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INTRANSIVITÉ, TRANSITIVITÉ ET CONSTRUCTIONS VERBALES :

DE LA GRAMMAIRE SCOLAIRE À LA GRAMMAIRE MODERNE


Laura Pino Serrano

in Ivan Evrard et al., Représentations du sens linguistique III

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De Boeck Supérieur | « Champs linguistiques »

2009 | pages 371 à 382


ISBN 9782801116043
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https://www.cairn.info/representations-du-sens-linguistique-
III--9782801116043-page-371.htm
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Pour citer cet article :


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Laura Pino Serrano, « Intransivité, transitivité et constructions verbales : de la
grammaire scolaire à la grammaire moderne », in Ivan Evrard et al.,
Représentations du sens linguistique III, De Boeck Supérieur « Champs
linguistiques », 2009 (), p. 371-382.
DOI 10.3917/dbu.evrar.2009.01.0371
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INTRANSIVITÉ, TRANSITIVITÉ ET
CONSTRUCTIONS VERBALES : DE LA GRAMMAIRE
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SCOLAIRE À LA GRAMMAIRE MODERNE

Laura PINO SERRANO


Universidade de Santiago de Compostela

1 Préliminaires
Le but de cette contribution répond au désir d’éclaircir certains concepts liés à
la définition et à l’étude des structures ou constructions transitives /vs/ intransi-
tives dans les grammaires de français.
Une révision détaillée de plusieurs manuels en usage nous ont permis de com-
parer et surtout de constater que des notions, en principe connues de tous et
apparemment bien définies, restent dans le flou ou s’avèrent contradictoires
lorsqu’on veut les utiliser pour définir, étudier et délimiter les constructions
verbales du français  : il s’agit de concepts tels que objet, transitivité (et son
pendant intransitivité) et diathèse.
Nous avons étudié et démontré ailleurs (Pino, 2000) que l’idée d’objet est tou-
jours une notion vague, diffuse et difficile à cerner. A. Chervel commente, dans
son histoire des grammaires scolaires, les vicissitudes qu’a connues cette no-
tion qui est au centre des analyses et reclassements des compléments à partir de
1910 : l’apparition du circonstanciel ( et sa reconnaissance au moyen de où ?,
quand ?, comment ? et pourquoi?) provoque une restructuration dans la vaste
classe des compléments indirects. On essaie de mettre en place plusieurs tenta-
tives de classement, de type distributionnel (en réservant le terme indirect aux
compléments introduits par à, de et par), sémantique (en opposant les termes

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Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe

essentiels -les indirects- aux accessoires -les circonstanciels-) ; mais ainsi aussi
il y a des chevauchements entre les deux classes : (à Lyon, dans je vais à Lyon,
est un complément essentiel et répond à où ?); c’est pourquoi, toujours suivant
le critère du caractère nucléaire du complément et de sa liaison étroite avec le
verbe, on finit par caractériser ces compléments en adoptant le modèle du com-
plément direct (le plus étroitement lié à l’action verbale, l’objet de l’action) :
« c’est donc la notion d’objet qui va être au centre du nouveau reclassement.
Elle n’est guère plus nette que les précédentes (complément essentiel ou terme

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de l’action), mais elle permet de dégager un critère assez extensible  : il y a
complément indirect lorsqu’on pourrait trouver un sens équivalent avec un
complément direct, en changeant le verbe : nuire à quelqu’un signifie à peu
près gêner quelqu’un », nous dit Chervel (1977 :180).
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La transitivité (et son pendant l’intransitivité) doit être comprise en termes


