Annales.

Economies, sociétés,
civilisations

Jean Delumeau, La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles). Une

cité assiégée
François Lebrun

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Lebrun François. Jean Delumeau, La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles). Une cité assiégée. In: Annales. Economies,
sociétés, civilisations. 34ᵉ année, N. 6, 1979. pp. 1262-1266;

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COMPTES RENDUS
pénitents mariés culpabilisés auteur se
refuse toutefois établir des corrélations
trop étroites entre ce rigorisme générateur
anxiété chez les fidèles et le retard de âge
au mariage voire le non-mariage une
partie de la population révélés par la
démographie historique Beaucoup ayant
pas les moyens de fonder une famille ou
parvenant que tardivement la répres
sion sexuelle était inévitable dirait-on vo
lontiers Raisonnement trop simple dit avec
perspicacité Thomas Tentler 21 ss)
pour adapter aux nouvelles données
démographiques et sociales ne fallait-il pas
faire preuve au contraire une certaine
tolérance envers la sexualité déviante
était-il pas rationnel atténuer la culpabi
lisation des célibataires en attente de ma
riage Mais un système moral est pas si
malléable il puisse répondre sans retard
aux sollicitations du présent
étude des péchés économiques et pro
fessionnels conduite en quelques pages
seulement est malheureusement beaucoup
plus sommaire que celle des fautes sexuel
les On aurait aimé voir prolonger ici les
analyses de Jacques Le Goff sur les manuels
de confesseurs des xne et xme siècles Pour
un autre Moyen Age pp 162-180 Redit-on
la veille de la Réforme il faut inter
roger sur les péchés habituels aux hommes
de la condition du pénitent et qu il ne
faut pas en effet questionner un chevalier
sur les péchés des religieux ou inverse
On reste sur sa faim avivée par quelques
lignes suggestives concernant la fa on de
questionner artisan a-t-il inventé telle
nouveauté plus par vanité que par néces
sité est toute la conception du progrès
qui est en cause autres textes permettent-
ils approfondir analyse
Malgré la valeur de cet ouvrage et la
compétence théologique dont auteur fait
preuve dans le dernier chapitre The wor
king of the sacrament of penance) force est
de reconnaître que histoire sociale de la
confession est encore amorcée Toutes
les couches de la société recourent-elles aux
mêmes guides spirituels Ne faudrait-il pas
analyser de plus près le rôle joué par les
frères mendiants très recherchés par les
1262
élites peut-être pour leur relative ouverture
esprit et plus sûrement pour leur propen
sion arroger le pouvoir absoudre les
cas réservés Il serait intéressant de voir
comment les directeurs de conscience des
grands de ce monde ont souvent joué en
même temps le rôle de conseillers poli
tiques Si le sacrement de pénitence est
désormais bien connu la sociologie des
confesseurs reste faire
Hervé MARTIN
Jean DELUMEAU La peur en Occident
XIV-XVIII siècles Une cité assié
gée Paris Fayard 1978 486
Au début de cette monumentale histoire
de la peur en Occident dont le présent
volume est une première partie Jean
Delumeau se défend avoir voulu recons
truire histoire partir du seul sentiment de
la peur Mais il estime et entend montrer
que dans le cadre de la civilisation occiden
tale entre le xive et le xvine siècle ce
sentiment est une clé susceptible expliquer
bien des comportements collectifs On peut
tenter en essayant de ne pas trop le trahir
de présenter son propos ensemble tel il
ressort non seulement de ce premier volet
mais de la suite annoncée Vers le milieu du
xive siècle Europe connaît un retourne
ment de la conjoncture maintenant bien
connu rentrée fracassante de la peste
suivie une longue présence repli agricole
et multiplication des mauvaises récoltes
Révoltes rurales et urbaines guerres
civiles et étrangères dévastent aux xive et
xve siècles un Occident plus ouvert que
jadis aux épidémies et aux disettes ces
malheurs en chaîne ajoutent la menace de
plus en plus précise du danger turc et le
