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VENTE D’ALCOOL : IL EST INTERDIT D’INTERDIRE

Le 26 mars 2020, le gouvernement de la Polynésie Française a, contre toute attente, décidé


d’interdire la vente d’alcool sur l’ensemble du Territoire « jusqu’au 5 avril ».

Puis, le 3 avril, le même gouvernement annonçait que l’interdiction était reconduite « jusqu’à
la fin du confinement ».

Une telle mesure est totalement contestable, puisqu’elle est à la fois injustifiée, inutile,
dangereuse et inopportune.

En premier lieu elle est injustifiée parce-qu’elle ne repose sur aucun fondement sérieux.

Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux motifs annoncés : curieusement, ils ont
évolué, le second étant sans aucun rapport avec le premier.

Tout d’abord, le motif annoncé était le non-respect du confinement : après avoir constaté que
certains réfractaires au confinement poursuivaient leurs réunions festives, le gouvernement
local en a déduit que l’absence d’alcool favoriserait le respect du confinement.

La suite devait prouver qu’il n’en était rien, puisque les médias annoncent aujourd’hui, lundi
13 avril 2020, « 1600 contrôles et 161 verbalisations...ces dernières 24 heures » !

C’est dire à quel point l’interdiction de la vente d’alcool s’avère inefficace, sauf à démontrer
que les 161 contrevenants étaient tous pris de boisson.

Ensuite, pour justifier la prolongation de la mesure, le Président Edouard FRITCH a déclaré


sans ambages que cette décision s’imposait au vu de la diminution du nombre d’accidents et
d’actes de violence.

Ainsi, curieusement, le premier motif invoqué était oublié, preuve s’il en est de sa totale
vacuité.

Quant aux nouveaux arguments avancés, ils ne sont pas plus convaincants que le premier,
puisque, bien évidemment, la diminution du nombre d’accidents est tout simplement la
conséquence première du confinement, ce qui prouve au passage qu’il est respecté par la
majorité de la population.

Les médias locaux annoncent d’ailleurs que les stations-services ont vu leur chiffre d’affaires
baisser dans des proportions inédites, allant jusqu’à 90% pour certaines d’entre elles.

Ce n’est donc pas l’interdiction de la vente d’alcool qui explique la diminution du nombre
d’accidents. D’ailleurs, Monsieur FRITCH s’est bien gardé d’avancer les chiffres qui auraient
pu démontrer que cette diminution était intervenue après cette interdiction, et non après la
mise en place du confinement.

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Quant à la diminution du nombre d’actes de violence, elle est également contredite par les
mêmes médias qui n’ont pas manqué de relater la multiplication récente des agressions
violentes et autres attaques à main armée dont le nombre va croissant, en dépit de cette
mesure aussi injustifiée qu’aléatoire.

Enfin, s’agissant des violences intra-familiales, le nombre de plaintes a effectivement baissé


très sensiblement, mais encore une fois, depuis le début du confinement, et non en raison de
l’interdiction de la vente d’alcool.

Ce phénomène est parfaitement logique : il est beaucoup plus difficile pour une victime de
violences intra-familiales de dénoncer son agresseur, lorsqu’elle est confinée avec lui. Le
remède serait alors pire que le mal.

Il y a donc fort à parier que le nombre de plaintes va augmenter de façon exponentielle à la


sortie du confinement, pour des faits s’étant produits pendant celui-ci.

Là encore, l’interdiction de la vente d’alcool n’a aucun effet notable.

C’est donc bien sans aucun motif sérieux que cette décision a été prise, ce qui justifie qu’elle
soit levée sans délai.

En second lieu, cette mesure est totalement inutile.

En effet, non seulement les actes de violence augmentent à un rythme effréné depuis sa mise
en place, mais de surcroît cette décision irrationnelle va amplifier le phénomène.

Sur un plan sociétal, de nombreuses études ont démontré de longue date que jamais aucun
gouvernement n’a pu, par voie de mesures coercitives, mettre un terme à la consommation
de substances psychotropes, quelles qu’elles soient.

En Polynésie Française, le paca pousse à foison, tous les gendarmes vous le diront.

Il est donc aisé de remplacer un psychotrope par un autre, plus encore ici qu’ailleurs.

Et pour les inconditionnels de l’alcool, le marché noir se développera sans difficulté, comme
ce fut le cas dans tous les pays qui en ont fait l’expérience, à commencer par les États-Unis où
la prohibition, entre 1920 et 1933, s’est soldée par un échec cuisant : ils n’ont jamais
recommencé.

Mais, manifestement, le gouvernement de la Polynésie Française croit pouvoir réussir, là où


les États-Unis ont échoué...

