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Relations d’ordre
1 Relations d’ordre
Dans toute cette partie, E est un ensemble.
Définition (Relation binaire) On appelle relation binaire sur E tout triplet R = (E, E, Γ) où Γ est une partie de E × E.
Au lieu de noter (x, y) ∈ Γ, on notera généralement xRy, ce qui se lit : « x est en relation avec y par R ».
Explication Tout cela a l’air bien compliqué. Pourtant une relation binaire sur E n’est qu’une façon de relier entre
eux certains éléments de E.
Il faut bien noter qu’en général la relation xRy n’implique pas la relation yRx. On peut trouver cela contre-intuitif à première
vue car le français ne distingue pas bien les phrases « x est en relation avec y » et « y est en relation avec x », mais cela paraît
plus clair si on a l’exemple suivant en tête : « A aime B mais B n’aime pas A ».
On peut représenter les relations binaires au moyen de ce qu’on appelle des graphes orientés : un graphe
orienté est un ensemble de points appelés les sommets du graphe, reliés par des arètes fléchées. 1 2
Pour comprendre cela, donnons-nous une relation binaire R sur E. Les sommets du graphe orienté associé
à R sont tous les points de E. Deux sommets x et y sont liés par une arète orientée de x vers y si la
5 6
relation xRy est vraie ; une double flèche indique qu’on a à la fois xRy et yRx.
Par exemple, le graphe ci-contre représente la relation binaire R sur J1, 6K définie par :
3 4
1R2, 2R1, 2R2, 2R5, 2R6, 3R3, 3R5, 3R6 et 5R3.
Définition (Propriétés des relations binaires) Soit R une relation binaire sur E.
• On dit que R est réflexive si : ∀x ∈ E, xRx.
• On dit que R est transitive si : ∀x, y, z ∈ E, xRy et yRz =⇒ xRz.
Explication Ces propriétés éventuelles des relations binaires « se voient » particulièrement bien sur les représentations
sous forme de graphes — c’est un peu moins clair pour la transitivité.
1 2 1 1 2 1 2
5 6 5 6 5 6 5 6
3 4 3 4 3 4 3 4
Exemple
• La relation d’égalité = sur E est réflexive, transitive, symétrique et antisymétrique.
• Les relations 6 sur R et RR sont réflexives, transitives et antisymétriques. Elles ne sont pas symétriques car par exemple :
162 mais 2
1, et (x 7−→ x) 6 (x 7−→ x + 1) mais (x 7−→ x + 1)
(x 7−→ x).
• La relation < sur R est transitive et antisymétrique, mais elle n’est ni réflexive, ni symétrique.
• La relation | de divisibilité sur Z est réflexive et transitive, mais elle n’est pas antisymétrique car par exemple −2|2 et
2| − 2 alors que −2 6= 2.
• La relation d’inclusion ⊆ sur P(E) est réflexive, transitive et antisymétrique.
• La relation S sur R× définie par : ∀x, y ∈ R× , xS y ⇐⇒ x et y ont le même signe est réflexive, transitive
et symétrique.
Définition (Relation d’ordre) Soit R une relation binaire sur E. On dit que R est une relation d’ordre sur E si R est à la
fois réflexive, transitive et antisymétrique.
Les relations d’ordre sont souvent notées 6 ou 4 ou . ou - . . .
Exemple
• Les relations 6 sur R et RR sont des relations d’ordre — il en est de même des relations >.
• La relation d’inclusion ⊆ sur P(E) est une relation d’ordre.
Exemple La relation de divisibilité | sur Z n’est pas une relation d’ordre — on a vu qu’elle n’est pas antisymétrique ; la
relation de divisibilité | sur N en revanche en est une.
En effet
• Réflexivité : Soit n ∈ N. Alors n|n car n = 1 × n.
• Transitivité : Soient n, n0 , n00 ∈ N tels que n|n0 et n0 |n00 . Montrons que n|n00 .
Or puisque n|n0 , il existe k ∈ N tel que n0 = kn ; et puisque n0 |n00 , il existe k0 ∈ N tel que n00 = k0 n0 . Du
coup n00 = k0 n0 = kk0 n, et donc n|n00 .
