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REMSES

N° 8 Janvier – Juin 2018 ISSN : 2489-2068

REVUE DES ETUDES MULTIDSCIPLINAIRES EN SCIENCES ECONOMIQUES


ET SOCIALES
Numéro 8

Janvier – Juin 2018

BANQUES CENTRALES : ARBITRAGE ENTRE STABILITE


FINANCIERE ET STABILITE MONETAIRE

CENTRAL BANKS: ARBITRATION BETWEEN FINANCIAL


STABILITY AND MONETARY STABILITY

Salma DRISSI (Doctorante)


Khadija ANGADE (Ph.D.)
Laboratoire de Recherche en Entrepreneuriat, Finance et Audit (LaREFA).
ENCG Agadir , Univer sité Ibn Zohr (Mar oc)
slmadr issi@gmail.com
khadija.angade@gmail.com

RESUME
La cr ise financièr e déclenchée en 2007 a r emis en cause le r ôle joué par les banques
centr ales limitées autr efois à une conduite de politique monétair e ver s une stabilité tr iple
dimensionnelle ,à savoir les pr ix, le système de paiement et le secteur bancair e. En effet ,
la major ité de ces fonctions sont le fr uit d’une sér ie successive de leçons coûteuses au
cour s des cr ises bancair es à par tir du 19e siècle et jusqu’au début du 21e . Ces
institutions qualifiées à la foi de tr ès anciennes et tr ès r écentes non cessé d’évoluer
depuis leur appar ition en fonction de l’évolution de leur envir onnement économique,
financier ainsi que l’évolution de la théor ie économique.
Or , suite à l’éclatement de la cr ise financièr e de subpr imes, un r éexamen du r ôle des
banques centr ales devient impér atif mar quant une nouvelle génér ation de banques
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centr ales dotées d’instr uments et d’outils tr ès puissants pour assur er la stabilité
financièr e sans délaisser l’objectif de la stabilité monétair e .
MOTS-CLES : Banque centrale, stabilité monétaire, stabilité financière, crise systémique,
libéralisation financière.
ABSTRACT
The financial cr isis unleashed in 2007 challenged the r ole played by centr al banks
for mer ly limited to monetar y policy conduct towar ds thr ee-dimensional stability,
namely pr ices, the payment system and the banking sector . Indeed, the major ity of these
functions ar e the r esult of a ser ies of expensive lessons dur ing banking cr ises fr om the
19th centur y until the beginning of the 21st centur y. These institutions qualified in the
faith of ver y old and ver y r ecent not ceased to evolve since their appear ance accor ding to
the evolution of their economic envir onment, financial as well as the evolution of the
economic theor y.
However , following the outbr eak of the subpr ime financial cr isis, a r e-examination of
the r ole accor ded to centr al banks becomes imper ative, mar king a new gener ation of
centr al banks equipped with ver y power ful instr uments and tools to ensur e financial
stability without abandoning the r ole of centr al banks goal of monetar y stability.
KEYWORDS: Central bank, monetary stability, financial stability, systemic crisis, financial
liberalization.

INTRODUCTION
À l’heure actuelle , l’objectif du maintien de la stabilisation financière, assimilé à la stabilité
et l'efficacité du système financier, occupe de plus en plus d’importance dans l’élaboration
de toute politique économique , voir également une nouvelle mission accordée aux banques
centrales qui se trouvent dans l’obligation de concevoir des instruments convenables pour
remédier à l’instabilité financière (Garry, 2005, p. 2). Ceci dit, celles-ci ont une perspective
systématique quant au maintien de la stabilité financière en se basant sur leurs orientations
macro financière.

Néanmoins, l’envers de ce succès des banques centrales semble être le fruit de leçons
chèrement payées en termes de crises systématiques, notamment la crise financière de 2007
qui marquera l’avènement d’une nouvelle ère pour les banques centrales voyant par la suite
l’élargissement de leur champ de responsabilité sans délaisser leur mission principale à savoir
la stabilité monétaire (Garry, 2005, p. 2).

Or, les autorités monétaires pourraient se trouver incapables de remplir correctement cette
double mission (Pollin, 2009). Dans la même optique, les crises financières de ces
dernières décennies ont contribué au déclenchement d’un large polémique chez les

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économistes quant à la capacité de la banque centrale à mener un arbitrage entre la stabilité


financière et la stabilité des prix (Aglietta, Scialom, Scialom, & SESSIN, 2000, p. 75).

