DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L’IMMIGRATION
Eléments de langage de M. Brice HORTEFEUX,
Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration
Déplacement à Marseille
Marseille, dimanche 21 novembre 2010, 18h
– Seul le prononcé fait foi –
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I. Que s’est-il passé, vendredi soir, à Marseille ?
Vers 21h30, vendredi, plusieurs individus roulant dans
deux voitures de luxe [Audi TT et Alfa Roméo 147] ont ouvert le feu à l’arme automatique au cœur du quartier sensible du Clos La Rose, dans le XIIIème arrondissement de Marseille.
Le bilan est dramatique :
o un jeune homme de 16 ans a été touché à sept reprises au
thorax et aux membres inférieurs. Il est rapidement décédé des suites de ses blessures ;
o un enfant de 11 ans a été, quant à lui, grièvement blessé par
balles, au cou, au thorax, à une main et à un pied. Il est actuellement à l’hôpital où ses jours ne sont plus en danger ;
o enfin, un jeune adulte a reçu une balle dans le bras et a été
soigné.
Selon les déclarations du procureur, « il n’y avait pas de mobile
clair, mais très souvent, ces exécutions organisées et très violentes s’inscrivent dans une logique de règlement de comptes liés à des trafics de drogue ». 2
Au demeurant, le mineur décédé était défavorablement connu des
services de police pour de nombreux actes violents, recel et usage de stupéfiants.
Les investigations sont actuellement menées par la
direction interrégionale de la police judiciaire de Marseille, sous l’autorité du Parquet.
La police technique et scientifique analyse actuellement les restes
des deux voitures utilisées par les malfaiteurs et retrouvées incendiées dans lesquelles ont, d’ores et déjà, été retrouvés trois fusils mitrailleurs Kalachnikov avec leurs chargeurs et un pistolet automatique.
Nous voulons savoir ce qui s’est précisément passé. Les criminels
seront inéluctablement interpellés, déférés et punis avec une sévérité exemplaire.
Nous le savons, la fusillade de vendredi soir s’inscrit
dans une série de règlements de comptes violents intervenus récemment ici, à Marseille.
En effet, depuis janvier 2009, ce sont, au total, 26 règlements de
compte qui ont été recensés depuis janvier 2009. Ces règlements de compte ont donné lieu à 19 personnes tuées [7 en 2009 et 12 depuis le 1er janvier 2010] et 16 blessées dans la seule ville de Marseille. 3
Ces règlements de compte de trafiquants d’arme et de drogue,
sont survenus en pleine ville, dans la rue, souvent dans des quartiers sensibles (cité Clos La Rose ; cité la Solidarité ; cité Aigues Douces ; cité Font Vert) ou dans des bars et boîtes de nuit.
Grâce au travail conjoint des services de police, de gendarmerie et
de l’autorité judiciaire, 7 de ces règlements de compte ont, d’ores et déjà, été élucidés.
II. Je n’ai pas attendu ces événements pour définir et mettre
en œuvre un plan national de lutte contre les trafics d’armes, qui commence à produire ses effets.
Nous avons renforcé la mobilisation opérationnelle
contre les trafics d’armes.
Au niveau central, l’office central de lutte contre le crime
organisé coordonne la lutte contre le trafic d’armes et l’ensemble des trafics qui lui sont liés. Cette mobilisation produit des résultats. Sur les 9 premiers mois de l’année 2010, près de 2 000 armes ont été saisies, contre 1 487 pour l’année 2009, soit une augmentation de plus de 33%.
Des réseaux de trafiquants sont démantelés.
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Par exemple, au printemps, à Marseille, la direction inter-
régionale de la police judiciaire, en lien avec l’office central, a procédé à l’interpellation des deux principaux responsables d’un réseau d’importation et de revente d’armes qui introduisaient des armes en provenance d’Espagne, et les modifiaient de manière artisanale dans la région marseillaise. Les perquisitions ont permis de saisir un grand nombre d’armes de poing, d’armes d’épaule et de munitions de différents calibres. A la suite des investigations, quatre complices ont été interpellés. En décapitant ce réseau, c’est une des sources du trafic d’armes dans votre région que nous avons tarie.
Parallèlement, j’ai engagé une profonde réforme de la
réglementation, pour adapter notre cadre juridique à la nécessité de mieux lutter contre les trafics d’armes.
Cette réforme comprend trois mesures principales.
1. Première mesure : les sanctions pénales seront durcies
pour les trafiquants.
Les peines applicables seront revues à la hausse.
