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LES FAVELAS CARIOCAS DANS LES RECENSEMENTS NATIONAUX : DU

LOCAL AU NATIONAL ET RETOUR

Rafael Soares Gonçalves


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Éditions de l'EHESS | « Histoire & mesure »

2019/1 Vol. XXXIV | pages 41 à 64


ISSN 0982-1783
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-histoire-et-mesure-2019-1-page-41.htm
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Histoire & mesure 
XXXIV-1 | 2019
Favelas, bidonvilles, baracche, etc. : recensements et
fichiers

Les favelas cariocas dans les recensements


nationaux : du local au national et retour
The Favela in the National Censuses: From Rio and Back

Rafael Soares Gonçalves


Traducteur : Simon Berjeaut

Édition électronique
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URL : http://journals.openedition.org/histoiremesure/8244
DOI : 10.4000/histoiremesure.8244
ISSN : 1957-7745

Éditeur
Éditions de l’EHESS

Édition imprimée
Date de publication : 5 décembre 2019
Pagination : 41-64
ISBN : 978-2-7132-2790-5
ISSN : 0982-1783

Distribution électronique Cairn

Référence électronique
Rafael Soares Gonçalves, « Les favelas cariocas dans les recensements nationaux : du local au
national et retour », Histoire & mesure [En ligne], XXXIV-1 | 2019, mis en ligne le 03 janvier 2022,
consulté le 06 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/histoiremesure/8244  ; DOI :
10.4000/histoiremesure.8244

© Éditions de l’EHESS
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Histoire & Mesure, 2019, XXXIV-1, p. 41-64

Les favelas cariocas dans les recensements nationaux :


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du local au national et retour

Rafael Soares GONÇALVES *


Traduit du portugais par Simon BERJEAUT

Résumé. Cet article étudie l’évolution de la catégorie statistique « favela », depuis le


recensement des favelas du district fédéral de 1948 jusqu’au dernier recensement natio-
nal de la population de 2010. Il met en évidence l’influence de l’expérience carioca sur la
représentation de l’urbanisation informelle dans l’ensemble du Brésil. L’adoption de la
catégorie statistique « favela », forgée à Rio de Janeiro, par les recensements nationaux
de population, à partir de 1950, en est une manifestation remarquable. L’article ne dis-
cute pas des données quantitatives obtenues par les recensements, mais montre, à partir
de l’évolution des définitions censitaires des favelas depuis la moitié du XXe siècle, com-
ment les recensements nationaux ont adapté leur organisation pour prendre en compte
les spécificités de ces espaces. Toutefois la statistique nationale a depuis lors retravaillé
cette catégorie au point qu’elle a pu sembler inadéquate pour saisir la réalité de la ville
qui l’avait vue naître.
Mots-clés. recensement, favelas, Rio de Janeiro, Brésil, IBGE, XXe siècle
Abstract. The Favela in the National Censuses: From Rio and Back. This article
analyzes the evolution of the statistical category “favela”, from the Federal District’s
1948 Favela Census to the latest 2010 national population census. It seeks to highlight
how Cariocas helped to shape the conception of informal urbanization throughout the
country. The importation of the statistical category “favela”, forged in Rio de Janeiro,
into national population censuses from 1950 onwards, is a remarkable manifestation of
this process. The aim is not to discuss specifically the quantitative data obtained by the
censuses. Rather, the objective is twofold: to trace the evolution of the census concepts
of the favela since the mid-twentieth century and to understand how the national census
services have adapted their operating methods to take the specificities of these areas into
account. However, national statistics have since adapted and reworked this category to
such an extent that it may now be inadequate to capture the reality of the city in which
it was born.
Keywords. census, favelas, Rio de Janeiro, Brazil, IBGE, twentieth century

* Departamento de Serviço Social, Pontificia Universidade Católica do Rio de Janeiro


(PUC-Rio). E-mail : rafaelsgoncalves@yahoo.com.br

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Les favelas se sont imposées, dès le début du XXe siècle, comme un


problème politique incontournable à Rio de Janeiro. Le terme « favela » s’est
implanté dans le lexique carioca au cours des années 1920 et, à partir de la
promulgation du Code de la construction de 1937, une définition juridique
identifie officiellement les espaces de la ville qu’il désigne1. Pourtant, les
favelas ne constituaient pas encore des unités de recensement spécifiques :
ce ne sera le cas qu’à partir du recensement des favelas, conduit en 1948 par
la municipalité du District fédéral. Quoique toujours considérées comme des
espaces provisoires et précaires ayant vocation à disparaître, les favelas de Rio
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de Janeiro se sont maintenues et ont continué à se multiplier et à accueillir de
plus en plus d’habitants. À partir du milieu du XXe siècle, les pouvoirs publics
jugèrent nécessaire d’étudier ces espaces afin de mieux orienter leur action.
Ainsi, définir la favela en vue de compter sa population s’avéra un élément
politique essentiel pour gouverner ces espaces et leurs résidents.
Or les critères adoptés par les recensements en général sont tout sauf
naturels ou évidents. L’analyse des catégories utilisées pour désigner les
lieux et quantifier les groupes engendre un faisceau de questions, car elles
incarnent un certain nombre de valeurs, de choix et d’arbitrages sous-jacents2.
Les outils quantitatifs ne sont pas seulement des outils de preuve scientifique,
mais aussi de coordination et de gouvernement3. Ainsi, gouverner par les
nombres ne consiste pas tant à affronter des questions morales, politiques
ou économiques qu’à les cacher, bien souvent, derrière des outils neutres et
rationnels4. De plus, comme les statistiques fournissent des informations sur
la population d’un territoire et sur les rapports sociaux et économiques qui
se développent en son sein, elles conditionnent la formulation des politiques
publiques. De ce fait, elles représentent une forme de pouvoir, autant qu’une
forme de savoir5.
Plutôt que de commenter les données quantitatives fournies par les
recensements à propos des favelas, il s’agira ici de retracer l’évolution des
catégories utilisées par l’Institut brésilien de géographie et de statistique
(IBGE)6 pour les produire au cours des XIXe et XXe siècles, et de comprendre

1. R. S. GONÇALVES, 2013.
2. O. MARTIN, 2016, p. 6.
3. A. DESROSIÈRES & S. KOTT, 2005.
4. O. MARTIN, 2016, p. 7.
5. N. SENRA, 2008, p. 412.
6. Au cours de la période impériale (1822-1889), la Diretoria Geral de Estatística,
créée en 1871, était l’unique instance dont les activités étaient exclusivement statistiques.
Avec l’avènement de la république, l’institution chargée des statistiques au Brésil changea de
nom et de fonction plusieurs fois avant 1934, tandis que disparaissait le Département natio-
nal de la statistique, dont les attributions furent redistribuées aux ministères compétents. En
1934 était créé l’Instituto Nacional de Estatística (INE), qui entra en activité le 29 mai 1936.
L’année suivante était institué le Conselho Brasileiro de Geografia, affilié à l’INE, qui s’est
alors nommé Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE). Depuis lors, l’IBGE est

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comment les services nationaux de recensement ont adapté leurs pratiques


pour prendre en compte les spécificités de ces espaces.
S’intéresser au cas de Rio pour comprendre la construction de la caté-
gorie statistique « favela » au Brésil se justifie d’emblée par le fait que celle-ci
a d’abord été créée et façonnée dans cette ville. Le premier recensement
des favelas de Rio, œuvre de la municipalité du District fédéral, en 19487,
conduit en effet deux ans plus tard à l’inscription, pour la première fois, des
favelas dans le recensement national décennal de 1950 en tant qu’unité de
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recensement spécifique. Après avoir expliqué le contexte politique de cette
double naissance, l’article retrace l’évolution de l’approche que les recen-
sements nationaux proposent des favelas de 1960 à l’an 2000, ainsi que les
difficultés pratiques posées par leur mise en œuvre dans le contexte carioca,
qui leur a pourtant donné naissance. Les discussions, par les acteurs locaux,
de la pertinence des catégories et des pratiques nationales de recensement
pour le cas des favelas de Rio de Janeiro seront enfin développées à propos
du dernier recensement, réalisé en 2010.

