Sie sind auf Seite 1von 34

Des centres d'arbitrages bien organisés, notamment la Chambre de Commerce International (CCI)

offrirent aux milieux d'affaires des procédures mieux adaptées aux règlements des litiges
internationaux que le recours aux juridictions internes. Par conséquent beaucoup de litiges
commerciaux internationaux se terminent par un arbitrage. Le recours à l'arbitrage international est
une technique ancienne, ce qui explique l'existence de plusieurs conventions internationales, les deux
principales étant :

- La convention de New York, du 10 juin 1958, relative à la reconnaissance et à l'exécution des


sentences arbitrales, qui est ratifiée par 159 pays.

- La convention européenne de Genève, du 21 avril 1961, relative à l'arbitrage international, est en


vigueur dans près de 35 pays européens. Elle a été complétée par un Arrangement, établi à Paris le 17
Décembre 1962.

L'arbitrage international, est le mode ordinaire de règlement des litiges, notamment par le recours à
des organismes internationaux, chambres de commerce internationales ou centre international pour
le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), dans la limite des compétences de
ces institutions.

La clause compromissoire

S'agissant du Maroc, la validité de la clause d'arbitrage a été admise lors de la période du


protectorat par le Dahir de procédure civile du 12 août 1913. La jurisprudence marocaine a
même eu à connaître, durant cette ère, d'espèces où était invoquée l'existence de clauses
compromissoires. Relevons à cet égard, à titre d'illustration, un arrêt rendu en date du 13
décembre 1922 par la Cour d'appel de Rabat, dans lequel celle-ci a affirmé la validité de la
clause compromissoire en droit marocain. L'on peut ainsi lire sous la plume des magistrats
de cette juridiction :

« Attendu que la clause compromissoire convenue par les parties dans leur contrat du
premier juillet 1919 est valable, aux termes de l'article 529 du Dahir de procédure civile ;
Attendu, en effet, que si les parties ont formé le contrat à Tanger, ce contrat devait recevoir
son exécution dans la zone française du protectorat au Maroc, zone dans laquelle les parties
avaient leur centre d'affaires commun, d'où il apparaît qu'elles ont entendu se référer au
Dahir de procédure civile ; qu'aux termes de l'article 13 du Dahir sur la condition civile des
français et des étrangers, la loi à laquelle les parties ont entendu expressément ou
tacitement se référer est applicable à leurs conventions ; Mais attendu que la clause
compromissoire qui crée une obligation exceptionnelle aux parties, doit recevoir une
interprétation stricte (...) ; que les demandes tendant à la résolution du contrat pour des
motifs divers n'ont pas été prévues explicitement dans la clause compromissoire ; qu'elles
échappent donc à la compétence d'un tribunal arbitral27 » Il s'infère donc de cet arrêt, qui
n'a conclu à l'incompétence des arbitres qu'après avoir constaté que le litige soumis aux
juges étatiques n'avait pas été visé par la clause d'arbitrage, que les juridictions marocaines
opéraient, durant l'époque coloniale, une juste et stricte application de l'ancien article 529
du Dahir de procédure civile, admettant ainsi la validité de la clause compromissoire28.
Précisons à cet égard que la consécration de cette validité s'est poursuivie après
l'indépendance, que ce soit sur le plan législatif ou jurisprudentiel.

Les conditions de validité de la clause compromissoire :


La loi 08-05 a explicitement conféré aux parties contractantes la faculté d'insérer des
clauses d'arbitrage dans les contrats qu'elles concluent. Toutefois, cette volonté commune
doit remplir un ensemble de conditions de forme et de fond, prévues par divers textes
juridiques, et dont la jurisprudence a déterminé la teneur.

A- Les conditions de forme :

Aux termes de l'article 317 CPC, la clause d'arbitrage doit, d'un côté, être stipulée par écrit
de façon non équivoque et, d'un autre côté, désigner le ou les arbitres ou, à tout le moins,
prévoir les modalités de leur désignation.

1- L’écrit non équivoque :

La première exigence que le législateur a pris bien soin d'ériger en condition de validité de la
clause compromissoire, réside dans l'existence d'un écrit non équivoque renfermant la
volonté des parties à cet égard. Il convient donc, en premier lieu, d'identifier les fondements
et justifications de cette exigence, puis de définir les formes que cet écrit est susceptible
d'emprunter, et ce avant de mettre en lumière les différentes implications du madère « non
équivoque » de l'écrit.

a- L’exigence d’un écrit :

La législation marocaine octroie à l'écrit une fonction solennelle. Aussi, toute violation à cet
égard est susceptible d'entraîner la nullité de la clause compromissoire. Les dispositions
inhérentes à la clause d'arbitrage ont toujours formulé l'exigence qu'elle emprunte la forme
d'un écrit, La raison en est manifestement le souhait du législateur que les parties soient
certaines de bien mesurer les conséquences d'un tel accord, et qu'elles n'aientaucun doute
de bien vouloir recourir à l’arbitrage, dans la mesure où, d'une part, ce dernier les prive d'un
droit fondamental, en l'occurrence la saisine de la justice étatique, et où, d'autre part, le
'litige ne revêt qu'un caractère éventuel, d'où l'impossibilité d'en déterminer, de manière
exacte et précise, l'ampleur et les répercussions. Aux fins d'apprécier l'importance de
l'exigence d'un écrit, il suffit de signaler que la clause devait être rédigée manuellement.
Cette condition existait en effet sous l'empire de l'ancienne réglementation relative à
l'arbitrage. Conformément à cette exigence légale, il avait été décidé qu'une clause
compromissoire écrite à la machine et que les parties n'avaient pas spécialement
approuvée, était réputée non écrite. Le Tribunal de première instance de Casablanca avait
en effet rendu un jugement dont voici la teneur : « Attendu que le Dahir de procédure civile
marocain ajoutant au Code de procédure civile français qui ne réglementait que l'arbitrage,
bien qu'en fait la clause compromissoire fut validée en certains cas par la jurisprudence, l'a
rendue licite par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 529 ; Attendu que le Dahir du 5
octobre 1928 a également ajouté à ce premier texte des alinéas 3,4 et 5 de telle sorte que
l'article 529 du Dahir de procédure civile est actuellement rédigé de la façon suivante :

L`article 529 : (...) les parties peuvent également mais seulement dans les contrats ayant
trait à des actes de commerce, désigner ces arbitres à l'avance dans la convention elle-
même; Est nulle toute désignation d'arbitres faite dans ces conditions, dans un contrat
purement civil, la clause compromissoire restant valable pour le surplus ; La clause
compromissoire visée aux deux alinéas ci-dessus, doit être écrite à la main et spécialement
approuvée par les parties, à peine de nullité (...)' ; Attendu que ces dispositions législatives
s'analysent ainsi : - La désignation des arbitres à l'avance et dans la convention elle-même :
a) est possible en matière commerciale (al. 3) ; b) est nulle en matière civile (al. 4) ; - La
clause compromissoire doit à peine de nullité être écrite à la main et spécialement
approuvée par les parties (al. 5) ; Qu'il y a lieu de rechercher si les mots `la clause
compromissoire' de l'alinéa 5 auxquels s'ajoutent 'visée aux deux alinéas ci-dessus'
concernent la clause compromissoire en général, codifiée par l'alinéa 2, ou seulement la
clause compromissoire particulière, visée. aux alinéas 3 et 4 à savoir la désignation des
arbitres à l'avance et par la convention elle-même ; Attendu que si cette deuxième
hypothèse était retenue l'on ne s'expliquerait pas pour quelle raison le législateur aurait
estimé nécessaire, dans le cas où la désignation des arbitres serait faite dans un contrat civil,
de prescrire par l'alinéa 5 la rédaction 34 manuelle de cette clause spéciale, alors qu'en
vertu de l'alinéa 4, sa nullité a lieu de plein droit, quelle que soit la forme, dactylographiée,
imprimée ou manuelle où elle est rédigée ; Qu’il faut donc en déduire que les règles de
forme édictées par l'alinéa 5 s'appliquent à la partie de la clause compromissoire qui reste
valable, c'est-à-dire à la disposition contractuelle qui prévoit le recours à l'arbitrage ;
Attendu en réalité qu'il s'est vraisemblablement produit lors de la rédaction des trois
nouveaux alinéas de l'article 529 du Dahir de procédure civile une erreur de place ; Que
l'alinéa 5 ne se conçoit que rapproché de l'alinéa 2 et qu'il était destiné à compléter les mots
'la clause compromissoire' concernant l'ensemble même de la convention d'arbitrage et non
la clause particulière de désignation des arbitres ; Qu'il y a lieu de souligner, en faveur de
cette interprétation, la méfiance originelle de la jurisprudence à l'égard de la clause de style
contenue dans nombre de contrats ; Que le but du législateur marocain a été d'attirer
l'attention des parties sur la gravité de la clause compromissoire, en voulant qu'elles
l'écrivent manuellement et qu'elles l'approuvent spécialement ; Attendu en l'espèce que
l'article 12 du contrat relatif à la procédure d'arbitrage a été écrit à la machine, n'a pas été
approuvé par les parties spécialement et constitue la clause de style type ; Qu'ainsi il doit
être réputé non écrit »30 . Ce jugement n'était point un cas isolé puisque les juridictions
marocaines étaient constantes à ériger la rédaction manuelle de la clause compromissoire
en condition de validité. Signalons, à titre d'exemple, une décision datant également de la
période du protectorat, qui avait statué comme suit: « Attendu que la clause
compromissoire, visée par l'article 529 du Dahir de procédure civile, n'a pas été écrite à la
main ainsi que le prescrit ledit article à peine de nullité ; Qu'au surplus, la sentence arbitrale
a été déposée au greffe le 10 avril 1953, soit bien 'après l'expiration du délai de trois mois
prévu par le dernier alinéa de l'article 529 susvisé ; Attendu que ces faits entraînent la nullité
de l'acte qualifié jugement arbitral conformément aux dispositions de l'article 543 du Dahir
de procédure civile31 ». 30 TPI Casablanca, 6 nov. 1952, préc. 35 56. Cette exigence
formulée par l'article 529 précité avait été maintenue par le Dahir du 28 septembre 1974. En
effet, l'article 307 de ce dahir avait tout d'abord exigé que le compromis d'arbitrage soit
passé par écrit, puis l'article 309 avait érigé l'approbation spéciale de la clause
compromissoire ainsi que sa rédaction manuelle en condition de validité. Cette règle a
connu son apogée lorsque la Cour suprême, dans un arrêt rendu en date du 4 octobre
200032, a considéré que l'exigence du caractère manuscrit de la clause compromissoire;
ainsi que l'obligation d'apposer sa signature aux côtés de ladite clause, relevaient de l'ordre
public, et que le défaut de réponse au moyen tiré de la méconnaissance des règles précitées
constituait un défaut de motifs justifiant la cassation. L'on peut ainsi lire sous la plume des
magistrats de la Haute juridiction : « Attendu que la clause compromissoire est insérée dans
le contrat de vente, lequel est considéré comme un acte de commerce dans la mesure où il a
pour objet la cession d'actions entre deux sociétés commerciales ; Que l’article 309 du Code
de procédure civile dispose dans son second alinéa qu'à peine de nullité, la clause
compromissoire doit être rédigée à la main et approuvée spécialement par les contractants ;
Mais attendu que la clause compromissoire insérée dans le contrat précité n'a pas été
établie manuellement, mais à la machine, et que la signature des parties n'a pas été apposée
aux côtés de ladite clause ; Que le juge de l'exequatur détenait tous les éléments pour
relever la nullité de la clause compromissoire et ce, en vertu de l'article 321 du Code de
procédure civile qui enjoint au juge de l'exequatur de s'assurer de la conformité de la
sentence à l'ordre public ; Que la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen tiré du
caractère non manuscrit de la clause compromissoire, a donc implicitement rejeté ce
moyen, d'où il suit que l'arrêt attaqué est entaché de défaut de motifs, et encourt de ce fait
la cassation ». 57. Cette conception exagérément formaliste de la clause compromissoire a
subi les foudres de la doctrine, dans la mesure où il est difficile de respecter ces conditions
dans le cadre des relations entre partenaires économiques. En effet, l'obligation que la
clause compromissoire soit rédigée manuellement et qu'elle soit spécialement approuvée
paraît inconcevable eu égard à la rapidité qui caractérise le monde des affaires. Il ne saurait
être toléré, au sein de celui-ci, que la conclusion des transactions soit retardée par un
formalisme excessif, ou que la résolution des litiges soit entravée par des incidents soulevés
par des parties Malveillantes — visant à annuler des clauses compromissoire, prétexte pris
de ce qu'elles ne seraient pas manuscrites. 31 TPI Oujda, 6 nov. 1953, GTM 1144 du 10
février 1954, p. 23 32 CS com., 4 oct. 2000, rev. Al Ichaa, n° 27, 2003, p. 193. 36 58. Certains
auteurs ont relevé, à juste titre, que même les contours de cette exigence n'avaient pas été
clarifiés par le législateur. En effet, « la mention manuscrite devait-elle être effectuée par
chacun des contractants, ce qui serait d'une redondance ubuesque, ou bien la rédaction à la
main de la clause compromissoire par l'une des parties était-elle suffisante pour satisfaire
aux exigences de forme posées par l'ancienne loi ?33 ». 59. Il convient de saluer à ce propos
la position d'un mouvement jurisprudentiel qui a nettement contribué à atténuer les effets
pervers de l'exigence du caractère manuscrit de la clause compromissoire. L'application de
ces dispositions anachroniques a ainsi été confinée au seul cas où les arbitres auraient été
désignés à l'avance, à l'exclusion donc, en raisonnant a contrario, de l'éventualité où les
parties se seraient contentées d'insérer une clause prévoyant de soumettre tout différend à
naître à la procédure d'arbitrage, mais sans désigner la ou les personnes auxquelles le
pouvoir de trancher le litige est dévolu. Il a en effet été jugé comme suit : « Attendu que les
dispositions qui exigent que la clause compromissoire soit écrite à la main et spécialement
approuvée par les parties ne sont applicables que dans le cas où un ou plusieurs arbitres
auraient été désignés à l'avance dans la convention d'arbitrage même ; que c'est là la portée
réelle des prescriptions de l'article 309, alinéa 2 du Code de procédure civile34 ». 60. La loi
08-05 a par la suite confirmé la nécessité d'établir la clause compromissoire par écrit, eu
égard aux effets contraignants que celle-ci génère à l'égard des contractants. L'article 317
CPC, inséré en vertu de ladite loi, prescrit ainsi que « la clause d'arbitrage doit être stipulée
par écrit, sans équivoque, dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci
se réfère ». Toutefois, aucune disposition légale n'a exigé que la rédaction de la clause soit
manuscrite. La majorité de la doctrine est d'avis que le législateur marocain s'est inspiré à
cet égard dû droit français de l'arbitrage qui édicte la même règle au sein de l'article 1443 du
Code de procédure civile, à savoir l'exigence d'un écrit sans pour autant imposer la rédaction
manuelle. 61. Signalons par ailleurs que si l'exigence du caractère manuscrit de la clause
compromissoire soulevait plusieurs difficultés en matière d'arbitrage interne, la situation
s'avérait bien plus délicate en matière internationale. En effet, le Code de procédure civile
ne comportait aucune disposition spécifique à l'arbitrage international. Aussi la doctrine et
la jurisprudence étaient-elles déchirées entre l'application des dispositions excessivement
formalistes qui régissaient l'arbitrage interne, et les prescriptions à vocation internationale,
notamment l'article II de la Convention de New York qui n'exige pas que la clause
compromissoire soit rédigée manuellement. 33 K. ZAHER, Le nouveau droit marocain de
l’arbitrage interne et international, RMDE, N° 3, 2010, p. 30. 34 CA Casablanca, 21 juin 1983,
GTM n.s., n° 51, 1987, p. 109, V. en ce sens également, CA Kénitra, 24 févr. 2003, rev. Al
Ichâa, 27, 2003, p. 265. 37 62. La revue de la pratique judiciaire révèle que la jurisprudence
marocaine était encline à privilégier la seconde 'option puisqu'elle avait, à maintes reprises,
rejeté les arguments des partisans du formalisme qui régnait en matière d'arbitrage interne,
et avait consacré le principe selon lequel la validité de la clause compromissoire en .matière
internationale n'était nullement conditionnée par le respect de certaines exigences — telles
le caractère manuscrit de la clause compromissoire — propres aux conventions arbitrales
conclues dans le cadre de l'arbitrage interne. 63. A titre d'illustration de cette position de la
jurisprudence marocaine, il paraît utile de reproduire les principaux attendus d'une décision
qui a affirmé cette règle : « Attendu qu'en l'espèce, le contrat du 15 mai 1980 prévoit
l'arbitrage de l'Association du sucre à Londres, conformément aux normes régissant les
contrats du sucre jaune, telles qu'elles sont prévues par le contrat ; que c'est ladite
association qui désigne les arbitres en application de l'article 405 de son règlement ; Que par
ailleurs, l'article II de la Convention de New York ratifiée par le Maroc en vertu du Dahir du
19 février 1960, ne pose pas une règle de renvoi, contrairement à la Convention européenne
de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage commercial international ; qu'il édicte plutôt une
pure règle de fond qui considère la clause d'arbitrage régulière dès lors qu'elle est établie
par écrit ; qu'il n'exige nullement que celle-ci soit manuscrite déroge ainsi aux dispositions
de l'article 309, alinéa 2 du Code de procédure civile qui a été repris de l'ancien Dahir sur la
procédure civile (articles 527 et 537) ; Que l'absence d'une règle de renvoi dans la
Convention de New York tend à éviter les inconvénients qui peuvent surgir du conflit de lois
quant à la nature de l'écrit (...) ; Que dès lors qu'en l'espèce il s'agit d'un arbitrage
international, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article
309, alinéa 2 du Code de procédure civile35 ». Nous ne pouvons que saluer la jurisprudence
marocaine qui a devancé le législateur36 , libérant ainsi la clause compromissoire d'un
formalisme qui la décrédibilisait et la rendait source de difficulté, plutôt que facteur de
simplicité et de célérité. 64. Les rédacteurs de la loi 08-05 ont par la suite entériné cette
construction jurisprudentielle. En effet, les dispositions régissant l'arbitrage international
n'ont pas érigé le caractère manuscrit de la clause compromissoire en condition de validité
de celle-ci. A la vérité, l'écrit lui-même n'a pas été explicitement imposé ; il est toutefois
indirectement requis puisque l'article 327-47 CPC, de même que l'article IV de la Convention
de New York, exigent, pour faire droit à la demande d'exequatur, de joindre à cette requête
la minute de la sentence 35 CA Casablanca, 21 juin 1983, RMD, n° 17, avril-mai-juin 1988, p.
117. 36 V. en ce sens, CAC Casablanca, 17 juill. 2007, rapporté par M. B0UNJA et N.
ALLAOUAH, L’arbitrage commercial au regard de la jurisprudence marocaine, Spartel, 2014,
p. 237. 38 arbitrale et l'original de la convention d'arbitrage, ou une copie de ces documents
réunissant les conditions requises pour leur authenticité.