A l’échelon individuel, il est établi qu’un alcoolique sevré brutalement va non seulement
tomber malade, mais aussi et surtout verra souvent se développer une agressivité nouvelle,
liée au sevrage.

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L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), interrogée par
LCI sur la mesure prise en Polynésie, l’a confirmé : c’est « une fausse bonne idée ».

Selon cette association, le sevrage brutal va entraîner chez certains buveurs dépendants des
conséquences pouvant être plus sérieuses que le maintien de la consommation, même
excessive.

Et surtout, elle ne manquait pas de conclure que « tous les buveurs dépendants ne sont pas
violents et toutes les personnes violentes n’ont pas besoin d’alcool pour passer à l’acte »...

Un autre addictologue et psychiatre au CHU de CLERMONT-FERRAND, le professeur Georges


BROUSSE, précisait à LCI que « le Covid-19 est générateur de stress et d’anxiété, le
confinement est susceptible de générer des manifestations anxieuses, voire de la
décompensation. »

Et d’ajouter : « Dans ces circonstances, on voit que les Français ont tendance à augmenter leur
consommation d’alcool, qui est un outil de convivialité mais aussi un anxiolitique », avant de
conclure :

« L’accès à l’alcool ne doit pas être interdit car la prohibition crée des désordres. »

Cet éminent spécialiste préconise donc de mener des campagnes d’appel à la modération,
tout simplement.

Mais Monsieur FRITCH est sans doute plus compétent en la matière que les addictologues
consultés par les grand organes de la presse nationale.

En troisième lieu, cette mesure est dangereuse, tant sur le plan social que sur le plan
économique.

Au plan social, il est évident que l’interdiction de vente d’alcool impacte gravement, en
première ligne, tous les travailleurs de la filière.

Que ce soit au stade de la production des boissons alcoolisées, comme de la distribution, cette
interdiction brutale vient augmenter sensiblement le nombre des entreprises et des salariés
qui vont payer cher les conséquences économiques inévitables de la crise sanitaire actuelle.

A l’heure où les pouvoirs publics se débattent pour trouver des solutions permettant de sauver
le plus grand nombre d’emplois, le gouvernement de la Polynésie Française aggrave la
situation en privant de leur ressource principale, voire unique, l’ensemble des acteurs
économiques de la filière de production et de vente de boissons alcoolisées.

Il n’est pas de meilleur moyen de faire la sourde oreille aux nombreux cris d’alarme lancés,
depuis le début de la crise sanitaire, par tous les commerçants et libéraux dont les activités
sont en berne depuis le début du confinement.

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Et si l’on sait qu’il n’est pas question de remettre en cause l’utilité du confinement, au moins
dans l’attente des équipements de protection, il n’était pas nécessaire d’en rajouter en
interdisant la vente d’un produit de consommation courante.

Il n’existe pas de moyen plus sûr pour tuer un peu plus d’emplois, précipiter la fermeture
définitive de bon nombre de petits commerces, sans compter les effets induits, puisque le
manque à gagner des acteurs de la filière se répercutera inévitablement sur l’ensemble des
autres secteurs d’activité.

Ce n’est pas seulement le marchand de vins qui va en pâtir, mais également, par ricochet, ses
salariés, ses fournisseurs, ses partenaires commerciaux, ainsi que tous ceux qu’il aurait fait
travailler si son pouvoir d’achat n’avait pas diminué.

Surtout, à l’heure où les finances publiques vont être extrêmement sollicitées pour soutenir
l’économie, il est surprenant qu’un gouvernement se prive délibérément d’une ressource
fiscale aussi lucrative que celle des taxes sur les alcools, dont le niveau indécent en Polynésie
Française est notoirement connu.

C’est d’ailleurs pour cette raison principale que les États-Unis avaient mis fin à la prohibition
en 1933.

Enfin, cette mesure est inopportune parce-qu’elle intervient, précisément, en pleine crise
sanitaire qui va générer, tout le monde le sait maintenant, une profonde crise économique.

Tous les économistes s’accordent aujourd’hui pour dire que cette crise sera au moins aussi
grave que celle de 1929.

C’est la raison pour laquelle tous les gouvernements s’attachent à mettre en place des
mesures d’aide en vue de maintenir, autant que possible, l’activité économique de leur pays.

A cet effet, les grandes puissances telles que la France et les États-Unis, notamment, lèvent
des fonds pour réduire la dette publique et, ainsi, se donner les moyens de soutenir leur
économie.

La Banque Centrale Européenne, comme la Banque Centrale américaine, ont d’ores et déjà
débloqué des sommes colossales à cet effet.

