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Horizons et débats
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10e année
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L’éthique philosophique:
drapeau flottant au vent ou rocher dans le ressac?
par Otfried Höffe*
Le président de la Commis- de l’Egypte, de l’Inde et de
sion nationale suisse d’éthique la Chine. En outre, on trouve
pour la médecine humaine et partout le principe de récipro-
titulaire d’une chaire de philo- cité, cette règle d’or qui veut
sophie à l’Université de Tübin- que l’on ne fasse pas à autrui
gen distingue deux aspects de ce qu’on ne veut pas qu’il nous
l’éthique: l’éthique fondamen- fasse.
tale, qui s’intéresse à la mora- Ce haut degré de ressem-
le et aux principes ultimes des blances interculturelles per-
conduites morales, et l’éthique met de parler d’héritage moral
appliquée, qui s’intéresse aux mondial: au-delà de toutes les
questions morales posées par différences qui divisent les
les différents domaines de la hommes, au-delà de la diver-
vie, par exemple de la méde- sité des langues, des us et cou-
cine. Ces deux aspects doivent tumes, des religions, on ne
reposer sur des principes so- peut pas ne pas voir que les
lides. hommes sont d’accord sur la
plupart des choses importantes
Les commissions d’éthique pour eux: sur les principes fon-
doivent aborder des problèmes damentaux de la morale.
actuels de la société selon des Cela dit, un des objets sé-
points de vue éthiques. Le rieux de la philosophie est le
risque existe que les repré- scepticisme. Le scepticisme
sentants de l’éthique (philoso- moral reconnaît les ressem-
phique) s’adaptent à l’esprit du blances mais explique que les
temps et, tel un drapeau flottant principes de second niveau
au vent, cèdent à des modes et sont controversés.
à des intérêts changeants. Or Effectivement, certains phi-
on doit attendre d’eux qu’ils losophes moraux, les utilita-
aient assez de courage, pour ristes, se fondent sur le princi-
résister, comme un rocher dans pe de plus grand bonheur pour
le ressac, à l’esprit du temps en le plus grand nombre alors
se référant à des principes mo- que Nietzsche écrivait, dans
raux. D’où ma question: Com- le Crépuscule des idoles, que
ment l’éthique philosophique «Au-delà de toutes les différences qui divisent les hommes, au-delà de la diversité des langues, des us et coutumes, des «l’homme ne recherche pas
peut-elle apprendre à l’homme religions, on ne peut pas ne pas voir que les hommes sont d’accord sur la plupart des choses importantes pour eux: sur les principes le bonheur, seul l’Anglais le
à axer sa vie sur des principes fondamentaux de la morale.» (photo mt) fait.» Aujourd’hui, même les
inébranlables sans se laisser pays anglophones s’éloignent
détourner de leur chemin par de l’utilitarisme qui a dominé
les difficultés. Ma réponse comportera cinq guidant les comportements justifiés relèvent vations scientifiques et techniques. Elles ne longtemps. Depuis John Rawls, c’est-à-dire
étapes. Premièrement, je vais me demander de la «morale critique», ou tout simplement se produisent pas au rythme des années ou depuis presque quatre décennies, il se réfè-
ce qu’est l’éthique philosophique, deuxième- de la «morale». Plus précisément, l’éthique même des décennies. Les véritables innova- re plutôt au plus important philosophe moral
ment ce qu’est une innovation éthique. Troi- présente deux aspects. Le premier, discours tions ont besoin de ce que notre époque fé- des temps modernes, Emmanuel Kant. Les
sièmement, je vais esquisser pour la morale fondamental, précise la notion de morale et brile a oublié: le rythme séculaire. Et si l’on raisons qui militent contre l’utilitarisme et en
et l’éthique des principes pour ainsi dire im- justifie les principes ultimes du comporte- observe l’objet de l’éthique, les principes mo- faveur de Kant résident en partie déjà dans
muables. Quatrièmement, je me demanderai ment moral – on peut les appeler principes raux, on constate qu’une partie considérable la notion de morale. Mais sa définition a
ce qu’il en est des recommandations éthiques de second niveau – qui sont plus fondamen- d’entre eux sont connus de l’humanité depuis lieu dans un discours philosophique interne
du genre de celles de la Commission natio- taux que les quatre ou cinq principes (de pre- des millénaires: ils sont en grande partie in- dont l’éthique appliquée adopte les principes
nale d’éthique. Et cinquièmement, je dresse- mier niveau) bien connus de l’éthique médi- terculturels et intemporels. sans s’engager sur ledit discours. Au lieu de
rai un bilan sans doute provisoire. cale: l’assistance (salus aegroti), le fait de ne le faire, elle reprend, par exemple en tant
pas nuire (nil nocere), le consentement éclai- Principes reconnus qu’éthique médicale, des principes générale-
Qu’est-ce que l’éthique philosophique? ré (autonomie), et, dans une perspective so- Cependant certains philosophes défendent ment reconnus. En font partie les quatre ou
Les gens en viennent généralement vite au ciale, la justice, complétée par la solidarité. une autre position: le relativisme. Selon cette cinq principes (de premier niveau) mention-
fait; le philosophe, lui, commence par deman- Le discours fondamental de l’éthique fonda- conception, dans les différentes cultures et nés plus haut, de même que l’idée de l’intan-
der de quoi il retourne: une éthique a fina- mentale comprend la recherche d’une norme époques, on trouve des conceptions si dif- gibilité de la dignité humaine et les droits de
lement pour mission d’évaluer le bien-fondé générale, d’un «thermomètre moral» qui se férentes du bien et du mal que la thèse des l’homme qu’elle place systématiquement au-
des comportements existants ainsi que des révèle structurellement plus complexe qu’un correspondances interculturelles doit être er- dessus.