Avançant comme argument la lourdeur des enjeux inclus dans les champs d’action de la
stabilité financière, une majorité d’auteurs s’interrogent donc quant à la capacité des banques
centrales à relever cette mission. Certes, aucun travail que ce soit de nature théorique ou
empirique n’a pu trancher vis-à-vis de ce débat, mais l’unanimité des économistes estime que
la stabilité financière a beaucoup d’interrelations avec la stabilité monétaire (Gill, 2007). Il
appert que l'efficacité de la politique monétaire est nécessaire, mais non suffisante pour
atteindre la stabilité recherchée et vice versa. À cet effet, un système financier s’exprime par
la réalisation d’un niveau élevé de profitabilité. Quant à l’objectif de stabilité monétaire, ce
n’est rien d’autre que la lutte contre l’inflation et le taux d’intérêt à court terme. De ce point
de vue, chercher à préserver la stabilité financière ne fait pas l’objet d’une attention
particulière, au motif qu’elle n’est , implicitement acquise qu’en assurant la stabilité des
prix ; les banques centrales consolident pareillement la stabilité du système financier.
Néanmoins, le débat sur le rôle joué par la politique monétaire en matière de prévention ou de
guérison des vulnérabilités financières a été évincé par une approche plus élaborée (Azangue,
2015, p. 335) . Étant donné que, la politique monétaire semble être un instrument insuffisant
pour atténuer les dysfonctionnements du système financier, il est judicieux de l’intégrer dans
une politique macro prudentielle plus globale ayant pour objectif d’atténuer les vulnérabilités
du système financier et de minimiser le risque d’instabilité financière avec la banque centrale
comme acteur principal (Lombardi & Schembri, 2016).

Dans le présent article, il semble adéquat de passer en revue l’évolution des fonctions de la
banque centrale ainsi que les différents mécanismes à leurs dispositions de transmission de la
politique monétaire en examinant les différents travaux consacrés à ce sujet. Par la suite,
l’examen du concept de la stabilité financière s’impose comme étant un axe important de
l'activité des banques centrales à l’ère de globalisation des activités financières. Enfin, bien
que l’élargissement des mandats de la banque centrale implique l’inclusion de la stabilité
financière comme objectif ultime, l’implication macro prudentielle de la banque centrale peut-
elle poser cette dernière dans une situation de conflit d’objectifs en tentant de faire un
arbitrage entre stabilité financière et stabilité monétaire ?

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1. La genèse des banques centrales

1.1.L’émergence des banques centrales

À partir des années 80, les banques centrales ont tendance à jouer progressivement un rôle
incontournable dans l’économie en remplissant des mandats évolutifs de telle sorte qu’elles
sont devenues actuellement, l’unique émetteur de la monnaie dite centrale, l’autorité
responsable de la régulation et de l’élaboration des politiques monétaires et le statut du
prêteur du dernier ressort. Plusieurs fonctions considérées parfois comme le fruit d’une série
successive de leçons coûteuses au cours des crises bancaires à partir du 19e siècle et jusqu’au
début du 21e (Ragot, 2013, p. 11).

Actuellement, la majorité des pays disposent d’une banque centrale. Néanmoins, la structure
de ces institutions diffère en fonction du statut monétaire et politique propre à chaque pays,
précisément, leurs degrés d’indépendance, leurs crédibilités et leurs champs d’intervention.

Pour plusieurs économistes, l’invention de l’appellation « banque centrale » revient à


l’économiste français Léon Aucher (Tabatoni, 1954). La majorité des définitions accordées à
la banque centrale sont inspirées des fonctions de celle-ci. Selon Denize Flouzat « la banque
centrale se définit comme l’institution qui se situe au centre des systèmes de paiement pour
garantir les règlements et contrôler l’expansion de la masse monétaire. C’est l’institution
considérée comme apte à préserver la confiance dans la monnaie du pays » (FLOUZAT &
d’Aurilly, 1999) .

À partir de cette définition, il est clair que la banque centrale est chargée de trois missions
principales : la définition et la mise en place de la politique monétaire, la gestion et le contrôle
du système de paiement ainsi que la réglementation et la surveillance du système bancaire.
Néanmoins, pour Padoa-Schioppa, cette définition avancée de la banque centrale est purement
fonctionnelle qui n’est ni nette ni immuable, vu qu’au fil des années, les fonctions de ces
institutions évoluent en fonction des mutations du système financier (Eckstein, 1991).

L’expérience historique des banques centrales explicite qu’il s’agit d’institutions qui sont à la
fois très anciennes et très récentes. L’attribut d’ancienneté est dû au fait que certaines banques
centrales existaient déjà depuis le 17e siècle à l’instar de la banque de Suède, fondée en 1656.
L’attribut récent s’explique par leur structure contemporaine relativement jeune et en
permanente mutation depuis sa création (des Règlements Internationaux, 2009, pp. 21-22) .

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En effet, cette évolution dépend fortement du contexte économique dans lequel, les banques
centrales doivent impérativement être amenées à agir (Betbèze, Couppey-Soubeyran, &
Plihon, 2011, p. 89) . La question concernant l’émergence des banques centrales trouve donc
son origine dans l’histoire monétaire. Dans une telle hypothèse, la naissance des banques
centrales avait pour objectif la création d’une institution apte à préserver la confiance dans la
monnaie en créant une opposition entre le modèle de « free banking » et le « central
banking » (Aglietta, 1992, p. 676). Le premier modèle suppose l’existence de monnaies
bancaires concurrentielles en prétendant que la seule règle monétaire valable sera la définition
d’une unité de compte. Quant au deuxième, il met en relation l’émergence d’une économie
monétaire avec la création et le développement des banques centrales suivant un schéma
hiérarchique à travers lequel la banque centrale détient le monopole d’émission de la monnaie
souvent appelée la monnaie centrale (Aglietta, 1992). Ce monopole a été surtout consolidé par
la règle du cours légal (il s’agit le cas échéant du papier monnaie et les pièces de monnaie)
attribuant par la suite à la monnaie centrale un pouvoir libératoire absolu. La mise en œuvre
de cette règle servait à la création d’une tendance générale à l‘unification d’émission de la
monnaie au profit d’un seul organisme qui dominera les autres banques en lui attribuant plus
tard le statut de la banque des banques (Tabatoni, 1954).

