Sie sind auf Seite 1von 14

Actes de la recherche en

sciences sociales

La criminalisation des migrants


Monsieur Salvatore Palidda

Citer ce document / Cite this document :

Palidda Salvatore. La criminalisation des migrants. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 129, septembre 1999.
Délits d'immigration. pp. 39-49;

doi : https://doi.org/10.3406/arss.1999.3302

https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_129_1_3302

Fichier pdf généré le 22/03/2019


Abstract
Criminalization of migrants
Over the last few years there has been a growing tendency in almost all European societies to perceive
and treat social problems as a threat to public safety and more or less systematically to blame so-
called "clandestine" immigration or young people of foreign origin. This process is connected with a
global trend towards the criminalization of immigration, which stems at the same time from a change in
the dominant representations of this phenomenon and a turnaround in state policy. In a context of
continuing economic and social deterioration in the emigrants home societies, the phenomenon of
immigration has taken on a new meaning, since the representation is not dissociated from the legal
framework in which it formerly occurred. The crisis in the traditional model on the side of immigrants
and their home societies is thus accompanied by a growing consensus in European societies in favor
of criminalizing immigration.

Zusammenfassung
Die Kriminalisierung der Migranten.
In fast allen europäischen Gesellschaften war in den letzten Jahren der Trend zu beobachten, soziale
Probleme immer mehr als Probleme der öffentlichen Sicherheit zu betrachten, zu behandeln und
immer systematischer der sogenannten « illegalen » Einwanderung oder den Jugendlichen
ausländischer Herkunft zuzuschreiben. Um diesem Prozess in angemessener Weise gerecht zu
werden, muß er zu einer globalen Tendenz der Kriminalisierung der Einwanderung in Beziehung
gesetzt werden, die ihre Enstehung zum einen einem Wandel der dominanten Repräsentationen
verdankt, andererseits einschneidenden änderungen der staatlichen Politik. Im Kontext weiter
andauernder Verschlechterungen der ökonomischen und sozialen Bedingungen in den
Auswanderungsländern hat das Immigrationsphänomen einen Bedeutungswandel erfahren, da es von
nun an mit einer vom legalen Rahmen abgelösten Repräsentation begleitet wird, innerhalb dessen es
sich bisher bewegt hatte. Die Krise des traditionellen Modells auf Seiten der Einwanderer und ihrer
Herkunftsgesellschaften ist derart auf Seiten der europäischen Gesellschaften von einem mehr und
mehr der Kriminalisierung günstigen Konsensus begleitet.

Résumé
La criminalisation des migrants.
Au cours de ces dernières années, dans presque toutes les sociétés européennes, les problèmes
sociaux ont tendu à être perçus et traités de plus en plus souvent comme des problèmes d'insécurité et
attribués de plus en plus systématiquement à l'immigration dite « clandestine » ou aux jeunes d'origine
étrangère. Pour rendre compte de ce processus, il faut le rapporter à une tendance globale à la
criminalisation de l'immigration, qui a résulté à la fois d'une transformation des représentations
dominantes de ce phénomène et d'une inflexion profonde dans les politiques étatiques. Dans un
contexte de dégradation économique et sociale persistante des sociétés d'émigration, le phénomène
d'immigration a changé de signification, puisqu'il s'accompagne désormais d'une représentation
dissociée du cadre légal dans lequel elle s'était jusque-là réalisée. La crise du modèle traditionnel du
côté des immigrés et de leurs sociétés d'origine s'accompagne ainsi d'un consensus de plus en plus
favorable à la criminalisation de l'immigration au sein des sociétés européennes.

Resumen
La criminalizaci de los migrantes En el transcurso de los ltimos os en casi todas la sociedades
europeas se ha generalizado la tendencia percibir tratar los problemas sociales como si fueran
problemas de inseguridad abribuyéndoselos cada vez sistem ticamente la llamada inmigraci clandes
tina los venes de origen extranjero Para dar cuenta de este proceso hay que relacionarlo con la ten
dencia criminalizar la inmigraci Esto es el resultado de una transformación de las representaciones
dominantes del fenómeno inmigratorio y, paralelamente, de una profunda modificación en la
orientación de las políticas estatales. En un contexto de persistente degradación económica y social
de las sociedades de emigración, el fenómeno de la inmigración ha cambiado de significado, ya que
ahora está acompañado de una representación disociada del marco legal que anteriormente regia la
inmigración. La crisis del modelo tradicional de los propios inmigrantes, así como de sus sociedades de
origen, esta acompañada por un consenso cada vez más favorable a la criminalización de la inmigración
en las sociedades europeas.
Salvatore Palidda

Lo cñminalisation des migrants

vent revendiquer davantage d'autoritarisme et de


discriminations vis-à-vis du migrant clandestin désigné
comme « l'ennemi public numéro un ».
L'un des éléments qui semblent caractériser le mieux
la conjoncture sociale et politique depuis plusieurs
années, est la croissance de l'action répressive-pénale et
donc de l'incarcération2. Ceci semble le résultat de la
priorité accordée aux ressources allouées pour faire face
à l'augmentation des malaises et des problèmes sociaux
entraînée par le développement de l'actuelle dynamique
économique et sociale3, aux réponses répressives-

* Cet article reprend en partie les résultats de plusieurs recherches


réalisées par l'auteur et par d'autres au cours de ces dernières années sur la
criminalisation de la migration, sur les changements dans la gestion de
la sécurité urbaine et dans l'action policière et judiciaire (voir
bibliographie). En particulier, on y fait référence aux résultats de la recherche
menée en Italie et en Grèce dans le cadre du projet MIGRINF-TSER-
Au-delà
effectivement
d'traités
dite
biaisé,
producti
ces
doublé
dans
s'opère
ou
nicisation
pénale
tendance
une
nationaux
continuent
sont
délaissés
sociale).
semble
Cependant,
des
forte
droits
admi
locaux,
systématiquement
consensus
«irrécupérables»
insécunriitsétrati
ole
ndix
dans
attribués
jeunes
significations
faugmentation
policière
«clandestine»
sminorité
led'origine
national
launiversels
àde
toutes
les
ainsi
udernières
les
etune
plus
sehumanitaires,
de
la
nationaux
population
cours
par
plus
presque
Ainsi,
de
problèmes
rapprocher
données
(ou
diminution
d'une
leur
àdans
autochtones
substitution
souvent
que
toutes
lalaïque
faire
les
quasi
d'origine
en
et
étrangère
«de
manque
déviance1.
racialisation
lejudiciaire
sociétés
années,
le
ou
plus
différentes.
«les
tous
(par
en
ces
l'objet
opinion
de
ou
sort
sortes
cas
et
systématiquement
statistiques
ou
s'engage
criminalisée
ceux
sociaux
sens
pratiques
de
celui
comme
du
les
dernières
européens
aux
les
étrangère,
européen,
religieuse
exemple
d'une
de
;celui
de
d'origine
lade
européennes,
pourcentage
la
choix
opposé
qui
pays
Ceci
jeunes
montrent
publique
population
fiabilité
des
l'autochtone
majorité
l'action
tentatives
»)En
ont
des
dans
sont
partie
de
concernant
se
étrangers
des
et,
politiques
années,
effet,
tendu
défend
voire
les
Noirs
ce
et
problèmes
s'orientent
d'origine
et
traduit
étrangère
l'action
etconsidérés
des
en s'imposent
des
»fait
répressive-pénale
pouvoirs
que,
autocriminalisée
multirécidivistes
de
des
qui
side
carcérale
particulier,
àmême
àactions
aux
les
semble
nationaux
d'un
dans
l'immigration
être
leur
par
le
etnationaux
réintégration
par
semble
au
migrants
etrespect
répressive-
malaises
la
États-Unis.
étrangère.
des
l'immigré
d'Europe
perçus
caractère
cours
côté
une
presque
presque
publics
comme
avec
revêtir
a une
que
eth-
des
qui
de
et
le DGXII-CE, I996-I999 (rapports de S. Palidda, 1998; F. Quassoli, 1998;
A. Dal Lago, 1998 [pour l'Italie] A. Papantoniou et M. Frangouli, 1998
[pour la Grèce]).
;