scalaires et graduels, comme une notion participant de caractéristiques et pro-
priétés syntaxiques et sémantiques qu’il faudrait, par ailleurs, bien préciser (Cf.
Lazard, 1994 ou Creissels 1995).
Il s’agit d’une notion aux contours tellement flous qu’elle a servi aussi bien
à indiquer le passage de l’activité d’un agent à un patient qu’un changement
d’actants dans la réalisation d’un procès ou encore, tout simplement, le lien
entre verbe et actant, partant de l’idée de l’incomplétude sémantique du verbe
qui cherche à se compléter à l’aide des compléments régis, directs ou préposi-
tionnels (cf. Blinkenberg, 1960 ou Cano, 1981).
Étroitement unie et difficilement séparable de la notion de transitivité se trouve
celle de diathèse, catégorie grammaticale qui recouvre les rapports syntaxico-
sémantiques établis à travers la morphologie verbale entre les actants et le pré-
dicat verbal : la passivation (passage de l’actif au passif) entraîne la permuta-
tion des actants, selon une formule simple et bien connue: N1(S) V N2 (O) à N2
(S) être Vpp. (Prép.N1), avec l’inévitable changement des rôles sémantiques
associés.
Ces rapports entre transitivité, objet et diathèse d’une part, et transitivité, va-
lence et rection de l’autre sont alternativement présents des grammaires an-
ciennes (Baratin, 1998 :18 et Serbat, 1998 : 222) et humanistes (cf. Lecointre,
1998  : 19) aux grammaires philosophiques (Chevalier, 1968), scolaires (cf.
Chervel, 1977)  et modernes.
Ces trois concepts-clés pour le classement des verbes français à travers l’his-
toire de la langue vont nous permettre aussi de mieux saisir la problématique
des constructions verbales en français moderne. Nous passerons chronologique-
ment en revue les manuels de grammaire les plus représentatifs du XXe siècle
afin de relever les classements opérés dans la classe du verbe, d’examiner leur
pertinence et surtout, les conséquences et implications desdites répartitions.

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Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...

Les données obtenues serviront à démontrer que le classement des verbes, tel
que nous le connaissons aujourd’hui, naît à un moment donné et pour des rai-
sons pédagogiques évidentes, qu’il répond à des objectifs clairs et précis, mais
surtout que ce genre de division reste théorique et un peu irréel, car il pose plus
de problèmes qu’il n’en résout.

2 Avant les grammaires scolaires

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Dans la grammaire ancienne, la transitivité est conçue autour de deux idées
principales : la métabase et la diathèse : il s’agit d’une théorie graduelle sur le
changement d’actants et non seulement le simple passage (transition) de l’acti-
vité d’un agent à un patient (cf. Baratin, 1998).
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B. Colombat (2003) trace à la perfection l’histoire problématique du concept


dans la tradition grammaticale latine, depuis Priscien jusqu’à l’époque hu-
maniste. Peu à peu, la transitivité, terme vague et de nature essentiellement
sémantique , va devenir plus technique, il se grammatise et devient syntaxique
pour servir à l’étude des constructions du verbe avec les cas obliques. Il nous
commente que :
« les grammairiens semblent avoir hésité entre une conception large, plutôt
sémantique, de la transitivité et une conception étroite restreignant son champ
à des phénomènes syntaxiques parfaitement délimités » (Colombat 2003 : 153)
et que  
« si la notion moderne de transitivité donne lieu à tant de débats et de malen-
tendus, c’est notamment parce qu’elle a reçu au cours de son élaboration des
interprétations divergentes, voire contradictoires » (Colombat 2003 : 154).
Ainsi, la transitivité constituera une des bases de la syntaxe médiévale, étant
donné que toute construction s’effectue par l’intermédiaire de la transition ou
de l’intransition :
« il y aurait donc, d’un côté une transition se référant à l’action et à la passion,
qui serait une transition propre, définie par opposition à la construction intran-
sitive ; et de l’autre, une construction transitive impropre, marquée par le jeu
d’une préposition » (Chevalier 1968 : 55-56).
Le XVIe siècle et l’époque humaniste se caractérisent par le maintien de la
vieille distinction entre action et passion1 à laquelle on ajoute celle entre tran-
sitif et intransitif qui apparaît , par exemple, chez Palsgrave ou chez Meigret,
même s’ils n’emploient pas directement ces vocables. (cf. Chevalier, 1968 :155)

1. Cette opposition est encore vivante au XVIe siècle. Chez Meigret nous pouvons lire : « le
verbe est une partie du langage signifiant action ou passion avec temps et modes. (…)
Comme donc il soit deux genres de verbes : l’un actif et l’autre passif » (1550 : 64-65).

