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Biographie :

« Je voudrais me présenter devant vous comme simplement une femme-


écrivaine, issue d’un pays, l’Algérie tumultueuse et encore déchirée. J’ai été
élevée dans une foi musulmane, celle de mes aïeux depuis des générations, qui
m’a façonnée affectivement et spirituellement, mais à laquelle, je l’avoue, je me
confronte, à cause de ses interdits dont je ne me délie pas encore tout à fait.
J’écris donc, et en français, langue de l’ancien colonisateur, qui est devenue
néanmoins et irréversiblement celle de ma pensée »

Résumé :

Vaste est la prison est le troisième volet du « Quatuor algérien » de l’écrivain


Assia Djebar. Le titre de cet ouvrage est tiré d’une complainte berbère
rapportée par Jean Amrouche et chantée par sa soeur, Taos Amrouche : « Vaste
est la prison qui m’écrase/ D’où me viendras-tu, délivrance ? » Dans Vaste est la
prison c’est la narratrice qui refuse l’amour, la passion y étant vécue comme
maladie ou folie, comme combat, comme blessure. Le roman dit l’amputation
qu’elle opère sur elle-même, effrayée des tourments de la passion à laquelle
l’éducation des femmes, placée sous le double signe de la retenue et de la
méfiance à l’égard de l’homme — “l’ennemi ” ne prépare pas. Tout au long du
récit, elle se livre à un minutieux travail de déchiffrement, d’analyse

Ce roman, où l’autobiographie et le récit fictif forment un thyrse, est divisé en


quatre parties. Chacune d’elles est une quête ou une trouvaille. Elles ont toutes
néanmoins pour objectif la naissance d’un pouvoir féminin. Ce pouvoir,Assia
Djebar ne l’atteint qu’en recourant à la mémoire personnelle et à la mémoire
collective.

Naissance d’une littérature féminine :

1) Les écrivaines algériennes d’expression française : l’affirmation d’une


identité

Sur le plan littéraire, et pendant la guerre de libération, de leur cellule de prison,


des voix rebelles s’élèveront pour dénoncer la barbarie coloniale, comme celles
de la romancière Myriam Ben, des poétesses Anna Greki, Nadia Guendouz,
Baya Hocine, Z’hor Zerari et d’autres encore. Par la suite, des femmes
algériennes écrivains prendront la parole pour dire la guerre et ses résonnances
parfois terribles sur les individus des Djamila Debêche les Amrouche, Fadhma
Ait-Mansour, la mère, Marguerite Taos,. Mais n’empeche qu’elles restent bien
conventionnels où l’intrigue sert de prétexte à des développements sur la
possibilité pour la femme «musulmane» de s’émanciper dans l’Algérie
coloniale. tournant rapidement le dos au problème de l’assimilation et de
l’aliénation, les discours des femmes revendiquent le droit d’être une personne à
part entière, Assia Djebbar est la plus connue de par la qualité de son esthétique
mais aussi de l’importance de son oeuvre où se côtoient l’autobiographie, la
fiction, l’histoire et l’esthétique cinématographique.
Ses romans les plus marquants évoquent les femmes prises entre tradition et
modernité On peut citer en premier lieu Assia Djebar qui, après son premier
roman intimiste La soif, paru en 1957, s’attellera à dénoncer l’oppression du
système colonial dans des romans qui auront un très large retentissement. On
peut aussi « Les enfants du nouveau monde » (1962), Les alouettes naïves
(1967) et bien plus tard Vaste et la prison (1995), s’entrecroisent l’Histoire
collective d’un et l’histoire individuelle.
Assia Djebar construit son œuvre sur la question de la libération de la femme
qui au fil du temps, prend une signification différente : l’exigence libertaire
programme une destinée commune durant la guerre, Algérie et algériennes
confondues ; plus tard, après l’espoir déçu par la post – indépendance, l’auteure
dégage sa plume de l’évocation du passé, pour continuer à tisser inlassablement
la toile de la sororité dans une société aliénatrice

.
2) L’écriture Djebarienne : une écriture de hasard ou de nécessité :

