut même se demander s’il ne s’est pas quelque peu inspiré
de celui des Martiens de Wells. Comme on le verra, Wells ne parle que
d’un miroir parabolique sans fournir de plus amples détails.
Ce roman va nous révéler une nouvelle invention du Dr Mystère.
…le savant ouvrit une armoire et en tira deux cottes de mailles extrê-
mement fines, avec jambières et molletières. (…) chacun des éléments de
ces armures défensives affectait la forme d’une minuscule bobine de
Rumhkorff. Les deux personnages revêtirent les cottes, les recouvrirent
de leurs blouses. « Maintenant, déclara Mystère, nul ne pourra nous tou-
cher sans être foudroyé. (…) l’électricité ne se manifeste que si l’on ap-
puie sur cette plaque. (…) Le docteur avait pris à ce moment deux
cannes, noires terminées par des pommes d’or, il les avait fixées à une
machine productrice d’électricité et avait actionné les rouages. « Pendant
que nos cannes foudroyantes se chargent… »258
259 Ibid., p. 374.
L’émergence 165
8 – Charles Cros
Voilà qui permet de vérifier les effets des feux de l’amour grâce à la mi-
niaturisation qui a débuté avec l’horlogerie. Mais les inventions de
Charles Cros en la matière ne se limitent pas qu’à cela puisque la jeune
Virginie, cédant à la passion, s’abandonne dans une chambre scientifi-
quement aménagée :
274 Cette nouvelle a été publiée en avril 1874 dans La Revue du monde nouveau, elle pourrait
avoir inspiré la nouvelle de Villiers « L’Appareil pour l’analyse chimique du dernier sou-
pir » publié dans La Semaine parisienne en mai 1874.
275 CROS, Charles et CORBIÈRE, Tristan. Œuvres complètes. Paris : Gallimard, 1970, p.
rante-quatre peut être souvent dépassé par les gens violemment amou-
reux.277
Ne fais pas le malin. Tu sais bien que depuis l’invention du célèbre Amé-
ricain Tadblagson, nos cervelles ont été exécutées en platine par galva-
noplastie ; que quand elles sont usées, on nous en reposera un autre
exemplaire pareil, puisque les moules en sont conservés et catalogués à
l’Hôtel de Ville.279
277 Ibid., p. 231.
278 Cette nouvelle, que Castex pense avoir été inspirée par la nouvelle de Villiers, « La
Machine à gloire » (1874) in Contes cruels, a été publiée une première fois en 1880 dans
Tout Paris, puis remaniée et actualisée pour une publication dans Le Chat noir en 1886, et
remanié une dernière fois pour être incluse dans Le Collier de griffes. C’est cette dernière
version qui figure dans l’anthologie « Pléiade ».
279 CROS, op. cit., p. 235. Tadblagson (Fils de Tas de Blagues) est peut-être une allusion à
Thomas Edison que Cros n’avait pas en sympathie pour lui avoir « volé » le principe du
phonographe et l’avoir fait breveter.
168 La littérature d’imagination scientifique
…ont tous des figures de déménageurs ; ils sont tous vêtus de toile grise,
avec un numéro d’ordre au collet. Tous ont une forme de chapeau en
forme de citrouille qui s’applique sur leur front (…) Les dix rédacteurs
du bout [de la table] se collent un téléphone à l’oreille gauche et écrivent
de leur main droite sur du papier en bande continue (…) A mesure que
la surface se couvre d’écriture, elle est entraînée, à travers une rainure,
dans le sous-sol où est l’imprimerie.280
propriant de leur cerveau, dont tout modèle revient à l’Etat. (…) Nous
prenons, comme vous voyez nos rédacteurs dans les classes les plus mo-
destes ; ils sont plus réguliers, moins chers, et mettent moins de leur
fond propre dans le travail. (…) Cinq heures et quart… Stop ! La copie
est finie. Tous les rédacteurs posent plume et téléphones. Tous remettent
leurs chapeaux dans des cases numérotées et s’en vont, idiots comme
avant de s’être coiffés, touchent chacun 3 fr. 50 à la caisse.282
282 Ibid., p. 236, 237.
283 Ibid., p. 238.
4
1 – Jules Verne
1 MURAY, Philippe. Le XIXe siècle à travers les âges. Paris : Gallimard, 1999, p. 345 (Tel, n°
304).
2 CLAMEN, Michel. Jules Verne et les sciences : Cent ans après. Paris : Belin/Pour la science,
3 Ibid., p. 12.
4 VERNE, Jules. Paris au XXe siècle. Paris : Hachette, 1994, p. 13 (« Préface » de Piero
Gondolo della Riva). Les dates données par la suite pour les romans de Verne, sont celles
fournies par le site « La Maison Jules Verne » d’Amiens.
5 Ibid., p.16.
Les maîtres du genre 173
Les idées fusent, mais elles ne sont pas ou mal contrôlées et on se dit
qu’Hetzel a sans doute bien fait de ne pas publier ce manuscrit qui dé-
marquait partiellement Le Père Goriot, même si l’éditeur n’a pas remarqué
que Michel n’est jamais qu’un Rastignac transi et timoré.
Comme son modèle, dans le dernier chapitre du roman, Michel va
errer dans les allées du Père Lachaise, « là où Balzac sortant de son lin-
ceul de pierre, attendait sa statue. »6 L’allusion est pourtant bien criante,
mais le flot des reproches était déjà sans doute assez abondant pour
qu’Hetzel n’en rajoute pas. En dépit d’une profusion brouillonne et mal-
gré certaines situations assez naïves, Verne a tenté de présenter une
France à la fois proche du monde contemporain et résolument moderne,
tout en essayant de rester aussi cohérente que possible. Ce n’était pas fa-
cile à faire, surtout sans bénéficier de points de référence.
En 1862, on n’a pas la moindre idée de ce que peut être la prospec-
tive et ce qui ressemble le plus à l’anticipation se trouve dans les utopies
et quelques romans. La seule base de Verne est sa passion pour les
sciences, passion qui lui serait venues de lectures faites à la Bibliothèque
Nationale. Reste l’extrapolation, mais on sait que Verne avait
l’imagination fertile, aussi peut-on penser que le refus d’Hetzel a sans
doute permis à Verne de canaliser cet imaginaire, de le distiller à petites
doses au fil de ses romans d’aventure au lieu de chercher à tout livrer
l’espace d’un roman.
L’action débute le 13 août 1960 dans une France impériale, ce qui
confirme bien une rédaction antérieure à 1870 et l’idée que le second
Empire était bien fait pour durer.
Le jeune Michel Dufrénoy arrive à Paris, plus doté d’ambition que de
fortune ou de capacités. Pour aller chez son oncle, Michel traverse la ca-
pitale et s’extasie devant le seul établissement d’enseignement qui y
existe, celui du Crédit instructionnel7, où les sciences sont reines et sont
« apprises par des moyens mécaniques »8. Verne ne précise pas quels
sont ces moyens, faut-il y voir quelque chose qui s’apparenterait aux la-
boratoires de langues, quelque chose qui ferait intervenir un appareillage
technique ?
6 Ibid., p. 203.
7 Ce néologisme avait beaucoup irrité Hetzel. La rapide description que Verne fait de ce
bâtiment rappelle le « Palais de l’Industrie » édifié pour l’Exposition Universelle de Paris
de 1855.
8 Op. Cit, p. 32.
174 La littérature d’imagination scientifique
Bien que tout le monde ne sache pas lire et écrire, ce qui était encore
le cas à l’époque où Verne rédige ce roman, en 1960 l’enseignement du
français est pratiquement tombé en désuétude.
On pourrait voir là quelque chose de prémonitoire si l’on se réfère au
nombre croissant d’élèves illettrés ou partiellement illettrés, arrivant en
sixième et au faible niveau d’exigences requis quant à la maîtrise de la
langue (tests de 6e). En revanche, dans ce Paris de 1960 l’apprentissage
des langues étrangères tient presque autant de place que celui des
sciences : « un philologue passionné aurait pu apprendre les deux mille
langues et les quatre mille idiomes parlés dans le monde entier »9. Les
chiffres donnés par Verne sont fantaisistes, mais cet aspect contraste
avec ce que l’on a vu chez les utopistes présocialistes, chez qui l’appren-
tissage des langues vivantes n’était pas une priorité puisque l’intelligentsia
européenne maîtrisait le français.
Un peu plus tard, comme le rappelle Claudia Bouliane dans une tout
autre lecture de ce roman, Michel Dufrénoy recevra un prix de vers la-
tins, le dernier qui soit décerné :
…le jeune poète lauréat essuie une suprême insulte lors de la cérémonie
de la collation de grade : alors que le récipiendaire du prix de mathéma-
tique reçoit « une bibliothèque de trois mille volumes » Michel reçoit « un
volume unique : le Manuel du bon cuisinier ». Le message est clair.10
Cette mise en place qui semble un peu loin de nos préoccupations est
quand même assez proche de ce que l’on connaît au début du XXIe
siècle avec une forte valorisation des sciences exactes (la doxa veut que
l’on ne fasse de recherches qu’en sciences, tout autre recherche est tenue
pour quantité négligeable) et de l’anglais qui devient la langue vernacu-
laire seconde, alors que le français qui était la langue de la culture péri-
clite, s’effondre, en dépit d’une francophonie moribonde, mais floris-
sante sur le papier.
De passage dans cette noble institution, Michel participe à la remise
des prix (en plein mois d’août ?) qui couronne la fin de l’année scolaire.
L’émerveillement que ressent le jeune Michel est alors, pour Verne, le
9Ibid., p. 33.
10BOULIANE, Claudia. «Je suis ce héros, répondit hardiment Michel». Paris au XXe siècle
de Jules Verne. In Actes du premier colloque du Centre de recherche interuniversitaire en
sociocritiques des textes (CRIST), tenu à l’Université de Montréal les 6 et 7 mars 2009 in
http://www.post-scriptum.org n°10, sept. 2009
Les maîtres du genre 175
13 Ibid., p. 41.
14 Voir : http://www.amtuir.org/03_htu_generale/htu_1_avant_1870/htu_1.htm
15 Ibid., p. 42, 43.
Les maîtres du genre 177
… les uns voulaient établir un chemin [de fer] à niveau dans les princi-
pales rues de Paris ; les autres préconisaient les réseaux souterrains imités
du railway de Londres ; mais le premier de ces projets eut nécessité
l’établissement de barrières fermées au passage des trains (…) le second
entraînait d’énormes difficultés d’exécution ; d’ailleurs la perspective de
s’enfourner dans un tunnel interminable n’aurait rien d’attrayant pour les
voyageurs.16
20 Ibid., p. 46.
180 La littérature d’imagination scientifique
23 Ibid., p. 52.
24 Ibid., p. 52.
25 Ibid., p. 54.
182 La littérature d’imagination scientifique
En moins de quinze ans, un ingénieur civil (…) creusa un canal qui par-
tant de la plaine de Grenelle allait aboutir un peu en dessous de Rouen ;
il mesurait 140 kilomètres de longueur, 70 mètres de largeur et 20 mètres
de profondeur (…) Ainsi du Havre à Paris, la navigation n’offrirait au-
cune difficulté.28
Quant au Léviathan IV, il a été inspiré à Jules Verne par le Great Eas-
tern, un bâtiment de 211 mètres de long, 25 mètres de large, 18 mètres de
haut. Il était propulsé par des roues à aube et une hélice. Conçu par
l’ingénieur Isambard Kingdom Brunel, il avait un équipage de 418
hommes et pouvait transporter 4 000 passagers, ce qu’il ne fera jamais
entre sa mise à l’eau en 1856 et son découpage pour la mise à la ferraille
28 Verne, op. cit., p. 133.
29 VERNE, Jules. Les Cinq cent millions de la Bégum. Paris : Hetzel , 1906, p. 79.
184 La littérature d’imagination scientifique
Si l’effet vernien [comme le note Pierre Citti] réside en partie dans ce jeu
du contexte (…) selon les conditions qui prévalaient dans les années
1850 et 1860. On pensera d’abord au contexte d’un état d’esprit scienti-
fique qui fait autorité et domine l’opinion…32
et c’est bien pour cela que l’on verra souvent Jules Verne faire attester
l’aspect scientifique de ses romans, comme l’explique Michel Clamen,
comme ce fut le cas en particulier pour Sans dessus dessous (1888).
30 Verne, op. cit., p. 187.
31 CLAMEN, Michel. Op. cit, p. 122.
32 CITTI, Pierre. « La Génération Jules Verne » in Jules Verne. Paris : Europe, 2005, p. 69
(n° 909-910).
Les maîtres du genre 185
Verne, doit tenir compte d’un public averti, qui lit comme lui des ar-
ticles et des revues de vulgarisation et qui est baigné par l’esprit positif
qui s’est dégagé des travaux d’Auguste Comte. Si bien que le projet de
Verne n’est pas tant de parler de la science comme le ferait un vulgarisa-
teur, mais de fonder son discours sur une relation positive avec l’esprit
de progrès, pour donner la science à voir à ses jeunes lecteurs. « La
science se fonde donc sur cette tentative de substitution de la lettre au si-
gnifiant. Il s’agit d’une tentative de séparation d’avec le savoir mythique
qui définit le projet de la science. »33
Ce premier roman prophétique n’aura pas de suite immédiate, Verne
va focaliser son récit sur un événement principal qu’il agrémente d’un
appareillage scientifique propre à éveiller l’imaginaire, mais dans un do-
maine limité, avec une volonté qui sera plus didactique que prophétique,
se souvenant qu’il s’adresse d’abord à des enfants et c’est ce qui provo-
quera la fureur de Jacques van Herp : « Ainsi donc le succès de l’œuvre
fit que la science-fiction devint un sous-produit de la littérature enfan-
tine. »34 C’est ainsi que Verne est resté dans l’histoire de la littérature,
contrairement à quelques-uns de ses contemporains qui ont écrit dans le
même domaine comme Boussenard, D’Ivoi, Groc, Robida et même
Rosny Aîné dont on ne garde en mémoire que son roman préhistorique,
La Guerre du feu. Le seul qui ait survécu à côté de Verne est Wells parce
qu’il fut réellement un novateur dans le domaine.
Adossé à la science, Verne va la réifier, mais à la suite de l’échec de
Paris au XXe siècle, il se méfie et il ne donnera un texte semblable qu’un
quart de siècle plus tard et encore ne s’agit-il que d’une nouvelle : « La
Journée d’un journaliste américain en 2889 »35 qui a été publiée une pre-
mière fois en février 1889 dans la revue américaine The Forum, peut-être
sur commande à Verne de son directeur Lorettus S. Metcalf, puis en
français dans 1910 dans la revue Hier et demain, dans une version révisée.
Le récit débute par une remarque proche de celle qui clôturait le se-
cond chapitre de Paris au XXe siècle :
33 ALBERTI, Christiane, ASKOFARÉ, Sidi et LATERRASSE, Colette. « Savoir my-
08/01/2004, 23 p.
186 La littérature d’imagination scientifique
1963 et 197438 alors qu’il aurait coûté beaucoup moins cher en infras-
tructures et fonctionnement que le TGV, tout en étant plus rapide.
Verne adopte le téléphone que Bell a mis au point en 1875 et re-
prend une idée qu’il avait déjà utilisé partiellement dans Le Château des
Carpates (1884-89) et qu’il expliquera peu après. Ce « téléphote » a égale-
ment inspiré Paul D’Ivoi, mais aussi le Capitaine Danrit qui s’en sert
dans La Guerre de demain (1894) : « …on voit l’image de son correspon-
dant se refléter sur une glace spéciale avec une netteté très suffisante et
on pourra bientôt se saluer avant de causer au téléphone. »39 Le nom
« téléphote » avait été popularisé dès 1882 par le Comte Théodore du
Moncel dans son article sur les communications publié dans Le Micro-
phone, le radiophone et le phonographe. Paris : Librairie Hachette, 1882, p. 289-
319 (Bibliothèque des merveilles). Le terme sera repris en 1925 par
l’ingénieur Dauvillier pour baptiser l’un des lointains ancêtres de la télé-
vision, appareil qui transmettait des images rudimentaires.
En 2889, on semble avoir domestiqué l’énergie grâce à ce qui est
peut-être la découverte d’accumulateurs photo-voltaïques surpuissants et
grâce au changement d’état de la matière en jouant sur l’effet de vibra-
tion des atomes. « Ils ont donné à l’homme une puissance à peu près in-
finie. »
En 2689, la capitale américaine a changé, elle s’est déplacée de Was-
hington à une nouvelle ville, Centropolis (ou Universal-City ?), comme le
feront les Brésiliens en passant de Rio à Brasilia en 1960. Le journal de
Francis Bennett42 s’est également déplacé en devenant alors l’Earth He-
rald. L’édition papier n’existe plus.
Chaque matin, au lieu d’être imprimé comme dans les temps antiques, le
Earth Herald est « parlé ». C’est dans une rapide conversation avec un re-
porter, un homme politique ou un savant, que les abonnés apprennent ce
qui peut les intéresser. Quant aux acheteurs au numéro, on le sait, pour
quelques cents, ils prennent connaissance de l’exemplaire du jour dans
d’innombrables cabinets phonographiques.43
38 Voir : http://www.dailymotion.com/video/x1hv5k_aerotrain-jean-bertin_tech
39 Cité par Pierre Versins in op. cit. p. 222.
42 C’est une référence à James Gordon Bennett Jr. (1841-1918), magnat de la presse et fils
de l’éditeur du New York Herlad, francophone et grand amateur de sport. Francis est pré-
senté comme son lointain petit-fils : «Vingt-cinq générations se sont succédées, et le New-
York Herald s’est maintenu dans cette remarquable famille des Bennett. » On retrouvera
ce journal dans L’Île mystérieuse.
43 VERNE, Op. cit., p. 4.
188 La littérature d’imagination scientifique
Grâce à cette fortune, Francis Bennett a pu bâtir son nouvel hôtel – co-
lossale construction à quatre façades, mesurant chacune trois kilomètres,
et dont le toit s’abrite sous le glorieux pavillon soixante-quinze fois étoilé
de la Confédération.44
44 Ibid., p. 4.
45 Ibid., p. 5.
Les maîtres du genre 189
France était d’à peu près 45 ans, il a atteint les 70 ans en 1960 et il dé-
passe 80 ans au début des années 2000.
Pour Verne, ce progrès est dû à une théorie qu’il ne nomme pas,
l’hygiénisme, qui est apparu au milieu de XIXe siècle pour prévenir les
maladies, courant dont il s’est déjà servi dans Les 500 millions de la Bégum.
L’hygiénisme est responsable de la naissance des compétitions spor-
tives46 comme les Jeux olympiques en 1896, c’est pourquoi Verne fait ré-
férence aux bienfaits de la gymnastique. Quant à l’air nutritif, c’est sans
doute celui dont rêvent encore aujourd’hui les écologistes radicaux, à
moins que ce soit celui dont se nourrissait Cyrano de Bergerac en hu-
mant les odeurs sortant des cuisines de Cyprien Raguenau vers 1630, au
149 Rue St Honoré, mais Verne en avait déjà parlé dans L’École des Robin-
sons (1882).
Après ces préliminaires, Verne fait débuter son histoire le 25 juillet
2889. Francis Bennett se réveille et maussade, appelle sa femme partie à
Paris « acheter ses chapeaux », ce qui est une image de la « jet society » ac-
tuelle. Cet événement nous permet de savoir ce qu’est le « téléphote » :
…pénètre dans son habilleuse mécanique. Deux minutes après, sans qu’il
eût recours à l’aide d’un valet de chambre, la machine le déposait, lavé,
46 Ce sont souvent des sports de l’élite : tennis, polo, golf, aviron,…
47 Ibid., p. 5, 6.
190 La littérature d’imagination scientifique
coiffé, chaussé, vêtu et boutonné du haut en bas, sur le seuil de ses bu-
reaux.48
Nous avons là une de ces machines qui vont ponctuellement émailler les
récits de science-fiction alimentaire. L’automate qui fait tout, vite et bien,
mais qui n’a pas encore trouvé d’équivalent pratique sauf la machine à
faire manger l’ouvrier que Charlot expérimente avec le succès que l’on
sait dans Les Temps modernes. Bennett va visiter son journal.
Il commence par voir les cent feuilletonistes qui racontent les der-
niers épisodes de leurs productions aux abonnés. Là il félicite l’un pour la
mise en scène d’une villageoise philosophe, une sorte de Mme Nicolas
d’un nouveau Restif et tance un autre pour n’être pas assez réaliste et lui
recommande de se faire hypnotiser pour retrouver les fondements de sa
personnalité. Cette charge contre Hetzel et la psychanalyse émergente
terminée, Bennett va voir ses 1 500 reporters qui annoncent les nouvelles
aux abonnés par la voix, mais aussi en leur communiquant des photo-
graphies.
