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Juliette El-Abiad

Le Patrimoine Culturel
Immatériel
Le Patrimoine Culturel Immatériel
Juliiette El-Abiad

Le Pa
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Au serrvice dess culturess tradition


nnelles
© L'HARMATTAN, 2014
5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-343-02846-0
EAN : 9782343028460
Remerciements

Je remercie ma famille qui m'a soutenu pendant cette longue


année et m'a conseillé et suivi dans mes choix de recherches.
Je remercie Monsieur le président de la province de Figuig pour
ces précieux conseils qui m'ont permis d'avancer dans mon
travail.
Au vice-président de la municipalité de Figuig, qui m'a
accompagné dans mon travail, dirigé dans mon étude sur les
femmes, et, pour toutes ces connaissances qui m'ont été
précieuses. Je le remercie pour sa patience, son esprit
méthodique et sa disponibilité.
Je remercie toutes les femmes figuigui pour leurs hospitalités.
Je remercie la municipalité de Figuig d'avoir fourni le logement.
« Les peuples qui prennent conscience de leur identité […]
Éprouveront comme nous le besoin de reprendre contact
Avec leurs racines, leur passé
La forme spécifique de l'humanité qui leur est propre
Et qui ne ressemble à aucune autre
Et c'est dans les livres des ethnologues
Qu’ils pourront retrouver ce que nous avons réussi à sauver »1

1
Claude LEVI-STRAUSS, Claude LEVI-STRAUSS et les responsabilités de
l'ethnologue (compte-rendu) in Hérodote n°8, 4ème trimestre. Paris 2003. In
Le patrimoine culturel marocain sous la direction de Caroline
GAULTIERKURHAN, Maisonneuve et Larose. Paris 2003, p 381.

9
Introduction

C'est au début des années 90 que l'Organisation des Nations


Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (UNESCO)
s'est penchée sur l'aspect « immatériel » du patrimoine afin de
protéger les cultures traditionnelles. C'est un contrepoids
important dans la reconnaissance du patrimoine (matériel)
limité à un régime d'objets. Le patrimoine culturel immatériel
est un patrimoine vivant car il met en lumière des savoir-faire
humains. L'on s'intéresse à l'homme, à son environnement et à
ses compétences tant intellectuelles qu'artistiques.
« On entend par Patrimoine Culturel Immatériel les pratiques
représentations, expressions, connaissances et savoir-faire -
ainsi que les instruments, objets, artefact et espaces culturels
qui leur sont associés - que les communautés, les groupes; les
individus reconnaissent comme faisant partie de leur
patrimoine culturel"1.
La notion de patrimoine culturel immatériel s'est véritablement
enrichie depuis 2003 (date de sa création officielle). La
convention de 2003 (entrée en vigueur en 2006 au moment de
sa 30ème ratification) pour la sauvegarde du Patrimoine
Culturel Immatériel reconnaît et considère les traditions et
expressions orales, danses, pratiques sociales et rituels en tant
que patrimoine culturel important puisqu'il permet la
valorisation et le maintien de la diversité culturelle. La mise en
œuvre de ce texte fondateur institue le patrimoine culturel
immatériel en une catégorie patrimoniale à part entière.
Le patrimoine culturel immatériel est un patrimoine populaire.
Il appartient aux communautés et ethnies. Il est une valorisation
de l'humain dans son génie créatif et dans sa capacité à
réactualiser et recréer en permanence des savoirs passés
(transmis de pères en fils), à travers des représentations sans
cesse renouvelées. Le passé se trouve commémoré à chaque
instant. En outre, le patrimoine culturel immatériel se rattache à
une dimension éthique. Il touche au plus intime de chacun
d'entre nous (nos origines, nos souvenirs...). Intrinsèquement lié
à un sentiment d'enracinement et d'appartenance, le patrimoine
culturel immatériel participe à une réflexion identitaire.

