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Proposition de réforme du cadre institutionnel de notre politique

monétaire pour le financement d’une politique de relance


économique de grande envergure

Par
Rachid ACHACHI
Docteur en Sciences économiques à l’Université Ibn Tofail de Kénitra
Master en macro-économie monétaire et financière à l’Université Mohamed V de Rabat

Publié le 20 avril 2020

Sommaire
I. La crise ou l’éternel retour du concret : ...................................................................................... 2
II. La triplicité de la monnaie :...................................................................................................... 3
a. La dimension symbolique :......................................................................................................... 3
b. La dimension socio-politique : ................................................................................................... 4
c. La dimension économique : ....................................................................................................... 4
d. Se réapproprier la monnaie dans sa totalité : ............................................................................ 5
III. Repenser le rôle de Bank-Al-Maghrib : .................................................................................. 5
a. Une neutralité monétaire aux antipodes des impératifs de l’économie marocaine : ............... 5
b. Ne pas être plus libéraux que les libéraux : .............................................................................. 6
IV. Proposition de réforme de notre politique monétaire : .......................................................... 7
a. Redéfinir et élargir les objectifs de notre politique monétaire :................................................ 7
b. Création d’un « parlement économique » : ............................................................................... 8
c. Composition du « parlement économique » : ............................................................................ 8
d. Missions et prérogatives du « parlement économique » : ......................................................... 9
V. Conclusion :.................................................................................................................................. 10

1
I. La crise ou l’éternel retour du concret :
Cette proposition de réforme institutionnelle de la monnaie a été, disons le d’emblée,
rédigée dans l’urgence, bien que son contenu soit le produit de plusieurs années de réflexion
et de lutte intellectuelle sur le terrain des idées. Plus exactement depuis 2012, avec la
publication de mon premier article sur la question1 dans les pages de l’hebdomadaire
économique « La Vie Eco », et depuis 2016 jusqu’à aujourd’hui sur les ondes de « Luxe
Radio » où j’officie en tant que chroniqueur.
L’urgence de cette rédaction a été dictée par les circonstances exceptionnelles que vit
notre pays en ce moment du fait entre autres de la pandémie du Covid-19. Car l’heure est
grave, et le Maroc aura à vivre dans les mois, et peut-être les années à venir, une crise
économique sans commune mesure avec celle de 1983. D’autant plus qu’elle aura lieu dans
un contexte de crise économique mondiale.
Les conséquences économiques de cette pandémie et de sa gestion sanitaire
(confinement) seront nombreuses :

 Une économie partiellement à l’arrêt avec des conséquences inéluctables


(explosion du chômage, implosion de la demande solvable, précarisation d’une
partie importante de la population, effondrement des recettes fiscales, vagues de
faillites de TPE et de PME, …).

 Pression de plus en plus accrue sur les réserves de changes (activités touristiques
réduites à zéro, baisse inévitables des IDE en raison de la récession économique
qui ne manquera pas de s’installer en Europe et aux Etats-Unis, réduction des
transferts des MRE pour les mêmes raisons, baisse du volume des exportations
attendue en raison du ralentissement du commerce international, récession
économique …).

 Aggravation de la dette intérieure en raison du creusement inévitable du déficit


budgétaire du fait des dépenses sociales et de relance économique que l’Etat devra
mettre en place durant au moins les 6 prochains mois.

 Aggravation de la dette extérieure en vue de maintenir nos réserves de changes à


un niveau acceptable ainsi que pour honorer le service de notre dette extérieure.

 …
Cependant, imputer ces difficultés uniquement à la crise sanitaire relève purement et
simplement de l’escroquerie intellectuelle. Car le Covid-19 n’est ni plus ni moins qu’une
variable exogène, dont le mérite certes tragique, fut de rendre manifeste ce qui jusque là était
larvé. Car les maux sont profonds, puisque trois décennies de pseudo-libéralisation de
l’économie marocaine n’ont pas manqué de semer les germes de plusieurs fragilités
structurelles. Une libéralisation de façade, dont l’ultime finalité fut de cacher un système
proto-capitaliste de rente, de connivence, de réseautage et de clientélisme, sur fond
d’effondrement éducatif, d’une compétitivité économique moribonde, d’un retard
technologique et surtout d’un vide idéologique dont la conséquence immédiate est un
athéisme politique quasi-généralisé.

