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Les relations bancaires de long terme et leur impact sur l’amélioration de l’accès

des PME au crédit

Djaber BEZTOUH , Maître de conférences,


Laboratoire Economie de Développement,
Université de Béjaïa (Algérie),
Email : djaberbeztouh@yahoo.fr

Mahdia BOULAHOUAT, Maître assistante, doctorante


Université de Béjaïa (Algérie),
Email : mah_dia@live.fr
Résumé :

Dans beaucoup de pays émergents et en développement, dont l’Algérie, le rôle des banques
dans le financement des PME est d’autant plus accru en raison du faible niveau de développement
des marchés financiers. Il va sans dire, le financement externe des PME reste majoritairement
tributaire de la banque qui demeure l’interlocuteur privilégié, voire unique selon un choix contraint
pour les PME.
Cette communication traite l’offre de financement bancaire aux PME algériennes et l’impact
des relations de long terme sur l’amélioration de l’accès des PME au crédit.
Mots clés : PME, Financement bancaire, Sélection adverse et aléa moral, Relations bancaires de
long terme.

:‫امللخص‬
‫العالقات املصرفية طويلة ألاجل للمؤسسات الصغيرة و املتوسطة و أثارها على الحصول على التمويل‬
‫ ًزداد دوز البنوك في جمويل الشسكاث الصغيرة واملتوسطت بسبب انخفاض مستوى‬،‫ بما في ذلك الجزائس‬،‫في العدًد من البلدان الناشئت والناميت‬
،‫ ًبقى التمويل الخازجي للشسكاث الصغيرة واملتوسطت معتمد إلى حد كبير على البنك الري ال ًزال املمول املميز‬،‫ بالفعل‬.‫جطوز ألاسواق املاليت‬
.‫وفقا الختياز مقيد للشسكاث الصغيرة واملتوسطت‬
‫جتناول هره الوزقت عسض التمويل املصسفي للمؤسساث الصغيرة واملتوسطت في الجزائس و مدى أهميت العالقاث الائتمانيت طويلت ألاجل على‬
.‫جحسين وصول الشسكاث الصغيرة واملتوسطت إلى التمويل‬
.‫ العالقاث املصسفيت طويلت ألاجل‬، ‫ الاختياز السلبي واملخاطس ألاخالقيت‬،‫ التمويل املصسفي‬، ‫ الشسكاث الصغيرة واملتوسطت‬: ‫الكلمات املفتاحية‬
Introduction
La théorie financière récente met en évidence et démontre l’existence d’une
forte interdépendance entre les banques et les petites et moyennes entreprises. Ceci
est démontré être principalement dû à la structure opaque de ces firmes qui rend
difficile ou même parfois impossible leur accès au marché des capitaux, comme le
soutient Bareddine (2011). Dans la plupart des pays, les banques commerciales sont
la principale source de financement des PME ; l’accès au crédit bancaire est donc une
condition essentielle de l’éclosion de ce secteur (OCDE, 2007).
La relation banque PME est souvent favorisée par la structure du marché
bancaire et les difficultés d’accès aux sources alternatives de financement, comme le
laissent entendre Levratto (1990) , Van Pham (2010), Tlili (2012) , Dietsch et
Mahieux (2014).
1
Cette situation est, sans doute, encore plus vraie en Algérie où le système
financier est jusqu’ici totalement dominé par les banques, ce qui laisse aux PME peu
de marge de manœuvre dans la recherche de financements alternatifs aux concours
bancaires. Ce sont traditionnellement les établissements de crédit qui apportent la
grande majorité des capitaux nécessaires aux PME. En parallèle avec la gestion et la
fourniture des moyens de paiement, la banque exerce une fonction d’intermédiaire
entre les épargnants d’un côté et les emprunteurs risqués engagés dans un processus
ou de dépenses intertemporelles de l’autre (Ziane, 2004).
L’objet de cette communication est de présenter un état des lieux de l’offre de
financement bancaire disponible pour les PME en Algérie. Nous répertorions les
banques et les institutions financières existantes, l’activité de distribution de crédits.
Nous mettrons en évidence l’emprunt bancaire comme première source de
financement externe disponible pour les PME en Algérie.

Étant donné l’importance du financement bancaire pour les PME, l’accès au


financement ne doit pas être une succession d’obstacles ou de portes closes.
L'amélioration et le développement de la relation banque/PME est plus que
nécessaire. Celle-ci passe par un renforcement de la qualité de l’information, base
indispensable à la constitution d’un réseau de confiance entre une PME et sa banque.
Comme le soutient Torrès (2011), les liens tissés entre le dirigeant de la PME et
l’environnement financier apparaissent souvent cruciaux. De nombreuses études
empiriques confirment l’action positive de la mise en place d’un financement
bancaire relationnel sur les problèmes du rationnement de crédit dont souffrent les
PME et ce pour de nombreux pays (Bascuñán, Garcia et Poitevin, 1995 ; Eber ,
2001 ; Vigneron , 2007; Lefilleur, 2008 ; Hamelin, 2010 ; Gardès et Maque, 2012 ).
Hamelin (2010) a conclu que la mise en place d’une relation de long terme entre les
banques et PME permet d’atténuer les problèmes d’anti-sélection. L’amélioration de
l’accès des PME au marché des financements passe inévitablement par une réduction
de l’asymétrie d’information entre intermédiaires financiers et PME (Lefilleur, 2008).

1. L’offre de financement bancaire aux PME en Algérie

Selon la Banque Européenne d’Investissement (2011), la pénétration bancaire


reste assez limitée en Algérie, les dépôts au sein des banques commerciales atteignant
environ 47 % du PIB national, et selon le rapport du FMI n°14-161 de juin 2014, le
crédit total à l’économie ne représentait que 27 % du PIB à fin 2012, réparti de façon
inégale entre les entreprises publiques et le secteur privé. Le crédit au secteur privé
reste relativement faible par rapport à son niveau dans les autres pays, malgré les
récentes subventions de l'État destinées à stimuler le crédit bancaire. Cela tient aux
effets conjugués de la lenteur des réformes structurelles qui fait obstacle au
2
développement du secteur privé, d'un cadre réglementaire du secteur financier
toujours en pleine évolution, d’une infrastructure peu développée (dont une centrale
des risques de crédit à la couverture limitée) et de la prédominance du crédit dirigé et
d'autres formes de soutien FMI n°14-161 de juin 2014.
Les marchés des dépôts et des crédits restent marqués par la dimension des parts
relatives des banques publiques dans le secteur bancaire. La part des dépôts, dépôts
de garantie y compris, détenue par les banques privées est en lambine évolution (10,9
% en 2011 contre 10,2 % en 2010 et 10 % en 2009) de même que leur part dans les
crédits distribués (14,3 % en 2011 contre 13,2 % en 2010 et 12,1 % en 2009) (Banque
d’Algérie, juin 2013) . Les banques privées collectent des ressources principalement
auprès des entreprises privées et des ménages, et ne distribuent des crédits qu’à ces
seuls agents économiques. Par contre, la clientèle de déposants des banques publiques
est composée aussi bien d’entreprises (publiques et privées) que des ménages. Les
banques publiques sont les seules à distribuer des crédits aux entreprises publiques,
mais parallèlement elles distribuent une part importante de crédits aux entreprises
privées et aux ménages.

1.1. Le secteur bancaire algérien : quelques caractéristiques

En termes de structure du secteur bancaire, les banques publiques prédominent


par l’importance de leurs réseaux d’agences réparties sur tout le territoire national,
même si le rythme d’implantation d’agences des banques privées s’accélère ces
dernières années. Les banques publiques prédominent le secteur dans la mobilisation
des ressources (87% des dépôts en 2015) et la distribution des crédits, 87% des actifs
du système en 2015, selon (BAD, 2016). La progression soutenue de l’activité des
banques privées contribue au développement de la concurrence, aussi bien au niveau
de la collecte des ressources qu’au niveau de la distribution de crédits et de l’offre de
services bancaires de base à la clientèle. Le secteur bancaire public est composé de
six banques qui représentent environ 90% des guichets d’agence bancaire en Algérie,
soit environ 1100 agences.