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Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe

La définition et les anciens classements de verbes sont retenus et simplifiés en


actifs, passifs et neutres, classes qui vont perdurer jusqu’à Port-Royal et les
grammaires du XVIIIe siècle2.
La signification et même la portée de la (in)transitivité sont déjà traitées dans
les grammaires, et cela depuis le XIVe siècle. C. Lecointre commente ces faits à
propos de l’œuvre de Thomas d’Erfurt, en les illustrant comme suit :
« (…) définie de manière résolument non formelle, la construction (in)transi-
tive, avec toutes ses variétés, unit (notamment) les dimensions sémantique et

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syntaxique. Deux traits principaux paraissent la caractériser : 1) Transitivité et
intransitivité ne sont pas des propriétés spécifiques du verbe en ce sens qu’elles
ne relèvent pas du verbe en tant que partie du discours. 2) La construction
(in)transitive n’est pas uniquement verbale, ce qui implique d’une part que la
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transitivité / intransitivité affecte également des constructions ne comportant


pas de verbe, et d’autre part que la transitivité / intransitivité caractérise la
construction et non les parties du discours. Ces deux traits ne sont pas sans
lien. (…) ou bien la transitivité / intransitivité est une propriété du verbe (elle
est un fait de langue qui permet en particulier de distinguer sur cette base dif-
férents types de verbes), ou bien elle détermine un type de construction, alors
elle relève du discours et ne concerne pas exclusivement le domaine verbal »
(1998 :26-27).
En outre, cette double dimension syntactico-sémantique du phénomène, à tra-
vers l’étude de la relation entre le verbe et le génitif, le datif ou l’ablatif, amène
l’introduction d’une transitivité de régime prépositionnel : la transitivité dite
indirecte des grammaires du français, qui correspondrait à la transitivité im-
propre de la syntaxe médiévale3.
Nous retrouvons cette idée de transitivité au sens large, et dépassant le do-
maine verbal, chez Blinkenberg (1960) et dans quelques grammaires récentes
(par ex. Denis et Sancier-Château, 1993), et l’alternance entre transitif direct et
2. Arnauld et Lancelot maintiennent ce classement , même s’ils le critiquent: « Mais c’est une
erreur commune, de croire que tous ces verbes signifient des actions ou des passions (…)
Cela n’empêche pas néanmoins qu’on ne puisse retenir la division commune de ces verbes
en actifs, passifs et neutres » (1660 : 128), et ils assimilent les actifs aux transitifs et les
neutres aux intransitifs (1660 : 128-129). Restaut différencie le verbe actif, neutre, passif,
réciproque et impersonnel (1730 : 244) et l’abbé Girard nous parle de verbes actifs, passifs,
neutres et réciproques (1747, II : 32-48). Beauzée, pour sa part, divise les verbes connotatifs
ou concrets en actifs, passif et neutres « selon que l’attribut déterminé compris dans leur
signification est une action du sujet même, ou une impression produite dans le sujet sans
concours de sa part, ou un simple état qui n’est dans le sujet ni action ni passion » (1767, I :
415).
3. “La notion de transition mentionnée dans la définition des constructions transitive et in-
transitive intervient également lors de la relation du verbe neutre avec le génitif, le datif et
l’ablatif ; appliquée à la construction des prépositions, elle permet l’introduction de ce que
la terminologie française actuelle nomme, en une expression hybride, transitivité indirecte »
(Lecointre, 1998 : 28).

