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Philippe Dehan
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La croissance urbaine commence avec le développement du capitalisme. Pour le géographe Pierre Georges un premier saut
d’échelle a lieu au moment de la naissance du grand commerce maritime et du début des grandes spéculations financières
et commerciales qui l‟accompagne : entre la fin du 15e et le début du 16e siècle1. Le commerce change de dimension, la
ville avec lui. De grandes villes naissent alors et, pour la première fois, on peut parler de métropoles. Amsterdam en est l‟un
des meilleurs exemples. L‟autre grande poussée urbaine conduisant à la constitution de très grandes villes, et à leur géné-
ralisation, est liée à l’industrialisation du 19e siècle. Cette dernière a des répercussions technologiques mais aussi écono-
miques et sociales. Le développement des industries « amorce un énorme mouvement géographique »2. La circulation des
matières premières et des produits fabriqués appelle la mise en service « de nouveaux systèmes de transports, de nouveaux
organismes de commercialisation »3. Parallèlement, les besoins en main d‟œuvre et la surpopulation des campagnes condui-
sent à des phénomènes importants de migrations de la campagne vers les villes.
La construction des chemins de fer, des ports, la création de grandes zones d‟entrepôts ou de production, conduisent à une
augmentation des dynamiques urbaines et à une modification radicale des formes et des densités urbaines. « Les villes qui
cumulent des activités productives, des activités de gestion, des activités d‟entrepôt ou de redistribution, de transport et de
transit, des activités culturelles et des activités administratives » deviennent très grosses. Le « noyau hérité de la période
précédente est très rapidement enfermé dans un magma plus ou moins organisé de constructions fonctionnelles et
résidentielles nouvelles »4. Cette croissance se fait « naturellement », c‟est à dire, sans organisation, ce qui engendre des
dysfonctionnements importants, ceux-là mêmes qui conduiront aux critiques hygiénistes et à l‟urbanisme moderne. Pierre
Georges souligne que le „laissez-faire‟ de l‟économie libérale appliqué au développement urbain, a un résultat lourd de
conséquences : « la période où les grandes villes se sont le plus développées et se sont développées le plus vite est celle où
elles ont grandi sans règle, sans principe, au grès de la spéculation des lotisseurs et des bâtisseurs d‟immeubles dits de
rapport »5.
La nouvelle croissance accentue ces maux, en introduisant les usines et leurs fumées, les taudis ou les casernes pour la main
d‟œuvre et leur famille, une croissance des transports, etc. conduisant à dégrader les conditions de vie d‟une population qui
s‟accroît fortement. Pour remédier, au moins partiellement à ces maux, les responsables améliorer la ville, en la dotant de
réseaux et d‟équipements (mairies, écoles, bains douches, …). Le 19 e siècle voit ainsi une grande mutation dans les structures
urbaines. Les réseaux existaient depuis les romains. Mais, mal entretenus, il étaient en mauvais état et n‟avaient pas suivi la
croissance de la ville. Au 19e siècle, se met en place une politique active de réforme et de développement des réseaux qui
s‟étendent et se généralisent. Gabriel Dupuy souligne que ce développement est une de principales caractéristiques de la
ville du 19e et 20e siècles6.
Cette croissance concerne tous les réseaux. Pour la distribution de l‟eau, dans un premier temps, à partir du 18e siècle, on
multiplie les fontaines dans la ville. Puis, on crée des points d‟eau dans les cours d‟immeubles. L‟eau arrivera enfin directe-
ment sur les paliers ou dans les logements. L‟assainissement suit un développement similaire. A la place des entreprises de
vidanges, se met en place, à partir de 1850, sous l‟action d‟Haussmann à Paris, un réseau d‟assainissement qui, progressive-
ment, devient le « tout à l‟égout ».
De nouveaux types de réseaux se mettent en place : le gaz au cours du 19e siècle, le téléphone après 1880, l‟électricité après
1910. L‟extension puis la généralisation des réseaux créent un nouveau type de relation entre les habitants qui modifie les
Etalement urbain
Après une phase de densification interne au cours de la première industrialisation, la croissance urbaine des villes euro-
péennes va, au 20e siècle, principalement s‟effectuer de manière exogène, c'est-à-dire par un étalement de l‟aire urbaine, et
non par une surdensification de la ville existante. Au cours du 20 e siècle, la ville tend progressivement à se dédensiffier au
cours de sa croissance ce qui induit une augmentation importante de la surface urbaine.
Premier étalement urbain : les zones pavillonnaires du 19e et début du 20e siècle
Alors que la croissance naturelle de la ville sous la pression de l‟industrie et de l‟économie de marché tend à créer des ban-
lieues à dominante industrielles autour de la ville, la deuxième moitié du 19e siècle voit naître un premier phénomène
d‟étalement urbain généralement lié au développement des voies ferrées : autour des gares se créent des lotissements pavil-
lonnaires. C‟est un premier phénomène de fragmentation de la ville, car ces lotissements ne se font pas dans la continuité
urbaine, mais sont directement liés à la gare : la ville n‟est plus continue.