Le secteur bancaire semble bien capitalisé, tout en étant rentable et extrêmement


liquide. Le ratio d’adéquation des fonds propres a sensiblement augmenté depuis que
les exigences minimales en matière de fonds propres ont été quadruplées en 2009. Le
ratio d’adéquation global s’établissait à 18,4 % en juin 2010, les banques privées
étrangères enregistrant un taux plus élevé à 29,7 %, contre 15,9 % pour les banques
publiques (Banque Européennes d’Investissement, 2011). Ces dernières bénéficient
néanmoins d’un recours à des aides de l’État et ont fait régulièrement l’objet de
renflouements (rachat de la dette bancaire par des échanges de bons du Trésor et des
injections de capitaux).
3
De surcroît, le volume des prêts non productifs reste élevé (14,9 % du montant
brut des prêts) et se retrouve, pour l’essentiel, dans les banques publiques (16,8 % de
prêts non productifs par rapport au total des prêts). Les banques privées étrangères
détiennent un volume assez limité de prêts non productifs, qui représente 2,6 % du
montant total de leurs prêts. Le provisionnement des prêts non productifs s’est
amélioré ces dernières années et en juin 2010, il s’élevait à 74 %.
- Les fonds propres :
L’une des particularités du système bancaire est la recapitalisation répétée des
banques publiques. Les fonds propres sont de haute qualité (les actions ordinaires
représentent 73 % des fonds propres réglementaires), mais le levier financier va en
augmentant. Pour les banques privées, le niveau élevé des fonds propres tient au
relèvement récent de l'exigence minimale. Les bilans des banques publiques ont
bénéficié d'un soutien de l'État, ce qui a permis de ramener les prêts improductifs de
21 % en 2009 à 11½ % en 2012. (Rapport du FMI n°14-161 de juin 2014. L’État
propriétaire a procédé à la mise à niveau des fonds propres de deux banques
publiques (à hauteur de 42 milliards de dinars). Le taux des risques encourus
comparés aux fonds propres de base (capital et réserves) des banques est également
élevé ; un tel ratio s’élève à 17,0 % en 2011 (14,2 % pour les banques publiques et
28,8 % pour les banques privées).
Cette recapitalisation périodique place les banques publiques dans une situation
de contrainte budgétaire faible, assortie de risques d'aléa moral. Par ailleurs, elle
fausse la concurrence et favorise l'inefficience en permettant aux banques d'accorder
des prêts selon des critères non commerciaux, destinés soit à venir en aide aux
entreprises en difficulté, soit à financer des projets pour des raisons qui ne sont pas
purement économiques (Rapport du FMI n°14-161 de juin 2014).
- Bénéfices :
La rentabilité des fonds propres et des actifs est forte par rapport à d'autres pays
de la région, en partie parce qu’il est souvent mis fin aux prêts improductifs, non pas
en les sortant du bilan, mais en cédant le crédit initial dans le contexte des
recapitalisations récurrentes par l’État. Les marges d'intérêt sont la source de recettes
la plus importante, contribuant pour 67 % au revenu d'exploitation. Les banques
algériennes présentent une très bonne rentabilité et un rendement de leurs fonds
propres égal à 20,7 % (Banque Européennes d’Investissement, 2011).
- Liquidité :
La liquidité globale des banques telle que mesurée au moyen des deux indicateurs
recommandés par le Fonds Monétaire International (actifs liquides / total des actifs ;
actifs liquides / passifs à court terme) reste très élevée. 46 % des actifs à fin 2012 sont
4
liquides, compensant globalement les dépôts de la petite clientèle qui constituent 52
% des passifs ; la liquidité dont dispose une des banques est particulièrement élevée
en raison de son rôle traditionnel dans les exportations d'hydrocarbures.
La liquidité dans les banques publiques est plus élevée que dans les banques
privées. En 2011, la part des actifs liquides dans le total des actifs des banques est de
50,2 %, dont 51,1 % dans les banques publiques et 43,2 % dans les banques privées,
contre respectivement 54,2 % et 43,7 % en 2010, en raison de l’importance relative
des placements que les banques publiques effectuent à très court terme auprès de la
Banque d’Algérie, du fait de leurs larges excédents de liquidité (Banque d’Algérie,
2013).
Les banques, aussi bien publiques que privées répondent à la réglementation
prudentielle relative au ratio de solvabilité. À fin 2011, ce ratio est de 22,0 % pour les
banques publiques et de 31,2 % pour les banques privées, ce qui donne un ratio
global de 23,7 %, contre 23,6 % en 2010 et 26,2 % en 2009 (Banque d’Algérie,
2013).
La concurrence au sein du secteur bancaire algérien reste faible en raison de la
concentration excessive du marché, des fréquents renflouements des banques
publiques et de l’insuffisance des règles de gouvernance qui régissent les banques
publiques (Rapport du FMI n°14-161 de juin 2014). Si le crédit et les dépôts du
secteur public sont très concentrés dans quelques banques, il y a plus de concurrence
entre les banques du secteur privé. Le relèvement des exigences minimales de fonds
propres et l'instauration de limites sur l’investissement étranger ont, en outre, influé
directement sur l’accessibilité du secteur bancaire, de même que l’absence d’autres
possibilités de financement (par exemple au travers du marché des capitaux).

1.2. La bancarisation en Algérie

Au gré des indicateurs économiques publiés par la Banque d’Algérie, le secteur


bancaire algérien est caractérisé par un faible niveau de bancarisation et un niveau
élevé de liquidité bancaire. Aux termes du rapport de la Banque d’Algérie, le total
des agences des banques et établissements financiers s’établit en 2015 à 1557 contre
1525 en 2014, soit un guichet pour 25 650 habitants, contre 25 600 habitants en 2014.
Ces chiffres montrent que le réseau bancaire algérien est très modique, par rapport
aux pays voisins. Comme de juste, la densité du réseau bancaire en Algérie et le taux
de bancarisation sont les plus faibles au niveau des pays du Maghreb pour ne citer
que cette région de pays émergents. Selon une étude réalisée par l’union des banques
maghrébines (UBM), l’Algérie dispose d’un point bancaire pour 25 000 habitants
alors qu’en Tunisie et au Maroc on recense un point bancaire pour 9 530 habitants
dans le premier pays et un point bancaire pour 12 540 habitants dans le second, la
5
norme internationale étant un point pour 8 000 habitants. Concernant la densité de
bancarisation, la même source relève que le Maroc arrive en tête avec 2.632 agences,
soit 51% dans l’ensemble maghrébin, suivi de l’Algérie (1131 agences) et de la
Tunisie (1102).
En termes de structure du secteur bancaire, les banques publiques prédominent
par l’importance de leurs réseaux d’agences réparties sur tout le territoire national,
même si le rythme d’implantation des agences des banques privées est à la hausse ces
dernières années (Banque d’Algérie, 2012). Les banques publiques sont établies dans
l’ensemble des wilayas, alors que les banques privées ont développé leur réseau
principalement au nord du pays.
Tableau 1 : Les indicateurs de la bancarisation et l’inclusion financière en
Algérie
2010 2011 2012 2013 2014 2015
Nombre d’établissements bancaires 26 27 29 29 29 29
Réseau des banques (nombre
d’agences)
- Banques Publiques 1 077 1 083 1 091 1 099 1 113 1 123
- Banques Privées 290 262 301 313 325 346
- Etablissements financiers 81 86 87 88 88
Nombre total d’agences 1367 1426 1478 1499 1526 1557
Nombre de guichets par habitant Un guichet Un guichet Un guichet Un guichet Un guichet Un guichet
pour 26300 pour 25700 pour 25400 pour 25500 pour 25630 pour 25660
habitants habitants habitants habitants habitants habitants
Ratio population active/guichets
bancaires (personnes en âge de 7 900 7 700 7 200 8 000 7 500 7 600
travailler par guichet bancaire)
Nombres de comptes bancaires par 2,5 2,6 2,6 2,71 2,91 2,93
personne
Indicateur de pénétration du marché :
Ratio dépôts (monétaires et 62,3 % 63,5 % 61,6 % 62,3 % 65,9 % 64,8 %
non monétaires) HDH * / PIB HH **
Le ratio actifs bruts du secteur
bancaire /produit intérieur brut 66,8% 62,6 % 60,1 % 62,5 % 69,8 % 75,8 %
Le ratio actifs bruts du secteur
bancaire HDH / PIB HH 89,6 % 88,8% 85,6 % 84,8 % 89,1 % 89,8 %
Crédits à l’économie : crédits aux 47,5 % 47,1 % 46,0 % 48,6% 55,0% 57,6 %
résidents / PIB HH

* HDH : Hors dépôts hydrocarbures


* HH : Hors hydrocarbures
Sources : Réalisé par l’auteur à partir des rapports de la Banque d’Algérie.

