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Mots

Le discours politique
Madame Annie Geffroy

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Geffroy Annie. Le discours politique. In: Mots, n°14, mars 1987. Numéro spécial. Discours syndical ouvrier en France. pp. 209-
212;

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COMPTES RENDUS 209

Le discours politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1984, 304 p. (coll. « Linguistique
et sémiologie »).

Comme le souligne C. Kerbrat-Orrechioni dans sa présentation, ce recueil se caractérise


par son extrême diversité : 12 textes sont des communications au colloque « Le discours
politique : aspects sociolinguistiques, lexicologiques et textuels » qui s'est tenu à Leipzig en
octobre 1980 \ auxquels s'ajoute une étude de M. Mouillaud.
Trois contributions sont du type « état de la question ». K. Bochmann (« L'analyse du
langage politique dans la linguistique de la RDA. Tendances, acquis et perspectives », p. 9-
26) voit en 1969 un tournant dans l'orientation de la linguistique en RDA qui, de la recherche
« intralinguistique » ou linguistique « pure », passe à l'examen du « déterminisme social de la
langue ». K.B. énumère les travaux de lexicologie politique, de stylistique linguistique, et
souligne que les recherches « ne sont pas restées du seul ressort des linguistes mais ont
également préoccupé les représentants des sciences journalistiques » (p. 13). Insistant
constamment sur les « obligations sociales » (p. 17) de la linguistique de la RDA (contraste RDA/
RFA, opposition des « idéologies bourgeoises » et de l'« idéologie scientifique du marxisme-
léninisme » p. 17), il voit l'avenir dans une synthèse entre l'analyse du discours politique
(ADP) française et la Textlinguistik allemande2. L'importante bibliographie, dont les titres ne
sont pas traduits, est malheureusement dispersée au fil des notes.
L. Pacagnella et M.-A. Cortelazzo (« La langue politique en Italie : une ligne de
recherche », p. 57-72) soulignent l'importance des « finalités sociologiques, anthropologiques et
politologiques » qui font que « les données linguistiques servent de support à des analyses d'un
tout autre genre » (p. 57). Ces analyses sont souvent résumées sous le terme de lingaggio,
terme un peu fourre-tout3. Les recherches sur corpus leur semblent relever de deux voies,
lexicologique et linguistico-rhétorique, qui peuvent être complémentaires mais qui « ont eu des
difficultés pour trouver une intégration » (p. 60). Ces travaux portent sur la langue du fascisme
et de l'antifascisme, mais aussi sur la fin du 18e siècle et les textes des années 1968. La
bibliographie est reprise à part (p. 69-72), ce qui la rend d'un abord plus facile. L. Guespin
(« L'analyse du discours politique en France. Acquis et tendances », p. 131-164) suppose connue
F« histoire événementielle » de l'école française d'ADP pour évoquer les ambitions linguistiques
à l'origine de ces travaux ; l'AD est « une manière plus juste de poser le problème du sens »
(p. 132). Dans son panorama, il distingue les « marges » (lexicométrie, travaux de M. Pêcheux,
situés « à un autre carrefour », recherches de D. Labbé, proches de l'analyse de contenu

1. Et dont les Actes en allemand ont été publiés par l'Université Karl Marx de Leipzig en 1982.
2. Sur la Textlinguistik, voir le volume 4 (1978) de la même collection.
3. Celui de discours me parait présenter un peu le même défaut, et lui avoir succédé comme terme-vedette de
titres, sans amener forcément de changement notable dans le contenu des travaux. Saluons quand même les méritoires
tentatives de « fixation de sens » de ce terme (notamment L. Guespin p. 153).
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malgré un appareil « linguisticisé ») du « front scientifique » qu'il appelle « école française


d'AD » (p. 153), et dont il rappelle les caractéristiques : travail sur unités-pivots, normalisation
syntaxique, attention aux conditions de production. Evoquant, pour conclure, la crise de la
linguistique, il voit les possibilités d'un déblocage dans l'enrichissement de la sociolinguistique,
la constitution d'une théorie psycho-sociale du langage, l'exploration de nouveaux terrains
(langues minorées, langage des femmes, langage des enfants), et, sur le problème essentiel de
définition des unités d'étude, dans « un retour à la méthode structurale » (p. 154).

