Sie sind auf Seite 1von 16

Le point de départ de cette polémique ne peut être que la

question de savoir si, dans la totalité de


l’oeuvre wagnérienne, les indications scéniques – si
souvent citées – ont la même importance que la
musique et la poésie – et si Wagner considérait ces
préceptes de mise en scène et de décor comme des
obligations pour les générations futures. L’auteur reste
muet face à ces problèmes d’interprétation, qui
sont d’une importance majeure pour la pratique théâtrale.
Des notices authentiques à peine suffisantes,
que les augures citent d’habitude à ce propos, concernent
des cas particuliers et ne peuvent par là
même revêtir aucune signification de principe. À cet égard
il n’existe pas de « dernières volontés »
engageant le monde posthume10.
5 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre
lyrique, s.l., La Cité, 1970, p. 95.
6 Terme employé par Wieland Wagner in Geoffrey
Skelton, Wieland Wagner: the positive sceptic, London,
Gollancz, 1971, p. 178.
7 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre
lyrique, op. cit., p. 53.
8 Jean-Jacques Nattiez, Tétralogies, Wagner, Boulez,
Chéreau : essai sur l’infidélité, Paris,
Christian Bourgeois, 1983.
9 Peut être traduit littéralement par « festival de la scène
».
10 Wieland Wagner, « Denkmalschutz für Richard
Wagner ? », Richard Wagner und das neue Bayreuth,
München, Paul List Verlag, 1962, p. 231, « Ausgangspunkt
dieses Streitgespräches kann nur die Frage sein,
ob im Gesamtwerke Wagners die vielzitierten szenischen
Angaben denselben Rang einnehmen wie Musik
und Dichtung – und ob Wagner diese Regie – und
Bildvorschriften auch über seinen Tod hinaus für künftige
Generationen als verbindlich betrachtete. Der Autor selbst
schweigt zu diesen für die Praxis wesentlichen
Interpretationsproblemen. Sehr spärliche authentische
Bemerkungen, die in diesem Zusammenhang von den
Auguren zitiert zu werden pflegen, beziehen sich auf
spezielle Fälle und können deshalb keine grundsätzliche
Bedeutung haben. Einen verbindlichen "letzten Wille" in
dieser Beziehung gibt es nicht », traduction de
Gisela Tillier, « Wagner : un monument classé ? », in
Musique en jeu, Spectacle Musique II : repartir de
Wagner, op. cit., p. 95.
12
Le compositeur lui-même ne s’étant ainsi pas réellement
prononcé sur la notion de
« fidélité » à son OEuvre en général, la question de la
conception de l’art de la mise en
scène du drame wagnérien se pose légitimement. Et plus
précisément, puisqu’Adolphe
Appia soutient que « les principes mêmes de la mise en
scène, pour chaque oeuvre en
particulier, ne sont déterminés que par cette oeuvre elle-
même »11, la question de la
conception même de la mise en scène du Ring12 peut alors
se poser. Il n’existe pas d’école
de la mise en scène d’opéra, expliquant la vitalité créatrice
et critique qui lui est rattachée,
laissant ce métier assez libre et donc propre aux
expérimentations. La diversité des
représentations auxquelles tout spectateur peut assister
témoigne de ce vent de liberté qui
ne cesse de souffler sur la mise en scène de la Tétralogie
depuis le Neue Bayreuth de
Wieland Wagner : la scène wagnérienne se prête autant à
l’art d’un Robert Wilson que
d’une Ruth Berghaus ou d’un Harry Kupfer.
Certes, ceux-ci sont loin de faire l’unanimité, mais au delà
du goût et de la
sensibilité de chacun, il est peut-être d’abord question de
savoir si le spectateur est bien
face à une mise en scène d’opéra. Or, cet art, quel est-il ?
Plusieurs personnalités du monde
musicologique se sont penchés sur ce sujet : Isabelle
Moindrot, dans son étude La
représentation d’opéra13, a tenté de formuler une
définition de cet art hybride, quand
Michel Guiomar a consacré sa carrière à en étudier les
potentialités. Claude Lust, lui, dans
son Wieland Wagner et la survie du théâtre lyrique14
étudie la mise en scène telle que le
petit-fils de Wagner la concevait, et en conclut qu’il s’agit
là du seul exemple de mise en
scène d’opéra dans l’Histoire.
Je me propose de prolonger leur travail, c’est-à-dire de