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Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...

transitif indirect d’usage dans la plupart des études et des manuels , à de rares
exceptions près4.
La Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal et les grammaires géné-
rales philosophiques et encyclopédiques du XVIIIe siècle nous replongent dans
la syntaxe de l’accord et du régime, avec l’idée de complément (Dumarsais et
puis Beauzée) comme centre de l’analyse syntaxique de la proposition. Mais
cette théorie de la complémentation se base, d’une manière générale, sur le
besoin sémantique ; l’axe synthétique et l’axe analytique se rejoignent : analyse

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grammaticale et analyse logique vont de pair.

3 Les grammaires scolaires


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Les différences entre la première et la deuxième grammaire scolaire sont


considérables. La première est encore héritière, sur certains points, de l’esprit
de Port-Royal et des principes philosophiques des grammaires générales du
XVIIIe siècle. La deuxième, par contre, suppose une rupture avec le chapsa-
lisme au profit d’un enseignement plus pratique (et plus réel) de la langue, dans
un but de réforme pédagogique, qui entraîne tout de même une dégradation
théorique évidente.
Pourtant, le souci d’enseigner la langue et l’orthographe «  à tous les petits
Français » l’emporte, ce qui provoque l’avènement d’une série de classements
formels, de toute une batterie de règles grammaticales à mettre en place et, sur-
tout, d’une théorie des fonctions complètement nouvelle : « Le régime direct va
devenir une notion centrale de la grammaire scolaire, induire toute une syntaxe
des fonctions, et restructurer autour de celle-ci tout l’enseignement grammati-
cal », d’après Chervel (1977 :46).
La transitivité est étudiée à partir de cette nouvelle conception des fonctions,
surtout avec la deuxième grammaire scolaire et la naissance du complément
circonstanciel, et elle va trouver son centre, à partir de 1900, dans l’idée d’objet
(cf. supra), situation que vont hériter, en plein essor, les grammaires françaises
du XXe.
Ce réarrangement de la grammaire et de la syntaxe autour du système des fonc-
tions affecte toutes les classes de mots, notamment le verbe : dans la première
4. Il s’agit des grammaires de Wagner et Pinchon (1962) , Dubois (1967), Martinet (1979),
Le Goffic (1993) ou Grevisse - Goosse (1993) , de la syntaxe de Creissels (1995) ou de
l’étude de G. Lazard de 1994. Nous avons essayé de démontrer ailleurs (Pino, à paraître) que
l’existence de la transitivité indirecte répond à des questions d’ordre strictement sémantique,
qu’elle pose pas mal de problèmes, étant donné que la délimitation entre objets indirects et
compléments circonstanciels est toujours vague et imprécise en français, et que finalement,
pour l’accepter, il faut renoncer définitivement à la passivation comme critère d’identifica-
tion.

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Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe

grammaire scolaire tout fonctionnait et même les anciens classements (actifs-


passifs-neutres) pouvaient être maintenus, définis et expliqués par rapport au
complément direct. La présence dudit complément était la condition sine qua
non de l’existence du verbe actif, lequel pouvait, en outre, redevenir passif, les
restants étant classés comme neutres ou absolus. (cf. Chervel, 1977 : 243-246).
Avec la deuxième grammaire scolaire et l’introduction du circonstanciel dans
le système des fonctions, trois compléments sont en litige : direct, indirect et
circonstanciel, les limites de ce dernier restant confuses (étant donné l’exis-

