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Comprendre le sujet
Vous devez analyser tous les mots importants du sujet. Trouvez l'objet d'étude :
« théâtre », « spectateur » : le théâtre, texte et représentation.
Cherchez sous quel angle précis vous devez aborder ce thème : « illusion », « vérité ». Il
s'agit du rapport du théâtre avec la réalité, du rapport de l'artifice et de la vérité.
Reformulez la question avec vos propres mots, en variant les termes interrogatifs, de
façon à vous ouvrir des directions de réponse variées : « Le théâtre est-il éloigné ou est-il proche
de la réalité et de la vérité ? »
Cela vous amène à organiser votre travail en deux parties : 1. « En quoi le théâtre est-il un
art de l'artifice et de l'illusion ? » ; 2. « En quoi le théâtre est-il un art de la vérité, de l'authenticité
humaine ? »
o Ou, pour dépasser cette contradiction : « Comment se fait-il qu'un art aussi
artificiel et conventionnel permette d'atteindre une certaine authenticité ? »
Utilisez les scènes du corpus et constituez-vous une réserve d'exemples de pièces que vous
avez lues ; rappelez-vous aussi précisément les spectacles théâtraux auxquels vous avez assisté.
CORRIGÉ
Amorce : Le théâtre, par ses artifices matériels et ses conventions, semble nous écarter du réel et
de la vérité. Les termes jeu et jouer indiquent bien ce côté factice et illusoire.
Annonce du plan : S'il n'est pas « le pays du réel » (Hugo), le théâtre ne dépasse-t-il pas l'artifice
pour nous conduire par des détours à ce que Hugo appelle « le vrai » ?
Le théâtre est surtout représentation. Or, représenter signifie « remplacer », « tenir lieu de » : le
verbe implique la notion d'illusion. Et, de fait, rien n'est vrai au théâtre. Tout ce qui fait la réalité
de la vie - lieu, espace et temps, mais aussi parole - y est transformé.
Au théâtre, le lieu est illusion : le spectateur admet que la scène présente comme réel un
lieu en réalité factice et que les deux cents mètres carrés du plateau représentent une forêt dans
l'acte II de Dom Juan, un champ de bataille dans Cyrano de Bergerac.
Hugo explique que « le théâtre n'est pas le pays du réel : il y a des arbres en carton, des
palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche,
du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre. »
Les masques du théâtre antique amplifient et déforment voix et visages pour mieux
souligner l'identité du personnage. De même, les costumes prennent une valeur symbolique : le
traître est vêtu de noir et porte un large chapeau qui lui couvre le visage pour mieux montrer sa
vilenie.
Comble de l'illusion : dans certaines œuvres, la mise en abyme redouble l'illusion spatiale.
Ainsi, dans L'Illusion comique (Corneille), les personnages incarnent des acteurs en train de jouer
une pièce.
Le lever et de le baisser du rideau, les jeux d'éclairage (lumière/noir) sont des signes
conventionnels qui coupent le théâtre du réel.
a. Le temps
Le temps théâtral est illusion : le spectateur admet que deux heures de spectacle
équivalent à une journée réelle, voire à plus de dix ans dans Cyrano de Bergerac. Le temps du
spectacle raccourcit le temps de la fiction et l'auteur, pour créer l'illusion qu'une journée ou
dix ans sont égaux à deux heures, recourt à des moyens artificiels.
Une scène de reconnaissance, improbable dans la vraie vie, vient dénouer de nombreuses
comédies de Molière. Dans L'Avare, Anselme, qu'Harpagon destine comme mari à sa fille Élise,
n'est autre que le père du jeune Valère qu'aime la jeune fille et que son père croyait mort ; voilà
qui résout tous les problèmes : Élise épousera Valère...
Enfin, comment parler de « vérité » quand le surnaturel intervient sur scène ? Après qu'un
spectre lui est apparu, c'est une statue de pierre animée qui provoque la mort de Dom Juan. Dans
le théâtre de l'absurde, ce sont des faits surnaturels qui soutiennent la tension de l'action. Ainsi,
chez Ionesco, les hommes se transforment en rhinocéros.
Pourtant, le public, « victime » consentante de l'illusion créée par ces artifices, adhère à
ces invraisemblances.
L'énonciation et donc les procédés d'écriture sont eux aussi conventionnels et éloignés de la
réalité.