b- La forme de l’écrit

Pleinement conscient du fait que toute détermination précise ou énumération exhaustive,


quand bien même serait-elle d'une concision apparemment infaillible, aurait été rapidement
obsolète en raison notamment du déferlement incessant de séries innombrables
d'innovations technologiques, le législateur a pris le parti d'imprégner l'article 313 CPC, qui
traite de la forme que doit emprunter la convention d'arbitrage, d'une extrême souplesse.
Cet article donne tout d'abord l'impression d'être strict, voire contraignant, dans la mesure
où il exige, d'emblée, que la convention d'arbitrage soit « toujours » établie par « écrit »,
constat purement fallacieux puisque cette règle est ultérieurement assouplie par 11
possibilité d'opter pour la conclusion d'une convention d'arbitrage par le biais d'un acte sous
seing-privé ou d'un procès-verbal dressé en cours d'instance par devant le tribunal arbitral.
La généralité de cet article transparaît encore plus à travers ses alinéas 2 et 3, lesquels
assimilent à l'écrit requis par l'alinéa premier, tout document signé par les parties, tout
échange opéré par le biais d'un moyen de communication ou de télécommunication, tout
renvoi à tin document renfermant une clause d'arbitrage, ou encore « l'échange de
conclusions en demande ou de conclusions en défense, dans lesquelles l'existence d'une
convention [d'arbitrage] est alléguée par une partie et n'est pas contestée par l'autre ». 66.
La doctrine s'inscrit également dans ce courant libéral et estime, dans le cadre de l'arbitrage
international notamment, que la clause compromissoire insérée dans un document annexe
est valide, et ce dans la mesure où « les parties sont en général des commerçants et des
professionnels rompus aux pratiques et échanges internationaux. Elles sont censées être
averties du contenu des documents annexés et des contrats auxquels elles se réfèrent38 »
La Cour de cassation française a déjà rendu, à cet égard, un arrêt dans lequel elle a considéré
que « la clause compromissoire par référence à un document qui la stipule est valable quand
la partie à laquelle on l'oppose en a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat
et qu'elle a, fût-ce par son silence, accepté cette référence 39». Cette position est également
adoptée par la jurisprudence marocaine, et ceci tel qu'il ressort, à titre d'exemple, d'une
récente ordonnance émanant du Président du Tribunal de commerce de Casablanca40 . 37 Il
en irait ainsi, quand bien même il s'agirait d'un express de l'alinéa 2 de l'article 313 CPC.
38N. NAJJAR, op. cit., p. 139. 39 Cass. Fr. 1er civ., 3 juin 1997, Rev. Arb., 1998, p. 495 note X.
Boucobza, Cass. Fr. 1er civ., 20 déc. 2000, Rev. Arb., 2003, p. 1341, rapp. par F. NAMMOUR,
Droit et pratique de l’arbitrage interne et international, 2ème 2d., Bruylant, Delta, LGDJ
2006 p. 603 40 Trib. com. Casablanca ord. prés., 20 févr. 2013, rapp. par M. BOUNJA et N.
ALLAOUAH, op. cit., p. 441. 39 68. D'aucuns ont par ailleurs relevé que « la Convention de
New York pose, en son article II, une règle matérielle exigeant une convention écrite, c'est-à-
dire une convention signée par les parties ou contenue dans un échange de lettres ou de
télégrammes '. Le texte n'exige pais que la convention d'arbitrage résulte d'un document
unique et ne condamne donc pas, en tant que telle, la clause compromissoire par
référence41 ». 69. Signalons toutefois que malgré la généralité qui caractérise l'article 313
CPC, des restrictions relatives à la recevabilité de certains modes de communication sont
susceptibles d'ôter toute utilité à l'article précité, allant ainsi à l'encontre de l'esprit qui a
présidé à son adoption. Tel dans le cas, à titre d'exemple, de l'échange de consentements
par le biais de la télécopie. Pour autant que l'envoi ou la réception de cette dernière ne soit
pas contesté, la convention d'arbitrage est réputée pleinement valable. En revanche, lorsque
l'échange des correspondances, opéré par ce moyen, fait l'objet de contestation, la
jurisprudence marocaine n'y accorde aucune valeur probante, et conclut ainsi, non pas à la
nullité, mais à l'inexistence même de la; convention d'arbitrage. Ceci ressort en effet de
l'arrêt rendu en date du 29 avril 2008 par la Cour d'appel de commerce de Casablanca,
laquelle a statué comme suit : « Attendu que l'appelante soulève l'inexistence d'un accord
consistant à régler tout différend à naître par voie d'arbitrage ; Qu'elle a de ce fait formé un
recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale ; Et attendu que si la Cour
suprême tranche un point juridique déterminé, la juridiction de renvoi est tenue de se
conformer à la décision de la Haute juridiction ; Que la Cour suprême a estimé que les
télécopies ne faisaient pas office de contrat écrit, explicite et ne caractérisaient nullement
un accord exprès de recourir à l'arbitrage ; Qu'en conséquence, et compte tenu du défaut de
reconnaissance explicite de la part de l'appelante, les correspondances émanant de l'intimée
ne constituent pas une preuve de l'existence d'une clause compromissoire42 ». 70.
Contrastant avec cette position, la jurisprudence marocaine se montre parfois très libérale
dans l'appréciation de l'existence d'une clause compromissoire, et ceci tel que le démontre
un arrêt rendu par la Cour d'appel de Casablanca en date du 18 janvier 199643 . 41 Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international,
Litec, Delta, 1996, p. 391. 42 CAC Casablanca, 29 avr. 2008, doss. n° 4213/2007/14, rapp. par
O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, Guide pratique de l’arbitrage au Maroc, Annajah Al Jadida,
1ère éd., 2012, p. 36. 43 CA Casablanca, 18 janv. 1996, rev. Al Ichaa, n° 14, juin 1996, p. 129.
40 En l'espèce, une banque avait envoyé à l'un de ses clients un imprimé en vue de
l'ouverture d'un compte courant, imprimé qui contenait une clause compromissoire. Après
la survenance d'un litige entre les parties, le client avait soutenu qu'il fallait avoir recours à
l'arbitrage, et avait excipé, à l'appui de cette prétention, de l'imprimé précité, même si celui-
ci n'était signé de la part d'aucune des parties. La sentence arbitrale ayant été rendue44 puis
revêtue de l'exequatur par le Président du Tribunal de première instance de Casablanca
Anfa, la banque a relevé appel de cette ordonnance. 71. Toutefois, la cour d'appel n'a pas
fait accueil au raisonnement tenu par l'appelante et a donc affirmé l'existence d'une
convention d'arbitrage, et ce aux motifs suivants45 : « Attendu que l'intimé, en vue de faire
échec aux prétentions de l'appelante, se prévaut du contrat d'ouverture du compte courant
que la banque [l'appelante] lui a envoyé, lequel contient dans son neuvième article une
clause compromissoire ; Que l'appelante et rétorqué que l'imprimé précité n'est signé ni de
sa part ni de la part de l'intimé, et que ce dernier ne peut par conséquent se prévaloir de son
contenu ; Mais attendu que l'appelante, en établissant cet imprimé, et' en le mettant à la'
disposition de ses clients, a consenti à régler tout différend à naître par voie d'arbitrage ;
Qu'il y a donc lieu de considérer les imprimés émanant de la banque comme étant des
offres, et que le consentement du client résulte de la simple acceptation de cet imprimé (se
référer à ce propos à l'ouvrage suivant : Les opérations bancaires du point de vue juridique
du Docteur Jamaleddine Awad, page 15) ; Que l'intimé, en optant pour l'arbitrage, n'a fait
qu'acquiescer à l'offre de la banque, manifestant ainsi son acceptation expresse quant au
contenu de l'imprimé en question ; dès lors, la banque ne peut reprocher à l'intimé d'avoir
eu recours à la procédure d'arbitrage ; Que la sentence arbitrale à en outre été rendue
conformément à la loi et ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public ; D'où il
suit que l'ordonnance entreprise est fondée et qu'il y a lieu de la confirmer »: 44 En dépit
des contestations de la banque. 45 Les motifs sur lesquels s'est fondé cet arrêt ont déjà été
exposés lors de l'étude qui a été réservée à l'extériorisation de l'offre. Toutefois, il paraît
utile d'en reproduire les principaux attendus — compte tenu de leur importance significative
dans le cadre de l'examen de la forme de l'écrit pouvant contenir une clause compromissoire
—, et ce avant d'opérer l'analyse de l'efficience dudit arrêt, ainsi que du bien-fondé et des
implications de la décision de la Cour suprême qui l'a ultérieurement censuré.. Il convient de
souligner que cet arrêt a été cassé par la Cour suprême46. La Haute juridiction a fondé sa
décision sur le fait que l'imprimé revêtait un caractère général et n'était pas signé par les
parties ; il ne pouvait donc bénéficier de la primauté sur le contrat « spécial » conclu
ultérieurement entre celles-ci, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation et n'a nullement
mentionné le recours à l'arbitrage, mais a, au contraire, conféré aux tribunaux de
Casablanca, de manière expresse, la compétence pour trancher tout litige qui pourrait
survenir entre les parties. Les clauses du contrat précité étant claires et ne donnant lieu à
aucune confusion ou équivoque, la Cour suprême a estimé que la cour d'appel avait violé
l'article 231 DOC, qui somme les parties de tenir leurs engagements contractuels, ainsi que
l'article 461 DOC, lequel interdit d'interpréter les conventions lorsque les termes de l'acte
sont formels. 73. Il importe toutefois de tempérer l'apport de la décision de la Haute
juridiction dans le cadre de la présente étude, consacrée à la recevabilité de certaines
formes susceptibles d'être empruntées par l'écrit renfermant une clause compromissoire. Il
paraît utile de préciser que la Cour suprême n'a pas dénié toute valeur probante à la clause
contenue dans l'imprimé; mais s'est uniquement contentée d'accorder prééminence au
contrat postérieur, dont les termes étaient explicites. Le fait de consacrer la primauté d'un
acte — à savoir le contrat conclu en dernier lieu — sur un autre — en l'occurrence l'imprimé
établi antérieurement — nécessite tout d'abord d'apprécier leur force probante, puis
d'opérer à cet égard une comparaison entre les deux documents en cause. Ceci induit que la
Cour suprême a reconnu à l'imprimé précité la qualité d'écrit, tel que visé à l'article 313 CPC.
Il s'infère également de la motivation de la Haute juridiction, en raisonnant a contrario, que
s'il n'y avait pas eu ce contrat signé et explicite attribuant compétence aux juridictions
étatiques pour trancher tout litige éventuel, la clause compromissoire contenue dans
l'imprimé aurait produit ses effets, même en l'absence de signature des parties.

c- Le caractère non équivoque d’un écrit :

74. La rédaction de la clause compromissoire doit être claire et concise, et ce pour éviter
toute confusion ou ambiguïté quant à la portée exacte de ladite clause, ce qui serait
susceptible de nuire au déroulement serein de l'instance arbitrale, ou de remettre en
question l'arbitrabilité même du litige. En effet, ce doute sur la conformité de la clause à la
volonté réelle des parties risque de réduire à néant l'ensemble de la procédure
d'arbitrage47, et ne pourra être totalement dissipé par le tribunal arbitral - notamment en
cas de défaut d'exécution amiable —, mais subsistera jusqu'à ce qu'une décision judiciaire
définitive confirme que les arbitres n'ont pas outrepassé les limites de la mission qui leur
avait été confiée. Qui plus est, il -n'est guère souhaitable ni recommandé de s'en remettre
totalement à un pouvoir d'appréciation qui pourrait s'avérer subjectif, ou à tout le moins
infondé. En effet, il n'est pas exclu que le tribunal — arbitral ou étatique — fasse accueil à
une interprétation prônée par le conseil d'une 46 CS com., 30 déc. 1998, GTM n.s., n° 84,
septembre-octobre 2000, p. 153. 47 Si toutefois certaines procédures et voies de droit -
telles que l'exception d'incompétence et. le recours en annulation - sont savamment
exploitées. 42 partie, interprétation qui, pour être ingénieuse, n'en demeurerait pas moins
erronée. Les flottements jurisprudentiels fréquemment relevés dans la pratique judiciaire
attestent de l'ampleur de ce risque. Il est dès lors fortement conseillé de rédiger la clause
compromissoire de manière suffisamment large pour couvrir les différents types de litiges
susceptibles de survenir48. Des formules empreintes de souplesse et de généralité
présentent ainsi « l'avantage d'éviter, sur le fondement de l'autonomie de la volonté, une
application trop rigoureuse de la disposition déplorée49 ». A défaut de formulation
appropriée de la clause compromissoire, le champ de celle-ci fera l'objet d'interprétation,
laquelle risque fort d'être restrictive50 car on ne saurait interpréter généreusement la
volonté des parties sans risquer de la dénaturer, d'où l'utilité d'exposer la tendance
jurisprudentielle à cet égard. Il paraît également opportun de s'attacher à l'analyse des
différentes implications juridiques d'une déficience rédactionnelle qui pourrait, de prime
abord, être perçue comme un cas d'école, mais qui s'observe de plus en plus en pratique, et
donne même lieu à une jurisprudence féconde l'insertion de clauses combinées.