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Il réside un enjeu anthropologique. Il s'agit d'enrichir des
connaissances communes, d'établir une mémoire collective et
individuelle. Ce patrimoine culturel immatériel permet de
socialiser les êtres aux différentes pratiques culturelles et
d'instaurer un dialogue entre les communautés. Un objectif
semble occuper l'esprit des précurseurs de cette notion en pleine
essor : sauvegarder. Il ne s'agit pas de figer les différentes
formes de patrimoine culturel immatériel, mais de les faire
perdurer, de les rendre intemporelles. C'est une lutte contre
l'oubli et même un combat contre le délitement.
Nombre de chercheurs se heurtent à son caractère énigmatique
et déroutant. Qu'est-ce que le patrimoine culturel Immatériel ?
D'où vient ce paradigme patrimonial ? Comment comprendre le
syntagme qui associe les termes de « patrimoine », de
« culture » et d' «immatérialité » ?
A travers un questionnement autour de la notion de patrimoine
culturel immatériel, nous nous attacherons à comprendre
l'émergence de ce concept nouveau à partir du texte fondateur
qu'est la convention de l'UNESCO de 2003. Le texte juridique
fait acte de ce patrimoine. Il devient une institution (il est
reconnu officiellement au même titre que le Patrimoine
Mondial posé par la convention de 1972). Il s'agit de réaliser la
genèse de ce patrimoine pour en saisir les principaux enjeux.
Le cas de l'Oasis de Figuig inscrite sur la liste indicative du
patrimoine de l'humanité de l'UNESCO depuis juin 2011
permet de mettre à l'épreuve le texte de la convention. Après
avoir présenté les enjeux et les objectifs de ma mission (à
Figuig en Avril 2012) et son intérêt en tant qu'étude de terrain,
on s'attachera à décrire dans un premier temps les caractères
généraux de l'oasis : espace au premier abord nié et délaissé.
L'oasis de Figuig est un territoire riche et situé à la croisée de
plusieurs cultures. Cet écosystème (élaboré par l'homme)
permet de mettre en exergue l'interaction peu commune et
idyllique entre l'homme et la nature. Les ressources naturelles
contenues dans cette oasis permettent de faire vivre une
communauté. L'étude de terrain se rapproche d'une analyse
anthropologique, et d'une étude d'art. Les savoir-faire
immatériels (contenus dans cette oasis) sont dignes d'être
protégés et valorisés. Il s'agira de dresser une sorte d'inventaire

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du patrimoine culturel immatériel présent sur le site. L'étude du
patrimoine culturel immatériel Figuigui s'est orientée vers la
thématique du savoir-faire réalisé par les femmes. Le tissage est
une activité ancestrale à Figuig. Elle est représentative de la
diversité du patrimoine culturel immatériel et a permis de
mettre en application la définition posée par la convention de
l'UNESCO (article 2).
Enfin, l'approche critique de la notion de Patrimoine Culturel
Immatériel mettra en exergue les limites de ce concept. La
notion semble riche et ne cesse de s'enrichir. Elle est un concept
valise, une notion fourre-tout et polysémique qui appelle
plusieurs significations. L'UNESCO s'attache à réaliser des
partitions entre les différents patrimoines dits "matériels" et
"immatériels". Il s'agira de montrer qu’il y a d'ores et déjà un
lien fort entre le matériel et l'immatériel.
La notion de Patrimoine Culturel Immatériel semble être « à la
mode ». La course à l'immatériel est ouverte. Du tout-
immatériel à la patrimonialisation : la notion de patrimoine
culturel immatériel matérialise une angoisse. Cette
reconnaissance accrue du Patrimoine Immatériel a un enjeu
historique. Les pratiques restrictives du patrimoine ne sont plus
d'actualité. La notion de patrimoine s'élargit et même s'évase de
plus en plus. L'on s'attachera à mettre en exergue les non-dits de
la convention. Il s'agira alors de cerner les points obscurs,
contradictoires de la convention de l'UNESCO.

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Première partie : Le Patrimoine Culturel Immatériel, Un
patrimoine original et déroutant

Chapitre 1 : La mise en place d'un concept nouveau : le


Patrimoine Culturel Immatériel

Les prémisses de la création de la notion de Patrimoine


Culturel Immatériel

L'émergence d'un concept récent : un peu d'histoire.

