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BENOÎT CAILLAUD
FRÉDÉRIC FIRHOLTZ
SOPHIE LIBERATORE
NICOLAS WEYLAND
DEA DROIT DES AFFAIRES
1
Les effets de l’action de concert
Introduction
La nécessité de définir la notion d’action de concert n’a d’intérêt que si elle emporte
des conséquences. Les effets d’une telle qualification sont multiples. Bien qu’ayant
déjà été abordé lors d’un exposé précédent, il est important de revenir sur le rôle de
l’action de concert pour comprendre ses effets.
L’action de concert entraîne deux types d’obligations : une obligation d’information et
une obligation de dépôt d’offre publique.
Le lancement d’une offre publique d’achat est obligatoire pour les concertistes qui
détiennent ensemble plus du tiers des titres de capital ou des droits de vote3, ou,
s’ils acquièrent plus de 2% par an des titres de capital ou de droit de vote4. Le
règlement général AMF prévoit également en son article 234-3, le lancement d’une
offre publique d’achat lors d’un contrôle indirect d’une société cotée. Il s’agit du cas
où une société non cotée, une holding, est interposée entre la société cotée et les
actionnaires de la holding, cette dernière ne détenant quasi exclusivement que des
actions de la société cotée. Un projet d’OPA devra être présenté si l’action de concert
constituée au niveau de la holding permet d’obtenir la détention de plus de la moitié
des titres.
Le dépôt d’un projet de garantie de cours est imposé en cas d’acquisition « d’un bloc
de titres conférant, compte tenu des titres ou des droits de vote (déjà détenus), la
majorité du capital ou des droits de vote d’une société »5.
Une offre publique de retrait peut être lancée à la demande d’un minoritaire ou des
concertistes. Pour cela il faut que la société soit contrôlée à plus de 95 % par le
concert.
1
Article L 233-7 al 1 du code de commerce.
2
article L 233-11 du code de commerce.
3
article 234-2 du règlement général AMF.
4
article 234-5 du règlement général AMF.
5
Article 235-1 du règlement général AMF
2
Les effets de l’action de concert
L’action de concert permet aux concertistes d’exercer une plus grande influence au
sein de la société, voire d’en prendre le pouvoir. Néanmoins, de nombreuses
obligations sont à leur charge. L’AMF, garante du bon fonctionnement des marchés
financiers, doit veiller au respect de ces obligations. Le non-respect de ces
obligations doit entraîner nécessairement des sanctions pour éviter que ces
dispositions ne restent lettre morte.
Quels sont les effets de l’action de concert lorsque les concertistes ne respectent pas
leurs obligations légales ? L’AMF dispose-t-elle de pouvoirs suffisants pour
sanctionner ces types d’infractions ?
L’action de concert créé une solidarité entre les concertistes (A). Cette solidarité
emporte des conséquences importantes au niveau des sanctions de l’irrespect des
dispositions légales (B).
La loi prévoit parmi les effets de l’action de concert l’existence d’un lien de solidarité
entre les concertistes. Ainsi, l’article L. 233-10 III. du Code de commerce énonce
clairement que : « Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux
obligations qui leur sont faites par la loi et les règlements ».
La formulation retenue met en avant la fonction agrégative de l’action de concert6. En
effet, si deux actionnaires détiennent respectivement 6 % et 4 % des droits de vote
d’une société cotée, le premier est tenu de déclarer le franchissement du seuil de 5
%, tandis que le second n’est soumis à aucune obligation particulière. Mais s’ils
agissent de concert, chacun devra déclarer le franchissement du seuil de 10 %.
Juridiquement, chaque participant supporte individuellement les obligations résultant
de l’agrégation des titres par l’effet d’une action de concert. Celle-ci met ainsi en
œuvre une solidarité passive qui implique que chaque codébiteur de l’obligation
« puisse être contraint pour la totalité »7. Mais pour qu’il y ait une telle solidarité entre
les coobligés, il est nécessaire qu’ils soient tenus « de la même chose »8. Dans le
cadre d’une action de concert, la « chose » dont il s’agit n’est pas l’obligation qui
6
A. Couret, D. Martin et L. Faugérolas, « Sécurité et transparence du marché financier » : Bull. Joly, décembre
1989, n° spécial 11 bis, p. 71, n° 215.