- L’interprétation stricte 75. Il est très fréquent que la clause compromissoire énumère une
série de cas d'application, mais ne fasse pas mention de certaines éventualités. La question
qui est alors soulevée est la suivante : cette omission était-elle volontaire, ce qui pourrait
notamment être déduit du fait que l'énumération n'est relayée par aucune stipulation
générale ? Ou s'agit-il d'un simple oubli, d'une formulation maladroite qui ne reflète
aucunement l'intention des rédacteurs de la clause précitée ? Il y a alors matière à
interprétation. Mais comment interpréter51 ? 76. D'éminents auteurs52 enjoignent à ce
sujet de prôner une lecture restrictive, et soutiennent que « le principe d'interprétation
stricte trouve sa justification dans le caractère exceptionnel de la compétence arbitrale qui
peut se définir comme ce qui est soustrait à la compétence normale des juridictions
étatiques ». Ils précisent toutefois que cette interprétation ne doit pas conduire à des
«absurdités », en excluant ce qui est d'évidence en amont ou en aval des litiges soumis de
manière explicite à l'arbitrage. 48 V. en ce sens, D. VIDAL (manuels), Droit français de
l’arbitrage commercial international, éd. Gualino, 2004, p. 109. 49 N. NAJJAR, op. cit., p. 125.
50 Cette position est par ailleurs confortée par la formulation (le certaines dispositions
spéciales, telles l'article 35 du Code des assurances, lequel prescrit que la clause
compromissoire est nulle si elle n'a pas été « expressément» approuvée par l'assuré lors de
la souscription. Certains auteurs estiment à cet égard que cette sanction ne s'applique qu'à
la clause précitée, à l'exclusion donc du compromis auquel cet article ne fait nullement
référence (M. EL HINI, La protection juridique et judiciaire de l'assuré face aux clauses
abusives, RDM, n° 9-10, 2010, p. 85). 51 D. VIDAL, op. cit., p. 111. 52 Ch. GAVALDA et C.-L. de
LEYSSAC, L'arbitrage, Dalloz, 1993, p. 65. 43 77. Quant à la jurisprudence française, celle-ci
privilégie, à l'approche restrictive de l'interprétation, la recherche de la volonté réelle des
parties. Ceci ressort à titre d'exemple de l'arrêt suivant de la Cour d'appel de Paris qui a
estimé que la maladresse d'expression peut et doit être contournée ou dépassée pour tenir
compte de la véritable intention des parties. Ainsi, « une clause ambigüe doit être
interprétée en utilisant le principe de bonne foi qui implique de rechercher la volonté réelle
des parties au-delà du sens littéral des termes, et de ne pas permettre à l'une d'elles de se
soustraire à des engagements librement consentis mais exprimés de manière maladroite53
». La même juridiction a confirmé sa jurisprudence constante à cet égard, et ce à l'occasion
d'une autre espèce où l'interprétation de la clause compromissoire était nécessaire. Elle a en
effet décidé comme suit : « Considérant que la justice contractuelle et la justice étatique
constituent deux possibilités également offertes aux parties pour le règlement de leurs
différends ; que la compétence arbitrale n'est pas une exception à la compétence des
juridictions étatiques ; que la seule interprétation qu'il convient de donner aux conventions
d'arbitrage est celle qui est conforme à la volonté des parties54 ». 78. La jurisprudence de la
Cour de cassation française se situe dans le droit fil des décisions précédentes. La Haute
juridiction a ainsi considéré que « la Cour d'appel a pu, procédant à l'interprétation d'une
clause compromissoire, souverainement décider par la recherche de la commune intention
des parties permettant d'assurer l'efficacité de la convention d'arbitrage, que les
contractants avaient entendu soumettre leur litige à la Chambre d'arbitrage de Paris55 ». 79.
S'agissant de la jurisprudence marocaine, il y a lieu de signaler à titre liminaire que celleci
consacre le pouvoir des arbitres de procéder à l'interprétation, voire à la requalification du
contrat conclu par les litigants. Ceci transparaît clairement à la lumière d'une espèce où le
tribunal arbitral avait considéré que le contrat liant les parties était en vérité un contrat de
vente sous condition suspensive, à savoir le paiement du prix par l'acheteur. Les arbitres ont
de ce fait décidé que le recours à l'arbitrage était abusif et ont condamné le demandeur à
verser au défendeur — qui avait présenté une demande reconventionnelle — des
dommages et intérêts, en sus du paiement des frais d'arbitrage. Ce dernier a par la suite
obtenu une ordonnance d'exequatur, laquelle a été infirmée par la cour d'appel sous
prétexte que les arbitres — en interprétant et en requalifiant le contrat — ont outrepassé
les limites fixées par la convention d'arbitrage. 53 CA Paris, 7 févr. 2002, Rev. Arb., 2002, p.
412, note Ph. Fouchard. 54 CA Paris, 13 févr. 2003, Rev. Arb., 2004, p. 317, obs. J.-B. Racine,
rapporté également par F. NAMMOUR, p.245. 55 Cass. Fr. civ. 1re, 28 mai 2002, Rev. Arb.,
2002, p. 788. 44 La Cour suprême a censuré cet arrêt, estimant que les arbitres détiennent le
pouvoir d'interpréter le contrat liant les parties et de lui donner la qualification juridique
appropriée56 . La décision précitée ne doit toutefois pas faire illusion. On ne saurait en
inférer que la jurisprudence marocaine se montre libérale dans l'interprétation de la clause
compromissoire lorsque le champ de cette dernière n'est pas soigneusement délimité. Bien
au contraire, les juges marocains se montrent enclins à privilégier une lecture restrictive de
ladite clause. Cette position n'est guère récente. Elle date en effet de la période du
protectorat puisque 'la Cour d'appel de Rabat a affirmé, en date du 13 décembre 1922, que
« la clause compromissoire qui crée une obligation exceptionnelle aux parties, doit recevoir
une interprétation stricte ». En application de cette règle, elle a considéré que si, à l'occasion
d'un contrat de louage de services, l'employeur et l'employé ont convenu de soumettre à
l'arbitrage tous les différends à naître de l'exécution de leur contrat, il doit être décidé que
le procès né de la rupture de celui-ci par l'employeur échappe à la «compétence
exceptionnelle » des arbitres, « dès lors que les demandes tendant à la résolution du contrat
pour des motifs divers n'ont pas été prévues explicitement dans la clause compromissoire»
57 . Bien des décennies plus tard, la Cour d'appel de Casablanca a rendu un arrêt qui a
adopté la même position à l'occasion d'une espèce aux contours quasi similaires à ceux
ayant donné lieu à la décision ci-dessus rapportée. Il y a ainsi été décidé comme suit : «
Attendu que les arbitres tiennent leurs pouvoirs de la volonté commune des parties
exprimée dans la clause compromissoire, et qu'ils ne peuvent transgresser le champ fixé par
'cette clause ; Que leur compétence est donc limitée à un litige précis que les parties ont
entendu soumettre à la procédure d'arbitrage ; Qu'en l'espèce, la clause compromissoire
insérée dans le contrai de vente stipule que tout litige ayant trait à l'interprétation et à
l'exécution des contrats conclus entre les parties doit être réglé par voie d'arbitrage
conformément aux dispositions de l'article 307 du Code, de procédure civile ; Qu'il s'ensuit
que les pouvoirs des arbitres sont confinés dans les limites précitées et qu'ils ne peuvent
sous aucun prétexte trancher d'autres points, tels que la nullité, l'annulation ou la résolution
des contrats, sous peine de violation des stipulations contenues dans la clause
compromissoire ; Qu'il ressort de la sentence arbitrale que les arbitres ont tranché les litiges
relatifs à la résolution des contrats qui lient les parties, et aux sommes dues à l'intimée à
raison de cette résolution ; 56 CS com., 8 mars 2006, REMADAE, n° 17-18, janvier-juin 2011,
p. 214 ; GTM n.s., n° 122, septembre-octobre 2009, p. 101. 57 CA Rabat, 13 déc. 1922, préc.
45 Que les arbitres ont de ce fait dépassé les limites des pouvoirs à eux conférés ; Qu'en
conséquence, la demande d'exequatur n'apparaît pas justifiée ; qu'il y a donc lieu d'infirmer
l'ordonnance entreprise(…) »58 . Les deux arrêts précités ne représentent nullement des cas
isolés puisque la jurisprudence constante des juridictions du fond s'inscrit dans le droit fil de
ces décisions. En date du 9 février 2010, la Cour d'appel de commerce de Casablanca a en
effet statué carme suit : « Attendu que la clause 14 du contrat qui lie les parties stipule que
tous les litiges relatifs à l'interprétation et à 1 'exécution dudit contrat doivent être tranchés
par trois arbitres ; Qu'il est évident que l'arbitre tient ses pouvoirs du contrat qui renferme la
clause compromissoire ; Que les parties se doivent de rédiger la convention d'arbitrage de
façon précise, et ceci afin que ladite convention joue pleinement son rôle dans le règlement
des litiges ; Que l'arbitre est lié par la volonté des parties quant aux litiges dont il peut
connaître, et n'est donc admis à statuer que sur les différends visés par la convention
d'arbitrage, sans qu'il lui soit permis d'outrepasser ces limites ; Et attendu par ailleurs que la
clause compromissoire, dans le cas d'espèce, fixe les pouvoirs des arbitres dans le fait de
trancher les litiges relatifs à l'interprétation et à l'exécution du contrat ; qu'il s'ensuit que le
champ de ladite clause ne s'étend pas au règlement des litiges afférents à la rescision ou à
l'annulation du contrat, ou aux réparations dues de ce chef ; Qu'en tranchant les litiges
précités, l'arbitre a statué en dehors des limites fixées par la convention d'arbitrage ; que sa
sentence a donc violé l'ordre public (...) ; qu'il convient de ce fait d'infirmer l'ordonnance
d'exequatur »59 . 80. Un autre arrêt, rendu par la même juridiction 60, illustre cette
tendance restrictive. Dans l'espèce qui lui était soumise, la clause compromissoire
mentionnait l'obligation de trancher, par Voie d'arbitrage, les litiges relatifs à l'interprétation
et à l'exécution du contrat de vente d'un terrain. Le vendeur n'ayant pas remis à l'acquéreur
les documents administratifs requis pour pouvoir entamer les travaux de construction d'un
lotissement, tel que cela avait été prévu dans le contrat, celui-ci a donc présenté au tribunal
arbitral une requête tendant à condamner le vendeur au paiement d'indemnités et
d'intérêts de retard, et à lui ordonner d'effectuer toutes les formalités requises aux fins
d'obtenir les documents précités. 58 CA Casablanca, 2 avr. 1999, doss. civ. n° 8184/98,
inédit. 59 CAC Casablanca, 9 févr. 2010, doss. n° 5116/2009/4, rapp. par O. AZOUGGAR et A.
EL ALAMI, op. cit., p. 168. 60 CAC Casablanca, 29 janv. 2010, doss. n° 3767/2009/11, rapp.
par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit., p. 120. 46 La Cour d'appel de commerce de
Casablanca, après avoir relevé que l'arbitrage était une voie purement exceptionnelle de
règlement des litiges, en a déduit que les clauses qui prévoient ce mode de solution des
différends doivent recevoir une interprétation stricte, et qu'il n'est par conséquent pas
permis au tribunal arbitral de trancher des points litigieux relatifs à des actes et faits qui se
sont produits postérieurement au transfert de propriété, notamment lorsque cela nécessite
de se prononcer sur le bien-fondé de décisions administratives. Il convient par ailleurs de
préciser que la Cour de cassation est, pour l'ensemble, favorable à cette approche
restrictive. Elle accrédite ainsi la démarche entreprise par les juridictions du fond, lesquelles
partent du principe que les termes de la clause compromissoire doivent être entendus
restrictivement, puis développent, sur cette base, un raisonnement qui les mène à
considérer que si ladite clause stipule que les litiges relatifs à l'interprétation et à l'exécution
du contrat doivent être soumis à l'arbitrage, le tribunal arbitral n'a pas compétence pour
trancher le différend relatif à la rescision dudit contrat ou aux indemnités dues à ce titre.
L'on peut ainsi lire sous la plume des magistrats de la Haute juridiction : « Attendu que la
clause compromissoire doit recevoir une interprétation stricte (...) en raison du fait que
l'arbitrage constitue une dérogation au principe général qui réside dans l'obligation de
recourir aux tribunaux étatiques pour trancher les litiges nés entre les parties ; qu'il est par
ailleurs constant que l'exception au principe ne peut être entendue de manière libérale(…) ;
Que l'arbitre tient son pouvoir de la volonté des parties exprimée dans le contrat contenant
la clause compromissoire ; qu'il est de ce fait lié par les termes de la convention des parties
et ne saurait trancher que les litiges visés par la clause précitée (...) ; Que la clause
d'arbitrage stipule que les arbitres ont le pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à
l'interprétation et à l'exécution du contrat ; Qu'en conséquence, le champ de la clause
compromissoire ne couvre nullement les litiges ayant trait à la rescision ou à la nullité du
contrat (...) ; qu'en statuant sur ce qui précède, les arbitres ont dépassé les limites de la
mission dont ils ont été investis en vertu de la clause compromissoire »61 . 81. Une autre
décision, relativement récente, a consacré cette jurisprudence. Il y a- en effet été décidé que
« l'arbitrage étant un moyen exceptionnel de résolution des es, -sa portée est confinée dans
les limites fixées par la volonté des parties dans la clause compromissoire ou le compromis
d'arbitrage, lesquels peuvent être interprétés par la juridiction du fond au regard des
éléments que celle-ci considère comme reflétant l'intention des parties (...) sans que cela
soit soumis au contrôle de la Cour suprême, sauf en ce qui a trait à la motivation (...). 61 C5
com., 26 mars 2008, doss. n° 697/3/2/2006, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit.,
p. 48. 47 Est légalement fondé et parfaitement motivé, l'arrêt de la cour d'appel qui a
confirmé l'ordonnance ayant refusé de revêtir la sentence arbitrale de l'exequatur au motif
que l'arbitre a outrepassé les limites de la compétence qui lui a été octroyée en vertu de la
clause compromissoire, et ceci en prononçant la résolution du contrat sans que cette faculté
ait été stipulée clans ladite clause, laquelle s'est uniquement limitée à autoriser le recours à
l'arbitrage concernant les litiges résultant de l'interprétation et de l'application du contrat
(...) ; qu'il n'appartient pas à l'arbitre d'interpréter libéralement la clause précitée puisque
l'arbitrage n'est qu'une exception au principe de l'obligation de recourir aux juridictions
étatiques (...) »62 . 82. Cette tendance restrictive a subi les foudres de la doctrine.
D'aucuns63 soutiennent ainsi que la résolution du contrat est étroitement liée à
l'interprétation et à l'exécution de celui-ci. Le non-respect d'une obligation contractuelle ne
peut logiquement être dissocié de son exécution dans la mesure où cette violation réside
soit dans un retard ou un défaut d'exécution de l'obligation contractée, soit dans une
mauvaise exécution ou une exécution partielle. Il s'ensuit que les différends relatifs à la
résolution des relations contractuelles, ou aux indemnités dues à raison du préjudice qui en
découle, sont intimement liés à l'exécution de l'obligation. Les tenants de cette position, à
laquelle nous souscrivons, avancent également que les tribunaux ne devraient pas adopter
une lecture restrictive des termes de la clause compromissoire. Ils estiment qu'il faudrait
faire le départ entre compromis et clause compromissoire : tandis que dans le cadre du
premier, les contours du litige sont parfaitement fixés et clairs lors de sa rédaction, la
situation est tout autre en ce qui a trait à la clause compromissoire, laquelle est
nécessairement empreinte de généralité puisque le litige n'est pas encore né et qu'il est
malaisé de prévoir tous les différends susceptibles de survenir. Il convient donc d'adopter
une interprétation libérale de la clause d'arbitrage dans le but- de lever le voile sur la portée
obscure de certains termes qui y auraient été utilisés, et ceci parle biais de la recherche de
l'intention commune des parties64. En effet, « si l'on ne peut se livrer à une extension du
litige soumis aux arbitres, on ne doit pas le restreindre au point de le défigurer »65 . 83.
Signalons enfin que cette jurisprudence, encline à privilégier une lecture restrictive de la
clause compromissoire, n'est point unanime. Une approche diamétralement opposée a été
adoptée à l'occasion d'une espèce dont il paraît édifiant d'exposer les contours. 62 CS com.,
28 janv. 2010, Revue de la Jurisprudence Civile, n° 4, 2011, p. 201 ; BACS, Chambre
commerciale, Partie V, 2010, p. 41 ; rev. Rihab Al Mahakim, n° 7, août 2010, p. 116. 63 J.
AGOURAM, La restriction, par la jurisprudence marocaine, du principe de l'autonomie de la
volonté dans le domaine de l'arbitrage, note sous CAC Casablanca, 31 mars 2006, rev. Rihab
Al Mahalcim, n° 8, octobre 2010, pp. 181-187. 64 Ibid. 65 Ch. GAVALDA et C.-L. de LEYSSAC,
op. cit., p. 65. 48 Une société bénéficiaire d'un contrat de licence d'une marque commerciale
avait procédé à l'enregistrement de celle-ci, en son nom, à l'Office de la propriété
industrielle à Tanger. Une action en radiation ayant été introduite par les titulaires de la
marque, la société défenderesse a excipé de l'existence d'une clause compromissoire et a de
ce fait requis du tribunal de prononcer l'irrecevabilité de la demande. Les juges du premier
degré, auxquels les conseillers de la cour d'appel ont emboîté le pas; ont considéré que le
champ des litiges pouvant faire l'objet d'arbitrage a été restreint, par la clause
compromissoire, aux différends découlant de l'exécution du contrat précité. Prônant une
interprétation stricte à cet égard, ils ont estimé que ladite clause ne couvrait pas le cas qui
leur était soumis, et ont donc tranché le fond du litige qui leur avait été déféré par le
demandeur. 84. La Cour suprême a censuré l'arrêt d'appel, estimant notamment que tout
différend résultant de l'application du contrat de licence d'exploitation devait être soumis à
l'arbitrage, et que la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une convention d'arbitrage
était parfaitement fondée et aurait dû, par conséquent, être accueillie66 . Cette décision
revêt une importance significative puisque la Cour suprême s'est enfin détachée de son
approche restrictive au profit de la recherche de la commune intention des parties. La Haute
juridiction aurait pu ainsi considérer que la mise en œuvre des clauses contractuelles ne
nécessitait pas l'enregistrement de la marque au nom du licencié et que, partant, les litiges
qui en découlaient ne concernaient point l'exécution du contrat et devaient de ce fait être
tranchés par les tribunaux étatiques. Il n'en fut rien. Nous saluons cette position et espérons
qu'elle constituera l'amorce d'une jurisprudence favorable à une conception libérale qui se
soucierait plus de la volonté réelle des parties que de la lettre de stipulations contractuelles
rédigées, manifestement, de manière maladroite.

