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VICTIMES
Ghislaine Doucet
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Ghislaine Doucet * **
Sommaire
En décidant d'exclure le terrorisme de la compétence de la Cour pénale
internationale au motif que cette infraction n'était pas définie, les Etats ont
renoncé, au moins provisoirement, à l'instauration d'une réponse pénale
universelle au terrorisme. Les disparités nationales qui en résultent sont
préjudiciables tant aux victimes qu'aux auteurs et complices de crimes de
terrorisme.
Pourtant, la définition "politique" du terrorisme, telle que recherchée activement
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Summary
The States have decided not to include terrorism under the jurisdiction of the
international criminal court, saying that this infraction was not defined. As a
consequence, there is no universal criminal answer to terrorism for the moment.
Victims, as well as authors and advocates of terrorist victims’ right are infringed
due to disparity in domestic laws.
Yet, the UN actively search for a “political” definition of terrorism, which is,
contrary to the idea too often spread, is not necessary, since terrorist acts are
provided for, defined and incriminated by international law during wartime and
peacetime.
The author shows that terrorist acts are, in some cases, eligible to be, de facto,
under the jurisdiction of the international criminal court. States should make an
end to this incoherence that creates a new discrimination among victims of the
same terrorist act. International law has to evolve apart from any political
considerations.
Resumen
Al excluir el terrorismo de la competencia de la Corte Penal Internacional con el
motivo de que este delito no está definido, los Estados han renunciado, al menos
provisionalmente, a dar una respuesta penal universal al terrorismo. Las
diferencias nacionales que resultan de eso son perjudiciales tanto para las
víctimas como para los autores y cómplices de crímenes de terrorismo.
Sin embargo, la definición “política” del terrorismo activamente buscada por la
ONU no es necesaria, ya que, al contrario de una idea acuñada y demasiado
abundantemente difundida, los actos de terrorismo se encuentran previstos,
definidos e incriminados por el derecho internacional, tanto si cometidos en
tiempo de guerra como en tiempo de paz.
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Introduction
En décidant d'exclure le terrorisme de la compétence de la Cour pénale
internationale (CPI) au motif que cette infraction n'était pas définie, les Etats ont
renoncé, au moins provisoirement, à l'instauration d'une réponse pénale
universelle au terrorisme. Les disparités nationales qui en résultent sont
préjudiciables tant aux victimes qu'aux auteurs et complices de crimes de
terrorisme.
A cet égard, les discussions au sein de l'ONU ont récemment marqué de nets
progrès (I.A.). Parallèlement au débat politique, l'analyse du droit positif montre à
l'évidence que les situations en cause sont bien couvertes par le droit
international (I.B.) et, qu'en conséquence, la problématique principale se situe
davantage au niveau de la mise en œuvre des dispositions existantes. (I.C.)
Ce n'est finalement qu'après les attaques du 11 septembre 2001 contre les Etats-
Unis que les Etats ont pris conscience qu'ils étaient confrontés à une menace
1. Le 8 juillet 2005, condamnant les attentats à Londres, Kofi Annan a estimé que ces
événements soulignaient "une fois de plus, l'importance de parvenir, en septembre, à une
définition commune du terrorisme, afin que tous les pays puissent être d'accord sur l'objet
de leur combat" ; le 12 juillet 2005, Kofi Annan réitérait, lors d'un point presse son appel à
l'adoption d'une convention contenant une définition du terrorisme reconnue par tous les
Etats membres ; le 25 juillet 2005, le SG indiquait : "ce qui s'est produit ces dernières
semaines, de Londres à Charm-El-Cheikh et ailleurs nous donne une raison
supplémentaire de parvenir à une définition du terrorisme qui puisse satisfaire tout le
monde". (site internet de l'ONU, Centre de nouvelles de l'ONU).
