Le nouvel art de faire des livres1

1 La version originale de ce texte a été rédigée

en espagnol. Son titre fait allusion à un poème
polémique du dramaturge espagnol Lope de In Quant aux Ulises Carrión
livres, Genève, Héros-Limite,
Vega, « El Arte Nuevo de Hacer Comedias » ou 1997, 2008, p.30-53.
« Le nouvel art de faire des comédies ». Traduction française : Thierry Dubois
 CE QU’EST UN LIVRE2
Un livre est une
succession d’espaces.
Chacun de ces espaces est perçu à
un moment différent - un livre est
aussi une succession d’instants.
Un livre n’est ni une boîte
de mots, ni un sac de mots,
ni un support de mots.
Contrairement à l’opinion reçue,
un écrivain n’écrit pas de livres.
Un écrivain écrit des textes.
Seule la longueur d’un texte
ou, dans le cas d’une série de
textes courts (par exemple des
1
poèmes), leur nombre explique
leur présence dans un livre.
Un texte littéraire (en prose)
publié dans un livre ignore
qu’un livre est une séquence
spatio-temporelle autonome.
Une suite de textes plus ou
moins courts (poèmes ou autres),
répartis au fil d’un livre dans
un ordAre quelconque, révèle la
nature séquentielle de tout livre.
Elle la révèle, voire en tire
parti, mais elle ne l’incorpore
à soi ni ne l’assimile.
La langue écrite est une suite de
signes distribués dans l’espace, leur
lecture se déroule dans le temps.
Un livre est une séquence
spatio-temporelle.
À l’origine, les livres étaient
destinés à renfermer des
textes littéraires.
Or les livres, pour peu qu’on
les considère comme des entités
autonomes, sont susceptibles
de renfermer n’importe quel
langage (écrit) - pas seulement
la langue littéraire - , voire
tout autre système de signes.
De tous les types de langues,
la langue littéraire (prose et
poésie) n’est pas celui qui sied
le mieux à la nature des livres.
Il arrive qu’un livre ne contienne
que par hasard un texte dont
la structure est sans rapport
avec lui : je pense aux livres des
librairies et des bibliothèques.
Un livre peut aussi être une
forme autonome, qui se suffise
à elle-même, et contenir
un texte qui accuse cette
forme, qui en fasse partie
intégrante : c’est là que commence
le nouvel art de faire des livres.
2 Ce texte a paru dans des magazines d’art et
il a été cité dans un contexte artistique, mais
il s’adressait à l’origine à un public d’hommes
de lettres. Parce que mes intérêts sont devenus
interdisciplinaires, non seulement j’apprécie les
réactions qu’il a suscitées chez les artistes, mais
je déplore aussi qu’il n’ait pas rencontré un plus
large écho parmi les écrivains.
 Dans l’art ancien, l’écrivain
estime que la fabrication du
livre proprement dit ne lui
incombe pas. Il écrit le texte. Le
reste est l’œuvre de serviteurs,
d’artisans, d’ouvriers, de tiers.
Dans le nouvel art, écrire
un texte n’est que le premier
maillon de la chaîne qui
relie l’écrivain au lecteur.
Dans le nouvel art, l’écrivain se
charge de l’ensemble du processus.
Dans l’art ancien, l’écrivain écrit
des textes.
Dans le nouvel art,
l’écrivain fait des livres.
Faire un livre consiste à réaliser
sa séquence spatio-temporelle
2
idéale en créant une suite parallèle
de signes, verbale ou non.
PROSE ET POÉSIE
Dans un livre d’autrefois, toutes
les pages se ressemblent.
En écrivant son texte, l’écrivain
n’obéissait qu’aux lois linéaires de
la langue, qui n’ont rien à voir avec
les lois séquentielles des livres.
Les mots ont beau être différents
à chaque page, chaque page
est en soi identique aux
précédentes et aux suivantes.
Dans le nouvel art, chaque page
est différente ; chaque page est un
élément singulier d’une structure
(le livre) dans laquelle elle remplit
une fonction particulière.
Aussi bien dans la langue parlée
que dans la langue écrite, les
pronoms suppléent aux noms
afin d’éviter des répétitions
déplaisantes et inutiles.