1. D’une définition statistique de la favela carioca à son


importation dans les recensements nationaux (1948-1950)

Un document fondateur : le recensement municipal des favelas


de Rio de Janeiro de 1948
Dans le contexte troublé de l’après-guerre, Carlos Lacerda, journaliste
polémiste et conseiller municipal de Rio de Janeiro, lançait une campagne
populaire appelée « la bataille de Rio de Janeiro », qui préconisait la mise en
œuvre d’un vaste plan destiné à résoudre le problème des favelas dans la ville.
Ce plan proposait l’établissement d’un partenariat entre les pouvoirs publics,
les différentes institutions sociales et les habitants en vue d’une résolution
de la question des favelas.
Dans ce cadre, le Département de géographie et de statistique du District
fédéral réalisa une enquête au cours des dernières semaines de 1947 et des
premières semaines de 19488. À cette fin, il identifia les différents ensembles
de favelas, élabora et distribua les questionnaires aux équipes de recenseurs
chargés du travail de terrain. Le recensement dénombrait à l’origine 119 fave-
las, dont il estimait la population totale à 280 000 habitants. Ce chiffre allait
être réduit à 105 favelas (34 528 baraques et 138 837 personnes), du fait que

chargé de dénombrer la population, d’identifier et analyser sa distribution territoriale. URL :


https://www.ibge.gov.br/institucional/o-ibge.html (consulté en mars 2019).
7. L’article de Brodwyn Fischer, dans le présent dossier, conduit une analyse approfondie
du cas du recensement des favelas par le District fédéral en 1948.
8. R. S. GONÇALVES, 2013.

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plusieurs ensembles de baraques étaient en fait situés sur des terrains dont les
habitants étaient légalement propriétaires, et parce que plusieurs ensembles,
répartis sur une même unité topographique mais d’abord identifiés sous des
dénominations distinctes, furent finalement réunis en une seule entité9. Les
chiffres initiaux de 119 favelas, 70 605 baraques et environ 284 000 personnes
furent curieusement divulgués dans les annales de la Chambre législative du
District fédéral à la fin de l’année 1948, donc après le travail de recensement
mais avant que n’en soient publiés les résultats finaux10. La publication finale
fait allusion à la prévision initiale et aux craintes suscitées à l’époque par le
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grand nombre d’habitants des favelas, surtout après l’émoi qu’avait suscité la
série d’articles sur la « bataille de Rio de Janeiro11 ».
On n’ignore certes pas l’effort fourni pour minimiser le nombre excessif
d’habitants de favelas officiellement recensés dans la ville, mais on ne saurait
dire si – ni comment – une ingérence politique pesa sur la méthodologie appli-
quée en vue de réduire les chiffres. Il est probable que les chiffres publiés
dans les annales de la Chambre aient encore constitué les estimations du
recensement plutôt que ses premiers résultats. En l’état de la documentation
existante, il est difficile de déterminer la raison technique de cette diminution
drastique. L’explication avancée par le Département de géographie et de la
statistique est, du reste, assez extravagante :
«Cette réduction n’est pas seulement due à la diminution du nombre de favelas, comme
nous l’expliquions [des zones considérées en règle ont été exclues du recensement
et plusieurs favelas ont été réunies au sein d’une seule unité de recensement], mais
aussi à la tendance naturelle des agents recenseurs à exagérer leurs observations
sous l’influence des chiffres excessifs couramment divulgués et du fait de la nature
tourmentée des terrains sur lesquels se trouvent installées la plupart des favelas12. »
Le rapport final ne dit rien des critères adoptés pour définir une favela.
Toutefois, la justification avancée pour expliquer comment certains ensembles
de favelas ont été exclus du décompte final conduit à penser que l’un des
éléments retenus a été la situation juridique de la propriété du terrain.
La collecte des données débuta à la fin de l’année 1947 et fut pratique-
ment achevée à la fin du mois de mars 1948. Les résultats partiels parve-
naient régulièrement au Secrétariat général de l’intérieur et de la sécurité
de la municipalité, consignés dans des cahiers distincts pour chaque favela.
Chaque cahier présentait 24 tableaux précédés d’une analyse des données13.
Malheureusement, cette documentation n’a pas été conservée. Toutefois
les journaux de l’époque fournissent quelques indications sur les méthodes

9. PREFEITURA DO DISTRITO F EDERAL, 1949, p. 6.


10. CÂMARA DO DISTRITO F EDERAL, 1948, p. 2290.
11. PREFEITURA DO DISTRITO F EDERAL, 1949, p. 6.
12. Ibid., p. 7. Sauf mention contraire, la traduction des extraits de sources et travaux
est de Simon Berjeaut.
13. Ibid., p. 6.

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employées. Les particularités urbaines des favelas auraient ainsi obligé les
agents recenseurs à adopter des stratégies spécifiques, comme en témoigne le
Correio da manhã du 19 février 1948. Face à l’inexistence d’adresses pour ces
rues et ces maisons, ceux-ci clouaient une pancarte portant les initiales DGE
(Département de géographie et de la statistique) sur les portes des maisons
afin d’indiquer que le recensement y avait déjà été fait. L’article poursuit :
« Et la jeune femme [chargée du recensement], munie de toute sa paperasse, s’est
aussitôt remise en marche pour visiter la baraque suivante, en laissant à la porte
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une petite pancarte, bien visible, pour éviter que cette même baraque soit visitée
deux fois, peut-être par un autre agent recenseur d’un secteur limitrophe, dont les
limites sont difficiles à déterminer. Dans les favelas, il n’y a pas d’îlots comme dans
les zones urbanisées. Comme nous le savons, il n’y a aucune trace d’équipement
sur nos collines14. »

L’importation de la catégorie carioca de « favela »