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Quant aux Etats, s'ils s'inspirent parfois des normes internationales pour la mise
en œuvre de moyens pour organiser la lutte contre le terrorisme et sa répression,
force est de constater que les aspects sécuritaires sont souvent privilégiés au
détriment du respect des règles fondamentales des droits de l'homme, le recours
à la lutte armée n'étant pas exclu pour certains d'entre eux. La riposte
internationale en Afghanistan autorisée par l'ONU3, l'intervention en Irak menée
dans le cadre de la "guerre totale au terrorisme" déclarée et conduite par les
Etats-Unis, la menace d'utiliser l'arme nucléaire contre le terrorisme4, montrent,
s'il en était besoin, que face à ce danger international, la réponse, loin d'être
universelle, est disparate, parfois même contestable sur le plan de la légalité, et
qu'elle n'obéit pas systématiquement à la voie du droit.
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Ainsi, après avoir admis, en 1998, que "la répression des actes de terrorisme
[était] essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale"7, le
Conseil a considéré "de tels actes [les épouvantables attaques terroristes qui ont
eu lieu le 11 septembre 2001] comme tout acte de terrorisme international,
comme une menace à la paix et la sécurité internationales"8.
Avant cette date, une seule fois seulement, le Conseil de sécurité avait fondé
l'une de ses résolutions dans le domaine du terrorisme sur le Chapitre VII. C'était
en 1992, pour condamner la Libye suite aux attentats de Lockerbie et contre le
DC 10 de la Compagnie UTA.11
Après 2001, toutes les résolutions de portée générale relatives à la lutte contre le
terrorisme ont été prises par référence au Chapitre VII de la Charte des Nations
unies.12 Le Conseil de sécurité affirme, désormais systématiquement, que "le
terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue
l'une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité" et que "les actes de
terrorisme sont tous criminels et injustifiables, quels qu'en soient le mobile, le
moment ou les auteurs".13
Ainsi, depuis quelques années, non seulement le terrorisme est devenu un enjeu
prioritaire de la communauté internationale, mais ce crime est entré dans la
qualification très restreinte des crimes internationaux les plus graves et a été doté
de la plus haute qualification dans la typologie des infractions internationales.14
Dans ce cadre, il incombait à ce groupe "d'évaluer les menaces qui pèsent sur la
paix et la sécurité internationales, de dire en quoi nos politiques et nos institutions
actuelles nous permettent d'y faire face et de recommander des mesures propres
à donner à l'ONU les moyens de pourvoir à la sécurité collective au XXIe
siècle".19
Al Qaida). Le groupe de travail créé en application de la résolution 1566 n'a pas, à ce jour,
été constitué.
16. Proposition formulée par K. Annan à l'Assemblée Générale de l'ONU le 23 septembre
2003 (Communiqué de presse SG/SM/8891)
17. Présidé par M. Anand Panyarachun, ancien Premier ministre de Thaïlande, sont
membres de ce groupe : M. Robert Badinter (France), M. Joao Clemente Baena Soares
(Brésil), Mme Gro Harlem Brundtland (Norvège), Mme Mary Chinery-Hesse (Ghana), M.
Gareth Evans (Australie), M. David Hannay (Royaume-Uni), M. Enrique Iglesias (Uruguay),
M. Amre Moussa (Egypte), M. Satish Nambiar (Inde), Mme Sadako Ogata (Japon), M.
Yevgeny Primakov (Fédération de Russie), M. Qian Qichen (Chine), Mme Nafik Sadiq
(Pakistan), M. Salim Ahmed Salim (Tanzanie), M. Brent Scowcroft (Etats-Unis).
18. Discours de Kofi Annan lors de l’ouverture du débat général de l’Assemblée le 23
septembre 2003, Communiqué de presse SG/SM/8891
19. Note du Secrétaire général, Cinquante-neuvième session de l'Assemblée Générale, 2
décembre 2004 A/59/565, Point 55 de l’ordre du jour, p. 1.
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Pour autant, ce groupe a souligné que "l'absence d'accord sur une définition
claire et bien connue nuit à la position normative et morale contre le terrorisme et
a terni l'image de l'ONU".21
20. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement, point 159, p. 51, i n note du Secrétaire Général, op. cit. ; Cf. nos
développements au point I.B.