7
Art. 1200 C. civ.
8
Art. 1200 et 1201 C. civ.
3
Les effets de l’action de concert
Selon D. Schmidt, la source de la solidarité entre les concertistes ne réside pas dans
l’idée d’un intérêt commun les liant, mais plutôt dans celle de l’existence d’une
politique commune vis-à-vis de la société. A travers cette notion, est visée la
stratégie que les concertistes déterminent ensemble pour la réalisation de leurs
objectifs. Ils organisent ainsi entre eux leur pouvoir ou leur influence au sein de la
9
J. Carbonnier, « Droit civil, Les obligations », 22e éd., 2000, coll. Thémis, PUF, n° 345.
10
Déc. CMF, 13 nov. 1998, aff. Bouygues-Bolloré : BALO 16 nov.1998.
11
D. Schmidt, Rép. Soc. Dalloz, V° Action de concert, n° 109.
4
Les effets de l’action de concert
société, et c’est dans le but d’appliquer leur stratégie qu’ils concluent un accord
concernant l’acquisition, la cession ou encore l’exercice des droits de vote.
Cette stratégie requiert l’agrégation de leurs droits de vote. Cette agrégation serait
l’objet même de leur accord au sens de l’article L. 233-10 du Code de commerce. La
volonté de procéder à cette agrégation en vue de la mise en œuvre d’une politique
commune constituerait alors la source naturelle de la solidarité entre les concertistes.
Finalement, cette solidarité trouverait sa source dans la convention des parties. La
loi, constatant que les concertistes veulent agréger leurs droits de vote, les
déclarerait solidairement tenus aux obligations issues de la détention concertée.
Mais si l’on reconnaît que l’action de concert n’est pas un contrat, alors l’opinion
selon laquelle le fondement de la solidarité des concertistes serait à rechercher dans
la convention des parties devient discutable.
Pour qu’il y ait un véritable engagement contractuel, il est nécessaire que les parties
s’engagent dans un sens précis. Or suivre une « politique » amène en pratique à
s’interroger en permanence. Il n’est pas possible de se prononcer contractuellement
sur des faits qui ne sont pas connus au moment où l’on s’engage. L’obligation
contractuelle ne peut exister que sur un fait suffisamment précis et connu à l’avance.
Un contrat ne peut en aucun cas garantir la permanence d’une communauté de
vues acquise à un moment donné, ni obliger à la maintenir ultérieurement en
présence de circonstances nouvelles. Aucune contrainte juridiquement sanctionnée
ne peut limiter ou contrarier la liberté d’apprécier une conjoncture, de décider d’une
stratégie ou d’exécuter une politique. Par conséquent, l’Autorité des Marchés
Financiers, qui peut constater l’existence d’une action de concert pour imposer le
dépôt d’un projet d’offre publique, peut également constater la disparition d’une
action de concert. L’action de concert serait alors un fait et non pas un contrat12.
Dans ces circonstances, la solidarité des concertistes trouverait sa source non pas
dans la convention des parties, mais dans la loi elle-même. Puisque cette solidarité
repose sur la loi, elle pourrait peser sur des personnes qui ne sont pas
nécessairement liées contractuellement.
La solidarité s’applique aux obligations qui sont attachées par la loi à l’existence
d’une action de concert. L’article L. 233-10 III du Code de commerce ne vise en effet
que les obligations découlant des lois ou des règlements, ce qui exclut les
obligations pouvant être incluses dans des statuts ou une convention.
Le principe de liberté des conventions ainsi que les dispositions de l’article 1202 du
Code civil autorisent les signataires d’un accord à prévoir des obligations solidaires.
La soumission à la solidarité résulte dans ce cas d’une adhésion individuelle au
contrat négocié. Dès lors, il serait délicat d’admettre que les statuts d’une société
puissent comporter des clauses imposant des obligations solidaires aux concertistes.
L’article L. 233-10 évoque uniquement la loi et les règlements. Il faut donc en déduire
que cet article ne permet pas aux statuts d’imposer des obligations solidaires aux
actionnaires concertistes, sauf adhésion individuelle de leur part.