dans les recensements brésiliens
Les premiers recensements nationaux de population intégrant une
catégorie statistique « favela » révèlent combien les questions locales de Rio
de Janeiro ont influencé la manière dont on a envisagé, à l’échelle nationale,
ce type de phénomène dans l’ensemble du pays. La circulation de la caté-
gorie « favela », notion de géographie urbaine propre à Rio de Janeiro et
son importation dans la réflexion sur les quartiers informels d’autres villes
brésiliennes en témoignent15. Les résultats du recensement municipal du
District fédéral de 194816 eurent un tel impact que les recensements natio-
naux de 1950 et 1960 adoptèrent, à en croire Samuel de Oliveira, plusieurs
items de ses fiches17. Cependant, d’après Alberto Passos Guimarães18 dont le
14. Correio da manhã, 19 février 1948.
15. Les critères utilisés par le Serviço Nacional de Estatísticas suscitèrent un certain
nombre de problèmes et rendirent nécessaires des adaptations, comme dans le cas des recen-
sements de favelas de 1955 et 1965 dans la ville de Belo Horizonte. Les tentatives d’appliquer
dans la capitale du Minas Gerais le seuil de 50 logements pour définir une favela conduisirent
à des opérations pour le moins étranges. Ces deux recensements ont rassemblé les résultats des
petites favelas voisines pour atteindre ce seuil, mais les résultats pour chaque favela étaient
tout de même ensuite présentés séparément. S. OLIVEIRA, 2014, p. 120.
16. En plus du recensement de la mairie, Alberto Passos Guimarães affirme que
la Fundação Leão XIII réalisa un recensement dans les zones où elle intervenait. Nous ne
sommes pas parvenus à avoir accès à des données compilées à propos de ce recensement.
A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 256.
17. S. OLIVEIRA, 2014, p. 120.
18. Alberto Passos Guimarães fut un important militant du Partido Comunista Brasileiro
(PCB). Il est l’auteur d’une œuvre vaste sur l’économie et la question agraire et travailla à
l’IBGE. Il prit ses distances en particulier avec les représentations négatives attachées aux
favelas et à leurs habitants, cultivées par les théories de la marginalité qui allaient monopoliser
le débat à leur propos à partir des années 1950. Sur le débat critique à propos des théories
de la marginalité, voir J. PERLMAN, 1977 ; A. CORTES, 2012 ; R. S. GONÇALVES, N. BAUTES
& M. MANEIRO, 2018.

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travail fournit la plupart des informations disponibles sur le recensement de


1950, l’introduction de la catégorie « favela » dans le recensement national de
1950 n’obéit à aucune planification rigoureuse. L’idée d’une enquête propre
aux favelas n’aurait émergé qu’après le début de la collecte des données du
recensement de population19.
Le recensement national de 1950 définit assez précisément la catégorie
de favela comme une agglomération humaine présentant tout ou partie des
caractéristiques suivantes :
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« 1. Proportions minimales – groupements de bâtiments ou d’habitations formés
d’un nombre de logements généralement supérieur à 50 ;
2. Type d’habitation – prédominance, dans ce groupement, de cabanes ou de baraques
d’un aspect rustique caractéristique, construits principalement de tôles de fer-blanc,
de feuilles de zinc, de planches ou de matériaux du même ordre ;
3. Condition juridique d’occupation – construction sans permis et sans contrôle,
sur des terrains d’autrui ou sans propriétaire connu ;
4. Équipement public – absence, dans tout ou partie de la zone, de réseau sanitaire,
électrique, téléphonique et d’eau courante ;
5. Viabilisation – zone non viabilisée, dépourvue de rues identifiées, de numéro-
tation ou de panneaux20. »
Cette définition combine plusieurs critères soulevant de nombreuses
questions. Si, d’un côté, ceux-ci permettent de décrire partiellement la réalité
des favelas, ils consolident aussi une définition de ces zones par l’absence
d’attributs proprement urbains qui permettraient de considérer ces espaces
comme parties intégrantes de la ville. Le recensement corrobore la conception
de Jailson de Souza e Silva pour qui l’axe paradigmatique de la compréhension
des favelas part du principe de l’absence. La favela est ainsi définie par ce
qu’elle n’est pas ou par ce qu’elle n’a pas. Un autre élément caractéristique de
la représentation habituelle des favelas, selon le même auteur, consiste en leur
homogénéisation21. Comme le soulignent Fernando Cavalieri et ses coauteurs,
la survalorisation de l’absence (d’infrastructure urbaine, de rues identifiées
dans les règles, de documentation foncière, d’ordre, de loi, de règles, etc.)
et l’homogénéité supposée de ce phénomène – comme si une favela pouvait
représenter toutes les favelas – conduisent, historiquement, à ce que la diversité
des types n’ait pas été considérée à sa juste valeur22.
De son côté, Guimarães salue le fait que l’institution chargée de la col-
lecte des données pour la ville de Rio par l’IBGE a bien considéré comme
favelas les agglomérations que le consensus général désignait comme telles,
qu’elles soient situées sur les collines ou n’importe où ailleurs23. En effet,

19. A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 256.


20. Ibid., p. 259.
21. J. SILVA, 2009, p. 16.
22. F. CAVALIERI et al., 2016, p. 415.
23. A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 258.

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d’après lui, une limitation aux collines aurait relevé d’un anachronisme :
il évoque « l’extension du sens courant de ce terme, incluant désormais un
grand nombre d’ensembles ayant surgi soit sur des terrains plats soit sur des
sites d’autre nature, ou même sous les échafaudages d’immeubles en cours
de construction ». En ce sens, les favelas cariocas du recensement national
correspondaient à celles qui étaient définies par l’article 349 du Code de la
construction du District fédéral, ne réduisant pas les favelas aux seuls espaces
situés sur les flancs des collines de la ville24.
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Guimarães affirme également que les favelas n’avaient pas l’exclusivité
du type d’habitations qui y prédominait et que ce genre de construction se
retrouvait dans tous les secteurs de la périphérie de Rio de Janeiro et dans de
nombreux quartiers qui ne pouvaient pas être considérés, dans leur totalité,
comme des favelas. Il rappelle que ce phénomène était lié à la difficulté de
définir les frontières entre chaque favela et les zones voisines25. Ainsi, la
précarité supposée des constructions ne constituait pas en soi un critère suf-
fisant pour définir une favela, puisque de nombreux quartiers périphériques
présentaient des typologies de construction semblables, y compris dans des
zones plus centrales26.
Le seuil du nombre de logements nécessaires à l’identification d’une
favela produisit aussi une certaine confusion dans les résultats. Il semblerait
qu’il soit responsable du fait que, bien que leur population ait augmenté, le
nombre de favelas comptées par le recensement de l’IBGE de 1950 est infé-
rieur à celui du recensement réalisé par la municipalité en 1948. Une autre
explication de cette différence réside dans le fait que l’IBGE avait considéré
comme une seule entité plusieurs ensembles abordés de façon distincte par
le recensement municipal de 1948. C’est le cas, par exemple, des favelas de
Pavão et de Pavãozinho.
Outre le critère du seuil, le recensement définit aussi les favelas par la
typologie du bâti, la situation juridique de la propriété du terrain comme
celle du bâti (permis de construire), l’absence, dans tout ou partie de la zone,
d’équipement public et de viabilisation, entendue ici comme le tracé de rues,
la numérotation et l’affichage de panneaux.
Enfin, au cours même de la collecte de données surgissaient d’autres
problèmes. D’après Guimarães, l’une des principales difficultés des premiers
recensements de favelas résidait dans l’identification des logements, rendue
complexe par l’absence d’indication de noms de rues et de numérotation des
maisons. À l’époque, les habitants avaient en effet pour habitude d’attribuer

24. R. S. GONÇALVES, 2013.


25. A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 258.
26. On peut évoquer à ce titre « les 237 bâtiments (baraques) localisés à Guaratiba et les
432 bâtiments (baraques) situés dans la circonscription des îles, qui, après un meilleur examen,
ont été écartés de la classification de zones non urbanisées ». A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 259.

