Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
De Boeck Supérieur | « Champs linguistiques »
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
1 Préliminaires
Le but de cette contribution répond au désir d’éclaircir certains concepts liés à
la définition et à l’étude des structures ou constructions transitives /vs/ intransi-
tives dans les grammaires de français.
Une révision détaillée de plusieurs manuels en usage nous ont permis de com-
parer et surtout de constater que des notions, en principe connues de tous et
apparemment bien définies, restent dans le flou ou s’avèrent contradictoires
lorsqu’on veut les utiliser pour définir, étudier et délimiter les constructions
verbales du français : il s’agit de concepts tels que objet, transitivité (et son
pendant intransitivité) et diathèse.
Nous avons étudié et démontré ailleurs (Pino, 2000) que l’idée d’objet est tou-
jours une notion vague, diffuse et difficile à cerner. A. Chervel commente, dans
son histoire des grammaires scolaires, les vicissitudes qu’a connues cette no-
tion qui est au centre des analyses et reclassements des compléments à partir de
1910 : l’apparition du circonstanciel ( et sa reconnaissance au moyen de où ?,
quand ?, comment ? et pourquoi?) provoque une restructuration dans la vaste
classe des compléments indirects. On essaie de mettre en place plusieurs tenta-
tives de classement, de type distributionnel (en réservant le terme indirect aux
compléments introduits par à, de et par), sémantique (en opposant les termes
371
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
essentiels -les indirects- aux accessoires -les circonstanciels-) ; mais ainsi aussi
il y a des chevauchements entre les deux classes : (à Lyon, dans je vais à Lyon,
est un complément essentiel et répond à où ?); c’est pourquoi, toujours suivant
le critère du caractère nucléaire du complément et de sa liaison étroite avec le
verbe, on finit par caractériser ces compléments en adoptant le modèle du com-
plément direct (le plus étroitement lié à l’action verbale, l’objet de l’action) :
« c’est donc la notion d’objet qui va être au centre du nouveau reclassement.
Elle n’est guère plus nette que les précédentes (complément essentiel ou terme
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
de l’action), mais elle permet de dégager un critère assez extensible : il y a
complément indirect lorsqu’on pourrait trouver un sens équivalent avec un
complément direct, en changeant le verbe : nuire à quelqu’un signifie à peu
près gêner quelqu’un », nous dit Chervel (1977 :180).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
372
Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...
Les données obtenues serviront à démontrer que le classement des verbes, tel
que nous le connaissons aujourd’hui, naît à un moment donné et pour des rai-
sons pédagogiques évidentes, qu’il répond à des objectifs clairs et précis, mais
surtout que ce genre de division reste théorique et un peu irréel, car il pose plus
de problèmes qu’il n’en résout.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
Dans la grammaire ancienne, la transitivité est conçue autour de deux idées
principales : la métabase et la diathèse : il s’agit d’une théorie graduelle sur le
changement d’actants et non seulement le simple passage (transition) de l’acti-
vité d’un agent à un patient (cf. Baratin, 1998).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
1. Cette opposition est encore vivante au XVIe siècle. Chez Meigret nous pouvons lire : « le
verbe est une partie du langage signifiant action ou passion avec temps et modes. (…)
Comme donc il soit deux genres de verbes : l’un actif et l’autre passif » (1550 : 64-65).
373
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
syntaxique. Deux traits principaux paraissent la caractériser : 1) Transitivité et
intransitivité ne sont pas des propriétés spécifiques du verbe en ce sens qu’elles
ne relèvent pas du verbe en tant que partie du discours. 2) La construction
(in)transitive n’est pas uniquement verbale, ce qui implique d’une part que la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
374
Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...
transitif indirect d’usage dans la plupart des études et des manuels , à de rares
exceptions près4.
La Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal et les grammaires géné-
rales philosophiques et encyclopédiques du XVIIIe siècle nous replongent dans
la syntaxe de l’accord et du régime, avec l’idée de complément (Dumarsais et
puis Beauzée) comme centre de l’analyse syntaxique de la proposition. Mais
cette théorie de la complémentation se base, d’une manière générale, sur le
besoin sémantique ; l’axe synthétique et l’axe analytique se rejoignent : analyse
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
grammaticale et analyse logique vont de pair.
375
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
tence de circonstanciels construits directement et d’autres de construction indi-
recte). On recourt alors aux termes transitif (direct et indirect), intransitif et à
l’objet comme centre de la transitivité et du classement des verbes. La suivante
citation de Chervel résume parfaitement la situation à l’époque :
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
« On appellera transitifs les verbes dont l’action se porte ou passe sur un objet,
qu’il apparaisse dans la proposition comme complément direct ou indirect : ré-
compenser, obéir à. Seront intransitifs ceux qui n’ont pas d’objet, et ne peuvent
avoir que des compléments circonstanciels. L’ancienne classe des neutres est
donc ventilée en transitifs (indirects) et intransitifs. (…) Les trois compléments
fondamentaux ont donc remodelé à leur image la taxinomie des verbes. Actif
et passif n’apparaîtront plus désormais que comme des voix, ou des formes,
du verbe transitif direct. Quant à la notion d’objet qui fait l’unité des verbes
transitifs, on la retrouvera désormais dans la terminologie des compléments,
qui deviennent complément direct d’objet et complément indirect d’objet »
(1977 : 245).
Les trois compléments (COD-COI-CC) et puis l’attribut (à partir de 1910) sont
désormais à la base du classement des verbes et de la syntaxe qui s’organisent
par rapport à ce nouveau cadre fonctionnel.
