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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique

LA PENSÉE DE MAO TSÉ-TOUNG


dans « La grande révolution culturelle prolétarienne (I) » (n°14), p. 17-39

« Comment unir la théorie marxiste-léniniste et la pratique de la révolution


chinoise ? Pour user d’une expression commune, c’est en tirant la flèche sur
l’objectif. De même que la flèche doit viser l’objectif, le marxisme-léninisme doit
viser la révolution chinoise »

(Rectifier le style du Parti.)

Le crétinisme révisionniste voit dans la pensée de Mao Tsé-toung, guide de l’action


révolutionnaire de 700 millions de Chinois, une forme paroxystique du « Culte de la
personnalité ». Par malheur pour les Kroutchéviens, ce concept bâtard est, en l’occurrence,
rigoureusement inadéquat ; car la pensée de Mao Tsé-toung désigne un ensemble ordonné de
« connaissances rationnelles » : union de la vérité universelle du marxisme-léninisme et de la
pratique concrète de la révolution chinoise. La pensée de Mao Tsé-toung recouvre les lois de la
révolution chinoise. Les kroutchéviens auraient dû réfléchir sur le terme même de « pensée »…
Peut-être n’auraient-ils pas alors manifesté leur nullité, indice pertinent de leur trahison. En effet,
une pensée n’est pas une rhapsodie d’opinions, mais un système théorique. Dans sa forme
générale, la pensée de Mao Tsé-toung signifie le système suivant : la réalisation des principes
universels du marxisme-léninisme dans la connaissance d’un objet concret : la Chine
révolutionnaire. Évidemment, pour que la définition soit adéquate, pour que la pensée de Mao
Tsé-toung soit bien une pensée et non un kroutchévisme[1] quelconque, il faut exposer la
réalisation conséquente des principes qu’accomplit la pensée de Mao Tsé-toung. Commençons
par préciser la définition précédente : les principes du marxisme-léninisme qui, réalisés,
donnent la connaissance de la révolution chinoise, constituent la science de la révolution, objet
dont on sait que Lénine définit la connaissance. Cet objet, qu’on peut tirer de ses œuvres
théoriques et pratiques, présente la caractéristique suivante : l’universalité. Pour passer de cet
objet formel (les principes universels) à l’objet concret pensé que serait la révolution dans telle
formation sociale donnée (Chine, France), il ne faut rien de moins qu’une « pensée ». S’il
suffisait « d’appliquer » (mécaniquement) le principe à un objet concret déterminé, n’importe
quel Kroutchev suffirait à la tâche. Mais cette opération (l’application mécanique) est vide de
sens au regard de la théorie marxiste-léniniste : on aura beau combiner de cette manière un
principe et un objet concret, on n’aura jamais qu’un dogmatisme appliqué à un empirisme, dont
les effets seront le sectarisme et l’opportunisme. Précisément, l’union vraie de la vérité
universelle du marxisme-léninisme et de la pratique concrète de la révolution doit triompher de
ces deux déviations dont la racine tient dans cette fausse application (soit encore : application
« non créatrice ») des principes. Ajoutons que les effets de l’application mécanique et des
déviations qu’elle engendre se répercutent à tous les niveaux : analyse concrète erronée,
définition des tâches et pratique de la direction ans un esprit de « porte close » ou de
capitulation, etc.

Pour nous rendre parfaitement claire cette thèse, prenons un exemple se rapportant au parti
révisionniste français : celui-ci prétend reconnaître l’universalité de la dictature du prolétariat ;
mais « audacieusement » (ce terme désigne classiquement les vertiges opportunistes du parti
révisionniste français) a repéré une tradition spécifique de la formation sociale française : la
tradition démocratique. Le frottement de ces deux « connaissances » donne, on le sait, le
monstre que le mouvement communiste avait cru disparu avec le kautskysme : « la voie
démocratique au socialisme ». C’était compter sans les Waldeck-Rochet. Analysons de plus
près cette frauduleuse opération : la dictature du prolétariat semble, aux yeux de Waldeck, une
« forme » vide à force d’être universelle et abstraite, que vient remplir, car la politique a horreur
du vide, un contenu concret appelé « tradition démocratique ». Voici le résultat : la forme
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disparaît puisqu’elle n’informe rien ni ne forme quoi que ce soit ; reste un « contenu » dont le
caractère concret, comme il se doit, masque l’idéologie qui le travaille, l’idéologie social-
démocrate. Cette idéologie a très précisément pris la place manquante de la forme marxiste-
léniniste. L’universalité qui a fonctionné fut tout bonnement celle des principes sociaux-
démocrates. Mais prenons un exemple qui ne soit pas trop éphémère, la dictature du prolétariat
étant désormais à peine présente dans les textes du parti révisionniste[2]. L’exemple suivant est
pris au kroutchévisme d’origine ; il concerne les « conditions nouvelles de notre époque ». Du
bout des lèvres, on admet le principe de l’agressivité de l’impérialisme, puis on considère
l’impérialisme à l’étape concrète actuelle. On nous fait remarquer l’existence des armes thermo-
nucléaires, ce qui est une nouveauté par rapport au chassepot. On combine alors le principe —
l’agressivité — et le fait nouveau — les armes thermo-nucléaires. Cela donne le résultat
suivant : l’impérialisme n’est plus agressif puisque, du fait de l’existence des armes thermo-
nucléaires, nous devons nous entendre avec lui, donc, que nous pouvons nous entendre avec
lui.

Mais il suffit. Revenons à la « pensée ».

Elle est donc, en son principe, productrice de connaissances nouvelles qui qualifient un objet
concret : une formation sociale donnée, à un moment déterminé. C’est dire assez que l’union de
la vérité universelle du marxisme-léninisme et de la pratique révolutionnaire concrète n’est
jamais donnée : elle est à penser, à assimiler et enfin à réaliser pratiquement.

« … la question qui se pose actuellement n’est pas celle d’étudier ou non les œuvres du
président Mao, mais de les avoir assimilées réellement ou non et de savoir en fait les appliquer
ou non. » (Lin Piao)

La pensée de Mao Tsé-toung est donc une réponse au problème fondamental (dont la solution
est la condition de toutes les autres) suivant : comment passer de l’abstrait scientifique qu’est la
science générale de la révolution au concret scientifique que sont les lois d’une révolution
spécifique et de là à l’action révolutionnaire conforme à ces lois. Avant même d’entrer dans le
cours de l’exposition, nous pouvons tirer de cette définition générale deux conséquences :

Premièrement, si la pensée de Mao Tsé-toung est une solution au problème posé, nous
pouvons déjà prévoir que la pensée de Mao Tsé-toung est un développement de
la théorie léniniste de la révolution. En effet, le problème posé était celui de l’application vraie
(« créatrice ») des principes. Or les conditions d’application légitime d’une théorie sont les
conditions mêmes du développement d’une théorie. C’est, en effet, ce que nous verrons : la
pensée de Mao Tsé-toung développe la théorie léniniste.

Deuxièmement, et ceci rend intelligible la signification du mot d’ordre actuel de la révolution


culturelle : « assimiler la pensée de Mao Tsé-toung », mot d’ordre qui est le pivot du système
des mots d’ordre définissant les tâches de l’étape actuelle de la révolution chinoise comme front
avancé de la révolution mondiale, la pensée de Mao Tsé-toung, si elle est la solution du
problème posé (répétons le problème : comment passer de la science générale de la révolution
à l’action révolutionnaire ?) est une pensée accessible aux masses, qui sont les forces motrices
de la révolution chinoise. C’est, en effet, ce que nous verrons : la pensée de Mao Tsé-toung est
destinée à être, dans un sens que nous définirons, la pensée des masses. L’exposition qui suit
a pour fonction de légitimer la définition et ses conséquences.

LES LOIS DE LA REVOLUTION CHINOISE

LA PENSEE DE MAO TSE-TOUNG :

« La résolution sur quelques problèmes d’histoire de notre parti » décrit les étapes du
développement du P.C.C. ; il peut être entendu comme l’accession aux lois de la révolution
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chinoise. C’est la pensée de Mao Tsé-toung qui marque l’accès. « Depuis sa fondation
en 1921 le P.C.C. a fait de l’union de la vérité universelle du marxisme-léninisme et de la
pratique concrète de la révolution chinoise le fil conducteur
de tout son travail : la théorie et la pratique du camarade
Mao Tsé-toung représentent cette union. »
(T. III des Œuvres Choisies, éd. de Pékin — en anglais.)

Quelles étapes théoriques constituent le passage de la vérité universelle du marxisme-


léninisme à la pratique concrète de la révolution chinoise ? Ces étapes consistent dans les
quatre définitions ordonnées suivantes :

— la formation sociale chinoise,

— la conjoncture (qui est révolutionnaire),

— le système des mots d’ordre de la révolution,

— la direction de la révolution.

Ce procès théorique produit, en son principe, la connaissance de toute pratique révolutionnaire


déterminée. Voyons comment, à travers la pensée de Mao Tsé-toung, il produit les lois de la
révolution chinoise.

Comment caractériser la formation sociale chinoise ? Le point de départ de Mao Tsé-toung est
la théorie esquissée par Marx dans Le Capital et systématisée par Lénine, de la coexistence de
modes de production. Quel type de coexistence caractérise la formation sociale chinoise ?

« On y voit coexister une économie capitaliste faiblement développée et une économie semi-
féodale prépondérante ; un petit nombre de centres industriels et commerciaux et une vaste
campagne figée dans son développement ; des millions d’ouvriers de l’industrie et des
centaines de millions de paysans et d’artisans, vivant sous le joug d’un ordre archaïque… La
Chine est un pays semi-colonial — la division entre les puissances impérialistes entraîne la
division entre les diverses cliques dirigeantes en Chine. Un pays semi-colonial dominé par
plusieurs Etats est différent d’une colonie dominée par un seul. »
(Ecrits Militaires, p. 103.)

