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Histoire des Institutions (Semestre 2)

INTRODUCTION GENERALE

La période du Moyen Age s’étend du XXe au XVe siècle, chronologiquement le


Moyen Age est au cœur de l’histoire. Traditionnellement, on l’a fait débuté avec l’avènement
d’Hugues Capet (987 après JC). S’agissant de la fin du Moyen Age, c'est plus difficile à dater,
mais on peut dire qu’il finit à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle.
Au niveau évènementiel, il n’y a pas de dates plus importantes que d’autres. Plusieurs
dates peuvent être retenues :
- 1440 : c'est l’invention de l’imprimerie.
- 1453 : c'est la prise de Constantinople par les Turcs qui sont aux portes de l’Occident.
- 1492 : c'est la découverte du nouveau monde, des Amériques.
- 1515 : c'est l’avènement de François Ier.

Cette période du Moyen Age est frappée de beaucoup de préjugés et souvent on


présente le Moyen Age comme étant une époque de barbarie, de violence, et cela est marquée
par des références lourdes sur le servage, sur l’inquisition, sur les famines, les épidémies…
Cette présentation du Moyen Age est souvent profondément ancrée dans les esprits.
Tous ces éléments vont jeter sur cette période un certain discrédit, on a la vision d’une période
de l’histoire obscure.
La réalité est plus complexe. La recherche des scientifiques a fait beaucoup de progrès.
On peut citer des grands historiens :
- Marc BLOCH : « Pour un autre Moyen Age ».
- Georges DUBY.
- Brigitte PERNOUT : « Pour en finir avec le Moyen Age ».

Désormais les historiens s’intéressent à un autre Moyen Age où les hommes travaillent
dans des conditions économiques, technologiques, et où ils apprennent à maîtriser la nature.
C'est aussi une période où se creuse le fosset entre travail manuel et travail intellectuel.
C'est aussi au cours du Moyen Age que se développent les universités dont celle de Perpignan
avec la faculté de droit. Ce savoir, cette connaissance se diffuse à l’échelle européenne. On
découvre des rapports complexes qui peuvent exister entre la culture savante de l’élite
(ecclésiastique) et la culture populaire.
Le Moyen Age c'est aussi la réforme de l’Eglise, des rapports avec la Papauté, c'est
aussi le commerce qui se développe à l’échelle nationale et même internationale. Evolution du
droit commercial, des nouvelles techniques. C'est aussi la redécouverte des villes.

Le grand public s’intéresse de plus en plus au Moyen Age.

§ 1 – « L’AN 1000 OU LE PRINTEMPS DU MONDE »

Il s’agit ici d’une expression d’origine chrétienne et mystique. Les 2 siècles qui
précédent l’an 1000 sont des siècles obscurs, difficiles, ces 2 siècles voient la société
connaître une dépression, une période d’instabilité. En même temps, les structures du pouvoir
monarchique central (carolingien) s’effondrent. 843 : partage de Verdun entre les 3 fils de
Louis le Pieux. Alternance dynastique entre les Carolingiens et les Robertiens.
On va voir se constituer des principautés territoriales de plus en plus nombreuses, et de
plus indépendantes du pouvoir central. Au cours de cette période, les populations vont perdre
plus ou moins leurs repères. Conjoncture agricole catastrophique. Guerres et mauvaises
récoltes, famines, épidémies. La peste en 950.

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Il faut relativiser cette description exagérée de la situation. La dépression est réelle,


certaine, mais en réalité cette dépression qui existe, est amplifiée, exagérée dans les mentalités
par un phénomène à mi chemin entre le paganisme et le christianisme car au IXe et Xe siècle,
on a ce souci, la crainte de l’approche de l’an 1000. C'est le millénaire de la naissance du
Christ. Il y a une peur de la fin du monde. On assimile le tout aux références bibliques,
l’apocalypse selon St Jean.
Pour certains, l’événement attendu, le nouveau millénaire, s’appréhende comme la
promesse d’une ère nouvelle : « Le nouveau printemps du monde ».

Que l’approche soit pessimiste ou optimiste, ce millénaire est annonciateur de


changements. L’an 1000 est un tournant dans l’Histoire de l’Occident. Avec d’une part,
l’expansion démographique, et d’autre part, la conquête des sols.

§ 2 – L’EXPANSION DEMOGRAPHIQUE

De l’an 1000 à 1250, la population a triplé passant de 5 millions à 15 millions. Ceci est
dû à un changement climatique, à des progrès au niveau des techniques agraires, qui ralentit le
cycle des disettes, des famines.

§ 3 – LA CONQUETE DES SOLS

Expansion de l’agriculture afin de nourrir des surplus de populations. Aux alentours du


XIe siècle, on assiste à un vaste mouvement de défrichement avec mise en culture de
nouveaux terroirs (fin XIIe début XIIIe siècle et jusqu’en 1350). C'est une étape capitale pour
l’Histoire économique et sociale de toute l’Europe. C'est véritablement la première grande
victoire de l’Homme sur le milieu naturel.
L’avant l’an 1000, la forêt est omniprésente. L’Occident est un « océan de friches ».
L’agriculture était réduite, mais on l’a rencontré dans les plaines naturelles, le long des cours
d’eau, ou alors on brûlait, il n’y a jamais de conquête définitive. Les rendements agricoles
sont faibles.
Avec la pression démographique, les Hommes s’attaquent rapidement à la forêt pour
mettre en culture les terres qui sont dégagées. C'est une entreprise collective, à grande échelle,
qui se fait sous la direction des seigneurs. Il y a quand même, l’apparition de nouvelles
techniques, apparition de la charrue, le soc, on met aussi en place la technique de
l’assolement. Cette véritable révolution agricole va s’opérer dans un ordre social nouveau :
« le nouvel ordre féodal ».

§ 4 – LE NOUVEL FEODAL

La féodalité c'est un système qui va se caractérisé en autre par l’existence d’un groupe
social à vocation guerrière (les seigneurs) qui va dominer de manière absolue une masse de
paysans et cette domination se fait en contrepartie d’une location de terres et/ou une
protection physique.
Cette domination seigneuriale s’exerce dans la confusion, confusion de la propriété et
du pouvoir politique. Les seigneurs sont propriétaires et chefs militaires. Ce cumul a été
possible en raison de la disparition des superstructures étatiques (carolingiens) et
fractionnement de l’autorité en une multitude de cellules autonomes (les seigneuries).
Dans chacune de ces seigneuries, on a un maître : le seigneur. Ce seigneur détient à
titre privé le pouvoir de commander et aussi le pouvoir de punir. Il exploite cette puissance
comme un élément de son patrimoine héréditaire.

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En réalité ici, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un système social parfaitement adapté aux
caractéristiques d’une civilisation en période de crises.

Nous sommes ici face à une décomposition de l’autorité monarchique de la fin des
carolingiens, nous sommes face à une économie autarcique, cloisonnée par des obstacles
naturels (la forêt…).
Dans ce contexte particulier on éprouve la nécessité d’une forme de domination
directe du seigneur sur les paysans.
Le système féodal va se répandre à travers toute l’Europe.

CHAPITRE 1 : LE POUVOIR SEIGNEURIAL

Le mot « seigneurie » est un terme tardif. Il apparaît vers la fin du Moyen Age au
XIVe siècle et cela s’explique parce qu’il correspond à une certaine conceptualisation de la
« théorie du fief ». Auparavant, on parlait de « domaine ».
C'est le cadre essentiel dans lequel s’organisent les rapports sociaux. C'est également
la base matérielle où vont se concrétiser les rapports de droit. La seigneurie c'est le lieu où
s’exerce le pouvoir des seigneurs.
On ne peut pas se représenter la seigneurie comme une circonscription précisément
délimitée. C'est un rapport de pouvoir, une zone sur laquelle s’exerce le pouvoir.

Avant le XIVe siècle, on emploie le mot de SEIGNORES ou DOMINII et on


s’aperçoit que le fondement du pouvoir seigneurial est d’abord lié au DOMINIUM.
Ce DOMINIUM s’est à la fois la propriété de la terre et le pouvoir. Il vise
indissolublement des hommes et une terre. C'est une notion de pouvoir, au sens large. Ce
DOMINIUM est complexe car en réalité c'est un rapport multifonctionnel. Il faut englober, un
rapport de domination économique mais aussi une forme de domination politique.

- Rapport de domination économique : les seigneurs contrôlent les rapports de


production, ils contrôlent l’accès aux ressources, le travail et contrôlent aussi la
distribution des produits.
- Rapport de domination politique : dans une certaine mesure le seigneur a l’autorité que
peut avoir un chef sur ces sujets. Il a un pouvoir de coercition. C'est le BAN.

On peut distinguer les pouvoirs que le seigneur exerce en qualité de propriétaire terrien
et de chef militaire et justicier. Dans la réalité, la seigneurie banale et seigneurie foncière sont
complémentaires.

Le château (le CASTUM), c'est le symbole de cette domination seigneuriale. Il


symbolise la dépendance du paysan au seigneur, c'est le lieu de protection, c'est le lieu d’où
partent toutes les répressions. Quadrillage du territoire par les châteaux.

SECTION 1 : LA SEIGNEURIE FONCIERE

Le seigneur est d’abord un propriétaire foncier, c'est le maître de la terre. Ce seigneur


va tirer un revenu important de l’exploitation d’un domaine rural. La superficie du domaine
est variable mais malgré tout les impératifs militaires de l’époque font que le domaine va
pouvoir permettre d’assurer au moins l’équipement du seigneur, la subsistance de sa famille et
celle de sa domesticité, ses proches.

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La taille du domaine varie selon l’importance et le rang du seigneur. Quelque soit sa


taille, elle est partagée en deux : on distingue d’une part la réserve et d’autre part les tenures
qui correspondent à des modes différents de faire valoir.

§ 1 – La réserve

1) Composition de la réserve

La réserve seigneuriale est constituée par la demeure du seigneur (le château) et ses
dépendances (granges, moulins, pressoirs, ateliers, logements des domestiques…). Tout ça,
forme la Cour.
La réserve comporte des terres qui sont cultivées et celles-ci sont cultivées par les
domestiques du seigneur, par les paysans de la seigneurie qui doivent la corvée. L’exploitation
de ses terres permet l’approvisionnement de la Cour seigneuriale. On est dans le cadre d’une
exploitation en « faire valoir direct ».

La réserve est constituée de terres en friches, forêts… C'est le terrain de chasse du


seigneur. L’ensemble de la réserve représente une part important de la seigneurie foncière au
Xe-XIe siècle. Le seigneur se trouve dans une situation d’exploitant agricole.

2) L’exploitation de la réserve

Le seigneur utilisait ses domestiques qui vivaient « au pain et vin » de leur maître
(nourri et logé). Mais en réalité, l’essentiel de cette main d’œuvre est fourni part les tenanciers
du domaine qui devaient la corvée au seigneur. Les tenanciers aidaient les domestiques du
seigneur. Ces tenanciers aidaient au moment des labours, de la moisson, des vendanges.

3) L’évolution de la réserve

A partir du XIIe siècle, on voit un phénomène de recul de la réserve. Les surfaces


cultivaient en faire valoir direct tendent à décroître.

- Il y a un besoin de plus en plus important par les seigneurs, en raison du coût de


l’armement de plus en plus cher, les croisades. Beaucoup de seigneurs vont réduire la part du
faire valoir direct (la réserve) et préféraient les tenures. On fait racheter la corvée par les serfs.

- C'est l’amélioration de la productivité agricole. On produit plus avec moins de


surface. Donc réduction de la réserve.

- C'est l’essor démographique qui contraint le seigneur à installer de nouvelle famille


paysanne sur son territoire. Il concède des tenures qui sont proportionnelles à la superficie de
la réserve.

Au XIIIe siècle, les seigneurs ne gardent plus que le strict nécessaire, conservant la
Cour et quelques terres aux alentours. Tout le reste est exploité par les paysans sous forme de
tenures. Le seigneur est devenu davantage un rentier du sol qu’un exploitant agricole.

§ 2 – Les tenures paysannes

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La tenure c'est une parcelle de terre remise au tenancier par le seigneur pour l’exploiter
et en jouir à perpétuité, à charge pour le tenancier d’assurer diverses prestations à caractère
économique (la corvée).

Ce mode de « faire valoir indirect » a des origines anciennes, les grands domaines de
l’époque carolingienne. L’existence de ces tenures est attestée dans des registres cartulaires
(plus tard appelé des « terriers »). Ils contiennent le nom des tenanciers, la nature de la terre
concédée, la nature des prestations qui doivent être assuré, le montant des redevances, les
dates de paiement…

A partir du XIIe – XIIIe siècle, on a de nouvelles formes de concession. Ce sont de


véritables actes enregistrés par un notaire. C'est l’influence du droit romain.
- Le bail à cens (censive).
- Le bail à champart.

1) Le bail à cens ou censive

Le propriétaire qui est le seigneur censier qui va louer une terre à un exploitant, il loue
cette terre à un paysan moyennant le paiement d’une redevance périodique appelée le
« cens ». C'est la redevance principale, le loyer de la terre et ce cens va caractériser le rapport
entre le seigneur et le tenancier. Il s’agit d’une somme d’argent.

Le montant du cens est fixe et ce montant est précisé dans les actes. On précise la date
d’échéance… Le cens est portable, il doit être payé au Château. Le cens est imprescriptible.
Le cens ne disparaît pas. En revanche, l’arriéré va se prescrire. Le cens a aussi un caractère
symbolique, car le cens est recognitif. Par le paiement du cens, le tenancier reconnaît que la
terre ou les biens appartiennent au seigneur.

En cas de non paiement, des sanctions pourront être appliquées par le seigneur et sa
propre autorité. Le seigneur dispose du droit de justice. A l’origine, le refus de payer le cens,
entraînait une reprise, la saisie de la terre. Aux alentours du XIIe XIIIe siècle, le retard du
paiement du cens expose à une amende puis ensuite c'est la saisie temporaire de la tenure,
c'est aussi la saisie des récoltes. Et la saisie définitive n’interviendra qu’au bout d’un certain
temps. En principe, le seigneur ne peut pas exercer de contrainte personnelle sur les
censitaires en raison des obligations qui pèsent sur la terre (pas de contrainte pas corps).

Cela étant, jusqu’au XIIIe siècle, l’immense majorité des censitaires, sont liés au
seigneur par des liens de dépendance : c'est le « servage ». Et dans ce rapport qui s’établit
entre le seigneur et les serfs, le serf ne peut pas quitter sa terre. A partir du moment, où le
servage reculait, les censitaires pourront se libérer des charges d’une censive en quittant la
terre. Le serf déguerpit, surtout au XIVe siècle.

2) Le bail à champart

Les documents médiévaux font état de l’existence des tenures dont la redevance
consiste ici dans la livraison au seigneur d’une part de la récolte : c'est le « champart ».
Avant le XIIIe siècle, le champart est très peu utilisé, il apparaîtra au XIVe siècle, en
étant dans le cadre de nouvelles concessions de terres par le seigneur dans le cadre des
défrichements. En réalité, cela est lié au fait que le défrichage est un long travail, il va être

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difficile d’exiger un cens au créancier. On va préférer exiger un paiement en nature. Certaines


cultures comme la vigne sont productives qu’après plusieurs années.

Cela étant, le champart est plus lourd que le cens. Le taux varie d’une région à l’autre.
25% de la récolte est prélevé. Les intérêts du champart, le cens en argent est fixe et donc le
cens connaît une certaine dépréciation monétaire constante alors que le champart permet le
maintien des revenus seigneuriaux. Le champart est une bonne solution face à l’érosion
monétaire. En contre partie, le champart est portant de quelques contraintes, il implique la
surveillance du tenancier pour éviter la fraude. Le seigneur est également soumis aux aléas de
l’agriculture (la météo). Ces revenus vont subir ces fluctuations.

Le seigneur tend, de plus en plus, à réduire la part de la réserve, il se présente


désormais comme le rentier du sol. Dans cette propension à réduire la réserve, on transforme
les champarts en cens. Cette transformation se fait contre toute logique économique car elle se
fait quelque fois en période de dépréciation monétaire.

3) La patrimonialité des tenures

A l’origine, la tenure a eu un caractère « viager ». On accordait la tenure à un paysan


pour toute sa vie. Progressivement la tenure est devenue héréditaire et ce aux alentours du
XIIe siècle. Cette solution, cette formule de l’hérédité ménageait à la fois les intérêts du
seigneur et à la fois du paysan. La concession perpétuelle permet un investissement à long
terme. Par exemple, le défrichement, la construction d’une maison, d’une grange, la plantation
de certains arbres. Il était donc naturel que la tenure passe aux enfants du tenancier, puis aux
descendants.

Les seigneurs y trouvent leur compte à travers une certaine stabilité. Progressivement,
c'est une idée d’hérédité qui est admise, admise en ligne directe (père, fils, petit fils) mais qui
ensuite est admise en ligne collatérale (frères…). Dans cette évolution, c'est le fait que
l’héritier n’a pas besoin de l’autorisation de son roi.
Un adage coutumier : « le mort saisi le vif ». Transition instantanée. En revanche, la
transmission de l’héritage (la tenure), le seigneur perçoit une taxe : c'est le « droit de relief ».
Caractère de reconnaissance.

La tenure peut faire l’objet d’une vente grâce à l’évolution de l’hérédité. Caractère
aliénable de la tenure. La tenure devient aliénable au XIIIe siècle. Il n’y a pas d’opposition
des seigneurs dont le droit des seigneurs (DOMINIUM) n’est pas remis en cause. La vente ne
pourra avoir d’effets qu’avec l’accord du seigneur. Au final, la tenure constitue un élément
essentiel du patrimoine du tenancier.