Le cas des causes combinées : 85. La volonté des parties de régler tout litige à naître par voie
d'arbitrage n'est pas toujours exprimée de façon claire et non équivoque. Ceci est souvent
dû à une rédaction défectueuse de la clause compromissoire, mais la source de la difficulté
réside parfois ailleurs : il se peut que les parties décident, par le biais d'une clause
contractuelle, de recourir à la procédure d'arbitrage pour résoudre tout litige éventuel, et
conviennent, dans le même temps au sein d'une ou d'autres clauses, que la compétence
pour trancher les litiges qui pourraient survenir appartient au tribunal étatique. Ces
stipulations ont reçu de la part de la doctrine la qualification de « clauses combinées »
puisque les parties combinent, dans une même clause ou dans des clauses différentes, la
soumission à l'arbitrage et la désignation d'u.ne juridiction étatique67 . 66 CS com., 30 janv.
2008, GTM n.s., n° 117, novembre-décembre 2008, p. 164. 67 V. pour plus de détails à ce
sujet, Ph. FOUCHARD., E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 290. 49 86. La revue de la
jurisprudence française révèle que le traitement de cette contradiction apparente entre une
clause compromissoire et une clause attributive de juridiction se traduit par une inclinaison
à faire prévaloir la première sur la seconde68 . A titre d'exemple, dans le cadre d'une espèce
où un contrat contenait les deux clauses précitées, la première stipulant qu'en cas de litige,
ce seraient les « tribunaux de Paris » qui auraient à connaître, la seconde donnant «
compétence à des arbitres en cas de litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution des
présentes conventions », la Cour d'appel de Paris a estimé que la première de ces clauses «
ne peut être interprétée que comme une attribution de compétence territoriale, convenue à
titre subsidiaire de la convention d'arbitrage pour le cas où le tribunal arbitral ne pourrait
pas statuer »69 . 87. Quant à la jurisprudence marocaine, celle-ci tranche cette difficulté au
regard des circonstances inhérentes à chaque espèce. Autrement dit, il n'y a pas de règle
préétablie, mais une recherche de l'intention réelle des parties. S'il apparaît aux juges que
ces dernières ont manifestement exprimé le désir de soustraire l'examen du litige aux
juridictions étatiques, ils concluent à l'irrecevabilité de la requête qui leur est soumise. Il faut
reconnaître aux magistrats marocains leur professionnalisme à cet égard puisqu'ils n'ont pas
d'idée préconçue vis-à-vis des arbitres et ne perçoivent pas ces derniers comme des intrus
qui s'approprient indûment leurs prérogatives. La pratique judiciaire révèle en effet que les
juridictions marocaines n'hésitent pas à enjoindre aux parties de porter le litige devant les
arbitres, et ce malgré la présence d'une clause qui leur attribue compétence, dès lors que
l'examen des circonstances de l'espèce et des différentes clauses du contrat fait ressortir
que les parties ont souhaité recourir à l'institution d'arbitrage. Ceci résulte à titre d'exemple
de l'arrêt de la Cour d'appel de commerce de Casablanca, rendu en date du 12 janvier 2010,
dans lequel celle-ci a statué comme suit : « Attendu qu'il s'infère de la clause (...) que
l'intention des parties a été de conférer à un tribunal arbitral la compétence pour trancher
les litiges nés du contrat ou relatifs à son interprétation ; que le fait de citer le tribunal de
commerce ne change en rien l'accord précité puisque les parties ont fixé les frais d'arbitrage
et les honoraires des arbitres ; Que si l'intention des parties avait été de soumettre le
différend aux juridictions étatiques, il n'y aurait eu nul besoin de fixer le montant des
honoraires, les juges ne recevant aucune rémunération de la part des parties ; qu'il s'ensuit
que le litige doit être soumis à la procédure d'arbitrage (...) »70 . 68 Ibid. 69 CA Paris, 29 nov.
1991, Rev. Arb., 1993, p. 617, note L. Aynès, rapporté également et commenté par Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 290. 70 CAC Casablanca, 12 janv. 2010,
Boss. n° 666/2009/4, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. ° cit., p. 27. 50 Se situant
dans la même ligne jurisprudentielle, le Président du Tribunal de commerce de Casablanca a
rendu une ordonnance dans laquelle il a estimé que malgré la présence, aux côtés de la
clause compromissoire, d'une stipulation contractuelle attribuant compétence aux
juridictions étatiques, «la comparution du représentant de la défenderesse de même que
son avocat devant le tribunal arbitral, et la présentation d'une requête en paiement, puis
l'échange de mémoires durant l'instance arbitrale, sont autant d'éléments qui démontrent
que les parties ont souhaité régler le différend qui les oppose par voie d'arbitrage »71 . 88. Il
convient toutefois de relever que les juridictions marocaines ne font pas toujours Une juste
application du pouvoir d'appréciation qui leur est dévolu dans le cadre de la recherche de la
véritable intention des parties. Ceci transparaît clairement à la lecture d'un arrêt de la Cour
d'appel de commerce de Casablanca du 20 mars 2007, dont il semble utile d'exposer les
principaux Motifs : «Attendu qu'il ressort du contrat, précisément de l'article 19 dont
l'appelant se prévaut pour démontrer l'existence d'une clause compromissoire, que le
premier paragraphe a fixé les modalités de désignation de l'arbitre, puis que le second
paragraphe a stipulé qu'il n'est pas admis d'intenter d'action à l'encontre de l'assureur avant
que le tribunal arbitral ait rendu sa sentence, et que l'assuré est déchu de ses droits s'il ne
saisit pas la juridiction étatique dans le délai de trois mois à compter de la date de reddition
de la sentence ou du rejet de sa demande ; Qu'il apparaît donc à la lecture de l'article précité
que celui-ci a fixé des délais pour introduire une instance judiciaire, et ce après avoir fait
référence à l'arbitrage , qu'il s'ensuit qu'il n'a pas permis que la décision arbitrale tranche le
litige de façon catégorique, mais qu'il a réservé aux parties la possibilité de recourir aux
juridictions étatiques ; Que l'intention des parties a donc été de tenter de régler le litige à
l'amiable ou par le biais de la médiation d'arbitres qui seront ultérieurement désignés, et ce
avant de soumettre le litige aux juges ; Qu'en l'absence de la volonté des parties de conférer
aux arbitres le pouvoir de trancher le différend, et eu égard au défaut de caractère
contraignant de la sentence, l'existence de la clause compromissoire, au sens juridique du
terme, n'est pas caractérisée ; qu'il s'ensuit que la décision rendue par les arbitres ne petit
recevoir la qualification de sentence arbitrale ; qu'elle ne saurait, en conséquence, être
revêtue de l'exequatur »72 . 89. Cet arrêt a été censuré par la Cour suprême, laquelle a jugé
que la qualification opérée par la juridiction d'appel était manifestement contraire à
l'intention des parties. Ainsi, après avoir rappelé le principe selon lequel il n'y a pas lieu à
interprétation lorsque les termes de la convention sont clairs, la Haute juridiction a relevé
que l'article 19 du contrat liant les parties 71 Trib. com. Casablanca ord. réf., 24 déc. 2008,
doss. n° 2069/01/2008, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit., p. 28. 72 CAC
Casablanca, 20 mars 2007, doss. 435610614, rapp. par M. BOUNJA et N. ALLAOUAH, op. cit.,
p. 249, 51 fait expressément référence au règlement du litige par voie d'arbitrage, et qu'en
estimant qu'il s'agissait d'une clause de médiation, la cour d'appel a dénaturé le sens des
stipulations contractuelles, ce qui justifie la cassation de sa décision73 . 90. Signalons par
ailleurs une position médiane adoptée par la jurisprudence marocaine, qui consiste à donner
effet aux deux clauses, et ceci en attribuant compétence aussi bien au tribunal arbitral qu'a
la juridiction étatique, chacun dans un champ bien dessiné, lorsque la portée des deux
clauses s'y prête bien évidemment. Il paraît utile de citer à cet égard, à seule fin
d'illustration, l'arrêt rendu par la Cour suprême en date du 26 mars 2008 qui a décidé que «
si l'article 26 du contrat qui lie les parties stipule que tout litige découlant de l'interprétation
et de l'exécution des clauses dudit contrat devra être soumis à l'arbitrage, il n'en demeure
pas moins que l'article 21 du même contrat a attribué la compétence pour trancher tout
litige résultant de ce dernier aux autorités judiciaires marocaines compétentes ; qu'il s'ensuit
que la compétence du tribunal arbitral a été limitée, de manière expresse, au seul règlement
des litiges relatifs à l'interprétation et à l'exécution du contrat, et que tout autre différend
relève de la compétence des autorités judiciaires officielles»74 . 91. Soulignons enfin que
lorsqu'il ne paraît pas possible de concilier la clause d'arbitrage et celle attribuant
compétence aux juridictions étatiques, un mouvement jurisprudentiel préconise de faire
application de l'article 464 DOC qui dispose : « Les clauses des actes doivent être
interprétées les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier
; lorsque les clauses sont inconciliables entre elles, on s'en tient à la dernière dans l'ordre de
l'écriture ». A titre d'exemple, dans l'espèce ayant donné lieu à la décision ci-dessus
rapportée, le Tribunal de commerce de Casablanca75 avait adopté la règle précitée, et
décidé de donner effet à la clause postérieure (l'article 26), laquelle enjoignait de régler le
litige par voie d'arbitrageLa désignation des arbitres ou la détermination des modalités de
constitution du tribunal arbitral : 92. L'article 317 CPC dispose : «A peine de nullité : (...) La
clause d'arbitrage doit, soit désigner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur
désignation ». Il y a lieu de souligner à titre liminaire que la désignation des arbitres dans la
clause compromissoire revêt une importance pratique majeure. Elle permet en effet de faire
échec à toute manœuvre dilatoire à laquelle pourrait se livrer une partie mal intentionnée
qui voudrait retarder la procédure d'arbitrage en s'abstenant d'effectuer les formalités qui
lui incombent en 73 CS com., 3 déc. 2008, doss. n° 851/3/2007, rapp. par M. BOUNJA et N.
ALLAOUAHI, op. cit., p. 45. 74 CS com., 26 mars 2008, doss. n° 697/3/2/2006, préc. 75 Trib.
com. Casablanca, 9 déc. 2003, rapp. par M. BOUNJA et N. ALLAOUAH, op. cit., p. 492. 52 vue
de constituer le tribunal arbitral, ou en contestant la régularité de la procédure mise en
œuvre à cet effet par la partie adverse, d'où l'intérêt de prévoir, à défaut de désignation des
arbitres, les modalités relatives à la constitution du tribunal arbitral. Il convient donc de
s'attacher en premier lieu à définir les effets que le défaut de désignation est susceptible de
produire, puis de faire état des incidences de la désignation équivoque, et enfin d'identifier
les conditions essentielles propres à la personne que la ou les parties souhaitent désigner
comme arbitre. a- Le défaut de la désignation des arbitres : 93. Il paraît utile de signaler,
d'emblée, qu'en matière d'arbitrage international, le défaut de désignation des arbitres dans
la clause compromissoire ne saurait affecter la validité de cette dernière. La raison en est
que l'article 327-41 CPC n'a pas érigé cette désignation en obligation, et s'est uniquement
contenté d'en accorder la faculté aux parties76 . 94. La clause qui ne précise en rien les
modalités de désignation des arbitres, ni directement, ni par référence à un règlement ou à
une institution d'arbitrage, qualifiée de clause blanche»77 , est donc valable en matière
internationale. 95. S'agissant de l'arbitrage interne, la revue des décisions ayant fait l'objet
de publication fait ressortir que les juridictions marocaines sont divisées quant aux effets
découlant du défaut de désignation des arbitres dans la clause compromissoire. 96. Un
courant jurisprudentiel estime ainsi que cette omission conduit à ôter tout effet à ladite
clause78 . A seule fin d'illustrer, nous citerons une ordonnance émanant du Président du
Tribunal de commerce de Rabat dans laquelle celui-ci a statué comme suit : « Vu la requête
introductive d'instance déposée en date du 26 novembre 1998 dans laquelle monsieur Y.B.A.
a exposé qu'il avait conclu avec la société S. un contrat renfermant une clause aux termes de
laquelle les parties convenaient de régler tout différend à naître en ayant recours à des
arbitres désignés par leurs soins ; Qu'un litige est survenu entre les parties et que monsieur
Y.B.A. a demandé à la société S. de désigner ses arbitres et de se présenter au bureau du
conseil du demandeur en vue de mettre en œuvre la procédure d'arbitrage, mais que ladite
société s'est abstenue de le faire ; 76 Cet article dispose en effet que « la convention
d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage, désigner le ou les
arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation ». V. en ce sens également, K. ZAHER,
art. prés., p. 68 : « La désignation des arbitres par la convention d'arbitrage est donc une
simple faculté en matière d'arbitrage international ». 77 Ph..FOUCHARD, E. GAILLARD et B.
GOLDMAN, op. cit., p. 287. 78 En particulier lorsque nulle précision n'est fournie au sujet des
modalités de désignation des membres du tribunal arbitral. 53 Que le demandeur estime
donc être en droit de requérir du président du tribunal de commerce d'ordonner au greffier
en chef ou à toute personne en tenant lieu, de convoquer les parties à une réunion du
comité d'arbitrage, en sommant ces dernières d'y assister, accompagnées des arbitres
qu'elles auront choisis (...) ; Attendu que le contrat conclu entre les parties comporte une
clause compromissoire ; Que le fait de convenir de trancher le litige par voie d'arbitrage sans
désigner les arbitres constitue un accord subordonné à une condition suspensive ; Qu'il
ressort de l'examen du contrat que les parties sont convenues que tout litige à naître serait
réglé par des arbitres désignés par leurs soins ; Que celles-ci n'ont pu s'accorder quant au
choix des arbitres, ni dans le contrat initial ni dans une convention ultérieure ; Qu'il s'ensuit
que la convention d'arbitrage est sans objet ; Et attendu que les parties ont inséré dans le
contrat une clause selon laquelle, au cas où l'une d'elles refuserait de donner effet à la
clause compromissoire, le litige devrait être soumis au tribunal ; Que les parties se sont donc
réservé la faculté de saisir les juges étatiques en cas de désaccord sur le choix des arbitres ;
Qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit aux prétentions du demandeur»79 .
Consacrant la règle retenue par la décision précitée, la Cour d'appel de Casablanca a estimé,
à l'occasion d'une espèce où elle devait déterminer les incidences juridiques du défaut de
désignation des arbitres, que « s'il est vrai que le contrat contient en son article 7 une clause
compromissoire, les noms des arbitres n'ont toutefois pas été spécifiés ; il s'ensuit qu'il n'est
pas admis de se prévaloir de l'existence d'une convention d'arbitrage, cette dernière n'ayant
pas vocation à s'appliquer puisqu'elle ne remplit pas les conditions requises pour sa
validité»80 . 97. La Cour d'appel de Marrakech a, de son côté, pris le parti de tempérer la
rigueur de ces décisions. Ainsi, tout en affirmant que la nullité est encourue en cas de défaut
de désignation des arbitres, elle a subordonné l'application de cette sanction à certaines
conditions afférentes à la nature du contrat au sein duquel est insérée la clause
compromissoire81. Elle a en effet statué comme suit : 79 Trib. Com. Rabat ord. Prés., 2 déc.
1998, doss. n° 1/1413/98, rev. Al Ichaa, fi° 19, 1999, p. 247. 80 CA Casablanca, 25 avr. 2006,
doss. n° 3634/2005/4, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit., p.45. 81 CA
Marrakech, 10 avr. 2008, doss. n° 3697/1/2007, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op.
cit., p. 81. 54 « Attendu que l'intimé fonde sa requête tendant à prononcer la nullité de la
clause compromissoire sur la violation de l'article 308 du Code de procédure civile qui
dispose que le compromis doit, à peine de nullité, désigner l'objet du litige et le nom des
arbitres ; soutient que la clause compromissoire n'a pas désigné les arbitres et doit de ce fait
être déclarée nulle ; Mais attendu que les dispositions de l'article 308 précité, invoquées par
l'intimé, concernent le compromis d'arbitrage, tandis que l'objet de la présente requête a
trait à la nullité de la clause compromissoire ; Que le défaut de désignation des arbitres dans