Explication
Une relation d’ordre sur E est, comme son nom l’indique, une relation qui met de
l’ordre entre les éléments de E. « Ordre » s’entend ici au sens de « hiérarchie » : il y
a un haut et un bas, des plus petits et des plus grands. Si 4 est une relation d’ordre
sur E, la relation x 4 y s’interprète généralement en disant que x est plus petit 1 1
que y ; cela dit, cette interprétation est purement conventionnelle et on pourrait
considérer que la relation x 4 y signifie que x est plus grand que y — c’est une
question de goût. 3 4
Dans le graphe associé à une relation d’ordre 4 sur E, les seules « boucles »
présentes sont liées à la réflexivité de 4. Il n’est pas possible d’avoir une boucle de 2
la forme x1 4 x2 , x2 4 x3 , . . . , xn−1 4 xn , xn 4 x1 où x1 , x2 , . . . , xn sont des 2
éléments distincts de E. Si en effet on avait une telle boucle, alors on aurait x2 4 x1
2
par transitivité de 4, puis x1 = x2 par antisymétrie, contrairement à l’hypothèse. 1
Cette propriété des relations d’ordre a un impact géométrique sur les graphes qui
leur sont associés. Les graphes de relations d’ordre ont comme une orientation 4 5 3
naturelle : en les parcourant on va toujours de l’avant, on ne revient jamais en 3
arrière, on ne tourne jamais en rond. C’est un peu comme les réseaux fluviaux : les « Boucle »
fleuves et les rivières coulent tous en direction de la mer et ne bouclent jamais. C’est
précisément cette orientation ou « sens de lecture » qui nous invite à considérer
que certains éléments sont plus petits/grands que d’autres.
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Définition (Eléments comparables, relation d’ordre total/partiel) Soit 4 une relation d’ordre sur E.
• Soient x, y ∈ E. On dit que x et y sont comparables par 4 si on a x 4 y ou y 4 x — éventuellement les deux et dans
ce cas x = y par antisymétrie.
• On dit que 4 est totale si deux éléments quelconques de E sont toujours comparables par 4, i.e. :
∀x, y ∈ E, x 4 y ou y 4 x.
Exemple
• La relation 6 sur R est une relation d’ordre totale. En particulier tous les réels sont comparables à 0 — positifs ou négatifs
— et c’est pourquoi, par exemple, on a eu le droit de définir la fonction valeur absolue |x| sur R en distinguant deux cas :
x > 0 et x < 0.
• La relation 6 sur RR est une relation d’ordre partielle. Par exemple, les fonctions sinus et cosinus ne sont pas comparables :
on n’a ni sin 6 cos ni cos 6 sin.
• La relation de divisibilité | sur N est une relation d’ordre partielle car 2 et 3 sont incomparables pour cette relation : on
n’a ni 2|3 ni 3|2.
• La relation d’inclusion ⊆ sur P(E) est une relation d’ordre partielle
dès que E contient
au moins deux éléments. En effet,
si a et b sont deux éléments distincts de E, alors on n’a ni a ⊆ b ni b ⊆ a .
1.3.1 Majorants/minorants
$ $ $ Attention ! Une partie majorée A possède en général plusieurs majorants : par exemple, si M en est un majorant
et si M 4 M 0 , alors M 0 est aussi un majorant de A. C’est pourquoi on ne parle jamais « du » majorant, mais toujours d’un
majorant de f . Raisonnement analogue pour les minorants.
Exemple
√
• L’intervalle ] − ∞, 1] est majoré par 1, mais aussi par 2, 3. . . Il n’est pas minoré.
n o
• L’ensemble 8, 10, 12 est minoré par 2 et majoré par 120 pour la relation de divisibilité sur N.
Définition (Plus grand/petit élément) Soient 4 une relation d’ordre sur E et A une partie de E.
• Soit M ∈ E. On dit que M est un plus grand élément de A ou un maximum de A (pour 4) si M ∈ A et si M est un
majorant de A.
• Soit m ∈ E. On dit que m est un plus petit élément de A ou un minimum de A (pour 4) si m ∈ A et si m est un
minorant de A.