Cette patrimonialité des tenures donne des droits au tenancier, cette évolution va fixer
les rapports entre seigneurs et tenanciers. Effectivement, les uns reçoivent des redevances
fixes, et les autres exploitent de générations en générations une terre. Cela devient un facteur
de stabilisation de la société, enracinement de la paysannerie au sol.

 Qui est véritablement le propriétaire ? Le seigneur ou le tenancier ?

Au XIIe siècle, et XIIIe siècle, on est dans un contexte juridique. C'est la redécouverte
du droit romain, et ce droit diffuse l’image d’une propriété qui ne correspond pas à la réalité.
Image d’une propriété individuelle et indivisible.

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A l’époque féodale, au contraire, sur une même terre, il y a superposition de droits, du


seigneur et du tenancier.
Pour rendre compte de la réalité, les juristes médiévaux font une théorie « du double
domaine », démembrement du droit de propriété. On dit qu’il y a d’un coté, pour le seigneur,
le domaine éminent donne le droit de percevoir des redevances (cens, champart) et la
possibilité de reprendre le bien. De son coté, le tenancier a lui le domaine utile, c'est le droit
d’exploiter le bien, de le transmettre aux héritiers, de le vendre…

§ 3 – Les terres libres : les alleux

Le système seigneurial est une réalité complexe, on ne peut pas imaginer ce système
comme s’appliquant partout de la même manière, uniformément. Ce système a quelque part
des failles. Les documents de l’époque font ressortir l’existence de terres qui échappent au
système de la seigneurie foncière. Il y a effectivement, des terres qui sont libres, qui sont
exemptées au DOMINIUM d’un seigneur. La dimension de ces terres libres est très variables,
simples lopins de terres ou territoires plus vastes.
Les terres libres plus vastes appartiennent à des puissants, faisant parti de la classe
dominante, ils sont indépendants.

Les alleux paysans existent dans les interstices, entre les grands domaines
seigneuriaux, ces terres sont souvent enclavées. L’alleutier, celui qui tient un alleu, ne doit
rien. Il ne doit pas de cens, ni de champart, pas de corvées, pas de redevances, pas de taxes de
mutation. Ces alleux sont nombres dans certaines régions, où les obstacles naturels ont
favorisé leur existence, qui a freiné la constitution de trop vastes domaines (dans le
Bordelais), des petits ou moyens exploitants ont réussi à conserver leur indépendance.

Mais, partout ailleurs, les alleux sont perçus comme un facteur de désordre. Le
système seigneurial, dans son ensemble, s’accommode assez mal de l’existence de ces terres
libres et indépendantes. On va constater une véritable guerre à l’alleu, contre les alleux. Ces
guerres sont menées par les seigneurs. Les seigneurs vont s’appuyer sur les coutumes qui sont
défavorables aux alleux.
Dans le nord-ouest, on a issu du droit coutumier, un principe qui dit « nulle terre sans
seigneur ». Toutes les terres sont donc présumées sous l’autorité, la soumission d’un seigneur.
On n’admet pas la preuve du contraire. On a des zones qui permettaient la preuve de la
contrainte, des zones plus souples. Mais on parle de la « charge de la preuve », c'est à
l’alleutier de porter la preuve que sa terre est libre.
On a des coutumes plus libérales dans l’Est et le Midi, qui mettent en avant des
coutumes qui disent : « nul seigneur sans titres ». C’est donc un système plus favorable aux
alleux. C'est donc au seigneur, qui prétend avoir un droit, d’en apporter la preuve. On assiste
au maintien des alleux dans cette zone.

SECTION 2 : LA SEIGNEURIE BANALE

Cette seigneurie banale n’est plus fondée sur la terre mais sur le « ban », qui veut dire
« pouvoir de commandement, de coercition ». Effectivement la seigneurie dans son ensemble
implique aussi une domination à caractère politique.

Historiquement l’origine du « ban » est complexe, mais c'est l’une des conséquences
de l’effondrement au IXe et Xe siècle de l’autorité de l’Etat central. Ainsi à la fin de l’époque

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franque, les seigneurs ont déjà accaparés les anciennes prérogatives royales, car le pouvoir
royal s’affaiblit, et les exercent à leurs profits.

Ces seigneurs sont d’anciens fonctionnaires carolingiens qui gardent les prérogatives
de puissance publique, des grands propriétaires qui obtiennent des privilèges (immunités). Ces
personnages vont devenir détenteurs du DOMINIUM sur les paysans, ils exercent des
prélèvements sur ces paysans. Ces prélèvements vont leurs permettre d’acquérir les
instruments nécessaires à leur puissance (revenus). Cette puissance s’illustre à travers les
châteaux, les chevaux, les armes et armures… Tous ces éléments sont très chers, ils
consolident leur pouvoir de commandement, de coercition.

Le pouvoir de « ban » s’appui et renforce la domination foncière, la seigneurie


foncière. Ce pouvoir de « ban » est absolu sur tous les individus, les groupes d’individus qui
sont dans la zone d’influence du seigneur. On parle de la « plénitude du ban ». En contrepartie
de ce pouvoir de ban, le seigneur a des obligations, obligations de protection des individus qui
sont sous son autorité. On est dans une période de guerres privées entre seigneurs. La
protection du seigneur est le seul recours pour les populations. Ce n’est pas une justification
du pouvoir de commandement. Vision donnée à cause de la chevalerie.

En réalité, le système seigneurial repose quand même sur l’oppression, sur la guerre
privée… Le seigneur protège les paysans qu’il connaît mais pas seulement, car les paysans
sont sa source de richesse.

§ 1 – « Ban » et droit de justice

Le « ban » seigneurial et le droit de justice ont tendance à se mélanger. Le pouvoir de


justice est très important dans la période médiévale. Le pouvoir par excellence c'est la justice.
On ne peut pas concevoir le pouvoir de la seigneurie banale comme s’étendant sur un
territoire délimité, nettement circonscrit, les limites sont imprécises. C'est une zone
d’influence aux contours plus ou moins flous. Au centre, sur le château, la réserve, l’autorité
du seigneur est absolue, sur les tenanciers, sur les alleutiers. A mesure que l’on s’éloigne du
centre, le pouvoir du seigneur se délie et rentre en concurrence avec le pouvoir d’autres
seigneurs. Il y a donc ce que l’on appelle des « zones de marche ».

Le « ban » n’existe que si le seigneur arrive à le faire respecter.


Seigneurie banale et foncière ne se superposent pas forcement. Le pouvoir de « ban » peut
être plus étendu que la domination foncière.
Quelques fois, la justice s’applique aux alleutiers. Dans toute sa zone d’influence, le
seigneur a le droit de justice, c'est à dire assurer le maintien de l’ordre par la répression des
délits et des crimes.

On distingue la justice du sang (Haute Justice) et la justice ordinaire (Basse Justice).


Généralement le seigneur exerce les 2. Il arrive parfois qu’elles soient séparées et partagées
entre seigneurs d’importance différente.

1) Haute et Basse Justice

A) La Haute Justice

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C'est celle qui peut entraîner la condamnation à mort ou les mutilations. Crimes
capitaux, le meurtre, le rapt, l’incendie, le viol, le vol… Relèvent de la Haute Justice tous les
procès importants, notamment ceux qui touchent à l’état des personnes et à la propriété.
Symboles = pilori, gibet, fourches patibulaires.

B) La Basse Justice

Concerne les affaires moins importantes : les délits ‘amendes), les infractions aux
ordres du seigneur, les coups et blessures…

Affaires privées.

Le seigneur devait rendre justice personnellement, mais assez vite, ils ont pris
l’habitude de déléguer ce pouvoir à des représentants, surtout pour la Basse Justice.

2) La procédure devant la justice seigneuriale

L’essentiel des règles remonte à l’époque franque. Elle demeure archaïque. Il


appartient à un plaignant d’un tort de saisir la justice. Le coupable est poursuivi par la clameur
publique. Il faut arrêter l’individu et le conduire devant le seigneur afin de le condamner.
Si la victime est morte, ses parents portent plainte auprès du seigneur. Le seigneur
convoque l’accusé par commandement, par l’intermédiaire d’un sergent. Le plaignant et
l’accusé doivent comparaître en personne sous peine d’amende.
Procédure orale et formaliste. Au jour prévu, le seigneur entouré d’une Cour (vassaux,
famille, prud’hommes) va siéger solennellement et en public. Les parties au procès exposent
l’affaire. Le plaignant formule ses accusations, et l’accusé proclame son innocence et se
défend. La Cour va apprécier les preuves. Système de preuves archaïque, remontant aux
coutumes germaniques. Large place à l’irrationnel.

5 types de preuve :
- Le témoignage : on le préfère écrit. 2 témoignages concordants entraînent la preuve du
fait. La déposition est publique après serment. Le témoin engage sa responsabilité. En
effet, l’adversaire peut contester le témoignage. Dans ce cas, le témoin est obligé de
défendre ses déclarations les armes à la main : duel judiciaire. Les mineurs, les
femmes et les vieux ne peuvent pas témoigner, car ils ne pourraient pas se défendre en
cas de duel.
- Le serment : c'est une preuve importante de renvoi. Société très chrétienne, où
croyances et superstitions se confondent. Les serments sont prêtés sur les évangiles.
Craintes, dans l’esprit de l’époque, en cas de parjure : peines très graves. La Cour peut
déferrer le serment à l’accusé. Serment purgatoire.
- La preuve par écrit : crainte des faux écrits. Méfiance des écrits. « L’écrit supporte
tout ». Il faudra que l’écrit soit validé. Cette validité sera donnée par l’apposition d’un
sceau. Fin du XIIe siècle : apparition du notariat qui va jouer un rôle sur
l’authentification des actes. Favorise le développement de la notion d’acte
authentique.
- Les ordalies : modes de preuve irrationnels.
- Le jugement de Dieu.

3) Le jugement de Dieu ou le duel judiciaire

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C’est la preuve ultime dans les affaires graves, ou la vérité semble impossible à établir.
On n’a quasiment aucune possibilité de résoudre les énigmes policières. Dans ce cas, la cour
seigneuriale va donc s’en remettre à Dieu, la cour seigneuriale va ordonner et organiser le
duel judiciaire. Les adversaires doivent combattre les armes à la main, et celui qui perd le
combat perd le procès et en matière criminelle, il sera condamné selon la gravité du crime. La
procédure est organisée et le combat est solennel, il existe tout un rituel, il y a ce que l’on
appelle la remise de gage, ce sont des « gages de batailles », des gages sont donnés à la cour
pour garantir la comparussions au duel le jour ou il sera convoque.
Le jour qui est prévue les parties doivent comparaître en personne pour livrer bataille
exceptés si la personne est une femme un vieillard, un enfant, un ecclésiastique. Dans ce cas,
ces personnes qui ne peuvent pas comparaître ils doivent désigner un « champion » qui
combattra pour lui. Le combat se fait dans un champ clos et en public. Et les adversaires
combattent avec les armes à la main qui reflètent leur niveau social, c’est ainsi que les nobles
qui sont partie au procès combattront à cheval avec l’armure, la lance, épée… Les non nobles,
sont munis d’un bâton, d’un couteau, d’un vague bouclier. Cette procédure de duel judiciaire
qui a un caractère archaïque et irrationnelle va rester en vigueur dans certaines régions
jusqu’au XVe siècle en dépit de l’influence de l’église qui essaye de supprimer le duel
judiciaire, en favorisant d’autres ordalies bilatérales plus douces. Le duel judiciaire va
disparaître eu XVIe siècle. A l’issue la sentence du procès est rendue par le seigneur et on
peut préciser au pénal, les peines sont immédiatement exécutoires. On peut préciser qu’à cette
époque la prison n’est pas envisagée comme une peine, elle est au mieux envisager comme un
simple moyen de s’assurer la personne de l’accusé, qui ne s’enfuit pas. On pouvait échapper
à la prison en fournissant une caution. A l’époque médiévale il existait une palette de peine.
D’un point de vue historique, la peine de prison a été dégagée par l’église. La prison est une
sanction qui est plus douce dans le cadre de justice royale. Elle voit dans chaque criminel, un
pêcheur, une fois qu’il est enfermé en prison, le pêcheur pouvait revenir sur ses fautes.

§ 2 – Les profits seigneuriaux

La seigneurie banale est source de profit, et ce sont des profits très importants qui
s’ajoutent aux revenus du domaine de la seigneurie foncière. Les juristes analysent la situation
comme une privatisation en quelques sortes des droits des prérogatives de la puissance
publique, c’est une conception patrimoniale du pouvoir. La distinction entre le droit privé et le
droit public est un des piliers de l’ordre juridique actuel. Cette distinction est étrangère à
l’esprit du moyen âge. L’étude du moyen âge à cet égard est intéressante. En ce sens, il y a
une confusion qui s’établit entre les « prérogatives de puissances publiques » et les intérêts
privés. Le mot courant qui est utilisé au XIème siècle pour utiliser les droits du seigneur est
celui de coutume au sens large, on dit « le seigneur a les coutumes ». On comprend également
que ces droits du seigneur tirent leurs valeurs d’eux mêmes et de l’habitude. Cela étant le fait
que ces droits, ces prérogatives de seigneurs soient considérées comme étant des coutumes.
Le côté coutumier a pour conséquence de limiter l’arbitraire seigneurial. En d’autres
termes, les seigneurs se trouvent liés par les coutumes. Le seigneur ne peut pas modifier les
coutumes comme il le souhaite, il ne peut pas augmentés arbitrairement les droits. Il faut
regarder de plus près la nature économique de profits seigneuriaux, il en existe trois types :
- le profit de justice,
- les impôts seigneuriaux qui vont imposer une fiscalité,
- les banalités.

1) Les profits de justice

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Dans le cadre du pouvoir de ban, l’exercice de la justice donne au seigneur l’occasion


de percevoir des taxes et ces taxes forment un tout lucratif, rentable. Il perçoit également des
amendes qui sont infligés au coupable de délit, quelques fois la sanction qui est appliquée
c’est ce que l’on appelle le bannissement, la mise hors du ban, l’individu est chassé de la
seigneurie et devient du coup un forban. Le seigneur confisque les biens de celui qui est
condamné. A partir du XIIIe siècle, on a une diffusion de l’écrit notamment dans la
redécouverte du droit romain. Les seigneurs vont percevoir de plus en plus des droits de
sceaux. Le seigneur va sceller et authentifier les actes. Nous sommes ici à l’origine du droit de
timbres. A ces profits de justice, on va y rattacher par extension tous les biens abandonnés ou
considérés comme étant sans maître seront au profit du seigneur. C’est ainsi, que le seigneur
se réserve les successions en déshérence, ainsi que les biens qui décèdent dans la seigneurie
vont au seigneur. Les droits sur les épaves échoués, même chose pour les trésors trouvés, les
carrières, les mines sont des sources de revenus pour le seigneur.

2) Les impôts seigneuriaux

L’impôt de la taille est le plus connu des droits seigneuriaux. A l’origine la taille IXe -
Xe siècle est la manifestation de la toute puissance seigneuriale. C’est ainsi qu’en cas de
besoin le seigneur pouvait prendre sur ses manants ce qui lui était nécessaire. Il s’agissait de
prélèvements en nature sur les récoltes. Ces prélèvements étaient épisodiques et
arbitrairement le seigneur peut lever toute forme de taille. Progressivement ces prélèvements
deviennent une habitude puis en coutume qui est acceptée bon gré mal gré par les paysans.
Au final ce prélèvement devient un véritable impôt payé périodiquement en monnaie.
En ce transformant en coutume la taille est abonnée c’est à dire qu’elle est fixée dans
certaines limites. Ainsi le seigneur ne peut pas normalement changer le montant de la taille
(sinon il risque une exaction).
A côté de cet impôt il y a d’autres impôts directs, au total ils pèsent très lourd. On
trouve des taxes sur la circulation, des taxes sur les transactions de marchandise, qui sont
mieux acceptées. Les seigneurs ont le droit d’autoriser la création de marchés publics et
doivent en assurer la police et la protection. Ils vont percevoir des leudes (taxes) qui vont
prendre des noms variés selon les marchandises.

3) Les banalités

Ces banalités découlent de l’usage du ban, du pouvoir de commandement. Il s’agit de


la mise en place de véritables monopoles seigneuriaux. On a par exemple, le ban vin, permet
au seigneur de fixer la date à partir de laquelle les paysans auront l’autorisation de vendre
leurs viens. Avant cette date, le seigneur va pouvoir vendre seul, sa récolte, sans concurrence.
Ces banalités sont aussi des monopoles dans l’exploitation de certains équipements. En
raison, de leurs puissances économiques, les seigneurs sont les seuls à construire, à mettre en
œuvre certaines infrastructures, faire un moulin, un four, un pressoir… Ensuite, ils utilisent
leurs pouvoirs de ban pour obliger les paysans à se servir de ces installations sous peine
d’amende, de confiscation de produit.

