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Table des matières


NUMÉRO SPÉCIAL /
SPECIAL ISSUE:
LE MUSÉE ET L’ÉDUCATION /
MUSEUMS AND EDUCATION

Colette Dufresne-Tassé 251 Introduction: L’éducation muséale,


son rôle, sa spécificité, sa place
parmi les autres fonctions du
musée

Articles

RÔLE ET SPÉCIFICITÉ DE L’ÉDUCATION


MUSÉALE

Pierre Ansart 258 Sur les finalités de l’utilisation


pédagogique des musées

FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE DU
VISITEUR

Andrea Weltzl-Fairchild 267 Describing Aesthetic Experience:


Creating a Model
Colette Dufresne-Tassé, 281 L’apprentissage de l’adulte au
Thérèse Lapointe, musée et l’instrument pour
Carole Morelli et l’étudier
Estelle Chamberland
Estelle Chamberland 292 Les thèmes de la contextualisation
chez les visiteurs de musée
André Lefebvre 313 Une visite guidée par les pairs dans
le Vieux Montréal
Bernard Lefebvre et 331 Le visiteur, le guide et l’éducation
Hélène Lefebvre
INTERVENTION ÉDUCATIVE ET
ÉVALUATION AU MUSÉE

Céline Du Sablon et 338 Les effets d’un programme éducatif


Geneviève Racette muséal chez des élèves du primaire
Suzanne Boucher 352 Essai d’applicabilité du modèle
d’enseignement de Bruner en
milieu muséal
Anne Newlands 361 The National Gallery of Canada’s
Theme Rooms: Exploring the
Educational Exhibition
Janet Gail Donald 371 The Measurement of Learning in
the Museum

INTÉGRATION DE LA FONCTION
ÉDUCATIVE PARMI LES AUTRES
FONCTIONS DE L’INSTITUTION MUSÉALE

Jean Trudel 383 L’intégration de la fonction


éducative au musée

Book Reviews / Recensions

Nadia Banna 392 Museum Education, History,


Theory and Practice par N. Berry
et S. Mayer
Marie-Andrée Brière 394 Rethinking the Museum par
Stephen E. Weil
Introduction

L’éducation muséale, son rôle,


sa spécificité, sa place parmi
les autres fonctions du musée

Colette Dufresne-Tassé
université de montréal

Le numéro qu’on va lire est consacré au musée et à l’éducation. Quinze


chercheurs des milieux universitaire et muséal y ont contribué. Ces cher-
cheurs utilisent des approches quantitatives et qualitatives. Leurs études sont
empiriques, expérimentales ou critiques. Elles sont réalisées tantôt auprès
d’enfants, tantôt auprès d’adultes. Elles traitent de quatre problèmes:
—le rôle de l’éducation muséale, la spécificité de celle-ci;
—le fonctionnement psychologique du visiteur;
—l’intervention éducative au musée, son évaluation;
—l’intégration de la fonction éducative parmi les autres fonctions de
l’institution muséale.
Je décrirai brièvement la façon dont chacun des onze textes abordent ces
problèmes, puis je montrerai la nouveauté des solutions esquissées et les
implications de celles-ci pour l’éducation dans les musées.

RÔLE ET SPÉCIFICITÉ DE L’ÉDUCATION MUSÉALE

Dès leurs débuts, on reconnaît aux musées un rôle éducatif. À preuve, cette
lettre de Roland à David à propos de la création du Louvre, un des premiers
musées publics.

Il est question [. . .] de faire un Muséum aux Galeries du Louvre. Il est décrété,


et comme ministre de l’intérieur, j’en suis l’ordonnateur et le surveillant. J’en
dois compte à la nation, tel est l’esprit de la loi. C’en est aussi la lettre. Le
Muséum doit être le développement des grandes richesses que possède la nation
en dessins, peintures, sculptures et autres monuments de l’art. Ainsi que je le
conçois, il doit attirer les étrangers et fixer leur attention. Il doit nourrir le goût
des beaux-arts, récréer les amateurs et servir d’école aux artistes. Il doit être
ouvert à tout le monde. Ce monument sera national. Il ne sera pas un individu
qui n’ait le droit d’en jouir. Il aura un tel degré d’ascendant sur les esprits, il
élèvera tellement les âmes, il réchauffera tellement les coeurs, qu’il sera un des

251 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


252 INTRODUCTION

plus puissants moyens d’illustrer la “République française.” (extrait d’une lettre


datée du 17 octobre 1792, citée par Blum, 1946)

Maintenant, ce rôle est si important qu’il fait l’objet d’une description par
l’UNESCO et que la plupart des états occidentaux le précisent dans leur
politique sur les musées. Il varie selon que l’on considère la muséologie
traditionnelle ou la nouvelle muséologie. La première vise le développement
général de l’individu, la seconde, la transmission d’idées, d’attitudes, de
valeurs sur les problèmes importants de l’heure.
Dans son texte, P. Ansart adopte une position originale, inspirée des
travaux psychologiques et sociologiques contemporains. Il envisage tour à
tour l’individu et la société. À certains égards, les buts de l’éducation
muséale ressemblent à ceux de l’éducation scolaire. Il n’en existe pas moins
une distinction de situation. Le musée rassemble dans un même temps et en
un même lieu des publics variés, attirés, dans la plupart des cas par le plaisir
de la visite, et par la liberté de fonctionnement psychologique allouée. Pour
se convaincre de l’exactitude de cette affirmation, il suffit de songer aux
milliers de visiteurs qui entrent chaque jour dans des musées comme le
Métropolitan Museum de New York, ou le British Museum de Londres. Il
est donc normal que les approches pédagogiques développées pour le monde
académique ne soient pas adéquates dans le monde muséal et que la plupart
des muséologues reconnaissent la spécificité de la pédagogie muséale
(Boissan et Hitier, 1982; Carr, 1985; Falk et Balling, 1982; Hooper-Green-
hill, 1983; Lewis, 1980; Miles, Alt, Gosling, Lewis, & Tout, 1982). Cette
spécificité est implicite dans les onze textes présentés dans ce numéro et tout
à fait explicite dans celui de S. Boucher qui, elle, décrit les adaptations
nécessaires à l’utilisation d’une stratégie scolaire au musée.

FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE DU VISITEUR

Si l’éducation muséale vise des clientèles aux attentes particulières dans des
situations précises, on ne peut concevoir d’interventions auprès de ces
clientèles sans en connaître le fonctionnement psychologique.
On possède de nombreuses données sur les caractéristiques socio-écono-
miques des visiteurs de musée. On connaît, par exemple, le niveau d’instruc-
tion des gens qui fréquentent les musées d’art (Bourdieu et Darbel, 1969),
le nombre de visites annuelles qu’ils y font, le temps qu’ils y passent et
l’importance qu’ils accordent à l’institution muséale (Bourdieu, 1979).
On a de plus identifié des comportements types durant la visite (Veron et
Levasseur, 1983), comme parcourir systématiquement toutes les salles d’une
exposition en commençant par la droite ou, au contraire, en choisissant des
objets ici et là, en sautant littéralement d’un mur à l’autre.
On connaît quand même mal l’expérience psychologique du visiteur
sous-jacente aux comportements observés. On ne connaît pas son fonction-
nement rationnel. On ne sait pas s’il se contente d’identifier les objets qu’il
voit ou s’il utilise cette identification pour faire des comparaisons, des
INTRODUCTION 253

déductions, des vérifications. On ne connaît guère plus son fonctionnement


imaginaire et la relation de celui-ci avec son fonctionnement rationnel. À
quoi servent les souvenirs du visiteur ou ses voyages dans l’imaginaire?
Enfin, on connaît mal le fonctionnement affectif et le rôle de ce fonction-
nement dans l’économie psychologique du visiteur.
Cinq textes traitent de l’expérience psychologique du visiteur adulte.
A. Weltzl-Fairchild ainsi que C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli et
E. Chamberland offrent des outils d’analyse. Celui d’A. Weltzl-Fairchild
permet d’étudier la réaction esthétique du visiteur, la façon dont celle-ci
évolue dans le temps et dans l’espace, celui de C. Dufresne-Tassé, T.
Lapointe, C. Morelli et E. Chamberland permet un examen microscopique
du fonctionnement général du visiteur à travers les opérations mentales qui
régissent les composantes rationnelles, imaginaires et affectives de ce
fonctionnement.
En entrant au musée, un objet perd son contexte et, de ce fait, une grande
partie de sa signification. Le visiteur doit donc donner un sens à cet objet.
Ce phénomène devient évident quand on entre dans les réserves d’un musée
d’ethnologie comme le Musée de l’homme de Paris, qui contiennent des
objets de toutes sortes provenant des cinq continents. Ces objets ne portent
souvent que des codes. À moins d’être un connaisseur averti, il est difficile
de les identifier, donc de leur donner une signification au-delà de ce que
suggèrent leur forme et notre réaction à celle-ci. E. Chamberland décrit la
façon dont le visiteur utilise les trois composantes précédentes pour élaborer
des contextes autour des objets qu’il observe, en d’autres mots, pour donner
de la signification à ces objets.
A. Lefebvre retrace comment des enseignants-visiteurs élaborent des
contextes autour des objets observés, il identifie les apprentissages que
provoquent cette élaboration et les gains personnels qui en découlent. B. et
H. Lefebvre étudient la réaction des mêmes visiteurs aux guides muséaux.
Ils soulignent qu’une présentation prématurée d’information les prive d’un
contact direct avec les objets et appauvrit d’autant leur expérience.
Pour ces huit auteurs, les connaissances précédentes sont nécessaires,
mais non suffisantes à la création d’interventions éducatives. Elles permet-
tent tout au plus de connaître les attentes du visiteur, sa façon d’aborder les
objets muséaux et les gains qu’il peut en tirer. En d’autres termes, elles ne
sont qu’un repère pour créer un niveau de tension optimal chez le visiteur.
Pour compléter l’intervention, il faudrait trouver le moyen de créer cette
tension et de l’utiliser au bénéfice du visiteur.

INTERVENTION ÉDUCATIVE ET ÉVALUATION AU MUSÉE

Un débat célèbre oppose au début du siècle Benjamin Ives Gilman, secré-


taire du Boston Museum of Fine Arts à John Cotton Dana, directeur du
Newark Museum: suffit-il de montrer les objets muséaux pour améliorer les
254 INTRODUCTION

moeurs et le goût des visiteurs ou faut-il, en plus, souligner certains aspects


de ces objets et fournir de l’information sur leur signification?
La position de Dana est maintenant acceptée dans presque tous les
musées, qu’il s’agisse de musées de science, d’anthropologie, d’histoire ou
même d’art. L’objet muséal ne possède toute sa valeur éducative que si le
concepteur d’exposition permet au visiteur de relier l’objet qu’il regarde à ce
qu’il sait déjà (Hooper-Greenhill, 1983). Ce lien peut être facilité de plu-
sieurs façons, entre autres par l’information écrite ou par l’intervention d’un
guide. B. et H. Lefebvre étudient l’influence de cinq types de guide sur la
satisfaction de visiteurs adultes.
C. Du Sablon et G. Racette ainsi que S. Boucher considèrent l’interven-
tion éducative dans un contexte beaucoup plus large, soit celui des visites
scolaires d’écoliers et l’intégration des programmes muséaux aux pro-
grammes scolaires. Leurs études décrivent les rôles respectifs du musée et de
l’école, les éléments fondamentaux d’un programme conjoint, une concep-
tion de la pédagogie propre à un tel programme et des critères d’évaluation
des gains cognitifs et affectifs des écoliers. Puis, C. Du Sablon et G. Racette
explorent les résultats d’une expérience tentée auprès de classes de cin-
quième année.
La composante évaluative du texte de C. Du Sablon et G. Racette reflète
une préoccupation du milieu muséal. Comme le milieu scolaire, celui-ci veut
saisir l’influence de ses interventions éducatives sur les publics qu’il ac-
cueille. Mais à cause de la spécificité de sa situation, le musée ne peut
utiliser directement les critères et les outils d’évaluation élaborés par l’école.
A. Newlands aborde le problème de l’évaluation dans un musée d’art et
expose les difficultés inhérentes à l’identification de ce qui doit y être
évalué. Elle décrit les moyens pris par le Musée des beaux-arts du Canada
pour connaître l’efficacité des dispositifs pédagogiques utilisés dans les
salles canadiennes et les gains des visiteurs dans celles-ci.
J.G. Donald n’envisage que l’évaluation de l’apprentissage. Elle examine
deux indicateurs développés dans les musées: le pouvoir d’attraction d’un
objet (attracting power) et son pouvoir de retenir le visiteur (retaining
power), puis elle suggère une série d’indicateurs empruntés à l’éducation
scolaire qu’elle critique en fonction des exigences du milieu muséal.

INTÉGRATION DE LA FONCTION ÉDUCATIVE PARMI LES AUTRES FONCTIONS


DE L’INSTITUTION MUSÉALE

La place occupée par l’éducation dans un musée dépend du rôle de celui-ci


dans la société, mais aussi de l’importance accordée par le musée respective-
ment à l’éducation, à la collection, à la conservation et à l’étude des objets.
J. Trudel analyse les facteurs organisationnels responsables de l’intégra-
tion de l’éducation parmi les autres fonctions du musée. Il note que cette
intégration demeure, encore maintenant, “un problème majeur,” parce que
l’éducation, “c’est plus que la somme des compétences de ses éducateurs ou
INTRODUCTION 255

que le nombre des autobus scolaires qui s’arrêtent à sa porte; c’est avant
tout un état d’esprit, une conscientisation profonde qui doit imprégner tous
ceux qui y oeuvrent. C’est (. . .) savoir se dégager de ses propres intérêts
pour être empathique aux publics visés.” “Le degré d’intégration de la
fonction éducative dans un musée” est attesté par “les techniques de présen-
tation des expositions” et “par les textes et le matériel de soutien fourni aux
visiteurs.” Il transparaît même dans le choix des publications et des objets
vendus dans la librairie ou la boutique du musée.

IMPLICATIONS

Dans les onze textes présentés, on retrouve une approche globale, structurale
et dynamique du fonctionnement du visiteur adulte ou enfant. Cette ap-
proche est tantôt implicite, tantôt explicite.

L’expérience du visiteur, un phénomène à considérer dans sa globalité


et dans sa structure

S. Boucher, E. Chamberland, C. Dufresne-Tassé, C. Du Sablon, T. Lapointe,


A. Lefebvre, C. Morelli, G. Racette et A. Weltzl-Fairchild considèrent
explicitement le fonctionnement du visiteur comme un phénomène global et
traitent son apprentissage comme un sous-produit de ce fonctionnement.
E. Chamberland, C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli ainsi que
A. Weltzl-Fairchild décrivent des outils qui permettent d’analyser le fonc-
tionnement du visiteur dans cette optique et selon sa structure.
Cette approche globale et structurale est l’une des issues à l’impasse créée
par les conceptions behavioristes et phénoménologiques qui dominent
présentement l’éducation muséale. Selon la conception behavioriste, l’éduca-
teur est responsable des apprentissages du visiteur. Ce dernier ne devrait
donc apprendre que ce qu’on a prévu pour lui. C’est, de toute évidence,
prêter à l’éducateur un pouvoir qu’il n’a pas. Au musée, les visiteurs
apprennent mille choses imprévues et ne retiennent guère ce que l’on tente
de leur enseigner. Selon la conception phénoménologique, l’éducateur ne
peut influencer les visiteurs de façon importante ni prévisible si ceux-ci sont
libres de leur fonctionnement parce que leurs réactions, déterminées par des
connaissances et des expériences différentes, forment en quelque sorte une
série infinie.
Toute intervention pédagogique basée sur l’une ou l’autre de ces concep-
tions doit contraindre le visiteur. Une intervention d’inspiration behavioriste
contraint le visiteur en vertu du rôle prêté à l’éducateur, une intervention
d’inspiration phénoménologique, pour gérer l’exubérance du visiteur. Dans
les deux cas, l’intervention va à l’encontre de la situation muséale et des
désirs du visiteur (au moins, de ceux du visiteur adulte, comme l’a observé
Dufresne-Tassé, 1990).
Ce problème a des causes différentes dans les deux approches. Dans
l’approche behavioriste, il tient à la place centrale accordée à un sous-
256 INTRODUCTION

produit du fonctionnement global du visiteur, l’apprentissage, plutôt qu’au


fonctionnement lui-même. Dans l’approche phénoménologique, il tient à
l’importance accordée au contenu de l’expérience du visiteur plutôt qu’à sa
structure.
Si, comme l’a observé Dufresne-Tassé (1990), un fonctionnement psycho-
logique harmonieux et productif s’avère le bénéfice le plus important d’une
visite au musée, du moins pour un adulte, il n’est plus nécessaire de con-
traindre le visiteur à réaliser des séries d’apprentissages. Si l’on ramène
l’expérience du visiteur à sa structure, à des activités comme décrire,
structurer, interpréter (voir A. Weltzl-Fairchild) ou à des opérations comme
identifier, saisir, évaluer (voir C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli et
E. Chamberland), cette expérience peut être délimitée et prévue. Une
approche globale et structurale du fonctionnement du visiteur semble donc
une conception de rechange intéressante pour l’éducation muséale.

L’expérience du visiteur, un élément dynamisant pour le musée

On a vu que l’intervention éducative ne saurait se limiter à supporter le


fonctionnement du visiteur. Tout en respectant les capacités et les besoins de
celui-ci, elle doit créer une tension. La création de cette tension est possible
parce que l’institution muséale regroupe une série d’experts dont la fonction
est de formuler les multiples significations que possèdent les objets de ses
collections (Prince, 1985). Cette expertise multiforme suppose une recherche
incessante et originale sur les objets à acquérir et à conserver, sur la façon
de les préserver et de les interpréter. Comme le montre Pearce (1985, 1986a,
1986b, 1986c) dans son étude du travail du conservateur, la recherche
muséale est une recherche originale, du fait qu’elle porte avant tout sur des
objets.
L’éducation est la synthèse des résultats de cette recherche. L’utilisation
de cette synthèse est au profit du public visiteur, de ceux qui ont participé
à son élaboration et des institutions avec lesquelles le musée est en rapport.
L’éducation ne saurait donc se substituer aux autres fonctions du musée.
Elle ne peut que profiter de leur vitalité.

RÉFÉRENCES

Blum, A. (1946). Le Louvre, du Palais au musée. Genève-Paris-Montréal:


Éditions du milieu du monde.
Bourdieu, P. (1979). La distinction, critique sociale du jugement. Paris: Les
Éditions de Minuit.
Bourdieu, P. et Darbel, A. (1969). L’amour de l’art: les musées européens et
leur public. Paris: Les Éditions de Minuit.
Boissan, J. et Hitier, G. (1982). La vulgarisation dans les musées scientifiques:
résultats d’une enquête au Palais de la Découverte. Revue française de
pédagogie, 61, 29–44.
INTRODUCTION 257

Carr, D. (1985). Self-directed learning in cultural institutions. In S. Brookfield


(Ed.), Self-directed learning: From theory to practice (New Directions for
Continuing Education No. 25) (pp. 51–61). San Francisco: Jossey-Bass.
Dufresne-Tassé, C. (1990, novembre). Approches didactiques et âge des visiteurs.
Communication présentée au colloque “À propos des approches didactiques au
musée,” Montréal.
Falk, J.H., & Balling, J.D. (1982). The field trip milieu: Learning and behavior
as a function of contextual events. Journal of Educational Research, 76,
22–38.
Hooper-Greenhill, E. (1983). Some basic principles and issues relating to
museum education. Museums Journal, 83, 151–156.
Lewis, B.N. (1980). The museum as an educational facility. Museums Journal,
80, 151–155.
Miles, R.S., Alt, M.B., Gosling, D.C., Lewis, B.N., & Tout, A.F. (1982). The
design of educational exhibits. London: George Allen and Unwin.
Pearce, S. (1985). Thinking about things. Museums Journal, 85, 198–201.
Pearce, S. (1986a). Objects, high and low. Museums Journal, 86, 79–82.
Pearce, S. (1986b). Objects as signs and symbols. Museums Journal, 86, 131–
135.
Pearce, S. (1986c). Objects in structures. Museums Journal, 86, 178–181.
Prince, D.R. (1985). The museum as dreamland. International Journal of
Museum Management and Curatorship, 4, 243–251.
Veron, E. et Levasseur, M. (1983). Ethnographie de l’exposition: l’espace, le
corps, le sens. Paris: B.P.I./Centre Pompidou.
Sur les finalités
de l’utilisation pédagogique des musées

Pierre Ansart
université paris VII

La pédagogie muséale vise, entre autres, à ouvrir le musée à tous les enfants afin
de leur faire découvrir des univers différents sur le mode actif. Mais la finalité
sur laquelle cet article s’attarde est celle qui consiste à former la sensibilité de
l’enfant. Ainsi, l’auteur montre comment une visite au musée bien réalisée peut
contribuer à développer chez l’enfant des sentiments positifs à l’égard des objets
présentés et, plus largement, à l’égard du monde humain présenté. Le musée peut
en outre favoriser le développement d’attitudes affectives par rapport au temps de
même qu’il peut aider à façonner des identités individuelles et collectives.
Finalement, la didactique muséale initie l’enfant à l’autodiscipline dans le plaisir
en lui apprenant simultanément à être actif au musée et à respecter les objets qui
s’y trouvent.

Museum education seeks to open up the museum to children, inviting them to


discover whole new worlds. Among the objectives of museum education, I wish
particularly to consider the formation of children’s sensibilities. A well-planned
museum visit encourages children to have positive feelings for objects seen, and
more broadly speaking, to acquire a sense of what it is to be human. The
museum may also promote certain attitudes to time, and to identity, whether
collective or individual. In short, museum education initiates children into
pleasurable self-discipline, helping them to be active while in the museum and to
respect the objects found there.

Ce sont assurément les spécialistes de muséologie, qu’ils soient enseignants,


conservateurs ou responsables de services éducatifs dans les musées, qui
sont les mieux à même de réfléchir sur les finalités de l’utilisation péda-
gogique des musées et d’en analyser les difficultés de réalisation et, par là,
d’en mesurer l’applicabilité.
Néanmoins, s’agissant des finalités de la muséologie dans leur généralité,
il n’est pas paradoxal de penser que tout citoyen, intéressé par les questions
de la culture, peut valablement être consulté sur un tel sujet. Le musée est,
en effet, un lieu éminent de la culture, ce lieu où se réalisent de multiples
choix et projets hautement significatifs, et un relai permanent de significa-
tions culturelles. À ce niveau, tout citoyen, soucieux de la culture et s’inter-
rogeant sur la diffusion des savoirs et des images, est concerné par les
musées et par les modèles didactiques d’utilisation des musées. C’est donc

258 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


FINALITÉS DES MUSÉES 259

à ce titre, en tant qu’amateur éclairé que j’interviens sur ce vaste sujet, et


sans prétendre solliciter la compétence des muséologues.
De plus, le regard sociologique, attentif à observer les pratiques sociales
et les comportements de fréquentation, peut apporter quelques insistances
utiles en la matière, même s’il ne s’agit là que d’une entrée parmi d’autres
approches. C’est donc à ce double titre d’amateur des musées et de socio-
logue que je proposerai quelques réflexions sur la didactique muséale.
À la fin du mois d’octobre 1985, s’est déroulé à l’Université du Québec
à Montréal un colloque sur Les modèles didactiques d’utilisation des
musées. Ce fut un lieu de débats, d’échanges entre conservateurs et ensei-
gnants, entre éducateurs de musée et historiens d’art, et tous, selon leur
propre perspective, ont nécessairement rencontré, directement ou indirecte-
ment, cette question permanente—et, en quelque sorte, préliminaire—des
finalités, des buts généraux, des raisons d’être des utilisations des musées
par les élèves du primaire et du secondaire. Depuis cette date, les actes de
ce colloque ont été publiés (Racette, 1986); ils contiennent quelque trente
interventions qui ouvrent de nombreuses pistes de réflexion, posent des
problèmes ou exposent directement des modèles didactiques. On trouvera
dans ce volume les matériaux d’une large réflexion sur les finalités des
didactiques muséales. J’avais été invité alors à réfléchir sur ce thème: je
souhaiterais reprendre ici certaines réflexions que j’avais alors exposées et
profiter de l’occasion qui m’est offerte pour les poursuivre.
André Lefebvre, dans l’intervention qu’il avait faite au cours de ce
colloque, avait mis en relief les Difficultés de la pédagogie muséale. Dif-
ficultés multiples, en effet, et dont certaines apparaissent clairement si l’on
confronte cette pédagogie muséale et la fréquentation effective des
musées. . . . Si l’on confronte les finalités de cette pédagogie et le contexte
social qui est celui des enfants d’aujourd’hui. De ce point de vue, les
finalités de la pédagogie muséale ont bien un véritable caractère polémi-
que—au meilleur sens du terme; elles ont une vocation culturelle spécifique.
Dans l’intervention que j’avais proposée lors de ce colloque, j’avais pris
pour point de départ les simples constats de la fréquentation des musées.
C’est, en effet, ce que les sociologues ont le mieux étudié et analysé: qui
visite les différents musées? Comment? Avec quelles fréquences et durées?
Dans quelles conditions?
Or ce que nous vérifions dans toutes les enquêtes de ce genre, que ce soit
en Europe ou dans les Amériques, c’est combien cette fréquentation des
musées est inégale selon les milieux sociaux, selon les niveaux culturels,
selon les classes sociales. L’enquête de Pierre Bourdieu, en France, publiée
sous le titre L’amour de l’art était tout à fait éclairante sur ce point (Bour-
dieu et Darbel, 1966).
C’est pourquoi le simple fait d’ouvrir le musée aux enfants, c’est-à-dire
à tous les enfants (et c’est au principe même des pédagogies muséales)
s’inscrit dans une véritable action culturelle.
260 PIERRE ANSART

Ce simple projet—de faire découvrir l’univers des musées aux élèves—


est bien, malgré son apparente évidence, un projet qui va à contre-courant de
la réalité quotidienne. Nous entraînons les enfants là où nombre de parents
ne vont pas ou même refusent d’aller. Et, en cela, nous pourrions dire que
nous défendons une cause que nous croyons bonne, une sorte d’idéologie—
au sens positif du terme—, si nous entendons par là un système de valeurs
et de finalités pratiques, une vision des fins, pouvant dépasser la réalité et
ses limites.
Nous militons, pourrait-on dire, pour le droit au musée, pour que les
élèves, tous les élèves, aient le droit d’entrer effectivement dans ces lieux
étranges, comme peuvent le faire les privilégiés de la culture, les détenteurs
de capital culturel, comme disent les sociologues.
Et, comme nous savons bien qu’en atteignant les enfants, nous atteignons
aussi les parents, les familles, nous préparons ainsi une diffusion, une
extension, de la fréquentation des musées—les didacticiens en muséologie
oeuvrent pour que les musées entrent dans la vie quotidienne future—pour
que la fréquentation des oeuvres d’art, des oeuvres scientifiques, techniques,
cesse d’être exceptionnelle et pour qu’elle devienne l’une des formes de la
vie quotidienne de demain.
D’autre part, la pédagogie muséale vise à faire découvrir des univers
différents, des mondes éloignés ou très éloignés de l’expérience dans le
temps et dans l’espace: faire découvrir les arts ou les techniques de la Chine
ancienne ou de la Nouvelle France. Cette multiplication des découvertes est
encore plus étendue qu’elle ne l’était voici trente ans; de nouveaux thèmes
de musées ont été élaborés et permettent de faire découvrir des personnages
du passé, des moments ou des évolutions historiques, des sciences, des
techniques, des costumes, des arts dits populaires. Ces musées nous en-
traînent en de multiples univers-autres.
On pourrait dire que les médias actuels (et le cinéma) font aussi découvrir
aux enfants des sociétés lointaines, des arts ou des modes de vie d’autrefois.
Mais, là encore, la finalité de l’utilisation des musées va à contre-courant;
elle se différencie de cette consommation médiatique et peut y rencontrer
plutôt un véritable obstacle. Car, si l’enfant est habitué par le cinéma ou la
télévision à voir un temple grec ou une technique agricole du XVIIIème
siècle, c’est en tant que consommateur d’images, spectateur passif et docile,
habitué à subir le défilé des images faciles et rapidement oubliées.
La découverte pédagogique du musée s’inscrit dans une relation profondé-
ment différente: dans un rapport actif, mobile, personnel. Il est dans la
logique de l’utilisation du musée de placer l’enfant dans une démarche
active, de lui permettre de comprendre et de voir par lui-même, de s’interro-
ger et de poser de nouvelles questions.
Les modèles didactiques ont ainsi à lutter contre des habitudes de con-
sommation journellement renouvelées. Apprendre non seulement à voir, mais
bien à regarder, à s’arrêter, à s’interroger sur ces objets éventuellement
insolites, à faire de cet objet le point de départ d’un cheminement dans
FINALITÉS DES MUSÉES 261

l’imaginaire. L’objet de musée, qu’il s’agisse d’une oeuvre d’art ou d’un


attelage au Musée du Cheval à Chantilly, est éminemment propice à ces
voyages imaginaires en ce qu’il exclut son usage direct, son maniement et
sa destruction. L’objet impose distance, il rompt la fonctionnalité commune,
et tout l’art de la présentation, de l’exhibition, participe à cette mise en
oeuvre de l’imaginaire et à son enrichissement.
Il s’agit bien de faire découvrir des univers, d’autres univers, de faire
accomplir des voyages imaginaires, mais sur le mode actif, sur le mode de
la découverte et de la démarche personnelles. Et en cela des méthodes
didactiques élaborées sont indispensables pour faire accomplir ces ruptures
par rapport à la passivité habituelle.
La troisième finalité que je souhaiterais évoquer est celle qui est souvent
exprimée dans les déclarations d’intention lorsque l’on souligne que les
didactiques muséales visent à éduquer, à former la sensibilité des enfants. Et
nous souhaitons, en effet, par les visites des musées, communiquer à l’enfant
de nouvelles émotions, face à une architecture, face à un instrument du
travail rural d’autrefois, face à une poterie antique.
Et c’est bien, en effet, ce qui se produit au cours de ces découvertes des
musées (ou en dehors des pratiques organisées, bien entendu); nous voyons
tel enfant s’extasier, être comme fasciné par la nouveauté, par l’énormité,
par l’étrangeté de telle machine, de telle oeuvre d’art, ou par le caractère
insolite d’une sculpture moderne. Dans son intervention au colloque de
1985, Geneviève Racette donnait d’admirables exemples de ces cris, de ces
émotions d’enfants devant tel objet ou tel monument (Racette, 1986).
Et c’est sur cette dernière finalité—que l’on peut qualifier d’affective—
que je voudrais maintenant m’attarder, sans prétendre épuiser un sujet aussi
complexe, mais seulement pour poser quelques jalons pour la réflexion.
Retenons tout d’abord que les musées d’aujourd’hui (si éloignés des
sombres galeries d’autrefois) ont aussi pour but majeur de susciter des
émotions positives. C’est bien l’un des buts essentiels de tous ces efforts
faits pour rendre les musées plus agréables, plus confortables, plus sédui-
sants. C’est bien du plaisir qu’il s’agit et l’on vise à susciter tous les plaisirs
esthétiques et intellectuels.
Et, s’agissant de pédagogies muséales, c’est bien le plaisir, l’émotion
heureuse que l’on cherche à susciter, même si d’autres fins, plus cognitives,
sont aussi poursuivies. Mais nous pouvons valablement supposer qu’en
communiquant ces émotions ponctuelles, nous favorisons aussi la formation
de la sensibilité de l’enfant. Nous pouvons supposer que nous participons à
la formation d’attitudes affectives qui auront quelque prolongement dans la
vie de l’enfant devenu adulte, dans la formation de ce que certaines socio-
logues appellent, d’un vieux mot latin, l’Habitus, système de connaissance
et de perception, mais aussi système d’attitudes affectives que l’adulte
reproduira, en quelque sorte inconsciemment, dans les situations nouvelles
qu’il rencontrera.
262 PIERRE ANSART

Ce terme d’Habitus est surtout utilisé par Pierre Bourdieu pour désigner
les systèmes de perception et de pensée que nous acquérons de façon
informelle dans l’enfance et qui est propre, selon cet auteur, à chaque classe
sociale. L’enfant des milieux populaires acquiert tout un ensemble de
manières d’être et d’agir, différent des manières d’être et d’agir de l’enfant
élevé dans un milieu bourgeois.
Ce n’est pas ici le lieu de discuter les thèses de Pierre Bourdieu, mais
nous pouvons très librement reprendre cette idée d’Habitus en l’appliquant
aux attitudes affectives et réfléchir sur ces manières de sentir, d’éprouver et
de réagir, qui sont largement répandues dans un groupe social. Nous prenons
vivement conscience de ces sensibilités collectives lorsque nous découvrons,
en d’autres sociétés que la nôtre, des réactions ou des sentiments qui
heurtent notre sensibilité. Nous pouvons ainsi, avec bien des nuances et des
subtilités, repérer dans notre milieu social, une sensibilité commune, un
ensemble d’attitudes affectives qui nous portent à aimer, à tolérer, à nous
indigner de façons relativement comparables et compatibles. Toute culture
transmet ainsi un ensemble organisé d’attitudes affectives: attachement
à . . ., respect de . . ., hostilité contre. . . . Assurément, les sociétés d’autre-
fois, les sociétés sans écriture transmettaient des habitus affectifs plus
homogènes, beaucoup moins diversifiés que ceux de nos sociétés plurielles
et hétérogènes.
Or l’une des leçons essentielles de Freud fut précisément de montrer
combien le contexte affectif, combien les expériences émotionnelles dans
lesquels l’enfant se développe—durant les dix premières années de sa vie—
sont essentielles, déterminantes, pour son développement intérieur; et com-
bien les traumatismes subis pendant l’enfance marquent la totalité de la per-
sonne, et qu’au contraire, un contexte affectif équilibré fournit à l’enfant les
meilleures conditions pour son équilibre ultérieur.
Ce bref détour par la sociologie et la psychanalyse nous permet de nous
rappeler combien importent ces expériences affectives initiales, ces contextes
relationnels et affectifs de l’enfance. Il nous rappelle toute l’importance de
cette formation progressive de la sensibilité. Or la pédagogie muséale a aussi
pour finalité de procurer à l’enfant des expériences émotionnelles positives,
des moments heureux—ou, à tout le moins d’agrément et de plaisir—et, si
possible et pour certains, des moments d’émerveillement. Disons, d’un mot,
que l’utilisation du musée vise (aussi et parmi d’autres finalités, bien
entendu) à procurer des plaisirs, et, par là, à favoriser des attachements; elle
tend à faire apprécier, à faire aimer.
Que les moyens didactiques de qualité visent bien à réaliser cette finalité,
tendent à favoriser les attachements, à faire aimer . . . j’en prendrai pour
preuve le guide pédagogique, pour visiter le Musée historique de l’Ile
Sainte-Hélène, édité par Michel Allard et Suzanne Boucher (Allard et
Boucher, 1988). Il s’agit, assurément, par ce guide, de faire connaître,
d’éveiller la curiosité, de développer des connaissances, mais ce n’est pas
cet aspect cognitif que j’ai choisi de souligner. Ce que je voudrais mettre en
FINALITÉS DES MUSÉES 263

relief c’est bien cette orientation des textes et des images qui tend à favo-
riser la formation des sentiments—de sentiments positifs à l’égard des objets
présentés, à l’égard des exhibits, et, plus largement, à l’égard du monde
humain présenté.
En reprenant très librement les métaphores de la psychanalyste Mélanie
Klein, on pourrait dire que le guide pédagogique vise à faire aimer, à faire
intérioriser de bons objets. Dans ce vocabulaire, le terme d’objet doit, certes,
être pris dans un sens très général et métaphorique. On dira que la mère doit
être pour l’enfant un bon objet et qu’il est urgent que les premières expé-
riences de l’enfant soient affectivement positives et marquées par cette
intériorisation du bon objet. Mais l’on peut, je pense, reprendre cette indica-
tion,—sur le cas, certes, moins décisif pour l’enfant qu’est l’apprentissage
muséal—et dire que le guide vise à faire, des objets du musée, de bons
objets à admirer, à aimer, à intérioriser.
Dans le cas présent, les sentiments positifs que l’on vise à susciter sont
d’autant plus importants qu’il s’agit de la question des origines (d’où
venons-nous?). On sait combien les mythes et les idéologies ont répondu de
façon enchantée à ce problème de l’origine (nous sommes fils de la Terre dit
un mythe—fils de Dieu dit la religion—ou descendants des Gaulois, pour
une idéologie nationale). Mais nous savons aussi combien la bonne réponse
est essentielle pour chacun, essentielle pour l’équilibre, pour la confiance en
soi, pour la constitution de la bonne image de soi.
Ce guide vise bien à réaliser cette finalité: donner à l’enfant une bonne
image de sa propre origine historique, image poétique et conciliée, et, par là,
une bonne image de soi. Le titre même est significatif de la réalisation de
cette finalité: La descouverture du chemin qui marche, titre qui contient à la
fois la poésie de l’étrangeté rendue familière (la descouverture), la poésie de
l’image du chemin—mais dont l’enfant saura qu’il s’agit de l’appellation du
fleuve Saint-Laurent par les Amérindiens; titre qui annonce la rencontre
entre les Amérindiens et les nouveaux arrivants, sur le mode de la concilia-
tion.
Et tout au long de ces pages, ces objets, ces traces, vont s’animer, être
rendus significatifs, étranges mais compréhensibles, différents et familiers,
rendus aimables. Ce guide illustre bien, me semble-t-il, cette finalité affec-
tive dans ce domaine si important qu’est la conciliation avec la propre
origine. Et, peut-être, est-ce l’un des devoirs des adultes que de donner à
l’enfant une bonne image de son origine?
Une autre dimension de cette formation de la sensibilité concerne ce que
nous pourrions appeler l’appréhension affective du temps.
Là encore, nous pouvons dire que chaque culture inculque, de façon
explicite et, plus encore, de manière implicite, un ensemble d’attitudes
affectives par rapport au passé, au présent et au futur. Des religions pou-
vaient favoriser une attitude positive à l’égard d’un futur lointain de parousie
et de réconciliation universelle. Les philosophies du progrès participaient à
la formation d’une sensibilité très optimiste à l’égard du futur et dévaluatrice
264 PIERRE ANSART

à l’égard du passé. Récemment, nous avons entendu de multiples discours


alarmistes qui annonçaient la catastrophe nucléaire, la crise mondiale ou les
désastres de la pollution. Ainsi ne cessent de se former des attitudes heu-
reuses ou angoissées à l’égard du passé et du futur.
Les musées ne cessent d’évoquer le temps. La plupart évoquent le passé,
les oeuvres ou les objets familiers des temps passés; d’autres, moins nom-
breux, évoquent le futur par le biais des possibilités scientifiques ou tech-
niques.
Dans cette éducation des sensibilités face au temps, le musée peut avoir
des fonctions importantes. Certes, le musée peut contribuer à faire compren-
dre les successions et les chronologies, mais il peut aussi contribuer à former
les attitudes affectives par rapport au temps et aux temporalités.
On pourrait dire, d’un mot, que les musées apprennent à aimer le passé.
Ils rendent intéressant, rassurant aussi pour l’enfant, ce passé où les hu-
mains, peut-être ses ancêtres, ont produit, inventé, surmonté des défis. On
peut dire que chaque visite au musée réactive en nous notre intérêt pour les
oeuvres du passé. Mais il ne s’agit pas seulement d’amener l’enfant à
reconnaître des fragments du passé, il s’agit de lui permettre d’apprivoiser
le temps, de charger de positivité son rapport au passé avec toutes les
conséquences multiples de cette attitude rassurée et positive.
Et, de même, de façon peut-être volontariste, les musées de sciences et de
techniques visent à concilier l’enfant avec son futur, à lui procurer une
attitude de curiosité positive vis-à-vis des pouvoirs et des possibilités
humaines. Et, à travers ces éducations informelles, sont évidemment en
question les attitudes existentielles de chacun, et l’aptitude au bonheur.
Nous touchons aussi, et inéluctablement, à la question des identités
individuelles et collectives. S’agissant des identités individuelles, la péda-
gogie muséale y participe nécessairement par le biais des identifications
qu’elle suscite. On le voit, par exemple, dans notre guide pédagogique qui
met en scène deux personnages imaginaires (Alexis Hébert et Rosalie
Fontaine) auxquels les garçons et les filles ne manqueront pas de s’identifier
provisoirement. Il s’agira bien d’identifications positives à des personnages
qualifiés sympathiquement. Il s’agit ici, et de façon particulièrement claire
puisqu’il s’agit d’un musée historique, d’amener l’enfant à faire des expé-
riences identificatoires positives, et, dans une certaine mesure structu-
rantes—de l’aider, de façon, certes limitée, mais dont nous ne saurions
mesurer toutes les conséquences, proches ou lointaines—à se former une
identité favorable, à parvenir à la constitution d’une bonne image de soi.
Du point de vue des identités collectives, il est clair que ce guide pédago-
gique y contribue aussi, non de façon ostentatoire, mais sur le mode familier
et, pourrait-on dire, convivial. Il s’agit de découvrir d’autres usages de la
Nouvelle France et les enfants vont renforcer ce référent commun que sera
leur connaissance, leur familiarité positive avec la Nouvelle France.
Nous rappelions au début de ce texte que la fréquentation des musées est
une pratique très inégalement répartie dans nos sociétés; elle reste une
FINALITÉS DES MUSÉES 265

pratique distinctive. Et, en amenant tous les enfants à utiliser les musées,
nous allons à l’encontre de ces différenciations, nous leur donnons à tous
une pratique commune.
Nous favorisons la formation de référents communs, de souvenirs com-
muns, mais aussi de goûts communs. La visite du musée prend place dans
cette formation délicate et surtout informelle qu’est la formation du goût.
Nous favorisons la formation de goûts communs qui favoriseront les sociali-
tés, les complicités et les ententes tacites.
Cependant, si nous favorisons la formation d’une communauté de sensibi-
lité, il ne s’agira pas d’une identité simple inculquée à des sujets passifs. Le
lieu même du musée, par la variété de ses objets favorise la diversité des
intérêts. Le guide est aussi construit pour réaliser cette finalité; on peut
prévoir que certains garçons seront plus sensibles à tels exhibits, que
certaines filles le seront à d’autres, et que se formeront des petits groupes
aux réactions différentes. Ainsi la formation d’une sensibilité commune
permet aussi à chacun de réagir personnellement et conduit donc à l’enri-
chissement des sensibilités individuelles.
Au-delà de l’éducation des attachements et des identités, une troisième
dimension affective pourrait être évoquée, celle qui concerne l’éducation du
rapport actif et à son contrôle. En effet, la didactique muséale insiste sur
l’activité de l’enfant, elle insiste sur la découverte et sur le cheminement,
mais en lui apprenant simultanément à contenir son action par le respect des
objets.
Notre guide pédagogique le rappelle à plusieurs reprises: ‘‘—Sois prudent
et manipule les objets avec grand soin’’ (Allard et Boucher, 1988, p. 47 et
suivantes).
Cette invite est riche d’implications: elle rappelle que l’objet de musée est
bien particulier. Ce n’est pas un objet jetable; ce n’est pas une marchandise
qu’on achète et qu’on jette après usage. C’est un objet exceptionnel que l’on
a décidé de conserver et de protéger, d’arracher au temps et à l’usure, qui
est, à des degrés divers, précieux.
‘‘—Sois prudent . . .,’’ c’est-à-dire respecte les objets (et, implicitement,
respecte les significations qu’ils incarnent), ne te laisse pas aller à tes
mouvements impulsifs, à tes curiosités incontrôlées. Il y a des choses qu’il
faut savoir respecter, il y a des gestes impulsifs qu’il ne faut pas avoir.
L’objet d’art, de science ou de technique, est là pour être admiré, aimé, à
condition d’une autodiscipline.
Et, certes, le musée n’est pas le seul lieu où s’apprend le respect, le
contrôle de soi, l’autodiscipline. Mais le musée procure un ensemble de
situations différentes puisqu’il s’agit de respecter au sein d’une expérience
d’agrément, au sein d’une expérience hédoniste, de mêler le contrôle au
plaisir, le respect à la satisfaction. Il s’agit, en quelque sorte, d’introduire
l’autodiscipline dans le plaisir, ce qui est, pourrait-on dire l’enfance de l’art
et une éducation du plaisir.
266 PIERRE ANSART

Enfin, on peut ajouter que ces expériences, si elle sont réussies, pourraient
être, pour beaucoup, des sources de satisfactions futures. Si ces expériences
réussissent à fournir des occasions de plaisir, on peut prévoir que beaucoup
les retrouveront plus tard, et les renouvelleront avec d’autant plus de facilité
qu’ils retrouveront des satisfactions familières et déjà ressenties. Ainsi leur
aura-t-on créé aussi une mémoire heureuse pour leurs lendemains.