Les romans d’Assia Djebar se nourrissent abondamment de ses expériences


personnelles et propose un monde épais , dense , réalisé formellement par un
certain traitement du rapport entre le récit et le discours . elle s’inspire quelque peu
de l’expérience Proustienne elle exploite ses souvenirs avec de multiples
réfractions. Ces réfractions sont les effets d’une exigence esthétique , manifeste ,au
nom de laquelle l’artiste revendique le privilège de modifier et d’adapter la réalité
qui lui appartient
Pourquoi j’écris ? j’écris contre la mort . j’écris contre l’oubli . j’écris dans
l’espoir dérisoire de laisser une trace , une ombre , une griffure sur un sable
mouvant…j’écris parce que l’enfermement des femmes , dans sa nouvelle
manière est une mort lente , parce que la non solidarité présente des femmes du
monde arabe se fait dos tourné à un passé peut être de silence mais certainement
pas d’entre aide j’écris parce que l’insolence et la dissidence de cette affirmation
me deviennent de plus en plus nécessaire
J’écris a force de me taire j’écris parce que malgré toutes les désespérances
d’espoir et je crois l’amour travaille en moi

je ne sais qu’une règle: ne pratiquer qu’une écriture de nécessité. Une


écriture de creusement, de poussée dans le noir et l’obscur ! Une écriture «
contre » : le « contre » de l’opposition, de la révolte.. »

Chez Assia Djebar, l’écriture est d’abord perçue comme l’expression d’une «
révolte », celle d’une femme dépourvue de liberté dans une société
traditionnelle. On le voit bien, dès ses premières publications. Son œuvre tire
son originalité non seulement du fait qu’elle est femme et qu’elle s’exprime dans
une période où peu de femmes écrivent (le contexte des années cinquante), mais
aussi de la thématique subversive qui ne s’inscrit pas dans la même tradition que
celle des auteurs algériens de sa génération, dans une forme assez singulière.
La genèse de ses premières œuvres est expliquée par sa volonté de « présenter
la caricature de la jeune fille algérienne occidentalisée »,

 Ecriture paradoxale ?

La question du français a tourmenté plus d’un écrivain algérien, qu’il soit


homme ou femme .Le défi fondamental consiste alors à faire de « cette langue
[qui] porte toujours en elle-même (et malgré elle !) les marques noires d’un
passé colonial jamais oublié » la source d’une énergie vitale et féconde. Ainsi, le
rapport à la langue française, bien que subversif, est inscrit dans un cadre plus
large dominé par le doute et l’ambiguïté.

Le paradigme féminin développé par Assia Djebar se trouve fragilisé dans ses
fondements du fait même que l’expression des malheurs féminins, de l’errance
des femmes à travers le dédale de l’Histoire coloniale, se réalise par une langue,
la langue française,
le travail d’écriture d’Assia Djebar est intimement lié au contexte sociopolitique
de sa production et vise continuellement la mise en exergue des travers de la
société algérienne ainsi que la dénonciation de l’histoire coloniale. Cette tension
forte entre le littéraire et l’extra-littéraire, entre le poétique et le politique, entre
l’esthétique et l’éthique a pour effet de mettre en avant un certains nombre de
valeurs patriarcales et racistes dont les femmes sont les premières victimes.

Ainsi dans l’apologue, « Le silence dans l’écriture », Djebar revient sur les
interrogations de l’écrivain algérien francophone. « Longtemps, j’ai cru
qu’écrire c’était mourir, mourir lentement. » (p. 11) Le rapport préétabli entre «
écrire » et « mourir » reviendra tout au long du roman. Dans les quatre parties de
l’oeuvre, il sera question de « mort », d’effacement Longtemps, j’ai cru
qu’écrire c’était s’enfuir… » (p. 11).on constate alors que la première écriture-
effacement est celle de la langue. La langue maternelle est refoulée par la langue
étrangère :

Silence de l’écriture, vent du désert qui tourne sa meule inexorable, alors que
«
ma main court, que la langue du père [enseignant de français] (langue d’ailleurs
muée en langue paternelle) dénoue peu à peu, sûrement, les langes de l’amour
mort ; et le murmure affaibli des aïeules loin derrière, la plainte hululante des
ombres voilées flottant à l’horizon, tant de voix s’éclaboussent dans un lent
vertige de deuil – alors que ma main court… »(p. 11)

Néamoins l’engagement et la résistance dont a fait preuve Assia Djebar à travers


chacun de ses romans sont significatifs de cette volonté tenace de mettre fin à la
domination auquel les femmes sont soumises et cela, par les pouvoirs de
l’écriture.