1.2.L’évolution des banques centrales


Cer tes, les fonctions de la banque centr ale, le contenu de leur s missions et leur natur e
ont subi un impr essionnant changement au fil des années ce qui per met de distinguer
tr ois gr andes phases d’évolution : la pr emièr e pér iode est celle située entr e la fin du
XVIII e et le début du XIXe siècle, une époque où les banques centr ales ne semblent r ien
que des institutions d’émission monétair e. La deuxième pér iode située entr e le début du
XXe siècle et 1950. Enfin, la der nièr e pér iode allant du 1960 jusqu’aujour d’hui (Mishkin,
2010, p. 504).

1.2.1. La première période (entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle)


Il semblerait assez surprenant de dire que la première banque centrale considérée comme le
premier ancêtre de nos banques centrales soit suédoise « La Stockholm banco » ,créée en
1656.Cette banque centrale, dans sa forme la plus primitive ,avait comme fonction l’émission
des billets de banque et la gestion des opérations d’escompte des différents faits
commerciales, évidemment les billets à ordre et les lettres de change. « La Stockholm
banco » ne tardera pas à tomber dans la faillite en 1664 suite à un excès de prêts pour donner
naissance à une autre banque « La Riksen Ständers Bank » quatre ans après placée sous la

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tutelle du parlement (Jourdon, 2009, p. 26) . Il s’agit d’un acte de nationalisation donnant
naissance à une banque centrale rattachée à l’État.

Après avoir instauré un régime parlementaire en 1689, c’est au tour de l’Angleterre de


créer sa toute première banque centrale en 1694. La banque centrale d’Angleterre avait pour
mission principale à cette époque de fournir le financement pour la guerre contre la France et
d’apporter une touche de modernisation au système financier de l’État.

La crise de 1792 marquait une nouvelle mission qui venait d’être attribuée à la banque
centrale, celle du rôle du prêteur en dernier ressort. En effet, ce rôle commence à s’accentuer
au moment où la banque centrale d’Angleterre se chargera de l’émission exclusive de la
monnaie dite fiduciaire de l’État en contrepartie d’une convertibilité à 100% de billets émis.
D’ailleurs, cette règle a été suspendue en 1866 à cause des crises.

En ce qui concerne la France, ce n’était qu’en 1800 que la banque centrale fut créée par
Napoléon Bonaparte. Celle-ci n’a pu avoir le monopole d’émission qu’après la révolution de
1848 à condition de pouvoir garantir une convertibilité totale des billets en or. Une telle
condition contribuait à la consolidation de la confiance des Français dans les billets bancaires
qui allaient remplacer plus tard les pièces en métaux précieux (Figuet, 2000).

Il semble donc que les banques centrales ont pu exercer depuis très longtemps la fonction de
banque d’État en obtenant le monopole d’émission des billets de banque devenus les seules et
uniques monnaies légales. Toutefois, l’amplification d’émission de la monnaie papier
engendre l’indépendance de celle-ci de la monnaie dite métallique. Une telle opportunité est
exploitée par l’Angleterre, devenue la puissance économique accablante à la fin du XIXe
siècle pour se servir du livre sterling comme devise principale dans les échanges
internationaux en remplaçant l’or par la monnaie papier.

1.2.2. La deuxième période (début du XXe siècle et 1950)


Ce n’est qu’au début du XXe siècle que le rôle de la banque dit central s’est amplifié suite au
développement de la monnaie scripturale en entrainant la centralisation des paiements
(FLOUZAT & d’Aurilly, 1999, p. 9).

Cette période marquera également la naissance de nouvelles banques centrales à savoir celle
des États-Unis, de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ainsi que dans quelques
pays d’Europe et d’Amérique Latine. Néanmoins, l’exigence de convertibilité des billets en
espèces métalliques, à l’instar des banques du second rang remboursant les billets de banque
en dépôt, engendrait une confusion entre les banques centrales, comme institutions