1 -À la suite de divers auteurs (en particulier J. Kitsuse et A. W. Cicou-


rel, 1963 P. Robert, 1988 F. Brion, 1996), rappelons que les
statistiques de la criminalité ne mesurent que la production policière. Les
;

choix opérationnels de la police dépendent d'abord des inputs venant


de l'autorité politique or, aujourd'hui plus que jamais, ces inputs se
confondent avec les pressions venant des citadins intégrés qui souvent
;

collaborent activement à l'action répressive visant en particulier la


criminalisation de l'étranger. Nombreux sont, à ce propos, les
témoignages de policiers et de magistrats recueillis en Italie, et en particulier
dans les villes de Florence, Milan, Gênes et de l'Émilie-Romagne
(S. Palidda, 1994; 1995; 1996; 1998; 1999; F. Quassoli, 1998, 1999;
A. Dal Lago, 1999). Une revue de la littérature européenne portant sur
la criminalisation des immigrés a été réalisée en 1980 par J. Costa-
Lascoux et F. Soubiran dans Déviance et Société, IV-3, p. 279-302.
2 — Entre autres, voir les travaux du CESDIP et en particulier de P. Tour-
nier (1998), ainsi que les travaux réunis par M. Tonry (sous la dir. de),
1997, et l'ouvrage Délit d'immigration. La construction sociale de la
déviance parmi les immigrés en Europe, COSTA2-Migration, CE, 1996.
3 - Le risque de cette dérive avait été signalé par P. Bourdieu (1993)
dans sa postface à La Misère du monde.
40 Salvatore Palidda

pénales, aux dépens de celles allouées aux réponses Dans les pays de l'Europe du Sud, l'augmentation
sociales. Ce phénomène ne correspond pas non plus à des arrestations, des incarcérations et des
une augmentation effective de la délictuosité qui semble condamnations des immigrés a été constante et supérieure
même diminuer, malgré l'augmentation de l'action à l'augmentation de la population immigrée qui,
répressive et le développement de la collaboration par ailleurs, reste dans des proportions relativement
citadins-police. Ce phénomène apparaît comme le résultat modestes (toujours moins de 2 % de la population
d'une redéfinition de l'ordre économique et social totale) 5. Mais, si d'un côté la croissance des immigrés,
fortement soutenue par l'opinion publique et poursuivie par objets de l'action répressive -pénale, s'inscrit dans
les autorités locales, nationales et transnationales, voire l'augmentation globale de la production policière et
même par un court-circuit sécuritaire entre ces acteurs judiciaire (concernant aussi les autochtones)", on peut
sociaux, ainsi que par l'intérêt à privilégier le « business également constater une substitution progressive des
sécuritaire » plutôt que le traitement social de l'exclusion, nationaux par les immigrés, en particulier parmi les
moins coûteux, mais moins rentable. jeunes arrêtés pour délits de rue (tentatives de vols,
Dans le cas des pays de l'Union européenne, ce que vols, détention et trafic de drogues). Mais la grande
Wacquant (1999) appelle la diffusion de la logique et majorité des délits attribués aux immigrés concernent
des pratiques de la « tolérance zéro » apparaît de plus des infractions aux normes sur l'immigration (i.e. des
en plus marqué par la criminalisation de l'immigration, « délits d'immigration »). Au cours des dernières années,
voire des migrants récents et surtout des jeunes en Italie comme en Espagne et en Grèce, on observe
migrants venant des pays de la « périphérie » même une certaine diminution du nombre de
européenne, mais aussi des jeunes d'origine étrangère, détenus nationaux alors qu'augmente le nombre des
même « naturalisés », dans les pays d'ancienne détenus immigrés. Dans les pays d'ancienne
immigration. Ainsi, selon Dal Lago (1998) et Maneri (1996; immigration, l'augmentation du nombre d'immigrés objets de
1998), le court-circuit sécuritaire entre sens commun, l'action répressive-pénale a été tout aussi importante
médias, entrepreneurs moraux, polices et autorités fait (B. Agozino, 1996 [pour l'Angleterre] ; F. Brion, 1996
de l'insécurité et de l'immigration des synonymes. [pour la Belgique] ; M. den Boer, 1998 [pour les Pays-
Comme on peut le remarquer à travers l'analyse Bas] ; P. Tournier, 1997 [pour la France] ; H. J. Albrecht,
critique des données disponibles, en particulier au cours 1997 [pour l'Allemagne] ; M. Tonry, 1997 [pour une
des années 1990, la substitution de l'autochtone par analyse comparée]) de même que celle concernant les
l'immigré étranger ou le « national » d'origine étrangère jeunes d'origine étrangère, en particulier en France où
s'est accélérée dans les rangs de la population visée par elle est le plus souvent placée sous le registre de la
l'action répressive-pénale. Ainsi, si aux États-Unis les
Noirs continuent à être sept ou huit fois plus
4 - Parmi ceux qui théorisent cette lecture des statistiques, signalons
criminalises que les Blancs, en Europe on arrive parfois à des en particulier M. Barbagli (1988), qui fonde sa thèse sur l'ignorance de
écarts encore plus importants entre immigrés et l'histoire de la criminalisation des migrants et sur l'affirmation - sans
autochtones. Le phénomène est encore plus net dans le cas démonstration - que la police n'aurait pas d'attitude discriminatoire.
Comme nous avons pu le constater à travers les données fournies par la
des pays de l'Europe du Sud, devenus pays police même (et ignorées par Barbagli), dans certaines villes du nord de
d'immigration et déjà alignés sur une politique qui criminalise la l'Italie, le pourcentage des immigrés parmi les personnes objets de
migration. Du point de vue des agents de la répression, contrôle de rue atteint parfois 100 %. Selon nombre de témoignages,
c'est aussi le cas d'autres villes européennes (B. Agozino, 1996 F. Brion
des médias et de quelques auteurs qui incarnent plus [cité], M. den Boer [cité], les travaux réunis par A. Rea [1998] et les
;

ou moins la pensée du nouvel ordre social européen, la travaux de P. Martens pour la Suède, D. J. Smith pour l'Angleterre,
croissance continue des arrestations, des incarcérations M. Killias pour la Suisse, réunis par M. Tonry [1997]). Pour une approche
ethnométhodologique portant sur le pouvoir discrétionnaire de la
et des condamnations des immigrés serait la preuve police, voir H. Sacks (1972) et S. Palidda (1999). Barbagli est très connu
indiscutable d'une attitude délinquante qui et légitime dans \! establishment académique italien de «gauche» on
peut se demander si son néopositivisme (la croyance absolue à ce que
;

caractériserait les migrants d'aujourd'hui4. On verra mieux par la disent les données en tant que telles) le conduit aujourd'hui à ce genre
suite qu'il s'agit, au contraire, d'un processus de de résultats parce que, dans la redéfinition de l'ordre social, les
criminalisation qui produit aussi l'autocriminalisation intellectuels occupant ce type de position sont conduits à s'aligner sur celles de
la «gauche» au pouvoir. C'est peut-être ainsi que se manifeste 1'«
comme conséquence de l'interdiction de la migration intellectuel organique » du nouvel ordre social.
libre et régulière (i.e. l'institution du « délit de 5 — Pour une analyse détaillée des données statistiques, on se reportera
migration »), de l'ethnicisation des activités informelles et aux rapports nationaux du projet MIGRINF.
illégales et de la dégradation des sociétés d'émigration. 6 — Voir Actes de la recherche en sciences sociales, n° 124.
La criminalisation des migrants 41

répression des incivilités urbaines et des désordres Dans le tableau suivant on a réuni les taux
urbains (les violences dans les banlieues) ou même concernant les détenus autochtones et étrangers dans les
celui de la répression du néoterrorisme intégriste principaux pays européens, calculés à partir des données
(notons que, en France comme par ailleurs en Italie, la du 1er septembre 1997 du Conseil de l'Europe, S. PACE
population carcérale a doublé en l'espace de moins de 97.1 7.
dix ans [voir les travaux de P. Tournier au CESDIP])-