Nous avons déjà vu que les lotissements de quelques patrons paternalistes constituent les premiers ensembles de maisons
individuelles qui, sauf dans quelques villes spécifiques comme Le Creusot ou Mulhouse, restent quantitativement négli-
geables. Mais, il n‟y a pas que les patrons pour s‟intéresser au sort des ouvriers. Des mouvements philanthropiques ou
coopératifs7 se créent autour de certaines personnalités pour favoriser l‟éclosion d‟un logement ouvrier. L‟abbé Lemire est
une personnalité importante de cette mouvance. Elu député, il milite ardemment pour introduire « la petite propriété insaisis-
sable » et parvient à développer des jardins ouvriers. Des jardins ouvriers sur lesquels bien souvent les locataires construisent
des « tonnelles », qu‟ils remplacent parfois par « des maisons construites par les jardiniers eux-mêmes »8. C‟est ainsi,
qu‟entre 1850 et 1894, se développent « spontanément » un certain nombre de quartiers pavillonnaires, dans la périphérie, sur
des terrains moins chers, souvent à proximité d‟une gare de banlieue. La première poussée constructive touche en particulier
Paris et les agglomérations minières du Nord et du Pas-de-Calais. Cette vague de « construction individuelle » se prolonge
entre 1870 et 1914 dans certaines régions, industrielles et minières. En fait, « les premiers à s‟installer, vers 1860, ne sont
généralement pas des ouvriers, à qui leur travail ne permet pas de quitter la ville, mais des retraités, des boutiquiers, des arti-
sans »9. Leurs raisons de s‟établir en banlieue : amélioration des transports, développement de l‟emploi sur place lié à
« l‟accroissement des activités industrielles des banlieues » mais aussi, la « pression croissante à l‟intérieur des villes ». Le
nombre d‟installations extra muros va croître et s‟étendre à des catégories sociales plus défavorisées. L‟extension de cette
première vague pavillonnaire suit les progrès des transports. Ainsi, à Paris, « les premières bicoques sont au pied des fortifi-
cations, mais ensuite le développement pavillonnaire s‟étend aussi loin que les tramway et les chemins de fer le permet-
7 DEZES Marie-Geneviève, La politique pavillonnaire, Centre de recherche d‟urbanisme, 1966, réed. L‟Harmattan, Paris 2001, p 182
8 Cabedoce Béatrice, « A Saint-Etienne : les jardins du père Volpette », in Cabedoce B. et Pierson Ph. (Dir) op. cit. p. 79
9 Raymond H., Haumont N., et Alii, « L‟habitat pavillonnaire », L'harmattan, Paris 2001. p 34
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tent »10. Mais « ces constructions sont des constructions sauvages dans la mesure où elles se développent hors de toute ré-
glementation : pas d‟eau, pas d‟égout, pas d‟évacuation des ordures »11.
Emergence du logement populaire : des HBM aux lotissements défectueux
Comme nous l‟avons déjà vu, la situation du logement populaire n‟était pas bonne au 19 e siècle. La première guerre mondiale
accentue les choses. Les destructions, d‟abord, aggravent la situation. En 1918, on dénombre 450000 logements détruits.
Ensuite, au mois de mars 1916, le gouvernement instaure, par décret, un moratoire permettant aux locataires de suspendre le
paiement des loyers. Ces mesures concernent les familles des mobilisés, les veuves, et autres victimes de la guerre. Mais au
sortir de la guerre, en 1919, une loi instaure le blocage des loyers, ce qui conduit à la chute de l‟investissement privé dans la
construction et à la suppression de la construction « d‟immeubles de rapport ». Ainsi, de manière paradoxale, cette loi à
vocation sociale, accentue la crise du logement déjà très forte et qui touche d‟abord les couches populaire, mais aussi les
classes moyennes. Face à cette situation catastrophique, l‟Etat va essayer, progressivement d‟impulser de nouvelles
dynamiques pour que des organismes para public (office public de HBM) prennent le relais des patrons éclairés, des
coopératives ouvrières et des philanthropes.
En 1894, une première loi avait été promulguée qui créait les Comités locaux d'habitations à bon marché (HBM) – ancêtres
des HLM - qui va conduire à la réalisation de logements sociaux sous différentes formes, pavillons ou « immeubles HBM »,
qu‟on trouve en particulier le long des boulevards extérieurs de Paris.
En 1919, deux textes de lois élargissent les sources de financement public offertes aux offices d‟HBM : un crédit de 300
millions de francs à la caisse des dépôts et consignations est créé pour fournir des prêts aux offices d‟HBM lorsque la
construction est destinée à des logements locatifs. En 1928, la loi Loucheur engage l‟Etat pour une durée de cinq ans, sur un
programme de financement permettant la réalisation de HBM qui conduira à la réalisation de 40 000 logements.