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d’émission, et les banques du second rang .Dans les deux cas s’impose l’obligation de
remboursement (FLOUZAT & d’Aurilly, 1999, p. 10) . Dans ces circonstances, une série de
réformes législatives étaient mises en place afin d’établir une certaine distinction entre les
banques commerciales et les instituts d’émission. Parmi ces réformes, l’attribution d’un
pouvoir libératoire illimité aux billets des banques. Suite à cette réforme, toutes les autres
banques doivent acheter ou emprunter les billets demandés par leurs clients auprès de la
banque centrale tout en dispensant cette dernière du remboursement des billets en monnaie
métallique. La fin de la Première Guerre mondiale marquera la prise de conscience du rôle
primordial joué par les banques évidemment après la crise de 1929. En effet, la crise de 1929
débutait avec un Krach boursier en mettant fin à une période de spéculation (Montoussé,
2007, p. 170). Pour Milton Friedman, fondateur du courant monétariste, une des principales
causes de la crise, une série d’erreurs commises par la jeune banque centrale américaine lors
de la crise de 1929 en lui reprochant de ne pas avoir su endiguer la spéculation ayant causé le
krach boursier (Voisin, 2006, p. 99). Pour le courant monétariste, la crédibilité de la banque
centrale se manifestait à partir de la persistance de sa politique de lutte contre l’inflation. En
fin de compte, tous les pays plongeaient dans la dépression suite à la crise, l’Angleterre et les
États unis ont abandonné la parité courante de leurs monnaies par rapport à l’or. Après la
deuxième Guerre mondiale, un large mouvement de nationalisation des banques centrales se
propageait partout.

Cette période de nationalisation des banques centrales (la Grande-Bretagne en 1946 ou encore
pour les Pays bas en 1948) attribue à ces institutions monétaires le statut d’entreprises
publiques ou celui d’autorités publiques se transformant par la suite en un véritable instrument
de la politique monétaire (Tabatoni, 1954).

1.2.3. La troisième période (du 1960 jusqu’aujourd’hui)


Ce n’est qu’après la révolution keynésienne qu’on peut parler d’un véritable objectif de
politique monétaire pour les banques centrales. En effet, les années 60 jugées de " grande
inflation" ont rallié les banques centrales aux politiques de stabilité des prix ayant
engendré par la suite la stabilité financière en passant par la stabilisation des anticipations
(Besson, 1992).Les banques centrales se trouvent alors inspirées de la théorie monétariste
pour justifier leur politique monétaire (Chamblay, Montoussé, & Renouard, 2007, p. 48) se
faisant passer pour un modèle d’une banque centrale dépendante du pouvoir public.
Toutefois, l’accentuation du phénomène d’inflation à l’issue des deux chocs pétroliers,
l’indépendance des banques centrales vis-à-vis du pouvoir public devenait une urgence pour

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garantir une stabilité des prix. Autrement dit, le regain d’inflation du dernier quart du XXe
siècle est expliqué par le recours excessif à la « planche à billets » pour combler les dépenses
étatiques (Lehmann, 2011, p. 198) . À vrai dire, deux arguments consolident l’importance
d’établir une indépendance de la banque centrale pour maîtriser l’inflation (Cukierman, 1992).
Le premier consiste au rôle joué par la banque centrale pour la stabilité des prix. Autrement
dit, la politique monétaire n’a pas d’influence à long terme sur les variables réelles. Du coup,
le pouvoir public se sert d’elle comme instrument pour réduire le chômage ce qui conduit à
une spirale inflationniste. Le deuxième concerne l’indépendance juridique de la banque
centrale. Cette dernière bénéficie par la suite d’une autonomie lui permettant de privilégier
l’objectif de stabilité des prix au détriment d’autres objectifs.

Selon une approche avancée par Kydland et Prescott (1977), cette configuration contribue au
respect de règles dans la conduite de la politique monétaire tout en écartant les différentes
pratiques discrétionnaires qui peuvent biaiser la crédibilité de la banque centrale (Blancheton,
2009, p. 198) . Après avoir passé en revue un bref aperçu de l’histoire d’évolution des
banques centrales, il semble primordial d’examiner le rôle de cette dernière concernant son
objectif de stabilité de prix et les différents instruments qu’elle utilise pour l’atteindre.

2. La stabilité des prix et la politique monétaire

2.1.Définition de stabilité des prix

À la recherche d’une définition élémentaire de la notion de stabilité des prix, il semble que
cette dernière représente l’objectif ultime de la politique monétaire (Black, 1990) &
(Carlstrom & Gavin, 1991). Pour Ireland (1993), la stabilité des prix est définie par deux
conditions de base : la première vise à ramener le taux d’inflation anticipé à une valeur nulle.
Quant à la seconde, elle consiste à éliminer l’incertitude relative aux changements à long
terme du niveau des prix (Ireland, 1993, p. 25).Pour certains, la première condition est
suffisante pour définir une stabilité de prix (Bordes & Clerc, 2004, p. 5).