Grand Schisme 1378-1417 qui parut aux
hommes glise le scandale des scanda
les Certes la fin du xve et la première
moitié du xvie siècle voient un redressement
de la situation démographique et écono
mique de Europe mais outre que disettes

et pestes continuent sévir les Turcs
accentuent leur pression au moins
Lepante 1571 et la réforme protestante
consomme la déchirure de la robe sans
couture du Christ accumulation de tant
agressions aboutit créer dans tout le
corps social un ébranlement psychologique
profond Celui-ci aurait pu déboucher sur
un complexe angoisse collective si les
hommes glise avaient pas démasqué
auteur de tous ces maux Satan et dressé
inventaire de ses agents le Turc le juif
hérétique la femme le sorcier En nom
mant ainsi les causes de épouvante ressen
tie ils substituaient la peur angoisse la
première plus facile supporter car elle
concerne le connu alors que la seconde est
autant plus insupportable elle est pas
clairement identifiée ces peurs nommées
les clercs ajoutèrent la peur de soi est-
à-dire la peur sciemment entretenue du
péché et du salut personnel dont ils firent le
ressort le plus puissant de leur pastorale Il
est vrai que dans le même temps ouvraient
des chemins pour sortir du pays de la peur
le chemin de oubli et de utopie qui mène
aux pays de cocagne le chemin de la mort
consolante et pour une minorité celui des
ferveurs mystiques Laissant pour le vo
lume suivant étude de la peur de soi et de
la sortie du pays de la peur Jean Delumeau
présente ici la situation de Europe occiden
tale comparée une cité assiégée et le
tableau de ses peurs obsidionales
Cette présentation tient compte implicite
ment de la distinction introduite au départ
entre angoisse et la peur bien que le terme
angoisse ne soit plus explicitement uti
lisé plus précisément Delumeau distingue
une part les peurs du plus grand
nombre peurs instinctives irrationnelles
souvent justifiées dans le contexte mental et
technique du temps parfois imaginaires
devant les maux terrifiants de ces siècles de
fer mais âge or a-t-il jamais existé
autre part les noms que la culture
dirigeante donne ces peurs pour mieux les
canaliser et les exorciser et quel terme
convient mieux il agit de débus
quer et de désarmer Satan Parmi les peurs
du plus grand nombre figurent abord la
PRATIQUES ET OBJETS CULTURELS
mer et la nuit peurs de tous les temps
comme le montrent de nombreuses cita
tions Homère Victor Hugo et qui ne
sont donc pas propres aux siècles qui vont
du xive au xvine ailleurs dans le cas de la
mer il agit pour le moins une peur
largement vaincue car quelles plus belles
victoires sur la mer variable où toute
crainte abonde que les grandes découver
tes et exploration des océans par les
Européens de Bartolomeu Dias James
Cook Il est pas sûr non plus que la
crainte de la nuit du loup des revenants
des comètes des étoiles de la lune soient
particulièrement caractéristiques de la
période étudiée pas plus que celle de la
nouveauté ou celle du voisin autant plus
redouté il est plus proche
En revanche la peste le mal qui
répand la terreur est bien spécifique de
cette période On sait comment réapparu en
Occident en 1348 le fléau règne état
endémique avec de brutales flambées épi-
démiques aux années 1670 sans
parler de accident proven al de 1720
appuyant notamment sur le livre récent
de Jean-Noël Biraben Jean Delumeau
présente une excellente typologie des com
portements collectifs en temps de peste On
du mal imaginer hui effroyable
épreuve que pouvait constituer une épidé
mie de peste bubonique ou pulmonaire et sa
répétition intervalles plus ou moins
réguliers la soudaineté de attaque la fuite
terrifiée de tous ceux qui le peuvent la
terrible mortalité parmi ceux qui sont restés
sur place la déstructuration de environne
ment quotidien provoquée par exode des
notables isolement des malades arrêt de
toute activité Cette situation de cauchemar
engendre des réactions psychologiques
extrêmes On ne pouvait être lâche ou
héroïque sans possibilité de se cantonner