On apprend alors que Mercure, Vénus et Mars sont peuplées et que
sur cette dernière planète, il y a « une révolution dans le Central Empire,
au profit des démocrates libéraux contre les républicains conserva-
teurs. »49 Quant aux nouvelles de Jupiter, elles tardent à venir et même en
ce qui concerne la Lune si l’on sait que la face visible est déserte, Bennett
pense que sa face cachée est peut-être peuplée : « Et, ce jour-là, les sa-
vants de l’usine Bennett piochèrent les moyens mécaniques qui devaient
amener le retournement de notre satellite. »50 Si l’on pensait encore que
Mars soit peuplée par une civilisation avancée, grâce aux « canaux » dé-
couverts par Giovanni Schiaparelli au début de 1877, si l’on supposait
que Vénus soit une Terre en devenir, encore à l’heure de la préhistoire,
envisager un peuplement de Mercure, aussi près du soleil et de Jupiter
qui en est aussi loin, est tout bonnement déraisonnable. Quant à vouloir
retourner la Lune, c’est du délire, certes, mais nous ne sommes pas loin
de ce qui avait été proposé dans Sans dessus dessous (1889).
Comme nous l’avons vu dans Paris au XXe siècle, Verne se laisse par-
fois aller à des exagérations, quelques fois humoristiques comme ici. On
en retrouve dans la phase suivante, Bennett passe dans la salle de rédac-
tion scientifique.
48 Ibid., p. 6.
49 Ibid., p. 8.
50 Ibid., p. 9.
Les maîtres du genre 191
Penchés sur leurs compteurs, trente savants s’y absorbaient dans des
équations du quatre-vingt-quinzième degré. Quelques-uns se jouaient
même au milieu des formules de l’infini algébrique et de l’espace à vingt-
quatre dimensions, comme un élève d’élémentaire avec les quatre règles
de l’arithmétique.51
51 Ibid., p. 8.
52 Ibid., p. 9, 10.
192 La littérature d’imagination scientifique
53 Ibid., p. 10.
54 Ibid., p. 11.
55 FRANQUIN. Z comme Zorglub. Paris : Le Livre de Poche, 1988, p. 151 (n° 2058).
56 VERNE, op. cit., p. 11.
Les maîtres du genre 193
57 Ibid., p. 10.
58 Ibid., p. 11.
59 Ibid., p. 11.
60 Ibid., p. 12.
61 Ibid., p. 13. Ou plus exactement « America first » = l’Amérique d’abord.
194 La littérature d’imagination scientifique
62 Ibid., p. 14.
63 Voir ma thèse d’État, Émergence d’une nouvelle science fiction en 1960… Limoges, 1989,
1635 p.
64 VERNE, op. cit., p. 16.
Les maîtres du genre 195
h 31 mn, soit à plus de 2 000 km/h, ce qui est deux fois plus rapide que
les « aéro-trains, qui ne font que mille kilomètres à l’heure »70.
On remarquera que l’enthousiasme de Verne lui fait oublier les
forces de frottement et l’échauffement qu’elles entraînent. Si l’on consi-
dère que la profondeur moyenne de l’Atlantique nord est de 3 300 m,
puisque l’on évite là les grandes fosses des Caraïbes ou du Mexique, on
peut difficilement envisager la pose d’un « tube » horizontal souterrain, la
distance entre Paris et Centropolis est beaucoup plus grande par le tub
qu’à vol d’oiseau. Or, à une vitesse supersonique, il doit régner dans
l’appareil pour peu qu’il soit équipé d’un revêtement réfractaire, une cha-
leur très importante que Verne n’envisage pas, mais ce qui rend sa réali-
sation très improbable.
Autre curiosité, c’est Bennett, maître d’un empire de presse, qui
semble en assurer seul la comptabilité, mais à l’aide « du piano-comp-
teur-électrique, Francis Bennett eut bientôt achevé sa besogne en vingt-
cinq minutes. »71 Une fois encore, on peut imaginer qu’il s’agit d’une
simple calculatrice aussi performante que la Pascaline…
La nouvelle s’achève un peu en queue-de-poisson : Nathaniel Faith-
burn n’a pas survécu à son expérience ; fatigué, Bennett décide de pren-
dre un bain, mais sa femme est déjà dans la baignoire… (le maître d’un
empire de presse n’a pas sa propre salle de bain… comme un pauvre
dans son HLM !) comme si un peu plus de 5.30 h s’étaient écoulées en
une trentaine de minutes, ce qui nous replace dans l’hypothèse d’une po-
chade de qualité fort moyenne.
Dans cette nouvelle72, Verne a placé quelques « inventions » intéres-
santes mais parfois touchant au délire comme on a pu le voir dans Paris
au XXe siècle, mais dans l’ensemble, on s’aperçoit que Verne a, de temps
en temps, quelques prémonitions intéressantes tout en restant très à l’é-
coute de ce qui se fait dans les domaines scientifiques et technologiques.
D’autres romans de Verne contiennent aussi des inventions, un ima-
ginaire scientifique assez important, mais contrôlé, que nous allons rapi-
dement étudier ici.
70 Ibid., p. 21.
71 Ibid., p. 21.
72 On sait qu’elle a été passablement remaniée par Michel Verne, dont les idées n’avaient
peut-être pas toujours la qualité de celles de son père… qui avait précisé à Metcalf, qu’il
lui aurait fallu un volume entier pour traiter un tel sujet : « Je n’ai donc pu indiquer que
quelques excentricités du progrès, pour me tenir dans les limites convenues. » Par ailleurs,
il existe diverses versions de ce texte et ce PDF a un contenu peu attesté. Pour un conte-
nu fiable et conforme à l’édition de 1891 voir Daniel Compère à L’Atelier du Gué,
ISBN : 2902333-18-8
Les maîtres du genre 197
73 VERNE, Jules. Vingt mille lieues sous les mers. Paris : Hetzel, 1871, p. 23, 24.
198 La littérature d’imagination scientifique
Dans Vingt mille lieues sous les mers (1866-69) Verne va nous faire dé-
couvrir le monde sous-marin et il va mettre en application des décou-
vertes relativement récentes, à partir desquelles il va légèrement extrapo-
ler. Le professeur Aronnax part à la recherche du narwal géant qui épe-
ronnerait des navires et les ferait couler. Il embarque sur l’Abraham Lin-
coln, une frégate spécialement aménagée pour cette chasse, commandée
par M. Ferragut. Ned Land, un canadien taciturne, est préposé au har-
ponnage du narwal. Au septième chapitre, la frégate est éperonnée par la
« bête ».
Le Professeur Aronnax et son Valet Conseil sont projetés à la mer,
sur la frégate on ne se soucie pas d’eux. Huit ou dix heures plus tard, ils
se retrouvent accrochés avec Ned Land, le harponneur lui aussi naufragé,
sur la coque du Nautilus qui les recueille.
Si l’obus qui emportait Barbicane et ses amis vers la Lune était meu-
blé « bourgeoisement », il en est de même pour la salle à manger du Ca-
pitaine Nemo (p. 71). La nourriture est exclusivement faite à base de
produits marins :
Ce que vous croyez être de la viande (…) n’est autre que du filet de tor-
tue de mer. Voici également quelques foies de dauphins que vous pren-
driez pour un ragout de porc (…) voici une crème dont le lait a été four-
ni par les mamelles des cétacés, et le sucre par les grands fucus de la mer
du Nord, et enfin, permettez-moi de vous offrir des confitures
d’anémones…74
Ces étoffes qui vous couvrent sont tissues [sic] avec le byssus de certains
coquillages ; elles sont teintes avec la pourpre des anciens et nuancées de
couleurs violettes que j’extrais des aplysis [ou « lièvre de mer », mol-
lusque gastéropode] de la Méditerranée. Les parfums (…) sont le produit
de la distillation des plantes marines. Votre lit est fait du plus doux zos-
tère [varech marin] de l’Océan. Votre plume sera un fanon de baleine,
votre encre la liqueur sécrétée par la seiche ou l’encornet. Tout me vient
maintenant de la mer comme tout lui retournera un jour ! 75
74 Ibid., p. 73, 74.
75 Ibid., p. 74.
Les maîtres du genre 199
76 Ibid., p. 84.
77 Ibid., p. 84.
200 La littérature d’imagination scientifique
79 Ibid., p. 93.
Les maîtres du genre 201
80 Ibid., p. 116.
81 Ibid., p. 118.
202 La littérature d’imagination scientifique
…je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que
l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simul-
tanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisable et
d’une intensité que nulle houille ne saurait avoir. (…) Je crois donc que
lorsque les gisements de houille seront épuisés, on chauffera et on se
chauffera avec de l’eau. L’eau est le charbon de l’avenir.82
82 VERNE, Jules. L’Île mystérieuse. Paris : Hetzel, 1875, p. 318. On se reportera aussi, très
utilement à l’édition de Jacques Noiray (pour sa préface et son dossier) dans la collection
« Folio Classique », 2010 (n° 5099).
83 Ibid., p. 461.
84 VERNE, Jules. Les Cinq cents millions de la Bégum. Paris : Hachette, 1915, p. 2.
Les maîtres du genre 203
85 Ibid., p. 75.
86 Ibid., p. 118.
204 La littérature d’imagination scientifique
Le traité de Dublin du 29 mai 2008, signé par 107 pays, interdira (en
principe) l’emploi des armes à sous-munitions. Schultze s’apprête
d’ailleurs à expérimenter ce type d’obus incendiaire dans peu de temps,
sur France-Ville qui n’est qu’à une quarantaine de kilomètres, de l’autre
côté des Cascade-Mounts.
On retrouvera cette idée de course aux armements dans un autre
roman de Verne, à peine moins conjectural, Face au drapeau (1896) où il
présente un explosif « miraculeux », car plus puissant que la dynamite,
87 Ibid., p. 123.
88 De l’acronyme MIRV (Multiple Independently targeted Reentry Vehicle)
89 VERNE, op. cit., p. 136, 137.
Les maîtres du genre 205
90 Ibid., p. 165.
91 Ibid., p. 170.
206 La littérature d’imagination scientifique
92 Ibid., p. 192-194.
93 Ibid., p. 195.
Les maîtres du genre 207
« à toutes les usines établies dans un rayon de cinq cents kilomètres. »94
C’est une idée que l’on retrouvera par la suite dans « La journée d’un
journaliste américain en 2890 ». Au Weldon Institute de Philadelphie, on se
passionne pour les sciences et l’aérostation en particulier, pour constater
que, même dotés d’une hélice, les dirigeables sont très sensibles au vent.
On décide d’en construire un autre, quand arrive Robur, un ingénieur,
qui déclare que : « Le progrès n’est point aux aérostats, il est aux appa-
reils volants. »95 Effectivement, Robur a fabriqué une sorte d’aéroplane :
l’Albatros.
94 VERNE, Jules. Robur-le-conquérant. Paris : Hetzel, 1886, p. 20.
95 Ibid., p. 41.
208 La littérature d’imagination scientifique
Depuis quelque temps, sur les routes qui rayonnent autour de Philadel-
phie, son chef-lieu, circulait un extraordinaire véhicule, dont on ne pou-
vait reconnaître ni la forme, ni la nature, ni même les dimensions, tant il
se déplaçait rapidement. (…) Cette masse roulante, arrivant comme la
foudre, précédée d’un grondement formidable, déplaçait l’air avec une
96Ibid., p. 87-90.
97 Origine : http://fr.wikisource.org/wiki/Ma%C3%AEtre_du_monde (volume non pa-
giné).
Les maîtres du genre 209
violence qui faisait craquer les branchages des arbres (…) Et – détail bi-
zarre (…) le macadam des chemins était à peine entamé par les roues de
l’appareil, qui ne laissait après lui aucune trace de ces ornières produites
par le roulement de lourds véhicules. À peine une légère empreinte, un
simple effleurement.98
Or, s’il est démontré que la présence d’un monstre marin dans le Kirdall
est impossible, ne s’agirait-il pas plutôt d’un sous-marin évoluant à tra-
vers les profondeurs du lac ?… Est-ce qu’il n’existe pas, à notre époque,
nombre d’engins de ce genre ?… Et, précisément, à Bridgeport, dans le
Connecticut, n’a-t-on pas lancé, il y a quelques années, un appareil, le
Protector, qui pouvait naviguer sur l’eau, sous l’eau, et aussi se mouvoir sur
terre ?…100
ginée)
Les maîtres du genre 211
104 Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34402b
105 VERNE, Jules. Le Château des Carpathes. chap. 4.
212 La littérature d’imagination scientifique
…là-haut, il crut voir – non ! il vit réellement des formes étranges, éclai-
rées d’une lumière spectrale, passer d’un horizon à l’autre, monter,
s’abaisser, descendre avec les nuages. On eût dit des espèces de
monstres, dragons à queue de serpent, hippogriffes aux larges ailes, kra-
kens gigantesques, vampires énormes, qui s’abattaient comme pour le
saisir de leurs griffes ou l’engloutir dans leurs mâchoires.106
marin, qui donnaient à tous les objets une apparence spectrale, formi-
dables sirènes d’où l’air comprimé s’échappait en mugissements épou-
vantables, silhouettes photographiques de monstres projetées au moyen
de puissants réflecteurs, plaques disposées entre les herbes du fossé de
l’enceinte et mises en communication avec des piles dont le courant avait
saisi le docteur par ses bottes ferrées, enfin décharge électrique, lancée
des batteries du laboratoire, et qui avait renversé le forestier, au montent
où [sic] sa main se posait sur la ferrure du pont-levis.110
Un courant électrique était préparé pour mettre le feu aux charges de dy-
namite qui avaient été enterrées sous le donjon, les bastions, la vieille
chapelle, et l’appareil, destiné, à lancer ce courant, devait laisser au baron
de Gortz et à son complice le temps de fuir par le tunnel du col de Vul-
kan.112
110 Ibid., chap. 15.
111 Ibid., chap. 15.
112 Ibid., chap. 15.
216 La littérature d’imagination scientifique
est en train de s’épuiser, même si, par la suite, Le Secret de Wilhelm Storitz
(1898-1910) peut faire illusion avec son histoire d’invisibilité, diluée dans
une aventure sentimentale. Mais le roman a tellement été remanié par
Michel Verne, qu’il apparaît n’être qu’une pâle réplique à L’Homme invi-
sible de Wells.
C’est d’ailleurs, comme le rappelle, Pierre Versins, ce qu’affirmait
Sam Moskowitz : à partir de 1880, les qualités inventives de Verne
s’affaiblissent.
On peut penser également qu’Hetzel, à cette époque, est beaucoup
moins vétilleux avec Verne qu’il le fut par le passé. Le « produit Verne »
se vend bien, très bien même, en dépit d’insuffisances qu’Hetzel n’aurait
jamais accepté à ses débuts. Ici, le contenu présente bien des faiblesses :
les divers problèmes de localisation, un jeune boyard richissime voyage à
pied comme s’il n’avait pas de quoi se payer un cheval, son serviteur se
déplace (toujours à pied ?) de 400 km en 48 h, ce même serviteur con-
vainc les autorités de Cluj d’envoyer la gendarmerie attaquer le château
d’un boyard renommé, comment arrive-t-on à tirer une ligne télépho-
nique de plusieurs dizaines de kilomètres dans une forêt particulièrement
dense et à installer un système d’écoute dans une auberge sans que per-
sonne ne s’en rende compte, comment un simple portrait peut-il sembler
être animé ? … Et ainsi de suite. Verne a connu des heures plus glo-
rieuses.
Il n’en reste pas moins que Jules Verne a toujours utilisé avec assez
de bonheur le capital inventif du XIXe siècle, allant même souvent au-
delà. Il envisage l’hélicoptère, la conquête spatiale, l’utilisation industrielle
de l’aluminium, la satellisation, le sous-marin contemporain, le scaphan-
dre autonome, l’utilisation de l’hydrogène comme carburant, la géother-
mie, l’incinération des déchets, la téléconférence, des armes de destruc-
tion massive,… ainsi a-t-il assuré un succès que les années ne sont pas
venues démentir.
À la même époque, Albert Robida a été encore plus novateur que lui
avec des propositions qui se concrétiseront encore bien d’avantage et à
plus long terme, montrant, par là, une faculté d’intuition séduisante, mais
bien peu reconnue.
2 – Albert Robida
115 BRIDENNE, Jean-Jacques. « Robida, le Jules Verne du crayon » in Fiction. Paris :
…ces bipèdes, couverts d’un cuir épais, ont des têtes de fer toutes
rondes, sur la face desquelles s’ouvre un grand œil jaune ; pas de bouche,
pas de nez ! une sorte de tuyau part de la tête et s’ajuste à un sac accro-
ché au dos. (…) L’homme survenu providentiellement dans la grotte
était tout simplement le capitaine Nemo que connaissent tous les lecteurs
de M. Jules Verne, c’est-à-dire l’univers entier, ce qui nous dispense de
faire son portrait.117
…dans des antres habités par des monstres inconnus de l’homme, tels
que l’imagination la plus déréglée peut seule en rêver : homards de six
mètres, crocodiles de mer, poulpes-torpilles, crabes à mille pattes, ser-
pents marins, éléphants à nageoires, huîtres géantes, etc… (…) C’était
une huître géante de trois mètres de diamètre, très bombée, accourant en
trottinant sur six courtes pattes ; sa coquille entr’ouverte laissait aperce-
voir deux yeux ronds et fixes où se lisaient la plus grande férocité (…)
l’huître s’ouvrit toute grande et avala le lieutenant Mandibule d’un seul
coup…118
117 ROBIDA, Albert. Voyage très extraordinaire de Saturnin Farandoul dans 5 ou 6 parties du
monde et dans tous les pays connus et même inconnus de M. Jules Verne. Paris : Librairie illus-
trée/Librairie M. Dreyfous, 1879, p. 52, 53.
118 Ibid., p. 59.
220 La littérature d’imagination scientifique
119 Ibid., p. 84.
120 Ibid., p. 94.
Les maîtres du genre 221
121 Ibid., p. 221.
122 Ibid., p. 274.
222 La littérature d’imagination scientifique
Ce n’est pas tout. – Ces ballons, construits pour la guerre, étaient cuiras-
sés ; un blindage d’acier recouvrait la sphère de gutta-percha, comme une
gigantesque marmite renversée. La nacelle aussi, très grande, était forte-
ment blindée, par ses embrasures sortaient quelques gueules de canons,
prêts à aboyer dans les nuages.127
127 Ibid., p. 293. Coupe d’une nacelle, p. 305
128 Ibid., p. 296.
224 La littérature d’imagination scientifique
…les hommes de Saturne ont des bras et des jambes terminés, il est vrai,
par des mains et des pieds palmés ou plutôt par des nageoires (…) les Sa-
turniens ont dans le dos deux ailes semblables à celles des poissons vo-
lants ! (…) leur visage : le nez, trompe atrophiée chez nous, s’est déve-
loppé et se balance au milieu de leur figure comme une trompe
d’éléphant (…) plus loin certains voltigent au-dessus des groupes…130
129 Elle fut financée par Gordon Bennett Jr. (que nous avons rencontré chez Verne dans
la nouvelle « La Journée d’un journaliste…») qui en fit, dans le même temps, une exclusi-
vité pour son journal.
130 ROBIDA, op. cit., p. 465-466.
Les maîtres du genre 225
dans les mœurs saturniennes, ce qui est une nouveauté par rapport à ses
prédécesseurs :
Chaque Saturnien, à un âge fixé par la loi et qui varie suivant les latitudes,
est tenu d’épouser un échantillon de chacune des variétés indiqué par
voie de tirage au sort ; c’est le mariage gratuit et obligatoire, sage institu-
tion que les Saturniens possèdent depuis des siècles…131
En revanche, comme toujours, les intrus sont examinés par les sa-
vants, membres de l’Académie. Les terriens sont mis en cage dans une
sorte de jardin zoologique, qui est peut-être un souvenir de Cyrano, mais
aussi une préfiguration du zoo de Tralfamador où Billy pèlerin sera en-
fermé et où il retrouvera la belle Montana Patachon, dans Abattoir 5 de
Kurt Vonnegut Jr.. Saturnin délivre les terriens qui sont de nouveau em-
portés par la comète qui les ramène sur Terre.