Que la Chine soit un pays semi-colonial et semi-féodal ne la singularise pas encore : l’objet
ainsi défini n’est encore que typique. Il faut procéder à l’analyse des « particularités » de cette
formation typique ; cette analyse ne consistera pas dans l’énumération des traits originaux de la
Chine, procédé violemment dénoncé par Mao Tsé-toung dans Contre le Culte du livre ; mais
dans un énoncé rigoureux dont l’analyse de classe constitue l’unité. En effet, seules les
questions relevant de cette analyse sont pertinentes, la fonction de ces analyses étant
subordonnée à l’objectif qu’est la révolution. Les particularités, donc, spécifieront la position des
classes en Chine. Disons mieux : si l’on appelle « classe » la forme sociale déterminée par les
rapports de production, et « force sociale » la forme sociale où se composent sur cette base
déterminante les effets économiques, politiques et idéologiques, l’analyse des particularités
constitue le passage d’une forme à l’autre. Comme les forces sociales en relation structurent la
conjoncture, l’analyse des particularités constitue le passage théorique de la formation sociale à
la conjoncture. Nous ne retiendrons ici qu’un exemple privilégié, la bourgeoisie nationale. La
domination du capital étranger contraint la bourgeoisie nationale représentant les rapports de
production capitalistes dans les villes et les campagnes chinoises à une position double :

« Quand elle souffre sous les rudes coups que lui porte le capital étranger et le joug que font
peser sur elle les seigneurs de la guerre, elle sent le besoin d’une révolution et se déclare pour
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le mouvement révolutionnaire dirigé contre l’impérialisme et les seigneurs de guerre ; mais elle
se méfie de la révolution quand elle sent qu’avec la participation impétueuse du prolétariat du
pays et le soutien actif du prolétariat international cette révolution met en danger la réalisation
de son rêve de s’élever au rang de la grande bourgeoisie. Sa plate-forme politique, c’est la
création d’un Etat dominé par une seule classe, la bourgeoisie nationale. »
(Œuvres Choisies, T. I, p. 10.)

Cette position critique détermine la dualité de la bourgeoisie nationale dont les effets sont
l’existence perpétuée de deux ailes politiques : une aile gauche et une aile droite. Ce qui donne
à comprendre la représentation politique divisée de cette classe ; de même que la conversion
de ses positions politiques : la bourgeoisie nationale est une force instable. Le Kuomintang, par
exemple, la représente adéquatement lorsque et dans la mesure où la conjoncture l’unifie.
Idéologiquement, et l’histoire de la bourgeoisie le montre, elle présente le même caractère de
faiblesse : le P.C.C. analyse minutieusement les formes de cette idéologie et leurs mutations
(histoire des trois principes du peuple).Cette analyse de la bourgeoisie nationale, des
particularités qui font que son champ d’action politique est limité ne peut être transférée même
d’une formation semi-coloniale et semi-féodale à une autre du même type. Il faut dans chaque
cas mesurer concrètement les effets de la domination de l’impérialisme, sur la bourgeoisie
nationale, les limites de son champ d’action. Ce qui vient d’être fait à propos de la bourgeoisie
nationale doit l’être pour toutes les autres forces sociales : bourgeoisie compradore, classe
ouvrière, paysans pauvres, moyens, aisés, petite bourgeoisie des villes, propriétaires fonciers.
Pour en finir avec ce point, remarquons que cette analyse de la bourgeoisie nationale et de son
caractère double est homologue à l’analyse que faisait Lénine de la petite bourgeoisie. La
bourgeoisie russe ne constituait pas en tant que telle une force susceptible de participer à la
révolution ; seuls des éléments éclairés en son sein pouvaient le faire :

« L’ancien Empire tsariste était déjà un Etat impérialiste féodal et militaire pratiquant une
politique d’annexions et de ce fait la bourgeoisie y était dénuée de tout esprit révolutionnaire. La
tâche du prolétariat y consistait à lutter contre la bourgeoisie, et non à s’allier avec elle. Par
contre, la Chine est un pays colonial et semi-colonial victime lui-même d’une agression et, de ce
fait, la bourgeoisie nationale fait encore preuve, dans certaines périodes et jusqu’à un certain
point, d’esprit révolutionnaire. » (Œuvres Choisies, éd. Sociales, T. III, p. 136.)

En Russie, c’était la petite bourgeoisie des villes et des campagnes qui était la force hésitante
par excellence. En Chine, la présence de l’impérialisme déplace les forces sociales : ainsi nous
pourrons avoir affaire à des éléments hobereaux éclairés.

L’analyse complète des particularités ouvre sur le système des forces sociales : liant les forces
progressistes, intermédiaires, réactionnaires. Mais ce système ne peut être institué que si l’on a
répondu au préalable à cette question : quel doit être le caractère de la révolution ?

« Ce qui détermine le caractère d’une révolution c’est, d’une part, ses ennemis principaux et,
d’autre part, les principales forces révolutionnaires. » (T. IV, p. 216.)

La réponse à cette question suppose, là comme ailleurs, la théorie léniniste. Les formes de
cette théorie à retenir ici sont les suivantes : la révolution dans les pays coloniaux et semi-
coloniaux à l’époque de la révolution d’Octobre ; la relation entre révolution bourgeoise et
révolution prolétarienne. Il faut bien voir que ces formes ne peuvent mécaniquement constituer
la réponse à la question. De fait, à partir de ces éléments. Mao Tsé-toung produit le concept de
« révolution de démocratie nouvelle ».

« Quel est donc le caractère de la révolution chinoise à son étape actuelle ? Est-ce une
révolution démocratique bourgeoise ou une révolution socialiste prolétarienne ? Ce n’est
évidemment pas une révolution du second type, mais du premier.
Etant donné que la société chinoise est encore une société coloniale, semi-coloniale et semi-
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féodale, que les ennemis de la révolution chinoise sont toujours en premier lieu l’impérialisme et
les forces féodales, que les tâches de la révolution chinoise consistent à réaliser la révolution
nationale et la révolution démocratique, qui visent au renversement de ces deux ennemis
principaux, cette révolution recueillant par moments la participation de la bourgeoisie et la
pointe de la révolution étant dirigée non contre le capitalisme et la propriété capitaliste en
général, même si la grande bourgeoisie trahit la révolution et s’en fait l’ennemi, mais contre
l’impérialisme et le féodalisme, — étant donné tout cela, la révolution chinoise à son étape
actuelle n’a pas un caractère socialiste prolétarien, mais un caractère démocratique bourgeois.
Toutefois, la révolution démocratique bourgeoise en Chine n’est plus une révolution
démocratique bourgeoise ordinaire de l’ancien type, car ces révolutions appartiennent au passé,
mais une révolution démocratique bourgeoise originale, d’un type nouveau. Ce type de
révolution se développe actuellement en Chine en dans tous les pays coloniaux et semi-
coloniaux. Nous l’appelons révolution de démocratie nouvelle. Cette révolution de démocratie
nouvelle est une partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale ; elle combat
résolument l’impérialisme, c’est-à-dire le capitalisme international. Politiquement, celte
révolution représente la dictature de l’alliance de plusieurs classes révolutionnaires, dirigée
contre les impérialistes et les réactionnaires traîtres au pays ; elle lutte contre la transformation
de la société chinoise en une société de dictature bourgeoise. Economiquement, cette
révolution consiste à remettre à l’Etat les gros capitaux et les grandes entreprises appartenant
aux impérialistes et aux réactionnaires traîtres au pays, à partager les terres des propriétaires
fonciers et à les remettre en toute propriété aux paysans, en même temps, elle suppose le
maintien des entreprises capitalistes privées en général et n’entend nullement supprimer les
exploitations des koulaks. Ainsi, si cette révolution démocratique de type nouveau fraie, d’une
part, la voie au capitalisme, elle crée, d’autre part, les conditions préalables du socialisme.
L’étape actuelle de la révolution en Chine est une étape de transition, dont la mission est d’en
finir avec la société coloniale, semi-coloniale et semi-féodale et de préparer les conditions de
l’édification d’une société socialiste ; ce processus est celui de la révolution de démocratie
nouvelle. Il n’a commencé qu’après la première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre en
Russie ; en Chine, il a commencé par le mouvement du 4 mai 1919. » (T. 1/1, p. 114.)

La contradiction principale oppose, en effet « le peuple » à l’impérialisme et ses complices


intérieures : les forces féodales, et le capital compradore qui devient, pendant la longue période
de domination contre-révolutionnaire, bureaucratique.

Comme les kroutchéviens ont usé de ce mot, « peuple », le confondant avec le concept
marxiste pour passer en contrebande leur marchandise avariée (état du peuple entier, Parti du
peuple tout entier), il faut rappeler la définition marxiste du peuple.