 Une autobiographie ?

.
Qui est le « je » ? Un personnage de fiction ? L’auteur-narrateur ? L’histoire
d’amour de la première partie est-elle référentielle ? Quel est son lien avec le« je
» de la troisième partie supposé autobiographique ? Toutes ces questions ne
peuvent trouver réponse dans le texte de manière lisible et claire le lien est sous-
entendu.
Selon Philippe Lejeune, le premier enjeu et le plus important dans une
autobiographie est l’identité auteur-narrateur-personnage doublée par le pacte
autobiographique qui consiste en un contrat de lecture que l’auteur établit avec
le lecteur .S’inscrivant dans un projet autobiographique, la narratrice avoue son
incapacité de se dire :

« Ecrire le plus anodin des souvenirs d’enfance renvoie (…) au corps dépouillé
de voix. Tenter l’autobiographie par les seuls mots français, c’est, sous le lent
scalpel de l’autopsie à vif, montrer plus que sa peau. Sa chair se desquame,
semble-t-il, en lambeaux du parler d’enfance qui ne s’écrit plus. Les blessures
s’ouvrent, les veines pleurent, coule le sang de soi et des autres, qui n’a jamais
séché. » (AF, PP.177-178)

Ainsi à la page 49-50, la narratrice brouille les pistes de lecture puisqu’elle ne


place son oeuvre dans aucune logique générique, ni fiction, ni volonté de parler
d’elle à la première personne, puisqu’elle parle du « je » comme d‘un
personnage :

« Malgré mon effort de réminiscence, se brouille l’exact premier jour de la


première rencontre, anodine ou importante, pour ces deux personnages que
j’esquisse
il n’y a en moi nul désir de fiction, nulle poussée d’une arabesque inépuisable
déployant un récit amoureux) – non, ne m’enserre que la peur paralysante ou
l’effroi véritable de voir cette fracture de ma vie disparaître irrémédiablement.»

il s’agit d’une narratrice anonyme. Rares les moments où son « je » frôle celui
de l’auteur. Au début de l’œuvre, elle raconte l’étouffement qu’elle impose à
son cœur épris d’un jeune homme, un collègue. Dans la seconde partie
« L’Effacement sur la pierre », c’est la voix d’Assia Djebar l’historienne que
nous entendons mais alors le rapport à l’autobiographie est très faible ou
indirect. La troisième partie semble mieux concilier l’auteur avec son
autobiographie puisqu’il s’agit, dans cette partie de chapitres relatant
l’expérience de cinéaste de l’auteur alternant avec d’autres tentant de remonter
loin dans la généalogie de la narratrice dévoilant ainsi son rapport à la langue
française ainsi qu’à la langue maternelle dont elle a été coupée et même à la
langue ancestrale disparue. Cependant l’auteur déclare dans son dernier
livre Ces voix qui m’assiègent que son roman que Vaste est la Prison est « le
plus autobiographique, sans doute » même si ce n’est qu’à la page 228 que cette
narratrice anonyme se transforme en Isma :

« Appellerai-je à nouveau la narratrice Isma ? « Isma » : « le nom».


Dans le cours si mêlé de cette évocation (…), je voudrais tant la
conduire aux parages du lac de sérénité ! (…) La sérénité des passages
qui semblent ne devoir jamais finir. » (p. 331)

Isma semble être donc l’ombre de la narratrice première ou de l’auteur, reflet de


la présence des femmes algériennes dans le récit d’Assia Djebar.

 De la cinématographie à l’écriture :

Assia Djebar évoque son expérience cinématographique dans la troisième partie


du roman .
le récit djebarienne est réapparu sur la scène littéraire à partir des années 1980,
avec le cinéma, la peinture, la musique, la photographie et la mosaïque, En effet,
les arts en général n’ont alors plus cessé de s’interpénétrer au sein de ses récits.
C’est à travers divers modes de discours visuels que l’auteure parviendra à
recréer son histoire, celle des femmes de son pays, à qui la parole avait été
interdite.
Affirmant une ouverture vers un autre média, une autre forme d’expression, le
passage au cinéma renforce ces écrits . Le recours à des procédés et à des
techniques venant de plusieurs champs artistiques sollicite le lecteur à participer
activement à la production de sens des textes littéraires. Djebar tente de
construire de nouveaux modes d’expression.

