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Universitatea de Stat de Medicină și Farmacie „Nicolae Testemițanu”

Frecvența traumatismelor maxilo-faciale în


Franța

Realizat de Cojocaru Ana-Maria

Profesor : Hâțu Dumitru

Chișinău 2019
Traumatismes maxillo-faciaux
E. Wiel 1,*, G. Raoul 2, B. Pertuzon 3, H. Menu 4

1
Pôle de l'Urgence, Samu Régional de Lille, UF Recherche Clinique du Pôle de l'Urgence, Université de Lille 2,
5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France ; 2 Département universitaire de chirurgie maxillo-faciale
et stomatologie ; 3 Service de Neuroradiologie ; 4 Clinique d'anesthésie-réanimation chirurgicale, Hôpital Roger-
Salengro, rue du Professeur Émile Laine, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France
* e-mail : e-wiel@chru-lille.fr

POINTS ESSENTIELS

· Les traumatismes maxillo-faciaux sont fréquents, les urgences vitales maxillo-faciales sont
rares.

· Les traumatismes maxillo-faciaux sont, jusqu'à preuve du contraire, associés à des lésions
extra-faciales : traumatisme crânien et rachidien, lésions hémorragiques thoraciques, de
l'abdomen, des membres ou du bassin.

· Les lésions thoraciques ont un impact majeur sur la stratégie thérapeutique.

· Les urgences horaires engageant le pronostic vital sont représentées par les lésions
asphyxiques et les lésions hémorragiques.

· Les urgences horaires n'engageant pas le pronostic vital sont représentées par les fractures
mobiles de la portion dentée de la mandibule avec souffrance parodontale, les mobilités
dentaires, les ouvertures cutanées ou engageant le pronostic visuel.

· Les urgences différées sont représentées par les fractures du condyle mandibulaire, les
fractures du tiers moyen de la face (FOPN, os zygomatique) et les disjonctions cranio-
faciales sans perte de substance.

· L'intubation est réalisée par voie orotrachéale en situation d'urgence et par voie
nasotrachéale pour une chirurgie sans indication de blocage intermaxillaire.

· Aucune étude n'interdit de réaliser une intubation nasotrachéale même en cas de suspicion
de fracture de l'étage antérieur de la base du crâne.

· L'intubation par voie sous-mentale est indiquée lorsque l'intubation par voie nasotrachéale
ou orotrachéale est contre-indiquée. Elle nécessite une surveillance en structure de soins
intensifs. La trachéotomie de principe doit être abandonnée.

· Une filière doit être instituée prenant en compte les problèmes liés à la spécificité de la
prise en charge chirurgicale, à la rééducation, à l'alimentation, à l'adaptation du traitement
antalgique et au suivi psychologique.

INTRODUCTION
La prévention, le diagnostic et la prise en charge des traumatismes maxillo-faciaux ont
considérablement évolué ces 25 dernières années. Cependant, ils représentent toujours un
véritable défi, tout particulièrement dans leur prise en charge initiale le plus souvent difficile
en situation d'urgence où peuvent coexister d'autres lésions très diverses en fonction du
mécanisme lésionnel pouvant engager le pronostic vital (traumatisme crânien et rachidien,
hémorragie, détresse respiratoire aiguë). Le plus souvent, l'urgence n'est pas maxillo-faciale
mais liée aux lésions associées. Le mécanisme lésionnel diffère selon l'âge. Chez les sujets
jeunes (75 % des cas), 50 % des traumatismes maxillo-faciaux sont liés à une agression
(associée dans 50 % des cas à un état d'alcoolisation aiguë), à un accident de la voie publique
(AVP) ou liés à une activité sportive ou un accident du travail. Chez les sujets de plus de 65
ans (6 % des cas), les traumatismes maxillo-faciaux sont le plus souvent des fractures de la
mandibule liées aux chutes. L'incidence des traumatismes faciaux est plus faible chez l'enfant
de moins de cinq ans, de l'ordre de 1 à 15 % (moyenne de 10 %) liée probablement à la
souplesse du massif facial osseux. Les traumatismes balistiques restent encore, à l'heure
actuelle en France, peu fréquents (le plus souvent en rapport avec une tentative d'autolyse).
Les traumatismes maxillo-faciaux intègrent les lésions avec fuite de liquide cérébrospinal, les
lésions intracrâniennes, oculaires, laryngées, du massif facial, du rachis cervical et des lésions
vasculaires [1].

Les traumatismes maxillo-faciaux étant d'une grande diversité à la fois dans les tableaux
cliniques présentés et dans l'étiologie, cet exposé abordera les traumatismes maxillo-faciaux
selon qu'ils sont considérés comme des urgences horaires (engageant le pronostic vital ou
associés à un large délabrement, des expositions osseuses, des mobilités osseuses ou dentaires
ou engageant le pronostic fonctionnel visuel) ou des urgences différées, en prenant en compte
le risque fonctionnel notamment esthétique (tableau I).

Tableau I. Répartition des fractures selon leur degré de délai de prise en charge
chirurgicale et leur topographie.
Absence d'implication de l'articulé
Implication de l'articulé dentaire
dentaire
Urgences - Fracas mandibulaires - Fracture du plancher orbitaire type trap-
non - Risques de glossoptose door (chez enfant) avec diplopie
différables - Fractures mobiles de la portion - Fractures à ouverture cutanée (os
(horaires) dentée de la mandibule propres du nez, etc.)
- Mobilité ou luxation ou - Hématome de la cloison nasale
subluxation dentaires - Présence d'une brèche méningée
- Plaies et pertes de substance - Hémorragies, détresse respiratoire aiguë
cutanée cervico-faciale - Plaies cranio-cérébrales associées
- Hémorragies, détresse respiratoire - Fracture du 1/3 moyen de la face avec
aiguë retentissement sur la vision.
Urgences - Fracture de la portion dentée de la - Fracture du condyle mandibulaire (sauf
différables mandibule non déplacée et non exceptionnelle incarcération dans le lobe
mobile temporal)
- Disjonctions cranio-faciales sans - Fracture du tiers moyen et latéral de la
perte de substance face sans retentissement sur la vision
- Traumatismes centro-faciaux sans perte
de substance
- Fractures latéro-faciales sans
retentissement sur la vision et sans plaie
cranio-cérébrale
Quelles voies pour l'intubation ?
- Si implication de l'articulé dentaire :
· Intubation nasotrachéale
· Intubation sous-mentale (si extubation postopératoire rapide)
· Trachéotomie (si extubation postopératoire tardive)
- Absence d'implication de l'articulé dentaire :
· Intubation orotrachéale.

URGENCES HORAIRES

Prise en charge initiale et urgences engageant le pronostic vital

La prise en charge d'un patient souffrant d'un traumatisme maxillo-facial est complexe du fait
de l'association possible à des lésions crâniennes, rachidiennes et thoraciques ou survenant
chez des patients instables sur le plan hémodynamique en raison de lésions hémorragiques
thoraciques, de l'abdomen, des membres ou du bassin. Ce sont surtout les lésions thoraciques
qui peuvent avoir un impact majeur sur la stratégie thérapeutique.

La prise en charge initiale du traumatisme maxillo-facial doit identifier les situations


engageant le pronostic vital et les lésions associées, ce qui n'est pas simple à évaluer et
dépend de l'état de conscience du patient et de sa capacité à s'exprimer. Si 25 % des
traumatismes maxillo-faciaux surviennent chez des victimes en état d'ivresse, il est important
de ne pas rester sur ce diagnostic et savoir rechercher des signes en faveur d'un traumatisme
crânien et/ou d'une hypoxie associée. Il convient aussi de noter que 10 à 15 % des patients
inconscients souffrant d'un traumatisme maxillo-facial présentent une lésion du rachis
cervical. Globalement, une lésion du rachis cervical est retrouvée dans plus de 6 % des
traumatismes maxillo-faciaux [2] [3].

La prise en charge dépend des circonstances. Dans tous les cas, il faut rechercher les
mécanismes de l'accident : accident ou impact à haute vélocité (AVP, piéton contre véhicule
léger, éjection du véhicule, déclenchement des airbags, état de déformation du véhicule,
victimes décédées à l'intérieur du véhicule), chute de sa hauteur (accident domestique,
accident de travail, chute dans les escaliers). Les lésions coexistantes (fracture du bassin, du
fémur et/ou jambe, traumatisme crânien) seront prises en compte. Chez un patient conscient
(score de Glasgow à 15) mais présentant des lésions maxillo-faciales avec un risque
d'obstruction des voies aériennes supérieures, qui ne respecte pas l'immobilisation alors qu'il
y a une suspicion de traumatisme rachidien ou de bassin, la réalisation d'une intubation
endotrachéale après induction en séquence rapide (ISR) permettrait de sécuriser les voies
aériennes et d'immobiliser le patient. Cependant, elle empêcherait toute surveillance de son
évolution par la perte de contact et la possibilité d'une réévaluation régulière de son état
clinique : apparition de troubles de la conscience liés à une hémorragie ou un œdème
intracérébral, de troubles visuels, de développement d'un syndrome de compartiment. À
l'inverse, maintenir une ventilation spontanée sous surveillance étroite chez un patient
immobilisé permet une surveillance de l'évolution neurologique, mais risque de placer ce
patient dans une position inconfortable avec des risques d'événements indésirables comme la
survenue d'épisodes de vomissements, une prise en charge inadaptée de la douleur pouvant
eux-mêmes compromettre la liberté des voies aériennes. Chaque attitude a donc ses effets
secondaires. Il faudra alors peser le bénéfice/risque chez chaque patient. La stratégie de prise
en charge est évolutive. Elle peut changer en fonction de la survenue d'événements
intercurrents comme une dégradation de l'état neurologique, la survenue d'une détresse
respiratoire aiguë ou de la présence d'une hémorragie. La surveillance clinique et le
monitorage du patient sont indispensables [4].