Dans un livre, qui se compose
de divers éléments, notamment
de signes linguistiques, qu’est-
ce qui tient lieu de pronom,
afin d’éviter des répétitions
déplaisantes et inutiles ?
Le nouvel art voit en l’occurrence
un problème dont l’art ancien ne
soupçonne même pas l’existence.
Un livre de cinq cents, de cent,
voire de vingt-cinq pages toutes
semblables est assommant du
point de vue du livre en soi, si
palpitant que soit le contenu des
mots imprimés sur la page3.
Qu’il soit l’œuvre d’un génie
ou d’un écrivain de troisième
zone, un roman est un livre
où il ne se passe rien.
3 Si l’on en croit ce qui précède, le présent ou-
vrage est ennuyeux. C’est d’ailleurs ce que je
pense.
 Il y a encore, et il y aura toujours,
des amateurs de romans. Il y
aura aussi toujours des gens
qui aiment jouer aux échecs,
cancaner, danser le mambo ou
manger des fraises à la crème.
Contrairement aux romans, où il ne
se passe rien, il arrive qu’il se passe
quelque chose dans les recueils de
poésie, quoique pas grand-chose.
Un roman composé sans
majuscules ou dans différentes
polices de caractères, ou émaillé
de formules chimiques, etc., reste
un roman, c’est-à-dire un livre
ennuyeux qui prétend ne pas l’être.
Un roman composé sans
majuscules ou dans différentes
3
polices de caractères, ou émaillé
de formules chimiques, etc., reste
un roman, c’est-à-dire un livre
ennuyeux qui prétend ne pas l’être.
Un recueil de poésie comprend
autant, voire plus de mots qu’un
roman mais, au bout du compte,
il exploite plus délibérément,
plus manifestement, plus
intensément l’espace réel, physique
où ces mots apparaissent.
Ce fait s’explique par la nécessité
de traduire typographiquement
les conventions propres au
langage poétique pour le
transcrire sur le papier.
Il faut peu de chose pour
transcrire de la prose : des signes
de ponctuation, des majuscules,
différentes marges, etc.
Toutes ces conventions sont
des inventions originales et
extrêmement belles, mais
leur usage quotidien nous
empêche de les remarquer.
La transcription de la poésie,
langage plus sophistique, recourt
à des signes moins banals. La
simple nécessité de créer des
signes qui conviennent à la
transcription du langage poétique
nous démontre qu’écrire un poème
sur le papier n’est pas la même
chose que l’écrire dans sa tête.
Les poètes vont répétant que les
poèmes sont des chants. Or ils ne
les chantent pas. Ils les écrivent.
Ils vont répétant que la poésie
doit être récitée. Or ils ne la
récitent pas. Ils la publient.
De fait, la plupart du temps,
loin d’être chantée ou récitée,
la poésie est écrite et imprimée.
La poésie n’y perd rien.
Au contraire, la poésie y gagne
quelque chose : une réalité
spatiale qui faisait défaut à la
poésie orale ou chantée que
l’on regrette si amèrement.
 L’ESPACE
Depuis des années, de nombreuses
années, les poètes exploitent
intensivement et efficacement les
ressources spatiales de la poésie.
Mais seules la poésie dite concrète
ou, plus tard, la poésie visuelle
l’ont ouvertement affirmé.
Des vers interrompus au milieu
de la page, des vers bordés d’une
marge plus ou moins large, des vers
plus ou moins espacés - tous ces
procédés tirent parti de l’espace.
Il ne s’ensuit pas qu’un texte est
poétique parce qu’il tire tel ou tel
parti de l’espace, mais que tirer
4
parti de l’espace est un des traits
distinctifs de la poésie écrite.
L’espace est la musique
de la poésie écrite.
L’introduction de l’espace dans
la poésie (ou plutôt de la poésie
dans l’espace) est un événement
prodigieux dont les conséquences
sont littéralement incalculables.