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à leur maison des numéros totalement aléatoires, au gré des plaques usagées
qu’ils récupéraient sur des chantiers de démolition. Certaines maisons portaient
encore le numéro inscrit lors des précédents recensements, comme ceux de
la Fundação Leão XIII et du Service national de la fièvre jaune. En 1950,
il arrivait ainsi que pour une même construction plusieurs numérotations
persistent, bien souvent superposées27. De la même façon, le relevé topogra-
phique complet de chaque favela, réalisé à partir des croquis dessinés dans
chacun des secteurs parcourus par les recenseurs pour permettre à ceux-ci
d’identifier les constructions, n’était pas toujours possible :
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« dans le seul cas de [la favela de] Praia do Pinto, ce travail s’est avéré irréalisable,
face au désordre et à la dispersion qui caractérisaient la manière dont avaient été
érigées ces baraques, sans la moindre notion de rue. Dans ce cas-là, il ne restait
plus qu’une seule solution pour que la collecte du recensement ne soit pas hors
de contrôle à Praia do Pinto : l’utilisation de photographies aériennes, seul moyen
grâce auquel l’équipe de recenseurs a pu orienter son travail dans cette zone. Après
quoi ils ont procédé au recensement de cet ensemble en attaquant les secteurs de
tous les côtés et de manière simultanée28. »
Pour Guimarães, le succès de ce premier recensement national des
favelas à Rio réside avant tout dans l’absence relative de résistance de la part
des habitants qui auraient activement coopéré avec les agents recenseurs. Ils
les auraient notamment aidés « à reconnaître les terrains accidentés dont les
détours, presque impénétrables, auraient souvent échappé à quiconque n’est
pas familier des chemins par lesquels on y accède29 ».

2. La favela carioca retravaillée par le recensement national


(1960-2000)

L’évolution de la catégorie
À l’exception du seuil de 50 logements, la définition des zones de favelas
adoptée par le recensement de 196030 obéissait aux mêmes critères que ceux
qui avaient été établis pour le recensement de 1950. Toutefois, deux éléments
contribuèrent à la modification du procédé de délimitation des périmètres des
favelas : d’abord, l’inauguration, pour tout le territoire national, d’un système
de cartographie censitaire plus élaboré qui remplaçait les informations obte-
nues auprès des plans parcellaires locaux, figurant bâtiments et logements ;
ensuite, le fait qu’au cours de la décennie les anciennes comme les nouvelles

27. A. P. GUIMARÃES, 1953, p. 259.


28. Ibid. Plusieurs de ces croquis figurent dans l’article d’Alberto Passos Guimarães mais
malheureusement nous n’avons pas pu retrouver ces photos aériennes des favelas recensées.
29. Ibid..
30. Sur le recensement de 1960, voir le travail de R. COELHO, 1970.

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agglomérations de baraques étaient devenues facilement identifiables du fait


de dénominations spécifiques et de voies d’accès propres31.
Les cartes censitaires plus précises permirent d’éviter l’interpénétra-
tion des zones de collecte des favelas et des quartiers mitoyens. Les favelas
constituaient des unités spécifiques et leur recensement fut centralisé, sous
la responsabilité d’un groupe d’agents recenseurs spécialisés. Ceux-ci béné-
ficiaient de la collaboration du personnel de diverses institutions qui géraient
à l’époque des unités locales de travail pour la réalisation du recensement
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au sein des favelas recensées. Alors que le recensement de 1950 dénombrait
58 favelas pour un total de 169 305 habitants, celui de 1960 recensait 147 favelas
pour une population totale de 335 063 personnes. Certes, la population des
favelas s’était accrue au cours de la décennie, mais la différence ne semble
pas explicable par la seule apparition de nouvelles favelas pendant la période :
elle tient probablement à l’abandon du seuil de 50 logements pour identifier
les favelas32. Notons, du reste, que ce critère de nombre plancher de logements
est durablement réintégré dès le recensement suivant.
Le recensement de 1970, en revanche, propose un renouvellement de la
terminologie. En effet, le terme «favela» vient de Rio de Janeiro et rares sont les
États du Brésil qui l’utilisent alors. Une nouvelle appellation, « agglomérations
urbaines exceptionnelles », remplace donc ce terme pour désigner les espaces
considérés comme de même nature que les favelas cariocas33. En perdant son
statut de capitale fédérale, Rio a cessé d’être l’étalon des quartiers précaires.
Les favelas cariocas ne sont plus qu’un exemple d’« agglomérations urbaines
exceptionnelles » parmi d’autres, à côté des mocambos, des alagados, etc.
Malgré cette nouvelle terminologie qui reflèterait mieux la réalité de
l’ensemble du pays, la définition donnée aux « agglomérations urbaines excep-
tionnelles » reproduit presque mot pour mot celle des favelas du recensement
de 1950. Les spécificités de ces zones ont également imposé des adaptations
méthodologiques pour la collecte des données. Alors que les secteurs recensés
étaient habituellement divisés en îlots, numérotés par ordre croissant, cette
division en îlots ne s’appliquait pas dans les « secteurs spéciaux », soit les
« logements collectifs », comme les cortiços et les « agglomérations urbaines
exceptionnelles », préalablement identifiés34. La ville comptait, selon le
recensement de 1970, quelque 554 300 habitants dans les zones de favelas.
Le recensement de 1980, quant à lui, définissait le « secteur d’agglo-
mération urbaine spéciale » (favelas, mocambos, alagados, etc.) comme des

31. IBGE, 1960, p. 6.


32. Ibid.
33. Les logements collectifs (cabeças de porco, cortiços, etc.) ont été assimilés à des
immeubles d’appartements, et chaque unité d’habitation a été considérée comme un logement
particulier (IBGE, 1970a, p. 15).
34. IBGE, 1970b, p. 19.

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agglomérations de plus de 50 logements en majorité dépourvus d’infrastruc-


ture minimale et généralement situés sur des terrains n’appartenant pas aux
habitants. Ces espaces étaient également soigneusement répertoriés sur la
Carte urbaine à des fins statistiques (MUE, en portugais Mapas Urbanos
Estatísticos) et isolés dans le « secteur spécial des agglomérations urbaines »
en vue d’un futur traitement des données collectées35. Les limites des favelas
définies par les précédents recensements étaient ainsi actualisées et corrigées
sur le terrain par les enquêteurs à l’occasion du recensement.
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La définition retenue par le recensement de 1980 se distingue de celles
des précédents recensements. Selon Valéria Grace Costa, à partir de 1980,
le critère du manque d’équipements urbains de base perd de son importance,
puisque leur existence, précaire et partielle, n’est pas excluante. De la même
façon, les caractéristiques physiques individuelles des habitations cessent
petit à petit de constituer des éléments déterminants. En revanche, l’aspect
« désordonné » et l’absence de rues identifiées restent des critères36. En 1980,
la population des favelas atteint 628 170 personnes37.
Le recensement de 1991 modifie à la fois la dénomination de cette catégo-
rie urbaine nationale et sa définition38. Il introduit la désignation malheureuse
d’« agglomération subnormale », encore utilisée aujourd’hui. Sont considérés
comme « agglomérations subnormales » tous les « groupements constitués
de logements (baraques, maisons…) occupant ou ayant occupé jusqu’à une
période récente le terrain d’autrui (propriété publique ou privée), disposés,
généralement, de manière dense et désordonnée et dépourvus, dans leur
majorité, des services publics de base ». Ce qui caractérise en fin de compte
une « agglomération subnormale », c’est cette organisation désordonnée et
l’absence de titre de propriété. Le recensement définit comme logement en
agglomération « subnormale » toute habitation qui ferait partie d’un « ensemble
subnormal », désigné aussi comme « établissement informel », comme, par
exemple, les favelas, les mocambos, les alagados, les barracos de rio, etc.39
D’après le recensement de 1991, la population des favelas dans la ville de
Rio de Janeiro atteignait alors 882 483 habitants.
Cette nouvelle définition relativise certaines caractéristiques. La précarité
des matériaux utilisés pour les constructions ne serait plus pertinente, compte
tenu de la multiplication des bâtiments en maçonnerie dans les favelas. En
effet, les projets de réhabilitation des favelas, à partir des années 1980, ont
amélioré la sécurité foncière des habitants et, par conséquent, ont encouragé
les résidents à investir davantage dans leurs maisons. Une amélioration