Liberté des voies aériennes supérieurs

Dans tous les cas, il faudra évaluer en priorité la liberté des voies aériennes supérieures
(VAS). Leur obstruction est la première cause de décès, liée à l'existence d'une hémorragie,
d'obstacles mécaniques (bris dentaires, appareils dentaires, autres corps étrangers), de
vomissements ou de la présence d'un œdème ou d'un hématome du plancher de bouche (sous
AVK). Elle peut être liée à la rare glossoptose secondaire à une fracture bifocale de la
mandibule avec recul symphysaire voire à un fracas mandibulaire étendu. Il faut noter que si
seuls les condyles sont fracturés et que l'arche mandibulaire est intacte, il n'y a pas de
glossoptose. Cette dernière n'existe qu'en cas de lésion de l'arche mandibulaire. Ce type de
détresse respiratoire aiguë est déclenché par la mise en décubitus dorsal du patient,
notamment lors de la réalisation d'une induction anesthésique. Le traitement de la glossoptose
ou de son risque est la restitution de l'arche mandibulaire par ostéosynthèse ou fixateur
externe. La solution d'attente consiste en une péxie linguale par fil de traction. L'obstruction
peut aussi se situer au niveau nasal par enfoncement de la pyramide nasale ou d'un recul
maxillaire important. Il faudra rechercher des signes coexistants d'obstruction laryngée et/ou
trachéale (palpation des cartilages laryngés, emphysème sous-cutané, stridor, etc.) et de
lésion du rachis cervical. Cette dernière doit être suspectée en présence d'un traumatisme
crânien, d'un accident à haute vélocité et lorsqu'il existe une fracture parasymphysaire
bilatérale. Elle nécessite la pose d'un collier cervical. La mise en place de ce collier doit être
prudente afin d'éviter tout déplacement du foyer de fracture pouvant compromettre la liberté
des VAS. La présence de ce collier cervical peut aussi gêner l'ouverture de bouche. L'examen
clinique recherchera des débris, une hémorragie dans la bouche et le pharynx (le sang dégluti
favorise le risque de vomissement, l'existence d'un hématome du rétropharynx peut
compromettre la liberté des VAS de manière retardée [5]) qui peut nécessiter d'ouvrir le
collier cervical sous couvert du maintien en rectitude sans traction de l'axe tête-cou-tronc.

Les indications de l'intubation sont l'existence d'une détresse respiratoire aiguë en rapport
avec une glossoptose sur fracture mandibulaire, d'une hémorragie intrabuccale importante,
d'une perte des réflexes de protection laryngée, de troubles de conscience (score de
Glasgow 8 ou chute de plus de 2 points), de crises convulsives, d'une détresse respiratoire
aiguë, du risque de développement d'un œdème au niveau des VAS ou de l'inefficacité du
traitement antalgique. Cette intubation doit être réalisée après une préoxygénation (en dehors
des situations d'asphyxie) et une ISR avec maintien en rectitude sans traction de l'axe tête-
cou-tronc. En médecine d'urgence, cette intubation peut être rendue difficile par la position de
la victime et du médecin (position demi-assise, décubitus dorsal, collier cervical en place), en
raison du risque de vomissement et d'inhalation bronchique chez un patient à l'estomac plein
mais aussi et surtout en raison du risque de lésion du rachis cervical. Elle nécessite plusieurs
opérateurs. Elle est préférentiellement réalisée par voie orotrachéale par laryngoscopie directe
en raison de sa rapidité et de l'entraînement des médecins prenant en charge ces patients [6].
Bien que le risque de placement en situation intracrânienne soit une complication de
l'intubation nasotrachéale dans le cas de fractures de l'étage antérieur de la base du crâne, la
littérature ne confirme pas ces faits. L'intubation nécessite une ISR utilisant un hypnotique
(hypnomidate ou kétamine en respectant les contre-indications respectives) associé à un
curare dépolarisant (succinylcholine). Cette dernière permet de lever une diminution de
l'ouverture buccale s'il s'agit d'un trismus d'origine antalgique. Le « trismus » d'origine
mécanique ou plutôt limitation d'ouverture buccale est lié(e) au blocage mécanique de pièces
osseuses et n'est pas toujours réversible dépendant du siège des lésions (enfoncement du
zygomatique, fracture ou luxation condylienne voire encastrement dans le lobe temporal [7]).
En cas d'exposition difficile, il suffit de reprendre l'algorithme de prise en charge éditée par la
Société française d'anesthésie et de réanimation [8]. La conférence d'experts sur l'intubation
difficile recommande qu'en cas d'échec des différentes techniques, le dernier niveau est
représenté par la mise en place d'une intercricothyrotomie. Cependant, en médecine
d'urgence, notamment préhospitalière, elle pose le problème de la ventilation du patient. Il
faudrait pouvoir disposer d'une ManuJet. Ainsi, la technique de l'intubation rétrograde semble
trouver ici une bonne indication à condition d'un entraînement adapté. Un récent cas clinique
rapporte certes dans une situation de sauvetage l'utilisation d'un mandrin long béquillé
introduit dans un défect trachéal en direction céphalique ayant permis l'intubation du
patient [9].

Hémorragies

Le pronostic vital peut aussi être engagé sur l'existence d'une hémorragie. Elle est
responsable de 30 à 40 % de la mortalité du patient traumatisé [10]. Il s'agit rarement d'une
véritable urgence hémorragique maxillo-faciale (moins de 10 % des lésions maxillofaciales
graves) [11], mais sa reconnaissance doit être rapide pour une prise en charge adaptée. Ainsi,
les plaies du cuir chevelu, la section d'une artère peuvent être prises en charge dès la phase
préhospitalière en associant des pansements compressifs voire la pose de pinces
hémostatiques de manière contemporaine à une réanimation adaptée qui n'a rien de spécifique
(remplissage vasculaire voire introduction d'amines vasoconstrictrices) en attente d'un
transfert pour traitement chirurgical. Une épistaxis pourra nécessiter un méchage et un
tamponnement, y compris en cas de disjonction craniofaciale.

Au déchocage, plusieurs questions se posent : l'hémorragie faciale est-elle la seule source de


saignement, notamment chez un patient polytraumatisé ? Quel est le meilleur moment pour
réaliser les examens d'imagerie ? L'examen clinique n'est pas suffisant pour détecter des
hémorragies intériorisées (thoracique, abdominale, rétropéritonéale). Elles sont retrouvées
dans 2 à 5 % des cas [12]. Un accès rapide au plateau technique d'imagerie est indispensable
dans ce cas. La radiographie thoracique recherchera l'existence d'épanchements pleuraux, de
fractures ou d'anomalies médiastinales. Chez le patient polytraumatisé, il faudra prendre en
compte la position en décubitus dorsal pour les interpréter. La FAST écho permet d'évaluer
rapidement l'existence d'épanchements intrathoraciques. L'examen le plus couramment
réalisé est la tomodensitométrie body-scan [12]. Ce bilan lésionnel radiologique complet peut
alors guider la conduite à tenir. Les mesures de lutte contre l'hypovolémie sous couvert d'une
surveillance clinique et d'un monitorage en continu du patient sont poursuivies lors de la
réalisation de ces examens.

De nouvelles stratégies de type Damage Control ont émergé depuis les années 1960 pour la
prise en charge de patient échappant à la réanimation symptomatique. Elle repose sur 4
phases : anticipation chez les patients à risque (mécanismes de l'accident, détresse initiale),
procédures chirurgicales (contrôle du saignement par réduction des fractures, sutures,
packing, prévention de l'infection), phase de réanimation pour réduire les risques de
l'ischémie-reperfusion et une seconde procédure chirurgicale de traitement définitif. Tout
chirurgien doit savoir prendre en charge une hémorragie dépendant du tronc de la carotide
externe (ligature du tronc de la carotide externe, même si elle n'est quasiment plus pratiquée
car n'offrant pas de réelle efficacité en raison de l'existence des collatéralités artérielles).
L'embolisation sélective des branches de la carotide externe doit être préférée [13]. Cette
technique peut être répétée et présente des risques spécifiques [14].

Dans tous les cas, des mesures correctrices devront être proposées en fonction du terrain
(prise d'AVK, antécédents cardiorespiratoires, etc.). Nous n'aborderons pas ces mesures
spécifiques qui sortent du cadre de l'exposé.

Urgences maxillo-faciales horaires n'engageant pas le pronostic vital

Il ne faut pas négliger l'évaluation clinique oculaire ou de la vision (quand cela est possible)
au même titre que l'examen thoracique et abdominal. Bien que des lésions oculaires soient
fréquemment associées à un traumatisme maxillo-facial [15], seules 0,56 à 6 % d'entre elles
engagent le pronostic fonctionnel [16]. Elles sont le plus souvent en relation avec des
fractures du tiers moyen de la face (ou maxillo-naso-zygomatique) et orbito-frontale et en cas
de choc latéral [16]. Elles nécessitent une reconnaissance rapide et un traitement précoce.
Ainsi, plusieurs études ont montré que la perte de la vision est définitive après 1,5 à 2 h
d'ischémie du nerf optique [17], alors qu'un geste de décompression aurait pu éviter cette
perte de la vision.

Les lésions maxillo-faciales nécessitant un traitement chirurgical non différable sont les
fractures touchant l'articulé dentaire avec déplacement et/ou mobilité dentaires et les fractures
avec plaies cranio-cérébrales associées ou avec mise à nu des pièces osseuses (perte de
substance, embrochage cutané des fragments, plaies importantes) ou engageant le pronostic
fonctionnel visuel.