L’une de ces conséquences est la
poésie concrète et/ou visuelle. Sa
naissance n’est pas un événement
extravagant dans l’histoire de
la littérature, mais l’évolution
naturelle, inéluctable, de la réalité
spatiale que la langue à gagnée
depuis l’invention de l’écriture.
Dans l’art ancien, la poésie
exploite l’espace, mais timidement.
Elle établit une communication
intersubjective.
La communication intersubjective
a lieu dans un espace abstrait,
idéal, impalpable.
Dans le nouvel art (dont la
poésie concrète n’est qu’un
exemple), la communication
reste intersubjective, mais elle
a lieu dans un espace concret,
réel, physique - la page.
Un livre est un volume
dans l’espace.
Les mots constituent le véritable
espace de la communication
- son hic et nunc.
La poésie concrète
supplée à la poésie.
Les livres, pour peu qu’on les
considère comme des séquences
spatio-temporelles autonomes,
sont susceptibles de suppléer à tous
les genres littéraires existants.
L’espace existe hors de
toute subjectivité.
Quand deux sujets communiquent
dans l’espace, l’espace est un
élément de la communication.
Il influe sur elle. Il lui dicte sa loi.
Les mots imprimés sont
emprisonnés dans
la matière du livre4.
Du livre ou du texte qu’il renferme,
lequel importe le plus ?
De la poule ou de l’œuf, qui
 est apparu le premier ?
L’art ancien présuppose que
les mots imprimés le sont
dans un espace idéal.
Le nouvel art sait que les livres
sont des objets qui existent dans la
réalité extérieure, qu’ils sont soumis
à des circonstances concrètes
dont dépendent leur perception,
leur existence, leur échange, leur
consommation, leur usage, etc.
La langue peut se manifester
objectivement dans un instant et
un espace isolés - la page -, ou
dans une succession d’espaces
et d’instants - le « livre ».
Il n’y a plus et il n’y aura plus
de nouvelle littérature.
5
Peut-être y aura-t-il de nouveaux
moyens de communication
qui engloberont la langue ou
qui reposeront sur elle.
La littérature, considérée comme
un moyen de communication,
sera toujours de la littérature
ancienne.Du livre ou du texte qu’il
renferme, lequel importe le plus ?
De la poule ou de l’œuf,
qui est apparu le premier ?
L’art ancien présuppose que
les mots imprimés le sont
dans un espace idéal.
Le nouvel art sait que les livres
sont des objets qui existent dans la
réalité extérieure, qu’ils sont soumis
à des circonstances concrètes
dont dépendent leur perception,
leur existence, leur échange, leur
consommation, leur usage, etc.
La langue peut se manifester
objectivement dans un instant et
un espace isolés - la page -, ou
dans une succession d’espaces
et d’instants - le « livre ».
Il n’y a plus et il n’y aura plus
de nouvelle littérature.
Peut-être y aura-t-il de nouveaux
moyens de communication
qui engloberont la langue ou
qui reposeront sur elle.
La littérature, considérée comme
un moyen de communication, sera
toujours de la littérature ancienne.
4 L’espagnol rend plus heureusement cette
distinction, en jouant sur impreso (imprimé)
et preso (emprisonné). Je ne déplore pas que
ce calembour soit intraduisible. Je regrette les
jeux de mots comme un procédé typiquement
littéraire.
 LA LANGUE
La langue véhicule des idées,
c’est-à-dire des images mentales.
Une intention préexiste toujours
à la transmission d’images
mentales : nous parlons pour
véhiculer une image particulière.
La langue courante et
celle de l’art ancien ont en
commun d’être porteuses
d’une intention : véhiculer
certaines images mentales.
Dans l’art ancien, les acceptions
des mots sont les dépositaires
des intentions de l’auteur.
De même que le sens ultime des
6
mots est indéfinissable, l’intention
de l’auteur est impénétrable.
Toute intention présuppose
un but, une fonction.
La langue courante vise
un but, elle remplit
une fonction: véhiculer
des idées et des sentiments,
expliquer, affirmer, convaincre,
invoquer, accuser, etc.
Dans l’art ancien, la langue vise
également un but, elle remplit
aussi une fonction. Seule la forme
distingue ces deux types de langues.