Par exemple, la cession d’une arme, soumise à autorisation, sans
que cette procédure d’autorisation n’ait été respectée, fera encourir une amende de 45 000 euros, contre 3 750 aujourd’hui. 5
De même, le fait de supprimer, de masquer ou d’altérer les
marquages et poinçons d’une arme - des comportements caractéristiques des grands trafics d’armes - sera passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
2. Deuxième mesure : nous allons clarifier la législation.
La classification des armes, fixée par un décret de 1939, ne prend
en compte ni les évolutions technologiques, ni celles de la délinquance.
Il y aura désormais 4 grandes catégories d’armes – les armes
« interdites », les armes « soumises à autorisation », celles « soumises à déclaration » et « les autres armes », au lieu des 8 actuelles. Les armes seront classées en fonction de leur dangerosité réelle [l’arme est-elle dissimulable ? le tir est-il répétable rapidement et facilement ? etc.].
Cette clarification de la réglementation permettra aux policiers, aux
gendarmes, aux agents des préfectures, d’exercer leur mission dans un cadre juridique clarifié et, donc, de mieux lutter contre les trafics.
3. Troisième mesure : nous allons nous opposer plus
systématiquement à la détention d’une arme par une personne qui représente un danger pour autrui.
Quand on a volé, quand on a agressé, on ne doit pas avoir
le droit d’acquérir ou de détenir une arme. Très concrètement, une 6
vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire, au moment de la vente,
permettra de s’en assurer.
Je veux, de même, que les préfets aient plein pouvoir pour
procéder à des saisies administratives d’armes lorsque le comportement de leur détenteur traduit un risque pour l’ordre public.
Ces trois mesures seront examinées par l’Assemblée nationale dans
les semaines qui viennent, dans le cadre de la proposition de loi [présentée par le président Warsmann].
Sans attendre l’entrée en vigueur de cette réforme
législative, j’ai, d’ores et déjà, pris quatre mesures règlementaires afin de mieux lutter contre la circulation incontrôlée des armes.
1. Première mesure : il est désormais impossible d’ouvrir une
armurerie sans y avoir été explicitement autorisé par le préfet.
2. Deuxième mesure : début 2011, le fichier national des
interdits d’armes sera opérationnel. Je veux que des personnes présentant un danger pour autrui ne puissent plus acquérir une arme. Il y a d’ores et déjà 18 000 personnes qui font l’objet d’une interdiction de détention d’armes. Le nouveau fichier permettra de faire respecter plus efficacement cette interdiction. 7
3. Troisième mesure : nous disposons désormais d’une base
de données efficace et moderne, AGRIPPA, pour que les policiers, les gendarmes et les préfectures assurent la traçabilité des armes en circulation.
4. Quatrième mesure : lutter contre le trafic d’armes, cela
suppose aussi d’agir dans un cadre européen et international.
Selon toute vraisemblance, les armes « kalachnikov » utilisées
ce week-end proviennent d’un trafic qui prend sa source à la périphérie de l’Union européenne.
D’ores et déjà, nous menons un important travail de
coopération internationale dans le cadre du pôle régional de lutte contre la criminalité en Europe du sud-est, dit « pôle Zagreb ».
Nous devons, en particulier, convaincre nos partenaires
européens de durcir les règles de neutralisation des armes. Aujourd’hui, les armes en provenance des Balkans peuvent être neutralisées dans des pays où les standards techniques ne sont pas suffisamment stricts : elles peuvent donc, ensuite être facilement remilitarisées. Nous devons y mettre un terme. 8
III. Je souhaite qu’une nouvelle impulsion soit donnée, à
Marseille, à la lutte contre les trafics d’armes et de stupéfiants.
J’ai décidé de mettre en place quatre mesures
immédiates pour renforcer les moyens opérationnels disponibles.
1. Première mesure opérationnelle : le renseignement
opérationnel doit se consacrer principalement à la lutte contre ces trafics. J’ai donc décidé, dès à présent, de renforcer le service départemental d’information générale (SDIG) : les effectifs se consacrant à la lutte contre les trafics seront augmentés de cinq policiers spécialisés et expérimentés. Je demande au directeur central de la sécurité publique, qui a autorité sur le SDIG, d’y pourvoir dès le 1er décembre. Il m’en rendra compte personnellement et me fera toute proposition utile pour réorganiser le SDIG des Bouches-du-Rhône et renforcer sa contribution dans la lutte contre les trafics.
2. Deuxième mesure opérationnelle : j’ai décidé que deux
unités de forces mobiles supplémentaires seront mises en place dès demain à Marseille. Je leur fixe pour mission exclusive de mettre en œuvre un plan dynamique de surveillance et de sécurisation dans les quartiers sensibles de Marseille. Concrètement, ce sont 150 policiers supplémentaires [de CRS] qui, sur le terrain, seront désormais affectés à la lutte contre les trafics. Par ailleurs, 117 ADS vont être prochainement 9
affectés dans le cadre du recrutement des 1 500 ADS
prévus.