Le peuple, c’est l’ensemble des forces de classes révolutionnaires à une phase déterminée. Ici
le peuple comprend les ouvriers, les paysans et les petits bourgeois principalement, et la
bourgeoisie nationale dans une certaine mesure. Du fait de cette distribution des forces, la
période révolutionnaire ne peut être que démocratique-bourgeoise. Mais Lénine, déjà dans sa
polémique avec les menchéviks disait : « il y a révolution bourgeoise et révolution
bourgeoise » (Deux tactiques de la Social-démocratie). Cette distinction rendait compte d’un
point d’une extrême importance : il ne faut pas confondre le contenu d’une révolution (les tâches
essentielles qu’elle doit réaliser) et sa forme (révolution radicale ou non, conséquente ou non,
appuyée sur les masses ou non). Une révolution démocratique conséquente est différente d’une
révolution bourgeoise inconséquente. La notion de démocratie est décisive : elle concerne le
pouvoir d’Etat et les classes révolutionnaires qui le dirigeront : Le mot d’ordre lancé par Lénine
de « dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie » donnait un
contenu rigoureux à la révolution démocratique conséquente. De même, la « démocratie
nouvelle » désigne un pouvoir d’Etat dirigé par le bloc des classes révolutionnaires chinoises.
En d’autres termes, le caractère bourgeois renvoie à la forme des rapports de production,
principalement dans les campagnes où il faut, disait Lénine, « balayer les vestiges féodaux » ;
et le caractère démocratique conséquent renvoie à la forme d’Etat. Nous insistons
particulièrement sur la rigueur de celte définition de la révolution de démocratie nouvelle, sur le
décalage défini avec précision qu’elle institue entre le pouvoir politique et les rapports de
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production ; décalage dont les effets seront d’assurer la transition au socialisme. Cette
insistance s’explique par les conditions concrètes de la lutte révolutionnaire en France. En effet,
le P.C.F. révisionniste parle d’abondance d’une démocratie « neuve », « vraie »,
« authentique », d’une démocratie qui serait une « création continue ». Cette pléthore d’attributs
a déjà de quoi surprendre, mais le terme « création continue » est sans ambiguïté ; la continuité
de cette création signifie que de la démocratie bourgeoise, c’est-à-dire de la dictature de la
bourgeoisie, à la démocratie socialiste, c’est-à-dire la dictature du prolétariat, la transition est
imperceptible. En clair : le P.C.F. renonce à la révolution ; de fait, ses analyses sur l’Etat
moderne qui fusionne avec le capital monopoliste vérifie ce point : le caractère répressif de
l’appareil d’Etat s’efface devant le caractère « gestionnaire » de cet appareil ; la question du bris
de l’appareil d’Etat ne se pose alors plus pour le P.C.F. On comprend donc qu’il faille, lorsqu’on
parle de démocratie, même et surtout nouvelle, ne pas se contenter de généralités.

Revenons à la « révolution de démocratie nouvelle ».

La différence principale avec la dictature démocratique dont parlait Lénine en 1905, différence
de « caractère », tient à la nature de ses ennemis principaux et à celle des forces
révolutionnaires unies. Or, l’ennemi impérialiste donne un sens supplémentaire à la démocratie
nouvelle, dans la conjoncture mondiale marquée par l’apparition depuis 1917 de la République
des Soviets : la révolution de démocratie nouvelle fait partie du front de la révolution
prolétarienne. En effet, l’identité de l’ennemi principal fait se conjoindre les deux révolutions
distinctes. Nous venons de parler de la différence entre la dictature démocratique
révolutionnaire proposée par Lénine et la démocratie nouvelle. Leur identité tient dans
leur conséquence. Or, cette conséquence suppose comme sa condition d’existence la direction
du prolétariat.

Le caractère de la révolution une fois précisé, le système des mots d’ordre peut être établi ;
enfin, il faudra résoudre la question de la direction des masses révolutionnaires. En effet, nous
connaissons la position relative des forces, mais trois questions fondamentales se posent,
concernant la forme

— de la force révolutionnaire dirigeante ;

— de l’unité dans la distinction des forces révolutionnaires, forces amies ;

— de la lutte de ces forces contre « l’ennemi ».

Ces problèmes généraux dont l’unité constitue la problématique de la conjoncture


révolutionnaire prennent une forme spécifique en Chine, du fait de ses « particularités ».
Comme ces problèmes généraux ont reçu des réponses générales dans la théorie léniniste de
la révolution, que l’ensemble des réponses constitue les thèses du léninisme, on peut dire que
la réponse de Mao Tsé-toung est une « application » de ces thèses, application que nous
analysons d’abord sous la forme des thèses, des « lois de la révolution chinoise ».

« Le front uni, la lutte armée et l’édification du Parti constituent donc les trois questions
fondamentales qui se posent à notre parti dans la révolution chinoise. Avoir une juste
compréhension de ces trois questions et de leur liaison mutuelle, c’est donner une direction
juste à toute la révolution chinoise. Etant donné la riche expérience accumulée au cours des
dix-huit années d’existence du Parti, la profonde et riche expérience des défaites et des
victoires, des reculs et des progrès, de la diminution et de l’accroissement des effectifs du parti,
nous sommes déjà à même de tirer des conclusions correctes quant à ces trois questions.
Autrement dit, nous sommes déjà capables de résoudre correctement aussi bien la question du
front uni que celles de la lutte armée et de l’édification du Parti. En d’autres termes, l’expérience
de ces dix-huit années nous permet de comprendre que le font uni, la lutte armée et l’édification
du Parti sont les trois baguettes magiques du Parti communiste chinois, les trois moyens
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essentiels de triompher des ennemis de la révolution chinoise. C’est là un grand succès du Parti
communiste chinois aussi bien que de la révolution chinoise » (T. III des E.S., p. 68.)

Comment exposer l’unité concrète de ces trois questions ?

« L’expérience de ces dix-huit années nous montre que le front uni et la lutte armée sont les
deux armes principales de la victoire sur l’ennemi. Le front uni, c’est un front uni pour mener la
lutte armée. Et le Parti, c’est le vaillant combattant qui manie ces deux armes — le front uni et la
lutte armée — pour livrer un assaut victorieux aux positions de l’ennemi. Telle est la liaison
réciproque entre ces trois facteurs. » (T. III des E.S., p. 76.)

Reprenons point par point. La forme générale de la force révolutionnaire dirigeante est le Parti.
Concrètement, en Chine, cela revient à se demander : comment édifier un Parti communiste
chinois bolchevik à l’échelle de toute la nation, un parti de masse parfaitement solide au point
de vue idéologique, politique et organisationnel ? On ne peut examiner cette question qu’en
relation avec la question de l’alliance avec la bourgeoisie et de la lutte simultanée contre elle :
avec la question de la guerre de partisans contre les envahisseurs japonais que mène avec
ténacité la 8e armée et la nouvelle 4e armée ; enfin, avec la question de la création par ces
armées de bases d’appui pour la résistance aux envahisseurs. Aucune question fondamentale
ne peut être examinée sans que soient posées simultanément les deux autres questions
fondamentales. Or, chacune de ces trois questions spécifiques fondamentales de la révolution
chinoise suppose deux éléments, — par exemple, la question du front uni suppose :

— un élément universel :

Qu’est-ce qu’un front uni ?

Comment unir les forces sans les confondre ?

Comment les diriger réellement ?

— un élément spécifique :

Comment faire le front uni avec la bourgeoisie nationale dont la position est double ?

La réponse combine elle aussi deux formes. La tactique avec la bourgeoisie nationale, par
exemple, qui sera une tactique d’alliance et de lutte simultanée, dont il faut suivre le
développement magistral dans les textes de Mao Tsé-toung. De même, la question de la lutte
suppose :

— un élément universel : toutes les formes de lutte doivent être combinées (voir : La Maladie
infantile du Communisme) ;

— un élément spécifique : en Chine, la forme principale est la guerre. Dans les villes, l’accent
est mis sur la lutte légale, combinée à la lutte illégale. Ces formes différentes réfléchissent la
stratégie de l’encerclement des villes par les campagnes.

« Le camarade Staline a dit : « En Chine, la révolution armée lutte contre la contre-révolution


armée ; c‘est là une des particularités et l’un des avantages de la révolution chinoise. » Cette
remarque est parfaitement exacte. Cette particularité propre à la Chine semi-coloniale, a fait
également défaut dans l’histoire des révolutions menées sous la direction des partis
communistes dans les pays capitalistes, ou bien n’y est pas apparue avec la même
importance. » (T. III des E.S., p. 66.)
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Cet élément concret relève du caractère typique de la Chine (formation semi-coloniale) et de
ses caractères singuliers (différentes cliques de seigneurs de guerre ont mis la question de
l’armée à l’ordre du jour). C’est en répondant de manière spécifique à chaque question, dans sa
relation spécifique aux deux autres questions, que peuvent être établies les lois de la révolution
chinoise.

Terminons sur un seul exemple, celui des lois du Front uni ;

1. « Du fait que la plus lourde oppression subie par la Chine est l’oppression étrangère, la
bourgeoisie nationale chinoise peut, dans certaines périodes et dans certaines limites,
participer à la lutte contre les impérialistes et les féodaux militaristes. Le prolétariat doit donc,
dans ces périodes, établir un front uni avec la bourgeoisie nationale et le maintenir dans
toute la mesure du possible.
2. Etant donné la faiblesse économique et politique de la bourgeoisie nationale chinoise, celle-ci
peut, dans d’autres circonstances historiques, avoir des hésitations et passer à l’ennemi.
C’est pourquoi le contenu du front révolutionnaire chinois uni ne peut demeurer identique du
début à la fin, mais doit subir des modifications. Il peut, à certains moments, inclure la
bourgeoisie nationale, et, à d’autres moments, ne pas l’inclure.
3. La grande bourgeoisie chinoise compradore est une classe directement au service des
impérialistes qui l’ont élevée et nourrie. Aussi la révolution chinoise a-t-elle toujours été
dirigée contre elle. Mais, du fait que les différents groupes de la grande bourgeoisie chinoise
compradore sont soutenus par des puissances impérialistes différentes, il peut arriver,
lorsque les contradictions entre certaines puissances impérialistes s’aggravent, lorsque la
pointe du fer de la révolution est dirigée principalement contre une puissance impérialiste,
qu’un groupe de la grande bourgeoisie dépendant d’un autre Etat impérialiste puisse aussi,
dans une certaine mesure et à certains moments, participer à la lutte contre cette puissance
impérialiste. Dans ces moments, pour affaiblir l’ennemi et renforcer ses propres réserves, le
prolétariat chinois peut établir un front uni avec un groupe semblable de la grande
bourgeoisie et le maintenir dans toute la mesure du possible à des conditions déterminées,
favorables à la révolution.
4. Mais même quand la grande bourgeoisie compradore participe au front uni et lutte contre
l’ennemi commun aux côtés du prolétariat, elle demeure extrêmement réactionnaire. Elle
s’oppose résolument au développement idéologique, politique et d’organisation du prolétariat
et de son Parti et cherche à limiter ce développement en pratiquant une politique de sape qui
recourt à la tromperie, aux promesses, à la« dissolution », aux attaques, etc., et en préparant
ainsi sa capitulation devant l’ennemi et la rupture du front uni.
5. La paysannerie est le ferme allié du prolétariat.
6. La petite bourgeoisie des villes est également un allié digne de confiance. » (T. II des E.S.,
pp. 68-69.)