Ceci dit, la stabilité des pr ix peut êtr e assimilée à une situation où « les variations
attendues du niveau m oyen des prix sont suffisam m ent faibles et graduelles pour ne pas
influer sensiblem ent sur les décisions financières des entreprises et m énages »
(Gr eenspan & Boar d of Gover nor s of the Feder al Reser ve, 1989).
À cet effet, l’expr ession « stabilité des pr ix » signifie qu’il n’y a ni situation d’inflation ni
de déflation. En assur ant l’objectif de stabilité des pr ix, le pouvoir d’achat de la monnaie

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r este pr éser vé en échappant aux différ entes anticipations inflationnistes (Montoussé,


Simula, & Simula, 2004, p. 169) . À l’examen de la deuxième condition mentionnée ci-
dessus, il semble que l’inflation peut êtr e anticipée et auto-entr etenue. En effet, au
moment de l’augmentation du niveau génér al des pr ix, les agents économiques peuvent
r éagir selon deux scénar ios. Pour le pr emier , les agents économiques s’adaptent et
absor bent cette augmentation des pr ix ; dans ce cas, on ne peut par ler d’inflation.
S’agissant du deuxième, les agents économiques cher chent de r éper cuter l’inflation au
lieu de l’absor ber en insér ant cette augmentation des pr ix inputs dans leur s pr ix
d’outputs en engendr ant une sor te d’inflation anticipée qui va aussitôt fair e or ienter le
niveau des pr ix de façon qu’elle devient une inflation pr ésente . Il s’agit de ce qu’on
appelle la tr appe à anticipation pour compr endr e le mécanisme de fonctionnement de
l’inflation(Chr istiano & Gust, 2000, p. 22). Dans de par eilles cir constances, la banque
centr ale se heur te à deux situations : le pr emier fait appel à la théor ie quantitative de la
monnaie concer nant la seconde, elle constitue une r ésultante de la cour be de Phillips
(voir la figure 1) :
- La banque centr ale appr ouve les anticipations des agents économiques par une
politique monétair e expansionniste. Cer tes, une telle décision pour r a pr évenir
une r égr ession de la cr oissance économique. Néanmoins, la hausse des pr ix de
r evient plus accr ue.
- La banque centr ale n’agit pas sur la masse monétair e, mais elle pr ocède à une
augmentation du taux d’intér êt ce qui impacter a l’activité économique en
engendr ant une r écession. Face à une telle situation, le chômage augmente et
l’inflation diminue.
Figure 1 : réaction de la banque centrale à un choc inflationniste

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Source : (Christiano & Fitzgerald, 2003, p. 24).

Ce cas de figure, la banque centrale doit privilégier le deuxième scénario pour assurer la
stabilité des prix .Une telle décision dépend de façon directe de l’indépendance ou non de la
banque centrale (Bordes & Clerc, 2004, p. 5). À cet égard, la banque centrale doit procéder
au suivi d’une large gamme d’indicateurs économiques pour déterminer le niveau du prix
d’équilibre. La deuxième condition, à savoir l’élimination de l’incertitude quant aux
changements à long terme du niveau des prix, s’interprète par une stationnarité du niveau
général des prix à long terme (Bordes & Clerc, 2004). Dans un tel contexte, la stabilité des
prix peut présenter des privilèges divers : la minimisation des coûts de l’inflation, le
renforcement de la confiance accordée dans la monnaie (étant unité de compte et étalon qui
garde la valeur des paiements), la minimisation des coûts de calcul d’étiquetage et la
consolidation du rôle des prix dans le mécanisme d’allocation des ressources(Barnett &
Engineer, p. 118).

2.2.La stabilité des prix, objectif ultime de la politique monétaire

La politique monétaire se définit à l’image d’un ensemble d’outils mis en action par la banque
centrale pour agir sur l'activité économique par la régulation de la masse monétaire. Pour
d’autres auteurs, la politique monétaire représente une série d’« actions délibérées des
autorités monétaires (banque centrale, trésor public) sur la masse monétaire et les actifs
financiers en vue de la régulation de l'économie à court terme et à moyen terme » (Silem &
Gentier, 2016). La mise en œuvre de la politique monétaire passe généralement par la fixation
d’un ou de plusieurs objectifs à atteindre en faisant appel à des moyens qui permettront de les
atteindre. La banque centrale définit une liste d’objectifs qu’elle essaye d’atteindre par sa
politique monétaire dont figure le maintien de la stabilité des prix. Autrement dit, la banque
centrale a pour mandat principal le contrôle de la masse monétaire de façon à éviter
l’inflation.

Ceci -dit, la politique monétaire est un outil incontournable pour maîtriser le niveau des prix
sur le moyen et le long terme. En plus, le maintien du niveau général des prix en minimisant
l’incertitude concernant les décisions d’investissement et de consommation permet également
la réduction de la volatilité de la production (Nubukpo, 2007, p. 2).

Compte tenu de ce qui précède, il convient de dire que l’atteinte de l’objectif de stabilité
monétaire (stabilité des prix) fait recours à une approche d’ancrage d’inflation. En effet, cette
dernière est vue comme étant un phénomène monétaire au sens où la politique monétaire peut

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la contrôler (probablement la seule à pouvoir le faire) .Encore, elle est considérée comme
étant un processus dynamique qui fait interagir le secteur privé et la banque centrale, ce qui
conduit la politique monétaire à être orientée vers l’avenir « forward-looking » (Drumetz,
Pfister, Sahuc, & Pfister, 2010, p. 28). En principe, la démarche de forward looking repose sur
trois caractéristiques quant au ciblage d’inflation : (a) pouvoir la contrôler (b) être prévisible
et, (c) fournir des indicateurs avancés à un terme cohérent avec l’horizon de la politique
monétaire (Astley & Haldane, 1995, p. 7) .