§ 3 – Les guerres privées et le système seigneurial

La guerre privée c’est à dire la guerre entre les seigneurs, est un élément central du
système féodal. Souvent, on présente cette guerre comme une des conséquences seulement de
l’effondrement des superstructures étatiques. Cette disparition de superstructures aurait
engendrés l’anarchie. Par ailleurs, on étudie la guerre selon les moyens qui sont mis en œuvre

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

pour réduire les guerres privées. Ces analyses font perdre de vue un élément essentiel, c’est
que la guerre est l’unique vocation de la classe seigneuriale.
Dans la seigneurie, la structure est avant tout militaire, le château en est la meilleure
illustration, la teille est perçut pour des besoins de guerre. Toutes les activités des seigneurs
tournent autour de la guerre. La guerre privée est le moyen usuel de l’époque pour résoudre
les différends. Si on pousse l’analyse plus loin, on peut s’apercevoir que la guerre est la voie
normale de la compétition, c’est le meilleur moyen d’accroissement, d’acquisition de
puissances, d’acquisitions de richesses, c’est la voie d’une certaine promotion.
Dans un système industriel, la voie normale de la concurrence est la compétition
économique. La production industrielle était limitée. Dans le cadre du système féodal, la terre
est limitée. La seule façon de pouvoir progresser est la redistribution de la terre, par rapport à
cette redistribution la guerre est le moyen le plus simple de récupérer de la terre sur les autres
seigneurs. C’est la raison pour laquelle la guerre est permanente pour cette époque, on peut
dire que les seigneurs sont engagés dans une compétition générale, dont le but est la conquête
territoriale, d’où l’insécurité, le pillage, les conflits privés permanents.
Cela étant au XIIe siècle, il va y avoir un véritable endiguement de la guerre privé, on
constate qu’au Xe au XIIe siècle, la guerre est un phénomène interne très fort entre seigneur et
à partir du XIIe siècle, la guerre est projetée vers l’extérieur, la guerre va se développer à la
périphérie de l’Europe avec au fond les mêmes réflexes. Cette guerre va être retrouvée en
Espagne avec ce que l’on appelle « la Reconquista ». Ce n’est plus une guerre privée.
L’exemple le plus frappant, c’est celui des croisades, ou on déplace vers l’extérieur la guerre.
L’église va réussir de détourner le dynamisme guerrier de la chevalerie vers l’extérieur.
Enfin, au XIIIe XIVe siècle, le pouvoir royal va s’efforcer de d’accaparer à son seul profit la
guerre féodale en interdisant la guerre entre seigneurs et le roi va canaliser la fonction sociale
des chevaliers à travers une institution qui s’appelle l’armée royale. Cette armée royale va
intervenir dans la guerre de 100 ans.

CHAPITRE 2 : L’ÉTAT DES PERSONNES

Entre les nobles et les paysans, il existe un fossé radical, une frontière qui sépare la
paysannerie de la noblesse. Une frontière infranchissable entre deux mondes différents qui
cohabitent, on peut dire aussi deux modes de vie absolument différents.
A l’intérieur même de ces catégories il y a des différences, a propos des nobles, on a
des grands nobles en haut de la hiérarchie, et puis on a des seigneurs plus modestes. Ces deux
catégories sociales ont connus des évolutions considérables.

SECTION 1 : LA NOBLESSE

A l’origine le mot noblesse qui vient du latin nobilitas représente les dominants, c’est
l’aristocratie guerrière qui domine et encadre la paysannerie. Mais la noblesse se caractérise
par un comportement, un mode de vie spécifique qui s’exprime à travers la chevalerie. Cette
structure hiérarchique qui donne la cohésion à la noblesse s’organise autour de deux
institutions : le fief et la vassalité.
C’est aussi sur le plan horizontal soudé par des liens familiaux, ce que l’on appelle le
lignage noble. Enfin, assez rapidement, la noblesse a eu tendance à se refermer sur elle-même
c’est à dire qu’elle à devenir une caste fermée qui va se doter d’un véritable statut juridique
privilégier. Ce dernier aspect est celui qui va durer le plus longtemps puisque concrètement
ce statut ne sera supprimé qu’avec la révolution française qui disparaît le 4 août 1789.

§ 1 – Noblesse et chevalerie

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

4) Les origines de la noblesse

Cette question est importante qui est encore aujourd’hui très controversée.
 Certains ont soutenus qu’elle est apparut avec la féodalité aux alentours de l’an mil,
on est ici encore une fois avec l’effondrement des cadres sociaux économique des
carolingiens. Dans ce contexte, des groupes d’hommes auraient réussis à imposer leur
domination par la force, par l’autorité et vont s’imposer à la paysannerie.
 D’autres pensent qu’il faut remonter à l’époque précédente et aller de plein pied dans
l’époque franque. Pour eux la noblesse féodale serait issue de l’aristocratie
carolingienne, ils font notamment référence aux grandes familles qui entouraient les
monarques carolingiens et qui exerçaient les fonctions à la cour (ducs, comtes,
vicomtes,…). Ici on a des généalogies qui attestent cette thèse. Cela est
particulièrement vrai pour la grande noblesse féodale dont les descendants résultent de
l’ancienne monarchie franque.
En fait on ne peut pas généraliser, toute la noblesse n’est pas d’origine carolingienne, il y a un peu des deux. On
peut noter aussi qu’à la faveur des invasions certains peuples se sont fixés avec leur propre aristocratie telle que
les normands.

Il est vrai qu’il y a eu des hommes nouveaux, c’est à dire des hommes sans passé aux
origines obscures qui vont réussir à se hisser dans les rangs de la classe noble par leur audace,
leur force physique. Au Xe et XIe siècle, la noblesse est une classe relativement ouverte et on
voit se fondre des éléments d’origines diverses.

5) L’idéal chevaleresque

Quelles que soient les origines de la noblesse, il y a un dénominateur commun qui est
le caractère militaire à vocation guerrière.

A) La chevalerie

Au Xe et XIe siècle, le mot le plus répandu pour désigner les membres de l’aristocratie
est le mot miles, guerrier, mais on a un terme plus précis qui désigne le combattant à cheval,
le caballieres, le chevalier. Le noble est un guerrier qui est rapidement muni de l’équipement
complet qui le caractérise dans la société : des armes, une armure, un cheval. Sa vocation
première est la guerre.
Initialement la qualité de chevalier est personnelle tout homme libre peut
théoriquement devenir miles, en réalité il y a quand même des impératifs militaires
(économiques), l’équipement est coûteux et il faut du temps libre pour se consacrer à
l’entraînement et tout le monde ne pourra pas devenir chevalier.
Concrètement seuls les propriétaires fonciers, ceux qui ont les moyens et le temps
peuvent devenir chevalier véritablement. Cela étant il y a eu pendant un temps des hommes
nouveaux qui n’étaient pas forcément propriétaires qui sont devenus chevaliers. Ce sont des
sortes d’aventuriers.

Ce monde des chevalier va se doter d’une véritable conscience de classe c’est à dire
qu’ils ont pleinement conscience de représenter l’élite de la société.

L’église a contribué à cette prise de conscience chez les nobles de former une
catégorie à part. Cette chevalerie va se doter d’un idéal chrétien qui est destiné à canaliser,

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

encadrer leur ardeur guerrière. Cet idéal va s’exprimer à travers des rites notamment celui de
l’adoubement c’est la cérémonie qui va marquer l’entrée dans la chevalerie. C’est ici que
l’église va intervenir. Sous l’influence de l’église cette cérémonie va prendre une forme
liturgique c’est à dire qu’il va falloir respecter un ordre avec des prières.
C’est ainsi que l’adoubement sera désormais précédé d’une veillée de prière, de
pénitence.
De même le futur chevalier va prêter un serment sur les évangiles. Le futur chevalier
s’engage à défendre l’église mais aussi la veuve et l’orphelin ainsi que respecter la parole
donnée. Il s’ensuit la bénédiction et la remise des armes.
Après c’est la collée, c’est un coup du plat de l ‘épée sur l’épaule qui est administrée
par un autre chevalier.
Tout cela crée l’idéal du « preux » chevalier qui met ses armes au service de dieu, de la
justice. Cet idéal va marquer profondément les mentalités. Du côté de la classe dominante,
mais aussi parmi les petites gens autant que du côté de l’élite.

Une fois entré dans la chevalerie, le chevalier se doit de vivre noblement


conformément à son statut.

B) Vivre noblement

En effet l’entrée dans la chevalerie détermine un véritable style de vie, un


comportement qui distingue les membres de la chevalerie des autres membres. Le noble doit
vivre noblement ce qui veut dire concrètement qu’il doit se comporter à tout moment de sa vie
selon des principes qui correspondent à son état social.
 Les nobles, ne doivent jamais se livrer à un travail servile. Toute besogne à caractère
économique leur est interdite. Ils ne font pas de travail agricole ni d’activité de
commerce ni d’artisanat,… Le noble doit se consacrer entièrement au métier des
armes.
 Avant son adoubement le futur chevalier s’initie au maniement des armes, il apprend
à monter à cheval. Généralement on a plusieurs jeunes futurs chevaliers qui
s’entraînent ensemble.
 Le noble doit respecter le code moral de la chevalerie. C’est la loyauté, le mépris de
la mort, la fidélité au serment, la protection des faibles et la générosité. Le noble doit
en effet dépenser son argent sans compter, c’est une manière d’extérioriser sa
puissance. C’est l’idée aussi de tenir son rang mobilier. Les nobles font des largesses
le plus souvent au profit de l’Eglise. Ce code moral correspond à une image idéalisée
de la chevalerie. La réalité était certainement différente et le comportement des
chevaliers les premiers siècles de la féodalité est davantage marqué par la brutalité, la
férocité, un certain goût du pillage. L’Eglise tentera de canaliser les pulsions
belliqueuses.

L’entrée dans la chevalerie détermine un statut social commun à tous les nobles.
Mais cette noblesse n’en est pas moins fortement structurée et si l’on prolonge l’étude de la
noblesse, on s’aperçoit que les nobles sont pris dans un réseau très dense de biens.

§ 2 – Vassalité et fief

Au sein de la noblesse les relations entres les hommes sont fortement hiérarchisées.
Cette hiérarchie se fait suivant un système qui vient compenser l’émiettement, l’atomisation

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

du pouvoir central. Ainsi, l’effondrement du pouvoir central carolingien a provoqué une


fragmentation politique et géographique.
Dans la seigneurie on a récupéré le pouvoir de ban. On peut parler à cette occasion de
l’émergence d’une véritable mosaïque de seigneurie au sein desquelles tous les pouvoirs
appartiennent au seigneur et à lui seul.
En définitive, l’ordre social est constitué par la hiérarchisation de la classe dominante.
Le terme « d’anarchie » féodale est mal approprié car il donne une fausse image de la réalité,
d’une multiplication de cellules indépendante les unes des autres, sans cohésion, sans logique
d’ensemble. Mais cela véhicule une vision erronée de la réalité.
En fait la société féodale est structurée par la hiérarchisation de la noblesse. Cela
constitue une sorte d’armature. On peut se représenter cette hiérarchisation par l’image d’une
pyramide ou un faisceau de chaîne qui relie maillon par maillon les plus modestes chevaliers
aux plus puissants.
Ces liens vont se fonder sur deux éléments essentiels : d’une part l’hommage
vassalique et la concession de fiefs.

1) L’hommage vassalique

C’est un acte solennel par lequel un noble que l’on désigne sous le terme de vassal, va
se placer sous l’autorité d’un autre noble plus puissant que lui que l’on appelle le suzerain.
Ainsi, l’hommage vassalique est une relation personnelle engageant deux hommes libres : un
suzerain et un vassal. Cette relation, cet engagement, n’est pas perçue que de manière
abstraite mais cela est vêtu à travers un rite.

A) L’hommage

Cet hommage est une cérémonie hautement solennelle qui se déroule dans la grande
salle de la demeure seigneuriale. Le vassal se présente tête nue devant le souverain sans épée
et sans éperons. Il va s’agenouiller devant lui en geste de soumission et va placer ses mains
jointes dans les mains du suzerain. Ce geste est un geste de dépendance et à ce moment là le
vassal demande au suzerain de le recevoir comme son homme. On dit qu’il se recommande.
Le suzerain accepte son hommage et déclare le recevoir pour son homme. Ils s’embrassent
sur la bouche, c’est un geste de paix et d’égalité.
Le tout est appelé hommage de main et de bouche. Ce rituel est en fait antérieur à la
féodalité, il est d’origine franque, germanique qui dérive de la commendatio. L’Eglise s’est
efforcée de christianiser le rituel en le complétant par un serment prêté sur les évangiles. C’est
la foi et hommage.
Cet hommage va établir entre les deux hommes libres des rapports de confiance
loyaux et d’appui mutuel qui, normalement, banni, écarte, l’usage de la force et donc de la
guerre entre eux. Ce rapport d’homme à homme est initialement viager. Vers la fin du XIIe
siècle les rapports se juridicisent et des règles d’origine coutumières vont apparaître pour
préciser, régler avec plus de minutie, de détail pour venir préciser les obligations réciproque
des suzerains et vassal, c’est l’influence directe du droit romain. Progressivement l’hommage
prend l’allure d’un contrat détaillé, on parle alors quelque fois du contrat vassalique.

B) Les obligations du suzerain

Le suzerain a tout d’abord un devoir de protection, et ce devoir de protection comporte


l’obligation de rendre la justice au vassal et surtout le suzerain a l’obligation de défendre le

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

vassal, le suzerain est tenu de témoigner d’une certaine générosité vis à vis de son vassal, cela
se manifeste par des cadeaux. Et lui garantir la libre possession de la terre.

C) Les obligations du vassal

Il y a trois obligations principales :


- L’obsequium, c’est l’idée selon laquelle le vassal doit faire preuve de respect et de
loyauté à l’égard de son suzerain, on retrouve ici à nouveau, les idéaux de la
chevalerie
- L’auxilium, c’est une obligation essentielle c’est à dire l’aide immunitaire, le vassal
doit accompagner son suzerain à la guerre chaque fois qu’il est requis, cela étant, les
coutumes de droit féodal vont distinguer et réglementer cette obligation de service
militaire, et on va distinguer le service d’ost qui correspond à la participation de
l’armée du seigneur, cette participation est limitée à 40 jours à partir du XIIIe siècle.
Le service de chevauché, c’est la participation du vassal a des expéditions militaires de
courte durée. Le service de garde ou d’estage, c’est l’obligation de tenir garnison dans
un des château du suzerain. A l’aide militaire classique, on va assimilée l’aide
pécuniaire que doit le vassal dans certains cas, il ne s’agit en aucun cas d’un impôt, ce
n’est plutôt l’esprit de l’amitié, de l’esprit d’entre aide, on peut dire qu’il y a quatre
cas :
 Le paiement de la rançon du suzerain,
 La contribution à la croisade,
 La participation au frais lorsque le fils aîné est adoubé,
 La participation à la dot de la fille aînée du suzerain.
- Le concilium, c’est le service de cour, c’est le devoir de conseil, le vassal est tenu de
participer à la cour de justice du seigneur notamment à la haute justice, le vassal doit
conseiller le suzerain, notamment lorsque ce dernier doit prendre des décisions
importantes, la décision de conclure une alliance, avant de marier son fils, sa fille à
une famille. Ce concilium a une fonction d’apparat c’est à dire que le vassal est
obliger d’assister aux fêtes du suzerain. Ce côté ostentatoire exprime la puissance du
seigneur, qui se mesure à l’importance du cortège. Ces obligations réciproques sont
dominées par des impératifs militaires, qui sont particulièrement lourds pour les
vassaux, malgré la charge idéologique du rituel, tous cela ne suffit pas à expliquer la
permanence de ces liens entre le vassal et le suzerain d’autant que l’engagement est
très contraignant pour le vassal. En réalité il existe un lien matériel qui renforce
considérablement la vassalité. Ce lien matériel c’est la concession de fiefs. En fait foi
et hommage sont des éléments qui idéalise un rapport qui est en fait matériel : le fief.

2) La concession de fief

Pour s’assurer la fidélité d’un homme, le meilleur moyen est de stimuler son intérêt,
c’est ainsi que les serments, les engagements les plus solennels ne valent pas une bonne
rémunération des services rendus. Dans les textes les plus anciens, on voit que la prestation de
l’hommage par le vassal est accompagnée de la remise d’un beneficium, un bienfait. Il s’agit
au départ d’un simple cadeau de valeur. Quelque part le suzerain récompense le dévouement
de son fidèle vassal. Progressivement on va trouver un autre mot qui se répand et s’impose
mais qui exprime la même idée : c’est le fief.
Le mot feo désignait un gain même de valeur : une cuirasse, un casque, un bracelet en
or,… Dès l’origine, la constitution du lien vassalique s’accompagne de la remise par un
suzerain d’un cadeau qui est un gage matériel de fidélité. Cependant la nature du cadeau a

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

évolué à une époque où la terre est la principale voir, l’unique source des richesse. De plus en
plus le fief désignera une terre. Le fief va donc devenir dans la plupart des cas un bien
foncier. Ce bien le suzerain le prélève sur son propre domaine pour le remettre à son vassal.
Ici on peut concevoir les situations les plus variées.
- Le suzerain pouvait très bien prélever sur sa réserve des terres qu’il donne à son
vassal.
- Il concède une part des tenures.
- Il peut concéder un château ou des droits de justice.

Ce système de concessions abouti à un démembrement de la seigneurie. Plus les


services rendus sont importants plus le suzerain est enclin à concéder de droits au vassal. On
peut concevoir que les concessions de fief successives aboutissent à un démembrement, à une
dislocation des seigneuries. En même temps, on voit se créer, au sein de la noblesse un
système de subordination, de hiérarchisation de la noblesse.
On a ainsi toute une chaîne de solidarité noble qui repose sur les biens personnels
caractérisés par l’hommage et la concession d’un fief.