TAUX DE DETENUS AUTOCHTONES ET ETRANGERS DANS LES PAYS EUROPEENS AU Ier SEPTEMBRE 1997
Pays Taux de détenus % étrangers/ Taux de détenus Rapport entre Caractéristiques
autochtones pour total détenus étrangers pour taux étrangers/ des détenus
1 00 000 habitants 1 00 000 étrangers taux autochtones plus touchés
ALLEMAGNE 66 33,6 342 5 Jeunes Turcs et
de l'Europe de l'Est
AUTRICHE 70 26,9 257 4 Jeunes Turcs et
de l'Europe de l'Est
BELGIQUE 57 38,2 349 6 Jeunes Marocains
DANEMARK 58 13,6 189 3 Différentes nationalités
ESPAGNE 91 17,8 1 417 16 Surtout
jeunes Marocains
FRANCE 74 26,0 394 5 Jeunes d'origine
maghrébine
GRÈCE 70 25 470 7 Albanais
ITALIE (1998) 65 25,4 1 228 19 Jeunes Maghrébins,
(sur les permis en Albanais,
cours de validité) ex-Yougoslaves,
1 014 15,6 Nigériens
(avec les irréguliers
estimés)
NORVÈGE 47 14,6 215 5 Différentes nationalités
PAYS-BAS 68 27,2 546 8 Jeunes d'origines
marocaine, turque
et surinamienne
PORTUGAL 127 10,9 926 7 Jeunes d'ex-colonies
SUÈDE 52 20,4 202 4 Différentes nationalités
SUISSE 45 60,3 282 6 ex-Yougoslaves,
Maghrébins et Turcs
Source Conseil de l'Europe, S. PACE 97. et OCDE pour la base du calcul des taux.
:

ÉTATS-UNIS Blancs Noirs Rapport


(pour lOOOOOhab.) (pour 100 000 hab.) Noirs/Blancs
919 6 926 7,5
Source : L. Wacquant, 998.
1

Si on laisse de côté la question de la fiabilité incer- des populations immigrées 8. Dans les pays d'ancienne
taine de ces données, remarquons que la comparaison immigration qui, par le passé, ont accordé leur
entre nationaux et étrangers et entre les divers pays est nationalité à leurs ex-colonisés ou plus largement encore, la
rendue difficile non seulement par les différences
entre les normes, les procédures et les pratiques des
polices et de la justice, mais aussi par les statuts des 7 -Je remercie P. Tournier de m'avoir fourni ces données.
immigrés, l'ancienneté d'immigration et la composition 8 - Sur ces questions, voir aussi M. Tonry (1997).
42 Salvatore Palidda

majorité des détenus est composée par ces « La littérature ainsi que les écrits et documents d'archives
nationaux» d'origine étrangère. Ainsi, en France, faute de portant sur cette partie de l'histoire sociale des villes
européennes et remontant au début du xvme siècle montrent
données, selon nombre de témoignages^, on peut dire cependant que ce n'était pas l'immigré en tant que tel qui
que les détenus qui sont comptés comme autochtones était l'objet privilégié de l'action policière. Signalés par Di
sont assez souvent d'origine étrangère et sont souvent Rienzo (1994), les écrits d'Etienne Buret, un fonctionnaire de
des jeunes Français d'origine algérienne, marocaine police de Paris dans les années 1840-1860, fournissent un
ou tunisienne. De même, dans le cas de l'Angleterre, exemple assez significatif. Buret établit les stéréotypes des
la grande majorité des détenus sont des jeunes Noirs immigrés les plus méchants ou les plus dangereux selon des
de nationalité anglaise ou du Commonwealth, catégories colonialistes assimilant le prolétariat parisien
aux populations nomades de l'Afrique du Nord et des
originaires des Caraïbes et de quelques autres ex-colonies Amériques, en faisant un « sauvage moderne » (aujourd'hui
anglaises (B. Agozino, 1996). On peut donc dire que « bonne chasse » donc salaire demain pas de proie, donc
les taux de détenus étrangers et d'origine étrangère en chômage). Le pauvre urbain est décrit comme dangereux

;
France et en Angleterre sont en réalité les plus élevés. dès qu'il n'arrive pas, ne peut pas ou ne veut pas se
Ils sont même supérieurs à ceux qu'on enregistre pour discipliner en tant que salarié. L'idéal policier de toute l'époque de
les Noirs aux États-Unis. En réalité, ceci vaut aussi la société industrielle consiste en une société ordonnée et
stable, voire en une logique disciplinaire, ce qui conduira à
pour certaines nationalités et, en particulier, pour leurs une politique de « fixation » des salariés, que Moulier-Bou-
jeunes immigrés dans les autres pays européens tang (1999) appelle « le bridage du salariat ». Buret considère
d'ancienne ou de récente immigration les Turcs, les pauvres comme de « dangereux ennemis de notre
:

les ex- Yougoslaves et les Roumains en Allemagne civilisation » , de « nouvelles ethnies rebelles qui trouvent leur
(H. J. Albrecht, 1997 ; H. Dietrich, 1999) ; les Turcs, les niche dans le ventre de la grande ville», «de véritables
Marocains et les Surinamiens aux Pays-Bas (M. den Noirs blancs, plus dangereux que les tribus berbères
Boer, 1998) ; les Marocains et les Turcs en Belgique auxquelles les troupes françaises ont été obligées de se
confronter dans l'outre-mer algérien et marocain». La révolte
(F. Brion, 1996) ; les Marocains, les Albanais, les ouvrière est alors perçue en termes de race les révoltés sont
Tunisiens, les Nigériens en Italie (S. Palidda, 1998); les assimilés aux « barbares envahisseurs » (cité par E. Di Rienzo,

;
Marocains et les Tunisiens en Espagne (E. Garcia 1996). Comme l'observe Guareschi (1998), Tocqueville se
España, 1995) ; les Albanais en Grèce (A. Papantoniou lèvera aussi contre l'industrialisation parce que « si elle a fait
et M. Frangouli, 1998). de Paris la plus importante ville manufacturière de France,
elle y a aussi poussé une masse de travailleurs immigrés qui,
Un autre élément qui contribue certainement à de par leurs conditions de vie précaires et "à cause de leur
rendre les données difficiles à interpréter concerne la perte des valeurs traditionnelles", deviennent naturellement
gestion policière de la régularité et de l'irrégularité. des ennemis de la partie saine de la nation»; [...] «cette
Dans certains pays comme la Suisse (modèle désormais masse ennemie doit être surveillée avec fermeté et
ouvertement imité par tous les pays), la pratique des éventuellement traitée sans pitié » Comme le soulignent Lagrange et
.

expulsions immédiates réduit significativement le Roché (1995) ces stéréotypes sont adoptés par Tarde et Joly,
nombre de détenus. De même, en Espagne, l'irrégulier
ou la personne soupçonnée d'un quelconque délit sont
immédiatement expulsés et parfois ne figurent même 9-11 s'agit en particulier de témoignages de travailleurs sociaux et de
consultants, qui opèrent dans les prisons françaises et pour le ministère
pas parmi les arrêtés. de la Justice. Quant aux données officielles, voir les travaux du
CESDIP, et en particulier les analyses de P. Tournier (1996 1998).
;