35. IBGE, 1981, p. 7.


36. V. G. COSTA, 1996, p. 29.
37. R. S. GONÇALVES, 2013, p. 25.
38. IBGE, 1991, p. 110.
39. Ibid.

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généralisée des constructions s’en est suivie. Cette évolution de la définition


montre combien ce recensement s’efforce de prendre en compte l’hétérogé-
néité du bâti dans les favelas.
En revanche, le recensement ne permet pas aisément de vérifier les ques-
tions relatives à la propriété puisqu’il est fréquent que les habitants des favelas
se déclarent propriétaires sans se préoccuper davantage de l’existence ou non
d’un titre de propriété officiel40. D’après Suzana Taschner, pour l’ensemble de
la région métropolitaine de Rio de Janeiro, dans les favelas autant que dans
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les autres secteurs, la catégorie de « propriété du seul bâti » a été adoptée.
Citant Edmond Preteceille et Licia Valladares, Taschner affirme que, parmi
les habitations des favelas, ont été recensés 86 000 logements construits sur
des terrains dont les occupants se disaient propriétaires. En outre, parmi la
population de logements hors favela, près de 150 000 résidents se présentaient
comme propriétaires uniquement du bâti (quelque 9 % du total des logements
de Rio). L’importance accordée au critère de propriété du sol pour définir les
favelas s’avère ainsi extrêmement problématique dès cette époque41.
Le recensement de l’an 2000 a gardé la même appellation et définition
globale42. Mais, selon des critères liés à la viabilisation du terrain et/ou à
l’état des services publics essentiels, les « secteurs spéciaux d’agglomération
subnormales » sont classés en trois catégories : i) occupation de terrain ;
ii) lotissement irrégulier ou clandestin ; et iii) zones occupées et lotissements
irréguliers ou clandestins régularisés récemment43. Ce recensement introduit
également un plafond de 350 habitations si bien qu’une même favela (sur le
terrain) peut être constituée de plusieurs « secteurs spéciaux d’agglomération
subnormales »44. Dans la pratique, le recensement continue de relativiser les
critères liés à la situation légale de la propriété et à la qualité du bâti. En effet,
selon Marques et ses coauteurs, la mention de la forme des constructions a
été supprimée des questionnaires et les questions relatives aux conditions de
propriété sont devenues inopérantes du fait que les habitants des favelas se
déclarent propriétaires sans qu’il soit possible de le vérifier45. La population
des favelas de la ville atteignait 1 092 958 personnes en 2000.
La fiche de collecte prend même en compte plusieurs éléments relatifs à
la qualité des équipements : caractérisation de l’environnement des logements,
éclairage public, identification des rues, pavage et trottoirs. Ces rubriques ont

40. M. P. FERREIRA et al., 2007, p. 3.


41. S. TASCHNER, 2000, p. 6.
42. Le « secteur spécial d’agglomérations subnormales » est défini comme « un ensemble
constitué d’un minimum de 51 domiciles, occupant ou ayant occupé jusqu’à une période récente
le terrain d’autrui – public ou privé –, disposés, en général, de manière dense et désordonnée
et dépourvus, dans leur majorité, de services publics de base ». IBGE, 2003, p. 229.
43. IBGE, 2003, p. 229.
44. Ibid., p. 279.
45. E. MARQUES, 2007, p. 13.

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été conçues dans le but de répondre à la demande des organismes municipaux


d’aménagement urbain pour nourrir leurs projets de politiques publiques46.
L’élaboration de ces rubriques visait, d’après l’IBGE, à constituer un ensemble
d’indicateurs devant permettre d’« identifier les zones caractérisées par leur
exclusion de la ville formelle, comme les agglomérations subnormales – favelas
et zones assimilées47 ». Dans un premier temps ont même été mentionnés les
tracés sinueux et le nettoyage des rues, y compris le balayage48. L’introduction
de ces questions illustre l’importance des données du recensement pour la
politique municipale. L’expérience des projets de réhabilitation des favelas
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initiés au cours des années 1980, pour lesquelles ces données faisaient défaut,
explique sans doute cette évolution. Inversement, en alimentant le question-
naire du recensement, ces priorités municipales accentuaient le poids de la
qualité des équipements dans la définition pratique des « secteurs spéciaux
d’agglomération subnormales ».

Des données contestées


Les données des recensements ont toujours été accusées de ne pas
rendre compte de la réalité des favelas49. Des expériences alternatives de
cartographie et de recensement des favelas, de leur population et des activités
qui s’y déployaient, ont ainsi été conduites50. Signalons ici deux exemples de
contestation des dénombrements nationaux, à l’initiative d’acteurs locaux.
À la suite du recensement de 1980, les critiques portant sur les défi-
nitions et sur les modalités empiriques du recensement dans les favelas
furent nombreuses. Il était ainsi reproché à la définition adoptée en 1980 de
demeurer imprécise et subjective, et surtout de ne pas prendre en compte la
manière dont les favelas avaient évolué. Les conceptions et les préjugés rela-
tifs aux favelas, intériorisés par chacun, largement influencés par l’opinion
commune, rendent difficile l’assimilation des transformations survenues et la
formalisation d’une définition opérationnelle plus en phase avec la réalité51.
Nombre des critères dataient déjà de plus de trente ans et, tandis que ces

46. IBGE, 2003, p. 227.


47. Ibid.
48. Ibid.
49. Les différentes mesures de la population des favelas ont toujours constitué un
problème majeur. Lucien Parisse a réuni les estimations de la population des favelas faites
par diverses institutions publiques au cours des années 1950 et 1960 et il les a comparées avec
les données du recensement. Dans certains cas, ces estimations étaient supérieures de près de
300 % aux données des recensements nationaux. L. PARISSE, 1970, p. 31-32.
50. Maria Pandolfi Guerreiro cite les exemples de recensements réalisés par les
habitants dans les favelas de Fallet, Rocinha et Vidigal, qui fournissent des données très
différentes de celles du recensement officiel. Guerreiro souligne que ces recensements n’ont
pas rendu publique la méthodologie appliquée et qu’il est difficile de valider les données.
M. P. GUERREIRO, 2019, p. 120.
51. V. G. COSTA, 1996, p. 30.

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zones s’affirmaient de plus en plus comme spécifiques, les critères établis