Ces réponses spécifiques peuvent receler un nouvel élément universel ; en clair, à l’occasion de
la réponse à une question concrètement déterminée, des éléments nouveaux de la théorie
générale du marxisme-léninisme peuvent être produits. L’application d’une thèse peut
« compliquer » la thèse, c’est-à-dire développer la théorie. Ce développement n’est que
possible et de toute façon, suppose qu’un travail ait été accompli pour produire ce nouvel
élément universel « contenu » dans la réponse spécifique. La pensée de Mao Tsé-toung réalise
un développement, sur tous les fronts, de la théorie marxiste-léniniste.

LA PENSEE DE MAO TSE-TOUNG, DEVELOPPEMENT DE LA THEORIE MARXISTE-


LENINISTE

Précisons que nous analyserons le développement de la théorie générale de la révolution, c’est-


à-dire, les connaissances générales se rapportant à la problématique de la conjoncture
révolutionnaire. Deux éléments d’une extraordinaire importance contribuent à la mise en forme
développée de cette problématique : l’analyse de la contradiction développant le matérialisme
dialectique, et la théorie du procès de la révolution ininterrompue développant le matérialisme
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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
historique. Nous nous en tiendrons à l’analyse de la contradiction et a ses effets sur la théorie
de la révolution. Celle-ci prend alors la forme suivante : théorie du procès de la révolution
ininterrompue.

La théorie de la contradiction parachève la rupture du marxisme avec l’évolutionnisme vulgaire,


On sait que les rectifications de nature révisionniste du marxisme revinrent d’une manière ou
d’une autre à l’évolutionnisme. Le léninisme s’est constitué contre l’évolutionnisme économiste
et ses variations : menchévisme, etc. L’évolutionnisme finit toujours dans le réformisme, car il ne
peut penser l’essence spécifique de la révolution. Seule la dialectique est révolutionnaire dans
la mesure où la dialectique est la seule pensée possible de la révolution. De fait, la dialectique,
le refus systématique de la théorie du développement continu, a toujours été la pierre de touche
du « marxisme vivant » au sens précis où Lénine l’entendait ; c’est ce que nous entendons,
après Mao Tsé-toung, par « l’union de la théorie marxiste–léniniste et de la pratique
révolutionnaire concrète ». La théorie de la contradiction pose la loi générale du développement
inégal, « la situation fondamentale, c’est le développement inégal » (Quatre Essais
philosophiques — De la contradiction), ce qui conduit à la connaissance générale des rapports
de domination entre les contradictions et, à l’intérieur de chaque contradiction, entre ses
aspects : contradiction principale, contradictions secondaires, et aspect principal, aspect
secondaire. Cette connaissance est adéquatement appliquée à l’objet théorique qu’est le
rapport des forces, la lutte des classes : l’analyse philosophique fournit de nouveaux moyens
théoriques à « l’analyse concrète », l’âme du marxisme vivant.

« En traitant la question de l’emploi de la dialectique dans l’étude des phénomènes objectifs,


Marx et Engels, et également Lénine et Staline ont toujours indiqué qu’il faut se garder de tout
subjectivisme et de tout arbitraire, qu’il faut partir des conditions concrètes du mouvement réel
objectif pour découvrir dans ces phénomènes les contradictions concrètes, la situation concrète
de chaque aspect de la contradiction et le rapport mutuel concret des contradictions. Nos
dogmatiques n’ont pas cette attitude dans l’étude, aussi ne se font ils jamais une idée juste
d’une chose. Nous devons tirer la leçon de leur échec et parvenir à acquérir cette attitude, la
seule qui soit correcte dans l’étude. » (Quatre Essais philosophiques — De la Contradiction.)

L’objet concret de l’analyse concrète, la lutte des classes, est un système de contradictions.

« Toutes ces contradictions ne peuvent être traitées de la même façon, puisque chacune a son
caractère spécifique ; qui plus est, les deux aspects de chaque contradiction ont, à leur tour, des
particularités propres à chacun d’eux, et l’on ne peut les envisager de la même manière. » (De
la Contradiction.)

Cette proposition nous fait directement comprendre l’essence du « marxisme ossifie » et


« mort » dont parlait Lénine.

« L’examen unilatéral consiste à ne pas savoir envisager les questions sous tous leurs aspects.
C’est ce qui arrive, par exemple, lorsqu’on comprend seulement la Chine et non le Japon,
seulement le Parti communiste et non le Kuomintang, seulement le prolétariat et non la
bourgeoisie, seulement la paysannerie et non les propriétaires fonciers, seulement les situations
favorables et non les situations difficiles, seulement le passé et non l’avenir, seulement le détail
et non l’ensemble, seulement les insuffisances et non les succès, seulement le demandeur et
non le défendeur, seulement le travail révolutionnaire dans la clandestinité et non le travail
révolutionnaire légal, etc., bref, lorsqu’on ne comprend pas les particularités des deux aspects
d’une contradiction. C’est ce qu’on appelle envisager les questions d’une manière unilatérale,
ou encore, voir la partie et non le tout, voir les arbres et non la forêt. » (De la Contradiction.)

En effet, la méconnaissance d’un aspect d’une contradiction suscite la méconnaissance du


système.

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Une force de classe est l’aspect d’une contradiction qui la lie à une autre force de classe,
second aspect de la contradiction. Cette contradiction entre forces sociales est l’effet spécifique
des rapports de production déterminants en dernière instance, par exemple, la contradiction
entre le prolétariat et la bourgeoisie qui caractérise le mode de production capitaliste. Mais la
position dans les rapports de production ne détermine pas absolument, comme on l’a vu, une
force sociale. Le rapport au pouvoir d’état, c’est-à-dire l’articulation spécifique des rapports de
production à une de leurs conditions d’existence, l’Etat, constitue une nouvelle détermination.
La bourgeoisie au pouvoir est, au départ, l’aspect principal de la contradiction : le prolétariat/la
bourgeoisie. Cette domination lui vient de la relation d’appropriation du pouvoir. De même
l’idéologie de la classe dominante est l’idéologie dominante ; l’idéologie bourgeoise est une
condition d’existence des rapports de production bourgeois. On voit que l’idéologique, le
politique, l’économique qualifient une force de classe ; pour ces raisons, une force de classe
exploitée est d’abord une « force faible ». Il faut encore ajouter que cet aspect de la
contradiction, la force ouvrière par exemple, ne sera concrètement connu que lorsque ses
« particularités » dans tous les moments de la lutte, seront étudiées ; le « niveau de
conscience » de la masse ouvrière, par exemple, doit être mesuré autant que celui des militants
ouvriers avancés pour connaître concrètement à un moment donné de la lutte « la force
subjective » de la classe ouvrière, c’est-à-dire la forme idéologique de la force révolutionnaire.
Que cette forme « subjective » soit matériellement une force, Marx l’a assez dit : quand les
idées pénètrent dans les masses, elles deviennent une force matérielle. Sans la connaissance
de l’aspect dans ses particularités du « moment actuel », pas de connaissance concrète de la
contradiction, donc pas de connaissance concrète de la lutte des classes ; or, sans
connaissance de la lutte, la lutte n’est pas justement menée. Et la justesse de sa direction est la
condition absolue du résultat. Pour prendre bien en main la lutte des classes, il faut d’abord
l’avoir bien en tête et alors : « la lutte des classes, une fois bien prise en mains, fait merveille »
(Mao Tsé-toung).

Mais il ne suffit pas de comprendre chaque aspect de la contradiction, il faut encore comprendre
sous quelles « formes concrètes il établit avec son contraire des relations d’interdépendance et
des relations de contradiction, quelles sont les méthodes concrètes qu’il utilise dans sa lutte
contre l’autre quand les deux aspects se trouvent à la fois en interdépendance et en
contradiction, et aussi après la rupture de leur interdépendance ».

En effet, si le rapport de production — travail salarié — suppose le rapport de production —


capital —, l’aspect force ouvrière suppose son « contraire », la « force bourgeoise ».

« Si l’un des deux aspects opposés, contradictoires, fait défaut, la condition d’existence de
l’autre aspect disparait aussi. » (Quatre Essais philosophiques, p. 68.)