10 - Grâce aux travaux de Chevalier, aux documents d'archives et à


Le nouvel ennemi une vaste littérature romanesque, il est à ce propos assez connu que
l'histoire sociale de Paris, depuis le xixe siècle, est marquée par la
reproduction de la criminalisation des néo-immigrés de l'intérieur et de
Tout courant migratoire, à toute époque et dans l'extérieur. Ce fut d'abord le cas des Bretons, des Occitans et d'autres,
tous les pays, a fait l'objet d'un contrôle policier plus originaires de la province, et ensuite ce fut le tour des étrangers. En
Suisse, jusqu'aux années 1970, ce sont les Italiens qui ont été l'objet
ou moins sévère ou paternaliste selon les privilégié de l'action policière. De même en Allemagne, après les Italiens,
conjonctures. Immigrés ou néo-urbanisés venant de la proche ce fut le tour des Turcs (H. J. Albrecht, 1997). Pour ce qui est des États-
Unis, voir Wirth (193D, Sellin (1928 1935 1938 [cité par F. Brion et
campagne ou des provinces plus éloignées et, F. Tulkens, 1998] et R. J. Kelly, 1993). Ainsi que l'a montré Montaldi, à
;
;

ensuite, des colonies et pays dits « sous-développés », Milan dans les années 1950, ce fut d'abord le tour des personnes venant
ont toujours été canalisés à la fois dans les rangs du de la proche campagne et ensuite celui des immigrés venant du Sud.
Comme le souligne Pavarini (1997), à travers une étude portant sur cent
salariat discipliné et dans les rangs des « classes ans d'incarcération en Italie, les prisons d'Italie du Nord ont été
dangereuses » 10. peuplées de plus en plus par les immigrés venant du Sud.
La criminalisation des migrants 43

et, d'après Dal Lago (1999), par certains auteurs car elle a permis de passer d'une externalisation encore
contemporains11. Dans la ville de Paris décrite par Chevalier (1976), majoritairement située à proximité des sites industriels
dans les villes américaines décrites par les chercheurs de traditionnels modernisés (avec la prolifération de la
l'école de Chicago (R. J. Kelly, 1993) et dans Milan ou Turin
des années 195O-19ÓO (D. Montaldi I960 ; Alasia et D. Mon- sous-traitance en cascade) à l'externalisation délocalisée
taldi, I960 G. Fofi, 1964), les flux d'immigrés alimentent dans les pays d'émigration. Le jeu des délocalisations
soit la niasse de main-d'œuvre laborieuse, soit les catégories (qui se font de plus en plus d'un pays à l'autre pour
;

sociales déviantes ou « constitutionnellement criminelles » baisser les coûts de la production) explique l'adoption de

.
Comme l'observent Albrecht (1996) et Tonry (1997), la politiques opposées à l'émigration, car il implique le bri-
criminologie administrative expérimente ses expertises (pour dage et donc la fixation de la force de travail dans les
la police et l'administration de la justice) précisément sur les
immigrés. En effet, la mission de la police avait pour finalité sociétés locales14.
la « chirurgie sociale », c'est-à-dire la distinction entre les Mais, au-delà des aspects macroéconomiques, la
subversifs, grévistes et délinquants, d'un côté, et, de l'autre, les logique de la politique migratoire des pays européens
« classes laborieuses » dans lesquelles il fallait chercher à vise, dans les faits, à la constitution d'une «forteresse»
canaliser le maximum d'immigrés, nécessaires au dotée d'un système policier très important, qui
développement économique. considère comme ses ennemis principaux à la fois la
Le paradigme de l'immigration liée au criminalité organisée, les terrorismes et l'immigration
développement de la société industrielle consistait dans l'«inter- clandestine, et établit donc une frontière que l'on veut
nalisation » La migration de la campagne et des infranchissable entre les citoyens et les autres, les
.

sociétés dites « sous-développées » vers la ville ou les sites «non-personnes» (A. Dal Lago, 1999) 15- L'investisse-
industriels des pays les plus avancés était le résultat
d'incitations et était parfois même forcée (outre la traite
des esclaves, rappelons la traite des enfants, ce côté 1 1 - Une excellente reconstruction du biologisme du passé et du
obscur de la modernité qui s'est prolongé depuis la fin présent est proposée par Gould (1998).
du xviie siècle jusqu'aux années 1950 12 et perdure 12 - Parmi d'autres, rappelons le cas des enfants italiens recrutés pour
aujourd'hui, alors que l'on accuse les migrants eux- travailler dans les verreries de la banlieue nord de Paris.
mêmes de «prendre leurs enfants comme boucliers 13 — Ce discours qui, dans le fait, propose un amalgame entre migration
face aux polices qui cherchent à empêcher une et ■ trafic d'humains » est largement diffusé dans les médias et dans les
documents officiels des pays dominants. L'argument agité pour justifier
immigration clandestine manipulée par les mafias ») 13. la répression de toute migration consiste souvent en un discours sur la
Presque tous les flux migratoires ont été pour une lutte contre le néo-esclavagisme et les mafias, voire un discours sur la
bonne part « clandestins », mais, jusqu'aux années 1970, « vocation humanitaire » des pays dominants qui empêcheraient les
migrations pour le bien des migrants. De même, avec la « guerre
tout en passant par des vicissitudes plus ou moins humanitaire », la mission des militaires de l'OTAN semble bien consister dans
pénibles, la très grande majorité des immigrés a eu le fait d'empêcher les réfugiés de quitter les Balkans. Ainsi, la plupart
des réfugiés qui ont pu le faire ont dû payer des transporteurs
accès à un statut régulier qui n'a presque jamais été clandestins, risquant à nouveau leur vie, comme le prouvent les récentes
remis en question. Ainsi, l'immigration s'est presque noyades dans l'Adriatique pendant le mois de mai 1999. Un exemple de
toujours combinée au développement du capitalisme ce discours assez discutable sur le trafic d'humains et le
néo-esclavagisme est proposé par Arlacchi (1999), actuellement chef de
jusqu'à ce que se confondent le mythe du self-made l'organisation de PONU chargée de la lutte contre le trafic de drogue.
man et celui de la réussite du migrant. 14 — Comme le montre Moulier-Boutang (1999), le développement
On pourrait dire que, depuis le milieu des années économique a toujours nécessité de brider le salariat et cela se
I97O et davantage encore depuis le début des années produit encore à l'époque de la globalisation, où l'on assiste au
développement poussé de la liberté de mouvements des capitaux, des
I99O, s'est produit un changement radical du paradigme marchandises, des structures productives, des acteurs dominants, alors
des migrations, correspondant à ce qu'on appelle le que l'on cherche à interdire la mobilité des travailleurs. De même, la
passage à la société dite « postindustrielle » et à la reproduction du racisme sous ses différentes formes a toujours été en
corrélation avec l'infériorisation économique, sociale et politique du
globalisation. La migration est aujourd'hui considérée comme dominé. Quant à la corrélation entre la croissance de l'exclusion
« incongrue » du point de vue des besoins du sociale et de la •< misère du monde » et les choix de la politique
sociale, voir la postface de P. Bourdieu à La Misère du monde, Paris,
développement économique des pays dominants, car les Éd. du Seuil, 1993.
innovations technologiques ont permis à la fois de réduire 15 - Pour une analyse des rapports des services secrets, des rapports de
énormément la quantité de main-d'œuvre et de police, des accords de Schengen, des traités de Maastricht et
redéployer le processus productif selon des logiques d'Amsterdam, des pratiques de contrôles des frontières et des accords avec les
polices des pays d'émigration et la répression des migrations
flexibles. C'est surtout le développement de la clandestines, voir Bigo (1992 1996 1998), Dietrich (1999), Van Outrive (1999)
globalisation, qui semble avoir contribué le plus à ce changement et den Boer (1998), Palidda (1998).
;
;
44 Salvatore Palidda

ment de dispositifs, de moyens et de forces militaires et À cette politique d'interdiction de la migration