Les obligations solidaires ne peuvent résulter que d’un texte légal ou réglementaire
évoquant expressément l’action de concert. C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris
a été amenée à connaître de la demande d’un requérant soutenant l’existence d’une
action de concert entre un actionnaire et les dirigeants de la société visée par le
concert. Il réclamait une offre publique de retrait sur le fondement d’un texte visant
12
C. Goyet, fasc. Action de concert, Dictionnaire Joly bourse et produits financiers, 2000, n° 76.
5
Les effets de l’action de concert
les personnes qui contrôlent une société, mais qui n’évoquait pas l’action de concert.
La Cour d’appel a relevé que la solidarité entre des actionnaires de la société et des
tiers, résultant d’une action de concert, n’était pas en ce cas prévue par le texte
invoqué et elle a donc rejeté la demande du requérant13.
Or, comme le souligne Monsieur Goyet14, concernant l’obligation d’acquérir par offre
publique, l’action de concert se définit comme une « lex imperfecta ». Il s’agit d’une
« loi » dépourvue de sanctions (d’après le droit romain). Néanmoins, l’AMF dispose
d’un moyen indirect d’imposer une offre publique.
Cette sanction a été prononcée la première fois par le Conseil des Marchés
Financiers lors d’une décision Lucia du 6 octobre 199816.
Suite à l’achat de droits de vote double, la participation de la société Olipar dans la
société Lucia est passée à 38,53%, puis à 41,7%. Le CMF a considéré que la
société Olipar était dans l’obligation de déposer une offre publique visant la totalité
du capital de la société cible, en raison du franchissement du seuil du tiers. La
société s’exécuta en proposant une offre publique d’échange. Le CMF déclara
irrecevable un tel projet d’offre et refusa d’accorder une dérogation à la société
Olipar. La société n’a donc pas respecté son obligation de déposer un projet d’offre
publique. Le CMF a donc constaté : « que s’applique la sanction prévue par l’article
33 1° de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996, à savoir la privation du droit de vote sur les
titres détenus au-delà du seuil du tiers ». La formulation de la décision souligne
l’automaticité d’une telle sanction dés lors que le non-respect des règles de
franchissement de seuil est avéré. Cette sanction a par la suite été confirmée par le
CMF lors d’une décision du 25 février 199917.
13
CA Paris, 1re chambre section CBV, 20 nov. 1991, D. 1992. 193, note Y. Guyon, RJ. Com. 1992. 115, note D.
Schmidt.
14
C. Goyet, fasc. Action de concert, Dictionnaire Joly bourse et produits financiers, 2000, n° 50, p. 18.
15
loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de Modernisation des Activités Financières, Jo n°154 du 4 juillet 1996 p. 10063.
16
décision du CMF du 6 oct. 1998, n°198C0196.
17
décision du CMF du 25 février 1999, n°199C0217.
6
Les effets de l’action de concert
Bien que la décision Lucia ne soit pas rendue dans le cadre d’une action de concert,
la solution est tout à fait transposable à des concertistes ne respectant pas leurs
obligations légales.
L’étude de cette décision met également en exergue l’objectif de l’AMF. Son but n’est
pas d’obliger à acquérir. Il faut donc distinguer le dépôt d’un projet d’offre publique de
l’offre publique obligatoire. Les conditions d’offre publique sont remplies lorsque le
projet est « libellé à des conditions telles qu’elles puissent être déclarées recevables
par le conseil »18. Dans l’affaire Lucia, le CMF avait considéré que la proposition
d’échange de titres de la société Lucia par des actions nouvelles de la société Olipar
ne suffisait pas pour constituer un projet d’offre publique. La déclaration de
recevabilité de l’AMF ne dépend nullement du succès ou non de l’offre publique.
Dans l’affaire Lucia, la société Olipar avait refusé de proposer une offre publique
conforme à la volonté du CMF. Cependant, il peut exister des cas où la société, bien
que se conformant en apparence à la volonté de l’AMF, fasse tout pour rendre caduc
le projet d’offre publique. Ainsi, que se passera-t-il si aucun établissement bancaire
ne veut présenter le projet d’offre publique, ce qui est pourtant la première condition
de sa recevabilité19 ?