comportements envisageables. Les principes thermomètre ordinaire. Le second aspect, ronée. Cette position est connue depuis long- Une éthique appliquée intelligente suit
l’éthique appliquée, s’intéresse aux questions temps et malgré cela, elle ne s’est pas impo- l’exemple des bons juges et des bons législa-
morales posées par différents domaines de la sée. Des penseurs de l’Antiquité connaissaient teurs. Elle ne repose pas sur des principes pri-
* vie. Mais même alors, par exemple en tant le principe «autres pays, autres mœurs». Selon vés. Selon une méthode qui remonte à un des
Otfried Höffe, né le 12 septembre 1943 à
Leobschütz (Haute-Silésie), est un philosophe alle- qu’éthique médicale, la philosophie ne s’inté- l’historien grec Hérodote, à la question de sa- plus grands philosophes moraux, Aristote,
mand qui doit sa notoriété surtout à ses travaux sur resse pas à des évaluations concrètes: elle ne voir quelle attitude avoir à l’égard des morts, elle se réfère le plus possible à des principes
l’éthique, Aristote et Emmanuel Kant. formule surtout pas de recettes. les Indiens recommandent de les brûler, les non controversés. Elle a recours à une argu-
De 1978 à 1992, il fut titulaire de la chaire Perses de les manger et les Grecs de les en- mentation dite topique.
d’éthique et de philosophie sociale et directeur de Innovations éthiques? terrer. (Histoires 3, 38.2-4). Certes, ces diffé- Cette méthode n’est pas limitée à l’époque
l’Institut international de philosophie sociale et de L’éthique ainsi esquissée ne se ferme pas aux rences sont considérables. Mais si l’on oublie d’Aristote. Au contraire, elle convient très
politique de Fribourg (Suisse). Parallèlement, il
fut, de 1978 à 1990, chargé de cours de philosophie
innovations, surtout pas lorsqu’elles profitent la première impression, on se rend compte bien à notre époque. Elle fonde en effet une
du droit à la Faculté de droit de l’Université de Fri- à son objet, c’est-à-dire l’homme. Au con- qu’elles concernent des obligations relative- éthique pour des citoyens libres, plus préci-
bourg. De 1986 à 1998, il enseigna l’éthique sociale traire, les nouveautés qui sont au service de ment concrètes. Au plan moralement déter- sément pour les citoyens libres d’un monde
à l’EPF de Zurich. Depuis 1992, il est professeur de l’homme méritent le terme honorifique d’in- minant, on observe un degré étonnant de res- laïque et pluraliste et, selon un critère global,
philosophie à l’Université de Tübingen où il a fondé novations et sont les bienvenues en éthique. semblances. également multiculturel. Ainsi, des groupes
en 1994 un Centre de recherches en philosophie po-
litique et été coopté membre de la Faculté de droit.
Et même, au sein de la philosophie, on consi- Ainsi, les trois attitudes traduisent le res- peuvent se référer à leurs convictions reli-
Depuis 2002, il est professeur invité permanent de dère comme vraiment importants uniquement pect à l’égard des morts. Et ce n’est pas tout : gieuses, mais la société moderne prise dans
philosophie du droit à l’Université de Saint-Gall. les auteurs qui apportent une innovation à la pratiquement toutes les cultures condamnent son ensemble se caractérise par une diver-
Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’éthique, le théorie de la morale. En effet, l’éthique n’est le mensonge et prônent le respect de la vie. sité de religions ainsi que de conceptions du
droit, la philosophie de l’Etat et de l’économie ainsi pas la seule compétente en matière d’innova- Des attitudes fondamentales comme la pon- monde et de valeurs qui comprennent l’in-
que sur Aristote et Kant. Son livre «La justice poli-
tique» a été traduit en neuf langues, dont le français
tions morales. dération, la justice, la loyauté, la sincéri- différence à l’égard de toutes les conceptions
(PUF, 1991). Le 1 juin 2009, il a été nommé prési-
er Or l’expérience nous apprend que les in- té, la serviabilité et le courage occupent une du monde et de toutes les religions, voire
dent de la Commission nationale suisse d’éthique. novations en matière de théorie morale ne se place importante. On observe déjà ces res-
Il vit aujourd’hui à Tübingen. produisent pas au même rythme que les inno- semblances entre les civilisations anciennes Suite page 2
page 2 Horizons et débats No 40, 18 octobre 2010
Un des piliers de l’Occident moderne a été tique (en partie seulement chez Jonas) ren- donné à l’immanence ont pour conséquence tissement total, nous devrions redécouvrir
décrit de manière exemplaire par Max Weber contraient un horizon dépourvu de trans- paradoxale un avilissement de l’homme. Et le sens religieux de nos limites et le frisson
comme un processus de rationalisation et cendance. Il semblait que le bon Dieu eût pour citer Nietzsche, «il semble que l’hom- éprouvé devant le sacré en tant qu’ultime ho-
de désenchantement du monde. Ce modèle perdu sa fonction et le paradigme de Weber, me soit arrivé à une pente qui descend, – il rizon du sens. La rationalité ne suffit pas, elle
d’identité laïque du monde moderne n’a pas du moins en ce qui concerne la religion, de- roule toujours plus loin du centre…». De doit se nourrir de quelque chose qu’elle ne
seulement entraîné l’éclatement de la mé- vait continuer à ne pas être mis en doute. sujet dominateur qu’il était, il est devenu un peut pas produire elle-même.