À côté de ces institutions financières publiques, on a assisté au développement,


depuis 1995, d’un grand nombre de banques et établissements financiers privés, dont
certains avec l’appui d’apporteurs de capitaux non-résidents (étrangers). Le secteur
bancaire privé est constitué, à fin 2016, de quatorze (14) banques privées à capitaux
étrangers, dont une à capitaux mixtes ; elles connaissent actuellement un
6
développement significatif, même si leur part sur le marché reste limitée. Le réseau
de ces banques avoisine les 70 agences.
Le secteur bancaire privé ne constitue donc pas un acteur notable concourant à
la bancarisation de masse, du moins pour ce qui est de l'infrastructure nécessaire à la
gestion d'une masse importante de clients. Ces institutions ont démarré leur activité
dans le cadre d’une économie ouverte, la plupart d’entre elles sont tournées vers les
activités de banques d’affaires et de commerce extérieur.
La situation en Algérie en matière d’inclusion financière, mesurée par les
indicateurs de niveau de pénétration, de disponibilité de services bancaires et
d’utilisation de ces services, a connu ces dernières années une évolution remarquable.
Ces indicateurs globaux montrent que le niveau de l’intermédiation bancaire
s’améliore progressivement sous l’angle du développement du réseau, du nombre des
comptes et du niveau des dépôts collectés, quoique en deçà de ceux atteints par
certains pays méditerranéens voisins de l’Algérie. Cette relative faible performance
concerne notamment les volets des services bancaires de base à la clientèle de
ménages et de distribution de crédits aux petites et moyennes entreprises1. Cela révèle
le potentiel en matière d’inclusion financière et sa portée pour le développement de
l’intermédiation financière en Algérie.
Malgré la diversification de l’offre bancaire inhérente à l’ouverture du système
bancaire algérien en autorisant les banques et établissements financiers étrangers à
s’installer ou à se faire représenter en Algérie, les banques publiques continuent de
jouer un rôle important dans le secteur financier, elles détenaient, fin 2012, 86 % du
total des actifs du système bancaire et continuent de jouer le rôle essentiel de
pourvoyeur de fonds pour les projets publics prioritaires.
Les banques privées, toutes sous contrôle étranger, sont davantage axées sur les
crédits commerciaux internationaux, même si l’application d’un plafond aux frais de
financement du commerce, conjuguée à la mise en place de mécanismes de
bonifications d'intérêts à l'intention des PME, peut encourager les banques privées à
réorienter de plus en plus leurs activités vers le secteur émergent des PME.

1.3. Les banques et l’activité de l’octroi de crédits

En matière d’allocation des ressources par les banques, la distribution des crédits
à l’économie est en hausse. L’encours total des crédits à l’économie qui n’a pas cessé
d’augmenter est passé de 3268,1 milliards de DA en 2010 à 7909,9 milliards de DA
en 2016. Par maturité, les crédits à l'économie des banques et de la caisse d’épargne
(après déduction des créances rachetées par le Trésor public) ont évolué comme suit :

1
Selon le rapport de la banque d’Algérie sur l’évolution économique et monétaire en Algérie, Octobre 2014.
7
Tableau 2 : Volumes des crédits à l’économie (période 2010-2017)
(en Milliards de dinars, fin de période)
Total Crédits à Crédits à court terme Crédits à moyen et long terme
Année l’économie
Montant Part en % Montant Part en %
2010 3 268,1 1 311,0 40,11 1 957,1 59,88
2011 3 726,5 1 363,0 36,58 2 363,5 63,42
2012 4 287,6 1 361,7 31,76 2 926,0 68,24
2013 5 156,3 1 423,4 27,61 3 732,9 72,39
2014 6 504,6 1 608,7 24,73 4 895,9 75,27
2015 7 277,2 1 710,6 23,51 5 566,6 76,49
2016 7 909,9 1 914,2 24,20 5 995,7 75,80
Juin 2017 8 470,7 2 019,1 23,84 6 451,6 76,16
Source : Etabli sur la base des données des rapports de la Banque d’Algérie 2010 à 2017.

L’évolution de la structure des crédits par maturité, rachats de créances déduits,


décèle la prédominance des crédits à moyen et long terme, principalement les crédits
accordés aux entreprises publiques du secteur de l’énergie. Ainsi, la part des crédits à
court terme est passée de 40,11 % à fin 2010 à 23,84 % à fin juin 2017.
Le ratio crédits bancaires / dépôts collectés en dinars, qui était de 69,5 % à fin
2013 est passé à 83,7 % à fin 2015 ; ce qui indique une baisse de l’excédent de
ressources collectées par les banques comparativement aux crédits distribués.
L’évolution des crédits, en particulier des crédits à moyen et long termes, en situation
de stabilisation des dépôts en dinars collectés est la principale cause de la baisse, en
2015, du ratio de liquidité à court terme des banques publiques.
Tableau 3 : Répartition des crédits à l’économie par secteur (2010-2017)

Total Crédits à Crédits au secteur Crédits au secteur privé Administration


Année l’économie public locale
Montant Part en % Montant Part en % Montant Part en %
2010 3 268,1 1 460,6 44,69 1 806,7 55,28 0,8 0,02
2011 3 726,5 1 742,4 46,76 1 983,5 53,23 0,7 0,02
2012 4 287,6 2 040,2 47,58 2 247,0 52,41 0,4 0,01
2013 5 156,3 2 434,0 47,20 2 722,0 52,79 0,4 0,01
2014 6 504,6 3 382,3 52,00 3 121,7 48,00 0,6 0,01
2015 7 277,2 3 688,2 50,68 3 588,3 49,30 0,7 0,01
2016 7 909,9 3 952,1 49,96 3 957,1 50,03 0,6 0,01
Juin 2017 8 470,7 4 168,2 49,21 4 301,7 50,78 0,7 0,01
Source : Etabli sur la base des données des rapports de la Banque d’Algérie 2010 à 2017.

Entre 2010 et 2014, les crédits à l’économie ont presque doublé en passant de
3268 milliards de DZD (27% du PIB) à 6505 milliards DZD (39%).
L’analyse de la structure des crédits par secteur juridique, montre que la part des
crédits au secteur privé a connu une baisse continuelle entre 2010 et 2014, passant de

8
55,28 % à 48 % du total des crédits à l'économie. Entre 2015 et fin juin 2017, les
parts des crédits aux deux secteurs public et privé sont presque égales (50 %).
La répartition de ces crédits à l’économie entre les banques publiques et les
banques privées fait ressortir presque la même configuration que celle de la collecte
des ressources, à savoir la prédominance de l’activité des banques publiques, comme
le laisse voir le tableau ci-dessous :
Tableau 4 : Répartition des crédits à l’économie selon la nature des banques
(en milliards de dinars, fin de période)
Crédits au secteur Crédits au secteur
Total Crédits à l’économie public privé

Année % des banques % des banques Banques Banques Banques Banques


publiques privées publiques privées publiques privées
2010 3 268,1 89,8 % 13,2% 1461,3 0,1 1 374,5 430,8
2011 3 726,5 85,8 % 14,2% 1 742,3 0 1 451,7 530,7
2012 4 287,6 86,7 % 13,3 % 2 040,7 0 1 675,4 569,5
2013 5 156,3 86,5 % 13,5 % 2 434,3 0 2 023,2 697,0
2014 6 504,6 87,8 % 12,2 % 3 373,4 9,5 2 338,7 781,3
2015 7 277,2 87,5 % 12,5 % 3 679,5 9,5 2 687,1 899,5
2016 7 909,9 87,6 % 12,4 % 3 943,3 9,5 2 982,0 973,0
Source : Etabli sur la base des données des rapports de la Banque d’Algérie 2010 à 2017.