le contrat renfermant une clause compromissoire n'entraîne la nullité de cette dernière,
conformément à l'article 309 du Code de procédure civile, que lorsque le contrat se rapporte
à un acte de commerce (...) ; Qu'il s'ensuit que la clause compromissoire contenue dans le
compromis de vente est valide et s'impose aux parties »82 . 98. Relevons par ailleurs qu'un
autre courant jurisprudentiel soutient que le défaut de désignation des arbitres n'entraîne
pas la nullité de la clause compromissoire, et ce quelle que soit la nature du contrat dans
lequel elle est insérée. Ceci ressort d'une lecture a contrario de certaines décisions rendues
avant l'entrée en vigueur de la loi 08-05, qui avaient considéré que le caractère manuscrit de
la clause compromissoire n'était obligatoire que si ladite clause contenait d'avance la
désignation des arbitres, et qu'en l'absence de cette désignation la rédaction manuelle
n'était pas requise, concluant ainsi — de manière indirecte — à la validité de la clause
d'arbitrage qui ne désigne pas le nom des arbitres. L'arrêt rendu par la Cour d'appel de
Casablanca en date du 25 juin 1983, qui avait retenu cette solution, ne constituait en vérité
que le couronnement d'une jurisprudence qui remontait à plus de quatre décennies, et ceci
tel qu'il ressort d'une décision de la Cour d'appel de Rabat du 23 avril 1942 dont voici la
teneur : « Attendu qu'à la demande formulée par Hammouch, le Bureau central des
transports et l'Omnium nord-africain ont opposé l'exception d'incompétence tirée de la
clause 13 du contrat ainsi conçue : « Toute difficulté d'interprétation ou d'exécution dérivant
dudit accord sera obligatoirement soumise à l'examen d'arbitres désignés par chacune des
parties intéressées, en conformité des dispositions de l'article 529 du Dahir de procédure
civile » ; Attendu que c'est à tort que Hammouch prétend que cette clause compromissoire
est nulle parce que non écrite à la main ; Attendu, en effet, qu'aux termes de l'article 529 du
Dahir de procédure civile, la clause compromissoire, en matière commerciale, ne doit être
manuscrite et spécialement approuvée 82 Il convient de préciser à cet égard que cette
décision a fait application de l'ancienne réglementation relative à l'arbitrage car le litige avait
été porté devant les juridictions étatiques avant l'entrée en vigueur de la loi 08- 05. 55 par
les parties que si elle contient d'avance la désignation des arbitres, ce qui n'est pas le cas en
l'espèce»83 . 99. Il paraît également utile de mentionner une décision de la Cour d'appel de
Commerce de Casablanca, rendue certes après l'adoption de la loi 08-05, mais qui a fait
application de l'ancienne réglementation relative à l'arbitrage, laquelle gouvernait les faits
de l'espèce qui était soumise à la juridiction précitée. Il y a ainsi été décidé que « le moyen
tiré de la nullité de la clause- compromissoire du fait que cette dernière, qui n'est pas
manuscrite, violerait les dispositions de l'article 309 du Code de procédure civile, n'est guère
probant car l'exigence du caractère manuscrit n'est prévue que dans le cas où les arbitres
seraient désignés d'avance par les parties ; il s'ensuit que la rédaction manuelle n'est pas
requise lorsque les parties ne désignent pas les arbitres et ne prévoient pas les modalités de
leur désignation conformément au Code de procédure civile »84 . La principale raison
invoquée par ce mouvement jurisprudentiel consiste clans le fait que le législateur a permis
de suppléer au défaut de désignation des arbitres par le recours au président du tribunal en
vue de prêter son assistance à la constitution du tribunal arbitral. Le Tribunal de commerce
de Marrakech a ainsi eu à connaître d'une espèce où une partie avait requis la nullité de la
clause compromissoire au motif que celle-ci avait omis de désigner les arbitres. Après avoir
relevé que la clause d'arbitrage avait, au contraire, désigné le maître d'œuvre du projet
comme arbitre, la juridiction précitée a estimé que « même en cas de défaut de désignation,
la clause compromissoire n'est pas entachée de nullité car l'ancien article 309 du Code de
procédure civile — qui régit le litige du fait que le contrat il été conclu avant l’entrée en
vigueur de la nouvelle loi formant Code de l'arbitrage — ainsi que l'article 327-5 du Code de
procédure civile, permettent d'effectuer cette désignation par le président sur demande de
l'une des parties »85 . 100. Il s'infère par ailleurs de ce jugement que la loi 08-05 n'a guère
mis fin à la confusion qui régnait au sein de la jurisprudence. Bien au contraire, elle a semé
encore plus d’ambiguïté en prévoyant des dispositions contraires, sans souci de cohérence.
Ainsi, après avoir sanctionné de nullité la clause d'arbitrage qui ne désigne pas les sentences
arbitrales et ne prévoit pas les modalités de leur désignation86, la loi précitée, par le biais de
327-5 inséré au sein du Code de procédure civile, a prescrit les formalités à entreprendre en
cas d'inobservation de cette obligation. 101. La conséquence logique susceptible d'être
engendrée par la rédaction critiquable que le législateur a privilégiée, est une éventuelle
contradiction au niveau de la jurisprudence 83 CA Rabat, 3 ème ch., 23 avr. 1942, R.A.C.A.R.,
t. XI, 1941-1942, p. 447 84 CAC Casablanca, 17 mars 2009, doss. n° 1610/2009, rapp. par O.
AZOUGGAR et. A. EL. ALAMI, op. cit., p. 45. 85 Trib. com. Marrakech, 28 sept. 2009, doss. n°
943/4/09, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. p. 53 86 Art. 317 CPC. 56 concernant
la validité de la clause compromissoire qui ne remplit pas les conditions prévues par l’article
317 CPC. Certaines juridictions pourraient opter pour l'application de la sanction par l'article
précité, à savoir la nullité, d'autant plus que ce dernier ne prévoit aucune exception, et que
l'article 327-5 CPC ne spécifie aucunement, du moins de manière expresse, que si les
formalités qu'il a prescrites sont accomplies par les parties, la nullité dont fait état 317 CPC
n'est plus encourue. 102. D'autres magistrats pourraient en revanche soutenir que même à
défaut de mention explicite, l'article 327-5 CPC prévoit une dérogation à la règle instituée
par l'article 317 CPC, toute irrégularité à cet égard étant présumée couverte par la conduite
à terme des procédures par l'article 327-5 CPC. Cet imbroglio n'est certainement pas
théorique. A preuve, même si la jurisprudence demeure rare à ce propos, les divergences
jurisprudentielles ont déjà fait leur apparition, augurant une situation intolérable
d'incertitude, source d'insécurité juridique et, d'appréhension vis-à-vis de l'institution
arbitrale dans son ensemble. En effet, comment de simples profanes peuvent-ils avoir
confiance en une institution dont les contours juridiques sont confus à un point tel que des
professionnels chevronnés, en l'occurrence les magistrats, sont en totale contradiction avec
leurs pairs et ne parviennent pas à adopter une position unifiée concernant un point qui, a
priori, ne recèle pas de complexité, et ne devrait pas soulever de difficulté particulière ?
Qu'en sera-t-il lorsqu'il s'agira de démêler l’écheveau, souvent inextricable, des
contradictions entre des lois différentes, ou entre la 1a loi interne et une ou des conventions
internationales, ou encore lorsque le juge devra s’assurer de l'existence des règles
transnationales mises en œuvre par le tribunal arbitral, puis du bien-fondé de cette
démarche eu égard à la convention des parties et au nécessaire respect des droits de la
défense, etc. ? 103. Signalons à propos de l'apparente contradiction entre les articles 317 et
327-5 que le Tribunal de commerce de Marrakech a rendu un jugement dans lequel il a pris
le parti d'appliquer la sanction édictée par l'article 317 CPC. On peut ainsi lire sous la plume
des juges de cette juridiction : « Attendu qu'à la lecture de la clause compromissoire, il
s'avère que celle-ci n'a ni désigné le tribunal arbitral ni prévu les modalités de sa désignation
; que ceci constitue une violation de l'article 317 du Code de procédure civile qui sanctionne
de nullité la clause d'arbitrage qui ne remplit pas la condition précitée »87 . Ce jugement est
d'autant plus révélateur des contradictions qui risquent de faire rage au sein de la
jurisprudence, que la même juridiction avait rendu, quelques mois auparavant, une décision
qui avait adopté l'approche diamétralement opposée, estimant notamment que la nullité ne
saurait être encourue car l'article 327-5 CPC permet aux parties de suppléer à 87 Trib. com.
Marrakech, 17 juin 2010, doss. n° 420/4/10, rapporté par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op.
cit., p. 67. 57 l'omission précitée par le biais de la saisine du président du tribunal aux fins de
procéder aux désignations nécessaires. 104. Une solution médiane serait de considérer que
le défaut de désignation des arbitres est couvert par l'accomplissement des formalités
prescrites par l'article 327-5 CPC, mais seulement à la condition qu'aucune des parties
n'excipe de la nullité. Si, au contraire, l'une d'elles conteste la validité de la clause
compromissoire, il conviendra de donner effet à la règle édictée par l'article 317 CPC et
sanctionner la clause compromissoire incomplète. Toutefois, dans un souci de simplification,
et aux fins de se départir de tout formalisme inutilement restrictif, nous nous prononçons en
faveur de la solution à même de favoriser l'essor de l'arbitrage, à savoir la couverture de
l'irrégularité par le recours à l'article 327-5 CPC. Nous enjoignons cependant au législateur
de se saisir de cette question, et prévenir ainsi, par des dispositions claires et cohérentes,
l'imbroglio juridique qui risque d'en découler. b- La désignation équivoque : 105. La
rédaction des stipulations contractuelles n'est pas toujours exempte de critique.
Nombreuses en effet sont les clauses d'arbitrage dont la formulation est loin de présenter
les vertus de précision et de concision, indispensables à la mise en œuvre sereine et efficace
de l'instance arbitrale. Ces déficiences ne consistent pas uniquement dans le défaut de
désignation des arbitres ou de détermination des formalités relatives à cette désignation ; il
demeure possible que les membres du tribunal arbitral soient nommés, mais que la clause
compromissoire soit pathologique, c'est-à-dire qu'elle présente « un vice susceptible de faire
obstacle au déroulement harmonieux de l'arbitrage (..). [Les clauses d'arbitrage] peuvent
désigner l'institution d'arbitrage de manière erronée ou insuffisamment précise. Elles
peuvent prévoir une soumission du litige aux arbitres qui peut sembler facultative, un
mécanisme inopérant de désignation des arbitres en faisant choix d'une institution refusant
cette fonction, ou désigner nommément des individus qui peuvent être décédés au moment
du litige »88 . 106. S'agissant du cas qui nous intéresse tout particulièrement dans le cadre
de la présente étude, à savoir la clause compromissoire contenant une désignation
équivoque des arbitres, la jurisprudence française n'hésite pas à sanctionner ladite clause de
nullité. La Cour d’appel de Paris a ainsi rendu une décision dans laquelle elle a estimé qu' «
est nulle la clause compromissoire qui contient la seule mention d'un tribunal arbitral
siégeant à Paris, mention insuffisante à défaut de précision, soit du nom des arbitres ou
d'une institution arbitrage, soit des modalités de leur désignation »89 . 88 Ph. FOUCHARD, E.
GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., pp. 283-284. 89 CA Paris, 17 oct. 1991, Société Entreprise
Chagnaud c/ Société Arcole, rapp. par S. CREPIN, Les sentences arbitrales devant le juge
français, Pratique de l'exécution et du contrôle judiciaire depuis les reformes de 1980- 1981,
LGDJ, 1995, p. 208. 58 107. La même position est adoptée par la jurisprudence marocaine.
En atteste, à titre d’exemple, l'arrêt émanant de la Cour d'appel de commerce de Casablanca
en date du 9 février 2001, dont il paraît utile d'exposer les motifs : « Attendu que l'autorité à
laquelle a été dévolue la mission de conduire la procédure d'arbitrage, à savoir la Chambre
de commerce, n'a pas été définie avec précision puisqu’il existe deux Chambres de
commerce au Maroc : la Chambre de commerce internationale et la Chambre de commerce,
d'industrie et de services, cette dernière qui ne dispose pas de règlement de transaction et
d'arbitrage, tel qu'il ressort de l'attestation établie par ses soins en date du 18 novembre
2001, et qui a été versée au dossier ; Et attendu que le défaut de précision qui entache la
désignation de l’arbitre constitue le fondement sur la base duquel l'intimée a saisi les
tribunaux étatiques au lieu de mettre en œuvre la procédure d'arbitrage ; Qu'en effet, la
clause compromissoire est entachée d'un vice affectant sa validité, qu’il s'ensuit que les
juridictions étatiques sont compétentes pour trancher le litige » 90 . c- Les exigences
requises pour accéder au statut d’arbitre : 108. Il convient de signaler d'emblée qu'il est des
personnes qui ne peuvent, pour des considérations d'incompatibilité avec les fonctions
qu'elles exercent, être désignées comme arbores : tel est par exemple le cas des
magistrats91 puisque l'article 15 du Dahir du 11 novembre 1974 formant statut de la
magistrature dispose qu'en dehors de leurs fonctions, les juges n'ont pas le droit d'exercer,
même à titre occasionnel, une autre activité, qu'elle soit ou non rémunérée. 109. Les
juridictions marocaines ont eu à connaître d'une affaire les parties avaient convenu de
soumettre tout litige éventuel à l'arbitrage, non pas d'une personne privée, mais d’une
juridiction étatique. Il ne s'agissait point en l'espèce d'une clause attributive de compétence
à un tribunal étatique, mais bien d'une clause compromissoire désignant ce nier comme
tribunal arbitral. La Cour suprême a rendu à cet égard une décision dans laquelle elle a
affirmé, de façon péremptoire, le principe suivant : «Il n'est pas admis de soumettre le
règlement d'un litige par voie d'arbitrage au Tribunal de commerce [de Casablanca], car la
juridiction commerciale n'est pas une institution d'arbitrage, mais fait partie de la justice
étatique » 92 . 90 CAC Casablanca, 9 févr. 2001, doss. n° 119/2001/13, rapp. par O.
AZOUGGAR et A. EL ALANII, op. cit. ; p. 67. 91 Soulignons à cet égard que la jurisprudence
française consacre la validité de la désignation d'un juge pour la mission d'arbitre. Les
tribunaux marocains ont, d'ailleurs, déjà eu à connaître d'une espèce où une demande était
présentée en vue d'accorder l'exequatur à une sentence arbitrale rendue par le Président du
Tribunal de commerce de Marseille. 92 CS com., 19 mai 2011 rev. Série de la jurisprudence,
n° 4, 2013, p. 201. 59 110. Soulignons par ailleurs que le législateur a posé certaines
exigences pour pouvoir accéder au statut d'arbitre. Aux termes de l'article 320 CPC, une
personne morale désignée en tant qu'arbitre, « ne dispose que du pouvoir d'organiser et
d'assurer le bon déroulement de l'arbitrage ». Seules des personnes physiques, jouissant de
leur pleine capacité, sont autorisées à trancher, en leur qualité d'arbitres, les litiges qui
opposeraient des parties. L'article 321 CPC prescrit pour sa part que « les personnes
physiques qui, habituellement ou par profession, exercent des missions d'arbitre, soit de
manière individuelle, soit au sein d'une personne morale dont l'arbitrage est l'un de ses
objets sociaux, doivent en faire la déclaration auprès du procureur général près la cour
d'appel dans le ressort de laquelle elles résident ou dans le ressort de laquelle se trouve le
siège social de la personne morale ». Le procureur général procédera par la suite à
l'inscription de l'intéressé sur la liste des arbitres près la cour d'appel, et ce après avoir opéré
un examen minutieux de la requête, et vérifié notamment que le requérant qui allègue
l'exercice de la mission d'arbitre à titre habituel a fourni la preuve de la véracité de sa
prétention. La note circulaire numéro 12.c.2, émanant du ministre de la justice, a enjoint au
procureur général, lors de la mise en œuvre des dispositions de l'article 321 CPC, de faire
montre de libéralisme dans son appréciation de la valeur probante des pièces que le
requérant lui soumet ; ainsi, tous les moyens de preuve sont recevables, « notamment les
décisions arbitrales produites par le déclarant qui démontrent qu'il exerce habituellement
cette mission»93 . Le procureur général aura également la tâche de s'assurer que le
déclarant remplit la condition posée par l'article 320 CPC, à savoir qu'il n'a «pas fait l'objet
d'une condamnation devenue définitive pour des faits contraires à I 'honneur, à la probité