taphysique en diverses sciences mais éga- L’éthique pouvait sans difficulté devenir pu- objet dominé, un instrument passif et sans dé- Certes, il serait naïf de penser qu’on peut
lement la relégation au domaine privé de blique mais la religion restait dans le domai- fense servant à réaliser des expériences tech- combattre le nihilisme qui gagne du terrain
la conscience individuelle de la religion et, ne privé. niques de plus en plus sophistiquées et cons- grâce à une synthèse entre la foi et la con-
d’une manière plus générale, des valeurs et Cependant en raison du fait incontestable ternantes. naissance. Dans les premiers siècles de notre
des normes. Parallèlement à l’apparition du que, ces dernières années, le sentiment re- Il s’agit là du projet du génie génétique et culture, c’est effectivement la synthèse, réa-
positivisme scientiste axé sur le paradigme ligieux avait pénétré sous diverses formes de ses nombreux partisans, projet qui repré- lisée par la théologie, entre le christianisme
rationnel d’une science axiologiquement neu- dans le domaine public, cette façon de pen- sente le plus grand danger de notre époque et le platonisme qui l’a emporté sur le pre-
tre, on a assisté à la perte de la dimension pu- ser est entrée en crise. Ce phénomène nou- car il remet véritablement en question la sur- mier nihilisme (celui de la gnose). Mais,
blique de la religion qui, comme l’éthique, veau a produit ce qu’on peut appeler une «ré- vie de l’homme sur Terre. Nous sommes après le scepticisme radical de Nietzsche et
a été réduite à une affaire privée. Contrai- habilitation de la théologie politique». Pour tous reliés les uns aux autres mais prison- de Heidegger, cela paraît maintenant impos-
rement à la rationalité de la science et de la beaucoup de personnes, cela signifie un dan- niers de ce réseau. Présents partout et nulle sible. Nous devons nous accommoder de
technique, les choix éthiques et religieux re- gereux retour en arrière, voire un grand dan- part, nous avons déjà perdu le sens de l’es- l’absence de Dieu, de la présence de cette
posent sur des décisions individuelles issues ger pour la démocratie. Mais à mon avis, pace et nous sommes sur le point de perdre absence. Mais cela ne signifie de loin pas
de sentiments personnels, et finalement irra- la démocratie est aujourd’hui menacée par le sens du temps. L’espèce humaine semble que «tout soit possible», que l’évolution soit
tionnels. tout autre chose, par exemple quand il suffit avoir atteint le point final de son évolution et maintenant entre les mains de la volonté de
Depuis longtemps, l’éthique essaie de à une agence de notation américaine d’éle- une nouvelle réalité se prépare déjà: la créa- puissance d’un homme qui, pour prendre la
se détacher de ce schéma. Mentionnons ici ver la voix pour mettre l’Union européenne tion d’une espèce nouvelle, post-humaine, place de Dieu, irait jusqu’à mettre en jeu son
John Rawls et sa théorie de la justice, Hans à genoux. Quoi qu’il en soit, il ne se passe grâce à une intervention directe dans le code propre avenir. Cela signifie plutôt que nous
Jonas et son principe de responsabilité et pas de jour sans que la presse ne publie un génétique de l’espèce actuelle. Peut-on faire ne pouvons pas nous empêcher de vivre dans
Karl-Otto Appel et son éthique de la discus- plaidoyer en faveur de la raison laïque, le- quelque chose contre cette évolution insen- une perspective de doute radical dans lequel
sion. C’est chez ces auteurs que les efforts quel fait renaître un fatras idéologique néo- sée vers le néant? il n’y a pas de certitudes et de garanties mé-
pour trouver une ultime justification ration- rationaliste tout à fait inapte à permettre de A cet égard, l’éthique et le droit montrent taphysiques ultimes mais uniquement une
nelle ont atteint leur point culminant. Leurs comprendre la réalité. Mais la question prin- leur faiblesse: Dans les époques de grand quête de sens permanente. Ce sens n’est pas
tentatives de réhabiliter la philosophie pra- cipale reste la suivante: L’Occident est-il sé- danger, on a besoin d’un antidote plus effi- introduit dans les choses par l’homme mais
rieusement menacé par la théologie politique cace. Et je ne pense pas à la théologie poli- il existe et l’homme est seul à pouvoir le dé-
ou le paradigme de la laïcisation poussé à ses tique au sens d’un instrumentum regni, c’est- couvrir.