étaient de moins en moins pertinents52.
Dans ce contexte, la municipalité de Rio de Janeiro entreprit, en décembre
1982, l’établissement d’un plan parcellaire des favelas, en se fondant sur un
relevé par photographie aérienne réalisé en 1975, un travail de terrain réa-
lisé au cours de l’année 1982 et les informations fournies par la compagnie
d’électricité et les associations d’habitants, ainsi que sur d’autres données
secondaires. Il ne s’agissait pas d’un travail de recensement à proprement
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parler, mais les données avancées ont de quoi surprendre, puisque, tandis que
le recensement de 1980 avait dénombré 191 favelas, l’entreprise municipale
d’informatique de Rio de Janeiro (Iplanrio) en annonçait l’existence de 377,
soit près du double53. Outre l’écart dans le temps, les données de l’Iplanrio
ayant été collectées deux ans après le recensement de l’IBGE, il semble
que l’explication d’une pareille différence soit à trouver dans l’utilisation
de méthodologies distinctes54. En effet, l’Iplanrio ne stipulait pas de taille
plancher (telle celle de 50 logements) pour désigner une favela et ne réunis-
sait pas non plus plusieurs favelas en une seule unité, comme l’avait fait le
recensement de l’IBGE en 1980. De plus, pour délimiter les zones de favelas,
l’Iplanrio considérait comme déterminantes les caractéristiques d’occupation
à l’époque de leur établissement et l’absence de titre de propriété du terrain.
Contrairement au recensement de 1980, la structure physique n’était pas
considérée, si bien qu’ont été incluses des habitations qui pouvaient disposer
de diverses commodités55.
Le débat suscité par les données de l’Iplanrio a fait apparaître la nécessité
d’une réflexion sur les définitions adoptées par l’IBGE, afin que celles-ci soient
moins centrées sur une description physique, qui présenterait ces zones de
manière homogène, et qu’elles se basent davantage sur la propriété foncière.
Ce critère soulève cependant des difficultés, car les habitants sont peu enclins
à répondre à des questions sur ce sujet ; or la mise en œuvre d’une enquête
foncière approfondie sur les favelas serait trop coûteuse56.
Suite au recensement de 2000, des associations internes aux favelas de
Maré, près de l’aéroport international, se lancent dans un « contre-recensement

52. J. S. OLIVEIRA & L. NIEMEYER, 1983, p. 4.


53. Ibid., p. 5.
54. La mairie de Rio de Janeiro possède un « système des agglomérations des faibles
revenus » (Sistema de Assentamentos de Baixa Renda (SABREN) en portugais), créé en 1990,
qui tire son origine précisément de ce cadastre des favelas de la ville de Rio de Janeiro en
1982. Le SABREN rassemble et diffuse des informations sur les favelas et les lotissements
irréguliers et clandestins et il est actuellement sous la tutelle de la Diretoria de Informações
da Cidade de l’Instituto Pereira Passos (IPP). F. CAVALIERI et al., 2016, p. 414.
55. V. G. COSTA, 1996, p. 31.
56. J. OLIVEIRA & L. NIEMEYER, 1983, p. 17 et 18.

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en multi-partenariat57 ». Leur objectif était d’établir un reflet plus fidèle à la


réalité, afin de contribuer à la bonne orientation des politiques publiques locales.
Le rôle d’enquêteur était confié aux habitants eux-mêmes, puisqu’un nombre
croissant d’entre eux avait désormais eu accès à l’université58. Il s’agissait de
sortir du paradigme de l’absence invoquée pour définir les favelas, ainsi que
de la tendance à homogénéiser ces zones. D’après le recensement de Maré,
« une perception anachronique des espaces populaires s’est développée, si bien
que les zones d’occupation de terrains ont continué à être perçues comme
des lieux de manque urbain, social, légal et moral59 ».
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Ce recensement a cherché à s’appuyer sur les sous-divisions locales
des quartiers et à définir les secteurs de recensement à partir d’une plus
petite division par îlots. Cette initiative ne s’est pas révélée trop ardue dans
les favelas de Maré, puisque celles-ci sont établies en grande partie sur des
projets publics de construction d’habitat social, si bien que l’identification
des rues et des îlots n’a pas posé de problème. Cette entreprise a cherché à
dépasser également deux autres critiques faites aux recensements réalisés par
l’IBGE. Tout d’abord, l’amélioration de la cartographie préalable a permis
d’éviter que certaines zones soient « oubliées » par le recensement. Ensuite,
les agents recenseurs percevaient une rémunération fixe, contrairement à ceux
de l’IBGE, payés au questionnaire. Ainsi les agents pouvaient-ils se rendre
plus de cinq fois de suite à une même adresse pour obtenir des informations
d’une même famille. Avec ce système de salaire fixe, le risque était réduit
de voir les agents renoncer à certains secteurs par crainte d’une baisse de
leur rémunération60. D’après ce recensement produit par les associations de
Maré, ce complexe de favelas abritait, en 2000, 132 176 habitants, répartis
en 38 273 logements, alors que le recensement de l’IBGE la même année
donnait une population de 113 817 personnes, soit une différence de 14 %61.

3. La définition statistique des favelas :


une question toujours ouverte depuis le recensement de 2010

Le dernier recensement national disponible date de 2010. Des évolutions


constatées dans le demi-siècle précédent se sont confirmées à cette occasion :
ainsi la catégorie statistique nationale a-t-elle continué d’être infléchie pour

57. Ce partenariat a associé le Centre d’études et d’actions solidaires de Maré (CEASM),


la Banque nationale pour le développement économique et social (BNDES), l’Institut de
recherche économique appliquée (IPEA), l’École nationale des sciences statistiques (ENCE)
et l’Institut Pereira Passos (IPP).
58. CEASM, 2003, p. 31.
59. Ibid., p. 25 et 26.
60. Ibid., p. 37 et 38.
61. Ibid., p. 35.

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s’adapter aux évolutions urbaines ; par ailleurs, la critique des modalités du


recensement par les instances locales s’est renforcée.
Le manuel pour l’élaboration de la Base territoriale du recensement
démographique de 2010 définit les « agglomérations subnormales » comme
« un ensemble constitué d’un minimum de 51 logements (baraques, maisons…)
dépourvus, dans leur majorité, des services publics de base, occupant ou ayant
occupé jusqu’à une période récente le terrain d’autrui (propriété publique ou
privée), disposés, généralement, de manière dense et désordonnée62 ». Il innove
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en expliquant qu’on peut identifier des « agglomérations subnormales » dans
les zones urbaines, mais aussi dans les zones rurales subissant l’extension
urbaine. Cette identification s’appuie sur les critères suivants :
« a) Occupation illégale des sols, c’est-à-dire construction sur le terrain d’autrui
(public ou privé) à l’heure actuelle ou dans une période récente (ayant obtenu un
titre de propriété du terrain depuis moins de dix ans) ; et
b) Présence d’au moins l’une de ces caractéristiques : i) occupation en dehors des
normes actuelles – identifiable par des voies de circulation étroites et à l’alignement
irrégulier, des habitations de tailles et de formes inégales et des constructions
réalisées indépendamment des institutions publiques ; et ii) précarité des services
publics de base63 ».
La fiche de recensement introduit des questions cernant de nouveaux
éléments de la réalité des favelas. Les agents recenseurs doivent ainsi quali-
fier la sécurité d’accès au logement, ce qui revient à une prise en compte du
contrôle croissant de ces espaces par des groupes armés. Ils doivent aussi
demander aux habitants de préciser la manière dont ils nomment leur lieu
d’habitation : favela, mocambo, grota, vila, etc.64 Ainsi, bien que l’expression
« agglomérations subnormales » ait été conservée, un effort est consenti pour
dépasser la généralisation négative de cette appellation.
Pour répondre à la critique, développée notamment par le recensement
alternatif mené à Maré en 2003, de la sous-évaluation de la population des
favelas faute d’enquêter tous les logements, l’IBGE dit avoir développé des
procédures d’imputation aléatoire, en imputant à des logements classés
comme fermés les caractéristiques d’un individu recensé dans un logement
aux caractéristiques similaires65. Il est difficile d’expliquer ici comment une
telle imputation peut effectivement corriger de possibles écarts de données66.
D’après l’IBGE, les domiciles fermés représentent seulement 1,3 % du total
des logements individuels identifiés, ce qui paraît trop faible pour avoir

62. IBGE, 2009, p. 2.


63. Ibid., p. 19
64. Ibid., p. 3.
65. IBGE, 2010, p. 24.
66. Il faudrait avoir accès aux données internes du recensement pour identifier où et à
quelle fréquence intervient cette imputation. La population totale estimée de ces logements
« fermés » est de 2 795 533 personnes pour 899 152 domiciles fermés. IBGE, 2010, p. 25.