Les opérations de HBM se multiplient à Caen et à Lyon (1919), à Bordeaux (1920), Grenoble et Saint-Etienne (1921), Brest
(1922). A Saint-Etienne, on prévoit d‟emblée la construction de 808 logements et de 110 immeubles dans les quartiers les
plus délabrés. A Paris, quelques réalisations voient le jour dans les arrondissements périphériques, puis les HBM
commencent à se bâtir à plus grande échelle le long des anciennes fortifications, sur les boulevards extérieurs. Des réalisation
qui elles confortent plutot la densité de la ville et seront d‟ailleurs souvent critiquées pour cela par les hygiénistes.
Mais cette naissance du logement social public prend aussi la forme d‟une deuxième grande vague de constructions
pavillonnaires entre 1915 et 1939. C‟est d‟ailleurs une période où le nombre de maisons individuelles construites dépasse
largement le nombre de logements collectifs 12 , ce qui contribue à accentuer l‟étalement urbain.
La loi Loucheur est dans la perspective philosophique de l‟abbé Lemire. Elle encourage « la petite propriété »13 et définit le
premier programme général de construction des pavillons dits de "banlieue" avec l'objectif de faire 500 000 „‟nouveaux
propriétaires‟‟. C‟est ainsi que vont naître les banlieues pavillonnaires des grandes villes.
Malheureusement, n‟étant pas encadré par des règlements adéquats, les lotissements induits par la loi Loucheur, furent
souvent réalisées par des spéculateurs sans scrupule qui continuèrent à édifier des lotissements dit « défectueux » c‟est à dire,
sans voirie équipée ni réseaux. L‟image de ces nouvelles banlieues et de la maison individuelle n‟est alors pas très bonne.
La reconstruction
De 1945 à 1954, on va reconstruire, c‟est à dire permettre aux propriétaires de retrouver un bien équivalent à ceux qu‟ils ont
perdu. Cette période de la Reconstruction produit des formes urbaines et une architecture typiques, reconnaissables malgré la
volonté de respecter un certain régionalisme. Elle marie normalisation et industrialisation de certains composants constructifs
(préfabrication) et composition classique, autour d‟un îlot modernisé et aéré. La reconstruction permet de réparer les villes
détruites, mais ne résout en rien la crise du logement.
14 Cité par Jacques Lucan et Odile Seyler, Logement social 1950-1980, Bulletin de l‟IFA supplément au n°95, mai
1985
15 Lucan et Seyler op. cit., p2
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exemple la ville nouvelle, de la Haie Bergerie, à Villepreux dans les Yvelines 16 qui comporte environ 1500 logements, puis la
ville nouvelle de Maurepas qui deviendra le premier noyau de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. Son architecte,
Roland Priédieri, raconte la difficulté de faire autre chose que ce que l‟Etat avait définit. L‟Etat finançait, l‟Etat délivrait les
permis de construire, ses représentants firent tout pour empêcher la construction de la Haie Bergerie qui proposait une
alternative aux grands ensembles. Seuls quelques ministres qui n‟étaient pas convaincus de la politique de l‟Etat aidèrent
Riboud pour faire aboutir ses opérations.
L‟ensemble de ces objectifs va conduire à transformer les opérations et les formes urbaines qu‟elles constituent :
- augmentation progressive de la taille des opérations (jusqu‟à 3000 voire 10000 logements) ;
- transformations des formes urbaines avec abandon de la relation espace public/espace construit et
implantation des édifices dans un parc plus ou moins bien fait ;
- maîtrise globale du sol par la création de grandes entités non redécoupées.
. déterritorialisation du bâti : les cités-jardins restaient sur une structure foncière de base similaire à celle de la ville
ancienne. Elles étaient simplement plus aérées. Des voies découpent des îlots divisés en parcelles sur lesquelles s‟implantent
des bâtiments de la dimension d‟un immeuble ou d‟une maison. A l‟opposé, l‟urbanisme moderne cherche à disposer d‟un
« sol libre » où l‟on peut bâtir sans contrainte : l‟immeuble est déterritorialisé et le sol n‟appartient plus à ses habitants, mais
seulement au gestionnaire, impersonnel ou collectif. Ce qui limite les possibilités d‟évolution de la ville.
. fragilité des espaces publics : les formes urbaines de l‟urbanisme moderne pose deux autres problèmes. Le premier est
celui d‟une extension extraordinaire des surfaces collectives qu‟il faut aménager puis entretenir. Le second est celui d‟une
diminution des traitements minéraux au profit des espaces végétaux. Or un espace vert est beaucoup plus fragile qu‟un
espace urbain minéral et doit régulièrement être entretenu. Dans les quartiers riches, les parcs sont bien entretenus mais, dès
qu‟il y a moins d‟argent ou/et des problèmes sociaux, la dégradation du milieu physique est très rapide. Beaucoup plus que
dans un espace urbain traditionnel.