ou aux bonnes mœurs ou le privant de la capacité d'exercer le commerce ou de l'un de ses
droits civils ». Observons à titre liminaire que cette disposition a exigé le caractère « définitif
» de la condamnation prononcée à l'encontre du requérant. Lorsque la décision de
condamnation pour les faits énumérés par l'article 320 CPC jouit de la force de la chose
jugée, il n'y a pas lieu à difficulté, en ce sens que la demande doit être rejetée par le
procureur général. 111. Quid si la décision de condamnation n'est pas encore devenue
définitive, c'est-à-dire, s'il s'agit uniquement d'un jugement de première instance
condamnant le requérant pour faux témoignage, corruption, escroquerie ou faux et usage
de faux..., ou encore si le jugement de condamnation a été confirmé par la cour d'appel,
mais que l'arrêt de cette dernière a fait l’objet d'un pourvoi en cassation ? La question se
pose donc de savoir si la demande tendant à 93 Il paraît utile de souligner que cette note
circulaire a précisé que l'exigence de faire une déclaration au procureur général pour
accéder au statut d'arbitre ne doit nullement être interprétée comme la défense faite aux
parties de choisir comme arbitre une personne ne figurant pas sur la liste des arbitres agréés
près la cour d'appel. La note précitée prend ainsi bien soin de rappeler que le choix des
arbitres est gouverné par le principe de l'autonomie de la volonté, et que les formalités
édictées par l'article 321 CPC ne visent qu'a faciliter la mission d'assistance à la constitution
du tribunal arbitral, dévolue au président de la juridiction compétente en vertu des articles
327-4 et 327-5 CPC. 60 obtenir le statut d'arbitre sera accueillie, du fait que la décision de
condamnation n'est point définitive, ou si elle sera rejetée sur la base du caractère sérieux
des faits pour lesquels le requérant est poursuivi, qui ont donné lieu de surcroît à une
décision émanant de juges, a priori spécialisés et compétents, qui ont procédé à un examen
méticuleux de tous les éléments de l’affaire, puis ont conclu à la culpabilité certaine de
l'accusé (le requérant), la certitude étant bien évidemment une condition sine qua non pour
prononcer un jugement de condamnation dans la mesure où le doute profite à l'accusé. Il
est extrêmement malaisé de donner une réponse tranchée à cette question, d'autant plus
que les incidences sur la procédure d'arbitrage peuvent être désastreuses. En si l'on fait
droit à la demande présentée par un requérant ayant fait l'objet de condamnation non
définitive et qu'on lui confie la mission d'arbitrer des litiges, puis que la de condamnation
passe en force de chose jugée pendant que l'instance ou les instances arbitrales sont en
cours, ou pis, alors que des sentences viennent d'être rendues, cela pour effet d'avorter
l'arbitrage, dans la mesure où les sentences arbitrales devraient être annulées pour
constitution ou composition irrégulière du tribunal arbitral. 112. Nous estimons pour notre
part que compte tenu de la suspicion légitime qui pèse sur le requérant, et l'atteinte que
cela risque de porter à l'institution d'arbitrage, le statut d'arbitre devrait être refusé à cette
personne. Toutefois, nous sommes conscients que le procureur général ne dispose pas
d'assise textuelle pour rejeter la demande, la lettre de l'article 320 CPC ne s'opposant pas à
ce que tout individu dont la décision de condamnation n'a pas encore acquis la force de la
chose jugée, obtienne le statut d'arbitre et tranche les litiges qui lui seront soumis. Nous
enjoignons donc au procureur général de faire montre de sagacité, et de déployer subtilités
de raisonnement lui permettant de rejeter la demande si le requérant ne satisfait pas à la
moindre exigence légale, fût-elle infime. 113. Nous sommes également d'avis qu'il serait
possible de pallier cette lacune en adoptant une interprétation libérale de l'article 320 CPC,
et ce en recherchant la véritable intention du législateur, sans s'arrêter au sens littéral des
termes. Cette démarche conduira certainement à considérer que si les rédacteurs de la loi
08-05 ont exigé le caractère définitif de la condamnation, cela est principalement dû à la
présomption d'innocence qui s'attache au requérant. Si l'examen de la décision de
condamnation fait donc ressortir que le condamné, qui souhaite accéder au statut d'arbitre,
a avoué les faits qui lui sont reprochés et n'a pas contesté ses aveux en soutenant qu'ils
étaient consécutifs à une torture ou à toute autre forme illégale de pression, exercée par la
police judiciaire notamment, la présomption d'innocence n'aurait plus lieu de jouer dans ce
cas, et la requête du condamné, présentée au procureur général conformément à l'article
321 CPC, devrait être vouée au rejet. 61 B- Les conditions de fond de la clause
compromissoire : 114. Il n'y a pas lieu dans ce paragraphe de traiter de conditions telles que
la capacité, le consentement, la cause ou l'objet, conditions essentielles à la validité de la
clause compromissoire. En revanche, il paraît utile de procéder à l'examen des conditions de
fond inhérentes, de manière spécifique, à la clause compromissoire. L'étude portera donc
essentiellement sur l'identification de la nature des litiges dont le règlement peut être prévu
par l'insertion de clauses d'arbitrage. Il conviendra également de déterminer les conditions
requises pour la validité de ces dernières. A cet égard, trois cas de figure seront envisagés :
la clause compromissoire peut concerner un litige de nature civile, s'attacher au règlement
d'un éventuel différend présentant un aspect commercial, ou être insérée dans le cadre d'un
acte mixte. 1- La clause compromissoire en matière civile : 115. Le droit de l'arbitrage a été
instauré par le Dahir de procédure civile du 12 août 1913, lequel avait réservé le chapitre 15
du titre IV à l'arbitrage. La validité de la clause compromissoire, quand bien même elle serait
relative à un différend de nature civile, a été reconnue depuis l'ère du protectorat, ainsi qu'il
résulte d'une lecture a contrario de l'article 529 du dahir précité, tel que modifié par le Dahir
du 5 octobre 1928. Cette reconnaissance législative n'était pas uniquement l'œuvre de
l'ancien Dahir de procédure civile, mais également du Dahir des obligations et des contrats,
datant lui aussi du 12 août 1913. L'article 894 DOC dispose en effet : « Quelle que soit
l'étendue de ses pouvoirs, le mandataire ne peut, sans l'autorisation expresse du mandant,
déférer serment décisoire, faire un aveu judiciaire, défendre au fond en justice, acquiescer à
un jugement ou s'en désister, compromettre ou transiger (...), le tout sauf les cas
expressément exceptés par la loi ». Il convient par ailleurs de relever que la consécration de
la validité de l'arbitrage en matière civile a aussi été opérée par les juridictions du Royaume
en leur qualité d'autorité judiciaire investie du pouvoir d'interpréter et de mettre en
application les dispositions légales. 116. C'est ainsi que la jurisprudence n'a pas hésité à
limiter l'étendue de la règle édictée par l'alinéa premier de l'article 487 DOC qui prescrit que
« le prix de la vente doit être déterminé. On ne peut en rapporter la détermination à un tiers
ni acheter au prix payé par un tiers, à moins que le prix ne fût connu des contractants ». La
Cour d'appel de Rabat94 a ainsi considéré que la clause figurant au sein d'un contrat de
vente, qui charge des arbitres de déterminer le prix, est parfaitement licite, et ceci en vertu
du principe de l'autonomie de la volonté. 94 CA Rabat, 28 mars 1928, R.A.C.A.R., t. IV, p. 336.
62 La décision précitée ayant principalement trait au contrat de vente, lequel peut être un
acte purement civil ou revêtir un caractère commercial, la question de la validité de la clause
compromissoire insérée dans un contrat de nature civile a continué à se poser. En effet, les
ne souhaitant plus s'en remettre à la discrétion des arbitres n'hésitaient pas à ci- la nullité de
la clause compromissoire chaque fois qu'elle était stipulée dans un civil, arguant notamment
de l'absence de consécration légale expresse. Ce point n'a jamais suscité de difficulté au
niveau de la jurisprudence puisque celle-ci a de tout temps reconnu la validité de la clause
précitée. Il paraît utile de reproduire, à titre d’exemple, les principaux attendus d'un arrêt
rendu par la Cour d'appel de Casablanca en date avril 1942 : «Attendu qu'à la demande
formulée par Hammouch, le Bureau central des transports et l'Omnium nord-africain ont
opposé l'exception d'incompétence tirée de la 13 du contrat, ainsi conçue : 'Toute difficulté
d'interprétation ou d'exécution dérivant dudit accord sera obligatoirement soumise à
l'examen d'arbitres désignés par chacune des intéressées, en conformité des dispositions de
l'article 529 du Dahir de procédure Attendu que c'est à tort que Hammouch prétend que
cette clause compromissoire est nulle parce que non écrite à la main ; Attendu, en effet,
qu'aux termes de l'article 529 du Dahir de procédure civile, la compromissoire, en matière
commerciale, ne doit être manuscrite et spécialement rée par les parties que si elle contient
d'avance la désignation des arbitres, ce qui n’est pas le cas en l'espèce »95 . Il s'infère de cet
arrêt que la clause compromissoire stipulée « en matière commerciale » ne doit
impérativement être rédigée manuellement puis recevoir l'approbation des parties que
lorsqu'elle contient d'avance la désignation des arbitres, mais il en résulte surtout, en ce qui
a trait au sujet qui nous intéresse, que la clause compromissoire qui n’est pas insérée au sein
d'un contrat commercial n'est pas soumise aux mêmes règles, ce qui est en définitive, et en
raisonnant a contrario, une reconnaissance de la possibilité de stipuler des clauses
d'arbitrage dans des matières non commerciales, notamment dans le domaine civil96 .
L'arrêt précité est loin d'être un cas isolé puisque d'autres décisions se sont prononcées sur
cette question de validité. A titre d'exemple, la Cour suprême97 a rendu en date du 16
janvier 2002 un important arrêt inhérent à la validité de la clause compromissoire en civile.
Elle a 95 CA Rabat, 23 avr. 1942, préc. 96 Cette affirmation est notamment confortée par la
lettre de l'article 529 de l'ancien Dahir de procédure interdisait de désigner les arbitres au
sein des clauses compromissoires insérées dans des contrats civils. 97 CS 16 janv. 2002,
rapp. par A. MESBAHI, L'arbitrage à travers la jurisprudence de la Cour suprême, in La
jurisprudence et l'arbitrage commercial, Colloque organisé à Rabat en date du 5 mars 2004
par la Cour marocaine et la Cour de cassation égyptienne, Série des cahiers de la Cour
suprême, 2005, n° 7, p. 127. 63 ainsi affirmé de façon péremptoire que « la clause
compromissoire est en matière civile de la même manière qu'elle l'est en matière
commerciale »98 . Nous ne pouvons pour notre part que saluer cette jurisprudence,
indéniablement bénéfique à la crédibilité et à l'essor de l'institution arbitrale. 117. Il
convient par ailleurs de signaler que cette position ne fait pas l'unanimité au sein de la
doctrine. Certains auteurs99 se fondent ainsi sur le second alinéa de l'article 308 CPC — qui
dispose que les litiges relevant de la compétence des tribunaux de commerce peuvent faire
l'objet d'une convention d'arbitrage —, pour avancer que les différends de nature civile ne
peuvent être réglés par voie d'arbitrage, dans la mesure où « le législateur a prévu à leur
sujet un autre moyen de résolution des conflits, à savoir la médiation conventionnelle ».
Nous ne pouvons pour notre part souscrire à ce raisonnement qui prend manifestement
appui sur le caractère limitatif de l'article précité ; or, la référence effectuée par ce dernier
n'a pas vocation à être exhaustive, mais revêt un aspect purement indicatif, ainsi que le
démontre l'emploi de l'adverbe «notamment ». 118. Soulignons enfin qu'en France, l'article
2061 du Code civil édictait la nullité de la clause compromissoire, s'il n'était disposé
autrement par la loi. L'arbitrage fut ainsi consacré en tant que catégorie juridique distincte,
et ce de manière négative100 . Cette disposition fut par la suite abrogée et le principe
inversé. En effet, en vertu de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, il a été substitué à
l'ancienne rédaction de l'article 2061 du Code civil que « sous réserve des dispositions
législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à
raison d'une activité professionnelle »101 . En opérant un raisonnement a contrario, la
clause compromissoire n'est pas réputée valable lorsqu'elle figure au sein de contrats civils
qui ne sont pas passés dans le cadre d'une activité professionnelle. 98 Précisons à ce propos
que, tel que cela a été précédemment observé, la jurisprudence marocaine est unanime à
reconnaître la validité de la clause compromissoire insérée en matière de conflits individuels
de travail, et ce en dépit de l'absence de consécration légale expresse. 99 M. TERRAB, La
position de l'arbitrage dans la législation marocaine, rev. Rihah AI Mahakim, n° 3, décembre
2009, p. 49. 100 J. ROBERT, L'arbitrage : droit interne, droit international privé, Dalloz, 5e
éd., 1983, p. 53. 101 Soulignons que la question s'est posée de savoir si une clause
compromissoire, nulle au moment de sa conclusion, pouvait être déclarée valable sur le
fondement du nouvel article 2061 du Code civil. La jurisprudence française a jugé à ce
propos qu'il convenait d' «appliquer immédiatement la loi nouvelle » (CA Orléans, 18 mars
2004, Rev. Arb., 2004, p. 394). 64 2- La clause compromissoire en matière commerciale :
119. L'article 312 CPC dispose que dans le cadre du chapitre relatif à l'arbitrage et à la
médiation conventionnelle, « le président de la juridiction » désigne, sauf précisions
contraires, « le président du tribunal de commerce ». La compétence de principe en matière
d'assistance et d'appui au tribunal arbitral, ainsi qu'en ce qui concerne l'octroi de l'
exequatur aux sentences arbitrales, ayant été expressément dévolue au président de la
juridiction de commerce, il en résulte indubitablement et tout naturellement que la clause
compromissoire stipulée dans le cadre d'une transaction commerciale ne peut qu'être
valable et emporter tous ses effets, et ceci d'autant plus que l'article 308, alinéa 2 du Code
de procédure civile dispose de manière expresse que les litiges relevant de la compétence
des tribunaux de commerce peuvent faire l'objet d'une convention d'arbitrage. Ce
raisonnement est conforté par le fait que la clause compromissoire stipulée en matière civile
demeure incontestablement valide — bien qu'elle ne soit pas expressément reconnue par le
législateur —, en l'absence notamment d'une interdiction légale, et au regard de la
jurisprudence constante des tribunaux du Royaume. Le recours à des textes autres que ceux
régissant l'arbitrage paraît également édifiant pour affirmer la validité de la clause
compromissoire en matière commerciale. Ainsi, l'article 5, alinéa 4 de la loi n° 53-95
instituant des juridictions de commerce prescrit que « les parties pourront convenir de
soumettre les différends ci-dessus énumérés à la procédure d'arbitrage conformément aux
dispositions des articles 306 à 327 du Code de procédure civile ». Nous estimons que la
référence au Code de procédure civile est très significative. Ce renvoi à des dispositions qui
font état de la possibilité d'insérer des clauses compromissoires, consacre en effet la validité
de celles-ci en matière commerciale — bien qu'il n'y soit pas fait référence de manière
expresse —, le fait d'admettre le recours à l'arbitrage de manière générale l'englobant
parfaitement à notre sens. Quant aux litiges que l'alinéa précité a expressément permis de
régler par voie d'arbitrage (en vertu d'un compromis ou d'une clause compromissoire),
l'alinéa premier du même article en fait l'énumération suivante : - ceux relatifs aux contrats
commerciaux102 ; - ceux qui opposent des commerçants à l'occasion de leurs activités
commerciales ; - ceux afférents aux effets de commerce103 ; 102 V. à titre d'exemple, les
articles 334 à 544 du Code de commerce relatifs au nantissement, à l'agence commerciale,
au courtage, à la commission, au crédit bail, aux contrats de transport et aux contrats
bancaires. 103 V. à ce sujet, les articles 159 à 333 du Code de commerce régissant la lettre
de change le billet à ordre le chèque ainsi que les autres moyens de paiement. 65 - ceux qui
surviennent entre associés d'une société commerciale ; - ceux qui naissent à raison de fonds
de commerce104 .