*
Paolo Becchi est chargé de cours de philosophie du extrémités est-il au bord de l’effondrement? à-dire à une reconquête de la religion en tant Dieu ne nous a pas légué son rôle de créa-
droit à l’Université de Gênes depuis 1999. Depuis Voici quelques idées à ce sujet. que simple servante du pouvoir politique. teur mais a créé l’homme «à son image» et
octobre 2006, il est titulaire de la chaire de philoso- L’absence de Dieu, ou du moins sa relé- L’ouverture à la transcendance, refoulée et lui a par là même prêté une dignité transcen-
phie du droit et de l’Etat à l’Université de Lucerne. gation loin des événements humains, doit pourtant toujours présente, pourrait peut-être dante grâce à laquelle il a pu occuper une
Ses nombreuses activités de chercheur et d’inter-
venant lors de congrès l’ont mis en contact cons-
être remplacée par le report de sa toute-puis- se révéler une importante force motivante. En place particulière dans la nature. Avant toute
tant avec la culture juridique de langue allemande. sance sur l’homo creator. C’est la dernière effet, l’intangibilité de l’homme peut-elle être valeur et au-delà, la référence à la spécifi-
Aussi a-t-il traduit en italien des ouvrages de Hegel, étape audacieuse de la laïcisation. La volonté fondée autrement que par une redécouverte, cité de la condition humaine, c’est-à-dire à
de Hans Jonas et de Kurt Seelmann. Il est mem- humaine devient une copie de la volonté di- éventuellement sous forme de théologie né- sa signification ontologique, nous permettra
bre de l’Istituto Italiano di Bioetica, de la Hans- vine. gative, cette catégorie du sacré dont on s’est peut-être de freiner, voire de stopper la cour-
Jonas-Gesellschaft, de la direction de l’Institut
für angewandte Ethik (Grünstadt), de l’Interdiszi-
La recherche obstinée d’une libération de débarrassé trop vite? se folle de la société biotechnologique vers
plinäres Zentrum Medizin-Ethik-Recht de l’Uni- toute dépendance extérieure, caractéristique Avant qu’il ne devienne un sujet avec l’autodestruction. Cela représente peut-être
versité Martin-Luther de Halle-Wittenberg, du co- du monde moderne, se révèle actuellement Descartes, l’homme n’avait jamais trouvé un espoir pour les générations futures: nous
mité scientifique des Rechtsphilosophische Hefte être l’illusion d’une liberté absolue créant les sa mesure en lui-même, dans le fundamen- n’avons pas le droit de les priver de la digni-
et rédacteur de la revue Ragion Pratica. Ses prin- monstres d’une quête de pouvoir qui se dres- tum inconcussum de sa propre assurance, té qui nous caractérise et de faire de l’espè-
cipaux domaines de recherches sont la philosophie
du droit de Hegel, celle des Lumières, l’histoire de
se non seulement contre la nature extérieure mais dans l’espace religieux. Afin d’éviter ce humaine une antiquité dans l’histoire de
l’élaboration des codes aux XVIIIe et XIXe siècles, mais aussi contre la nature intérieure, c’est- qu’aujourd’hui le processus d’absolutisation l’évolution. •
et certains sujets de bioéthique et de droit de la mé- à-dire la nature humaine. Le fait de se libé- de l’homme, le mythe du surhomme, ne se
decine. rer de la transcendance, le caractère absolu transforme paradoxalement en son anéan- (Traduction Horizons et débats)
«L’éthique philosophique: drapeau …» représente, avec les droits de l’homme qui en idée. Pour sa morale juridique, il est évident pragmatique: Il a vu dans sa mère atteinte de
suite de la page 1 découlent, le principe directeur de toute vie que l’homme, par le simple fait qu’il soit un la maladie d’Alzheimer une personne et lui a
individuelle ou collective. homme, possède des droits innés et inaliéna- fait prodiguer des soins jour et nuit. On de-
leur refus explicite. Aussi les citoyens libres Selon tous ces principes, il apparaît évi- bles. Quasiment personne ne considère qu’il vrait s’attendre par conséquent à ce qu’il sur-
attendent-ils à juste titre de la société dont ils dent que ni la morale ni sa théorie, l’éthique, est moralement acceptable de punir un inno- monte cette contradiction en modifiant fon-
font partie que ses règles juridiques se réfè- ne sont des drapeaux flottant au vent. Ils sont cent ou de tuer une personne impopulaire au damentalement sa conception de philosophie
rent à une raison humaine générale. Ils n’ac- plutôt un rocher capable de résister à un fort nom d’un bien collectif, aussi important soit- morale.