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un effet sur les résultats du recensement. Toutefois, le rapport de l’IBGE


n’évoque pas le pourcentage de domiciles fermés dans les « agglomérations
subnormales » et en particulier dans la ville de Rio de Janeiro. Or, selon notre
propre expérience, nombreux sont les témoignages d’habitants des favelas
disant n’avoir jamais été recensés. Cela donne à penser que les données sur
les favelas de Rio sont encore sous-estimées, et que bien des habitations n’ont
même pas été comptabilisées comme logement fermé et n’ont donc pas pu
être prises en compte.
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L’IBGE a également tenté de mieux identifier les délimitations des
« agglomérations subnormales » dans le cas des zones aux limites diffuses
en utilisant pour la première fois des images satellites à haute résolution pour
repérer quelles parties des municipalités présentaient la morphologie spéci-
fique des « agglomérations subnormales », avant d’aller sur le terrain vérifier
ces caractéristiques67. De même, l’IBGE a réalisé une recherche spécifique
– enquête d’informations territoriales (LIT) – dans le but d’améliorer l’iden-
tification et la caractérisation des « agglomérations subnormales », composée
par un module de terrain (LIT-Campo) et un autre module d’investigation
associé aux mairies (LIT-Prefeitura). Cela a permis de mieux identifier les
modèles d’urbanisation et la situation foncière et légale des potentielles
« agglomérations subnormales ». Enfin, l’Institut a organisé des réunions dans
les commissions municipales de géographie et statistique68. Ces initiatives
ont finalement contribué à l’actualisation des plans parcellaires et des cartes
de recensement69 et donc à l’amélioration du niveau d’information foncière70,
qui faisait précisément défaut pour établir la légalité des constructions dans
les recensements précédents. Surtout, d’après l’IBGE, l’ensemble de ces inno-
vations a permis de souligner la grande diversité des types et des dimensions
de ces « agglomérations subnormales » à travers tout le pays.
Cependant, les recensements restaient la cible de critiques relatives à la
qualification d’« agglomérations subnormales ». Les opérations d’aménagement
des favelas avaient souvent pour conséquence de faire perdre à certaines zones
cette appellation de « favela », alors même que nombre d’entre elles étaient
toujours irrégulières du point de vue de la propriété. Face aux difficultés
juridiques soulevées par la régularisation de ces zones, qui n’accompagne
pas nécessairement les projets de réhabilitation, le critère de la propriété du
sol cesse d’être significatif d’autant plus qu’une grande partie des zones qui
ne sont pas des favelas présentent aussi des problèmes relatifs au titre de pro-
priété. Selon ces auteurs, la question de la propriété peut devenir une entrave

67. IBGE, 2010, p. 27. Dans un entretien accordé au journal O globo du 5 juin 2011,
Eduardo Pereira Nunes, président de l’IBGE, présente ce nouveau procédé d’identification
des « agglomérations subnormales ».
68. IBGE, 2016, p. 365.
69. IBGE, 2010, p. 27.
70. L. F. MATION, V. G. NADALIN & C. KRAUSE, 2014, p. 13.

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à l’identification par les municipalités des favelas et des zones assimilées.


Inversement, de nombreuses favelas restent catégorisées comme favela même
après la réalisation de programmes de réhabilitation, comme le programme
Favela-Bairro, mis en place par la municipalité de Rio de Janeiro dans les
années 1990 et 200071.
De ce fait, la municipalité de Rio continue de développer ses propres
recensements des favelas depuis les années 1980. La définition actuellement
utilisée par la mairie pour qualifier les favelas reste celle du Plan directeur
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de Rio de Janeiro de 2011, à savoir :
« zone d’habitation, principalement, caractérisée par une occupation clandestine
et à faible revenu, une précarité d’infrastructures urbaines et de services publics,
des voies étroites et un alignement irrégulier, une absence de divisions formelles
et des titres de propriété et de construction non réglementaires, ne respectant pas
les normes légales en vigueur ».
Cette définition reprend celle du précédent plan directeur de 1992, en y
ajoutant seulement le mot « clandestine » pour qualifier le type d’occupation
du terrain.
Cavalieri et Vial estiment que les caractéristiques considérées par l’Institut
Pereira Passos (IPP), organisme de recherche et de production des données de
la mairie de Rio, pour définir une zone de favela sont : 1) l’occupation illégale
du terrain ; 2) l’absence de titre de propriété en règle, ce qui ne signifie pas
nécessairement que l’occupation soit illégale ; 3) un tissu urbain organisé
de manière irrégulière ; 4) des lotissements petits et indéfinis ; 5) des voies
étroites ; 6) des infrastructures d’assainissement précaires ; 7) des équipements
sociaux inexistants ou insuffisants ; 8) des habitations précaires ne respectant
pas les normes ; 9) l’inexistence ou la précarité de normes urbaines spéciales ;
10) la non-inclusion des bâtiments dans le cadastre ; 11) la prédominance
d’une population à faible revenu72.
D’après Cavalieri et Vial, l’identification des anciennes favelas ne pose
pas de problème particulier. En revanche, à mesure que le temps passe, des
formes mixtes apparaissent de plus en plus fréquemment et il est toujours
plus difficile de faire la différence, par exemple, entre des situations caracté-
ristiques d’un lotissement clandestin dans la banlieue et celles d’une favela.
Les typologies parfois se mélangent, comme l’irrégularité urbanistique de la
construction et l’absence de titres de propriété. Néanmoins, les lotissements
de banlieue présentent souvent un alignement des rues plus défini et une
densité du bâti moins importante que les favelas.
Il est possible de rendre compatibles les nomenclatures de l’IBGE et de
l’IPP. Toutefois, certaines différences demeurent, même si elles sont nettement

71. V. G. COSTA & J. A. NASCIMENTO, 2005, p. 3083.


72. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012a, p. 3.

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moins nombreuses qu’auparavant. En 2000, environ 11 % des limites définies


par les deux institutions étaient en contradiction, un pourcentage réduit en
2010 à 3,5 % environ73. Parmi les différences persistantes, figure en particulier
le seuil de 51 domiciles maintenu par l’IBGE. L’IPP, fort de ses bases carto-
graphiques et de ses photographies aériennes, a proposé des estimations afin
de compléter les données, ce qui s’est traduit par une hausse d’environ 3,5 %
de la population estimée par l’IBGE74. Pour l’IPP, la population des favelas
dans la ville atteignait 1 443 773 habitants, alors que selon le recensement de
2010, ils n’étaient que 1 393 31475.
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La réflexion sur la définition des favelas a conduit à une interrogation
sur la pertinence même de désigner certains lieux comme des favelas. La
nouvelle classification élaborée par le programme municipal de réhabilitation
des favelas « Morar Carioca » en est un bon exemple76. Selon Cavalieri et
Vial, la mairie cherchait à proposer une nouvelle classification des favelas de
manière à mieux orienter les politiques publiques qui ciblaient ces espaces,
en prenant en compte leur diversité. Les trois grands axes définis pour caté-
goriser les favelas étaient leur situation dans le tissu urbain, leur taille et leur
degré de réhabilitation77.
S’agissant du tissu urbain, les favelas ont été classées comme « isolées »
ou « complexes », selon qu’elles présentaient des limites clairement identi-
fiables, une dénomination propre et étaient situées à l’écart d’autres ensembles,
ou qu’au contraire plusieurs d’entre elles se jouxtaient, formant une tâche
urbaine unique ou entretenant de fortes relations. Cette seconde catégorie a
été critiquée lorsqu’elle conduisait à incorporer dans un même « complexe
de favelas » plusieurs favelas qui entretenaient entre elles de fortes rivalités,
généralement nourries par la lutte pour le contrôle territorial de ces zones
par des groupes armés rivaux. En fonction de leur taille, les favelas étaient
classées en trois catégories : petites (jusqu’à 100 logements), moyennes (de
100 à 500 logements) ou grandes (au-delà de 500 logements).
Le point qui a engendré le plus de discussions concerne le degré de
réhabilitation. Les favelas ont été considérées comme : i) en cours d’analyse ;
ii) partiellement réhabilitée ; iii) réhabilitables ; iv) en cours de réhabilitation ;
ou v) réhabilitée. Les ensembles « en cours d’analyse » sont ceux dont la pos-
sibilité de réhabilitation, totale ou partielle, doit encore être confirmée par la
réalisation d’études. Sur la base de ces études, ils pourront être considérés,

73. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012a, p. 3.


74. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012b, p. 1.
75. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012a, p. 6.
76. Annoncé par la mairie en 2011, le programme Morar Carioca prévoyait de réhabiliter
l’ensemble des favelas de la ville. Plusieurs équipes ont été engagées et certaines ont réalisé
des études préliminaires à des interventions, mais le programme a rapidement été délaissé
par la mairie. Sur l’historique de Morar Carioca, voir M. CAVALCANTI, 2017.
77. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012a, p. 4.

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totalement ou partiellement, comme réhabilitables et/ou voir leurs habitants


relogés. « Partiellement réhabilités » est la qualification donnée aux ensembles
qui ont fait l’objet de programmes de réhabilitation intégrée mais qui attendent
encore des améliorations. « Réhabilitables » désigne les ensembles qui n’ont pas
fait l’objet de programmes de réhabilitation intégrée et qui peuvent être plus
solidement intégrés dans le maillage urbain formel de la ville. « Réhabilités »
sont les ensembles qui ont fait l’objet de programmes de réhabilitation inté-
grée dont le projet a garanti l’installation des infrastructures de base, des
équipements publics et un niveau d’accessibilité satisfaisant – ou ceux qui,
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grâce aux efforts entrepris par leurs habitants et à l’aide de diverses actions
publiques, ont réussi au fil du temps à atteindre une situation de réhabilitation
locale satisfaisante78.
Parmi les 1 443773 habitants des favelas, 283 058 vivaient dans des favelas
désignées comme des communautés réhabilitées. Selon le journal O globo du
5 juin 2011, 44 favelas ont acquis la dénomination de communautés réhabi-
litées. La presse n’a pas tardé à identifier cette nouvelle désignation comme
synonyme d’ex-favelas. Outre le fait que la mairie n’a jamais eu recours à
ce terme, cette nouvelle nomenclature a suscité des critiques de la part de
certains habitants et urbanistes79. Dans un entretien au journal O globo du
29 mai 2011, Ricardo Henriques, alors président de l’IPP, a justifié cette
nouvelle nomenclature en ces termes :
« Nous cherchons à promouvoir une réflexion sur le concept de favela. Le cas de
[la favela de] Providência [dans le centre de Rio] en est un bon exemple. Elle va
être réhabilitée et d’ici peu, il n’y aura plus de raison de la classer parmi les favelas.
Pour autant, il ne faut pas ignorer l’histoire, la tradition et l’identité de Providência
[considérée comme la première favela du Brésil] ».
Cette nouvelle nomenclature a ainsi encouragé une vaste réflexion sur la
notion même de favela et sur la pertinence ou non de voir un quartier perdre
un jour cette dénomination.

Conclusion

Le présent article a cherché à mettre en évidence la manière dont l’expé-


rience carioca contribua à façonner la conception de l’urbanisation informelle
dans l’ensemble du pays. L’importation de la catégorie statistique « favela »,
forgée à Rio de Janeiro, dans les recensements nationaux de population, à
partir de 1950, en est une manifestation remarquable. Toutefois, la statistique

78. F. CAVALIERI & C. VIAL, 2012a, p. 4.


79. Pour Roberta Ferreira, habitante de la favela de Borel : « Le programme Favela-
Bairro nous a apporté des améliorations sur certains points mais il faut bien qu’on vive avec
le risque de glissements de terrain, les égouts à ciel ouvert et d’autres problèmes. Avant qu’on
ne soit plus une favela, il va en falloir du temps », O globo, 30 mai 2011.

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nationale adapta et retravailla depuis lors cette catégorie au point qu’elle a


pu sembler inadéquate pour saisir la réalité de la ville qui l’avait vu naître.
Si les deux premiers recensements nationaux ayant intégré cette catégo-
rie employaient le terme de « favela », le recensement de 1970 a commencé
à recourir à l’expression « agglomérations urbaines exceptionnelles » pour
désigner les zones de favelas, alors que celui de 1980 a opté pour la formule
« agglomérations spéciales urbaines » et qu’à partir du recensement de 1991,
c’est « agglomérations subnormales » qui a été retenu pour qualifier ces
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espaces. L’évolution de cette catégorie révèle les efforts entrepris par l’IBGE
pour mettre au point une désignation qui puisse englober la diversité de ce
type d’espace dans l’ensemble du pays.
Les changements de définition intervenus au fil du temps n’ont pas remis
en cause le seuil de 50 logements (à l’exception du recensement de 1960), ni
le principe de l’absence des caractéristiques considérées comme essentielles
à la viabilisation du terrain (solidité des constructions, présence de services
publics, détention de titres de propriété). Ces critères ont eu tendance à
homogénéiser la conception de ces espaces. C’est la raison pour laquelle la
municipalité de Rio de Janeiro a remis en question cette définition depuis le
recensement de 1980.
Ces évolutions vont de pair avec l’évolution des politiques publiques
en direction des favelas. Le recensement de 1980, par exemple, accorde un
poids moins important au prétendu manque d’équipements publics, reflétant
ainsi le changement des politiques publiques envers les favelas, marqué par
un désengagement, après les premiers projets de réhabilitation entrepris à
la fin des années 1970. À partir du recensement de 1991, en revanche, il est
possible d’identifier une certaine relativisation de la question juridique, ce qui
reflète l’impact des politiques alors mises en œuvre en vue de la régularisation
foncière de ces zones. Les modifications intervenues dans la définition des
favelas soulèvent ainsi la question de savoir si un espace déterminé pourrait
cesser d’être considéré comme une favela.
La particularité urbaine des favelas a toujours posé des problèmes spé-
cifiques pour la réalisation du recensement sur le terrain. L’absence d’adresse
des logements et de plan parcellaire a ainsi conduit les agents recenseurs à
imaginer des stratégies pour aborder toutes les constructions sans superposer
ni oublier aucun secteur. Cet effort s’est traduit par des techniques de cartogra-
phie qui ont évolué depuis les croquis réalisés par les équipes de recenseurs
de 1950 jusqu’à l’utilisation d’images satellite de haute résolution. Si depuis
1970, les évolutions de la conception des favelas reflètent les changements
survenus dans ces espaces et leur extension aux espaces ruraux, l’évolution
des stratégies du service de recensement, depuis l’an 2000, est aussi la consé-
quence des transformations sociales qui affectent ces quartiers, comme leur
contrôle croissant par des groupes armés.

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Rafael Soares Gonçalves

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