1
https://www.lavieeco.com/chroniques/faut-il-reviser-le-statut-de-bank-al-maghrib-21933/

2
Une réalité qui a été occultée pendant plusieurs années par une apparente prospérité,
qui loin de profiter à tous, a contribué à mystifier une part considérable de notre intelligentsia
qui dans ce contexte de vide idéologique, a été presque totalement acquise à la doxa libérale.
Une doxa dont l’implantation au Maroc remonte au début des années 1990 avec le
tristement célèbre P.A.S (Plan d’Ajustement Structurel). Ce plan fut l’occasion de greffer un
paradigme, une grille de lecture et surtout un discours libéral (voire ordo-libéral) sur une
réalité qui ne s’y prête pas. La formule du FMI, résumée dans le « Consensus de Washington
» est quasiment partout la même : Privatisations, indépendance de la Banque Centrale et
perte de notre souveraineté monétaire, libéralisation du crédit, libre-échange, fin de la
compensation, austérité économique, libéralisation du taux de change,… Plus tard, des
concepts creux comme celui de la « bonne gouvernance » vinrent occulter la mise en place
d’un Etat « austéritaire » qui ne dit pas son nom, par la liquidité du politique. Un ensemble de
réformes douloureuses dont le résultat fut la mise en place d’une juxtaposition de deux
paradigmes antinomiques : un discours formellement libéral de modernisation, et une réalité
articulée autour de la rente, du clientélisme et de l’opportunisme. L’empire du profit à la
sauce marocaine a façonné une réalité où pour reprendre Michel Clouscard « tout est permis
mais rien n’est possible ».
La devise du Maroc pour cette période pourrait ainsi être : « Il faut que tout change
pour que rien ne change ».
Aujourd’hui, nous faisons face à l’éternel retour du concret. Soit nous changeons
souverainement de paradigme, soit d’autres le feront pour nous comme en 1983. Soit nous
retrouvons notre souveraineté monétaire, soit nous sacrifierons notre économie sur l’autel de
l’orthodoxie monétaire.
Par conséquent, cette proposition de réforme du cadre de notre politique monétaire et
du statut de Bank-Al-Maghrib, s’inscrit dans la perspective plus large du développement d’un
modèle économique souverain et volontariste. Cependant, la temporalité de rédaction de la
dite proposition, fait que bon nombre d’aspects méritent un plus ample développement et
pourraient faire l’objet d’un débat plus large, puisqu’il est ici question d’un objet
éminemment politique : la monnaie.

II. La triplicité de la monnaie :


Avant d’être un instrument économique, la monnaie est avant tout une institution
politique et un support de souveraineté. Elle institue un rapport d’appartenance de tous les
membres d’une communauté à un ordre politique, socio-économique et symbolique. Nous
proposons le concept de « triplicité monétaire » ou de « tri-fonctionnalité de la monnaie »
pour désigner les différents plans d’existence de la monnaie :

 Plan symbolique.
 Plan Politique.
 Plan économique.

a. La dimension symbolique :
Dans le cadre du commerce international, la monnaie porte le nom de devise, car elle
est le support des attributs de souveraineté d’un Etat. Dans sa forme fiduciaire, un billet ou
une pièce métallique indique la devise du pays. « Dieu, la Patrie, le Roi » pour le Maroc, « In
God we trust » pour les Etats-Unis, et « Liberté, Egalité, Fratérnité » à une certaine époque
pour le franc français. Elle affiche également l’effigie du dépositaire de la souveraineté (le
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Roi, le Président, …) et/ou celui de ses prédécesseurs, rappelant ainsi la continuité et la
légitimité historique de l’Etat. Elle comporte souvent un monument architectural (historique
ou non), qui renvoie au génie populaire et à la dimension édificatrice et civilisatrice de l’Etat.
Elle vient ainsi rappeler en tant qu’icône politique, que « battre monnaie » est le fait
du souverain. Cette dimension symbolique, souvent occultée par la nature de plus en plus en
dématérialisée de la monnaie, n’en demeure pas moins réelle et effective, et doit par
conséquent constituer un élément incontournable de toute réflexion sur la politique monétaire
d’un Etat.