ceptent pas cela pour eux seuls mais pour ressac. il.
tous les hommes. Ils comptent donc sur des Etrangement, l’utilitarisme a survécu, mais Pour Peter Singer, en revanche, il n’y a Commissions d’éthique
principes universellement reconnus. essentiellement dans l’éthique appliquée. Il pas d’interdiction absolue de tuer. Il justifie Aux trois plans, celui de la morale, celui
C’est avant tout le «citoyen du monde» est représenté par Peter Singer qui n’a pas pleinement le droit d’avorter, de tuer des en- du discours philosophique fondamental et
Emmanuel Kant, de Königsberg, qui cons- examiné sérieusement la critique de Rawls. fants en bas âge, de pratiquer l’euthanasie. celui de l’éthique appliquée qui en découle,
titue une source importante quand il s’agit Si l’utilitarisme séduit beaucoup de monde, Ainsi, ce n’est souvent «pas mal» de tuer un il existe des principes quasiment immuables.
de fonder ces principes. On peut résumer sa c’est parce qu’il promet de réunir deux mo- enfant. Mais même dans l’utilitarisme, ni Qu’en est-il des commissions d’éthique? Leur
stratégie en six phrases: 1. Les devoirs mo- tivations plausibles en soi: l’intérêt pour le la morale ni l’éthique ne sont des drapeaux mission consiste à mettre en rapport trois élé-
raux ont une valeur absolue – les philosophes bien individuel et l’exigence morale de tenir flottant au vent. Le principe (de deuxième ni- ments essentiellement différents.
disent: catégorique – dans la mesure où ils ne compte du bien d’autrui. Une première diffi- veau) de bien collectif maximal reste incon- Le premier élément, les principes moraux,
peuvent pas être compensés par des devoirs culté réside dans l’hétérogénéité de ces deux testé. Dans une de ses formes, l’utilitarisme est, je le répète, connu depuis longtemps. Le
pré- ou extramoraux. Ainsi, on ne peut pas éléments. Celui qui veut le bien d’autrui doit de la règle, les règles morales sont également second consiste en lois objectives, par exem-
punir un innocent au nom d’avantages écono- parfois limiter son intérêt propre. Or comme pour ainsi dire inébranlables. Et dans l’utili- ple dans les connaissances en médecine, dans
miques. 2. Les devoirs moraux authentiques dans les conflits, le bien de toutes les per- tarisme de l’action, on ne s’adapte pas aux la recherche médicale et dans l’organisation
sont valables pour tous les hommes quel- sonnes concernées a la primauté, l’utilita- situations. Les situations doivent être maîtri- hospitalière. Le troisième consiste dans la
le que soit leur culture: la morale est fonda- risme exige un degré d’altruisme irréaliste. sées à la lumière du bien collectif. compréhension nécessaire de la situation ac-
mentalement universaliste. 3. La morale uni- En outre, il ne résout pas la question de sa- D’ailleurs, les conceptions morales men- tuelle, en particulier de ses difficultés.
versaliste implique - aspect «objectif» - que voir comment tenir compte, dans le bien gé- tionnées n’obéissent pas à l’utilitarisme de On ne peut pas simplement additionner
les principes d’action, les maximes, puis- néral, de chacune des personnes concernées. Singer mais à une notion rationnelle. Il con- ces éléments. Par conséquent, il ne suffit pas
sent être systématiquement généralisés. 4. Comme le bien général doit être optimisé, un sidère comme des personnes tous les êtres d’avoir des connaissances pour donner des
Le principe du sujet moral (aspect «subjec- désavantage pour les uns peut être compensé conscients d’eux-mêmes, c’est-à-dire ration- conseils éthiques, on a besoin aussi d’une fa-
tif») réside dans l’autonomie de la volonté. par un avantage pour les autres. Par consé- nels, donc également les chimpanzés, les culté de jugement créative car il faut identi-
5. Contrairement à l’utilitarisme, seules sont quent, l’utilitarisme permet des discrimina- gorilles, les baleines et les dauphins. En re- fier les problèmes et les analyser à la lumière
autorisées les réflexions sur les conséquences tions, par exemple la punition d’un innocent. vanche, ni les embryons ni les fœtus ni les des principes moraux. Dans ce travail, même
internes des actions. Ainsi, en ce qui concer- Et si le bonheur collectif est optimisé, il en- nouveau-nés ni les enfants en bas âge ne le si l’éthique ne se laisse pas dégrader au rang
ne le devoir d’assistance, il faut se demander visage même la possibilité d’une institution sont, à moins que les parents ne fassent oppo- d’une éthique du drapeau flottant au vent, la