En effet, cette stratégie est largement adoptée par l’ensemble des banques centrales
puisqu’elle met en évidence l’incapacité de la politique monétaire d’agir à long terme sur les
variables réelles et qu’elle ne peut qu’affecter les variables nominales (Allegret & Goux,
2003, p. 5) .Toute réflexion faite, la conduite d’une politique monétaire ayant pour objectif la
stabilité monétaire doit être fondée sur la détermination d’une cible d’inflation. D’abord, les
autorités dévoilent explicitement un objectif quantitatif d’inflation, le cas échéant sous forme
d’une bande d’évolution des prix. Ensuite, le ciblage d’inflation doit être considéré comme
étant un objectif intermédiaire et non pas comme un indicateur (Svensson, 1997, p. 25).Enfin,
la conduite de la politique monétaire est fondée sur la prévision de l’inflation.

Cette politique peut être schématisée par un processus qui se décompose en deux étapes :

Figure 2 : processus de la politique monétaire fondée sur le ciblage d’inflation

Source : (A llegret & Goux, 2003)

Dans cette optique, la stabilité des prix s’illustre comme étant un environnement dans lequel
l’inflation atteint un niveau très faible et stable dans le temps de telle façon qu’il n’influence
pas matériellement les décisions des ménages et des entreprises (Adama & SARR, p. 6) .

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Ceci dit, les banques centr ales se tr ouvent face à des nouveaux enjeux : le défi de r ester
vigilant sur la stabilité des pr ix d’une par t et le maintien d’une stabilité financièr e dans
un contexte économique en pleine mondialisation d’une autr e par t.
Dans un contexte économique mar qué par une for te inter dépendance des différ entes
économies r elevant, d’une par t, des pays développés ou émer gents, et, d’autr e par t,
d’une libér alisation des mar chés financier s, l’intégr ation de l’objectif de la stabilité
financièr e dans l’agenda des missions des banques centr ales n’est pas à démontr er
(Boumghar , Miniaoui, & Smida, 2009, p. 74).

3. Arbitrage entre stabilité financière et stabilité monétaire

3.1.Définition et caractéristiques de la stabilité financière

Contrairement à la stabilité monétaire qui semble facile à définir et à quantifier, la stabilité


financière semble être un concept plus confus, multidimensionnel et relativement nouveau.
Elle est ainsi souvent définie comme une situation où le fonctionnement des différentes
composantes du système et particulièrement leurs relations mutuelles s’établit d’une façon
saine et sans à-coups brutaux (Patat, 2000, p. 50) . En effet, il existe deux approches pour la
définir. La première cherche à fournir une définition de la stabilité financière par son contraire
à savoir l’instabilité financière. Quant à la seconde, elle se sert de ses caractéristiques pour
définir la stabilité financière.

Ceci dit, la pr emièr e appr oche indique que l’instabilité financièr e est l’ensemble des
mouvements à la fois impor tants et br utaux des différ entes var iables financièr es ,plus
par ticulièr ement, les pr ix des actifs financier s et les taux de changes de façon à ce
qu’elles pr ennent des valeur s haussièr es ( les booms) ou baissièr es ( les dépr essions) en
éloignant de façon significative et dur able l’ensemble de ces var iables de leur valeur
d’équilibr e de base (Boyer , Dehove, & Plihon, 2004). D’ailleur s, les différ entes cr ises
financièr es manifestées ne sont en r éalité qu’un état d’instabilité financièr e qui engendr e
des per tur bations et des défaillances de fonctionnement des différ entes composantes du
système financier en l’occur r ence des banques et les autr es inter médiair es financier s
avec un for t r isque de pr opagation qui donne naissance à des cr ises systémiques.
En vér ité, les phénomènes d’instabilité financièr e et les cr ises ne datent pas d’hier . En
effet, dans son fameux ouvr age Histoire m ondiale de la spéculation financière de 1700 à
nos jours, le fameux économiste amér icain (Kindleber ger , 1994) explique que les cr ises
financièr es sont Gr ande-Br etagne un éter nel r ecommencement depuis que la finance a

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commencé à s'or ganiser dans le monde autour de la Hollande, la , l’Allemagne et la


Fr ance.

La première concrétisation de ce phénomène s’est réalisée à la cour de l’évolution du


capitalisme entre le 17e et le 18e siècle, notamment durant la crise de la dette souveraine. Les
bourses des valeurs n’ont pu échapper à leur tour à l’instabilité financière. En fait, le 19e siècle
marque une série de faillite des banques à l’instar de la crise de Baring en 1890(Hénaux,
2009, p. 104). De même, le 20e siècle a bien manifesté des périodes d’instabilité financière
sous ses trois formes de base (Hénaux, 2009) : les crises bancaires, les krachs boursiers et les
crises de changes qui peuvent être la conséquence du grand mouvement de libéralisation des
marchés de capitaux.

En ce qui concerne la deuxième approche, Mishkin (1996) définit l’instabilité financière


comme étant un cas où le système financier n’arrive pas à canaliser les fonds pour ceux qui
ayant les opportunités d’investissements les plus productifs (Mishkin, 1996, p. 41) .