RÉFÉRENCES

Allard, M. et Boucher, S. (1988). La descouverture du chemin qui marche.


Montréal: Les éditions Noir sur Blanc.
Bourdieu, P. et Darbel, A. (1966). L’amour de l’art: les musées et leur public.
Paris: Éditions de Minuit.
Racette, G. (dir.) (1986). Musée et éducation: modèles didactiques d’utilisation
des musées. Montréal: Société des musées québécois.

Pierre Ansart est professeur à l’U.F.R. Didactique des disciplines et à l’U.F.R. de


Sciences Sociales, Université Paris VII, 2 place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05.
Describing Aesthetic Experience:
Creating a Model
Andrea Weltzl Fairchild
concordia university

As part of a large research project on visitors’ response to and benefits from


museum experiences, this study considered different paradigms of aesthetic
experience. Applying various models, it analyzed transcripts of adults’ remarks
during their visit to a fine arts museum. Three of the models are empirical, and
two come from a developmental perspective. Research shows that age and
exposure to art are significant factors in aesthetic response. A fourth, theoretical
model charts individuals’ sequences of responses. Having assessed these models,
I propose an alternative model that incorporates some features of the theoretical
model into the empirically constructed ones.

S’inscrivant dans une vaste recherche sur la réaction des visiteurs à des expé-
riences muséales et les avantages qu’ils en retirent, cette étude a porté sur divers
paradigmes d’expérience esthétique. À l’aide de divers modèles, j’ai analysé les
propos d’adultes en visite dans un musée des beaux-arts. Trois des modèles sont
empiriques et deux sont issus d’une perspective développementale. La recherche
démontre que l’âge et les contacts avec l’art jouent un rôle important dans la
réponse esthétique. Un quatrième modèle, théorique, permet d’établir les
séquences de réponses des visiteurs. Après avoir évalué ces modèles, j’en
propose un autre, qui intègre certaines caractéristiques du modèle théorique.

Recently, art educationists have shown interest in revising the art curriculum
in Quebec (ministère de l’Éducation du Québec, 1981), in the United States
(Beyond Creating: A Place For Art in America’s Schools, 1985), and in the
British Isles (The Arts in the Schools, 1982). These proposals call for an
extended art curriculum including art history and aesthetics as well as art
making.
Earlier research in art education emphasized development as shown in
children’s drawing and painting. Lowenfeld (1947) proposed stages of
graphic development linked to Piaget’s stages of cognitive development.
However, not much research has been carried out on how people respond to
works of art. A more recent conception of art teaching relies on new models
of curricula and new models of behaviour: specifically, art curricula should
embody not only the model of working artist but also that of art historian,
art critic, and aesthetician. This is referred to as ‘‘Discipline Based Art
Education’’ in the United States (Smith, 1989). This recent shift of emphasis

267 CANADIAN JOURNAL OF EDUCATION 16:3 (1991)


268 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

to responding to art as well as to art making, raises the questions of what


constitutes an aesthetic experience, whether there is a similar developmental
sequence in aesthetic response as in graphic development, and what the
factors are that influence change when it occurs.
During research on adult visitors’ responses in different museum settings,
I had access to transcripts of adults’ remarks during their visits to the
Montreal Museum of Fine Arts. These data contributed to the attainment of
one of the goals outlined above—to investigate the constituents of an
aesthetic experience. The aim of this paper is to review models of aesthetic
experience in the literature, to assess the application of these models to this
research, and to propose an alternative model based on the results of the
assessment.

PARSONS’ MODEL

For some time, Parsons (1986) has been trying to account developmentally
for viewers’ aesthetic responses, but without leaning too heavily on Piaget’s
cognitive theory or on Kohlberg’s moral development theory. He proposes
that the arts are sui generis and do not need another discipline to explain
them. He bases his theory on the writings of such philosophers as Habermas,
who has suggested that each of moral, empirical, and aesthetic areas consti-
tutes a domain with its own developmental history. Parsons states that his
aesthetic model is normatively oriented, each response level showing an
understanding of art that is ‘‘of increasing adequacy’’ (p. 109). He defines an
aesthetic response as one in which cognition and emotion are ‘‘intricately
related’’ (p. 108). However, he has chosen to emphasize cognition because
‘‘cognitions give shape to emotions and for that reason are the better focus
for developmental analysis’’ (p. 108). Parsons also uses cognition to mean
a kind of thinking in the arts different from the empirical or scientific
cognition of Piaget. He does not define an aesthetic response in its totality;
he is concerned to elicit responses to selected topics he thinks important in
aesthetic experience.
Parsons interviewed children in grades 1 to 12, questioning them on
these selected topics. Their responses were then analyzed according to sense
units and assigned to certain developmental levels. The topics he investi-
gated were Semblance, Subject Matter, Feelings, Colour, Artist’s Properties,
and Judgement. Based on this material, he identified five stages of aesthetic
development:

Favouritism, where paintings are experienced as direct stimuli of pleasure,


particularly their colour and subject matter.
Subject, where realism of the subject is the important consideration. Certain
subjects are rejected on idiosyncratic moral grounds.
Expression, where paintings are understood as metaphors for ideas and emotions
and are valued for the emotions they inspire. A distinction is made between the
viewer’s feelings and those in the painting.
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 269

Medium/form/style, where consideration of the artist’s intent is important. Style


is a carrier of historical thought and feeling and has public significance. Knowl-
edge of these is more important than the feelings evoked.
Judgment, where the personal meaning a painting elicits is weighed within the
tradition to which it belongs. This is an ongoing process of testing the values of
society and those of the viewer.

It was not possible to use those categories since the material collected at
the Montreal Museum of Fine Arts was gathered in a non-interventionist
way, and since some of them were not broached by the visitors. Also, his
research was developmental and so lies somewhat outside the aim of this
study. Nevertheless, Parsons’ research has opened new avenues for thinking
about aesthetic response and has proved valuable in developing a philosoph-
ical-psychological theory. In this study, his model is used to develop
categories of thought about aesthetic experience.

HOUSEN’S MODEL

Housen (1983) was dissatisfied with the methodologies of previous


researchers as they used preselected questions on issues the researcher found
interesting or relevant while ignoring other data. Thus she used a stream-of-
consciousness interview technique designed to elicit the totality of the
participant’s aesthetic experience, hoping that spontaneous affective and
cognitive categories would emerge. Housen developed a scoring manual for
aesthetic response based on the categories that emerged during her research.
She identified 9 domains, that is, modes of response, and 62 issues indicat-
ing either a different topic or a different level of complexity of response
within a domain.
In her study, participants aged from 14 to 62 years were asked to
respond freely and to associate ideas while they looked at reproductions of
art works. These responses were analyzed to identify categories of thought
that would reveal the complex and multiple levels of response ‘‘within the
context of a growing and developing mind’’ (p. 3). Thus, Housen identified
five stages of aesthetic development:

1. Accountive. The viewer is egocentric. (Deals with what is in the work of art.)
2. Constructive. The viewer is aware of language of art but has no theoretical
framework. (Interest is in how it was made.)
3. Classifying. The viewer has theory and decodes according to knowledge.
(Deals with who and why.)
4. Reflective. The viewer searches for symbols to support emotional reactions.
(Deals with the self in relation to art work.)
5. Re-creative. The viewer integrates all previous levels. (Searches for problems
and offers own solution.)
270 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

TABLE 1
Housen’s Model*

Domains Issues
Observation 1. randomly of objects, colour, and people
2. generally of colours, sizes
3. of reality based on personal criteria
4. of photographic realism
5. of similar groups
6. of particular aspects of things
7. of formal elements, and placement
8. of relationships between formal elements
9. of cognitive effect on viewer
10. of affective effect on viewer
11. of animism in the work
12. of junction of affect in viewer and work
Preference 1. based on general preference
2. based on random preference
3. based on idiosyncratic criteria
4. based on skill, technique
5. based on the interrelation of formal elements
6. based on meaning or concept in work
7. based on viewer satisfaction with formal elements
Association 1. random, idiosyncratic
2. personal recollection
3. personal aesthetic history
4. public domain
5. with art history facts
6. feelings in viewer’s past
7. universal feelings
8. universal conditions
9. “in-dwelling” state
10. empathy with work/identification
Evaluation Based on criteria that are:
1. personal and idiosyncratic
2. related to proficiency of artist
3. related to a single formal element
4. related to interaction of several formal elements
5. of meaning of the work
6. of emotional response to work
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 271

TABLE 1 (continued)
Domains Issues
Comprehension 1. positive and negative comments about self-worth
2. positive and negative comments about
understanding
Questioning 1. about presence or absence of elements
2. about technique of artist
3. about function of elements
4. about rhetorical question to listener
5. about progress of interview
6. about underlying message
Assertion 1. about uncontestable personal opinion
2. about perceived reality
3. about a single formal element
4. about formal analysis and summarization
5. about aesthetic history of viewer
6. about meaning of work
7. about what will happen in work
Comparison 1. general, like/unlike, same/different
2. of a single element
3. of several properties of a category
4. of paradoxes or dichotomies
5. complex contrasts
6. work and classifications outside of it
7. different meanings and interpretations
8. of feelings created by different parts of work
Interpretation 1. how the work signifies
2. of significance of objects in work
3. of suppositions about contrasting elements
4. based on integrating metaphoric observations
*Note: Summary of Housen’s scoring manual headings, 1983

When Housen’s scoring manual was used to analyze visitors’ remarks


during their visit to the Montreal Museum of Fine Arts, it was reasonably
easy to place their comments in appropriate domains (see Table 1), as the
deconstruction of the statements is based on a semantical structure. For
example, the comments beginning with ‘‘I see/note . . .’’ belong to the
Observation domain, those starting with ‘‘I like/prefer . . .’’ to the Preference
domain, and so on. However, comments that were not stated in a clear
272 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

grammatical form and which ranged over many concepts and feelings were
hard to classify as to domain or issues. Pulling these types of comments
apart seemed to lose the totality and sense of what was meant by the person
and, it can be contended, was at variance with Housen’s stated intent to
examine the whole of the aesthetic experience.
The scoring manual is open to criticism since it fails to show a phase of
response indicating that the viewer is in a state of identification with the
work of art. In the material I studied, this state is marked by pauses, diffi-
culty in finding the right words, and often a feeling of joy. After passing
through this state, the viewer is ready to make statements and ask questions.
An example of this would be:

[silence 12 sec.] Hum! Des petites couleurs claires . . . très joli! . . . Ça donne
. . . euh . . . il me semble que j’entends les sons de cloches de vaches. (Extraits
de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

Here we can see the pause, an observation, an incoherence, and only then a
statement about being present in the work, hearing sounds as well as seeing
forms.
It can be argued that Housen’s five-stage developmental model is
essentially an hierachical one with the implication that the Recreative stage
is the final and best one. In her study, viewers come to terms with feelings
they have about the work, understand the rules of style and form, but feel
free to disregard these rules and to recreate their own versions. Although
only mature viewers, well informed about art, and connaisseurs of museums
achieved this level of response in Housen’s research, this model somehow
misses an important point about aesthetic experience. Although we can only
respond to an art work with the material we bring to the encounter, appar-
ently naïve viewers can also have rich and fulfilling experiences to the
extent of their potential and their openness to art. These viewers do show a
lack of formal knowledge about art and are often painfully aware of this:

Je me demandais que c’est qu’elle faisait là, elle, là, cette toile-là, t’sais . . . c’est
parce qu’il doit y avoir quelque chose, hein? . . . que moi je ne peux pas . . . je
ne peux pas voir, que je ne détecte pas . . . je suis ignorant par rapport à
l’art . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-
arts de Montréal, 1989)

Nonetheless they are experiencing an aesthetic response. By contrast, Housen’s


model tends to support the view that responding to works of art in a meaningful
way is possible only for an educated and knowlegeable élite.

HORNER’S MODEL

Moving away from empirically-defined models of aesthetic experience, we turn


to a theoretical model that describes the different levels of response a viewer
might experience while involved with a work of art. Horner (1988) was
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 273

interested in describing the specific and idiosyncratic response of the individual


rather than in proposing a developmental model. His theory is in the
Post-Modernist tradition that argues that aesthetic experience should focus on
discovering what the viewer brings to the experience as well as what the viewer
can discover about the fixed meanings embedded in the work of art. ‘‘Meaning
does not pre-exist in art works; nor does it pre-exist in a viewer; . . . response
comes to life within the inner image-outer image fusion’’ (p. 4). Horner sought
to trace the experience of the individual person when faced with a work of art;
his is not a normative model. He has developed an eight-phase theoretical model
based on the writings of Husserl (1964) and Winnicott (1971). This model (see
Table 2) differs from others in its stress on a phase of identification with the
work of art in order to achieve a balanced and integrated response.
Horner suggests that the aesthetic experience offers the viewer greater
self-understanding by eliciting personal, subjective, and internal responses. This
is an important step in order to arrive at commitment and involvment with the
work of art. The initial step of this contemplative approach is one of letting
oneself go, of entering into a state of fusion or identification with the art work.
After this has occurred, the viewer is able to reflect on the experience, to recall
issues that were of interest or repugnance, to think about the experience, and to
propose any changes. These comprise the subjective or internal phases. After the
subjective phase is over, the viewer can deal with the art object from an
historical, cultural, or social perspective. But this external phase is grounded
clearly and firmly in an understanding about where the viewer stands emotionally
and psychologically with regard to the work of art.

TABLE 2
Horner’s Model

Internal
Forgetting entering into a fusion/dialogue with art work
Remembering recalling the journey into the work
Reflecting thinking about the whys of the journey
Revealing becoming aware of one’s desires, fears
External
Describing decontextualizing the parts of the work
Structuring noting the patterns of space and time
Interpreting becoming aware of the social discourse
Retro-activating assessing the experience contextually
274 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

Horner’s model of the different levels of aesthetic response is such that


he has suggested that one might be able to plot it onto a theory of human
development, as his model ‘‘makes an implicit proposal that a paradigm of
child development and a paradigm of developmental responding can be
mapped onto each other’’ (p. 5). However, his main concern was to describe
the different phases of the ‘‘responding dialogue.’’ It is important to note
that these phases of response deal with an aesthetic experience in a time-
and-space sequence. A viewer might move through all of these if so
inclined. Thus, the verbalizations are a record of that person’s aesthetic
journey at that particular time. It should also be kept in mind that a person
might make a different journey at different times because of different
choices or circumstances.

DUFRESNE-TASSÉ’S MODEL

As a preliminary step to building a model of aesthetic response, Dufresne-


Tassé’s research team identified certain operations that visitors perform
while talking about their experience while looking at an object.

TABLE 3
Dufresne-Tassé’s Model

Operational verb Cognition Emotion Imagination


to manifest — * *
to note, to state * * *
to identify * — —
to recall * * *
to associate * * *
to compare * * *
to comprehend * * *
to justify, to explain * * *
to resolve problems * — —
to situate oneself * — *
to verify * — *
to evaluate * — *
to suggest improvements,
different usage in museum * * —
* Operation used by the visitor
— Operation not used by the visitor
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 275

These operations are represented by a series of verbs. These verbs, drawn


from the transcripts of what adults said during a museum visit, cover three
domains of the visitor experience: cognition (rationnel), emotion (affectivo-
émotif) and imagination (imaginaire). The domain of cognition is one where
the logical, rational, and cognitive powers of the brain are used; the domain
of feelings and emotions is the affective and emotive one; the domain of
imagination is that of invention, memories, and fantasy—imagination being
the capacity not only to reproduce but also to create new connections. The
grid in Table 3 shows how these operational verbs manifest themselves in
the three domains of fact, feeling, and imagination according to the findings
to date.
It is possible to see similarities between Housen’s categories of thought
and the model of Dufresne-Tassé’s research team. By re-organizing Hou-
sen’s issues as in Table 4, we can see that there is a correspondence, and
points of interest emerge. First, there is great similarity between Dufresne-
Tassé’s operational verbs and Housen’s domains of thought. Second, there
are operational verbs that do not correspond. Unlike Housen’s domains,
Dufresne-Tassé’s verbs can deal with activities in which the viewer is
orienting herself in relation to the work of art and in which other solutions
are being offered to a perceived problem, new links, usages, and elements
are being made, or new insight may perhaps be gained. Third, neither of
these two models gives place to the non-verbal state of identification or
fusion proposed by Horner and found in our transcripts.

TABLE 4
Housen’s Issues Grouped According to Dufresne-Tassé’s Domains

Dufresne-Tassé’s domains
Housen’s domains Cognition Emotion Imagination
Observation 1,2,3,7 4,6,8,9,11 10,12
Preference 4,5 3 1,2,6,7
Association 4,5 1,2,3,9 6,7,8,10
Evaluation 2,3,4 5,1 6
Comprehension 2 — 1
Questioning 1,2,3,4,5 6 —
Assertion 1,3,4,5 2,6,7 —
Comparison 2,3,5 4,6,7 1,8
Interpretation 1,2,3 — 4
Note: Numbers refer to issues within domains identified in Table 1.
276 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

FAIRCHILD’S MODEL

None of the preceding models was suitable for analyzing the research data
from the Montreal Museum of Fine Arts, as some of the subjects’ state-
ments—specifically, those arising from the state of identification discussed
earlier—did not fit. But adding a preliminary state to the model above
resolves much of the disjunction. This preliminary state can be the one
suggested by Horner, where the viewer is in a state of fusion with the work
of art. Often this state is initially non-verbal, then encompasses a searching
for words to express emotions. Table 5 offers an expanded alternative model
for describing the experience of a visitor looking at a work of art, a model
that would not only analyze the verbal expressions but also describe the
sequence of responses and viewer’s psychological distance from the work of
art. This model uses the same operational verbs (or their synonyms) as does
Dufresne-Tassé’s, and the phases correspond to Housen’s domains but here
are linked to modes of response suggested by Horner and are sequentially
ordered. Each researcher essentially organized a different part of the aes-
thetic response: Horner, psychological states; Housen, categories of speech;
and Dufresne-Tassé, operations the visitor performed while looking at an
object. My model additionally includes the modes of response, which serve
to regroup all the material produced by the visitor.
Modes of response were originally studied in a pilot project (Horner,
Sherman, & Fairchild, 1986) at three different types of museum (Montreal
Museum of Fine Arts, McCord Museum, and Maison de la Culture). The
objectives were to identify the expectations and psychological approaches
visitors used to appropriate meaning in a museum visit. The theory was
based on the work of a social geographer, Annis (1980), who suggested that
museums provide for their visitors a symbolic space in which to act in a
variety of ways. This pilot project identified four different modes of
response: Dream, Play, Metaphor, and Concept.
The first, the Dream State, encompasses the levels of identification with
the art object (forgetting), remembering, and reflecting on this identification.
In this mode, the viewer experiences directly the art object. There are pauses
and an incoherence, a searching for right words, a sorting through of
memories, and a recalling of the experience that one has undergone. This
mode of identification can be recovered from the transcripts:

C’est comme je sais où je serais bien, comme t’ai dit, là, être Fanfreluche, rentrer
dans le tableau . . . euh . . . juste pour aller m’effoirer dans l’herbe pis . . .
relaxer . . .
Ça j’aime . . . Ça m’a fait des petites émotions et euh . . . tous ceux qui ont de la
luminosité ça me . . . fait ‘‘Ting’’ je ne sais pas comment dire, là . . .
Mais il y a une espèce de magie qui se produit qui fait que ça m’éveille ou ça
m’attire, ça me . . . je ne peux pas expliquer c’est quoi là, mais c’est . . . comme très
irrationnel peut-être, fait qu’il y a comme pas des mots . . .
. . . c’est j’aime, . . . j’aime ça . . . j’en aurais partout des styles de tableaux très
lumineux comme ça . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée
des beaux-arts de Montréal, 1989)
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 277

TABLE 5
Fairchild’s Model

Modes Phases Operational verbs

Dream Forgetting to fuse with


to orient oneself
to show feeling
to manifest emotion
Remembering to like, to dislike
to recall
to note
to associate
to state
to identify
Reflecting to separate from
to differentiate
to be aware of

Play Self-revelation to note significance


to re-order
to change signifier
to modify
to invent

Metaphor Describing to note, to describe


to associate meaning
to deconstruct
to note symbols
Structuring to order
to map
to structure
to categorize
to compare
Interpreting to explain
to discourse
to grasp meaning
to infer meaning

Concept Assessing to judge


to evaluate
to critique
to assess
278 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

This viewer speaks of a desire to enter the work of art like Fanfreluche (a
TV character) and to relax by sitting on the grass. She recognizes a feeling
evoked by the luminosity of the painting, a feeling of ‘‘Ting,’’ and she has
difficulty finding words to explain this. She ends by realizing something
about herself, that she would have luminous paintings everywhere because
she loves them.
The Play State is one wherein the viewer can, in a spirit of play, suggest
other versions, solutions, or variations of the work of art. These changes
bring about a self-knowledge, a revelation of what the viewer is like and
what she values.
Ça donne la . . . la possibilité de voir plein de choses pis à la fois, euh . . . on
. . . on personnifie le tableau . . . [silence 11 sec.] c’est comme plein de choses
que je ne connaissais pas encore, là . . . je découvre . . . oui! au niveau, euh, . . .
ben au niveau peut-être de moi, mes goûts face aux peintures . . . [sic] (Extraits
de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

The Metaphor State is a way of being external to the experience. The


viewer looks at the work of art and now connects it to her world of knowl-
edge about art. By describing perceived forms, colours, and symbols, and by
building theories that explain the work according to her knowledge of art
history, styles, and visual language, the viewer places the aesthetic experi-
ence in a cognitive context.
Ah, oui! Ça je connais! [silence 6 sec.] . . . Adrien Herbert . . . J’ai travaillé avec
ça dans un de mes . . . un stage que j’ai fait avec des reproductions de Boulerice
. . . Ça je me suis toujours demandé: quel est le fond de ces oeuvres-là? Pour-
quoi ils font ça? . . . Hum . . . comme . . . des coups de pinceau blancs, c’est
joli, là, comme coup d’oeil, j’imagine dans un grand hall ou quelque chose du
genre c’est superbe! Quel est le but, la mode derrière tout ça? [sic] (Extraits de
propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

The viewer shows a memory of past involvement with works of art, a


questioning about the artist’s intention, a noting of the formal qualities of
the painting, and an evaluation followed by a questioning about styles and
fashion in art.
The last mode of the experience, the Concept State, brings closure to the
experience. The viewer now reviews the whole experience and makes an
assessment. This is much more than the liking and disliking of the Dream
State, as it is based on all the previous states that the viewer has undergone.
The final evaluation may override an initial dislike because of cognitive
information. Or the viewer may decide that, in spite of all the information
from external sources, she still does not feel that the work is successful,
meaningful, or important:
C’est trop statique . . . trop photo, là . . . Ce qui est bien de voir c’est les
costumes . . .
DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 279

Moi j’aime pas trop cette peinture, c’est pas trop eh . . . Ça fait en même temps
naïf et en même temps je trouve que c’est dur et c’est des faux visages
d’enfants . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des
beaux-arts de Montréal, 1989)

In effect, one can use this model to chart a visitor’s individual aesthetic
response through a temporal sequence. It allows the researcher to note
whether a person begins at a conceptual level and stays there, or whether
there is first a level of fusion and openness, then revelation, and so on. The
emphasis is on understanding what an aesthetic experience is for an individ-
ual viewer and what the viewer brings to the experience that affects her
understanding of the work.
The addition of modes of response to the existing models allows greater
understanding of the variety of psychological stances that viewers bring to
the experience of looking at art objects. Not all viewers will necessarily
move through all the modes at any one time. However, it is important for
our understanding of the aesthetic experience to note what possibilities exist
and which are favoured by viewers. This will lead to further questions about
what correlations can be made between modes of aesthetic response and
other factors such as age, education, and exposure to museums.
So the model proposed integrates all the aspects of the models reviewed
in this article that were found to be useful in dealing with the comments of
visitors looking at art objects. In addition, it contains an element missing in
the others.

SUMMARY

One aim of this article was to review some models of aesthetic response that
described how museum visitors respond to and benefit from their museum
visits. This necessitated identifying and describing viewers’ experiences
when faced with a work of art, and developing a grid that would yield a
model of aesthetic experience. Transcripts of several viewers’ spontaneous
responses were initially analyzed according to certain models suggested by
Parsons and Housen. But, as these models of aesthetic experience tended to
be organized in a developmental fashion, certain difficulties that arose with
the application of each model made it necessary to develop a new and more
comprehensive one.
The suggested new model incorporates major qualities from previous
models: in essence, it not only shows Dufresne-Tassé’s operational verbs
and Housen’s domains (phases of response), but also links them to Horner’s
modes of response. The model proves helpful in analyzing the transcribed
interviews of the experience of museum visitors and places the elements
identified in a useful interpretive perspective. It provides a better under-
standing of the aesthetic experience so that museum educators and curators
can plan their activities to take into consideration viewers’ different modes
of response. Finally, the model also provides a context in which to explain
280 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

those immanent feelings about art that have often been described in philos-
ophy but rarely in research.

REFERENCES

Annis, S. (1980). The museum as staging ground for symbolic action. Unpub-
lished manuscript, University of Chicago.
The arts in the schools. (1982). London: Gulbenkian Foundation.
Beyond creating: A place for art in America’s schools. (1985). Los Angeles:
Getty Center for Education in the Arts.
Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal.
(1989). Propos recueillis dans le cadre du projet de recherche intitulé:
“Contribution à l’étude du fonctionnement intellectuel et affectif du visiteur
adulte et des bénéfices d’une visite.”
Horner, S. (1988). 2B and Not 2C: That is not the question. Unpublished manu-
script.
Horner, S., Sherman, L., & Fairchild, A. (1986). The meaning of the art object
for the museum visitor. Unpublished manuscript, Concordia University,
Montreal.
Housen, A. (1983).The eye of the beholder: Measuring aesthetic development.
Unpublished doctoral dissertation, Harvard Graduate School of Education,
Boston.
Husserl, E. (1964). The idea of phenomenology. The Hague: Geo. Nakhinikian.
Lowenfeld, V. (1947). Creative and mental growth. New York: MacMillan.
Ministère de l’Éducation du Québec. (1981). Programme d’études: art. Québec:
Gouvernement du Québec.
Parsons, M. (1986). The place of a cognitive approach to aesthetic response.
Journal of Aesthetic Education, 20, 107-111.
Smith, R. (1989). Discipline-based art education. Urbana: University of Illinois
Press.
Winnicott, D. (1971). Playing and reality. New York: Penguin.

Andrea Weltzl-Fairchild is a lecturer in the Department of Art Education and Art


Therapy, Concordia University, 1455 De Maisonneuve Boulevard, Montreal,
Quebec, H3G 1M8.
L’apprentissage de l’adulte au musée
et l’instrument pour l’étudier*

Colette Dufresne-Tassé
Thérèse Lapointe
Carole Morelli
Estelle Chamberland
université de montréal

L’apprentissage de l’adulte au musée est une réalité difficile à saisir. Son étude
par le biais de l’expérience psychologique du visiteur présente de multiples
avantages. Nous décrivons l’instrument développé pour analyser cette expérience
et nous exposons la conception de l’apprentissage sur laquelle s’appuie cet
instrument.

Although it is not easy to get at the ways adults learn in museums, an examin-
ation of visitors’ psychological experience may be helpful. We describe an
instrument developed to analyze that experience, and we tell about the conception
of learning underlying our instrument.

Désireux de s’adapter aux besoins de leur clientèle adulte, les musées de la


plupart des pays occidentaux ont accumulé sur cette clientèle des données
socioéconomiques nombreuses. Ces données leur semblent utiles pour
donner une orientation générale à leur action, mais insuffisantes pour
développer une pédagogie ou, pour être plus précis, une andragogie qui
contribue au développement culturel du visiteur (Collins, 1981; Hansen,
1984; Knox, 1981; Zetterberg, 1970). L’élaboration d’une telle andragogie
suppose la connaissance de l’apprentissage de l’adulte au musée (Bloom,
Powell, Hicks, & Munley, 1984; Borun, 1982; Miles, 1986; Miles, Alt,
Gosling, Lewis, & Tout, 1982; Porter & Martin, 1985). Il faut savoir, par
exemple, comment cet apprentissage se déroule, et s’il se limite, comme le
croient quelques-uns, à l’acquisition de faits ou de dates, ou s’il revêt des
formes plus variées et plus complexes (Carr, 1985; Chase, 1975; Diamond,
1982; Dubos, 1973; Harrison, 1960; Kimche, 1978; Miles, 1986; Sebolt,
1980; Thier & Linn, 1976; Tressel, 1980).

*
Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la
formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada.

281 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


282 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

Il nous semblait intéressant d’examiner l’apprentissage de l’adulte au


musée. Il représente une variété mal connue, qui survient alors que l’indi-
vidu est laissé à lui-même devant les offres d’une institution, libre de ses
réactions, de ses pensées, de l’orientation de son action.
Il nous est vite apparu que cet apprentissage ne saurait être étudié conve-
nablement que par rapport à l’ensemble du fonctionnement psychologique du
visiteur. Nous présentons ici la grille d’analyse élaborée pour réaliser cette
étude. Nous voyons d’abord l’approche employée pour recueillir des don-
nées sur l’apprentissage de l’adulte, puis les taxonomies utilisables dans
l’étude de ces données, les problèmes qu’elles posent et, enfin, la façon dont
nous avons procédé pour élaborer un instrument d’analyse, la description de
cet outil, ses propriétés et quelques réflexions sur celles-ci.

L’APPRENTISSAGE TEL QU’IL APPARAÎT DANS LES PROPOS DU VISITEUR

Afin de nous familiariser avec l’apprentissage de l’adulte au musée, nous


avons invité une dizaine de personnes à visiter un musée de sciences
naturelles, le Musée Georges-Préfontaine de l’Université de Montréal. Ces
adultes, aussi différents les uns des autres que possible en termes de caracté-
ristiques socioéconomiques, nous ont relaté leur expérience de visiteur et
nous en avons fait le bilan: a) l’apprentissage, conçu comme un ensemble
d’acquisitions s’apparentant aux six catégories supérieures de Gagné (1965)
est rare au musée; b) les apprentissages réalisés n’ont de sens que par
rapport au reste du fonctionnement psychologique du visiteur; c) le fonction-
nement psychologique, qui est intense, comprend des aspects rationnels,
imaginatifs et affectifs; d) le visiteur attache une grande importance à son
propre fonctionnement et y trouve le plus clair de son plaisir; e) le visiteur
se dit intéressé à apprendre, mais montre de l’agacement ou beaucoup de
difficulté à répondre à des questions sur ses apprentissages.
L’apprentissage nous est alors apparu comme rien d’autre que le produit
de certaines opérations intellectuelles, telles constater ou saisir, lorsque le
produit des ces opérations est nouveau pour l’individu. Ainsi conçu, il
devient à la fois un moment parmi d’autres du fonctionnement psycholo-
gique du visiteur et un élément de ce fonctionnement en interaction cons-
tante avec les autres composantes de celui-ci. Si donc ce fonctionnement
doit être conçu comme le contexte de l’apprentissage, il ne peut l’être qu’au
sens où les contextualistes contemporains envisagent les relations figure-fond
et nous ne pouvons étudier l’apprentissage qu’en rapport avec ce fonction-
nement.
Pour éprouver ces idées, nous sommes retournées au Musée Georges-
Préfontaine et nous y avons recueilli de façon systématique les propos de 45
adultes pendant qu’ils visitaient une exposition de mollusques. Hommes et
femmes, âgés de 25 à 65 ans, ces personnes appartenaient à trois niveaux de
formation et avaient des habitudes de visite allant de jamais auparavant à
souvent. Les propos de ces visiteurs ont été enregistrés sur bande magné-
tique, puis dactylographiés pour en faciliter l’étude.
L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 283

Il fallait une grille d’analyse pour donner forme et signification au maté-


riel fourni par ces visiteurs. Cette grille devait satisfaire aux exigences
suivantes: a) assurer une étude exhaustive des propos des visiteurs; b) offrir
des unités d’analyse correspondant à toutes les opérations réalisées par les
visiteurs; c) exclure l’apprentissage des opérations, l’apprentissage étant le
produit de certaines de celles-ci; d) permettre le rattachement de chaque ap-
prentissage à des opérations précises.

LES TAXONOMIES EXISTANTES COMME GUIDE D’ÉTUDE

Il existe bon nombre de taxonomies des fonctionnements intellectuel et


affectif. Voici les principales. Bloom, Engelhart, Furst, Hill et Krathwohl
(1975): taxonomie du domaine cognitif. Burns (1975): taxonomie des
domaines cognitif, affectif et psychomoteur. D’Hainaut (1983): taxonomie
du domaine affectif. D’Hainaut, Lawton, Ochs et Super (1979): typologie
interdisciplinaire des démarches intellectuelles. Donald (1985): Operations
and Intellectual Skills in Higher Education. Gagné (1965): Types of Intellec-
tual Skills. Guilford (1967): The Structure-of-Intellect Model. Klopfer
(1971): Specifications for Science Education. Orlandi (1971): Specifications
for Selected Social Studies. Palkiewicz (1988): taxonomie du domaine
cognitif. Wilson (1971): Specifications for Art Education.
Ces taxonomies possèdent l’une ou l’autre des caractéristiques suivantes:
a) elles supposent connues les intentions de l’individu quand celui-ci réalise
une opération (Palkiewicz, 1988). Or, dans le musée, le visiteur ne livre que
rarement ses intentions et le contexte ne permet que rarement au chercheur
de les identifier; b) elles visent des phénomènes comme les attitudes (Burns,
1975) ou des fonctionnements comme les fonctionnements convergent et
divergent (Guilford, 1967), que l’on doit dégager d’un ensemble de compor-
tements qui ne se manifestent pas toujours dans la situation muséale; c) elles
visent une exploration des connaissances de l’individu (Bloom, Engelhart,
Furst, Hill et Krathwohl, 1975; Klopfer, 1971; Orlandi, 1971; Wilson, 1971),
la maîtrise de celles-ci, leur utilisation ou leur évaluation (Bloom, Engelhart,
Furst, Hill et Krathwohl, 1975), plutôt que l’ensemble du fonctionnement
psychologique de cet individu; d) elles visent des activités comme la
production d’objets tangibles (Wilson, 1971) et la mise en oeuvre de mo-
dèles qui n’apparaissent que rarement dans la situation muséale (D’Hainaut,
Lawton, Ochs et Super, 1979) ou l’évaluation d’un aspect du fonctionnement
de l’individu, l’aspect moral (D’Hainaut, 1983), qui n’est pas pertinent dans
cette situation; e) elles visent des activités comme l’analyse et la synthèse
(Burns, 1975), des habiletés comme celle de faire de la recherche (Orlandi,
1971), ou des changements, comme le développement d’un humanisme
(Klopfer, 1971), qui nécessitent une variété d’opérations non identifiées.
En somme, ces taxonomies sont inadéquates, soit parce qu’elles visent des
phénomènes qui ne se produisent que rarement au musée, ou qui s’y étu-
dient mal, soit parce qu’elles conduisent à une vue trop partielle ou trop
284 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

générale du fonctionnement du visiteur, ou à l’étude d’aspects non pertinents


de ce fonctionnement.

L’ÉLABORATION D’UN INSTRUMENT D’ANALYSE

Cependant, chaque taxonomie possédait au moins un aspect pertinent et nous


avons été tentées de combiner ces aspects. Nous avons toutefois abandonné
rapidement l’idée parce que nous avons réalisé que ces taxonomies traitaient
les fonctionnements intellectuel et affectif à des niveaux ou sous des angles
très différents et amenaient ainsi des incohérences, des recouvrements et,
surtout, des perspectives d’analyse incompatibles.
Devant ces difficultés, nous avons opté pour l’élaboration d’un nouvel
instrument d’analyse. Nous avons repris les exigences mentionnées plus
haut, qui garantissaient à la grille une forme satisfaisante, et nous avons
procédé de façon inductive. Nous avons tiré de l’un des 45 rapports écrits de
visite une liste d’opérations qui permettait une analyse exhaustive de ce
rapport. Puis, nous en avons choisi cinq autres parmi les plus riches et les
plus dissemblables.
L’étude de ces six rapports a permis d’observer les faits suivants: a)
comme nous l’avions pressenti, le fonctionnement du visiteur comporte des
aspects rationnel, imaginatif et affectif; b) ces trois aspects du fonction-
nement sont adéquatement analysés par une étude des opérations du visiteur;
c) ces opérations sont au nombre de 12; d) mais toutes ne sont pas néces-
saires à l’analyse de chaque aspect du fonctionnement; e) exclure l’appren-
tissage des 12 catégories d’opérations ne gêne pas l’analyse; au contraire,
cette exclusion la facilite et les apprentissages identifiés correspondent de
façon constante à des catégories d’opérations; f) il y a intérêt à traiter les
questions et les hypothèses du visiteur comme ses apprentissages, et à ne
pas en faire des catégories d’opérations. Le rattachement d’une question ou
d’une hypothèse à une catégorie en permet alors une première identification.

