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L'Homme

Les Religions de l'Europe du Nord. Eddas, sagas, hymnes


chamaniques. Textes traduits et présentés par R. Byer et E. Lot-
Falck
Roberte Hamayon

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Hamayon Roberte. Les Religions de l'Europe du Nord. Eddas, sagas, hymnes chamaniques. Textes traduits et présentés par
R. Byer et E. Lot-Falck. In: L'Homme, 1975, tome 15 n°2. pp. 144-146;

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144 COMPTES RENDUS

tables, « la propriété est partagée entre deux ou plusieurs sections du ramage [...] Une
fois opérée, cette distinction est absolue. Chaque section reçoit des droits entiers et
exclusifs sur les droits qui lui reviennent en partage » (p. 44 ; souligné par nous). On peut
alors se demander comment ces nouveaux groupements à affiliation exclusive s'intègrent
à un système tout d'abord décrit comme parfaitement indifférencié et non défini,
d'affiliations non exclusives. L'auteur, influencé par le fameux « Ancestor's Worship in
Anthropology » de H. W. Scheffler mais ne s'appuyant pratiquement jamais sur les
travaux de W. H. Goodenough, semble ainsi osciller entre deux thèses apparemment
incompatibles, et mésestimer des phénomènes de choix résidentiels. Certes, plus la
densité de population est faible, plus les individus ont la possibilité d'activer des
affiliations en grand nombre. Mais si ces dernières sont en fait des affiliations à un domaine
foncier et non à un groupe, elles offrent nécessairement un caractère exclusif : qui choisit
d'exploiter une tarodière ou une caféière ne peut pas simultanément exploiter toutes
les autres ; l'ambiguïté des choix n'est pas nécessairement contradictoire avec leur
caractère exclusif. Au lieu de s'affirmer comme membre d'un ramage et s'exclure ainsi
des autres, on peut être membre de deux ramages et s'exclure tout autant des autres,
seule démarche permettant par ailleurs de définir les ramages eux-mêmes.
Malgré ces confusions dues au désir d' Allan Hanson de conserver aux ramages râpa
leur spécificité, son livre constitue sans aucun doute une contribution doublement
stimulante à l'anthropologie des sociétés cognatiques et à la connaissance de la Polynésie.
Jean-François Baré

Les Religions de l'Europe du Nord. Eddas, sagas, hymnes chamaniques. Textes traduits
et présentés par Régis Boyer et Eveline Lot-Falck. Paris, Fayard /Denoël, 1974,
754 p. (Le Trésor spirituel de l'Humanité).

Deux mondes culturels se partagent, mais fort inégalement (d'abord en quantité :