Si l’on veut étudier la relation qui lie ces deux aspects, il faut analyser les formes et
les méthodes de la lutte. On sait, par exemple, que les forces exploiteuses qui ont toujours au
départ plus « d’expérience » que les forces exploitées utilisent deux formes générales de lutte :
la violence et la duperie, les balles et « les balles enrobées de sucre », le fusil et la plume. Ces
deux formes sont déduites de leur domination politique, qui leur fournit les moyens de la
répression, et de leur domination idéologique, qui leur fournit les moyens de la tromperie. Ces
deux formes universelles n’existent que spécifiées : à tel moment, la bourgeoisie se sert de
certains de ses intellectuels sur tel front plutôt que sur tel autre, au lieu de se servir de ses
policiers ou de ses gendarmes. L’analyse concrète suppose l’étude de ces formes concrètes.
Sans la connaissance de ces formes de lutte concrètes de la bourgeoisie, le prolétariat ne
pourrait pas riposter du tac au tac, avec ses propres formes de lutte. Fondamentalement, la
riposte du prolétariat aux méthodes de lutte bourgeoises tient dans l’édification et la
consolidation de sa propre organisation, qui combine la « force subjective » qu’est le marxisme
à la force objective qu’est le mouvement ouvrier de masse.

Telle est la forme universelle de lutte ouvrière, qui n’existe, comme on l’a vu plus haut, que
spécifiée : par exemple, comment en France construire un parti bolchévik ? — Par la poursuite
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de la lutte interne au sein des organisations révisionnistes, produisant des formes inégalement
développées pendant un temps, d’une organisation nouvelle. La lutte est la forme absolue du
développement inégal. Le développement de la force progressiste, l’un des aspects de la
contradiction, consiste à étendre à travers la lutte « son champ d’action » (Lénine, Mao Tsé-
toung) et à limiter le champ d’action de la force réactionnaire, l’autre aspect de la
contradiction. La direction de l’action des forces intermédiaires est l’enjeu fondamental.

Cette direction est objectivement possible pour la force ouvrière d’avant-garde, car celle-ci
représente tous les exploités, « la majorité réelle »[3] de la population (Lénine), ses 90 % (Mao
Tsé-toung). Pour la conquête des forces intermédiaires, il faut une politique de front uni. Celle-ci
doit rendre compatible l’action des diverses forces qu’il faut unir par la limitation et l’ajustement
des tâches révolutionnaires. Ce développement combiné des forces composant le front ne va
pas non plus sans lutte ; mais la lutte est idéologique, forme de traitement des contradictions au
sein du peuple. Les méthodes générales de développement de la force ouvrière d’avant-garde
sont donc les suivantes :

— L’indépendance d’action. C’est la construction d’un parti ouvrier qui soit une chaîne sans
maillon faible.

L’élargissement, par la lutte, de son champ d’action, c’est s’implanter progressivement dans les
masses.

Telle est « la politique de développement des forces de progrès ».

— L’élargissement externe du champ d’action par le front uni.

C’est la politique de conquête des forces intermédiaires.

— La limitation du champ d’action des forces réactionnaires jusqu’à l’encerclement décisif, la


prise du pouvoir ; alors leur champ d’action est réduit. C’est la politique d’isolement des forces
réactionnaires. Cette force devient « faible » et dominée, comme au départ la force ouvrière ; à
l’inverse, celle-ci devient dominante.

Ce processus d’accumulation prolongée des forces passe par trois étapes typiques : infériorité
des forces progressistes par rapport aux forces réactionnaires, équilibre, supériorité. Il est inutile
de préciser que ce procès d’accumulation des forces n’est pas linéaire, ni mécanique ; il ne
s’agit certes pas d’un auto-développement spontané. L’état d’infériorité désigne le caractère
nécessairement faible, pour les raisons analysées plus haut, d’une force au commencement de
son essor. A cette étape, la contradiction entre forces progressistes et forces réactionnaires n’a
pas pris la forme d’un « antagonisme ouvert ». Le passage à la deuxième étape marque
« l’ouverture » de l’antagonisme ; on peut dire de cette étape qu’elle constitue une situation de
transition révolutionnaire (« crise révolutionnaire »), qu’elle prend la forme d’une dualité instable
de pouvoirs[4], dans un sens large du terme, qui s’achève, dans la troisième étape, par
l’explosion révolutionnaire, la solution violente de la contradiction.

Ce procès suppose une condition matérielle. La force progressiste d’avant-garde, en effet, — la


classe ouvrière à notre époque — ne peut demeurer à l’avant des masses tout en étant coupée
d’elle ; elle doit être seulement « un pas en avant des masses » (Lénine). Ce critère est
déterminant pour l’avant-garde, sans quoi elle n’est qu’une « étiquette » (Lénine). Le sens de
cette thèse doit être précisé : la force ouvrière d’avant-garde, c’est la force d’avant-garde des
masses ouvrières. Il faut que les masses,et pas seulement l’avant-garde qui les guide,
s’éveillent. En d’autres termes, la condition matérielle du procès tient toute dans
la mobilisation des masses. L’essor des masses n’est suscité que par leur mobilisation, et celle-
ci a pour fonction de leur donner l’initiative. Voici comment Mao Tsé-toung définit l’initiative : « la

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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
liberté d’action » (Ecrits militaires, p. 270), condition même de l’exercice de la force. Cette
dialectique rend lumineuse la thèse de Mao Tsé-toung :

« Mépriser l’ennemi sur le plan stratégique et en tenir le plus grand compte sur le plan
tactique. »

Cette thèse constitue la réponse à la question critique de la révolution démocratique nouvelle et


prolétarienne :

« Comment un pays (une classe) faible peut-il finalement venir à bout d’un pays (d’une classe)
puissant ? »
(Lin Piao : Vive la victorieuse guerre du peuple.)

Les raisons de ce renversement, nous les avons vues. Il fallait leur donner la forme d’une
thèse : « mépriser l’ennemi sur le plan stratégique », c’est faire sienne l’idée que le
renversement de force est possible, la victoire nécessaire ; « en tenir le plus grand compte sur
le plan tactique », c’est ne pas cesser de maîtriser les lois de la révolution et les actions
révolutionnaires, apprendre dans la lutte et les échecs partiels l’art de la lutte et de la
transformation d’une défense en contre-offensive. Cette thèse théoriquement vraie est
idéologiquement toute-puissante, elle donne un sens à la métaphore du « tigre en papier » =
fort en apparence mais faible en réalité. Qu’on ne fasse pas mine de se tromper, le jeu de
l’apparence et de la réalité renvoie à la dialectique et non à la métaphysique. (Waldeck-Rochet
prétend ironiser sur le « tigre en papier ». Qui connaît la réalité du parti de Waldeck-Rochet, la
dégénérescence de sa vie intérieure, l’éclectisme de ses intellectuels, son programme sans
perspectives et ses affres électorales, comprend les raisons de cette piteuse ironie : le P.C.F.
est un tigre en papier.)

Cette théorie générale de la contradiction systématise les thèses marxistes-léninistes sur la


révolution, sa direction, son terme. Le système nouveau produit porte un nom : théorie du
procès de la révolution ininterrompue. Si la révolution ininterrompue est un procès, elle se
développe par étapes. Cette théorie constitue d’abord chez Lénine, puis explicitement chez Mao
Tsé-toung, une réponse au problème limité de la relation entre la révolution démocratique
bourgeoise et la révolution prolétarienne. Dans sa lutte contre les menchéviks et les trotskystes,
contre les déviations de droite et de gauche. Lénine a déterminé un rapport concret[5] entre les
deux révolutions. Il l’a désigné par le terme de conséquence. Si la révolution démocratique
bourgeoise est menée avec conséquence, l’accès à la révolution prolétarienne est rend[u]
facile. Seul le prolétariat pouvait diriger la révolution démocratique avec conséquence ; ce qui
signifiait que le prolétariat devait mener la révolution bourgeoise. Cette conclusion avait de quoi
transir les évolutionnistes ; en effet, si la révolution est bourgeoise, disaient-ils, elle doit être
dirigée par la bourgeoisie, le contraire relève de divagations aventuristes et reviendrait à
brusquer le développement. C’était méconnaître précisément les brusques sauts du
développement. Lénine, par une analyse concrète des conditions concrètes de la Russie, avait
déterminé le champ d’action de la bourgeoisie ; celle-ci ne pouvait pas avoir une action
indépendante du fait de ses liens avec le tsarisme. Elle ne pouvait pas satisfaire jusqu’au bout
les aspirations (bourgeoises) de la paysannerie. Le prolétariat dirigeant la paysannerie, pouvait
conduire la révolution bourgeoise à son terme et, donc, ouvrir l’étape prolétarienne. La direction
prolétarienne de la révolution bourgeoise signifiait que la transgression des limitesbourgeoises
était possible. Le prolétariat pouvait ne pas se borner à la révolution bourgeoise, il limitait
seulement les tâches de la révolution pendant un temps.

Mao Tsé-toung met en forme cette analyse et étend son champ d’application.

Il décrit le décalage entre l’instance économique et l’instance politique clans I étape de


démocratie nouvelle :

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« Beaucoup de camarades nous ont posé des questions sur la nature de la république
démocratique et son avenir. Voici notre réponse : du point de vue de sa nature de classe, elle
est l’alliance de toutes les classes révolutionnaires ; pour ce qui est de son avenir, elle peut
évoluer vers le socialisme. Notre république démocratique s’établira au cours de la résistance
nationale, sous la direction du prolétariat et dans la nouvelle conjoncture internationale — après
la victoire du socialisme en Union soviétique et à la veille d’une nouvelle période de la révolution
mondiale. Ainsi, à considérer ses conditions sociales et économiques, elle restera bien un Etat
démocratique bourgeois, mais, de par ses conditions politiques concrètes, elle sera un Etat
fondé sur l’alliance des ouvriers, des paysans, de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie et
différera en cela des républiques bourgeoises en général. Donc, en ce qui concerne son avenir,
bien qu’elle puisse prendre une direction capitaliste, elle peut aussi s’engager dans la voie du
socialisme, et le parti du prolétariat chinois doit lutter de toutes ses forces pour cette seconde
perspective. »
(Œuvres Choisies, T. I, pp. 307-308.)