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M ∈A M majore A
z }| { z }| {
Explication Bref, un plus grand élément M d’une partie A est un élément de A plus grand que tous les autres.
Théorème (Unicité du plus grand/petit élément) Soient 4 une relation d’ordre sur E et A une partie de E.
Si A possède un plus grand (resp. petit) élément pour 4, celui-ci est unique et on l’appelle donc le plus grand (resp. petit)
élément de A. On le note alors max A (resp. min A).
Démonstration Contentons de faire le travail pour les plus grands éléments — démonstration analogue pour
les plus petits.
On suppose que A possède deux plus grands éléments M et M 0 . Il s’agit de montrer que M = M 0 . Alors M est
un majorant de A et M 0 ∈ A, donc M 0 4 M ; de même M 0 est un majorant de A et M ∈ A, donc M 4 M 0 . Ainsi
M = M 0 par antisymétrie de 4.
Exemple On travaille dans cette série d’exemples avec la relation d’ordre naturelle 6 sur R.
(i) R n’a ni plus petit ni plus grand élément car il n’est ni minoré ni majoré.
(ii) L’intervalle [0, 1[ n’a pas de plus grand élément — en revanche 0 est son plus petit élément.
En effet Contentons-nous de démontrer (ii).
• 0 ∈ [0, 1[ et 0 est un minorant de [0, 1[ : 0 est donc bien le plus petit élément de [0, 1[.
• Un plus grand élément de [0, 1[ est en particulier un élément de [0, 1[. Nous allons passer en revue tous les
éléments de [0, 1[ et montrer qu’aucun d’entre eux ne majore [0, 1[. Cela montrera bien qu’aucun d’entre eux
n’est un plus grand élément de [0, 1[.
0 M 1 Soit M ∈ [0, 1[. Montrer que M n’est pas un majorant de [0, 1[, c’est montrer que : ∃ a ∈ [0, 1[ / a > M .
M +1
↑ Bref, nous devons exhiber un réel compris strictement entre M et 1. Posons a = . Puisque 0 6 M < 1
2
M +1 1−M
on a 0 6 a < 1, i.e. a ∈ [0, 1[. Enfin a − M = > 0, donc a > M comme voulu.
2 2
Exemple On travaille dans cette série d’exemples avec la relation de divisibilité | sur N.
(i) 0 est le plus grand élément de N — eh oui ! — et 1 est son plus petit élément.
n o
(ii) L’ensemble N r 0, 1 ne possède ni plus petit élément ni plus grand élément.
n o
(iii) L’ensemble 2, 3, 6 possède un plus grand élément — c’est 6 — mais pas de plus petit élément.
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Explication La notion de plus grand/petit élément d’une partie A était contraignante car elle contenait une
condition d’appartenance à A. Avec la notion de borne supérieure/inférieure, on essaie précisément d’assouplir cette contrainte.
La différence essentielle entre les plus grands/petit éléments et les bornes supérieures/inférieures d’une partie A, c’est donc que
les bornes supérieures/inférieures n’appartiennent pas forcément à A.
Remarque En tant que plus petit (resp. grand) élément, la borne supérieure (resp. inférieure) de A est unique — si elle
existe — et c’est pourquoi on a bien le droit de la noter sup A (resp. inf A) sans ambiguïté.
Théorème (Lien entre les plus grands/petits éléments et les bornes supérieures/inférieures) Soient 4 une relation
d’ordre et A une partie de E. Si A possède un plus grand (resp. petit) élément pour 4, alors A possède une borne supérieure
(resp. inférieure) pour 4 et on a :
sup A = max A (resp. inf A = min A).
Démonstration Contentons-nous de faire le travail pour les bornes supérieures — démonstration analogue
pour les bornes inférieures.
Soit M l’ensemble des majorants de A. Nous devons montrer que M possède un plus petit élément — alors A
possédera une borne supérieure — et qu’en fait ce plus petit élément est max A — on aura donc sup A = max A.
Il suffit de vérifier deux choses :
1) que max A ∈ M : or par définition, max A est un majorant de A ;
2) que max A est un minorant de M : or par définition max A ∈ A.