598 pages contre 132), ce gros volume.
Le premier est celui, prodigieusement fascinant, des anciens Scandinaves. Il se dévoile
au fil de textes qui n'avaient jamais, auparavant, été rassemblés en un si imposant
ensemble. La traduction en est belle et homogène ; et si la préciosité et l'archaïsme dont
elle est empreinte ne correspondent pas au style réel de ces textes dans leur vécu
historique (mais comment en juger ?) on leur pardonne, ainsi qu'aux coups de pouce au
bénéfice de la rime, tant il est savoureux de se laisser entraîner si harmonieusement
parmi les elfes, les Vikings, les Niebelungen et autres revenants de nos contes d'enfants.
Mais surtout, qu'on ne se prépare pas à une lecture autre que littéraire de documents
passionnants, ou effectuée dans l'état d'esprit de l'analyste face à un corpus brut. Qui,
en effet, prétend toucher au cœur d'une religion, s'expose, s'il lit les commentaires,
et surtout en commençant par 1' « étude liminaire » sur le « sacré », à être déçu, irrité,
déconcerté. M. Boyer est un philologue, un traducteur littéraire, mais pas un spécialiste
des religions. Le lecteur, plongé d'emblée dans un « sacré » flottant, abusif, que l'auteur
ne parvient pas à traquer faute de l'avoir défini, est graduellement étourdi par un
fantastique ballet de divinités pas ou mal caractérisées. Après s'être frayé un chemin à
travers le lyrisme qui déferle sur le panthéon — superbe au demeurant — , le lecteur
est convié à « disputer pour savoir quel est le dieu suprême » (p. 12) et puisque,
apparemment, il en fallait un, à le voir créer de toutes pièces : destin anonyme et informe,
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mais capable de regrouper sous ses ailes fatales des forces surnaturelles qu'on ne parvenait
pas à classer. Christianocentrisme, mysticisme, conception psychologique, individualiste
des croyances, le tout dans une écriture qui, poétique et heureuse dans les textes, n'est
plus ici que prétentieuse ; et, de surcroît, pour aboutir à une paraphrase du matériau,
confuse et tendancieuse, où les jugements de valeur tiennent lieu d'analyse.
En outre, les informations qu'on y chercherait — par exemple sur le contexte
d'élaboration de ces textes — ne s'y trouvent pas. On espère alors une compensation
philologique : voici enfin, dans les « approches techniques » (pp. 66 sq.) des éléments précis,
des définitions, des données sur une métrique fort intéressante ; pourtant, on recommence
à sourciller devant cette qualification du norois, « langue fortement infléchie [...] au
mépris de toute syntaxe » (p. 67). (Une langue pourrait donc se passer de syntaxe ?
L'auteur voulait sans doute dire que les fonctions syntaxiques étaient assurées par la
morphologie.) Les genres sont ensuite passés en revue. Quelques mots sur leur forme
n'auraient pas été mal venus, et l'on gagne toujours en clarté à approfondir une typologie.
D'autant plus que les textes eux-mêmes semblent pouvoir se prêter admirablement à ce
type d'analyse, comme à bien d'autres du reste : quel profit, par exemple, ne tirerait-
on pas sur tous les plans d'une analyse du « dit d'Alvis » (pp. 70-77) ?
Ainsi mis en condition, on ne s'étonne plus d'une présentation des mythes qui fait
relever certains d'entre eux d' « interprétations animistes, et d'autres, de préférence,
d'interprétations symboliques » (chap. 2). L'énoncé des trois fonctions prend ses
distances avec le modèle dumézilien ; et ne sont retenues de l'œuvre de Dumézil que des
explications de détail, sans que sa démarche d'ensemble ait, semble-t-il, été comprise.
Peut-être aurait-elle pu aider l'auteur dans sa préoccupation de faire « de toute cette
poussière de mythes et de traditions sacrées [...] un tout à peu près cohérent » (p. 373).
Peut-être aussi un brin d'ethnologie l'aurait-il incité à chercher comment et pourquoi
une société a élaboré ces textes et ce que ceux-ci en révèlent, et non pas quel impact
les textes ont pu avoir sur les hommes de l'époque (p. 581).
Mais après tout, à quoi bon demander à ce commentaire ce que l'auteur n'a ni voulu
ni prétendu y mettre : « II est inutile de préciser, dit-il, que ce livre n'entendant pas
avancer de théorie explicative nouvelle et ne cherchant qu'à présenter de beaux vieux
textes sous leur meilleur jour, si possible, l'attention qui sera apportée aux systèmes
ou théories en question est secondaire et ne relève guère de l'histoire des religions »
(p. m). Alors, on aurait pu se dispenser des frais d'institution d'un être suprême ; le
commentaire, s'effaçant au profit des textes, eût pu nous livrer, telle quelle, la grande