Observons toutefois, tel que cela a été relevé par un auteur105, que l'étendue de la clause
compromissoire en matière commerciale souffre parfois de quelques rections d'ordre
pratique. Il semble ainsi difficile d'insérer une clause compromissoire au sein d'un effet de
commerce. En effet, en s'appuyant sur les articles 159, 232 et 239 du Code de commerce qui
déterminent le contenu de la lettre de change, du billet à ordre et du chèque, et au vu des
modèles préétablis relatifs à ces effets, l'insertion d'une telle clause s'avère malaisée ;
néanmoins, « rien n'empêche de prévoir une clause compromissoire dans un contrat à part
»106. Par ailleurs, la pratique démontre que lorsqu'un effet de commerce est émis, les
parties n'y insèrent pas de clause d'arbitrage, le litige éventuel relatif au défaut de paiement
ne présentant a priori aucun aspect technique ou complexe pour le soustraire à la justice
étatique et le confier à un homme de l'art, et ce d'autant plus qu'il est possible de saisir le
président de la juridiction compétente et obtenir une injonction de payer dans de très brefs
délais, la procédure n'étant pas contradictoire. 3- La clause compromissoire dans les actes
mixtes : 121. En vertu de l'article 5, alinéa 3 de la loi 53-95 instituant des juridictions de
commerce, un commerçant peut convenir avec un non-commerçant d'attribuer compétence
aux juridictions commerciales afin de connaître des litiges qui pourraient les opposer « à
l'occasion de l'exercice de l'une des activités du commerçant ». 122. En opérant un
raisonnement par analogie, un commerçant peut convenir avec un noncommerçant
d'attribuer compétence à un tribunal arbitral, en vertu d'une clause compromissoire, afin de
trancher les différends qui pourraient naître relativement à un contrat conclu dans le cadre
des activités du commerçant. Nous sommes par ailleurs d'avis qu'il n'est point besoin d'avoir
recours à un quelconque raisonnement par analogie pour affirmer la validité de principe de
la clause compromissoire insérée dans un contrat mixte, dans la mesure où nulle interdiction
n'a été édictée par le législateur, que ce soit de manière expresse ou tacite. Une décision
judiciaire, qui remonte à plus de sept décennies107, avait même explicitement admis la
possibilité de recourir à l'arbitrage pour résoudre les litiges opposant des 104 Notamment
ceux relatifs à la validation des congés signifiés conformément au Dahir du 24 mal 1955, et
ceux afférents aux articles 81 à 158 du Code de commerce régissant les contrats portant sur
le fonds de commerce (en l'occurrence la vente, le nantissement, la gérance libre et l'apport
en société d'un fonds de commerce). 105 A. BOUDAHRAIN, L’arbitrage commercial interne
et international au regard du Maroc, Al Madariss, 1999, p. 65. 106 Ibid. 107 Trib. Paix
Casablanca-Nord, 21 déc. 1937, GTM, n° 765, p. 85. 66 commerçants à des non-
commerçants, sans opérer de distinction entre compromis et clause compromissoire. 123. Il
paraît également édifiant de prendre appui sur le dernier alinéa de l'article 5 de la loi 53-95
pour affirmer que le législateur a consacré la validité de l'arbitrage dans le cadre des actes
mixtes (et ce quelle que soit la forme empruntée par la convention d'arbitrage, c'est-àdire
qu'il s'agisse d'un compromis ou d'une clause compromissoire). En effet, cet alinéa autorise
l'arbitrage dans les matières énumérées par l'alinéa premier du même article, sans exiger
que les parties aient la qualité de commerçants. Il suffit donc qu'un non-commerçant paie
une marchandise par le biais d'un effet de commerce pour que le litige découlant du défaut
de provision puisse être réglé par voie d'arbitrage (si toutefois les parties en conviennent
ainsi). Il en va de même concernant les contrats de commerce, tels les contrats de prêt
bancaire, fussent-ils conclus avec des personnes civiles108 . 124. Cette affirmation est
également confortée par l'article 308 CPC qui dispose que «peuvent notamment faire l'objet
d'une convention d'arbitrage les litiges relevant de la compétence des tribunaux de
commerce en application de l'article 5 de la loi n° 53-95 instituant des juridictions de
commerce ». En effet, la généralité qui caractérise cette disposition porte à croire que la
clause compromissoire est valable, et ce quelle que soit la qualité des parties.