Les autres textes portent sur un corpus ou un problème linguistique particulier ; ils
illustrent et précisent tel ou tel courant évoqué dans les trois articles-panoramas. A l'exception
d'E.Leso, qui fait l'histoire classique, « à la Brunot », des termes politico, potere, diritto,
libertà, democrazia et de leurs mutations sémantiques dans l'italien de la période « jacobine »
(1796-1799), tous les auteurs analysent des textes du 20e siècle. F. Foresti (p. 85-99) expose
des prolégomènes très généraux à l'étude de la propagande dans l'Italie fasciste. Il souligne
le caractère centralisé de cette production, son assomption de l'italien comme langue nationale
(en contradiction avec la réalité sociolinguistique), et voit une des causes de son efficacité
dans l'exploitation de l'aspect pragmatique de mots qui sont des « symboles agrégés » (p. 92).
L. Volta, s'inspirant de I.M. Lotman, fait l'analyse sémiotique d'un texte de 1932, la préface
de B. Spampanato à son Popolo e regime. Il dégage les actants, souligne le « fourmillement »
des sèmes négatifs associés à l'actant « bourgeoisie » et le changement d'isotopie qui, après
un récit de lutte, laisse la place à un avenir-présent immobile, à une utopie de structure
schizomorphe. G. Knauer étudie, selon une procédure d'AD classique, 3 discours de Fidel
Castro (1953, 1963, 1973). Jugeant que « la stratégie communicative du sujet parlant s'exprime
surtout dans l'emploi quantitatif d'un mot-clé », il analyse contrastivement les textes en les
ordonnant sur les termes-pivots révolution/révolutionnaire et conclut sur la nécessité d'une
typologie des énonciations. Le texte de M. Mouillaud, non soumis à la règle de brièveté des
communications de colloque, scrute longuement « la stratégie du changement de terrain dans
la polémique du PCF et du Planning familial en 1956 » (p. 231-298). Les partenaires de ce
débat polémiquent à travers un jeu médiatique (lettre ouverte, ouvrages, propositions de loi...)
très complexe. M.M. oppose le discours du Planning, discours du cas, chaque fois particulier,
au discours « un aire » ou « du même » : discours de la loi, discours démographique, doctrines
et dogmes, tout en remarquant que Planning et PCF partagent une « idylle de la femme et
de l'enfant » (p. 289). Analysant la position du PCF, son changement et ses contradictions, il
émet l'hypothèse que le « surplus d'énonciation », le renforcement du discours par le locuteur
(caractéristique du discours politique) s'observe là où il y a un « manque à énoncer », c'est-
à-dire une faille, un problème (p. 298).

Quatre articles, dans des perspectives très diverses bien sûr, traitent de textes d'aujourd'hui.
G. Wotjac aborde un sujet passionnant, celui des « stéréotypes dans le texte politique » (p. 43-
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55), mais de façon à mon avis très frustrante. Son terrain d'exploration est constitué par les
textes non fictifs des quotidiens de RDA. Mais il se contente d'un classement selon les schémas
syntaxiques les plus fréquents. И assimile les stéréotypes aux « subprogrammes » de la
cybernétique, et tente une appréciation des « avantages et inconvénients » de leur emploi : ils
correspondent à des « stéréotypes de pensée » et renforcent la convergence entre locuteur et
récepteur, mais leur usage peut être « nocif et manipulatoire » ; cette appréciation est
malheureusement gouvernée par un méta-stéréotype de taille1, qui présente l'univers commu-
nicationnel de la RDA comme un univers harmonieux, « sans antagonisme de classe, faisant
preuve d'une large unité morale et politique, fondée sur une idéologie scientifique commune »
(p. 44). J.-B. Marcellesi fait le bilan de l'analyse de discours « à entrée lexicale » (ADEL),
et applique la méthode au pivot Corse dans les circulaires électorales des 5 candidats aux
élections législatives à Sartène en 1978. J.-M. Adam (p. 187-212) refuse le mot-pivot et la
normalisation des énoncés. Il se place dans le cadre de la pragmatique textuelle et analyse,
dans un macro-acte de discours (l'intervention télévisée de Giscard d'Estaing de janvier 1978,
dite du « bon choix »),une séquence qui, textuellement narrative (souvenir d'enfance), est
pragmatiquement injonctive. B. Gardin a été attiré par l'aspect d'« écart à la norme » d'un
tract CGT de Renault-Cléon en 1978 (« La chaîne c'est quoi ? Témoignage »). U observe
d'abord dans la graphie (12 a fautivement écrits à) un fait d'hyper-correction, puis, dans les
négations à un seul élément, un « effort pour faire accéder au niveau de l'écrit certains traits
du parler populaire » (p. 173). Il lit enfin la structure actancielle du tract (à travers les je/on/
nous) comme un reflet des rapports de production.
L'article de C. Kerbrat-Orrechioni n'est ni une « review », ni un exposé de résultats sur
corpus. Elle aborde la question de l'implicite2. Celui-ci est présent dans tout discours, sinon
l'énoncé serait condamné à la paralysie par l'accumulation de « scrupules explicatifs » (p. 215).
Mais, dans le cas du discours polémique3, dont le discours politique n'est qu'un secteur, il
est particulièrement intéressant de voir comment les locuteurs peuvent user (donc abuser) de
« la possibilité qu'offre la langue de formuler sur le mode implicite certains des contenus de
l'énoncé ». Il faut distinguer les présupposés des sous-entendus. Les présupposés sont des