érudition de l'auteur et laisser à sa seule traduction le soin d'exprimer sa passion pour
ces textes.
La seconde partie nous ouvre le monde sibérien : Ougro-Samoyèdes, Turco-Mongols,
Toungouses, Paléosibériens (Ket, Ghiliak) et Paléo-arctiques (Tchouktichi), reliés parle
fil conducteur du chamanisme, dont ils représentent les principales variantes sibériennes.
Joignant au souci du faire-sentir de son coauteur celui du faire-connaître et du faire-
comprendre, E. Lot-Falck donne en quelques pages un aperçu clair et précis du
chamanisme, sans en masquer les problèmes, particulièrement celui de sa définition et de
son appréciation en tant que phénomène religieux. Choquée par les usages abusifs du
terme et soucieuse de serrer au plus près les notions qu'il convoie, elle en arrive à nier
qu'il s'applique à un phénomène religieux en soi, et à se contenter de l'utiliser en adjectif.
Ainsi, des « pratiques chamanistiques » peuvent « être associées à n'importe quel système
religieux » (p. 615), et cet « ensemble de pratiques », sans être l'expression de croyances,
ne fait que représenter « un mode de communication avec le surnaturel » (n'est-ce pas
là le propre de toute religion ?).
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Cette rigueur un peu excessive a peu à peu cédé le pas, dans la conception dé E. Lot-
Falck, à une tendance à reconnaître au chamanisme un statut de système plus organisé.
En tout cas, la rédaction, déjà ancienne (1967), de cette introduction qu'elle n'a pu
revoir avant sa mort prématurée, ne me semble pas représenter le dernier état de sa
pensée. Sa conception n'aurait certainement pas pu s'accommoder de l'usage fait du
terme dans la première partie du volume, où le chamanisme, pourtant bien défini par
M. Boyer comme un ensemble cohérent et organisé de croyances et de pratiques (pp. 525,
541), est ensuite interprété comme une magie dont on ne sait quel rapport elle entretient
avec ce qui était évoqué comme religieux dans les chapitres précédents.
Établi sur la base du chamanisme réputé le plus authentique et le plus complet
— le sibérien —, un exposé, quoique bref, des caractéristiques de la vocation du chamane
à l'issue d'une crise nerveuse, des modalités de sa formation et de son action, de la
nature de son contact avec le surnaturel, ainsi qu'un schéma-type de séance chama-
nique, remettent au point les idées du lecteur d'Eliade. Bien sûr, l'essence du
chamanisme reste le voyage de l'âme du chamane dans le monde surnaturel, voyage effectué
dans un état de transe volontaire et maîtrisée, et dont le but est d'éloigner les maux.
E. Lot-Falck remarque que ce rôle guérisseur est le dernier à résister à l'invasion des
religions conquérantes (p. 617) ; et elle attribue cette orientation inéluctable du
chamanisme en déclin au fait qu' « il ne procède pas d'un culte organisé » ; et que c'est « l'homme
qui précède » (p. 615). Les facteurs sociaux dans la pression des religions conquérantes
— par exemple sur les fonctions claniques du chamane — ne sont sûrement pas
négligeables. Mais, surtout, n'y a-t-il vraiment au niveau des croyances aucune implication
du phénomène chamanique ? Peut-on convaincre que celui-ci peut se greffer sur
n'importe quel système religieux, pour la raison même qu'il se satisfait de divinités plus ou
moins interchangeables et situées à tous les niveaux, et que ses manifestations rituelles
sont diverses ?
Les textes choisis constituent un échantillonnage unique, représentatif tant de la
carte ethnique de la Sibérie que des fonctions chamaniques. Ils sont scrupuleusement
traduits (mais du russe, à l'exception de quelques invocations bouriates et yakoutes) ;
toutefois, elliptiques, chargés de symboles et d'euphémismes étant donné les tabous
de langage, ils ne livrent pas aisément leur secret. Heureusement, des notes en facilitent
l'accès. Mais il n'était pas dans le style de l'ouvrage d'accueillir les commentaires
analytiques que E. Lot-Falck était en mesure d'en donner. Ces notes, dont une bonne partie
est consacrée à l'explication de termes laissés en langues indigènes dans la traduction,
minimisent l'inconvénient que cette traduction ait été effectuée par le truchement d'une
langue intermédiaire, d'autant plus que E. Lot-Falck avait une bonne connaissance de
plusieurs de ces langues. Toujours est-il qu'elle a su, par sa fidélité, conserver aux textes
toute leur fraîcheur et transmettre tout leur intérêt. On goûte particulièrement la
saveur du si vivant récit toungouse.
Au total, deux corpus sans égaux.
Roberte Hamayon

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