La portion des crédits à l’économie distribuée par les banques publiques dépasse
85 % durant toute la période 2010-2016. Les banques publiques assurent la totalité du
financement direct du secteur public et leur part dans le financement du secteur privé
demeure importante à savoir : 74,9 %, en 2015 contre 74,63 % en 2012. Les crédits
attribués par les banques privées portent sur le financement des entreprises privées et
ménages, secteur dont l’épargne financière est en progression et, pour une grande
partie, stable ces dernières années.
Il n’existe pas de données sur la part des prêts accordés aux PME, mais les
informations de la centrale des risques indiquent que les PME bénéficient de prêts
proportionnellement à leur importance (Rapport du FMI n°14-161 de juin 2014). La
Banque mondiale a évalué en 2000 à 15% le taux de financement par les banques des
PME en Algérie (Benbayer et Trari-medjaoui). Seule une petite part des entreprises
obtiennent un prêt auprès d’une institution financière, avec un écart particulièrement
prononcé entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises. Les banques
exigent des niveaux relativement élevés de garanties pour la délivrance d’un prêt et
privilégient les garanties immobilières et personnelles. De plus, les banques du
secteur public n’ont pas la fibre commerciale et sont peu incitées à prêter aux PME en
dehors des programmes de prêts dirigés, alors que les banques privées ont dégagé des
marges bénéficiaires confortables par leurs activités de financement des échanges
commerciaux et de services bancaires aux entreprises, et sont peu incitées à se
9
développer à l’aval et à se concentrer sur les PME. (Rapport du FMI n°14-161 de juin
2014. Le crédit est affecté principalement au bâtiment, au secteur manufacturier et au
commerce.
Les dispositifs de garantie de crédit existants en Algérie sont uniquement
financés par des institutions publiques. Les règles de gouvernance spécifiques aux
dispositifs de garantie de crédit ne sont pas encore clairement définies et sont limitées
à la procédure spécifique pour obtenir la garantie. En plus, l’utilisation limitée par les
dispositifs d’outils de gestion des risques conformes aux bonnes pratiques , telles que
les recommandations réglementaires de Bale II, rend les banques moins enclines à
accepter des garanties.
Le Fonds de garantie des crédits d’investissement (Caisse de garantie des crédits
d’investissement – PME (CGG I-PME)) facilite, depuis 2001, l’accès des PME aux
crédits d’investissement. D’autres systèmes de garantie de crédit en place en Algérie
sont le Fonds de garantie des PME (FGAR), qui a pour objectif de faciliter la création
et l’expansion des PME, et le Fonds mutuel de garantie des risques /Crédits Jeunes
Entrepreneurs, créé en 2003 par l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes
(ANSEJ). Selon l’évaluation, ces fonds de garantie ne disposent pas de mécanismes
d’auto-évaluations des performances. L’existence de structures de gouvernance
claires de ces Fonds, permettant une séparation entre les différents acteurs impliqués
dans la décision d’octroi de garantie, n’a pu être établie.

1.4. Le financement par crédit-bail

Le crédit-bail (leasing) est un des modes de financement récemment


introduit en Algérie. Le cadre juridique régissant cette activité n'a été mis en
place qu'en 1996 par l'Ordonnance 96/09 du 10 janvier 1996. Le cadre
réglementaire du leasing est constitué de deux décrets exécutifs et d’un
règlement de la banque d’Algérie (Ministère des finances, 2014).
Au plan légal, le crédit-bail est introduit en Algérie en 1990 par la loi n° 90-10
du 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit dont l'article 112 alinéa 2 stipule : "
Sont assimilées à des opérations de crédit, les opérations de location assorties
d'options d'achat, notamment les crédits-bails."
L'article 116 alinéa 6 de cette même loi stipule que seuls les banques et
établissements financiers habilités peuvent effectuer des opérations de location
assorties d'options d'achat et que ces mêmes banques et établissements financiers sont
autorisés à effectuer les opérations de location simple de biens meubles et immeubles
comme des opérations connexes à leur activité principale. Il est bon de noter que cet
alinéa a été supprimé par l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003 relative à la

10
monnaie et au crédit et qui est venu modifier et remplacer la loi n°90-10 du 14 avril
1990 relative à la monnaie et au crédit.
Mais ce n'est qu'à partir de 1996 que des dispositions juridiques,
fiscales et douanières ont été prises afin de promouvoir la création des
sociétés de crédit- bail en supprimant les obstacles qui freinaient l'expansion
de cette nouvelle technique de financement.
Sur le marché du crédit-bail existant en Algérie nous pouvons trouver 12
sociétés, entre banques et établissements financiers qui exercent dans ce domaine ; le
marché du leasing est peu développé :
- Le système bancaire algérien est constitué, à fin 2016 de cinq (5) sociétés de
leasing, dont deux (2) privées (Banque d’Algérie, mai 2017) : Sofinance, Arab
leasing Corporation (ALC), Maghreb Leasing (MLA), Société Nationale du Leasing
(NL) et la Société de Refinancement Hypothécaire (SRH).
- Certaines banques commerciales exercent également l’activité du leasing :
quatre (4) banques à capitaux privés : BN Paribas, Société Générale Algérie,
NATIXIS, et AL BARAKA et une (1) Banque publique : la BADR.
L’offre de financement de ces établissements de leasing avoisine 28 milliards de
DA en juin 2011 contre 20 milliards de DA au 31 décembre 2010.
Selon une étude réalisée en 2012 par Humilis Finance, l’offre de leasing couvre
seulement quelque 8% de la demande potentielle. « La demande potentielle était de
l’ordre de 4 milliards USD, alors que l’offre était de seulement 300 millions USD.
La société Nationale de Leasing (SNL) a octroyé en 2016 un total de 5 milliards
de dinars de financements en crédit-bail au profit de 180 clients. Créé en 2010, cet
établissement public de crédit-bail spécialisé dans l'accompagnement des opérateurs
économiques dans l'achat de biens mobiliers et immobiliers, a cumulé, jusqu'en 2016,
un nombre de 300 crédits-preneurs avec environ 10 milliards de dinars de
financements.
Certaines améliorations ont été observées dans les activités de crédit-
bail/leasing. Bien qu’un cadre juridique existe depuis 1996, ce n’est que depuis
récemment que cette activité a commencé à se développer, mais le crédit-bail/ leasing
demeure toutefois un outil marginal de financement pour les PME. Selon les
estimations, le taux de pénétration des activités de crédit-bail n’a pas encore atteint 1
%, un taux relativement faible par rapport à d’autres pays tels que le Maroc (6 %) et
la Tunisie (8 %). Néanmoins, le nombre de bailleurs en Algérie est passé de 1 à 10
entre 1990 et 2010, pour atteindre 14 bailleurs en 2014. Le secteur du crédit-bail est

11
composé des départements crédit-bail de banques disposant d’unités spécifiques pour
les PME et d’agences de crédit-bail spécialisées.

2. Réaction à l’imperfection de la relation Banque- PME

Le manque d’informations publiques et d’historiques de crédit, en particulier


dans les pays où les agences d’évaluation du crédit n’existent pas, renforce encore la
difficulté des banques à distinguer les PME ayant réellement un fort potentiel des
PME qui n’en ont que l’apparence. Par conséquent, les banques ont tendance soit à
refuser les PME ayant de bonnes perspectives, soit à mettre toutes les PME dans le
même panier et à appliquer de manière indiscriminée des taux d’intérêt élevés, ce qui
décourage les meilleurs candidats.
Une autre manière pour les banques de contourner le problème d’asymétrie de
l’information consiste à sélectionner les emprunteurs en utilisant d’autres
mécanismes de filtration que le taux d’intérêt, notamment en exigeant des garanties
ou une capacité démontrée à partir d’informations financières auditées.
Guigou et Vilanova, (1999) démontrent que, compte tenu des problèmes
d’agence et des risques y afférents dans le financement des PME, les banques n’ont
guère le choix que de mettre en place des mécanismes de contrôle et des clauses
restrictives qui permettent à la banque de « forcer » une renégociation du contrat
initial lorsque l’emprunteur n’a pas respecté l’un de ses engagements. Une violation
peut donner lieu à un « durcissement » (réduction des concours, augmentation des
taux d’intérêt ou des garanties) ou au contraire à un « adoucissement » des conditions
de crédit.
Mais généralement, les clauses restrictives auront pour effet de renchérir
considérablement les coûts de gestion (collecte d’information détaillée, analyse
financière, surveillance régulière, etc.) : clauses relatives à la politique
d’investissement, à la politique de dividende, à la politique d’endettement et aux
modalités de remboursement en plus des garanties et des compensations exigées des
PME et qui sont supérieures à celles exigées pour la grande entreprise.