dans entre-deux Comment dans ces
conditions ne pas chercher tout prix les
responsables de telles catastrophes Les
clercs répondent que les hommes ne peu
vent en prendre eux-mêmes car la
peste est que effet de la colère de Dieu
justement irrité par leurs péchés Péniten
ces ux prières publiques processions
1263
COMPTES RENDUS
canalisent ainsi la terreur et la colère des
classes populaires sans empêcher celles-ci
de chercher ailleurs des responsables plus
immédiats les juifs les lépreux les sorciers
les étrangers
La faim et le fisc sont aussi des fléaux
particulièrement redoutés et susceptibles de
faire basculer dans la sédition armée Plus
que la faim ailleurs est la peur de la
faim qui provoque émotion populaire
cet égard Jean Delumeau qui se place
délibérément dans la longue durée gomme
peut-être un peu trop une évolution très
nette des soulèvements populaires au
moins en France aux xvne et xvine siècles
De nature antifiscale au xvne siècle est-
à-dire dans le temps de la plus grande
pression de impôt royal ils sont provoqués
presque toujours au xvine siècle par des
difficultés frumentaires ce qui peut sembler
au premier abord paradoxal puisque le
temps de Louis XIII et de Louis XIV est
celui des grandes famines meurtrières alors
que celui de Louis XV ne connaît que des
disettes larvées Le paradoxe est appa
rent ce est pas la faim qui fait les
émeutiers on ne se soulève pas quand on
est la limite de inanition) mais la peur de
la faim On prend les armes pour empêcher
par exemple les représentants de la ville
voisine de réquisitionner le peu de grains
dont on dispose encore Toujours propos
des séditions Jean Delumeau souligne
juste titre outre celui des femmes le rôle
des hommes glise qui tant en pays
catholiques en pays protestants sont
souvent parmi les meneurs des émo
tions ainsi les moines mendiants lors de la
Ligue ou certains curés périgourdins lors de
la révolte des Croquants mais peut-on
assimiler la Ligue aux soulèvements popu
laires du temps de Louis XIII Toutefois
il me semble que pour en tenir ici encore
la France ce rôle des clercs inverse la
fin du xviie siècle souvent meneurs avant
toujours défenseurs de ordre après est
partir des années 1700 les nouveaux
prêtres sortis des séminaires encadrent
désormais mieux ils ne ont jamais fait
ici les populations rurales et leur
prêchent obéissance comme leur premier
1264
devoir se faisant ainsi les garants attentifs
de ordre établi et voulu par Dieu Et
lorsque certains entre eux dans Ouest
armoricain pousseront leurs paroissiens
la révolte dans la décennie 1790-1799 loin
de renouer avec la tradition de leurs
prédécesseurs du xvne siècle ils resteront
logiques avec eux-mêmes il agira
de défendre cet ordre établi et la monarchie
de droit divin
Après les peurs du plus grand nom
bre la seconde partie est consacrée la
culture dirigeante et la peur Un excellent
chapitre présente attente de Dieu en
distinguant fort justement entre attente
millénariste qui met accent sur la promesse
de mille ans de bonheur et renvoie donc aux
pays de cocagne et attente du Jugement
dernier qui débouche directement sur
image terrifiante du Souverain juge Vient
ensuite une présentation minutieuse de
Satan et de ses agents Impossible de
résumer ici ces chapitres très denses et
toujours passionnants ceux notamment
consacrés antijudaïsme terme préféré
sans on sache bien pourquoi antisémi
tisme jamais employé et antiféminisme
sujets actualité et nourris même indirecte
ment de cette actualité tant il est vrai que
histoire est fille de son temps et ce est
pas Jean Delumeau qui répudiera ce propos
de Lucien Febvre Enfin les deux derniers
chapitres abordent de front une énigme
historique savoir la grande répression
de la sorcellerie en Europe dans les années
1560-1650 Delumeau rappelle abord le
dossier tel on peut le dresser après des
travaux récents fran ais et anglais notam
ment puis propose un essai interpréta
tion Les conflits religieux de la seconde
moitié du xvie siècle ont pu accroître le
sentiment général insécurité en un temps