L’AMF ne dispose donc pas de pouvoir propre à imposer le dépôt d’un projet d’offre
publique. Reste la contrainte indirecte, qui repose sur l’autorité de l’AMF et le rôle
considérable qu’elle joue dans les marchés financiers. Il est intéressant d’effectuer
un parallèle avec l’autorité des marchés anglais (Panel On Takeovers And Mergers)
18
Règlement général AMF article 234 –2.
19
Article 231- 14.
20
ordonnance du 28 sept. 1967, art. 12-2 al.1er.
7
Les effets de l’action de concert
qui, bien que ne possédant pas de pouvoir coercitif, voit ses recommandations
respectées du seul fait de son autorité sur les marchés.
L’AMF ne dispose pas d’un arsenal pléthorique pour réprimer les manquements des
concertistes à leurs obligations. Ces dispositions s’appliquent quel que soit le type
d’action de concert. Dans le cas d’une action de concert non révélée, des sanctions
supplémentaires sont envisageables.
8
Les effets de l’action de concert
Au premier stade des réflexions, il semblerait que pour parvenir à prouver qu’une
action de concert opaque est organisée, il faille prouver un parallélisme des
comportements qui mettrait en lumière l’action de concert. Il faudrait donc que les
concertistes agissent dans le même sens, de façon bien entendu massive, seule
l’habitude pouvant en l’espèce constituer une preuve.
Une telle approche serait cependant un peu hâtive ; en effet, si les concertistes
détiennent par hypothèse chacun des parts en proportion identique, il est fort
possible qu’il soit dans leur intérêt de voter de façon identique à chaque conseil
d’administration, et ce, sans qu’un quelconque accord soit intervenu. Penchons nous
donc plus précisément sur la réalité de l’action de concert opaque.
Pour qu’il y ait action de concert, il faut qu’il y ait un accord, c’est-à-dire une entente
concertée et volontaire, qui ait « le caractère d’une obligation morale »22. On n’est
pas concertiste sans le savoir, il faut une volonté délibérée 23 dépendant de la seule
volonté des parties. La forme que prendra la concrétisation de l’accord peut être
variable.
L’action de concert ne découle pas de relations bilatérales et distinctes pouvant
exister entre différentes personnes ; elle n’est constituée que par un accord entre ces
personnes24. L’existence d’un protocole entre les présidents des deux sociétés dont
l’une est actionnaire de l’autre n’est pas suffisant à caractériser une action de
concert25. Le simple vote dans une même assemblée ne suffit pas à établir une
action de concert26. De même, il ne saurait y avoir action de concert dans des
situations dans lesquelles l’objet n’est pas d’agir de concert mais de manière
successive, ou lorsque les intéressés agissent non pas dans le même sens mais
dans un sens opposé.
Il faudrait donc, pour faire la preuve de l’action de concert opaque, faire la preuve de
votes parallèles anormaux.
Il en irait ainsi si les concertistes, minoritaires pris isolément mais majoritaires à
deux, agissaient dans une logique majoritaire. Ainsi, si lors de plusieurs exercices
consécutifs ils décident d’un réinvestissement du cash-flow et pas d’une distribution
de dividendes, leur comportement pourra légitimement apparaître suspect. En effet,
seuls les majoritaires profiteront de l’augmentation du cours de l’action dû au
réinvestissement, les minoritaires ayant plutôt intérêt à ce que des bénéfices soient
redistribués. De même, la décision de conquérir de nouveaux marchés ou de lancer
un nouveau produit, si elle résulte uniquement de la volonté des deux concertistes,
pourrait fournir un indice.
22
T. Com. Nîmes, 18 fév. 1992, Bull. Joly 1992, p. 536
23
Un changement de contrôle ne saurait résulter de la seule volonté déclarée de retrait des actionnaires
majoritaires ; il faut une véritable cession : Paris, 7 oct. 1997, Géniteau c/ Lagardère : Banque et droit n° 56,
sept.-déc. 1997, p. 31
24
CA Paris, 10 mars 1992, Pinault c/ Printemps, Rev. Sociétés 1992, p. 346 et p. 229 et suiv. la chronique de M.