2.1. Le coût d’accès au crédit : taux d’intérêt élevés

Le coût du crédit bancaire est amené à fluctuer en fonction de nombreux


facteurs. Il varie en fonction des risques auxquels la banque est susceptible d’être
confrontée. Si l’on diminue les risques, le coût devrait donc être moins élevé. Ce qui
différencie les banques des autres créanciers, c’est qu’elles font payer à leurs clients
le risque qu’elles prennent : une première fois lors de la création de l’entreprise,
ensuite au cours de son développement, par le biais du taux d’intérêt (Capoen, 2008).

12
Les apporteurs de capitaux peuvent choisir de majorer le coût de leur
financement afin de pallier à une augmentation du risque inconnu. Cette
augmentation reste cependant limitée pour des motifs de sélection adverse (Akerlof,
1970) : comme l’investisseur peut difficilement déterminer la qualité de
l’emprunteur, il va chercher à compenser ce risque inconnu et va augmenter le coût
de son financement. Or, cette augmentation ne sera pas acceptée par les entreprises
non risquées qui chercheront, soit un autre mode de financement, soit un projet plus
risqué (effet de hasard moral) (Bellettre, 2010).
Les études entreprises sur les conditions de financement offertes aux PME font
état d’une discrimination venant les pénaliser et susceptible d’entraver leurs stratégies
de développement en leur imposant des coûts plus élevés que ceux qui prévalent pour
les firmes de dimension plus importante (Levratto, 1990). L’Observatoire Européen
des PME (1994) confirme que le coût d’emprunt pour les PME de la plupart des pays
européens serait d’un ou deux points supérieurs à celui des grandes entreprises. Dans
le même sens, Bardos (1990), soutient que les entreprises les plus petites ont
l’endettement le plus coûteux. Cette situation peut se justifier, car il existe en
moyenne plus de risque à prêter à une petite entreprise (Beztouh et Achouche, 2017).
Toutefois, la généralisation de ce type de procédure peut apparaître comme un
élément dissuasif pour certaines PME, car les frais financiers élevés et les garanties
personnelles demandées au dirigeant peuvent être à l’origine d’une confusion néfaste
entre les avantages de l’individu et ceux de la société.
Les petits crédits étant la plupart du temps demandés par des entreprises
possédant une surface financière modeste, le bailleur de fonds est souvent enclin à
réagir en intensifiant ses exigences, négligeant par là même les effets pervers produits
par ce type de stratégie. Comme l’a montré Levratto (1990), les taux d’intérêt
apparents, mesurés par le rapport frais financiers/total des dettes, sont ainsi plus
élevés dans les petites entreprises que dans les grandes en raison de la part élevée des
modalités de financement privilégiées dans l’endettement global de ces dernières,
bien que, compte tenu de leur sous-bancarisation, les PME subissent des frais
financiers globaux inférieurs à ceux des grandes unités.
Les PME recourent, dans l’ensemble, à des moyens de financement émis par les
intermédiaires financiers, alors que les grandes entreprises ont une dette moins
intermédiée. Ainsi, les PME n’émettent pratiquement pas d’obligations. Elles ont plus
d’emprunts bancaires, mais moins d’autres formes d’emprunts que les grandes
sociétés (Bardos, 1990).
La distorsion entre l’information dont dispose le dirigeant et celle qu’il met à la
disposition de son interlocuteur bancaire conduit la banque commerciale à fixer, a
priori, un niveau de risque élevé à toute opération de crédit ; une telle surestimation
13
l’amène à exiger des taux d’intérêt trop importants, comme l’ont expliqué Omri et
Bellouma (2004).
Selon Paranque (2006), s’il est vrai qu’il peut subsister un écart de taux d’intérêt
selon la taille, cet écart est cependant le plus souvent lié non à celle-ci en tant que
telle, mais à la capacité de l’entreprise à communiquer, à échanger, à discuter avec les
différentes parties prenantes, dont le banquier. Le taux va donc sanctionner le risque
pris par la banque au regard certes des éléments communiqués, mais aussi de sa
capacité à former ses propres salariés pour collecter et traiter l’information pertinente.

2.2. Surévaluation du niveau de risque et exigence trop élevée des garanties

L’exigence de garanties touchant directement le patrimoine des PME est


considérée comme l’un des principaux freins au financement des PME. Les banques
exigent souvent que les PME à la recherche de financement offrent des biens ou des
titres en garantie, entre autres des terrains, des bâtiments ou des titres qui peuvent
servir à rembourser l’emprunt. Les éléments d’actif de l’entreprise ou des
entrepreneurs de même que les garanties de tiers servent souvent de sûretés. Le
niveau de garanties que les fournisseurs de financement exigent des PME est
directement lié au degré de risque perçu. Il est important de retenir que la demande de
garanties par le fournisseur de financement augmente le coût global du financement
d’une PME.
L’asymétrie d’information débouche souvent sur des situations dans lesquelles
l’octroi de prêts ne repose pas sur le rendement escompté, mais sur la possibilité de
constituer des garanties, qui peut réduire ou éliminer les problèmes de contrat tels que
l’« aléa moral » ou l’« antisélection », en limitant le risque de perte pour le prêteur
(OCDE, 2014).
Les banques et autres établissements de crédit peuvent également demander une
garantie ou sûreté réelle sur les biens professionnels ou personnels de l’actionnaire
dirigeant. Elles peuvent prendre différentes formes, telles, que, par exemple, des
garanties hypothécaires ou des sûretés réelles sur biens, et peuvent concerner le
patrimoine professionnel et/ou personnel (Beztouh et Achouche, 2017).
Leith et Scott (1989) ont trouvé sept facteurs influençant l’utilisation des
garanties : la probabilité de défaut, la taille de la firme, la nature des actifs, la
maturité du prêt, la taille du prêt, le taux d’intérêt sans risque (real risk-free interest
rate), ainsi que l’environnement légal. Ils ont trouvé que la sécurisation des prêts par
les garanties de l’entreprise est directement liée à la probabilité de défaut et qu’elle
est une fonction inverse de la taille du prêt, de la maturité du prêt ainsi que de la
liquidité des actifs.

14
Ces entreprises ont généralement un accès restreint au financement du fait d’une
constitution insuffisante de garanties, d’antécédents de crédit limités et, souvent, d’un
manque de compétences spécialisées dans la génération d’états financiers complexes
(Beztouh, 2019). L’exigence de garanties est le meilleur moyen utilisé par les
bailleurs de fonds pour pallier le risque tout en constituant un moyen d’auto sélection
des emprunteurs. En effet, il est peu probable que les intermédiaires financiers
accordent des crédits, notamment à long terme, sans obtenir des garanties (Adair et
Adaskou, 2011).
Notons que deux types de garanties peuvent être distingués : les garanties
internes et les garanties externes. Les garanties internes, appelées aussi garanties
réelles, portent sur les actifs de l’entreprise qui peuvent être saisis par la banque en
cas de défaut de paiement. Les garanties externes, appelées également garanties
personnelles, portent sur des sûretés personnelles comme son nom l’indique. Elle
donne à la banque le droit sur une autre personne autre que l’entreprise. La principale
forme de cette garantie est le cautionnement qui peut être fourni par le dirigeant de
l’entreprise (Beztouh et Achouche, 2017). De ce fait, le signataire de la caution
s’engage vis-à-vis de la banque à payer ce qui est dû à la place de l’entreprise
défaillante.
La prise de garantie a pour but de résoudre aussi bien les problèmes de sélection
adverse que ceux d’aléa moral des entreprises. En effet, pour endiguer
l’opportunisme ex ante des entreprises, certains auteurs (Tlili, 2012) proposent
l’application de contrats bancaires séparant. Il s’agit d’une gamme de contrats
structurés proposée aux entreprises permettant à la banque de distinguer les
entreprises risquées des non risquées. Autrement dit, le contrat bancaire choisi par
l’entreprise est révélateur de son type. En ce sens, une entreprise peu risquée choisit
un contrat à taux d’intérêt faible et garanties élevées. Le risque de défaut de cette
entreprise est tellement faible qu’elle est prête à proposer d’importantes garanties
dans le but de signaler sa qualité et bénéficier par conséquent de faible taux d’intérêt.
A contrario, une entreprise risquée a plus de chance de faire défaut sur sa dette
bancaire et ne souhaite pas donner d’importants gages de garanties. Elle opte donc
pour un contrat à taux d’intérêt élevé et garanties faibles. Toutefois, les travaux
empiriques réalisés sur ce sujet ne permettent pas de confirmer le rôle de signal des
garanties. Les résultats de ces travaux montrent que les entreprises les moins risquées
fournissent plus de garanties.
L’exigence de garanties constitue, pour les banques, le mécanisme central
d’ajustement du risque. Non seulement elles limitent les pertes de la banque en cas de
non-remboursement du prêt, mais de surcroît, leur rôle serait d’encourager les
« bons » débiteurs à se manifester.