où encadrement du clergé est encore très
insuffisant Par ailleurs la répression de la
sorcellerie semble traduire autant les ten
sions internes des sociétés rurales les
villageois se dressent les uns contre les
autres que la peur une élite face un
danger elle contribue créer elle-même
en le nommant avec une insistance mor
bide Interprétation nuancée mais qui le

mérite de replacer ce triste épisode de
histoire européenne dans le contexte plus
large de la cité assiégée
Le livre refermé on reste un peu étourdi
et éberlué devant encyclopédisme de au
teur et la luxuriance de citations toujours
suggestives et intéressantes mais parfois
répétitives On en viendrait presque se
plaindre une telle abondance et regretter
que le discours ne court pas plus nerveux
En fait je crois il faut jouer le jeu un
tel livre et apprendre le lire deux
niveaux abord le propos de auteur
ensuite une étonnante anthologie de textes
rares méconnus voire totalement incon
nus qui sert de preuves au discours et
dans laquelle on pourra désormais puiser
pleines mains On imagine le parti que
certains auraient pu naguère en tirer car
est un euphémisme de dire que ces textes
ne renvoient guère la charité la piété
et la beauté chrétiennes tant protestan
tes que catholiques ils constituent de fait
le plus bel arsenal anticlérical réuni depuis
longtemps Léo Taxil dépassé par Jean
Delumeau Sur un plan pratique un index
des noms auteurs anciens cités aurait été
le bienvenu côté de index thématique
Au chapitre des regrets il faut ajouter celui
qui concerne absence totale illustrations
en dehors de la couverture) absence
facilement explicable mais autant plus
grave que Delumeau appuie plusieurs de ses
démonstrations sur des références iconogra
phiques variées qui témoignent la fois de
ampleur de sa démarche intellectuelle et de
la richesse de son information
Quant au propos lui-même comment ne
pas noter abord ce il avait de
téméraire et relevant du pari dans le fait
aborder un sujet aussi neuf que la peur
sur un champ aussi vaste que Europe
occidentale entre le xive et le xvine siècle
Témérité justifiée pari largement tenu
Certes on peut se demander parfois si
ouverture esprit de Jean Delumeau ne lui
joue pas de mauvais tours rechercher
hors des limites soit de Occident soit des
siècles les origines de telle ou
telle peur ou suggérer maints rapproche
ments proprement anachroniques il en
PRATIQUES ET OBJETS CULTURELS
arrive presque scier la branche sur
laquelle il est assis et souffler au lecteur
une interrogation suicidaire le phéno
mène de la peur est-il pas de tous les
temps et de tous les pays et qui plus est les
formes mêmes que revêt celle-ci ne
sont-elles pas très proches les unes des
autres au-delà des siècles et des océans
est vrai je ai dit plus haut et auteur
ne le nie pas de la peur de la mer de la
nuit de étranger du voisin mais ce est
aussi un certain point de la peur de
la faim du fisc ou de épidémie les
réactions des Fran ais du xixe siècle devant
le choléra rappellent celles de leurs ancêtres
devant la peste Quant au satanisme
antiféminisme antijudaïsme Jean De
lumeau nous en rappelle les racines fort
anciennes en tout cas très antérieures ce
milieu du xive siècle qui est son point de
départ attitude de glise face la
sorcellerie devient nettement répressive dès
la fin du xiie siècle sous effet de deux
causes liées entre elles une part
affirmation de hérésie avec les vaudois et
les albigeois autre part une volonté
croissante de christianisation on notera
il suffit de changer vaudois et albi
geois par protestants pour que la
phrase applique parfaitement au xvie
siècle Autre exemple Jean Delumeau
souligne différentes reprises et de fa on
tout fait convaincante le rôle capital joué
par imprimerie dans la diffusion des
phantasmes de élite Que ce soit propos
de la femme du juif ou de Satan le livre
imprimé eu un effet multiplicateur
infiniment supérieur celui de la prédica
tion il est pas question de minimiser
pour autant) et le rapprochement entre les
éditions des ouvrages de démonologues et