de police (et même de services de renseignements) correspond une condition de plus en plus précaire et
pour interdire les migrations est sans précédent16. dominée des immigrés présents dans les sociétés
Après l'effondrement de l'ennemi principal de l'après- européennes. En effet, aujourd'hui le besoin de main-
Seconde Guerre mondiale (l'Empire soviétique), le d'œuvre immigrée se définit souvent comme demande
nouvel ennemi semble ainsi identifié dans les de travail semi-régulier ou irrégulier, précaire et
migrations comme les « menaces » venant du « Sud » 17, à dominé (travail domestique, bonnes à tout faire, aide
travers la conversion policière du militaire, la conversion aux handicapés ou aux personnes âgées, manœuvres
militaire du policier et enfin la conversion policière- dans les entreprises de nettoyage ou dans le bâtiment,
militaire de la coopération internationale qui, par travaux difficiles, souvent « au noir», que les nationaux
ailleurs, conduit aujourd'hui à la légitimation de la n'acceptent pas)19. Dans le cas des pays comme l'Italie
« guerre humanitaire » 18. et la Grèce, ce phénomène est encore plus apparent
En réalité, comme arrivent même à le reconnaître car l'économie dite « souterraine » y atteint des
ses responsables, la conversion policière de la politique proportions plus importantes (environ 27 % du PNB en Italie
migratoire des pays dominants de l'OCDE parvient [S. Palidda, 1999a]). Ainsi, même l'immigré qui a eu la
assez peu à limiter l'immigration dite « clandestine » qui chance d'arriver à la régularité est assez souvent
est favorisée par la demande de main-d'œuvre « au menacé de la perdre, car il ne trouve que des emplois
noir » ou semi-légale par le développement du précaires ou irréguliers et perd donc les conditions
libéralisme. En 1999, aux États-Unis, on estime à environ requises pour renouveler son permis de séjour. On
5,5 millions les clandestins employés dans des activités observe là une reproduction continue de l'irrégularité
informelles ou illégales et, selon une étude de 1998 de qui ne relève pas uniquement de l'immigration
la Rand Corporation, cela constitue un apport clandestine ou de l'impossibilité d'immigration et d'accès au
important à l'économie américaine. En Italie et davantage en séjour régulier20.
Grèce, la main-d'œuvre immigrée irrégulière assure
une part décisive des activités informelles.
Ainsi, la fermeture totale des frontières à
l'immigration régulière, qui a conduit à remettre en question ou 16 - Sur ces aspects voir Bigo (cité), Dietrich (cité) et Palidda (1998).
à limiter fortement l'immigration pour raisons 17 - Cela est dit, de manière explicite, dans nombre de rapports
humanitaires ou politiques, assure la reproduction d'une officiels des services de renseignements, des polices et des forces armées
de plusieurs pays dominants l'identification de la « menace » venant du
main-d'œuvre irrégulière fort utile au profit de Sud comme d'une menace aussi importante que celle venant de l'Est a
:

l'économie souterraine. Avec l'adoption des nouvelles commencé à apparaître dans le Fiscal Year Report de la défense au
Congrès américain en 1979. Pour l'analyse des rapports des services de
normes restrictives, la possibilité de l'immigration renseignements en Italie, voir Palidda (1998).
régulière est désormais inexistante ou réduite à des 18 - Rappelons à ce propos que les États-Unis ont commencé à
cas rares. Quand les aspirants à la migration sont expérimenter ces conversions avec leurs actions dans les pays d'Amérique
encore dans les pays de départ ou dans des pays latine (parfois au nom de la lutte contre la drogue et les mafias). En
Europe, l'un des premiers pas vers la conversion militaro-policière de la
extérieurs à l'Union européenne, ils sont définis comme coopération internationale et même de l'aide humanitaire a été fait lors
des « clandestins » qui menaceraient de pénétrer le de la guerre en Yougoslavie à travers le discours sur le « droit
territoire européen, même s'il s'agit de réfugiés ou de d'ingérence » (proposé par B. Kouchner et par F. Mitterrand). Récemment, les
« accords de coopération » ou « d'aides au développement » entre l'Italie
personnes qui risquent leur vie pour migrer c'est, et l'Albanie ou entre l'Allemagne et la Pologne, ainsi que d'autres pays,
:

entre autres, le cas des Kurdes ou des Kossovars concernent surtout les polices, leurs équipements, leur formation, voire
avant et après le déclenchement de la guerre. Sous les leur entraînement à une activité répressive dirigée en particulier contre
la migration.
pressions des pays visés par l'immigration, nombre de 19 — Ces aspects ont été mentionnés dans nombre de communications
pays d'émigration (du Maghreb aux Balkans, aux pays au séminaire « Preventing and combatting the employment of
de l'Est) ont commencé à adopter des normes qui foreigners in an irregular situation », organisé par l'OCDE, le ministère de la
Justice néerlandais et les États-Unis, à La Haye les 22 et 23 avril 1999.
l'interdisent ou la limitent fortement (D. Bigo [sous la Voir aussi les rapports MIGRINF.
dir. de], 1998). Les seuls nouveaux immigrés qu'on 20 -Voir les contributions au séminaire 1999 de l'OCDE (cité). Tous les
laisse entrer en nombre très limité sont de plus en responsables de l'immigration des pays riches proclament leur
plus sélectionnés à travers différents mécanismes attachement à la lutte contre le travail ■ au noir » et l'irrégularité, mais mettent
rarement en question la corrélation évidente entre le développement
et filières, parfois gérés par certaines ONG afin de du libéralisme, de diverses formes de flexibilité et le développement
s'assurer qu'il s'agisse de « bons immigrés ». des économies dites « souterraines »
.
La ckiminalisation des migrants 45

La dégradation crimes, plus ils agitent le discours contre les


des sociétés de départ «trafiquants d'humains » 22

.
Puisque la possibilité d'émigrer et d'immigrer
L'externalisation concerne toutes sortes d'activités, y régulièrement apparaît inaccessible, la migration
compris les activités illégales et criminelles car, d'un clandestine/illégale réduit le nombre des migrants car
côté les services offerts par les mafias sont utiles au l'émigration clandestine coûte cher, implique des risques
nouveau système de domination, de l'autre celles-ci considérables et que les migrants ne trouvent pas assez
profitent de la déstructuration économique, sociale et de passeurs. Le fait de migrer devient un acte qui place
politique des pays dominés alors que l'ordre des pays en lui-même le migrant dans la catégorie criminalisée,
dominants les tolère moins21. En même temps, le dans les rangs des sujets potentiellement délinquants et
nouvel ordre économique a entraîné une aggravation de la qui donc doivent esquiver les polices. Cela amène à
situation sociale et politique de presque toutes les confondre les migrants avec les déviants et les
sociétés dominées (pauvreté, famine, violences, guerres délinquants, à commencer par le fait qu'ils sont contraints à
civiles, etc.). commettre d'autres délits (notamment tous ceux qu'on
Dans ce contexte, la migration est devenue une peut classer dans la catégorie des délits d'immigration,
aventure difficile, dangereuse et coûteuse, autant sinon à savoir l'immigration clandestine, l'occultation ou la
davantage que dans les moments et les contextes les destruction des papiers d'identité, la déclaration de
plus sombres du passé. Mais, en même temps, elle fausse identité, les faux papiers, les faux en tout genre).
apparaît toujours à beaucoup comme une nécessité Dans certains pays d'émigration, le délit d'émigration
absolue et la seule voie de salut, même si l'on sait clandestine peut être puni encore plus sévèrement
désormais partout dans le monde que migrer signifie risquer que dans les pays d'immigration et s'accompagne de
sa vie et implique des sacrifices inimaginables de la part risques de rétorsion sur la famille du migrant, dans des
des citoyens des pays dominants (tout comme autrefois situations où les abus policiers sont plus fréquents et
les affranchis n'auraient jamais pu « imaginer » les les garanties pour l'inculpé et le condamné inexistantes
conditions de vie et de travail de l'esclave ou du salarié sans ou aléatoires, et où les prisons sont des lieux infernaux
garanties). Émigrer et immigrer régulièrement ou (c'est, par exemple, le cas de la Tunisie et du Maroc).
librement est devenu presque impossible et comme tout Aux abords de l'Union européenne, les effets de cette
prohibitionnisme, la norme qui interdit la migration est orientation des politiques migratoires produisent un
criminogène parce qu'elle fait de la migration un crime nombre croissant de migrants morts au cours du
qui, assez souvent, conduit à la mort nombre de voyage en mer ou par voie de terre 23.
migrants et crée l'occasion de la rentabilisation du délit Par le passé, l'image stéréotypée diffuse dans les
par des délinquants ou criminels. Ainsi, dans la sociétés de départ consistait à croire que la réussite de la
tentative d'occulter cet effet criminogène, dans tous les
documents et déclarations officielles des autorités des
pays européens, on peut remarquer que les 21 - Cet aspect n'est pas encore assez bien étudié ou est traité de façon
«trafiquants d'humains » et le désespoir des migrants sont naïve ou ambiguë, même par certaines ONG, du fait des limites de leur
désignés de plus en plus souvent comme responsables analyse des informations et des données disponibles. Parmi les travaux
des morts de la migration. Les rapports concernant portant sur ces aspects, voir les actes du séminaire organisé avec le
concours de la Fondation européenne de la science, « The informai
l'activité des services secrets, les rapports des polices, economy threat and opportunity in the city », en 1997, Frieburg,
les publications militaires et nombre de procédures publications du Max Planck Institut, IUSCRIM Éditions, à paraître (sous la dir.
:

judiciaires s'accordent pour considérer la migration de H. J. Albrecht et J. Shapland). En particulier, voir les travaux de
Ruggiero (1997), de Shiray (CIRED-MSH) et de Labrousse (Observatoire
comme un fait qui relève désormais du trafic de géopolitique des drogues).
clandestins, mêlé à celui des drogues, aux mains des mafias 22 - C'est ainsi que la « guerre humanitaire » dans les Balkans est décrite
(thèse qui reproduit le même schéma appliqué dès le comme une nécessité pour empêcher l'invasion de réfugiés, voire de
début des années 1980 par les services secrets clandestins c'est de cette façon que s'est exprimé récemment le chef
du gouvernement italien M. D'Alema.
:

américains à propos des menaces venant des pays du Sud, et 23 - Dans l'île de Pantelleria (la pointe la plus au sud de l'Europe),
notamment de la menace représentée par les comme en témoigne le commandant de la police du port, centaines de
trafiquants de drogues latinos). Il est à ce propos assez photos à l'appui, les cadavres et les restes humains trouvés dans les
filets des pêcheurs ou ramassés presque tous les jours en bord de mer
révélateur que plus les États affermissent l'interdiction sont de plus en plus nombreux et sont ensevelis dans une fosse
de la migration, provoquant l'augmentation de ces commune (voir II Manifesto, 11 novembre 1998, p. 4).
46 Salvatore Palidda

migration était presque à la portée de tous, à condition qui, dans le quotidien urbain, les fait devenir l'objet
de savoir s'adapter, de savoir accepter des sacrifices privilégié des contrôles policiers et inexorablement les
parfois lourds, des humiliations et des souffrances conduit à devenir la majorité des jeunes qui peuplent
considérables, de savoir se débrouiller et travailler dur jusqu'à les prisons.
arriver au « salut» le permis de séjour stable, parfois la La crise des possibilités de réussite d'une
:

naturalisation, un bon travail correctement rémunéré, immigration régulière semble donc favoriser la construction
sinon l'accès au travail indépendant, l'accès à la sociale de la criminalisation d'une partie des migrants
propriété du logement et tout ce qui symbolise la réussite et même des enfants d'immigrés qui ont acquis la
soit vis-à-vis de la société d'origine, soit vis-à-vis des nationalité du pays de résidence. À travers les cas étudiés
autres immigrés et même vis-à-vis des autochtones des dans notre recherche, cette construction sociale
classes subalternes. Autrement dit, au-delà de tous les apparaît comme un phénomène complexe propre à tout
éventuels détours ou péripéties entre secteurs illégaux l'univers de la migration d'aujourd'hui. Il concerne à la
et informels, par le passé, la très grande majorité des fois la société d'origine, ses rapports avec la société
migrants a cru que tout le monde pouvait atteindre la d'arrivée, les contextes spécifiques de cette dernière. La
réussite avant tout à travers le travail et par voie circularité des interactions, la diffusion des images, des
régulière. À l'opposé, aujourd'hui, la voie régulière vers clichés, des modèles «positifs» et «négatifs», semblent
l'immigration réussie ne semble plus avoir aucune s'intensifier avec la globalisation, et en particulier avec
crédibilité ou du moins n'avoir qu'une crédibilité très le développement des communications24 et de la
limitée. En effet, l'image des immigrés qui sont arrivés à la mobilité des personnes et des marchandises. C'est en
régularisation est assez souvent peu attrayante. S'il est particulier entre les pays de l'Union européenne et les
vrai qu'une minorité a effectivement connu une certaine pays proches que semblent se reproduire les rapports
réussite, la majorité semble condamnée à la précarité et conflictuels entre centre et périphéries, conflits
reste constamment sous la menace de perdre la semblables à ceux entre le centre-ville ou les quartiers
possibilité de renouveler son permis de séjour, ne faisant que riches et les banlieues « à problèmes » Ce sont surtout

.
basculer entre emplois précaires, «au noir», logement les jeunes des périphéries de l'Europe, tout comme les
provisoire et indigence (condition qui rappelle celle des jeunes des banlieues «chaudes», qui «posent
immigrés dans les conjonctures des crises cycliques problème » , car ils apparaissent à la fois comme les plus
d'autrefois). L'image qui semble prévaloir surtout parmi sensibles aux acquis du développement et de
les jeunes — qui sont toujours les plus frappés par tout l'universalité des droits et les plus frustrés par l'inégalité
ce qui va à l'encontre de la migration — consiste à voir effective dans l'accès à ces acquis. Tout jeune de l'Europe
l'immigré comme un sujet destiné à être traité comme de l'Est, des Balkans, du Moyen-Orient, de l'Afrique du
un quasi-esclave, en tout cas comme un dominé, Nord a une idée plus ou moins précise des possibilités
comme une personne qui n'aura jamais la certitude qui sont offertes aux jeunes des pays riches (et il est
d'accéder à un véritable statut régulier stable, à des évident qu'il existe toujours une tendance à ne voir que
garanties, et qui n'arrivera jamais à mettre de côté une les aspects que l'on perçoit comme les plus attrayants).
épargne suffisante. La condition des jeunes enfants Il est donc tout à fait logique qu'il aspire à atteindre la
d'immigrés dans les pays d'ancienne immigration (y condition plus ou moins mythifiée du jeune des pays
compris la Belgique et la France, où ils ont souvent riches25. Par conséquent, tout ce qui l'empêche d'y
acquis la nationalité du pays de résidence) apparaît en
quelque sorte semblable à celle des immigrés récents
dans les pays de l'Europe du Sud. Et c'est en particulier
le cas des enfants d'immigrés dotés de la nationalité des 24 - Rappelons que dans tous les pays dominés et même dans le plus
isolé douar ou tende du désert africain, on trouve des antennes
pays d'immigration de leurs parents, qui est révélateur paraboliques avec lesquelles on peut capter à la fois les transmissions
de ce que Sayad (A. Sayad, 1992) appelait la «postérité venant des pays arabes dominants et celles venant des pays européens
inopportune >» , qui ne sert plus ni à la reproduction de la ou des États-Unis.
25 - Ainsi que le montre le rapport MIGRINF, la variété des cas
force de travail, ni à la démographie du pays, ni comme observés sur le terrain permet de considérer comme plus ou moins valables
« chair à canon » Ces enfants sont parmi les premiers à presque toutes les théories de la déviance (Durkheim, Sellin, Merton,
etc.). Cependant, c'est surtout l'effet de l'action de criminalisation de
.