Dans cette quatrième partie, Saturnin va explorer l’Asie porteuse de
clichés à l’instar de l’Afrique : despotes capricieux, fakirs, opium, suppli-
ces cruels et variés, fanatisme religieux, nourriture étrange, le seppuku,…
C’est un environnement que l’on a trouvé, en partie, chez Paul D’Ivoi
dans Docteur Mystère. Même si Saturnin y rencontre Michel Strogoff, toute
cette partie non conjecturale est seulement enveloppée dans la descrip-
tion d’une traque destinée à retrouver l’éléphant blanc du roi du Siam.
La cinquième partie ramène Saturnin en Europe avec, pour objectif,
de trouver avant les Allemands, une colonie romaine oubliée du Pôle
Nord. Saturnin part en dirigeable à vapeur. Sur place et pour parvenir au
Pôle, Saturnin se sert d’une invention surprenante :
Ces machines vont les conduire à une île volcanique habitée… par
un ancien professeur de philosophie du collège du Havre qui a échoué là
voici huit ans et une bande de forbans qui profitent des épaves apportées
par le Gulf-Stream. Leur chef est le Capitaine Hatteras puisqu’ici il est
fait référence aux deux romans de Verne : Les Anglais au pôle Nord et Le
131 Ibid., p. 466.
132 Ibid., p. 693, 694.
226 La littérature d’imagination scientifique
Désert de glace. Après bien des tribulations, Saturnin revient dans son « île
natale », Pomotou, avec ses amis, pour y fonder une colonie.
Faisant suite à cette œuvre très faiblement conjecturale, Albert Robi-
da, va donner sa première œuvre véritablement anticipatrice : Le Ving-
tième siècle (1883) dont le récit débute en septembre 1952.
Quel que fût le nombre des passagers, dès que le chiffre de 2 500 kilos
était atteint et marqué par l’aiguille du compteur, le mot complet, en
grosses lettres d’un mètre de hauteur, apparaissait sur les deux flancs de
la nacelle-omnibus et le contrôleur de la station ne laissait plus monter
personne.134
133 ROBIDA, Albert. Le Vingtième siècle. Paris : Georges Decaux, 1883, p. 1.
134 Ibid., p. 2.
Les maîtres du genre 227
Ce que Robida nous décrit ici n’est autre que l’interphone. Il n’est
pas encore arrivé au téléphonoscope, mais il fera ce pas dans peu de
temps. En revanche, Robida n’utilisera pas le terme « téléphote », pour
décrire un appareil semblable. Ce terme ne sera principalement utilisé
que par Verne et D’Ivoi.
Mme Ponto est sortie, mais elle a laissé ses instructions « dans le pho-
no », une sorte de répondeur-enregistreur : elle sera de retour vers onze
heures : « Je dîne au Café anglais avec quelques amies politiques. »140
Nous sommes à l’heure des bas-bleus et les suffragettes vont bientôt
faire parler d’elles. Contrairement à Souvestre, Flammarion ou Verne,
Robida se place résolument en faveur de l’émancipation féminine. On en
aura confirmation dans d’autres ouvrages
Nouvelle invention de Robida, le téléphonoscope sur lequel, pour le
moment, il ne donne pas de détails, mais qui serait peut-être quelque
chose de proche de la télévision. « Monsieur Raphaël Ponto (…) avait ré-
solu de consacrer entièrement sa soirée à ses enfants ; renonçant même à
l’audition téléphonoscopique de l’Opéra… »141 Ce genre d’occupation in-
tellectuelle et bourgeoise, reviendra plusieurs fois dans l’œuvre de Robi-
da.
Les demoiselles Ponto ont mis 45 mn pour venir de Bretagne par le
Tube, soit une moyenne de 773 km/h si on suppose que l’imaginaire
Plougadec-les-Cormorans se situe vers Brest, soit une vitesse semblable à
celle d’un avion moyen courrier, mais en arrivant directement en centre
ville.
139 Ibid., p. 7.
140 Ibid., p. 10.
141 Ibid., p. 11.
Les maîtres du genre 229
en réponse à son affirmation première, il voulait que ses filles fassent des
études « pratiques », c’est-à-dire négociables sur le marché du travail :
« …la jeunesse achève rapidement ses études littéraires et peut consacrer
tout son temps aux classes sérieuses et pratiques !… »144
La pupille du banquier, Hélène, n’a pas encore songé à une carrière,
pourtant : « Toutes les carrières sont ouvertes maintenant à l’activité fé-
minine : le commerce, la finance, l’administration, le barreau, la méde-
cine… Les femmes ont conquis tous leurs droits, elles ont forcé toutes
les portes… »145 C’est bien là une nouvelle affirmation de l’émancipation
féminine. En 1952, la femme est bien devenue l’égale de l’homme sur le
marché du travail.
Dans la réalité, il faudra encore attendre quelques années pour que
tous les obstacles tombent, en particulier à la suite de l’Affirmative Act qui
se mettra en place aux USA dans les années 60 après l’Executive Order
10925 de John F. Kennedy. Depuis, l’Affirmation Positive est arrivée en
Europe, où elle est tenue pour une nouvelle panacée sociale. Hélas, Hé-
lène n’a de goût ni pour la banque, ni pour le droit, ni pour la médecine,
ni pour l’administration.
Alors qu’elle est en train de dormir, Hélène est brusquement réveillée
par le sifflement du téléphone où une voix lui raconte une première théâ-
trale : « … je comprends maintenant ; les journaux envoient les comptes
rendus de théâtre à leurs abonnés par téléphone… »146
Sans le savoir Robida a inventé le « push » du Web 2.0. Peu après,
Hélène sera de nouveau réveillée pour des nouvelles : l’assassinat du roi
de Sénégambie, puis pour l’annonce d’un coup d’État après la mort du
roi, puis par l’annonce de troubles au Japon, en Australie, au Costa-Rica,
en Turquie,…
En fait, nous avons là la description des chaînes d’informations en
continu. Ce flot de nouvelles peut être arrêté pendant la nuit, pour en
avoir un résumé le matin ou on peut avoir seulement des extraits
d’informations triés par centres d’intérêt, comme le lui expliquera son tu-
teur. C’est aujourd’hui ce que l’on peut faire avec la presse en ligne dont
on peut choisir les contenus, envoyée en fonction de ses centres d’intérêt
ou avec les flux RSS dans le domaine de l’audiovisuel.
En soixante-dix ans, Robida imagine, et c’est bien normal, que Paris
a changé. Nous avons déjà vu la naissance de nouveaux arrondissements,
144 Ibid., p. 18.
145 Ibid., p. 19.
146 Ibid., p. 27.
Les maîtres du genre 231
147 Ibid., p. 40.
148 Ibid., p. 41.
149 Ibid., p. 41.
232 La littérature d’imagination scientifique
Tout en haut, dans ce pays des nuages, à cent cinquante mètres au dessus
des jardins suspendus, se balance un gigantesque aérostat captif, compo-
sé de globes gonflés de gaz, attachés à une sorte de grand champignon,
selon un système nouveau qui donne à l’ensemble une stabilité presque
complète (…) Ce gigantesque assemblage de globes captifs supporte, au
lieu d’une nacelle, un grand édifice de forme allongée, construit légère-
ment mais solidement, sur quatre étages terminés par une terrasse, avec
rotonde au centre et pavillons plus élevés aux deux extrémités. L’édifice
contient un cercle, une salle de roulette, un café restaurant, une salle de
concert et quelques appartements.151
Si Verne avait imaginé une ville flottante, Robida imagine une « ville
volante » (ill. p. 45). Étendue exceptée, ce n’est jamais qu’une préfigura-
tion des ballons captifs qui vont monter dans le ciel pendant la Grande
Guerre.
À cette époque, la notion d’IGH n’existe pas encore. Elle commence
juste à apparaître aux USA avec l’idée que l’on peut construire sur une
armature métallique, ce qui va être fait à New York avec le New York Tri-
bune Building (1873), dessiné par Richard Morris Hunt, un bâtiment de
78 mètres. Mais c’est encore très peu, bien des édifices religieux ont des
flèches d’une hauteur beaucoup plus élevée (155 m pour la cathédrale de
Cologne, 142 m pour celle de Strasbourg). Robida évoque des immeu-
bles d’une douzaine d’étages, ce qui semble sans doute énorme pour
l’époque. Notons aussi que le ciment armé ne commencera vraiment à
être exploité dans les constructions qu’à partir de 1880, même s’il y a eu
quelques tentatives avant. On n’a donc pas les moyens techniques de
construire beaucoup plus haut qu’une douzaine d’étages et on n’a pas
non plus les moyens de sécuriser ces immeubles puisque l’ascenseur élec-
150 Ibid., p. 43.
151 Ibid., p. 44.
Les maîtres du genre 233
…sur toile sensibilisée (…) les peintres ou plutôt les photopeintres col-
laborent avec la lumière électrique ou solaire ; ils obtiennent ainsi
presque instantanément de véritables merveilles en photopeinture (…)
C’est l’art à la portée de toutes les bourses.152
152 Ibid., p. 49.
234 La littérature d’imagination scientifique
153 Ibid., p. 51.
154 Ibid., p. 55.
155 Ibid., p. 55.
Les maîtres du genre 235
156 Ibid., p. 70.
157 Ibid., p. 93, 94.
236 La littérature d’imagination scientifique
mation qui prévoit que n’importe quel citoyen puisse consulter Internet
gratuitement depuis un certain nombre de lieux publics. Ici la consulta-
tion du téléphonoscope se fait par le biais de l’Administration postale :
161 Ibid., p. 90.
162 Ibid., p. 90. Harodd’s employait alors 3 500 personnes
238 La littérature d’imagination scientifique
mé est déjà une grande surface digne des 92 000 m2 d’Harrod’s, au même
moment, à Londres :
…ces phares ont des foyers de formes variées et donnent une lumière de
couleur différente pour chaque quartier. De la sorte, quand un aérocab
arrive dans la zone bleue, devant un phare en forme d’étoile, le mécani-
cien sait qu’il est au-dessus du vieux quartier Saint-Denis ; le foyer du
phare à la forme de croissant de lune indique le quartier Bonne-Nouvelle
et le foyer carré, toujours donnant une lumière bleue, annonce le fau-
bourg Montmartre.165
Nous avons bien affaire ici à une forme de géolocalisation, mais qui
n’est sans doute pas suffisante dans son élaboration (formes simples et
couleurs de base) pour l’étendue supposée de Paris qui grâce à cette dé-
bauche électrique est bien devenue « la ville lumière », mais ceci, comme
le précise Robida, jusqu’à une altitude de 300 m. Au-delà, il fait sombre,
ce qui favorise la délinquance et les attaques d’aérocabs.
Nous avons là un système repris plus ou moins par les trains qui par-
fois, laissent une partie de leurs wagons dans une gare donnée, mais nous
sommes loin du système complexe décrit par Robida, qui ne serait sans
doute pas inapplicable, en ce qui concerne la gestion, grâce à l’infor-
matique, mais qui poserait bien des problèmes techniques.
Robida présente le bâtiment du journal L’Époque, sur les Champs-
Élysées.
171 Ibid., p. 175.
172 Ibid., p. 198.
242 La littérature d’imagination scientifique
173 Ibid., p. 199.
174 Ibid., p. 200.
175 Ibid., p. 200.
Les maîtres du genre 243
176 Ibid., p. 201.
177 Ibid., p. 204.
178 Ibid., p. 261.
244 La littérature d’imagination scientifique
…notre Italie à nous, transformée en parc européen, aura reçu toutes les
améliorations que nous méditons : villes nettoyées, ruines entretenues,
curiosités améliorées, promenades créées, population costumée ! etc., etc.
Déjà le nombre des visiteurs a augmenté dans des proportions considé-
rables…179
Robida, comme nous l’avons déjà vu dans ce roman, mise sur la civi-
lisation des loisirs et préconise ici la mise en valeur écologique de sites
remarquables. Rappelons qu’à cette époque Herculanum et Pompei
avaient déjà été fouillées. Quant à leur entretien, dont parle Robida, on
reste perplexe. Ici, il s’inspire également du classement en Parc National
de la Yosemite Valley par Abraham Lincoln en 1864 et par la création du
Parc de Yellowstone en 1872. De là, un développement de l’idée de pro-
tection de zones naturelles qui sera reprise par d’autres pays, surtout au
début du XXe siècle.
Robida anticipe aussi sur la création d’un État d’Israël alors que le
mouvement sioniste vient juste d’apparaître avec la publication en 1882
d’Auto-émancipation d’Otto Pinsker où il défend la naissance d’un État
pour contrer la montée de l’antisémitisme qui accompagne les poussées
nationalistes. « En groupant les seuls capitaux juifs, M. de Rothschild, S.
M. Salomon II, a réussi à refaire le royaume de Judée ; il a reconstitué les
douze tribus, rebâti Jérusalem… »180 Nous avons là deux phénomènes
qui, à l’époque, sont passés probablement presque inaperçus, mais que
Robida a noté et exploité alors que nous sommes dans une période où
un certain antisémitisme est relativement commun, comme on peut le
voir dans des romans de Verne comme dans Hector Servadac, dans Clau-
dius Bombarnac ou dans la prose nationaliste et anti-dreyfusarde.
Au-delà, Robida propose la mise en place d’un Président mécanique,
un robot présidentiel.
179 Ibid., p. 293.
180 Ibid., p. 294.
Les maîtres du genre 245
181 Ibid., p. 301.
182 Ibid., p. 306, 307.
246 La littérature d’imagination scientifique
Une illustration partielle qu’en donne Robida (p. 325) montre que
son aéro-yatch, L’Albatros, est entouré de ferrures façon Guimard. Une
autre illustration (ill., HT, p. 292 et 329) donne une idée de l’aspect kitch
de ce genre de construction qui rappelle un peu ce que Cyrano avait pro-
posé dans sa dystopie avec ses maisons sur roues. Robida parle de :
183 Ibid., p. 328.
185 Ibid., p. 332.
Les maîtres du genre 247
que pas de largeur. Elle s’étend tout le long de la côte (…) sur une lon-
gueur de cent dix kilomètres et une largeur de quelques centaines de
mètres à peine. Elle s’est formée par l’agglomération des villes de bain de
la côte, qu’elle a absorbées l’une après l’autre, s’allongeant, s’allongeant
toujours, sans jamais s’arrêter.186
dont, même les députés, participent au carnaval pour distraire les tou-
ristes. Rappelons que le premier défilé (corso) a eu lieu en 1830 en l’hon-
neur de Charles-Felix et de Marie-Christine, souverains du Royaume de
Piémont-Sardaigne. Pour le reste de la côte, on exploite le climat des
Basses-Alpes pour y installer des sanatoriums et des maisons de repos
aériens.
En voyage avec Hélène, Philippe lui fait visiter une Turquie devenue
laïque, où le Sultan vivote et où les femmes se sont émancipées :
avons trouvé chez D’Ivoi. De même, Robida va-t-il inventer des « îles
factices » destinées à recueillir les naufragés, sur le modèle des refuges de
montagne. Invention louable, certes, mais bien peu réaliste… Il ne
manque à ces îles qu’un système de désalinisation de l’eau de mer pour
entretenir le jardin et permettre aux naufragés de boire.
L’île n° 124 était entièrement ronde ; elle mesurait trente mètres de dia-
mètre seulement et portait le strict nécessaire, une maison en carton pâte
à deux étages, un petit magasin et un sémaphore. Le reste de la superficie
formait un jardin planté de quelques arbres et de légumes. C’était le mo-
dèle n° 2 ; les îles factices à numéro impair sont plus importantes : elles
ont cinquante mètres de diamètre et trois maisons.190
…il s’agit de réunir en une seule terre les îles polynésiennes… les archi-
pels fourniront l’ossature, la carcasse de notre continent ; nous comble-
rons les détroits, les canaux, les lagunes, pour relier les îles les unes au
autres !… (…) Les six-cents millions d’habitants de notre vieille Europe
s’y trouvent bien à l’étroit ; nous allons leur fournir une terre nou-
velle…191
une tentative des Américains sur nos côtes, repoussée par notre flotte
sous-marine et une expédition chinoise pulvérisée sur les rochers de la
Corse, l’Europe a vécu dans le calme le plus complet.195
Nous retrouvons ici l’idée que la France pourrait être envahie par les
USA, que Robida avait développé dans l’ouvrage précédent, en pré-
voyant que le Tube entre les USA et la France pourrait être noyé en par-
tie. Ici, cette invasion s’était limitée à celle des mormons en Angleterre
où ils avaient imposé la polygamie. Quant à ce qui se passe dans les états
danubiens, il faut sans doute voir là un rappel des révolutions de 1848
qui ont aussi bien agité la Hongrie avec Lajos Kossuth, Sandor Petöfi ou
Géza Téléki, que dans des provinces de ce qui deviendra la Roumanie
avec Alexandru Cuza et Mihail Kogalniceanu en Moldavie, Nicolae
Blacescu, Gheorghe Bibesco et Ion RĈdulescu en Valachie, Avram Iancu
en Transylvanie. Le Congrès de Vienne de 1815 avait créé l’Empire aus-
tro-hongrois en ignorant les provinces danubiennes, en 1919, il n’en res-
tera plus rien. C’est sans doute aussi un rappel que, depuis la Guerre de
Crimée (1853-1856), l’Empire Ottoman et les Balkans sont « l’homme
malade de l’Europe », une formule due au prince Alexandre Gorchakov,
chancelier d’Empire et ambassadeur du tsar Alexandre II, lors de la si-
gnature du traité de San Stefano (près d’Istanbul) qui clôt la guerre russo-
turque le 3 mars 1878.
Fabius Molinas est mollement installé dans une méridienne d’osier, il
se repose du tracas que lui a causé la confection de ses malles puisqu’il
doit aller prendre les bains de mer sur la côte norvégienne. Il est telle-
ment préoccupé par ses soucis domestiques qu’il
198 Ibid., p. 4.
199 Ibid., p. 5.
252 La littérature d’imagination scientifique
201 Ibid., p. 10.
254 La littérature d’imagination scientifique
Les chars ennemis se replient alors dans une forêt, pour se mettre à
l’abri des aéronefs qui se posent et les aérostiers s’emparent des blindés
abandonnés par l’ennemi. Fabius, d’artilleur émérite, devient sous-
ingénieur et chef de char. Seul en tête de colonne, comme plus tard Pat-
ton en 1944 à la tête de la IIIe armée, Fabius laisse tout le monde sur
place et, avec son char, s’empare d’une ville entière. « Mais ce n’est
qu’une courte victoire car dans l’euphorie : on n’avait pas pu couper à
temps tous les fils téléphoniques, l’ennemi prévenu prenait des mesures
pour détruire l’audacieux petit corps aventuré si loin. »202
Robida l’a souvent souligné dans ses autres écrits, il croit à l’impor-
tance des communications et des transmissions non seulement en temps
de guerre comme ici, mais dans la vie quotidienne. Elles vont prendre
une place de plus en plus importante pendant la guerre de 14-18.
Au début de la guerre, la communication entre les corps est assurée
par des relais de coureurs, comme dans l’Antiquité, ou des cyclistes. Vers
1916, on commence à utiliser la transmission optique, mais avec le risque
de voir l’ennemi intercepter les messages. On utilisera donc des trans-
metteurs par manipulateurs Morse, mais il faut attendre le décodage des
messages, ce qui est une perte de temps. Certes le radio-téléphone a bien
été inventé, mais il n’est pas encore assez fiable et sa portée est réduite.
On va donc avoir recours à la téléphonie filaire, avec pose de lignes sur
terre, mais aussi entre le sol et les ballons captifs (saucisses) inventés en
1912 par Albert Caquot, qui servaient à l’observation. Les résultats de
l’observation visuelle (ils étaient installés à quelques kilomètres de la ligne
de front) sont transmis en temps réel, en particulier aux batteries
d’artillerie. Tout ceci entraînera la création d’un corps d’aérostation et de
transmissions, doté d’un équipement spécial : des camions pour le trans-
port des ballons captifs (dotés de trois plans à l’arrière, les P1 et P2 mon-
taient à 1 000 m et pouvaient résister à des vents de 100 km/h), des ca-
mions de transmission organisée comme un central téléphonique, des
camions porteurs de réservoirs d’hydrogène et des camions porteurs de
treuil (modèle Caquot à 4 roues motrices ou Saconney). C’est, parallèle-
ment à ce matériel d’observation, que le parachute va s’améliorer et se
perfectionner puisque les ballons captifs étaient particulièrement vulné-
rables (fusées, mitrailleuses lourdes, avions, foudre). L’aviation va en
profiter.