m’engager dans le chemin
qu’ils ont tracé et qui aborde les antinomies inhérentes à
l’opéra – antinomies qui
gagneraient, encore aujourd’hui, à être mieux
apprivoisées. Je me pencherai sur une oeuvre
en particulier : Der Ring des Nibelungen de Richard
Wagner qui, comme je l’ai dit plus
haut, est au centre des mésententes et qui appelle donc à
une étude de leurs origines, ainsi
que de leurs effets. De nombreux hommes de théâtre
s’intéressant de nos jours à l’opéra
wagnérien (la plupart des metteurs en scène sont issus du
milieu théâtral), j’ai pensé
qu’étudier la mise en scène du drame lyrique du Ring avec
une approche musicologique
pourrait s’avérer une expérience convaincante. Ma
problématique sera la suivante : au delà
de la simultanéité qu’impose la représentation entre le jeu
orchestral et celui du chant sur
11 Adolphe Appia, OEuvres complètes (IV), 1921-28,
L’Âge d’Homme, 1992, p. 265.
12 Jean-Jacques Nattiez, Tétralogies, Wagner, Boulez,
Chéreau : essai sur l’infidélité, Paris,
Christian Bourgeois, 1983.
13 Isabelle Moindrot, La représentation d’opéra, Paris,
PUF, 1993.
14 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre
lyrique, op. cit.
13
scène – tous deux ainsi forcés de suivre le même tempo et
limités par les mêmes barres de
mesure – quels rapports l’élaboration d’une mise en scène
de Der Ring des Nibelungen
peut-elle mettre en lumière entre ce qu’entend et ce que
voit le spectateur ?
Mon but n’est pas d’évaluer la qualité des diverses mises
en scène de la Tétralogie
que l’on a pu voir depuis la « révolution Wieland Wagner
», que je pose comme base de
ma chronologie, mais plutôt d’étudier les divers moyens
mis en oeuvre par les metteurs en
scène au service de ce que Wieland Wagner considérait
comme « the most topical and
modern of living dramas »15.
La mise en scène d’opéra s’apparente à une mosaïque qui
aurait l’audace de réunir
plusieurs arts en un seul : poésie, théâtre, chant, musique
instrumentale, autant de
paramètres qu’il semble aussi ardu d’étudier de manière
cohérente que d’en réaliser la
fusion lors d’une représentation. Comment procéder ? Il
n’existe pas de méthode dans le
domaine de la mise en scène d’opéra comme il en est de
l’art du comédien. Stanislavski
donna naissance au Method Acting encore enseigné non
seulement dans l’Actors Studio qui
créa tant de légendes du grand écran, mais encore dans la
quasi totalité des écoles de
théâtre contemporaines. Si, en comparant le jeu de
Marlon Brando avec celui d’Al Pacino
on peut voir une base commune – celle de l’idée de la
construction d’un personnage grâce
à la mémoire sensible qu’on lui crée – il est difficile de
comparer les travaux de Wieland
Wagner avec ceux de Patrice Chéreau. Certes,
aujourd’hui, on peut dire de certaines mises
en scène qu’elles se ressemblent, mais cette ressemblance
relève plus des thématiques
récurrentes choisies comme cadre (transposition de
l’univers des personnages à une
période contemporaine, décors déconstruits, remise en
question de l’oeuvre grâce à une
lecture socio-politique, etc.) plutôt que d’une technique
précise et commune. Une des plus
grandes difficultés de la présente étude découlera
certainement de ce constat : puisque les
mises en scène sont si peu unifiées, comment pourrait-on
envisager de les étudier à l’aide
d’un unique modèle d’analyse ?
De plus, choisir une oeuvre aux dimensions aussi
importantes que la Tétralogie et
l’étudier du point de vue de la perpétuelle mouvance de la
mise en scène est à l’évidence
une gageure ambitieuse. Une des premières étape de ma
recherche – constituer un corpus
bibliographique autour de l’oeuvre wagnérienne – pose un
certain nombre de difficultés en
soi, dans la mesure où il existe une quantité infinie
d’études portant sur les travaux de
Richard Wagner (en commençant par celles du
compositeur, pour le moins denses et
volumineuses).
15 Geoffrey Skelton, Wieland Wagner: the positive
sceptic, op. cit., p. 178, « le plus topique et le plus
moderne des drames vivants », c’est nous qui traduisons.