15
L’incitation de ces entreprises à fournir des efforts est tributaire des garanties
imposées par la banque. Les entreprises ayant un faible risque de signature s’orientent
cependant vers un contrat sans garanties. Leur incitation à fournir des efforts est
indépendante de la prise de garanties. En d’autres termes, les entreprises les plus
risquées ont tendance à exercer un effort plus élevé par rapport aux entreprises les
moins risquées (Tlili, 2012). Il en résulte que la prise de garantie est un moyen utilisé
par les banques dans le but de dissuader l’entrepreneur d’économiser son effort après
l’obtention du crédit. En outre, il semble qu’elle permet également de résoudre un
autre problème d’aléa moral qui consiste en un défaut volontaire de l’entrepreneur.
En effet, une entreprise peut, à l’échéance d’un crédit, mentir sur ses résultats en sous
estimant ses revenus voire même déclarer un revenu nul afin de fuir ses engagements
de remboursement. La prise de garantie peut s’avérer utile pour limiter ce type
d’opportunisme de l’entreprise.

2.3. Le rationnement du crédit aux PME

Selon Nakamura (1999), le taux d’intérêt « uniforme » ne peut pas équilibrer le


marché du crédit : fixé à un niveau trop bas, il ne permet pas d’assurer la rentabilité
des prêts ; fixé à un niveau trop élevé, il dissuade les « bons » projets (c.-à-d. les
moins risqués) et n’attire que les « mauvais » (phénomène de sélection adverse ou
anti-sélection). Le manque d’information sur le risque réel de l’entreprise provoque
ainsi un problème de sélection (Gharsalli, 2013). Des taux d’intérêt élevés attirent des
entreprises plus risquées (sélection adverse) et les incitent à prendre plus de risque
dans leurs projets (aléa moral) (Tlili, 2012). L’équilibre qui ne se fait plus par les prix
se réalise alors par les quantités : l’analyse théorique suggère ainsi que les banques
sont conduites à « rationner » les classes d’emprunteurs qui leur paraissent a priori
les plus risquées (par exemple les entreprises nouvellement créées).
Psillaki (1995) soutient que dès lors que l’on considère l’offre de crédit en tant
que fonction croissante du taux de rendement, et étant donné que ce taux commence à
décroître au-delà d’un certain niveau, il sera optimal pour la banque (sous la
condition d’information imparfaite) de ne pas accroître le taux d’intérêt, mais plutôt
de rationner le crédit, afin de pouvoir garder sur le marché les firmes les moins
risquées.
Bien qu’il soit concevable, en théorie économique, que le rationnement du crédit
soit pratiqué à l’égard de certaines catégories distinctes observables d’emprunteurs, la
théorie ne permet pas de préciser quelles catégories seraient touchées (Equinox
Management Consultants Ltd, 2002). L’hypothèse de l’existence d’une contrainte de
financement particulièrement prononcée pour les petites entreprises trouve un support
formel dans la théorie du rationnement du crédit. Les résultats des travaux empiriques

16
ayant testé cette hypothèse à partir de données d’entreprises ne permettent pas,
cependant, d’aboutir à un consensus sur la réalité de ce phénomène (Cieply et
Grondin, 1999).

3. Les relations bancaires de long terme et leur impact sur l’accès des PME au
crédit

La littérature sur les relations de long terme s’est considérablement enrichie


avec de nombreux apports théoriques et empiriques. Plusieurs avantages ont été mis
en avant dans cette littérature. La relation établie entre les banques et les entreprises
peut jouer un rôle clé dans la résolution des problèmes d’informations et
l’assouplissement des imperfections du marché du crédit (Smondel, 2011) et
permettraient de réduire les problèmes de rationnement du crédit. Selon Wamba
(2013) la relation de confiance entre banque et entreprise réduit le coût d'acquisition
de l'information sur cette dernière et limite les problèmes de survenance d'aléa moral
et de sélection adverse. Cette idée n’est pas nouvelle puisqu’elle est déjà présente
dans la « doctrine de la disponibilité du crédit » développée dans les années 1950,
elle est reprise dans des modèles plus récents et des tests empiriques (Petersen et
Rajan 1994, Harhoff et Korting 1998, Elsas et Krahen 1998) cités par Eber (2001)
semblent effectivement la valider.
Hamelin (2010) et Vigneron (2014) soutiennent que pour augmenter leur
capacité de financement externe les PME peuvent développer des mécanismes de
résolution des problèmes liés à leur opacité informationnelle. La mise en place d’une
relation de long terme entre Bailleur de fonds et PME permet d’atténuer les
problèmes d’anti-sélection. Comme le laisse entendre Artis (2011) le financement
relationnel découle des hypothèses d’asymétries d’information et d’incomplétude des
contrats qui incitent à prendre en considération les différents mécanismes incitatifs
mis en place par les agents pour échanger dans ces conditions. D’autre part, ce
concept implique de considérer que la rationalité des individus est limitée et que des
mécanismes tels que les conventions, les règles sont nécessaires pour faciliter la
coordination entre les individus. Selon Phung (2010), l’accord de crédit est une
activité qui repose sur la confiance que le prêteur accorde à l'emprunteur de qui il
attend le remboursement du prêt. Plus le prêteur aura confiance dans l'emprunteur,
plus il lui prêtera une somme importante avec un faible taux d'intérêt.
Eber (2001) définit la relation de crédit de long terme entre une banque et une
firme comme une répétition dans le temps d’offres et de demandes de crédit émanant
respectivement de la banque et de la firme pour le financement des projets
d’investissement successifs de cette dernière. Il est important de souligner que c’est la
répétition dans le temps des relations de crédit entre une banque et un emprunteur qui
17
donne naissance à la relation de long terme entre les deux agents. On parlera
indistinctement de « relations de long terme banque –entreprise », de « relation de
crédit de long terme » ou encore de « relations de clientèle ».
Pour définir les relations de long terme, Boot (2000) cité par Gharsalli (2013)
suggère l’existence de trois conditions spécifiques. D’abord, il est nécessaire que
l’intermédiaire financier collecte les informations autres que celles disponibles pour
le public. De plus, recueillir une information privée doit s’inscrire dans le temps et au
travers de multiples interactions avec l’emprunteur, notamment par la fourniture de
services financiers diversifiés. Enfin, il est important que cette information reste
confidentielle pour en garantir l’exclusivité à la banque. Sans collecte d’informations
privées, le financement des PME serait encore plus fortement contraint du fait de leur
opacité. Elle permet à la banque d’écrire des contrats adaptés au risque spécifique de
son client, améliorant de fait les conditions de financement de celui-ci.
L’analyse des relations de long terme se distingue de l’analyse des financements
de long terme ou de celle du choix de la maturité de la dette. Dans notre contexte, ce
qui nous intéresse c’est la relation de long terme vue comme répétition de la relation
de crédit ; c’est donc bien la répétition dans le temps de la relation de crédit et non
pas le choix de la maturité du financement.
Dans la pratique, la relation de long terme se traduit généralement par un
engagement de la banque à fournir des fonds ultérieurement, soit d’une manière
ferme (sorte d’opérations à terme) à des conditions fixes ou variables comme dans les
crédits revolving2, soit d’une manière optionnelle par des lignes de crédit ou des
autorisations de découvert par exemple. Ainsi, un financement relationnel se délimite
à partir de trois attributs clés (Artis, 2011) :
- La dimension pluri temporelle de la relation interpersonnelle fondée sur la répétition
des échanges monétaires ;
- La production d’une information spécifique découlant de la relation de long terme ;
- Un engagement dans le futur entre les deux partenaires impliquant un certain degré
d’exclusivité.
La littérature sur le financement relationnel a identifié des gains des relations de
long terme pour le système bancaire. L’existence d’une « relation de clientèle » stable
et durable entre l’entreprise et son banquier paraît procurer un certain nombre
d’avantages appréciables : au-delà de la qualité du contact « personnalisé » qu’un tel