LES COMPOSANTES DU NOUVEL INSTRUMENT

La grille d’analyse élaborée à l’issue de l’examen des six premiers rapports


avait acquis une stabilité qui ne s’est pas démentie par la suite. De plus,
appliquée aux 39 rapports restants, cette grille a semblé posséder la validité
et la fidélité que l’on attend habituellement de ce type d’instrument. Ces
catégories sont vraiment indépendantes et s’excluent mutuellement, elles
entretiennent une relation harmonieuse avec le matériel à traiter et elles
permettent une analyse constante par un même chercheur à travers plusieurs
rapports ou par plusieurs chercheurs qui étudient le même rapport (dans les
deux cas, le taux de désaccord ne dépasse pas 5%).
Les 12 opérations de cette grille sont les suivantes:
manifester
constater
identifier
L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 285

se rappeler
associer
distinguer-comparer
saisir
expliquer-justifier
résoudre-modifier-suggérer
s’orienter
vérifier
évaluer.
Le sens que nous accordons au terme opération est le même que celui que
lui attribue Piaget: “action intériorisée réversible et coordonnée à d’autres
selon une structure d’ensemble” (Piéron, 1963).
L’utilisation des 12 opérations par les visiteurs est résumée dans le tableau
1. Leur emploi est limité à 11 dans le cas du fonctionnement rationnel, à 8,
dans le cas du fonctionnement imaginatif et à 7, dans le cas du fonction-
nement affectif. En effet, les visiteurs ne se servent pas de l’opération
manifester pour traiter leur production rationnelle, des opérations identifier,
s’orienter, vérifier et évaluer pour traiter leur production imaginative et des
opérations identifier, résoudre, s’orienter, vérifier et évaluer pour traiter leur
production affective.

TABLEAU 1
Les opérations utilisées par le visiteur adulte de musée
Utilisation
Fonctionnement Fonctionnement Fonctionnement
Opérations rationnel imaginatif affectif
manifester X X
constater X X X
identifier X
se rappeler X X X
associer X X X
distinguer-
comparer X X X
saisir X X X
expliquer-
justifier X X X
résoudre-
modifier-
suggérer X X
s’orienter X
vérifier X
évaluer X
286 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

Voici la signification de chacune des 12 opérations:

Manifester: exprimer, donner des marques de, laisser paraître ou donner


libre cours à ce que l’on est en train de vivre. Exemples: a) “Tu me parles
d’un pays! je l’imagine instantanément” (matériel imaginaire); b) “Ça
serait le fun d’avoir la perle qui va dans le milieu de ça” (matériel affec-
tif).
Constater: a) Noter simplement, exprimer qu’on a vu, regardé, observé,
enregistré, accorder une attention rapide; b) considérer attentivement, lire,
décrire, exprimer qu’on a pris connaissance, remarqué, examiné. Exem-
ples: a) “Je vois que c’est aux Caraïbes . . .” (matériel rationnel); b) “Oui,
des dessins en dessous comme ça probablement” (matériel imaginaire); c)
“C’est beau le reflet” (matériel affectif).
Identifier: reconnaître la nature d’une chose, préciser son appartenance, son
origine, lui donner un nom, lui attribuer un concept, la considérer comme
identique à autre chose. Exemple: “La porcelaine? la porcelaine tigrée. En
Haïti, on l’appelle la lambris” (matériel rationnel).
Se rappeler: reconnaître, se remémorer. Exemples: a) “Je me suis dit: mon
dieu, c’est le même que ma mère a sur sa télévision” (matériel rationnel);
b) “Ça me fait penser, dans un voyage, il y a deux ans, on était sur le
bord de la Méditerranée” (matériel imaginaire); c) “Je me rappelle, je me
suis dit: c’est des pauvres petites bêtes dans le fond” (matériel affectif).
Associer: rassembler des éléments, les réunir dans une même catégorie, les
rendre solidaires. Exemples: a) “Celui-ci, il me fait penser au premier que
j’ai vu, un bivalve” (matériel rationnel); b) “Un des coquillages qui me
faisait ben gros penser à Shell” (matériel imaginaire); c) “Ça me fait
penser aux vacances, à vouloir l’aventure” (matériel affectif).
Distinguer-comparer: examiner simultanément ou successivement en vue de
juger des similitudes ou des différences, mettre en parallèle, démêler,
séparer, différencier, rapprocher, souligner une ressemblance. Exemples:
a) “Ceux-là ont été travaillés, ont été polis, ont été nettoyés . . . ils
semblent plus naturels, plus vrais” (matériel rationnel); b) “On dirait que
c’est comme des dents” (matériel imaginaire); c) “J’en trouve des beaux,
mais ça m’étonne moins (matériel affectif).
Saisir: s’apercevoir, pénétrer le sens, la nature, la raison, réaliser que, se
faire une idée claire. Exemples: a) “Le couteau, c’est un nom, ça sert pas
de couteau. En tous cas, c’est un nom qu’on lui a donné à cause de sa
forme, qu’on l’a identifié par rapport à ça . . .” (matériel rationnel); b)
“Ben j’imagine que ça se mange, à moins qu’ils aient été empoisonnés”
(matériel imaginaire); c) “Nous on les voit comme ça, c’est de toute
beauté, c’est tranquillisant” (matériel affectif).
Expliquer-justifier: faire connaître en détail, exposer, montrer par un déve-
loppement, démontrer, prouver le caractère, le bien- fondé, la légitimité
L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 287

d’une chose, d’une idée, d’une position, interpréter. Exemples: a) “Un


peintre très connu, ben évidemment, c’est facile de se documenter pour
voir ce qu’il a fait, le comparer avec d’autres de la même époque pour
savoir qui il est” (matériel rationnel); b) “A cause de ça, ça ressemble plus
à un bibelot qu’à un objet dans la nature” (matériel imaginaire); c)
“J’aime les regarder, ça représente de la beauté, pour moi, c’est l’har-
monie, c’est tellement régulier dans les petits dessins, dans les petites
lignes, t’sais, c’est tellement tout pareil que tu t’dis c’est finalement une
oeuvre d’art” (matériel affectif).
Résoudre-modifier-suggérer: trouver une solution à un problème théorique
ou pratique, à une incohérence, suggérer une amélioration, transformer,
reformuler, corriger, rectifier. Exemples: a) “. . . qu’il y ait des gens dans
un musée qui posent ce genre de question-là pour permettre aux gens de
pas seulement regarder les vitrines” (matériel rationnel); b) “. . . la façon
qu’il est dessiné, tu peux imaginer le son qui coule dessus. Pour moi, les
ronds, c’est le son qui coule dessus. Bien sûr, il y a le nom, la harpe, mais
pour moi, c’est le son” (matériel imaginaire).
S’orienter: déterminer la position que l’on occupe, se repérer, inscrire son
activité dans une direction. Exemples: a) “Faut tu apprendre toute ça par
coeur?” (matériel rationnel); b) “On les expose . . . est-ce qu’ils ont pris
des coquillages qui étaient déjà vides ou est-ce qu’ils les ont pris neufs?
(matériel rationnel).
Vérifier: contrôler l’exactitude, reconnaître pour vrai, confirmer (sans
raisonnement), admettre. Exemple: “C’est dans ça qu’il y a une perle?”
(matériel rationnel).
Évaluer: mesurer, estimer, déterminer la valeur, l’importance, juger, donner
une opinion. Exemple: “Ça me prendrait plus de fiche technique que
ça . . .” (matériel rationnel).

LES PROPRIÉTÉS DU NOUVEL INSTRUMENT

Notre grille, on l’a vu, permet une analyse intégrée des fonctionnements
cognitif, imaginatif et affectif du visiteur. Elle permet aussi de traiter
l’apprentissage, les hypothèses et les questions comme des modalités
d’apparition des opérations. À ces propriétés s’en ajoutent une série d’autres
dont les principales sont les suivantes.
Premièrement, notre grille permet d’analyser l’activité psychologique du
visiteur en autant que celle-ci est mise en forme par le visiteur à travers des
opérations. Face à cette propriété, on peut se demander quelle partie de
l’activité totale représente l’activité ainsi mise en forme? Il n’est probable-
ment pas possible de répondre à cette question parce qu’on ne sait pas, et
qu’on ne saura probablement jamais, s’il existe chez l’adulte une activité qui
ne soit pas informée par une opération, même fort simple. En conséquence,
nous considérons que la grille présentée offre une analyse adéquate de la
288 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

production rationnelle, imaginative et émotive d’un visiteur placé dans la


situation où se trouvaient les 45 adultes qui ont collaboré à cette recherche.
Cette question sur la validité de la grille en appelle une sur la validité du
matériel qui a servi à la construire. Les propos du visiteur représentent-ils
bien son fonctionnement? Dans l’état actuel de la recherche, nous ne
pouvons nous prononcer sur ce point. En effet, notre recherche est, à notre
connaissance, la première où l’on ait tenté de saisir le fonctionnement
psychologique du visiteur dans sa totalité au moment même de la visite. Il
faut donc attendre d’autres recherches qui auront procédé différemment pour
se faire une idée du rapport qui existe entre ce que livre le visiteur et ce
qu’il vit.
Deuxièmement, notre grille permet d’identifier aussi bien des opérations
très simples comme constater, que des opérations complexes comme expli-
quer. À notre avis, cette propriété est d’un grand intérêt, car elle aide à saisir
l’importance qualitative des unes et des autres et, éventuellement, les liens
qu’elles entretiennent entre elles ou avec l’apprentissage. Notre grille fournit
ainsi un moyen de vérifier si le visiteur n’est actif que lorsqu’il s’adonne
aux opérations les plus complexes, comme on le croit dans beaucoup de
milieux muséaux. Elle constitue également un moyen de qualifier et de
comparer le fonctionnement adopté par le visiteur devant des exhibits1 de
nature ou de présentation différentes.
Troisièmement, notre grille facilite le repérage des opérations de base du
fonctionnement du visiteur. Par là, elle s’avère un instrument indispensable
à l’étude systématique de mégaopérations comme l’analyse et la synthèse,
ou d’activités complexes comme l’activité esthétique ou l’activité épistémo-
logique (voir dans cette livraison de la Revue canadienne de l’éducation,
l’utilisation qu’en font Chamberland et Weltzl-Fairchild).
Quatrièmement, à travers des opérations comme s’orienter, vérifier,
évaluer ou constater, notre grille permet l’exploration de la métacognition du
visiteur. Elle facilite l’étude de ses stratégies et celle des rapports de ces
stratégies avec des comportements typiques comme ceux qu’ont identifiés
Veron et Levasseur (1983) au Musée d’art moderne Georges Pompidou.

LES PREMIÈRES IMPLICATIONS À ÉTUDIER

Peut-on utiliser la grille qui vient d’être décrite pour étudier d’autres ma-
tériels que les propos du visiteur en train d’observer des objets ou pour
comparer le fonctionnement occasionné par divers types de musées? La
réponse à la première question est affirmative et simple. Chamberland
(1990) l’a fait. La réponse à la seconde est plus complexe. Depuis quelques
années, des sociologues (Boudon, 1984; Crozier et Friedberg, 1981; Gid-
dens, 1987) ont souligné l’incapacité des lois et même des propositions
générales à expliquer et à prédire le fonctionnement social. Ils ont par
ailleurs montré l’importance d’étudier un phénomène pour lui-même et de le
rattacher à un temps et à un espace précis. Cette position est-elle valable
L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 289

quand les phénomènes étudiés ne sont pas sociologiques mais psycholo-


giques? Plus précisément, un musée de beaux-arts, un musée de sciences
naturelles et un musée d’histoire et d’ethnologie sont-ils des entités si
différentes qu’ils provoquent chez leurs visiteurs des fonctionnements qu’on
ne doit pas confondre et étudier avec une grille unique?
Même si notre grille ne peut être utilisée dans une grande variété de
situations, nous croyons qu’elle donne accès à une série de recherches
permettant de sortir de l’impasse créée par l’application des approches
behavioriste et phénoménologique aux problèmes d’intervention éducative
dans le milieu muséal. Les behavioristes soutiennent que toute personne
responsable de la réalisation d’un exhibit est également responsable du
fonctionnement du visiteur, car ce fonctionnement est déterminé par ce que
celui-ci voit. Par contre, les phénoménologistes prétendent que, malgré les
efforts du réalisateur d’exhibits, les visiteurs réagissent tous différemment
parce qu’ils ont tous une expérience différente. En d’autres mots, dans le
contexte behavioriste, le réalisateur est tout puissant, il ne se produit rien en
dehors de ce qu’il provoque, et dans le contexte phénoménologique, il est
totalement impuissant, il n’a aucun contrôle sur les réactions des visiteurs.
Quand on considère le contenu de l’expérience du visiteur, on ne perçoit
que différences, quand on considère la structure de celle-ci, des similitudes
importantes apparaissent. Par exemple, l’activité imaginaire de deux visiteurs
observant des coquillages diffère dans ses détails, l’un d’eux évoquant son
enfance, l’autre, un voyage récent, mais elle est semblable en ce qu’elle
comprend dans les deux cas un rappel du passé.
Par ailleurs, s’il est impossible de provoquer tout ce que vit un adulte au
musée, il est probablement possible de l’aider à réaliser certaines opérations,
comme identifier, comparer ou expliquer. L’existence de séquences de
fonctionnement semblables chez beaucoup de personnes, c’est-à-dire de
séries d’opérations comme celles qui sont identifiées par la grille décrite ici
semble donc un élément crucial. Connaissant ces séquences, le réalisateur
d’exposition peut, s’il les croit bénéfiques, en favoriser l’apparition ou le
maintien. Elles deviennent ainsi l’une des bases de son intervention éduca-
tive.
Cette intervention doit-elle être fonction directe des opérations du visiteur?
Nous ne le croyons pas. Le musée est une institution et, comme tel, il doit
répondre aux demandes de la société dans laquelle il se trouve. Mais sa
réponse ne saurait être calquée sur les demandes parce qu’il est un système
soumis à des contraintes internes et externes. De plus, sa fonction est de
rassembler, de conserver les objets les plus beaux ou les plus importants, de
développer sur eux le maximum de connaissances et d’en faire profiter le
public.
La compréhension du fonctionnement du visiteur n’est donc qu’un élé-
ment dans le développement d’une andragogie muséale. Elle sert à créer une
tension optimale entre les attentes du visiteur et l’offre du musée. À notre
290 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

avis, la connaissance des composantes de cette tension et de la façon de


l’obtenir sont deux autres éléments essentiels au développement de cette
andragogie.

NOTE

1
Ce terme est un anglicisme souvent employé en l’absence d’un bon équivalent
français.

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Colette Dufresne-Tassé est professeure, Thérèse Lapointe et Estelle Chamberland


sont assistantes de recherche à la Faculté des sciences de l’éducation, Université
de Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7.
Carole Morelli est conseillère pédagogique à la Commission scolaire Baldwin-
Cartier, 10 des Sources, Pointe-Claire (Québec) H9S 5K8.
Les thèmes de la contextualisation
chez les visiteurs de musée*

Estelle Chamberland
université de montréal
Malgré les nombreuses études effectuées sur le visiteur de musée, les données
concernant l’expérience vécue par ce dernier dans son contact avec l’objet et ce
qui compte réellement pour lui dans sa démarche pour donner un sens à ce qu’il
voit sont pratiquement inexistantes. Une recherche exploratoire et qualitative a
été menée dans le but de découvrir quels sont les aspects de l’objet et du contact
avec celui-ci qui entrent dans la contextualisation qu’effectuent les visiteurs ainsi
que l’importance qu’ils accordent à chacun d’eux. Nous avons identifié dix
thèmes autour desquels s’effectue la contextualisation. L’importance et la
répartition de ceux-ci semblent relever d’un choix personnel de l’individu selon
ses préoccupations et son style cognitif. La diversité de ces thèmes et la place
qu’ils occupent dans la démarche des visiteurs viennent nuancer la vision par
trop focalisée que certains auteurs ont eue jusqu’à ce jour sur ce phénomène. Il
apparaît également qu’une approche quantitative, bien qu’utile pour indiquer
certaines tendances, ne peut rendre compte à elle seule de la portée réelle d’un
thème dans la contextualisation.

Although museum visitors have often been studied, we know little about their
lived experience, or about how they make sense of what they see. This prelimi-
nary qualitative study shows how museum visitors decide which features of
objects they consider when putting those objects in context, and the relative
importance of each feature. We found ten approaches that typify visitors’ ways
of contextualizing. To what extent a visitor uses any one approach depends on
her or his interests and cognitive style. The diversity of visitors’ responses ought
to lead researchers to take a broad view of studies of museum education. Quanti-
tative research, although helpful in pointing out patterns, cannot by itself account
for people’s ways of contextualizing.

On conçoit de plus en plus la connaissance non comme un état, mais comme


un acte créateur (Rosnow,1986). On sait que rien n’est jamais perçu et
compris isolément en soi et pour soi dans une sorte de vacuum matériel,
social ou psychologique, mais que, ce que nous percevons, ce sont des

*
Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la
formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada.

292 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 293

relations. (Bateson et al., 1981; De Rosnay, 1975; Watzlawick, Beavin et


Jackson, 1972). Comprendre, accéder au sens consiste à structurer ces
relations pour former un contexte, une image cohérente d’une situation.
Bref, comprendre consiste à contextualiser. Il est reconnu que déjà, au
premier niveau de la perception, il y a interprétation, donc construction et
inférence de la part de l’individu (Gibson, 1977; Hoffman, 1986; Jenkins,
1974; Neisser, 1976; Rosnow & Georgoudi, 1986; Weimer, 1977). Cette
construction implique un investissement personnel de l’individu; la défi-
nition même de ce qui constitue un événement et de ce qui compte réelle-
ment dans celui-ci revient à l’individu qui y est impliqué (Bateson et al.,
1981). La contextualisation est donc une activité naturelle, fondamentale et
spontanée et elle répond à des besoins multiples dans tous les secteurs de la
vie (Arnheim, 1969, 1976; Bateson, 1972/1977; Bransford, McCarrel, &
Nitsch, 1976; De Rosnay, 1975; Koestler, 1964; McGuire, 1986; Watzla-
wick, Beavin et Jackson, 1972; Weimer, 1977). L’utilité d’une telle notion
n’est donc plus à établir. On ne manque pas non plus d’idées sur ses
fonctions. Cependant, on n’est pas encore parvenu à spécifier comment
s’opère la contextualisation, et c’est sur ce point que porte notre recherche.
Nous verrons d’abord sous quels angles la contextualisation a été étudiée
et l’état actuel des connaissances sur ce phénomène dans divers domaines,
et plus particulièrement dans celui de la muséologie. Nous aborderons plus
spécifiquement un aspect de ce processus, celui des thèmes à l’aide desquels
l’individu contextualise un objet, et nous exposerons les résultats obtenus
dans une étude exploratoire que nous avons menée sur le processus de
contextualisation chez le visiteur de musée.

ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LA CONTEXTUALISATION

De nombreuses études ont envisagé les effets du contexte situationnel


externe (information de source extérieure à l’individu et liée à une situation
donnée: lieu, matériel, message) sur la perception, la compréhension et le
comportement d’un individu. Ces recherches tenaient d’une vision mécaniste
du fonctionnement humain et s’appuyaient sur une conception de la notion
de contexte qui se réduisait généralement à l’environnement physique ou
matériel (Davies, 1986; Hoffman, 1986; Tiberghien, 1986). Peu à peu, la
notion de contexte s’élargissant, l’intérêt s’est déplacé vers le contexte
interne (conditions et aspects internes de l’individu). Mais en parlant de
contexte interne, on ne se référait en réalité qu’aux indices intraorganiques
dont la définition se limitait bien souvent à l’état émotif du sujet seulement.
Les études qui s’y sont consacrées visaient à découvrir l’impact des condi-
tions internes (en l’occurence de l’état émotionnel provoqué chez un indi-
vidu par des drogues ou des techniques behaviorales) sur les perceptions et
le comportement de l’individu (Teasdale, 1983; Teasdale, Taylor, & Fogarty,
1980). La définition du contexte interne s’est élargie depuis: on y inclut les
connaissances de l’individu, les formes d’organisation de celles-ci, les
294 ESTELLE CHAMBERLAND

habiletés de toutes sortes, l’état organique, l’orientation de l’attention et les


dispositions mentales et émotionnelles (Tiberghien, 1986). L’intérêt des
chercheurs s’est déplacé de façon importante vers les représentations
mentales que l’individu construit pour donner un sens au monde qui l’en-
toure.
Pour certains (Kaplan & Kaplan, 1982; Mancuso & Sarbin, 1983; Sarbin
& McKechnie, 1986), la construction de la signification consiste à ancrer
une chose, une information, dans un schéma interactif, une structure drama-
tique, car l’être humain pense, perçoit et imagine selon une structure narra-
tive. En somme, l’image cohérente est celle qui s’inscrit dans un scénario,
celui que raconte une histoire. D’autres (Bruner, 1973, 1984; Hupet et
Costermans, 1982) voient dans la contextualisation une traduction d’événe-
ment sous forme symbolique. De son côté, Gibson (1977) affirme que ce
que nous percevons, ce sont les valeurs d’utilisation de l’objet, c’est-à-dire
ce qu’il peut nous apporter, comment il convient à nos besoins et à nos
attentes (“theory of affordances”); ce sont elles qui constituent le véritable
sens de l’objet. Pour cet auteur, la perception de l’environnement est insépa-
rable de la proprioception (perception de son propre corps) et c’est ce qui
ferait que les possibilités de correspondance de l’objet avec les besoins de
la personne sont perçues par cette dernière de façon immédiate et directe.
Cette théorie donne à penser que la contextualisation se fonderait principale-
ment sur la perception de ce type particulier de relation. Par ailleurs, dans sa
théorie de la pensée intuitive, Bastik (1982) souligne l’importance de la
perception de la structure émotionnelle liée à une situation (“emotional set”).
Les relations que l’individu établit avec l’objet extérieur sont empreintes
d’une qualité émotionnelle particulière et c’est sur la base de cette qualité
qu’elles sont encodées. La résonance affective des contextes que l’individu
construit mentalement est donc essentielle à ce mode de conscience et de
compréhension du monde. Il faut enfin souligner que les études portant
spécifiquement sur la construction de la représentation sémantique se sont
effectuées surtout dans le domaine de la compréhension du langage, de la
résolution de problème et de la mémoire (Bransford & Franks, 1971;
Bransford, Barclay, & Franks, 1972; Ehrlich, 1985a, 1985b; Richard, 1984,
1985).
Mais qu’en est-il dans une situation de grande liberté comme celle qui
caractérise une visite au musée où le visiteur n’est pas contraint par des
objectifs précis ou un problème à résoudre? La contextualisation qu’il fait de
l’objet tourne-t-elle autour du thème des valeurs d’utilisation ou de la valeur
symbolique de l’objet? Sa structure est-elle narrative ou émotionnelle?
Pour certains muséologues, la construction d’exhibits qui replacent l’objet
dans son environnement naturel est une condition des plus importantes pour
un contact enrichissant avec celui-ci. Cette façon de contextualiser pourrait
même, selon eux, être la seule façon valable pour le visiteur de trouver une
signification à l’objet (Doré, 1985; Pezet, 1985). Si tel est le cas, on pourrait
s’attendre à ce que la contextualisation que le visiteur fait de l’objet soit une
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 295

tentative de reproduction du contexte d’origine de l’objet. Pour d’autres


auteurs, il existe un fossé entre le visiteur et l’objet, et le rôle du muséo-
logue en est un d’interprète. Ce dernier doit, pour ainsi dire, traduire l’objet
pour le visiteur en attirant son attention sur des caractéristiques et des
aspects particuliers (Giraudy et Bouilhet, 1977; Porter & Martin, 1985;
Screven, 1969; Shettel, 1973). Cette position repose sur l’idée que la con-
textualisation consiste principalement à accumuler des informations spéci-
fiques sur l’objet.
De nombreuses études ont été menées pour tenter de connaître le visiteur
de musée. Elles ont abouti à en faire une description assez détaillée (caracté-
ristiques propres, comportements, attentes et besoins, apprentissages mesurés
d’après des objectifs préalablement fixés par le muséologue) (Griggs & Alt,
1982; Hayward & Larkin, 1983; Loomis, 1973; Washburne & Wagar, 1972).
Par contre, les données concernant l’expérience vécue par le visiteur au
contact de l’objet, ce qui compte réellement pour lui dans la construction du
sens, sont pratiquement inexistantes. Les décisions des concepteurs d’exhi-
bits s’appuient donc en fait sur une connaissance partielle et somme toute
superficielle du visiteur. Que produit donc le visiteur lorsqu’il contextualise
l’objet de musée? À partir de quelles perspectives se forme-t-il une représen-
tation sémantique de l’objet? Pour répondre à ces questions, il faut de toute
évidence explorer le point de vue du visiteur (Alt & Griggs, 1984; Scrutton,
1969; Trudel, 1985).

DESCRIPTION D’UNE ÉTUDE EMPIRIQUE

C’est dans cette perspective que nous avons mené l’étude dont nous présen-
tons ici les résultats. Notre recherche fut essentiellement exploratoire et
qualitative, tentant de suivre au plus près ce qui se passe chez une personne
qui tente de donner un sens aux objets qui lui sont présentés. Une telle
recherche était à notre avis nécessaire pour départager entre les opinions
existantes et pour faire émerger, le cas échéant, une conception plus appro-
priée de la contextualisation.
Nous avons accompagné et recueilli les propos de 45 adultes visitant une
exposition de mollusques dans un musée de sciences naturelles, le Musée
Georges-Préfontaine de Montréal. La conception des exhibits se caractérisait
par une grande simplicité et une parcimonie des informations fournies au
visiteur: chaque vitrine contenait cinq coquillages disposés sur un fond de
tissu bleu uni et accompagnés d’une étiquette sur laquelle on pouvait lire les
appellations communes et scientifiques du coquillage, sa famille d’apparte-
nance et son aire de distribution géographique.
Les sujets étaient des personnes issues de milieux divers qui avaient
accepté de collaborer à notre recherche. Ils étaient donc informés au départ
de la procédure de cueillette des données et de ce qui était attendu d’eux,
c’est-à-dire communiquer verbalement leur expérience au fur et à mesure de
la visite. Il s’agissait de 20 hommes et de 25 femmes ayant entre 21 et 61
296 ESTELLE CHAMBERLAND

ans et présentant des caractéristiques diverses (niveau d’instruction, pro-


fession, fréquentation muséale), caractéristiques qui ont été compilées à
partir des informations recueillies à l’aide d’un court questionnaire adminis-
tré à chaque sujet avant la visite.
Chaque personne effectuait sa visite individuellement avec un accom-
pagnateur qui se limitait à l’écouter et à l’encourager à la verbalisation par
des signes de tête ou quelques paroles laconiques. Les données sont consti-
tuées des verbalisations des visiteurs recueillies sur bande magnétique. Elles
sont de trois types: a) les verbalisations spontanées livrées par le sujet au
moment de la visite, b) les verbalisations fournies en réaction à un instru-
ment projectif simple (présentation d’une photographie d’un visiteur
anonyme devant les mêmes vitrines, à laquelle était jointe la question
suivante: “Que pensez-vous qu’il se passe chez cette personne au moment
où elle regarde ces coquillages?” c) les propos du visiteur recueillis en
dernier lieu au cours d’un entretien semi-structuré avec l’accompagnateur.
Une analyse qualitative de ces données a permis d’identifier les thèmes de
la contextualisation. Une première lecture des comptes rendus visait à faire
ressortir les points saillants de l’expérience du visiteur. Il est alors apparu
évident que le visiteur ne procédait pas à la construction d’un produit de
type mini-contextes aux contours définis s’enchaînant les uns aux autres dans
une séquence linéaire. La pensée du visiteur est plutôt vagabonde, effectuant
de fréquents va et vient d’un aspect à un autre et des répétitions plus ou
moins modulées. La perception de cette redondance dans les propos des
visiteurs a permis de déceler les motifs et les accents qui donnent à la
contextualisation sa couleur particulière. Les thèmes de la contextualisation
sont donc en réalité les angles sous lesquels l’individu aborde l’objet. Dans
un deuxième temps, une classification des verbalisations attribuables à
chaque thème, leur compilation et l’utilisation de pourcentages a permis de
voir quelle place chaque thème occupait dans la contextualisation des
visiteurs. Enfin, dans un troisième temps, une analyse du contenu de ces
thèmes et de leur influence sur la contextualisation a été effectuée en regard
des différentes étapes de la cueillette de données.

RÉSULTATS

Nous présentons d’abord une description générale des thèmes identifiés.


Nous voyons ensuite quelle importance et quelle place les visiteurs ac-
cordent à chaque thème. Nous abordons enfin la répartition des thèmes sous
deux angles. Premièrement, nous tentons de voir s’il existe une différence
dans le nombre de thèmes et la place accordée à chacun d’eux dans les
verbalisations spontanées recueillies durant la visite par rapport à ce que l’on
a obtenu dans l’ensemble de la cueillette (visite + instrument projectif +
entretien). Deuxièmement, nous voyons combien de thèmes entrent en jeu
dans la démarche des visiteurs pour donner un sens à l’objet.
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 297

Les thèmes de la contextualisation

Nous avons identifié dix thèmes autour desquels s’effectue la contextualisa-


tion et que nous avons nommés l’ambiance, l’aura émotionnelle, le symbo-
lisme, l’identification, la description, les aspects biologiques, les aspects
écologiques, les valeurs d’utilisation, les séquences d’interaction et les
comparaisons de contextes.

L’ambiance

À la vue des objets exposés (coquillages), il arrive que le visiteur se trans-


porte dans des lieux, des paysages, des moments qu’il associe la plupart du
temps à la mer et à l’eau et qui le plongent dans une atmosphère particu-
lière. Il en tire des impressions, la plupart du temps globales qui se réfèrent
à la détente, au dépaysement, aux vacances, impressions qui naissent au-delà
du contact sensoriel, dans la sensualité et la formation d’images intérieures.
C’est en termes de sensations et d’impressions unifiant l’ensemble des
éléments d’un décor et de l’événement que les sujets décrivent l’ambiance
dans laquelle ils se sont plongés en pensée à la vue des coquillages: “J’ima-
gine la chaleur, je sens l’odeur des algues et l’air salin . . . il me semble
entendre le bruit du ressac . . . c’est calme, c’est relaxant.” L’oeil n’est plus
uniquement l’organe qui voit, c’est aussi l’oeil qui touche, qui sent, qui
entend. L’ambiance n’est pas étrangère à l’état affectif du visiteur et elle met
assez rapidement ce dernier en contact avec son univers symbolique person-
nel.

L’aura émotionnelle

Lorsqu’à la vue de l’objet le visiteur entre en contact avec ses émotions, on


peut dire qu’une sorte d’aura émotionnelle enveloppe la rencontre dans sa
totalité. Les émotions qu’éprouve la personne au contact de l’objet agissent
comme des facteurs de syntonisation: “Je ressens de la nostalgie. Ça a
touché quelque chose de tendre.” “Ces teintes me ravissent. Ah! l’émerveil-
lement!” À ce moment, la personne est touchée directement sans qu’inter-
vienne la raison. Les émotions exprimées par le visiteur peuvent être
positives ou négatives, liées à des expériences passées ou vécues sur-le-
champ et elles contribuent à donner à l’événement ce que Jenkins (1974) a
appelé sa qualité ou sa texture.

Le symbolisme

Le thème du symbolisme se distingue de celui de l’aura émotionnelle bien


qu’on puisse éprouver des émotions au contact des symboles. Ce thème
porte au-delà de la perception sensorielle, de la sensation, de l’identification
et de l’explication. Il transcende la réalité concrète pour offrir une vision
298 ESTELLE CHAMBERLAND

élargie et pressentie de ce qui relie l’être à l’univers: “Je trouve ça apaisant


comme une mère.” “Grandeur et solitude.” Le symbolisme atteint une sorte
de synthèse qui révèle le sens intime et profond que la personne attache à
l’univers où l’objet la transporte: “Les coquillages, c’est la mer, la force, la
majesté, c’est grandiose.” À l’instar de l’ambiance et de l’aura émotionnelle,
le symbolisme agit de façon enveloppante et procède d’une résonance
directe entre la personne et l’objet.

L’identification

L’identification est une façon pour le visiteur de savoir à quoi il a affaire.


Elle consiste souvent à déterminer d’abord le degré de familiarité d’un objet,
à le situer dans son univers personnel. Elle peut être globale et se limiter à
classer les objets en deux catégories: ceux que l’on reconnaît et ceux que
l’on ne connaît pas. L’identification peut aussi se faire plus précise: nommer
l’objet, le distinguant ainsi des autres tout en le rattachant à une classe
spécifique, le localiser, c’est-à-dire identifier son lieu d’origine et sa dis-
tribution géographique, et repérer en même temps les endroits connus où
l’on est susceptible de le rencontrer. Tout contribue à assigner à l’objet une
place particulière et unique dans une image personnelle du monde.

La description

La description provenant d’une appréhension sensorielle immédiate ou de


perceptions d’analogies et d’associations diverses est davantage une façon
d’apprivoiser l’objet, de se l’approprier mentalement. Elle est une façon
d’approcher l’objet par ses caractéristiques physiques, donc les plus acces-
sibles, et d’en composer un portrait, une image pleine de vie. Le visiteur
sélectionne ainsi parmi de multiples sensations celles qui le frappent et qui
ont une signification particulière pour lui. Même s’il ne s’agit que d’une
esquisse, cette description sera souvent mémorisée plus efficacement que le
nom de l’objet auquel d’ailleurs il pourra se substituer pour désigner l’objet.
Par exemple, le visiteur oubliant le nom de Pleuroploca désignera ce coquil-
lage comme “Celui qui ressemble à un animal préhistorique” ou encore
désignera l’huître perlière par ces mots: “La belle dorée toute douce.”

Les aspects biologiques et les aspects écologiques

Les aspects biologiques et écologiques sont deux thèmes plus spécifiques au


type de musée choisi et au domaine visé par l’exposition, en l’occurrence les
sciences naturelles et les coquillages. Les aspects biologiques visent la
constitution et la vie du coquillage: comment il se déplace, de quoi et
comment il se nourrit, comment il se reproduit. L’écologie vise le milieu
dans lequel il vit, les éléments qui composent son environnement et les
rapports que le coquillage entretient avec les autres organismes. Le visiteur
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 299

tente ici de se faire une image plausible du milieu naturel des coquillages en
posant des questions, en faisant des hypothèses, des déductions, en tentant
de se représenter ce milieu à partir d’éléments tirés de souvenirs personnels
et de connaissances antérieures.

Les valeurs d’utilisation

Les visiteurs s’intéressent aussi aux utilisations générales des objets et à


celles qu’ils pourraient eux-mêmes en faire. Que font les pêcheurs des
coquilles une fois que l’animal en a été retiré et vendu? Quelles utilisations
les indigènes de tel pays faisaient-ils de ces coquillages? Tel coquillage a la
forme d’un vase et serait un joli bibelot dans le salon. Quelle utilisation en
faire en classe avec les élèves?

Les séquences d’interactions

Parfois aussi, le visiteur imagine des séquences d’interactions qui se dé-


roulent comme dans un film intérieur. Ainsi sont mis en scène des person-
nages divers: parents, amis, connaissances, peuplades et ce, en présence ou
non de l’objet. On peut également retrouver dans ces scènes certains person-
nages en interaction avec le sujet lui-même, ou encore, le sujet seul avec
l’objet. Souvenirs, reportages que l’on a vus, histoires que l’on a entendues
alimentent ces scénarios. Parfois aussi ces derniers sont inventés sur-le-
champ, dans une sorte de rêverie. Ce thème se distingue de celui des valeurs
d’utilisation car il ne vise pas uniquement l’aspect fonctionnel de l’objet,
mais les diverses facettes de l’expérience que le visiteur en a.

La comparaison de contextes

À partir du contexte global de la visite au musée, du musée lui-même ou du


type de présentation des objets, le visiteur perçoit des analogies avec
d’autres musées ou d’autres types de contextes: le laboratoire de biologie où
des objets semblables sont examinés, classifiés, préservés et rangés, la
vitrine de bijoutier ou la galerie d’art où les objets, comme dans un écrin,
sont posés sur un tissu dont la teinte souligne leur beauté, le bateau à fond
de verre à partir duquel le visiteur a déjà pu observer des poissons, des
coraux et des coquillages. Ces comparaisons de contextes se font par le biais
de souvenirs d’événements précis ou à partir d’images familières et in-
diquent dans quelle perspective le visiteur approche l’objet.

Tous ces thèmes offrent des angles d’exploration différents et constituent


les accents qui donnent à la composition sa qualité particulière. Devant leur
nombre et leur diversité, on se rend compte que la contextualisation est un
300 ESTELLE CHAMBERLAND

processus complexe, une exploration qui se fait dans divers sens; deux ou
trois types de relations ne suffiraient pas à illustrer la diversité des goûts,
des intérêts, des besoins, des sensibilités et des préoccupations, non seule-
ment d’un individu à un autre, mais aussi chez une même personne.

Importance accordée aux thèmes dans la contextualisation

Les divers thèmes que nous venons de décrire peuvent être comparés aux
fibres qui composent une étoffe. Ce qui donne à une étoffe sa couleur, sa
texture et sa qualité particulières, c’est bien sûr le type de fibres qui la
composent, mais aussi la place qui est accordée à chacune d’elles et les
proportions dans lesquelles elles se trouvent tissées ensemble. Quelle place
les visiteurs accordent-ils à chaque thème dans la contextualisation qu’ils
font de l’objet? La figure 1 illustre les proportions dans lesquelles chaque
thème apparaît dans les verbalisations des visiteurs.

Les thèmes dominants

Les thèmes les plus souvent abordés sont l’identification et la description.


Que faut-il en penser? On comprend aisément que le mouvement spontané
envers une chose, particulièrement s’il s’agit d’une chose nouvelle, soit de
l’identifier. Identifier est une façon pour l’individu de savoir à quoi il a
affaire et de déterminer le degré de familiarité de l’objet.

FIGURE 1
Proportion des verbalisations pour chaque thème
de la contextualisation
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 301

Mais les visiteurs ont également mentionné d’autres finalités à l’identifica-


tion: pour certains, elle est “une façon de mettre de l’ordre dans la foule
d’impressions qui se présentent,” pour d’autres elle permet de “vérifier ou
de confirmer ses connaissances, d’étendre l’éventail de sa documentation
personnelle” ou encore “de montrer ses connaissances à l’accompagnateur.”
Il n’est donc pas surprenant que le thème de l’identification revienne si
souvent, d’autant plus qu’au musée, l’objet est non seulement montré au
visiteur, mais il lui est pour ainsi dire “présenté.” Pourtant, fait paradoxal,
bien que les visiteurs investissent beaucoup d’énergie dans l’identification
des objets, ils ne retiennent que très peu, parfois rien de l’information
recueillie. Les diverses finalités que nous venons de mentionner, ainsi que
certaines études faites sur la mémoire (Bransford, Barclay, & Franks, 1972;
Jenkins, 1974), et plus particulièrement sur la notion de spécificité d’enco-
dage (Tulving & Thomson, 1973) permettent de comprendre ce fait. Les
conditions particulières au moment de l’encodage déterminent la mémorisa-
tion et le rappel de l’information. Au-delà des mots inscrits sur les étiquet-
tes, c’est leur implication sémantique qui importe; celle-ci constitue la
spécificité de l’encodage, c’est elle donc qui sera retenue (Bransford,
Barclay, & Franks, 1972; Jenkins, 1974; Tulving & Thomson, 1973). C’est
pourquoi les noms scientifiques peuvent dire quelque chose à l’expert ou à
celui qui a fait du latin, mais pas aux autres. Les noms vulgaires sont plus
près de la majorité des visiteurs parce qu’ils sont généralement redondants,
ils se réfèrent à l’aspect physique ou fonctionnel que l’on est à même de
percevoir (Couteau de l’Atlantique, Olive porphyre, Huître perlière). Ce qui
sera retenu de cette information, c’est souvent l’élément qui saura le plus
rendre l’objet familier, celui qui se réfère à ou qui décrit la relation qui a été
établie, car c’est elle qui porte le sens. On comprend ainsi pourquoi le thème
de la description occupe presque autant de place que celui de l’identifica-
tion. Si l’information fournie par l’étiquette ne permet pas d’établir une
relation assez frappante pour le sujet, celle-ci sera supplantée par une autre:
c’est le cas pour cette visiteuse qui parle de ces “coquillages torturés” plutôt
que de Strombe, de Murex ou de Busycon poire.