Le patrimoine mondial ne peut se limiter qu'aux monuments. A


la fois original et remarquable, le patrimoine culturel immatériel
met en lumière des savoir-faire humains. Ce patrimoine humain
ouvre à un horizon plus vaste. Il permet de repenser la notion de
patrimoine et même d'en avoir une perception totalement
différente. Le paradigme monumental opère un glissement. L'on
passe d'un patrimoine monumental sans vie à la reconnaissance
d'un patrimoine plus vivant. Ce basculement est le reflet d'un
passage d'une vision statique du patrimoine à une vision plus
dynamique des biens culturels. C'est en effet, la référence au
vivant que prône la convention de l'UNESCO. Le patrimoine
culturel immatériel lie l'homme à son environnement. Il intègre
l'interaction particulière qui peut exister entre une pratique
culturelle et son lieu de production. L'on ne s'intéresse plus
vraisemblablement aux objets culturels (ou du moins de
manière secondaire) mais aux processus culturels. Il réside un
enjeu anthropologique. Il s'agit d'enrichir des connaissances
communes, d'établir une mémoire à la fois collective et
individuelle. Ce patrimoine culturel immatériel permet de
socialiser les êtres aux différentes pratiques culturelles et
d'instaurer un dialogue entre les communautés. Le patrimoine
culturel immatériel instaure une nouvelle approche des
problématiques du patrimoine et des problématiques culturelles.
Défini comme un patrimoine vivant, le patrimoine culturel
immatériel est une manifestation à la fois festive et académique
qui répond à un besoin d'expressions tant local que régional de
la part des communautés. Il est un témoignage des arts

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populaires et est une manifestation culturelle. Le patrimoine
culturel immatériel est le résultat d'un processus de gestation et
de bouillonnement de la recherche dans des domaines variés
tels que l'histoire, l'anthropologie, la sociologie et la sémiotique.

Un projet porté par l'UNESCO

C'est en effet, l'UNESCO qui est l'acteur principal de la


reconnaissance de la notion de patrimoine culturel immatériel.
Elle est l'auteure de la convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel et son garant. Elle s'évertue en
effet à faire respecter et appliquer ce texte juridique aux
communautés et ethnies qui voudraient faire reconnaître leurs
patrimoines culturels en tant que patrimoine immatériel.

Les origines de la création de ce concept

A la lecture du préambule de la convention de l'UNESCO, l'on


peut noter les références à des textes fondateurs anciens et
importants. L'UNESCO intègre les dimensions humaines,
sociales, économiques et culturelles dans la mise en œuvre de
son entreprise de valorisation du patrimoine immatériel. Le
préambule s'appuie en effet sur trois textes fondateurs :

o La déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948)


o Le pacte International relatif au droit économique, social et
culturel (1966)
o Le pacte International relatif aux droits civils et politiques
(1966)

La notion de Patrimoine Culturel Immatériel

Le patrimoine culturel immatériel semble être inédit. Les trois


termes semblent fonctionner ensemble. Cependant, à l'oreille le
patrimoine culturel immatériel est déroutant. « Il concerne des
biens intellectuels non objectaux, mais objectivables » 2
puisque la définition de l'UNESCO intègre les artefacts (c'est-à-
dire les objets matériels produits du savoir-faire).

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Chapitre 2 : Un syntagme inédit et surprenant

Pour une étude des termes

L'on peut dire que ce sont trois notions assez floues. Le terme
de « patrimoine », de « culturel » et d' « immatériel » forment
un même syntagme. La démarche semble inédite et surprenante.
L'UNESCO s'attache à reconnaître l'aspect intangible du
patrimoine qui est doté d'un sens particulier, et d'une valeur.
La notion de patrimoine est assez large et complexe. Elle est un
concept à la mode. Elle tend à être une étiquette que l'on peut
poser à n'importe quel endroit. La notion de patrimoine culturel
immatériel ne fait qu'évaser encore plus le concept de
patrimoine. Elle participe à fonder et à faire perdurer une
politique de patrimonialisation accrue. Elle rompt avec les
pratiques restrictives du patrimoine d'antan (le patrimoine subit
une extension géographique et spatiale). Le patrimoine culturel
immatériel est pour ainsi dire « le reste » qui tend à être reconnu
officiellement.

La notion de patrimoine : un peu d'histoire

Depuis une vingtaine d'années, le champ patrimonial a été


investi par plusieurs disciplines : l'histoire, la géographie, le
social, l'économie mais aussi l'anthropologie. Il devient un objet
d'étude important pour les historiens.
L'approche du concept de patrimoine est désormais d'autant
plus sociologique et anthropologique car l'on prend en compte
des contenus patrimoniaux non monumentaux et de plus en plus
immatériels. La notion de patrimoine subit une extension
géographique et temporelle.
La géographie culturelle et sociale s'intéresse à la fin des années
80 aux processus de patrimonialisation et de territorialisation.
Les ouvrages édités par Maria-Gravari Barbas mettent en
exergue l'élargissement de la définition et des contenus
patrimoniaux. Ces ouvrages présentent des études de cas
relatives à la patrimonialisation des modes et styles de vies, des
espaces et quartiers anciens. Comme évoqué dans l'introduction,