3) La patrimonialité du fief

Le fief est devenu héréditaire dès le XIe siècle, c’est ainsi que les fils du successeur
du vassal devait prêter l’hommage avant tout et demander l’investiture c’est ce que l’on
appelle la saisine. On recrée le lien vassalique.
Mais ces formalités se sont par la suite elle même assouplies aux XIIe XIIIe siècle
tant et si bien que les coutumes vont dès lors admettre qu’à la mort du vassal son héritier
désigné est aussitôt saisi du fief. Il ne doit pas recréer l’hommage. On retrouve comme pour la
censive l’adage « le mort saisi le vif ».
La seule obligation ici c’est de reconnaître dans un délai prescrit l’infeodatio. C’est ce
que l’on appelle l’aveu qui prendra la forme d’un acte écrit où l’on va énumérer, dénombrer
les caractères du fief et les obligations qui sont rattachées à ce fief. Enfin le successeur, le
nouveau vassal va devoir prêter hommage. Mais ici, le suzerain ne peut plus refuser cet
hommage même s’il a quelques doutes sur la fidélité et la loyauté du nouveau vassal.
La patrimonialité du fief en faveur du vassal a renversé la nature des rapports
vassalique. Initialement, ce qui est au cœur c’est le fief. L’engagement d’homme à homme
devient secondaire.
A l’origine Xe et XIe siècle il y avait des liens d’homme à hommes qui primaient, qui
avaient un caractère viager. On se recommandait à quelqu’un par fidélité. Ces éléments étaient
consolidés par un élément matériel. Or, au XIIe siècle l’élément matériel passe au premier
plan.
Au XIIIe siècle, la concession de fief devient la cause première de l’engagement
vassalique. Les engagements personnels d’homme à homme passent au second plan.
Cette révolution est le signe manifeste d’une certaine dénaturation des rapports au sein de la
classe nobiliaire.
On a tiré les conséquences de la patrimonialité du fief, la contrepartie est la perception
d’un droit, le « droit de relief ». Mais l’évolution continue et après l’hérédité on a admis
l’aliénabilité, la possibilité de vendre le fond. Cela est confirmé pour le XIIIe siècle, ce qui
est une conséquence de la redécouverte du droit romain ce qui est aussi lié au
développement d’une économie marchande. Le Moyen-âge c’est aussi la redécouverte de la
ville. Avec l’apparition de la bourgeoisie de plus en plus riche qui va chercher à acheter les
fiefs. Les bourgeois n’ont qu’un idée en tête : devenir noble et achètent de fiefs.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

A cette époque les nobles s’appauvrissent à cause des croisades, de mauvaises gestions
et certains lignages nobles acceptent de vendre des fiefs. Le vassal peut vendre le fief et devra
alors présenter l’acheteur au seigneur.
Le suzerain pourra monnayer son investiture par une somme d’argent, quelques
deniers que l’on appelle le quint denier (1/5 du prix). Si l’acheter ne lui plaît pas, le suzerain
peut reprendre le fief mais dans ce cas il devra payer le prix qui était prévu. C’est le retrait
féodal. Ici, les principes originaux de l’hommage vassalique et de la concession de fief son
perdus. Le signe le plus évident de cette évolution c’est la possibilité offerte aux vassaux de
faire plusieurs hommages. C’est ce que l’on appelle la pluralité d’hommage et récupérer à
chaque fois des fiefs. Il devra y avoir un hommage prioritaire (c’est l’hommage lige). C’est
soit le premier, soit pour le fief le plus important.

4) La théorie juridique du fief

Cette théorie est dû à des feudistes ce sont des juristes spécialisés sur les questions
juridiques qui touchent le fief. Ici effectivement, le phénomène de la concession de fief est
progressivement saisi, rattrapé par le droit. On va voir se dégager des règles définies par la
coutume. Ces règles seront ensuite affinées, précisées par les feudistes. Désormais il va y
avoir davantage de conditions de formes. C’est ainsi que la concession de fiefs fera l’objet
d’un acte solennel, c’est l’investiture. Elle va marquer publiquement la transmission des droits
sur le fief. On va utiliser des symboles qui vont symboliser la transmission du fief c’est la
remise par le suzerain du vassal d’un bâton, c’est quelque fois un anneau mais plus
symboliquement on lui donne une motte de terre. Cette investiture se fait juste après la
cérémonie de foi et hommage. On va rédiger un acte écrit pour la transmission du fief.
Dans lequel on précise ce qui est transmis et comment, les limites. Après l’investiture,
le vassal a la pleine possession des éléments de on fiefs :
- Droit à la protection de la part de son suzerain.
Le suzerain de son côté va conserver deux droit principalement :
- Droit d’exiger les services que doit le titulaire du fief,
- Droit de confisquer le fief à son vassal, s’il manque à ses engagements (commise =
retrait du fief).

Les juristes coutumiers ont procédé à une assimilation de concession de fief et de


tenures et on va appliquer la même analyse juridique en ce qui concerne le domaine utile et
dominant et les droits respectifs du suzerain et du vassal.
- On considère que le seigneur suzerain est titulaire d’un droit éminent (possibilité
de reprendre la commise).
- Le vassal a le droit utile : droit de percevoir les profits correspondant au fief qu’on
lui a remis.

Cette assimilation entre fief et tenure, est d’autant plus compréhensible qu’il s’est
produit à propos du fief la même évolution que pour les tenures : viager, héréditaire, aliénable.
Dans la mesure où le fief devient un bien patrimonial, le vassal pouvait tout à fait se
trouver à la tête de plusieurs fiefs (par engagement personnel, par mariage, par héritage) qui
dépendent eux-mêmes de plusieurs suzerains (dans ce cas le vassal prêtait hommage à chacun
des suzerains). L’hommage n’est plus un engagement personnel exclusif. Cette situation peut
prêter à désordre. La difficulté essentielle se trouvait également dans les conflits entre
suzerains.
Le droit féodal va faire une distinction entre l’hommage lige : hommage renforcé,
prioritaire et les autres hommages considérés comme secondaires. En principe, l’hommage

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

lige est le plus ancien (premier prêtés), quelque fois c’est celui qui correspond au fief le plus
important.

5) La hiérarchie féodale

Le système de l’hommage et de la concession de fiefs englobait toute la classe noble


dans un vaste réseau de liens vassaliques. Ces liens convergeaient de degrés en degrés vers
quelques grands seigneurs qui étaient détenteurs de véritables principautés territoriales. Ces
quelques grands seigneurs dépendaient théoriquement au roi.
Sur une carte, le Royaume de France apparaît comme une mosaïque de fiefs, de plus
ou moins grande taille et plus ou moins imbriqués les uns dans les autres. A l’époque des
premiers capétiens, le royaume est partagé en une dizaine de grandes principautés à la tête
desquelles on a de grandes familles. Elles sont elles-mêmes divisées en seigneuries vassales.
Les vassaux avaient eux-mêmes leurs propres vassaux, à la fin de la pyramide, les vassaux les
moins importants avaient sous leur dépendance seulement quelques chevaliers.
Les plus puissants ne sont pas indépendants, ils prêtent normalement hommage au roi.
Le roi de France est la clé de voûte de cette armature. On dit alors que le roi est le suzerain
suprême, c’est un souverain fiefeux, suprême. Tout le travail des capétiens sera de parvenir à
la souveraineté au détriment de la suzeraineté.
Cette situation est paradoxale parce que bien souvent la puissance réelle des premiers
capétiens est inférieure à certains de leur vassaux. En réalité, les premiers capétiens ne sont
véritablement maître que du domaine royal immédiat, c’est à dire un ensemble de seigneurie
recentré sur l’île de France entre Paris et Orléans. Il n’empêche que malgré tout, le roi n’en est
pas moins considéré comme suzerain par les grands du royaume dans le cadre des
prérogatives de l’engagement vassalique.
En outre, l’autorité du roi ne s’étend pas au delà de ses grands vassaux directs et cela
en raison de l’idée selon laquelle l’hommage ne crée qu’un lien personnel. Autrement dit, le
roi n’a aucune autorité sur les vassaux de ses vassaux. Il y a un adage « l’homme de mon
homme n’est pas mon homme ». Ce principe s’applique tout au long de la chaîne vassalique,
à chaque niveau, le noble n’obéit qu’à celui dont il s’est déclaré le vassal.

6) Les alleux souverains

Exceptionnellement des terres n’étaient pas possédées par des seigneurs. Il existe, en
marge de la hiérarchie féodale un certain nombre de seigneuries indépendantes, ces dernières
ne sont pas intégrées dans les liens vassaliques. Les seigneurs ne prêtent pas l’hommage à un
suzerain, ils ne détiennent pas leur seigneurie d’un suzerain. Dans le cas de ces alleux nobles,
non seulement l’alleutier est pleinement propriétaire (on ne fait pas la distinction entre
domaine éminent et utile) et il en est le seigneur. Il a, en tant que seigneur, son armée, sa
justice, ses finances, etc. Il fait partie à part entière de la classe chevalière. Néanmoins, la
plupart de ces alleux nobles vont intégrer la hiérarchie féodale.
- On les considère comme étant directement les vassaux du roi,
- Quelque fois il y aura la reprise d’un alleu en fief.

Malgré tout, quelques uns garderont une indépendance totale, on a alors de véritables
principautés indépendantes, enclavées dans le Royaume.
Ex : en Normandie, le royaume d’Yvetot, la principauté de Monaco.

§ 3 – Le lignage noble

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

La noblesse structurait toute la société féodale. La classe noble est hiérarchisée par les
liens de vassalité, ce qui la structure verticalement. Cette noblesse est aussi structurée sur le
plan horizontal à travers les liens familiaux qui sont à l’époque particulièrement solide. Au
Moyen-âge, les nobles se regroupent dans des sortes de clans dont le principe de base est la
parenté consanguine. Tout ceux d’un même clan sont descendants d’un ancêtre commun et
donc sont unis par les liens du sang et ils forment un lignage. A ces membres de la même
lignée peuvent se rattacher des parents collatéraux (des cousins), on les appelle des amis
« charnels ». On peut également accepter des alliés qui sont entrés dans la famille par
mariage.
Le lignage joue un rôle très important dans la société féodale. C’est une société qui est
dominée par les impératifs militaires. Concrètement l’individu n’existe que par rapport au
groupe de parents dont il fait partie. C’est le lignage qui va lui fournir son identité, c’est le
lignage qui lui permet de se situer par rapport aux autres. Outre cette identification, il protège
l’individu, c’est le cadre naturel au sein duquel l’individu trouvera protection et solidarité.
C’est aussi par rapport au lignage que s’opère la patrimonialisation des fiefs. Egalement
s’établissent les coutumes successorales.

1) L’identité lignagère

Les ethnologues définissent le clan comme un système d’identification. Le clan


permet donc à l’individu de se situer comme faisant partie d’un groupe, cela lui permet de se
distinguer des autres et notamment des étrangers au groupe et qui sont potentiellement des
ennemis.
Dans le cadre du lignage noble on va voir apparaître la coutume du nom
patronymique. C’est un nom commun à tous les membres du groupe, élément
d’identification. Il s’agit à l’origine, le plus souvent, d’un sobriquet, un surnom porté par des
parents illustres, des fondateurs de la lignée.
A l’époque féodale, porter un nom est un privilège noble. C’est le signe
d’appartenance aristocratique. C’est différents pour les non nobles (roturiers, paysans,
vilains), se distinguent par un nom de baptême. Quelque fois ce nom de baptême est
accompagné de celui de leur père. Si ces roturiers ont un surnom (ce qui est fréquent), il ne se
transmet et ne constitue pas un lignage.
La coutume du nom pour les nobles est à rattacher de l’usage du blason. Là encore, le
blason est un privilège de nobles qui est certainement d’origine militaire. Ce sont des
couleurs, des signes, des symboles emblématiques, sont peints sur les étendards, les boucliers,
les armures, se sont des signes de ralliement et de reconnaissance au combat.

Héraldique = étude des blasons.

L’étude des blasons permet de connaître l’évolution des familles nobles.

2) L’intérêt du lignage

Tout comme pour l’hommage, le lignage est un élément structurant de la noblesse et


auprès duquel, l’individu noble peut trouver, en cas de nécessité, protection et solidarité.
Cette solidarité se manifeste surtout au travers de la guerre privée puisque tout membre du
lignage attaqué peut appeler à la rescousse ses parents ou autres membres du lignage qui sont
alors tenus de lui prêter main forte.
Outre la guerre, la solidarité s’exprime par d’autres règles coutumières, par exemple
en justice, les parents doivent soutenir l’action d’un des leurs, ils peuvent et doivent se porter

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

garant pour lui (cojureur, prêtent serment, supportent les amendes). C’est aussi le cas de la
solidarité lorsqu’il y a un orphelin, c’est le lignage qui subviendra au besoin de l’orphelin : on
l’éduque, on l’arme chevalier et on va protéger et garder son patrimoine.

3) Les coutumes successorales des nobles : droit d’aînesse et privilège de masculinité

A) L’aînesse

C’est un principe général, son intérêt est la préservation de l’unité du patrimoine et


surtout du fief. Effectivement, diviser c’était affaiblir et le partage pouvait compromettre la
prestation des services vassaliques. L’idée de l’aînesse s’est imposée très vite chez les nobles
et c’est un principe qui va dominer toute la classe noble au cour du Moyen-âge et cela est
avéré pour les fiefs importants. Ces fiefs étaient dévolus en entier au fils aîné lequel prêtait
hommage au suzerain.
Au début les frères cadet pouvaient rester avec le frère aîné en compagnie et se
retrouvaient dans une position subalterne, quelque fois même, ils prêtaient hommage à leur
frère et celui-ci pouvait lui concéder un fief en parage (qui devait revenir au fief principal).
Ces solutions ont été progressivement abandonnées et le frère aîné a été amené à fournir à ses
frères des moyens de subsistance.
Pour les fiefs moins importants, les coutumes vont s’efforcer de concilier les intérêts
opposés. On va admettre un certain partage mais toujours avantageux pour l’aîné. On a
trouvé des cas dans le midi de la France de coseigneuries sans ignorer le droit d’aînesse, les
enfants restaient associés et partageaient ensembles les fruits et profits.
Les service notamment vassaliques, étaient assurés à tour de rôle par les coseigneurs,
les endroits où les coseigneuries ont existé est révélateur de l’affaiblissement précoce du
système féodal.

B) La masculinité

Cela s’explique par l’état d’esprit guerrier qui préside dans les lignages nobles.
Cet esprit a contribué à diffuser une certaine hostilité à l’égard des femmes, on considère que
les femmes ne peuvent pas prêter hommage et assurer les services féodaux, notamment tout
le volet militaire. Les coutumes successorales vont exclure les femmes au profit des mâles,
c’est le privilège de masculinité. On s’aperçoit que les filles sont destinées au mariage et
concrètement ont vocation à sortir du lignage, en conséquence, il faut limiter leur droit sur le
patrimoine.

Selon la même logique patrimoniale, les dots ne portaient que sur des biens meubles
(argents, vêtements, bijoux,…). Malgré tout en cas d’absence de tout descendant mâle, la
succession pouvait échoir à une fille. Généralement ici, on ne pratique pas le principe de
l’aînesse, on va appliquer le principe du partage. Mais les femmes ne pouvant pas tenir un fief
vont avoir besoin d’un « chevalier servant » qui va assurer les services. Il s’agit généralement
du mari. Ici, beaucoup de coutumes vont imposer à l’héritière de se marier, et ce mariage
devra être autorisé par le suzerain.

§ 4 – De la classe à la caste : le statut de la noblesse

Dans les premiers siècles de la période féodale (Xe et XIe), la classe des nobles est
relativement ouverte : un individu peut entrer dans la chevalerie et à terme fonder un lignage

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

noble. Dans le courant du XIIe siècle, la classe noble tend à se stabiliser, l’hérédité des fiefs
s’installe, les lignages aussi se développent avec également cet idéal chevaleresque.
On va voir se dégager un phénomène classique, un état d’esprit qui se répand fait d’un
sentiment d’orgueil, de supériorité, au fond il s’agit presque d’une véritable conscience de
classe qui pousse cette classe à se reproduire, l’idée de reproduire cette classe tout en se
fermant aux nouveaux venus. On va donc ainsi progressivement passer dans une noblesse,
situation de fait, c’est la chevalerie, la vassalité, le fief à une noblesse situation de droit, c’est
à dire une caste, un statut juridique précis avec des privilèges, des barrières, des
empêchements d’accession.

1) L’entrée dans la noblesse

Assez vite, l’entrée dans la chevalerie va être réservée aux fils de chevaliers. Ils
récupèrent le statut de leurs pères (phénomène d’hérédité). Au XIIIe siècle, seul le fils aîné
sera adoubé. Les autres fils seront dispensés de l’adoubement du fait du coût de la cérémonie,
mais ils gardent quand même les privilèges de leurs pères (droit de porter l’épée, droit de
porter l’hommage, de servir un fief, ne payent pas d’impôt royal, ni de dîme).
On assiste à l’hérédité et la patrimonialité des fiefs qui s’installent. Les fiefs peuvent
être vendus. Des non-nobles, bourgeois, vont acheter des fiefs.

 Peut-on permettre à des bourgeois enrichis sans éducation militaire, accéder aux rangs de
la noblesse ?