Les thèmes à caractère particulier

Les proportions d’utilisation des thèmes ne doivent être envisagées qu’en


tant qu’indices d’une tendance; l’importance de ceux-ci dans la contextuali-
sation ne saurait être jaugée sur l’unique base de la fréquence d’utilisation,
car un thème peu employé peut avoir un rôle très important à cause de son
implication sémantique. À cet égard, la contextualisation peut être comparée
à une peinture et les thèmes à ses couleurs; qu’on retranche une couleur et
le tableau n’est plus le même, une couleur peut apparaître par touches
parcimonieuses et cela suffit à faire vibrer l’ensemble du tableau. Il en est
ainsi des thèmes de l’ambiance, de l’aura émotionnelle, du symbolisme et de
la comparaison de contextes.
302 ESTELLE CHAMBERLAND

Parce qu’ils résultent d’un effet de résonance directe et qu’ils agissent


essentiellement au niveau du ressenti, ils sont des plus difficiles à traduire
en mots. De plus, ces thèmes se caractérisent par le fait qu’ils enveloppent
littéralement le contact avec l’objet, le visiteur ne les évoque donc pas
devant chaque coquillage—comme c’est le cas, par exemple, pour l’identifi-
cation et la description—et par le fait qu’ils ne s’évanouissent pas néces-
sairement une fois qu’ils ont été exprimés verbalement. Enfin, il est possible
que le visiteur se retienne parfois de s’exprimer totalement sur ces thèmes
à cause d’une certaine pudeur à livrer à une personne étrangère (l’accom-
pagnateur) ce qu’ils peuvent révéler d’intime; comme pour toute chose
chargée d’affectivité ou de merveilleux, s’exprimer sur ces thèmes exige une
sorte de rite d’entrée.
On comprend dès lors que le pourcentage des verbalisations où apparais-
sent ces thèmes soit assez faible. Leur importance dans la contextualisation
et leur impact dans l’expérience du visiteur n’en est pas pour autant négli-
geable. Les visiteurs rapportent par exemple que l’ambiance joue un rôle de
tremplin: elle déclenche des images familières, des souvenirs, des émotions.
Elle est aussi un facteur déterminant de la syntonisation de l’individu à
l’objet: lorsqu’elle est perçue négativement, elle sape l’intérêt et la curiosité
alors que, perçue positivement, elle met l’individu dans de bonnes disposi-
tions. Les comparaisons de contextes indiquent dans quelle optique le
visiteur approche l’objet: avec un regard curieux et scrutateur, comme dans
un laboratoire de biologie, avec un oeil charmé par la beauté des objets ou
un oeil impressionné par l’aspect précieux et rare de l’objet, comme dans
une galerie d’art ou chez un bijoutier; cette optique pourrait éventuellement
être déterminante dans la relation qui s’établit entre la personne et l’objet.
Par ailleurs, les liens les plus intimes de l’individu avec l’objet résident dans
l’aura émotionnelle dont il entoure celui-ci et dans les rapports symboliques
qui les unissent. Ces thèmes ramènent la personne à elle-même dans une
expérience totalisante et condensent l’expérience en une impression profonde
qui donne à la relation avec l’objet sa qualité particulière. Se baser unique-
ment sur l’information que donne une mesure quantitative risque donc
d’affadir la vision de la contribution réelle de ces thèmes qui gagnent à être
approchés et pénétrés par la voie des saveurs et des intensités.

Les diverses positions théoriques

Les thèmes des séquences d’interaction (9,7% des verbalisations) et des


valeurs d’utilisation (3,8%) ont fait l’objet d’études dans des domaines
différents du nôtre (perception, communication, relations interpersonnelles)
tandis que ceux des aspects biologiques (5%) et écologiques (3,7%), plus
spécifiques au domaine visé par notre étude, rejoignent davantage les
préoccupations des muséologues et des concepteurs d’exhibits de musées. La
place accordée à chaque thème par les visiteurs est-elle à la mesure de celle
que les muséologues leur accordent dans un bon nombre d’exhibits de
musées, et est-elle aussi à l’image de celle que les auteurs leur accordent
dans la vision qu’ils ont développée du phénomène de construction du sens?
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 303

FIGURE 2
Proportion des verbalisations accordée aux thèmes
après restructuration des données permettant
de former le nouveau thème fiche spécifique

Le musée qui a servi de cadre à notre recherche concerne le domaine des


sciences naturelles. Les informations spécifiques à l’objet fournies dans les
exhibits que nous avons utilisés sont du type de celles que l’on trouve dans
bon nombre d’exhibits de musées de sciences naturelles sur les étiquettes,
les panneaux, les dépliants; elles comprennent les noms de l’objet, celui de
la famille à laquelle il appartient et sa localisation (informations contenues
dans le thème identification). Si nous ajoutons à ces informations les aspects
biologiques, nous obtenons un thème que nous avons appelé fiche spéci-
fique.
Nous avons comparé la proportion des verbalisations consacrées à ce
thème par rapport aux autres thèmes (figure 2). On constate que l’intérêt des
visiteurs pour les informations spécifiques à l’objet est important mais qu’il
ne constitue pas à lui seul la totalité, ni même la plus grande partie des
préoccupations. Par ailleurs, comme les exhibits ne fournissaient pas d’infor-
mations sur le cadre naturel de l’objet, si celui-ci avait été une condition
essentielle ou très importante pour trouver un sens à l’objet, comme le
supposent certains auteurs (Doré, 1985; Pezet, 1985), le visiteur aurait
surtout tenté de se faire une représentation fidèle ou tout au moins plausible
304 ESTELLE CHAMBERLAND

du milieu d’origine de l’objet: fond marin, fond des lacs et des rivières,
littoral, tous lieux qui voient naître et se développer les coquillages. C’est le
thème aspects écologiques qui regroupe ce type d’informations. Or ce thème
ne se retrouve que dans 3,7% des verbalisations. Ce pourcentage, ainsi que
la diversité des thèmes abordés par les sujets, indiquent que la reconstitution
du contexte d’origine est loin d’être la principale préoccupation du visiteur.
Si on regroupait les thèmes de l’ambiance et celui des aspects écologiques,
on rejoindrait peut-être la position des auteurs concernant la reproduction du
cadre d’origine de l’objet. En effet, lorsque le visiteur fait allusion au bord
de mer, on peut considérer celui-ci comme le milieu d’origine de l’objet,
puisqu’il est le lieu naturel où les coquillages viennent souvent s’échouer et
où on en fait la cueillette lorsque la marée se retire. La figure 3 illustre les
proportions des verbalisations obtenues à la suite de ce regroupement et la
place qu’occuperait le thème cadre d’origine par rapport aux autre thèmes.
Ainsi regroupés, les thèmes de l’ambiance et des aspects écologiques
occuperaient 10,1% des verbalisations. Une telle proportion ne suffit pas
pour affirmer que c’est principalement par la représentation ou la
reconstitution du cadre d’origine de l’objet que le visiteur trouve un sens à
l’objet qu’il observe.

FIGURE 3
Proportion des verbalisations accordée aux thèmes après restructuration
permettant de former le nouveau thème cadre d’origine
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 305

Nos résultats viennent également nuancer les façons de voir des auteurs
d’autres domaines que celui de la muséologie. La diversité des perspectives
ainsi que le nombre de thèmes utilisés par le visiteur dépassent l’idée que se
font les auteurs de ce qui compte aux yeux de la personne dans sa quête de
sens. La contextualisation que les visiteurs font de l’objet déborde ainsi
largement le champ des intérêts et des préoccupations qu’on leur prête et
auxquels on tente de répondre dans la construction des exhibits au musée.
Les différents points de vue qui ont tendance à mettre toute l’importance sur
un seul aspect de la construction du sens n’ont trouvé, dans l’expérience du
visiteur, aucun écho assez fort pour confirmer la suprématie de l’un d’eux
dans la contextualisation, qu’il s’agisse des valeurs d’utilisation (thème mis
de l’avant par Gibson, 1977), des séquences d’interaction ou de la structure
dramatique (aspect mis de l’avant par Kaplan & Kaplan, 1982; Mancuso &
Sarbin, 1983) ou même de la structure émotionnelle (aspect développé par
Bastik, 1982).
Il importe toutefois de souligner que les théories dont nous nous sommes
servi en guise de point de comparaison ont été élaborées dans des situations
fort différentes de la nôtre. Il s’agissait alors d’études portant sur la percep-
tion, sur la personnalité ou sur l’intuition, où les sujets étaient placés devant
des problèmes à résoudre, dans des situations de communication interperson-
nelle, ou de témoignage à donner sur des événements précis. Aussi ne
prétendons-nous pas réfuter les théories de ces auteurs. Nous tenons seule-
ment à souligner que celles-ci ne peuvent s’étendre à toute situation de
construction de la signification, particulièrement à une situation offrant un
plus grand degré de liberté au sujet. De plus, ces comparaisons permettent
de constater que la contextualisation ne peut être réduite à un seul aspect,
une seule perspective.

Répartition des thèmes

Selon les étapes de la cueillette

La cueillette de données a été effectuée à des moments différents: d’abord,


au moment même de la visite, puis au cours d’un entretien avec l’accom-
pagnateur. Le fonctionnement du visiteur n’est pas le même dans les deux
cas. Au cours de la visite, il est spontané, le visiteur est livré à lui-même
puisque l’accompagnateur n’est, à toute fin pratique qu’une oreille sympa-
thique. Au moment de l’entretien, par contre, le fonctionnement est réflexif
et le visiteur jouit du support de la conversation et des questions qui lui sont
posées. On peut donc se demander s’il y a une différence dans la répartition
des thèmes ainsi que dans l’importance qui leur est accordée entre le
matériel livré spontanément et l’ensemble du matériel recueilli. Si oui, quel
est le sens de cette différence? La figure 4 illustre la proportion des verbali-
sations consacrées à chaque thème lors de la visite (verbalisations spon-
tanées) et lorsque l’on additionne la visite et l’entretien.
306 ESTELLE CHAMBERLAND

FIGURE 4
Proportion des verbalisations relatives aux thèmes
de la contextualisation au cours de la visite et
quand on additionne visite et entretien

Sauf en ce qui concerne les thèmes de l’ambiance et les séquences


d’interaction, les deux portraits sont à peu près semblables. Par ailleurs, si
tous les thèmes apparaissent déjà au cours de la visite, certains y sont très
faiblement représentés (symbolisme, comparaison de contextes, ambiance).
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 307

Selon les résultats obtenus quand on met ensemble toutes les données
recueillies, on peut croire que c’est grâce au support fourni par l’entretien
que ces thèmes ont pris plus de poids; apparaissent, en tous cas, chez
plusieurs sujets, des thèmes qu’ils n’avaient pas abordés à haute voix durant
la visite.

Selon le nombre de thèmes utilisés par le visiteur

La diversité des thèmes observée chez l’ensemble des visiteurs se retrouve-t-


elle dans l’expérience individuelle? Le visiteur aborde-t-il tous ces thèmes
pour contextualiser l’objet? Le tableau 1 indique le nombre et la proportion
de sujets en rapport au nombre de thèmes utilisés pour contextualiser les
objets.
On constate que la plupart des sujets, 86,7% au total, n’abordent pas plus
de la moitié des thèmes (de 0 à 5 thèmes) lors de la visite. Mais en
regardant l’ensemble des données recueillies, on constate que cette propor-
tion se réduit à 19,9%. L’analyse des comptes rendus individuels montre
qu’il arrive qu’un visiteur s’en tienne uniquement aux thèmes qu’il a
abordés spontanément et que l’entretien n’apporte qu’une infime modifica-
tion de l’amplitude donnée à chacun.

TABLEAU 1
Proportion de sujets utilisant chaque nombre de
thèmes pour contextualiser les objets

Nombre de thèmes abordés dans la contextualisation


0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Visite
Nombre/
sujets 2 1 2 10 15 9 3 2 0 1 0
Pourcentage 4,4 2,2 4,4 22,2 33,3 20 6,7 4,4 0 2,2 0

Visite et
entretien
Nombre/
sujets 0 0 0 2 2 5 6 15 8 5 1
Pourcentage 0 0 0 4,4 4,4 11,1 13,3 33,3 17,8 11,1 2,2
308 ESTELLE CHAMBERLAND

Mais il arrive aussi qu’une personne n’aborde qu’un seul thème durant la
visite et qu’elle lui greffe par la suite, mais en très faible proportion, un ou
deux autres thèmes. Cela représente un type extrême. À l’autre extrémité se
trouve la personne qui aborde tous les thèmes sans exception. Somme toute,
il apparaît qu’en général la contextualisation est réalisée à partir de plusieurs
thèmes dont la répartition semble relever d’un choix du visiteur selon ses
préoccupations et son style cognitif.
Ces résultats suscitent une réflexion méthodologique. L’observation d’un
processus comme celui de la construction du sens pose une difficulté
particulière du fait qu’elle repose sur ce que les sujets peuvent et acceptent
de livrer de leurs pensées et de leurs sentiments. De plus, le jugement qu’ils
portent sur la pertinence et la valeur de leurs pensées pour la recherche à
laquelle ils participent limite le matériel qu’ils livrent. Une cueillette de
données en trois parties et le recours à des techniques différentes (accom-
pagnement silencieux, utilisation d’un instrument projectif, entretien semi-
structuré), se sont avérés un choix judicieux. Nos résultats confirment
l’importance de procéder de cette manière. Nous croyons que le chercheur
ne devrait pas se fier uniquement aux réponses que fournit le visiteur
lorsqu’il est soumis à un questionnaire d’enquête à sa sortie du musée, ou à
la seule observation des faits et gestes de ce dernier, parce que certains
aspects de son expérience demandent, pour être révélés, une mise en confi-
ance, des circonstances favorables (intimité, disponibilité) et la possibilité de
s’exprimer par voie indirecte (instrument projectif). La valeur de cette
méthode réside non seulement dans le fait qu’elle permet de recueillir des
informations plus complètes, plus détaillées et plus variées que celles qu’on
aurait pu obtenir en n’utilisant qu’une seule de ces techniques, mais égale-
ment dans le fait qu’elle fournit un meilleur aperçu de ce qui se passe
réellement au cours de la visite, en favorisant, chez le visiteur, la mise au
jour d’aspects parfois très intimes de son expérience et délicats à exprimer.
Une remarque équivalente pourrait être faite sur la méthode d’analyse des
données. Une mesure quantitative permet de déceler des tendances, mais
nous avons vu que la valeur de certains thèmes de la contextualisation
(ambiance, aura émotionnelle, symbolisme, comparaison de contextes) réside
dans leur rayonnement, leur intensité et leur profondeur. Une mesure
purement quantitative (fréquence d’apparition) ne saurait donc rendre justice
à ces thèmes, ni en indiquer la véritable portée dans le processus de contex-
tualisation.

CONCLUSION

La quantité et la diversité des thèmes décelés dans la démarche des visiteurs


ont permis de nuancer et d’élargir la vision par trop focalisée que plusieurs
auteurs avaient développée du phénomène de construction du sens. On se
rend compte qu’en mettant l’accent sur un seul thème (valeurs d’utilisation,
structure dramatique) et en concluant que ce thème constitue le noyau
LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 309

central de la contextualisation ou sa forme naturelle, la complexité du


phénomène étudié s’en trouve considérablement réduite, et, du même coup,
on en perd la richesse et on n’aboutit qu’à une compréhension partielle.
Par ailleurs, nos résultats mettent en lumière une réalité qui contredit la
position de certains auteurs. En premier lieu, la position qui affirme qu’un
exhibit est éducatif en autant qu’il transmet un message clair, précis, saisi et
retenu par un public défini (Screven, 1974; Shettel, 1973). L’idéal serait,
selon ces auteurs, de partir d’objectifs bien définis, afin de couper court à
l’ambiguïté. Cette position peut être rassurante pour le muséologue, car s’il
se fixe des objectifs précis, il peut prétendre ensuite pouvoir effectuer des
évaluations apparemment objectives de l’impact de son action sur le visiteur.
Nos résultats permettent de croire que c’est là une vision assez étroite et fort
limitée de l’expérience du visiteur et des bénéfices qu’il peut tirer de sa
visite au musée. Avec une telle vision, le risque est grand de passer à côté
de ce qui compte réellement pour le visiteur dans son contact avec l’objet.
En second lieu, on conçoit généralement la visite au musée comme une
communication entre le muséologue (émetteur d’un message) et le visiteur
(récepteur du message) (Borun & Miller, 1980; Cameron, 1967; Screven,
1969; Scrutton, 1969; Shettel, 1973). Or, nos résultats montrent que cette
perception n’est pas partagée par les visiteurs: même si les intentions et les
objectifs des exhibits ne sont pas clairement définis, même si le sujet
demeure seul face à l’objet, il peut se passer beaucoup de choses à travers
ce contact et on peut penser, vu la diversité des thèmes abordés, que les
bénéfices que le visiteur retire de son expérience ne se réduisent pas à un
seul aspect, celui d’une augmentation d’un savoir théorique sur l’objet.
Nos résultats s’opposent également à une position extrême, que l’on
retrouve dans la nouvelle muséologie, et qui propose la désacralisation de
l’objet muséal par l’archivage systématique (Deloche, 1985). Cette approche
qui se veut hautement objective, en privant l’individu de l’objet pour ne lui
livrer que des informations choisies sur celui-ci, aseptise la démarche du
visiteur de toutes résonances subjectives, et indique une volonté de contrôler
l’expérience du visiteur. Cette position comporte un danger majeur: elle
risque de ne livrer de l’objet que des aspects dont on ne sait pas s’ils ont un
sens véritable pour la personne. Or nous croyons pouvoir dire de la signifi-
cation qui résulte de la contextualisation de l’objet ce que Chevalier et
Gheerbrant (1982) disent à propos du symbole: elle “n’est pas simple
photographie d’une realité toute extérieure, [elle] est convergence d’affecti-
vité, communication vibratoire” (p. xxii). Quelques réflexions livrées par nos
sujets sont révélatrices:

“C’est comme si les choses passaient toujours à travers soi.”


“Ça me parle davantage parce que je me projette là-dedans.”
“Ça me fait quelque chose parce que j’ai l’impression qu’il y a une partie
de moi dans ça.”
310 ESTELLE CHAMBERLAND

Ces exemples, joints aux résultats exposés, illustrent le besoin de l’indi-


vidu de faire sa propre expérience du contact avec l’objet et non de saisir
uniquement ce que d’autres ont perçu et jugé pertinent ou de grande valeur
pour lui.
L’intérêt d’une démarche comme la nôtre est de préciser les angles
d’attaque d’un domaine peu exploré dans le milieu que nous avons choisi,
celui des musées. Nos résultats suggèrent plusieurs pistes intéressantes pour
des recherches futures. Par exemple, les thèmes de la contextualisation
sont-ils les mêmes, quelles que soient les circonstances de la visite et le type
de musées? Devant des présentations d’objets différentes, les thèmes de la
contextualisation sont-ils les mêmes et les accents portent-ils sur les mêmes
aspects?

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L’adresse d’Estelle Chamberland est la suivante: Faculté des sciences de


l’éducation, Université de Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal
(Québec) H3C 3J7.
Une visite guidée par les pairs
dans le Vieux Montréal*

André Lefebvre
université de montréal

Un avis au Ministre de l’Éducation du Québec souligne l’importance des res-


sources éducatives qui ne sont pas des institutions d’enseignement. Les ensei-
gnants du primaire et du secondaire peuvent sensibiliser la population jeune aux
possibilités offertes par ces ressources. Encore faut-il qu’ils les saisissent bien.
Une façon d’y arriver est qu’ils en deviennent les utilisateurs. L’expérience a été
tentée à l’intérieur d’un séminaire de maîtrise. Les enseignants-participants ont
exploré le monde muséal. Ils parlent ici de l’intérêt qu’a suscité chez eux la
visite du Vieux Montréal dont ils ont été les guides. Ils disent combien ils ont
appris ainsi et ce qu’ils ont appris. Ils parlent de l’insécurité qu’ils ont éprouvée
comme guides et montrent comment l’atmosphère s’est détendue au cours de la
journée. Ils décrivent le rôle de la personne-ressource.

A recent document from the Quebec Ministry of Education emphasized the


importance of educational resources outside the school. Elementary and second-
ary teachers must know such resources well if they are in turn to persuade young
persons of their value. As part of a Master’s degree seminar, teacher-participants
explored the world of museums, then gave guided tours of Old Montréal. Here
they tell how much they learned by doing so; they also describe the insecurity
they initially felt and how their feelings changed during the day. Finally, they
analyze the role of resource-person.

LE COURS ÉDUCATION ET RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

En 1986, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec adoptait un avis au


Ministre intitulé Les nouveaux lieux éducatifs, avis qui ne devait toutefois
pas paraître avant 1987. Il explique:

*
Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la
formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada.

313 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


314 ANDRÉ LEFEBVRE

Dans quelque sphère que ce soit, la participation des personnes à la vie commu-
nautaire et sociale, dans une société démocratique, repose sur l’information. Elle
réclame aussi la formation et le perfectionnement d’habiletés particulières et elle
exige l’acceptation d’un certain nombre de valeurs. Un tel bagage n’est pas inné;
dans certaines formes de société, il se transmet et s’acquiert uniquement par
l’imitation, l’exemple et l’expérience. Mise à part la socialisation des personnes,
qui se réalise régulièrement selon ces processus, c’est-à-dire d’une manière
largement inconsciente et informelle, tous les autres éléments nécessaires à la vie
dans une société complexe s’acquièrent selon des modes et en des lieux précis,
généralement en certaines périodes particulières de l’existence. Il y faut des
équipements et des méthodes adaptés à la nature des savoirs à transmettre et aux
capacités individuelles des sujets. À cette fin, le regroupement des ressources
humaines et matérielles requises a pris forme dans l’institution scolaire et c’est
sur la période de jeunesse que se sont concentrés les efforts d’éducation de la
société. Tous les besoins n’ont pas été satisfaits pour autant, car en même temps
d’autres sources éducatives sont apparues, ou certaines déjà en place ont adapté
ou ont modifié leurs objectifs et leurs moyens d’action, le tout pour répondre aux
attentes qui ne pouvaient être satisfaites par l’école. (Conseil supérieur de
l’Éducation, 1987, p. 1.)

Le Conseil évoque ‘‘l’importance du réservoir de ressources éducatives


disponibles au Québec dans de nombreuses institutions ou organisations,
publiques ou privées, en dehors du système d’enseignement’’ (p. 1). Ces
institutions ou organisations, il les regroupe dans les ‘‘quatre sphères où se
concentrent principalement les activités humaines: 1. la sphère sociocul-
turelle, 2. la sphère sociopolitique, 3. la sphère économique, 4. la sphère des
communications’’ (p. 4.).
Les nouveaux lieux éducatifs du Conseil supérieur sont-ils vraiment
nouveaux? Le seraient-ils parce qu’on viendrait seulement de songer à les
utiliser en l’éducation? Mais on les utilise naturellement depuis toujours, et
Monsieur Jourdain a parlé en prose avant de savoir que prose il y avait. Le
seraient-ils parce qu’on viendrait seulement de songer à les utiliser à l’école?
Mes maîtres d’autrefois, avant la Réforme de l’éducation, au temps de la
grande noirceur, eux qui n’avaient pas bénéficié des prestigieuses sciences
de l’éducation, ni même, souvent, de la pauvre école normale, je peux en
témoigner, les utilisaient autant que possible. Et l’on sait de reste que les
nouveaux lieux éducatifs du Conseil font partie depuis toujours des moyens
pédagogiques mis de l’avant à toutes les époques par les tenants du courant
pédagogique qu’on fait remonter à Socrate. Je n’en veux pour preuve que
l’exploitation du bureau de poste suggérée, je ne me souviens plus où, par
l’éminent Roger Cousinet.
Loin de moi, toutefois, l’idée de reprocher au Conseil de découvrir après
tout le monde les lieux d’éducation et d’enseignement qui existent en dehors
de l’école. Si ces lieux font partie depuis toujours de la pratique pédago-
gique au Québec, si la formation des maîtres, au Québec, aussi bien dans les
écoles normales que dans les facultés et départements des sciences de
l’éducation de nos universités,—je puis l’attester ayant oeuvré dans les deux
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 315

types d’institutions au cours des trente-cinq dernières années,—il est vrai


qu’on vient à peine de les institutionnaliser à l’Université de Montréal dans
le cours Éducation et ressources communautaires de la maîtrise profession-
nelle de ma faculté. Ce cours, dont j’ai proposé la création, est cependant
antérieur à l’Avis du Conseil, puisque je le fais depuis l’automne de 1985.
Le cours Éducation et ressources communautaires a été conçu selon
l’optique même qui allait inspirer le Conseil supérieur de l’Éducation, qui

1. rappelle que la mission éducative de la société déborde largement les


cadres de l’institution scolaire et trouve dans un nombre croissant de
lieux des voies valables d’approfondissement et de diffusion;

2. attire l’attention des éducateurs des établissements scolaires sur l’op-


portunité et la nécessité de mettre à profit le potentiel des lieux non
scolaires de formation dans le cheminement éducatif des citoyens, jeunes
et adultes;

3. recommande aux établissements d’enseignement d’accroître leur


collaboration avec les autres lieux de formation en particulier par l’accès
réciproque à leurs ressources respectives;

4. recommande aux éducateurs d’intégrer l’initiation aux langages des


médias comme un élément de formation de base, dont l’objectif est la
compréhension et l’utilisation critique de ces moyens partout présents.
(Conseil supérieur de l’Éducation, p. 4)

Le cours Éducation et ressources communautaires, toutefois, comme il est


normal, poursuit ces fins en les appliquant au travail même de l’enseignant.
Le plan de cours explique:

Le cours prend pour acquis que la classe, à tous les niveaux et dans toutes les
disciplines, doit être le point de départ et d’arrivée des explorations de l’élève
dans l’espace et le temps, explorations au cours desquelles il s’approprie le
monde et ses richesses dans un incessant va-et-vient entre l’ici et l’ailleurs, entre
l’aujourd’hui, le demain et l’autrefois.
Le cours porte tout spécialement sur les ressources communautaires (sur les
biens culturels tout particulièrement) dont peut se servir l’élève dans ses explora-
tions. Ces ressources sont nombreuses et variées. Elles peuvent être d’ordre
historique ou géographique; d’ordre politique, économique ou culturel. Il peut
s’agir du quartier ou de la ville, du village ou de la campagne; de sites ou
d’immeubles; d’églises, de théâtres, de maisons de la culture, d’écoles ou de
musées. Dans le cas des musées, il peut s’agir de musées historiques (d’histoire,
d’archéologie, d’anthropologie, d’ethnographie), de musées de sciences et de
technologie (les planétariums et les observatoires en sont), de musées de la vie
animale ou végétale (aquariums, jardins botaniques, arboretums, serres).
316 ANDRÉ LEFEBVRE

Cette notion de ressources communautaires est à peine moins compré-


hensive que celle de lieux éducatifs, sans toutefois avoir l’extension de la
définition de la chose muséale que j’élaborais pour le colloque Musée et
éducation tenu à l’Université du Québec à Montréal à l’automne de 1985
(Lefebvre, 1986). Même alors, pourtant, je croyais déborder à peine la
catégorisation des musées de Statistiques Canada (1979):

Dans les tableaux, la catégorie des musées historiques comprend les musées
d’histoire, d’archéologie, d’anthropologie et d’ethnographie. Les musées de
sciences et de technologie désignent outre les établissements qui portent ce nom,
les planétariums et les observatoires. Quant aux aquariums, aux jardins zoolo-
giques, aux jardins botaniques, aux arboretums et aux serres, ils font partie des
musées de vie animale et végétale. Les bâtiments et lieux historiques restaurés
sont classés parmi les restaurations. Enfin, les parcs ou centres naturels ont été
pris en compte dans la catégorie ‘‘autres établissements.’’
Dans les graphiques, les établissements ont été regroupés selon des catégories
plus générales à titre indicatif. Les musées d’intérêt historique désignent les
bâtiments ou lieux historiques restaurés, les musées généraux, les musées
d’intérêt local et les musées historiques proprement dits. Les musées de science
et de technologie ainsi que les musées de vie animale et végétale forment une
seule catégorie et les ‘‘autres établissements’’ comprennent les archives. (p. 5)

Le cours Éducation et ressources communautaires est devenu un labora-


toire privilégié pour le Groupe de recherche sur l’adulte et les lieux muséaux
de l’Université de Montréal. Plusieurs projets ont été réalisés dans ce cours
et ont même donné lieu à des publications (Lefebvre, H., 1988). Personnel-
lement, je m’emploie actuellement à dégager des comptes rendus des visites
réalisées durant ce cours une sorte de portrait de l’enseignant visiteur de
lieux muséaux, et c’est la partie de cette étude concernant la visite guidée
par les pairs avec personne-ressource que je présente ici.
Mais d’abord, quelle est la clientèle du cours Éducation et ressources
communautaires? Donné à cinq reprises jusqu’à présent, le cours a compté
56 participants âgés de 25 à 55 ans environ. Ces enseignants appartiennent
à tous les ordres du système d’enseignement, au primaire même et aussi au
préscolaire, au collégial encore et même à l’enseignement supérieur, s’ils
sont surtout du secondaire. Du secondaire et du collégial, ils sont aussi bien
du secteur professionnel que du secteur général, et ils représentent toutes les
disciplines.
Chaque groupe a visité 5, 6 ou 7 lieux muséaux. En tout, 20 lieux l’ont
été:
–L’Oratoire St-Joseph et le Vieux Montréal;
–L’Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve et le Centre d’histoire de
Montréal;
–Le Jardin botanique et le Parc archéologique de Pointe-du-Buisson (à
Melocheville);
–La salle de muséologie Marius-Barbeau du Département d’anthropologie
de l’Université de Montréal et la Maison de la culture de Notre-Dame de
Grâce;
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 317

–La Maison de Mère Youville, la Maison de George-Etienne Cartier;


–Le Château Ramesay et le Château Dufresne;
–L’archibus du Musée des beaux-arts de Montréal et la Salle des décou-
vertes de l’École Westmount Park;
–Le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée McCord d’histoire
canadienne, le Musée d’histoire David-M. Stewart, le Musée d’histoire
naturelle Georges-Préfontaine et le Musée Marie-Rose Durocher des Soeurs
des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie.

Le Vieux Montréal a été visité à quatre reprises, le Musée des beaux-arts


et le musée Georges-Préfontaine, à trois reprises, et le Musée David-M.
Stewart, à deux reprises.
Les visites effectuées par les participants sont de plusieurs types: visite
guidée par un guide professionnel, visite guidée par les pairs avec la partici-
pation d’une personne-ressource, visite avec audio-guide, visite libre avec ou
sans personne-ressource.
Les participants ont rédigé des comptes rendus de visites, chacun comme
il l’entendait. Aucune directive particulière n’a été donnée sur la façon de le
faire. À diverses reprises, des participants ont demandé des consignes
précises, demande qui est toujours restée sans réponse.
Une grille d’analyse a été développée et chacun des comptes rendus a été
analysé suivant les principes de l’analyse de contenu. Il ne saurait être
question de présenter ici l’ensemble des résultats de cette analyse. Nous n’en
verrons que ceux qui ont le rapport le plus étroit avec la formation des
éducateurs. J’ai cru qu’une présentation où je laisserais parler ces derniers
serait plus éloquente qu’une présentation traditionnelle. J’ai tenté de limiter
le plus possible mon intervention, me bornant la plupart du temps à intro-
duire des témoignages que j’ai regroupés sous 16 thèmes. Ces témoignages
sont si riches, les gestes posés sont si souvent expliqués par leurs auteurs et
ceux-ci ont une si grande intuition de leurs effets qu’il me semblait superflu
de proposer mes propres interprétations.

DONNÉES DÉGAGÉES DE L’ÉTUDE DES COMPTES RENDUS


DE LA VISITE DU VIEUX MONTRÉAL

La visite du Vieux Montréal commence à neuf heures du matin pour se


terminer à quatre heures de l’après-midi. Elle se fait à pied et elle est guidée
par les étudiants avec l’assistance du professeur jouant le rôle de personne-
ressource.

La visite, occasion de participation active

Sur le plan de l’activité personnelle, on compare la visite du Vieux Montréal


à une autre visite, celle du Musée des beaux-arts, que l’on a faite avec un
guide professionnel.
318 ANDRÉ LEFEBVRE

–La visite du Vieux Montréal se caractérisait par une participation active


de la part du groupe, contrairement au rôle passif que nous avions tenu lors
de la visite du Musée des beaux-arts.

En quoi la visite du Vieux Montréal est-elle active?


–La participation à la visite du Vieux Montréal fut active dans le sens
que chaque membre du groupe devait présenter un site. Cela permettait à
chacun d’être à la fois animateur et observateur. Chaque participant fait
connaître d’une façon originale une partie du Vieux Montréal et augmente
sa connaissance des autres parties.

Actif, on est davantage intéressé par la visite du Vieux Montréal que par
celle du Musée des beaux-arts.
–La formule adoptée pour effectuer la visite du Vieux Montréal, à mon
avis, était beaucoup plus valable en ce qui concerne l’apprentissage que la
visite guidée du Musée des beaux-arts, parce que nous avons eu une part
active dans son déroulement. Cette formule a suscité beaucoup d’intérêt.
–J’ai beaucoup aimé la façon de cheminer dans la découverte du quartier,
chacun ayant une partie du terrain à couvrir. Je pense que cela a suscité
l’intérêt de tous et chacun. Sur le plan didactique, c’est une méthode que je
retiens, car elle permet une visite plus vivante et dynamique que la tradition-
nelle visite guidée pour touristes.

Cet intérêt, justement, doit beaucoup au fait que chacun est impliqué
personnellement.
–Responsable de la présentation d’un site, chacun a dû effectuer un
travail de recherche. Le fait d’avoir à présenter un site a accru ma moti-
vation. J’étais directement impliquée.

On le voit, on est impliqué du fait de devoir se préparer à présenter un


site.
–La présentation d’un lieu en particulier que nous devions faire nous a
obligés à faire une petite recherche.

On est même impliqué du seul fait qu’il faut marcher, et toute une
journée.
–Bien sûr, le fait que j’aie eu à préparer et à présenter un site me forçait
déjà à m’impliquer dans la visite, mais il y avait aussi que j’étais très
impliquée physiquement.

La variété des présentations comme élément dynamique

Chaque présentation, forcément, est personnelle.


–Le fait que nous étions guides à tour de rôle a conféré à la visite un
petit côté personnel.
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 319

On s’y attend.
–J’attendais du groupe une recherche bien documentée et une présentation
originale.

D’ailleurs, on peut être d’autant plus original qu’on est libre de faire
comme bon nous semble.
–Très peu d’informations nous ont été données concernant les modalités
de présentation du site. Nous avions comme seul document la brochure
publiée par la Ville de Montréal: Montréal. Le Vieux Montréal à pied. Nous
avions donc pleine liberté d’action. Cela me plaisait beaucoup, car je sentais
que je pouvais mettre dans mon exposé la dose d’originalité nécessaire pour
le rendre intéressant. Trop de consignes auraient rendu la visite monotone.

Une telle liberté, évidemment, comporte des risques, mais qui valent la
peine d’être courus.
–Il est vrai que le manque d’encadrement peut provoquer l’insécurité, et,
dans certaines circonstances, le désordre. Dans notre cas, cela aura permis à
chacun d’agir en toute liberté et d’orienter ses recherches selon ses intérêts.
Les présentations en étaient d’autant plus personnalisées. Un cadre trop
rigide ne risque-t-il pas de diminuer l’intérêt, le désir de se dépasser?

Des présentations marquées au coin de la personnalité du présentateur ne


peuvent qu’être très diverses.
–J’ai bien apprécié la participation de tous les membres du groupe. Cela
a permis des approches variées. Entre autres, j’ai bien aimé le petit guide
préparé par Odette, l’exposé de Louise sur la vie de tous les jours au
Château Ramesay à l’époque du gouverneur, la documentation supplémen-
taire apportée par Sylvia, l’album de photos d’autrefois que nous montra
Robert, la carte de Montréal au XVIIIe siècle qu’arborait Hélène.

Le tout, partant, doit être pittoresque.


–La diversité des exposés rendait la visite très colorée.

Par suite, la variété des présentations entraîne la variété des réactions.


–C’est étonnant la variété des approches adoptées, celle des commentaires
provoqués, des émotions ressenties.

La variété, l’originalité des présentations sont de nature à soutenir l’atten-


tion, à renouveler l’intérêt.
–L’originalité de la présentation du guide improvisé polarise mon atten-
tion et soutient la démarche du groupe, émerveillé de voir comment chacun
sait se tirer d’affaire.
–Voici une façon très originale de visiter un quartier. Chacun, à tour de
rôle, agit comme guide et nous entretient sur un site. C’est plus intéressant
qu’une visite guidée par un guide professionnel, car chacun, avec sa person-
320 ANDRÉ LEFEBVRE

nalité propre, ajoute aux renseignements une note personnelle qui fait que
l’intérêt de tous est sans cesse stimulé.

L’attention, l’intérêt sont aussi fonction de l’émulation, d’une certaine


rivalité même.
–Chacun devant s’impliquer, se crée une sorte de ‘‘challenge,’’ chacun
cherchant à faire de son mieux.

Mais les présentations sont-elles toutes aussi stimulantes, indépendamment


du site? Les opinions varient.
–Les différents guides ont capté mon attention et maintenu mon intérêt
tout au long du parcours.
–Certains exposés m’ont paru plus intéressants que d’autres, et cet intérêt
n’était pas conséquence du site présenté, mais de l’animateur et de ce qu’il
avait préparé sur son site.

L’apprentissage et ses modalités

Actif, intéressé, on apprend, c’est forcé, du moins si la pédagogie ne ment


pas.
–L’idée d’utiliser nos talents de guide m’a beaucoup plu. J’ai appris
énormément de choses au cours de la visite.

On apprend beaucoup parce qu’on s’est bien préparé.


–J’ai eu l’impression d’apprendre plus de choses lors de la visite du
Vieux Montréal qu’ailleurs parce que je m’y étais bien préparée. J’avais
même lu une histoire de Montréal durant la semaine précédant la visite.

On apprend beaucoup aussi parce que tous vivent la même aventure dans
l’ordre du savoir.
–J’ai appris bien des choses malgré la chaleur. Pourquoi? Peut-être parce
qu’il est agréable d’apprendre avec des gens qui partagent les mêmes
intérêts que nous.
–I was always very keen about Old Montreal, but this visit has left me
four times more keen. I now understand four times more what Old Montreal
is all about. I had participated in very informative tours of Old Montreal,
this one had a very special flavour. I felt the whole group was one and we
had one aim; that is to find out as much as possible about the Old Montreal
community. It is incredible how a professor can create such a beautiful piece
of art work. I could not help observing and reflecting on some of his more
discrete behaviours.

Tout en marchant d’un site à l’autre, on apprend les uns des autres.
–Nous marchons par deux, par trois. Les commentaires des uns et des
autres sont presque tous intéressants. Quels échanges! Que d’échanges
enrichissants!
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 321

Justement, on apprend les uns des autres, et non pas seulement du présen-
tateur.
–Cette visite a pris l’allure d’une rencontre à plusieurs, d’un échange de
connaissances. Nous devenions tous des personnes-ressources.
–Chacun veut faire connaître aux autres quelque chose du Vieux Mon-
tréal, d’où vient que l’intérêt pour cette visite est très grand.

Tout en marchant, on apprend même d’un guide des choses dont il n’a
pas parlé dans sa présentation.
–Tout au long du parcours, j’ai parlé avec différentes personnes qui m’ont
apporté des informations complémentaires à leurs exposés. Par exemple,
Hélène m’a parlé du livre qu’elle a commencé à lire sur l’histoire de
Montréal.

On apprend comme malgré soi.


–Dans un cadre informel et non directif, j’ai appris sans m’en rendre
compte.

L’atmosphère de détente propre au type de visite favorise l’assimilation


des connaissances.
–J’adore ce genre de visite, parce que nous apprenons tout en relaxant.
–Mon intérêt est très soutenu, car je dois surveiller les informations qui
fusent de toutes parts. Dans une atmosphère de détente, j’enregistre assez
facilement plusieurs notions qui m’étaient jusqu’alors inconnues.
–Il y a aussi le climat de confiance qui s’installe peu à peu entre nous.

Ah! le plaisir de s’instruire pour instruire!


–Quelle belle journée, et combien enrichissante! Toutefois, ce qui m’a le
plus emballée, c’est la préparation des deux sites qui m’étaient assignés. Je
suis passée des dizaines de fois par la Place Jacques-Cartier, et jamais je ne
l’ai vue comme maintenant. J’ai visité seule mes deux sites. À plusieurs
reprises, j’ai fouillé dans des livres pour les connaître mieux. Quand je
retournerai dans le Vieux Montréal, ce sera avec un regard différent que je
verrai le quartier, les rues, les édifices qui ont tant à raconter.

Et on apprend d’autant mieux que chacun a plaisir à apprendre quelque


chose aux autres, mes enseignants le savent, qui donnent une chance à leurs
élèves de s’entre-instruire.
–Je me promets de revivre cette expérience avec des amis, et, je l’espère,
avec des élèves, et en reprenant la même recette, afin que chacun ait la joie
d’apprendre quelque chose aux autres. C’est très important pour moi, en tant
qu’élève, d’apporter quelque chose au groupe. D’ailleurs, de plus en plus, en
tant qu’enseignante, j’essaie d’impliquer les élèves afin de garder en éveil
leur intérêt, leur goût d’apprendre.
322 ANDRÉ LEFEBVRE

Au fait, apprend-on mieux de ses pairs que des guides professionnels, qui
ne sont jamais nos pairs? Ah! oui, je me le rappelle: ‘‘Demande à Pierre de
t’expliquer cela,’’ disait l’instituteur à Paul dans le temps, constatant son
échec et à bout de patience. Combien de Paul ont alors compris, qui . . . ?
Ah! les discours que tiennent des élèves à d’autres élèves, leurs contempo-
rains, usant du vocabulaire de leur génération, utilisant des exemples
empruntés au monde qui est le leur !
–La visite guidée par des pairs me semble des plus intéressantes, même
si elle risque d’être moins ‘‘scientifique’’ (entre guillemets) que celle guidée
par un professionnel, parce qu’il n’y a pas de décalage entre le guide
improvisé et le visiteur et qu’elle engage davantage les sentiments des
participants, qui doivent forcément s’impliquer.

