Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
Résumé :
.
2) L’écriture Djebarienne : une écriture de hasard ou de nécessité :
Chez Assia Djebar, l’écriture est d’abord perçue comme l’expression d’une «
révolte », celle d’une femme dépourvue de liberté dans une société
traditionnelle. On le voit bien, dès ses premières publications. Son œuvre tire
son originalité non seulement du fait qu’elle est femme et qu’elle s’exprime dans
une période où peu de femmes écrivent (le contexte des années cinquante), mais
aussi de la thématique subversive qui ne s’inscrit pas dans la même tradition que
celle des auteurs algériens de sa génération, dans une forme assez singulière.
La genèse de ses premières œuvres est expliquée par sa volonté de « présenter
la caricature de la jeune fille algérienne occidentalisée »,
Ecriture paradoxale ?
Le paradigme féminin développé par Assia Djebar se trouve fragilisé dans ses
fondements du fait même que l’expression des malheurs féminins, de l’errance
des femmes à travers le dédale de l’Histoire coloniale, se réalise par une langue,
la langue française,
le travail d’écriture d’Assia Djebar est intimement lié au contexte sociopolitique
de sa production et vise continuellement la mise en exergue des travers de la
société algérienne ainsi que la dénonciation de l’histoire coloniale. Cette tension
forte entre le littéraire et l’extra-littéraire, entre le poétique et le politique, entre
l’esthétique et l’éthique a pour effet de mettre en avant un certains nombre de
valeurs patriarcales et racistes dont les femmes sont les premières victimes.
Ainsi dans l’apologue, « Le silence dans l’écriture », Djebar revient sur les
interrogations de l’écrivain algérien francophone. « Longtemps, j’ai cru
qu’écrire c’était mourir, mourir lentement. » (p. 11) Le rapport préétabli entre «
écrire » et « mourir » reviendra tout au long du roman. Dans les quatre parties de
l’oeuvre, il sera question de « mort », d’effacement Longtemps, j’ai cru
qu’écrire c’était s’enfuir… » (p. 11).on constate alors que la première écriture-
effacement est celle de la langue. La langue maternelle est refoulée par la langue
étrangère :
Silence de l’écriture, vent du désert qui tourne sa meule inexorable, alors que
«
ma main court, que la langue du père [enseignant de français] (langue d’ailleurs
muée en langue paternelle) dénoue peu à peu, sûrement, les langes de l’amour
mort ; et le murmure affaibli des aïeules loin derrière, la plainte hululante des
ombres voilées flottant à l’horizon, tant de voix s’éclaboussent dans un lent
vertige de deuil – alors que ma main court… »(p. 11)
Une autobiographie ?
.
Qui est le « je » ? Un personnage de fiction ? L’auteur-narrateur ? L’histoire
d’amour de la première partie est-elle référentielle ? Quel est son lien avec le« je
» de la troisième partie supposé autobiographique ? Toutes ces questions ne
peuvent trouver réponse dans le texte de manière lisible et claire le lien est sous-
entendu.
Selon Philippe Lejeune, le premier enjeu et le plus important dans une
autobiographie est l’identité auteur-narrateur-personnage doublée par le pacte
autobiographique qui consiste en un contrat de lecture que l’auteur établit avec
le lecteur .S’inscrivant dans un projet autobiographique, la narratrice avoue son
incapacité de se dire :
« Ecrire le plus anodin des souvenirs d’enfance renvoie (…) au corps dépouillé
de voix. Tenter l’autobiographie par les seuls mots français, c’est, sous le lent
scalpel de l’autopsie à vif, montrer plus que sa peau. Sa chair se desquame,
semble-t-il, en lambeaux du parler d’enfance qui ne s’écrit plus. Les blessures
s’ouvrent, les veines pleurent, coule le sang de soi et des autres, qui n’a jamais
séché. » (AF, PP.177-178)
il s’agit d’une narratrice anonyme. Rares les moments où son « je » frôle celui
de l’auteur. Au début de l’œuvre, elle raconte l’étouffement qu’elle impose à
son cœur épris d’un jeune homme, un collègue. Dans la seconde partie
« L’Effacement sur la pierre », c’est la voix d’Assia Djebar l’historienne que
nous entendons mais alors le rapport à l’autobiographie est très faible ou
indirect. La troisième partie semble mieux concilier l’auteur avec son
autobiographie puisqu’il s’agit, dans cette partie de chapitres relatant
l’expérience de cinéaste de l’auteur alternant avec d’autres tentant de remonter
loin dans la généalogie de la narratrice dévoilant ainsi son rapport à la langue
française ainsi qu’à la langue maternelle dont elle a été coupée et même à la
langue ancestrale disparue. Cependant l’auteur déclare dans son dernier
livre Ces voix qui m’assiègent que son roman que Vaste est la Prison est « le
plus autobiographique, sans doute » même si ce n’est qu’à la page 228 que cette
narratrice anonyme se transforme en Isma :
De la cinématographie à l’écriture :
Désormais, la narratrice met tout son espoir dans l’œil de caméra lui permettant
à la fois une fuite dans l’espace en même temps et une réconciliation avec la
langue des origines à travers les séquences de conciliabules des femmes dans
l’oralité de la langue berbère et arabe. :
« Ce regard artificiel qu’ils t’ont laissé, plus petit, cent mille fois plus
restreint que celui qu’Allah t’a donné à la naissance (…), ce regard
miniature devient ma caméra à moi, dorénavant. Nous toutes, du
monde des femmes de l’ombre, renversant la démarche : nous enfin
qui regardons, nous qui commençons. » (p. 175)
C’est au plus profond de son âme que la narratrice cherche la force nécessaire à
sa libération. La langue – presque effacée – devient la métaphore de l’événement
fondateur de l’Histoire collective et qui, à travers sa comparaison à l’état
individuel, se transforme en foyer ardent d’où se puise l’énergie d’une femme en
quête de sa libération.
c’est l’histoire des origines de l’Algérie qui est interrogée par la narratrice. « Or,
l’écriture vivait ; or ses sonorités, sa musique, son rythme se dévidaient autour
d’eux, autour des voyageurs » (Djebar, 1995, p. 146), remarque la narratrice.
L’idée alors diffusée au cours de la période coloniale selon laquelle l’écriture
serait apparue en Algérie avec l’arrivée des troupes françaises est ici très
largement abattu par Assia Djebar. Sous sa plume, la langue berbère devient une
source de l’Algérie unie et féconde durant la période précoloniale. .
tout au long de son récit, Assia Djebar revient sur une légende qui fait tant peur
en Algérie. Les femmes mariées de force attendent l’invisible « voleur de mariée
» (p. 210), auquel elles préfèreraient offrir leur virginité plutôt qu’à l’époux
imposé. La rupture initiale dévoile la femme comme être soumis, sans pouvoir
aucun
Cloîtrée, voilée, mariée dès son plus jeune âge, la figure de la femme algérienne
rebute Isma. Celle-ci osera rompre au nom de toutes les femmes de son
entourage les chaînes de la tradition. La première partie, « L’effacement dans le
coeur », rend compte du poids de la découverte désenchantant de l’Aimé
toujours présente dans la vie de la narratrice bien qu’elle soit mariée .
Si L’Amour, la Fantasia ainsi que Loin de Médine redonnent corps et voix à des
héroïnes algériennes et musulmanes oubliées, le roman Vaste est la prison
s’attache quant à lui à narrer l’histoire d’une femme mariée éprise de son
collègue de travail qu’elle nomme « l’Aimé ».
Le temps du récit :
Etude du titre :
Conclusion :