b. La dimension socio-politique :
La monnaie est fondamentalement une institution politique portée par une « croyance
collective » formalisée par un contrat, tacitement adoubé par tous les citoyens et explicitement
garantie par l’Etat.
Autrement dit, le billet de 100 DH ne peut valoir 100 DH que parce qu’on y croit
collectivement. Il suffit pour un peuple de cesser d’y croire, et la valeur de sa monnaie fond
comme neige au soleil. Les exemples historiques sont aussi nombreux que dramatiques.
La dématérialisation de la monnaie par un double mouvement historique, celui de la
fin de l’étalon-or (démonétisation de l’or) et de la bancarisation massive (prédominance de la
monnaie scripturale), a fait que le support de la valeur monétaire a pris fondamentalement la
forme d’une croyance collective. Sa valeur n’est plus garantie par une contrepartie en or ou en
argent, mais par l’adhésion populaire et la garantie de l’Etat. Son ancrage n’est plus
métallique mais exclusivement politique.
Il en résulte que le peuple, en déléguant l’expression de sa souveraineté à ses
représentants, est donc pleinement en droit d’exiger un contrôle direct et indirect sur tous les
aspects de la souveraineté, dont la monnaie est un élément central.
Cependant, bien que le pouvoir d’achat de la monnaie soit tributaire de l’évolution des
prix (inflation, offre et demande, évolution de masse monétaire,…), toutes ses altérations
exogènes ne sont rendues possible que par l’existence au préalable d’un support politique,
autrement dit la monnaie.
Elle a une dimension sociale dans la mesure où la capacité d’un Etat à financer les
services sociaux et à soutenir le développement de la nation est conditionnée par sa capacité a
la drainer (impôts, taxes, …) et/ou à la créer.

c. La dimension économique :
L’aspect économique n’est que la forme d’expression opérationnelle et instrumentale
de la monnaie.
Elle est un instrument d’échange, un support de pouvoir d’achat, un étalon de mesure,
un instrument de validation, de hiérarchisation et d’expression des richesses créées, et une
reconnaissance de dette puisque la création monétaire dans le monde contemporain se fait
principalement par la création de crédits à travers un jeu de double écriture comptable au
niveau du bilan de la banque commercial émettrice du crédit. Cette création n’étant
naturellement pas illimité, elle est encadrée et limitée par la Banque Centrale à travers un
certain nombre de contraintes et de canaux (effet de levier, taux directeur, réserves
obligatoires, …).

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d. Se réapproprier la monnaie dans sa totalité :
Il est nécessaire de comprendre que ces trois dimensions (symbolique, socio-politique,
économique) ne s’excluent pas mais doivent coïncident, et qu’une monnaie à qui manquerait
l’une de ces trois dimensions serait nécessairement une monnaie bancale et à terme
dysfonctionnelle.
Quand la monnaie échappe au contrôle citoyen à travers ses représentants (pouvoir
législatif et exécutif), elle peut constituer un frein au développement économique et social de
la nation, au profit des marchés financiers qui en finançant la dette publique, phagocyte sa
souveraineté de l’Etat et réduisent ses marges de manœuvre. De même, quand elle est
intégralement soumise sans cadre et sans contrôle à la dimension partisane du politique, elle
peut saper les fondements politiques (perte de confiance et de légitimité de l’Etat,…) et
économiques (inflation, …) de l’Etat. Ainsi, repenser la monnaie dans sa dimension intégrale
est indispensable en vue de développer des mécanismes de financement monétaire qui, tout en
extirpant l’Etat de la mainmise et de l’influence des marchés financiers, le préserve des abus
et dérives d’une création monétaire hors contrôle.
III. Repenser le rôle de Bank-Al-Maghrib :

a. Une neutralité monétaire aux antipodes des impératifs de l’économie marocaine :