Le groupe, on en est persuadé, favorise l’apprentissage.


–Je constate que les contacts avec les gens constituent un élément favo-
rable à mon apprentissage, soit par les informations qu’on acquiert, soit
même seulement par l’atmosphère qui règne.
–Cette attitude positive face au groupe influence sûrement ma perception
d’une activité qui, normalement, ne fait pas partie de mes choix de sorties.
J’ai trouvé accessible, et même agréable, le contenu historique de la visite.

Quelqu’un, reprenant des éléments déjà relevés (préparation personnelle,


variété des présentations, atmosphère de détente, motivation, émulation)
explique avec un bonheur certain le haut niveau d’apprentissage atteint au
cours de la visite.
–Selon ce que j’ai pu vivre, je crois que l’auto-animation permet une
meilleure assimilation du savoir, et ceci pour plusieurs raisons. Première-
ment, afin d’être en mesure de donner le maximum d’informations aux
camarades, chacun se doit de se documenter et d’effectuer les recherches
nécessaires pour ce faire. De plus, la variété des styles d’animation fait
qu’on ne s’ennuie pas, contrairement à ce qui arrive quand il n’y a qu’un
seul et même guide. Il y a aussi que, dans ce genre de visite, l’orgueil
aidant, chacun voulant faire mieux que l’autre, permet d’obtenir des rensei-
gnements d’une haute qualité.

Utilisant plusieurs éléments évoqués par le témoin précédent, quelqu’un


d’autre, d’une tout autre manière, tente son explication du riche apprentis-
sage réalisé par le groupe dans le Vieux Montréal.
–Il faut dire que je n’étais pas tant intéressée par la matière que par le
déroulement général de la visite. J’ai trouvé la formule très sympathique.
J’étais curieuse de voir comment les autres se présenteraient et s’expri-
meraient. Ceci permettait de connaître certains traits de caractère comme la
personnalité de chacun. Le caractère très personnalisé de la visite tout
empreinte de camaraderie, cela ne fait aucun doute pour moi, est un facteur
de motivation et d’apprentissage des plus importants.
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 323

Les liens réalisés, leur origine et leur fonction

Ainsi, tout en marchant, on apprend à établir des liens entre les sites.
Établissant des liens entre les différents sites, on en arrive à apercevoir un
tout.
–En tant qu’expert, le guide nous fait remarquer des éléments nouveaux
pour nous. Il nous aide et son exposé est porteur d’une interprétation
historique. Établissant des liens entre les différents sites, il nous amène à
percevoir peu à peu un tout.

On apprend aussi à établir des liens entre les sites et les acteurs de
l’histoire.
–Les exposés et les commentaires m’ont permis d’établir des liens entre
les différents sites et les personnages qui y ont vécu, qui les ont animés dans
le passé.

On apprend à établir des liens entre les divers sites et les faits historiques.
–Comme le faisait remarquer un membre du groupe, parce que nous nous
étions préalablement documentés, il nous était plus facile de relier les sites
avec les événements de l’histoire. D’ailleurs, quand on est quelque peu
sensibilisé à un sujet, on apprend beaucoup mieux.

On ressuscite le passé, selon l’ambition de Michelet, en évoquant les


ancêtres dans les lieux où ils ont vécu!
–L’observation de ce quartier historique appuyée par les courts exposés
de nos camarades a fait resurgir des personnages qu’une présentation
livresque en classe ne serait pas parvenue à nous faire apparaître.

Mais le passé ainsi ressuscité peut être très récent, qui surgit grâce à un
acteur d’à peine trente ans qui fait partie du groupe.
–Ce qui fut très apprécié, c’est qu’une certaine personne du groupe
(Carole) a déjà habité le quartier, est allée à l’école dans ce bâtiment qui ne
loge plus d’école. Quels commentaires intéressants! Que d’anecdotes
palpitantes! Mais la fille, je l’ai peut-être vue jouant dans la cour de récréa-
tion sous les fenêtres de grand-mère.

Ces gens qui ne sont pas passés par un département d’histoire réussissent
pourtant à parler de témoignage oral et de documentation vivante.
–Un autre élément qui m’a conquise, c’est la redécouverte de l’inesti-
mable document oral: c’est la documentation vivante. Notre camarade
Carole nous en a donné un fameux exemple.

Les difficultés du rôle de guide ponctuel

Et la journée passe si vite à ainsi apprendre.


–Le temps de la visite (toute une journée) nous a paru plus court que les
324 ANDRÉ LEFEBVRE

deux heures passées au Musée des beaux-arts, car, dans le Vieux Montréal,
chacun était actif, présent de corps et d’esprit. On avait hâte de vérifier sur
place ce qu’on avait lu. Parce que nous étions intéressés, le temps filait, et
aucune lassitude.

Ce n’est pas que la tâche soit facile.


–Être guide semble une tâche pénible à accomplir. Je n’ai pas hâte de
vivre une telle expérience.

Comme le maître qui a le trac parce qu’il débute dans la profession, parce
que l’année commence, se prépare pour sa première leçon comme si elle
devait durer tout un jour, l’apprenti guide se tue à préparer la présentation
de son site.
–Se produire en public est souvent une épreuve insécurisante pour qui
manque de confiance en soi. C’est peut-être justement pour vaincre cette
insécurité que nous avons tous travaillé très fort pour préparer notre présen-
tation.

Même tremblant, on est fier de s’exécuter.


–Nous étions chacun le petit spécialiste de quelque chose, et j’ai cru
percevoir que, malgré la nervosité, la plupart d’entre nous étions bien fiers
de divulguer le résultat de nos recherches.

Au cours de la matinée, chacun n’en est pas moins dans ses petits sou-
liers.
–Le matin, nous sentions tous (en supposant que tous ressentaient la
même chose que moi) une certaine inquiétude quant à la valeur des re-
cherches auxquelles nous nous étions livrés, quant au déroulement même de
l’activité. Ceci, selon moi toujours, a fait que chacun se sentait solidaire des
autres. Ainsi, au début au moins, il n’était pas difficile d’obtenir l’attention
de tous, car chacun était désireux de savoir comment les autres allaient se
débrouiller, si ce que chacun avait préparé se comparait avantageusement
avec ce qu’avaient fait les autres. Mais, au fur et à mesure que l’avant-midi
avançait, l’atmosphère se détendait, se réchauffait (ce qu’on ne peut pas dire
de nos mains et de nos pieds).

On peut voir les choses en plus sombre.


–Au cours de l’avant-midi, les guides semblaient très nerveux. Il régnait
une grande tension que l’on pourrait attribuer à une certaine crainte d’être
mal jugé.
–La visite du matin m’a laissé une impression de malaise général. Un
cours magistral donné en plein air: on pourrait qualifier ainsi l’avant-midi.
Vu l’atmosphère, je craignais le moment où je serais en vedette tout en
ayant très hâte de faire mon exposé. J’étais donc très tendue, très nerveuse
au moment de présenter la petite rue Saint-Vincent. J’avais l’impression
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 325

d’être devant des robots qui jugeaient ma façon de présenter le site plutôt
que la valeur des renseignements que je donnais.

Dès le début de la journée toutefois, on est dans le jeu, car c’en est un, et
on cherche, et on apprend.
–Par un temps plutôt inclément, le groupe se rend à la Place d’Armes, où
s’exécute notre première guide. La nervosité est grande, mais une sorte
d’état de grâce se développe peu à peu. Chacun s’efforce d’observer,
d’apercevoir les choses dont parle la guide. Des camarades complètent
l’information reçue: identification d’institutions, de styles architecturaux, de
sculptures; contexte historique.

Mais l’heure du lunch est vraiment le point tournant de la journée.


–Le dîner est venu rendre cette visite plus ‘‘humaine.’’

Après le déjeuner, la visite s’effectue avec moins de formalisme, plus de


naturel.
–L’après-midi, on pouvait observer une certaine détente du groupe. Tout
le groupe participait activement à la présentation des camarades, dont les
exposés, souvent, furent ainsi enrichis.
–Après le dîner, l’atmosphère s’est détendue. Chacun y allait de son petit
commentaire. J’avais plus envie d’échanger mes impressions sur ce que je
voyais et vivais que de suivre la visite religieusement comme je l’avais fait
le matin. C’était moins scolaire et le groupe était plus indiscipliné.
–La glace est brisée. On rit, on parle; on écoute tout de même. Le fait de
passer la journée ensemble nous lie, journée pleine d’amitié. Je pense que ce
qui rapproche ainsi les gens, c’est le but commun.

Et plus on est à l’aise dans le groupe, plus la visite est fructueuse.


–Dans le Vieux Montréal, la dynamique du groupe a été pour beaucoup
dans le succès de notre visite. Chacun a perdu un peu de ses inhibitions et
on était plus à l’aise les uns avec les autres.

Et plus d’un, sinon tous, ont adoré être guides.


–J’ai aimé jouer le rôle de guide, mais j’avais senti le besoin d’être bien
préparée avant de me présenter devant le groupe.

Reprenant des éléments déjà relevés (styles de présentation, personnalité


du guide, aptitudes de la personne et de l’enseignant), quelqu’un essaie
d’expliquer pourquoi les guides ont formé une équipe exceptionnelle.
–L’information transmise par les divers guides le fut sous diverses formes
exprimant la personnalité de chacun. Chacun, avec ses aptitudes personnelles
et professionnelles, à mon avis, a su allier son rôle de pédagogue soucieux
de bien transmettre l’information à celui d’animateur.
326 ANDRÉ LEFEBVRE

Le rôle de la personne-ressource

Quant au professeur jouant le rôle de personne-ressource, il aurait rassuré


chacun, complété l’information fournie par tous.
–The fact that I had to present one of the sites to my fellow students,
fellow teachers, did not create any insecurity. Our resource-person is very
supportive and fills in any missing information.
–J’ai perçu le rôle du professeur comme essentiel pour faire le lien entre
les différents sites et pour compléter les exposés.

Le professeur aurait aussi aidé chacun à comprendre que chaque membre


du groupe est personne-ressource.
–Au début de cette grande visite, les interventions du professeur me
mettaient un peu mal à l’aise. Je les percevais comme une critique et une
évaluation de la recherche des guides. Je me suis vite rendu compte que je
me trompais et j’ai compris qu’il agissait vraiment en personne-ressource.
Ses interventions venaient compléter l’exposé du guide, rendant ainsi la
visite doublement intéressante. De la sorte, grâce à lui, j’ai pris conscience
du fait que nous étions tous des personnes-ressources, chacun pouvant
apporter quelque chose au groupe. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié
ses interventions.

Il semblerait que, par ses interventions, le professeur arrive à donner une


certaine unité aux présentations des ‘‘marcheurs de l’histoire.’’ (Quelle belle
expression! Surtout qu’on est en histoire et que le grand Raoul Blanchard
disait que la géographie, ‘‘ça s’apprend par les pieds.’’ Mais l’histoire se
passe dans la géographie.)
–Je crois percevoir un élément important sans cesse présent au coeur de
notre démarche (de notre marche). Le rôle de catalyseur et de personne-res-
source joué par le professeur assure une continuité à notre visite. Discret,
mais combien présent, on sent que chacun peut compter sur lui pour un
complément d’information au fil des sites. Sa vaste culture sert d’intégrateur
et permet une réelle continuité entre les présentations souvent sommaires des
‘‘marcheurs de l’histoire.’’ En fait, de par sa maîtrise du sujet, notre spécia-
liste apporte et donne une unité à la diversité des présentations.

En manière de conclusion

Beaumarchais a sous-titré son Mariage ‘‘La Folle Journée,’’ et la folle


journée que vivent mes enseignants dans le Vieux Montréal est si vite
passée.
–Cette visite, malgré sa durée, fut très intéressante.
–En deux mots, la journée m’a paru courte parce que intéressante.
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 327

Ah! la journée mémorable!


–C’est la visite qui est encore la plus présente à mon esprit, même après
tout ce temps.

Journée mémorable à cause du groupe.


–Ce fut une journée mémorable par la fraternité qui se développa parmi
les membres du groupe malgré la chaleur.
–Le fait de se déplacer en groupe, marchant tantôt avec l’un tantôt avec
l’autre, m’a permis de prendre contact avec toutes les personnes du groupe,
ce qui, naturellement, est difficile, parfois même impossible, dans une
classe.

On se doutait de la chose.
–Vivre une journée dans le Vieux Montréal avec mes collègues, n’est-ce
pas merveilleux? J’échangerai des points de vue, j’essaierai de percevoir les
réactions du groupe, surtout lorsque ce sera mon tour de jouer le rôle de
guide.

Les participants à la visite guidée par les pairs dont on vient de lire les
témoignages , on se le rappelle, ont aussi expérimenté la visite guidée par un
professionnel, la visite avec audio-guide ainsi que la visite libre avec ou
sans personne-ressource. Plus que toutes les autres, la visite guidée par les
pairs semble favoriser la participation active du visiteur. On comprend
aisément que la participation du visiteur soit moins active dans le cas de la
visite libre avec personne-ressource, moins active encore dans le cas de
visite avec guide professionnel, encore moins active dans le cas de la visite
avec audio-guide. Dans le cas de la visite libre sans personne-ressource, si
le visiteur a toute liberté de s’impliquer à cent pour cent, il n’est pas aussi
stimulé à agir que dans le cas de la visite guidée par les pairs parce qu’il est
seul ou avec quelques visiteurs seulement; de plus, le fait qu’il soit laissé
ainsi plus ou moins à lui-même est de nature à l’insécuriser, ce qui peut le
paralyser plus ou moins.
C’est seulement dans le cas de la visite guidée par les pairs que le visiteur
doit obligatoirement se préparer à la visite, ce qui, dès le départ, l’oblige à
être actif. Dans le cas de la visite avec audio-guide, dans celui de la visite
guidée par un professionnel et dans celui de la visite libre avec personne-
ressource, on a tout préparé pour lui, et, dans tous les cas, il doit être rare
qu’il croit nécessaire de se préparer d’une manière ou d’une autre. Dans le
cas de la visite libre sans personne-ressource, rien ne l’empêche de le faire,
mais rien ne l’y oblige non plus.
L’intérêt suscité par la visite guidée par les pairs doit être grand du
simple fait de l’implication du visiteur; il doit l’être également à cause de la
variété et de l’originalité des présentations, qui sont le fait de plusieurs. Ce
qui nuit à la présentation du guide professionnel, et, à moindre degré, à celle
de la personne-ressource, qui ne s’exprime que sur demande, c’est qu’elles
328 ANDRÉ LEFEBVRE

sont le fait d’une seule et même personne, même si elles sont normalement
plus variées et originales que celles des pairs. Le caractère toujours un peu
impersonnel et mécanique des présentations de l’audio-guide suscite évidem-
ment un intérêt moindre que les trois autres types de visite. Dans le cas de
la visite libre, le visiteur, livré à lui-même, est soumis aux hauts et aux bas
de son intérêt pour la chose muséale.
Avec la visite guidée par les pairs, il est probable que le visiteur apprend
davantage qu’avec les autres types de visite du simple fait que le visiteur est
plus actif, plus motivé avec celle-là qu’avec les autres, qu’il se sent embar-
qué dans une aventure collective, même si la qualité du savoir dispensé par
le guide professionnel, par l’audio-guide, par la personne-ressource de la
visite libre est normalement supérieure à celle du savoir présenté par les
pairs. Avec la visite libre sans personne-ressource, le visiteur ne peut
compter que sur son savoir, parfois sur celui de quelques visiteurs, sur la
chose muséale elle-même et sur les renseignements disponibles sur celle-ci,
qui sont d’ordinaire peu nombreux. Il est évident que, dans son apprentis-
sage, le visiteur profite de l’atmosphère de détente qui règne lors d’une
visite guidée par les pairs, atmosphère qui n’existe pas au même degré dans
les autres types de visite, parce qu’on est toujours plus ou moins prisonnier
du guide, quel qu’il soit, parce qu’on est plus ou moins insécurisé par la
visite libre sans personne-ressource.
Produisant lui-même son savoir lors d’une visite guidée par les pairs, le
visiteur est dans de bonnes conditions pour améliorer son attitude envers le
savoir en général et tirer de son apprentissage la plus grande satisfaction
possible. Dans le cas de la visite avec audio-guide, il se trouve dans la
situation de l’élève soumis à un enseignement magistral; il l’est encore,
évidemment, quoique à un moindre degré, dans le cas de la visite guidée par
un professionnel, et, à un degré moindre encore, dans celui de la visite libre
avec personne-ressource, et c’est tout dire. Dans le cas de la visite libre sans
personne-ressource, le visiteur, pour produire son savoir, ne peut compter, là
encore, que sur lui-même, parfois sur quelques visiteurs, sur la chose
muséale elle-même et sur les maigres renseignements disponibles sur
celle-ci, et c’est tout dire encore.
Dans l’apprentissage à l’école, on sait toute l’importance des apports du
groupe, et la visite guidée par les pairs favorise très évidemment ces apports.
Théoriquement, le visiteur devrait apprendre davantage et plus sûrement du
guide professionnel, de l’audio-guide et de la personne-ressource de la visite
libre que des pairs, mais la distance qui le sépare du spécialiste, distance
analogue à celle qui sépare l’élève de l’enseignant à l’école, et l’état de
dépendance et d’isolement plus ou moins relatif où il se trouve par consé-
quent presque fatalement fait plus ou moins obstacle à son apprentissage.
Dans le cas de la visite libre sans personne-ressource, le visiteur est toujours
plus ou moins isolé par définition.
Le guide professionnel, comme l’audio-guide, comme la personne-res-
source de la visite libre, établissent des liens entre les choses et s’efforcent
UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 329

de faire apparaître des ensembles, mais cela, le visiteur ne se l’approprie pas


nécessairement, comme l’élève, à l’école, ne retient pas nécessairement les
leçons du même type. Même si le visiteur de la visite guidée par les pairs se
fait de lui-même une moins bonne idée, en soi, des liens existant entre les
choses et des ensembles dont elles font partie que le guide, l’audio-guide ou
la personne-ressource de la visite libre, fort de la préparation qu’il a faite
d’une partie de la visite (il s’est parfois renseigné sur l’ensemble) et avec
l’aide de ses pairs, il s’en fait pour lui-même une meilleure idée. Dans le cas
de la visite libre sans personne-ressource, le visiteur a moins de chance de
se faire une bonne idée des liens existant entre les choses et des ensembles
dont elles font partie que dans celui de la visite guidée par les pairs parce
qu’il doit tout faire seul, ou avec l’aide de quelques personnes seulement, ni
lui ni les autres, la plupart du temps, ne s’étant préparés d’aucune manière
à la visite.
La visite guidée par les pairs étant la chose du visiteur, mais appuyé par
les autres visiteurs, il est normal que, pour lui, le temps semble passer plus
vite que lors d’une visite avec un guide professionnel ou avec un audio-
guide, qu’il lui faut suivre, que lors d’une visite libre, même avec une
personne-ressource, où l’on est toujours plus ou moins insécure, encore une
fois. De plus, la vie de groupe, on le sait, permet de se donner du bon
temps, et le bon temps, on le sait aussi, ça file, et cela de plus en plus vite
à mesure que l’on se connaît mieux que, se connaissant mieux, on est plus
à l’aise dans le groupe; cette vie de groupe, évidemment, n’existe pas au
même degré dans le cas de la visite libre avec ou sans personne-ressource,
encore moins dans le cas de la visite guidée, et moins encore dans celui de
la visite avec audio-guide.
Lors d’une visite guidée par les pairs, la personne-ressource, contraire-
ment au professionnel, à l’audio-guide, à la personne-ressource de la visite
libre, n’est pas un maître, et, s’il l’est, du moins n’est-il pas le seul maître,
tous les visiteurs jouant ce rôle. À cause de cela, il peut, plus facilement que
les autres, aider le visiteur à avoir confiance en soi et à se trouver bien dans
le groupe, tant sur le plan affectif que sur le plan cognitif, de manière à ce
qu’il profite au mieux du groupe de sorte qu’il puisse bénéficier au mieux
de la chose muséale.
Comment s’étonner, après tout cela, que la visite guidée par les pairs soit
si prisée des visiteurs? On l’aura peut-être mieux compris, à lire les limpides
témoignages des participants plutôt que la conclusion de l’auteur. Mais,
après tout, il est légitime de demander à l’auteur d’un texte, même tissu de
témoignages, ce qu’il en pense.

RÉFÉRENCES

Conseil supérieur de l’Éducation. (1987). Les nouveaux lieux éducatifs: avis au


ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et de la Science.
Québec: Gouvernement du Québec.
330 ANDRÉ LEFEBVRE

Lefebvre, A. (1986). Prolégomènes à une didactique muséale en histoire. In G.


Racette (dir.), Musée et éducation: modèles didactiques d’utilisation des
musées (p. 12–15). Montréal: Société des musées québécois.
Lefebvre, H. (1988). Réflexion au sujet des bénéfices du visiteur de musée. In
James L. McLellan et William H. Taylor (dir.), Les Actes du 7e Congrès
annuel de l’Association canadienne pour l’étude de l’éducation des adultes (p.
182–186). Calgary: University of Calgary, Faculty of Continuing Education.
Statistiques Canada. (1979). Statistiques de la culture: musées, galeries d’art et
établissements assimilés, grands établissements. Ottawa: Gouvernement du
Canada.

André Lefebvre est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation, Université


de Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7.
Le visiteur, le guide et l’éducation*

Bernard Lefebvre
université du québec à montréal

Hélène Lefebvre
collège montmorency

Le musée est l’une des nombreuses institutions qui remplissent une mission
éducative à l’égard de la population. Ses visiteurs se répartissent en diverses
catégories, mais tous se laissent informer et former au contact des objets présen-
tés. Les formules utilisées pour guider le visiteur à travers une exposition
exercent sur lui une influence éducative. Ce sujet a été étudié par le dépouille-
ment systématique de rapports de visites de musées effectuées par des étudiants.
L’appréciation de plusieurs types de visites et de guides fait voir les attentes
exprimées à l’égard de ceux-ci. Par leur habileté, ils font appel à l’intelligence,
sollicitent l’affectivité et favorisent la participation du public.

One of many popular educational institutions, the museum attracts a diverse


clientele expecting to be informed and educated by contact with the objects it
contains. The written and oral information that guides visitors through displays
has an educational influence. Using students’ accounts of museum visits, we
describe the effects on visitors of several types of information and guides,
showing how they appeal to the public’s intelligence and feelings, and how they
stimulate public participation.

Selon leur taille, les musées se dotent de structures organisationnelles plus


ou moins complexes. Les directions se multiplient et les tâches se spécia-
lisent. Il n’en reste pas moins que toute cette superstructure, souvent invisi-
ble au visiteur, n’a sa raison d’être que dans la présence de ce dernier au
musée.
Le musée est une institution qui protège et conserve des témoignages qui
constituent la mémoire d’une communauté (Actes de la 10ième Conférence
générale de l’ICOM, 1975). Il demeure essentiel qu’il assure la relation entre
le public et les objets exposés. Pour aider à maintenir une communication
aussi efficace que possible, le guide, sous de multiples apparences, établit

*
Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la
formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada.

331 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


332 BERNARD LEFEBVRE ET HÉLÈNE LEFEBVRE

habituellement un lien entre les personnes et les pièces de la collection. Par


sa médiation, le musée remplit un rôle d’éducation populaire.
Dans un premier temps, nous décrirons brièvement le musée, sa clientèle
et certaines de ses fonctions majeures. En deuxième lieu, nous présenterons
les réactions de visiteurs à l’égard de guides de divers types. Enfin, nous
tenterons de caractériser le guide de musée tel que souhaité par un groupe
de visiteurs.

LE MUSÉE

Avant d’aborder la classification des clientèles et des fonctions exercées par


le musée, définissons ce dernier. C’est une institution permanente, sans but
lucratif, au service de la société, qui acquiert, conserve et présente des objets
et où l’on fait des recherches à leur sujet. Elle a pour but la connaissance et
la jouissance des objets relatifs à l’homme et à son environnement, le tout
contribuant à son éducation (Actes de la 10ième Conférence générale de
l’ICOM, 1975). Cette notion descriptive laisse entrevoir la complexité des
éléments en cause et leurs interactions, qu’il s’agisse de l’objet et de son
traitement ou du sujet en éducation continue réagissant aux plans intellectuel
et émotif.

La clientèle des musées

Qui est le visiteur de musée? Malheureusement, les personnes ne se classent


pas facilement. Plusieurs auteurs s’y sont pratiqués selon des points de vue
divers. Le Royal Ontario Museum (1976) établit, selon leurs intérêts, cinq
groupes de visiteurs: les connaisseurs, les gens à l’aise et possédant une
éducation classique, les artistes et les designers, les spécialistes en sciences
et les étudiants et, enfin, le public en général. Patt (1963), pour sa part, en
présente trois: celui qui recherche une expérience esthétique, celui qui veut
satisfaire sa soif de connaissance et celui qui veut voir la réalité. Hudson
(1977) distingue ceux qui désirent apprendre et ceux qui désirent simplement
aller au musée pour le plaisir de se divertir.
Se basant plutôt sur la fréquence des visites, on identifie le visiteur “par
hasard” (touriste), ponctuel ou occasionnel (une à trois visites par année) et
le visiteur habituel ou régulier (plus de trois visites par année) (Hudson,
1977; Morris, 1962). Pour le Musée de la civilisation de Québec (1986), il
existe le public régulier, le public occasionnel et le public potentiel.

Certaines fonctions majeures du musée

Les musées remplissent de nombreuses fonctions, mais nous ne retiendrons


ici que celles qui ont trait au public en excluant la clientèle scolaire.
Le musée n’est pas une école. Les gens y entrent et en sortent à volonté.
On ne peut forcer quiconque à y apprendre à tout prix (Thompson, 1984).
LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 333

Ceux qui préparent les expositions doivent tenir compte du public avec ses
attentes, ses buts et ses comportements. La nouveauté et le familier doivent
s’entremêler pour susciter des apprentissages sans insécuriser le visiteur. On
y respecte simplement le vieux principe de pédagogie qui préconise de
procéder du connu à l’inconnu. Helman (1958) reprend la même idée en
disant que le visiteur moyen va au musée pour recevoir un enseignement
conventionnel. L’adulte d’éducation moyenne considère le musée comme un
amusement supérieur, une aventure intellectuelle ou artistique (Zygulski,
1972). Parmi les motifs qui amènent les gens au musée, Morris (1962)
évoque la curiosité provoquée par l’aspect sensationnel d’une exposition,
l’ambition sociale ou le prestige attaché à la fréquentation d’un musée, le
désir de parfaire son éducation et l’enthousiasme naissant du contact avec
les arts. Pour sa part, Bunning (1974) insiste lui aussi sur l’utilisation du
temps libre, uniquement pour le plaisir et pour la valeur intrinsèque des
bénéfices de l’expérience. Il ajoute les motifs à caractère social, familial ou
amical. Dans la même foulée, le Musée de la civilisation de Québec (1986)
considère l’usager comme une personne en situation de loisir culturel,
c’est-à-dire dans un moment de temps libre où il se consacre à une activité
de son choix.
Il ressort de ce qui précède que l’adulte fréquentant les musées y va pour
son agrément; le musée est un lieu d’apprentissage récréatif, propice à
l’exploration, à l’aventure et à la découverte; l’apprentissage y est informel,
impulsif et non-géré par l’institution (Tressel, 1984).

RÉACTIONS DES VISITEURS À L’ÉGARD DES GUIDES

Étant donné la diversité des clientèles du musée et les fonctions exercées par
celui-ci, nous étudierons les réactions des visiteurs à l’égard des guides, en
examinant les rapports rédigés par quinze étudiants à la suite de la visite de
six musées montréalais dans le cadre du cours Éducation et ressources
communautaires de la maîtrise en éducation de l’Université de Montréal.
À chaque endroit, la formule utilisée pour guider le groupe fut différente.
Il y eut l’intervention du guide conventionnel dans un musée des beaux-arts,
celle du directeur d’une maison de la culture qui se chargea de la visite,
d’une personne-ressource qui répondit aux questions dans un musée d’his-
toire naturelle, celle d’un audio-guide au Jardin botanique et le partage de la
tâche entre le professeur et les étudiants lors de la visite du Vieux Montréal.
Les étudiants firent aussi une visite sans l’assistance d’un guide.
L’analyse du contenu des rapports fait voir les opinions émises sur les
types de guides offerts aux étudiants.

Le guide conventionnel

Il est curieux de constater que le guide conventionnel ne semble pas avoir


été apprécié. Ce procédé exige une trop grande concentration. L’attention
334 BERNARD LEFEBVRE ET HÉLÈNE LEFEBVRE

tombe, le regard et l’esprit voguent à la dérive. Un participant se sent obligé


de prendre des notes. Mais, quand les autres laissent tomber le crayon, il en
est soulagé. Les commentaires du guide ne font pas apprécier les oeuvres.
On aimerait se laisser attirer par elles, prendre le temps de les regarder, mais
il faut suivre le groupe, à son rythme, d’une toile à l’autre. Les comporte-
ments sont plutôt négatifs, la fatigue se fait sentir, on entend mal, on se
plaint de ne rien voir en groupe. On n’ose pas poser de questions, ce qui
n’empêche pas un individu de donner parfois ses impressions sur une oeuvre
et de provoquer une discussion intéressante.

Le guide directeur d’un centre culturel

Le guide directeur d’un centre culturel a fait partager à ses visiteurs sa phi-
losophie de l’institution. Il a présenté avec enthousiasme les collections de
son établissement et a même confié à ses interlocuteurs certaines de ses
préoccupations. Les visiteurs s’étaient vu remettre au préalable un guide
écrit. En général, les étudiants ont donné une appréciation positive de ce
genre de visite. Leurs commentaires se lisent ainsi. Le directeur indique la
vocation de la maison; il ajoute des éléments supplémentaires au guide écrit
et donne le goût de vérifier les activités dont il parle et d’y prendre part.
D’autres déclarent: il est loisible d’entrer en contact directement avec les
oeuvres; le directeur sollicite des opinions; on prend le temps de passer et de
repasser, de regarder, d’écouter et même de toucher.

Le guide personne-ressource

Au musée de sciences naturelles, le guide agit comme personne-ressource et


conseiller. Deux remarques reviennent à plusieurs reprises. Il respecte le
rythme de chacun, laisse observer et découvrir, est à l’écoute et essaie de
comprendre. Plusieurs aiment rester seuls pour effectuer la visite, mais on
apprécie les échanges libres avec d’autres. On pose des questions selon le
besoin. Cependant, même si quelques-uns craignent de le faire, ils tendent
l’oreille lorsque des explications se donnent. À l’occasion, on s’échange des
informations. Le guide ne dirige pas le groupe. Il profite des questions
posées pour provoquer le contact avec les visiteurs et stimuler l’intérêt. Au
dire des participants, c’est plus intéressant que d’entendre le discours d’un
guide officiel.

L’audio-guide

Quant à l’audio-guide, utilisé dans les serres du Jardin botanique, il a été


apprécié de diverses manières. Certains sont satisfaits du calme, du senti-
ment de solitude et même de la détente créés par l’écoute individuelle du
magnétophone. Ce moyen d’autodidaxie fournit des connaissances de façon
individualisée. Le support auditif appuie les éléments visuels. Le solo-guide
LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 335

respecte le rythme individuel d’apprentissage. On peut s’attarder où l’on


veut et prendre le temps de regarder, à condition d’arrêter la cassette.
Par contre, pour d’autres, l’isolement dû aux écouteurs semble exagérer
le sentiment de solitude. Pour lutter contre cela, on s’associe à une ou
plusieurs personnes. On préfère échanger en petits groupes plutôt que
d’écouter de savantes explications en botanique. Une visiteuse se fait même
transmettre les principaux renseignements par une autre qui écoute le ruban
magnétique plutôt que d’utiliser elle-même l’appareil. Plusieurs se plaignent
qu’il empêche l’utilisation des habiletés intellectuelles, physiques et même
sensorielles. On oublie de voir: impossible d’apprécier ce qui tombe sous la
vue. Fréquemment, on invoque l’impossibilité de laisser libre cours à ses
émotions. On a peur de rater un renseignement important. Le rythme
individuel n’est pas respecté; celui de la machine s’exerce en maître, lit-on
à maintes reprises dans les rapports. Ce guide encombrant ne correspond pas
nécessairement au besoin des auditeurs. Quelqu’un rejette carrément le
procédé et un autre projette de retourner visiter le Jardin botanique sans
audio-guide.

Le visiteur guide

Pour la visite du Vieux Montréal, chacun des membres du groupe préparait


la présentation d’un site particulier. Le professeur complétait ou enrichissait
les informations fournies par les étudiants. Sont soulignés l’esprit de groupe,
le développement du sentiment d’appartenance et l’attitude positive face au
groupe. On loue l’atmosphère de détente et de camaraderie qui habite les
gens. Le facteur social est prédominant: les gens se connaissent mieux, les
sous-groupes se forment, les échanges et les commentaires s’intensifient
particulièrement lors des diverses haltes. Chacun se veut donc responsable
du succès de l’entreprise, malgré le caractère plutôt informel et plus ou
moins non directif de la visite.

La visite sans guide

Curieuse réaction de la part du groupe: on s’est félicité d’avoir pu visiter un


musée sans l’assistance d’un guide, car il y avait place pour l’imagination et
pour le contact direct avec les objets. On savourait à loisir les exhibits et on
était libre de les examiner à sa guise. La liberté de mouvement fut souli-
gnée. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on a apprécié de ne pas voir
interférer un guide, de ne pas être distrait par lui et de ne pas avoir à
l’écouter.

LE GUIDE SOUHAITÉ

La critique est facile mais les remarques qui précèdent indiquent comment
l’art de guider des visites est chose difficile. Loin de nous la pensée de jeter
336 BERNARD LEFEBVRE ET HÉLÈNE LEFEBVRE

le blâme à qui que ce soit. La compétence des responsables de musée et la


bonne volonté de ceux qui y travaillent ne sont pas mises en cause. Il ne
faudrait pas davantage croire que les étudiants qui ont fait l’expérience de
visiter six musées formaient un groupe réfractaire. Au contraire, l’activité fut
évaluée positivement.
Quelles sont les attentes à l’égard du guide de musée? Au plan de la
connaissance, il doit être compétent, expert en arts et posséder des connais-
sances historiques. Considéré comme une personne-ressource, on souhaite
qu’il soit bien préparé à sa tâche, selon le programme des expositions de son
musée.
Quant aux attitudes qui l’animent, on s’attend à ce que le guide aime son
travail et qu’il soit motivé à l’égard des oeuvres ou des objets à présenter.
Qu’il maîtrise l’art de captiver les visiteurs en provoquant l’intérêt. Par-
dessus tout, qu’il soit disponible et sympathique aux visiteurs, adapté au
public, de contact facile et sans froideur.
Concernant les habiletés à développer, on espère que le guide soit à
l’écoute de ses interlocuteurs, personne de dialogue et davantage consultant
que maître de conférence. Son savoir-faire comme communicateur importe
au plus haut point. La brièveté et la concision s’imposent. Le choix des
thèmes s’oppose à l’encyclopédisme. Le vocabulaire sera simple et varié.
C’est ainsi qu’on lutte contre le goût de tout couvrir trop rapidement et le
risque de passer outre des oeuvres majeures par manque de temps.
Délaissant l’analyse des rapports de visites, nous insistons sur le fait
suivant: voir vient avant les mots (Marra, 1983). Avant de lui fournir
prématurément une profusion d’informations, le visiteur doit pouvoir regar-
der et comparer les oeuvres ou les objets d’art qui parlent alors d’eux-
mêmes. La perception visuelle le rendant plus actif, il découvre ce qui est
plaisant pour lui et ce qui stimule son intelligence.

CONCLUSION

Si un public universitaire préfère le contact direct avec les objets et un guide


de type personne-ressource et animateur, il est facile d’imaginer que le grand
public pourrait avoir le même goût. Il faudrait contrôler cette affirmation.
Les visiteurs de musée apprennent en prêtant attention au contenu des
exhibits. Ils établissent des comparaisons, lisent les textes explicatifs. Tout
cela se passe ou non selon leurs attentes et le plaisir résultant de ce qu’ils
voient, touchent, comparent et lisent (Screven, 1986). La réaction affective
du public précède le contenu rationnel qu’on espère lui faire saisir. Le
plaisir n’offre aucune contre-indication à l’acquisition de la culture.
Pour que les musées remplissent leur vocation éducative, les visites
guidées doivent faire appel à la participation active du grand public (Harris,
1977).
LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 337

RÉFÉRENCES

Actes de la 10ième Conférence générale de l’ICOM. (1975). Le musée et le


monde moderne. Paris: Conseil international des musées.
Bunning, R.A. (1974). A perspective on the museum’s role. Curator, 17, 56-63.
Harris, L. (1977). The myth and the reality of aging in America. Washington,
DC: National Council of Aging.
Helman, R.A. (1958). The teaching functions of exhibits. Curator, 1, 74-76.
Hudson, K. (1977). Museum for the 1980’s: A survey of world trends. London:
British Library.
Marra, P. (1983). Self study guides for the adult art museum visitor. Museum
Studies Journal, 1, 35-45.
Morris, R.E. (1962). Leisure time in the museum. Museum News, 41(4), 17-21.
Musée de la civilisation de Québec. (1986). Estimation du potentiel de visiteurs.
Québec: Musée de la civilisation de Québec.
Patt, P.H. (1963). The role of museums of history and folklore in a changing
world. Curator, 6, 157–170.
Royal Ontario Museum. (1976). Communicating with the museum visitor:
Guidelines for planning. Toronto: Royal Ontario Museum.
Screven, C.G. (1986). Exhibitions and information centers: Some principles and
approaches. Curator, 29, 109-137.
Thompson, J.M.A. (1984). Psychology and the museum visitors. In Manual of
the curator (pp. 386–393). New York: American Museum of Natural History.
Tressel, G.W. (1984). A museum in touch. In Yearbook of sciences and the
future (pp. 390-403). Chicago: Encyclopedia Britannica.
Zygulski, K. (1972). The museum and the adult. Dans les Actes de la 9ième
Conférence générale de l’ICOM, Le musée au service des hommes aujourd’hui
et demain: le rôle éducatif et culturel des musées (p. 125–136). Paris: Conseil
international des musées.

Bernard Lefebvre est professeur au Département des sciences de l’éducation,


Université du Québec à Montréal, case postale 8888, succursale A, Montréal
(Québec) H3C 3P8. Hélène Lefebvre est professeure au Collège Montmorency,
475 de l’Avenir, Laval-des-Rapides, Laval (Québec) H7N 5H9.
Les effets d’un programme éducatif muséal
chez des élèves du primaire*

Céline Du Sablon
Geneviève Racette
université du québec à montréal

L’éducation n’est pas le monopole de l’école. De plus en plus d’institutions et


d’organismes publics et privés offrent des services éducatifs. Parmi ceux-ci, le
musée occupe une place privilégiée. Plusieurs programmes éducatifs muséaux,
destinés aux groupes scolaires, ont été élaborés. Ces programmes reposent
principalement sur une visite guidée et, de plus en plus, sur une visite axée sur
la découverte du musée et de son contenu par l’élève. Il existe aussi, à l’intérieur
de certains programmes éducatifs, des activités de préparation et de prolongement
à la visite au musée. Notre étude visait à vérifier les effets de ces activités, chez
des élèves de cinquième année du primaire, sur la réalisation d’apprentissages en
sciences humaines ainsi que sur le développement d’attitudes positives à l’égard
du musée et des sciences humaines. Au terme de l’étude, il appert qu’un pro-
gramme éducatif muséal comprenant ou non des activités de préparation ou de
prolongement en classe favorise la réalisation d’apprentissages en sciences
humaines et le développement d’attitudes positives à l’égard du musée et des
sciences humaines. Cependant, des études plus approfondies devraient être
poursuivies, étant donné les conclusions d’autres recherches que la nôtre.

Education is not a monopoly of schools. Public and private institutions of all


sorts now offer educational services, and museums are among the most important
providers. Most museum education programmes intended for school children are
based on guided tours and aim at pupil discovery of the museum and its con-
tents. Some educational programs also include preparatory and post-visit activ-
ities. Our research aimed to find the effects of such activities on grade 5 pupils
in social studies, with attention to the development of positive pupil attitudes to
museums and to social studies. Our results indicate that a museum education
program including prepatory or post-visit activities favours social studies learning
and improves pupil attitudes to the museum and to social studies. Further
research will be required to confirm our results, some of which differ from
earlier findings.

*
Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la
formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada.

338 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 339

L’étude rapportée dans cet article a tenté de répondre à la question suivante.