En conclusion, le bilan de l‟urbanisme moderne n‟est pas totalement négatif : certaines réalisations de cette époque sont
remarquables. L‟avantage de cet urbanisme est qu‟il propose des résidences centrées sur un parc préservé des nuisances
automobiles. Lorsque les conditions sociales et financières sont réunies, certains ensembles fonctionnent bien, quarante ans
après leur construction : à Boulogne, Meudon la Forêt, Marly-le-Roi, Neuilly-sur-Seine, etc., lorsque les réalisations sont de
qualité, que les espaces verts sont entretenus, qu‟il n‟y a pas de problèmes sociaux, même si ce n‟est pas vraiment de la ville,
l‟urbanisme moderne produit des résidences agréables où l‟on habite dans la verdure. Sans doute l‟urbanisme moderne,
coûteux dans sa structure comme dans son entretien, aurait-il du être réservé aux riches.
Il n‟en va en effet pas de même des quartiers populaires, en tout cas, dans les pays où les gens ont le choix de leur logement
et peuvent quitter les grands ensembles pour acheter une maison individuelle.
Tout avait pourtant bien commencé. Dans un premier temps, malgré d‟innombrables problèmes de réalisation, les grands
ensembles furent habités par les classes populaires et moyennes, satisfaites d‟avoir enfin un appartement suffisamment grand
et équipé de toutes les facilités : salle de bain, wc, etc. Au tournant des années 60, les familles abandonnent volontiers, leurs
petits logements surpeuplés et sans confort pour les grands ensembles.
Ils furent pourtant rapidement critiqués. Pour leur monotonie, pour leur manque d‟équipements urbains, pour leurs situations
excentrées et sans transport collectif, pour leur manque de respect vis-à-vis des modes de vie, …, mais aussi pour leurs
formes urbaines. C‟est ainsi que, dès 1961, Jane Jacobs publie aux USA, « Death and life of great american cities » dans
lequel elle critique cette forme d‟urbanisme et prône un retour aux principes traditionnels, en s‟appuyant sur les questions
sociales, alors que les sciences sociales sont totalement oubliées par les architectes modernes. En France, au début des années
60, le suicide d‟une habitante dépressive dans le grand ensemble de Sarcelle, conduit un journaliste à inventer le terme
« sarcellite » qui aura une grande fortune.
En fait, au début des années 60, les conditions matérielles de la vie dans les grands ensembles sont plutôt mauvaises dès
qu‟on sort de son logement bien équipé. Mais pas le climat social : on vit dans la boue, dans un chantier permanent, avec des
difficultés pour se déplacer, pour faire les courses, etc., mais cela crée des solidarités, on s‟entraide, on se ligue contre le
gestionnaire défaillant.
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La dégradation du climat social des grands ensembles commence dans les années 70 et s‟étend au début des années 80, à
cause de trois principaux facteurs :
- la libéralisation de la construction de la maison individuelle qui conduit les classes moyennes à partir pour réaliser leur
rêve : acheter une maison individuelle, ce qui induit une homogénéisation sociale par le bas de la population ; ce
phénomène n‟a pas eu lieu dans d‟autres pays comme les pays de l‟est et, du coup les grands ensembles - pourtant aussi
mal construit que les français – ne sont pas devenus des ghettos (pas encore ?).
- la politique de regroupement familial qui conduit les familles des migrants à remplacer les classes moyennes dans les
grands ensembles, alors que ce type de logement est totalement inadapté aux modes de vie d‟étrangers qui sont des
ruraux déracinés.
Les promoteurs des grands ensembles (architectes, maîtres d‟ouvrage, organismes HLM, Etat) avaient conscience de
l‟inadéquation des logements proposés pour reloger les habitants des bidonvilles. Mais ils adhéraient alors à la vision
optimiste d‟un homme universel. Ils ne s‟intéressaient ni à la sociologie ni à l‟ethnologie mais croyaient à la vertu éducatrice
de l‟espace. Dans leur esprit, il fallait éduquer la population, lui apprendre à habiter, pour qu‟elle fasse bon usage des
nouveautés techniques, eau chaude, baignoire, cuisinière, chauffage... On cite régulièrement l‟anecdote d‟une famille qui
utilise la baignoire pour entreposer son charbon ! C‟est ainsi qu‟on a créé des cités de transits, dans lesquelles les nouveaux
urbains, déracinés de leurs campagnes françaises ou coloniales, devaient s‟adapter progressivement au confort de la vie
moderne avant d‟intégrer un grand ensemble. Malheureusement, les habitants de ces cités provisoires ont souvent du attendre
20 ou 30 ans avant d‟être relogés, dans de mauvaises conditions.
- le chômage qui, à partir de la crise pétrolière de 1973, touche beaucoup les habitants des grands ensembles, en particulier
les travailleurs immigrés, ce qui déstabilise leurs structures familiales.
Ainsi, la structure sociale des habitants des grands ensembles se modifie en profondeur en une décennie décennies :
nivellement social par le bas, ségrégation. Ceux qui restent sont ceux qui ne peuvent pas partir. Cette fragilisation de la
population avec l‟augmentation du taux d‟inactivité, la déstabilisation des familles, de leur culture, de leurs repères conduit à
une concentration des problèmes. De coup on constate une augmentation des loyers impayés qui conduit alors certains
organismes HLM à minimiser l‟entretien de leur patrimoine, ce qui induit une spirale de dégradation matérielle et
symbolique du lieu.