Face à la crise actuelle, la mise en place d’une politique de relance de grande
envergure ne peut être pensée sans interroger le rôle primordial que notre Banque Centrale
pourra et sera amenée à jouer, dans un contexte où les marges de manœuvre économiques de
l’Etat seront considérablement réduites.
Commençons dans un premier temps par rappeler quelles sont les principales missions
de Bank-Al-Maghrib telles que spécifiées par la loi n°40-17 portant statut de Bank-Al-
Maghrib.
Ainsi, nous pouvons lire au niveau du 2ème et 3ème alinéa de l’article 6 :

 « L’objectif principal de la Banque est de maintenir la stabilité des prix ».


 « La Banque définit l’objectif de stabilité des prix et conduit la politique
monétaire ».
Ne figurent donc dans les missions de la Banque Centrale, ni le financement du
développement économique du pays, ni le plein emploi, ni la croissance économique. Rien
que ça ! Ce paradigme est fondé sur le postulat d’une prétendue neutralité de la monnaie dont
nous avons abordé la nature infondée du fait de sa dimension intrinsèquement politique.
Cette orthodoxie monétaire est d’inspiration allemande et fut à la base de la politique
monétaire de la BCE avant la crise de 2008. Il est fondé sur une politique ordo-libérale de
rigueur monétaire et budgétaire. Or, si ce paradigme correspond à l’Allemagne en coïncidant
avec un niveau de développement technologique et économique supérieur et à une
compétitivité absolue au niveau de l’export, il est loin de correspondre aux impératifs de
l’économie marocaine qui souffre d’un retard multidimensionnel et d’une compétitivité
extrêmement faible à l’export (balance des échanges déficitaire avec quasiment tous les pays
auxquels nous sommes liés par un accord de libre-échange).
De même, il est aisément démontrable que la coordination entre la politique monétaire
menée exclusivement par Bank-Al-Maghrib, et la politique économique et financière du

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gouvernement dont il est question dans l’article 6, est conditionnée par l’objectif principal de
BAM qu’est la stabilité des prix. C’est ce que BAM qualifie avec euphémisme de « cohérence
de la politique macro-prudentielle ». Autrement dit, si la mise en place d’une politique
d’investissement public s’inscrivant dans une perspective de développement d’un secteur
industriel, ou de financement d’une politique de relance ou encore de financement de grands
projets d’infrastructure, devait se traduire par une augmentation contingente et temporaire de
l’inflation, la Banque Centrale ne pourra aucunement l’accompagner par une politique
monétaire accommodante (abaissement du taux directeur,…).
Nous pouvons également lire au début du premier alinéa de l’article 69 du même
statut :

 « La Banque ne peut se porter garante d’engagements contractés par l’Etat,


acquérir directement des titres de créance ou des Sukuk qu’il émet ou lui consentir
des concours financiers, que sous forme de facilité de caisse visée au 2ème alinéa
ci-après.

 La facilité de caisse est limitée à cinq pour cent (5%) des recettes fiscales réalisées
au cours de l’année budgétaire écoulée. »
Il en résulte que pour financer ses investissements par un creusement du déficit, et
donc par de la dette publique, l’Etat ne pourra recourir qu’aux marchés financiers nationaux et
internationaux moyennant des intérêts dont le taux est largement supérieur à celui de
l’inflation.

b. Ne pas être plus libéraux que les libéraux :


Les Etats-Unis, souvent présentés comme les parangons et les chantres du libéralisme
à tout va, possède une Banque Centrale (la FED) dont les prérogatives et les missions
dépassent de loin la simple stabilité des prix :

 La Constitution des États-Unis stipule que le Congrès a le pouvoir « de frapper de


la monnaie et d’en fixer la valeur » et l’autorité monétaire est seulement déléguée
par le Congrès à la FED.