Dans le cadre d’un programme éducatif comprenant une visite au musée
ainsi que des activités de préparation ou de prolongement en classe, des
élèves de cinquième année du primaire réalisent-ils plus d’apprentissages en
sciences humaines et développent-ils plus d’attitudes positives à l’égard du
musée et des sciences humaines que des élèves suivant le même programme
comprenant exclusivement une visite au musée?
L’éducation ne peut pas se rattacher strictement à l’école (Legendre,
1988). Bien que cette institution demeure la seule à prendre en charge
l’enseignement de base, elle ne peut toutefois répondre à tous les besoins de
formation des individus de notre société (Deronziers, 1987). C’est en ce sens
que le Conseil supérieur de l’Éducation (1986) rappelle:

[ . . . ] que la mission éducative de la société déborde largement les cadres de


l’institution scolaire et trouve dans un nombre croissant de lieux des voies
valables d’approfondissement et de diffusion. (p. 19)

Ainsi, des institutions et des organismes publics et privés offrent des


services éducatifs. Ce sont, notamment, les bibliothèques, les jardins bota-
niques, les jardins zoologiques, les centres d’interprétation de la nature, les
sites historiques, les parcs nationaux, les planétariums et les musées (Statis-
tiques Canada, 1979). Pour le Conseil supérieur de l’Éducation (1986), ces
lieux éducatifs ont pour objectif ‘‘de transmettre ou de faire naître ou
acquérir des connaissances, des habiletés, des valeurs, des prises de cons-
cience’’ (p. 14).
Cet objectif correspond bien à la définition que Legendre (1988) donne de
l’éducation: un ‘‘Ensemble de valeurs, de concepts, de savoirs et de
pratiques dont l’objet est le développement de l’être humain et de la socié-
té’’ (p. 212). Mais l’éducation ne se limite pas à faire acquérir des connais-
sances propres aux disciplines. Elle tend également à développer des valeurs
culturelles et une conscience sociale (ministère de l’Éducation du Québec
[MEQ], 1981).
Parmi les lieux éducatifs autres que l’école, le musée occupe une place
privilégiée. Ainsi, pour Dagognet (1985) ainsi que Lacey et Agar (1980), le
musée vise à instruire le public. D’autres chercheurs ont souligné l’impor-
tance du rôle éducatif du musée auprès des jeunes. Pour Bunch (1978), par
exemple, le musée devrait être une ressource éducative intégrée à l’enseigne-
ment. D’après Wright (1980), c’est un support qui aide les élèves à la
compréhension de concepts. Quant à Flexer et Borun (1984), elles affirment
que le musée favorise une approche plus visuelle, qualitativement différente
de celle que l’on retrouve dans la salle de classe. Mais, c’est en élaborant
des programmes destinés à des groupes scolaires, reliés à la collection du
musée et aux matières scolaires ou simplement à la collection du musée, que
celui-ci réalise surtout sa mission éducative (Benes, 1982).
Actuellement, plus de 71% des musées canadiens offrent, à l’intention de
leurs visiteurs, des programmes de présentation et d’animation que l’on
340 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

pourrait qualifier d’éducatifs (Statistiques Canada, 1979). On distingue deux


catégories de programmes éducatifs: traditionnels et actifs (Mason, 1980;
Ricklin, 1978). Les premiers reposent sur la traditionnelle visite guidée. Les
seconds sont axés sur la découverte du musée et de son contenu par les
visiteurs. Ce dernier type de visite implique la mise en oeuvre de méthodes
actives telles la visite à l’aide de guides personnels, la manipulation d’objets
exposés, la participation à des expériences (Herbert, 1981; Jones & Ott,
1983).
Certains programmes éducatifs muséaux ont attiré l’attention de cher-
cheurs (Boucher, 1986; Dauphin, 1985; Lacey & Agar, 1980; Locas, 1981;
Reque, 1978; Ricklin, 1978; Stronck, 1983; Wright, 1980). De manière
générale, les recherches révèlent que la plupart des visites qui requièrent la
participation sont plus enrichissantes ou plus stimulantes pour les élèves. De
plus, lorsque le programme éducatif correspond à un curriculum scolaire, la
visite au musée semble favoriser davantage l’acquisition de connaissances et
le développement d’attitudes positives à l’égard du musée.

ACTIVITÉS DE PRÉPARATION ET DE PROLONGEMENT EN CLASSE


INTÉGRÉES À DES PROGRAMMES ÉDUCATIFS

Selon l’UNESCO (1973), le meilleur moment pour effectuer une visite au


musée se situe à mi-chemin de l’étude d’un thème, c’est-à-dire quand les
élèves sont déjà familiarisés avec le sujet et le vocabulaire. Plus précisé-
ment, pour Koran, Longino et Shafer (1983) ainsi que McNamee (1987), de
même que Finkelstein, Stearns et Hatcher (1985), les élèves bénéficient
d’une visite au musée lorsqu’ils y sont préparés. Du Terroil (1975) ajoute
que des activités de prolongement à une visite au musée améliorent les
apprentissages. Pour Barré (1981), la visite au musée est un moyen pédago-
gique qui nécessite des activités de préparation et de prolongement en
classe.

Activités de préparation en classe

La préparation à une sortie éducative est une manière d’introduire l’élève à


un champ d’étude (Novak, 1976). La préparation en classe d’une visite au
musée consiste en une leçon sommaire ayant pour but de sensibiliser l’élève
aux concepts étudiés durant la visite (Du Terroil, 1975). Elle le familiarise
avec les éléments essentiels de la visite. Elle fait ressortir les concepts, les
principes et les termes techniques à étudier lors de la visite (Gennaro, 1981).
Elle sert aussi à améliorer les apprentissages (Danilov, 1976; Royal Ontario
Museum [ROM], 1976) ainsi qu’à augmenter l’intérêt de l’élève à l’égard
d’un champ d’étude (Lawton, 1976) et vis-à-vis les objets exposés au musée
(ROM, 1976).
Les études recensées révèlent qu’il existe différentes façons de préparer
l’élève à une visite au musée ou à l’étude d’un sujet. Une préparation peut
UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 341

consister en des informations verbales portant sur ce que l’élève étudiera


lors de sa visite au musée (Gennaro, 1981). Elle peut aussi s’effectuer à
l’aide de questionnaires à choix multiples ou de tests relatifs aux concepts
(Hartley & Davies, 1976).
Dans son étude, Gennaro (1981) a comparé les effets cognitifs chez des
élèves du secondaire de deux types de préparation avant le visionnement
d’un film au musée. Le premier type de préparation consistait à fournir à un
groupe d’élèves un survol d’informations reliées aux concepts traités dans le
film. Le deuxième invitait un autre groupe d’élèves à étudier plus en
profondeur les concepts du film et ce, pendant sept jours. Ce dernier type de
préparation semble favoriser davantage la réalisation d’apprentissages.
Barnes et Clawson (1975) ont analysé 32 études menées entre 1960 et
1974 portant sur la préparation à l’étude d’un sujet. Parmi celles-ci, douze
concluent que la préparation facilite l’apprentissage. Toutefois, selon ces
auteurs, la faible proportion des recherches concluantes ne permet pas de
considérer la préparation comme un élément profitable à l’apprentissage des
élèves.
Cependant, certaines institutions muséales sentent le besoin de fournir à
l’enseignant du matériel de préparation relatif à leurs collections perma-
nentes (UNESCO, 1973). Le Royal Ontario Museum [ROM], par exemple,
envoie à l’enseignant une sélection de diapositives illustrant des peintures,
une affiche présentant l’exposition et les biographies des artistes-peintres.
C’est à l’aide de ce matériel que l’enseignant prépare ses élèves à la visite
au musée (ROM, 1976). Le Musée d’art moderne de Paris fournit à l’ensei-
gnant un petit guide des salles qui seront visitées, un plan sur lequel les
oeuvres peuvent être repérées, un questionnaire auquel l’élève répond en
utilisant le guide et le plan et, finalement, des informations concernant le
déroulement de la visite et le rôle que l’enseignant aura à jouer (Banaigs,
1984).
Au Centre National d’exposition de Jonquière (CNE), la préparation des
élèves en classe s’effectue grâce à l’intervention des membres du Centre
(Pinard et Locas, 1982). Ceux-ci sensibilisent les élèves au concept d’expo-
sition en tant que moyen de communication à l’aide d’un diaporama pré-
sentant les oeuvres exposées. Des échanges servent à faire prendre con-
science à l’élève que le peintre, le sculpteur, le photographe communiquent
des idées de manières diverses. À la fin de la rencontre, un questionnaire est
distribué aux élèves pour vérifier leur compréhension du concept d’exposi-
tion.
À notre connaissance, ces activités de préparation n’ont pas été évaluées
scientifiquement. De plus, les recherches ayant trait aux activités de prépara-
tion lors d’une visite au musée sont peu nombreuses. Cependant, il existe
des études portant sur des sorties éducatives ailleurs qu’au musée. Entre
autres, Evans (1958) a vérifié l’utilité de préparer des élèves du primaire à
une sortie éducative dans des milieux d’affaires en comparant trois situa-
tions. Un premier groupe d’élèves a été préparé par une discussion sur des
342 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

notions d’économie. Un deuxième a effectué la sortie éducative sans aucune


préparation. Le troisième a reçu une leçon en classe sans effectuer la sortie
éducative. Il s’avère que le groupe qui a reçu une préparation en classe,
avant la sortie éducative, a appris davantage que les deux autres groupes.
Howie (1972) a vérifié l’utilité de préparer des élèves de cinquième année
du primaire à une visite à la Ferguson Farm (Maryland). Il a comparé quatre
situations. Un premier groupe d’élèves a étudié en classe le vocabulaire et
les concepts reliés à l’écologie et à la préservation de l’environnement. Le
deuxième a effectué une visite à la ferme. Le troisième a reçu une leçon en
classe et a effectué la visite. Finalement, le quatrième a servi de groupe de
contrôle. C’est le groupe d’élèves qui a reçu une préparation en classe avant
d’effectuer la visite à la ferme qui a le plus appris. Dans une étude similaire,
Pizzini et Gross (1978) ont constaté qu’une préparation en classe à une
sortie sur un site écologique avait favorisé la réalisation d’apprentissages et
développé des attitudes positives à l’égard de la nature, chez des élèves de
cinquième et sixième année du primaire.
L’étude de Younger (1985) a démontré que la combinaison d’une pré-
paration en classe et d’une visite au musée maximise les apprentissages. Il
ajoute que la préparation de l’élève doit être centrée sur les aspects les plus
importants de la visite. De plus, la visite au musée doit être reliée aux
concepts étudiés précédemment.
En somme, d’après les études menées sur la préparation en classe d’une
sortie éducative ou d’une visite au musée, celle-ci semble être un élément
profitable à l’apprentissage et au développement d’attitudes des élèves.
Examinons maintenant les effets d’activités de prolongement vécues en
classe.

Activités de prolongement en classe

Il semble que des élèves désirent approfondir les concepts étudiés lors d’une
visite au musée (Barré, 1981). D’ailleurs, les enseignants sont plus enclins
à réaliser avec leurs élèves des activités de prolongement à la visite au
musée que des activités de préparation (Gottfried, 1980).
Certaines institutions muséales ont élaboré des activités de prolongement
à effectuer en classe après la visite au musée. L’enquête de Griesemer
(1977) révèle que 36% des musées américains proposent des activités de
prolongement aux enseignants.
Des ateliers de bricolage se prêtent bien à des activités de prolongement
à une visite à un musée d’art. On peut aussi proposer aux élèves de com-
poser des poèmes ou des histoires en utilisant le vocabulaire qu’ils ont
appris durant la visite. La réalisation d’une exposition en classe, à partir des
créations des élèves, avec l’aide d’un animateur du musée, prolonge naturel-
lement une visite au musée (Banaigs, 1984).
Cependant, ces activités de prolongement n’ont pas fait, à notre connais-
sance, l’objet de recherches. Toutefois, Stoneberg (1981) a étudié, entre
UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 343

autres, les effets d’activités de préparation et de prolongement d’une sortie


au zoo, sur la réalisation d’apprentissages chez des élèves de sixième année
du primaire. La chercheure a comparé quatre situations différentes. Le
premier groupe d’élèves a réalisé sept activités de préparation, une visite au
zoo et sept activités de prolongement. Le deuxième a effectué une visite
guidée au zoo sans préparation ni prolongement. Le troisième groupe a vécu
deux activités de préparation, une visite au zoo et deux activités de pro-
longement. Le quatrième groupe a visité librement le zoo sans réaliser
d’activités de préparation ni de prolongement. Les activités de préparation
et de prolongement en classe ont maximisé les apprentissages réalisés par les
élèves. De plus, selon l’auteure, il n’existe pas de différence, au niveau
cognitif, entre les résultats du groupe qui a réalisé deux activités de prépara-
tion et de prolongement et ceux du groupe qui en a effectué sept.
En somme, il paraît utile d’intégrer des activités de préparation et de
prolongement en classe aux programmes éducatifs muséaux.

HYPOTHÈSES DE LA RECHERCHE

La recension des écrits nous a amenées à formuler les hypothèses suivantes.


Un programme éducatif comprenant une visite au musée ainsi que des
activités de préparation ou de prolongement en classe, comparativement au
même programme éducatif comprenant exclusivement une visite au musée,
favorise davantage chez des élèves de cinquième année du primaire:

1) La réalisation d’apprentissages en sciences humaines;


2) Le développement d’attitudes positives à l’égard du musée;
3) Le développement d’attitudes positives envers les sciences humaines.

MÉTHODOLOGIE

Pour vérifier nos hypothèses de recherche, nous avons expérimenté un


programme éducatif comprenant des activités de préparation en classe, une
visite au Musée historique David M. Stewart et des activités de prolonge-
ment en classe.

Le programme éducatif muséal du Groupe de recherche


sur l’éducation et les musées

Préoccupé par la qualité des programmes éducatifs destinés à la jeune


clientèle des musées, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées
(GREM) de l’Université du Québec à Montréal s’occupe à développer des
modèles didactiques propres à l’éducation muséale. À cet effet, le GREM a
élaboré, expérimenté et validé un programme éducatif muséal relié à la
collection du Musée historique David M. Stewart et au programme des
sciences humaines au primaire (MEQ, 1981) auprès d’élèves de la cinquième
année du primaire.
344 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

Ce programme éducatif comporte trois étapes: préparation, visite au


musée et prolongement. Afin d’aider l’enseignant et les élèves à réaliser ces
étapes, un guide pédagogique a été conçu (Allard et Boucher, 1988). Ce
guide, intitulé La descouverture du chemin qui marche, comprend des
activités à réaliser en classe avant la visite au musée, des activités pour le
musée et, finalement, des activités à effectuer en classe après la visite au
musée. C’est dans le cadre de ce programme éducatif que nous avons réalisé
notre étude.

Le programme d’études des sciences humaines au primaire


et la démarche d’apprentissage

Le programme éducatif muséal du GREM est relié au programme officiel


des sciences humaines du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 1981).
Celui-ci vise à ‘‘amener l’élève à une première compréhension des réalités
sociales, géographiques et historiques du monde dans lequel il vit’’ (p. 14).
Ce programme propose une démarche dite scientifique, axée sur l’activité de
l’élève plutôt que sur l’enseignement magistral. La démarche d’apprentissage
s’effectue en trois étapes: exploration, recherche/traitement des informations
et échange (MEQ, 1983a; MEQ, 1983b). L’élève observe d’abord les faits,
exprime ses perceptions, formule des hypothèses sur des sujets qui l’intéres-
sent; puis, il s’informe, interroge, expérimente, décode, classifie, compare et
analyse afin de vérifier ses hypothèses; enfin, il communique ses acquis et
les réinvestit dans la poursuite de nouveaux apprentissages (MEQ, 1983a;
MEQ, 1983b).
Le guide pédagogique, La descouverture du chemin qui marche (Allard
et Boucher, 1988), avec lequel nous avons réalisé notre étude, respecte la
démarche d’apprentissage proposée par le MEQ. L’étape d’exploration est
réalisée lors des activités de préparation en classe, l’étape de recherche des
informations, lors de la visite au musée et, finalement, les étapes de traite-
ment des informations et d’échange, lors des activités de prolongement à
l’école.

Le déroulement de l’expérimentation

À l’automne 1986, 12 classes de la cinquième année du primaire de la


Commission scolaire Mont-Fort ont participé à l’étude. Au total, ces classes
comptaient 305 élèves répartis de la façon suivante: 79 ont formé le groupe
de contrôle (C), 81, le groupe expérimental E1, 78, le groupe expérimental
E2, et 61, le groupe expérimental E3.
Lors de l’expérimentation, les enseignants ont utilisé, en tout ou en partie,
le guide pédagogique La descouverture du chemin qui marche. Les ensei-
gnants du groupe expérimental E1 ont réalisé la première partie du guide
pédagogique, soit les activités de préparation à la visite au musée. Les
enseignants du groupe expérimental E2 ont effectué les activités de pro-
UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 345

longement en classe à la visite au musée à l’aide de la seconde partie du


guide pédagogique. Les enseignants du groupe expérimental E3 ont exécuté
la version complète du guide pédagogique comprenant les activités de
préparation et de prolongement. Les enseignants du groupe de contrôle (C)
n’ont pas utilisé le guide pédagogique. Les groupes expérimentaux (E1, E2
et E3) et de contrôle (C) ont effectué le même type de visite au musée.
La visite proposée aux élèves a été effectuée à l’aide de guides personnels
qui incitaient les élèves à parcourir le musée à la recherche d’informations.
Ces guides comprennent de courts textes informatifs et des questions invitant
les élèves à observer une sélection de vitrines du musée, à manipuler
certains objets et à réfléchir. Deux animatrices étaient à la disposition des
élèves.

Les instruments de mesure

Deux instruments de mesure ont été utilisés en prétest et en post-test. Le


premier évaluait, au plan cognitif (test cognitif HFC), la maîtrise de cer-
taines habiletés techniques, les connaissances de faits d’ordre historique et
géographique ainsi que la compréhension des concepts de siècle et de
migration. Le second, un test d’ordre affectif, comprenait deux parties. La
première mesurait le développement d’attitudes envers les sciences humaines
(AH). La deuxième mesurait le développement d’attitudes à l’égard du
musée (AM). Cet instrument de mesure (AH-AM) comportait une échelle de
type Likert à cinq catégories présumées à intervalles égaux.
La validité de contenu et la fidélité de ces tests ont été démontrées par
Boucher (1986). Les instruments d’ordre affectif, AH et AM, ont obtenu des
coefficients de fidélité alpha de Cronbach de 0,93 et de 0,94. Celui de
l’instrument d’ordre cognitif (HFC) s’élevait à 0,85.

PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

Nous avons effectué des analyses de progrès et de comparaison entre les


résultats des groupes au test cognitif (HFC) et au test affectif (AH-AM).
L’analyse de progrès a permis de vérifier, pour chacun des groupes, si les
moyennes obtenues lors du post-test étaient significativement supérieures à
celles obtenues lors du prétest. L’analyse de comparaison des moyennes a
permis de vérifier s’il existait un écart entre les résultats des groupes de
contrôle (C) et expérimentaux (E1, E2 et E3) à chacun des tests. Un seuil de
0,05 a été retenu pour juger de la signification des différences observées.

Apprentissages en sciences humaines

L’analyse de progrès au test cognitif (HFC) a révélé que tous les groupes
d’élèves ont réalisé des apprentissages en sciences humaines, nonobstant les
différents traitements. Ainsi, un programme éducatif muséal, comprenant ou
346 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

non des activités de préparation ou de prolongement en classe, entraîne la


réalisation d’apprentissages en sciences humaines chez des élèves de cin-
quième année du primaire.
Cette assertion concorde avec l’une des conclusions des études de Dau-
phin (1985) et de Boucher (1986). Ces deux recherches démontrent en effet
que, lors d’une visite au musée, des élèves de cinquième année du primaire
font des apprentissages en sciences humaines.
L’analyse de comparaison entre les groupes au post-test cognitif (HFC) a
révélé qu’un programme éducatif comprenant une visite au musée ainsi que
des activités de préparation ou de prolongement en classe, comparativement
au même programme éducatif comprenant exclusivement une visite au
musée, ne favorise pas davantage, chez des élèves de cinquième année du
primaire, la réalisation d’apprentissages en sciences humaines. Notre pre-
mière hypothèse est donc infirmée.
Pourtant, les études recensées ont semblé démontrer que des activités de
préparation et de prolongement en classe à une sortie éducative ou à une
visite au musée maximisent la réalisation d’apprentissages chez les élèves.
Dès lors, comment expliquer nos résultats? On pourrait se demander si les
enseignants qui devaient réaliser en tout ou en partie les activités de prépara-
tion et de prolongement en classe ont bien suivi toutes les directives men-
tionnées. N’auraient-ils réalisé que certaines d’entre elles? Seraient-ils allés
jusqu’à n’effectuer aucune des activités? À l’inverse, les enseignants qui ne
devaient pas préparer les élèves à la visite, ni réaliser d’activités de pro-
longement après la visite l’ont-ils tout de même fait? Les données que nous
avons recueillies ne nous permettent pas de répondre à ces questions.
On pourrait aussi se demander si le test cognitif (HFC) ne mesurait pas
davantage les apprentissages des élèves lors de leur visite au musée que
ceux réalisés lors des activités de préparation et de prolongement en classe.
Des analyses plus fines pourraient contribuer à trancher cette question.

Attitudes à l’égard du musée

L’analyse de progrès au test affectif (AM) a révélé que tous les groupes
d’élèves, à l’exception du groupe de contrôle (C), ont développé des atti-
tudes positives à l’égard du musée, nonobstant les différents traitements.
Ainsi, un programme éducatif muséal comprenant ou non des activités de
préparation ou de prolongement en classe, développe des attitudes positives
à l’égard du musée chez des élèves de cinquième année du primaire.
Cette constatation corrobore celle de Boucher (1986) qui affirme que la
visite au musée, effectuée à l’aide de guides personnels et précédée d’une
préparation en classe, développe plus d’attitudes positives à l’égard du
musée qu’une visite guidée aussi précédée d’une préparation.
L’analyse de comparaison entre les résultats des groupes au post-test
affectif (AM) a révélé qu’un programme éducatif comprenant une visite au
musée ainsi que des activités de préparation ou de prolongement en classe,
UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 347

comparativement au même programme éducatif comprenant exclusivement


une visite au musée, ne favorise pas davantage, chez des élèves de cin-
quième année du primaire, le développement d’attitudes positives à l’égard
du musée. Notre deuxième hypothèse de recherche est donc infirmée.
Les résultats auraient-ils été différents si les activités de préparation ou de
prolongement avaient été animées par le personnel du musée plutôt que par
l’enseignant? Il conviendrait de répondre à cette question dans une autre
recherche.

Attitudes envers les sciences humaines

L’analyse de progrès au test affectif (AH) révèle que tous les groupes
d’élèves ont développé des attitudes positives envers les sciences humaines,
nonobstant les différents traitements. Ainsi, un programme éducatif muséal,
comprenant ou non des activités de préparation ou de prolongement en
classe, développe des attitudes positives envers les sciences humaines chez
des élèves de cinquième année du primaire.
Ce résultat va à l’encontre de deux études menées auprès d’élèves de
cinquième année du primaire de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. En effet, la recherche de Dauphin (1985) démontre que la visite
guidée ne développe pas d’attitudes positives envers les sciences humaines.
De même, Boucher (1986) conclut que la visite guidée précédée d’une
préparation en classe et la visite effectuée à l’aide de guides personnels,
aussi précédée d’une préparation en classe, ne développent pas d’attitudes
positives envers les sciences humaines.
L’analyse de comparaison révèle que le groupe expérimental E3, qui a
réalisé des activités de préparation et de prolongement à une visite au
musée, développe plus d’attitudes positives envers les sciences humaines que
le groupe expérimental E1, qui a effectué des activités de préparation avant
la visite mais qui n’a pas fait d’activités de prolongement.
Il est étonnant de constater que les différences d’attitudes se situent entre
les groupes expérimentaux E3 et E1 plutôt qu’entre un groupe expérimental
et le groupe de contrôle C, tel que prévu dans notre troisième hypothèse.
Serait-ce là un résultat fortuit ou un effet de la réalité qu’il faudrait expli-
quer? Les activités de prolongement auraient-elles plus d’impact sur le
développement d’attitudes positives envers les sciences humaines que les
activités de préparation? Mais, pour répondre affirmativement à cette
question, il aurait aussi fallu relever une différence significative d’attitudes
entre le groupe de contrôle C et le groupe expérimental E2. Il s’agit toute-
fois d’une question qui mérite d’être étudiée d’autant plus que, d’après
l’enquête de Gottfried (1980), les enseignants effectuent plus d’activités de
prolongement en classe que d’activités de préparation à une visite.
En somme, nous ne pouvons pas conclure que le programme éducatif
expérimenté favorise davantage, chez des élèves de cinquième année du
primaire, le développement d’attitudes positives envers les sciences hu-
maines. Notre troisième hypothèse de recherche est donc infirmée.
348 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

CONCLUSION

Notre recherche a permis d’établir qu’un programme éducatif muséal com-


prenant ou non des activités de préparation et de prolongement en classe
favorise, chez des élèves de cinquième année du primaire, la réalisation
d’apprentissages et le développement d’attitudes positives à l’égard du
musée et des sciences humaines.
Toutefois, notre étude n’a pu démontrer qu’un programme éducatif com-
prenant une visite au musée ainsi que des activités de préparation ou de
prolongement en classe favorise davantage la réalisation d’apprentissages et
le développement d’attitudes positives à l’égard du musée et des sciences
humaines, comparativement au même programme éducatif comprenant
exclusivement une visite au musée.
Pour mieux circonscrire les effets des activités de préparation et de pro-
longement en classe, il conviendrait de répondre aux questions suivantes: les
enseignants réalisent-ils adéquatement les activités prévues dans le guide
pédagogique? Dans ce sens, serait-il préférable que celles-ci soient animées
par le personnel du musée? Par ailleurs, le test cognitif (HFC) a-t-il mesuré
les apprentissages des élèves réalisés lors des activités de préparation et de
prolongement? Les activités de prolongement en classe ont-elles plus
d’impact sur les apprentissages que sur les attitudes des élèves que les
activités de préparation en classe?
Des données qualitatives seraient sans doute susceptibles de contribuer à
répondre aux questions soulevées par notre étude. Ainsi, une grille d’obser-
vation des comportements des élèves, des enseignants et du personnel du
musée ainsi qu’un questionnaire d’appréciation des activités, complété par
les élèves, les enseignants et le personnel du musée, pourraient sans doute
apporter certaines réponses à nos questions. Mais—est-il nécessaire de le
rappeler—la recherche dans ce domaine est encore jeune et de nombreuses
études devront être menées afin d’éclairer les actions des divers intervenants
en éducation muséale.

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Céline Du Sablon est chargée de cours et Geneviève Racette est professeure au


Département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Montréal, case
postale 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.
Essai d’applicabilité du modèle
d’enseignement de Bruner en milieu muséal

Suzanne Boucher
université du québec à montréal

En éducation scolaire, il n’existe pas une théorie générale capable d’orienter toute
situation d’apprentissage et d’éclairer la complexité de l’acte d’enseigner. Le
praticien peut cependant recourir à différents modèles d’enseignement. La
pédagogie muséale gagnerait à se doter de tels modèles. Afin de déterminer,
parmi les modèles d’enseignement conçus pour l’école, ceux qui peuvent s’appli-
quer en milieu muséal, nous avons développé une démarche d’analyse basée sur
cinq principes pédagogiques d’une visite au musée identifiés par le Groupe de
recherche sur l’éducation et les musées. Cette démarche, nous l’avons appliquée
au modèle d’enseignement de Bruner sur le développement de concepts et nous
avons vérifié dans quelle mesure il peut s’adapter en milieu muséal.

No theory of schooling can as yet offer a complete and practicable account of the
teaching act, although a number of models provide approximate guidance for
practitioners. Museum education would gain by application of some such models.
In order to choose from models developed for the school, we developed a screen
based on five pedagogical principles identified by the Museum Education
Research Group. We here apply our screen to Bruner’s conceptual development
model in order to see how well that model suits museum education.

LES PROGRAMMES ÉDUCATIFS MUSÉAUX OFFERTS AUX ÉCOLES

Depuis une quinzaine d’années, les musées canadiens et américains ont peu
changé leur façon d’accueillir les écoles selon les études de Bay (1973),
Newsom et Silver (1978), Herbert (1981) et Stott (1987). Reque (1978),
Herbert (1981) et Rayner (1987) constatent que la plupart des activités
éducatives des musées ont été élaborées intuitivement, sans référence à une
théorie pédagogique.
Il convient tout de même de reconnaître l’effort déployé par certains
musées pour s’éloigner de la traditionnelle visite guidée et offrir aux groupes
scolaires des activités basées sur une participation active des écoliers
(Finkelstein, Stearns, & Hatcher, 1985). Reque (1978) mentionne qu’à
l’époque où quelques muséologues ont commencé à remettre en question les
bienfaits de la visite guidée avec des enfants, la véritable question n’était
pas de savoir s’il fallait privilégier les approches progressistes ou tradition-
nelles, mais plutôt d’identifier ce qui était requis d’un programme de visite

352 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 353

pour qu’il soit effectivement éducatif. Nous croyons donc qu’il faut iden-
tifier comment planifier et organiser les stratégies d’enseignement au sein
d’un programme éducatif muséal de façon à susciter l’apprentissage chez
l’élève qui y participe.

UN MODÈLE DIDACTIQUE D’UTILISATION DES MUSÉES

Lacey et Agar (1980) suggèrent de développer des modèles d’enseignement


et d’apprentissage qui tiennent compte à la fois des collections du musée et
des objectifs des programmes scolaires. En éducation scolaire, faute d’une
théorie valable pour toute situation d’apprentissage, le praticien peut recourir
à différents modèles didactiques et d’enseignement pour structurer les
situations d’apprentissage (Joyce & Weil, 1980). La pédagogie muséale
gagnerait à se doter de tels modèles. D’ailleurs, lors d’un colloque tenu à
l’Université du Québec à Montréal à l’automne 1985, chercheurs, ensei-
gnants et éducateurs de musée ont souligné l’importance de mettre au point
des modèles qui tiennent compte des objectifs particuliers du musée et de
l’école (Racette, 1986).
Depuis 1982, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées
[GREM], au Département des sciences de l’éducation de l’Université du
Québec à Montréal, travaille à l’élaboration d’un modèle didactique d’utili-
sation des musées. Entre autres choses, ce modèle vise l’élaboration de
programmes éducatifs muséaux destinés aux groupes scolaires du primaire.
Il comprend trois volets: l’identification des préalables, la mise en oeuvre du
programme et son évaluation (Allard et Boucher, 1988).
La mise en oeuvre du programme prévoit une démarche d’apprentissage
à trois moments: avant, pendant et après la visite au musée. Cette approche
est basée sur les recherches effectuées par le GREM sur la conception,
l’élaboration, l’expérimentation et l’évaluation de différents types de visite
au musée. Cette approche tient également compte de multiples observations
réalisées dans différents musées auprès d’élèves qui participaient à des
visites éducatives. Enfin, au-delà de ce volet, les membres du GREM ont
dégagé des principes que doit respecter une visite au musée destinée à des
groupes scolaires.
Notre recherche a pour but de proposer un ensemble de modèles d’ensei-
gnement respectant le modèle didactique global mis au point par le GREM.
Ces modèles d’enseignement composés de multiples agencements d’inter-
ventions éducatives pour la visite au musée offriraient un cadre à la fois
théorique et pratique aux concepteurs de programmes éducatifs muséaux.
Ces derniers pourraient s’y référer selon les objectifs qu’ils poursuivent, les
approches qu’ils privilégient, les possibilités et les contraintes propres à leur
musée. Pour mener à bien notre recherche, nous avons analysé les modèles
d’enseignement présentés par Joyce et Weil (1980). Ces modèles ont été
élaborés par des psychologues et didacticiens reconnus. Ils se réfèrent à
quatre orientations éducatives: traitement de l’information, développement
354 SUZANNE BOUCHER

personnel, intervention sociale et modification du comportement. Dans cet


article, nous présentons les lignes directrices de notre démarche d’analyse,
puis nous l’appliquons à l’un des modèles de traitement de l’information
proposé par Joyce et Weil, celui de Jérome S. Bruner sur le développement
de concepts.

LA DÉMARCHE D’ANALYSE

Les principes pédagogiques suivants d’une visite au musée (Allard et


Boucher, 1988) sont à la base de notre analyse: a) prévoir des activités
propres au musée; b) viser l’atteinte d’objectifs diversifiés; c) favoriser la
cueillette d’informations; d) inciter l’élève à une participation active; e)
conférer un aspect ludique aux activités. Chacun de ces principes doit être
respecté par le modèle d’enseignement examiné.

Prévoir des activités propres au musée

Si l’on considère que le musée et l’école sont deux institutions complémen-


taires, il faut éviter de répéter au musée des activités qui peuvent se réaliser
dans le local de classe. Il faut prévoir des activités inédites. Un groupe
d’élèves n’a pas intérêt à écouter au musée un exposé fait dans des condi-
tions matérielles moins adéquates que celles de la salle de classe. Certes, la
visite au musée comporte en soi un élément inhabituel, voire novateur, car
une visite rompt au moins la routine journalière de l’école. Mais si en
arrivant au musée on retrouve l’école sous une autre forme, à travers des
formules pédagogiques qui lui sont propres, l’impact de la nouveauté
s’estompe rapidement. Cela ne veut toutefois pas dire de bannir du musée
toutes les stratégies didactiques mises en oeuvre à l’école. Il existe des
stratégies qui ne sont propres ni au musée, ni à l’école et que l’on peut
adapter en utilisant les ressources mêmes du musée. L’activité éducative met
alors en valeur les objets des collections et, dans la mesure du possible, est
axée sur des aspects qui ne peuvent être explorés ni ailleurs, ni autrement
qu’au musée.

Viser l’atteinte d’objectifs diversifiés

On réduit souvent la connaissance à la simple mémorisation de faits. En


réalité, la connaissance englobe plusieurs processus mentaux qui relèvent de
l’association, de l’analyse, de la synthèse, et qui se situent à d’autres
niveaux tels le développement de concepts ou le développement d’habiletés.
Selon le GREM, durant les activités tenues au musée, il convient de ne pas
se limiter au simple niveau factuel. Il faut élargir la nature des objectifs
visés et développer des processus de réflexion, des sensibilités, voire des
attitudes.
LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 355

Favoriser la cueillette d’informations

Le GREM a montré que l’information amassée par les élèves est pauvre si
la visite demeure un événement isolé. La visite au musée doit s’inscrire dans
une démarche entreprise en classe et qui se termine en classe. Le modèle du
GREM prévoit, pour la préparation en classe, une introduction au thème qui
sera abordé au musée. Cette première exploration de l’objet d’étude a pour
but de faire surgir des questions de recherche chez l’élève. Lors de la visite,
l’élève procède à la cueillette des informations susceptibles de fournir des
réponses à ses questions. Il recueille ces informations essentiellement à
l’aide de ce qu’il trouve dans les vitrines.
En principe, selon le GREM, pour favoriser une cueillette optimale
d’informations, il faut admettre que l’élève ne puisse tout voir, tout ap-
prendre et tout comprendre lors d’une seule visite. Il faut ainsi limiter le
nombre d’informations communiquées à l’élève. C’est une condition pour
que ce dernier ne se sente pas enterré sous une masse de données et pour
qu’il les assimile. On peut éviter une surcharge d’informations en choisissant
les vitrines à observer pendant la visite pour leur relation avec le thème du
programme éducatif.

Inciter l’élève à une participation active

Comme dans une étude de l’Industrial Audio-Visual Association (Cloutier,


1974) qui montre qu’un individu ne retiendrait que 20% de ce qu’il entend,
mais 90% de ce qu’il dit en faisant quelque chose, les membres du GREM
suggèrent de restreindre l’emploi de l’exposé avec des élèves. Il vaut mieux
impliquer l’élève dans tout son être en lui conférant un rôle actif, créer des
interactions entre l’élève et l’animateur, inciter l’élève à utiliser plusieurs de
ses sens et l’encourager à utiliser des habiletés intellectuelles (observation,
comparaison, association, établissement de relations).

Conférer un aspect ludique aux activités

Le jeu fait partie intégrante de l’univers enfantin. Il facilite l’assimilation de


l’expérience au schéma du monde de l’enfant. Il permet à celui-ci d’essayer
des combinaisons de comportements sans se préoccuper de rendement. Il
favorise l’essai de ses habiletés dans de nouveaux contextes, sans craindre
l’échec, puisqu’il n’est pas nécessaire de réussir (Desrosiers-Sabbath, 1984,
p. 36).
Toute situation peut devenir jeu. C’est la façon dont l’individu réagit dans
une activité qui indique si l’activité est ou non ludique (Guillette, 1982, p.
41). Considérons quelques indicateurs de l’activité ludique. C’est une
activité agréable, divertissante, qui change de la routine et qui amuse. Ce
n’est pas une corvée et c’est dissociable d’un comportement sérieux: on peut
être fâché et jouer à être fâché. L’aspect ludique d’une activité doit être
356 SUZANNE BOUCHER

perçu comme tel par l’élève. Il le sera d’autant plus facilement si l’activité
lui rappelle une forme de jeu qu’il connaît.
Selon le GREM, le caractère ludique des activités offertes au musée doit
être aussi marqué que possible. L’élève apprend toujours mais en s’amusant,
le musée pouvant donner lieu et place au plaisir. L’élève qui se rend au
musée ne s’attend pas à y vivre des activités scolaires et didactiques, au sens
péjoratif de ces termes. Bien que la visite s’effectue dans un cadre scolaire
et poursuivre des objectifs généralement puisés dans les programmes
d’études officiels, l’élève, puisqu’il est sorti de l’école, anticipe de vivre au
musée une expérience nouvelle. En conférant un aspect ludique aux activi-
tés, la visite au musée n’apparaît plus à ses yeux comme une activité à
caractère strictement scolaire.
Voilà les principes retenus pour analyser des modèles d’enseignement
applicables en milieu muséal. Cette analyse consiste, en premier lieu, à
vérifier d’une manière empirique si un modèle respecte ces principes. En
second lieu, elle prévoit l’esquisse d’un exemple d’application du modèle
d’enseignement à l’intérieur des trois moments d’apprentissage d’un pro-
gramme éducatif prévu dans le modèle du GREM. Par la suite, nous dev-
rions être en mesure de décider si le modèle étudié peut être considéré
comme applicable en milieu muséal. Le modèle mis à l’épreuve est celui de
Bruner sur le développement de concepts.

LE MODÈLE DE BRUNER SUR LE DÉVELOPPEMENT DE CONCEPTS

Jérome S. Bruner est un constructiviste. Tout comme Piaget, il considère le


développement de la connaissance comme un processus d’équilibres et de
déséquilibres au cours duquel l’enfant franchit des stades de connaissances.
Selon lui, l’enfant passe graduellement du concret à l’abstrait. Bruner est
d’ailleurs un défenseur de la pédagogie par la découverte qui implique
l’induction (Bruner, Shulman et Keislar, 1973). Il préconise un enseignement
de concepts où l’élève doit découvrir une proposition générale et abstraite
appliquée à des situations concrètes. Ce qui importe pour Bruner (1969),
c’est d’amener l’enfant à passer progressivement de la pensée concrète à la
pensée conceptuelle.
Le modèle d’enseignement de Bruner (Bruner, Goodnow, & Austin, 1967;
Desrosiers-Sabbath, 1984; Joyce & Weil, 1980) est basé sur le dévelop-
pement des habiletés impliquées dans le processus de conceptualisation.
Dans ce modèle, l’apprentissage d’un concept consiste à identifier ses
caractéristiques essentielles, ses “attributs,” et à les regrouper en catégories.
L’enseignement se planifie en trois étapes. La première a pour objet le
choix du concept, habituellement puisé dans les curricula scolaires ou les
manuels servant aux apprentissages. La deuxième consiste à analyser le
concept. Il s’agit d’identifier ses attributs essentiels et non essentiels. Par
exemple, comme attributs essentiels du concept “service,” on note que c’est
une activité qui représente une valeur économique, sans production de bien
LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 357

matériel, destinée à satisfaire un besoin humain. Un service peut également


avoir comme attributs non essentiels d’être privé ou public. La troisième,
enfin, consiste à illustrer le concept par des exemples positifs ou négatifs,
étiquetés par des oui et des non. Ainsi, enseigner, servir un repas, exercer le
métier de pompier, sont des exemples de services. Par contre, manger, se
promener à moto, construire une maison, n’en sont pas.
Lors de la mise en oeuvre du modèle de Bruner, les exemples qui il-
lustrent les attributs du concept et ceux qui ne les illustrent pas sont pré-
sentés sous formes d’images, d’objets, de phrases orales ou écrites. Les
élèves sont invités à formuler des hypothèses sur la nature du concept. Au
fur et à mesure de la présentation des exemples, l’enseignant intervient et
renforce les tentatives de découverte du concept.
Lorsque le concept est découvert, l’enseignant propose aux élèves de le
définir par ses attributs. Les élèves reconstituent les chaînes d’événements
qui ont conduit à la découverte du concept.
L’étape suivante est celle de la généralisation. L’élève analyse le concept
dans divers contextes. Finalement, afin d’améliorer leur capacité de concep-
tualiser, les élèves conçoivent eux-mêmes un jeu de concepts et refont la
démarche du modèle à partir d’un autre concept inscrit au curriculum.