Exemple L’intervalle R+ ne possède pas de borne supérieure car il n’est pas majoré ; cependant, parce qu’il possède un plus
petit élément qui est 0, il possède aussi une borne inférieure, 0 également.
Exemple Nous avons vu que [0, 1[ n’avait pas de plus grand élément ; cela dit [0, 1[ possède une borne supérieure — c’est 1.
En effet S’intéresser à la borne supérieure (éventuelle) de [0, 1[, c’est s’intéresser d’abord à l’ensemble M des
majorants de [0, 1[. Montrons que M = [1, ∞[. Facile en trois étapes :
1) tout réel supérieur ou égal à 1 majore [0, 1[ — donc [1, ∞[ ⊆ M ;
2) aucun réel strictement négatif n’est élément de M ne majore [0, 1[ — donc M ∩ R×
− = ∅;
M +1
3) ausun réel de [0, 1[ ne majore [0, 1[ car pour tout M ∈ [0, 1[, 0 6 M < < 1 — donc
2
M ∩ [0, 1[= ∅.
Nous pouvons maintenant conclure : M = [1, ∞[ possède un plus petit élément, 1. C’est donc que [0, 1[ possède
une borne supérieure et que sup[0, 1[ = 1. Vous devez savoir faire vous-mêmes ce genre de raisonnement !
Exemple Pour la relation de divisibilité | sur N, « borne supérieure » et « plus grand commun multiple (PPCM) » d’une
part, et « borne
n inférieure
o » et «plus petit
commun diviseurn(PGCD) o » d’autre part sont
des expressions synonymes.
Ainsi : inf 6, 8, 10 = PGCD 6, 8, 10 = 2 et sup 6, 8, 10 = PPCM 6, 8, 10 = 120.
En effet Si A est une partie de N, on appelle plus grand commun diviseur de A tout entier naturel d tel que :
(i) d est un diviseur de A, i.e. d divise tout élément de A : ∀a ∈ A, d|a
(bref,
d est unminorant de A) ;
(ii) d est le plus grand des diviseurs de A : ∀δ ∈ N, ∀a ∈ A, δ|a =⇒ δ|d
(bref, d majore l’ensemble des minorants de A).
On retrouve bien ainsi la définition de la borne inférieure de A comme plus grand élément de l’ensemble des
minorants de A. On peut procéder de même avec la notion de PPCM. Nous reviendrons sur ces notions dans un
prochain chapitre.
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$ $ $ Attention !
• Si f est majorée (resp. minorée), f possède une infinité de majorants (resp. minorants).
• Quand on part à la recherche d’un majorant ou d’un minorant d’une fonction f , ne jamais choisir un réel qui dépend
de la variable ! En d’autres termes, si vous voulez majorer f (x), ne choisissez pas un M qui dépend de x ; votre M doit
majorer f (x) indépendamment de x.
• Le contraire de « majorée » n’est pas « minorée ». En général, les fonctions ne sont ni majorées ni minorées.
• Soit m ∈ R. On dit que m est le minimum de f sur A si m est le minimum de f (A) pour la relation d’ordre naturelle
6 sur R ; cela revient à dire que m est un minorant de f sur A et qu’il existe c ∈ A tel que f (c) = m.
S’il existe, le minimum de f sur A, égal par définition à min f (A), est noté min f ou min f (x).
A x∈A
Un unique maximum
$ $ $ Attention ! atteint deux fois
Les extrema d’une fonction, i.e. ses maxima et ses minima, sont chacun Pas un maximum
. &
uniques, mais leurs valeurs respectives peuvent être atteintes en plusieurs b b
mais un maximum local
points. .
b (pour plus tard)
Exemple
La fonction sinus possède un maximum et un minimum, respectivement 1 et
−1. Tous deux sont atteints une intfinité de fois : en tous les points de 2πZ
pour le maximum, en tous les points de 2πZ + π pour le minimum.
b
%
Un unique minimum
atteint une fois
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Définition (Borne supérieure/inférieure d’une fonction) Soient A une partie de R et f : A −→ R une application.