21. op. cit.
22. op. cit. p. 52.
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23. Conférence organisée à Madrid, un an après les attentats du 11 mars 2004 : 191 morts
et près de 2000 blessés. Texte intégral du discours : communiqué de presse SG/SM/9757.
24. Déclarations de Kofi Annan lors de points avec la presse au siège de l'ONU, Centre de
nouvelles ONU, site web de l'ONU.
25. Projet de document proposé par le Président de l'Assemblée générale à la 59ème
session, A/59/HLPM/CRP.1/Rev.2, du 10 août 2005, p. 21.
26. Réuni à New York du 14 au 16 septembre 2005.
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Pour autant, il faut noter que ce n'est pas tant à proprement parler la question de
la définition du terrorisme qui demeure en discussion, mais celle du champ
d'application du projet de Convention.30 En effet, les délégations considèrent que
le projet d'article 231 est "globalement acceptable et qu'il ne doit pas être
modifié".32
résolution 1566 adoptée le 8 octobre 2004 par le Conseil de sécurité34 car il est
tout aussi essentiel à l'équilibre international d'organiser la protection des victimes
du terrorisme et de leur accorder une véritable reconnaissance par l'organisation
d'un système de réparation complet et approprié.
Les actes de terrorisme sont prévus et sanctionnés par le droit international, que
ceux-ci soient commis en période de guerre comme en temps de paix. Erigés en
infractions pénales, les Etats parties aux traités interdisant les actes de terrorisme
sont invités, voire contraints, à transposer dans leur droit pénal interne ces
infractions et à mettre en œuvre les procédures de répression adéquates.
A cet égard, il convient de distinguer selon que les actes de terrorisme sont
commis en temps de paix ou en période de guerre.
En temps de guerre, les actes de terrorisme sont interdits par les Conventions
de Genève de 1949 et par leurs Protocoles additionnels de 197736.
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34. Le §10 de la résolution 1566 est relatif à la "possibilité de créer un fonds international
d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et des membres de leur famille qui
pourrait être financé par contributions volontaires, et dont les ressources proviendraient en
partie des avoirs confisqués aux organisations terroristes, à leurs membres et
commanditaires".
35. cf. supra, note 20
36. Cf. articles 27, 33, 34 de la IVe Convention de 1949, 51, alinéa 2, du Protocole
additionnel I du 8 juin 1977, 4 et 13 du Protocole additionnel II du 8 juin 1977.
37. Cf. article 51, 2. du Protocole I du 8 juin 1977 : "Ni la population civile en tant que telle
ni les personnes civiles ne doivent être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou
menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population
civile" et art. 13, 2. du Protocole II : "Ni la population civile en tant que telle ni les
personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de
violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile."
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Les actes, dont ces instruments internationaux sont l'objet, sont expressément
désignés comme constituant soit des actes de terrorisme, soit des actes illicites.
38. Cf. Règles 1 et 2 de l'étude sur le droit coutumier réalisée par le CICR, "Customary
International Humanitarian Law", par Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck,
CICR et Cambridge University Press, 2005, anglais
39. C.I.J. Aff. des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) [fond]. Arrêt du 27 juin 1986, § 215 à 220
40. Les textes de ces instruments internationaux sont disponibles sur site de l'ONU :
http://untreaty.un.org/French/terrorisme.asp.
41. Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, 15
décembre 1997, Convention internationale contre la prise d'otages, 17 décembre 1979,
Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des
aéronefs, Tokyo, 1963, Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, La
Haye, 1970, Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de
l’aviation civile, Montréal, 1971 et leurs protocoles additionnels.
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Dans tous les cas, ils sont qualifiés d'infractions justifiant une répression adaptée.
Le recours à des moyens non classiques, de type NBC, est également couvert
par des instruments internationaux spécifiques42, tandis que l'accès des acteurs
non étatiques aux armes nucléaires, chimiques et biologiques est largement
discuté.43
Enfin, quel que soit le moyen utilisé et quel que soit le contexte, le financement
du terrorisme est érigé en infraction internationale par la convention internationale
pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999.