Et pendant ce temps, le Président du « Pe’i » décide subitement d’interdire la vente d’alcool,


coupant ainsi l’herbe sous le pied d’un grand nombre d’acteurs économiques à qui la crise
avait déjà fait mordre la poussière.

Subite, la décision l’a été incontestablement, comme le démontre sa formulation, dont la


forme est aussi maladroite que le fond.

Manifestement rédigé sur un coin de table, l’arrêté du 23 mars 2020 était ainsi rédigé :

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« La vente à emporter de boissons alcooliques et d’alimentation est interdite sur l’ensemble
du territoire de la Polynésie française jusqu’au 5 avril 2020 ».

Il n’est pas nécessaire d’avoir suivi de longues études pour constater que cette phrase signifie
que sont interdites :

- La vente de boissons alcooliques,


- Et la vente d’alimentation.

Manifestement, l’auteur de ce texte accuse autant de lacunes en langue française qu’en


économie.

Il aura fallu un message rectificatif du Vice-Président, Monsieur Teva ROHFRITSCH, précisant :


« Cet arrêté n’interdit pas la vente d’alimentation... »

Heureux d’apprendre qu’ils pouvaient continuer à manger, les 275.000 habitants du Territoire
se contenteront donc de boire tout ce qu’ils voudront, mais sans alcool.

Autrement dit, l’heure n’est plus à la lutte contre la malnutrition et les boissons sucrées, à
l’origine des maux les plus criants de la Polynésie, tels que le diabète et l’obésité.

N’ayant plus de vin pour accompagner leurs plats, ils boiront des sodas, comme ils savaient si
bien le faire, avant que le même gouvernement local ne crie haut et fort, depuis plusieurs
années, qu’il fallait éviter ce genre de produits, allant même jusqu’à créer des taxes
spécifiques sur les boissons sucrées, pour dissuader les consommateurs.

Manifestement, depuis le 23 mars 2020, l’heure n’est plus à l’hygiène alimentaire, mais au
confinement que seule l’absence d’alcool semble pouvoir assurer...en Polynésie Française.

Parce-qu’ailleurs, ce n’est pas le cas : aucun autre pays au monde n’a pris une telle mesure.

En métropole, un préfet a eu, lui aussi, cette idée saugrenue : le préfet de l’Aisne a pris, le 24
mars 2020, un arrêté interdisant la vente d’alcool dans son département.

Il a aussitôt été retoqué, et son arrêté était rapporté dès le lendemain...

Il ne faut pas se tromper : cette mesure est totalement inopportune parce-qu’elle sanctionne
l’ensemble de la population, pour quelques-uns qui refusaient de se confiner.

Or, non seulement rien n’a changé, comme le montrent les chiffres des forces de l’ordre, mais
l’immense majorité de la population en pâtit, alors qu’elle n’a vraiment pas besoin de ça en
ce moment.

Le chef de l’État vient de le rappeler dans son allocution du 13 avril : le confinement est une
lourde contrainte.

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Certes, alors pourquoi augmenter encore la difficulté en privant la majorité de ces petits
moments festifs qui aident à passer le cap ?

Le propos n’est pas ici de vanter les mérites de l’alcoolisation à outrance, encore moins
d’inciter qui que ce soit à s’adonner à la boisson.

Mais pour ceux – majoritaires – qui savent rester raisonnables, respecter le confinement,
actuellement, mais plus généralement s’en tenir à une bonne conduite en toutes
circonstances, l’alcool n’est ni dangereux, ni criminogène.

Pas plus que la conduite d’un véhicule ou l’usage d’un couteau de cuisine, la consommation
de boissons alcoolisées n’est en soi aucunement critiquable. Seuls les excès le sont.

Il ne viendrait pas à l’idée d’un gouvernant quelconque d’interdire les automobiles parce-que
certains s’en servent mal.

Et ce n’est pas parce-qu’un meurtre a été commis à coups de couteau qu’il faut interdire les
couteaux de cuisine dans tous les foyers.

Telles sont les raisons qui conduisent à conclure que cette mesure, aussi injustifiée
qu’inefficace, doit être rapportée.

Le Président de la République l’a également souligné : il faut reconduire le confinement, mais


sans rien y ajouter.

Et puisque nos édiles, auteurs de cette mesure incongrue, viendront à nouveau nous solliciter
dans les prochains mois, à l’occasion des échéances électorales à venir, il est sans doute bon
de leur rappeler le bon mot que l’on prête à Henri IV : « On n’attire pas les mouches avec du
vinaigre ».

Le Coronavirus affecte les voies respiratoires, pas la mémoire.

Laurent CURT

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