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tence de circonstanciels construits directement et d’autres de construction indi-
recte). On recourt alors aux termes transitif (direct et indirect), intransitif et à
l’objet comme centre de la transitivité et du classement des verbes. La suivante
citation de Chervel résume parfaitement la situation à l’époque :
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« On appellera transitifs les verbes dont l’action se porte ou passe sur un objet,
qu’il apparaisse dans la proposition comme complément direct ou indirect : ré-
compenser, obéir à. Seront intransitifs ceux qui n’ont pas d’objet, et ne peuvent
avoir que des compléments circonstanciels. L’ancienne classe des neutres est
donc ventilée en transitifs (indirects) et intransitifs. (…) Les trois compléments
fondamentaux ont donc remodelé à leur image la taxinomie des verbes. Actif
et passif n’apparaîtront plus désormais que comme des voix, ou des formes,
du verbe transitif direct. Quant à la notion d’objet qui fait l’unité des verbes
transitifs, on la retrouvera désormais dans la terminologie des compléments,
qui deviennent complément direct d’objet et complément indirect d’objet »
(1977 : 245).
Les trois compléments (COD-COI-CC) et puis l’attribut (à partir de 1910) sont
désormais à la base du classement des verbes et de la syntaxe qui s’organisent
par rapport à  ce nouveau cadre fonctionnel.

4 Les grammaires modernes


Sous cette rubrique nous regroupons quelques-unes des principales grammaires
du XXe siècle. À première vue, nous constatons quelques différences, pour ce
qui est de la transitivité, entre les tenants d’une perspective formaliste, les cou-
rants plus sémantiques et ceux qui essaient de concilier les deux voies.
Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une grammaire, La pensée et
la langue de F. Brunot, paru en 1926, représente un résumé et une réflexion
critique du savoir grammatical de l’ époque. Défenseur de la transitivité et du
terme transitif au sens étymologique et traditionnel, la dénomination transi-
tif indirect lui semble absurde, contradictoire, peu pédagogique et contraire à

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Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...

l’essence de son sens primitif : il ne l’admet pas ou l’admet à la limite et sous


toutes réserves5.
Les grammaires des années 40-60 présentent déjà quelques nouveautés à souli-
gner en ce qui concerne les constructions verbales.
G. Galichet, dans son Essai de grammaire psychologique, parle « des valeurs
que prennent les verbes selon l’emploi qu’on en fait” (1947 : 27), pour préciser
que l’analyse part du verbe, mais qu’il ne faut plus fixer et étudier les classes
de verbes comme des compartiments étanches, car un même verbe (ou tous)

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est susceptible de se présenter dans des emplois différents, comme transitif ou
comme intransitif (cf. Galichet, 1947 : 136) : voici la principale innovation de
sa grammaire. Par contre, dans une syntaxe de la même année, nous trouvons
le classement classique en verbes subjectifs ou intransitifs (le verbe à lui seul
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épuise l’idée de l’action) et objectifs ou transitifs (l’action s’accomplit en un


terme qui lui est accolé, l’objet) ; ces derniers se subdivisent en transitifs di-
rects et transitifs indirects , ce qui répond, tout simplement, à une différence de
construction (cf. Wartburg-Zumthor, 1947 : 188-189).
Il y a trois grammaires des années 60 dont la terminologie et les conceptions
générales sur le problème de la transitivité coïncident globalement : il s’agit
des Éléments de syntaxe structurale de L. Tesnière (1959), la Grammaire du
français classique et moderne (1962) de R. L. Wagner et J. Pinchon et la Gram-
maire structurale du français : le verbe de J. Dubois (1967). Ces trois travaux
ont été l’objet d’une thèse de doctorat dans les années 80 où l’auteur analyse la
problématique théorique liée à la notion de transitivité.
L’auteur des Éléments de syntaxe structurale ne parle pas de transitivité mais
de verbe transitif qu’il définit comme des  verbes à deux actants où l’action
passe ou transite de l’un à l’autre (cf. Tesnière, 1959 : 242), et qu’il oppose aux
neutres ou intransitifs, en tant que verbes d’action et non d’état (cf. Tesnière,
1959 : 240) .
Wagner et Pinchon, par contre, traitent la transitivité en tant que «  propriété
qu’a un procès, évoqué par un verbe, d’être décrit alternativement du point de