Fractures mobiles de la portion dentée de la mandibule

La majorité de ces fractures survient chez des sujets de 16 à 30 ans (le plus souvent
mécanisme violent, accidents de la route) avec une recrudescence chez les personnes âgées
liée aux chutes. La mandibule est le seul os mobile de la face. La portion dentée (symphyse et
branche horizontale) est réunie au ramus portant l'apophyse articulaire (condyle mandibulaire
en arrière et apophyse coronoïde [ou coroné] en avant) à l'angle mandibulaire. Un
traumatisme mandibulaire se retrouve par ordre de fréquence croissante au niveau de l'angle
(32 %, d'autant qu'il existe une dent de sagesse occluse), du condyle (23,3 %), de la branche
horizontale (17,7 %), parasymphysaire (15,6 %, au niveau des canines), symphysaire (3,6 %),
portion dento-alvéolaire (2,1 %), ramus (1,8 %) et coroné (1,5 %, la fracture du coroné se
traite par le mépris) [18]. Toute fracture de la portion dentée est considérée comme une
fracture ouverte et nécessite une antibiothérapie associée à des bains de bouche antiseptique,
une hygiène irréprochable et une alimentation liquide. Devant un trait de fracture unique
(50 % des cas), il faut rechercher une autre localisation fracturaire sur la mandibule (fracture
bi- voire trifocale) accessible parfois à la palpation. L'examen clinique recherche
systématiquement un trouble de l'articulé dentaire. Si le patient est conscient, à la demande de
serrer les dents, il peut avoir la sensation d'avoir perdu une dent alors qu'elles sont toutes en
place. Ceci est expliqué par la mobilité du foyer de fracture de la mandibule. Parfois, ce
mouvement est difficile en raison de la mobilité douloureuse du foyer de fracture ou en raison
de la présence d'un œdème ou d'un hématome. Il faut systématiquement vérifier l'atteinte du
nerf alvéolaire inférieur (sensibilité de l'hémilèvre inférieure correspondante), réaliser un
examen endobuccal (recherche d'une plaie de gencive en regard du foyer de fracture). Le
bilan des lésions dentaires (luxation, fracture) est à réaliser pour des raisons médico-légales et
de réparation (le remplacement d'une dent perdue par un implant endo-osseux peut coûter aux
alentours de 3 000 euros en fonction de la chirurgie préprothétique). L'examen radiologique
de choix est le cliché panoramique dentaire ou orthopantomogramme qui se réalise chez un
patient assis. À défaut, il peut être demandé un « défilé mandibulaire » droit et gauche et une
« face basse » (ramus et condyles). La tomodensitométrie permet l'analyse fine des condyles
et permet de distinguer les fractures intra-articulaires (fracture capitale et sous-condylienne
haute) des fractures extra-articulaires (sous-condylienne basse). Il faut toujours demander au
radiologue une acquisition jusqu'en sous-mandibulaire pour explorer le massif facial
entièrement.

Les fractures de la mandibule doivent être traitées rapidement mais peuvent attendre le délai
de jeûne préopératoire en dehors d'un contexte d'urgences respiratoire et/ou hémorragique.
Les fractures de la portion dentée non déplacées et sans mobilité dentaire ne doivent pas
obligatoirement être opérées dans les 6 heures suivant le traumatisme. On peut en effet
prendre l'option d'un traitement différé de quelques jours, le temps de réaliser des empreintes,
un set-up et des arcs préformés sur mesure avec prothèses d'équilibration de l'articulé
dentaire. Une alimentation liquide est alors nécessaire associée à un traitement antalgique
(médicaments, blocs de la face), des bains de bouche et une antibiothérapie nécessitant selon
les cas une hospitalisation. Il convient d'éviter la prescription d'AINS. Les fractures
parasymphysaires bifocales ou des 2 branches horizontales présentent un risque de
glossoptose notamment en décubitus dorsal nécessitant de tirer vers l'avant l'arc mandibulaire
fracturé afin d'éviter tout risque d'asphyxie aiguë. Une antibioprophylaxie comportant une
aminopénicilline avec inhibiteur des -lactamases est systématiquement instaurée [19]. Il
existe aussi une diminution de l'ouverture buccale mécanique et/ou antalgique qui se lève à la
curarisation. L'intubation est réalisée par voie nasotrachéale parfois sous
fibroscopie [20] chez un patient correctement préoxygéné. Pour le patient présentant les
risques d'une glossoptose, l'intubation peut être réalisée en position demi-assise sous AIVOC
au propofol ou après préoxygénation et induction avec la mise en pace d'une canule de Mayo,
voire un dispositif supralaryngé pour assurer la ventilation ou encore en décubitus latéral
droit après ISR (expérience personnelle en médecine d'urgence préhospitalière).
Classiquement, la première étape du traitement des fractures impliquant l'articulé dentaire
(mandibule et Le Fort) est orthopédique et consiste en une restitution de l'articulé dentaire à
l'aide d'un blocage sur arcs préformés, arcs souples, prothèses adaptées ou ligatures
interdentaires. Le traitement chirurgical par abord sanglant muqueux ou cutané est souvent
associé pour la réduction complète du ou des foyers de fracture avec la mise en place de
plaques vissées, de fils d'acier ou de fixateur externe. Un blocage simple peut suffire en cas
de fracture peu ou pas déplacée ou en cas de réduction satisfaisante (c'est une question
d'École). Le chirurgien doit veiller impérativement au rétablissement de l'occlusion dentaire,
raison pour laquelle l'intubation est réalisée par voie nasotrachéale. L'ostéosynthèse est
déconseillée chez l'enfant de moins de 12 ans en raison de l'existence de germes dentaires
dans la mandibule et du potentiel résiduel de croissance.

Le traitement orthopédique consiste en un blocage intermaxillaire sur arcs (réduction de la


fracture, blocage aux fils d'acier ou aux élastiques). Cette technique ne peut pas être
facilement proposée aux patients édentés, il faut alors réaliser une prothèse permettant le
blocage. Il faut ainsi réaliser un blocage sur prothèse dentaire si le patient en possède. La
durée de consolidation est d'environ 6 à 8 semaines. Elle est préférentiellement proposée dans
les cas de fracture peu ou pas déplacée ou si le traitement orthopédique permet seul une
réduction suffisante des foyers fracturaires. Les complications sont le risque de
développement de cals vicieux (5 à 10 % des cas) et l'exceptionnelle pseudarthrose (définie
par l'existence d'une douleur et d'une mobilité après 6 mois - avant 6 mois, on parle de retard
de consolidation). Il faut être prudent si un blocage intermaxillaire est proposé chez les
patients épileptiques, âgés ou présentant une démence.

Ces dernières années s'est développée la technique de l'intubation par voie sous-mentale. Elle
a été développée pour s'affranchir du choix de la voie d'intubation naso- ou orotrachéale, ce
d'autant qu'aucun consensus n'existe à ce jour sur la meilleure façon de contrôler les VAS
lorsque l'intubation par voie nasotrachéale ou orotrachéale est contre-indiquée [21]. Dans
cette dernière situation, il était classique de proposer la trachéotomie avec sa morbi-
mortalité [22]. Plusieurs travaux relatent l'utilisation de l'intubation par voie sous-mentale
comme méthode alternative [22] [23] [24]. Cette technique consiste en le placement par le
chirurgien en peropératoire de l'extrémité proximale d'une sonde d'intubation orotrachéale à
travers le plancher de la bouche et la région sous-mentale. Cette étape fait suite à l'intubation
orotrachéale et nécessite de désolidariser temporairement la sonde pour le passage sous-
mental. Cette technique laisse le champ opératoire libre permettant la restitution de l'articulé
dentaire et laissant libre la pyramide nasale sans faire courir au patient le risque d'une
intubation nasotrachéale en présence d'une fracture de l'étage antérieur de la base du
crâne [22]. Aucune complication majeure postopératoire n'a été constatée [22] [23]. La seule
limitation est la durée de l'intubation. Si des complications respiratoires ou autres nécessitent
une ventilation mécanique prolongée, la trachéotomie est incontournable. L'intubation par
voie sous-mentale ne doit pas être maintenue plus de 3 à 5 jours. Au-delà apparaissent des
risques d'orostome et d'infection. Son retrait est effectué sous anesthésie locale, soit par le
chirurgien, soit par l'anesthésiste-réanimateur, et nécessite la réalisation de points de suture
cutanés et sous-cutanés.

Disjonctions craniofaciales et transfaciales avec large ouverture cutanée

Ce sont des fractures complexes. Elles résultent d'un choc frontal violent associant souvent
un traumatisme crânien, voire une fracture de la base du crâne et une fracture du rachis
cervical. Les traits de fracture se trouvent dans les zones de faiblesse de la face détachant le
massif facial du tiers moyen de la base du crâne de manière plus ou moins importante.
L'examen clinique s'attachera à rechercher les lésions associées, une mobilité anormale de
l'arcade dentaire supérieure par rapport à la base du crâne (Le Fort III), aux pommettes (Le
Fort II), à la pyramide nasale (Le Fort I), les plaies, une hémorragie du cavum, un œdème
facial pouvant masquer l'asymétrie et l'aspect de la mandibule et de la cloison nasale. Il sera
complété par un examen palpatoire des rebords orbitaires et du globe oculaire avec
vérification du champ visuel (diplopie, baisse de l'acuité visuelle). L'examen radiologique de
choix est la tomodensitométrie en acquisition axiale volumique avec reconstructions axiales
coronales et sagittales (plancher orbitaire, base du crâne, disjonctions craniofaciales). Les
traits de fracture sont classés en 3 niveaux :

- la fracture de Le Fort III est la seule disjonction craniofaciale vraie. Le trait de fracture
traverse les deux orbites, la racine du nez, l'arcade zygomatique et l'apophyse orbitaire des os
zygomatiques (anciennement appelés malaires) et la partie supérieure de l'apophyse
ptérygoïde. Elle est caractérisée cliniquement par l'existence d'un hématome en lunettes violet
foncé. Dans 25 % des cas, il existe une rhinorrhée signant l'atteinte de l'étage antérieur de la
base du crâne (lame criblée de l'éthmoïde) ;
- la fracture de Le Fort II, encore appelée fracture pyramidale, est une fracture trans-faciale
haute. Le trait de fracture part de la racine du nez, traverse l'orbite, le plancher orbitaire et le
maxillaire jusque dans le vestibule buccal. L'apophyse ptérygoïde est sectionnée à son tiers
moyen. La particularité de cette fracture est qu'elle est peu mobile, impactée vers l'arrière
responsable ainsi d'un contact molaire prématuré avec béance dentaire antérieure.
Cliniquement, il existe des ecchymoses périorbitaires, une épistaxis et un œdème centro-
facial. La lame criblée de l'ethmoïde peut être lésée en cas d'atteinte supérieure (rhinorrhée
cérébrospinale);

- la fracture de Le Fort I, encore appelée fracture de Guérin (lorsqu'elle est engrenée), est une
fracture trans-faciale basse détachant l'arcade dentaire et le palais, ainsi que le tiers inférieur
de l'apophyse ptérygoïde du massif facial. L'arcade dentaire est cliniquement très mobile et il
existe des hématomes vestibulaires supérieurs à l'examen endobuccal.