 Elle a pour mission de cibler trois objectifs majeurs comme stipulé par le Federal
Reserve Act :
- Recherche du plein emploi
- La stabilité des prix
- Des taux d’intérêt à long terme peu élevés.
Quant à la Banque Centrale Européenne (BCE), bien que mettant l’accent sur la stabilité des
prix, elle se voit fixée pour mission comme clairement spécifié sur le site officiel2 de la BCE :

 Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux
politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la
réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur
l’Union européenne.

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https://www.ecb.europa.eu/ecb/tasks/html/index.fr.html

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 L’UE poursuit de nombreux objectifs (article 3 du traité sur l’Union européenne),
au nombre desquels figure le développement durable de l’Europe fondé sur une
croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix et une économie
sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès
social.
Il en va de même selon différentes modalités pour la Banque du Japon et la Banque
d’Angleterre. Toutes ces banques centrales n’ont pas hésiter à recourir à toutes ces
prérogatives notamment en mettant en place des politiques d’assouplissement quantitatif (QE
aux Etats-Unis, LTRO en Europe, …). Rappelons que contrairement au Maroc, la FED a la
possiblité d’acheter des bons du Trésor américains afin de soutenir les efforts du
gouvernement, comme elle n’a pas hésité à le faire durant la crise de 2008, en mettent en
place des opérations mensuelles d’achat massif de bons de Trésor US. En mars 2020, pour
faire face à la crise économique actuelle, la FED a annoncée la mise en place d’un programme
d’achat d’actifs de 700 milliards de dollars dont 500 milliards sur les bons du trésor.
Pour récapituler et revenir à notre problématique, il est utile ici de rappeler que la FED
et la BOE (la Banque d’Angleterre) ont la possibilité et le droit d’acheter directement, c'est-à-
dire sur le marché primaire, des bons du Trésor, ce qui constitue un moyen de financement
direct de l’Etat par sa Banque Centrale. Tout cela sans que ce mode de financement ne donne
lieu à une hyperinflation, argument qui revient systèmatiquement dès que nous osons affirmer
que ce financement direct est possible, et même dans certains contextes indispensables.
Quant à la BCE dont la vision est façonnée par le paradigme ordo-libéral allemand,
elle a le droit et la possibilité d’acheter des bons du Trésor des différents Etats membres de
l’UE sur le marché secondaire.
Quant à nous au Maroc, je me contenterais de citer à nouveau l’alinéa 1 de l’article 69
du statut de BAM en vous laissant libre d’apprécier la différence :

 « La Banque ne peut se porter garante d’engagements contractés par l’Etat,


acquérir directement des titres de créance ou des Sukuk qu’il émet ou lui consentir
des concours financiers, que sous forme de facilité de caisse visée au 2ème alinéa
ci-après ».
Ainsi, serions-nous plus libéraux que les libéraux ? Plus orthodoxe sur le plan monétaire que
l’orthodoxie monétaire européenne ?

IV. Proposition de réforme de notre politique monétaire :


a. Redéfinir et élargir les objectifs de notre politique monétaire :
Voyons succinctement comment il serait possible de développer de nouveaux
instruments économiques en vue de financer une politique de relance sans que cela ne se
traduise par un choc inflationniste ni par un déséquilibre des agrégats macroéconomiques.
Le moyen le plus immédiat consisterait à réapproprier la politique monétaire en la
sortant de la perspective creuse d’une monnaie prétendument neutre, pour en faire ce
qu’elle est à la base, à savoir un instrument au service du politique.

 Premièrement élargir les missions de Bank-Al-Maghrib en amendant l’article 6,


afin de définir le financement du développement économique du Maroc comme
étant un objectif principal et prioritaire. L’article en question pourrait être

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reformulé comme suit : « L’objectif de la Banque est d’apporter son soutien au
développement économique du pays, aux investissements productifs de l’Etat, et de
maintenir la stabilité des prix sur le long terme ».