Toutes les conditions sont réunies pour une dégradation des grands ensembles qu‟aucune des politiques successives ne
parviendra à enrayer de manière globale malgré quelques succès locaux, souvent fragiles.
En fait, la médiocre qualité des bâtiments, avec leurs façades industrialisées et répétitives, souvent sans balcon, leurs plans
figés par des refends en béton, le manque de qualité des espaces urbains, leur éloignement des centres urbains et des
infrastructure de transport font que les grands ensembles sont figés dans leurs problèmes. On ne peut espérer faire revenir les
classes moyennes dans ces lieux, sans une modification radicale et volontaire du bâti et de l‟infrastructure. L’urbanisme
moderne n’est pas un urbanisme durable car il crée des situations figées, non évolutives. On peut comparer cette
situation à celle de Harlem à New York qui, avec sa structure urbaine traditionnelle, a pu évoluer, pour le meilleur et pour le
pire : de quartier blanc et bourgeois il est devenu un quartier noir très vivant, puis un ghetto ethnique et social, avant de
redevenir un quartier chic et branché. Harlem est un morceau de ville durable puisque recyclable. Une telle évolution est
impensable dans les grands ensembles ou les formes de l‟urbanisme moderne figent les choses. Il faut des modifications
radicales et profondes, sur tous les plans, il est probablement indispensable de démolir. C‟est ce qu‟essaient de faire
aujourd‟hui les GPV.
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La construction des grands ensembles engendre un étalement urbain relativement limité, mais une forte fragmentation : les
zones bâties sont rarement reliées à l‟existant et constitue des enclaves séparées de la ville proprement dite. C‟est d‟ailleurs
l‟un de leurs problèmes majeurs.
La maison de rêve
Dès la sortie de la guerre les enquêtes montrent les français que (72% en 1951) préfèrent la maison individuelle 20. Une
préférence que les enquêtes plus récentes confirment : près de 83 % des français « sont partisans de la maison
individuelle »21.
La maison possède une dimension ethnologique fondamentale : on dit le Toit, le Foyer, etc. Dans son essence, la maison
individuelle est l‟habitation humaine. La maison répond à la cosmologie de l‟individu, permet de vivre avec le ciel et la terre,
avec les saisons, et elle offre aux habitants de nombreux espaces d’appropriation, qui sont beaucoup plus limités dans le
logement collectif22. Elle permet aussi une diversité de mode de vie, ce qui aurait sans doute facilité l‟intégration des
migrants ruraux. Cette préférence et sa permanence s‟expliquent donc aisément.
Mais ce ne fut pas le choix des dirigeants. Les gouvernements d‟après guerre refusent catégoriquement le développement de
la maison, car il ne correspond pas à leur vision de la ville et du développement du territoire. La maison individuelle est donc
largement exclue des politiques officielles pendant plus de 15 ans (1950 – 1967).
C‟est à partir du milieu des années 60, que les ministres Pisani, Nungesser, puis Chalandon (à partir de 1968), très critiques
vis-à-vis de la production des grands ensembles, décident de mettre en place une politique plus favorable aux maisons
individuelles. Ce retournement politique, conjugués à l‟enrichissement global de la population au cours des « trente
23 On peut citer « Marly les Grandes Terres », de Lods, Neuilly Bagatelle de Coulon, Mourenx, de Coulon, Sarcelle de Labourdette, etc. Voir in
l‟article « Au détour des chemins de grue », de Ph. Dehan et B. Jullien, in Picon-Lefebvre Virginie (dir), « Les espaces publics modernes, situation et propo-
sitions », Le Moniteur, Paris 1997
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moderne se réduit à la production d‟un espace figé, sans réalité sociale et ne répondant pas aux aspirations, évolutives, des
habitants. Comme le proclamait un grand architecte français actif entre 1930 et 1970, Marcel Lods : pour pouvoir faire une
vraie ville moderne, il faudrait supprimer « le dernier habitant et le cadastre ».
Face aux échecs de l‟urbanisme moderne, en particulier dans les quartiers populaires, de nombreuses critiques vont s‟élever.
Jane Jacobs le fait dès les années 60. Elle ne propose pas de forme, mais simplement un retour aux principes d‟organisation
traditionnels de l‟espace urbain. De tous côtés vont apparaître des propositions réhabilitant la ville traditionnelle et qui
cherchent à revenir à des formes urbaines plus classiques.
Modernité et urbanité
Dans les années 80, tout le monde ne partage pas la vision passéiste de l‟école de la Cambre et des frère Krier, mais les
jeunes architectes sont presque unanimes à critiquer les projets prolongeant l‟urbanisme moderne. Le quartier des halles est
un exemple frappant de l‟état de la pensée urbaine au milieu des années 70. Les halles de Baltard ne sont pas encore
considérées comme un objet patrimonial. Elles sont détruites alors que le projet de réaménagement n‟est pas encore figé. Ce
dernier évolue à chaque changement de pouvoir. Un « contre concours » va être lancé qui va recevoir plus de 600 projets !