les procès de sorcellerie avait déjà été fait
par Robert Mandrou Mais précisément un
tel effet pu jouer partir de extrême
fin du xve siècle inverse la mutation
psychologique des magistrats face aux
sorciers qui traduit dans élite cultivée la
disparition une peur multiséculaire date
du milieu du xvne siècle cependant que le
phénomène même de la sorcellerie surtout
rurale se maintient bien vivant nos
1265
COMPTES RENDUS
jours et Jean Delumeau ne manque pas de
citer les travaux de Jeanne Favret)
Ainsi le cadre chronologique du livre
semble parfois se dissoudre ou du moins
estomper Mais ce est là une réserve
et il ne agit nullement pour moi de nier la
valeur du postulat de départ savoir que le
milieu du xive siècle marqué dans
histoire de Occident une coupure capitale
dans tous les domaines et que dans ce climat
de fin du monde les peurs collectives peurs
populaires peurs de élite se sont exacer
bées Dans Le catholicisme entre Luther et
Voltaire paru en 1971 Jean Delumeau
récusait les schémas traditionnels de his
toire religieuse des xvie xvne et xvine siècles
et proposait ce il pouvait appeler lui-
même sans outrecuidance une lecture
neuve de toute histoire moderne de Occi
dent chrétien ajoutant que étude du
mental collectif devrait ultérieurement
confirmer la justesse de cette lecture neuve
Moins de dix ans après prêchant exem
ple il nous offre une confirmation éclatante
sous la forme un grand livre passionnant
novateur et généreux dont on attend la suite
avec impatience
Fran ois LEBRUN
Maurice AGULHON Marianne au com
bat imagerie et la symbolique
républicaines de 1789 1880 Paris
Flammarion 1979 251
Les historiens du xixe siècle souffrent on
le sait de plus en plus vivement de se sentir
prisonniers des sources administratives
policières et judiciaires or voilà que
Maurice Agulhon dévoile patiemment avec
une inégalable minutie un nouveau dis
cours égard duquel nous étions atteints
une étrange cécité Son livre est abord
une propédeutique du regard il nous
apprend lire monuments et fa ades que
nos esthètes nous avaient convaincus
ignorer
1266
Plus que le folklore des régimes poli
tiques auteur se propose comme naguère
Mona Ozouf et Michel Vovelle de décryp
ter la pédagogie du décor urbain or jamais
celui-ci avait été si riche au siècle de la
statuomanie Maurice Agulhon boule
verse bien des idées re ues il montre
que loin être passéiste celle-ci était
inhérente urbanisme moderne et la
société libérale et laïque Le rêve de
pierres 237 des fa ades monumentales
était capable émouvoir les plus grands
poètes comme en témoigne Baudelaire
et est cette émotion que historien doit
efforcer de retrouver Dans cette perspec
tive la République est une image
féminine parmi autres même si elle
emprunte les divers visages de la femme
compris ceux de la sainte et de la prostituée
auteur de Marianne au combat prouve
que analyse de ce discours figuré est
désormais indispensable toute véritable
histoire politique du siècle dernier il
importe donc de le traquer comme il le fait
si bien jusque dans le provisoire du plâtre
des décors éphémères et de la théâtralité
vivante Le xixe siècle vibrait pour les
symboles et la République dut animer
pour triompher elle eût été inconcevable
de larges fractions de la population si on ne
lui avait pas donné un corps
Soulignant la polysémie de imagerie et
de la symbolique républicaines Maurice
Agulhon réussit pleinement montrer tout
la fois comment celles-ci ont été calculées
par les dirigeants interprétées voire réinter
prétées par les élites et per ues par la foule
cela le conduit mesurer les discordances
qui se créent entre les idées et les représenta
tions et discerner un processus de
descente avec lequel ses précédents
livres nous avaient familiarisés On ne
formulera un regret incontestablement
intérêt faiblit quand sommeille la Répu
blique
est la Révolution qui donné un
peuple entier comme auditoire au dis
cours figuré 24 est alors que la
grande femme drapée entre dans la
mémoire visuelle des Fran ais 33 Ini
tialement elle incarne la Liberté contraire-