quelles actions (ou absences d’action) elle aussi condamnable que l’esclavage. sition. Et les adultes qui ont perdu leur statut fermeté de ses principes est quand même en
promet. Je ne dois pas me demander quelles De plus, le père fondateur de l’utilitarisme, d’êtres conscients d’eux-mêmes (ou ration- danger. Et cela résulte par exemple de l’adop-
conséquences positives mon aide aura pour Jeremy Bentham, estime que l’acquis des nels) à la suite d’un accident, d’une maladie tion de la posture «humanitaire» de la guéri-
mon bien-être, par exemple pour mes inté- temps modernes, les droits de l’homme, sont ou en raison de leur âge avancé ne sont plus son et de l’assistance. En son nom, les éthi-
rêts commerciaux ou financiers ou ma répu- une «absurdité montée sur des échasses». La reconnus comme des personnes. Mais au plan
tation. 6. La dignité intangible de l’homme morale moderne s’oppose violemment à cette personnel, Singer a vécu une contradiction Suite page 4
No 40, 18 octobre 2010 Horizons et débats page 3
Le principe de milice,
un élément important de la démocratie directe
Un trait caractéristique important du sys- trative. Dans quel autre Etat les citoyens peu-
tème politique suisse est le principe de mi- vent-ils se prononcer sur les impôts et où les
lice. Le principe de milice signifie que les administrations ont-elles à répondre directe-
citoyens ne délèguent pas les tâches d’Etat ment vis-à-vis des citoyens? Il existe des étu-
mais les défendent plutôt eux-mêmes. La des scientifiques sur le bonheur et le bien-être
Suisse n’a pas de Parlement professionnel, montrant qu’en Suisse, en raison de l’étendue
à aucun niveau. Le Parlement se réunit qua- des possibilités de participation politique et
tre fois par an pendant trois semaines, et si de la décentralisation des pouvoirs (l’autono-
nécessaire, encore deux semaines de plus. mie locale), on se sent plus heureux et moins
Entretemps, la chambre parlementaire est impuissant. Par conséquent, les scientifiques
vide. Les parlementaires exercent tous leur viennent à la conclusion qu’«il faut tout es-
propre profession. Cela signifie qu’ils sont sayer pour renforcer la participation directe
ancrés dans la vie réelle. Ils ont les pieds des citoyens et la décentralisation des pou-
sur terre et sentent l’effet de leurs décisions voirs de décision en grande partie.» •
en tant que parlementaires. En raison de ce
Extrait de «Was heisst Volkssouveränität» («Ce que
feed-back par rapport à la réalité de la po- signifie la souveraineté populaire») par Matthias
pulation, ce principe de milice a la capacité Erne dans «Erfolgsmodell Schweiz».
d’élaborer des solutions aux problèmes, ca- (Traduction Horizons et débats)
pacité qui est supérieure à tout système pro-
fessionnel. Un Parlement, composé de toutes
les couches de professionnels, parvient aux
meilleures solutions.
Il en est de même dans l’armée, dans la
commission scolaire, dans le système judi-
ciaire (juge non professionnel), partout. Le
citoyen, par exemple, ne délègue pas la sé-
curité à une armée permanente, le citoyen «Le principe de milice signifie que les citoyens ne délèguent pas les tâches d’Etat mais les défendent
s’occupe lui-même de cette tâche parce plutôt eux-mêmes.» (photo gbh)
qu’il le veut ainsi et que cela constitue une
meilleure armée et aussi un meilleur résul- nécessaire peut être sans cesse renouvelé po- svelte, ayant moins de dépenses. Nous déci-
tat économique. Cela est prouvé scientifique- litiquement et tout ce qui existe est soutenu dons nous-mêmes par vote sur nos impôts ou
ment depuis longtemps. (Soit dit en passant: par les citoyens. La stabilité proverbiale de la sur une augmentation d’impôts. Néanmoins,
Bien qu’il n’y ait pas d’armée permanente, Suisse y est ancrée. Le gouvernement n’a pas les Suisses sont solidaires et sociaux. Il y a
qui peut être utilisée contre ses propres ci- peur des armes des citoyens, le gouvernement peu de temps, on est allé aux urnes pour une
toyens, le pays aurait pu mobiliser, au sein fait ce que veulent les citoyens. Donc, la vio- augmentation des impôts concernant l’assu-
de sa population de six millions d’habitants, lence à l’intérieur de l’Etat n’est pas néces- rance d’invalidité, bien qu’il soit notoire qu’il
en deux jours 700 000 soldats, équipés, for- saire. C’est la raison pour laquelle les mem- faut en endiguer les abus.