Les projets sont de toutes sortes, de toutes tendances, mais ils sont globalement plus urbains que les projets précédents. Et, ils
permettent à quelques jeunes architectes d‟affirmer leur position urbaine.
Un projet phare de cette mutation est celui que Christian de Portzamparc (Grand prix d‟urbanisme 2005) et Georgia Benamo
réalisent en 1979 : ils reconstruisent le passage des Haute-Formes, à côté de la faculté Tolbiac. Autour d‟un véritable passage,
bordé d‟immeubles très hauts, ils recomposent un espace urbain traditionnel retrouvant l‟urbanité de la ville, des îlots, sans
pour autant adopter un vocabulaire architectural passéiste. C‟est finalement cette position qui va se répandre, en particulier
dans les travaux de l‟Apur (l‟agence parisienne d‟urbanisme), qui abandonne les rénovations lourdes pour des plans
constituant des îlots même si souvent le sol n‟est pas redécoupé en parcelles.
De ces recherches ressort la volonté de réinventer un nouvel îlot qui s‟inspire des expériences du début du siècle, avant
l‟urbanisme moderne : les îlots des quartier de Berlage à Amsterdam ou des italiens des années 30 : un îlot ouvert dans
lequel le centre est occupé par un vaste jardin. Un projet symbolique est celui de la Zac de Bercy, conçue par Jean-Pierre
Buffi, qui crée des îlots ouverts sur le parc et sur la Seine.
Ce retour à l‟architecture urbaine est largement répandu en Europe. On peut citer de nombreux autres projets parisiens, mais
aussi la reconstruction de Berlin, où l‟on retrouve, des rues, des îlots, même si la dimension des parcelles et des opérations
s‟est considérablement agrandie.
Cela ne veut pas dire que les préceptes modernistes soient totalement abandonnés. En d‟autres lieux, comme en Asie, en
Chine, à Honk-Kong, à Singapour par exemple, on construit encore des grands ensembles, et des tours gigantesques qui
empilent les fonctions et qui semblent bien fonctionner socialement.
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La congestion urbaine et le troisième âge de la ville
Parallèlement à ce qui est devenu l‟urbanisme officiel en Europe, réalisé avec plus ou moins de brio, deux doctrines se sont
affirmées.
D‟un côté, il y a des architectes dans la mouvance du hollandais Rem Koolhass. Ce dernier, après avoir écrit Délirius
Manhattan26, une apologie pleine d‟humour du gratte-ciel New-yorkais, milite pour développer la congestion urbaine. C‟est
lui qui a ainsi conçu le plan d‟Euralille qui cherche à renforcer la mixité, la superposition des fonctions, même lorsque ce
n‟est pas « naturel ».
De l‟autre coté, il y a Portzamparc qui prétend inventer le troisième âge de la ville, représentant une synthèse entre
l‟urbanisme moderne, aéré et vert et l‟urbanisme traditionnel d‟îlot. Il essaye, dans son projet de la ZAC Seine Rive gauche,
dont nous reparlerons bientôt, de mettre en place des règles complexes permettant de concilier densité et végétal et en évitant
la monotonie de l‟îlot haussmannien. Ces projets sont à suivre… Un représentant de la Semapa nous les présentera dans
quelques séances.
A Grenoble depuis deux mandats électoraux, la municipalité a développé différentes projets de Zac prenant la forme d'eco
quartiers, et refondu totalement son PLU pour lui donner un caractère écologique.
A Paris : la Zac de Rungis est devenue plus écologique sous la pression d'associations citoyennes. La nouvelle Zac Batignolle
est conçu comme un grand éco-quartier.
Aujourd'hui toutes les grandes villes sont concernées, et mettent en place des éco-quartiers dont il faudra analyser la
pertinence.
A Lille, la deuxième tranche d'Euralille se veut écologique et abandonne la congestion urbaine pour des échelles plus
modeste avec des systèmes de récupération d'eau pluviales, une forte végétalisation, des bâtiments basses consommation, etc.
Des réalisation en cours qui vous seront présentées par David Vautry lors du dernier cours.