Dans les faubourgs de la ville, l’ennemi installe des mortiers légers
(crapouillots) qui envoient sur le groupe commandé par Fabius, « quatre
202 Ibid., p. 12.
Les maîtres du genre 255
203 Ibid., p. 12.
204 Sulfure d’éthyle dichloré, S(C2H4Cl)2. Il produit un gaz jaune-brun qui attaque les tis-
sus, le bois, le cuir, le caoutchouc.
205 ROBIDA, op. cit., p. 17.
206 Ibid., p. 18, 19.
256 La littérature d’imagination scientifique
entre 1941 et 1944 tels que les : Molch (Salamandre), Hecht (Brochet),
Biber (Castor) et Seehund (Phoque). Le Japon en emploiera également,
comme les Ko-hyôteki (Petite cible) ou les Ningen-gyorai (Torpille hu-
maine), depuis l’attaque de Pearl Harbour en 1941 et pendant la bataille
du Pacifique. Comme le Nautilus, le Cyanure fonctionne à l’électricité et
grâce à ses accumulateurs il parvient à toucher la rade ennemie.
Molinas la fait déminer en ôtant les « capsules explosives » (entendre
les détonateurs), il fait relier les mines restantes entre elles et grâce à une
mise à feu électrique, il les fait sauter. Puis, il se met en embuscade et
coule une grande partie de la flotte adverse. Les bâtiments survivants se
lancent à sa poursuite. Fabius doit fuir et bientôt abandonner le Cyanure.
Avec son équipage, revêtus de scaphandre autonome, ils vont harceler
l’ennemi.
Si l’on doit se fier aux dessins de Robida, les scaphandres utilisés par
Fabius Molinas et ses hommes, sont ceux que nous avons déjà rencon-
trés. Ils sont inspirés par l’aérophore de Denayrouze et Rouquayrol. Le
scaphandre, réellement autonome, ne sera mis au point qu’en 1943 par
Jacques-Yves Cousteau et Émile Gagnan.
Nous avons dit combien Robida se montre soucieux des problèmes
de communication, c’est l’objet de la mission suivante de Fabius Moli-
nas : aller à l’arrière des lignes ennemies pour y couper les fils de télé-
phone. Alexander Graham Bell vient de le mettre au point et le 10 mars
1876, il a lancé le premier appel sur quelques mètres, dont le texte est
resté célèbre : « Monsieur Watson, veuillez venir dans mon bureau, je
vous prie. »
Comme un soldat de corps franc, Fabius prend le commandement
du Voltigeur aérien n° 39 pour aller remplir sa mission de sabotage der-
rière les lignes nord de l’ennemi : « désorganiser les services, couper les
fils, imposer aux villes des contributions de guerre, et dynamiter quand
faire se pouvait les forteresses ennemies. »207 On retrouve ce souci de
perturber les communications de l’adversaire pour le dérouter, mettre en
défaut sa stratégie pour le vaincre, mais aussi employer les dernières con-
quêtes de la science, comme la dynamite que Nobel vient de breveter en
1860.
Las de ces escarmouches, Fabius Molinas décide maintenant d’aller
attaquer l’ennemi dans ses colonies. Il le surprend et le défait. Le Volti-
geur no 39 quitte alors l’Afrique pour se rendre sur la côte méditerra-
207 Ibid., p. 36. (Les premiers corps francs ont été créés par Frédéric II de Prusse pendant
néenne où, peu après, s’engage la bataille aérienne du siècle. Elle dure
trois jours et après avoir dérivé, Molinas se retrouve au-dessus du
Mexique. Pour son dernier combat, le Voltigeur no 39 et un aéronef en-
nemi se bombardent à qui mieux mieux et finissent par tomber sur une
ville. Fabius Molinas atterrit dans l’appartement d’un bourgeois. Blessé, il
est soigné par la fille de la maison et quinze jours plus tard, ils se fian-
cent. Le téléphonographe annonce alors que la paix vient d’être signée.
La fin de ce roman, en glissant dans l’eau de rose, est un peu déce-
vante, comme si Robida s’était épuisé à utiliser toutes les ressources an-
nuelles du Magazine pittoresque ou celles contenues dans les séries
d’ouvrages de Louis Figuier comme : Les Applications nouvelles de la science à
l’industrie et aux arts (1855), Les Merveilles de l’industrie ou Description des prin-
cipales industries modernes (1873-1877), Les Nouvelles conquêtes de la science, Les
Merveilles de la science ou la description des inventions modernes (1867-1891), qui
sont des sources importantes de la transmission de la culture scientifique
et techniques dans les années 1880. Les ouvrages de vulgarisation sont
d’ailleurs très nombreux à cette époque, portés par le succès de
l’Exposition universelle de 1881 et par la large diffusion des volumes de
vulgarisation scientifiques édités par la Librairie Hachette. La presse quo-
tidienne consacre également de longs articles aux découvertes scienti-
fiques et techniques.
Quelques années plus tard, Albert Robida va donner son troisième
roman majeur208 de littérature d’imagination scientifique : Le XXe siècle :
La Vie électrique (1890) dont l’action débute le 12 décembre 1955.
Une épaisse couche de neige vient de recouvrir la France, mais grâce
au « grand réservoir [lire sans doute « accumulateur »] d’électricité N (de
l’Ardèche), chargé de l’opération, parvint, en moins de cinq heures, à dé-
barrasser tout le Nord-Ouest du continent de cette neige… »209 Ceci
208 Robida a donné d’autres romans, comme Un Voyage de fiançailles au XXe siècle (1892) ou
Un chalet dans les airs (1925) où il va y réutiliser des éléments qu’il a déjà présentés dans
d’autres de ses romans, sans rien y apporter de très novateur. On notera quand même un
véritable roman de SF avant la lettre : L’Horloge des siècles (1901) où il utilise le thème de la
remontée dans le temps bien avant À rebrousse temps de Dick (1967) ou le médiocre La
Flèche du temps (2010) de Martin Amis. Il avait donné un semblant d’uchronie pour la jeu-
nesse avec Jadis et aujourd’hui (1890), mais qui ne dépassait pas le niveau de la pochade.
On notera enfin une forme d’actualisation de son XXe Siècle avec 1965, sa dernière œuvre
conjecturale, qui est resté publiée en feuilleton dans Les Annales politiques et littéraires du
numéro 1896 (26/10/1919) au numéro 1908 (18/01/1920), où l’avion a remplacé le diri-
geable sauf pour les courses transatlantiques puisque les Zeppelins sont alors à leur apo-
gée.
209 ROBIDA, Albert. La Vie électrique. Paris : À la librairie illustrée, 1890, p. 2.
Les maîtres du genre 259
laisse entendre que dans le macadam des rues on a installé des résistances
électriques et que sous leur action la neige a fondu. Ceci est quelque
chose qui pourrait fort bien se concevoir dans les zones à risques où
cette solution pourrait être mise en œuvre à l’aide de bornes photovol-
taïques, mais c’est sans doute une innovation trop simple ou technique-
ment irréalisable, pour que les sociétés d’autoroute ou les DDE y pen-
sent. Et Robida pousse un peu plus loin cette idée en suggérant que l’on
puisse « jouer » avec la climatologie (ill., p. 4), comme on l’a envisagé à
des fins stratégiques
210 Ibid., p. 2.
260 La littérature d’imagination scientifique
C’est elle maintenant qui fait ce que lui ordonne l’homme, naguère
terrifié devant les manifestations de sa puissance incompréhensible ; c’est
elle qui va, humble et soumise, où il lui commande d’aller ; c’est elle qui
travaille et qui peine pour lui.212
ayant aussi peu de sens scientifique, il est vrai que, parmi les ancêtres de
sa mère, il y avait un « artiste » qui a dû gâter son patrimoine génétique :
« c’est de lui que tu tiens cette inaptitude aux sciences positives que je te
reproche. Ô atavismes ! voilà de tes coups ! »214
Il est vrai qu’à cette époque, l’on ne parlait pas encore de génétique ;
c’est pourquoi au lieu de parler d’hérédité innée (caractères transmis par
les parents), science toute neuve, Robida parle d’hérédité congénitale. On
notera aussi la référence implicite à Auguste Comte et au positivisme.
Aussi Philoxène Lorris, pour atténuer l’influence de cet ancêtre né-
faste, envisage-t-il de marier Georges à « une vraie cervelle scientifique
[une] tête débarrassée de tout idée futile !… »215 Voilà une idée qui re-
pose plus sur le fonctionnement de la transmission patrimoniale de titres
nobiliaires que sur les lois de l’hérédité, mais elle est plaisante et on sait
que Robida ne se prenait pas toujours au sérieux.
C’est grâce au hasard, né de l’orage électrique déclenché par la défail-
lance de l’accumulateur 17 et des interférences qu’il a provoqué dans le
téléphonoscope, que Georges va faire la connaissance d’Estelle La-
combe, originaire de Lauterbrunnen, dont le père est inspecteur des
Phares alpins et la mère… évaporée, émancipée et mondaine. Estelle
termine ses études d’ingénieur : « Je continue à suivre par phonographe
les cours de l’Université de Zurich… »216
L’enseignement par correspondance n’est pas une nouveauté
puisqu’il est né vers 1830 en accompagnant le développement des ser-
vices postaux et en France en 1885. En revanche Robida extrapole en
supposant que l’on a des cours universitaires sous forme audio (dans son
illustration p. 25, cet enseignement est diffusé par téléphonoscope, c’est-
à-dire par télévision), alors qu’à cette époque la formation à distance est
essentiellement dispensée pour des enseignements professionnels (comp-
tabilité) ou en langues vivantes. En 1891, l’Université du Wisconsin dé-
cide l’extension de ses cours magistraux par correspondance, l’année sui-
vante, c’est celle de Chicago. Robida y avait pensé un an plus tôt.
Comme à cette époque le radar n’existe pas, Robida pense qu’avec le
développement des communications aériennes, on devra placer des pha-
res sur le sommet des montagnes, comme il y en a sur les zones d’écueils
en mer, pour éviter les accidents, d’où le métier du père d’Estelle. On a
déjà vu de semblables balises installées à Paris dans Le XXe siècle et ces
214 Ibid., p. 11.
215 Ibid., p. 12.
216 Ibid., p. 22.
262 La littérature d’imagination scientifique
Ce qui existe pour le casino est également vrai pour les habitations :
« …l’été, dans ce chalet suspendu comme un balcon au flanc de la mon-
tagne, l’hiver dans un chalet aussi confortable en bas, à Interlaken… »218
Ceci est précisé par une illustration (p. 24) qui montre effectivement que
le chalet peut monter est descendre, comme dans une cage d’ascenseur, à
flanc de montagne. Les habitations suivent le cours du soleil et des sai-
sons pour bénéficier des meilleures conditions d’ensoleillement, ou pour
faire des économies d’énergie, dans une lecture écologique.
Cette idée sera reprise en 1904 dans un article de la revue La Nature
du 3 septembre qui signale que, dans la ville thermale d’Eaux-Bonnes
(Pyrénées-Atlantiques), il existe des pavillons que l’on peut orienter ou
pour s’abriter du vent ou pour suivre le soleil. C’est sur cette idée
217 Ibid., p. 23.
218 Ibid., p. 23.
219 ANONYME [Bellet, Daniel ?]. « Les Maisons tournantes » in La Nature. s.l. : s.e., 3
…fatiguée de ne participer que par Télé aux petites réunions chez ses
amies restées Parisiennes, elle prenait, de temps en temps, le train du
tube électro-pneumatique ou le véloce aérien pour se retrouver une
après-midi dans le mouvement mondain, pour se monter à quelques six
o’clock élégants, où, tout en prenant les anti-anémiques à la mode, on
passe en revue tous les petits potins du jour, où on s’imprègne de toutes
les médisances et calomnies qui sont dans l’air. Ou bien, Mme Lacombe
s’en allait un peu boursicoter, tâcher de remettre à flot son budget trop
souvent chargé d’excédents de dépenses, par quelques bénéfices réalisés
à la Bourse. (…) et qu’au lieu de se faire montrer par Télé, sans se déran-
ger, les étoffes ou les confections dont elle ou sa fille pouvaient avoir be-
soin, elle préférait courir les grands magasin de Paris…221
maine sans fil, mais il faudra attendre 1906 pour qu’il réalise la première
émission de radio avec paroles et musique.
Comme on le voit, l’anticipation de Robida s’est réalisée assez rapi-
dement. C’est au cours de cette émission d’informations que l’on ap-
prend que la Chambre parisienne des députés comporte 45 élues fémi-
nistes, qui y jouent un rôle d’arbitre. Faut-il voir ici un souvenir de Sou-
vestre, c’est possible.
Georges Lorris a décidé d’aider Estelle à réussir ses examens et pour
cela il lui a envoyé des cours et des conférences de son père, mais
La domotique avec cette porte qui s’ouvre seule est déjà à l’œuvre et
nous l’avons avant cela perçue chez Souvestre ainsi que dans Paris au
XXe siècle de Verne avec cet ascenseur privé, mais Mme Lacombe n’est pas
au bout de ses surprises car, reçue dans un salon désert, elle doit
226 Ibid., p. 40.
227 Ibid., p. 40.
266 La littérature d’imagination scientifique
231 ROBIDA, op. cit., p. 65.
232 Ibid., p. 58.
268 La littérature d’imagination scientifique
sins ne montrent pas, pourtant, les appareils sont pourvus d’une hélice
située à l’arrière.
Robida sera un peu plus disert sur le dernier projet du grand homme.
Il
233 Ibid., p. 59, 60.
Les maîtres du genre 269
234 Ibid., p. 64, 65.
235 Ibid., p. 66-70
270 La littérature d’imagination scientifique
d’Armorique qui préfigure ce qui sera créé sur ces lieux en 1969 : Le Parc
Naturel Régional d’Armorique, à l’initiative de la Région.
« De par une loi d’intérêt social, votée il y a une cinquantaine d’an-
nées, le Parc national a été dans toute son étendue soustrait au grand
mouvement scientifique et industriel… »236 Depuis, ici, on a conservé
l’essentiel de l’authenticité historique de la Bretagne. Ce souci de protec-
tion des sites, rejoint également les activités des mouvements régionalis-
tes et folkloristes de l’époque qui s’était organisées autour de Mistral et
du mouvement du félibrige, fondé le 21 mai 1854. Depuis, l’ethnogra-
phie rurale s’était mise en place pour recueillir langue, textes, traditions,
croyances, chansons, musiques,… notamment en Bretagne, avec des au-
teurs comme Émile Souvestre, Auguste Brizieux ou Hersart de la Ville-
marque. Le courant littéraire réaliste va accompagner ce « retour à la
terre »237. Ce mouvement va s’amplifier encore au début du XXe siècle
pour s’effondrer en 39-45 dans la collaboration et le maréchalisme. Ici,
pour Robida, il s’agit plus d’un conservatoire des arts et traditions popu-
laires, qu’un lieu privilégié, protégé, pour se reposer des tracas de la vie
moderne.
Dans ce coin reculé de Bretagne, Kernoël, on utilise encore les ser-
vices du facteur à pied pour envoyer et recevoir des lettres sur papier ; il
n’y a que Sulfatin qui « …reçoit aussi sa correspondance, non pas des
lettres, mais de véritables colis apportés par la diligence, des paquets de
phonogrammes qu’il se fait lire par le phonographe apporté dans son ba-
gage. Il répond de la même façon… »238
Nous avons déjà vu un reporter se brancher sur le câble transatlan-
tique pour correspondre avec son journal grâce à un « portable ». On re-
trouve ici quelque chose d’assez proche avec Sulfatin qui recevrait sa
correspondance sur ce que l’on pourrait assimiler à des CD et répondant
de la même façon puisque dans cette partie de la Bretagne, il n’y a pas le
moindre point de connexion avec le réseau téléphonique. C’est pourquoi
Sulfatin fait quitter Kernoël par les tourteraux, pourqu’ils s’installent à
Ploudescan. Depuis ce village, Sulfatin peut aller se brancher sur la sta-
tion du Tube qui est proche, un peu comme s’il avait trouvé là un cyber-
café d’où il peut voir et converser avec la demoiselle de ses pensées, mais
qu’il surveille de près, l’actrice et médium Sylvia.
236 Ibid., p. 75.
237 Voir « Le roman rustique » et « Le roman rural » in Paralittératures. Paris : Vuibert,
2005, p. 653-690.
238 ROBIDA, op. cit., p. 86.
Les maîtres du genre 271
Les mœurs, les habitudes, les idées d’aujourd’hui, enfin, diffèrent des
idées d’autrefois autant que le monde politique, en sa constitution ac-
tuelle, diffère du monde politique de jadis. – Qu’est-ce que la petite
Europe du 19e siècle, régentant les continents de par la puissance que
lui fournissait ses sciences – à l’état embryonnaire pourtant, mais dont
elle seule monopolisait la possession ? L’Europe seule comptait. Main-
tenant, la Science, s’étant comme un flot d’inondation répandue à peu
près également sur toute la surface du globe, a mis tous les peuples au
même niveau, ou à peu près, aussi bien les vieilles nations méprisées de
l’Asie que les peuples tout jeunes nés de quelques douzaines
d’émigrants (…) Maintenant, tout l’univers compte, car il possède les
mêmes explosifs, les mêmes engins perfectionnés, les mêmes moyens
pour l’attaque et la défense.239
239 Ibid., p. 98.
272 La littérature d’imagination scientifique
et colonialiste des années 1890 pour qui la guerre était le remède écono-
mique suprême pour créer de l’emploi dans le cadre du complexe milita-
ro-industriel : « L’industrie de la nation périclite-t-elle (…) Notre com-
merce a-t-il besoin de débouchés pour le trop-plein de ses produits ? Bel-
lone, avec ses puissants engins, se chargera d’en ouvrir. »240
Lors de l’exercice auquel Georges va participer, Robida met en
œuvre un arsenal qu’il avait déjà développé dans La Guerre au XXe siècle :
À cela s’ajoutent les sous-marins de type Goubet (Cf. ill. p. 105), les
escadrilles aériennes, les unités de chars (Cf. ill., p. 103). Seule innova-
tion : « Georges, monté sur son hélicoptère, est allé reconnaître
l’ennemi… »242
Robida a abandonné le ballon captif pour l’observation des lignes
ennemies, pour un appareil léger, moins vulnérable, plus rapide : l’héli-
coptère. Certes, ce n’est pas encore une préfiguration des drones, mais
nous n’en sommes pas loin. Enfin, avant l’attaque, on fait couvrir le terri-
toire ennemi d’un rideau de fumée, ce qui est une tactique fort ancienne,
mais, qu’ici, les chimistes peuvent doubler de gaz asphyxiants. C’est ce
que l’on verra pendant la Grande Guerre.
Ce que l’on verra aussi c’est l’évocation de la brève période socialiste
de 1922 (au lieu de 1936) qu’évoque Robida, avant la reprise en main du
secteur industriel par le capitalisme qui a créé une nouvelle féodalité in-
dustrielle. C’est une façon pour l’auteur d’évoquer les dynasties de
Maîtres de forges qui sont en train de se mettre en place à cette époque :
Krupp, Schneider, de Vendel,…
Jusqu’à présent, Robida s’était peu occupé des aménagements de Pa-
ris, sinon pour signaler son extension en direction de Rouen au point de
former une conurbation et sa propension à se développer en altitude. Ici,
au-delà du métro souterrain, contrairement à celui de Verne, le sous-sol
naturel (cf., ill., p. 125) de Paris :
240 Ibid., p. 100.
241 Ibid., p. 102.
242 Ibid., p. 108.
Les maîtres du genre 273
Dans son premier roman conjectural, la plupart des fils étaient en-
core accrochés aux maisons, ici, ce n’est plus le cas, tout semble enterré...
une affirmation démentie quelques pages plus loin (ill. HT, p. 128) où
l’on voit encore des fils pendre entre les immeubles. En revanche, tous
les conduits de services sont souterrains, ce qui est une réalité de nos
jours.