subir des discriminations dans l'accès au travail et se


l'immigré, qui apparaît comme une violence du nouvel ordre social des
voient offrir essentiellement des emplois précaires et pays dominants, qui explique le mieux les basculements dans la
mal payés. Ils sont frappés par la stigmatisation négative criminalité de certains jeunes immigrés.
La criminalisation des migrants 47

arriver est perçu comme une injustice inacceptable, ou de les rassurer finit par se traduire par la perception de
du moins comme un obstacle qu'il est légitime de l'immigré étranger comme un potentiel usurpateur,
contourner ou d'abattre. L'immigration clandestine, les comme une menace pour la garantie de ces
faux papiers, tout ce qui sert à atteindre l'objectif privilèges28. Ceci contribue à alimenter le conflit entre
auparavant évoqué deviennent donc des actes justes, alors exclus autochtones et immigrés.
que tout ce qui s'oppose à son aspiration devient une La nouvelle coopération entre polices et citadins
supercherie des puissants. Dès lors, la perception de ce passe par la mobilisation commune contre cet ennemi
qui est légitime et de ce qui est illégitime se traduit par et apparaît indispensable à la cohésion sociale
une opposition souvent croissante à l'ordre institué2". européenne. Le glissement de l'arbitraire policier (comme
de tout pouvoir) vers la discrimination raciste
correspond à la diffusion sociale de la définition de
Une mobilisation commune l'immigration comme délit et à l'accent mis sur la criminalité
attribuée aux immigrés.
Parmi les policiers et les magistrats, nombre de La criminalisation de la migration en Europe peut
personnes sont animées par un esprit humanitaire ou être considérée comme l'un des faits sociaux les plus
démocratique ; mais force est de constater que caractéristiques de la redéfinition de l'ordre politique et
l'opinion publique légitime des attitudes qui transforment social en Europe 29. En Europe, l'activité de contrôle et
l'arbitraire propre aux pouvoirs policiers en une de répression des polices ainsi que les pratiques de
discrimination raciste qui conduit à la négation des droits les l'administration de la justice sont marquées de plus en
plus élémentaires, à la fois des victimes et des auteurs plus par une discrimination négative vis-à-vis des
de délits27. En effet, est particulièrement révélatrice du immigrés, qui semble relever moins des éventuelles attitudes
traitement réservé aux jeunes immigrés par les polices racistes des personnels de ces agences que du choix du
la négation des droits les plus élémentaires non pouvoir politique local et national partagé et parfois
seulement des suspects ou auteurs de délits, mais aussi de sollicité par les citoyens. Ainsi, si pendant toute
ceux qui en sont victimes. L'arbitraire peut être plus l'histoire de la société industrielle l'exclusion sociale était le
ou moins important, surtout vis-à-vis des sujets produit de l'épuisement des capacités d'inclusion et si
auxquels la société attribue moins de droits ou même la criminalisation n'était réservée qu'aux subversifs et
aucun droit. Il est utile de rappeler que, théoriquement, aux classes dangereuses qui se confondaient avec
les codes reconnaissent à tout être humain le « droit ceux-ci, aujourd'hui, la criminalisation de la migration
à la déviance » au sens où, soit comme inculpé, soit signifie que la frontière entre autochtones et immigrés
comme coupable et condamné, chaque personne étrangers, voire entre citadins des pays dominants et
garde un ensemble de droits fondamentaux. Dans les des autres est devenue une barrière de violence.
faits, comme disent les juristes démocratiques, « la loi Le phénomène de criminalisation des migrants
est moins égale toujours pour les mêmes », précisément (parfois avant même qu'ils parviennent à immigrer) ne
à cause de l'arbitraire propre aux pouvoirs policiers et réserve presque aucune surprise du point de vue des
judiciaires. Vis-à-vis de l'immigré, d'autant plus s'il est
sans papiers, l'accès aux droits que l'on peut réserver
aux déviants est considéré comme socialement 26 - Cela renvoie à ce que, d'après Sayad (1996), on peut qualifier de
inconcevable parce que, comme disait Sayad (1996), la caractère politiquement subversif de la migration par rapport à la
pensée d'État reconnaît l'immigré seulement comme main- logique de l'État-Nation qui, en elle-même, nie la liberté de mouvement
(aspect souligné également par Y. Moulier-Boutang, 1999 A. Dal Lago,
d'œuvre, être muet, servile et subordonné assujetti à la 1999).
;

«double peine». Considérer comme inconcevable la 27 - Pour une analyse détaillée de ces aspects, voir Quassoli (1998
1999) et Palidda (1998; 1999), pour le cas italien; et Papantoniou et
;

déviance de l'immigré conduit à reconnaître tacitement


la déviance de l'autochtone, ce qui contribue à Frangouli (1998), pour la Grèce.
28 - C'est à ce propos que le dernier écrit de Sayad (■■ L'immigration et
expliquer l'hostilité exaspérée vis-à-vis de la première et la la pensée d'État ») constitue sans doute l'apport le plus important, car il
catégorisation de l'immigré déviant comme « ennemi révèle le caractère politique de la migration comme fait social total qui,
public numéro un » dans le contexte actuel, devient en lui-même antithétique de l'ordre
économique, social et politique qui s'impose à l'échelle planétaire
.

La mise en place d'un ordre économique, social et comme à l'échelle de chaque pays (d'arrivée et de départ).
politique marqué par l'explicite préoccupation 29 -Je reprends ici quelques éléments d'une discussion avec Abdelma-
d'as urer les citoyens des privilèges d'une société « riche » et lek Sayad à propos des résultats de notre recherche.
48 Salvatore Palidda

sciences sociales. Comme nous avons pu le constater à cherchant à espionner et mesurer les comportements
travers de nombreuses histoires d'immigrés 30, les des migrants classables comme déviants ou criminels.
théories de la criminalisation, de l'autocriminalisation ou Au contraire, comme le suggère Sayad (1999), une
de la déviance formulées par nombre d'auteurs (Dur- science de la migration qui ne partage pas les attentes
kheim, Sellin, Wirth, Merton, Garfinkel, Goffmann, du dominant ne peut que se pencher sur la logique et
Cicourel et d'autres) 31 peuvent trouver confirmation les pratiques de la domination telle qu'elle se redéfinit
dans la variété des cas existants, mais n'expliquent pas aujourd'hui à travers l'établissement d'une frontière
pourquoi, aujourd'hui, les migrants deviennent non violente entre l'espace des pays d'immigration et celui des
seulement les objets privilégiés de l'action répressive- pays d'émigration.
pénale dans les pays dominants, mais 1'« ennemi public
numéro un». Jusqu'aux années 1990, la sociologie des
migrations a négligé ce phénomène, car la migration
était utile au développement des sociétés dominantes.
30 - Dans notre rapport MIGRINF sur le cas italien, nous avons
Maintenant, la «science de l'immigration», entendue sélectionné des dizaines d'extraits d'histoires qui illustrent bien ce
comme pensée de l'État dominant, sera probablement phénomène en les analysant à partir d'observations de terrain, d'entretiens
de plus en plus engagée à le « découvrir » En effet, afin avec des policiers, des magistrats, des avocats, des témoins privilégiés
et aussi à travers une déconstruction des données statistiques
.

de légitimer l'actuelle politique de criminalisation de officielles. Pour le cas de la Grèce, voir le rapport de Papantoniou et de
la migration, la science de l'immigration est appelée Frangouli pour la Belgique, voir Brion (1996).
;
31 - Voir Brion et Tulkens (1998).
à épauler, sinon à orienter les polices et les juges, en

BIBLIOGRAPHIE Di Rienzo, E., « I selvaggio metropolitano », Progetto sicurezza, avril-mai