1. Qu'on pourrait résumer en « bon chez nous, mauvais chez eux ».


2. Auquel elle a consacré depuis un ouvrage : L'implicite (A. Colin, 1985).
3. Qui a fait l'objet, en 1980, d'un recueil de la même « collection noire » des PUL. П est d'usage d'opposer
polémique à didactique, mais tout le monde convient que ces deux « types de » discours sont simultanément présents
dans les discours « réels » ; question d'isotopie, donc de regard du chercheur. Politique se rapporte plutôt à une sphère
d'exercice du discours ; mais sa définition, dans le cours même du recueil, n'est pas univoque (voir p. 58-62, 73-75 et
passim). Encore peut-on se consoler en se disant que les deux termes du titre font l'objet de définitions. Ce qui n'est
pas toujours le cas pour d'autres, aussi important et aussi souvent évoqués, comme réception, stratégie (communicative)
ou (efficacité) pragmatique. Je ferai un sort à part à une triade, particulièrement récurrente dans les 100 premières pages
de l'ouvrage : émotionnellémotiflaffectif (p. 12, 31, 54, 80, 81, 92, 94, 105, 110). Quand cessera-t-on de considérer que
ces adjectifs constituent a) un terme descriptif suffisant et/ou b) une butée, un « bord » de l'investigation linguistique ?
Les mots du métalangage sont bien, eux aussi, des praxèmes...
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informations automatiquement entraînées par la formulation de l'énoncé, et ne peuvent être


contestés ni par le locuteur L ni par l'allocutaire A. Mais leur usage est soumis à une
déontologie en trois points : L ne doit formuler un contenu en présupposition que s'il considère
ce contenu comme vrai, s'il pense que A possède déjà cette information, et si elle ne constitue
pas le véritable objet de son message. La mauvaise foi discursive consistera à transgresser une
ou plusieurs de ces trois règles, faisant du présupposé un véritable trope (p. 217) dans lequel
le contenu explicite est marginalisé par rapport à l'implicite. Le cas est plus complexe encore
pour les sous-entendus, informations qui viennent éventuellement se greffer sur les posés et
présupposés de l'énoncé, dont l'actualisation est toujours plus ou moins instable, les marqueurs
linguistiques plus flous, et pour lesquels le décryptage doit, compensatoirement, faire appel à
des informations de nature extra-linguistique. C.K.-O. pense qu'il est possible de construire
une « échelle d'implicitation » (p. 215), nécessaire pour pouvoir mesurer le degré de « mauvaise
foi discursive » d'un énonciateur. Mais elle conclut que, vu la précarité de leur statut
linguistique, les controverses sur l'interprétation des sous-entendus « ont un bel avenir devant
elles ».
Les analyses de discours évoquées ou illustrées dans ce recueil me paraissent, comme les
interprétations des sous-entendus selon C.K.-O., promises à un bel avenir... mais cette
impression est, dans un premier temps, une déception, car elle veut dire que ces analyses,
toutes différentes, ne se complètent ni ne se réfutent les unes les autres : elles coexistent,
voisinent et se succèdent au gré des écoles, des courants et des modes qui, dans le milieu
linguistique, traversent, à peu près de la même façon semble-t-il, RDA, Italie et France depuis
les années 1968. Au constat de diversité fait dans la présentation, je suis donc tentée d'ajouter
le « subjectivème » (p. 6) de disparate, auquel s'ajoute, paradoxalement, l'impression de redites,
le plus souvent au moment de l'exposé des méthodes. Les analyses sont souvent des exemples,
donc des confirmations, des illustrations, et non des mises à l'épreuve de la méthode ou
théorie exposée en entrée. Mais passons sur cet inconvénient inhérent au genre colloque et
aux volumes collectifs (et qui est d'ailleurs parfois un avantage pédagogique). Ce recueil de
la « collection noire » est une bonne initiation à ce qui se fait ou peut se faire dans l'étude
du discours politique (mais aussi bien de tout discours)... Ce qui ne préjuge nullement de ce
qui se fera puisque, heureusement ou malheureusement, je ne peux que souscrire à l'opinion
de J.-B. Marcellesi, selon laquelle « le discours constitue, par rapport à quelque méthode que
ce soit, une matière inépuisable » et ce « non seulement par les caractères du texte, mais
aussi par les propriétés des systèmes d'approche » (p. 119, 121). Et j'ajouterai : par les
caractères (psychologiques, socio-politiques) des personnes qui approchent les textes et les
systèmes.

Annie Geffroy

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