INTRODUCTION
Juillet 2007. Dans la cour ensoleillée d’un de ces ravissants édifices qui font le
charme de la vieille ville d’Aix-en-Provence, une trentaine d’individus accablés par la
chaleur attendent patiemment l’arrivée de Stéphane Braunschweig, invité à parler de sa
mise en scène de Die Walküre, jouée la veille au Grand théâtre fraîchement inauguré à
l’occasion du festival d’art lyrique. Enfin apparu, le metteur en scène prononce quelques
mots de remerciement puis, non sans laisser transparaître une certaine nervosité, se tait,
attendant les questions de l’auditoire.
Première question : « Monsieur Braunschweig, dans La Walkyrie de Richard
Wagner, Brünnhilde est sensée s’endormir sur un rocher. Or, dans votre mise en scène, il
n’y a pas de rocher mais trois chaises. Pourriez-vous m’expliquer votre choix ? D’ailleurs,
les chaises ne sont pas entourées d’un vrai feu mais de projections de flammes sur le mur.
Siegfried ne pourra donc pas accomplir son exploit de traverser le feu, qui devrait
logiquement paraître infranchissable. Comment ferez-vous alors dans Siegfried ? »
Seconde question : « J’ai beaucoup aimé votre travail, et j’aimerais savoir comment vous
comptez aborder dans Siegfried les scènes plus musicales, comme le dernier acte, où pour
ainsi dire, il ne se passe pas grand-chose. »
Un an plus tard, une jeune Allemande s’étonne de la question que je posai alors
moi-même à M. Braunschweig à propos de son Siegfried : « Puisque, selon vos propres
mots, Brünnhilde est en fin de compte assez déçue face au caractère relativement primaire
de celui qui la réveille, comment peut-elle tout de même aimer Siegfried ? ». La jeune
femme, très gentiment, me répond elle-même : « Mais chez nous, en Allemagne, les choses
sont beaucoup plus simples. Brünnhilde, elle aime Siegfried, parce qu’il est beau, il est
grand, il est fort ! ».
Il n’est absolument pas question ici de juger de la qualité de ces interrogations,
mais seulement de montrer que le débat à propos de la mise en scène des drames
wagnériens est toujours ouvert, que l’on est encore loin de tout consensus, comme en
témoignent d’ailleurs les éclats simultanés d’applaudissements et de huées que l’on peut
entendre chaque année au festival de Bayreuth.
10
La mise en scène des drames wagnériens suscite des polémiques depuis leurs
débuts, Wagner ayant lui-même toujours été insatisfait des représentations de ses oeuvres1.
Adolphe Appia, Wieland Wagner, mais aussi Pierre Boulez, Patrice Chéreau, Pierre
Strosser – pour ne citer que les plus scandaleusement reçus – ont contribué à ériger ces
mésententes au rang de tradition, tradition qui, d’après Wieland Wagner, trouve son
origine dans la musique même du maître. Ce grand révolutionnaire de la mise en scène
d’opéra explique :
Et ainsi nous sommes arrivés au plus grand scandale de Wagner, de sa musique, ou mieux encore : des
effets de celle-ci. [...] L’appel au sentiment qui s’exhale de la musique de Wagner n’est-il pas trop
fort ? Au sens éthique, Wagner, dans ses oeuvres, s’adresse au coeur et à l’intelligence, et cependant il
agit presque exclusivement sur le sentiment. [...] Wagner a donné un théâtre sauvage, non domestiqué.
[...] Sa musique charrie au loin tout ce qui constitue le moi, ce qui, entre parenthèses, donne souvent
du fil à retordre au metteur en scène. Et c’est également le cas lors d’une exécution imparfaite de sa
musique2.
Au coeur de cette problématique : les quatre opéras qui constituent Der Ring des
Nibelungen ou La Tétralogie. « C’est le poème de ma vie, de tout ce que je suis et de tout
ce que je sens »3 écrit Richard Wagner dans une lettre de 1852 à Franz Liszt. C’est l’oeuvre
par laquelle le compositeur voulut cristalliser ses théories, systématisant le procédé du
leitmotiv au service du mythe4.
C’est pour la représentation du Ring que Wagner a fait construire son fameux
Festspielhaus qui devait impérativement détruire toute barrière entre la scène et le
spectateur. Le public, plongé dans le noir pour la première fois, se sentirait alors happé par
la force magique du drame lyrique. Or, cette magie ne pouvait et ne peut encore opérer que
lors de la représentation de l’oeuvre. Et l’on pourrait dire qu’il s’agit là du plus grand défi
laissé par le maître de Bayreuth. Comment porter la scène et la fosse à la hauteur d’une
oeuvre aussi complexe que la Tétralogie ?
1 Romain Rolland : « Malwida von Meysenburg m’a raconté qu’aux fêtes de 1876, à Bayreuth, tandis qu’elle
suivait attentivement dans sa lorgnette une scène du Ring, deux mains s’appuyèrent sur ses yeux, et la voix