En réalité, ces traits de fractures sont souvent mixtes (parfois différents des deux côtés) et
peuvent s'additionner. On parle de fracas facial ou fracture pan-faciale lorsqu'il existe une
disjonction intermaxillaire séparant le plateau palatin en deux et une dislocation centro-
faciale ou latéro-faciale. Une antibiothérapie sera systématiquement instaurée. En cas
d'hémorragie massive, un tamponnement antéro-postérieur des fosses nasales à l'aide de
sondes à ballonnet sera institué ainsi qu'une réduction des fractures. Exceptionnellement, il
peut être fait recours à une embolisation, la ligature de la carotide externe étant de moins en
moins pratiquée en raison de leur faible efficience face à la très riche collatéralité de la
vascularisation de l'extrémité céphalique. Les fractures avec large ouverture cutanée sont à
opérer idéalement dans les six heures pour un résultat esthétique optimal. La prise en charge
anesthésique a été développée plus haut. Le traitement chirurgical consiste après réduction de
la fracture par blocage intermaxillaire en la mise en place d'une ostéosynthèse (plaques
vissées) ou de suspensions craniofaciales. En fonction des lésions osseuses constatées, il peut
y avoir recours aux autogreffes osseuses iliaques ou calvariales fraîches (reconstruction du
plancher orbitaire, paroi antérieure du sinus maxillaire et frontal, corps zygomatique). Le
traitement de la brèche méningée est effectué par les neurochirurgiens 10 à 20 jours après le
traumatisme si une rhinorrhée persiste. Les complications de ce type de fracture sont les cals
vicieux (os zygomatique), les asymétries faciales, les béances dentaires, l'énophtalmie,
l'anosmie, les cicatrices, la diplopie, les brides et l'ectropion. Ces dernières peuvent faire
l'objet de chirurgie réparatrice à distance.

Fractures sans trouble de l'articulé dentaire mais présentant un risque


de complications neurochirurgicales

Traumatismes centro-faciaux

Les traumatismes centro-faciaux provoquent une dislocation orbito-naso-éthmoïdo-frontale


(DONEF). La pyramide nasale recule et se trouve sous l'auvent frontal. Il peut exister un
télécanthus en fonction de l'importance du recul. Il faut rechercher une atteinte des voies
lacrymales, de l'acuité visuelle, de la fonction oculo-motrice, une anosmie et une rhinorrhée
par impaction de la lame criblée de l'éthmoïde. La tomodensitométrie permet de faire un bilan
lésionnel précis. Le traitement chirurgical multidisciplinaire (chirurgien maxillo-facial,
neurochirurgien) reste difficile (plastie de l'étage antérieur, greffe du dorsum nasal avec étai
columellaire, canthopéxie, ostéosynthèse des branches montantes des maxillaires).

Fractures latéro-faciales
Les fractures latéro-faciales sont souvent associées à une embarrure fronto-pariétale et à une
fracture-dislocation de la région zygomatique pouvant s'étendre au tiers moyen du massif
facial.

Fractures de l'étage antérieur de la base du crâne

Les fractures de l'étage antérieur de la base du crâne ont pour conséquence l'existence de
brèches dure-mériennes. La plupart se ferme 10 jours après le traumatisme. Il existe un risque
de méningite, parfois retardé de plusieurs mois après le traumatisme. Son incidence varie de 9
à 18 % même si une antibioprophylaxie a été instaurée [25]. Une des caractéristiques de ces
méningites est leur tendance à la récidive. Les autres conséquences sont d'ordre fonctionnel
avec un risque d'anosmie dans 35 % des cas, des troubles ophtalmologiques (baisse de l'acuité
visuelle, mydriase, ophtalmoplégie, amblyopie) et des lésions oculaires associées (lésion du
globe oculaire, lésion palpébrale).

Fracture du plancher orbitaire en « trap-door »

La fracture du plancher orbitaire en « trap-door » avec diplopie et/ou exophtalmie est une
urgence fonctionnelle. Elles doivent être distinguées des fractures de type blow-
out correspondant à un effondrement du plancher orbitaire entraînant une fuite sinusienne du
contenu tissulaire périorbitaire. Ces fractures en trap-door résultent d'un choc violent sur le
globe oculaire. Alors que le cadre orbitaire reste intact, il existe une fracture du plancher
osseux où une partie du contenu orbitaire peut être incarcérée (équivalent d'une hernie
étranglée) responsable d'une diplopie dans le regard vers le haut. La tomodensitométrie
montre les déplacements. Le traitement chirurgical consiste par un abord palpébral (sous-
ciliaire ou transconjonctival) en une désincarcération et réintégration du tissu périorbitaire et
l'interposition de greffons osseux (iliaque ou calvarial), de corail ou de matériels résorbables
(plaques de polyglycol) entre le sinus maxillaire et l'orbite.

Fractures des os propres du nez

Il convient de signaler, dans les fractures des os propres du nez, les fractures ouvertes
nécessitant un parage et fermeture de la plaie, l'épistaxis nécessitant un tamponnement
antéro-postérieur, parfois une embolisation et les hématomes de cloison nasale nécessitant
une évacuation et méchage compressif en raison du risque de nécrose aseptique de la cloison.

URGENCES DIFFÉRÉES

Elles sont représentées par les fractures de la portion dentée de la mandibule non déplacée et
non mobile, les disjonctions craniofaciales, les traumatismes centro-faciaux sans perte de
substance, et les fractures latéro-faciales sans retentissement sur la vision et sans plaie
craniocérébrale.

Fractures du condyle mandibulaire

Elles représentent dans un travail récent entre 17,5 et 52 % des fractures de la


mandibule [26]. Elles sont le plus souvent fermées et déplacées en avant et en dedans
(traction du ptérygoïdien latéral). Elles sont exceptionnellement translatées dans le lobe
temporal [7]. Schématiquement, il existe les fractures intra-articulaires (tête du condyle,
région sous-condylienne haute) et extra-articulaires (région sous-condylienne basse). Les
premières sont toutes à retentissement articulaire se traduisant par un risque d'ankylose
temporo-mandibulaire et de déficit de croissance chez l'enfant. Les secondes (sous-
condyliennes) ne sont à retentissement articulaire que s'il existe une luxation importante de la
tête. La fracture de la région condylienne se manifeste par des douleurs pré-auriculaires, une
impotence fonctionnelle associée à un trouble de l'articulé dentaire. L'examen clinique
retrouve un raccourcissement du ramus homolatéral, une latéro-déviation de l'ouverture
buccale et un contact molaire prématuré homolatéral à la fracture. L'orthopantomogramme et
la tomodensitométrie permettent de montrer les fractures et leur potentiel déplacement. Les
fractures du condyle mandibulaire à retentissement fonctionnel (fractures condyliennes,
fractures sous-condyliennes déplacées) relèvent toutes d'un traitement fonctionnel basé sur
une mobilisation active et passive précoce du condyle fracturé permettant de restituer une
occlusion dentaire normale et une ouverture de bouche par diduction et une propulsion [27].

Ce traitement stimule le ptérygoïdien latéral permettant une fonte et une régénération de la


tête condylienne [28]. En pratique, le traitement fonctionnel est réalisé le jour et le blocage
est remis en place la nuit pour caler l'occlusion. Un traitement antalgique et un encadrement
par un kinésithérapeute spécialisé sont nécessaires. La place de l'ostéosynthèse (vis, plaque,
enclouage) pour ces fractures est encore une question d'École et dépend également de
l'importance de la perte de hauteur et du niveau de la fracture. L'ostéosynthèse est indiquée
pour restaurer une occlusion dentaire dans le cas de fracture très déplacée avec perte de
hauteur importante ou l'association de fractures occluso-faciales. L'ostéosynthèse des
fractures sous-condyliennes à retentissement articulaire facilite le traitement fonctionnel. Le
traitement fonctionnel est réalisé à l'aide d'arcs maxillo-mandibulaires munis de crochets
(canine supérieure et molaires inférieures) permettant des tractions antéro-postérieures les
plus horizontales possibles. La durée de ce traitement est d'environ 6 à 8 semaines [26]. Ce
traitement sera suivi d'une poursuite de la rééducation après ablation des arcs. Le cas
particulier de l'enfant peut nécessiter la réalisation d'une gouttière de propulsion obligeant
l'enfant à propulser et diducter à chaque occlusion. La gouttière sert également de contention
pour les fractures de la portion dentée (cerclage périmandibulaire) et évite les lésions des
germes dentaires et de bloquer la croissance.