Ce décalage, s’il est correctement maîtrisé aura pour effet de transformer la révolution :

« Nous sommes partisans de la théorie de la transformation de la révolution, nous sommes pour


la transformation de la révolution démocratique en révolution socialiste. » (Œuvres Choisies, T.
I, p. 322.)

Cette transformation se fait dans des conditions déterminées :

« Lorsqu’on compose un écrit en deux parties, il faut achever la première avant d’aborder la
seconde. Diriger avec fer mêlé la révolution démocratique est la condition de la victoire du
socialisme. » (T.I, p. 323.)

Cette théorie est radicalement distincte de la « théorie » trotskyste de la révolution permanente :

« Nous visons à atteindre le socialisme en passant par toutes les étapes nécessaires du
développement de la république démocratique. Nous sommes opposés au suivisme, mais
également à l’aventurisme et à la précipitation. »

Les deux déviations de droite et de gauche reproduisaient, sous une nouvelle forme, les deux
déviations dénoncées par Lénine, le suivisme ou menchévisme qui revenait à l’absurde théorie
économiste des stades, comme l’aventurisme de la théorie de Parvus-Trotsky. L’origine de ces
déviations est le dogmatisme dont Mao Tsé-toung a analysé l’essence spécifique, la
méconnaissance des étapes concrètes de la révolution[6]. Pourtant, certains (des trotskystes)
ont cru voir dans les Thèses d’Avril de Lénine la théorie de la révolution permanente, comme
d’autres (des révisionnistes) croient voir dans la révolution chinoise des effets du trotskysme.
L’unité de ces positions est confondante ; nous n’en esquisserons pas ici les raisons.
Définissons seulement avec précision la théorie générale du procès de la révolution
ininterrompue.

Première proposition :

« La lutte des contraires est ininterrompue » (Quatre Essais philosophiques, p. 80). En cela
réside l’universalité de la contradiction. Mais cette universalité n’existe que spécifiée. Les
contradictions de la phase démocratique sont différentes des contradictions de la phase
socialiste ; les contradictions de la phase démocratique bourgeoise sont différentes de celles de
la phase démocratique nouvelle, etc.

Deuxième proposition :

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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
Une étape du procès révolutionnaire est caractérisée par le fonctionnement d’un système de
contradictions concrètes. La fin de l’étape représente la modification du système par
déplacement des contradictions.

Troisième proposition :

Le prolétariat et son Parti traitent les contradictions de manière spécifique. Il ne traite pas la
contradiction principale comme il traite une contradiction secondaire. Son plan d’action et ses
directives, c’est-à-dire son système de mots d’ordre doit réfléchir le caractère absolument
particulierde la situation concrète. Par exemple, le P.C.C. devait tenir compte attentivement des
hésitations de la bourgeoisie nationale. Mieux, il devait prévoir, se « préparer à toutes les
éventualités », bref, s’attendre à sa défection tout en luttant pour sa participation ; mais pour ce
faire, il fallait concrètement analyser cet « aspect » de la situation : la position de la bourgeoisie
nationale.

Quatrième proposition :

Dans le traitement des contradictions, le prolétariat ne peut oublier l’essence de sa lutte : elle ne
s’interrompt pas avant le communisme. L’essence de la position prolétarienne tient en la
« révolutionnarisation ». Cette proposition est l’application conséquente de la thèse marxiste-
léniniste selon laquelle « la classe ouvrière est la classe révolutionnaire jusqu’au bout ».

Cinquième proposition :

En traitant les contradictions d’une étape, le prolétariat prépare l’étape suivante ; en traitant les
contradictions d’une phase, il prépare la phase suivante. La fin d’une étape équivaut à un
changement partiel, par exemple l’étape de la défensive stratégique dans la guerre
révolutionnaire nationale : la fin d’une phase à une révolution, par exemple la phase de
démocratie nouvelle, c’est-à-dire un changement total et décisif. Cette préparation est
le pivot de la révolution ininterrompue. Elle prend des formes différentes, mais, en son principe,
elle tient dans la présence d’éléments subordonnés dans l’étape actuelle, mais qui auront une
fonction décisive dans l’étape suivante. Fondamentalement, la direction du prolétariat supporte
la fonction de préparation. A chaque étape, cette direction prend des formes spécifiques.

« Dans la Chine économiquement arriérée, un certain développement du capitalisme suivra


nécessairement la victoire de la révolution démocratique. Mais ce ne sera là qu’un résultat
parmi d’autres de la révolution chinoise, et cela n’épuise pas la question. Au total, la révolution
chinoise aura pour résultat, d’une part, le développement des éléments capitalistes, et, d’autre
part, le développement des éléments socialistes. Quels éléments socialistes ? Il y aura une
augmentation de la place tenue par le prolétariat et le Parti communiste dans la vie politique du
pays. Il y aura la reconnaissance, soit celle déjà acquise, soit éventuellement à venir — par la
paysannerie, les intellectuels et la petite bourgeoisie urbaine du rôle dirigeant du prolétariat et
du parti communiste ; il y aura l’économie d’Etat de la république démocratique et l’économie
coopérative de la population laborieuse. Tels seront les éléments socialistes. »
(T. III des E.S., pp. 117-118.)

L’ensemble de ces éléments doit constituer une tendance unilatérale du développement :

« Achever la révolution démocratique bourgeoise (de démocratie nouvelle) chinoise et préparer


son passage, lorsque toutes les conditions nécessaires à cet effet auront été réunies, à l’étape
de la révolution socialiste, telle est, dans toute son ampleur, la grande et glorieuse tâche
révolutionnaire qui incombe au Parti communiste chinois. Chaque membre du Parti communiste
doit lutter pour réaliser cette tâche, sans s’arrêter en aucun cas à mi-chemin. Certains membres
du Parti communiste, qui n’ont pas suffisamment réfléchi, pensent que nous avons seulement à
accomplir les tâches relatives à l’étape actuelle de la révolution— la révolution
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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
démocratique — et non celles qui correspondent à l’étape suivante — la révolution socialiste :
ou bien ils pensent que la révolution actuelle ou révolution agraire est déjà la révolution
socialiste. Il faut dénoncer très nettement Terreur que représentent de telles conceptions.
Chaque communiste doit comprendre que le mouvement révolutionnaire dirigé par le Parti
communiste chinois est, dans son ensemble, un mouvement révolutionnaire unique qui
embrasse aussi bien l’étape de la révolution démocratique que celle de la révolution socialiste.
Ce sont deux processus révolutionnaires de caractère différent ; et c’est seulement après avoir
achevé le premier que l’on peut entreprendre le second. La révolution démocratique est la
préparation nécessaire de la révolution socialiste, et la révolution socialiste est la tendance
inévitable du développement de la révolution démocratique. Quant au but final de tous les
communistes, il consiste à lutter au maximum pour l’édification définitive de la société socialiste
et de la société communiste. C’est seulement après avoir compris la différence entre la
révolution démocratique et la révolution socialiste et, en même temps, la liaison qui existe entre
elles que l’on peut diriger correctement la révolution en Chine. »
(T. III des E.S., pp. 118-119.)

Ces éléments ont, en effet, une double fonction :

— Interdire l’accès d’une voie, la voie capitaliste.

— Ouvrir l’accès de l’autre, la voie socialiste.

Ils constituent les limites du passage d’une étape à l’autre. Il ne faut pas seulement définir les
limites d’une étape et donc achever cette étape de la révolution ; il faut aussi définir les limites
du passage à l’étape suivante et donc préparer cette étape. L’unité de ces limites, l’unité
complexe de cet achèvement et de cette préparation, tel est l’objet de la théorie de la révolution
ininterrompue. Voilà pourquoi le plan d’action doit comporter des formes concrètes
correspondant à l’achèvement comme à la préparation.

« C’est là un point très important et il y a une grande différence entre avoir et ne pas avoir une
telle préparation. » (T. IV. p. 1)

Que signifierait : ne pas « mener la révolution jusqu’au bout », l’abandonner à mi-chemin ?

« Abandonner la révolution à mi-chemin, c’est aller contre la volonté du peuple, c’est se plier à
la volonté des agresseurs étrangers et des réactionnaires chinois et c’est donner au
Kuomintang le temps de panser ses plaies jusqu’à ce qu’il se jette brusquement un beau matin
sur la révolution pour l’étrangler et replonger tout le pays dans les ténèbres. »
(T. IV, p. 318)

On peut dire qu’un parti bolchevik joue son existence révolutionnaire sur ce point ; suscitera-t-il
des formes adéquates de transition ?

Sixième proposition :

La condition fondamentale de la révolution ininterrompue est la direction du prolétariat.


Analysons les conséquences de ce point.

Le prolétariat doit être une force dirigeante, ce qui suppose

— que le prolétariat et les classes révolutionnaires qu’il dirige soient des forces au sens fort du
terme, c’est-à-dire qu’elles soient en action, qu’elles prennent l’initiative ;

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— que le parti du prolétariat trouve les formes « ou méthodes » justes de direction.

Il faut donc que le Parti communiste suscite l’action des masses et dirige cette action. Cette
double exigence est unifiée dans la ligne de masse. La ligne de masse, c’est la forme
développée du centralisme démocratique[7]. On mesure par la position de cette question à quel
point le principe constitutif de l’organisation bolchevique est vital pour la révolution. Mais il ne
suffit pas de se référer au principe, devenu dans la pratique lettre morte. Il faut, dans les
conditions concrètes, réaliser théoriquement et pratiquement ce principe. Un parti qui est tantôt
exclusivement centraliste, tantôt exclusivement démocratiste n’est pas un parti bolchévik.
Certes, l’accent peut se déplacer ; dans telle conjoncture, l’aspect principal de la contradiction
ennuie centralisme et la démocratie peut être le centralisme (dans la clandestinité) ou
inversement. Mais ce dont il faut se pénétrer, c’est autant de leur contradiction que de leur
identité (au sens défini par Mao Tsé-toung — De la Contradiction — : les deux aspects de la
contradiction se conditionnent mutuellement) ; la démocratie est la condition d’existence du
centralisme.