de Wagner lui dit, impatientée : Ne regardez donc pas tant, écoutez ! ... » citée dans Pierre Flinois, « Les
premiers pas : la Tétralogie de 1877 à 1896 », Revue Opéra, Richard Wagner : centenaire du Ring, Paris,
Éditions de la Revue Opéra, 1976, p. 29 ; ou encore « J’ai créé l’orchestre invisible, si je pouvais maintenant
inventer le théâtre invisible ! », cité par Wieland Wagner dans son étude «Tradition et re-création », Actualité
de Wagner, Bayreuth, éditions de la Festspielleitung, 1952, p. 231.
2 Wieland Wagner « Richard Wagner : un éternel scandale ; Entretien entre Wieland Wagner et Walter
Panofsky » Musique en jeu, Spectacle Musique II : repartir de Wagner, 22, Paris, Seuil, 1976, p. 115.
3 Richard Wagner, « Lettre de Richard Wagner à Franz Liszt, 1852 », Correspondance, Paris, Gallimard,
1943, p. 27.
4 Même si, comme Wieland Wagner le souligne dans cette même interview avec Walter Panofsky :
« l’inventeur du mot leitmotiv doit avoir été le commentateur de Wagner, Hans von Wolzogen ».
Le point de départ de cette polémique ne peut être que la question de savoir
si, dans la totalité de
l’oeuvre wagnérienne, les indications scéniques – si souvent citées – ont la
même importance que la
musique et la poésie – et si Wagner considérait ces préceptes de mise en
scène et de décor comme des
obligations pour les générations futures. L’auteur reste muet face à ces
problèmes d’interprétation, qui
sont d’une importance majeure pour la pratique théâtrale. Des notices
authentiques à peine suffisantes,
que les augures citent d’habitude à ce propos, concernent des cas particuliers
et ne peuvent par là
même revêtir aucune signification de principe. À cet égard il n’existe pas de «
dernières volontés »
engageant le monde posthume10.
5 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre lyrique, s.l., La Cité,
1970, p. 95.
6 Terme employé par Wieland Wagner in Geoffrey Skelton, Wieland Wagner:
the positive sceptic, London,
Gollancz, 1971, p. 178.
7 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre lyrique, op. cit., p. 53.
8 Jean-Jacques Nattiez, Tétralogies, Wagner, Boulez, Chéreau : essai sur
l’infidélité, Paris,
Christian Bourgeois, 1983.
9 Peut être traduit littéralement par « festival de la scène ».
10 Wieland Wagner, « Denkmalschutz für Richard Wagner ? », Richard Wagner
und das neue Bayreuth,
München, Paul List Verlag, 1962, p. 231, « Ausgangspunkt dieses
Streitgespräches kann nur die Frage sein,
ob im Gesamtwerke Wagners die vielzitierten szenischen Angaben denselben
Rang einnehmen wie Musik
und Dichtung – und ob Wagner diese Regie – und Bildvorschriften auch über
seinen Tod hinaus für künftige
Generationen als verbindlich betrachtete. Der Autor selbst schweigt zu diesen
für die Praxis wesentlichen
Interpretationsproblemen. Sehr spärliche authentische Bemerkungen, die in
diesem Zusammenhang von den
Auguren zitiert zu werden pflegen, beziehen sich auf spezielle Fälle und
können deshalb keine grundsätzliche
Bedeutung haben. Einen verbindlichen "letzten Wille" in dieser Beziehung gibt
es nicht », traduction de
Gisela Tillier, « Wagner : un monument classé ? », in Musique en jeu,
Spectacle Musique II : repartir de
Wagner, op. cit., p. 95.
12
Le compositeur lui-même ne s’étant ainsi pas réellement prononcé sur la
notion de
« fidélité » à son OEuvre en général, la question de la conception de l’art de la
mise en
scène du drame wagnérien se pose légitimement. Et plus précisément,
puisqu’Adolphe
Appia soutient que « les principes mêmes de la mise en scène, pour chaque
oeuvre en
particulier, ne sont déterminés que par cette oeuvre elle-même »11, la question
de la
conception même de la mise en scène du Ring12 peut alors se poser. Il
n’existe pas d’école
de la mise en scène d’opéra, expliquant la vitalité créatrice et critique qui lui
est rattachée,
laissant ce métier assez libre et donc propre aux expérimentations. La
diversité des
représentations auxquelles tout spectateur peut assister témoigne de ce vent
de liberté qui
ne cesse de souffler sur la mise en scène de la Tétralogie depuis le Neue
Bayreuth de
Wieland Wagner : la scène wagnérienne se prête autant à l’art d’un Robert
Wilson que
d’une Ruth Berghaus ou d’un Harry Kupfer.
Certes, ceux-ci sont loin de faire l’unanimité, mais au delà du goût et de la
sensibilité de chacun, il est peut-être d’abord question de savoir si le
spectateur est bien
face à une mise en scène d’opéra. Or, cet art, quel est-il ? Plusieurs
personnalités du monde