Une partie de la noblesse réagie, elle interdit la vente de fiefs aux roturiers, aux non-
nobles. Cette interdiction ne résiste pas aux besoins d’argent de certains nobles, en particulier
au moment des croisades.
Au milieu du XIIIe siècle, une solution voit le jour. « Principe selon lequel
l’acquisition par un roturier ne lui donne pas accès à la noblesse ». Concrètement, le roturier
peut percevoir les profits du fief, il devra payer au suzerain une taxe spéciale : le « franc-
fief ». Cette taxe doit servir à la rémunération d’un chevalier qui doit rendre au suzerain les
services militaires que le roturier ne peut pas rendre (1275).
La noblesse se ferme et on passe à une caste. Le mode d’accès à la noblesse c'est
désormais la naissance (noblesse de sang).
Le droit coutumier fixe les conditions de cette hérédité noble. Si le père et la mère sont
nobles, les enfants sont réputés nobles. Si le père est noble et la mère roturière, l’enfant est
noble mais si la mère est serve, l’enfant est serf. Si la mère est noble et le père roturier,
l’enfant n’est pas noble, excepté en Champagne.
 Ligne paternelle.

Cependant, le roi va intervenir à partir du XIVe siècle, et le roi va avoir la possibilité


de faire des nobles à travers les « Lettres d’anoblissement ». C'est souvent une noblesse de
fonction.

2) Les privilèges de la noblesse

Toute caste a des privilèges. Ces privilèges permettent à la caste de se distinguer,


permettent d’affirmer sa position supérieure.

A) Les privilèges honorifiques

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Découlent des origines militaires de la noblesse, c'est le droit de porter l’épée.


 Possibilité de porter des éperons.
 Participer aux guerres privées.
 Avoir des blasons.
 Avoir un sceau.

B) Les privilèges judiciaires

Le noble ne peut être jugé que par d’autres nobles. Il bénéficie d’une procédure plus
longue pour mieux préparer sa défense. Il a toujours droit au duel judiciaire et en cas de peine
de mort, il est décapité.

C) Les privilèges fiscaux

Les nobles sont exemptés d’impôts. Ils ne payent pas les droits de péages, ils ne payent
pas la taille (protection) car ils payent l’impôt du sang. Ils ont ensuite des coutumes
particulières en droit privé, c'est le principe d’aînesse, de la masculinité.

SECTION 2 : LE SERVAGE

Le terme de servage a un contenu quelque peu mythique et il est devenu le symbole de


l’oppression seigneurial de la paysannerie. Mais souvent il y a quelques idées fausses. Par
exemple le fait que la révolution aurait supprimé le servage mais en réalité il avait disparu
depuis longtemps.
On peut noter que le servage a connu un épanouissement sur une période assez courte
qui correspond à la période d’installation de la féodalité du Xe au XIIIe siècle. A partir du
XIVe on est déjà dans une phase de régression.

§ 1 – Les origines du servage

Dès les premiers siècles de la féodalité, le servage s’est constitué par fusion de
diverses catégories inférieures qui coexistaient à l’époque franque. Le servage est
caractéristique de la féodalité à l’époque de son installation mais c'est finalement la condition
normale des rustres, les roturiers, c'est la population paysanne.
A l’époque précédente, au moment des grandes invasions germaniques, on a eu un
important brassage ethnique, des bouleversements sociopolitiques importants. Tout cela avait
multiplié et provoqué une multiplication des statuts, au sein de la masse paysanne. On a des
esclaves jusqu’au VIIIe siècle mais on en a de moins en moins. Le souvenir des différentes
conditions va progressivement se perdre et c'est le servage qui va caractérisé, globalisé le
statut de la paysannerie. Cette uniformisation se fait en même temps que l’hérédité, hérédité
du serf.
Cela étant, il subsiste malgré tout une trace des statuts antérieurs au servage à travers
une distinction entre la servitude réelle, et la servitude personnelle. Influence la condition des
serfs. Dans le cadre de la servitude réelle, le serf est rattaché à la terre, dans le cadre de la
servitude personnelle, le serf est rattaché au seigneur. Dans le Midi, la source du servage a été
le colonat, le serf est considéré comme attaché à la terre, il ne peut pas quitter la terre. Dans le
Nord, le servage est davantage lié à l’esclavage, la servitude ici est personnelle.
 Les serfs dourine : serfs d’origine.
 Les serfs de novel : entrent en servage.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

§ 2 – La condition servile

A proprement parler il est difficile d’évoquer un statut des serfs. Car il n’y a pas de
cadre juridique uniforme, en fait le servage est un vaste phénomène qui concerne toute
l’Europe Occidentale.

1) La grande variété des servages

Il y a des tas de nuances possibles, une assez grande variété de servage. En réalité les
coutumes contiennent assez peu de dispositions concernant le servage.
On peut noter que le droit romain que l’on redécouvre va jouer un rôle important pour
transformer une situation de fait en situation de droit. On va juridiciser la situation. On va,
en s’inspirant de la situation des esclaves, faire un statut du serf. Ce droit romain va avoir une
action ambiguë à double sens parce que le droit romain connaît le statut de l’esclave. On va
vouloir appliquer au serf les règles romaines de l’esclave qui sont plutôt défavorable. Mais
en sens inverse dans le droit romain on découvre la technique de l’affranchissement et cette
technique va être utilisée et appliquée pour mettre fin à la situation de serf.
Il existe une différence très nette entre le serf et l’esclave. Le serf est considéré
comme une personne humaine et non une chose (sous l’influence de l’Eglise). L’esclavage
est la situation la plus défavorable : le maître a un droit absolu et l’esclave n’a aucune
personnalité juridique, ne possède rien en propre, n’a pas de famille, ne peut se marier.
L’Eglise a eut une influence, elle a œuvrée pour une amélioration de la situation
d’esclave, elle reconnaissait le mariage des esclaves.

On a le paysan libre qui est un descendant d’un conquérant germain mais ils ne font
pas partie des puissants, ils vont rapidement s’avérer trop pauvres pour pouvoir s’équiper
militairement.

Entre le paysan libre et l’esclave il y a toute une foule de situations intermédiaire et


diverses, on a toutes nuances de la semi servitude. Au fur et à mesure que s’installe le
système seigneurial, les pertes d’indépendances se multiplient, la domination des seigneurs
s’impose et à tendance à fondre en une seule condition le servage qui devient la condition
générale des paysans. Le servage est une condition a mi-chemin entre l’esclavage et la liberté.
La condition servile va se caractériser par des dépendances, des servitudes plus ou moins
lourdes selon les régions.

Au total il y a donc des droits élémentaires : le serf peut fonder une famille, peut avoir
des enfants légitimes et posséder quelques biens (notamment des biens meubles). Le seigneur
ne peut le frapper et le tuer arbitrairement et le serf peut faire appel à la partie mais la
condition des serfs n’en est pas moins rude et cette condition repose sur deux idées : la macule
servile et toutes les dépendances.

2) La macule servile

Cette macule servile est une tâche qui marque bien l’infériorité de la condition de
serf et le mépris qui s’y attache. Cette macule servile se transmet par la naissance, l’enfant est
serf si un des deux parents est serf « le pire emporte le bon ». On admet ensuite que le servage
ne se transmet que par la mère, il se transmet aussi par le mariage, par la résidence dans un
lieu serf « l’air rend serf ». Le servage peut aussi résulter d’une condamnation pénale, on a
quelques exemples de servage volontaire. Le caractère infamant se manifeste par de

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

nombreuses incapacités qui est à rapprocher du droit romain de la condition d’esclave. Par
exemple le serf ne peut pas rentrer dans les ordres, il ne peut pas devenir moine (clergé
régulier). Dans le procès, un serf ne peut pas normalement témoigner en justice. Il va subir
des peines qui sont humiliantes (la bastonnade).
Le signe de cette situation est matérialisé par une taxe annuelle, le chevage qui est fixé
assez bas mais qui à un caractère récognitif (rappelle le cens).
Dans les pays où la servitude est personnelle, le serf est astreint à des services, des
travaux souvent lourds appelés corvées. On dit que le serf est corvéable à merci. Les corvées
qui viennent en plus des corvées qui sont dues aux corvées dues au titre de la tenure.

3) Les dépendances serviles

Du fait de sa situation le serf subit une étroite subordination à l’égard des seigneurs.
Il va subit des dépendances particulièrement lourdes qui concernent la liberté au sens large (le
mariage, le patrimoine).

A) La liberté d’aller et de venir

Le serf ne peut pas circuler librement, ou bien il ne pourra pas quitter le seigneur dans
le cadre d’une servitude personnelle ou la seigneurie dans le cadre de la servitude réelle. Le
seigneur a un droit de poursuite du serf, dit fugitif, et il existait des accords de réciprocité
entre les seigneurs.
Les raisons de cette poursuite, l’intérêt est de maintenir au service du seigneur la main-
d’œuvre pour l’exploitation de la terre, de plus c’est une source de revenus pour la taille,
c’est un justiciable.
Il faut également empêcher le serf d’empêcher de quitter le seigneur par un moyen
détourné comme le mariage.

B) Le mariage

La question se pose avec une acuité particulière dans les endroits où s’exerce une
servitude réelle car s’il vient à se marier il pourra s’installer hors de la seigneurie, voir
échapper à la condition servile. Les seigneurs ont donc trouvé une solution simple : interdire
les mariages en dehors de la seigneurie (le formariage). Au départ c’est l’interdiction de se
marier en dehors de la seigneurie qui sera étendue au pays de servitude personnelle parce
qu’elle va éviter des conflits entre seigneurs notamment à propos des enfants. Cette
obligation engendre l’endogamie (mariage au sein du même groupe).
Cependant ici, cette interdiction va être difficile à lever en raison de l’influence de
l’Eglise parce qu’elle va étendre les empêchements de parenté. Ces interdictions poussent à
l’exogamie et l’Eglise a maintenu des interdictions pour des degrés de parentés très éloignés.
D’autant que l’Eglise reconnaît le mariage des serfs qui sont des mariages chrétiens. Les
seigneurs ne pouvaient pas faire annuler les mariages même prononcés en fraude donc ils vont
frapper d’une amende les contrevenants.
Progressivement la contrainte va se relâcher et on arrivera à des accords entre
seigneurs pour autoriser les mariages entre serfs de seigneuries voisines qui vont quelques fois
des enfants à naître.
Finalement aux confins de cette évolution le formariage se transforme en une taxe
régulière qui compense les droits qu’a perdu le seigneur en perdant le serf.

C) Le patrimoine

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

La dépendance servile se manifeste aussi par les droits qu’a le seigneur sur le
patrimoine du serf. Il pouvait avoir un patrimoine essentiellement mobilier et à sa mort tous
ses biens devaient revenir au seigneur, il n’y avait pas de transmission aux héritiers. C’est le
principe de la mainmorte.
Ce droit exorbitant va progressivement se transformer et en fait les seigneurs vont
laisser les biens aux héritiers en leur imposant seulement de racheter les biens. Au XIIIe
siècle, les droits du seigneur vont se réduire à prendre le meilleur « catel » (un bien au
choix). Plus tard se réduira à une taxe.
Il est certain que les conditions de vie étaient étroitement communautaire sont
importante, c’est le cadre de vie familial des paysans car ce côté communautaire vont
permettre de tenir en échec les droits et prétentions des seigneurs et cela permet de préserver
un espace d’autonomie.

§ 3 – Les solidarités paysannes

Il faut éviter de se représenter la domination seigneuriale comme s’exerçant sur une


masse de serfs individualisés. L’analyse juridique décrit des rapports de droit qui sont fondés
sur des systèmes de prestations et d’obligations réciproques ce qui conduit à fragmenter la
réalité, à isoler l’individu.
En réalité la situation est différente car l’individu disparaît derrière un groupe.
L’individu n’existe qu’à travers le groupe, c’est un élément du groupe. A l’époque féodale,
les individus se fondent dans des structures naturelles plus ou moins vastes qui sont des
puissants moyens de protection et solidarité mais qui sont des facteurs de contrainte.
La classe nobiliaire était prise dans une structure horizontale fondée sur la parenté,
c’est le lignage. Pour les dominés, il y a aussi des structures qui font jouer la solidarité : les
communautés familiales ou paisibles et villageoises.

1) Les structures familiales ou tacites

Communautés tacites, naturelles. C’est la structure élémentaire, à cette époque


l’individu se fond dans le groupe familial, Duby « la famille est un grand refuge ». Le terme
de famille va avoir des réalités très différentes en fonction du niveau auquel on se situe.

A) La constitution de familles

La famille noble est fondée sur le lignage, c’est un système de relation fondé sur la
parenté consanguine et la solidarité guerrière.
La famille paysanne pour sa part s’appuie sur une communauté paisible c’est à dire sur
un groupe domestique plus restreint qui est fondé sur une communauté de vie et de travail qui
se caractérise notamment par la cohabitation, on parle de feu, ils vivent au même feu. On dit
que la communauté familiale est un groupe qui vit au même pot et au même feu.
Ces communautés se sont constituées tacitement, sans actes juridiques, ce qui veut
dire que leur observation et leur étude est difficile. On arrive à connaître un peu ces
communautés à travers des registres fiscaux.
La taille des communautés est variable selon les époques et les régions. En général on
a plusieurs ménages qui vivent ensembles et on y retrouve des générations différentes avec
aussi le rajout des parents célibataires. Le type le plus répandu est les frèraîches groupe de
frères mariés qui restent ensembles après la mort des parents et qui vont intégrer les épouses,
les enfants,…

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Le mode d’habitat est l’expression même du fonctionnement de la cellule familiale :


on a des grandes fermes pour héberger cette communauté familiale large.

B) Leur fonctionnement

Il y a des tas de nuances là aussi. Mais deux types de fonctionnements peuvent être
dégagés :
- Les communautés égalitaires : Chaque individu adulte a des droits et devoirs
égaux, les décisions importantes sont prises en commun et les femmes n’ont pas un
statut inférieur. On les trouve dans le nord et ouest de la France.
- Les communautés autoritaires : La direction du groupe est exercée par un
patriarche, forte soumission des individus aux patriarches en particulier pour les
femmes et les enfants, particulièrement répandus dans le midi.

L’héritage romain est plus fort dans le sud alors que le nord est marqué par l’influence
germanique.

Ces communautés sont très probablement antérieures à l’époque féodale mais il est
vrai que l’installation du système féodal et du servage a renforcé ces communauté. On
constate un phénomène d’enracinement sur la terre, cela est à rapprocher de l’hérédité des
tenures. L’endogamie imposée par le servage a favorisé le développement des communautés.
Ce besoin de vivre ensemble reflète une angoisse collective face aux difficultés. C’est dans ce
cadre communautaire, au delà on va avoir des communautés villageoises.

La communauté paibles est un moyen de résistance familiale notamment par rapport à


la mainmorte puisqu’on met en communs tous les meubles et le seigneur a du mal à prélever
tous les biens meubles du décujus, il ne peut les individualiser.

2) Les communautés villageoises :

Entre les groupes familiaux et la communauté villageoise, la continuité c’est le village


qui est constitué de groupes familiaux qui sont tenus par des solidarités de village, de
voisinage.

A) La constitution

Le phénomène de communauté villageoise est antérieur à l’époque féodale et le


système féodal a encouragé à développer cette tendance. Certains de regroupement
préfigurent de futures villes, ce sont des embryons de l’agglomération, la plupart resteront au
stade de villages. On retrouvera plus tard le rôle important joué par l’Eglise avec l’idée d’une
paroisse avec son curé, elle va personnaliser la communauté à travers les institutions
religieuses. L’Eglise est au cœur du village, c’est un lieu de socialisation.

B) Le fonctionnement des communautés villageoises

Il est là encore difficile de saisir parfaitement le fonctionnement de ces communauté


car peu d’écrits, de témoignages, … L’esprit communautaire n’a pas partout la même
intensité, on sait qu’il est beaucoup plus fort dans les régions où l’habitat groupé est
dominant et cet habitat groupé existe là où des techniques agraires imposent des contraintes
collectives.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Ces communautés sont dirigées par une assemblée des chefs de familles, ces
représentants pouvaient désigner des délégués en cas de nécessité que l’on appelle des
syndics. A partir du XIIIe siècle on va voir apparaître des organes qui deviennent permanent
(équivaut au maire). Les seigneurs sont forcés de reconnaître ces communautés et leurs
représentativités.
Ces communautés représentent un espace naturel d’autonomie pour les populations
rurales, elles s’organisent comme elles veulent. C’est aussi un moyen de résistance, un
moyen de résistance qui s’impose de fait au seigneur. Ces derniers en ont tenu compte dès
l’origine et du reste dans les textes il est rare que la situation d’un serf soit envisagée
isolément, individuellement. Le seigneur va s’adresser au paysan souvent de façon collective,
il va imposer la corvée à tel hameaux, tel village, affranchir les serfs de tel village.

Les communautés villageoises vont jouer un rôle essentiel dans la fixation coutumière
des droits et devoirs notamment par rapport à la seigneurie banale et dans le cadre de
l’émancipation du servage. La communauté est un moyen de lutte, de résistance.
Ces structures communautaires sont aussi contraignantes pour les individus, ils sont
effacés, ils se font dans les groupes, il n’existe jamais en tant que tel.

SECTION 3 : L’ORDRE FÉODAL ENTRE LA RÉVOLTE ET L’IMAGINAIRE

On a une vision de l’ordre féodal qui occulte un aspect de la réalité c’est l’oppression
seigneuriale qui est d’abord fondée sur la violence, l’exercice de la force. Cette violence
omniprésente n’a pas toujours été subie avec passivité, il y a eu des révoltes paysannes « les
fureurs paysannes ».
Les paysans ont su s’organiser pour se défendre, résister à cette oppression et obtenir
des changements, des améliorations de leurs conditions. Le résultat ce sont des vagues
d’affranchissement.