Paris compte maintenant 11 millions d’habitants (en 1891 Paris intra
muros comptait 2 447 957 habitants et, environ, un million de plus avec
les faubourgs) et comporte encore des secteurs industriels, nous dit Ro-
bida. Les édifices et les maisons sont surmontés d’embarcadères pour les
engins volants et « de gigantesques réclames pour mille produits di-
vers »244, montrant que Robida a pensé à l’info-pollution. Même la véné-
rable Tour Eiffel a été modifiée:
Cette vieille tour a reçu récemment, au cours d’une restauration bien né-
cessaire, de considérables adjonctions ; ses deux étages inférieurs sont
enserrés dans de magnifiques et décoratives plates-formes d’une conte-
nance de plusieurs hectares, organisées en jardins d’hiver, supportées par
deux ceintures d’arc de fer d’un grand style.245
…les méfaits de la chimie sont pour beaucoup dans notre triste état de
santé à tous (…) c’est-à-dire la chimie appliquée à tout, à la fabrication
scientifique en grand des denrées alimentaires, liquides ou solides, de
tout ce qui se mange et se boit, à l’imitation de tous les produits naturels
246 Ibid., p. 130.
247 Ibid., p. 131, 132.
Les maîtres du genre 275
et sincères, ou à leur sophistication… Hélas ! tout est faux, tout est feint,
tout est fabriqué, imité, sophistiqué, adultéré, et nous sommes en un
mot, tous empoisonnés par tous les Borgias de notre industrie trop sa-
vante ! 248
Cette charge de Filox Lorris est étonnante (Cf. HT p. 184) car elle
reprend la charge de Souvestre contre les produits artificiels et les cris
d’alarme poussés actuellement par les organisations de consommateurs
ou les écologistes, face à la surabondance des colorants, des exhausteurs
de goût, des conservateurs, des antioxydants, des émulsifiants, des acidi-
fiants, des stabilisants, des produits de substitution, des pesticides, des
ajouts en nitrates, en sucre, en sel,… employés dans l’alimentation indus-
trielle par les fabricants. Même l’agriculture industrielle est également dé-
noncée par Filox Lorris avec « l’application en grand (…) de la chimie
modificatrice du vieil humus usé… »249, comme aujourd’hui quand on
souligne l’utilisation massive des nitrates et autres engrais polluants qui
génèrent des algues vertes toxiques. Enfin, Filox Lorris dénonce la pollu-
tion ambiante, ce qui est un discours totalement inédit pour la littérature
conjecturale de cette époque :
Il faudra attendre la fin des années 60-70, aux USA puis en Europe,
pour trouver un tel souci, lors de l’émergence de la SF écologiste avec
des romans de Ballard, de Dish et surtout de Brunner251.
Ici ce discours écologique, ne conduit qu’à une sorte de couplet eu-
génique que Robida a déjà fait tenir à Filox Lorris : cette pollution ajoute
des effets nocifs à l’absence de mariages arrangés, comme dans l’ancien
temps, pour perpétuer une race humaine (blanche), forte et vigoureuse.
248 Ibid., p. 144.
249 Ibid., p. 145.
250 Ibid. p. 146.
251 Voir ma thèse d’État : Émergence d’une nouvelle science-fiction en 1960… Limoges, 1989, 1re
partie, p. 446-476.
276 La littérature d’imagination scientifique
Et puisqu’il discute sur un pied d’égalité avec des ministres, Filox Lorris
leur rappelle les devoirs de
…L’État qui veille sur tout et sur tous, qui s’occupe du citoyen souvent
plus que celui-ci ne voudrait (…) qui dirige une grande partie de ses ac-
tions et l’ennuie très souvent (…) qui s’occupe même de ses vices,
puisqu’il lui fournit son alcool et son tabac, l’État a pour devoir de
s’occuper de sa santé… Pourquoi n’aurait-il pas le monopole des médi-
caments, comme il avait jadis celui des allumettes…254
Ce que Robida décrit ici, est tout autant le « tout-État », que « l’État
providence », que « l’État interventionniste » et même le nouveau « prin-
cipe de précaution », qui renforce la main mise de l’État sur les individus,
mais… pour leur bien.
À propos d’une réception mondaine chez les Lorris, Robida apporte
quelques précisions sur le fonctionnement des appareils de musique :
252 Ibid., p. 150.
253 Ibid., p. 152.
254 Ibid., p. 152.
255 Ibid., p. 174.
Les maîtres du genre 277
Après une enfance assez chaotique, mais dont il se servira dans ses
romans de littérature générale, Wells va pouvoir faire de études de biolo-
gie, de géologie et d’astronomie qui seront déterminantes dans sa future
carrière d’écrivain spéculatif et dans la mise en place de la science-fiction.
En 1895, H. G. Wells va proposer une nouvelle forme de voyage
dans le temps, fort différente du glissement temporel proposé par
Charles Renouvier dans son Uchronie (1857), à partir d’un « accident de
l’Histoire » et très différente aussi de celle proposée par Albert Robida
dans Jadis et aujourd’hui (1891) où l’on reste dans le cadre de la pochade et
de la magie.
On sait que La Machine à explorer le temps a connu une première
ébauche en 1888 sous la forme d’une nouvelle, « The Chronic Argonauts »,
qui sera publiée dans le Science Schools Journal de la Normal School of Science
Les maîtres du genre 279
de South Kensington après que Wells ait entendu en 1887 l’exposé d’un
étudiant, E. A. Hamilton-Gordon, consacré à la « quatrième dimension »,
lequel avait peut-être été lecteur de l’essai de Charles Howard Hinton :
Qu’est-ce que la quatrième dimension ? (1882).
Par la suite, après avoir remanié ce texte encore deux fois, selon di-
vers témoignages, Wells donne une version un peu plus complète de
cette histoire sous le titre « The Time-Traveller’s Story » (1894) pour la revue
National Observer, avant d’en produire une version rectifiée en janvier
1895 pour The New Review.
Enfin, la nouvelle devient ouvrage en juin 1895 chez Heinemann,
sous le titre : The Time Machine : An Invention, après de nouvelles modifica-
tions. Par la suite, Wells reprendra encore son texte pour en donner une
dernière version, encore remaniée, en 1925.
Avec La Machine à explorer le temps, Wells propose une solution tota-
lement nouvelle au problème du voyage dans le temps : une machine qui
peut aussi bien fonctionner à rebrousse-temps, comme le proposera Ro-
bida dans L’Horloge des siècles (1901) à partir d’un accident temporel, que
se projeter dans le futur.
Nous sommes, à proprement parler, dans un cadre totalement con-
jectural puisque Wells spécule sur l’idée que l’on peut contrôler le temps
qu’il considère comme un flux, ainsi que l’envisageait Héraclite, mais que
l’on peut descendre ou remonter comme dans un bateau.
Wells s’appuie sur les diverses réflexions philosophiques (Parménide,
Zénon, Aristote, saint Augustin, Kant, Schopenhauer, …) et sur les pre-
mières recherches scientifiques sur le temps, les implications de la phy-
sique de Newton, les lois de la thermodynamique et surtout sur le théo-
rème de récurrence d’Henri Poincaré (1890) issu de la théorie ergodique,
née des travaux de Boltzmann (1871). En effet, contrairement à Boltz-
mann, Poincaré pense que tous les phénomènes sont réversibles, même
macroscopiques, et que tout système finit par revenir dans un état
proche de celui de son état initial.
Mais il manque encore à Wells tous les apports de la transformation
de Lorentz touchant à la relativité restreinte (1905), ceux de la relativité
générale d’Einstein (1907), le paradoxe des jumeaux de Langevin (1907),
la géométrie de l’espace-temps de Minkovski (1907), le théorème de
Noether (1918), le théorème d’incomplétude de Gödel (1931) ainsi que
la « flèche du temps » d’Eddington (1929), le « pont » d’Einstein-Rosen
(1936), le principe de l’entropie de Shannon (1948), sans compter avec
toutes les théories contemporaines sur le temps comme l’idée de « Big
Bang » inventé par Fred Hoyle (1950), les « mondes multiples » (multivers)
280 La littérature d’imagination scientifique
257 WELLS, Herbert, George. La Machine à explorer le temps. Paris : Gallimard, 2010, p. 13
(Folio, n° 587).
258 KANT, Emmanuel. Critique de la raison pure. Paris : PUF, 1944, p. 63.
259 Ibid., p. 64.
260 WELLS, op. cit., p. 15.
Les maîtres du genre 281
264 Ibid., p. 21.
265 Ibid., p. 22.
266 Ibid., p. 24.
267 Ibid., p. 25, 26.
Les maîtres du genre 283
On ne peut pas dire que cette nouvelle description soit plus éclai-
rante que les précédentes, on pourrait même dire en ironisant un peu,
que nous sommes, en termes de voyage dans le temps et de technique, à
l’époque de la pierre taillée.
De fait, Wells éprouve déjà les mêmes difficultés que les auteurs de
SF qui lui succéderont : comment décrire quelque chose qui n’existe pas,
qui est même inconcevable ?… C’est pourquoi les descriptions de ma-
chines ou d’environnements du futur seront très souvent d’une banalité
ou d’une platitude exemplaire, un enfilage de lieux communs peu com-
promettants, démarquant souvent un réel proche de l’auteur.
C’est pourquoi ses amis restent perplexes face à cette machine et ses
promesses, hésitant entre la supercherie du charlatan ou l’expression
d’un génie qui les dépasse.
Ils reviennent huit jours plus tard, accompagnés du Rédacteur en
chef d’un grand journal qui assistera au récit du premier voyage dans le
temps du Voyageur. Les aspects conjecturaux du récit s’arrêtent à peu
près ici, le reste du roman est dédié à l’aventure et au social sous forme
de fable morale.
Quant au voyage dans le temps, c’est une impossibilité – jusqu’à
preuve du contraire – à cause du principe de causalité expliqué par Leib-
nitz qui implique que le futur n’est jamais que du présent en train de se
faire et à cause de l’équation relativiste de Dirac (1928), comme
l’explique le chercheur du CNRS, Étienne Klein, lors d’une conférence
en 2006268.
La chronologie, qui a débuté avec le Big Bang, découle du principe de
causalité, ce que cette équation respecte une fois que Dirac l’ait modifiée
en y intégrant ce principe. Dans un espace quantique, il met en relief une
énergie négative (1929), à laquelle Heisenberg ou Schrödinger ne
croyaient pas, ce qui a conduit Dirac à spéculer sur l’existence
d’antiparticules. En 1931, Dirac comprend qu’une particule à énergie né-
gative (du point du vue mathématique) se comporte comme une parti-
cule qui semble remonter le cours du temps, ce que l’on peut traduire
comme étant « une antiparticule d’énergie positive qui suit le cours nor-
mal du temps », explique Étienne Klein. Dirac envisage alors un positron
d’une même masse que le neutron, mais de charge inverse.
En 1932 un jeune physicien, Karl Anderson, met en évidence dans
une chambre de Wilson des traces de particules qui tournaient dans le
268 Voir : http://www.cea.fr/recherche_fondamentale/le_temps_entre_realite _et_ illu-
sion
284 La littérature d’imagination scientifique
sens inverse de l’électron, donc des positrons. Anderson qui n’avait pas
connaissance des travaux de Dirac, a trouvé par hasard le positron qui
fait 1/20e du neutron alors que Dirac l’envisageait beaucoup plus gros. Si
le positron existe, l’antimatière existe et c’est la preuve qu’il existe
quelque chose dans l’univers dans lequel on ne peut voyager. Comme on
ne peut inverser la chronologie au risque de se retrouver dans l’anti-
matière, le voyage dans le temps est donc impossible.
Ce qui est passé est passé, tous les événements du temps sont donc
actés et irréversibles. Comme l’affirmait Pascal, même Dieu ne peut agir
sur le passé. En philosophie, on peut toujours imaginer un système où
l’on échappe au temps ; la physique affirme que c’est illusoire.
Wells a placé dans ce roman plusieurs fois remanié (jusqu’en 1924)
l’hypothèse du voyage temporel qui va donner naissance à un des thèmes
les plus féconds de la SF moderne où l’on va se déplacer sur l’axe entier
du temps – dans le passé comme dans le futur – et même à une reprise
astucieuse de son roman par Stephen Baxter, Les Vaisseaux du temps
(1998), roman beaucoup plus conjectural que son modèle et qui, lui, tient
compte des apports de la mécanique quantique, que nous avons évoquée.
Ce roman a été plusieurs fois primé.
L’année suivante, L’Île du Docteur Moreau (1896) est beaucoup plus en
prise sur les sciences de la fin du XIXe siècle, il est vrai que nous sommes
dans un domaine que Wells connaît bien : la biologie, qu’il a étudiée avec
Huxley à la Normal School of Science de South Kensington.
Si, dans son premier roman conjectural, le propos de Wells était seu-
lement spéculatif, avec ce roman la dimension scientifique nous ramène
au plus près des littératures d’imagination scientifiques. C’est ce que rap-
pelle fort justement Joseph Altairac dans son ouvrage sur Wells : H. G .
Wells, parcours d’une œuvre (1998).
En janvier 1895, Wells avait publié dans le Saturday Review un article
intitulé « The Limit of Individual Plasticity » où il évoquait la possibilité,
grâce à l’amélioration de la qualité des soins par l’usage des antiseptiques,
de modeler par le biais de la vivisection, des êtres vivants pour les faire
ressembler aux monstres de la mythologie afin de créer des faunes, des
minotaures, des gorgones ou des sphinx. Il reprendra cette idée dans le
huitième chapitre de L’Île, lorsque Moreau explique son projet. Il y a
donc bien un lien étroit entre ces articles et le roman.
Pour mieux comprendre le projet délirant de Moreau, il faudrait éga-
lement faire référence à d’autres écrits de Wells comme l’article « The Pro-
vince of Pain » qu’il publie dans Science and Art (1894), où il défend
l’expérimentation animale et au-delà la vivisection :
Les maîtres du genre 285
C’est là le vieux débat entre l’inné et l’acquis qui va agiter les socio-
logues du XIXe siècle, débat encore inachevé quand on y fait entrer le
concept diffus de « culture », mais que l’on peut aussi faire remonter à
Platon qui affirmait que « L’homme est un animal social ».
On peut déjà mesurer combien la possibilité de cheminement de
Wells en matière scientifique est étroit et fragile à ce moment, mais aussi
combien il s’inscrivait dans le cadre des débats qui alimentaient alors les
milieux scientifiques : Darwin, Huxley et l’évolutionnisme, Walton avec
sa théorie sur les caractères innés et acquis pour tenter de compléter la
seconde Loi de Mendel, plus convaincante que la phrénologie de Gall
qui permettra quand même à Paul Broca de déterminer l’aire de la parole.
L’hypothèse de Wells est fragile et les connaissances médicales, comme
269 Cité par ALTAIRAC, Joseph. H.G. Wells : Parcours d’une œuvre. Amiens : Encrage, 1998,
271 WELLS, Herbert George. L’Île du docteur Moreau.- Gallimard, 1996, p. 12 (Folio, n°
2917).
Les maîtres du genre 287
C’était un être difforme, court, épais et gauche, le dos arrondi, le cou poi-
lu et la tête enfoncée entre les épaules. (…) Sa face noire, que j’aperce-
vais ainsi soudainement, me fit tressaillir. Elle se projetait en avant d’une
façon qui faisait penser à un museau, et son immense bouche à demi ou-
verte montrait deux rangées de dents blanches plus grandes que je n’en
avais jamais vu dans aucune bouche humaine. Ses yeux étaient injectés de
sang, avec un cercle blanc extrêmement réduit autour des pupilles fauves.
Il y avait sur toute cette figure une bizarre expression d’inquiétude et de
surexcitation.272
À l’arrivée sur l’île, un homme aux cheveux blancs attend sur une
chaloupe, Montgomery, la créature et les animaux en cage. Prendick est
évacué manu militari du bateau et, bientôt recueilli par la chaloupe, il est
conduit dans l’île contre son gré, comme un naufragé qui échoue dans un
espace utopique. On pourrait d’ailleurs se demander si nous ne sommes
pas dans le cadre d’une utopie scientifique : celle où Moreau serait en
train de constituer une nouvelle humanité, alliant la robustesse de
l’animal au savoir de l’homme. C’est d’ailleurs ces êtres nouveaux que
Prendick va voir dès son arrivée sur l’île :
L’homme qui attendait avait une taille moyenne, une face négroïde, une
bouche large et presque sans lèvres, des bras extrêmement longs et
grêles, de grands pieds étroits et des jambes arquées. [Bientôt, ils sont
trois, laids, mais efficaces, avec des mouvements bizarres] comme si les
jointures eussent été à l’envers. 274
Vous oubliez tout ce qu’un habile vivisecteur peut faire avec des êtres vi-
vants. (…) Sans doute, on a tenté quelques efforts – amputations, abla-
tions, résections, excision. Sans doute, vous savez que le strabisme peut
être produit ou guéri par la chirurgie. (…) La chirurgie peut faire mieux
que ça. (…) Vous avez entendu parler, peut-être, d’une opération fré-
274 Ibid., p. 38, 39.
275 Ibid., p. 41.
276 Ibid., p. 48.
290 La littérature d’imagination scientifique
277 Ibid., p. 107, 108.
278 Ibid., p. 109.
Les maîtres du genre 291
Ces créatures que vous avez vues sont des animaux taillés et façonnés en
de nouvelles formes. (…) Ce n’est pas seulement la forme extérieure
d’un animal que je puis changer. La physiologie, le rythme chimique de la
créature peuvent aussi subir une modification durable dont la vaccination
et autres méthodes inoculation de matières vivantes ou mortes sont des
exemples (…) Une opération similaire est la transfusion du sang, et c’est
avec cela, à vrai dire que j’ai commencé.279
Nous l’avons déjà constaté, Wells se place bien au cœur des problè-
mes scientifiques de son temps. Il ne s’agit plus, comme le dit Moreau,
de fabriquer des estropiés, des « hommes qui rient » pour peupler les
Cours des Miracles, mais de transformations que Moreau juge positives,
des « expériences pour voir », en se réclamant de Claude Bernard qui a
publié la majeure partie de son œuvre scientifique entre 1855 et 1865,
dont sa fameuse Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865).
Quant à la vaccination, c’est effectivement une nouveauté car, après
les succès d’Edward Jenner à partir de 1796 pour le traitement de la va-
riole (la jennerisation), Louis Pasteur vient de réussir la vaccination
contre la rage en 1885 et surtout, il a expliqué le phénomène en mettant
en relation microbe et malade. De même, et sans avoir encore résolu le
problème (Cf. supra), on a aussi progressé dans le domaine de la transfu-
sion sanguine.
Les autres manipulations de Moreau sont d’ordre mécanique, comme
le fonctionnement des articulations (on peut d’ailleurs se demander ce
qu’il y gagne, car cette seule modification ne suffit pas pour transformer
un quadrupède en bipède !), quant aux modifications, quand elles sont
biologiques, le discours de Wells est très vague.
En fait, les idées de Wells sur ce sujet, doivent certainement beau-
coup aux travaux de Johann Friedrich Dieffenbach, élève de Karl Frie-
drich von Graefe à l’Université de Berlin, et à ses quatre volumes : Expé-
riences chirurgicales, surtout en ce qui concerne les parties détruites du corps humain,
édités à Berlin entre 1829 et 1834 (traduction anglaise de la partie sur la
rhinoplastie en 1833), où il fonde les principes de la chirurgie plastique et
279 Ibid., p. 109.
292 La littérature d’imagination scientifique
281 Ibid., p. 110.
Les maîtres du genre 295
Quelle est votre justification pour infliger toutes ces souffrances ? (…)
Car c’est justement cette question de souffrance qui nous partage. Tant
que la souffrance qui se voit ou s’entend, vous rendra malade, tant que
vos propres souffrances vous mèneront, tant que la douleur sera la base
de vos idées sur le mal, sur le péché, vous serez un animal, je vous le dis,
pensant un peu moins obscurément que ce qu’un animal ressent.282
La douleur n’est que notre conseiller médical intime pour nous avertir et
nous stimuler. (…) Les végétaux ne ressentent aucune douleur ; les ani-
maux inférieurs – il est possible que des animaux tels que l’astérie ou
l’écrevisse ne ressentent pas la douleur. Alors, quant aux hommes, plus
intelligents ils deviennent et plus intelligemment ils travailleront à leur
bien-être et moins nécessaire sera l’aiguillon qui les avertit du danger.283
282 Ibid., p. 112, 113.
283 Ibid., p. 114.
296 La littérature d’imagination scientifique
traité Essai d’Optique sur la Gradation de la Lumière, elle sera reprise par le
mulhousien Johann Henrich Lambert en 1760 et définitivement mise en
forme par l’Allemand August Beer en 1852.
Cette loi qui est utilisée en biochimie, l’est également en photogra-
phie pour déterminer le contraste sur une zone photographiée, ce que
l’on appelle communément le gamma (transparence ou contraste) d’une
épreuve argentique ou numérique.