 Deuxièmement, amender, voire abroger l’article 69, en le remplaçant par un autre,


qui prend en compte la proposition qui suit.

b. Création d’un « parlement économique » :


L’objectif de cette proposition est de mettre en place un mécanisme visant à éviter aux
Maroc deux dérives majeures. La première dérive on y est déjà, c’est une indépendance totale
de la Banque Centrale qui se traduit comme développé précédemment par un endettement
massif et chronique de l’Etat, aussi bien au niveau national qu’à l’international.
La deuxième dérive est relative aux abus historiquement constatés d’un recours abusif
à la création monétaire et à son instrumentalisation par une politique partisane, avec pour
conséquence une inflation galopante et hors de contrôle.
Pour ce faire, il faudra impérativement créer une interface entre l’exécutif, le législatif
et la Banque centrale. Cette interface pourra prendre la forme d’un « conseil » ou d’un
« parlement économique ».
Ce « parlement économique » aura pour mission de juger de la pertinence des besoins
de financements exprimés par le gouvernement et de leur nature productive ou non. Il
disposera pour cela d’un droit de véto en cas de refus. En cas d’adoubement, BAM se verra
dans l’obligation de prêter la dite somme à un taux indexé sur l’inflation, soit entre 1 et 2%,
évitant ainsi à l’Etat de se financer à des taux élevés auprès des marchés. Ce financement se
fera par l’achat direct de bons de Trésor émis sur le marché primaire. Quitte à s’endetter,
autant le faire de manière souveraine, avec un taux préférentiel pour financer des projets
productifs exclusivement, évacuant par la même le risque d’une inflation importante sur la
longue durée, cette dernière sera à terme résorbée l’accroissement des richesses créées grâce à
des investissements publics de nature exclusivement productive.
Cette structure pourra également proposer et valider une monétisation partielle de la
dette intérieure du Trésor, par un rachat de bons du Trésor effectué par BAM sur le marché
secondaire, avec révision des taux en vue de ramener au niveau du taux d’inflation. Cette
démarche pourra représenter un nouveau canal monétaire pour BAM dans sa gestion de la
masse monétaire, mais également un instrument d’injection monétaire dans l’économie réelle,
dans le cadre d’une politique de relance économique.

c. Composition du « parlement économique » :


Ce « parlement économique » sera tripartite et composé de 100 membres comme suit :

 Au tiers d’élus parlementaires de la chambre des représentants, au prorata du poids de


chaque parti au sein du parlement, avec une représentativité minimale garantie d’un
élu pour les plus petits partis. Ces membres seront désignés par chaque parti sur la
base de critères objectifs qui pourront être développés ultérieurement (Diplôme en
économie, expérience professionnelle acquise dans le domaine économique, …).

 Au tiers par des « chercheurs / experts » spécialisés dans le domaine du


développement économique qui pourront être désignés conjointement par le CNRST et
le ministère de l’enseignement supérieur, sur la base de critères objectifs (nombre et

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qualité des publications scientifiques dans le domaine du développement économique,
expérience auprès d’institutions internationales,…).

 Enfin au tiers par des experts de BAM.

 Les membres de cette structure auront un mandat de 6 ans, renouvelable une fois.

 Le président du « parlement économique » serra nommé par le Roi après confirmation


par un vote à la majorité du parlement.

 De même, et pour consacrer une souveraineté nationale qui, bien qu’étant une et
indivisible, pourra prendre une forme d’expression bicéphale, le Wali de BAM devra
être choisi et nommé par le Roi sur proposition du « parlement économique », et
confirmé par vote par le parlement, qui aura la possibilité de le convoquer afin
d’exiger des éclaircissements concernant la politique monétaire, et de le révoquer
d’un commun accord avec le Roi à la demande de l’une de ces deux institutions.