§ 1 – Les fureurs paysannes

On peut constater qu’il y a des révoltes paysannes durant tout le Moyen-âge et elles
sont inhérentes au système seigneurial.

Ex : une révolte des paysans en 936 en Normandie qui refuse de reconnaître des droits
seigneuriaux, notamment ce qui concerne les droits sur les forêts, rivière, il s’agissait de biens
exploités collectivement et les seigneurs normands réclamaient des redevances. On a des
témoignages, d’après les chroniqueurs de l’époque les mouvements étaient très organisés, on a
un système d’assemblées régionales avec des délégués, une assemblée générale… Ce
mouvement témoigne de l’importance des revendications et de l’opposition d’intérêt entre les
paysans et les seigneurs. Dans le cas de la Normandie, il va y avoir une répression cruelle, des
mutilations, des exécutions pour ramener le calme. Souvent les conflits ont lieu autour des
communaux (éléments exploités par des paysans en commun, irriguer avec le cour d’eau par
ex). Souvent le seigneur veut limiter les droits des paysans par rapport à ces communaux qui
sont des points de difficultés.

Les paysans de façon générale résistaient aux revendication des seigneurs : passives ou
actives. On alternait souvent négociations et violences

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Ex : les serfs de la seigneurie de Notre Dame de Paris qui se sont soulevés et qui sont
condamnés en 1268 à une lourde amende pour révolte. Mais ils obtiendront plus tard la
réduction et la fixation des redevances.

Dans leur ensemble, les révoltes ont un caractère limité géographiquement, dans le
temps, ce sont des mouvements villageois, isolés circonscrits à une seule seigneurie et dont la
seule finalité est de modifier l’équilibre dans les relations entre seigneur et paysans et non pas
à abolir la domination seigneuriale.
Les fureurs paysannes du Xe au XIIIe vont contribuer à déclencher les premières
transformations, évolutions dans la condition des paysans et en particulier elles participent au
recul du servage, vont aider les mouvements d’affranchissement.

§ 2 – Le recul du servage, les affranchissements

Le servage c’est la condition générale de la paysannerie du Xe au XIIe siècle. A partir


du XIIIe siècle c’est le temps du recul du servage. Ce recul se fait par les mouvements
d’affranchissement. C’est ainsi que certains seigneurs accordent à leurs serfs la liberté ou
plutôt ils abolissent certaines servitudes (chevage, formariage, mainmorte, corvée).
Il ne faut pas attacher trop grande importance aux déclarations qui sont faites par les
seigneurs et que l’on retrouve dans les chartes d’affranchissement. Concrètement dans ces
chartes on rencontre l’idée selon laquelle les affranchissements sont faîtes pour plaire à dieu,
un acte de charité.
De même les affranchissements empruntent souvent la forme juridique de la forme des
esclaves. En réalité la grande majorité de ces affranchissements s’accompagnent de
compensations pécuniaires. Les serfs rachètent leur liberté pour une somme importante.
Le rachat de la liberté est le produit d’une action collective menée par les serfs contre le
seigneur. Ce mouvement d’affranchissement va prendre de l’extension au XIIIe siècle, en
premier la région parisienne et c’est un fait que se sont d’abord les grandes seigneuries
ecclésiastiques qui tendent vers l’affranchissement, tout comme dans l’antiquité, l’Eglise avait
œuvrée pour améliorer le sort de l’esclavage. Ensuite ce sera le domaine royal car il est à
cour d’argent et donc va affranchir par vagues successives quantité de serfs d’Ile de France.
Le mouvement s’étend fin XIIIe, début XIVe dans le midi et à travers tout le royaume, les
grandes nations vont se mettre à imiter le roi en fonction des crises et des révoltes paysannes.
A la fin du Moyen-âge, le servage quand il existe, n’est plus qu’une simple survivance.
On retrouve quelques serfs dans le bordelais, en Bourgogne, Champagne et Franche-Comté.
Le recul du servage implique la mise en place de nouvelles formes, de nouveaux moyens de
domination, c’est l’affirmation progressive de l’Etat. Ce dernier va exercer une domination
directe sur les populations, émergence d’un sentiment national.
Il y a aussi l’importance de l’Eglise avec la réforme grégorienne. L’Eglise avait été la
seule institution qui avait survécue va pérenniser. Rome disparaît mais l’Eglise survie, elle va
convertir les envahisseurs. Un moment donné le pouvoir royal va se restructurer, les capétiens
vont réorganiser le pouvoir royal sur le modèle de l’Eglise qui a permis la survivance du
concept d’Etat. Plus tard un roi, des ministres, la notion de souveraineté avec l’apparition de
l’Etat moderne.
Emergence d’un système étatique Philippe le Bel, Saint Louis, mise en place d’une
armée seigneuriale.

§ 3 – L’imaginaire féodal, l’idéologie des trois ordres

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Il ne faut pas réduire l’ordre féodal à un seul usage de la force par la classe dominante
sur les dominés. Cela est insuffisant pour expliquer le fonctionnement de la féodalité.
Les fureurs paysannes ont participé à l’évolution de la condition servile. Elles ont
obligé le seigneur à des compromis, à des affranchissements mais elles n’ont pas pu renverser
le rapport de domination. Cette domination seigneuriale est puissamment confortée par une
construction idéologique. Une idéologie destinée à légitimer cette domination. Il s’agit de
persuader les dominés que leurs condition est naturelle et surtout voulue par Dieu. A cette
époque c’est un moyen efficace, peut être autant que l’usage de la force pour faire régner
l’ordre. Le système féodal s’est doté par l’entremise de l’Eglise d’une représentation
idéologique de l’organisation sociale qui a eu un succès considérable et qui est resté en
vigueur, c’est une construction de l’esprit qui va rester en vigueur jusqu’à la révolution
française en 1789.

1) L’apparition de l’idéologie des trois ordres.

C’est l’œuvre d’un certain nombre d’idéologiens membres du clergé, les bases de cette
idée ont été émises par des hommes à l’époque carolingienne. On présente une conception
providentielle de l’ordre social. C’est l’idée que l’organisation du monde est voulue par Dieu,
il y a du coup une harmonie sociale : Dieu a placé chaque homme dans un groupe (ordum) et
fixe à chacun un ministerium c’est à dire un service à accomplir. Cela est décliné de haut en
bas de la hiérarchie sociale, du plus humble paysan jusqu’au souverain.

La typologie des ordres a varié suivant les époques :


Charlemagne : évêque d’Orléans, Théodulf, qui dit que la société est partagée en trois ordres :
les moines (clergé régulier) présentés comme vivant au pied du trône de dieu, puis le clergé
séculier préparent les fidèles au salut, puis les laïcs (sont les producteurs). Avec les débuts de
la féodalité cela ne correspond pas à la réalité sociale puisque les chevaliers n’ont pas de
place.
Plus tard Adalbéron, évêque de Nantes qui va formuler une autre disposition (dossier
TD) « la maison de dieu que l’on croit une est donc divisée en trois, les uns prient (oratores),
les autres combattent (la chevalerie les bellatores), les autres enfin travaillent (labolatores).
Ces trois parties qui coexistent ne souffrent pas d’être disjointes. Les services rendus par
l’une sont la condition des œuvres des deux autres chacune à son tour se charge de soulager
l’ensemble. Ainsi cet assemblage triple n’en est pas moins un et c’est ainsi que la loi a pu
triompher et le monde jouir de la paix. »
Cette représentation trifonctionnelle est parfaitement idéologique qui justifie la
domination des paysans, des producteurs par un soi-disant échange de services. Les paysans
nourrissent les clercs et chevaliers car ils reçoivent prière et protection.
C’est une représentation qui occulte la réalité qui est là pour justifier la domination,
l’asservissement, c’est une idéologie très forte qui s’appuie sur une foie profonde. On peut
constater que les nobles, clercs adhèrent à cette idéologie qui paraît indiscutable et voulue par
Dieu. Cela permet de donner bonne conscience aux seigneurs et cela explique la résignation
des dominés.
Remettre en cause cette idéologie serait considéré comme un péché et une véritable
hérésie. C’est un élément supplémentaire pour réprimer les contestataires.

2) L’évolution de la théorie des trois ordres

Cette théorie s’est développée et perfectionnée. On souligne qu’elle est à l’image de


Dieu. Elle est aussi trinitaire, on insiste beaucoup sur la complémentarité des ordres. Mais les

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

moyens de communication sont limités, les populations sont disséminées, c’est le rôle de
l’Eglise, c’est le relais qui va diffuser cette image et cette idéologie. Il faut que les populations
reçoivent ce message, on va donc représenter les trois ordres sous forme de corps humain. On
a l’Eglise, le clergé qui représente le cœur par exemple. Ces représentations organicistes de la
société permettent de comprendre.
Il y a quand même un rôle intégrateur, tout le monde trouve sa place, elle ne
marginalise pas (apparemment), elle permet d’assurer la soumission des laboratores, la
soumission intellectuelle de 90% de la population (la masse paysanne). C’est une idéologie
fixiste qui n’évolue pas. C’est un ordre social immuable, voulu par Dieu. Remettre en cause
ce système c’est remettre en cause la volonté de Dieu. Ce système ne tiendra pas compte des
évolutions, notamment il ne tient pas compte de la renaissance des villes et l’apparition d’une
nouvelle catégorie d’individus qui ne correspondent plus au monde des travailleurs
(laboratores), ce sont les bourgeois qui vivent en ville et font du commerce. En réalité la
société est composée de toute une pyramide qui pourrait correspondre à des « catégories
socioprofessionnelles ». On pourrait distinguer des paysans, des artisans, des marchands, puis
la noblesse (petite et haute),…
Cette réalité de la société n’est pas reconnue, on reste sur les trois ordres principaux.
Au XIVe, XVe siècle, cette idéologie des trois ordres est institutionnalisée par un système de
représentation de la société à travers des états et des ordres (états provinciaux au niveau local
et états généraux). C’est l’institution qui va permettre la survivance de cette image de la
société alors que cela ne correspond plus à la réalité de la société. Ce n’est que le 4 août 1789
que ce système va mourir.
Il y a un décalage complet entre la superstructure institutionnelle des états généraux et
la réalité sociale. Cela va subsister jusqu’à la révolution française.
Dans les états généraux un ordre = une voix, en terme de réalité sociale le clergé et la noblesse
ne représentent que 5% de la population. Cela explique le côté insupportable des privilèges
sous l’ancien régime, il y avait donc un décalage.

On a une vision de la société très intégratrice, or certains sont à la marge : les juifs, les
malades (victimes de la lèpre).

CHAPITRE 3 : VILLES ET BOURGEOISIE

Un des grands phénomène des sociétés économiques et développées c’est le phénomène


d’urbanisation accélérée. Le développement des centres urbains connaît aujourd’hui une
croissance exponentielle. On estime qu’aujourd’hui 90% de la population vit dans les villes. Le
fossé ne cesse de se creuser entre la ville et la campagne. Cette différence s’apprécie surtout au
niveau des modes de vie. Avant la révolution industrielle, les villes ne ressemblaient pas aux villes
d’aujourd’hui. Malgré tout, elles se distinguaient très nettement du monde rural et aussi
clairement et distinctement qu’aujourd’hui. Le rapport était inverse, 90% de la population vivait
en milieu rural seulement et démographiquement le secteur urbain n’est pas grande chose mais
les mutations sont importantes.
Au XIIIe siècle 10% de la population vit en ville c’est à dire 6 millions d’habitant pour
70 à 90 millions d’habitants pour l’ensemble de l’Europe. En 1750 15% de la population vit
en ville. Cette population urbaine est très mal répartie en Europe, l’arc méditerranéen,
fortement urbanisé, Barcelone, Paris, Londres, Amsterdam. La taille des villes était entre 2000
et 10 000 habitants. Avant 1100, aucune agglomération ne dépasse 10 000 habitants. Au début
du XIVe siècle, les villes qui dépassent 10 000 habitants sont peu nombreuses : Paris 80 000
habitants, c’est le rôle de Paris capitale qui s’affirme. Toulouse 50 000 habitants.

31
Histoire des Institutions (Semestre 2)

La ville très rapidement va se voir dotée de fonctions économiques spécifique ce qui


les distinguent de la campagne (marchés, foires, vente du surplus de la production agricole,
artisanat) ; elle a des fonctions administratives et religieuses, elle devient le siège des autorités
religieuses et laïques.

SECTION 1 : LES INSTITUTIONS URBAINES ET LA RÉVOLUTION

Le monde romain avait connu une forte expansion : Rome (1 million d’habitants). Les
grandes invasions ont porté un coup mortel à cette civilisation urbaine. Les populations se
réfugient dans les grands domaines ruraux. Pendant tout la période de l’époque franque, les
villes d’occident vont tomber dans une sorte de léthargie.
Les villes ne survivent que grâce à l’Eglise. Elle a installé des évêchés qui restent des
centres religieux avec toute l’administration des diocèses. Après l’an mil c’est l’arrêt des
grandes invasions et on arrive dans une période de paix relative. Cette nouvelle phase qui
s’ouvre, va permettre la renaissance des villes.

§ 1 – La renaissance des villes

Il y eut un fait certain, c’est qu’à partir du XIe siècle, l’activité urbaine prend un essor
nouveau, les vieilles villes gallo-romaines sortent de leur torpeur, ces vieilles villes reprennent
leur extension. En même temps, on voit des centres urbains nouveaux qui se créent et qui
commencent à se développer.

1) La reprise des échanges commerciaux

Le retour à une certaine sécurité va provoquer la reprise des échanges commerciaux


fin XIe et XIIe – XIIIe siècle. A ce moment on a des individus entreprenant, voir audacieux,
se lancent sur les routes avec quelques ballots de marchandises rares (étoffes, épices,
armes,..). Ces individus vont de seigneuries en seigneuries et proposent leurs marchandises.
Le trafic va s’intensifier davantage avec la réouverture de la Méditerranée. Elle est rouverte
à l’occasion des croisades. A partir de ce moment, on va voir se former des axes
commerciaux nouveaux notamment un axe commercial nord/sud avec l’Italie du Nord. Les
villes du nord de l’Italie relient les villes du nord de l’Europe. Ces marchand sont à l’origine
des aventuriers qui ne sont pas rentrés dans le système seigneurial (italiens du nord, syriens,
juifs,…) ils retirent un profit lucratif de leur activité à la hauteur des risquent qu’ils prennent.
Par la suite, ces premiers marchands vont se lasser de courir les routes on va les voir
s’installer près des vieilles cités épiscopales, des châteaux, à Lyon, à Strasbourg, dans la
vallée du Rhin,…
A un niveau beaucoup plus modeste et en dehors de ces axes, certains seigneurs
encouragent la création de marchés locaux qui sont à l’abris de leur maisons fortes, ce qui attire
des marchands. Là encore, la reprise des échanges se polarise sur certains points, se fixe et on
voit une population limité qui s’installent dans des villages, des seigneuries. Mais c’est une
population dynamique et innovante. On assiste à la constitution de noyaux pré-urbains.

2) L’excédant démographique

Il fallait un phénomène de masse pour permettre le développement urbain. On le


trouve avec l’accroissement démographique que connaît l’occident après l’an mil :
- fin des grandes invasions,
- de l’autarcie économique du Moyen-âge.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Tout cela permet un retour à l’équilibre biologique naturel et donc un accroissement de


la population (cf. intro), la phénomène de défrichement et la colonisation des terres incultes.
Du coup il va y avoir un excédant de population qui va affluer vers les noyaux pré-urbains,
qui est attiré par les nouvelles activités économiques.
Les gens qui viennent s’agglutiner aux abord des cités sont pour l’essentiel au départ,
des déracinés, qui sont en rupture de ban. Au départ on a une population très mélangée,
souvent à la limite misérable, mais il faut faire la différence avec les bidonvilles. Les gens
réussissent à s’intégrer progressivement et ces populations d’origine rurale vont bénéficier de
l’essor de l’activité commerciale.
Les constructions provisoires vont se changer en bâtisses en dur et à ce moment des
agglomérations urbaines se forment. Ces agglomérations vont un moment donné s’entourer de
murs qui seront progressivement devenir en pierre. Ces murailles sont le symbole de l’unité
humaine qui existe dans la ville mais aussi unité économique.
La ville est désignée couramment sous le terme de bourg, et ses habitants qui sont les
bourgeois. Cet essor urbain, s’étale du XIe au XIIIe siècle, c’est à cette époque que la plupart
des villes vont se doter de murs. Ou bien on reprend et on restaure les anciennes murailles.
Les populations continuent d’affluer vers la ville après la construction du mur et les
populations s’installent à l’extérieur dans ce que l’on appellera les faubourgs.

3) La création de villes neuves

Le mouvement de renaissance des centres anciens est accompagné de nombreuses


créations de villes nouvelles, qui sont souvent à l’initiative des seigneurs. Les seigneurs ont
des motivations diverses. XI et XIIe siècle, c'est le cas des défrichements, des développements
démographiques et donc dans ce contexte on va créer des centres de peuplement ou de
colonisation agricole. Phénomène répandu dans le Midi, on va créer des sauvetés « Salvetat ».
Les seigneurs vont concéder des lots à des tenanciers pour défricher avec un emplacement
pour construire leur maison, cet espace sera délimité par des croix. A l’intérieur des limites de
la sauveté, le tenancier sera sous la protection du seigneur et certains droits retenus (taxes,
franchises…). La plupart du temps ce sera à l’origine de la création de villages ou de bourgs.
Quelques fois aussi au XIIIe siècle, la politique d’urbanisation d’intensifie et la motivation est
plus politique. On assiste à la création de « bastides », ce sont des villes fortes et ont un but de
défenses militaire (Sud Ouest de la France). XIV et XVe siècle, développement avec la Guerre
de Cent ans.