ANALYSE DU MODÈLE DE BRUNER

Nous avons voulu vérifier si le modèle de Bruner sur le développement de


concepts est applicable en milieu muséal. On peut dire qu’il respecte les
cinq principes d’une visite au musée, mais à certaines conditions.
Le modèle de Bruner favorise la mise en oeuvre d’activités propres au
musée. Il permet en effet l’utilisation des objets des collections du musée
comme exemples qui illustrent et qui n’illustrent pas le concept choisi.
Une visite au musée élaborée selon le modèle de Bruner vise l’atteinte
d’objectifs diversifiés. En effet, elle amène l’élève, tout au long de sa visite,
à se confronter à des faits qu’il peut mémoriser. Mais surtout, une visite
conçue selon le modèle de Bruner pousse l’élève à développer sa compré-
hension des concepts et ses habiletés à penser. De plus, bien que les objec-
tifs premiers du modèle ne se situent pas à ce niveau, une telle visite suscite
un contact direct avec l’objet muséal qui développe chez l’élève des sensibi-
lités, voire des attitudes positives à l’égard du musée.
Le modèle de Bruner favorise la cueillette d’informations selon des
modalités appropriées à la situation muséale. Si les concepts étudiés au
musée sont reliés à un thème déjà abordé en classe, l’élève peut recueillir au
musée des informations sur certains aspects de ce thème par le recours à un
nombre limité de vitrines du musée sélectionnées en fonction des concepts
étudiés. Chaque musée véhicule un message qui se réfère à certains con-
cepts. On choisira les concepts dont les attributs sont exposés sous une
forme ou une autre et en nombre suffisant. La sélection, bien entendu, devra
également se faire en fonction de la difficulté de compréhension. À notre
358 SUZANNE BOUCHER

avis, le modèle de Bruner respecte le principe relatif à la cueillette d’infor-


mations, pourvu que le choix des concepts soit fait en fonction de la collec-
tion du musée. Si la collection n’est pas suffisamment vaste pour offrir un
nombre suffisant d’exemples qui illustrent et d’exemples qui n’illustrent pas
un concept, on pourra tout de même parfaire la cueillette d’informations à
l’aide d’autres stratégies impliquant des média et même des objets non
muséaux.
Une visite inspirée par le modèle de Bruner incite l’élève à une participa-
tion active. Il n’est pas soumis à une écoute passive. Il doit chercher et
découvrir les attributs du concept à partir des exemples qu’il observe dans
la collection du musée. Ce modèle suscite également des interactions entre
l’animateur et les élèves. Les élèves sont continuellement invités à découvrir
le concept.
Le modèle de Bruner confère un aspect ludique aux activités. Desrosiers-
Sabbath (1984) nomme même ce modèle ‘‘jeu des concepts.’’ Pour Bruner,
le jeu a un rôle important dans le développement de l’esprit et l’acquisition
des connaissances. Selon Desrosiers-Sabbath (1984), le modèle de Bruner

s’appuie essentiellement sur le jeu et lui accorde une place importante dans les
apprentissages. En effet, toute la démarche de l’esprit est enclenchée par des jeux
simples sur les concepts; jeux qui ne visent pas uniquement l’acquisition de
connaissances, mais donnent lieu à des activités où le processus de connaissance
est analysé. Le modèle prend à son compte le rôle positif du jeu en pédagogie.
(p. 36–37)

APPLICATION DU MODÈLE DE BRUNER

Le modèle de Bruner nous semble respecter les cinq principes d’une visite
au musée. Pour finaliser l’analyse, il convient de vérifier comment ce
modèle d’enseignement peut supporter les activités propres aux trois
moments d’un programme éducatif muséal qui se situent, on s’en souvient,
avant, pendant et après la visite.
Pour les activités se déroulant en classe avant la visite, le modèle du
GREM prévoit, entre autres, de se centrer sur les préalables à la visite.
L’application du modèle de Bruner suggère une initiation au jeu des con-
cepts.
Lors de la visite au musée, des exemples qui illustrent et qui n’illustrent
pas le concept à l’étude peuvent être présentés à l’aide des objets de la
collection du musée. Prenons une classe de 1ère ou de 2e année du primaire
visitant un musée qui possède une collection de véhicules. Supposons le
concept moyen de transport sur rail. Ce concept est étudié à l’aide d’une
sélection d’objets que les élèves peuvent observer directement: locomotive,
wagons de passagers et de marchandises, métros et trains de différentes
époques sont des exemples du concept; bateau, avion, automobile d’époques
différentes n’en sont pas. Une fois le concept découvert, les élèves le
définissent en reconstituant les chaînes d’événements qui les ont conduits à
LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 359

découvrir le concept. La séquence peut être répétée avec d’autres concepts


relatifs aux moyens de transport et avec d’autres objets du musée.
Après la visite, c’est l’étape de la généralisation. L’élève doit analyser
chacun des concepts étudiés au musée dans de nouveaux contextes. Enfin,
pour développer davantage la capacité à conceptualiser de l’élève, on
pourrait lui demander de concevoir son propre jeu des concepts et de refaire
la séquence du modèle à partir d’un autre concept relié au thème à l’étude.

CONCLUSION

D’après notre analyse, le modèle d’enseignement de Bruner respecte les


principes d’une visite au musée pour écoliers. Ce constat d’applicabilité,
fruit d’un jeu abstrait, pourrait être vérifié expérimentalement pour le plus
grand bénéfice des concepteurs de programmes éducatifs muséaux intéressés
par le modèle de Bruner. Non seulement le modèle analysé respecte les
exigences d’une visite, mais il s’intègre harmonieusement au modèle du
GREM et le complète. Cela ne veut pas dire toutefois que son application
soit universelle. Il existe probablement, en effet, des musées qui ne pos-
sèdent pas les collections suffisantes pour explorer les concepts à la manière
de Bruner. Il va de soi que cette restriction est à vérifier. Cependant, si c’est
exact, il faudrait analyser d’autres modèles d’enseignement afin d’identifier
ceux qui sont susceptibles de s’appliquer aux différents milieux muséaux.
On pourrait alors offrir aux utilisateurs du modèle du GREM un ensemble
de modèles d’enseignement parmi lesquels ils pourraient choisir celui qui
correspond le mieux aux ressources matérielles et humaines de leur musée.
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360 SUZANNE BOUCHER

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Suzanne Boucher est chargée de cours au Département des sciences de l’éduca-
tion, Université du Québec à Montréal, case postale 8888, succursale A, Montréal
(Québec) H3C 3P8.
The National Gallery of Canada’s
Theme Rooms: Exploring the
Educational Exhibition

Anne Newlands
national gallery of canada

In addition to their functions of collecting, preserving, studying, and exhibiting,


museums have an educational role. In 1983, A Building Programme for the New
National Gallery of Canada proposed the development of designated didactic
areas within the new building as places of learning to complement the visitor’s
experience of viewing art. This article discusses the concept of a didactic space
and traces the development of four such areas in the Gallery’s Canadian collec-
tion. Examining constraints and objectives, it details the planning process, the
approaches selected, and the content of the four different spaces. Each of the
areas, called Theme Rooms, stands physically and conceptually distinct from the
others. An evaluation plan designed to inform the improvement and design of
future Rooms is described, leading back to the fundamental question of how best
to enhance the visitor’s chosen aesthetic experience.

En plus de collectionner, de conserver, d’étudier et d’exposer des oeuvres, les


musées ont un rôle éducatif. En 1983, il a été proposé dans un document intitulé
A Building Programme for the New National Gallery of Canada que des aires à
vocation didactique soient prévues dans le nouveau bâtiment afin de servir de
complément aux salles d’exposition. L’auteure de cet article discute du concept
d’aire didactique et décrit comment ont été aménagées quatre aires de ce genre
au Musée des beaux-arts du Canada. Analysant les contraintes et les objectifs,
elle explique le processus de planification, les approches retenues et le contenu
des quatre aires. Désignées sous le nom de ‘‘salles thématiques,’’ elles sont
toutes, du double point de vue de l’aménagement et de la conception, distinctes
les unes des autres. Présentant en outre un plan d’évaluation élaboré en vue
d’améliorer la conception des prochaines salles thématiques du Musée, l’auteure
nous ramène à la question fondamentale des moyens à prendre pour bonifier
l’expérience esthétique choisie par le visiteur.

Together with collecting, preserving, and studying that which is collected,


museums have long had an the educational role. As far as the National
Gallery of Canada is concerned, this educational function is emphasized in
A National Museums Policy for the 80’s (National Museums of Canada,
1981), where the museum’s responsibility to share ‘‘both the collection and
knowledge derived therefrom for the instruction and self-enlightment of an
audience’’ is firmly stated on the first page. Although the definition of

361 CANADIAN JOURNAL OF EDUCATION 16:3 (1991)


362 ANNE NEWLANDS

education and the methods appropriate to it in an art museum setting


continue to be hotly debated, it is generally agreed that:

Works of art, no matter how grand, how glorious, how great, are without
consequence unless encountered by a seeing eye, a thoughtful mind, and a
feeling heart. Works of art live by virtue of their capacity to shape human
experience. A viewer’s experience becomes artistically significant when he or she
is able to treat the work in a manner relevant to its artistically important features.
People must be able to ‘‘read’’ the artistic content of images to have artistic
experience. The mere presence of works, even in fine museums, is insufficient.
(Eisner & Dobbs, 1986, p. 1)

Acknowledging that works of art merely accompanied by identification


labels are not necessarily accessible or meaningful to the majority of art
museum visitors, education departments have made it their task to bridge the
gap between art and the public. The ways in which these bridges are built
are as varied as the art collections and the audiences that visit them. Tradi-
tionally, guided tours, extended labels, panel texts, and brochures have been
offered in a myriad of formats to meet the requirements of diverse audi-
ences. Occasionally education departments themselves mount exhibitions
with educational objectives. At the Art Gallery of Ontario, for example,
there have been exhibitions such as Attitudes: The Nude in Art (1983) and
Viewpoints: Approaches to Contemporary Art (1988). These exhibitions
explored their publics’ reaction to certain imagery and forms of art, and
evaluated different types of learning tools. Such studies are usually isolated
in designated ‘‘education’’ galleries outside the principal circulation areas.

DIDACTIC AREAS

What exactly constitutes learning in the informal setting of the art museum
is a subject of study unto itself. For the purposes of this article:

Learning . . . refers to any measurable changes taking place within the visitor
which can be directly attributable to the exhibit experience. These changes could
include the acquisition of new knowledge, concepts, perceptual skills, or atti-
tudes. (Lakota, 1976, p. 249)

A Building Programme for the New National Gallery of Canada (Canadian


Museum Construction Corporation, 1983) proposed the creation of didactic
areas to give the visitor an opportunity to ‘‘learn’’:

didactic areas in conjunction with certain galleries will contain displays giving
information about, and interpretations of, the art exhibited in nearby galleries.
Although the visitor should be able to see the didactic display in close proximity
to the associated gallery, he should also be able to bypass it . . . [so as not to
have it interfere] with the contemplative nature of the examination of works of
art. (p. 33)
THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 363

From the Gallery’s point of view, the foremost place of learning was to
remain the galleries themselves. Here the visitor would first and to the
greatest extent encounter works of art. The experience of looking at and
appreciating art could be complemented in ‘‘the related but not obtrusive
didactic areas’’ (Canadian Museum Construction Corporation, 1983, p. 20).
This decision to develop didactic spaces within a permanent collection
came at a time when special exhibitions were, as they continue to be,
increasingly expensive to mount. This expense forces museums to animate
and enhance their permanent collections to keep attracting visitors. The
Gallery’s permanent collections are vast and varied, and the didactic areas
could help visitors focus on particular aspects of the collection. Originally
all areas of the collection—Canadian, European, Prints, Drawings and
Photographs, Contemporary, and Inuit—were to address ‘‘learning’’ in
didactic areas. To date only in the Canadian collection have these areas,
called Theme Rooms, been developed.

THE CANADIAN GALLERIES

In the Canadian galleries, the didactic areas took the form of four regular
side-galleries flanking the array of larger main galleries. In keeping with the
specifications of the Building Programme they were unobstrusive (at first
glance they could be taken for regular exhibition spaces), optional (you
could enter or pass by), and did not interfere with the contemplation of art
in the main galleries (because their activities were restricted spatially). Yet
they responded to the challenge to explore new methods for encouraging a
dialogue between visitors and works of art acknowledged as the primary
obligation of the Gallery in the Building Programme.
Late in 1985, a team composed of a curator (Denise Leclerc, Assistant
Curator of Later Canadian Art), a designer (Craig Laberge, Head of Design),
and an educator (myself) was struck to propose a scheme for developing the
Theme Rooms. We represented the museum’s essential functions: collection
and subject expertise, graphic and technical means for packaging and
conveying our objectives, and knowledge of the audience and methods of
communication. This kind of collaboration, with its obvious benefits of
sharing different points of view, is often recommended but rarely imple-
mented. Together we researched and discussed the physical and conceptual
needs of visitors in the new National Gallery and proposed an approach to
the didactic areas differing from other methods of interpretation like guided
tours, information labels, and publications.
Before determining the actual content of the four Rooms, we investigated
different ways visitors might learn in a museum environment and which
techniques (written texts, reproductions, audios, and videos) were most
effective for presenting information to a plurality of audiences (Johnstone,
1980; Lakota, 1976, pp. 249-279; Landay, 1982; Miles, Alt, Gosling, Lewis,
& Tout, 1982, pp. 78-101; Screven, 1975). ‘‘The public is, however, a
364 ANNE NEWLANDS

diversified group and so the development of museum education is also the


story of diversification’’ (Ott, 1981, p. 9). We thought the needs of young
students were met by school tours, and those of groups of adults by daily
public tours. We defined our audience as the general adult public, individ-
uals alone and in small groups, willing to spend time reading, listening to,
or looking at supplementary material. For adults preferring a more personal,
in-depth experience this was an opportunity to try another approach.
Many decisions made in 1986 were taken when we were anticipating the
move to the new building and preparing for its opening. The creative
pressure of this situation was complicated by the fact that we knew few art
museum models for permanent installation didactic galleries and had little
time and few resources for formative evaluation to test our assumptions and
proposals.
The objectives we developed for the Theme Rooms were based on our
notions of what constituted the ideal visitor experience. We wanted visitors
to feel both physically and conceptually comfortable in their visit to the
Canadian collection. If we were going to enhance the visitor’s dialogue with
works of art, we felt strongly that we should not limit their own creative
perceptions, which could conceivably be undermined by our proposing
particular ways of looking or feeling. We sought to keep the visitor’s
experience of the work of art as open-ended as possible, yet to provide
material to make the Canadian collection accessible. Based on the frequently
articulated assumption that most people feel uncomfortable in art museums
because they lack background knowledge about the artists and their work,
we decided to explain a variety of historical contexts related to a Theme
Room’s position within the Canadian galleries. Given that the works of art
in the galleries would be complemented only by identification labels, we
hoped provision of this material in the Theme Rooms would enhance the
visitor’s appreciation of works of art.
We considered the initiatory aspect of gallery visiting and the needs of
first-time visitors: we wanted the content of the Rooms to be understandable
at a glance. To encourage repeat visits, both to the galleries and to the
Theme Rooms, we wanted to make evident the possibility of obtaining more
in-depth information. Ultimately we aimed to develop a system where the
information was layered—either by varying type sizes (titles, sub-titles, and
so on) or by accumulating texts and pictures in binder-books for visitors to
peruse. While the scope of this article does not permit discussion of the
innovative design solutions, they are in fact central to the overall impact (the
attraction and holding power) of the Rooms. Two related objectives touched
on both content and design: we sought to make specific connections with,
and references to, works installed in the galleries, and we insisted on a
variety of presentational formats to respond to the needs of diverse audi-
ences.
THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 365

THE CONTENT OF THE ROOMS

In determining the themes, we tried to put ourselves in the shoes of first-


time visitors to the Canadian collection and to anticipate their questions. In
the early Canadian galleries, for example, why are religious works, portrait-
ure, and genre painting in such close proximity? It was decided that each
Room would emphasize a different theme according to its specific location
in the galleries and that each would stand alone thematically from the other
Rooms. Each Room would begin with an idea or theme and use the works
in the collection (where possible) to support it. The Rooms would also use
auxiliary images and artifacts to expand upon the diverse contexts of works
in the collection. Each Room would use slightly different methods of
installation and technology to meet these objectives.
Room I: Patronage of the Arts in Early Canada. We proposed the theme
of patronage for the first Room because it answered our hypothetical
visitor’s question about the variety of subject matter in the early Canadian
galleries and permitted exploration of the varied forces behind development
of the arts in early Canada. The Room is installed with works from the
collection that represent specific case studies of particular kinds of patron-
age. The works of art are supplemented with photographs and replicas of
documentary material about a variety of artist-patron relations. By installing
actual art objects with which to explore the theme, we achieved two things:
the circumstances behind a particular market (or environment) for a particu-
lar object can be explored, and the Room itself blends visually with the
adjacent main gallery.
The first wall displays religious sculpture, painting, and silver vessels,
and acknowledges the primary importance of the Roman Catholic Church in
pre-Confederation Quebec. The second wall demonstrates indirect military
patronage and features British topographical artists who produced art both
for documentary (military) and for personal (aesthetic) purposes. The third
wall shows selected examples of private patronage: portraits of ships,
portraits of individuals, presentation silver, and genre painting. The fourth
wall points to official patronage, with examples of a portrait of a Chief
Justice and a painting by Paul Kane witnessing early Government support of
the arts.
Room II: Academic Training of Canadian Artists Abroad. This theme
was chosen to complement the emphasis on figure painting in the surround-
ing galleries and to emphasize the educational isolation and the importance
of academic training abroad for young Canadian artists in the late 19th
century. Like Room I, this Room includes an art installation. Distributed
over three walls, a selection of works illustrate the basic steps in classical
academic training: drawing from the plaster cast, drawing from the model,
copying from the old masters, and the development of the study and the
painted sketch. The installation is complemented by an audio tape of
material culled from Canadian artists’ letters, diaries, and articles. The tape
366 ANNE NEWLANDS

articulates the values and intent of training abroad and voices the artists’
personal ambitions and their reactions to and disappointments with such a
training.
Room III: Modern Art in Canada—The Beginnings. In contrast to the
two previous Rooms, which used art objects, this one, in keeping with its
20th-century subject, offers a video exploring the European avant-garde’s
influence on Canadian painters from 1900 through the 1930s. Modernity was
chosen as a theme because it so aptly encompassed the acceleration of
stylistic change and the variety in the galleries nearby. Beginning with
James Wilson Morrice, the video deals not only with important international
influences on the artists of this period but also with the artists’ personal
creative responses. This Room is complemented by a small reading area
providing a selection of monographs about the artists and ideas featured in
the video.
Room IV: The Painter Speaks—Canadian Abstract Painters. Here a
video composed of archival radio, film, and TV footage presents some
Canadian artists discussing the roots of their interest in abstraction and their
individual approaches to it. Once again, video technology was seen as the
most appropriate medium for bringing artists’ words to life and for present-
ing a modern concept. The theme of abstraction was chosen because we had
observed that the general public has difficulty with non-objective art. We
also know that when artists speak for themselves about why they paint as
they do, people are fascinated and listen intently.

EVALUATION

It is not sufficient to equate effectiveness with popularity (visitor count). The


mere fact of attendance says nothing about the value of the experience to the
visitor. (Lakota, 1976, p. 18)

Evaluation was always seen as an integral part of the development of the


Theme Rooms. It offers the most important key to assessing the value of a
Theme Room experience for the visitor. Designed with a life-span of two to
three years, the Rooms are viewed as laboratories in which to explore
effective means for enhancing the visitor’s experience of the Canadian
collection. Our objectives for evaluation are to assess the effectiveness of
the existing Rooms, to increase our understanding of how visitors use the
Rooms, to design new Rooms better, and to provide better tools for enhanc-
ing visitors’ appreciation of art.
Phase 1. After the Rooms opened in May 1989, we launched Phase I of
the evaluation programme. From June to August, helped by two summer
interns, we tracked visitors unobtrusively and interviewed them to find out
if the content was being clearly conveyed, if the design was effective, and
if a Theme Room experience increased their appreciation of the Canadian
collection. At the same time, we administered an orientation questionnaire
to see if visitors were entering the Rooms by accident (happening upon
THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 367

them) or by design (informed by the floorplan). This inquiry stemmed from


our feeling that the signage for the Rooms was inadequate. If visitors were
not aware of the existence of the Rooms, then they obviously could not take
advantage of these resources. Furthermore, visitors would likely carry away
the unfavourable impression that no effort had been made to make the
Canadian collection more accessible. Past and present evaluations indicate
the need for specific (promotional and directional) Theme Room signage,
even at the expense of keeping the galleries as free of signs as possible.
Because the content and technical methods used in the four Rooms
differ, we also designed four Room-specific interview questionnaires. These
questionnaires inquired about visitors’ awarness of a particular theme in a
Room, whether they had read the introductory column (which explained the
Theme), and to what extent they had read the supplementary material,
listened to the audio-tape, or watched the videos in the Room. We asked
which form of information they most enjoyed and whether they felt the
experience had taught them something or had increased their appreciation of
the Canadian collection. We also asked about their comfort in reading,
listening to, or watching the supplementary information (type-size, text or
audio-tape or video length, and language level). Thus most questions
stemmed from the Gallery’s concerns about content and design decisions:
were the Theme Rooms meaningful, and were they affecting our visitors as
we intended?
Because of the sampling strategy and the design of the questionnaire, the
summer evaluation for all its ambitious intentions gave us less feedback than
we anticipated. Of almost 1,000 visitors tracked, only 112 stayed one minute
or more in a Room and were interviewed. Nevertheless, we learned a lot
about the circulation patterns in each Room and about which Rooms and
features attracted people. We learned that our attempt to graphically layer
written information was not very effective and that few visitors read the
introductory columns (the keys) in each Room. Because so few people read
them, we were not able to get much criticism of the texts or their modes of
presentation. The poor response to the audio-tape in Room 2 confirmed our
apprehensions about the rather stark nature of the installation: most visitors
did not connect the text panel (the audio-tape programme) on the wall with
the headphones on the nearby benches. Lack of visuals in this area may also
have limited their attraction to the audio-tapes.
Phase II. Recognizing that the Gallery’s audience has seasonal fluctu-
ations and characteristics, we decided to embark on a Phase II evaluation
plan to compare responses of summer and winter audiences to the Rooms.
In contrast to the in-house evaluation project conducted in the summer, for
the winter we hired a professional museologist skilled in evaluation to assist
us in collecting more scientific data based on standard, professionally
accepted measures of exhibit effectiveness.
Conducted in March 1990, the winter evaluation was designed to com-
plement, not duplicate, the findings of the previous summer. While it probed
368 ANNE NEWLANDS

again the meaningfulness of the content and the effectiveness of the design
of the Rooms, it used a different sampling strategy (see below). It also
inquired about visitors’ background knowledge and their interest in Cana-
dian art, and the kinds of questions they had about looking at Canadian art.
Beyond attempting to draw inferences from visitors’ evaluations of the
existing Rooms, a deliberate effort was made to solicit their questions.
The sampling strategy required interviewing anyone who exited from a
Theme Room, thus more completely testing each Room’s attracting and
holding power. Once attracted to a Room, 205 of the 365 visitors inter-
viewed (56%) stopped and used aspects of a particular Room. The use per
Room decreased as visitors got closer to the exit from the Canadian gal-
leries: Room 1 was used by 84% of visitors, Room 2 by 57%, Room 3 by
45%, and Room 4 by 32%. This use does not equate with understanding or
impact, since the theme of Room 2 was misunderstood by 38% of visitors
and, while the visits to Rooms 3 and 4 were fewest, the use and appreciation
of the videos was very high, with visitors staying for all or most of their
17-minute duration. Obviously fragments of information such as these beg
questions about the effectiveness of certain kinds of installations and the
relevance to the visitor of particular themes. These issues cannot be debated
here but will form the base of future research on the Rooms and the
methods to be used.
The winter evaluation was also significant in that it provided some
long-awaited demographics about visitors to the Canadian collection. Most
visitors (60%) were university graduates with no special knowledge of or
background in Canadian art, and 72% were first-time visitors to the Gallery.
This fact puts into question one of our initial objectives, to attract returning
visitors to the Rooms, and will have a bearing on the target audience in the
future.
When asked to select and rate potential future Theme Room topics,
visitors showed most interest in “why artists made particular works of art.”
This was followed by three equally rated topics: “information about a
specific work of art,” “how to look at or analyze a work of art,” and “back-
ground about the artist’s life.” Curiosity about “artists’ materials and tech-
niques” ranked below these but above “what critics had to say about artists’
work,” which ranked last.
Despite the fact that the sampling strategies for winter and summer were
different, visitors’ use of particular Theme Room features was found to be
very similar. Visitors reported having read “some” of the text material in
Rooms 1 and 2 but having seen “most” or “all of” the videos in Rooms 3
and 4, suggesting that the video format was more popular than the panel
texts, extended labels, or binder books. This in turn raises all kinds of
questions: if indeed the videos are more popular, is it because they are a
more passive form of obtaining information or because they are more
complete and dynamic in their explanations? Did the location of the videos,
just over halfway through the Canadian galleries, make them an attractive
THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 369

stop, offering seating and a break in the pattern of looking at works of art?
(While the opportunity to pause may have been valued, it should be noted
that the video seating was rated as very uncomfortable!) Last, but not least,
why do the texts not encourage reading, and is there a way to make text
presentations more interesting in order to increase their use? While the
actual graphics used may have discouraged reading of the texts, it is poss-
ible that (relatively) text-heavy approaches are not appropriate for Theme
Rooms located near the beginning of most peoples’ visits.

THE CHALLENGE

The exciting aspect of research and experimentation in the Theme Rooms is


that it continues the inquiry about what methods most enhance visitors’
dialogues with works of art. Do visitors need the background information
collected by experts in the field to appreciate a work of art? What kind of
learning tools and approaches best serve this ‘‘discretionary leisure-time
activity’’ (Kelly, 1984)? Educators elsewhere are exploring these issues.
Important research and experimentation continues at the Art Gallery of
Ontario, where installations in the J.S. McLean Group of Seven galleries
have introduced interactive computers right into the art installations in an
effort to develop visitors’ critical looking skills and personal appreciation of
works of art. At the Denver Art Museum in Colorado, the education depart-
ment has participated in an experiment to produce label texts that introduce
the novice to the appreciation of the expert in a personalized way. Although
their methods are quite different, both these examples represent visitor-
focussed enhancements. Opposed to the ‘‘hypodermic’’ approach, where the
visitor passively receives information, the educators behind these endeavours
are trying to get visitors to discover for themselves what kind of personal
rapport they might have with a work of art.
Thus the research with its shifting parameters continues; and the sol-
utions, even for permanent didactic galleries, remain temporary. But while
we labour away in the art museum, experimenting with ways to enhance the
art museum visitor’s experience:

We should not overrate the impact upon the visitors, of all those aspects of
gallery design and presentation that cause professionals and academics to get so
hot under the collar. The way non-professionals approach and experience objects
in museums is much more dependent on the conceptual baggage they bring into
the museum than anything the display can accomplish on its own. (Kemp, 1990,
p. 1435)

Nevertheless, the challenge to make something meaningful of these unob-


trusive didactic areas, to encourage a dialogue between art and the public,
continues to thrive.
370 ANNE NEWLANDS

REFERENCES

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the new National Gallery of Canada. Ottawa: Canadian Museum Construction
Corporation.
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Curator, 18, 219-243.

Anne Newlands is an Education Officer with the Education Services, National


Gallery of Canada, 380 Sussex Drive, Ottawa, Ontario, K1N 9N4.
The Measurement of Learning
in the Museum

Janet Gail Donald


mcgill university

With increased interest in the educational role of museums, learning in museums


and its measurement have become important questions. The most frequently used
measures in museums are attracting power and holding power; but measures used
by educators are of time on task, knowledge gained, thinking and problem-
solving skills, motivation or attitudes, and creativity. The objective of this study
was to delineate and to evaluate measures of learning applicable to museum
experience. Different kinds of museums—fine arts, natural history, science, and
centres of interpretation—promote different kinds of learning, but all pay
attention to specific measures of learning: knowledge gain and thinking.

Plus on s’intéresse au rôle éducatif des musées, plus l’apprentissage dans les
musées et les instruments de mesure connexes prennent de l’importance. Les
critères de mesure souvent retenus dans les musées sont le pouvoir d’attraction
et de rétention; les éducateurs, eux, considèrent plutôt le temps consacré à la
tâche, les connaissances acquises, la pensée et l’aptitude à résoudre des prob-
lèmes, la motivation ou les attitudes et la créativité. L’étude présentée dans cet
article visait à distinguer et à évaluer les mesures de l’apprentissage applicables
à l’expérience muséale. Les divers types de musées—musées des beaux-arts, de
sciences naturelles, des sciences et de la technologie, centres d’interprétation—
privilégient différents types d’apprentissage, mais tous accordent de l’importance
à deux critères de mesure, l’acquisition des connaissances et la pensée.

Museums have always played an important role as repositories of knowledge


or artifacts of knowledge, but in the 20th century they have increasingly
become active disseminators of knowledge. Adoption of this active educa-
tional role has occurred in several phases. Fine arts museums, which most
clearly epitomized the idea of the museum in the 19th century, moved from
being quiet corners for connoisseurs through a period where visitors with the
aid of museum docents viewed great works and learned their history, to the
current phase, in which classes in the production of art as well as art history
are regular museum activities. For example, the brochure of the National
Gallery of Canada (1990) describes lectures, presentations, talks, tours,
studio workshops and activities, and performances.
Natural history museums at the middle of the 20th century were stocked
with long cases in which sat rows of arrowheads, pottery, or jars of speci-
mens. They have become halls where displays beckon, narrative is woven by

371 CANADIAN JOURNAL OF EDUCATION 16:3 (1991)


372 JANET GAIL DONALD

a push-button audiotape, computers answer questions, and schoolchildren


dart by, questionnaires in hand, in search of the next clue in their treasure
hunt or rally. Science museums, most of which date from the 1960s in North
America, expressly provide education in science (Fowles, 1986). Recently,
park museums and centres of interpretation have gained attention as places
that invite the public to participate in a particular milieu or phenomenon,
most often social or ecological (Rivard, 1985).
In these different kinds of museums, very different kinds of learning
could be expected, not only in terms of content but also in terms of how
people think or what people are able to do after their museum experience.
Although some evaluations of what takes place in the museum have led to
the coining of such terms as ‘‘edutainment’’ (Wolf & Tymitz, 1978), and
others talk of ‘‘mindlessness’’ in the museum, where there is little question-
ing of new information (Pearce & Moscardo, 1985), many more studies
show that museum experience changes people. Studies of museums and their
effects have taken one of four forms (Screven, 1984). The first kind of study
is of the demographic characteristics of museum visitors and why they visit
the museum; the second is of how museum visitors behave, particularly how
they move in the museum. The third kind of research is on the effect of
different variables on museum behaviour: for example, the effects of guided
tours compared with theme visits. Finally, there are evaluative studies of
whether exhibits or programs meet their intended objectives.
But how is learning in the museum measured? The measures most
frequently mentioned are associated with visitors’ movements in the museum
and are discussed in terms of the success of exhibits, specifically their
attracting power and holding power (Kool, 1986; Miles, Alt, Gosling,
Lewis, & Tout, 1982). Attracting power refers to the number and kinds of
visitors who approach a particular exhibit or display (Miles et al., 1982).
Holding power refers to the amount of time visitors spend examining an
exhibit, expressed as the total number of seconds a person remains stopped
at an exhibit divided by the minimum number of seconds necessary to read
and see an exhibit (Kool, 1986). Other measures could also justifiably be
applied to museum settings and would show the educational value of a
museum experience.
The first objective in this study is to delineate measures of learning appli-
cable to museum experience. The second objective is to examine studies that
use these measures and the limitations in their use. Knowing what measures
of learning have been used will suggest the kinds of learning that can be
expected in different kinds of museums.

MEASURES OF LEARNING

Learning can be measured at several levels of specificity. Perhaps the most


global measure is that of time on task, the amount of time a learner spends
on a particular learning task. Most frequently, learning is measured in terms
MEASUREMENT OF LEARNING IN THE MUSEUM 373

of the amount of knowledge gained: the difference between what is known


before instruction and after instruction, often broken down into facts learned
and concepts or ideas gained. Measures of thinking or problem solving are
increasingly gaining attention. Motivation or attitude toward learning is also
considered an important measure of learning because it is a harbinger of
future learning. Finally, creativity, intellectual provocation, or the generation
of meaning are more general and more difficult-to-use measures, but they
capture the joy or higher purpose of learning. Each of these kinds of
measures will be examined for appropriateness and usefulness in measuring
learning in a museum. Some measures are more often used with elementary
and secondary students and others with adults, and sometimes the same
measures are used differently with adults and students. The situation often
determines the validity as well as the appropriateness of the measures.

Time On Task

One of two measures most frequently used by museum evaluators, holding


power, has a parallel in the educational research literature on time on task.
Studies of time on task in schools compare the time that students spend in
focused task activity with how much they learn, for example, the relation-
ship of students’ cognition to time on task during mathematics instruction
(Peterson, Swing, Stark, & Waas, 1984). Researchers who have done studies
of this kind suggest that time on task is an important variable with a major
effect on learning. Museum evaluators talk of holding power as the time a
person remains stopped at an exhibit divided by the minimum time necess-
ary to read and see an exhibit. Holding power is a more highly specified
measure than time on task since in the classroom the student is expected to
accomplish activities in addition to reading and seeing. The classroom
activities may include applying what is read, writing, or problem solving.
Holding power is also defined more precisely because time on task does not
specify a particular expected time. In fact, in the classroom, learning time is
expected to vary with the needs of a heterogeneous group of children.
Another important difference between these two measures is that holding
power is measured in seconds, whereas time on task is measured in larger
units: minutes or proportions of a class period. The paradox for educators
measuring learning in museums is that students visiting the museum for a
specific learning experience are often organized in a rally to collect informa-
tion efficiently, that is, in the shortest time possible. The idea of a required
viewing time necessary to read and see an exhibit is also foreign to the
experience of schoolchildren visiting a museum since they do not usually
read in museums. For example, Gottfried (1979) reported that students in a
science museum approached exhibits on a physical level, rarely reading
instructions or observing graphics but learning through peer instruction.
Exhibits in science museums are designed to hold attention: fossil and
mineral exhibits at the Lawrence Hall of Science are viewed for an average
374 JANET GAIL DONALD

of forty seconds, puzzle tablets for close to five minutes and computer
terminals for an average of sixteen minutes (Linn, 1976). Comparison with
the average expected museum exhibit viewing time of one minute suggests
students need much more time to process information than the time periods
used in studies of holding power.
Students’ responses to the same exhibits vary widely, with some students
finding them exciting and others finding them not at all interesting. Most
positive comments are associated with games of skill such as puzzles,
reaction time, or computer interactions, and these are exhibits with greater
holding power (Peterson, 1976). Theoretically, holding power or time could
be expected to be linked to learning but not to be a direct cause of learning.
The amount of time spent looking at an exhibit may be a function of how
distant it is from the viewer’s experience, hence incomprehensible and
difficult to process, rather than a function of the actual learning or
information processing going on. Measures like time on task or holding
power must therefore be used with caution: they serve as general measures
of conditions for learning rather than measures of learning itself.

Knowledge Gain

As museum educators increasingly identify education as a primary objective,


more are questioning what knowledge is gained from a museum exhibit.
Some experts point to problems of gaining knowledge in a museum, noting
difficulties of learning under crowded conditions or in novel environments
(Kool, 1986). Given the short time museum visitors view exhibits, we must
question how much knowledge they could gain. Cognitive science suggests
that knowledge, if it is to be retained and retrieved, has to be stored in
context. A series of exhibits may decontextualize, thus preventing devel-
opment of a conceptual framework rather than providing the focus necessary
for learning. In response to the constraints on learning imposed by lack of
time and familiarity with the context, some museums have instituted pro-
grams of visits to the museum that take place over one or two days. For
example, on the first day of a two-day visit, students take part in a guided
tour in the morning, then are left free in the afternoon to solve puzzles and
answer questionnaires requiring them to circulate through the museum to
find the answers. The following day, the students participate in small
workgroups on particular themes in the museum (Boucher & Allard, 1987).
Students can be tested before and after the experience to determine how
much they have learned.
Comparisons have been made between the amount learned during a
museum visit and in a regular classroom (Wright, 1980) and between groups
taking structured versus nonstructured visits to the museum (Stronck, 1983).
Swan-Jones and Ott (1983) studied learning by means of self-study guides,
which consist of questions, information, illustrations, and games. They
looked for factual learning in responses to study guide questions and for
MEASUREMENT OF LEARNING IN THE MUSEUM 375

conceptual learning as measured by associations, comparisons, analyses,


generalizations, syntheses, and evaluations students made in their guide
books.
In a study comparing effects of a guided tour with a rally, where grade 5
students used self-study guides for half a day, student learning was tested by
means of a questionnaire, and students’ attitudes were tested on an attitude
scale (Boucher & Allard, 1987). Students who used the self-study guides
learned more than those who had a guided tour, and they had more positive
attitudes toward the museum. The self-study guides provided a structure that
made the learning meaningful for students but freed them to behave more
independently, like adult visitors to the museum.
In comparison with the measurement of student learning, studies of adult
knowledge gain in museums are less rigorous because pre- and post-tests
can rarely be given. Evaluators can, however, get a sense of the extent to
which intended learning objectives are achieved by visitors to exhibits. In an
evaluation of learning about ecology in a Smithsonian exhibit entitled ‘‘Our
Changing Land,’’ over 200 visitors were asked in informal interviews what
the exhibit was about, what they had learned, and what they would like to
see or to learn about ecology (Wolf & Tymitz, 1979). The evaluators
analyzed visitors’ replies to articulate emerging themes, to identify consist-
encies and inconsistencies, and to develop a data categorization structure and
tentative explanations for what the visitors had said. In the final report
configurations of meaning in the data were illustrated and interpreted.
This kind of qualitative study shows museum staff what visitors have
learned and, more importantly, provides general insight into what a wide
range of visitors have gained from an exhibit. The study is thus useful for
museum planning. The evaluative studies done at the Smithsonian Institution
appear to have changed how other museum staff measure the success of
exhibits. In Wolf and Tymitz’s 1981 study of the “Dynamics of Evolution,”
curators asked for measures of what specific concepts were learned and what
facts absorbed: content learning was a more important concern to them than
numbers of people attending or the length of their visit. Points of interest or
magnet areas, those which sustained visitors’ attention and provoked pro-
tracted involvement like reading or conversing, were identified so visitors in
these areas could be asked what specific kinds of things they learned there.
Thus the measure of holding power showed where to ask more specific
questions about learning.

Thinking and Problem Solving

The development of children’s problem-solving abilities is receiving greater


attention in schools today, and science museums were instituted to provide
a milieu where children could develop these abilities by exploring, con-
structing, manipulating, and discovering (Donald, 1986; Fowles, 1986; Linn,
1976; Souque, 1986). At the Lawrence Hall of Science, for example,
376 JANET GAIL DONALD

measures of learning include observing how long students spend with


materials, whether they complete the experience, in what order they carry
out the activities, whether they leave and return, and whether they talk to
other visitors. Linn points out that this information does not directly indicate
learning, but it characterizes conditions for learning. Most frequently,
visitors to Lawrence Hall are asked questions, but Linn suggests that if the
students learn by doing activities they should also be evaluated by means of
activities.
The Ontario Science Centre, in response to a request for science enrich-
ment at the elementary school level, introduced a five-session course
devoted to scientific processes rather than factual information (Fowles,
1986). On weekends and holidays there are hands-on workshops for children
from 3 to 14 years old, and a Science School offers a one-semester experi-
ence in practical science with strong emphasis on communication skills.
Fowles notes that programs for adults are of equal and growing importance.
A guiding principle of the Centre is to stimulate curiosity, often by present-
ing counter-intuitive phenomena.
When teachers consider the museum as a place of learning, their shopping
list of learning objectives appears much longer than that of museum curators
or educational officers, partly because of teachers’ concern that a school day
at the museum not become a holiday from learning. One dayplan for
learning in the museum begins with the posing of a problem such as ‘‘Who
were the Amerindians of the 17th century and how did they live?’’ (Lenoir
& Laforest, 1986). More specific questions are asked, information is col-
lected, and is then organized, classified, compared, and presented by the
students, who interpret and communicate the results to other class members.
The museum experience thus becomes a scientific exploration where stu-
dents ask questions, find information to answer them, and synthesize their
answers into a report for their peers.
But can a museum provoke this kind of learning for the adult visitor?
Both museum personnel and educators believe so. For example, a visitor
who recognizes something familiar in an art museum exhibit will make a
comparison, which then leads to hypothesizing or conscious reflection about
the observation (Lamarche, 1986). This conscious reflection may include
elements of visual discrimination, a comprehension of the relationship
between form and expression in the painting, and judgment of its expressive
quality (Ecker, 1963). Dufresne-Tassé and Lefebvre observed a similar
process in a natural history museum (Dufresne-Tassé, 1988). They found
that museum visitors perceive an object, then actively imagine it, then ask
questions about it, and then reason and verify their conclusions. The visitor
attributes to the object a series of characteristics that integrate the object
with what the person already knows and feels. Thus a museum visit can be
a problem solving or reflective thinking experience for adults perhaps more
readily than for children since adults have a greater background against
which to hypothesize and test their new experiences. The measurement of
MEASUREMENT OF LEARNING IN THE MUSEUM 377

learning may be more complex, requiring interviews and protocol analysis;


but this is not an insurmountable hurdle, as the studies by Wolf and Tymitz
and by Dufresne-Tassé attest.