Je les maintiendrai à Marseille le temps qu’il faudra pour
donner un coup d’arrêt à ces trafics. Je demande au préfet des Bouches-du-Rhône, en liaison avec le DGPN, de me faire toute autre proposition de mobilisation et d’organisation des services pour que ce renfort s’inscrive dans la durée.
3. Troisième mesure opérationnelle : je fais confiance à la police
judiciaire pour confirmer les résultats encourageants qu’elle a d’ores et déjà obtenus pour lutter contre le grand banditisme. Mais il faut aller au-delà, en faisant porter le même effort contre les trafics d’armes et les trafics de stupéfiants, qui sont très liés les uns aux autres. Je demande donc au directeur central de la police judiciaire [Christian LOTHION], de renforcer immédiatement les équipes d’enquête affectées à Marseille. L’objectif est clair et je sais que le Garde des Sceaux, Michel MERCIER, partage la même préoccupation. Sous l’autorité du parquet, la police judiciaire doit tout faire pour atteindre un double objectif : élucider tous les règlements de compte et démanteler les gangs qui sévissent à Marseille. C’est une obligation de résultats.
4. Quatrième mesure opérationnelle : je demande au chef du
GIR de PACA, Joëlle CONTE, en liaison étroite et permanente avec l’autorité judiciaire, de faire porter l’effort sur la lutte 10
contre l’argent facile qui est au cœur des trafics d’armes et
de stupéfiants.
Je demande à être tenu personnellement informé, d’ici la mi-
décembre, de la situation patrimoniale des individus connus, à Marsielle, pour plusieurs rôles au STIC : le GIR et les services concernés vont passer au peigne fin leur situation patrimoniale, leur demander de justifier de leur train de vie et de leurs ressources, et constituer les dossiers qui seront transmis au juge pénal et aux services fiscaux.
Je donne au nouveau préfet des Bouches-du-Rhône la
mission de se consacrer prioritairement à la lutte contre les trafics dans les quartiers de Marseille.
Sur ma proposition, le préfet Hugues PARANT vient d’être
nommé préfet de zone, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet des Bouches-du Rhône par le Président de la République.
Je le dis très directement : sa nomination signifie que les plus
hautes autorités de l’Etat veulent donner, à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, une nouvelle impulsion à la lutte contre toutes les formes d’insécurité.
Je connais personnellement le préfet Hugues PARANT. J’ai pu
apprécier ses très grandes qualités professionnelles, sa capacité à diriger 11
les forces de sécurité en parfaite coopération avec l’autorité judiciaire et
les élus locaux, son sens de l’organisation et de l’anticipation.
L’action qu’il a conduite efficacement dans le Var, je lui demande
de la poursuivre aujourd’hui dans les Bouches-du-Rhône.
C’est un terrain qu’il connaît bien puisque, voici 10 ans, il a été
personnellement en charge des questions de sécurité dans les Bouches- du-Rhône, comme préfet délégué.
Concrètement, je demande au préfet PARANT de réunir
immédiatement, avec le procureur de la République, l’état- major de sécurité départemental. Je m’en suis entretenu aujourd'hui avec le Garde des Sceaux : des opérations « coups de poing » seront mises en œuvre dans les meilleurs délais. Je demande un contrôle systématique des halls d’immeubles et armes à feux, comme c’est actuellement le cas en Seine-Saint- Denis.
Bien évidemment, ces actions doivent être conduites en
partenariat étroit avec le sénateur-maire de Marseille. Je le dis en sa présence, et avec son accord : nous allons renforcer ce partenariat, selon des modalités que nous allons définir ensemble. Je suis à la disposition du maire de Marseille pour accompagner les actions de prévention de la délinquance qu’il souhaite développer, notamment pour sécuriser les sites et lutter contre la délinquance des mineurs. En particulier, je réserve à Marseille 12
tous les crédits nationaux nécessaires pour accompagner un
effort d’équipement en vidéoprotection.
Marseille est la deuxième ville de France.
Elle est donc, au plan national, au premier rang de mes
préoccupations. Nous obtenons des résultats positifs sur le plan national, Marseille doit donc pouvoir bénéficier de cet élan national.
Les Marseillais ont droit, ni plus ni moins, au même niveau
de sécurité que l’ensemble du territoire national.
C’est une obligation de résultats que le Président de la
République nous a fixée.
C’est un engagement que nous mettons en œuvre sur le
terrain.
Je veillerai personnellement, avec le maire de Marseille, à
ce que cet engagement soit tenu.
Je reviendrai m’en assurer personnellement, sur le terrain.