§ 2 – L’émancipation des villes

Le mouvement qui favorise le développement urbain, est prolongé par un mouvement


politique. Les villes nouvelles et les vieilles villes régénérées vont chercher à s’affranchir de
la tutelle des seigneurs. L’essor urbain et économique des villes suscite dans leur population
de aspirations nouvelles, qui s’opposent aux contraintes du système seigneurial. Les habitants
des villes ont des exigences de liberté individuelle notamment la liberté d’aller et de venir, qui
est indispensable à l’exercice du commerce. Ces populations souhaitent la fixation et
l’allégement des taxes banales, notamment les droits sur la circulation de marchandises et sur
la vente. On souhaite la participation des bourgeois à la justice seigneuriale pour éviter tout
arbitraire de la part des seigneurs. Ici l’application de la procédure telle qu’elle existe de la
justice seigneuriale est incompatible avec les besoins juridiques nouveaux (développement
des contrats). Les bourgeois veulent mettre en place une organisation municipale qui sera
charger de défendre des droits de bourgeois face au seigneur.

33
Histoire des Institutions (Semestre 2)

A) Le mouvement communal

Ces revendications sont soutenues par des associations qui se sont créées
spontanément entre bourgeois. Dès les premiers temps les bourgeois ont eu tendance à se
regrouper selon des affinités économiques et religieuses. Les gens qui ont des activités
semblables s’associent dans un souci d’entraide professionnel. On organise ensemble des
convois de marchandises. Ces buts économiques, professionnels se teintent de motifs
charitables, religieux.
On voit se multiplier des guildes, des anses, des confréries, ces associations sont
fondés sur une solidarité étroite entre les membres qui se concrétises par la rédaction d’un
acte juridique, une véritable charte. Ces associations vont être souvent le moteur de
l’émancipation des villes. Les objectifs glissent progressivement vers le terrain politique. Ces
associations deviennent les champions des revendications bourgeoises. Les membres de
l’association se lient par un serment puis les associations entre elles vont former des
conjuratio, ce qui va permettre d’exercer des pressions de plus en plus forte sur l’autorité
seigneuriale. On revendique de plus en plus la création d’une « commune », c’est à dire que
l’on revendique une autonomie politique. C’est un mouvement qui se développe au travers de
l’Europe.
Ce mouvement de revendications va prendre des aspects très variés selon les régions.

B) Les institutions communales (mairies et consulats)

▪ Dans le nord

Dans les villes des Flandres, de Picardie, de Champagne, vers la mer du nord,
l’émancipation des villes a pris un aspect d’émancipation violente. Effectivement les
bourgeoisies locales s’insurgent contre le seigneur et ses représentants. L’évêque de Laon est
assassinat à coup de hache par les bourgeois révolté et souvent on va arracher les franchises et
la liberté de force. Dans la plupart des cités le mouvement s’étend.

▪ Dans le midi

Le mouvement prend des allures plus pacifiques, les bourgeois vont obtenir leur
autonomie à force de négociation avec le seigneur. Parfois en l’achetant. L’absence de
violence est à rapprocher du fait que le système seigneurial dans le midi est moins fort que
dans le nord de la France. Il y a aussi certainement le souvenir vague des institutions
municipales romaines. Ces villes vont avoir des institutions nouvelles sur le modèle des
institutions antiques. On va parler des consulats, c’est l’influence du droit romain.

Cela marque bien la différence entre les mouvements communaux du nord et


l’émancipation des villes méridionales.
Dans le nord on va s’organiser sur le type de la mairie, on a un magistrat unique : le
maire. Il est assisté d’un conseil d’échevins élus par le corps municipal, c’est à dire les
bourgeois.
Dans le midi, le pouvoir municipal a un caractère collégial, il est exercé par un collège
de consuls. Ces consuls sont eux mêmes assistés par un conseil plus ou moins large élu qui a
un rôle délibératif, prend des actes législatifs. Les consuls de leur côté ont un rôle
administratif et judiciaire et un rôle financier, il gère les finances de la ville.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

C) Les villes de prévôtés

Certaines villes ont échouée dans leur tentative d’émancipation. Pour celles-ci
l’autorité est restée entre les mains du seigneur qui va déléguer cette autorité à un lieutenant
ou un prévôt qui va administrer la ville, on parle alors de ville de prévôté. On les trouve
notamment dans le domaine royal, dans le bassin parisien. Le roi s’est mieux défendu que ses
vassaux par rapport à l’émancipation des villes. Dans certains cas les bourgeois participent à
l’administration de la ville, notamment à Paris où les bourgeois sont à côté du prévôt royal, ils
arrivent même à se partager l’administration, la justice.

§ 3 – L’évolution des institutions municipales

1) Le privilège de bourgeoisie

On peut rapprocher le mouvement d’émancipation des villes du vaste mouvement


d’émancipation du servage, des affranchissements. Ce sont là des éléments qui viennent
affaiblir le système seigneurial. Mais le mouvement d’émancipation urbaine est plus précoce
et surtout plus rapide, cela est lié au fait qu’il y a chez les bourgeois un sentiment réelle de
solidarité et d’appartenance identitaire qui explique leurs revendications, c’est la différence
avec le monde rural. Par ailleurs, les deux mouvements ont évolué de façons différentes.
L’émancipation des serfs portait en germe la transformation du système seigneurial.
C’est différent à propos du mouvement urbain. D’un simple fait : l’établissement dans une
ville, participation à des activités économiques particulière, la bourgeoisie va devenir un statut
juridique particulier, une caste fermée, à la différence des paysans. Après avoir conquis leur
liberté, après la mise en place des communes, les bourgeois vont avoir tendance à écarter les
nouveaux venus. On constate la propension à consolider les monopoles essentiellement
économiques et politiques. Au bout d’un certain temps le droit de s’installer dans la ville et
d’y exercer telle ou telle activité sera contrôlé et ses autorisations seront octroyée avec
parcimonie souvent même contre finance, il faut payer. Tout cela fini par donner un statut
particulier pour les bourgeois.
Le statut est appelé le droit de bourgeoisie, il y a des degrés à l’intérieur de la
bourgeoisie : les plus riches, certains se réservent le pouvoir : ce sont des grandes familles,
des grandes associations. On aboutira très vite à des clivages de type sociaux. Il y a une
grande aristocratie et les autres : la plèbe.

2) L’intégration des villes au système seigneurial

L’émancipation urbaine a eu pour conséquence de faire passer les prérogatives


seigneuriales des mains du seigneur aux institutions municipales, de la sorte, les villes de
communes ou de consulat ont recueillit l’essentiel ou une partie du pouvoir seigneurial. Elles
ont récupéré le droit de ban et toutes les prérogatives qui y sont rattachées. Elles obtiennent le
droit d’avoir une force armée, avec leurs propres chevaliers. Au bout du compte, les
communes, les consulats vont constituer une véritable seigneurie. On retrouve les symboles,
la ville aura un sceau qui sera l’emblème de la ville. Ainsi, la ville va s’intégrer à part entière
dans l’ordre féodal et c’est ainsi que les villes vont prêter l’hommage à un prince, au roi et
donc en ce sens.
La ville à son tour va s’efforcer d’étendre son influence dans son environnement le
plus proche, sur les campagnes les plus proches à qui elle imposera son droit de ban, puis
progressivement sur les villes voisines.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Pour conclure, l’émancipation urbaine ne peut pas être considérée comme le triomphe
de l’esprit démocratique, c’est l’émergence des premiers impérialismes politico-économiques.
C’est l’endroit où se manifeste une sorte de sentiment national.
A une époque où l’Angleterre et la France ne sont que des agglomérats féodaux ; le
tout plus ou moins fédéré sous l’autorité d’une dynastie, un sentiment d’attachement au roi ;
l’idée de patrie apparaît déjà dans le cadre de certaines puissance cités, c’est un sentiment
particulièrement nette pour certaines grandes villes d’Italie. C’est par exemple la guerre que
se livrent la ville de Milan et la ville de Florence. Ce sont tous les contours d’une véritable
guerre nationale alors que le conflit France / Angleterre c’est beaucoup plus un conflit
purement dynastique. C’est donc dans certaines cités que le sentiment se dégage. Ces villes
ont joué un rôle considérable aussi bien sur le plan politique avec ses institutions, mais aussi
sur le plan économique.

SECTION 2 – L’ORGANISATION ARTISANALE, LES CORPS DE MÉTIER

Le terme de « métier » regroupe l’ensemble des activités artisanales et le commerce du


bétail. Les gens de métier ont joué un rôle essentiel dans la renaissance mais aussi dans le
développement économique et politique des villes. Les gens de métier à coté des marchands
ont participé à l’émancipation des villes et la prospérité de ces mêmes villes. Et la ville
s’organise autour de structure originale que l’on appelle les « corps ». Ces corps de métiers
ont des buts à la fois économiques mais aussi religieux et enfin charitables.
L’origine : sous l’antiquité, il existait une organisation comparable que l’on appelé la
« collegia » mais il n’y a pas de filiation entre la collegia antique et les corps de métiers du
Moyen Age, car cette organisation antique a disparu lors des grandes invasions. C'est un
mouvement spontané des gens de métiers fondé sur la solidarité qui apparaît au XIe siècle.
Peu à peu la nécessité d’une organisation stable se fait sentir et donc on va voir ces gens de
métiers procéder à la rédaction de statuts de plus en plus précis et minutieux avec le temps.
Certains métiers seront organisés plus tardivement que d’autres. Ces métiers recevront leurs
statuts d’autorités supérieures, imposés par la municipalité ou par le pouvoir royal.
Tous les systèmes corporatifs reposent sur la recherche de l’équilibre, économique et
social. Un équilibre social à l’intérieur de la corporation, entre les différentes catégories de
producteurs. Un équilibre économique dans les rapports entre les corporations entre elles,
dans les rapports avec la clientèle, les pouvoirs publics.

§ 1 – L’équilibre social

Cet équilibre social est fondé sur une organisation hiérarchique de chaque métier, on a
également une organisation des conditions de travail.

1) La hiérarchie

Les corporations de métiers regroupent 3 catégories de producteurs : à savoir les


maîtres, les compagnons et les apprentis.

A – Les maîtres

Les maîtres sont propriétaires de l’unité de production. Ils sont propriétaires de


l’outillage mais aussi des matières premières. Ils gardent seuls les profits de l’entreprise mais
en supportent seuls tous les risques. L’accès à la maîtrise varie selon les métiers, en gros, il y a
2 conditions qui sont imposées :

36
Histoire des Institutions (Semestre 2)

- Il faut faire la preuve d’une capacité professionnelle suffisante. Il faut faire un chef
d’œuvre. Ce chef d’œuvre sera produit devant un jury composé de maîtres.
- Il faut répondre d’une certaine assise financière car le prétendant à la maîtrise devra
payer des droits à la caisse des métiers, au trésor de la ville, au trésor royal. Des fois
on oblige que l’on fasse un banquet aux maîtres.

Dans chaque métier, le nombre des ateliers était limité et donc la candidature à la
maîtrise était reçu que dans la mesure des vacances, il faut qu’un atelier soit libre. Soit au
récupère le métier de son père, ou bien pouvoir récupérer un atelier qui s’est libéré.

B – Les apprentis

L’apprentissage du métier se fait dans l’atelier d’un maître et là les choses sont
réglementées. Les statuts de corporation ont tendance à fixer la durée de l’apprentissage (entre
3 et 5 ans). Selon étant, l’apprentissage commence entre 10 et 12 ans. L’apprenti ne reçoit
aucun salaire et même bien souvent se sont les parents qui sont tenu de payer une pension au
maître. En contre partie, le maître doit enseigner correctement le métier c'est à dire les tours
de main, le savoir faire, tout ce qui fait la particularité de l’artisan, les secrets du maître
artisan. Les statuts de métiers vont préciser les devoirs de chacun. Des châtiments sont
quelque fois prévus dans les règlements.

C – Les compagnons

Au terme de l’apprentissage, il peut prétendre à la maîtrise, à défaut de la maîtrise, il


peut devenir compagnon. Les compagnons sont en quelques sortes des ouvriers qualifiés qui
louent leurs services à un maître pour leurs salaires. Ce salaire comprend le logement et la
nourriture. Là encore, le nombre d’apprentis et le nombre de compagnons est répartis
*également entre chaque atelier de la ville. Dans ce souci d’équilibre, une hiérarchie s’est
organisée. Compte tenu du mode de production artisanale, les ateliers ont rarement plus de 4 à
5 compagnons et apprentis, les maîtres, apprentis et compagnons ont une étroite communauté
de vie (manger, vivre ensemble).

2) Les conditions de travail

Les conditions de travail sont fixées par les statuts du corps de métiers. Généralement,
il est interdit de travailler la nuit (à la lumière des bougies) par crainte de malfaçons et
l’angoisse de l’incendie. La journée de travailler varie entre 8 heures de travail d’hiver et 14 à
15 heures de travail l’été, mais il y a le repos hebdomadaire du dimanche ce qui est
rigoureusement prescrit. Il y a à coté de nombreuses fêtes religieuses qui coupent la période
de travail. Il y a environ 90 jours par an qui sont chômés. On peut dire que le rythme de
travail était moins dur dans l’ensemble qu’il ne le deviendra avec la révolution industrielle au
XIXe siècle. Le travail est moins aliénant que celui des ouvriers contemporains.
En revanche, le salaire est librement discuté entre patron et compagnon, et ici les
autorités corporatives, municipales n’interviennent pas. On peut dire que du fait de l’étroitesse
du marché du travail, les salaires sont fixés très bas. Dans l’ensemble, l’organisation
corporative maintient les compagnons et les apprentis dans une étroite dépendance vis à vis
du maître.

3) Confrérie et jurande

37
Histoire des Institutions (Semestre 2)

Ce sont les organes qui dirigent le corps de métiers et ici seuls les maîtres participeront
à la gestion du corps de métiers. Ces maîtres vont désigner parmi eux, une fois par an, un
représentant du corps du métier, on l’appelle « syndic ». Il est chargé de faire appliquer les
statuts. Il va faire régner le bon ordre dans le corps de métiers et en dehors, il va défendre les
intérêts de la profession vis à vis des concurrents, des autorités municipales.
La confrérie ou jurande gère les fonds d’une caisse commune. Cette caisse est utilisée
à des fins charitables. Cette caisse permet de distribuer des secours à des maîtres, des
compagnons qui sont touchés par la maladie, un accident, venir en aide à leur veuve ou
orphelin du métier. Certaines corporations particulièrement riches, vont arriver jusqu’à la
fondation d’hôpitaux. Il y a toujours un aspect religieux, il y a toujours un saint patron qui est
fêté.

§ 2 – L’équilibre économique

Par une réglementation monopolistique de la profession. Contrôle étroit de la


production pour éliminer toute concurrence mais aussi pour assurer la qualité des produits.

1) Le monopole

Chaque corporation avait le monopole exclusif d’un secteur d’activité particulier, il


n’y avait aucune liberté d’entreprise, aucune liberté d’installation. Il était impossible d’exercer
un métier s’il ne faisait pas parti de la corporation correspondante. Il fallait s’engager par
serment à respecter le statut du métier. Les confréries ou jurandes surveillent. Les jurandes
faisaient la chasse aux compagnons que l’on soupçonnait de travailler à leur propre ordre
(travail en chambre, le soir). Ils se défendaient contre les enquêtes voisines.
Ces monopoles ont pour conséquence de cloisonner les activités artisanales et de
commerces dans une foule de spécialités étroites. Cela va se retrouver dans la répartition
topographique des métiers.

2) Le contrôle de la production

Le monopole est assorti d’un contrôle étroit de la production à tous les stades. La
plupart des statuts pour les métiers réglementent la qualité et la quantité des matières
premières utilisées par ateliers, par souci d’égalité. Outre cette réglementaire, les corporations
vont interdire de se servir d’autres outils que ceux prévus par le règlement. Les produits
fabriqués sont soumis à l’inspection de la jurande. Les objets mal façonnés sont saisis et
détruits. L’expédition et la vente sont également réglementées. La réclame est prohibée, on ne
peut pas vanter les mérites d’un produit. L’intérêt du client est préservé, il est garanti de la
qualité du produit. Il est interdit également de prendre des clients par le bras et de les attirer
dans la boutique. Cette organisation des corps de métiers correspond à une conception
chrétienne de la vie économique et sociale. On a quelque part, l’idée d’une société immuable.
Chaque homme occupe dans la société, dans la ville, une place immuable. Au delà de cette
fixité, chaque homme doit pouvoir vivre de son travail en percevant un juste prix avec
également l’idée qu’on ne rentre pas en conflit avec son prochain, ce système limite les
tensions. Il y a une certaine éthique du travail, l’amour du travail bien fait. Il y a aussi dans
cette organisation de corps de métiers, une notion de charité, de solidarité. Tout cela a favorisé
l’épanouissement équilibré des économies urbaines. Cette organisation des corporations a pu
correspondre à de profonds besoins. Elle joue un rôle politique.
A la fin du Moyen Age, les corporations vont avoir des effets pervers. Elles vont
scléroser la société en raison de ces monopoles. Limite de la concurrence qui bloque le

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

développement. C'est un système non évolutif, on ne peut pas s’installer, innover. C'est une
entrave. La France prendra un certain retard vis à vis des autres pays tels l’Angleterre.