26 Rem Koolhaas, New York Délire, un manifeste rétroactif pour Manhattan, 1978, réed fr ., Parenthèse, Marseille 2002
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Un cours entier portera sur cette question que je développerai ultérieurement
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FORMES ET STRUCTURES DE LA VILLE CONTEMPORAINE
La ville contemporaine se met en place à partir des structures léguées par la ville industrielle. Un certain nombre de caractère
marquent la ville contemporaine :
1- la croissance des agglomérations et la diffusion des modes de vie urbain au dela des aires urbaines
2- l‟étalement urbain d‟abord par la création de quartier de maisons individuelles, ensuite par l‟implantation
du commerce et de l‟activité en dehors des centres villes
3- Structures de la ville contemporaine : un archipel sectorisé
27 Source ONU cité par Pierre Bloc-Duraffour in Les villes dans le monde Armand Colin Paris 2003, p8
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étanches, très différents des formes urbaines antérieures. Mangin parle de ville sectorisée. C’est en s’appuyant sur
ces nouvelles infrastructures et la diminution de la « distance temps » qu’elle permettent que se développent les
nouvelles formes urbaines : « L’habitat diffus se développe (…) à partir des bourgs, et les nouveaux lotissements
cherchent avant tout une proximité avec les nœuds d’échanges du réseau. Les rocades génèrent ainsi des
situations de périphérie en rupture avec une croissance continue de l’agglomération, (…) »28. Et c’est aux nœuds
de ces voies (croisements, sorties) que s’implantes les nouvelles « centralités périphériques » que sont les zones
d’activités, les centres commerciaux du grand commerce qui, au-delà de leur fonction de base intègrent de
nouvelles fonctions comme le travail tertiaire (bureaux) ou le loisir (multiplexes, centre de fitness, hôtels restaurants).
Ce phénomène peut être redoublé par la création de plusieurs anneaux de rocades, comme c’est le cas à Rennes
ou Paris.
C’est le modèle français dominant. Certains cas particulier, comme les vallées du Rhône et de la Saône, ou la côte
d’azur voient un développement linéaire reliant les différentes villes pour forme une conurbation globale en réseau29.
Sectorisation de la ville
Le fonctionnement de ces fragments urbains diffère grandement de celui des tissus antérieurs : la plupart sont
conçus comme des secteurs autonomes, desservis uniquement par l’automobile et dont les accès sont limités en
nombre. On ne traverse pas ces secteurs comme on le faisait dans les tissus urbains traditionnels et leur dimension
est généralement très supérieure à celle des îlots antérieurs. Pour ceux qui peuvent choisir leur mode de vie, cette
sectorisation peut paraître positive. On peut vivre entre soi dans un nouveau village, disposant à la fois du bien être
28 Mangin D. « La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine », ed de la Villette, Paris 2004, p84
29 Mangin D. « La ville franchisée,… », op.cit. p 89
30 Mangin D. « La ville franchisée,… », op.cit. p 109
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de la (presque) campagne et grâce à deux ou trois voitures, des services urbains. Mais pour les moins favorisés,
ceux qui abandonnent le centre ville parce qu’il est trop cher, les choses sont moins positives. David Mangin le
souligne : « Ce découpage physique atomise la pratique quotidienne de la ville. Il engendre de véritable
phénomènes de relégations interne pour les habitants, une « double peine » urbanistique en quelque sorte. Déjà
soumis aux nuisances induites par la voie rapide, ceux-ci se voient par surcroît, écartés du centre-ville et de ses
services par des infrastructures rendues quasi infranchissables (…) »31
Ils sont situés en marge des voies de passage principales. Ces nouveaux types, sont peu reliés aux autres secteurs
et très figés dans leurs formes comme dans leurs programmes. C’est ce que David Mangin appelle la sectorisation
de la forme urbaine.
C’est ainsi que les règlements des lotissements interdisent toute activité (autre que les professions libérales), limitent
fortement les extensions et interdisent les divisions parcellaire ou la construction en hauteur. Ces tissus urbains sont
figés, à l’exception de petits ajouts comme des vérandas. De la même manière, bien qu’elles soient en permanente
transformations, les zones d’activités et les zones commerciales, n’admettent pas de mixité : on ne peut y implanter
de logements, l’évolution de ces zones se fera probablement plus par abandon (friche) puis requalification globale
que par mutation progressive.
Dédensification
La dédensification de l’agglomération est d’abord liée à l’intégration de territoires périphériques et rurbains dans
l’aire urbaine. L’extension de la zone urbaine, fait que désormais de nombreux secteurs, très peu denses sont
intégrés. La dédensification touche aussi tous les tissus de centre ville. La qualité de vie exige plus d’espaces verts,
des cours ou jardins plus grands, des logements plus grands. Le phénomène NIMBY (« Note In My Bacyard ») y
contribue : dès qu’ils sont installés dans une zone, les gens ne veulent plus de construction nouvelle près de chez
eux, et pour le public, la densité à mauvaise presse. Les électeurs font pression sur les élus pour que les règlements
urbains minimise les autorisations de construire. Toutes ces évolutions contribuent à faire baisser la densité des
centres urbains. Les seuls secteurs où la densité augmente sont ceux en mutations, banlieue ou friches urbaines
(industrielle, militaire, ferroviaire, …), qui lors du réaménagement sont construits alors qu’ils étaient souvent
occupés par de grands bâtiments de faible densité. La densité des centres anciens était souvent trop forte par
rapport aux exigences de qualité de vie actuelle. Mais, l’un des enjeux majeurs d’un urbanisme durable est de
redonner une certaine compacité à l’agglomération, donc à augmenter la densité des secteurs périphérique. Il faut
sans doute changer les réglementations urbaines en imposant des densités minimales pour limiter la croissance
urbaine et permettre de doter l’agglomération de services performants et plus économiques.