Wells s’appuie donc sur une donnée scientifique relativement ré-
cente, même s’il va être conduit à beaucoup extrapoler à partir de ses
conséquences.
Personne n’aurait cru, dans les dernières années du XIXe siècle, que les
choses humaines fussent observées, de la façon la plus pénétrante et la
plus attentive, par des intelligences supérieures aux intelligences hu-
maines et cependant mortelles comme elle (…) Tout au plus les habi-
tants de la Terre s’imaginaient-ils qu’il pouvait y avoir sur la planète Mars
des êtres probablement inférieurs à eux, et disposés à faire bon accueil à
une expédition missionnaire.290
Il fut à ce moment absolument clair dans mon esprit que la Chose était
venue de la planète Mars (…) Mon esprit vagabonda à sa fantaisie autour
des possibilités d’un manuscrit enfermé à l’intérieur (…) ou bien de
monnaies, de modèles ou de représentations diverses qu’il contenait et
ainsi de suite.295
La première hypothèse n’est donc pas celle d’une invasion, mais celle
d’une ambassade. On peut penser que ce genre d’idée a été à l’origine des
projets Pioneer 10 et 11 et Voyageur 1 et 2, sondes lancées entre 1972 et
1977, qui contiennent des messages (leur contenu a été choisi par Karl
Sagan) à l’attention d’éventuelles civilisations hors de notre système so-
laire, époque où l’on n’avait pas encore découvert d’exoplanètes, mais où
on les pensait possibles.
En tout cas, ce moyen de communication était moins extravagant
que ceux qui avaient cours où qui seront proposés au cours du XIXe
siècle. Dans les années 1850, des télépathes comme Helene Smith
croyaient communiquer avec les Martiens. En 1892, le cousin de Dar-
win, Sir Francis Galton avait proposé d’envoyer des messages vers Mars
à l’aide de miroirs, en utilisant le Morse où de tracer dans le sable du Sa-
hara des messages en lettres gigantesques. Puis en 1901, c’est Tesla qui
suggère d’utiliser la radio, en 1908 l’astronome William Pickering repren-
dra l’idée de Galton et ainsi de suite. Depuis les années 30, les projets
d’écoutes ne concernent plus Mars, mais l’Univers entier par le biais de la
radioastronomie. Ces écoutes, mis à part le Signal Wow (6EQUJ5) en
1977, n’ont rien donné de cohérent mais ont permis, en 1963, la décou-
verte du rayonnement fossile du Big Bang et en 1967 du premier Pulsar.
L’objet échoué attire les curieux. On entreprend de le dégager du
sable où il s’est enfoncé, quand son couvercle finit de se dévisser et
tombe à terre. Wells va décrire les Martiens avec application d’autant
plus qu’il a pris soin de leur donner une forme originale.
Une grosse masse grisâtre et ronde, de la grosseur à peu près d’un ours,
s’élevait lentement (…) Deux grands yeux sombres me regardaient fixe-
ment. L’ensemble de la masse était ronde et possédait pour ainsi dire une
295 Ibid., p. 26.
Les maîtres du genre 303
face : il y avait sous les yeux une bouche, dont les bords sans lèvres
tremblotaient, s’agitaient et laissaient s’échapper une sorte de salive. (…)
Ceux qui n’ont jamais vu de Martiens vivants peuvent difficilement ima-
giner l’horreur étrange de leur aspect, leur bouche singulière en forme de
V et la lèvre supérieure pointue, le manque de front, l’absence de menton
au-dessous de la lèvre inférieure en coin, le remuement incessant de cette
bouche, le groupe gorgonesque des tentacules, la respiration tumultueuse
des poumons dans une atmosphère différente, leurs mouvements lourds
et pénibles, à cause de l’énergie plus grande de la pesanteur sur la terre et
par-dessus tout l’extraordinaire intensité de leurs yeux énormes...296
tures intelligentes, on avait résolu de leur montrer (…) que nous aussi
étions intelligents. »299
Une fois encore, Wells soigne l’analogie entre la conduite des Mar-
tiens avec celle de l’Homme Blanc en Afrique : il ne parlemente pas, mais
il dévaste avec des armes inconnues de l’autochtone.
Nous sommes bien face à une arme nouvelle pour l’homme, arme
absolue, de destruction massive qui, étant inconnue, n’en est que plus in-
quiétante et prélude déjà à une défaite possible face à ces envahisseurs.
On notera l’utilisation d’un miroir parabolique, semblable à celui que
299 Ibid., p. 36.
300 Ibid., p. 37.
301 Ibid., p. 38-40. (un tel salmigondis donne à penser que la traduction n’est pas fa-
nous avons trouvé chez D’Ivoi, mais qui, ici, semble agir comme les mi-
roirs d’Archimède. Mais Wells ménage ses effets.
Après une phase de découragement, la raison reprend ses droits
grâce à l’astronome Ogilvy qui :
302 Ibid., p. 47.
303 Ibid., p. 47, 48.
306 La littérature d’imagination scientifique
tendre que les sondes Viking 1 & 2 se posent sur Mars en 1976 pour
avoir une analyse plus fine de son atmosphère, que celle donnée par les
missions Mariner 4, 6, 7 et 9 entre 1967 et 1971. En revanche l’analyse
révèle que l’atmosphère de Mars ne contient que 0,13 % d’oxygène. Les
Martiens de Wells vont donc être sous-« argonisés » et suroxygénés, ce
qui n’est peut-être pas bon pour leur organisme ?...
Le jour suivant, dans la lande, on entend que les Martiens s’affairent.
Ici ou là on voit des bosquets ou des maisons brûler. Le gouvernement
envoie l’armée. Le vendredi soir un autre vaisseau martien arrive. Le sa-
medi soir, les Martiens attaquent.
… une sinistre lueur verdâtre éclaira la route devant moi (…) Je vis les
nuages rapides percés, pour ainsi dire, par un ruban de flamme verte qui
illumina soudain leur confusion et vint tomber au milieu des champs
(…) Une fois que les éclairs eurent commencé, ils se succédèrent avec
une rapidité inimaginable ; les coups de tonnerre, se suivant sans inter-
ruption avec d’effrayants craquements, semblaient bien plutôt produits
par une gigantesque machine électrique que par un orage ordinaire…304
Dans cette description que l’on pourrait penser être celle d’un orage
banal, dont les effets rappelleraient la fameuse machine de Tesla… mais
elle ne sera construite qu’en 1900 et le projet sera abandonné avec la fin
de son financement en 1903 par John Pierpont Morgan. Wells n’avait
pas non plus pu bénéficier de l’expérience de 1899 de Pikes Peak (Colo-
rado), où Tesla avait créé un gigantesque orage artificiel à l’aide d’arcs
électriques. On peut également penser que les manifestations créées au-
tour du château de Koltz par le savant fou Orfanik, chez Verne ont pu
inspirer Wells. Mais, une fois encore, Wells avait bien pressenti les
choses.
Ogilvy et le narrateur avaient misé sur la pesanteur terrestre pour en-
traver l’action d’invasion martienne. C’était sans penser que les Martiens
auraient planifié ce problème et les bruits qui avaient été entendus pro-
venant du cratère où se trouvait leur cylindre trouvent dès lors une expli-
cation.
304 Ibid., p. 64, 65.
Les maîtres du genre 307
305 Ibid., p. 65, 66.
306 Ibid., p. 123.
308 La littérature d’imagination scientifique
En revanche, ils n’ont pas d’appareil digestif. Ils étaient des têtes, rien
que des têtes. Dépourvus d’entrailles, ils ne mangeaient pas et digéraient
encore moins. Au lieu de ça, ils prenaient le sang frais d’autres créatures
vivantes…309
Comme ils n’ont pas de besoins nutritifs aussi importants que ceux
des hommes, les Martiens peuvent se consacrer au travail en continu. Les
Martiens n’étant que des cerveaux, on se rapproche des personnages déjà
rencontrés chez Boussenard avec ses afro-chinois, chez Le Faure et de
Graffigny avec leurs lunaires et de ceux que Robida a présentés dans La
Vie électrique (HT, p. 152) où il décrit des humains quasi hydrocéphales,
307 Ibid., p. 145.
308 Ibid., p. 163.
309 Ibid., p. 174.
Les maîtres du genre 309
Ces êtres, à en juger par les fragments ratatinés qui restèrent au pouvoir
des humains, étaient des bipèdes, pourvus d’un squelette siliceux sans
consistance – presque semblable à celui des éponges siliceuses – et d’une
faible musculature ; ils avaient une taille de presque six pieds de haut
[1,82 m], la tête ronde et droite, de larges yeux dans des orbites très
dures.310
… l’active machine avait déjà assemblé plusieurs pièces qu’elle avait reti-
rées du cylindre et le nouvel appareil qu’elle construisait prenait une
310 Ibid., p. 175.
310 La littérature d’imagination scientifique
en passe d’attaquer, pour leur plus grand malheur. Ils seront vaincus lors
de ce premier affrontement.
313 ROSNY Aîné, J. H.. « Les Xipéhuz » in La Force mystérieuse. Vervier : Marabout, 1977,
315ROSNY Aîné, J. H. La Mort de la Terre. Paris : GF Flammarion, 1997, p. 25 (Éton-
nants classiques, n° 2063).
314 La littérature d’imagination scientifique
les aïeux avaient mené une lutte efficace contre les parasites. Même les
organismes microscopiques ne purent se maintenir. (…) Maintenant
l’homme, les oiseaux et les plantes étaient pour toujours à l’abri des ma-
ladies infectieuses.317
ficielle contenant du radon ; les injections dans les veines, muscles ou ar-
ticulations de sérum physiologique contenant un radioélément en sus-
pension ou dissous, l’inhalation d’air contenant du radon (ainsi
l’empereur François-Joseph faisait-il une cure annuelle de radon à Bad-
gastein, la station de Spa était également réputée pour ses inhalations ra-
dioactives) et enfin, des bains d’eaux radioactives naturelles ou artifi-
cielles ainsi que des bains de boue à base de radium.
Les cafetières et fontaines d’eau au radium se vendront jusque dans
les années 30 et la laine Oradium était recommandée pour confectionner
la layette des nourrissons. En 1953, une société de Denver faisait encore
de la publicité pour un gel contraceptif au radium…320
Peu après, Rosny introduit la « race future », les ferromagnéteux :
« …la foule songeait aux étranges créatures magnétiques qui se multi-
pliaient sur la planète pendant que déclinait l’humanité. »321 Et pour aider
à cette disparition, Rosny donne à penser qu’ils attaquent les humains
isolés.
Bien qu’ils ne semblent plus rien fabriquer, les derniers hommes uti-
lisent encore des moyens de communications hertziens (probablement),
aériens ou terrestres :
323 Ibid., p. 41.
324 Ibid., p. 42, 43.
318 La littérature d’imagination scientifique
décelaient qui, d’après des lois mal élucidées, retentirent sur notre pauvre
globe. »325
Nous nous trouvons donc bien en présence d’un réchauffement cli-
matique, mais pas au sens où l’entend le GIEC aujourd’hui, pas plus que
face à une pénurie en eau potable due à une surconsommation des pays
développés. La responsabilité de la sécheresse est seulement imputable à
l’activité solaire.
Il ne faut donc pas voir là un discours prémonitoire, pas plus que
l’annonce de nouveaux produits organiques qui n’est qu’une recherche
adaptative à la sécheresse en cours et non un plaidoyer anti-OGM
comme une lecture rapide pourrait le donner à penser, de même l’utilisa-
tion de « proto-atome » n’annonce pas les centrales nucléaires.
Quant à l’estimation de la population terrestre, elle semble exagérée.
En 1910 elle était de 1,750 milliard d’habitants, en 1972 le Rapport Mea-
dows (Club de Rome) donnait des chiffres alarmistes, parlait déjà de
« surpopulation » (15 milliards en 2050) mettant la planète en danger.
Quelques années plus tard le MIT et Hermann Kahn, dans Demain
l’an 2000, auront une position plus nuancée avec notamment les estima-
tions de Sorokin qui ne se basent plus sur un scénario unique, mais sur
trois en fonction de la situation internationale. Quoi qu’il en soit, le con-
cept de « croissance zéro » était né.
Malgré tout le cap des 6 milliards d’humains a été franchi en octobre
1999 et en 2050, on pense que l’on aura franchi le cap des 9 milliards, ce
qui est beaucoup, mais encore loin de ce qu’annonçait le Club de Rome
en 72. Si la population mondiale continue de croître rapidement, cette
croissance se ralentit depuis le début des années 70, grâce à l’alphabéti-
sation des femmes et grâce aux campagnes en faveur de la contraception.
Bien qu’il ne donne pas de date, on peut penser que les 23 milliards
annoncés par Rosny constitueraient un cap insoutenable (Rosny parle de
cannibalisme institutionnel), mais ce qu’il décrit par la suite n’est jamais
qu’une « catastrophe malthusienne ».
Les cataclysmes également décrits par Rosny, en particulier le haus-
sement des montagnes jusqu’à 25 ou 30 000 m à cause des phénomènes
de subduction, ne sont pas expliqués, car le principe de la tectonique des
plaques ne sera présenté par Alfred Wegener que lors de l’année de la
publication de ce roman et encore, cette idée fut-elle à peine remarquée
et contestée.
325 Ibid., p. 42.
Les maîtres du genre 319
…leur apparition remonte à une époque lointaine, les nouveaux êtres ont
peu évolué. Leurs mouvements sont d’une surprenante lenteur ; les plus
agiles ne peuvent parcourir un décamètre par heure (…) les enceintes
vierges des oasis, plaquées de bismuth, sont pour eux un obstacle infran-
chissable. (…) On commença à percevoir l’existence du règne ferroma-
gnétique au déclin de l’âge radio-actif. C’étaient de bizarres taches vio-
lette (…) sur les fers et les composés des fers (…) Leur composition est
singulière. Elle n’admet qu’une substance : le fer. (…) La structure du
fer, à l’état vivant, est fort variée (…) L’ensemble est plastique et ne
comporte aucun liquide. Mais ce qui caractérise surtout les nouveaux or-
ganismes, c’est une extrême complication et une instabilité continuelle de
l’état magnétique.327
connaissances humaines. Yverdon : de Felice, 1770, p. 185 (Vol. II). Ouvrage réédité en 2003
chez Champion/Slatkine sous forme de DVD.
320 La littérature d’imagination scientifique
329 Ibid., p. 49, 50.
330 Ibid., p. 98.
Les maîtres du genre 321
Cette aventure évoque bien sûr des situations que nous avons déjà
rencontrées, où la Terre traversait la chevelure d’une comète. Dans ce
roman, nous sommes également proches du Rosny « néo-réaliste » avec
une étude de comportements humains en temps de crise à l’aide d’un
vocabulaire particulièrement bien choisi, qui double une hypothèse
scientifique quelque peu hasardeuse… bien que nous ne sachions pas
tout de l’univers, loin s’en faut.
L’espace reste donc un lieu rempli de mystères et l’existence d’une
« force cosmique » encore inconnue331 est une hypothèse alors plausible,
mais contrairement à d’autres auteurs de littérature d’imagination scienti-
fique, Rosny ne semble s’intéresser que médiocrement aux sciences
exactes, il est beaucoup plus attiré par les sciences de l’homme : « Dans
mon adolescence, la seule évocation des noms de Ninive, Babylone, Ec-
batane suffisaient à me faire rêver pendant des heures. » En cela, il est
certainement plus proche d’Edgar Rice Burroughs que de Verne ou de
Wells, même quand il donnera Les Navigateurs de l’infini en 1925.
Ici, le contenu scientifique reste assez mince. Pour s’en convaincre, il
suffit de lire le chapitre intitulé « Roche-sur-Yonne » dans l’Épilogue de
La Force mystérieuse332. Là, le Professeur Langre explique ce qui s’est passé,
mais dans un verbiage scientifique qui laisse quelque peu le lecteur sur sa
faim.
Le couple central de ce roman est conforme aux types de person-
nages que nous avons déjà rencontrés, aussi bien chez les auteurs de se-
cond plan, que chez les meilleurs auteurs du genre : le Professeur Langre
et son assistant. C’est autour de ce couple que graviteront des person-
nages secondaires et divers groupes, dans des mouvements d’attraction
et de répulsion.
Gontran Langre est décrit comme un homme « désorbité », mais :
« Plein de génie, doué de l’opiniâtreté et de l’adresse des grands expéri-
mentateurs, il connut l’amertume affreuse de se voir devancé par des
hommes qu’inspiraient ses découvertes ou ses brochures. »333 Rosny pré-
cise en citant l’aventure de Langre avec un flagorneur sans envergure, qui
331 À l’heure actuelle n’est-on pas en train de s’interroger sur la « matière noire » qui cons-
tituerait une bonne part de l’univers, sans que l’on comprenne encore exactement ce
qu’elle est et quel est son rôle ?… Nous sommes très loin d’avoir tout compris de la
constitution et du fonctionnement de notre univers.
332 ROSNY Aîné, J. H.. La Force mystérieuse. Vervier : Marabout, 1972, p. 185-198.
(« Science-fiction », n° 411).
333 Ibid., p. 18.
322 La littérature d’imagination scientifique
Quant à son jeune assistant, ou plutôt son disciple, il est décrit comme
un :
335 Le diamagnétisme est le comportement d’un objet lorsqu’il est soumis à un champ
En fait, ce type de couple, composé d’un savant aussi génial que mé-
connu, aidé par un jeune homme dynamique (et amoureux), sera plu-
sieurs fois réutilisé une quarantaine d’années plus tard dans la science-
fiction alimentaire française.
Si l’on peut rapprocher Langre du savant Cosinus ou du Professeur
Tournesol, on peut aussi y voir une sorte d’anti-Frankenstein, l’image
rassurante du savant qui ne réussit pas, mais qui n’a rien de ces person-
nages diaboliques créés par Mary Shelley, par Villiers, par Stevenson, ou
par Wells. C’est l’image d’une science sage, sérieuse, qui force le respect,
une science semblable à celle représentée par les grands scientifiques du
temps.
Le couple Langre/Meyral va contribuer à crédibiliser cette histoire
en la rendant humaine, mais aussi exemplaire, dans la mesure où on va
voir ce duo un peu excentrique se transcender par devoir, pour assurer la
survie de l’humanité.
En fait, il ne faut pas se fier aux apparences. Si Langre ressemble
plus ou moins à un illuminé, hors des réalités et des contingences du
temps, il va se montrer d’une redoutable opiniâtreté pour faire face à la
situation qui est en train de se créer et face également aux problèmes fa-
miliaux qu’il va devoir affronter.
Si Meyral s’est regardé plusieurs fois dans une glace en se rendant
chez Langre, c’est, certes, parce qu’il a un côté dandy, gandin, mais aussi
parce qu’il vient d’observer un phénomène curieux : l’image que les di-
vers miroirs lui ont renvoyée de lui, est partiellement floue. De plus, ce
qu’il vient de voir au coin de la rue Soufflot, une bagarre sans raison ap-
parente, l’a intrigué, mais il va se confirmer par la suite que :
« L’humanité est orageuse. »339 Mais ni lui, ni personne, ne fait encore le
lien entre ces deux événements : une image brouillée et l’agressivité qui
se développe.
Meyral et Langre essayent de comprendre le problème des images
brouillées : « La lumière a quelque chose (…) Si la lumière est malade, reprit
enfin Langre, il faudra savoir ce qu’elle a ! »340 Ils constatent un dédou-
blement des faisceaux lumineux, sans réfraction et sans polarisation, ainsi
qu’une sorte d’affaiblissement de la lumière.
Les deux chercheurs sont interrompus dans leurs vérifications par un
appel téléphonique de la fille de Langre, Sabine. Son mari semble être
devenu fou. Cette situation ne les étonne pas car Pierre Vérannes est un
339 Ibid., p. 18.
340 Ibid., p. 21.
324 La littérature d’imagination scientifique
341 Voir ma thèse de 3e Cycle : La Science-fiction française sous la IVe République… Limoges,
1982, 485 p.
342 Ibid., p. 29, 30.
Les maîtres du genre 325
ment »343, on peut imputer cet état, non aux événements qui ne semblent
pas plus le toucher que Meyral, comme s’ils avaient été vaccinés, mais à
son inquiétude pour sa fille.
Paris s’agite de plus en plus, une sorte de mouvement brownien, ce
que le groupuscule constate en allant de l’Avenue de la Grande-Armée,
depuis chez les Vérannes, jusque chez Langre, rue du Faubourg Saint-
Jacques, en bordure du Quartier latin.