Quant à (Garry, 2005, p. 3) , la définition de la stabilité financière ne peut être résumée par
une absence de crise , un système financier est jugé comme stable s’il satisfait les trois
conditions suivantes : (1) faciliter l’allocation efficiente dans le temps et dans l’espace des
ressources économiques , de même que pour les processus économiques et financiers comme
l’épargne et l’investissement , le prêt et l’emprunt , la création et la répartition de liquidité , la
détermination des prix des actifs et en définitive l’accumulation des richesses et la croissance
de la population. (2) Elle évalue, alloue et gère les risques financiers en fixant les prix et (3)
elle conserve la capacité d’exercer ses fonctions de bases mêmes dans une période de choc ou
d’accumulation de déséquilibre.

En définitive, dire qu’un système financier est stable lorsque l’ensemble des acteurs financiers
peuvent exercer d’une manière saine leurs fonctions tout en résistant aux chocs. C’est une
exigence primordiale pour le bon fonctionnement de l’activité économique et d’une mise en
œuvre de la politique monétaire. Ceci dit, les banques centrales sont devenues plus attentives
à la question de stabilité financière. D’ailleurs, elles ont comme mission jouée le rôle du
prêteur en dernier ressort pour éviter un écoulement total du système bancaire.

3.2.Les banques centrales et la stabilité financière

La crise financière mondiale de 2007-2009 a provoqué une large polémique concernant le rôle
de la banque centrale en matière de conduite d’une politique de stabilité financière et
comment peut-elle combiner cette nouvelle mission avec les autres fonctions dont elle est

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chargée. Évidemment, elles sont chargées d’assurer une stabilité financière, car, elles jouent
un rôle spécial en vue d’assurer la provision globale en liquidité en cas de crise. Autrement
dit, elles sont une pièce incontournable de la stabilité financière. Toutefois, l’inclusion de
l’objectif de stabilité financière parmi les missions de la banque centrale n’a pas fait
l’unanimité en argumentant que les banques centrales doivent mener des missions conformes
à leur vocation de base. Autrement dit, le champ d’action de la stabilité financière est très
étendu ce qui manifeste de lourds enjeux pour la banque centrale (Adama & SARR, p. 59).
Ceci dit, la stabilité financière est conçue comme un objectif primordial des banques centrales
vu leur rôle de régulateur du système bancaire.

Ce rôle de régulateur du système bancaire peut se manifester sous différentes formes. La


première est celle du contrôle direct .Quant à la deuxième, elle peut être dévolue à une
institution indépendante ou partagée entre une institution de supervision et la banque centrale
comme le cas des États-Unis (Patat, 2000, p. 55) . Cependant, quelle que soit la forme mise en
œuvre, l’engagement de la banque centrale est obligatoire dans le contrôle et la supervision du
secteur bancaire. Il s’agit d’un axe inéluctable de la stabilité financière.

Hormis, la supervision des institutions financières sous ses différentes formes à savoir la
collecte et l’analyse des informations, le contrôle, la régulation, la supervision voir même
chercher des résolutions des crises ne semble pas être des mesures suffisantes pour aider la
banque centrale à atteindre son objectif de stabilité des prix. Derrière cet aspect technique
incontournable des mandats assignés à la banque centrale, il est judicieux d’introduire une
approche dite macro financière de la stabilité (Icard, 2007). Cette dernière, dépasse l’aspect
micro prudentiel des institutions financières jugé déficient pour détecter le risque systémique
et le gérer (Blundell-Wignall & Atkinson, 2010).Le recours donc à une approche
multidimensionnelle est essentiel pour repérer les éventuels risques d’instabilité financière.
D’où le développement de nouveaux instruments macro prudentiels à l’échelle internationale
pour consolider la résilience du système financier dans son ensemble.

3.3.La stabilité financière et la stabilité monétaire : le dosage parfait


La pr éser vation de la stabilité financièr e a br utalement élar gi le champ d’action de la
banque centr ale. En effet, cette der nièr e se tr ouve dans l’obligation d’endosser le r ôle
du sauveur du système financier apr ès la cr ise sans pour autant abandonner son objectif
pr imor dial à savoir la stabilité monétair e.
Toutefois, avant la cr ise, les banques centr ales avaient comme ultime mission le ciblage
d’inflation pour atteindr e l’objectif de stabilité des pr ix. D’une autr e manièr e, la mission
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des banques centr ales était focalisée sur la stabilité monétair e. L’objectif de stabilité
financièr e occupe le second r ang, du moins subor donné à la stabilité monétair e.
D’ailleur s, la stabilité monétair e était pr ésumée favor iser la stabilité financièr e et dans
le sens contr air e l’instabilité financièr e est inter pr étée par un pr oblème d’instabilité
monétair e (Couppey-Soubeyr an, 2012, p. 62).
La der nièr e cr ise a mis ter me à ce pr incipe de sépar ation en démontr ant que la stabilité
monétair e ne peut gar antir la stabilité financièr e. À l’inver se, la politique monétair e
consolidée par la cr édibilité des banques centr ales peut déclencher l’instabilité
financièr e.