2
Le crédit renouvelable (autrefois appelé crédit permanent ou en anglais revolving credit) est une forme de crédit
consistant à mettre à disposition d’un emprunteur une somme d’argent réutilisable au fur et à mesure de son
remboursement pour financer des achats non prédéfinis. Il constitue une formule particulière de crédit à la
consommation et relève par conséquent de la règlementation afférente. Le renouvellement du crédit permanent s’opère
au fur et à mesure des remboursements de l’emprunteur dans la limite du montant autorisé par l’organisme et à
concurrence de la partie remboursée.
18
partenariat favorise, c’est surtout son aptitude à dégager, au profit de la banque, de
l’information sur les entreprises emprunteuses qui a été mise en avant par la théorie
bancaire (Nakamura, 1999). L’intérêt des relations de long terme concerne en premier
lieu la banque et concerne également les entreprises clientes (Gardès et Maque,
2012). Eber (2001), dans sa revue de la littérature, nous donne une représentation
assez détaillées des avantages du financement relationnel.
Pour pallier le risque de rupture abusive de sa relation financière, l’entreprise
peut s’engager dans deux types de stratégies relationnelles :
- L’une, multi relationnelle, considère la multi bancarisation comme pouvant
potentiellement constituer une assurance contre le risque de perte d’une relation
bancaire. Detragiache, Garella et Guiso (1997, 2000) étudient ainsi une économie où
les banques sont soumises à des chocs de liquidité exogènes. Quand un choc de
liquidité intervient, la banque arrête de financer l’entreprise et oblige ainsi
l’entreprise qui maintient une relation bancaire unique à emprunter auprès d’autres
sources externes chères. Les entreprises sont donc incitées à s’assurer contre le risque
de perte de cette relation bancaire en ayant plusieurs relations bancaires. La
multibancarité permet de diversifier le risque de perte exogène d’une relation
bancaire de valeur pour une entreprise.
- L’autre, monorelationnelle, souligne l’intérêt pour l’entreprise d’établir une relation
de long terme dont la vertu se traduirait par l’obtention de meilleurs financements.
Plusieurs auteurs soutiennent l’idée qu’une relation bancaire exclusive permet de
pallier le problème de l’asymétrie d’information : la relation bancaire implique la
révélation d’informations privées de valeur, vecteur d’amélioration des termes du
contrat. Différents auteurs cités par Gardès et Maque (2012) montrent ainsi que la
durée des relations bancaires améliore la gestion des crises de liquidité (Longhofer et
Santos, 2000), influence positivement la disponibilité du crédit des entreprises
(Petersen et Rajan, 1994), diminue le taux d’intérêt des lignes de crédit (Berger et
Udell, 1995).
L’intérêt d’une relation durable provient de l’idée que la durée permet de
maximiser la profitabilité de la relation. La relation bancaire définie comme
l’approvisionnement en services financiers par un intermédiaire financier qui investit
de façon à obtenir des informations spécifiques sur un client, informations souvent de
nature privée, et évalue la rentabilité de ces investissements, grâce aux multiples
échanges avec ce même client dans le temps et/ou à travers la gamme de produits
(Boot, 2000), permet de comprendre les vertus d’une relation de long terme pour la
banque.

3.1. L’échange d’information unique et particulière

19
Le premier avantage des relations de long terme réside dans l’intensité des
échanges et leurs répétitions qui constituent une source d’information interne unique
et particulière peu codifiée (Atis, 2011). Dans un financement relationnel, l’entreprise
est prête à divulguer des informations de nature confidentielle à la banque, car elle
sait que ces dernières ne seront pas accessibles à ses concurrents. En effet, un
établissement de crédit qui finance sur le long terme une même entreprise acquiert sur
cette dernière un capital informationnel qui permet de réduire les coûts de
surveillance inhérents à l’activité de crédit. Cet avantage informationnel est de deux
ordres (Nakamura, 1999) :
- La gestion du compte et de la trésorerie de l’entreprise procure à l’établissement
bancaire de précieuses informations sur ses opérations courantes, sur ses relations
avec des tiers, sur d’éventuels incidents de paiement, autant d’informations
particulièrement peu accessibles pour des banques n’ayant eu aucune relation avec de
nouveaux clients.
La relation de long terme permet ainsi à la banque qui la pratique d’obtenir, à un
moindre coût, autant d’informations sur une même entreprise que ne pourrait le faire
un établissement de crédit « extérieur » ou de posséder une meilleure connaissance de
cette firme à effort équivalent. Cette source d’économie d’envergure entre activité de
dépôt et activité de crédit constitue l’une des principales justifications au
développement des banques « universelles », par opposition au narrow banking.
- Grâce à la relation de long terme, la banque partenaire connaît avec précision
l’historique des remboursements passés de l’entreprise candidate à un nouveau crédit.
Elle peut donc construire un score fiable qui lui permet de mieux distinguer les
entrepreneurs « sincères » de ceux qui dissimulent une partie de leur résultat afin de
minorer le montant de leur remboursement. Elle lutte ainsi contre une forme
d’asymétrie d’information ex post, autre facteur potentiel de rationnement du crédit.
De plus, les relations de long terme améliorent l’efficience de l’intermédiation
bancaire ainsi que le contrat de crédit et le partage des risques. Nekhili et Derbel
(2007) soutiennent que les relations de crédit à long terme fournissent à la banque
une meilleure information sur les perspectives des entreprises et leurs positions
financières, ce qui leur permet de continuer à soutenir, dans des périodes difficiles,
les entreprises ayant démontré leur solvabilité dans le passé.
Loin de faire des documents comptables le support de l’analyse du risque, il faut
y substituer une analyse par la relation. C’est en réalisant une connaissance de
l’intérieur que le banquier pourra connaître les caractéristiques de l’activité, ses
forces et ses faiblesses, le patrimoine impliqué dans l’exploitation, l’étendue du
patrimoine du chef d’entreprise (Ndjanyou, 2001).

20
Ainsi, dans le cas d’une asymétrie d’information ex ante (effet de sélection
adverse) ou ex post (effet de risque moral), les relations de long terme permettent,
d’une part, de connaître la véritable nature de l’entrepreneur et, d’autre part, de
diminuer les coûts liés à la vérification du résultat de l’investissement. Ces relations
sont aussi un moyen d’inciter les emprunteurs à révéler leur information, puisque
dans le cas contraire, celui où l’emprunteur dissimule l’information, ce dernier risque
de voir ses prêts non renouvelés (Psillaki, 1995). Wissler (1989) cité par Badreddine
(2011), explique que les relations de long terme entre une banque et sa firme cliente
éclaircissent la relation entre les deux parties et permettent que les affaires aillent au-
delà des contrats de financement. Cette relation se fonde ainsi sur une certaine
confiance dont le degré augmentera avec le temps.