Fractures du tiers moyen et latéral de la face

Fractures de l'os zygomatique

Les fractures de l'os zygomatique sont le plus souvent le fait de choc direct lors de rixes ou
d'activité sportive. Si l'os zygomatique casse rarement, ses attaches (jonction fronto-
zygomatique, processus temporal de l'os zygomatique, cintre maxillo-malaire et la margelle
orbitaire) sont ses points faibles entraînant son déplacement postéro-latéral. L'examen
clinique retrouve une limitation douloureuse de l'ouverture buccale (processus temporal), une
diplopie dans le regard vers le haut (incarcération du muscle droit inférieur), une
hypoesthésie infra-orbitaire (V2) (lèvre supérieure, hémi-arcade dentaire supérieure, aile du
nez) [29], une énophtalmie, voire une exophtalmie ou une dystopie orbitaire (trouble de
position du globe oculaire dans l'orbite). Il existe un aplatissement de la pommette associé à
un hématome périorbitaire parfois associé à une plaie cutanée. En cas de fracture de la paroi
antérieure du sinus maxillaire, il peut exister un emphysème sous-cutané. Un examen
ophtalmologique est indispensable (fond d'œil, acuité visuelle, test de Lancaster - ce dernier
est médico-légal en cas de diplopie) étant donné le traumatisme du gobe oculaire avec risque
de décollement de rétine et de luxation du cristallin. Le diagnostic est confirmé par la
radiologie sur l'incidence de Blondeau complétée par l'incidence de Hirtz (incidence de Hirtz
latéralisée pour les fractures du processus temporal). Une tomodensitométrie faciale en
acquisition axiale volumique avec reconstructions axiales coronales et sagittales permet de
faire un bilan lésionnel plus précis (incarcérations par exemple) [30]. Le traitement est
chirurgical et peut être fait à distance du traumatisme en dehors de l'existence de large
ouverture cutanée ou de l'existence d'une diplopie chez l'enfant (risque d'amblyopie). La
consultation préanesthésique est donc réalisable dans le cadre du décret. Les indications
opératoires (délai 7 à 10 jours après traitement médical visant à faire régresser l'œdème afin
de faire apparaître les contours) sont : les enfoncements (raison esthétique), la limitation
d'ouverture buccale, l'existence de troubles oculomoteurs (diplopie), les troubles de position
du globe oculaire dans l'orbite et l'association d'une hypoesthésie dans le territoire V2
(isolément elle ne constitue pas une indication opératoire). La résorption de l'œdème survient
après 8 jours environ. Le traitement consiste en une réduction au crochet de Ginestet introduit
sous le cintre maxillo-malaire de manière percutanée ou transgingivale. En cas d'échec ou
d'instabilité, une ostéosynthèse par voies combinées est proposée sur l'apophyse orbitaire
externe ou sur le cintre maxillo-malaire plus ou moins associée à une ostéosynthèse par voie
sous-ciliaire ou transconjonctivale de la margelle orbitaire. Elle nécessite une
antibioprophylaxie. Une broche transfaciale peut être associée ou se substituer aux
ostéosynthèses (selon les Écoles). Lors de la mise en place de la broche transfaciale, il faut
protéger la sonde d'intubation nasotrachéale et vérifier l'absence d'embrochage de la sonde
d'intubation en la mobilisant avant de réveiller le patient. Les séquelles de fractures négligées
sont difficiles à corriger (ostéotomie intra-orbitaire, greffes d'apposition, mask lift).

Fractures de la pyramide nasale

Les fractures de la pyramide nasale font suite généralement à un choc latéral, plus rarement
antéro-postérieur. Elles sont responsables d'une fracture-déviation nasale et plus rarement de
l'effondrement aboutissant à une ensellure (écrasement antéro-postérieur). L'existence d'un
œdème et/ou d'un hématome périorbitaire (« en lunettes ») peut masquer la déformation.
L'examen clinique doit rechercher un hématome de la cloison qui est une urgence, surtout
chez l'enfant en raison du risque de nécrose aseptique. En dehors de ce cas, le traitement est
en général effectué à distance. Il consiste en une réduction de la fracture par voie endonasale
et pression externe sous anesthésie générale (avec la mise en place d'un dispositif
supralaryngé pour assurer la ventilation du patient) ou sous anesthésie locale associée à un
méchage endonasal et la mise en place d'un plâtre modelant la pyramide ou mieux d'une
attelle adaptée. Une septorhinoplastie de correction peut être proposée à distance (6 mois au
minimum) pour permettre une consolidation suffisante pour la réalisation de traits
d'ostéotomie.

SPÉCIFICITÉS DE PRISE EN CHARGE ET CONCLUSION

Au bloc opératoire

Elles sont conditionnées par les problèmes liés au contrôle des VAS et à la voie d'intubation
en fonction de la chirurgie, elle-même fonction du type de fracture. D'une manière
synthétique, en situation d'urgence, l'intubation est réalisée par voie orotrachéale et la
conduite à tenir en cas d'exposition ou d'oxygénation difficile doit suivre les
recommandations de la conférence d'experts [8]. Pour une chirurgie non différable, si un
blocage intermaxillaire est requis, l'intubation sera réalisée par voie nasotrachéale pour
permettre de réaliser l'occlusion dentaire. Aucune étude n'interdit de réaliser une intubation
nasotrachéale même en cas de suspicion de fracture de l'étage antérieur de la base du crâne. Il
existe toutefois une alternative représentée par l'intubation sous-mentale en cas de contre-
indication ou de difficulté d'intubation nasotrachéale [22]. Cette intubation nécessite une
surveillance en soins intensifs postopératoires et peut être retirée après le réveil du patient
sous anesthésie locale. En l'absence de troubles de l'articulé dentaire, l'intubation sera réalisée
par voie orotrachéale. La trachéotomie de principe doit être abandonnée. La phase de réveil
d'un patient « bloqué » est délicate. Elle nécessite une surveillance clinique en continu sous
contrôle antalgique et d'oxygénation. En cas de saignement peropératoire, une vidange
gastrique est conseillée afin de limiter les risques de vomissements postopératoires.

En postopératoire

Les patients bénéficiant d'un blocage intermaxillaire doivent avoir été informés que leur
alimentation ne se fera que sous forme liquide avec compléments hyperprotéinés et qu'il y
aura une gêne quant à l'hygiène malgré la prescription de bains de bouche (jet dentaire,
brosse à dents postchirurgical type Inava™ 7/100 ou 14/100). Un traitement antalgique sera
prescrit et évalué. Il est basé sur des antalgiques périphériques et des AINS. L'utilisation de
morphiniques est rare en cas de fracture isolée de la mandibule ou du malaire.

Suivi

Un suivi psychologique devra être proposé selon les cas. Malgré les progrès réalisés dans le
domaine de la chirurgie maxillo-faciale, il peut exister des disgrâces morphologiques et
esthétiques aboutissant à un handicap socio-affectif et relationnel nécessitant un
accompagnement psychiatrique. Un processus de rééducation sera engagé. Le patient devra
consulter le chirurgien maxillo-facial à intervalles réguliers (1, 3, 5 et 8 semaines) pour la
consolidation et le lever des immobilisations. Si une broche transfaciale a été posée, elle sera
retirée à trois semaines sous anesthésie locale. Le traitement des séquelles (reprise de
cicatrice, reprise d'ostéotomies pour cals osseux vicieux, réhabilitation dentaire définitive,
correction d'énophtalmie ou d'un trouble de position orbitaire) se fait après quatre à six mois
de consolidation.

RÉFÉRENCES

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Traumatisme facial bénin
O. BEAUFILS1, C. HERLIN2, B. MOUNET3

La traumatologie maxillo-faciale constitue 15 à 20 % de l’ensemble des


traumatismes . Le profil type est celui d’un homme jeune volontiers alcoolisé et
impliqué dans une rixe ou dans un accident de la voie publique, en particulier s’il
circule en 2 roues et qu’il n’a pas de protection faciale efficace (casque intégral) .
Sont également concernés les accidents du travail, domestiques, ou de sport, et
certaines situations circonstancielles telles que les morsures ou les brûlures.
La littérature n’individualisant pas de cadre nosologique précis, nous appellerons
« traumatisme facial bénin » toute atteinte traumatique de la face ne mettant en
jeu, de façon évidente ou latente, ni le pronostic vital ni le pronostic fonctionnel
du patient. Il s’agira en pratique d’un traumatisme totalement amorti par l’un des
« pare-chocs » du losange facial constitué, de bas en haut, par le menton, la
mandibule, le maxillaire, les os zygomatiques, le nez, les orbites et le front, cela en
l’absence de complications au niveau des parties molles impactées.
Devant un traumatisme facial, les objectifs de l’urgentiste sont les suivants :
– savoir isoler les traumatismes purement faciaux de l’ensemble des traumatismes
de l’extrémité céphalique ;
– savoir examiner cliniquement les patients présentant des traumatismes faciaux
d’allure bénigne ;
– savoir quels examens d’imagerie demander le cas échéant ;
– connaître la prise en charge thérapeutique aux urgences des principaux
traumatismes faciaux bénins ;
– savoir quand faire appel au spécialiste et dans quels délais ;
– connaître les consignes à donner pour la poursuite de la prise en charge après
retour à domicile.

1. Principes généraux
1.1. Les enjeux
La prise en charge d’un traumatisé de l’extrémité céphalique commence par une
enquête étiologique minutieuse. Une perte de connaissance atteste d’une atteinte
encéphalique, au minimum d’une commotion cérébrale. Une chute devra être
expliquée. Une origine iatrogène ou toxique sera systématiquement recherchée.
Une vigilance toute particulière sera de règle chez un patient vulnérable (jeune
enfant ou vieillard, patient dépendant) afin de ne pas passer à côté d’un acte de
maltraitance ou de lésions associées cliniquement peu parlantes. Le mécanisme et
la cinétique du traumatisme seront précisés. Le terrain de la victime sera
également évalué : existence de comorbidités, statut vaccinal antitétanique, risque
iatrogénique ( t raitement antiagrégant ou anticoagulant , a l lergie
médicamenteuse), état maxillo-facial préexistant (impact médico-légal).
L’association à des lésions extra-faciales, potentiellement graves, doit être
recherchée. 20 % des traumatismes « faciaux » sont des traumatismes crânio TRAUMATISME
FACIAL BÉNIN 3
faciaux, cela d’autant plus souvent que ce dernier est haut situé. Ainsi, dans les
lésions de l’étage antérieur, on retrouve des lésions endocrâniennes associées
dans 70 % des cas et une brèche ostéodurale dans 75 % des cas.