musicologique se sont penchés sur ce sujet : Isabelle Moindrot, dans son
étude La
représentation d’opéra13, a tenté de formuler une définition de cet art hybride,
quand
Michel Guiomar a consacré sa carrière à en étudier les potentialités. Claude
Lust, lui, dans
son Wieland Wagner et la survie du théâtre lyrique14 étudie la mise en scène
telle que le
petit-fils de Wagner la concevait, et en conclut qu’il s’agit là du seul exemple
de mise en
scène d’opéra dans l’Histoire.
Je me propose de prolonger leur travail, c’est-à-dire de m’engager dans le
chemin
qu’ils ont tracé et qui aborde les antinomies inhérentes à l’opéra – antinomies
qui
gagneraient, encore aujourd’hui, à être mieux apprivoisées. Je me pencherai
sur une oeuvre
en particulier : Der Ring des Nibelungen de Richard Wagner qui, comme je l’ai
dit plus
haut, est au centre des mésententes et qui appelle donc à une étude de leurs
origines, ainsi
que de leurs effets. De nombreux hommes de théâtre s’intéressant de nos
jours à l’opéra
wagnérien (la plupart des metteurs en scène sont issus du milieu théâtral), j’ai
pensé
qu’étudier la mise en scène du drame lyrique du Ring avec une approche
musicologique
pourrait s’avérer une expérience convaincante. Ma problématique sera la
suivante : au delà
de la simultanéité qu’impose la représentation entre le jeu orchestral et celui
du chant sur
11 Adolphe Appia, OEuvres complètes (IV), 1921-28, L’Âge d’Homme, 1992, p.
265.
12 Jean-Jacques Nattiez, Tétralogies, Wagner, Boulez, Chéreau : essai sur
l’infidélité, Paris,
Christian Bourgeois, 1983.
13 Isabelle Moindrot, La représentation d’opéra, Paris, PUF, 1993.
14 Claude Lust, Wieland Wagner et la survie du théâtre lyrique, op. cit.
13
scène – tous deux ainsi forcés de suivre le même tempo et limités par les
mêmes barres de
mesure – quels rapports l’élaboration d’une mise en scène de Der Ring des
Nibelungen
peut-elle mettre en lumière entre ce qu’entend et ce que voit le spectateur ?
Mon but n’est pas d’évaluer la qualité des diverses mises en scène de la
Tétralogie
que l’on a pu voir depuis la « révolution Wieland Wagner », que je pose comme
base de
ma chronologie, mais plutôt d’étudier les divers moyens mis en oeuvre par les
metteurs en
scène au service de ce que Wieland Wagner considérait comme « the most
topical and
modern of living dramas »15.
La mise en scène d’opéra s’apparente à une mosaïque qui aurait l’audace de
réunir
plusieurs arts en un seul : poésie, théâtre, chant, musique instrumentale,
autant de
paramètres qu’il semble aussi ardu d’étudier de manière cohérente que d’en
réaliser la
fusion lors d’une représentation. Comment procéder ? Il n’existe pas de
méthode dans le
domaine de la mise en scène d’opéra comme il en est de l’art du comédien.
Stanislavski
donna naissance au Method Acting encore enseigné non seulement dans
l’Actors Studio qui
créa tant de légendes du grand écran, mais encore dans la quasi totalité des
écoles de
théâtre contemporaines. Si, en comparant le jeu de Marlon Brando avec celui
d’Al Pacino
on peut voir une base commune – celle de l’idée de la construction d’un
personnage grâce
à la mémoire sensible qu’on lui crée – il est difficile de comparer les travaux de
Wieland
Wagner avec ceux de Patrice Chéreau. Certes, aujourd’hui, on peut dire de
certaines mises
en scène qu’elles se ressemblent, mais cette ressemblance relève plus des
thématiques
récurrentes choisies comme cadre (transposition de l’univers des
personnages à une
période contemporaine, décors déconstruits, remise en question de l’oeuvre
grâce à une
lecture socio-politique, etc.) plutôt que d’une technique précise et commune.
Une des plus
grandes difficultés de la présente étude découlera certainement de ce constat
: puisque les
mises en scène sont si peu unifiées, comment pourrait-on envisager de les
étudier à l’aide
d’un unique modèle d’analyse ?
De plus, choisir une oeuvre aux dimensions aussi importantes que la
Tétralogie et
l’étudier du point de vue de la perpétuelle mouvance de la mise en scène est à
l’évidence
une gageure ambitieuse. Une des premières étape de ma recherche –
constituer un corpus
bibliographique autour de l’oeuvre wagnérienne – pose un certain nombre de
difficultés en
soi, dans la mesure où il existe une quantité infinie d’études portant sur les
travaux de
Richard Wagner (en commençant par celles du compositeur, pour le moins
denses et
volumineuses).
15 Geoffrey Skelton, Wieland Wagner: the positive sceptic, op. cit., p. 178, « le
plus topique et le plus
moderne des drames vivants », c’est nous qui traduisons.