« Dans certains endroits, des membres de nos organes dirigeants pensent qu’il suffit que les
dirigeants seuls connaissent la politique du parti et qu’il n’est pas nécessaire de la faire
connaître aux masses. C’est une des raisons pour lesquelles une partie de notre travail n’a pu
être bien faite. Depuis plus de vingt ans, notre Parti poursuit chaque jour un travail de masse et,
au cours de ces quelque dix dernières années, il parle chaque jour de la ligne de masse. Nous
avons toujours soutenu que la révolution doit s’appuyer sur les masses populaires et compter
sur la participation de chacun, et nous nous sommes toujours opposés à ce qu’on s’en remette
exclusivement à quelques personnes qui donnent des ordres. Cependant, certains camarades
n’appliquent pas encore à fond la ligne de musse dans leur travail ; ils comptent toujours sur un
petit nombre de personnes seulement et travaillent dans un froid isolement. Une des raisons en
est que, quoi qu’ils fassent, ils répugnent toujours à l’expliquer clairement à ceux qu’ils dirigent,
et qu’ils ne savent comment développer l’initiative et la force créatrice de ces derniers.
Subjectivement, ils veulent bien que chacun prenne part au travail, mais ils ne font pas
connaître aux autres ni ce qui est à faire ni comment le faire. De cette façon, comment voulez-
vous que chacun se mette à la tâche et que le travail soit bien fait ? Pour résoudre ce problème,
le noyau essentiel est évidemment de donner une éducation idéologique sur la ligne de masse,
mais en même temps, il faut enseigner à ces camarades beaucoup de méthodes concrètes de
travail. » (T. IV, pp. 253-254.)

Mais il faut analyser le contenu concret de la démocratie interne du Parti ; elle ne s’identifie pas
au libéralisme, par exemple.

La démocratie est la condition de possibilité de l’initiative.

La nouveauté de la ligne de masse tient dans l’application conséquente de cette proposition.


Radicalement, la ligne de masse peut ainsi se formule[r] : prendre les idées aux masses, les
systématiser, les retourner aux masses. On sait le style de travail qu’implique la ligne de masse,
celui de l’enquête. « Pas d’enquêtes, pas le droit à la parole » disait Mao Tsé-toung dès 1930,
dans Contre le Culte du Livre. Quelle est la place exacte de l’enquête ?

Que signifie « prendre les idées aux masses » ?

On peut d’abord répondre par un exemple : l’idée des Soviets est venue des masses, c’était
leur invention ; or, « sans soviets » disait Lénine « pas de révolution prolétarienne ».

Mais on ne peut répondre par un exemple. Il est d’autant plus important de répondre nettement
à la question, qu’elle nous fait comprendre la signification, en dernière instance, de la « pensée
de Mao Tsé-toung ». Celle-ci est destinée à devenir la pensée des masses. Mais au préalable, il

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faut montrer en quoi la ligne de masse, loin d’être incompatible avec la critique léniniste de la
spontanéité, lui donne tout son sens et la développe.

LA PENSEE DE MAO TSE-TOUNG,

PENSEE DES MASSES

« Il faut distinguer et associer en même temps les exigences


posées par l’élévation du niveau de la culture et par la
nécessité de la rendre accessible à tous. »
(T. III des E.S., p. 176.)

« Le grand problème, c’est l’éducation des paysans. » (T. IV, p. 439.)

Lénine a critiqué la théorie du spontanéisme ; il a montré que l’idéologie spontanée des masses
était une forme subtile de l’idéologie bourgeoise : des masses exploitées sont idéologiquement
dominées. L’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante. C’est cette critique qui
fonde la théorie léniniste de l’organisation, qui doit unir la théorie marxiste à la pratique du
mouvement ouvrier de masse. Cette union, loin d’être donnée par avance, doit être édifiée et
consolidée. Cette union suppose que le mouvement ouvrier rompe avec les idéologies
spontanées, cheval de Troie de l’ennemi de classe. Cette relation de la science marxiste au
mouvement de masse structure la force ouvrière d’avant-garde. Quand les idées pénètrent dans
les masses, elles deviennent une force matérielle. Dans Que Faire, Lénine rappelait :

« Le socialisme et la lutte de classes surgissent parallèlement,


et ne s’engendrent pas l’un l’autre. Ils surgissent de prémisses
différentes. La connaissance socialiste d’aujourd’hui ne peut
surgir que sur la base d’une profonde connaissance scientifique. »
(Que Faire, p. 30, T. V des O.C.)

Mao Tsé-toung décrit souvent la rencontre, puis la fusion avec le marxisme, comme le tournant
décisif de la révolution chinoise. Ce sont les salves de la Révolution d’Octobre qui ont annoncé
l’union avec le marxisme :

« Avant la Révolution d’Octobre, non seulement Lénine et Staline, mais Marx et Engels, étaient
inconnus des Chinois. Les salves de la Révolution d’Octobre nous apportèrent le marxisme-
léninisme. La Révolution d’Octobre a aidé les hommes de progrès de la Chine comme ceux du
monde entier à adopter, en tant qu’instrument pour l’examen des destinées d’un pays, la
conception prolétarienne du monde pour reconsidérer leurs propres problèmes. S’engager dans
la voie des Russes, telle a été leur conclusion. » (T. IV, p. 432.)

Grâce à cette union seule, la révolution chinoise pouvait devenir victorieuse. Mais l’union,
répétons-le, ne va pas de soi. Elle suppose un mécanisme : il faut « importer » la théorie,
« l’inculquer », la « faire pénétrer » dans les masses. Mais si la relation de la théorie au
mouvement ouvrier est une relation d’accession, la théorie doit trouver un accès dans le
mouvement ouvrier, clic doit être accessible aux masses ouvrières. Cette condition n’est pas de
mince importance puisqu’elle est la condition de l’union, la forme même de l’union. L’existence,
dans une organisation, d’un style stéréotypé ou ésotérique n’est pas chose secondaire ; ce style
compromet l’organisation De même, l’intellectuel révolutionnaire doit savoir se lier aux masses.
La capacité de liaison avec les masses est le seul critère permettant de déterminer si un
intellectuel est révolutionnaire ou non. (Cf. T. 3 des E.S., p. 11.)

L’intellectuel révolutionnaire est un intellectuel de type nouveau. La rupture avec l’être de classe
(bourgeois ou petit-bourgeois ordinairement) et la nouvelle « position de classe » (la position
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prolétarienne) supposent, en effet, une forme nouvelle d’individualité.

Ces éléments de la théorie léniniste de l’organisation nous conduisent à la remarque


fondamentale suivante :

La pensée de Mao Tsé-toung est le marxisme-léninisme accessible aux masses chinoises.

Elle combine la rigueur scientifique et l’esprit de parti ; mieux, elle en montre l’identité. L’esprit
de parti n’est rien d’autre que l’esprit de l’union de la théorie et du mouvement ouvrier ; il exige
une exposition accessible aux masses de la ligne, des directives, des mesures ; il exige en
même temps une position prolétarienne.

La position prolétarienne est ce par quoi la théorie vraie du marxisme devient toute puissante ;
elle est ce qui rend possible la transformation de l’arme de la critique en critique par les armes.
En ce sens, la position prolétarienne constitue la pierre de touche d’un parti. Le parti
révisionniste français n’a pas toujours, dans le passé, correctement uni la théorie
révolutionnaire à la pratique révolutionnaire concrète, mais au moins défendait solidement une
position prolétarienne. L’abandon de celle-ci signifie l’abandon de tout esprit révolutionnaire. Il
ne suffit pas de savoir, encore faut-il oser faire la révolution. De même, ne suffit-il pas d’oser,
encore faut-il savoir faire la révolution.

La pensée de Mao Tsé-toung est l’union de ce savoir et de cet « esprit ».

Nous pouvons revenir à la ligne de masse. Partir des « masses » n’est-ce pas tomber à
nouveau dans le spontanéisme tant critiqué par Lénine ? Certains, révisionnistes, comme il se
doit, se demandent si cette confiance faite aux masses n’est pas excessive. Ces gens-là ont-ils
pris la peine d’étudier le sens de la ligne de masse ? C’est évidemment trop leur demander en
période électoral. Prendre les idées aux masses ne se fait pas spontanément, une enquête est
requise[8]. L’enquêteur pose des questions pertinentes, ce qui le distingue du sociologue
bourgeois :

« Ce qui fait l’objet de notre enquête, ce sont donc les différentes classes sociales, et non pas
les phénomènes sociaux fragmentaires. »
(Contre le culte du livre, p. 7.)

L’unité des questions que l’enquêteur pose, relève de cette « méthode fondamentale »,
l’analyse de classe. L’enquête, si elle doit contribuer à la définition de la tactique, est menée
avec principe.

Mais pourquoi poser ces questions ? Ne peut-on pas déduire les réponses ? Absolument pas.
Les données nécessaires et manquantes que seules les masses sont en mesure de fournir ne
peuvent être déduites. Comment saisir ce qui se passe dans la tête des paysans de telle région
si on ne le leur demande pas ? Et si on ne sait pas, comment établir un plan d’action dont
l’élément principal serait cette inconnue : la force des masses ? Comment compter avec eux,
comment compter sur leur force ? Leur force objective, c’est-à-dire le degré de leur exploitation ;
subjective, c’est-à-dire leur niveau de conscience ? Toute direction qui négligerait les vues des
masses ne pourrait susciter leur participation. Sans leur participation, toute force est formelle.
L’expérience des masses dans In lutte des classes, leur action, est une condition d’existence de
la force qu’elle représente, la théorie d’avant-garde en est une autre : expérience des masses et
théorie d’avant-garde sont toutes deux nécessaires. Et il est nécessaire que la théorie d’avant-
garde soit aussi la théorie de l’expérience des masses.