MESSAGE PRATIQUE :
tout traumatisme facial est un traumatisme facio-cranio-encéphalo-vertébromédullaire
cervical avec brêche ostéo-méningée jusqu’à preuve du contraire
Une fois objectivé le caractère isolé du traumatisme facial, l’absence de gravité
doit être établie. Doivent être éliminés un risque vital parfois peu parlant (épistaxis
nasale continue, pas toujours extériorisée), un risque fonctionnel (fracture
instable, atteinte articulaire, oculaire, nerveuse, glandulaire, canalaire salivaire,
musculaire, muqueuse), et un risque infectieux (état bucco-dentaire préexistant,
contamination des espaces profonds de la face et du cou). Ce dernier est prévenu
par une aseptie stricte, par l’éventuelle mise en route précoce d’une
antibioprohylaxie, et, après vérification du statut vaccinal antitétanique, par une
éventuelle (re)vaccination +/- sérothérapie.
Enfin, la face constitue un symbole fort : elle est un véritable passeport social, et
son atteinte présente un impact médico-légal potentiel majeur. L’examen d’un
traumatisé de la face ne doit donc souffrir d’aucune négligence et doit toujours
être exhaustivement consigné, y compris, lorsqu’il est connu, les états maxillofacial
et dentaire préexistants.

1.2. Rappels anatomiques


L’extrémité céphalique est une masse mobile d’environ 4,5 kg chez l’adulte
reposant sur un pivot vertébral décentré situé au niveau du foramen occipital.
Cette masse est constituée du crâne et de la face, la frontière entre ces 2 éléments
étant réalisée par la base du crâne.
La face est une mosaïque osseuse constituée de 3 étages (supérieur frontal,
inférieur mandibulaire, et moyen entre les deux précédents) et suspendue à
l’étage antérieur de la base du crâne, permettant de donner un équilibre statique
à ce dernier. La mandibule, seul os mobile cranio-facial, est-elle suspendue sous
l’os temporal par ses deux articulations condyliennes.
La face est constituée de cavités sinusiennes (dont l’un des rôles est de constituer
un premier rempart aux traumatismes) et de multiples structures fonctionnelles
pédiculées, tels que les globes oculaires et les éléments constituant les voies aréodigestives
supérieures (muqueuses, glandes salivaires, structures lymphoïdes,
muscles). Cela justifie sa riche vascularisation et la diversité de son innervation. La
face supporte ainsi de multiples éléments nobles, parfois superficiels, dont
l’atteinte expose à des complications. Les principaux sites anatomiques à risque
lésionnel pour ces structures sont, de haut en bas : l’orbite, l’oreille, la pyramide
nasale, la pommette, la cavité buccale, et un quadrilatère délimité par, en haut,
l’axe conduit auditif externe – commissure labiale homolatérale, en arrière et en
bas la mandibule, et en avant l’axe menton – bouche.

1.3. Principes de l’examen clinique


L’examen proprement dit commence par l’inspection et recherche tout d’abord une
asymétrie de la face. En effet, en dehors de toute paralysie faciale dont la
problématique sera abordée plus loin, cette asymétrie est la conséquence d’oedèmes
témoignant parfois de fractures qui peuvent initialement passer inaperçues. Ces
oedèmes sont souvent associés à des ecchymoses ou à des hématomes.
Les plaies et les écoulements (clairs ou sanglants) sont exhaustivement recherchés,
y compris dans les cavités accessibles de la face (bouche, oreille, partie antérieure
du nez). La palpation recherche une mobilité osseuse ou une impaction anormale,
des crépitations, une hypoesthésie systématisée, une lésion endobuccale.
Le bon fonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire et l’intégrité de
l’articulé dentaire sont systématiquement vérifiés.
Enfin, l’examen des globes oculaires et des dents, souvent négligé, ne doit pas être
oublié
1.4. Imagerie
Lors d’un traumatisme facial d’allure bénigne, des incidences de radiographie
conventionnelle bien choisies et des clichés correctement réalisés permettent dans
la majorité des cas de réaliser un bilan lésionnel d’urgence. Cependant, si l’accès
à la radiographie conventionnelle est facile aux urgences, elle nécessite parfois des
positions contraignantes, en particulier lorsqu’elle fait appel à la mobilisation du
rachis cervical. Par ailleurs, elle est significativement plus irradiante et moins
exhaustive en termes de bilan lésionnel qu’une TDM.
En pratique aujourd’hui, il est difficile de ne pas réaliser d’emblée une TDM
lorsqu’une imagerie est nécessaire pour documenter un traumatisme facial dans
un service d’urgences (4), sauf pour l’exploration de la mandibule pour laquelle
une radiographie panoramique peut parfois suffire.
1.5. Les plaies
La prise en charge d’une plaie de la face nécessite avant tout de bonnes conditions
de travail : un bon éclairage, une bonne installation du praticien, et un matériel de
suture adéquat. Étant donnés les risques locorégionaux liés à une surinfection, un
lavage généreux et une désinfection locale particulièrement minutieuse sont
réalisés. Le nettoyage de la plaie s’effectue depuis la superficie vers la profondeur en
prenant soin de rechercher et de retirer tout corps étranger. La vigilance est de mise
en présence de bris de verre (peu visibles) et de corps étrangers type goudron (risque
de tatouage séquellaire). Si nécessaire, on procède à une analgésie soit par une
injection traçante des berges de la plaie, soit en procédant à un ou plusieurs blocs de
la face, qui présentent l’avantage de ne pas déformer les berges et de diminuer le
risque de toxicité lié au passage systémique de l’analgésique. Le parage est
économique du fait de l’abondante vascularisation de la face qui facilite à la fois la
survie des lambeaux et la diminution du risque de surinfection, cette économie
permettant par ailleurs d’éviter des tractions excessives sur les berges suturées.

La suture se fait plan par plan à l’aide de fil fin (5/0, 6/0, ou 7/0). Les plans
profonds sont réalisés avec du fil résorbable par des points inversés permettant de
diminuer la tension cutanée en surface et de présenter un support le plus plan
possible à la peau. Pour cette dernière, on utilise du fil non résorbable et on réalise
des points plutôt éversés (tendance secondaire à l’invagination) à distance des
berges et sans les serrer, voire un accolement simple des berges. Une vigilance
toute particulière quant au respect des lignes de tension et d’union à l’aide d’un
fil repère posé avant la suture proprement dite (lèvres, narines, paupières, sourcils,
scalp) permet d’éviter des séquelles esthétiques (ex. : décalage « rouge-blanc »
après suture de la lèvre) voire fonctionnelles (ex. : décalage des berges lors de la
suture de l’orbiculaire des lèvres) parfois invalidantes. Enfin, il ne faut pas oublier
la délivrance de consignes strictes avant la sortie du patient : désinfection
pluriquotidienne, application régulière de vaseline qui ramollit les croûtes et
empêche leur adhésion à la cicatrice, réévaluation précoce de la cicatrisation (dés
le deuxième jour), ablation précoce des points (après cinq à sept jours), malaxage
fibrinolytique et photoprotection de la cicatrice durant la 1re année.
Toute plaie simple (non délabrée) superficielle (cutanée) de la face
doit pouvoir être prise en charge par un médecin urgentiste (1)
Les brûlures et les morsures sont des plaies particulières du fait de leur impact
esthétique (donc psycho-socio-professionnel) potentiel ou patent.
Les brûlures, dont l’oedème peut masquer des fractures, se compliquent entre
autres par des rétractions. Leur survenue doit systématiquement faire évoquer une
maltraitance, en particulier chez l’enfant en présence de lésions d’âges différents.
Les sites à risques tels que les globes oculaires, les orifices narinaires, ou le pavillon
de l’oreille appellent à une prise en charge particulière. La conduite à tenir
immédiate consiste à un refroidissement de la lésion à l’aide d’eau ou de gel
d’eau, à l’ablation prudente de tout corps étranger non adhérent, à une
désinfection locale, et à une protection par pansement gras.
MESSAGE PRATIQUE : brûlure de la face = avis brûlologue en urgence
Les complications liées aux morsures sont principalement dues à la destruction
tissulaire et à la surinfection (flore de surface, anaérobies de la flore buccale,
tétanos, voire rage). La conduite à tenir immédiate consiste à un lavage abondant
(irrigations) suivi d’une désinfection locale efficace, à la mise en route d’une
antibiothérapie préventive (amoxicilline + acide clavulanique en première
intention), à une prévention du tétanos (vérification du statut vaccinal,
sérothérapie), et à l’évaluation de l’indication d’une vaccination antirabique en
urgence, en particulier si un chien ou une chauve-souris est à l’origine de la
morsure. La suture est contre-indiquée en cas de plaie profonde, examinée plus de
24 heures après l’accident, ou cliniquement infectée : elle laisse alors sa place
à une cicatrisation dirigée étroitement surveillée. Dans le cas contraire, une suture
jamais étanche (colle contre-indiquée) peut être réalisée.