Les chapitres « Femme Arable » racontent l’expérience de


cinématographe de l’auteur et plus précisément le tournage en 1978 de son
premier film : La Nouba des femmes du mont Chenoua.

Désormais, la narratrice met tout son espoir dans l’œil de caméra lui permettant
à la fois une fuite dans l’espace en même temps et une réconciliation avec la
langue des origines à travers les séquences de conciliabules des femmes dans
l’oralité de la langue berbère et arabe. :

« Ce regard artificiel qu’ils t’ont laissé, plus petit, cent mille fois plus
restreint que celui qu’Allah t’a donné à la naissance (…), ce regard
miniature devient ma caméra à moi, dorénavant. Nous toutes, du
monde des femmes de l’ombre, renversant la démarche : nous enfin
qui regardons, nous qui commençons. » (p. 175)

la belle-mère, gardienne à la place du fils, a refusé de livrer à la fiction du film ;


cette femme que la narratrice appelle « la Madone » (cf . p. 223). Face au
débordement de malheur ou de bonheur dans la vie, l’œil-caméra est frappé de
cécité. Au silence des « prunelles » de la narratrice répond en fait ce « silence »
de l’écriture dont elle parlait à l’incipit de l’œuvre

« (…) J’ai rêvé ma vie, ivre d’espace et de mouvement ; j’ai dansé


ma petite vie d’odalisque sortie définitivement du cadre, au moins
jusqu’à l’âge de quarante ans… Et depuis ? Entre ombre et soleil, entre
ma liberté vulnérable et l’entravement des femmes de « chez moi »,
sur la frontière et le tranchant d’une terre amère et vorace, je zigzague.
Je m’essaie à vivre, c’est-à-dire à regarder, un œil grand ouvert vers le
ciel, quelquefois vers les autres, l’autre œil tourné en moi, de plus en
plus en arrière, jusqu’à retrouver les processions funèbres d’hier,
d’avant-hier… » (p. 313)

Histoire et écriture berbère : une quête des origines :


La seconde partie, intitulée « L’effacement sur la pierre », est une quête de la
langue historique. En effet, Assia Djebar compte mettre en place une langue
liberatrice et octroyant le pouvoir à la femme.

Le récit de la seconde partie commence sur l’histoire de Thomas d’Arcos, parti


en Tunisie où il est fait esclave par des corsaires tunisiens avant d’acheter sa
liberté. Il se convertit à l’islam. Cet homme, qui continue d’invoquer sa « double
foi » (p. 124), découvre, en 1631 à Dougga en Tunisie, une stèle antique avec
deux écritures. Si la première est évidemment punique, l’autre reste mystérieuse.
Il faudra cinq siècles où des archéologues et des voyageurs européens affluent à
Dougga, avant que le Consul général d’Angleterre à Tunis ne la prenne dans son
pays pour la vendre au British Museum. « l’écriture lapidaire » est
définitivement « violée et emportée » (p. 143). Ce récit est traversé par l’histoire
de l’arrivée française en Algérie. De cette manière l’Afrique du Nord retrouve
une certaine unité mythique. En effet, alors que le médecin Walter Oudney
traverse le désert algérien (1822-1832), il découvre l’écriture touarègue. Cette «
écriture tellement ancienne » continue donc à s’écrire. Langue irréductible, elle
sert pour le bey Ahmed d’« écriture du danger, justement pour conjurer le
danger. » (p. 148) lorsqu’il veut écrire aux siens sur le colonialisme sans que les
Français ne le comprenne. L’énigme de la stèle de Dougga est percée.

l’écriture identifiée, le tifinagh, l’alphabet berbère est l’occasion pour Assia


Djebar de revenir, toujours dans une perspective historique marqué , sur
l’histoire de la stèle.