1 996, p. 86-97.
Fofi, G., L'Immigrazione méridionale a Torino, Milan, Feltrinelli, 1964.
Alasia, et Montaldi, D., Milano-Corea, Milan, Feltrinelli, I960.
Garcia EsPAÑa, E., « Delinquencia de immigrantes extranjeros en España,
Bigo, D., L'Europe des polices et de la sécurité intérieure, Bruxelles, Éd. Madrid, ministerio de Asuntos sociales», Dirección general de
Complexe, 1992. migraciones (non publié), 1995.
— Polices en réseaux: l'expérience européenne, Paris, Presses de Sciences
politiques, 1996. Gould, S. J., Intelligenza e pregiudizio. Contro i fondamenti biología del raz-
,

— « Sécurité et immigration vers une gouvernementalité par zismo, Milan, I Saggiatore, 1998.
l'inquiétude?», «Sécurité et immigration», in Cultures & conflits, n° 31-32,
,

1998, p. 13-38. Guareschi, M., // Lapsus di Tocqueville. Un liberale francese, pochi Indian! e
molti schiavi, in A. Dal Lago (sous la dir. de), Lo Straniero e il nemico,
Boer, M., den, «Crime et immigration dans l'Union européenne», Gênes, Costa e Nolan, 1998, p. 45-63.
«Sécurité et immigration», in Cultures & conflits, n° 31-32, 1998,
p. 101-123. ISPAC, Migration and crime, Milan, Ispac, actes du colloque ISPAC/ONU de
Courmayeur, 3-5 octobre 1996, 1998.
Brion, F., « Chiffrer, déchiffrer. Incarcération des étrangers et construction
sociale de la criminalité des immigrés en Belgique», in S. Palidda (sous Kelly, R. J., « molti aspetti délia criminalité organizzata negli Stati Uniti »,
in Rassegna italiana di sociología, XXXIV/2, 1993, p. 201-242.
I

la dir. de), Délit d'immigration. La construction sociale de la déviance et de


la criminalité parmi les immigrés en Europe, Bruxelles, COST A2 Migra- Kitsuse, J., et Cicourel, A. W, «A note on the official use of statistics », in
tions-CE, 1996, p. 163-224. Social Problems, 2, 1963 («Note sur l'utilisation des statistiques
Brion, F., et Tulkens, F., « Conflit de culture et délinquance. Interroger officielles», Lettre grise, Pénombre, Paris, 1995).
l'évidence », in Déviance et société, vol. 22, n° 3, 998, p. 235-262. Lagrange, H., et Roché, S., « L'insécurité histoire et régulation », rapport,
1

Paris, IHESI, 1993.


:

Chevalier, L, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la


première moitié du XIXe siècle, Paris, Librairie Pion, 1958; Paris, Hachette, Maneri, M., « Les médias dans le processus de construction sociale de la
coll. « Pluriel », 1984. criminalité des immigrés. Le cas italien », in S. Palidda (sous la dir. de), Délit
Dal Lago, A., «The impact of immigration in Italy», Italian Report d'immigration. La construction sociale de la déviance et de la criminalité parmi
MIGRINF, Migrant Insertion in the Informal Economy, Deviant Behaviour les immigrés en Europe, Bruxelles, COST A2 Migrations-CE, 996.
1

and the Impact on Receiving Societies, Bruxelles, TSER-DGXII-CE, 1998. Montaldi, D., Autobiografie délia leggera. Vagabond'!, ex<arcerati, ladri,
— (sous la dir. de), Lo Straniero e /' nemico, Genève, Costa et Nolan, 998. prostitute raccontano la loro vita, Turin, Einaudi, 96
— Non-Persone. L'esclusione dei migranti in una società globale, Milan,
1

1
1.

Feltrinelli, 1999. Moulier-Boutang, Y, De l'esclavage au salariat Économie historique du


,

salariat bridé, Paris, PUF, 999.


Dietrich, H., « Criminalisation transfrontalière de la migration l'exemple
1

de l'Allemagne et de la Pologne», in Actes de la recherche en sciences Palidda, S., « Polizia e sicurezza urbana a Firenze », rapport, San Domenico
:

sociales, n° 128, 1999. di Fiesole, DSPS-lstituto universitario europeo, 1994.


La criminalisation des migrants 49

— « Polizia e domanda d¡ sicurezza a Milano», rapport, San Domenico di Sacks, H., «Notes on police assessment of moral character», in D. Sud-
Fiesole, DSPS-lstituto universitario europeo, 1995. now (sous la dir. de), Studies in Social Interaction, New York, Free Press,
,

— «Verso il fascismo democrático?», Aut Aut, n° 275, octobre 1996, 1983, p. 280-293 (publié aussi sous le titre «Corne la polizia valuta la
p. 143-168. moralità délie persone basandosi sul loro aspetto », in P. P. Giglioli et
,

— « Deviant behaviour and criminalisation of migrants in Italy », in Migrant A. Dal Lago [sous la dir. de], Etnometodologia, Bologne, I Mulino, 1983,
Insertion in the Informal Economy, Deviant Behaviour and the Impact on p. 177-196).
,

Receiving Societies, Bruxelles, CE-DGXII-TSER, 1998a.


— « Domanda di sicurezza e polizie nei capoluoghi emiliano-romagnoli », Sayad, A., « L'immigration et la pensée d'État. Réflexions sur la double
in La Sicurezza in Emilia-Romagna. Quarto rapporto Annuale 1998, in Qua- peine », in S. Palidda (sous la dir. de), Délit d'immigration. La construction
,

derni di cittàsicure, n° 14, 1998b, p. 185-222. sociale de la déviance et de la criminalité parmi les immigrés en Europe,
— , « Devianza e vittimizzazione», Quarto rapporto ISMU 1998, Milan, Bruxelles, COST A2 Migrations-CE, 1996.
Angeli, 1998c, p. 145-166. Tonry, M. (sous la dir. de), Ethnicity, Crime and Immigration, Comparative and
— , «La conversione poliziesca della política migratoria», in A. Dal Lago Cross-National Perspectives, Chicago, The University of Chicago Press,
(sous la din de), Lo Straniero e /' nemico, Gênes, Costa e Nolan, 1 998d, 1997.
p. 209-235.
— « Polizia e immigrati un analisi etnográfica », in Rassegna italiana di socio- Tournier, P., « Nationality, crime and criminal justice in France », in
logia, 1999, p. 77-114.
,

M. Tonry (sous la dir. de), Etnicity, Crime and Immigration. Comparative


— (sous la dir. de), Délit d'immigration. La construction sociale de la déviance and Cross-National Perspectives, Chicago, the University of Chicago
et de la criminalité parmi les immigrés en Europe, Bruxelles, COST A2
,

Press, 1997, p. 523-551.


Migrations-CE, 1996. — « La prison à la lumière du nombre », thèse d'habilitation, université
Paris I-Sorbonne, 1997.
,
Pavarini, M., «Cent'anni di carcerazione in Italia», in L. Violante (sous la
dir. de), La Criminalité punita, Turin, Annali Einaudi, 1997. Van Outrive, L., « Les savoirs universitaires et politiques sur la sécurité
intérieure en Europe», «Sécurité et immigration», in Cultures &
Quassou, F., « Immigrazione uguale criminalità: rappresentazioni di senso Conflits, vol. 27, n° 2, 1998, p. 159-175.
comune e pratiche degli operatori del diritto », in Rassegna italiana di
sociología, 999, p. 43-76. Wacquant, L., « De l'État social à l'État pénal », in Actes de la recherche en
sciences sociales, n° 124, 1998.
1

Rea, A. (sous la dir. de), Immigration et racisme en Europe, Bruxelles, Éd. — « Tolleranza zero. Il credo si diffonde », in Le Monde diplomatique-ll
Complexe, 1998. Manifesto, avril 1999.
,

Das könnte Ihnen auch gefallen