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le concept de patrimoine culturel immatériel se situe à la croisée
de deux logiques : celle de l'institution et du populaire. Ce sont
deux approches du patrimoine. Elles peuvent se penser
séparément ou dans une dynamique globale. Dans la démarche
institutionnelle, le patrimoine est un symbole irréfutable et
régalien lié à l'émergence de la République. La logique
populaire se lie à une dimension plus sociale qui met en
corrélation des acteurs et des groupes sociaux. L'institution
englobe le patrimoine d'un cadre juridique, elle vient déterminer
des objets culturels, des lieux qui auraient une valeur
exceptionnelle et universelle. Cette logique savante trouve sa
légitimité en la mise en place d'instruments normatifs
matérialisés dans des labels ou d'autres procédures
réglementaires.
La logique populaire se lie à une dimension sociale. Elle touche
des individus conscients de leurs patrimoines culturels (qu'ils
soient matériels et immatériels) et qui formeraient un groupe
social qui partageraient les mêmes valeurs et les mêmes
pratiques.
L'étymologie du patrimoine provient du latin patrimonium qui
désigne les biens d'une famille à transmettre de père en fils. Le
concept évolue, le patrimoine est fondé sur l'idée d'une
possession et d'une transmission. Désormais, le terme de
patrimoine désigne des biens culturels, des modes de vies et des
réalisations qui apportent une reconnaissance à un lieu, et,
édifie une identité (nationale).
La notion de patrimoine reste une notion très complexe. Elle est
le résultat d'un d'héritage de père en fils destiné à être protégé
dans l'intimité du foyer familial puisqu'elle est le résultat d'un
processus de transmission : une fois le bien transmis l'héritier
devient le possesseur et le propriétaire de ce bien (héritier =
dépositaire = propriétaire). Le patrimoine familial a un sens
fort, il est un symbole familial et structurant pour la famille. Il
se lie à des notions d'historicité et d'anthropologie. La tradition
de la notion de patrimoine a montré que la prise de conscience
par les individus de leurs patrimoines culturels aurait permis le
passage du fait familial à la notion de patrimoine comme bien
de la nation. Le patrimoine deviendrait alors une vitrine du
génie de la nation et un témoignage physique et sensible d'une

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identité et d'une sociabilité acceptée et partagée. On dira donc
que l'on est passé du patrimoine familial, transmis de génération
en génération à un patrimoine collectif.
Le concept de patrimoine culturel immatériel permet de voir
cette évolution, mais de manière inversée. L'on retrouve
vraisemblablement cette notion de transmission de génération
en génération (revendiquée aussi dans le texte normatif - Article
2), mais a contrario le patrimoine culturel immatériel garde une
certaine dimension intime. Il est publicité par la contrainte du
texte juridique qui désire assurer la visibilité des cultures. La
particularité du patrimoine culturel immatériel est que le bien
reste dans une intimité, dans une transmission familiale. La
dimension identitaire est ressentie par la communauté d'où
s'extrait le savoir-faire ou la représentation. Les pratiques
ancestrales n'avaient pas besoin que la catégorie patrimoniale
qu'est le patrimoine culturel immatériel émerge pour que les
communautés prennent conscience de leurs patrimoines et de
leurs pratiques. Malgré la volonté de reconnaissance
internationale, le patrimoine culturel immatériel reste un bien
intime. Il opère une synthèse entre l'intimité de la famille, la
reconnaissance locale de la pratique (en tant que bien de la
nation) et l'identité collective qu'il représente. La logique
populaire prend le pas sur la dimension institutionnelle qui n'est
autre qu'un simple aspect juridique qui doit néanmoins réguler
et administrer le patrimoine culturel immatériel.

La notion de culture est très complexe, et difficile à définir.


L'on pourrait même dire que ce terme est indéfinissable, elle
embrasse un certain nombre de choses. L'on peut l'éclairer au
regard de la convention de 2005 de l'UNESCO sur la promotion
et la valorisation de la diversité culturelle qui aborde la
définition de la culture. La culture est une valeur à enseigner.
Par ailleurs l'on peut noter ici que la charte de 2005 se veut
pédagogique et didactique. Le concept de culture évoque des
pratiques et des coutumes particulières à un pays, une
communauté ou un peuple.
Le culturel est aujourd'hui un enjeu important tant dans la
reconnaissance du patrimoine que dans les politiques
culturelles. Le concept de culture est à prendre dans le sens

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