 Cette structure devra jouir d’une légitimité constitutionnelle, et donnant lieu par
conséquent à un amendement de la constitution.
Cette architecture exprime un mécanisme qui englobe la pluralité dimensionnelle de la
monnaie évoquée précédemment (Symbolique, politique, socio-économique) à travers ce que
nous qualifierons de « carré monétaire » :

d. Missions et prérogatives du « parlement économique » :

 Conseiller le gouvernement et le parlement sur le plan des grandes lignes et des


stratégies économiques à adopter dans le cadre d’une politique volontariste de
développement économique.

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 Juger de la pertinence des besoins de financement exprimés par l’exécutif auprès de la
Banque Centrale. Ne pourront être autorisés que les financements à finalités
productives (infrastructures, industrialisation, développement des capacités
productives des secteurs jugés stratégiques, …), s’inscrivant dans le cadre du modèle
de développement économiques adopté par la Nation. Des critères strictes et rigoureux
devront être établies par voix législatives afin d’évaluer la pertinence de la demande
de financement des politiques publiques par BAM.

 Concernant les taux directeurs, ces derniers pourront être changés à la baisse comme à
la hausse, sur proposition du Wali de BAM ou du parlement économique. Dans l’un
ou l’autre cas, cette décision devra obtenir un vote à la majorité des deux tiers au
niveau du « parlement économique ».

 Le « parlement économique » pourra si des circonstances exceptionnelles l’exigent,


voter et autoriser une restructuration et/ou une suspension temporaire du règlement du
service de la dette du Trésor, détenue par BAM.
L’Etat se dotera ainsi d’un moyen souverain, efficace, non inflationniste sur la longue
durée et moins couteux de financement, en vue de mettre en place une politique de relance et
de rattrapage économique, à travers un soutien massif au tissu productif et aux ménages :

 Augmentation des commandes publiques auprès d’entreprises privées, donnant lieu à


une création importante d’emplois.

 Lancement et financement de grands chantiers d’infrastructures (chemins de fer, ponts,


hôpitaux, …) avec une forte implication d’entreprises marocaines.

 Permettre aux entreprises et aux ménages d’accéder à un financement avantageux


auprès des banques à travers une réduction du taux directeur.

 Les banques commerciales pourront disposer de plus de liquidité en réorientant leurs


placements en bons du Trésor vers l’économie réelle à travers le crédit. De même, une
monétisation de la dette du Trésor par BAM permettra une injection des liquidités
dans le circuit bancaire, de nature à évite tout assèchement des liquidités et tout effet
d’éviction.

 Possibilités accrues pour l’Etat de mettre en place une vraie politique sociale (réforme
de l’éducation, de la santé, salaires indexés sur l’inflation, augmentation du SMIG,
…).

V. Conclusion :
Il est dans l’ordre naturel des choses que la monnaie soit au service de l’économie et non
l’inverse. Cette proposition de réforme vise en plus de répondre à l’urgence immédiate d’une
crise systémique, à re-souverainiser la monnaie en vue d’en faire un instrument au service
d’un Etat providence qu’il s’agit de construire, et d’un Etat stratège qu’il s’agit de libérer des
marchés financiers. Car le paradigme actuel fait que, étant confronté à une double pince, celle
d’une dette publique en continuelle croissance d’un coté, et une politique monétaire limité à la
stabilité des prix de l’autre, l’Etat marocain ne peut que prendre de plus en plus la forme d’un
Etat « austéritaire », en sacrifiant le social sur l’autel de la monnaie. Une monnaie qui au lieu
de soutenir et libérer l’économie, l’enferme dans le carcan d’une orthodoxie monétaire en
totale inadéquation avec la réalité objective du Maroc.

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En cherchant à ramener la « monnaie » dans le giron de la souveraineté populaire, cette
proposition entend s’inscrire dans ce qui pourrait devenir un modèle de développement
économique souverain, solidaire et ambitieux. Le passage du paradigme étroit de la
« politique économique » à celui de « l’économie politique », ne pourra se faire que par un
saut qualitatif : « la re-souverainisation de la monnaie ».
Ainsi, soit nous sauvons le Maroc de l’effondrement économique, soit nous sauvons
l’orthodoxie monétaire.

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