Par ailleurs, ainsi que l'a rappelé M. Kofi Annan en mars 200544, les instruments
applicables en temps de paix et en temps de guerre sont complémentaires et non
exclusifs, contrairement aux allégations de certains Etats qui interprètent certains
des instruments internationaux comme excluant le terrorisme d'Etat : là réside,
avec la question de la lutte dans le cadre du droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes, l'un des arguments récurrents dans les discussions relatives à la
définition du terrorisme.
Il convient, dans ce débat, que les Etats prennent garde de ne pas annihiler les
dispositions pertinentes du DIH, notamment celles applicables en cas de conflit
armé non international, en décidant de qualifier de "terroristes", sans distinction,
tous les actes de "groupes armés organisés"49, alors même que certains de ces
actes sont, à ce jour, considérés comme licites par le DIH.
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Dans ce débat, il nous semble que les Etats doivent absolument éviter de
confondre le but poursuivi avec les moyens employés et, à l'instar de Yves
Sandoz, "il convient toujours de rappeler sans la moindre hésitation que le
terrorisme est prohibé sans aucune nuance par le droit international, que ce
soient les droits de l'homme en temps de paix ou le droit international humanitaire
en temps de conflit armé. On peut expliquer le terrorisme et on doit certainement
chercher à analyser ses causes profondes, mais on ne saurait le justifier".50
L'ONU reconnaît d'ailleurs que l'ensemble normatif existant est tout à fait
pertinent et que l'accent doit désormais être mis sur la coopération internationale
et sur la mise en œuvre51.
Par ailleurs, au motif qu'il ne serait pas défini, le terrorisme a été explicitement
exclu de la compétence de la CPI. A cet égard, certains Etats et certains
52. Cf. J.P. Laborde, « Les Nations unies et la lutte contre le terrorisme. Aspects juridiques
et pénaux », in "Terrorisme, victimes et responsabilité internationale", p. 91, S.O.S.
Attentats, Ed. Calmann-Lévy, 2003. Consulter également le site de l'ONUDC :
www.unodc.org
53. 192 Etats sont parties aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 ; 163 au
Protocole I du 8 juin 1977 et 159 au Protocole II relatif aux conflits armés non
internationaux.
54. Ainsi par exemple, 146 Etats sont Parties à la Convention internationale pour la
répression des attentats terroristes à l'explosif, 153 à la Convention internationale contre la
prise d'otages, 181 à la Convention relative aux infractions et à certains autres actes
survenant à bord des aéronefs, 183 à la Convention pour la répression d'actes illicites
dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, 153 à la Convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme. La Convention internationale pour la répression
des actes de terrorisme nucléaire a recueilli 120 signatures et a été ratifiée par 2 Etats (au
09.05.06).
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Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément
désignés :
"i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en
tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux
hostilités ; ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens
de caractère civil, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;
(…) v) Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des
villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont
pas des objectifs militaires ; (…) xvii) Le fait d'employer du poison ou des armes
empoisonnées ; (…) xviii) Le fait d'employer des gaz asphyxiants, toxiques ou
similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues ;(…) xxi) Les
atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants ;".
La CPI est également compétente pour les crimes de guerre commis en cas de
conflit armé non international :
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Etant précisé que ces dispositions ne sont pas applicables aux situations de
troubles internes et de tensions intérieures (d), suit une énumération des actes
considérés. Dans cette liste, sont expressément désignées :
"i) Les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous
toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture ; ii) Les
atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants ; iii) Les prises d'otages ;(…)".
En cas de "conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un
État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés
ou des groupes armés organisés entre eux" (f) (à l'exclusion des situations de
troubles internes et de tensions intérieures), le Statut précise que sont également
qualifiés de crimes de guerre :
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"e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits
armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit
international, à savoir l'un quelconque des actes ci-après :".
Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément
désignés :
"i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en
tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement
aux hostilités ; (…)".
Ces dispositions sont précisées par le règlement de la CPI relatif aux éléments
des crimes (article 8).