376
Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
est susceptible de se présenter dans des emplois différents, comme transitif ou
comme intransitif (cf. Galichet, 1947 : 136) : voici la principale innovation de
sa grammaire. Par contre, dans une syntaxe de la même année, nous trouvons
le classement classique en verbes subjectifs ou intransitifs (le verbe à lui seul
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
5. “Parmi les verbes objectifs, il y a d’abord ceux que la nomenclature officielle appelle
transitifs directs et qu’il sera préférable d’appeler simplement transitifs. (…) Le nom de
transitif y est réservé aux verbes de forme active qui prennent un objet direct. C’est là le
sens étymologique et traditionnel des deux appellations. Il est à craindre qu’en prétendant
les changer arbitrairement, on n’amène des confusions. En outre, on perd le moyen pratique
qu’on conseille aux élèves pour reconnaître si un verbe est transitif, moyen qui consistait
à essayer de le transformer en verbe passif, en faisant de l’objet le sujet. Ce n’est pas que
nous nous fassions illusion sur la valeur du mot transitif. Comme la plupart des autres, il
ne vaut rien. Tous les transitifs ne se prêtent pas à l’expérience, tant s’en faut. (…) Mais ce
sera encore pis, si transitif doit signifier en général : qui passe sur un objet directement ou
indirectement » (Brunot, 1926 : 308-309).
377
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
jours vrai : la transitivité est intimement liée à la possibilité d’existence (emploi
absolu) ou présence effective de l’objet (cf. Dubois, 1967, 19-27 et Lebaud,
1984, 39-52).
L’analyse comparative et critique des trois ouvrages réalisée par Lebaud in-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
378
Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
concept de transitif aux constructions comportant un objet direct, en récupérant
ainsi le sens traditionnel (Grevisse-Goosse, 1993 : 393 et 1126 ou Le Goffic,
1993 : 233 et 330).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
5 Épilogue
En résumé, nous essaierons de faire un bilan critique à propos des différents
classements opérés par rapport aux notions de transitivité et d’intransitivité.
Il faudrait insister sur le fait que c’est dans les grammaires du XIXe siècle que
tout l’appareil se met en place, et on invente cette dichotomie classificatoire
des verbes pour enseigner les règles d’accord du participe passé avec l’objet.
Il y a tout un bouleversement grammatical autour de ce phénomène qui exige
la constitution d’une nouvelle grammaire et qui va supposer la rupture en toute
règle avec les grammaires des siècles précédents.
L’autre élément affecté par cette règle d’accord du participe est l’objet (com-
plément direct à l’époque), qu’on identifie au verbe actif (avec son contraire, le
passif), car cette classe verbale permet la découverte immédiate de l’objet avec
lequel le participe doit s’accorder dans certaines positions (cf. Chervel 1977 :
110-123).
379
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
En ce qui concerne l’(in) transitivité, il faudrait souligner, tout d’abord, les deux
dimensions du phénomène (syntaxique et sémantique) qui ne se correspondent
pas toujours et qui entraînent des classements différenciés dans la classe ver-
bale.
Un autre problème à résoudre est celui de la transitivité dite indirecte (les verbes
transitifs indirects) : la distinction peut être pertinente ou s’avérer inutile sui-
vant la conception générale de la transitivité que l’on adopte.
Nous considérons que la transitivité répond à un type de structuration syn-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
taxique de la phrase qui suppose une relation fonctionnelle et sémantique entre
certains constituants, qui se manifeste dans un schème précis : S-V-O consti-
tuant le prototype : ces trois constituants doivent posséder des propriétés et
des caractéristiques d’ordre sémantico-syntaxique qui les font s’approcher ou
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
Références bibliographiques
Arnauld A. & Lancelot C., 1660, Grammaire générale et raisonnée de Port-
Royal, réimpression de l’édition de Paris, 1846, Genève, Slatkine Reprints,
1980.
Arrivé M., Gadet F. & Galmiche M., 1986, La grammaire d’aujourd’hui.
Guide alphabétique de linguistique française, Paris, Flammarion.
Baratin M., 1998, « Aperçu sur la transitivité chez les grammairiens anciens »,
IN Rousseau A. (ed.), La transitivité, coll. UL3, Travaux et recherches,
Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, pp. 15-18.
Baylon C. & Fabre P., 1973, Grammaire systématique de la langue française,
Poitiers, Nathan.
Beauzée N., 1767, Grammaire générale ou exposition raisonnée des éléments
nécessaires du langage pour servir de fondement à l’étude de toutes les lan-
gues, 2 vol., Stuttgart-Bad Cannstatt, Friedrich Frommann Verlag (Günther
Holzboog).
Blinkenberg A., 1960, Le problème de la transitivité en français moderne,
Copenhague, Munksgaard.
Brunot F., 1926, La pensée et la langue, 3e éd. Revue, Paris, Masson et Cie,
1965.
380
Intransitivité, transitivité et constructions verbales : de la grammaire scolaire à...
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
tion grammaticale latine. Quelques jalons de Priscien aux premiers huma-
nistes », Politiques Linguistiques 2/2, Histoire Épistémologie Langage,
tome XXV, fascicule 1, pp. 151-172.
Creissels D., 1995, Éléments de syntaxe générale, Paris, PUF.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
381
Histoire des représentations du sens linguistique : le domaine du verbe
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
derne, Paris, Hachette.
Wartburg W. Von. & Zumthor P., 19473, Précis de syntaxe du français
contemporain, Berne, Francke.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 28/06/2018 11h57. © De Boeck Supérieur
382