Dom inique Loreau ne propune, după


succesul volum ului Arta simplităţii,
o nouă lecţie de viaţă, un elogiu la
adresa esenţei sim plităţii, adevărata
artă de a trăi rafinat.
Ce paradox straniu... să renunţi şi să
fii mai bogat! Să arunci şi să ai mai
mult. Ce ideal minunat, să poţi face
diferenţa dintre etre şi avoir!
„Ceea ce satură fiinţa umană nu este
cantitatea de hrană, ci lipsa avidităţii/'
GURDJIEFF, întâlnire cu oameni remarcabili
Colecţie coordonată de Dana MOROIU
Dominique Loreau, L'ART DE L'ESSENTiHL
© Editions Flammarion, 2008
© Baroque Books k Arts®, 2013
Imaginea copertei: Ana WAGNER
Concepţie grafică C Baroque Books k Arts®
Redactor Adriana BĂDESCU
Descrierea OP a Bibliotecii Naţionale a RomAniet
LOREAU, DOMINIQUE
Arta esenţei / Dominique Loreau;
trad.: Ines Hristea. - Bucureşti: Baroque Books k Arts, 2013
ISBN 978-606-93421-0-7
I. Hristea, Ines (trad)
1
Această carte, publicată in cadrul Programului de sprijin pentru publicare
„Nicolae IorgaM,
a beneficiat de susţinerea Institutului Francez din România şi a Institutului
Francez din Paris.
fm ROUMAME
Tiparul executat de Monitorul Oficial R.A.
Niciun fragment din această lucrare şi nido componentă grafică nu pot fi
reproduse
fără acordul scris al deţinătorului de Copyright, conform Legii Dreptului de
Autor.
«JW oiiwivftE’