més et prêts à se défendre pendant la guerre bres de l’armée ont leurs armes à la maison Des études empiriques scientifiques
froide.) – depuis des siècles. L’Etat représente le bien montrent que la démocratie directe rend l’Etat
Comme ce modèle suisse peut se renou- commun organisé et non un contrepoint aux moins onéreux. Nous donnons à l’Etat autant
veler constamment, il n’y a de facto pas eu citoyens. que ce que nous considérons comme néces-
de révolution en Suisse, mais par contre une Au principe de la liberté, il faut ajouter saire. Comme nous nous identifions beaucoup
grande satisfaction et une identification de la responsabilité personnelle. Nous ne nous plus avec notre Etat, nous payons nos impôts,
la population avec l’Etat. Et il n’y a pas de considérons pas comme des «citoyens dépen- ainsi l’évasion fiscale et le travail non décla-
crises gouvernementales et aucune démis- dant de l’Etat», nous touchons peu d’aide so- ré ne présentent ni un grand problème ni un
sion spectaculaire parce que tout ce qui est ciale. Cela signifie également que l’Etat reste crime, mais seulement une question adminis- ISBN 978-3-89706-416-4
«L’éthique philosophique: drapeau …» sur le respect de leurs droits et se réservent sion. Si la goutte devient vague et la vague médecins suisses / Bollettino dei medici svizze-
suite de la page 2 la liberté, et non l’obligation, de pratiquer la ressac, l’érosion est plus rapide et plus forte. ri, 2010; 91: 32
bienfaisance. D’où ma conclusion: Une éthique faite de (Traduction Horizons et débats)
ciens évoquent une «implication coupable». Or celui qui ignore la primauté du respect principes solides ne résiste pas seulement à Lire également sur le sujet:
Ils prétendent se trouver face à un «dilemme de la vie sur le commandement de la bienfai- l’esprit du temps, elle est plus inébranlable Höffe, Otfried, Medizin ohne Ethik? Frankfurt a.
tragique» consistant à se rendre coupables sance commet le «faux raisonnement huma- que le rocher dans le ressac. • M., 2003, en particulier le chapitre 2
soit envers les embryons d’aujourd’hui, soit nitariste». L’éthique médicale fait allusion à Höffe, Otfried, Lebenskunst und Moral. Oder:
envers les patients de demain. En effet, selon cette primauté au travers du second principe Article publié initialement en allemand dans Macht Tugend glücklich? München, 2007, en par-
eux, on fait des recherches sur les embryons d’Hippocrate: «primum nil nocere» (tout la Schweizerische Ärztezeitung / Bulletin des ticulier la Ire partie.
qui, moralement, ne sont pas sans risques, d’abord, ne nuire en rien). Un patient pour-
mais ces recherches ouvrent des possibilités rait être assez fou pour demander, au nom de
de diagnostic et de thérapeutique pour les pa-
tients de demain qu’on leur refuse si l’on in-
son droit de disposer librement de lui-même,
l’amputation d’une jambe qui ne s’impose pas Horizons et débats
terdit la recherche sur les embryons surnu- médicalement. En revanche, celui qui sauve Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
méraires. la vie de quelqu’un en lui faisant don d’un pour le respect et la promotion du droit international,
Cette tentative de justification repose ce- rein sans mettre en danger la sienne n’agit du droit humanitaire et des droits humains
pendant sur un faux raisonnement. Je l’ap- pas de manière insensée mais serviable. Il
pelle «faux raisonnement humanitariste» car manifeste sa bienfaisance. Alors que le méde- Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante
il relève de l’éthique «humanitaire» de la cin devrait apporter son aide à une personne L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance
guérison et de l’assistance. Sous sa forme mo- serviable, il ne doit en aucun cas infliger un politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent
ralement la plus grave, il ignore la différence dommage à un tiers. Selon un autre principe bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par
d’importance entre les obligations morales. de l’éthique médicale, celui de l’autonomie les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le
La morale quotidienne fait déjà la distinc- du sujet, il n’a pas le droit de prélever un rein mensuel Current Concerns en anglais.
tion entre une morale élémentaire indispen- sans l’accord de la personne.
sable et une «prestation morale supplémen- Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– €
taire». L’éthique philosophique précise cette Bilan
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distinction. Alors que les principes de la mo- Il existe des philosophes qui suivent l’esprit
rale élémentaire, ce qu’on appelle les devoirs du temps. Certains le font pour une raison Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– €
de droit, constituent une obligation à l’égard peu honorable: pour être approuvés, c’est-à- Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– €
d’autrui et qu’en cas de nécessité, il faut les dire par opportunisme. D’autres manquent de Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.
imposer par la force, les «prestations supplé- courage intellectuel ou de force de caractère
mentaires», les devoirs de vertu n’ont pas ce pour s’y opposer et d’autres encore manquent Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les
caractère obligatoire. La morale élémentaire de principes moraux et éthiques. En revanche remettre à des personnes intéressées.
contraignante ne comprend que les interdic- très peu se conforment à l’esprit du temps par
tions strictes de voler, de tromper et de tuer conviction philosophique, c’est-à-dire pour Nom / Prénom:
alors que le commandement de la bienfaisan- des raisons de relativisme éthique. Mais j’ai
Rue / No:
ce relève du facultatif. Ainsi, la morale juri- montré que de solides arguments s’y oppo-
dique, de caractère obligatoire, a la primauté sent. Par conséquent, l’éthique philosophique NPA / Localité:
absolue. En accord avec nos intuitions mo- fait bien de tenir fermement à ses principes.