Vasseur
25
T. Com. Nîmes, 18 fév. 1992, Bull. Joly 1992, p. 536
26
Tel est notamment le cas du vote lors d’une augmentation de capital réservée qui se traduit par la suppression
du droit préférentiel de souscription au profit d’une personne dénommée. Tel est aussi le cas d’une réduction de
capital suivie d’une augmentation de capital réservée ou « coup d’accordéon » : CA Besançon, 2 déc. 1998,
Adam c/ SA Lamy, Bull. Joly sociétés 1999, § 224
9
Les effets de l’action de concert
Un autre exemple pourrait être un accord visant à évincer une équipe dirigeante au
profit d’une nouvelle direction issue majoritairement des sociétés concertistes, qui
pourrait servir à faire la preuve de l’action de concert opaque. Dans cette hypothèse
précise, il serait même possible de passer outre l’exigence de répétition, car une telle
action suffirait à faire la preuve de la volonté de mener une politique commune. Un
tel exemple s’est rarement rencontré en jurisprudence, pour deux raisons : soit cette
méthode est jugée trop voyante par les concertistes, soit l’opération est menée avec
assez de discrétion (utilisation de filiales, sous-filiales, basées à l’étranger, pactes
d’actionnaires successifs avec d’autres sociétés). Cependant, il est possible de
trouver quelques décisions isolées en la matière. Ainsi, le Conseil supérieur de
l’audiovisuel, dans sa lettre aux principaux actionnaires de Métropole Télévision M6,
relève les indices d’une éventuelle action concertée : « La montée conjointe des
deux actionnaires principaux dans le capital de Métropole Télévision, l’influence
notable exercée par ceux-ci sur Métropole Télévision, la mise en place d’une
stratégie commune caractérisée par un parallélisme de comportement et le choix des
principaux dirigeants de M6 »27.
Parfois, des circonstances entourant l’achat des titres suffisent à laisser entendre
l’action concertée : la cour d’appel de Bruxelles30 a relevé, pour établir la prise de
« contrôle conjoint » de la CIWLT, la dissimulation et l’importance des achats de titres
de cette société et le prix d’achat très supérieur au cours de bourse, indices auxquels
s’ajoutent le partage des postes au sein du conseil d’administration et le changement
radical dans la gestion.
27
Communiqué CSA n° 262 du 12 avril 1994
28
« Action de concert », rép. Sociétés Dalloz, D. Schmidt, nov. 2000
29
R. D. bancaire et de la bourse, 1992, 197
30
CA Bruxelles, 6 août 1992, RJ Com. 1993, 15, note Ch. Goyet
10
Les effets de l’action de concert
L’action de concert ouvre certaines facultés qui ne sont pas à la disposition des
membres du concert considérés isolément. Pour pouvoir bénéficier de ces facultés,
l’action de concert doit être menée ouvertement, ce qui passe par la déclaration des
franchissements de seuils et la publicité des pactes d’actionnaires. C’est à cette
transparence que sont subordonnées les facultés offertes aux concertistes. A
contrario, l’action de concert opaque que les concertistes dissimulent en s’abstenant
de procéder à leurs obligations déclaratives, prive ceux-ci de ces bénéfices. La perte
des effets favorables constitue donc une sanction indirecte de l’action de concert
opaque. Les principales facultés dont il est question sont le non-lieu à dépôt d’une
offre publique, la dérogation à l’obligation de déposer une offre publique
d’acquisition, et enfin la possibilité pour le concert de déposer un projet d’offre
publique de retrait.
Cette disposition vise le cas où plusieurs concertistes viennent agréger leurs droits
de vote à ceux détenus par d’autres concertistes, ce qui fait augmenter la
participation du concert au-delà des 50% déjà détenus. Il n’y a pas dans ce cas
obligation d’achat, alors même que les nouveaux concertistes franchissent, par l’effet
du concert, le seuil du tiers car il n’y a pas changement de contrôle (les anciens
concertistes détenant toujours la majorité des droits de vote). C’est pour s’assurer
11
Les effets de l’action de concert
qu’il n’y a pas un tel changement que le texte précise « à condition que ceux-ci
demeurent prédominants ».