346 Ibid., p. 40.
347 Ibid., p. 45.
348 Ibid., p. 45.
349 Ibid., p. 45.
Les maîtres du genre 327
350 Ibid., p. 47.
328 La littérature d’imagination scientifique
quatre régiments de cavalerie351 (…) Il semble qu’il ait été résolu à ne te-
nir compte d’aucun ordre supérieur. [Et après avoir nettoyé quelques
rues au canon] Les troupes fusillaient sans relâche les masses agglomé-
rées, que leur multitude même tenait immobile (…) à quatre heures du
matin, Laveraud entrait à l’Élysée. Le cadavre du Président gisait sur les
marches du Palais, mais la révolution était vaincue.352
354 Ibid., p. 60, 61.
355 Ibid., p. 64.
330 La littérature d’imagination scientifique
Rosny montre ici qu’il ne se contente pas d’exposer des faits scienti-
fiques, avec soin, il en développe les conséquences (avec une pointe
d’humour…noir) comme le faisait Robida, même peut-être au-delà de la
raison car a-t-on jamais vu un État se montrer aussi soudainement géné-
reux : réduction d’impôts, chantiers nationaux. C’est peut-être là une ré-
miniscence du début du second Empire, époque où Napoléon III s’était
souvenu qu’il avait écrit un essai intitulé : L’extinction du paupérisme (1844)
et avait ouvert de grands chantiers nationaux pour favoriser l’emploi, une
assistance généralisée sans courir droit à l’inflation par une surchauffe
économique due à la surconsommation des ménages. Quoi qu’il en soit,
l’expression de ce changement social montre le soin avec lequel Rosny
construit ses romans et combien il reste fidèle à ses « idées de gauche ».
Tirant les conséquences des derniers événements et redoutant de se
voir pris dans une nouvelle vague insurrectionnelle, nos héros décident
361 Ibid., p. 103.
362 Ibid., p. 104.
332 La littérature d’imagination scientifique
ce phénomène peut rapprocher malgré eux des individus qui ne sont pas
en harmonie.
Tout ceci s’accompagne d’un surprenant réchauffement climatique
avec des transformations étonnantes : « Les fruits atteignirent des dimen-
sions inouïes : on eut des pêches aussi grosses que des oranges de Jérusa-
lem. Les champs de blé ressemblaient à des champs de roseaux. (…)
Tout poussait à foison… »365 Il semble que la maladie de la lumière ait eu
une influence bénéfique sur la nature. La campagne devient le pays de
Cocagne.
On sait maintenant qu’une partie du spectre solaire a une influence
sur la croissance des plantes. La lumière rouge (660 mm) et la lumière
rouge lointaine (735 mm) ont une influence sur les tiges des plantes
qu’elles allongent. La lumière bleue (435 mm) est responsable de la crois-
sance des feuilles et des fruits grâce à une meilleure assimilation des oli-
goéléments. Rosny semble l’avoir partiellement pressenti, mais nous
sommes loin de ce que l’on avait vu chez Souvestre et des « prédictions »
pour le XXe siècle que l’on trouvera dans la 5e partie.
Tout ceci s’accompagne de nouvelles observations scientifiques
faites par Langre et Meyral :
365 Ibid., p. 110.
366 Ibid., p. 110, 111.
334 La littérature d’imagination scientifique
Il devinait que Langre reprenait des expériences ; il savait que les en-
fants jouaient devant le grand perron, avec le chien Chivat, et que le
jardinier cueillait des fruits. La façon dont il savait tout cela n’était ni
tactile, ni auditive, ni visuelle… Il le savait, voilà tout. Et si, par
exemple, il s’émouvait à l’idée que Césarine peignait la grande cheve-
lure de Sabine, c’est parce que l’image visuelle se superposait à la sensa-
tion inconnue, à peu près comme elle se fut superposée à une lecture
ou a une rêverie.368
367 Ibid., p. 116, 117.
368 Ibid., p. 120, 121.
Les maîtres du genre 335
372 Ibid., p. 126, 127.
373 Ibid., p. 128.
Les maîtres du genre 337
374 Ibid., p. 128, 129.
375 p. 62 du manuscrit autographe
338 La littérature d’imagination scientifique
Il est certain que nous sommes liés les uns aux autres d’une manière
étrangement organique. Est-ce qu’une énergie quelconque resserre peu à
peu le lien lâche qui rattache les êtres en temps ordinaire – et alors c’est
un simple phénomène d’interaction… Ou bien sont-ce des connexions vi-
vantes qui se forment entre nous… ou encore sommes-nous pris dans…
(…) Nous sommes saisis par une autre vie !376
Si tel est le cas, comme elle est inconnue sur Terre, ce ne peut être
qu’une forme de vie extraterrestre, pour le moment inexpliquée et inex-
plicable.
Quelques jours plus tard, le groupe est atteint par les prémices du
mal. Langre se réveille avec une pressante envie de manger de la viande,
puis ce sont Catherine et les enfants qui sont touchés. Meyral a soudain
une idée, ils vont aller dans la forêt voisine. Là, il sait qu’existe une
champignonnière abandonnée.
Or le champignon est pauvre en lipides mais riche en protides, plus
du tiers de sa matière sèche. Le champignon, comme la viande de bœuf,
est riche en phosphore, très riche en potassium, pauvre en calcium et en
sodium. Donc, par son aspect physique, sa consistance sous la dent et sa
composition chimique, la chair du champignon est assez voisine de celle
de la chair musculaire.
376 ROSNY, op. cit., p. 122, 123.
Les maîtres du genre 339
379 ROSNY, op. cit., p. 185.
380 Ibid., p. 189.
Les maîtres du genre 341
381 Ibid., p. 192-196.
382 Voir : SAGAN, Carl. Cosmos. Paris : Mazarine/A2, 1981, p. 299-302.
342 La littérature d’imagination scientifique
These prophecies will seem strange, almost impossible. Yet they have come from the
most learned and conservative minds in America. To the wisest and most careful men
in our greatest institution of science and learning I have gone, asking each in this turn
to forecast for me what, in his opinion, it will have been wrought in his own field of
investigation before the dawn of 2001 – a century from now. These opinions I have
carefully transcribed.383
383 ELFRETH WATKINS, Jr. (John). « What May Happen in The Next Hundred Years » in
The Ladies’Home Journal. New York : Dec. 1900, p. 8 (Vol.XVIII, n° 1). Avec l’aide et
l’aimable autorisation de la Library of Congress, Rare Book and Special Collections Division.
Les maîtres du genre 343
point qu’en 2010, une couverture santé minimale pour tous a été adoptée
à l’instigation du Pdt Obama. Quant aux trajets banlieue/centre ville, ils
prennent du temps et coûtent de plus en plus cher à cause de
l’augmentation du prix de l’énergie.
vières, mais assez peu adapté aux creux de la mer sauf sur certains ba-
teaux de compétition multicoques. La vitesse envisagée n’est pas irréa-
liste puisque c’est celle des hors-bords, en revanche, on conçoit mal une
telle vitesse avec un transatlantique surtout avec une propulsion élec-
trique, sauf, peut-être, doté d’un moteur atomique comme pour les bâti-
ments de guerre. On se souvient de bateaux électriques chez D’Ivoi et
on se souvient également d’un vaisseau vénusien qui se mettait en plon-
gée par gros temps chez Le Faure et de Graffigny et d’un sous-marin
transatlantique chez Souvestre.
à leur adaptabilité et leur croissance rapide. Sinon, ce que l’on nous décrit
ici, n’est autre qu’un élevage industriel intensif en batterie, auquel ne
manquent que les hormones variées, les vaccins en nombres et les « tri-
patouillages » génétiques, pour avoir une image de ce qui se passe au-
jourd’hui. En revanche, on valorise tous les déchets animaux pour en
faire… de la nourriture animale, par exemple.
même encore plus loin avec les appareils supportant la 3G et la 4G, avec
la Voix sur IP. Les appareils sont maintenant de véritables nano-ordina-
teurs servant à téléphoner, représentant l’extension d’un bureau avec
salle de visioconférence, devenant un outil, un poste de radio ou de télé-
vision, un appareil photo comme une caméra, une console de jeu comme
une manette de guidage interactive. L’interconnectivité téléphonique est
bien mondiale, comme cette proposition le pressentait. Mais tout ceci
n’est qu’un début…
rement dans les écoles et les élèves pauvres seront pourvus en lunettes,
en dentisterie gratuite et en soins médicaux de toutes sortes. Les élèves
très pauvres, quand ce sera nécessaire, auront leurs voyages payés pour
aller à l’école et seront nourris hors temps scolaire. Pendant les vacances,
les enfants pauvres seront amenés à visiter divers points du globe. La po-
litesse et les soins ménagers seront deux matières d’enseignement impor-
tantes dans les écoles.
21 – Nous avons là un projet d’enseignement très « social », d’une
certaine ambition, mais, semble-t-il, assorti à une obligation de résultats.
On peut regretter que ce chapitre soit aussi peu détaillé, mais on y re-
trouve, lié au point 3, l’idée que la langue vernaculaire sera très simplifiée
pour pouvoir être accessible au plus grand nombre. Ce sont peut-être les
émigrés qui sont concernés par ces mesures, mais ce que l’on n’avait pas
prévu pour les USA, c’est une certaine forme de résistance au melting-pot
de l’espagnol et du chinois face à l’anglais. On a trouvé chez Souvestre et
dans une moindre mesure chez Robida comme chez Verne, un souci
pour l’éducation. Dans l’ensemble, les auteurs ne se sont pas véritable-
ment penchés sur ce sujet.
froid, il placera des résistances électriques dans le sol de ses jardins, ainsi
la chaleur fera pousser ses plantes. Il développera aussi de grands jardins
sous verrières. La nuit ses plantes seront baignées dans une puissante
lumière électrique, servant, comme le soleil, à hâter la pousse. Du cou-
rant électrique envoyé dans le sol fera pousser les plantes plus grosses et
plus rapidement, elle tuera les mauvaises herbes. Des rayons de lumière
colorée accéléreront la pousse de nombreuses plantes. L’application
d’électricité sur les graines les poussera à germer et à se développer à une
vitesse inhabituelle.
23 – L’utilisation de serres chauffées (au fuel) est une banalité,
comme la culture hors sol. L’utilisation de la lumière artificielle pour for-
cer la pousse des plantes est parfois utilisée. Les agriculteurs en « herbe »
utilisent des tubes fluorescents, mais aussi des lampes à iodures métal-
liques (MH) ou des lampes à vapeur de sodium (HPS) pour favoriser la
pousse de leurs cultures. Pour des cultures plus classiques, on utilisera
des LED, plus économiques à l’emploi, pour fournir aux plantes des
ondes dans la zone des rouges entre 635 et 645 nm utiles à la photosyn-
thèse pour la chlorophylle B et entre 660 et 670 nm pour la chlorophylle
A. De même on sait que les ondes dans la zone bleue entre 450 et 495
nm sont utiles à la pousse des plantes, l’éclosion des fleurs et à la crois-
sance des fruits. C’est ce que l’on trouvait chez Souvestre et Rosny Aîné
avec des plantes géantes, mais la culture intensive compte plus sur
l’utilisation d’OGM que sur l’électricité qui coûte cher.
26 – Petits pois aussi gros que des betteraves. Les petit pois et les
haricots seront aussi gros que les betteraves actuelles. La canne à sucre