2. Traumatismes topographiques bénins les plus fréquents


2.1. Fractures frontales
Elles intéressent essentiellement les traumatismes crâniens ou craniofaciaux et
sont considérées comme un traumatisme facial pur uniquement lorsque seul l’os
frontal en lien avec la face est atteint (tiers inférieur). Les principaux risques sont
septiques (sinus frontaux) et esthétiques. L’imagerie est idéalement une TDM
(exploration craniofaciale). Le traitement, lorsqu’il est chirurgical, consiste à une
réduction ostéosynthésée par plaques.
2.2. Fractures nasales
Ce sont les fractures de la face les plus fréquentes (40 %). Elles concernent surtout
les os propres du nez, moins souvent la cloison nasale (fracture, luxation). Elles
sont volontiers hémorragiques du fait d’une vascularisation abondante par un
système d’arcades artérielles. L’interrogatoire retiendra une déformation ancienne
connue et le mécanisme de la fracture, le plus souvent un impact latéral à l’origine
d’un déplacement controlatéral . L’interprétation de l’inspection est difficile du
fait de l’oedème sauf en cas de prise en charge très précoce ; elle recherche une
ecchymose infraorbitaire, une déviation de l’axe de la pyramide nasale ou une
plaie. La rhinoscopie antérieure est systématique afin d’éliminer un hématome de
cloison, complication rare mais grave. La palpation recherche une mobilité des os
propres du nez, un emphysème sous-cutané, et un enfoncement de la glabelle. Le
diagnostic est clinique, l’imagerie est donc inutile sauf en cas de suspicion de
complication . Le cas échéant, une indication chirurgicale sera posée lors d’une
consultation posturgence vers le cinquième jour, après un examen dont la
rentabilité sera augmentée après régression de l’oedème.
Les risques spécifiques d’une fracture nasale sont :
– l’hématome de cloison, urgence chirurgicale motivée par un risque de
surinfection, de nécrose et de perforation ;
– la désinsertion cartilagineuse, pouvant aboutir à une nécrose du cartilage lors
des fractures dites en « coup de vent » ;
– les rétractions secondaires, lors des plaies de l’orifice narinaire ;
– le choc hémorragique, lors des épistaxis non contrôlables, parfois distillées donc
trompeuses ;
– une conséquence esthétique, donc psycho-socio-professionnelle ;
– une conséquence fonctionnelle, par modification de la rhéologie.
La conduite à tenir, si la prise en charge est précoce, peut commencer par une
tentative de réduction manuelle immédiate. L’application locale de glace, à l’aide
de petits pois surgelés par exemple, est complétée par l’administration
d’antalgiques. En cas d’épistaxis persistante, un méchage antérieur gras prudent
est réalisé pour 2 à 3 jours. Une antibioprophylaxie y est parfois associée, mais
comme après rhinoplastie, son indication n’est pas consensuelle et il n’existe

pas de recommandation officielle. Le collège français d’ORL considère que la


littérature confirme, au travers d’études randomisées, qu’un méchage de moins
de 48 heures ne justifie d’aucune antibiothérapie.
Le patient sera revu en consultation spécialisée après régression de l’oedème (cinq
à dix jours plus tard). Dans l’attente, il est autorisé à se moucher avec prudence et
après instillation de sérum physiologique. La consultation spécialisée permettra un
bilan lésionnel à froid et l’évaluation de l’indication chirurgicale (réduction sous
anesthésie générale, packing, pose d’un plâtre). En cas de séquelle esthétique
invalidante, une rhinoplastie pourra être proposée à distance. Enfin, en cas de
plaie du bord libre de la narine, un conformateur en silicone est prescrit pour une
durée de 3 semaines.
Un piège à ne pas méconnaître est la Disjonction Orbito-Naso-Ethmoïdo-Frontale
(DONEF). Il s’agit d’un effondrement centro-facial au cours duquel les os nasaux
s’enfoncent sous la base du crâne au dépens du sinus ethmoïdal. Elle peut
faussement donner le change avec une fracture nasale simple si l’oedème posttraumatique
est important. Elle est caractérisée par un aspect d’ensellure au
niveau de la glabelle avec, au palper, la perception d’un espace mou douloureux
entre la peau et les os propres du nez, un hématome sous-orbitaire bilatéral, et un
télécanthus. Une TDM permettra de confirmer le diagnostic.

2.3. Traumatismes orbitaires


Le cadre orbitaire est constitué de 7 os (frontal, maxillaire, zygomatique,
sphénoïde, éthmoïde, palatin et lacrymal), d’où une rapide complexité des
fractures en cas de traumatisme violent. En pratique pour l’urgentiste, les
traumatismes faciaux d’allure bénigne de l’orbite se résument aux traumatismes
bénins du globe oculaire et/ou de ses annexes, et aux fractures non compliquées
du plancher orbitaire.
À l’inspection, on recherche une asymétrie des orbites, une dystopie parfois
révélée par une en- ou une ex-ophtalmie, un oedème ou une ecchymose périorbitaire
en ayant toujours en tête qu’un hématome périorbitaire bilatéral est une
fracture de la base du crâne jusqu’à preuve du contraire.
La palpation recherche prudemment une cassure de la régularité du cadre
orbitaire, des crépitations, et une hypoesthésie dans les territoires des V1 et V2.
On localise les plaies et on identifie les éventuels sites à risque : une plaie de bord
libre de paupière (risque esthétique, risque fonctionnel cornéen en l’absence de
réalignement strict), du muscle releveur de la paupière (qui peut initialement être
masquée par l’oedème post-traumatique et qui expose au risque de ptosis
séquellaire), ou du canthus interne (qui fera automatiquement suspecter une
atteinte des voies lacrymales) doit faire demander un avis spécialisé en urgence.
Également, toute douleur du globe et toute baisse de l’acuité visuelle doivent être
explorées en urgence et faire rechercher un corps étranger (superficiel voire
intraoculaire), un syndrome de loge orbitaire (révélé, entre autres, par une baisse
d’acuité visuelle associée à une mydriase unilatérale), ou une contusion du globe
(qui peut être révélée par un hématome conjonctival, un hyphéma ou une hernie
irienne). On peut également rechercher, lorsqu’on dispose d’unidoses de
fluorescéine, une zone de la surface du globe qui la fixe ou qui la lave, révélant
ainsi respectivement un ulcère traumatique de la cornée ou, plus grave, une plaie
transfixiante de la surface du globe à l’origine d’une fuite d’humeur aqueuse
(signe de Seidel).
MESSAGES PRATIQUES :
– une paralysie du III est un syndrome de loge jusqu’à preuve du contraire et
constitue une urgence horaire ;
– en cas de douleur du globe, penser à rechercher un corps étranger sous
palpébral en retournant la paupière supérieure ;
– en cas d’oedème palpébral, il faut toujours examiner le globe sous-jacent ;
malgré l’oedème, on peut toujours entrouvrir les paupières ! ;
– les plaies potentiellement à risque nécessitent d’être prises en charge par un
ophtalmologiste.
En cas d’impact orbitaire violent, une diplopie binoculaire, une douleur à
l’élévation du globe voire une impossibilité à élever le globe, et une hypoesthésie
du V2 (le nerf infra-orbitaire chemine sous le plancher orbitaire) doivent être
recherchées. La présence d’au moins un de ces signes doit motiver la réalisation
d’une TDM en urgence à la recherche d’un oedème intra-orbitaire compressif,
d’une fracture du plancher en « blow out » (effondrement du plancher avec
pénétration sinusienne du contenu orbitaire) ou d’une fracture du plancher en
« trap door », urgence chirurgicale du fait de l’incarcération du muscle droit
inférieur dans le foyer fracturaire, à l’origine d’un risque de nécrose musculaire
donc de diplopie séquellaire.

MESSAGES PRATIQUES :
– toute ophtalmoplégie ou diplopie douloureuse est une urgence chirurgicale
jusqu’à preuve du contraire et impose la réalisation d’une TDM diagnostique en
urgence. L’association d’une diplopie et d’une impossibilité douloureuse d’élever
le globe oculaire est une fracture en « trap door » jusqu’à preuve du contraire ;
– une diplopie post-traumatique inexpliquée impose la réalisation à court terme
d’un test de Lancaster ;
– ne pas faire moucher un patient présentant une fracture du plancher lorsqu’elle
est associée à une épistaxis.
2.4. Fractures de la pommette
La pommette est l’angle antéro-latéral le plus exposé de la face. Elle est constituée
d’un os central, l’os zygomatique, qui est qualifié de tripode car émet des
pseudopodes osseux vers d’autres os de la face : le frontal, l’orbite (plancher
inféro-latéral), et le temporal. Ce dernier se prolonge par l’arcade zygomatique qui
recouvre, via son prolongement temporal, le tendon du muscle temporal.
Les fractures, l’os zygomatique sont consécutives à des impacts, plus ou moins
obliques et sont associées à des enfoncements, des disjonctions, et des
déplacements postéro-latéraux.

L’inspection recherche les ecchymoses et les plaies mais surtout une asymétrie des
reliefs de la pommette qui, encore une fois, peut initialement être peu voire pas
visible du fait de l’oedème post-traumatique. Elle recherchera également une
dystopie et une élévation incomplète et douloureuse du globe. Enfin, elle évalue
l’ouverture buccale dont la limitation douloureuse fait évoquer une incarcération
ou un embrochage du tendon du muscle temporal qui, en l’absence de libération,
va évoluer vers une fibrose rétractile invalidante.
La palpation est prudente et recherche une cassure du relief voire une mobilité
osseuse, une douleur élective, une hypoesthésie dans le territoire du V2, une
crépitation évoquant une atteinte de l’intégrité du sinus maxillaire sous-jacent. En
situation endobuccale, elle permet de palper l’ensemble du cintre maxillozygomatique.
Si nécessaire, l’imagerie à réaliser est une TDM.

2.5. Fractures maxillaires


Les traumatismes bénins du maxillaire se résument à la fracture de la paroi
antérieure du sinus maxillaire. Le traitement est médical et consiste en une
consolidation spontanée durant laquelle le patient ne doit pas se moucher.