La proposition « prendre les idées aux masses » suppose autre chose encore : par leur position
dans les rapports de production, les masses reconnaissent les formes de l’exploitation ; elles
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assimilent aisément la critique de leur exploitation faite en connaissance de cause par la théorie
marxiste :

« On dit souvent : la classe ouvrière va spontanément au socialisme. Cela est parfaitement


juste en ce sens que plus profondément et plus exactement que toutes les autres, la théorie
socialiste détermine les causes des maux de la classe ouvrière : c’est pourquoi les ouvriers se
l’assimilent si aisément, si toutefois cette théorie ne capitule pas elle-même devant la
spontanéité, si toutefois elle se soumet cette spontanéité… » (Lénine, Que Faire, p. 393, T. V.)

Un ouvrier assimile plus complètement qu’un intellectuel la théorie de l’extorsion de la plus-


value. Or, cette reconnaissance, cette « forme de conscience » que détermine la pratique de
production, une fois guidée par la théorie marxiste, recèle des éléments nouveaux pour la
connaissance : des « vues éparses » qu’il faut systématiser. Il faut passer à la « connaissance
rationnelles », ce qui exige un « saut ». Il va falloir critiquer, distinguer, lier ces « idées ». Est-il
encore nécessaire de le souligner, ce moment est indispensable, car autrement la
« spontanéité » subit la loi de l’idéologie dominante : « l’idéologie bourgeoise s’impose », dit
Lénine. Enfin, ces idées élaborées, il faut les rendre aux masses, pour qu’elles s’en servent
comme d’une arme dans leurs luttes. Ce troisième moment a déjà été analysé : l’idée devient
« force matérielle ». La pensée de Mao Tsé-toung comme union de la vérité universelle du
marxisme-léninisme et de la pratique concrète de la révolution chinoise constitue le moyen
adéquat de transformation des idées des masses.

La révolution interrompue en Chine suppose, on l’a dit, une révolutionnarisation constante des
masses : de leurs idées, coutumes ; de leur méthode de pensée, de leur position de classe.
Quel est le moyen de cette transformation ? La pensée de Mao Tsé-toung comme union du
savoir et de l’esprit révolutionnaires. Cette union est la condition de l’unité du peuple chinois : la
pensée de Mao Tsé-toung, selon la magistrale expression de Lin Piao, « constitue le
programme d’action unifiée pour le Parti, l’armée et le peuple tout entiers. » A l’heure actuelle,
la révolution ininterrompue traverse une nouvelle étape : celle de la grande révolution culturelle
prolétarienne. Mao avait enseigné que la lutte de classes se poursuivait dans la société
socialiste, sous des formes nouvelles, que les classes déchues de leurs positions politique et
économique conservaient une force, que le front où elles jouaient était principalement alors
idéologique ; que donc la lutte entre les deux « voies » : capitaliste ou socialiste, c’est-à-dire la
lutte finale entre les deux classes fondamentales n’était pas réglée. Pour mener cette lutte, il
fallait correctement traiter les contradictions : distinguer les contradictions au sein du peuple des
contradictions entre le peuple et ses ennemis ; il fallait savoir qu’à des moments déterminés,
une contradiction non-antagoniste pouvait le devenir[,] changer de forme, que donc la lutte des
classes pouvait devenir aiguë, que la question du pouvoir prolétarien pouvait être posée. Ce
passage à l’antagonisme était rendu possible par la conjonction des anciennes forces avec de
nouveaux éléments de forces exploiteuses (voir les autres articles du numéro).

« La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les diverses forces politiques et
entre les idéologies prolétarienne et bourgeoise sera encore longue et sujette à des
vicissitudes, et par moments elle pourra devenir très aiguë. Le prolétariat cherche à transformer
le monde selon sa propre conception du monde et la bourgeoisie veut en faire autant. A cet
égard, la question de savoir qui l’emportera, du socialisme ou du capitalisme n’est pas encore
véritablement résolue. »
(Quatre essais philosophiques, p. 128.)

L’« ennemi non armé », la force idéologique des exploiteurs, rend possible une « désagrégation
pacifique ». Or cette force occupe toutes les places laissées vides par la force prolétarienne ;
pour la contrecarrer, la réduire, il faut, dans toutes les « branches d’activité », mettre la politique
prolétarienne au poste de commandement, affirmer la primauté du politique sur tous les fronts.
Tel est le sens du mot d’ordre fondamental : « expert et rouge » ; et ce qui est principal, c’est le
rouge : dans tous les domaines, la théorie marxiste, la position de classe doivent diriger le
travail ; sans quoi le travail ne sera pas justement orienté, et la force idéologique bourgeoise,
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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
silencieusement, sera le « pilote » insoupçonné. La vigilance prolétarienne signifie
précisément : assimiler activement la pensée de Mao Tsé-toung. Celle-ci, moyen de distinguer
le « vrai du faux », d’opérer toutes les discriminations nécessaires (par exemple, la distinction
des quatre catégories de cadres : « bons, relativement bons, ceux qui ont commis de graves
erreurs, les irréductibles » ; décision en seize points) donne au peuple chinois la possibilité de
s’opposer jusqu’au triomphe dans le monde du communisme à la voie capitaliste. La vigilance,
la conscience du peuple chinois connaîtront un bond quand les masses se seront armées de la
pensée de Mao Tsé-toung. Car alors les deux premiers moments de la ligne de masse se
fondront en un tout : les masses transformeront elles-mêmes leurs idées grâce à la pensée de
Mao Tsé-toung dont elles se seront armées. La pensée de Mao Tsé-toung deviendra la pensée
des mases.

CONCLUSION

Nous avons seulement tenté de définir la pensée de Mao Tsé-toung, union de la vérité
universelle du marxisme-léninisme et de la pratique concrète de la révolution chinoise ; elle est
en son principe, elle sera à l’avenir la pensée des masses chinoise[s]. La pensée de Mao Tsé-
toung développe aussi le marxisme-léninisme ; nous n’avons dans cet article qu’indiqué un
point de développement qui nous a semblé décisif. Nous n’avons pas considéré cet ensemble
extraordinaire qu’est la théorie complète : de l’édification du parti, de la révolution de la
démocratie nouvelle, de la guerre populaire, de la construction du socialisme. Nous n’avons pas
analysé les grands textes contre le révisionnisme, l’analyse de la conjoncture mondiale, qui font
de Mao Tsé-toung le Lénine de la révolution mondiale. Ce sera l’objet de travaux ultérieurs.

Nous commençons de savoir ce que signifie la pensée de Mao Tsé-toung, que les révisionnistes
et les réactionnaires dénaturent. Mieux : nous comprenons pourquoi ils la dénaturent. Mao Tsé-
toung disait :

« Nous sommes reconnaissants à Marx, Engels, Lénine et Staline de nous avoir donné une
arme. Cette arme, ce n’est pas la mitrailleuse, mais le marxisme-léninisme. » (Œuvres
Complètes, T. IV, p. 430.)

Grâce à Mao Tsé-toung et au Parti communiste chinois, grâce à la pensée de Mao Tsé-toung,
guide de la grande révolution culturelle prolétarienne, nous pouvons encore et mieux nous
servir de cette arme. Rappelons, pour finir, que le principe, à quoi revient en dernière instance le
marxisme-léninisme est, selon Mao Tsé-toung, le suivant :

« OSER FAIRE LA REVOLUTION »

NOTES

[1] On peut désormais appeler « kroutchévisme » la variation du révisionnisme caractéristique


de l’époque de l’agonie de l’impérialisme et de la pensée de Mao Tsé-toung (révisionnisme
moderne). Rappelons pour mémoire certaines variations reconnues par Lénine dans sa lutte :
économisme, menchévisme, social-chauvinisme…

[2] Se référer à cet égard à l’article de l’autorité bourgeoise LAVAU, in « Esprit » — Questions
au Parti Communiste.

[3] II ne faut pas confondre cette majorité réelle, conquise dans la lutte, avec la majorité formelle
des parlements bourgeois. Cf. C.M.L. 9-10.

[4] Au sens strict, la dualité de pouvoirs indique l’existence simultanée et contradictoire de deux
pouvoirs en Russie, de février 1917 à juillet 1917. Cette dualité de pouvoirs caractérisait une
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22/01/2020 La pensée de Mao Tsé-toung | les armes de la critique
crise de transition révolutionnaire que Lénine a analysée dans les Thèses d’Avril. En Chine,
depuis la première étape de la lutte, deux pouvoirs coexistaient : le pouvoir blanc et le pouvoir
rouge. Mais la dualité ne tendit à s’achever qu’avec le début de l’encerclement des villes, c’est-
à-dire la fin de l’équilibre stratégique. C’est ce moment que nous visions par le terme : dualité
instable de pouvoirs, dans un sens large.

[5] Voir : Deux Tactiques de la Social-démocratie — Les thèses d’Avril.

[6] Cf. Introduction aux Documents C.M.L. et Cahiers Marxistes Léninistes, n°9/10

[7] Le centralisme démocratique, au sens étroit, désigne le principe de fonctionnement de


l’organisation d’avant-garde. Au sens large : des rapports entre direction prolétarienne et
masses : par exemple le centralisme démocratique de l’Etat prolétarien. C’est le sens large qui
est visé ici.

[8] Sur les règles de l’enquête, voir Contre le culte du livre, Préface et postface à l’enquête à la
campagne, Réformons notre étude.

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