PARAGRAPHE II : Les caractères de la clause compromissoire : L'originalité qui caractérise la


clause compromissoire réside principalement dans son aspect autonome. Ce sujet,
fortement controversé, continue de susciter des débats houleux. Son étude commande, à
notre sens, d'exposer la teneur de l'autonomie dont jouit la clause d'arbitrage, et ce avant
d'en identifier les limites. A- L’autonomie de la clause compromissoire : 125. L'efficacité de
l'arbitrage serait indéniablement compromise si la clause-compromissoire devait être traitée
comme un simple accessoire du contrat principal. En effet, faire subir à la clause d'arbitrage
le sort qui affecterait la convention de fond reviendrait à réduire considérablement
l'étendue de la validité de ladite clause, eu égard notamment à « la diversité et à la
complexité des litiges du commerce international»109. Autrement dit, si l'on devait limiter le
champ de la clause compromissoire aux seuls litiges découlant ou résultant du 108A
condition toutefois que dans les deux cas, le montant litigieux excède vingt mille dirhams.
109 N. NAJJAR, op. cit., p.153. 67 contrat où elle est insérée, nul cloute que « le recours à
l'arbitrage pour une très large partie des litiges du commerce international serait de celait
entravé»110 . 126. Aux fins d'éviter de restreindre démesurément le domaine de la clause
d'arbitrage, voire de proscrire celle-ci, son autonomie par rapport au contrat qui la contient
a été envisagée. L'indifférence au sort du contrat principal serait ainsi « le premier et le plus
important des effets du principe d'autonomie de la convention d'arbitrage. Il en résulte que
l'existence, la validité ou le maintien en vigueur de la convention d'arbitrage ne dépendent
pas du sort du contrat principal auquel cette convention se réfère : que le contrat principal
n'a pas été conclu, qu'il est nul, résolu, résilié ou que les obligations issues du contrat
principal ont été novées n'entraîne pas l'inefficacité de la convention d'arbitrage»111 . En
application de ce principe d'autonomie ou de « séparabilité»112. de la clause
compromissoire, « la transaction ou la novation intervenue sur la convention contenait la
clause compromissoire ne peut avoir pour effet de priver cette clause de son efficacité»113,
La Cour d'appel de Paris a par ailleurs décidé que l'expiration du délai d'arbitrage, de même
que la sentence par laquelle l'arbitre se déclare incompétent en raison de l'expiration dudit
délai, ne sauraient porter atteinte à l'effectivité de la clause compromissoire114 . Conscient
de la nécessité d'affirmer le principe de l'autonomie de la clause compromissoire, le
législateur a pris le parti de prescrire de façon péremptoire, par le biais de l'article 318 CPC,
que « la clause d'arbitrage est réputée être une convention indépendante des autres clauses
du contrat. La nullité, la résiliation ou la cessation du contrat n'entraîne aucun effet sur la
clause d'arbitrage comprise dans ledit contrat lorsque celle-ci est valable en soi »115 . Cette
consécration législative est intervenue après un grand débat doctrinal entre partisans et
détracteurs de l'autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat principal116
. 127. La doctrine marocaine dominante considérait toutefois que l'absence de dispositions
légales instaurant le principe de l'autonomie de la clause compromissoire conférait à la
jurisprudence une immense responsabilité ; elle enjoignait de ce fait aux magistrats
marocains de consacrer expressément le principe précité117. Le même souci animait la
doctrine française 110 Ibid., p. 148. 111 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op.
cit., p. 226. 112 H. ARFAZADEH, ordre public et arbitrage international l’épreuve de la
mondialisation, une théorie critique des sources du droit des relations transnationales, LGDJ,
Bruylant, Schulthess, 2005, p. 45. L'auteur estime ainsi que « les arbitres demeurent
compétents pour se prononcer par exemple sur l'illicéité du contrat et pour statuer sur les
prétentions éventuelles des parties tirées de sa nullité ». 113 CA Paris, 4 mars 1986, Cosiac,
Rev. Arb., 1987, p. 167, note Ch. Jarrosson, rapporté également par Ph. FOUCHARD, E.
GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 454. 114 CA Paris, 7 juill. 1992, rapp. par Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 460. 115 V. pour une application
jurisprudentielle de ce principe, CAC Fès. 11 févr. 2009, doss. n° 1267/08, rapp. par BOUNJA
et N. ALLAOUAH, op. cit., p. 210. 116 V. pour plus de développements à ce sujet, A.
BOUDAHRAIN, op. cit., p. 68. 117 Ibid. 68 qui ne cessait d'exiger une interprétation
jurisprudentielle non équivoque, reconnaissant sans ambages la validité de la clause
compromissoire en cas de nullité du contrat principal118 . 128. La position d'une partie de la
jurisprudence marocaine, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 08-05, est, à cet
égard, hautement louable. Ainsi, suite à un litige relatif à un contrat franco-marocain de
joint venture, la Cour d'appel de Casablanca, saisie d'un appel formé par une partie
française, a, par arrêt du 13 novembre 1984, infirmé le jugement du Tribunal de première
instance de Casablanca qui avait tranché ledit litige. La cour précitée a estimé que du fait de
l'existence d'une clause compromissoire, la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce
internationale détenait la compétence exclusive pour connaître du litige. La référence par la
Cour d'appel de Casablanca aux arrêts Gosset et Hecht pour consacrer la validité de la clause
compromissoire a été interprétée par certains auteurs comme «une nette reconnaissance
de l'autonomie de la clause compromissoire et des effets qui s'y attachent au plan de la
compétence juridictionnelle, sans doute en raison de l'absence de cadre légal pour le contrat
de joint venture en droit marocain»119 . 129. Cette conception de la nature de la clause
compromissoire était toutefois loin de faire l'unanimité, la jurisprudence marocaine se
montrant souvent totalement hostile à tout caractère autonome de cette clause vis-à-vis du
contrat qui la renferme ; celle-ci était de ce fait reléguée au rang de simple «accessoire » qui
devait subir le sort du contrat principal et ne pouvait y échapper sous couvert d'une
prétendue indépendance ou séparabilité. Ceci est en effet ce qui ressort d'un arrêt de la
Cour d'appel de commerce de Casablanca qui avait décidé comme suit Attendu, d'une part,
que le contrat conclu entre les parties, et qui contient une clause compromissoire, a fait
l'objet d'une demande en annulation ; Et attendu, d'autre part, que la clause d'arbitrage est
considérée comme n'ayant jamais existé si le contrat qui y fait référence est annulé (...)»120
. Signalons par ailleurs qu'un arrêt rendu par la Cour suprême en date du 7 mars 2007 s'était
prononcé sur la problématique de l'autonomie de la clause compromissoire par rapport au
contrat principal, quoique cette décision se soit attachée à un autre aspect de l'autonomie
puisque, tout en consacrant la validité du contrat principal, elle n'en a pas moins décidé la
nullité, ou plus exactement, l'inexistence même de la clause d'arbitrage. 130. La Cour
suprême a ainsi considéré que le défaut d'acquiescement explicite au contrat principal
n'entraînait pas la nullité de celui-ci, dans la mesure où les relations d'affaires entre 118 J.- F.
POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, LGDJ, 2002, p. 133. 119
A. SEFRIOUI cité par N. NAJJAR, op. cit., p. 151. 120 CAC Casablanca, 20 déc. 2004, doss. n°
4680/2004/1, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit., p. 32. 69 les contractants
n'étaient point nouvelles, et que l'article 25 du Dahir des obligations et des contrats, qui
dispose que le silence vaut acceptation en cas de relations antérieures, doit recevoir
application. La Haute juridiction a donc affirmé la validité du contrat principal, mais a retenu
ta solution inverse en ce qui a trait à la clause compromissoire. Elle a en effet décidé comme
suit : « Attendu que la cour d'appel s'est fondée sur l'article 25 du Dahir des obligations et
des contrats qui dispose que le silence peut être qualifié d'acceptation lorsque l'offre
concerne des relations antérieures déjà entamées entre les parties, et a estimé que du fait
de l'existence de ces relations dans le cas d'espèce, la contestation de la validité de la clause
d'arbitrage est infondée et doit donc être rejetée ; Mais attendu que l'accord des parties de
recourir à l'arbitrage est une exception, et que l'exception ne peut être interprétée que de
manière restrictive ; qu'ainsi, il ne peut être question d'arbitrage que dans le cas d'une
clause compromissoire ou d'un compromis issu de la volonté extériorisée des cieux parties,
dans le cadre d'un contrat écrit ou de correspondances, comme le prévoient les articles 307
et 309 du Code de procédure civile et l'article II de la Convention de New York. En analysant
les télécopies échangées entre les deux parties, on ne peut en déduire y avait une
quelconque acceptation de L'arbitrage ; en outre, l'article 25 du Dahir des obligations et des
contrats ne saurait recevoir application en matière d'arbitrage, dans la mesure où
l'acceptation doit être expresse et non équivoque ; il s'ensuit que la cour d'appel a opéré
une mauvaise qualification des documents et a de ce fait violé les dispositions de la loi »121 .
L'autonomie de la clause compromissoire avait toutefois fait l'objet de reconnaissance
expresse de la part de certains magistrats, et ceci tel qu'il résulte d'un arrêt de la Cour
d'appel de commerce de Marrakech qui, faisant application de l'ancienne réglementation
relative à l'arbitrage, n'en avait pas moins statué comme suit : « Attendu qu'il est constant,
tant en doctrine qu'en jurisprudence, que la clause compromissoire demeure valide et,
produit tous ses effets, même si le contrat qui la renferme est nul ou annulable »122 . 131.
En Tunisie, le principe de l'autonomie de la clause compromissoire est reconnu depuis bien
longtemps. La Cour d'appel de Tunis123 a ainsi estimé dans l'arrêt Lassoued c. BMS que « la
convention d'arbitrage présente une complète autonomie juridique excluant qu’elle puisse
être affectée par une éventuelle invalidité de l'acte juridique dans lequel elle est insérée».
121 CS ch. mixte, 7 mars 2007, RJCS, n° 68, 2008, p. 339. 122 CAC Marrakech, 10 avr. 2008,
doss. n° 3697/1/2007, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL. ALAMI, op. cit., p. 81. 123 CA Tunis,
Arrêts n° 30 et 31. du 12 janv. 1999, RLAAI, n° 13, p. 63. 70 132. S'inscrivant dans la même
ligne, la Cour d'appel du Caire a jugé que la nullité, la rescision ou la résiliation de la
convention de fond ne produisait aucun effet sur la clause compromissoire124 . 133. En
France, le mouvement en faveur de l'autonomie de la clause compromissoire n'a cessé de
s'accroître, et ce depuis cinq décennies exactement. Tout a en effet débuté avec l'arrêt
Gosset du 7 mai 1963125 qui a décidé qu' « en matière d'arbitrage international, l'accord
compromissoire, qu'il soit conclu séparément ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait,
présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles (...), une complète autonomie
juridique, excluant qu'il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte ». Le
principe d'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat de fond a donc été
affirmé de façon péremptoire, et demeure solidement établi dans le cadre de la pratique
judiciaire en France126. On espère ainsi éviter, en matière internationale, « les affres des
conflits de juridictions et les particularismes d'un ordre judiciaire interne quelconque »127 .
La règle consacrée par la décision précitée réside donc dans le fait que « la clause
compromissoire n'est pas une clause comme les autres et que, peu important qu'elle figure
dans le contrat principal lui-même ou dans un contrat séparé, elle sera considérée comme
juridiquement autonome. Cette autonomie signifie plus concrètement que le sort de la
clause ne suit pas nécessairement celui du contrat »128 . 134. Cette position a été saluée
par la doctrine. Commentant l'arrêt précité, un éminent auteur a estimé qu'il fallait en effet
« rechercher une solution propre à l'arbitrage. (...) La clause compromissoire est autre chose
qu'une stipulation faisant partie d'une convention : c'est de par sa nature, un second contrat
qui est, seulement, matériellement inséré dans un autre, mais dont le fonctionnement
consiste à régler le jugement des différends relatifs à ce dernier. De ce seul fait, il semble
bien que ce soit l'indépendance qui doive être préconisée clans le doute »129 . Une autre
partie de la doctrine, qui souscrit également à la règle affirmée par l'arrêt Gosset, avance
d'autres arguments pour en démontrer le bien-fondé. Ainsi, outre le fait. que « la clause
compromissoire est un contrat dans un contrat »130, d'aucuns soutiennent que « la
justification de cette règle réside dans une considération de bon sens. Si l'on veut que la
clause compromissoire ait un effet véritablement utile, il faut éviter de prêter l'oreille à des
arguments qui pourraient devenir de style, et qui auraient pour effet de bloquer 124
Décision rapportée par N. NAJJAR, op. cit., p. 148. 125 Cass. Fr. civ. 1 er, 7 mai 1963, JCP
1963.II.13405, note B. Goldman. 126 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDIVIAN, op. cit.,
pp. 214-215 127 D. MAINGUY et J.-B. SEUBE, Conditions de transmission de la clause
compromissoire dans une chaîne de contrats internationaux, JCP E, n° 29, 19 juillet 2001,
Juris., p. 1238. 128 Ch. JARROSSON, Arbitrage commercial, droit international, Fascicule 203,
Editions du Juris-Classeur 1998, p.7. 129 H. MOTULSKY, Ecrits, études et notes sur
l'arbitrage, Paris, Dalloz, 1974., p. 346. 130 Ibid., p. 335. 71 systématiquement le jeu de la
clause compromissoire. Ainsi, l'argument tiré de la validité de l'acte clans lequel est incluse
la clause compromissoire pourrait, si l'on n'y prenait garde, prospérer au moins
temporairement en paralysant l'effet de la clause compromissoire : effet, comment
demander à un arbitre, nommé sur la base d'une clause compromissoire, de statuer sur
l'invalidité d'un contrat auquel ladite clause appartient, sans risquer d'aboutir à cette
situation absurde d'un arbitre statuant sur le fondement d'une clause nulle ?»131 . Ce
mouvement prétorien en faveur de l'autonomie de la clause compromissoire s'est poursuivi,
et a même pris de l'ampleur. Cette autonomie a ainsi été consacrée par rapport aux
dispositions du droit interne français132, et ce avec les arrêts Hecht133 et Menicucci134 . La
doctrine française a relevé à cet égard qu'en rendant les décisions précitées, la
jurisprudence «semble bien attacher au principe de l'autonomie de la clause
compromissoire une conséquence d'une très grande portée et d'une totale nouveauté »135
. L'arrêt Menicucci, en particulier, «déduit purement et simplement du principe d'autonomie
la validité de l'accord compromissoire, sans aucune référence au droit qui le régit : la notion
de loi de rattachement s'efface totalement (...). En proclamant l'indépendance de la clause à
l'égard de la loi étatique, on donne à l'autonomie une autre signification : il s'agit
d'autonomie, non plus à l'égard du contrat principal, mais à l'égard du droit »136 . Le champ
de ce principe s'est davantage élargi suite à l'arrêt Dalico137 puisque ce dernier a affirmé
l'autonomie de la clause compromissoire par rapport à tout droit étatique, français ou
étranger, abandonnant ainsi totalement la méthode conflictualiste dans le domaine de la
clause d'arbitrage international138 . 135. L'autonomie prend donc un sens tout à fait
nouveau « alors qu'elle s'entendait classiquement d'une autonomie par rapport au contrat
principal, l'autonomie s'entend ici par rapport à toute loi étatique, et permettra de justifier
que le juge français saisi d'une question d’existence ou de validité d'une convention
d'arbitrage international s'en tienne à un raisonnement en termes de règles matérielles»139
131 Ch. JARROSSON, Arbitrage commercial, droit international, Fascicule 203 Edition du
juris-classeur, 1998, p. 7. 132 V. pour plus de développements à ce sujet, J.-B. RACINE,
Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, Rev. Arb., 2005, n° 2, p.
312. 133 Cass. Fr. civ. 1 er, 4 juill. 1972, p. 843, note B. Oppetit. 134 CA Paris, 13 déc. 1975,
Rev. Arb., 1977, p. 147, note Ph. Fouchard. 135 B. OPPETIT, note sous CA Paris, 13 déc. 1975,
Menicucci, Rev. crit. dr. int. pr., 1976, p. 507, cité par D. HASCHER, L'influence de la doctrine
sur la jurisprudence française en matière d'arbitrage, Rev. Arb., 2003, n° 2, p. 401. 136 Ibid.
137 Cass. Fr. civ., 1 er , 20 déc. 1993, JDI, 1994, p. 432, note E. Gaillard. 138 J.-B. RACINE,
Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, art. préc., p. 312. 139 Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 233 72 Le principe d'autonomie de la
clause compromissoire a en outre connu une évolution prétorienne très significative avec
l'arrêt de la Cour de cassation française du 13 Mars 2007140 . Il s'agissait en l'espèce d'une
clause compromissoire où il avait été mentionné que la sentence à intervenir pouvait faire
l'objet d'appel réformation, étant précisé qu'en arbitrage international, les dispositions
relatives aux voies de recours consacrées par le Code de procédure civile français, lesquelles
sont revêtues d'un caractère impératif incontestable, excluent tout appel réformation. La
Haute juridiction française était appelée à décider si la nullité de la stipulation prévoyant un
appel affectait la validité de la clause d'arbitrage, notamment lorsque l'existence de ce
recours avait été déterminante pour l'une des parties lorsqu'elle avait contracté ; en d'autres
termes, si en dépit de l'absence de double degré de juridiction en matière d'arbitrage
international, les parties ont fait de l'existence d'un appel réformation un élément essentiel
de leur engagement141, la convention est-elle valable ? La Cour de cassation française a
considéré que la clause compromissoire étant autonome, elle demeure valable même si la
stipulation de l'appel, pourtant considérée essentielle par les parties, est réputée non écrite.
D'aucuns142 ont dès lors avancé que l'arrêt précité «vient peut être de découvrir une
nouvelle conception de ce principe [d'autonomie de la clause compromissoire] l'autonomie
de la convention d'arbitrage par rapport à la volonté B- Les tempéraments au principe
d’autonomie : 136. Nous avons précédemment relevé que le principe d'autonomie de la
clause compromissoire a été consacré tant par la jurisprudence que par la loi. Toutefois, le
caractère autonome de ladite clause n'empêche pas qu'elle soit transmise automatiquement
en tant qu'accessoire d'un contrat143 . A titre d'exemple, lorsqu'une créance résulte d'un
contrat qui comporte une clause compromissoire; la Cour de cassation française est
constante à considérer que la cession de cette créance emporte automatiquement
transmission au cessionnaire, à titre d'accessoire, de rengagement compromissoire dont il
peut se prévaloir, et qui peut lui être opposé144 . 140 Cass. Fr.: 1 er civ., 13 mars 2007,
(pourvoi n° 04-10.970, arrêt n° 406, Sté Chefaro International BV c. Consorts X.), rapp. par
Th. Clay, hup://ciamex.over-blog.com/article-6115034.html 141 J. ORTSHEIDT, Une nouvelle
conception du principe d'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport à la volonté
des parties, JCP E, 2008, p. 1529 142 Ibid 143 J.-B. RACINE, Réflexions sur l'autonomie de
l'arbitrage commercial international, art préc., p. 317. 144 D. VIDAL, op. cit., p. 121. 73 La
Cour de cassation française145 a ainsi censuré un arrêt d'appel qui avait considéré que
«dans le cas où une créance a été cédée, la clause compromissoire insérée dans le contrat
auquel le cessionnaire n'avait pas été partie, eu raison du principe d'autonomie qui y est
attaché, n'a pu être transmise ». La Haute juridiction a donc rappelé que «la cession d'une
créance comprend les accessoires de la créance », puis a décidé que « la clause d'arbitrage
avait été transmise au cessionnaire avec la créance»146 . Par ailleurs, lorsque la clause
compromissoire figure dans un contrat qui comporte une clause de substitution, la question
se pose de savoir si, après l'exercice de la substitution, il est possible d'engager une
procédure d'arbitrage entre deux parties qui n'ont pas échangé leurs consentements à cet
effet, en l'occurrence la personne substituée, et l'autre partie, qui a pris un engagement
compromissoire à l'égard d'une personne autre que celle qui serait ainsi son
contradicteur147 . La jurisprudence française148 se prononce en faveur de l'efficacité de la
clause compromissoire au motif que la partie se substituant «acquiert les mêmes droits et
obligations que la partie à laquelle elle se substitue, y compris la clause compromissoire,
indissociable des autres dispositions de cette convention ». 137. La doctrine française, qui
manifeste le plus grand intérêt au caractère transmissible de la clause compromissoire,
observe pour sa part que la jurisprudence a toujours considéré que l'assureur était tenu par
la clause d'arbitrage souscrite par l'assuré duquel il puisait ses droits149. La Cour d'appel de
Paris a ainsi estimé que «par l’effet translatif de cette subrogation, la clause compromissoire
est transmise à l'assureur avec la créance et les droits de l'assuré dont elle constitue une
modalité »150 . Consacrant cette jurisprudence des juridictions du fond, la Cour de cassation
a estimé, en date du 25 novembre 2005, que « les assureurs subrogés ne peuvent se
prévaloir de l'inopposabilité de la clause compromissoire à leur égard en l'absence de
consentement exprès dès lors qu'il est habituel qu'une clause d'arbitrage international soit
insérée dans un contrat de transport maritime international ». Cette décision a été saluée,
par la doctrine. Un auteur, qui approuve pleinement le raisonnement tenu par la Haute
juridiction française, soutient ainsi que « puisque la clause est habituelle, le destinataire de
la marchandise ne pouvait l'ignorer, pas plus d'ailleurs que les assureurs subrogés dans ses
droits. La clause d'arbitrage est désormais opposable aux assureurs qui, par application du
principe compétence-compétence, pourront seulement 145 Cass. Fr. civ. 1er, 19 oct. 1999,
Rev. Arb., 2000, p. 85, note D. Cohen. 146 V. pour plus de détails à ce sujet, D. VIDAL, op.
cit., p. 119. 147 Ibid. 148 V. à titre d'exemple, CA Lyon, 15 mai 1997, Rev. Arb., 1997, p. 402,
note P. Ancel. 149 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 448. V.
également pour plus de détails à ce sujet, F.NAMMOUR, op. cit., p. 626. 150 CA Paris, 13
nov. 1992, Rev. Arb., 1993, p. 632. 74 contester la compétence des arbitres devant le
tribunal arbitral. La pleine efficacité de la convention d'arbitrage est ainsi assurée en droit
maritime comme en droit du commerce international »151 . Il s'infère des développements
précités que la clause compromissoire, réputée entièrement autonome vis-à-vis du contrat
au sein duquel elle est insérée, se transmet toutefois avec ce dernier dans nombre
d'éventualités. Autonomie et dépendance sont-elles des notions conciliables ou
foncièrement incompatibles ? Cette problématique a fait couler beaucoup d'encre, et a
notamment eu pour effet de renforcer la crédibilité du courant réfractaire au principe de
l'autonomie de la clause compromissoire. Certains auteurs considèrent ainsi que cette
clause ne peut être perçue de manière indépendante du contrat principal et est, à ce titre,
accessoire à celui-ci. Ils avancent qu' « il n'est pas possible de voir [dans la clause
d'arbitrage] un contrat autonome L'objet même de la clause compromissoire est constitué
par le reste du contrat La clause est certes séparable, mais clans la mesure précisément où
elle contribue à définir le processus à l'issue duquel le sort du contrat sera réglé »152 .
D'aucuns se sont légitimement posés, à cet égard, la question suivante : « La transmission de
la clause compromissoire par l'effet même de la cession de la créance n'est-elle pas
contraire à son autonomie, par ailleurs proclamée, ou, plus exactement, à sa séparabilité du
rapport contractuel auquel elle est adjointe ? Comment soutenir, d'un côté, que la clause
compromissoire est autonome et, de l'autre, qu'elle est transmise accessoirement au droit
auquel elle se rapporte ? »153 . 138. Nous retrouvons la même perplexité dans les propos
d'un éminent auteur154 : «L'objection qui vient immédiatement à l'esprit porte sur la
cohérence de l'ensemble jurisprudentiel. La clause d'arbitrage est autonome, et présente
même une complète autonomie pour reprendre les termes de la jurisprudence et, pourtant,
elle est transmise automatiquement en tant qu'accessoire ou modalité d'une créance, d'un
contrat, d'un bien. N'y a-t-il pas dans la jurisprudence une contradiction irréductible entre
les motivations proposées ? Comment concilier en effet le caractère autonome de la clause
d'arbitrage et son caractère accessoire ou dépendant ? ». Les tenants du principe
d'autonomie ne voient, pour leur part, aucune contradiction entre la transmission de la
clause d'arbitrage et l'aspect autonome de celle-ci. Pour adhérer à ce mouvement doctrinal,
il paraît nécessaire d'adopter, en amont, la théorie de la nature accessoire de la clause
compromissoire. Partant de ce caractère accessoire, il n'existe donc pour les partisans de ce
courant, aucune incohérence dans le raisonnement tenu par la jurisprudence instaurant la
transmission automatique de la clause en cas de cession du contrat principal. 151 O.
CACHARD, note sous Cass. Fr. civ. 1er, 25 nov. 2005, Rev. Arb., 2006, n° 2, p. 438. 152 P.
MAYER, Les limites de la séparabilité de la clause compromissoire, Rev. Arb., 1998, p. 359.
153 L. AYNES, note sous CA Paris 1 re , ch., 10 sept. 2003, Rev. Arb., 2004, n° 3, pp. 623-630.
154 J.-B. RACINE, Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international, art.
préc., p. 3 15 . 75 D'aucuns soutiennent ainsi que si la cession ou le transfert du contrat
contenant la clause compromissoire emporte transfert de ladite clause, c'est bien parce que
celle-ci « est l'accessoire des stipulations principales du contrat » 155 . Cette argumentation
a été décriée par une grande partie de la doctrine à laquelle « il semble difficile de rattacher
les solutions en matière de transmission à la notion d'accessoire », car cela n'est pas de
nature à dissiper l'apparente contradiction entre l'aspect autonome de la clause et sa
transmission, et ceci dans la mesure où la notion d'accessoire elle-même sous-tend une
certaine dépendance vis-à-vis du contrat qui renferme la clause compromissoire156 . La
Cour d'appel de Paris a déjà rendu en la matière un arrêt de principe dont la motivation s'est
attachée à résoudre la difficulté qui vient d'être exposée. Elle a en effet considéré, en date
du 10 septembre 2003, que «la clause compromissoire est transmise au cessionnaire avec la
créance, telle que cette créance existe dans les rapports entre le cédant et le débiteur cédé
»157 . Les magistrats de cette juridiction ont estimé que l'aspect juridictionnel de la clause
compromissoire explique sa séparabilité du contrat principal pour tout ce qui a trait à son
existence, sa validité et sa force obligatoire158 . Ce raisonnement reçoit les faveurs d'une
partie de la doctrine. Un auteur a ainsi salué l'apport de l'arrêt précité, en faisant
notamment valoir les arguments suivants : «En logique, séparable et accessoire, loin de
s'opposer, se complètent ; bien plus, c'est parce qu'elle est séparable du rapport d'obligation
que la clause compromissoire peut en être l'accessoire. Le caractère accessoire nécessite la
séparabilité ; en l'absence de celle-ci, la question de la transmission ne se poserait pas (...).
La cour de Paris a préféré au couple séparable/accessoire, le couple :
juridictionnel/contractuel. Au premier caractère, se rapporte la séparabilité ; au second le
caractère accessoire»159 . 139. Pour séduisante que soit cette approche, force toutefois est
de constater que la jurisprudence n'a guère réussi à dissiper le sentiment d'incohérence
découlant de la transmission automatique — avec le contrat principal — de la clause
compromissoire dont l'autonomie ne cesse d'être clamée. Nous nous rallions de ce fait à
l'opinion émise par une partie de la doctrine, laquelle soutient que c'est moins le souci de
développer un raisonnement logique qui anime la jurisprudence française, que la volonté de
donner effet à la clause compromissoire, fût-ce au détriment de la cohérence qui devrait
présider à toute démarche visant à instituer des règles juridiques. 155 Ch GAVALDA et C.-L.
de LEYSSAC, op. cit., p. 31. 156 J.-B. RACINE, Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage
commercial international, art. préc., p. 317. 157 CA Paris 1 er ch., 10 sept. 2003, Rev. Arb.,
2004, n° 3, p. 623. 158 L. AYNES, note sous CA Paris, 10 sep. 2003, préc. 159 Ibid. 76 L'on
peut ainsi lire sous la plume d'un éminent auteur : « Ne faudrait-il pas plutôt expliquer la
jurisprudence par les finalités poursuivies ? On invoquerait ainsi l'autonomie de la clause
d'arbitrage lorsque l'efficacité de cette clause le réclamerait et on restaurerait le caractère
accessoire de la clause lorsque, là encore, l'efficacité de la clause l’exigerait. Peut-être, dans
ces conditions, l'autonomie ne serait-elle qu'une notion instrumentalisée au gré des
politiques poursuivies ? C'est très certainement le choix effectué par la jurisprudence au
détriment de la cohérence des instruments juridiques. Ce qui compte c'est donner à la
clause d'arbitrage sa plus grande utilité, autrement dit une efficacité maximale (...). Seule la
finalité poursuivie de l'efficacité de la clause permet d'expliquer réellement la jurisprudence
et ce sans évacuer les incohérences de celle-ci »160 . PARAGRAPHE III : Les effets de la
clause compromissoire : Avant d'étudier les effets que peuvent produire les clauses
d'arbitrage, il paraît important de signaler que ceux-ci sont étroitement liés à la manière
dont les conventions ont été rédigées : des clauses ambiguës ou des définitions étroites des
pouvoirs des arbitres auront notamment pour conséquence de limiter les effets de la clause
compromissoire. Il est donc primordial de privilégier une formulation de portée générale —
mais précise dans le même temps — et ceci en vue de favoriser la mise en œuvre de la
clause compromissoire, d'autant plus que, tel que cela a été relevé précédemment, la
jurisprudence marocaine dominante est encline à privilégier une interprétation restrictive
des clauses d'arbitrage. En revanche, lorsque la validité et le champ de la clause
compromissoire ne font pas 'l'objet de contestation, ladite clause est susceptible d'entraîner
plusieurs effets juridiques. Il convient, à ce propos, d'analyser ceux qui sont produits entre
les parties (A), ainsi que ceux générés des magistrats eux-mêmes (B), puis de s'attacher à
l'examen de l'éventuelle incidence de la clause précitée à l'égard des tiers (C).

Das könnte Ihnen auch gefallen