La langue du nouvel art
est radicalement différente
de la langue courante. Elle
fait fi des intentions et de la
fonctionnalité, elle fait retour
sur elle-même, s’étudie, recherche
des formes, des ensembles de
formes qui donnent naissance,
s’associent ou aboutissent à des
séquences spatio-temporelles.
Dans le nouvel art de faire
des livres, les mots ne sont ni
les dépositaires du message, ni
les truchements de l’âme, ni le
support de la communication.
Ceux-là, Hamlet, grand liseur,
les avait déjà étiquetés : des
mots, des mots, des mots.
Dans le nouvel art de faire
des livres, les mots ne sont pas
là pour véhiculer des images
mentales dans un but déterminé.
Ils sont là pour former, en
compagnie d’autres signes, une
séquence spatio-temporelle
que nous appelons « livre ».
Dans un livre du nouvel art, les
mots peuvent aussi bien être
de l’auteur que d’un tiers.
Dans le nouvel art, un écrivain
écrit très peu, voire pas du tout.
Le livre le plus beau et le plus
parfait du monde est un livre
dont toutes les pages sont
blanches, de même que la
langue la plus complète passe
tout ce que l’homme peut
exprimer avec des mots.
Dans le nouvel art, tout livre
tend vers ce livre parfaitement
 blanc, de même que chaque
poème tend vers le silence.
L’intention est la mère
de la rhétorique.
Si l’on ne peut empêcher les mots
de signifier, en revanche on peut
les dépouiller de toute intention.
Une langue dépouillée de
toute intention est une langue
abstraite : elle ne renvoie à
aucune réalité concrète.
Paradoxe : la langue doit
se faire abstraite pour se
manifester concrètement.
Une langue abstraite implique
que les mots ne sont inféodés à
aucune intention ; que le mot
« rose » n’est ni la rose que je
7
vois ni celle que prétend voir un
personnage plus ou moins fictif.
Dans la langue abstraite du nouvel
art, le mot « rose » est le mot « rose
». Il désigne toutes les roses et n’en
désigne aucune.
Comment parvenir à faire une
rose qui ne soit pas ma rose ni sa
rose, mais qui appartienne à tout
le monde, donc à personne ?
En l’insérant dans une structure
séquentielle (un livre, par exemple),
afin qu’elle cesse momentanément
d’être une rose pour devenir avant
tout un élément de cette structure.
Chaque mot est un élément
d’une structure - une locution,
un roman, un télégramme.
Ou : chaque mot fait partie
d’un texte.
Rien ni personne n’existe
isolément : tout est élément
d’une structure.
STRUCTURES
Chaque structure est à son tour
un élément d’une autre structure.
Tout ce qui existe est une structure.
Comprendre une chose, c’est
comprendre la structure dont
elle fait partie et/ou les éléments
de la structure qu’elle est.
Un livre comprend divers éléments,
dont éventuellement un texte.
Un texte inséré dans un livre
n’en est pas forcément le
pivot ni la clef de voûte.
Un tel peut acheter dix livres
rouges dans une librairie parce
que cette couleur s’accorde
avec celle de son salon ou pour
toute autre raison, établissant
par là même un fait irréfutable
: les livres ont une couleur.
Dans l’art ancien, les mots d’un
livre véhiculent les intentions de
l’auteur. C’est pour cette raison
qu’ils les choisit soigneusement.
Dans le nouvel art, les mots
d’un livre ne véhiculent aucune
intention ; ils servent à former un
 texte qui s’intègre à un livre, et c’est
ce livre, dans son ensemble, qui
véhicule les intentions de l’auteur.
Dans le nouvel art, le plagiat est
le b.a.-ba de l’activité créatrice5.
Chaque fois que le nouvel art
utilise un mot isolément, il l’isole
complètement en l’insérant dans un
livre qui n’en compte aucun autre.
Dans l’art ancien, l’auteur a le don
des mots, du talent, de la facilité.
Aux yeux d’un auteur du
nouvel art, la langue est une
énigme, un problème ; le livre
esquisse des solutions.
Dans l’art ancien, vous écrivez
« Je t’aime » en pensant que cette
8
proposition veut dire « Je t’aime ».