Toutefois, on s’interroge sur le rapport de l’écriture avec la quête féminine de la


narratrice. En fait, la découverte de l’identité du mystérieux alphabet de Dougga
met en exergue la puissance de la femme. En effet, c’est elle qui a sauvegardé
cette langue et la culture qu’elle porte. La puissance frôle le pouvoir comme le
prouve Tin Hinan. Cette reine touareg, d’abord considérée comme un mythe
avant qu’on découvre sa momie dans le désert algérien. La patiente Tin Hinan
entre dans le « rêve tenace » de la narratrice de « rassembler les cendres du
temps » (p. 163) pour s’identifier, fût-il « aux traces autour du sépulcre… »;

Tin Hinan est donc le symbole de la puissance résistante au temps et de


l’héritage féminins :

Ainsi, plus de quatre siècles après la résistance et le dramatique échec de


Yougourtha au Nord, quatre siècles également avant celui, grandiose de la
Kahina – la reine berbère qui résistera à la conquête arabe -, Tin Hinan des
sables, presque effacée, nous laisse héritage – et cela malgré ses os hélas
dérangés – : notre écriture la plus secrète, aussi ancienne que l’étrusque ou
que celle des “runes” mais, contrairement à celles-ci, toute bruissante encore
de sons et de souffles d’aujourd’hui, est bien legs de femmes, au plus profond
du désert. (p. 163)

C’est au plus profond de son âme que la narratrice cherche la force nécessaire à
sa libération. La langue – presque effacée – devient la métaphore de l’événement
fondateur de l’Histoire collective et qui, à travers sa comparaison à l’état
individuel, se transforme en foyer ardent d’où se puise l’énergie d’une femme en
quête de sa libération.

c’est l’histoire des origines de l’Algérie qui est interrogée par la narratrice. « Or,
l’écriture vivait ; or ses sonorités, sa musique, son rythme se dévidaient autour
d’eux, autour des voyageurs » (Djebar, 1995, p. 146), remarque la narratrice.
L’idée alors diffusée au cours de la période coloniale selon laquelle l’écriture
serait apparue en Algérie avec l’arrivée des troupes françaises est ici très
largement abattu par Assia Djebar. Sous sa plume, la langue berbère devient une
source de l’Algérie unie et féconde durant la période précoloniale. .

Les figures féminines :


 La femme algérienne traditionnelle :

l’apologue réinitialise la rupture originelle, la « torpille étrange » (p. 14), qui


sépare définitivement, aux yeux de la narratrice Isma, le monde des hommes du
monde des femmes et brise ainsi l’idéal de la communion. Alors qu’elle est au
hammam, la petite Isma entend une amie de sa belle-mère parler de « l’e’dou »
qui, en arabe, signifie l’ennemi. Curieuse, Isma interroge sa belle-mère sur
l’ennemi de son amie. Il s’agit de son mari. C’est à cause de lui qu’elle ne peut
pas disposer de son temps comme elle l’entend pour tarder au bain. Ce sera la
découverte du véritable statut de la femme, ou plutôt de l’absence de statut de la
femme.

tout au long de son récit, Assia Djebar revient sur une légende qui fait tant peur
en Algérie. Les femmes mariées de force attendent l’invisible « voleur de mariée
» (p. 210), auquel elles préfèreraient offrir leur virginité plutôt qu’à l’époux
imposé. La rupture initiale dévoile la femme comme être soumis, sans pouvoir
aucun

 La femme algérienne occidentalisée :

Cloîtrée, voilée, mariée dès son plus jeune âge, la figure de la femme algérienne
rebute Isma. Celle-ci osera rompre au nom de toutes les femmes de son
entourage les chaînes de la tradition. La première partie, « L’effacement dans le
coeur », rend compte du poids de la découverte désenchantant de l’Aimé
toujours présente dans la vie de la narratrice bien qu’elle soit mariée .

la première partie de l’oeuvre découvre le déplacement linguistique et culturel


d’Isma. Partagée entre deux villes, Alger et Paris, située entre un « passé révolu
» et « un modernisme corrompu » (p. 95), elle tourne le dos à son pays pour ne
pas se soumettre à la loi qui fait de l’arabe littéraire la langue officielle et préfère
continuer de recourir à la langue française enseignée par le père alors que
l’Algérie est colonisée

Si L’Amour, la Fantasia ainsi que Loin de Médine redonnent corps et voix à des
héroïnes algériennes et musulmanes oubliées, le roman Vaste est la prison
s’attache quant à lui à narrer l’histoire d’une femme mariée éprise de son
collègue de travail qu’elle nomme « l’Aimé ».