5. “Parmi les verbes objectifs, il y a d’abord ceux que la nomenclature officielle appelle
transitifs directs et qu’il sera préférable d’appeler simplement transitifs. (…) Le nom de
transitif y est réservé aux verbes de forme active qui prennent un objet direct. C’est là le
sens étymologique et traditionnel des deux appellations. Il est à craindre qu’en prétendant
les changer arbitrairement, on n’amène des confusions. En outre, on perd le moyen pratique
qu’on conseille aux élèves pour reconnaître si un verbe est transitif, moyen qui consistait
à essayer de le transformer en verbe passif, en faisant de l’objet le sujet. Ce n’est pas que
nous nous fassions illusion sur la valeur du mot transitif. Comme la plupart des autres, il
ne vaut rien. Tous les transitifs ne se prêtent pas à l’expérience, tant s’en faut. (…) Mais ce
sera encore pis, si transitif doit signifier en général : qui passe sur un objet directement ou
indirectement » (Brunot, 1926 : 308-309).

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Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe

vue du sujet (agent) et du point de vue de l’objet (patient) » (1962 :284) ; ainsi


s’opposent verbes intransitifs (impossibilité de passivation : le procès est repré-
senté uniquement du point de vue de l’agent ou du siège) et transitifs (caracté-
risés par la possibilité de la tournure passive, avec échange de l’objet en sujet)
(cf. Wagner et Pinchon, 1962 : 280-284).
J. Dubois parle dans sa Grammaire structurale de verbes actifs et passifs
comme deux pôles qui s’opposent : actif et transitif sont cependant deux termes
à ne pas confondre, tout verbe transitif étant actif, mais l’inverse n’est pas tou-

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jours vrai : la transitivité est intimement liée à la possibilité d’existence (emploi
absolu) ou présence effective de l’objet (cf. Dubois, 1967, 19-27 et Lebaud,
1984, 39-52).
L’analyse comparative et critique des trois ouvrages réalisée par Lebaud in-
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siste sur la même conception générale du phénomène de la transitivité, conçue


comme un « transfert des effets d’une action initiée par un agent à un patient.
(…) Dans ces trois grammaires le domaine de validité de la transitivité (no-
tionnelle) est restreint à un schéma dont le deuxième actant est un complément
essentiel direct » (Lebaud, 1984 : 145 et 147).
Quant au reste des ouvrages des années 60, la Grammaire Larousse du fran-
çais contemporain (1964), pour sa part, insiste sur l’idée, présente déjà chez
Galichet, qu’il est préférable de parler d’emplois ou de constructions transitives
(directes ou indirectes) ou intransitives et rejettent un classement des verbes
d’après leur nature : « Classer les verbes comme des espèces qui seraient, par
nature, transitives ou intransitives est d’un usage difficile. La langue, en effet,
ne manque pas de fournir des exemples qui ruinent, à peine entrepris, ces essais
de classification » (Chevalier et al., 1964 : 321).
Pourtant, la Syntaxe du français moderne des frères Le Bidois (1967) de même
que la neuvième édition du Bon usage de M. Grevisse (1967) divisent les
verbes en intransitifs et transitifs, ces derniers pouvant être directs ou indirects,
d’après la construction du complément.
Dans les années 70, Baylon-Fabre dans leur Grammaire systématique de la
langue française utilisent toujours ce classement devenu classique : sans objet
(intransitif), avec objet direct ou indirect (transitifs), en ajoutant les bitransitifs,
qui se combinent avec au moins trois SN : le sujet, le COD et le COI (1973 :
172-173), alors que Martinet dans sa Grammaire fonctionnelle du français
part, pour effectuer son classement, de la fonction spécifique d’objet (COD), en
soulignant que les verbes transitifs connaissent cette fonction et les intransitifs
l’ignorent : la transitivité est donc uniquement liée à la fonction objet (COD) et
la diathèse aide à son identification.
À partir des années 80 les grammaires prolifèrent, mais les nouveautés sont
plutôt rares : soit elles révisent les différentes acceptions (sémantique et syn-

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Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...