Deuxièmement, le non-lieu à dépôt peut aussi être constaté lorsque une ou plusieurs
personnes déclarent agir de concert avec un ou plusieurs actionnaires qui détenaient
déjà, seul ou de concert, entre le tiers et la moitié du capital ou des droits de vote de
la société, à condition que ceux-ci conservent une participation plus élevée, et qu’à
l’occasion de cette mise en concert, ils ne franchissent pas l’un des seuils visés.
Ce second cas d’exemption vise l’hypothèse où les seuils ne sont pas franchis
individuellement par les concertistes. Il est également justifié par le fait qu’il n’y a pas
changement de contrôle au sein de la société émettrice.
L’article 234-6 énonce enfin que « tant que l’équilibre des participations respectives
au sein du concert n’est pas significativement modifiée par référence à la situation
constatée lors de la déclaration initiale, il n’y a pas lieu à offre publique. » Ici encore,
l’absence de changement de contrôle justifie l’exemption.
Un autre avantage pouvant bénéficier au concert mené ouvertement est l’octroi d’une
éventuelle dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique. Cette
faculté ne peut en effet profiter à ses membres considérés isolément.
Lorsqu’un actionnaire agissant seul ou de concert franchit un des seuils déclenchant
l’obligation de déposer un projet d’offre publique, l’AMF peut accorder une
dérogation. Il ne s’agit pas ici d’un droit. Deux cas de dérogation intéressent l’action
de concert.
Le premier cas vise le cumul d’une fusion et d’une action de concert. Cette possibilité
de dérogation se comprend aisément. Si deux actionnaires différents contrôlent la
société absorbante et la société absorbée, qu’ils déclarent agir de concert au sein de
la société absorbante, et qu’ils contrôlent celle-ci par l’agrégation de leurs droits de
vote, il n’est pas forcément pertinent de les obliger à une offre publique. En effet, les
personnes contrôlant la société issue de la fusion sont les mêmes que celles qui
contrôlaient les deux sociétés avant cette fusion. L’AMF peut donc accorder une
dérogation.
12
Les effets de l’action de concert
Une fois encore, la dérogation est justifiée par l’absence de tout changement de
contrôle, puisque la société est déjà contrôlée, soit par le concert auquel appartient
le demandeur franchissant un seuil, soit par un autre groupe de concertistes.
Cette faculté de dérogation disparaît elle aussi lorsque les actionnaires se sont
abstenus de déclarer leur concert. Si leur action vient à être découverte, ils
s’exposeront à subir dans les pires conditions l’obligation de déposer un projet d’offre
publique.
Bibliographie
31
Art. 5-6-3 du règlement
32
Art. 5-7-1 du règlement
13
Les effets de l’action de concert
Ouvrages :
A.VIANDIER, OPA, OPE et autres offres publiques, éd.Francis Lefebvre, 2ème édition, 2003
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H.de VAUPLANE, J.P.BORNET, Droit des marchés financiers,Litec, 3ème édition, 2001
RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, LGDJ, vol.1, 2001, 18ème édition
Encyclopédies :
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Articles :
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Banque éditeur
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novembre/décembre 1999, p.208
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F.AUCKENTHALER, L’action de concert après les lois N.R.E et Murcef, Petites affiches, 8
novembre, 2002, n°224, p.4
14
Les effets de l’action de concert
D.SCMIDT, C.BAJ, Réflexions sur la notion d’action de concert, Revue de droit bancaire et
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1992. 115, note D. Schmidt
T. Com. Nîmes, 18 fév. 1992, Bull. Joly 1992, p. 536
CA Paris, 10 mars 1992, Pinault c/ Printemps, Rev. Sociétés 1992, p. 346 et p. 229
CA Bruxelles, 6 août 1992, RJ Com. 1993, 15, note Ch. Goyet
Affaire Métropole Télévision, Communiqué CSA n° 262 du 12 avril 1994
Paris, 7 oct. 1997, Géniteau c/ Lagardère : Banque et droit n° 56, sept.-déc. 1997, p. 31
Décision Lucia du CMF du 6 oct. 1998, n°198C0196.
CMF, 13 novembre 1998, aff. Bouygues-Bolloré, BALO, 16 novembre 1998
Décision Lucia « 2 » du CMF du 25 février 1999, n°199C0217
CA Besançon, 2 déc. 1998, Adam c/ SA Lamy, Bull. Joly sociétés 1999, § 224
15