Parmi ces procédés, la double énonciation : les personnages dialoguent entre eux, mais
leurs paroles sont en réalité destinées au public qui, lui, n'intervient pas dans la pièce. Elle se
concrétise parfois de façon plus évidente par les apartés. Dans la scène où Dom Juan courtise les
deux paysannes toutes proches l'une de l'autre, comment croire que Mathurine n'entend pas ce
qu'il promet à Charlotte, et inversement ?
Le langage non plus ne reflète pas la réalité : le monologue crée une situation artificielle
où le spectateur admet qu'un personnage, seul sur scène, s'adresse à voix haute à lui-même et au
public. Dans la vie réelle, le long monologue de Figaro dans l'acte V du Mariage de Figaro le
ferait passer pour un fou.
Au théâtre, la communication passe aussi par les gestes, souvent outrés jusqu'à la
caricature : la scène du sac des Fourberies de Scapin, avec les coups de bâton répétés que le valet
inflige à son maître, pourrait-elle exister dans la réalité ?
Après avoir affirmé que le théâtre n'est pas « le pays du réel », Hugo ajoute qu'il « est le pays du
vrai : il y a des cœurs humains sur la scène, des cœurs humains dans les coulisses, des cœurs
humains dans la salle ».
Le spectacle se déroule dans un lieu bien réel avec une scène, des coulisses... Outre le
metteur en scène et les acteurs, une troupe comprend des éclairagistes, des ingénieurs du son, des
techniciens vidéo (de plus en plus utilisée), bref tous les éléments nécessaires à la scénographie.
Les acteurs sont bien réels, dont la performance physique et artistique crée, à chaque
représentation, un objet d'art unique (à la différence du cinéma). Le théâtre est en effet une
création esthétique qui prend toute sa valeur et toute sa réalité dans la représentation : on parle
ainsi du Dom Juan de Jouvet, du Dom Juan de Mesguich... En ce sens aussi, le théâtre est
profondément ancré dans le réel de la représentation, qui a une durée et une existence.
Pour les acteurs, le metteur en scène et les spectateurs, l'artifice est occulté par l'émotion éprouvée
et le plaisir qui naît d'un partage authentique du spectacle.
Plus encore, le jeu avec les conventions et les artifices crée des effets de déstabilisation
qui sollicitent le spectateur, suscitent la surprise et font naître le rire. Ainsi, dans La Comédie du
langage de Tardieu, l'utilisation décalée du monologue provoque le rire et une complicité réelle
entre l'auteur, l'acteur, le personnage et le spectateur. La représentation, partagée par « des cœurs
humains sur la scène, des cœurs humains dans la coulisse, des cœurs humains dans la salle »
(Hugo), fait partie de la réalité et nous rapproche de la vérité.
Elles offrent une image de la société et en dévoilent la vérité : Le Mariage de Figaro, Ruy
Blas ou les pièces engagées des XIXe et XXe siècles peignent la réalité du temps et rapprochent ainsi
le spectateur de la vérité.
C'est en ce sens que les Anciens, et les classiques après eux, parlent de la vertu
cathartique du théâtre, c'est-à-dire de la purgation des passions ressentie par le spectateur à travers
la représentation stylisée de ce qu'il éprouve. Purgation qui n'est possible que parce que le théâtre
atteint une vérité profonde, sans quoi le processus d'identification serait impossible : le spectateur
se reconnaît dans cette femme qui brûle d'amour et qui sait dire ce que lui-même ne saurait
exprimer.
En mettant à nu la vérité humaine, le théâtre éclaire les relations entre les hommes, leurs conflits,
leurs vices et leurs abus, leurs rêves aussi.
La vertu du théâtre qui, en montrant le faux, atteint le vrai est encore mieux mise en
évidence dans les œuvres où les personnages jouent, à l'intérieur même de la pièce, la comédie.
Ainsi, dans Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux, le travestissement permet à Silvia et à
Dorante de jeter le masque et de s'avouer leurs sentiments. Dans On ne badine pas avec
l'amour de Musset, la « comédie » que joue Perdican à Rosette alors que Camille, cachée, assiste
à la scène, révèle la vérité du cœur de Camille (elle aime toujours Perdican) mais aussi celle du
cœur de Perdican (il aime toujours Camille). Le théâtre joue donc un rôle de révélateur.
Conclusion
Plus qu'un genre conventionnel, le théâtre serait un genre paradoxal puisqu'il crée du vrai par le
détour de l'artifice. Condensé d'émotions authentiques, il suscite des réactions bien réelles. C'est
sans doute ce qui explique que, malgré la forte concurrence du cinéma, le public se presse encore
aux portes des théâtres.