taxique) du concept de transitivité, en précisant que transitif signifie plutôt


transitivable, c’est-à-dire capable de se construire avec un objet – direct ou
indirect –, ce qui veut dire que la présence dudit complément n’est pas formel-
lement obligatoire, n’est pas imposée (cf. Arrivé-Gadet-Galmiche, 1986 :674-
675, Denis et Sancier-Château, 1993 : 516-522 ou Wilmet, 1997 : 514-523),
soit elles insistent sur les différents rapports sémantiques instaurés entre verbe
et objet pour conclure que l’ (in)transitivité caractérise les différents types de
constructions verbales , comme c’est le cas de la Grammaire méthodique du
français (Riegel et al., 1994  : 218-221), soit finalement elles restreignent le

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concept de transitif aux constructions comportant un objet direct, en récupérant
ainsi le sens traditionnel (Grevisse-Goosse, 1993 : 393 et 1126 ou Le Goffic,
1993 : 233 et 330).
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Les grammaires normatives suivent, tout simplement, le classement imposé au


XIXe siècle avec les grammaires scolaires, en l’adaptant à leurs besoins et à la
réalité linguistique du moment : les plus formelles restreignent le domaine de
la transitivité à un schème à deux ou trois actants, le deuxième étant toujours
un complément d’objet direct, et celles à tendance plus sémantique (la plupart,
d’ailleurs) accordent à l’ (in)transitivité des contours vagues et imprécis.
Les plus récentes, à l’esprit plus critique, entrevoient la problématique autour
du phénomène et de ses acceptions variées (Arrivé-Gadet-Galmiche, 1986  :
674-675), ou bien insistent sur les relations verbe-objet (Riegel et al., 1994 :
218-220) ou vont plus loin, en mettant en cause toute la classification: « Dé-
cevant précipité de cent ans d’agitation grammairienne, le verbe tombe de son
piédestal et les compléments font la loi » (Wilmet, 1997 : 524).

5 Épilogue
En résumé, nous essaierons de faire un bilan critique à propos des différents
classements opérés par rapport aux notions de transitivité et d’intransitivité.
Il faudrait insister sur le fait que c’est dans les grammaires du XIXe siècle que
tout l’appareil se met en place, et on invente cette dichotomie classificatoire
des verbes pour enseigner les règles d’accord du participe passé avec l’objet.
Il y a tout un bouleversement grammatical autour de ce phénomène qui exige
la constitution d’une nouvelle grammaire et qui va supposer la rupture en toute
règle avec les grammaires des siècles précédents.
L’autre élément affecté par cette règle d’accord du participe est l’objet (com-
plément direct à l’époque), qu’on identifie au verbe actif (avec son contraire, le
passif), car cette classe verbale permet la découverte immédiate de l’objet avec
lequel le participe doit s’accorder dans certaines positions (cf. Chervel 1977 :
110-123).

379
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe

En ce qui concerne l’(in) transitivité, il faudrait souligner, tout d’abord, les deux
dimensions du phénomène (syntaxique et sémantique) qui ne se correspondent
pas toujours et qui entraînent des classements différenciés dans la classe ver-
bale.
Un autre problème à résoudre est celui de la transitivité dite indirecte (les verbes
transitifs indirects) : la distinction peut être pertinente ou s’avérer inutile sui-
vant la conception générale de la transitivité que l’on adopte.
Nous considérons que la transitivité répond à un type de structuration syn-

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taxique de la phrase qui suppose une relation fonctionnelle et sémantique entre
certains constituants, qui se manifeste dans un schème précis : S-V-O consti-
tuant le prototype  : ces trois constituants doivent posséder des propriétés et
des caractéristiques d’ordre sémantico-syntaxique qui les font s’approcher ou
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s’éloigner du modèle. De cette perspective, la transitivité est conçue en termes


scalaires, comme une gradation de constructions ou d’emplois plus ou moins
transitifs ou même plus ou moins transitifs que d’autres : les constructions ver-
bales ne seront plus transitives ou intransitives ; elles se situeront dans une ou
l’autre position de l’échelle transitive.

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