Meisner and Longwell- Meisner on Acting, Vintage Books, New York, 1987;
Mitter Shomit &Shevtsova, Maria- Cincizeci de regizori cheie ai secolului 20,
Unitext, Bucuresti, 2010;
Stanislavski, Constantin- Viata mea in arta, Cartea rusa, Bucuresti, 1958;
Stanislavski, Constantin- An Actor preapares, Theatre Art Books, New York, 1948;
Stanislavski, Constantin- Creating a role, Theatre Art Books, New York, 1961;
Stanislavski, Constantin- An Actor’s handbook, Methuen, Londra, 1990;
Strasberg, Lee- Definiton of Acting, The Lee Strasberg Collection, New York;
Strasberg, Lee- A Dream of Passion.The development of the Method, A Plum Book,
New York, 1988;
Tonitza, Mihaela & Banu, George– Arta teatrului , Ed.Ene.Rom., Bucureşti 1975 –
dar
se recomandă ediţia revizuită apărută în 2004;
Toporkov, Vasily Osipovich- Stanislavski in Rehearsal, Routledge, New York and
London,1979.

jocul cu mărgele de sticlă poate fi studiul nostru cu atât mai puţin; un

asemenea manual nici nu se va scrie vreodată. Regulile acestui joc al

jocurilor se învaţă numai pe calea obişnuită, prescrisă, care cere câţiva


ani, şi nimeni dintre iniţiaţi nu ar putea avea vreun interes să facă

aceste reguli ale jocului mai uşor de învăţat.

Aceste reguli, limbajul semnelor şi gramatica jocului reprezintă un

fel de limbaj secret foarte perfecţionat, la care participă mai multe

discipline ştiinţifice şi ramuri ale artei, mai ales însă matematica şi

muzica (respectiv, ştiinţa muzicii) şi care este în măsură să exprime şi

să pună în relaţii reciproce conţinutul şi rezultatele celor mai multe

ştiinţe. Jocul cu mărgele de sticlă este, aşadar, un joc care sintetizează

toate conţinuturile şi valorile culturii noastre, se joacă cu ele, cam cum

trebuie să se fi jucat cu vopselele de pe paleta sa un pictor din

perioadele de înflorire a artelor. Tot ceea ce a produs umanitatea ca

ştiinţă, gândire înaltă şi opere de arta în epocile ei creatoare, tot ceea

ce perioadele ulterioare de studiu savant au exprimat în concepte şi au

transformat în tezaur intelectual, tot acest material uriaş de valori

spirituale este adus în joc de jocul cu mărgele de sticlă, aşa cum o orga

e făcută să cânte de către organist, iar această orgă este de o

perfecţiune aproape de neconceput, clapele şi pedalele ei ating

întregul cosmos spiritual, registrele ei sunt aproape nenumărate, astfel

încât, teoretic, cu acest instrument poate fi reprodus în joc întregul

conţinut spiritual al lumii.

Clapele pedalele şi registrele sunt acum precis statornicite, modificările

şi încercările de perfecţionare în ceea ce priveşte numărul şi

aşezarea lor sunt de fapt posibile numai în teorie: îmbogăţirea

limbajului jocului prin introducerea unor noi conţinuturi este

subordonată celui mai sever imaginabil control exercitat de conducerea

supremă a jocului. Dimpotrivă, în interiorul acestei alcătuiri solide sau,

ca să rămânem la metafora noastră, în interiorul complicatei mecanici

a acestei orgi uriaşe, fiecărui jucător îi stă la îndemână un univers

întreg de posibilităţi şi combinaţii, iar ca printre mii de jocuri executate

strict să se asemene două măcar, mai mult decât superficial, este ceva

aproape cu neputinţă. Chiar dacă s-ar întâmpla vreodată ca doi jucători


să-şi compună jocul, fără vreo intenţie, din acelaşi mic mănunchi de

teme, aceste două jocuri ar putea să arate şi să se desfăşoare cu totul

diferit, după felul de a gândi, după caracterul, dispoziţia sufletească şi

virtuozitatea jucătorilor.