produira deux fois plus de sucre que les betteraves à sucre en produisent
actuellement. La canne à sucre deviendra notre première source de sucre.
Les mauvaises herbes seront transformées en plantes à caoutchouc. Un
caoutchouc indigène peu onéreux sera récolté à l’aide de machines dans
tous les pays. Les plantes seront rendues invulnérables aux microbes et
aux maladies, comme l’homme d’aujourd’hui face à la variole. Le sol sera
enrichi de plantes qui tireront leur nutrition de l’air et fertiliseront la
terre.
26 – Le gigantisme est-il perçu comme une réponse à l’abondance de
la population (proposition 1) ?… Une fois encore, on peut supposer que
les plantes OGM correspondent à ce type de « prédiction », du moins en
Les maîtres du genre 357
1 : La physique et la chimie
3 : L’astronomie
4 : La mécanique appliquée
39 m
1906 – Invention du sonar par Lewis Nixon
5 : La médecine
6 : Les communications
7 : Vie quotidienne
8 : Nouvelles théories
Benedictǡͳ
A BenzǡͳͺͲ
Berlinerǡʹ
Aderǡͳʹͳǡʹ͵ͳ BernardǡͳͲͳǡʹͻͳ
Aldissǡʹͻ Berners-Lee, TimǡʹͲ
Alekseievǡͳͷ Bernierǡ͵
Alexandre 1erǡ͵ʹ Bertillonǡʹͺͺ
Alexandre IIǡʹͷͲǡ͵ʹ Bertinǡͳͺ
Allaisǡͳͺ Berzeliusǡʹͺ
AltairacǡʹͺͶ BessemerǡʹͶ
Amherstǡʹͷͷ BibescoǡʹͷͲ
Amisǡʹͷͺ BichatǡͳͲͳ
AndersonǡͳͷͶǡʹͺͶ Bienvenuǡͳ͵ͺ
AnelǡͳͶ Bienvenüeǡͳ
Appertǡʹ͵ǡͳͺʹ Billaultǡͳͷ
Aragoǡͳͳ Binardǡͳͷͺ
ArfwedsonǡͳʹͶ BlacescuǡʹͷͲ
Aristophaneǡʹͻǡ͵ͳǡ BlishǡͶͲ
Aristoteǡǡͷͷǡʹͻ Blochǡʹͻͺ
Arsonval (d')ǡͳͻͻǡʹ͵ Bloyǡͺͻǡͳ͵ʹ
Asimovǡͻʹ Blundellǡʹͺ
AtatürkǡʹͶ Bohrǡ͵͵Ͳ
Aubespine (de l')ǡ͵ͳ Boileauǡ͵
Augustin (Saint)ǡʹͻ BollèmeǡͳͶ
Boltzmannǡʹͻ
B Boppǡͳ͵ͷ
Borelǡ͵
Babbageǡͻǡͳͻͳ Boucheryǡͳ
Baconǡͷͷ Bouguerǡʹͻ
BadinterǡʹͶͲ BoultonǡʹͶ
BaïhautǡʹͶͷ BourgetǡʹͲ
BairdǡͳͶ͵ BoussenardǡͳǡͻͻǡͳͲͲǡͳͲͳǡͳͲͶǡ
Ballardǡʹͷ ͳͺͷǡʹ͵ͷǡʹͶͺǡ͵Ͳͻ
Baltardǡʹͺͺ BraidǡʹͻͶ
BalzacǡͳͲǡͳͳǡͳͷǡͳǡͳ͵ǡʹ͵ͺǡʹ Brameǡͳͻ
Barjavelǡʹͺͳ Brandtǡʹͷʹ
Barnardǡʹͻʹ Bredinǡͳͺʹ
BaxterǡʹͺͶǡʹͻ Bréguetǡͳ͵ͺ
BazardǡͲ BréguetǡͳͶ
Becquerelǡ͵ͳͷ Bridenneǡǡʹͳ
BeerǡͳͳͶǡʹͻǡʹͻͻ BrizieuxǡʹͲ
Belinǡͺ Brocaǡʹͺ
Bellǡͺǡͳͺǡʹͷ Brosses, (Pdt de)ǡͷͺ
380 La littérature d’imagination scientifique
Brownǡ͵ͳͳ CharlotǡͳͻͲ
Brunelǡͳͺ͵ ChavezǡʹͲ
Brunhoff (de)ǡͺͻ Chopinǡͳͷ
Brunnerǡʹͷ Christie, AgathaǡʹʹͶ
Brunoǡʹͻͻ ClakeǡͳͶͻ
BuffonǡͷͻǡͲǡʹͳͺ ClamenǡͳͺͶ
Bulwer Lyttonǡ͵ͳ͵ Clarkeǡʹʹͳ
Bulwer LyttonǡͶǡͻǡͺǡͻǡͺͲǡͺͳǡ ClémenceauǡʹͲͷ
ͺʹǡͺͶǡͺͷǡͳʹͳǡͳ͵ͷǡͳͶͻǡͳͷͳǡ CoandĈǡͳʹͶ
͵ͳ Cockerellǡͳͷͺ
Bunsenǡͳʹͷ Colletǡͳ
Burgessǡͳͺʹ Comteǡͳ͵ǡͳͺͷǡʹͳ
Burkeǡ ConsidérantǡʹͲͷǡ͵ͲͲ
BurqǡʹͻͶ Cook (Cap.)ǡͷͻ
Burroughs, Edgar Riceǡ͵ʹͳ Cooperǡͳͷ
Bushnellǡͷͷ Corneilleǡʹʹͻ
ButlerǡͳͲ Cornuǡͳ͵ͺ
CorrensǡͳͶͺ
C CortǡʹͶ
Corvin, Mathias (Roi)ǡʹͳͳ
CabetǡʹͲͷ CourtelineǡʹͶ
CallanǡͳͶ CousteauǡʹͲͳǡʹͷ
CapekǡͻͲ Crétias de Cnideǡʹͻ
Capusǡͳͻ Crickǡʹͻʹ
CaquotǡʹͷͶ Crookesǡͻ
Cardanǡ͵ͺ CrosǡͶ͵ǡͺǡͻͲǡͳͷǡͳǡͳͺǡͳͻǡ
Carlisleǡͳͳʹ ͳͻͶǡʹͶ
Carlos 1erǡ͵ʹ CroslandǡʹͶʹ
Carréǡͳͳ͵ CugnotǡͳͺͲ
CarrelǡʹͻͲ Curieǡͳͷͻǡ͵ͳͷǡ͵ͳ
Carrierǡͳͺ Curie, Alfredǡ͵ͳͷ
Carsacǡͳͳ CuvierǡͲ
Cartierǡʹͷʹ CuzaǡʹͷͲ
CaseauxǡͶ Cyranoǡ͵Ͷǡ͵ǡ͵ǡ͵ͺǡ͵ͻǡͶͳǡͶ͵ǡͶͶǡ
CaselliǡͳͶ͵ǡͳͺʹ ͶͷǡͲǡǡͳͲͷǡͳͳʹǡʹͶǡʹʹ
Cassiniǡʹͻͻ
Castelǡͷͳ
Castel (Père)ǡͳͳ
D
Cavaignacǡ͵ʹͺ D’IvoiǡͳͲǡͳͷͳǡͳͺͷǡʹʹͷǡʹ͵ͷǡʹͶͺǡ
Cavendishǡ͵Ͳ ͵ͷͲǡ͵ͷͳǡ͵ʹ
CélineǡͳͲͷ DagronǡͳͲ
Cerdàǡͳͺͺ DanritǡͳǡͳͲͷǡͳͶǡͳͺǡ͵͵
Chapuys de Montlavilleǡͳͷ DarbyǡʹͶ
CharcotǡͳͲͳǡʹͻͶǡ͵͵ͷ Darierǡ͵ͳͷ
ChardinǡͶͺ DarwinǡͳͲͲǡͳ͵ʹǡͳͶͷǡʹͺͷǡʹͻ
Daubié, Julieǡʹʹ
Annexes 381
Daudetǡʹ͵ͺǡʹͻͶǡ͵ͳͳ DysonǡͶͷ
DaumierǡʹͶ
Daussetǡʹͻʹ
Dauvillierǡͳͺ
E
DavenportǡͳͷͶ Eddingtonǡʹͻ
Davidsonǡͳ͵ͶǡͳͷͶ EdisonǡʹǡͶ͵ǡͺǡͺǡͻͷǡͳʹǡͳͻǡ
Davy, Humphrey (Sir)ǡʹͻͷ ͳͻǡʹͲ
Davy, Humphry (Sir)ǡͳͳͻ EdwardsǡͳͲ
Dawinǡ͵Ͳʹ EhrlichǡʹͲʹǡʹͺ
D'IvoiǡͳǡʹͶͶǡ͵ͲͶ Einsteinǡʹͻǡ͵͵Ͳ
De Gaulleǡʹͷ͵ǡʹͳ Einstein-Rosenǡʹͻ
De VriesǡͳͶͺ EmpédocleǡʹͶ
Debureau (Cap.)ǡͳ͵ EnfantinǡͲ
Defontenayǡͳͷ͵ Engelmanǡ͵ʹͻ
DenayrouzeǡʹͲͲ EsquirolǡʹͻͶ
Denayrouzeǡʹͷ Estmannǡʹ͵͵
DerhamǡͷͲ Evensǡͳͷʹ
Desnoyersǡͳ EverettǡʹͺͲ
Desprezǡʹͷͷ
Dewarǡͳͻͷ
Dickǡͻǡʹͷͺ
F
Dickensǡͳͷ Fallouxǡʹʹ
Diderotǡͷͻ FaradayǡͺͲǡ͵͵
DieffenbachǡʹͻͳǡʹͻʹǡʹͻͶ FerencziǡͳͲͷ
Diogénèsǡʹͻ Ferry, JulesǡͳͶ
Diracǡʹͺ͵ǡʹͺͶ Fessendenǡʹͷ͵ǡʹͶ
Dishǡʹͷ FévalǡͳͲ
D'Ivoiǡͳͳʹǡͳ͵Ͷǡͳ͵ͺǡͳͶͳǡͳͶ͵ǡͳͶǡ Figuierǡʹͷͺ
ͳͷͳǡͳͷ͵ǡͳͷͶǡͳͷͷǡͳͷǡͳͷǡ Fingerǡͳͻʹ
ͳͷͻǡͳͲǡͳͳǡͳ͵ǡͳͶǡͳͷǡ Finsenǡ͵ʹͻ
ͳͺǡʹ͵ͷǡ͵Ͳͷ Flachatǡͳͻ
Döbereinerǡͺ FlammarionǡͳǡʹǡǡͺʹǡͳͲͷǡͳͳͶǡ
Dombasle (de)ǡʹ͵ ͳʹͷǡͳʹǡͳʹǡͳʹͺǡͳʹͻǡͳ͵ͳǡ
Dönitzǡʹͷ ͳ͵͵ǡͳ͵Ͷǡͳ͵ͷǡͳ͵ǡͳ͵ͺǡͳ͵ͻǡ
DoyèreǡͳͲʹ ͳͶͲǡͳͶʹǡͳͶ͵ǡͳͶͶǡͳͶǡͳͶǡ
Drakeǡ͵Ͷͳ ͳͶͺǡͳͶͻǡͳͷͲǡͳͷͳǡʹͲ͵ǡʹͳͺǡ
Du Bartasǡ͵ʹ ʹʹͶǡʹ͵ͷǡʹ͵ǡʹͶͻǡʹǡʹͻͻǡ
Du Campǡͳ ͵ͲͲǡ͵Ͳͳǡ͵ͳͺǡ͵Ͷͳǡ͵ʹ
Ducos du HauronǡͳͻͶ Flaubertǡͳͻ
Ducray-Duminilǡͳʹ Foigny (de)ǡͷͺ
DucretetǡʹͶ Fontenelleǡʹǡ͵ǡͳ͵͵ǡʹͻͻǡ͵Ͷͳ
Dufauxǡͳ͵ͺ Forlanniǡͳ͵ͺ
DumasǡͳͲǡͳͳǡͳͷǡʹʹͻǡ͵ͷ Foucaultǡͻ
Dumas, Georgesǡʹͺ FourierǡͲǡ
DumérilǡͳͲ͵ FournierǡͳͶ
Durkheimǡͳ͵ Franceǡͻͳ
382 La littérature d’imagination scientifique
HortaǡʹͶ Kérizounetǡͳͺ
HoudinǡͻǡͻǡͳʹͲ Keyesǡͳʹʹ
HowardǡͳͶʹ Keynesǡ
Hoyleǡʹͻ Kingdom Brunelǡʹͷ
HugoǡͳͲǡͳͳǡͳǡͳǡͳͶͻǡͳͳǡͳͻʹǡ Kircherǡʹͻ͵
ʹʹʹǡʹʹͻ Kleinǡʹͺ͵
Hugo, Charlesǡͳͷ Kock (de)ǡͳͲǡͳǡ
Humberto 1erǡ͵ʹ KogalniceanuǡʹͷͲ
Huntǡʹ͵ʹ KossuthǡʹͷͲ
HunterǡͳͲ͵ǡʹͻͲ Krebsǡͳ͵ͺ
Huretǡ͵ͳͳ Krichhoffǡͳʹͷ
HuxleyǡͷǡͳͶǡʹͺͶǡʹͺͷ KrinovǡͳʹͲ
Huygensǡ͵ǡʹͻͻǡ͵Ͷͳ KruppǡʹͲͶǡʹʹ
Huysmansǡͺͻǡͳ͵ʹǡͳͳǡ͵͵ͺ Kwolekǡͳͺͳ
Hyattǡʹ
L
I
La Fayette, Mme deǡ
Iamboulosǡʹͻ La Reynie (de)ǡͳͻ
IancuǡʹͷͲ LabicheǡͳͲ
Ladréǡ͵ʹͶ
J Lagrangeǡ͵ͻǡͳͳͳ
LaliqueǡʹͶ
Jablochkoffǡͳͳͻ LamarckǡͳͲͳ
JaboulayǡʹͻͲ Lambertǡʹͻ
Jacobsǡʹͺͺ Landoisǡʹͺ
Janinǡͳ Landsteinerǡʹͺ
JenatzyǡͳͷͶ Langevinǡʹͻ
Jennerǡʹͻͳ LarderelǡͳͶͳ
Johnsǡʹʹͳ Launoyǡͳ͵ͺ
JolsonǡʹͶʹ LaurieǡʹͲʹ
Jouffroy d'Abbansǡʹͷ Lautour-Mezerayǡͳ
Laval (de)ǡͳʹͶ
K Lavaterǡʹͺͺ
Lavoisierǡ͵ʹǡʹͺ
Kahnǡ͵ͳͺ Le Brunǡʹͺͺ
Kamerlingh-Onnesǡͳͻͷ Le Chapelierǡʹͳ
KantǡʹͻǡʹͺͲǡʹͻͻ Le FaureǡͶǡͺǡͻǡͺͲǡͺͶǡͻ͵ǡͳͲͷǡ
KanziusǡͳͶʹ ͳͲͻǡͳͳǡͳʹͷǡͳ͵ͺǡͳ͵ǡʹʹͶǡ
KardecǡͳͶͻ ʹ͵ͷǡʹ͵ǡʹͶͳǡʹͻͻǡ͵Ͳͻǡ͵ͷͲǡ
Karrǡͳ ͵ͷͶǡ͵ͷͻǡ͵ʹ
Kékuléǡͳͳʹ Le Feuvreǡͻʹǡͻ
Kelvinǡͳͻͳ Le Grandǡʹͺͺ
Kennedy, J. F.ǡʹ͵Ͳ Le Queuxǡͳͷͷ
Keplerǡ͵ǡͶǡͷͳǡͳͳǡ͵͵ǡ͵Ͷͳ Le QueuxǡͳͶ
Le Verrierǡͳͳǡͳͳǡͳͻʹ
384 La littérature d’imagination scientifique
Lebretǡ͵ MaupassantǡͳͲǡʹͻͶǡ͵ͲͲǡ͵͵ͷ
Légerǡͳ͵ͺ Maupertuis (de)ǡͳͲ͵
Legrandǡʹǡͳͷ Maxwellǡ͵͵
Leibnitzǡʹͺʹ McKinleyǡ͵ʹ
Lemaireǡʹͻ͵ McLuhanǡͳͶ͵
Lerouxǡͳͷǡͳͷ Meadǡͳ͵ͻ
Leszczynski, Stanislasǡͷͺ Melgarejoǡ͵ʹ
Letellierǡͳͻ MendelǡͳͶͺǡʹͺ
Lévy-LeblondǡʹͺͲ Mendeleïevǡͳͻͷǡ͵Ͳ
LincolnǡʹͶͶǡ͵ʹ MercierǡͶǡͶǡͶͻǡͷʹǡͷ͵ǡͷͶǡͷͷǡ
Lombrosoǡʹͺͺ ͷͺǡͳͲͶǡͳǡ͵ͳ
Lommelǡʹͷͷ MériméeǡͳͲ
Lomonossovǡͳ͵ͺ Messmerǡͺʹǡʹͻ͵ǡʹͻͶ
Lorentzǡʹͻ Métonǡͳͳͷ
Lorenzǡͳͳǡʹͺͳ Millǡͳ͵ǡͳ͵ͻ
LoubetǡʹͶͷ Millaudǡͳ
Louis Philippeǡ Milletǡʹʹ
Louis XVǡͳͷ Minkovskiǡʹͻ
Louvrie (de)ǡͳʹͶ MistralǡʹͲ
Lovecraftǡ͵ͳ͵ Moissanǡͳͻͷ
Lovelace, Ada (Lady)ǡͳͻͳǡʹ Molièreǡǡʹ͵
Lowellǡͳͳͷǡ͵ͲͲǡ͵Ͳͳ Moncel (du)ǡͳͺ
Lucienǡʹͻǡ͵ͲǡͳͲͷ Moncel (du)ǡʹͷͳ
Lucrèceǡʹͻ Montépin (de)ǡͳͻ
LumièreǡͳͻͶǡʹͶʹ Montgolfierǡͳ͵ͺ
Lupis-VukiýǡʹͲʹ Mooreǡʹ͵
LuppisǡʹͲͶ MoreǡͶͷǡͲǡͺͳǡͺͶ
Morel d'Arleuxǡʹͺͺ
M Morrisǡͷͷǡ͵Ͳͳ
Moskowitzǡʹͳ
McLuhanǡʹͲ Mullerǡʹͺǡ͵ͳͷ
MädlerǡͳͳͶǡʹͻͻ Mussetǡͳǡͺǡͳͷǡʹͻͷ
Maimanǡ͵ͷͺ
Mallarméǡʹ N
MalthusǡͳͶͷ
Maoǡͳͻ͵ Nadarǡͳͳͻ
Marcetǡʹ Napoléonǡʹͳ
Marconiǡʹǡͳͺͺǡʹͷͳ Napoléon IIIǡͳͺͳǡ͵͵ʹ
Marinoǡ͵ͳǡ͵ʹǡ͵Ͷ Naquetǡʹ
Marinoniǡͳͺ Nazetǡʹͳ
Martinǡͺʹ Nettementǡͳͳǡͳͷǡͳ
Marxǡͳ͵ Newcombǡʹͺͳ
MassonǡͳͶ Newcomenǡʹ͵
Matheǡʹͻʹ Newtonǡͷͳǡͳʹͷ
Mathieu-FavierǡͳͶͲ Nicholsonǡͳͳʹ
Annexes 385
P R
PageǡͳͶ RabelaisǡͳʹǡͶʹǡͻͺǡʹͳͺ
Palǡʹͺʹ Racineǡʹʹͻ
PaltockǡͶǡͶͺǡͷǡͺǡͺͲǡͳͳ RĈdulescuǡʹͷͲ
Pankhurstǡͳ͵ Raittǡͺͻ
Paracelseǡʹͻ͵ Ramsayǡͳͻͷ
Parentǡͳ Ramsayǡ͵Ͳ
Parménideǡʹͻ Ramsdenǡ͵͵ͳ
ParsonsǡͳʹͶ RateauǡͳʹͶ
PascalǡͳͲͷǡʹͺͶ Rayleigh (Lord)ǡ͵Ͳ
PasteurǡͳͲͳǡʹͻͳǡʹͻʹǡ͵ͳͶ Réaumur (de)ǡͳͲʹ
PathéǡʹͶʹ Rebouxǡʹͳͺ
PattonǡʹͷͶ Reclusǡʹͳͳ
PawlowskiǡͳͶ Renardǡͳ͵ͺ
Pétainǡʹͷ͵ Renouvierǡʹͺ
Petitǡͺͺ RestifǡͶǡͶǡͶͻǡͷͷǡͷǡͷǡͲǡͺǡ
PetöfiǡʹͷͲ ͺͲǡͺͶǡͳͻͲǡ͵ͳ
Photiusǡʹͻ ReverdinǡʹͻͲ
Pickeringǡ͵ͲͲǡ͵Ͳʹ Richard-Bessièreǡͳʹͷ
PictetǡͳͲͻǡͳͻͷ RichardsonǡʹͲͷ
386 La littérature d’imagination scientifique
Richepinǡʹ SandǡͳͲǡͳ͵ͷ
Richetǡͳ͵ͺ Santanelliǡʹͻ͵
RidolfiǡͳͲʹ Saveryǡʹ͵
Riva (della)ǡͳʹ Schiaparelliǡͳͳͷǡͳʹͺǡͳ͵ͲǡͳͷͲǡͳͻͲǡ
Rivaz (de)ǡͳͺͲ ʹͻͻǡ͵ͲͲǡ͵Ͳͳǡ͵ͳͳ
Robertsǡͻ Schleyerǡͳ͵ͷ
RobidaǡͺǡͳǡͶͳǡͷʹǡͺǡͲǡͳǡ͵ǡ Schneiderǡʹʹ
Ͷǡǡǡͺǡͳͳͺǡͳʹǡͳ͵Ͷǡ Schopenhauerǡʹͻ
ͳ͵ͷǡͳ͵ͻǡͳͶͳǡͳͶ͵ǡͳͶͶǡͳͶǡ SchrödingerǡʹͺͲǡʹͺ͵
ͳͷͳǡͳͳǡͳͻǡͳͺͷǡͳͺǡͳͺͺǡ Scottǡͳͷ
ͳͻ͵ǡʹͳǡʹͳͺǡʹͳͻǡʹʹͲǡʹʹʹǡ Scribeǡͳͳ
ʹʹ͵ǡʹʹͶǡʹʹǡʹʹǡʹʹͺǡʹʹͻǡ Secchi, Angelo (Père)ǡʹͻͻ
ʹ͵Ͳǡʹ͵ͳǡʹ͵ʹǡʹ͵͵ǡʹ͵Ͷǡʹ͵ͷǡ Semmelwisǡʹͻʹ
ʹ͵ǡʹ͵ǡʹ͵ͺǡʹ͵ͻǡʹͶͳǡʹͶʹǡ Shannonǡʹͻ
ʹͶ͵ǡʹͶͶǡʹͶǡʹͶǡʹͶͺǡʹͶͻǡ Shelley, Maryǡͺǡʹͺǡʹͺǡ͵ʹ͵
ʹͷͲǡʹͷͳǡʹͷʹǡʹͷ͵ǡʹͷͷǡʹͷǡ Shoemaker-Levyǡͳʹͺ
ʹͷǡʹͷͺǡʹͷͻǡʹͲǡʹͳǡʹ͵ǡ Sholesǡʹ
ʹͶǡʹͷǡʹǡʹͺǡʹͻǡʹͲǡ Sigauxǡͳͻ
ʹͳǡʹʹǡʹ͵ǡʹͶǡʹǡʹǡ Simpsonǡʹͻͷ
ʹͺǡ͵Ͳǡ͵Ͳͻǡ͵ʹͶǡ͵ʹǡ͵͵ͳǡ Siodmakǡͳͺ
͵Ͷʹǡ͵ͶͶǡ͵Ͷͷǡ͵Ͷǡ͵Ͷͺǡ͵Ͷͻǡ Sitting-Bullǡͻ
͵ͷͲǡ͵ͷͳǡ͵ͷʹǡ͵ͷ͵ǡ͵ͷͶǡ͵ͷͺǡ
Smithǡʹʹǡͳ͵ͻ
͵ͳǡ͵ʹǡ͵͵
SnelusǡʹͶ
RobinǡͳͲͳ
SouliéǡͳͲǡͳͳǡͳ
Rodenbachǡ͵ͳͳ
Souvestreǡͷʹǡǡǡͺǡͻǡͳǡʹǡ
RohmerǡͳͷǡͳͲͲ
͵ǡͶǡǡǡͺǡʹͷǡʹͲǡ͵ͶͶǡ
Röntgenǡͳʹ
͵Ͷͷǡ͵ͷͲǡ͵ͷͶǡ͵ͷǡ͵ͳǡ͵ʹ
RosnyǡͺǡͳͷͲǡͳͺͷǡ͵ͳͳǡ͵ͳʹǡ͵ͳ͵ǡ
SpallanzaniǡͳͲʹ
͵ͳͶǡ͵ͳǡ͵ͳǡ͵ͳͺǡ͵ʹͲǡ͵ʹͶǡ
Spencerǡͳ͵
͵ʹǡ͵ʹͺǡ͵͵ͳǡ͵͵ʹǡ͵͵͵ǡ͵͵ͷǡ
Starkǡ͵͵Ͳ
͵͵ǡ͵͵ͻǡ͵Ͷʹǡ͵ͷͷǡ͵ͷǡ͵ͳǡ
Steinkopfǡʹͷͷ
͵͵
Stephensonǡʹͷǡͳͷ
RostandǡͳͲ͵
Stevensǡͳͺ͵
RouquayrolǡʹͲͲǡʹʹʹǡʹͷ
Stevensonǡʹͺǡ͵ʹ͵
Rousseauǡͷͷǡͷͺǡʹͳͺ
StockumǡʹͺͲ
RouvierǡʹͶͷ
Sueǡͳͳǡͳͷǡͳ
RuhmkorffǡͳͶ
SueǡͳͲ
Rutherfordǡͳͻͷ
Swedenborgǡʹͻͻ
SwiftǡͶͷǡͷͳǡǡͳʹʹ
S
Sadi Carnotǡ͵ʹ T
Saganǡ͵Ͳʹ
Tardeǡͳ͵
Saidmanǡʹʹ
Taylorǡͳ͵
Sainte-Claire Devilleǡͳͺͳ
Teilhard de ChardinǡͳͶ͵ǡʹͲ
Saint-SimonǡͲǡͳ͵ǡ͵͵
TélékiǡʹͷͲ
Annexes 387
WegenerǡͳͷͲ Wilsdorfǡʹͷʹ
Weissǡ͵͵ Wimshurstǡ͵͵ͳ
WellsǡͺǡͳǡͳͷͲǡͳ͵ǡͳͺͷǡʹͳǡʹͺǡ WoodǡͳͶ
ʹͺǡʹͻǡʹͺͳǡʹͺʹǡʹͺ͵ǡʹͺͶǡ
ʹͺǡʹͺͺǡʹͻͲǡʹͻͳǡʹͻʹǡʹͻ͵ǡ
ʹͻͶǡʹͻǡʹͻǡʹͻͺǡ͵Ͳͳǡ͵Ͳ͵ǡ
Z
͵ͲͶǡ͵Ͳͷǡ͵Ͳǡ͵Ͳͺǡ͵Ͳͻǡ͵ͳͲǡ Zamenhofǡͳ͵ͷ
͵ͳͳǡ͵ʹͳǡ͵ʹ͵ǡ͵Ͷʹǡ͵͵ Zénonǡʹͻǡʹͺʹ
Wells (Simon)ǡʹͺʹ ZirmǡʹͻͲ
Wheatstoneǡͳͺʹ Zolaǡͳͺǡʹͳǡͳ͵ʹǡʹ͵ǡʹ͵ͺǡʹͷͷǡ
WhiteheadǡʹͲʹǡʹͲͶ ʹͻͶǡ͵ͳͳ
Wienerǡʹͺ
Wilkinsǡ͵ǡʹʹͶ
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5 – Sitographie
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34402b
http://www.cea.fr/recherche_fondamentale/le_temps_entre_realite _et_ illusion
http://www.dailymotion.com/video/x1hv5k_aerotrain-jean-bertin_tech
http://www.fabula.org/forum/colloque99/221.php
http://www.gloubik.info/sciences/spip.php?article243
http://www.gutenberg.org/browse/authors/g#a7542
http://www.hns-info.net/article.php3?id_article =14271
http://www.ina.fr/economie-et-societe/environnement-et-
urbanisme/video/CAF86014983/a-quand-la-voiture-electrique.fr. html
http://www.jules-verne.net/jules-verne-bibliographie.html
http://www.maitres-des-arts-graphiques.com/-EXBf.html
http://www.paris-26-gigapixels.com/index-fr.html
http://www.petanque.org/postcards/card/928.html
http://www.70-billion-pixels-budapest.com/index_en.html
Remerciements à :
Ǧ Angéla qui m’a vu travailler et qui m’a laissé travailler, sans sa-
voir à quoi je travaillais, tout en se disant que je devais avoir mes
raisons de travailler…
Ǧ Un groupe d’étudiants, futurs journalistes scientifiques de Paris
7, qui a essuyé les plâtres de la lisibilité sur une fraction de ce
texte
Ǧ Christa pour son aide à la mise en forme de cet essai, sans elle je
n’arrivais pas à maîtriser la charte graphique
Ǧ Chantal pour son œil vif et acéré, fort utile pour le peignage final
et la traque aux « scories » qui émaillaient ce petit travail
Table des matières
Introduction 5
CONCLUSION 361
ANNEXES 365
4 – Bibliographie 389
5 – Sitographie 393
Remerciements 394