rales fondamentales, on ne peut, au nom de Au niveau de ceux-ci, l’éthique a même Téléphone:
la bienfaisance, ni voler ni tromper ni tuer une importance plus grande que le rocher
d’autres personnes. Et les citoyens libres en dont nous parlons dans le titre. Selon le pro- Date / Signature:
particulier ne se laissent pas priver de leurs verbe allemand «Une goutte régulière finit
A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51
droits et ne contreviennent pas aux droits par creuser la pierre», même cette matière
CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich
d’autrui. Ils insistent plutôt réciproquement dure qu’est le roc n’est pas à l’abri de l’éro-
No 40, 18 octobre 2010 Horizons et débats page 5
Allemagne
La Cour de justice européenne a, dans un li- manière la Cour, prévue uniquement pour Lorsqu’il y a plusieurs années, la Cour de nées, elle aura usurpé toutes celles de notre
tige entre l’Eglise catholique et un organiste des litiges entre Etats membres, tente de justice européenne a proclamé le droit des Cour constitutionnelle. Il en résultera un ni-
licencié à la suite de son divorce, annulé ce s’ériger en Cour suprême pour toute l’Eu- femmes à participer au service armé de ma- vellement de toutes les traditions juridiques
licenciement après que tous les tribunaux rope et tous les litiges. La Cour étend ainsi nière arbitraire et sans être compétente seuls nationales, comme l’a fait systématique-
allemands l’aient jugé légal en raison du rap- ses compétences de façon illégal et tranche quelques juges constitutionnels ont protesté, ment la Commission européenne en abolis-
port juridique spécial entre l’Etat et l’Eglise des litiges pour lesquels elle n’a aucune lé- mais le ministre de la Défense a complai- sant les différentes nations au profit d’une na-
en Allemagne. gitimité. samment exécuté ce jugement illégitime et tion européenne dans le Traité de Lisbonne et
Cette affaire n’est pas remarquable uni- Ce processus est grave parce qu’ainsi donc nul et non avenu en Allemagne. A ce en créant une union de transfert il y a quel-
quement en raison de son contenu qui con- chaque culture juridique nationale est éro- moment-là déjà, on aurait dû protester contre que mois.
trevient au droit allemand, mais surtout parce dée par un tribunal supranational. A preuve cette usurpation de compétences de la Cour Nous sommes ainsi face à une tendance
que la Cour de justice européenne n’est com- le présent litige entre l’Etat et l’Eglise en de justice européenne et ne pas exécuter ce pour les organisations européennes à accapa-
pétente qu’en matière de litiges entre les Etats Allemagne. Le fait que les juges de la Cour non-jugement. rer systématiquement des compétences des
membres de l’UE, et non pas pour les liti- de justice européenne proviennent de tous les Maintenant, le gouvernement fédéral et le pays membres. La Commission devient le
ges relevant du droit national du travail. Elle Etats membres a pour conséquence qu’une Bundestag sont à nouveau appelés à contester Comité central d’une Europe centralisée et à
n’était donc pas habilitée à trancher. partie de ces juges ne sont pas chrétiens et l’abus de la Cour de justice européenne en ce l’encontre de tous les arrêts de la Cour cons-
Il est vrai qu’exceptionnellement on peut ne reconnaissent pas la culture chrétienne et qui concerne le litige à propos de l’organiste titutionnelle, elle «dé-démocratise les pays et
s’adresser à la Cour de justice européenne en les Eglises chrétiennes comme des entités ju- et de déclarer la Cour incompétente et le juge- n’accepte plus la légitimation de l’Etat par la
cas de violation des droits de l’homme, mais ridiques indépendantes. Dans d’autres affai- ment nul et non avenu. Et de même la Cour base et veut régner de manière centralisée et
les litiges ordinaires relevant du droit du tra- res, il s’agit de biens culturels qui sont ju- fédérale de justice devrait s’élever contre la hiérarchique sur l’Europe.
vail ne concernent en principe pas des viola- ridiquement pertinents dans un Etat donné, tentative de la Cour de justice européenne de Ainsi l’Union européenne est devenue
tions des droits de l’homme. La Cour de jus- mais ne peuvent naturellement pas être com- reléguer au second plan la Cour fédérale de en réalité le contraire de ce que nous vou-
tice européenne s’est ainsi arrogé de manière pris par une Cour composée de juges venant justice en ce qui concerne les affaires natio- lions démocratiquement. Elle devient petit à
inadmissible des compétences en matière de de divers pays et cultures. Pour cette seule nales et de se hisser elle-même au rang d’une petit un Etat fédéral. Mais nous ne voulions
droit national. raison déjà, il était raisonnable de ne pas cour suprême. qu’une fédération d’Etats. Seule celle-ci est
Roman Herzog et même la Cour constitu- donner de compétences en matière de droit Si l’on s’empresse de nouveau d’exécuter juridiquement acceptable.
tionnelle fédérale avaient déjà mis en garde national à cette Cour internationale et de li- l’arrêt de la Cour de justice européenne, elle Il est donc temps de s’opposer de manière
contre l’empiètement de compétences en miter sa compétence aux litiges entre Etats sera encouragée à s’arroger illégalement de démocratique à ce monstre qu’est l’UE. •
matière de droit national, parce que de cette ou avec l’UE. nouvelles compétences et dans quelques an- (Traduction Horizons et débats)
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Satire III
L’Extrême-Orient russe –
une nature grandiose, riche et sauvage
par Niels Peter Ammitzboell et Barbara Hug