• On dit que f possède une borne supérieure sur A si sup f (A) existe.
Si elle existe, la borne supérieure de f sur A, égale par définition à sup f (A), est notée sup f ou sup f (x).
A x∈A
• On dit que f possède une borne inférieure sur A si inf f (A) existe.
Si elle existe, la borne inférieure de f sur A, égale par définition à inf f (A), est notée inf f ou inf f (x).
A x∈A
Démonstration Soit A une partie non vide de N. Nous voulons montrer que A possède un plus petit élément.
Raisonnons par l’absurde et supposons justement que A ne possède pas de plus petit élément.
Nous allons montrer par récurrence que A est minorée par n pour tout n ∈ N. Nous en tirerons aussitôt une
contradiction.
1) Déjà, A est minorée par 0 car toute partie de N l’est.
2) Soit alors n ∈ N. Supposons A minorée par n. Comme par hypothèse A ne possède pas de plus petit
élément, nous en déduisons donc que n ∈ / A. Du coup : ∀a ∈ A, n < a. Mais cette proposition peut
s’écrire avec des inégalités larges : ∀a ∈ A, n + 1 6 a puisque nous travaillons avec des entiers. Ceci
signifie précisément que A est minorée par n + 1. Fin de la récurrence.
Nous venons donc de montrer que : ∀n ∈ N, ∀a ∈ A, n 6 a. Soit alors a ∈ A — A est non vide par
hypothèse. Alors en particulier a + 1 6 a et c’est une belle contradiction.
Corollaire Toute partie non vide majorée de N possède un plus grand élément.
Démonstration Soit A une partie non vide majorée de N. Par hypothèse, l’ensemble M des majorants de A
dans N est non vide. En vertu du théorème précédent, il possède donc un plus petit élément m.
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∞
$ $ $ Attention ! Cette définition ne donne aucun sens aux opérations suivantes : ∞ − ∞, 0 × ∞, .
∞
En pratique La propriété de la borne supérieure/inférieure est un résultat d’existence : elle nous fournit le critère
pour montrer l’existence des bornes supérieures/inférieures dans R. Notez qu’elle ne donne cependant aucun renseignement sur
la valeur des bornes en question. C’est pourquoi elle n’est utilisée que dans des contextes théoriques dans lesquels on ne connaît
pas d’avance la valeur de ces bornes.
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Théorème (Propriété de la borne supérieure/inférieure dans R̄) Toute partie de R̄ possède une borne supérieure et
une borne inférieure.
De plus, si A est une partie non vide de R majorée dans R, alors sa borne supérieure dans R et sa borne supérieure dans R̄ sont
égales ; même chose pour les bornes inférieures.
Démonstration La preuve de ce résultat n’est pas difficile une fois qu’on a admis la propriété de la borne
supérieure dans R, mais il faut distinguer de nombreux cas et c’est assez pénible.
Explication L’intérêt de ce théorème réside dans sa simplicité : « Toute partie de R̄. . . » Il nous apprend une
chose : l’énoncé de la propriété de la borne supérieure dans R était un peu compliqué parce qu’en un sens R est incomplet ; il lui
manque ses deux extrêmités. Qu’on les rajoute et le monde devient beau.
Exemple
• Le segment [0, 1], partie non vide majorée de R, possède une borne supérieure dans R et dans R̄, et elles valent 1 toutes
les deux. Cela dit, il serait idiot d’utiliser ici la propriété de la borne supérieure pour montrer l’existence d’une borne
supérieure : dans la mesure où on s’attend à ce que cette borne soit 1, il suffit de le vérifier. Le réel 1 est un plus grand
élément de [0, 1], donc sa borne supérieure.
• Dans R̄, sup ∅ = −∞, car le plus petit élément de l’ensemble des majorants de ∅, qui est R̄ tout entier, est −∞.
• Dans R, R+ ne possède pas de borne supérieure car il n’est pas majoré ; mais dans R̄, sup R+ existe et vaut ∞.