2.6. Traumatismes de l’oreille


Un hématome du pavillon doit être évacué lorsqu’il est significatif afin de ne pas
être à l’origine d’une nécrose du cartilage. De même, toute plaie du cartilage doit
être soigneusement désinfectée et ce dernier, qui doit toujours être recouvert, ne
nécessite pas d’être suturé.
Toute otorrhée séreuse doit faire suspecter une brèche ostéo-méningée, toute
plaie du conduit auditif externe associée à cette brèche expose au risque de
contamination méningée.
Toute otorragie doit faire rechercher une plaie du conduit auditif externe, mais
surtout une fracture du rocher et/ou de l’ATM : la fracture du tympanal par
impaction du menton est une cause classique d’otorragie.
Toute paralysie faciale périphérique dans ce contexte doit faire rechercher une
atteinte du nerf facial par fracture du rocher, et la présence de signes
acoumétriques et/ou de vertiges une contusion de l’oreille moyenne et/ou interne.
La TDM en coupes fines permettra de préciser le bilan lésionnel.
MESSAGES PRATIQUES :
– tout traumatisé facial doit bénéficier d’une otoscopie systématique ;
– toute otorrhée séreuse, otorragie, ou paralysie faciale périphérique impose la
réalisation d’une TDM diagnostique.
2.7. Traumatismes mandibulaires
La mandibule est un des « pare-chocs » de la face particulièrement exposé,
frontalement et latéralement étant donnée sa situation anatomique. Elle est
caractérisée par une forme particulière en fer à cheval angulé expliquant des
fractures fréquemment multiples lors d’un même traumatisme, et par une double
articulation condylienne dite « suspendue » au crâne. Elle est de haut en bas
divisée en 4 secteurs : en arrière l’unité condylienne, en avant le coroné, et au
dessous l’angle qui se prolonge par la branche horizontale, support de l’arcade
dentaire inférieure, d’où la possibilité de troubles de l’articulé dentaire lors de
certains traumatismes. Les nombreux et souvent puissants muscles qui s’insèrent
sur la mandibule expliquent les fréquents déplacements fracturaires constatés
dans les 3 plans de l’espace.
Les fractures mandibulaires représentent une bonne partie des fractures de la face
et sont souvent dues à des traumatismes en deux-roues lors d’une protection
insuffisante de la tête. Certaines zones sont plus souvent touchées : la branche
horizontale, l’angle et le condyle.
L’inspection recherche une asymétrie de la face à l’étage mandibulaire et plus
particulièrement une paralysie faciale inférieure unilatérale. Elle recherche
également un trouble de l’articulé dentaire, une limitation douloureuse de
l’ouverture buccale et, dans la bouche, des plaies (risque d’hémorragie distillée),
des hématomes (risque d’obstruction aiguë), et des écarts interdentaires. Un
examen otoscopique est systématiquement réalisé à la recherche d’une otorragie
voire d’une simple ecchymose de la partie antérieure du conduit auditif externe,
d’une rupture tympanique, ou d’un hémotympan, qui peuvent trouver leur origine
dans une fracture du tympanal secondaire à une fracture du condyle mandibulaire
avec déplacement postérieur.
RAPPELS PRATIQUES :
– tout traumatisé facial doit bénéficier d’une otoscopie systématique ;
– toute paralysie faciale périphérique impose la réalisation d’une TDM.
La palpation recherche une douleur élective en particulier au palper prétragien du
condyle, une mobilité osseuse anormale, un trouble sensitif évoquant une atteinte
du rameau mandibulaire du nerf V3.
Si un examen d’imagerie s’avère nécessaire, une TDM, qui reste l’examen
d’imagerie le plus contributif, pourra être réalisée d’emblée. À défaut et selon le
contexte, les radiographies à demander sont la radiographie panoramique (qui
visualise toute la mandibule de face), éventuellement complétée par une incidence
« face basse », incidence orthogonale à la précédente exposant les portions
verticales de la mandibule et présentant un intérêt en cas de déplacement latéral.
D’un point de vue topographique, les fractures mandibulaires à risque sont en
premier lieu représentées par la fracture bi-parasymphysaire et à son classique
risque d’obstruction aiguë des voies aériennes supérieures par glossoptose.
Sur le plan de la sensibilité, ces fractures exposent au risque de lésion du nerf
mandibulaire (V3) et de ses prolongements alvéolaire et mentonnier. La fracture
de la branche horizontale peut léser le nerf alvéolaire inférieur et les branches à
destinée dentaire qu’il émet régulièrement à mesure qu’il chemine dans la
mandibule. Le nerf mentonnier, qui émerge en regard de la 2e prémolaire
inférieure, assure la sensibilité de l’hémi-lèvre inférieure et l’hémi-menton (peau)
homolatéraux.
Lors de fractures très déplacées du ramus, le rameau mandibulaire du nerf facial
peut être lésé et ainsi altérer la motricité d’une partie de la musculature labiale
inférieure.
Les fractures de l’angle exposent à une atteinte de la parotide et du nerf facial
sous-jacents, les fractures du coroné à une atteinte de l’insertion du muscle
temporal, et les fractures du condyle à une atteinte indirecte de l’oreille moyenne.
Les fractures à l’origine de troubles de l’articulé dentaire peuvent perturber les
fonctions de mastication, de déglutition, de phonation, ainsi que la posture. Les
déplacements sont facilités par une puissante musculature, des douleurs
invalidantes sont fréquentes. Chez l’enfant, la denture provisoire et la croissance
mandibulaire présentent des risques spécifiques.
Une attention toute particulière doit être portée aux fractures de l’articulation
temporo-mandibulaire (ATM), à haut risque de séquelles fonctionnelles
représentées par les possibilités d’ankylose et de remaniements ostéocartilagineux
voire d’ostéosynthèse pathologique, induisant une limitation plus ou
moins douloureuse de l’ouverture buccale.
La stratégie thérapeutique n’est pas toujours consensuelle. Elle est basée sur des
considérations anatomiques et fonctionnelles et dépend de l’atteinte ou de
l’intégrité de l’ATM et de l’articulé dentaire. Le traitement médical fonctionnel
consiste essentiellement à une alimentation mixée pour décharger la mandibule
des contraintes mécaniques masticatoires et à une rééducation. En cas
d’indication chirurgicale, une ostéosynthèse (vis et miniplaques) et/ou un blocage
maxillo-mandibulaire en position neutre (fils d’acier +/- élastiques) seront mis en
place.
En cas de plaie hémorragique du plancher buccal, l’hémostase sera réalisée par
compression (packing). En l’absence d’hémostase malgré ce geste, un avis
spécialisé sera demandé en urgence et, à l’extrême, une ligature de l’artère
linguale pourra être réalisée.
En cas d’hématome, une surveillance armée de sa potentielle expansion sera de
mise (risque d’obstruction aiguë des voies aéro-digestives supérieures).
Enfin, après réalisation d’un examen d’imagerie permettant d'éliminer une fracture,
tout urgentiste doit être capable de réduire une luxation antérieure temporomandibulaire
par la manoeuvre de Nélaton. Elle se présente comme une mandibule
bloquée en ouverture plus ou moins associée à une douleur homolatérale à la
luxation, à la suite d’un impact, d’une circonstance particulièrement sollicitatrice de
l’ATM telle qu’un bâillement, ou spontanément. Elle est associée à une
hypersialorrhée et à une déviation controlatérale du menton, ou à un prognathisme
en cas de luxation bilatérale. La manoeuvre de réduction doit être la plus précoce
possible car, comme pour la luxation antéro-interne de l’épaule, il est d’autant plus
facile de réduire la luxation que cette dernière est récente, l’installation de la
contracture réactionnelle se confirmant avec le temps. La manoeuvre consiste à
appliquer les pouces de l’opérateur sur les arcades dentaires inférieures du patient
puis, après avoir abaissé la mandibule, à la repousser jusqu’à faire regagner sa place
au(x) condyle(s) luxé(s). Un ressaut pourra éventuellement valider ce geste dont le
succès sera authentifié par un retour à une course mandibulaire normale. Après
réduction, le patient rentrera à domicile, adoptera une alimentation molle et évitera
les comportements à risque (situations d’ouverture ample de la cavité buccale) dans
l’attente d’un avis spécialisé.

2.8. Traumatismes dentaires


L’examen des dents, souvent négligé, fait partie de l’examen clinique à réaliser
après traumatisme facial. Il recherche des luxations et des fractures (coronaires,
radiculaires, alvéolo-dentaires).
Dans la mesure du possible, chez l’adulte, le traitement est conservateur. Les
luxations partielles et les fractures sont traitées par réduction puis contention,
dans l’espoir de la persistance d’une vitalité pulpaire. Les luxations complètes sont
réduites et contenues en urgence du fait de la durée limitée de la survie des
cellules dévolues à la régénération de l’os (cellules desmodontales).
Chez l’enfant, l’objectif principal du traitement est une préservation du germe de
la dent définitive, aussi les indications d’avulsion de dents lactéales sont plus
larges et posées en cas d’atteinte pulpaire ou de luxation instable.
Dans tous les cas l’avis d’un chirurgien-dentiste sera sollicité dès que possible

3. Conclusion
Un traumatisme facial d’allure bénigne ne pourra finalement être qualifié de
réellement bénin qu’après élimination de complications potentiellement
invalidantes. Ces dernières peuvent initialement peu s’exprimer cliniquement alors
que leur prise en charge relève parfois de l’urgence horaire. Un examen clinique
minutieux systématique, complet, et exhaustivement consigné, éventuellement
appuyé par des examens d’imagerie (idéalement une TDM), est donc indispensable
pour éviter au patient des séquelles parfois invalidantes et définitives.

Références
1. Giraud O., Teysseres N., Brachet M. Traumatisme maxillofacial. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-200-C-30, 2007.
2. Carvalho T.B. Six yeats of facial trauma care: an epidemiological analysis of 355 cases.
Braz J Otorhinolaryngol, 2010 Sep-Oct ; 76(5) : 565-74.
3. Pharaboz C. Les traumatismes du massif facial, http://www.med.univ-rennes1.fr/cerf/
edicerf/NR/NR006.html, 1995.
4. HAS, Indications de la radiographie du crâne et/ou du masif facial, rapport d’évaluation
technologique, Service évaluation des actes professionnels, février 2008.
5. http://www.infectiologie.com/site/medias/enseignement/CMIT/Popi-2009-Chap15-
corrige.pdf
6. Cummings C.W., Fredrickson J.M., Harker L.A. et al. Otolaryngology – Head & Neck
Surgery, vol. 2, 3e éd. Missouri : Mosby ; 1998.
7. Indications de la radiographie du crâne et/ou du massif facial, HAS 2008.
8. Gioacchini F.M., Alicandri-Ciufelli M., Kaleci S., Magliulo G., Re M. The role of antibiotic
therapy and nasal packing in septoplasty. European Archives of Oto-Rhino-Laryngology,
2013 : epub.
9. Wiel E., Raoul G., Pertuzon B., Menu H. Traumatismes maxillo-faciaux. Congrès
national d'anesthésie et de réanimation 2008 (Elsevier Masson SAS), Conférences
d'actualisation, p. 189-202.

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