Ce phénomène avait déjà marqué les Etats-Unis. L’architecte Robert Venturi, avait de manière un peu provocante
propose d’adopter une vision positive de cet urbanisme commercial. Au début des années 70, il écrit un ouvrage
analysant l’Enseignement de las Vegas 32. Il lance «à l’architecte le défi de (…) regarder positivement, sans préjugé»
l’urbanisme commercial des grandes avenues de la ville ludique du Nevada. Pour lui, l’architecture de Las Végas
faite « de styles et d’enseignes est antispatiale, (…) c’est une architecture de communication qui prévaut sur
l’espace». Elle crée «un nouveau paysage de grands espaces, accordé aux vitesses accélérées et aux programmes
multiples». Pour qualifier les bâtiments, Venturi distingue deux types architecturaux : le hangar décoré, bâtiment
économique dont la façade est utilisée comme grand panneau d’affichage pour l’activité commerciale ; le canard,
édifice ou enseigne géante, qui épouse généralement la forme du produit vendu.
Peut-on, dans cette ligne, adopter une vision positive du « strip » français ?
En fait, nos entrées de ville supportent difficilement la comparaison. Les entrées de ville françaises sont largement
composées de hangars décorés, parallélépipèdes en bardage colorés, sur lesquels s’accrochent des enseignes
omniprésentes. Les canards, sont plus rares, se limitant à quelques caravanes, camions ou des maisons clé en main
implantés au bord de la route ou sur le toit des bâtiments. Ce déficit en Canards induit une ambiance nettement
moins kitsch et moins ludique que celle du Strip de Las Vegas. Le paysage de Las Vegas était très riche et
foisonnant. Ce n’est pas le cas de nos entrées de ville qui ne respirent ni la fantaisie, ni l’originalité.
On pourrait chercher à favoriser l’émergence de Canards pour en faire des lieux ludiques, ça pourrait être drôle.
De manière plus classique et plus conforme à la tradition urbaine européenne les urbanistes français requalifient les
entrées de villes, en cherchant à domestiquer et à rendre plus urbaines ces entrées de ville.
32 Venturi Robert, Denise Scott Brown, Steven Izenour «L’enseignement de Las Vegas ou le symbolisme oublié de la forme architecturale», MIT
1971, traduction française, Pierre Mardaga, Liège 1978.
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Plusieurs voies ont été ouvertes33 :
33 Voir Dehan Ph., « Grandeur et misère des entrées de villes », in Plaquette concours Cimbéton 3eme session, Cimbéton, Paris 1995
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4- Mutation du cadre législatif
En Europe, nos entrées de ville sont une spécificité française. On retrouve le principe dans la ville américaine mais,
pas chez les Allemands, les Suisses, les Italiens, ou les Hollandais qui avaient adoptés des législations urbaines
beaucoup plus efficaces que les nôtres. Les législateurs ont fini par adopter des dispositifs plus efficaces. Quelques
limitations d’implantation avaient été faites après le rapport Dupond, puis, l’interdiction de nouvelles créations
d’hypermarché a limité les dégâts. Mais c’est finalement la loi SRU (2000) qui, en favorisant l’intercommunalité, a
enfin créé les conditions pour que les villes d’une même agglomération travaillent en collaboration et non en
compétition. On peut donc désormais envisager des actions longues de réparation visant à reconquérir et mieux
intégrer les entrées de ville et leurs zones de grand commerce. Cela n’empêche pas les groupes d’exporter le
concept dans les autres pays : les hypermarchés conquièrent l’Italie, l’Espagne, il y en a même un à Marrakech,
nous verrons dans quelques années si leurs législation leur ont permis de mieux les intégrer.
Il est peu probable qu’on retrouve une cité véritablement compacte. Mais si l’on ne résout pas le problème du
carburant avant l’augmentation prévisible du prix du pétrole dans quelques décennies, le prix des déplacements
individuels deviendra fort cher, conduisant probablement à un resserrement urbain.
Il faut donc chercher à densifier le plus possible la ville en fonction du contexte et à recréer des liens entre les
secteurs. Il faut redévelopper ce que David Mangin appelle la « ville passante »34.
Mais, parallèlement, il faut transformer les règlements urbains qui, bien souvent interdisent la densité et les
mutations urbaines, cherchant à préserver chaque fragment en l’état. Il faut permettre la densification de la ville pour
permettre de nouveaux aux initiatives individuelles des propriétaires de s’exprimer dans le bâti. Car si l’on bride les
dynamiques économiques soit, elles partiront loin, soit, elles continueront à faire éclater la ville. Il faut donc
transformer les règlements urbains qui sont trop souvent du copié collé, adopter une réglementation qui permette la
croissance sur la parcelle, afin que les mutations de la ville ne se limitent pas à, d’un côté les vérandas, et de l’autres
les grandes opérations de requalification des friches.
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