La propriété de la borne supérieure permet de définir une fonction un peu bizarre que nous aurons l’occasion d’utiliser à
plusieurs reprises dans l’année : la fonction partie entière.
b bc
↓ ↓ ↓ ↓
b b b
↑ ↑ ↑ b bc
x−1 x x+1
Démonstration
• Commençons par montrer l’unicité de bxc. Nous montrerons son existence ensuite. Soient donc m, n ∈ N tels
que m 6 x < m + 1 et n 6 x < n + 1. On a alors :
m6 x<m+1
donc par somme : m − n − 1 < 0 < m − n + 1 et enfin − 1 < m − n < 1.
−n − 1 < −x 6 −n
Compris strictement entre −1 et 1, l’entier m − n est donc nul, i.e. m = n.
n o
• Pour l’existence de bxc, supposons d’abord x > 0 et posons X = n ∈ Z/ n 6 x . L’ensemble X est une
partie de R qui est non vide (car 0 ∈ X) et majorée par x. Il possède donc une borne supérieure en vertu de
la propriété de la borne supérieure, que nous noterons bxc. On a bien, comme voulu, bxc 6 x.
Comme bxc − 1 < bxc, bxc − 1 n’est pas un majorant de X ; nous pouvons donc nous donner au moins un
élément n de X tel que bxc − 1 < n. Soit alors m ∈ X. Si on avait m > n, on aurait même m > n + 1,
d’où m > bxc ; mais cette inégalité contredit le fait que bxc est un majorant de X. Par conséquent m 6 n.
L’entier n est donc le plus grand élément de X. C’en est donc également la borne supérieure, i.e. n = bxc.
Nous venons de montrer que bxc est un entier (car n en est un), le plus grand entier relatif inférieur ou égal
à x.
On a enfin forcément x < bxc + 1. Si le contraire était vrai — bxc + 1 6 x — alors bxc + 1 serait un élément
de X strictement supérieur à bxc ; cela contredirait le fait que bxc est le plus grand élément de X.
Nous venons dans ce paragraphe de construire la fonction partie entière sur R+ .
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x si x est un entier
• Pour finir, supposons x < 0 et posons bxc = . Dans le cas où x est un
−b−xc − 1 sinon
entier, on a clairement bxc 6 x < bxc + 1.
Dans le cas contraire on a −x > 0, donc b−xc 6 −x < b−xc + 1 en vertu de la première partie de la
démonstration. Multipliant cette inégalité par −1 nous obtenons bxc = −b−xc − 1 < x 6 −b−xc = bxc + 1.
Comme enfin x est supposé non entier, on a bien bxc 6 x < bxc + 1 comme voulu.
Exemple b11c = 11, b5, 2c = 5, b−4c = −4, mais attention : b−7, 3c = −8 (et non pas −7).
3.4 Intervalles de R̄
Jusqu’ici, on vous a défini les intervalles de R de façon intuitive en s’appuyant essentiellement sur des exemples. Mais les
intervalles de R ont des formes distinctes à cause de leurs bornes. La définition suivante a l’intérêt de décrire d’un coup d’un
seul, sans s’occuper des problèmes de bornes, tous les intervalles de R — et même R̄ en l’occurrence. Nous nous en servirons
plus tard dans l’année quand nous démontrerons le théorème des valeurs intermédiaires.
Définition (Intervalle de R̄) On appelle intervalle (de R̄) toute partie I de R̄ telle que :
∀x, y, t ∈ R̄, x ∈ I et y ∈ I et x 6 t 6 y =⇒ t ∈ I.
Explication Un intervalle de R̄ est donc une partie I de R̄ qui contient tous les segments dont les extrêmités sont
dans I, ou encore « qui contient toutes les valeurs intermédiaires » des points qu’elle contient.
Le théorème suivant montre que cette définition parle bien des intervalles auxquels nous avions affaire jusqu’ici, et qu’elle ne
parle que d’eux. Rappelons que, par définition, a et b étant des éléments de R̄ — éventuellement ±∞ — on note :
n o n o
[a, b] = x ∈ R̄/ a 6 x 6 b (intervalle fermé), [a, b[ = x ∈ R̄/ a 6 x < b (intervalle semi-ouvert à droite),
n o n o
]a, b] = x ∈ R̄/ a<x6b (intervalle semi-ouvert à gauche) et ]a, b[ = x ∈ R̄/ a<x<b (intervalle ouvert).