(Mais que veut dire « Je t’aime »?)
Dans le nouvel art, vous écrivez «
Je t’aime » persuadé que personne
ne saisit le sens de ces mots. Vous
écrivez cette phrase comme un
élément d’un texte où écrire « Je
te hais » reviendrait au même.
Il importe seulement que les
phrases « Je t’aime » ou « Je te hais
» forment un texte investi d’une
fonction dans la structure du livre.
Dans le nouvel art, personne
n’aime personne.
L’art ancien prétend aimer.
L’amour n’existe pas
dans l’art. L’amour n’est
possible que dans la vie.
Non que les passions soient
absentes du nouvel art.
Tout en lui est le sang qui
s’épanche de la blessure que la
langue a infligée aux hommes.
Le nouvel art, c’est aussi le plaisir
de pouvoir exprimer quelque
chose avec tout, n’importe
quoi, presque rien, rien.
Dans l’art ancien, l’auteur choisit,
de tous les genres et de toutes les
formes littéraires, celui ou celle qui
répond le mieux à son intention.
Le nouvel art tire profit de toute
manifestation de la langue
puisque l’auteur n’a d’autre
intention que d’éprouver le
pouvoir qu’elle a de signifier.
Dans le nouvel art, le texte
d’un livre peut aussi bien être
un roman qu’un seul mot,
des sonnets que des plaisanteries,
des lettres d’amour que des
bulletins météorologiques.
Dans l’art ancien,
de même qu’au bout du compte
l’intention de l’auteur
est impénétrable, et le sens
5 Il me semble, aujourd’hui, avoir accordé ici
trop d’importance au plagiat. De surcroît,
l’énoncé a un accent trop dramatique. Je me suis
sans doute laissé emporter par l’enthousiasme
que me procurait une liberté fraîchement
acquise dans l’utilisation des textes d’autrui.
 de ses mots indéfinissable,
la compréhension du lecteur
n’est pas quantifiable.
Dans le nouvel art, la lecture
prouve en soi que
le lecteur comprend.

9
 LA LECTURE de lecture rapide.
La lenteur des techniques
d’écriture explique l’existence de
techniques de lecture rapide.
Il suffit de connaître l’alphabet
L’art ancien ne se soucie pas de
pour lire l’art ancien.
la lecture.
Pour lire le nouvel art, le lecteur
Le nouvel art crée des conditions
doit percevoir le livre comme
de lecture particulières.
une structure, en identifier les
Au mieux, l’art ancien
éléments et saisir leur fonction.
tenait compte du lecteur,
On peut lire l’art ancien en
mais c’était déjà aller
s’imaginant, à tort, le comprendre.
trop loin.
Le nouvel art ne permet
Le nouvel art ne fait pas de
pas de telle méprise. Il faut
discrimination entre ses lecteurs
comprendre pour lire.
; il n’est pas destiné aux rats
Dans l’art ancien, tous les
de bibliothèque, pas plus qu’il ne
livres se lisent pareillement.
cherche à détourner le public
Dans le nouvel art, chaque livre
de son écran de télévision.
10 doit être lu différemment.
Il n’est pas indispensable de passer
Dans l’art ancien, il faut autant
cinq ans dans une faculté de
de temps pour lire la dernière
lettres pour lire - et comprendre -
que la première page.
le nouvel art.
Dans le nouvel art, le rythme
L’appréciation des livres du
de la lecture change, se
nouvel art n’exige pas du lecteur
précipite, s’accélère.
une complicité intellectuelle
Dans l’art ancien, il faut lire
et/ou sentimentale dans les
entièrement un livre pour le
domaines de l’amour, de
comprendre et l’apprécier.
la politique, de la psychologie,
Dans le nouvel art, il n’est
de la géographie, etc.
souvent pas nécessaire de
Le nouvel art fait appel à
lire un livre en entier.
la capacité de chacun de
Vous pouvez abandonner la
comprendre et de créer des signes
lecture dès que vous avez saisi la
et des systèmes de signes.
structure d’ensemble du livre.
Le nouvel art permet de lire
plus vite que les techniques
11
12
13
14