En effet, une diminution du taux d’inflation peut encourager les agents financiers,
précisément les banques à prendre un risque abusif (Couppey-Soubeyran, 2012, p. 63) . Les
crises financières semblent donc remettre en cause cette approche en incitant les banques
centrales à accorder à la stabilité financière une attention aussi importante que la stabilité
monétaire.

Dans cette optique, Claudio Borio (2002) avance que la crédibilité des banques centrales peut
être considérée comme « une épée à double tranchant » (Borio & Lowe, 2002, p. 21) .En fait,
durant les années quatre-vingt-dix, les banques centrales ont pu orienter les anticipations des
agents économiques vers un niveau d’inflation très bas sans penser que par une telle décision
il peut y avoir des répercutions futures très graves. Delà, elles ont développé une perspective
favorable de sécurité et de confiance pour une prise de risque et un endettement excessif
(Betbèze, Bordes, Couppey-Soubeyran, & Plihon, 2012, p. 127). Cet argument du double
enjeu de la crédibilité des banques centrales semble être approuvé par d’autres économistes
comme Hyman Minsky dans les années 70 en le qualifiant du paradoxe de la tranquillité.
Selon cette doctrine, les crises de surendettement se développent lorsque l’économie est en
pleine croissance. En fait, les agents économiques bénéficient de la croissance et la
diminution des taux d’intérêt pour emprunter d’une manière excessive. Le recours à une
politique monétaire restrictive en particulier en augmentant le taux d’intérêt nominal engendre
un surendettement. Ce scénario correspond parfaitement aux étapes qui ont engendré la crise
des Subprimes de 2007. La banque centrale peut aussi tomber victime de sa crédibilité. Dans
ce contexte, Borio et White (2003) avancent que lorsque la Banque centrale est crédible, les
anticipations d’inflation sont fixées sur le long terme. Une liquidité très abondante prendra
alors beaucoup de temps pour se convertir en inflation. Dans ce cas, les banques centrales

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mettront du temps avant d’augmenter leur taux d’intérêt pour éviter les déséquilibres
financiers (Betbèze et al., 2012, p. 129).

Il semble, donc, qu’il existe une sor te de r elation bilatér ale entr e la stabilité financièr e et
la stabilité monétair e qui peut pr endr e un sens positif ou négatif. Autr ement dit, dans
cer tains cas, la stabilité monétair e mène à une stabilité financièr e, mais dans d’autr es
cas elle la défavor ise. Idem pour l’impact de la stabilité financièr e sur la stabilité
monétair e. En d'autr es ter mes, ces deux objectifs peuvent conver ger en engendr ant une
syner gie favor able pour l’activité économique. Notamment pour le cas d’un choc
inflationniste, un choc de demande positif ou même une hausse excessive des pr ix des
actifs financier s. Dans ces tr ois cas de figur e, il suffit d’augmenter le taux d’intér êt pour
r éaliser à la fois la stabilité monétair e et la stabilité financièr e. Toutefois, il se tr ouve que
la r éalisation d’un objectif condamne la r éalisation de l’autr e. Telle est le cas d’un choc
où la stabilité monétair e nécessite une stagnation du taux d’intér êt pour éviter le
déclenchement d’un choc inflationniste ; tandis que, la stabilité financièr e favor ise une
augmentation du taux d’intér êt ce qui pousse les pr ix des actifs à s’élever . À ce pr opos,
les deux missions peuvent engendr er un conflit d’objectif pour la banque centr ale.

CONCLUSION

Depuis leur création, les missions confiées à la banque centrale non pas cessées d’évoluer.

En effet, l’histoire économique prouve que cette évolution dérive du contexte économique
dans lequel elles sont amenées à agir. Autrement dit, ces fonctions émergeaient suite à la
succession d’une chaine des crises économiques. Avant la crise, les fonctions de la banque
centrale paraissaient assez simples à établir à savoir un objectif de stabilité des prix. Dans ce
cas de figure , les banques centrales cherchent à juguler le taux d’inflation pour préserver le
pouvoir d’achat des différents moyens de paiement dont elle détient le monopole d’émission.

Néanmoins, les mutations incessantes de l’environnement financier : libéralisation des


marchés financiers, internationalisation des activités financières ainsi que la diversification et
la sophistication des produits financiers poussent les banques centrales à reconsidérer
l’objectif de stabilité financière souvent subordonnée à l’objectif de stabilité monétaire. Une
telle approche de séparation et de subordination n’a pas tardé à démontrer ces limites.
D’ailleurs, la crise financière de 2007 à révéler la nature des liens qualifiés de complexes
entre la stabilité monétaire et la stabilité financière que ne prévoyait pas la stratégie des
banques centrales avant la crise.
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Toute réflexion faite, la stabilité financière et la stabilité monétaire préservent des relations
d’interdépendance conflictuelles, qui condamnent la subordination de l’une à l’autre. Du
coup, la banque centrale doit les menées simultanément, en faisant appel à toute une gamme
d’instruments adéquats pour établir un dosage parfait et faire face à toute problématique de
conflits.

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