Lorsque a et b sont des réels, l’intervalle [a, b] est aussi appelé un segment.
Théorème (Caractérisation des intervalles de R) Les intervalles de R̄ sont exactement toutes les parties de R̄ ayant
l’une des formes suivantes : [a, b], [a, b[, ]a, b], ]a, b[, où a, b ∈ R̄ sont tels que a 6 b.
Explication
• L’ensemble vide est un intervalle. Il figure dans cette liste sous la forme, par exemple, de l’intervalle [0, 0[.
• Ce théorème nous parle des intervalles de R̄, ce qui donne un sens à des intervalles comme [−∞, 0] ou [1, ∞], mais bien
sûr en pratique c’est surtout les intervalles de R qui nous intéressent.
Démonstration Il est bien clair que tous les [a, b], [a, b[, . . . sont, avec la définition donnée plus haut, des
intervalles de R̄. Montrons réciproquement que tout intervalle de R̄ a l’une de ces formes.
Soit donc I un intervalle de R̄. Plusieurs cas doivent être distingués. La propriété de la borne inférieure/supérieure
dans R̄ montre que I possède une borne inférieure a et une borne supérieure b.
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Le théorème suivant montre que l’ensemble Q des rationnels et l’ensemble R r Q des irrationnels sont enlacés l’un à l’autre
de façon tout à fait fusionnelle, comme deux peignes imbriqués l’un dans l’autre.
Entre deux rationnels distincts il existe toujours un irrationnel.
Théorème
Entre deux irrationnels distincts il existe toujours un rationnel.
√
Démonstration Nous avons montré dans notre chapitre d’introduction que 2 est irrationnel.
√
2
• Soient r, r 0 ∈ Q tels que r < r 0 . Posons x = r + (r 0 − r) et montrons que x est un irrationnel compris
2
entre r et r 0 . √
2
On a x > r car r 0 − r > 0 ; et comme < 1, x < r + (r 0 − r) × 1 = r 0 . Ainsi x est compris entre r et r 0 .
2
√ x−r
Mais par ailleurs x est irrationnel ; car si x était rationnel, 2 = 2 0 le serait aussi, ce qui est faux.
r −r
• Soient x, x0
∈ R r Qtels que x < x0 . Nous devons montrer l’existence d’un rationnel entre x et x0 .
1
Posons q = + 1 ; q est un entier strictement positif. Par définition de la partie entière on a :
x0 − x
1
q> , ou encore 1 < q(x0 − x).
x0 − x
Posons ensuite p = bqxc + 1 ; p est un entier. Toujours par définition de la partie entière :
p
qx < p 6 qx + 1 < qx + q(x0 − x) = qx0 , et aussitôt x< < x0 .
q
p
Nous avons bien trouvé un rationnel entre x et x0 . Remarquez au passage que nous n’avons pas utilisé du
q
tout l’hypothèse que x et x0 sont irrationnels.
Corollaire Tout intervalle ouvert non vide de R contient au moins un rationnel et un irrationnel.
Démonstration Soient a, b ∈ R̄ tels que a < b. Montrons que ]a, b[ contient un rationnel et un irrationnel.
Introduisons deux réels a0 , b0 ∈ ]a, b[ tels que a0 < b0 .
• Si a0 ou b0 est rationnel, alors ]a, b[ contient bien un rationnel ; sinon, si a0 et b0 sont irrationnels, alors comme
a0 < b0 il existe un rationnel entre a0 et b0 en vertu du théorème précédent, qui est aussi élément de ]a, b[.
Dans les deux cas ]a, b[ contient un rationnel.
• Si a0 ou b0 est irrationnel, alors ]a, b[ contient bien un irrationnel ; sinon, si a0 et b0 sont rationnels, alors
comme a0 < b0 il existe un irrationnel entre a0 et b0 en vertu du théorème précédent, qui est aussi élément
de ]a, b[. Dans les deux cas ]a, b[ contient un irrationnel.
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