Motivation

Traditionally, attendance at museums has been by choice. Because visitors


spend a relatively small amount of time at any one exhibit, Linn (1983)
suggests exhibits might be designed to stimulate subsequent interest in the
topic rather than to impart detailed knowledge during the visit. According to
Linn, museum directors consider a museum’s primary aim should be to
stimulate interest in science or art rather than to teach science or art history.
In her view, museums need to stimulate the desire to know; and exhibits,
rather than teaching new science facts, may motivate visitors to buy astron-
omy books, watch TV programs on science, or have family discussions
about computers.
This viewpoint is consistent with the most frequently used measure of the
success of museum exhibits, attracting power, defined as the percentage of
visitors who come to a complete stop and look at any part of an exhibit
(Peart, 1984). Peart found that first-time visitors to the ‘‘Living Land, Living
Sea’’ exhibit at the British Columbia Provincial Museum spent approximate-
ly 14 minutes in the gallery and that the exhibits’ average attracting power
was 36%, that is, just over one-third of the visitors stopped and looked at
any one of the exhibits. More concrete exhibits—that is, larger, open
exhibits that stimulated smell and sound as well as sight—were the most
effective in both attracting and holding visitors. Attracting power correlated
significantly (r =.44) with holding power in studies done by Kool (1986).
But does attracting power correlate with measures of learning? Kool
(1986) reported that knowledge gain was no greater for visitors who said
they came to the museum to learn than for visitors who said they came to
enjoy themselves. He found, however, that knowledge gain was more likely
with abstract exhibits than with concrete exhibits despite the fact that
concrete exhibits both attracted and held visitors longer. Smaller, less
complicated exhibits requiring shorter viewing time got the message across
better. These studies suggest that the relationship between attracting power
and learning is complex, and that measurement of motivation and its effect
on learning are no easier in the museum than in any other learning milieu.
The learning of positive attitudes is a closely related phenomenon. In their
study of the effect of a guided tour versus the use of self-study guides,
Boucher and Allard (1987) found that although students who used the
self-study guides had more positive attitudes toward the museum after their
visit, neither group had more positive attitudes toward social science.
Boucher and Allard explained their results by suggesting that a one-day
experience could not be expected to change attitudes toward a field of study
and that a longer learning period at the museum could be expected to
produce different results.
378 JANET GAIL DONALD

As a measure of learning, motivation or attracting power suffers from


being as global a measure as time on task or holding power. Since the index
of its validity as a measure is knowledge gained, and the relationship
between motivation and knowledge gained is complex, it is probably more
reasonable to consider it a measure of a condition for learning rather than a
measure of learning. Research suggests that visitor response to the questions
of whether an exhibit was interesting and whether it would incline a visitor
to explore further in the domain of the exhibit are more valid indicators of
whether learning will occur than attracting power is.

Creativity or Intellectual Provocation

The extent to which museum experience stimulates creativity or is intellec-


tually stimulating is another global and more difficult-to-use measure, but it
is an important concept for both museum personnel and adult educators.
Museum educators talk about evocative objects in the museum that are the
starting point for learning, or about making the meaning of objects come
alive for the viewer (Mackenzie, 1986; Vadeboncoeur, 1986). Providing an
environment that stimulates curiosity and instilling respect for the environ-
ment and its inhabitants are objectives mentioned in conjunction with
intellectual provocation (Baril, 1990; Fowles, 1986). Adult educators speak
of the pleasure of playing with the known and creating something new from
it, the pleasure of considering the unknown and coming to understand it, and
the pleasure of mastering the unknown and integrating it with what one
already knows (Dufresne-Tassé, 1986). These aesthetic or attitudinal out-
comes are difficult to measure because they are sensed rather than seen, but
they are important because they connect with the reality of our existence.
Dufresne-Tassé suggests that adult educators have concentrated so hard on
the acquisition of knowledge and abilities in order to resolve problems of
existence that their austere description of learning has no place for pleasure
or wonder. She recommends that museums study the functions of observa-
tion, imagination, and wonder as well as the capacity to analyze and syn-
thesize in viewers’ contact with exhibits. Lamarche (1986) also talks about
the educational potential of a museum in the development of expressive
style and values. Both authors suggest models in which new measures more
suitable to these objectives must be developed, measures of a more qualita-
tive nature (Dufresne-Tassé, 1988). As has been noted above, measurement
of thinking or problem solving requires these more complex methods as
well.

THE APPLICABILITY OF THE MEASURES OF LEARNING

The measures of learning we have investigated can be divided into global


and specific. The global or broad measures of learning include those of time
(holding power and time on task), of the direction of attention (motivation
MEASUREMENT OF LEARNING IN THE MUSEUM 379

and attracting power), and of intellectual stimulation (creativity or intellec-


tual provocation). Specific measures of learning include knowledge gained,
both factual and conceptual, and thinking and problem solving. The broader
measures are used more often with adult visitors, the more specific with
school-aged visitors.
This difference is explained primarily by the assumption that adults are at
a different level of cognitive development and have different levels of
knowledge compared to elementary and secondary school students, that is,
that adults have achieved a level of cognitive development students are still
acquiring. The focus of the specific learning measures is cognitive develop-
ment, while the focus of the broad measures could be described as environ-
mental influences on learning. In addition to the difference in level of
cognitive development assumed, different levels of control over the learning
process are assumed for adults and children, and there are different expecta-
tions of learning. Teachers, for instance, point out that museums serve
students well when they illustrate topics in the school curriculum (Lenoir &
Laforest, 1986). The museum rally, on the other hand, emphasizes cognitive
development while at the same time providing students with the motivation
and intellectual stimulation more frequently used to gauge the success of
museum displays with adults.
Two worldwide changes in expectations of learning may affect the role of
museums. The first change is the view that learning is a lifelong phenom-
enon, and the second is the shift in our view of learning as the acquisition
of knowledge to learning as the acquisition of thinking skills and the
utilization of knowledge. Both changes should affect how museums prepare
and measure learning experiences for children and adults. We could hypoth-
esize that in future measures of learning used in museums will be less
differentiated according to visitor age.

LEARNING IN DIFFERENT KINDS OF MUSEUMS

Do different kinds of learning occur and are different measures used in


different kinds of museums? The four major kinds of museums referred to
in this study are fine arts museums, natural history museums, science
museums, and park museums or centres of interpretation. Analysis of the
references used in this study, which were selected on the basis of their
dealing with learning in the museum, shows that of 29 references, 4 are
concerned with learning generally, that is, their approach is not based on a
particular kind of museum. More of the articles examined natural history
museums (13) than any other type; science museums were next most
frequently discussed (7 articles), while fine arts museums and centres of
interpretation were least mentioned (3 and 2 references, respectively). We
could hypothesize from this that natural history and science museums are
more concerned with questions about learning.
380 JANET GAIL DONALD

We might suppose that science museums would be most concerned with


thinking and problem solving, since those were a major part of their original
mandate. Would emphasis on knowledge gain parallel or complement
emphasis on thinking? Knowledge gain was the most frequently discussed
kind of learning (9 articles), and it was discussed in articles about each kind
of museum, but most of these articles were concerned with natural history
museums (4) and science museums (3). Thinking and problem solving were
next most frequently discussed (8 articles), and they were discussed in
articles about each kind of museum; but as expected, there were more such
articles about science museums (3) than natural history and fine arts
museums (2 articles each). Thus the more specific measures of learning were
more frequently discussed in the articles, and they were more frequently
discussed with respect to natural history and science museums (6 each).
Of more global measures, holding power was discussed in articles about
all kinds of museums. Would motivation be considered more in some
museums than in others? Of the 4 articles dealing with motivation or
attracting power, 3 referred to natural history museums and 1 to science
museums. Attracting power was also dealt with in 2 general articles. Would
creativity be a particular concern of fine arts museums? Creativity or
intellectual provocation was discussed in 6 articles, 3 on natural history
museums and 1 on each other kind of museum.
These results suggest that the specific measures of learning, knowledge
gain and thinking and problem solving, are being attended to in all kinds of
museums, as are creativity and intellectual provocation. Measures of moti-
vation or attitudes seem most concentrated in the natural history and science
museums, but there were substantially more articles on these two kinds of
museums. The analysis also reveals that, although the kinds of learning
measures may be differentiated according to whether they are used with
adults or students, all measures of learning except motivation were con-
sidered in articles on each kind of museum.
A visit to any kind of museum could thus be expected to result in learn-
ing according to several of these measures. Although from this analysis we
might expect to reap a greater knowledge gain in a museum of natural
history, or to think and problem solve more in a science museum, we can
expect a potential gain in knowledge, in thinking, and in intellectual provo-
cation from any museum experience.

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Janet Gail Donald is Director of Centre for University Teaching and Learning
and Professor in the Department of Educational Psychology and Counselling,
McGill University, 3700 McTavish Street, Montreal, Quebec, H3A 1Y2.
L’intégration de la fonction éducative
au musée

Jean Trudel
université de montréal

En 1945, Florian Crête, conservateur du Musée éducatif des sourds-muets à


Montréal, écrivait que les musées ‘‘sont devenus un instrument d’éducation par
excellence.’’ Son optimisme est encore aujourd’hui loin d’être entièrement
partagé. Si le rôle éducatif des musées est de plus en plus reconnu dans notre
société contemporaine, les musées font toujours face, de l’intérieur, à des
problèmes anciens et nouveaux dont la complexité va croissant. Les éducateurs
de musées tentent de mieux définir leur rôle, souvent remis en question, dans la
structure interne des institutions. La fonction éducative des musées ne peut pas
reposer uniquement sur les éducateurs qu’ils emploient, mais sur les convictions
de tous ceux qui y oeuvrent et qui les administrent.

In 1945, Florian Crête, curator of the Educational Museum for Deaf-Mutes in


Montreal, wrote that museums ‘‘have become a means par excellence of educa-
tion.’’ Even today his optimism is far from universally shared. Although the
educational role of museums is increasingly recognized, they also face increas-
ingly complex internal problems. Museum educators’ roles, although sometimes
in dispute, are becoming more sharply defined in institutional structures.
Museums’ educational functions should depend not only on the educators they
employ, but also on the convictions of all who work in and administer them.

Dans un article publié en 1945, Florian V. Crête, Clerc de Saint-Viateur et


conservateur du Musée éducatif des sourds-muets à Montréal, écrivait, après
avoir retracé brièvement l’évolution historique des collections de musées,
d’un rôle scientifique (collections d’étude) à un rôle d’éducation (collections
de vulgarisation): ‘‘Aujourd’hui, on considère comme terminée la période
d’orientation des musées vers l’éducation, période qui a commencé il y a
une cinquantaine d’années. Les musées sont devenus un instrument d’édu-
cation par excellence’’ (Crête, 1945, p. 90).
Fondé en 1885, le Musée éducatif des sourds-muets était destiné princi-
palement aux élèves de l’Institution des sourds-muets (7 400 boulevard
St-Laurent). Rattaché à un Cercle de naturalistes amateurs, il comprenait une
collection de plus de 90 000 spécimens (dont 75 000 relevant de l’entomo-
logie et 3 700 de la numismatique) présentée dans une salle et un corridor
du troisième étage (Drouin, 1941, p. 54; Miers et Markham, 1932, p. 43).
Comme la plupart des musées scolaires rattachés à des institutions reli-

383 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


384 JEAN TRUDEL

gieuses d’enseignement (22 musées sur les 49 du Québec relevés en 1931),


ce musée éducatif fut probablement emporté—ironie du sort—par la
réforme du système d’éducation au Québec dans les années 1960 (Trudel
1989, p. 146).
Depuis la fondation du Conseil International des Musées en 1946 et
l’adoption de ses statuts en 1974, l’éducation fait partie intégrante de la
définition des musées. Avec la collection, la recherche, la conservation et la
présentation, elle est l’une des cinq grandes fonctions des musées qui
constituent un vaste réseau parallèle aux systèmes d’enseignement officiels.
Centrée autour de l’objet comme source de connaissances, d’apprentis-
sages et de délectation, l’éducation dans les musées s’est développée depuis
l’ouverture de ceux-ci au public dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Aux États-Unis, le rôle éducatif des musées a pris une telle ampleur depuis
le début du XXe siècle que l’éducation du public est considérée comme le
principal apport des musées américains à l’évolution du concept de musée
(American Association of Museums, 1984, p. 55). En 1909, le directeur du
Newark Museum, John Cotton Dana, écrivait: ‘‘The Museum can help
people only if they use it; they will use it only if they know about it and
only if attention is given to the interpretation of its possessions in terms
they, the people, will understand’’ (Alexander, 1979, p. 13).
Malgré tous les progrès accomplis, malgré les projets d’éducation dans les
musées américains subventionnés depuis 1979 par The Kellogg Foundation
(Munley, 1986), malgré les recherches universitaires qui se poursuivent
activement, par exemple, tant à l’Université du Québec à Montréal qu’à
l’Université de Montréal (Racette, 1986), malgré le développement rapide de
l’évaluation dans les musées (Samson et Schiele, 1989), il ne nous est pas
encore possible de partager l’optimisme dont faisait montre Florian Crête en
1945.
En 1984, la commission Museums for a New Century rapportait qu’il y
avait encore confusion dans l’esprit du public sur le rôle des musées en tant
qu’institutions éducationnelles et, à l’intérieur du monde des musées, sur le
rôle de l’éducation dans la structure institutionnelle (American Association
of Museums, 1984, p. 57). C’était bien cerner le problème, du moins dans
les musées d’Amérique du Nord; l’éducation dans les musées est influencée
à la fois par des facteurs extérieurs à l’institution muséale (entre autres,
attitudes du public et des autres types d’institutions d’éducation) et par des
facteurs internes propres aux structures et modes d’organisation des musées.
Ce qui nous intéresse ici, ce sont les facteurs internes aux musées dont
l’évolution rapide dans les dernières années a provoqué ce qu’on pourrait
identifier comme une crise de transition au niveau de la fonction éducative,
ou du moins une profonde remise en question. Cette remise en question se
manifeste ouvertement par le conflit entre éducateurs et conservateurs qui a
fait l’objet de nombreux articles récents (Cheff, 1989; Dicosimo, 1989;
Fortier, 1989; Stephen, 1989) et qui est l’expression d’un malaise plus
profond. Pour mieux en examiner la portée, et sans prétendre à une analyse
LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 385

exhaustive d’un phénomène complexe, nous allons en examiner quelques


aspects.

UN VIEUX PROBLÈME

Certains débats autour du rôle éducatif du musée au tournant du siècle


dernier sont toujours vivants. Celui qui opposa George Brown Goode,
secrétaire adjoint de la Smithsonian Institution, et Benjamin Ives Gilman,
secrétaire du Museum of Fine Arts de Boston, deux figures de proue du
développement de l’éducation dans les musées américains, a perduré jusqu’à
nos jours. Goode avait écrit en 1897 que ‘‘an efficient educational museum
may be described as a collection of instructive labels, each illustrated by a
well-selected specimen’’ (Silver, 1978, p. 15). Ce à quoi répliquait Gilman
dans un écrit de 1918 que ‘‘thus, as Dr. Goode well said, in a museum of
science, the object exists for the description; but as he was not yet ready to
say, in a museum of art the relation is reversed—the description exists for
the object’’ (Silver, 1978, p. 15).
Ces citations illustrent bien les options différentes de mise en exposition
prises par les deux grands archétypes de musées, les musées de sciences et
les musées d’art, options liées au caractère même des objets conservés dans
leurs collections et à leurs missions respectives. Dans un musée de sciences,
l’objet, en général, n’est pas considéré comme ayant une valeur en soi, mais
pour son potentiel d’illustration d’un phénomène scientifique: la délectation
a peu de signification pour les scientifiques. Dans un musée d’art, le carac-
tère unique des oeuvres porte les historiens d’art à les présenter dans un
dépouillement absolu de telle sorte que rien ne vienne distraire de leur
contemplation.
On pourrait croire que c’est là une vue simpliste, mais il suffit, par
exemple, de visiter à Ottawa dans la même journée le Musée des beaux-arts
du Canada et le Musée national des sciences et de la technologie pour se
rendre compte que les approches sont différentes. Le Musée des beaux-arts
du Canada a introduit récemment, dans ses galeries canadiennes, des salles
thématiques qui constituent une timide tentative de mise en contexte de
certaines oeuvres, mais sa présentation est en général pure et dure. Au
Musée national des sciences et de la technologie, les objets illustrent divers
phénomènes scientifiques et la présentation ne vise pas à mettre en valeur
leurs qualités esthétiques ou leur beauté plastique.
Le juste milieu se situe probablement entre ces deux approches, mais la
formation disciplinaire des conservateurs, si elle en fait de bons scienti-
fiques, n’en fait pas forcément des muséologues qui ont eu l’occasion
d’élaborer une pensée sur les divers niveaux de communication avec le
public et sur la problématique d’ensemble des musées. Le problème n’est
pas limité aux musées d’art et de sciences, mais à tous les types de musées
et il prend racine aux origines même des musées en Europe (Hudson, 1975,
p. 48–73).
386 JEAN TRUDEL

DE NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS

Traditionnellement, la mise en exposition dans les musées (principal moyen


de communication avec le public) a donc été l’apanage des conservateurs
qui ont eu tendance à l’aborder en fonction du développement et de la mise
à jour des recherches dans leurs disciplines spécifiques. Mais, suite à
l’importance de plus en plus grande accordée aux expositions temporaires
par rapport à la présentation des collections permanentes, à l’influence des
théories de Marshall McLuhan, au développement des techniques de présen-
tation par le biais des expositions universelles et des grands centres d’achat,
à l’apparition d’Epcot Centre comme modèle de rentabilité pseudo-culturelle,
le rôle des conservateurs dans les musées est sérieusement remis en ques-
tion.
Les administrateurs des musées, soit pour augmenter leur visibilité ou
pour résoudre des problèmes de financement de plus en plus difficiles,
jugent maintenant le succès de leurs institutions par la courbe mensuelle du
nombre des visiteurs. Le musée est devenu un lieu de divertissement, comme
en fait foi la nouvelle loi canadienne sur les musées fédéraux (Loi C–12).
En réponse au vieux cliché des musées-cimetières auquel sont associés les
conservateurs, les expositions deviennent environnements et spectacles dont
les décors sont mis au point par des designers, nouveaux grands prêtres de
la liturgie renouvelée.
Plusieurs musées misent maintenant sur l’événement temporaire largement
publicisé pour attirer les foules, la présentation de la collection permanente
(statique, donc ennuyeuse) n’étant plus prioriaire (Rice, 1989). Dans plu-
sieurs cas, le collectionnement se fait même en fonction des expositions
temporaires (Honan, 1990), glissement dangereux s’il en est un dans la
mission fondamentale de préservation du patrimoine propre à tout musée.
Dans la même foulée, pour justifier la rentabilité du musée comme instru-
ment de développement économique, c’est le touriste culturel (visiteur de
passage plus rentable que le visiteur local) que l’on cherche à attirer par les
expositions/spectacles.
Si les conservateurs faisaient peu de cas des éducateurs de musée, il en
est maintenant de même pour les designers (souvent des contractuels sans
expérience du milieu muséal) auxquels les grands musées ont recours de
plus en plus fréquemment. Dans ce contexte, le débat conservateurs/éduca-
teurs nous apparaît comme un exercice de rhétorique: le vrai problème est
en voie de se déplacer, du moins dans les plus grands musées.

DES GRANDS ET DES PETITS

Dans la structure organisationnelle des grands musées (ceux qui ont plus de
50 employés à temps plein), les services éducatifs sont parfois logés sous ce
qu’on nomme depuis une dizaine d’années les programmes publics (exposi-
tions, information, éducation, publication et design). Cependant, la structure
LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 387

organisationnelle varie grandement d’une institution à l’autre. Les services


éducatifs sont souvent constitués d’un petit noyeau d’employés permanents
qui encadrent des guides bénévoles. Le Musée des beaux-arts de Montréal
en est un bon exemple, mais on notera que le Musée de la civilisation à
Québec n’emploie pas de bénévoles. En fait, il n’y a pas de modèle généra-
lisé de structure organisationnelle, chaque musée développant sa propre
formule selon ses objectifs, son style de gestion et ses ressources financières.
Selon une enquête menée en 1988 aux États-Unis, à l’occasion de la
publication de l’Official Museum Directory de l’Association des musées
américains (3 164 répondants sur 6 598, soit 48%), 7,6% ont un personnel
constitué uniquement de bénévoles, 10,9% emploient uniquement un person-
nel à demi-temps et 81,4% emploient du personnel à temps plein. Seulement
5% de ces derniers musées ont un personnel permanent de plus de 50
personnes. La plus grande partie des musées (42,6%) emploient de 2 à 3
personnes (Decker, 1988, p. 33).
Au Canada, selon une enquête menée en 1988 (Communications Canada,
1989) sur 1 600 établissements muséologiques, 38,9% n’ont pas de person-
nel rétribué, 27,8% emploient une ou deux personnes et 4,4% emploient plus
de 20 personnes. Les musées canadiens emploient 6 000 professionnels à
temps plein et 4 600 à temps partiel alors qu’ils font appel à 26 000 béné-
voles. Ces chiffres donnent une idée des problèmes de ressources humaines
auxquels les musées font face actuellement.
On pourrait s’attendre à ce que la recherche sur l’éducation en milieu
muséal s’effectue dans les plus grandes institutions, mieux pourvues en
ressources humaines. Mais c’est oublier que les plus grands musées sont
aussi les plus fréquentés et que le personnel permanent des services éduca-
tifs doit faire face à une demande plus grande et à un taux plus élevé
d’expositions temporaires auxquelles il doit constamment réadapter ses
approches. Quant aux petits musées, leur personnel se doit d’être pour la
plupart polyvalent et il n’est pas rare d’y voir des directeurs assumer aussi
les fonctions d’éducateurs. Ce qui laisse, évidemment, peu de place pour la
recherche.
Dans cette situation, on peut mieux comprendre que les éducateurs de
musées soient le plus souvent en quête de recettes qu’ils peuvent rapidement
appliquer à leurs actions auprès des visiteurs plutôt qu’à effectuer une
réflexion sur l’éducation propre au milieu muséal. Sans même aborder ici la
question de la nature de l’éducation muséale, il existe encore toute une
confusion entre animation, interprétation et éducation qui est bien reflétée
par l’enquête canadienne de 1988 identifiant parmi les emplois muséolo-
giques agent d’éducation, agent des services de vulgarisation et guide-
animateur (interprète) (Communications Canada, 1989, p. 14).

UN AUTOPORTRAIT

Face à des problèmes complexes auxquels ils n’ont pas l’occasion de


consacrer beaucoup de temps, les éducateurs de musées ont tendance à se
388 JEAN TRUDEL

regrouper, pour mieux se définir et partager leurs expériences, au sein des


groupes d’intérêt spécialisés de l’Association des musées américains et de
l’Association des musées canadiens. Au Québec, un regroupement semblable
a aussi vu le jour en 1988 à la Société des musées québécois qui collaborait
en 1989 avec le ministère de la Main-d’oeuvre et de la Sécurité du revenu
pour établir un devis de formation professionnelle de l’éducateur de musée.
Ce devis, mis au point grâce à un comité de cinq éducateurs oeuvrant
dans des musées d’art du Québec, identifie six tâches (ainsi que leurs
sous-tâches) propres aux éducateurs de musées et en donne la pondération
en fonction du temps qui leur est consacré sur une base annuelle: effectuer
des recherches (10%); mettre au point la programmation (10%); développer
le matériel didactique (30%); assurer la réalisation de la programmation
(25%); gérer ses activités (20%); voir au rayonnement de la profession (5%).
Effectuer des recherches est défini comme, en quelque sorte, le préalable
à l’action, c’est-à-dire étudier les objets de la collection et des expositions,
l’historique de l’institution, la pédagogie des musées, les publics et le
milieu. C’est sous la tâche voir au rayonnement de la profession, celle qui
occupe le moins de temps, que l’on trouve les recherches sur l’éducation
dans les musées et la conception de nouveaux outils pédagogiques. On y
trouve écrite la remarque suivante, désespérante s’il en est une, mais fort
réaliste: ‘‘En pratique cependant, les Services éducatifs ne disposent pas de
ressources suffisantes; les éducateurs manquent de temps et de recul pour
améliorer de façon substantielle l’éducation dans les musées’’ (ministère de
la Main-d’oeuvre et de la Sécurité du Revenu, 1989, p. 36).
Pour sa part, l’Association des musées américains publiait tout récemment
(American Association of Museums, 1990), après deux ans de travail, des
normes professionnelles concernant l’éducation dans les musées et faisant
partie d’un effort généralisé (l’Association des musées canadiens travaille
aussi en ce sens depuis plusieurs années) de définir et de fixer des niveaux
d’excellence pour les professionnels des musées. L’importance du document
(traitant des responsabilités éducationnelles des musées, définissant l’éduca-
tion dans les musées, leurs obligations envers le public, l’insertion de
l’éducation dans leur structure et les responsabilités et compétences des
éducateurs) est énorme. Les compétences requises des éducateurs de musées
sont, par exemple, ainsi définies:

Museum educators help visitors see, understand, and respond to objects in


museum collections in intellectually, aesthetically, and emotionally rewarding
ways. Museum educators must have the skills to encourage interaction between
the visitor and the objects on exhibit, at whatever level the visitor requires. To do
this effectively, educators must know both their museum’s audiences and their
museum’s collections. This means having a demonstrated knowledge of develop-
mental psychology, philosophy of education, educational theory, and teaching,
especially as related to the kind of voluntary and personal learning that takes
place in museums. Equally important are a solid grounding in the history, theory,
LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 389

or practice of a field of study relevant to the areas in which the museum collects,
as well as the ability to identify and cooperate with scholars and specialists in
appropriate fields. (AAM, 1990, p. 79)

Si l’on est mieux à même maintenant de cerner l’importance de la relation


musée/éducation et des problématiques qui en découlent ainsi que d’esquis-
ser le portrait idéal des éducateurs de musée, il n’en reste pas moins que
l’intégration de la fonction éducative à l’intérieur des structures du musée
nous apparaît toujours actuellement comme un problème majeur car ce sont
‘‘les éducateurs de musée qui sont responsables du résultat final du travail
du musée tout entier’’ (Sola, 1987, p. 6). C’est de l’attitude de chaque musée
(administrateurs et personnel) que dépend l’avenir de la fonction éducative
muséale.

L’INTÉGRATION

Trop souvent, dans le déroulement des opérations d’un musée, l’éducation


c’est ce à quoi on pense quand les préparatifs d’une exposition sont ter-
minés; c’est un placage plutôt qu’un alliage. Et c’est bien pour cela que les
normes de l’Association des musées américains recommandent que ‘‘just as
well managed museums have formal, written policy statements to guide their
collecting activities, so should they have formal, written policies that set out
their educational purposes, identify audiences to be served, and give direc-
tion to education programs’’ (AAM, 1990, p. 79).
Tout musée devrait posséder une politique écrite d’éducation qui ait été
élaborée, discutée et mise au point par son personnel et son conseil d’admi-
nistration avant d’être adoptée par celui-ci. Le succès d’un musée dans ce
secteur ne peut se mesurer qu’en fonction des objectifs fixés par ses poli-
tiques et des moyens pris pour les atteindre.
L’éducation dans un musée, c’est plus que la somme des compétences de
ses éducateurs ou que le nombre des autobus scolaires qui s’arrêtent à sa
porte; c’est avant tout un état d’esprit, une conscientisation profonde qui doit
imprégner tous ceux qui y oeuvrent. C’est savoir se dégager de ses propres
intérêts pour être empathique aux publics visés.
Le degré d’intégration de la fonction éducative dans un musée est visible
tant par les techniques de présentation des expositions que par les textes et
le matériel de soutien fournis aux visiteurs. Lorsque les intentions éducatives
de l’institution se manifestent jusqu’à sa boutique et à sa librairie (qualité et
présentation des objets mis en vente, choix des publications en fonction des
collections et des expositions), on peut dire que cette fonction y est bien
intégrée.
Les musées ne sont peut-être pas encore devenus un instrument d’éduca-
tion par excellence, comme l’écrivait Florian Crête en 1945, mais ils
tendent, aujourd’hui plus qu’hier (Zeller, 1989, p. 80), à le devenir.
390 JEAN TRUDEL

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Jean Trudel est professeur à la Faculté des arts et des sciences, Université de
Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7.
Book Reviews / Recensions
Museum Education, History, Theory and Practice

par N. Berry et S. Mayer

Reston, VA: National Art Education Association, 1989. 257 pages.

RECENSION PAR NADIA BANNA, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

L’anthologie de Berry et Mayer offre dix textes de réflexion destinés à ceux


qui s’intéressent à l’éducation muséale. L’histoire et la théorie sont la case
de départ à partir de laquelle on explore la pratique. Les objectifs donnent
le ton dès l’introduction: nous devons continuer à croître et pour cela, nous
avons besoin de connaître les racines historiques et théoriques de l’éducation
muséale. Cet impératif transparaît dans la succession des textes et dans la
suggestion de les lire dans leur ordre d’apparition dans l’ouvrage. Publiés
pour la première fois, les dix essais abordent l’éducation dans les musées
d’art. Chaque spécialiste communique ses connaissances et ses expériences
par le biais d’une analyse systématique d’un aspect de l’éducation muséale.
T. Zeller explore les bases historiques et philosophiques de la mission
éducative des musées d’art américains. La documentation chronologique met
en lumière les racines sociales, économiques et politiques de cette mission.
Celle-ci ne se limite pas aux activités proposées par les éducateurs. Elle
souscrit aux idées et aux valeurs qui régissent la culture de la classe domi-
nante. L’étude exhaustive des principes de l’éducation dans les musées
américains révèle que diverses considérations informelles ont façonné la
philosophie et la pratique de l’éducation. Cette philosophie existe et peut
être identifiée, bien que les écrits pertinents n’aient pas été rédigés par des
éducateurs de musée.
E. Bourdon Caston, pour sa part, expose un modèle, une approche
multidisciplinaire et humaniste facilitant l’exploration, la compréhension de
l’expérience humaine. En équilibrant les deux domaines de la muséologie et
de l’éducation de façon adéquate, l’identité et l’intégrité des deux compo-
santes est assurée. Cette approche met en lumière la nécessité d’appuyer les
programmes muséaux aussi bien sur une philosophie du musée que sur des
méthodes éducatives. Ce qui importe, c’est d’identifier un cadre philoso-
phique et de développer son programme en rapport avec ce cadre.
Le texte de M. Cheff vise justement à supporter la planification et
l’implantation des programmes, à encourager les éducateurs à analyser,
comprendre et influencer leur environnement. Pour un maximum d’effica-
cité, cette planification et cette implantation doivent découler d’une stratégie.
Les étapes de l’élaboration d’une telle stratégie sont l’identification des

392 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)


BOOK REVIEWS / RECENSIONS 393

principes de base de gestion, l’analyse minutieuse de l’environnement


muséal, l’identification d’une stratégie, sa formulation, sa réalisation. Ce
modèle se veut un outil pragmatique, flexible, adaptable selon les situations.
Après avoir résumé l’évolution de la formation du rôle des éducateurs de
musée, A. El Omami constate que ceux-ci ont oeuvré dans des contextes qui
ne favorisent pas l’acquisition d’une grande crédibilité aux yeux de la gent
muséale. En conséquence, elle propose un programme de formation interdis-
ciplinaire joignant l’histoire de l’art à une spécialisation en éducation. Un
recyclage sous forme de séminaires complèterait au besoin cette formation.
Quant à S. Mc Coy, qui traite elle aussi de formation continue et spéciali-
sée, elle aborde celle des guides bénévoles. Après un bref historique, elle
évalue le recrutement, la sélection, la formation, l’encadrement et l’efficacité
des guides. Elle élabore une série de propositions dont le but est de renou-
veler la formation des guides, de donner à ceux-ci un entraînement plus
personnalisé qui permette d’offrir un support professionnel de qualité.
Le défi lancé par S. Sternberg est d’équilibrer les programmes éducatifs
de façon à “motiver le visiteur par une expérience englobant la pensée et
l’émotion.” Sternberg suggère de diversifier les techniques pour répondre
aux styles individuels d’apprentissage et pour faire découvrir de nouveaux
domaines. L’expérience muséale pourrait ainsi constituer une formation
permanente, à la condition de substituer à l’approche didactique habituelle
une approche perceptuelle interactive.
R.W. Ott traite de la critique d’art dans les musées, en expose les théories
et l’évolution. À la lumière de cet exposé, il propose une méthode qui
devrait aider à comprendre les oeuvres par un contact direct avec celles-ci.
Le rôle de l’éducateur serait, dans ce cas, un rôle de catalyseur.
K. Walsh-Piper préconise le partenariat entre le musée et l’école. Pour
assurer ce partenariat, elle suggère au musée de faire la formation des
enseignants. Pour stimuler une meilleure utilisation des ressources du musée,
elle recommande des pratiques qui favorisent l’échange, la coordination et
l’efficacité.
W. Howze élabore une description des technologies utilisées dans les
musées d’art. Il passe en revue les caractéristiques de chacune dans le but
d’exposer les options qui présentent un défi mais qui sont un puissant outil
si elles sont adéquatement utilisées.
Enfin, R. Korn considère que l’évaluation est essentielle à l’amélioration
des activités du musée. Elle décrit des types et des méthodes d’évaluation.
Elle expose des approches théoriques et méthodologiques empruntées à
d’autres domaines, les décrit dans leur contexte original et, au besoin, les
adapte au milieu muséal.
Le contenu de ce livre tente d’établir l’éducation muséale sur des bases
solides, claires et nettes. Le cheminement du théorique au pratique, qui
commence par la philosophie, se poursuit avec la gestion, la conception de
ce programme, la formation, la méthodologie et l’évaluation, est subtil et
stimulant. L’impression de décousu que l’on éprouve diminue au fur et à
394 BOOK REVIEWS / RECENSIONS

mesure de la lecture car un fil conducteur se dessine peu à peu. On ressent


la volonté d’établir des structures pour mettre en valeur la consistance et la
continuité des efforts.
Il est vrai que les sujets traités sont propres aux musées d’art et aux
jeunes. Néanmoins, il est possible de transférer certaines observations et de
les adapter à des contextes différents. Les tendances qui ressortent de tous
les essais convergent en effet vers la flexibilité et l’interdisciplinarité.
L’anthologie que nous venons de présenter illustre l’essor de la profession
d’éducateur de musée. Un de ses buts était d’affirmer en quoi nous croyons
et pourquoi. Cette profession de foi devrait en somme être reprise par toute
la gent muséale, car on voudrait que la mission éducative du musée touche
tous les professionnels oeuvrant dans cette institution. Cet ouvrage n’a pu
traiter tous les problèmes posés par l’éducation muséale. Il reste à souhaiter
que ceux-ci soient abordés dans de nouvelles recherches tout aussi enrichis-
santes que celles qui ont servi de base aux dix textes analysés.

Rethinking the Museum

par Stephen E. Weil

Washington et London: Smithsonian Institution Press, 1990. 173 pages

RECENSION PAR MARIE-ANDRÉE BRIÈRE, MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

L’ouvrage de Weil s’inscrit sous l’angle de la remise en question de l’insti-


tution muséale. Présentant le musée comme une création humaine malléable,
transformable, l’auteur considère que les ressources potentielles que cette
institution représente sont mal utilisées. Il place le musée sur un continuum
en constante évolution où le tout représente bien plus que la somme des
parties. La multiplication des musées, leur croissance phénoménale nous
amènent à une homogénéité dans la perception que nous avons d’eux.
Grands ou petits, nous aurons, face à ces musées, les mêmes exigences, que
nous parlions de recherche, de collection ou d’exposition. Ils répondent
pourtant à des réalités bien différentes et mettent parfois de l’avant un
dynamisme exclusif à leur taille. Pourquoi tendre vers une normalisation,
alors que la diversité des sociétés et de leurs besoins sont des sources
importantes de richesse culturelle? Les grandes institutions et les petites sont
complémentaires les unes des autres et elles sont mutuellement essentielles
au développement culturel de nos sociétés. Weil questionne cette croissance
effarante du nombre de musées et les problèmes qu’elle entraîne.
Le directeur de musée doit-il être davantage un gestionnaire qu’un
historien d’art? Le musée est une entreprise certes, mais il est également le
dépositaire d’un savoir culturel très vaste. L’équilibre serait entre les deux
BOOK REVIEWS / RECENSIONS 395

termes selon Weil: ni un gestionnaire, ni un historien mais un être sensibi-


lisé à l’un et l’autre de ces champs de spécialisation qui sont essentiels à la
croissance des institutions muséales.
Weil explique les raisons de la croissance effarante des musées. Notre
rythme de consommation et de production de biens fait en sorte que nous
convertissons de plus en plus de biens en objets de collection. Les réserves
des institutions sont vite insuffisantes et la construction d’autres musées
s’impose. Weil pose la question de la fin de cette logique. Où nous arrête-
rons-nous? Avec la dégradation de l’environnement, il devient urgent de
préserver, de sauver du péril les biens témoins de nos sociétés, de nos
cultures. Certes il y a urgence, mais les musées ont-ils été créés à cette fin?
Sont-ils des bouées de sauvetage face à notre démesure? Tous les objets
collectionnés sont-ils véritablement d’intérêt muséal? Comment, dès lors,
disposer de ces objets désuets ou de moindre importance? Comment aliéner
sans créer un préjudice à notre patrimoine collectif? La prudence est de
rigueur non seulement dans le champ de l’aliénation des objets, mais dans
celui de l’acquisition de ces derniers. La mise en place de politiques et de
procédures claires devrait être garante de décisions adéquates, prises après
consultation.
Le collectionnement d’objets, qui s’étend sur des millénaires, pose la
question du rôle social du musée. Gérer par des professionnels qui protègent
ces biens précieux, l’accès aux collections se fait parfois très difficilement.
Le musée est-il un univers concentrationnaire de spécialistes, de profession-
nels, qui évacue sa mission sociale comme dépositaire du patrimoine de
l’humanité? Certes, le musée a besoin des professionnels et ces derniers ont
un rôle de première importance à jouer dans le maintien des collections,
mais ce rôle n’exclue en rien le fait que le musée a également pour fonction
de diffuser, de communiquer aux autres, aux non spécialistes, le fruit de ses
recherches. Il se doit de rendre accessible à tous les objets qui de fait
appartiennent à tous.
À parler d’objets, nous en venons presque à oublier que ces derniers
véhiculent aussi des idées. Toute présentation, toute mise en exposition
d’objets reflète un discours, une idéologie. Le musée apparaît ainsi comme
un instrument dialectique très important où l’objet devient sujet du discours
et vice versa. De par sa mise en exposition d’objets, il devient un lieu
éminemment discursif. Il mettra en scène tour à tour l’objet et le sujet. Le
musée se fait médium, porteur de message. Mais de quel message? La
responsabilité du communicateur est ici soulevée. Le musée lieu de com-
munication ne doit pas être le seul à parler, il se doit de permettre au
visiteur de faire son propre discours, de porter sa parole. Mais l’auteur
souligne qu’à l’intérieur de l’institution muséale, c’est à travers un processus
de collaboration et d’échanges entre les différents spécialistes et partenaires
que l’émergence d’une véritable communication sera possible.
Le musée que Stephen Weil observe et critique, c’est celui de notre
quotidien aux prises avec les problèmes de la croissance de ses collections,
396 BOOK REVIEWS / RECENSIONS

les problèmes éthiques reliés au champ de l’acquisition et de l’aliénation des


objets, les problèmes du marché de l’art également. L’intervention des
gouvernements via la fiscalité dans le champ de l’art crée un accroissement
des dons d’oeuvres d’art de la part des collectionneurs privés, soucieux
d’obtenir une déduction pour fins d’impôt. La gestion des acquisitions se fait
ainsi plus délicate et combien plus difficile. En contrepartie, les collections
des petits musées sans budget d’acquisition en tirent de grands avantages. Il
n’y a pas, comme le souligne Weil, de situation idéale et la solution aux
problèmes des musées se fait plurielle. Saurons-nous gérer convenablement
la croissance des musées et de leurs collections? Saurons-nous utiliser le
potentiel inépuisable de ces collections pour permettre à chacun de se
réapproprier sa propre histoire, celle de l’humanité? La question est posée à
chacun d’entre nous et les éducateurs ont un rôle important à jouer dans
l’élaboration d’une réponse.

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