Suit une énumération des actes considérés. Dans cette liste, sont expressément
désignés : "a) Meurtre ; (…), e) Emprisonnement ou autre forme de privation
grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit
international ; f) Torture ; (…), h) Persécution de tout groupe ou de toute
collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique,
culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres
critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant
de la compétence de la Cour ; (…), k) Autres actes inhumains de caractère
L'article 7 précise que "par "attaque lancée contre une population civile", on
entend le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes visés
au paragraphe 1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application
ou dans la poursuite de la politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but
une telle attaque ;" (§ 2, a) et que "par "torture", on entend le fait d'infliger
intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou
mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle;
l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant
uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées
par elles ;" (§ 2, b).
Ces dispositions sont précisées par le règlement de la CPI relatif aux éléments
des crimes (article 7).
Ainsi, le Président de la CPI, Philippe Kirsch, a souligné que "le Statut de la CPI
ne comprenait pas le terrorisme parmi les crimes qui relèvent de sa compétence,
mais que ce crime pourrait par ailleurs être considéré comme un crime contre
l'humanité, et faire dès lors l'objet de sanctions internationales pour ce motif,
outre celles déjà disponibles sous d'autres chefs".59
Se référant à l'article 7 du Statut, Philippe Kirsch indique "qu'il faudrait donc qu'un
Procureur prouve quatre différents éléments pour qu'un crime soit considéré
comme crime contre l'humanité : 1) que certains actes ont été commis, 2) qu'ils
l'ont été dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique, 3) que
l'attaque était lancée contre une population civile, en application ou dans la
poursuite d'une politique d'un Etat ou d'une organisation, et 4) que l'auteur de ces
actes savait qu'ils faisaient partie d'une attaque généralisée ou systématique".60
Il résulte de cette analyse qu'en pratique, seuls certains actes de terrorisme sont
exclus de la compétence de la CPI : il s'agit de ceux commis en temps de paix qui
ne remplissent pas les critères constitutifs de la qualification de crime contre
l'humanité.
Cela paraît d'autant moins pertinent depuis que les crimes de terrorisme ont été
érigés au rang des infractions les plus graves au droit international.61
Par ailleurs, le Conseil de sécurité rappelle avec constance les obligations des
Etats dans l'organisation de la répression, telles qu'inscrites dans les instruments
internationaux.
Malgré ces appels, l'absence de réponse pénale universelle demeure. Elle est
source de disparités nationales considérables dans la répression des actes de
terrorisme et elle introduit des incohérences de traitement entre les victimes du
terrorisme.
On peut imaginer que la voie choisie eut été différente si la négociation du Statut
de la CPI avait été postérieure aux attentats du 11 septembre 2001. A supposer
que la Cour eut pu exercer sa compétence, tout laisse à penser que ces actes
réunissaient les éléments constitutifs de la qualification de crime contre
l'humanité. Si ces mêmes actes avaient été commis dans le cadre d'un conflit
armé, ils auraient été constitutifs d'une infraction grave au DIH.66 Dans tous les
cas, il est probable que ces actes de terrorisme auraient pu entrer dans la
compétence de la Cour.
Telle sont les questions que se pose, en d'autres termes, le Président de la CPI
et auxquelles la nouvelle juridiction pénale internationale aura peut-être à
connaître un jour.67
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66. Sur ce point, "Le droit international humanitaire face au terrorisme", F. Bugnion, 26
octobre 2002.
67. Dans l'article suscité, Ph Kirsch conclut : "d'abord, il certainement prématuré de
conclure que l'omission du crime de terrorisme du Statut de Rome exclut nécessairement
tous les actes de terrorisme du champ d'application du Statut ; ensuite, et plus
précisément, certains actes de terrorisme pourraient vraisemblablement faire l'objet de
poursuites, dans ce contexte comme dans d'autres, en tant que crimes contre l'humanité,
pourvu qu'ils satisfassent à un certain nombre de critères généralement acceptés".
68. La Conférence de révision se réunira en 2009.