În ultimă instanţă, cât de departe vrea să împingă istoricul înapoi

începuturile şi preistoria jocului cu mărgele de sticlă este un lucru

asupra căruia poate hotărî el, după bunul său plac. Căci, ca orice idee

mare, jocul acesta nu are propriu-zis un început, ci, ca idee, a existat

întotdeauna. Ca idee, ca intuiţie şi ideal îl găsim imaginat încă în

epocile vechi, aşa de exemplu la Pitagora, apoi, în perioada târzie a

culturii antice, în cercul elenistic al gnosticilor, nu mai puţin la vechii

chinezi, apoi iarăşi în momentele culminante ale vieţii spirituale arabomaure,

iar, mai departe, urmele preistoriei sale ne conduc prin

scolastică şi umanism spre academiile de matematicieni din veacurile

al şaptesprezecelea şi al optsprezecelea şi până la filozofiile romantice

şi semnele runice din visurile magice ale lui Novalis2. Aceeaşi idee eternă, care

s-a întruchipat pentru noi în jocul cu mărgele de sticlă, a stat w baza

tuturor mişcărilor pentru realizarea idealului unei Universitas Litterarum3,

tuturor academiilor platonice, tuturor asociaţiilor unei elite spirituale,

tuturor tentativelor de apropiere între ştiinţele exacte şi cele libere,

tuturor încercărilor de conciliere a ştiinţei cu arta sau a ştiinţei cu

religia.

Spirite ca Abelard4, ca Leibniz, ca Hegel au nutrit fără îndoială visul de a

cuprinde universul spiritual în sisteme concentrice şi de a reuni

frumuseţea vie a fenomenului spiritual şi a artei cu magica putere de

formulare a disciplinelor exacte, în vremurile în care muzica şi

matematica au trăit aproape concomitent o perioadă clasică, alianţele

şi fecundările dintre cele două discipline au fost numeroase. Iar cu

două veacuri mai înainte, la Nikolaus von Kues5 găsim fraze care

aparţin aceleiaşi atmosfere, cum ar fi aceasta: „Spiritul se modelează

conform potenţialităţii, pentru a măsura totul în modul potenţialităţii,


conform necesităţii absolute, pentru a măsura totul în modul unităţii şi

simplităţii, cum o face Dumnezeu, şi conform necesităţii de conexiune,

pentru a măsura totul în funcţie de specificul său, în sfârşit se

modelează conform potenţialităţii determinate, pentru a măsura totul

în raport cu existenţa sa. Mai departe însă, spiritul măsoară şi simbolic,

prin comparaţie, ca atunci când se slujeşte de numele şi de figurile

geometrice şi se raportează la ele, luându-le ca elemente de referinţă".

De altfel, nu numai această idee a lui Cusanus pare a viza, aproape,

jocul cu mărgele de sticlă sau a corespunde şi izvorî dintr-o direcţie

imaginativă similară aceleia a acestui joc de idei; pot fi indicate la el

mai multe alte intuiţii asemănătoare. Dragostea lui pentru matematici,

capacitatea şi plăcerea lui de a utiliza figuri şi axiome din geometria

euclidiană ca elemente alegorice pentru noţiuni teologico-filozofice par

2 Pentru Novalis (Friedrich Leopold von Hardenberg) (1772 ― 1801), poet romantic

german, reprezentant al „idealismului magic", lumea subiectivă era singura realitate,

iar visul un izvor de adevăruri absolute. Runele sunt cele mai vechi semne grafice

germanice. În limba gotă, rûna – secret, taină

3 Aici, cu sensul de totalitate a studiilor literare şi ştiinţifice

4 Pierre Abilard (1079 ― 1142), filozof şi teolog scolastic francez, este întemeietorul

conceptualismului, poziţie filozofică înaintată pentru vremea sa, care respingea teza

că generalul ar exista ca o realitate independentă de lucrurile individuale. Conform

conceptualismului, generalul există totuşi pe planul logic, sub forma noţiunilor, a

„conceptelor". Filozoful francez a combătut fanatismul religios, pledând pentru

aşezarea credinţei pe baze raţionale, fapt care a fost condamnat ca erezie de către

biserică. Pe plan literar, Abelard a devenit eroul unei celebre povestiri medievale

despre dragostea lui nefericită pentru Héloïse

5 Nikolaus von Kues (Cusa, Cues sau Cusanus) (1401 ― 1464), cardinal şi filozof german, a

cărui gândire panteistă conţine elemente dialectice remarcabile. A propus

fundamentarea studiului naturii pe matematică

Das könnte Ihnen auch gefallen