3.2. Les relations de long terme réduisent l’intensité du rationnement du crédit

« Historiquement » il s’agit là du premier argument développé dans la littérature


économique en faveur des relations de long terme. L’idée remonte en fait aux années
1950 et au développement de la « doctrine de la disponibilité du crédit ». Selon cette
théorie, les effets réels d’une politique monétaire proviennent essentiellement d’un
effet sur le rationnement du crédit. Le degré de rationnement du crédit serait
inversement proportionnel à la « qualité » de la relation existant entre l’emprunteur et
la banque. De l’avis de Djedidi-Kooli (2009), les relations de long terme sont donc
présentées comme un moyen d’assurer les emprunteurs contre le risque de
rationnement notamment dans les périodes de politique monétaire restrictive.
Les entreprises qui ont établi des liens étroits avec des institutions financières
parviennent à mieux surmonter les difficultés engendrées par l'asymétrie
d'information (Bloch, Bourdieu, Colin-Sédillot et Longueville 1995). Selon
Nakamura (1999), en améliorant la connaissance que peut avoir la banque de ses
clients, la « relation de clientèle » permet d’atténuer les répercussions néfastes des
asymétries d’information sur le fonctionnement du marché du crédit3. En effet, elles
facilitent l’échange d’information entre l’emprunteur et le prêteur. Les prêteurs
investissent dans la production d’informations auprès de leurs clients et les
emprunteurs sont plus enclins à divulguer ces informations à leurs prêteurs qui leur
garantissent la préservation d’une certaine confidentialité. La réduction des
asymétries d’information permet de surmonter les problèmes d’aléa moral et de
sélection adverse inhérents aux marchés de crédit.

3
Les effets néfastes de l’asymétrie d’information caractérisant, sur le marché du crédit, les relations entre prêteurs et emprunteurs ont
été soulignés dans le chapitre 5 : difficultés à suffisamment discriminer les « bons » des « mauvais » risques, impossibilité
d’équilibrer le marché par le canal du « prix » du crédit (i.e. le taux d’intérêt), risque de « rationnement » du crédit au détriment de
certaines catégories d’emprunteurs sur la base de critères trop généraux (taille, secteur d’activité ...).
21
Stiglitz et Weiss (1983) cités par Eber (2001) étudient, dans un cadre
d’asymétrie d’information ex ante, les effets incitatifs de la menace faite par la
banque de refuser un crédit pour les périodes suivantes en cas d’échec de
l’investissement. Plutôt que d’augmenter le taux d’intérêt sur le crédit, les banques
choisissent donc comme stratégie de représailles de ne plus accorder de prêts aux
entreprises défaillantes.
Tous les modèles de rationnement montrent donc, globalement, que les entreprises les
moins rationnées sont celles ayant engagé des relations de long terme avec leur
banque.
3.3. Les relations de long terme améliorent l’efficience de l’intermédiation
bancaire en réduisant les coûts d’information
Les relations de crédit répétées permettent à la banque d’accumuler une base
d’informations sur ses emprunteurs. Cette base donne la possibilité à la banque de
créer un test statistique fiable lui permettant de distinguer clairement les emprunteurs
de « bonne foi » de ceux qui le sont moins (Djedidi-kooli, 2009). Ce test consiste en
l’utilisation par la banque de toutes ses informations passées sur l’emprunteur pour
évaluer son risque présent et il repose techniquement sur la loi des grands nombres.
Diamond (1984) et Haubrich (1989) analysent la relation de clientèle comme
moyen de contrôle des emprunteurs dans un cadre d’asymétrie d’information ex post.
Globalement, nous pouvons dire que ce test statistique dérivé de la relation de
clientèle permet de renseigner la banque sur la probabilité de véracité du résultat
annoncé par l’entrepreneur. Un système de punition est mis en place afin de
sanctionner les emprunteurs qui ne sont pas « statistiquement » honnêtes. Cette
stratégie ne va pas punir les entrepreneurs honnêtes et il est assez simple de montrer
que la probabilité d’une punition infinie pour un emprunteur honnête tend vers 0 et la
probabilité que les emprunteurs honnêtes ne supportent qu’un nombre fini de
punitions tend vers 1. Il est aussi à préciser que les punitions en nombre fini
n’affectent pas lorsque l’emprunteur honnête s’engage dans une relation de long
terme avec la banque (c'est-à-dire lorsque l’horizon temporel est infini).
Tisser des relations de long terme avec leurs clients permet aux banques d’améliorer
leurs techniques de score, ce qui se traduit des économies de coûts de contrôle. Par
conséquent, les relations de long terme permettent aux banques d’économiser des
coûts d’information, ce qui, dans un environnement bancaire marqué par une
concurrence en taux, doit finalement conduire à une baisse du coût du crédit. St-
Pierre et Fadil (2011) soulignent que le taux d’intérêt et les garanties sont tributaires
de la longévité et de l’étendue de la relation banque /entreprise. De même, la
concentration sur quelques banques réduit le risque des PME et leur permet de
négocier des prêts à des coûts plus bas.
22
3.4. Les relations de long terme garantissent un meilleur soutien aux entreprises
en cas de difficulté
D’autres arguments en faveur des relations de long terme ont également été
avancés, notamment le fait que ce type de relations se traduit par un meilleur soutien
des entreprises en difficultés (Mayer, 1988).
Une relation de longue date serait favorable aux entreprises en difficulté : la banque
amortit les chocs conjoncturels, permet la mise à disposition de fonds
supplémentaires et l’accès à ses savoir-faire (Gardès et Maque, 2012), joue un rôle
d’assurance pour l’entreprise (Elsas et Krahnen, 1998) et permet le lissage des taux
d’intérêt face aux variations du risque (crédit) d’un client (Petersen et Rajan, 1995 ;
Berlin et Mester, 1998 et 1999).
Au plan théorique, Longhofer et Santos (2000) proposent un modèle expliquant
que le principal avantage des relations bancaires de long terme est bien d’améliorer la
gestion des crises de liquidité. Selon ces auteurs, avoir une bonne relation avec sa
banque n’est pas très important lorsque la conjoncture est favorable, mais devient
crucial lorsque les difficultés apparaissent, l’aide de la banque (sous la forme de
financements supplémentaires) s’avérant alors nécessaire.
3.5. Les relations de long terme améliorent le partage des risques
Allen (1995) et Gale (1997) cités par Eber (2001) ont insisté sur un autre gain
d’efficience résultant des relations de long terme, à savoir un meilleur partage des
risques entre les banques et les entreprises. L’argument de partage des risques a été
développé, dans une optique spécifiquement bancaire, par Fried et Howitt (1980).
Ces auteurs proposent un modèle dans lequel les entreprises sont adverses au risque
alors que les banques sont neutres au risque. Ils montrent qu’un contrat implicite peut
améliorer le partage du risque entre le banquier et l’entrepreneur, le premier assurant
en fait le second contre les fluctuations des taux d’intérêt.
Green (1987) étudie le contrat financier optimal dans une économie où les individus
vivent indéfiniment et font face à des chocs de revenu qui ne sont pas observables par
les prêteurs. Ce problème informationnel empêche les individus de s’assurer
parfaitement contre les risques. Green montre alors que le contrat optimal est une
assurance partielle, obtenue en engageant des relations de long terme avec un
intermédiaire diversifié.
4. Conclusion
Les PME en Algérie sont confrontées au manque de l’offre de financement. Le
crédit bancaire, principale source de financement formel, est limité par la qualité
relativement médiocre de l’environnement juridique et réglementaire et le manque de
la concurrence entre les établissements bancaires et financiers. En particulier, les
23
banques privées en Algérie apportent une contribution marginale au crédit aux
entreprises en comparaison aux banques étatiques qui ont octroyé plus de 85 % du
crédit en 2016. En ce qui concerne le financement des PME, les statistiques
disponibles ne permettent pas de connaitre quel est le pourcentage de crédits attribué
par les banques, qu’elles soient privées ou publiques, aux PME.
Alors que les prêts bancaires sont la principale source de financement externe
pour les PME en Algérie, ils restent limités. D’autres instruments visant à faciliter
l’accès aux prêts bancaires, tels que les dispositifs de garantie de crédit, et d’autres
sources de financement, telles que le crédit-bail ou le capital-investissement restent
eux-aussi encore insuffisants.
Dans le cas du financement bancaire, nous avons soulevé un problème important
entre l’entrepreneur et le banquier, un problème lié au contexte informationnel. Dans
le cas d’une relation entre un investisseur et un entrepreneur, l’asymétrie de
l’information est toujours présente, mais moins aiguë, puisque l’investisseur n’évalue
pas le projet selon les mêmes paramètres. Par contre, l’entrepreneur manifeste
toujours une certaine méfiance ; il hésite à dévoiler des informations stratégiques sur
son projet de crainte de perdre ses avantages concurrentiels. Ce n’est que lorsque
cette méfiance se sera complètement dissipée qu’il sera possible de parler de relations
d’affaires entre les deux partenaires.
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