Le temps du récit :

La narratrice effectue des allers-retours entre le présent et le passé. Le récit de


ce(s) voyage(s) n’ont pas de démarche logique dans la constitution du récit. La
conscience a posteriori de l’événement, désormais passé, qu’est le présent surgit
de la mémoire et des souvenirs individuelles , c’est cette mémoire qui nomme
l’émotion et qui, en revenant sur l’instant irréversible, irréparable, dévoile
l’effacement de la femme : « … la mort, en Islam, est masculine… » (p. 106).

Les passages de l’ouverture et la clôture font référence à la violence du contexte


de ces années de sang. Ceci non seulement par un désir de mémoire puisque les
événements concernent aussi l’époque antique de l’Afrique du Nord en parallèle
avec l’histoire récente de l’Algérie, mais pour chercher dans le passé de
l’Algérie une explication à l’horreur du présent, dans un va-et-vient constant.
Tous les textes produits après l’Amour la fantasia ont comme toile de fond
l’Histoire de l’Algérie au passé et au présent. Les thèmes historiques qu’elle
aborde dans ses fictions ont tous un lien référentiel avec le présent.

Etude du titre :

Dans vaste est la prison les langues se côtoient se partagent les


significations relaient , se soutiennent se mêlent dans un corps polygame
se fécondent et se souviennent les unes des autres comme dans une
solidarité féminine transmise par delà les siècles la mort de. Cherifa sera
l’occasion d’une envolé poétique dans l’une des langues de la romancière
a peine effleuré l’arabe dit classique sorte de parlé momifier qui a perdu
son impact émotionnel et sa force imaginative et continue d’exister
comme sonorité souvent incompréhensible et cependant éminemment
musicale c’est alors que dans une sorte de solidarité échoïque surgit la
langue étrange la langue berbère ou la langue de la montagne qui a
inspiré son titre au roman vaste est la prison

Djebar a emprunté les mots à une complainte berbère « Vaste est la


prison qui m’écrase, dit la complainte berbère qui ouvre ce roman sur l’Algérie
des femmes d’hier et d’aujourd’hui improvisant leurs chants de deuil, de joie,
de lutte ou d’espoir » Quoique cette complainte figure au début du récit narratif,
le titre insiste sur une interprétation plus large de l'enfermement , la complainte
berbère évoque non seulement l'enfermement « prison » mais son dépassement
« délivrance ». la présence berbère est un élément catalyseur du récit
romanesque a en juger par le répertoire et l'élection des personnages, les réseaux
thématiques et symboliques, ses expressions langagières: chants, poèmes, tzarl'-
rit...

A titre d'exemples, dans le premier volet du récit, la narratrice tombe amoureuse


de Leo, amant d'origine berbère; dans le deuxième volet, elle entreprend une
enquête historique sur l'alphabet berbère; dans le troisième volet, s'entrecroise
l'histoire généalogique de la lignée maternelle berbère et le parcours des
femmes-fugitives qui s'apparentent a celui de Tin Hinan, princesse berbère.
L'héritage berbère de la narratrice est, de surcroit, toujours présent et
insaisissable a la fois du fait qu'il transparait dans les moments clés de son vécu.

Conclusion :

Parcourir l’oeuvre d’Assia Djebar , c’est , un premier niveau de lecture ,


récupérer différents jalons biographiques : les grands moments de la vie , un
itinéraire spatio- temporel et une évolution sociale particulièrement marqué par
l’histoire ; le tout adroitement recréé par la fiction

Un œuvre qui se construit , un écrivain qui confirme ses talents d’artiste , un


itinéraire caractérisé par une réflexion créatrice , un geste scriptural déterminé
par une écoute de soi et de la société, sollicite le lecteur de multiples façons.
L’échange constamment renouvelé entre l’écrivain, la cinéaste la critique d’art ,
l’historienne , la dramaturge a une grande incidence sur la conception littéraire
’Assia Djebar . Ecrivain femme ,porte -parole des femmes séquestrées ecrivain
témoin d’une époque historique écrivain stimulant la mémoire des aïeuls et
secouant les archives .

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