SECTION 3 : L’ESSOR DU COMMERCE MARCHAND ET FINANCIER

§ 1 – Les grands axes et les pôles commerciaux

On a un axe principal Nord Sud qui correspond au Nord à l’Allemagne, et au Sud


l’Italie. A coté de ça, on a un autre circuit commercial qui s’y greffe. Au Nord autour de la
mer Baltique et au Sud tout l’axe méditerranéen. On est ici à l’échelle du commerce
internationale. Celui-ci circule le long de ces axes commerciaux.

§ 2 – Pratiques et techniques commerciales

L’intensification des échanges commerciaux va pousser les marchands à se doter


d’instruments juridiques particuliers, ils vont développer des pratiques destinées à faciliter
leurs activités. Foires…, pour centraliser les opérations commerciales. Lettre d’échanges et de
crédits : à l’époque grande modernité. Le début du droit des sociétés et le développement des
sociétés commerciales qui vont rassembler des hommes et des capitaux.

1) Les grandes foires

Les foires vont jouer un rôle capital dans le développement du commerce dans le
Moyen Age. C'est le lieu où se rencontraient les marchands en gros, les grossistes. C'est là
qu’ils apportaient et confrontaient leurs marchandises. Ces grandes foires, on va les rencontrer
le long des axes commerciaux. Beaucoup de ces foires étaient temporaires et rassemblées des
milliers de commerçants. La première semaine de foire est pour la réception de la
marchandise. Pendant 4 semaines, on procède aux tractations et aux ventes. Et enfin, 2
semaines pour les opérations de paiement, de changes et de crédits. Ces foires ont permis de
faire de grands progrès aux pratiques commerciales, elles vont être le lieu d’innovation, de
modernisation, et du développement du droit.

2) Le change et le crédit

On est confronté au problème de l’extrême diversité des monnaies, cette situation


rendait indispensable la pratique du change. C'était l’apanage des changeurs. La pratique des
foires portaient atteinte à cette activité car les marchands convertissaient eux-mêmes la
monnaie les 2 dernières semaines de la foire.
XVe siècle, à la foire de Lyon, c'est la première fois que l’on publie une cour publique
de change. Mais le change manuel va céder le pas face à la diffusion de nouvelles techniques
beaucoup plus souples.

A) La lettre de change

Opération à trois personnes minimum. Ordre de payer écrit et signé par des personnes,
une première personne appelée le « tireur », envoyé à une seconde personne le « tiré » au
profit d’une troisième personne le « bénéficié ». Le tireur doit avoir une créance sur le tiré.
Cette lettre va préciser la monnaie et le lieu où la somme sera payée au bénéficié. Une
lettre de change permettait de recevoir à Lyon en monnaie française, le paiement d’une
créance échue à Anvers en monnaie locale. La lettre de change opère un transfert de fond sans

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

déplacement de monnaie et même temps on fait une conversion de monnaie. Cette lettre de
change est le produit spontané des besoins de sécurité et de rapidité.
La lettre de change à l’ origine, était un contrat passé devant le notaire et c'était l’acte
notarié lui même qui circulait, et puis les commerçants ont pris l’habitude de se passer de
notaires.

B) Les crédits

On constate que le développement des activités commerciales développe un besoin


d’argent, mais à cette époque la circulation monétaire est faible, on manque de monnaie. La
circulation monétaire était incapable de satisfaire les besoins.
Au Moyen Age, l’essor du crédit est freiné en raison de l’hostilité que lui manifeste
l’Eglise. On va constater la relative interdépendance, l’interaction qui peut exister entre les
superstructures idéologiques et l’organisation de la société à cette époque. Effectivement le
droit canonique (Eglise) interdit le prêt à intérêts. L’Eglise considère que le temps appartient à
Dieu et interdit le prêt à intérêt car c'est le temps qui fait la richesse. Cela a des conséquences
juridiques : on assiste à une véritable position de principe de l’Eglise vis à vis de la société
économique. L’Eglise a hérité de la philosophie antique et du principe selon lequel l’échange
envisagé en lui même est stérile. La seule source de richesse c'est le travail de l’esprit et du
corps. Le christianisme a répandu l’idée du danger de la richesse, c'est la « chrématistique ».
On peut citer ici St Thomas d’Aquin. Produire pour vivre et faire vivre, il n’y a rien de plus
légitime. Mais produire pour gagner plus, c'est là qu’est le péché. Le prêt à intérêt c'est du
pain sans travail, il y a donc une prohibition, et on sanctionne ceux qui utilisent le prêt.
Ces interdits seront plus ou moins contournés avec certaines techniques notamment la
« rente constituée », c'est un crédit à long terme. L’emprunteur en contre partie de la remise de
capitaux constitue à son créancier une rente sur les revenus de biens immobiliers. La rente est
annuelle et fixe. La rente est fixée au remboursement de 10% par an de capital fixé. La rente
est prévue pour une période de 15 ans.
L’activité de prêt à intérêts est surtout utilisée par les juifs car ils n’ont pas d’interdit.

§ 3 – Marchands et banquiers

Le développement des activités commerciales et l’essor du crédit donnent naissance à


une classe de grands marchands qui en marge vont exercer des activités banquières et
financières. Ce phénomène apparaît au XIIIe siècle dans les grandes villes du Nord.

1) L’invention des opérations banquières

Les opérations élémentaires bancaires apparaissent en Italie au XIIIe siècle. Les


premiers temps c'est un contrat de dépôt qui est pratiqué par les marchands. Une opération
simple car les marchands acceptent de conserver les sommes d’argent appartenant à des
particuliers. Et s’engagent à les restituer à la demande. Et puis se greffent des opérations
variées, c'est ainsi que ces marchands banquiers acceptent d’effectuer des paiements au nom
des déposants sur les sommes déposées chez eux.
En contrepartie, les déposants vont les laisser investir une partie de ces sommes dans
des opérations commerciales, à condition d’en obtenir à tout moment le remboursement. Les
marchands vont mettre à la disposition des clients des correspondants, sorte de succursale
commerciale. Selon permet aux banquiers de faire des règlements de places en places. Permet
de faire des opérations des changes… Ces marchands banquiers vont se charger de la
circulation des lettres de change des particuliers.

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

Techniques de plus en plus perfectionnée. Ces opérations bancaires nécessitent la


tenue très soigneuse de livres de compte. Les règles fondamentales de la comptabilité. Les
marchands banquiers d’une même ville, d’une même place, vont entretenir entre eux des
relations d’affaires et ils vont ouvrir les eux chez les autres des comptes, ce qui permet
d’élargir les opérations bancaires et notamment de réaliser des opérations par simple jeu
d’écriture, sans maniement de fonds.

2) L’origine du droit des sociétés

Le développement des finances a poussé la classe des marchands banquiers à se doter


de structures propres, particulières qui vont prendre la forme d’associations qui permettent des
opérations de plus grande ampleur (d’une ville à l’autre). Les marchands sont poussés à
grouper leurs efforts, leurs compétences, leurs capitaux dans des sociétés dont certains types
sont encore utilisés de nos jours. Le Moyen Age a connu et développé des sociétés de
personnes, on a des commerçants qui s’associent à titre personnel et forment une société dont
la personnalité morale double la personnalité de chaque associé.
On a ici des formes très diverses de ce type de société car à l’époque il n’y a pas de
droit uniforme, chaque cité a ses propres coutumes, ses propres usages.

A) La commande

C'est un contrat de société, c'est le plus ancien, il était déjà pratiqué sous l’Antiquité à
Rome. C'est un contrat entre un commanditaire, qui apporte les fonds, et une autre personne,
qui est généralement une personne jeune, active, de confiance. En contrepartie il y aura
partage des bénéfices. Le partage s’opère pour ¾ pour le commanditaire, et ¼ pour l’autre.
Les risques sont supportés par le commanditaire, le risque principal est la perte de la
cargaison. Cela étant, la commande n’est conclue que pour une expédition, ou pour une
campagne, donc pour un temps limité. Or les commerçants éprouvent le besoin d’établir des
relations plus durables, et cela va conduire à la constitution de sociétés qui sont conclues pour
un temps déterminé.

B) La compagnie ou firme

Il s’agit d’établir et de mettre en œuvre des relations permanentes entre entreprises.


Les associés vont engager en commun, la plupart de leurs biens pour former le capital social.
Ils sont tenus pour le tout, solidairement et indéfiniment. Ils partagent, en contrepartie, le
bénéfice. Ces sociétés étaient la plupart du temps des sociétés familiales, entre frères
notamment, et elles ont un intérêt, elles évitent de partager le patrimoine familial. Ces sociétés
sont très répandues en Italie.

CHAPITRE 4 : L’EGLISE AU MOYEN AGE

A l ‘époque où s’installe le système féodal, le monde est très cloisonné aussi bien
politique, économique, et social. Et finalement, on s’aperçoit que le christianisme est le seul
facteur d’unité qui dépasse ce cloisonnement. La religion chrétienne, après 7 siècles
d’évangélisation, cette religion domine toute l’Europe et s’étend même sur une partie de
l’Orient.
Pour les hommes des Xe et XIe siècle, les limites de la chrétienté correspondent aux
limites du monde connu. Tout cela a pour conséquences de créer un universalisme chrétien, le
sentiment d’appartenir à un même peuple, le peuple chrétien, et ce sentiment dépasse les

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

autres appartenances. Il n’existe pas de peuple français, il n’y a qu’un seul peuple, le peuple
chrétien. Le premier sentiment d’identité repose sur une religion qui est perçue comme
universelle. On est également sur l’idée d’appartenir à une civilisation commune, qui est
profondément imprégnée des valeurs chrétiennes. Il y a une langue commune, qui est le latin.
Il y a une omniprésence de l’Eglise. « Eglise » est un terme à double sens, on a l’Eglise en
tant qu’assemblée, la communion de tout ceux qui croient en Jésus Christ, c'est le peuple
chrétien. Et puis on a l’Eglise en tant qu’un ensemble d’institutions chargé d’encadrer le
peuple chrétien.
A l’époque médiévale, l’Eglise forme un ensemble très organisé au sein de la société.
Cette Eglise a son patrimoine, sa richesse, elle a ses règles de droit (le droit canonique), elle a
aussi une hiérarchie (Pape, évêques, archevêques…). Cette Eglise est, à la fois, séparée du
reste de la société, mais en même temps elle exerce une très forte influence sur la société car
son influence tant à dominer le tout.

SECTION 1 : L’EGLISE ET LE POUVOIR

Les relations de l’Eglise et du pouvoir, c'est une question essentielle. Toute l’histoire
de l’Eglise est marquée par les vicissitudes de ses rapports avec le pouvoir. L’Eglise a d’abord
été persécutée par le pouvoir politique, l’Eglise n’est pas une force politique dans les premiers
temps, les chrétiens étaient suspects. Et puis l’Eglise, avec l’édit de Milan, se rapproche du
pouvoir politique, elle a un nouveau type de relation avec le pouvoir ce qui va permettre
s’asseoir sa richesse et consolider ses positions, elle va s’insérer dans les structures de
l’empire romain, elle devient religion d’état avec l’édit de Thessalonique. Ces rapports vont se
perpétuées au delà de l’empire romain, tout au long des siècles.

§ 1 – L’Eglise féodalisée

Xe et XIe siècle, c'est une période où s’instaure la fusion la plus complète, l’Eglise va
tomber entre les mains des puissances laïques.

4) L’Eglise aux mains des laïques

A l’époque carolingienne, l’Eglise possède un immense patrimoine foncier. Elle a des


revenus subsidiaires (la dîme). En raison de sa richesse, l’Eglise a été entraînée dans le
mouvement de la mise en place du système seigneurial. C'est ainsi que les dignitaires
ecclésiastiques (les évêques, abbés de monastères) vont comme les grands propriétaires
laïques, devenir de véritables seigneurs, et du coup, ils vont exercer des fonctions de
commandement, dans la justice… Ces fonctions, issues du pouvoir de ban, viennent d’ajouter
aux fonctions religieuses. Il n’y a pas de différences entre la seigneurie de l’évêque et celle
d’un seigneur laïque. Le dominium, qu’ils exercent, est le même. Si ce n’est qu’à la limite, il
est renforcé en ce qui concerne les ecclésiastiques en raison du pouvoir spirituel qu’ils ont de
l’Eglise.
Ces dignitaires ecclésiastiques vont s’intégrer dans la hiérarchie féodale. C'est ainsi
qu’un évêque peut avoir des vassaux qui lui prêtent l’hommage vassalique et lui rendent le
service du fief. Cela a créé la confusion et l’intégration de l’Eglise dans les structures de la
société féodale a pour conséquence l’intrusion extrême de l’aristocratie laïque dans les hautes
fonctions ecclésiastiques. C'est ainsi que non seulement les ecclésiastiques deviennent
seigneurs féodaux mais ils sont issus eux mêmes de la noblesse féodale. De grandes familles
seigneuriales puissantes vont accaparer des dignités ecclésiastiques au profit de certains de
leurs membres. Ils mettent la main sur un évêché, une abbaye, et ceux ci deviennent de

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Histoire des Institutions (Semestre 2)

véritables biens patrimoniaux qui peuvent donner, transmettre de manière quasi héréditaire,
concéder en fief, vendre… Tous les revenus de l’évêché, l’abbaye, se mélangent avec les
revenus du cens et autres.
On arrive à un dérèglement des mœurs au sein de l’Eglise. On en arrive à la vente des
dignités ecclésiastiques : c'est la simonie. C'est un véritable trafic. La simonie se pratique à
tous les niveaux de l’Eglise, la Papauté elle même ni n’échappe pas. Mais cette main mise de
la classe dominante sur les fonctions ecclésiastiques, va s’étendre au bas clergé. Les seigneurs
laïques accaparent le droit de nommer les simples curés et récupérer les dîmes.
Il en résulte une crise morale très profonde au sein de l’Eglise, on s’aperçoit que du
haut au bas de la hiérarchie, le clergé est très ignorant, aucune qualification religieuse, les
règles les plus élémentaires ne sont plus respectées. On voit des enfants mineurs à la tête
d’abbayes, au niveau inférieur, on voit des paysans ignorants qui sont recrutés comme curés.
Du coup la discipline ecclésiastique se relâche. Refus de la chasteté et du célibat, c'est le
nicolaïsme.

5) L’Eglise et la guerre

Il y a de nombreux points de contradiction entre la logique féodale et les principes


évangéliques. Le premier problème c'est la guerre, qui est au cœur du système. Cela étant
certains hommes d’Eglise participent aux violences féodales, les armes à la main. On aura
même des hommes d’Eglise à vocation militaire. L’Eglise n’en oubli pas autant sa mission car
elle va essayée de limiter l’usage de la guerre.

A) Le mouvement de la paix de Dieu

Naissance fin Xe, début XIe siècle. L’idée est celle d’assurer une protection
particulière pour certains lieux. Les lieux qui seront protégés sont les Eglises, les
établissements religieux, ainsi que leurs biens. On dit qu’ils sont placés en dehors de la guerre
« dans la Paix de Dieu ». L’Eglise ici défend ses intérêts, son patrimoine. Cette paix de Dieu
est étendue aux paysans et à leurs biens, on va protéger les femmes et les vieillards, les
pèlerins, les voyageurs.
Par la suite, on va établir des sanctions pour ceux qui viendraient briser ou enfreindre
la paix de Dieu. Ce sont des peines ecclésiastiques qui peuvent mener jusqu’à
l’excommunication. Ce sont des sanctions efficaces mais insuffisantes. On va voir des
évêques prendre d’autres initiatives pour aider à la paix, on aura des « serments de paix ».
C'est un évêque qui fait jurer aux nobles de son diocèse de ne pas d’attaquer aux églises, aux
clercs et aux paysans. S’il y a la rupture du serment, les autres s’engagent à aller à son
encontre pour l’empêcher de nuire.
On a la « Trêve de Dieu ». C'est une autre manière de limiter l’usage de la guerre, en
imposant l’arrêt des combats pendant certaines périodes de l’année.
Tous ces efforts en faveur de la paix se conjuguent avec l’action de l’Eglise pour
moraliser la classe dominante (la chevalerie…).
Le mouvement de la paix, promu par l’Eglise, est contemporain de la diffusion de
l’idéologie des trois ordres, qui assigne aux nobles un rôle de combattant. Il n’y a pas de
contradictions, l’Eglise va s’efforcer de canaliser la violence. Elle va même essayer de la
sublimer à travers une « théorie de la guerre juste » sans pour autant remettre ne cause l’ordre
social. C'est à travers les croisades.

B) La « guerre juste » : les croisades

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Les théologiens du Moyen Age ont élaborés une « théorie de la guerre juste ». La
guerre ne peut pas être considérée comme un bien en soi par les chrétiens, elle ne peut donc
pas être entreprise par vengeance, par désir de gloire, par cupidité. Mais le recours à la guerre
peut être nécessaire et juste, pour assurer notamment la défense de l’Eglise et du droit, pour se
protéger d’une agression injuste ou encore pour faire régner la justice et la paix.
Il est une guerre juste c'est celle qui doit être entreprise pour défendre les droits de
l’Eglise et de Dieu. L’idée est lancée à la fin du XIe siècle, par la Papauté. Cette croisade se
met en place pour canaliser l’ardeur combative de la chevalerie et la déplacée vers l’extérieur.
On oriente la chevalerie vers la reconquête des lieux saints à la périphérie du monde chrétien.

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